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B 212
Étiologie
Cette pathologie traumatique frappe avant tout des sujets
jeunes, du sexe masculin. Les enfants sont très souvent
concernés et représentent à eux seuls le quart des plaies
perforantes.
1
Agression avec pistolet à grenaille.
Circonstances de survenue
C’est surtout la peau de la face et des paupières qui est remplie
On note 5 grandes causes de traumatisme : de plomb. La radiographie de profil qui nous permettra de déter-
• les accidents de travail sont très largement impliqués, ils miner s’il y a eu pénétration dans l’œil.
pourraient être en partie prévenus puisque l’utilisation de
verres de protection n’est retrouvée que chez 6 % des
patients ; Agent traumatisant
• les accidents liés au bricolage ou à une activité domes- • Les coups par ballons ou balles (de golf par exemple) sont
tique représentent un quart des traumatismes oculaires ; responsables du quart des contusions oculaires, suivis par
• les accidents de la circulation voient leur fréquence et les coups de poing et les traumatismes par branchages.
leur gravité en régression, probablement grâce au port obli- • Si le verre (28 %) du pare-brise et d’autres objets cou-
gatoire de la ceinture de sécurité ; pants (20 %) comme les ciseaux sont des agents évidem-
• les accidents de sport se placent en seconde position dans ment responsables des plaies oculaires, la mise en cause
le cas des contusions oculaires ; mais celles-ci peuvent être d’objets mousses dans 32 % des cas explique le manque de
graves, une rupture du globe étant présente dans 10 % des prévention possible et la constitution de plaies irrégulières,
cas ; non franches, donc difficiles à suturer.
• L’agent traumatisant peut être resté à l’intérieur de l’œil : de drogues (sédatifs ou alcool) sont des éléments qui vont
dans 66 % des cas, c’est un corps étranger intraoculaire rendre le patient peu coopératif. L’examen de l’enfant n’est
(CEIO) magnétique volontiers consécutif à un accident de souvent possible que sous anesthésie générale.
travail de l’industrie métallurgique. Il devra impérative- Les deux yeux seront toujours comparés.
ment être retiré après diagnostic de sa localisation. • Examen externe (fig. 2a) :
• Agents chimiques : les traumatismes chimiques repré- – une luxation antérieure se voit dans les fracas de la face,
sentent de vraies urgences ophtalmologiques et le traite- mais aussi lors d’accident de ski (coup de bâton) ou après
ment doit commencer avant même l’examen oculaire : l’ir- forte pression du pouce sur le côté de l’œil (certains alié-
rigation continue de toute la partie antérieure de l’œil nés). La luxation en arrière est plus rare, lors de graves trau-
(cornée, conjonctive et culs-de-sac) doit être pratiquée matismes cranio-faciaux. L’avulsion du globe est la pro-
immédiatement après la projection de l’agent chimique. jection de l’œil en avant à travers des paupières souvent
Les bases sont particulièrement toxiques et entraînent une déchirées avec un arrachement du nerf optique. L’accident
dissolution des protéines permettant leur pénétration en est provoqué par un coup de corne de vache par exemple.
profondeur qui se poursuit les jours suivants. Les acides La cécité est totale et le chirurgien ne peut que compléter
vont coaguler les protéines et les lésions seront fixes immé- l’énucléation ;
diatement. L’examinateur doit contacter le centre anti-poi- – des plaies cutanées ou l’existence de corps étrangers au
son le plus proche afin de déterminer la toxicité du produit. niveau cutané sont mises en évidence ;
• Agents thermiques : les paupières représentent une – l’état des paupières est évalué : plaies, corps étranger
défense efficace pour ce type de traumatismes. Lors de brû- sous la paupière (éversion à réaliser), intégrité des voies
lures par le feu, si l’œil est atteint, il existe alors d’autres lacrymales (atteinte des points ou canaux lacrymaux).
lésions associées faciales, parfois graves. Lors de projec- • Acuité visuelle : bien que cette mesure ne soit pas tou-
tion de métal en fusion, la gravité est liée à la température jours facile à réaliser, elle reste importante d’une part, pour
de fusion (risque de perforation si métal à haut point de l’examinateur comme élément diagnostique et pronostique,
fusion comme le fer, l’acier, l’aluminium). Lors de brû- d’autre part, pour le patient qui peut apprécier la récupé-
lures électriques, l’examinateur doit déterminer la puis- ration visuelle dans le temps, ou qui réalise rapidement le
sance, l’ampérage et le voltage de la source électrique, et mauvais pronostic, lorsqu’il n’a plus de perception lumi-
le lieux d’entrée et de sortie. On retrouvera souvent les brû- neuse.
lures liées à la soudure sans protection, qui induit des • Mouvements oculaires : après avoir éliminé une plaie
lésions cornéennes superficielles, extrêmement doulou- évidente oculaire, l’examinateur peut évaluer les muscles
reuses (coup d’arc) mais bénignes. oculomoteurs. Il note la présence d’un strabisme avec ou
L’ophtalmie des neiges est provoquée par les rayons ultra- sans diplopie, spontanément, ou lors de mouvements du
violets, à la suite d’une excursion sur un glacier ou d’une globe. Ces signes orientent vers la paralysie d’un muscle,
journée de ski par beau temps, ou encore au décours d’une sa section possible ou son incarcération dans une fracture
expostion sous lampe à bronzer si les yeux n’étaient pas de l’orbite.
protégés. Les radiations solaires sont susceptibles d’occa- • Pupilles : l’examen des pupilles chez le patient trauma-
sionner d’autres dégâts graves comme au cours des éclipses tisé est extrêmement important car il peut indiquer une
de soleil. Une photocoagulation de la région rétinienne cen- pathologie intracrânienne ou des lésions responsables
trale peut en résulter avec diminution de l’acuité visuelle. d’une baisse visuelle. Leurs formes, leurs localisations et
• Traumatismes liés à des animaux : les traumatismes les leurs réactions à la lumière sont évaluées.
plus classiques sont représentés par les morsures de chiens • Examen oculaire à la lampe à fente : en dehors des gros
et les pénétrations intraoculaires de poils d’animaux en par- traumatisés ne pouvant s’asseoir, ou des patients présen-
ticulier de chenilles et de tarentules. Dans le premier cas, tant un éclatement oculaire évident avec absence de per-
la connaissance de l’animal (chien ou chat ou autres), sera ception lumineuse, l’examen à la lampe à fente est abso-
nécessaire pour identifier une maladie transmissible pos- lument indispensable, permettant ainsi le bilan exact des
sible (comme la rage...). Le risque infectieux est très élevé lésions :
et la reconstruction chirurgicale rendue difficile par les tis- – conjonctive : elle est examinée avec plus de précision
sus souvents déchiquetés. malgré un chémosis ou une hémorragie (fig. 2b) ; une plaie
Les poils de chenilles ou tarentules sont souvent de dia- conjonctivale et (ou) sclérale associée est mise en évidence.
gnostic retardé, mais n’induisent rarement plus qu’une Les petits corps étrangers sont retrouvés au niveau de la
réaction inflammatoire du segment antérieur. conjonctive bulbaire ou palpébrale : ces derniers exposent
aux traumatismes cornéens répétitifs et doivent être enle-
vés rapidement ;
Diagnostic – cornée : l’intégrité de l’épithélium est affirmée après l’ins-
tillation d’une goutte de fluorescéine et l’examen en
Diagnostic positif lumière bleue. Le signe de Seidel confirme la présence
d’une plaie perforante, un œdème cornéen peut apparaître,
1. Examen clinique diffus ou localisé (fig. 3a et 3b).
Dans le cadre de l’urgence, l’examen du patient n’est pas L’imprégnation de sang au niveau de la cornée (hémato-
toujours facile : la douleur, la peur et l’ingestion éventuelle cornée) est secondaire à un hyphéma (sang dans la chambre
Examen de la cornée
Après un traumatisme oculaire, l’examen de la cornée débute par l’ins-
tillation d’un anesthésiant de surface (collyre à base d’oxybuprocaïne).
Le patient pourra ainsi se laisser examiner plus facilement, sans dou-
leurs. La fluorescéine est un colorant très utilisé pour visualiser les
défects épithéliaux et stromaux de la cornée. En lumière bleue, l’ac-
cumulation de fluorescéine au niveau d’érosion, d’ulcération ou de
plaie est plus facile à mettre en évidence. Lors d’une plaie, après ins-
tillation d’un collyre à la fluorescéine, l’écoulement spontané, ou pro-
voqué par la pression douce du doigt sur le globe, de l’humeur aqueuse
lave le collyre sur la surface antérieure de la cornée et est visible, tou-
jours en lumière bleue. Ce signe appelé signe de Seidel affirme le
caractère perforant de la plaie.
2a
3a
2b
Contusion oculaire. Examen externe
2a : ecchymose palpébrale ;
2b : hémorragie sous-conjonctivale.
• La pression intraoculaire est évaluée au palper bidigital morragie, cette rupture devient beaucoup plus facilement
en cas d’impossibilité d’asseoir le patient devant la lampe visible avec sa couleur blanche (fig. 6c).
à fente (pour les polytraumatisés). Elle n’est bien sûr pas • Examen du nerf optique : le traumatisme du nerf optique
mesurée lors de rupture du globe avec manifeste hypoto- est fréquent lors de traumatismes orbitaires ou crâniens.
nie majeure. Sa mesure est importante lors d’hyphéma : L’examen du pôle postérieur peut mettre en évidence une
l’élévation tensionnelle peut entraîner des lésions cor- papille strictement normale, qui s’atrophie secondairement,
néennes postérieures et un retentissement sur le nerf traduction d’un traumatisme majeur intra-canaliculaire
optique. (rupture, compression par hémorragie...). Dans des cas plus
L’hypotonie traduira une ouverture du globe passée inaper- évidents, on retrouve un œdème avec la perte de la visibi-
çue parce que postérieure. lité de la circonférence papillaire, ou des hémorragies péri-
• Examen de la rétine et du vitré : lors de plaies oculaires papillaires.
ou de douleurs trop importantes, l’examen du pôle posté-
rieur est réalisé avec l’ophtalmoscopie directe. Le verre à 2. Examens paracliniques en urgence
trois miroirs est réservé aux contusions oculaires sans rup- • Radiographies et tomographies : une radiographie du
ture de la paroi et permet de dépister les lésions périphé- crâne (face, profil) est systématique si un traumatisme crâ-
riques. nien est associé. Dès qu’une plaie oculaire est suspectée,
Dans tous les cas, l’examinateur recherche : une radiographie orbitaire est indispensable afin d’élimi-
– une atteinte vitréenne : décollement vitréen postérieur, ner un corps étranger intraoculaire radio-opaque. Une
diagnostiqué parfois par la présence de pigments suspen- radiographie de face (incidence de Blondeau) et un profil
dus dans le vitré. Un corps étranger peut être également strict seront pratiqués (fig. 4a et 4b)
présent dans le vitré, facilement visible ou dans un magma • Scanner et imagerie par résonance magnétique : actuel-
déjà fibrino-hématique. Une hémorragie vitréenne est pos- lement, en cas de doute sur la présence d’un corps étran-
sible, plus ou moins importante, pouvant empêcher l’exa- ger intraoculaire, ou sur sa localisation, les tomodensito-
men rétinien ; métries sont demandées systématiquement, en urgence,
– la rétine peut être le siège d’un œdème du pôle posté- avant la chirurgie. Les corps étrangers intraoculaires métal-
rieur. Différentes formes d’hémorragies rétiniennes peu- liques de moins de 1 millimètre sont ainsi facilement repé-
vent exister, localisées, en flammèches ou en taches, par- rés (fig. 4c) ; les corps étrangers non radio-opaques ne sont
fois très étendues. L’examinateur recherche un éventuel détectés que lorsqu’ils ont une taille un peu plus large. La
corps étranger encastré dans la rétine et des déchirures ou localisation exacte peut être déterminée, ainsi que le
trous souvent secondaires à la traction vitréenne lors du nombre de corps étrangers. L’évaluation de la paroi orbi-
traumatisme. Ils peuvent être responsables de décollement taire, des tissus mous, du cône musculo-aponévrotique est
de rétine, immédiatement ou de façon retardée : approxi- rendu facile grâce à cet examen. Les atteintes du nerf
mativement 10 à 15 % des décollements de rétine sont optique peuvent être également suspectées ou diagnosti-
secondaires à un traumatisme ; quées.
– les atteintes choroïdiennes sont également fréquentes, en L’imagerie par résonance magnétique apporte une défini-
particulier la rupture de la choroïde, qui apparaît comme tion supérieure de l’image et réalise de véritables coupes
une zone linéaire plus ou moins hémorragique avec un anatomiques de l’œil et de l’orbite. Elle est utilisée pour
œdème rétinien sus-jacent ; après la résorption de l’hé- déterminer des atteintes des tissus mous et la présence et
4a 4b 4c
Diagnostic étiopathogénique
Il permet de séparer les lésions induites par une simple 5a
contusion des atteintes plus graves en rapport avec une plaie
oculaire.
6a 6b 6c
7a 8a
7b 8b
Plaie oculaire. Corps étranger intraoculaire.
7a : plaie limbique avec hernie d’iris et hyphéma ; 8a : corps étranger en verre dans l’angle irido-cornéen ;
7b : plaie cornéenne anfractueuse suturée. 8b : corps étranger métallique piqué dans la rétine.
Une cataracte très évoluée va probablement obliger le chirur-
gien à réopérer rapidement.
cependant exister avec l’enfant chez qui le traumatisme hématocornée, un hyphéma ne régressant pas avec une
sera toujours suspecté lors d’une lésion oculaire unilaté- hypertonie oculaire, un hyphéma > 10 jours, ou un
rale récente (rougeur avec larmoiement). hyphéma récidivant
– La luxation du cristallin ou subluxation n’est une urgence
chirurgicale que si elle est responsable de troubles du tonus
Principes du traitement (hypertonie surtout) ou d’œdème de cornée. La luxation
dans le vitré est souvent bien tolérée et la chirurgie peut
être retardée.
Traitement curatif
– Enfin la cataracte traumatique contusive, volontiers en
1. Lors d’une contusion oculaire rosace postérieure, est opérée plus tardivement, comme
Il n’y a pas habituellement d’indication de traitement chi- l’éventuel décollement de rétine.
rurgical immédiat.
– La pression intraoculaire doit être surveillée et un traite-
2. Lors de plaies oculaires
ment hypotonisant instauré si besoin : collyre β-bloquant Une antibiothérapie large (pipérilline + quinolone) par voie
(Timoptol, Bétoptic...), acétazolamide en comprimé (Dia- générale et la prophylaxie du tétanos sont d’emblée ins-
mox) ou mannitol 20 % en perfusion si la tension oculaire taurées (v. encadré thérapeutique).
est très élevée. – Si la plaie cornéenne est étanche (inférieure à 2 mm) sans
– Le traitement de l’hyphéma est médical sous surveillance déplacement et sans lésion sous-jacente, un pansement
hospitalière : repos strict en position semi-assise avec pan- occlusif discrètement compressif peut suffire. Une lentille
sement oculaire (binoculaire chez l’enfant pour éviter l’am- de contact a été proposée pour des plaies de 1 mm.
blyopie). Exceptionnellement, le traitement est chirurgi- – Dans tous les autres cas, la plaie cornéenne ou sclérale
cal avec lavage de la chambre antérieure si on note une doit être suturée en maîtrisant les hémorragies (électro-
Traitement préventif
Le port de lunettes de protection dans certaines activités
professionnelles, dans certains sports et lors de bricolage
est recommandé notamment chez les patients à risque : POUR EN SAVOIR PLUS
monophtalmes, forts myopes, patients ayant des antécé- Burillon C. Gain Ph. Traumatologie du segment antérieur de l’œil.
dents de chirurgie du globe oculaire. Editions techniques. Encycl Med Chir Paris. Ophtalmologie, 21, 700,
L’éviction de jouets dangereux (fléchettes) diminuera le A 10, 1993, 21p.
Frau E. Traumatologie par contusion du globe oculaire, Editions tech-
risque de traumatisme chez l’enfant. niques. Encycl Med Chir Paris. Ophtalmologie, 21, 700, A 65, 1996,
La fermeture à clef ou le rangement en hauteur des pro- 8 p.
duits à usage ménager pourrait considérablement limiter
les brûlures chimiques oculaires et parfois digestives.
Enfin, depuis l’obligation du port de ceinture de sécurité
et l’équipement des voitures de pare-brise feuilleté triplex,
le nombre de plaies par bris de pare-brise a considérable-
ment diminué. ■