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Décembre 2014-janvier 2015 © 5,90€ - LEXPRESS REGARDS SUR L/HISTOIRE LA FRANCE Pee rt 2 sposauit Pee) Cr eT CM eee a alt) Bf Arad Pao shor uy ee ry a . Pi ' Bead Ed i 03403-27-F:5.90€-AD ‘Sovslo Haut Paronaco ou SALON DU ny /, La > De MOBILITE 23/24 janvier 2015 > Cree (MIE ems (RCM UCR XJ - ae eae PROFESSIONNELLE n ) » i SOYEZ ACTEUR DE VOTREW! if ang d'infos : Salondutravaik ies j eae KN) Partenaires oficels: Partenaires médias : © Canada Jovutive PASODIE viadec! lizito oe KiOSQUE.FR L'EDITORIAL DE PHILIPPE BIDALON NX Zones grises et annces noires es quelque cinquante mois qui séparent Phumi- Jiant désastre de juin 1940 de la Libération auront semblé une érernité pour les Francais. Victimes du rationnement alimentaire et @’in appauvris- sement général, ces derniers avaient plus esprit << au ras des rutabagas », selon Pexpression de Vhistorien Jean-Pierre Azéma, qu’ trancher le dilemme auquel l'in- vasion allemande les contraignait : résister ou collaborer ? Au final, les pécheurs de Pile de Sein, qui furent parmi les premiers & rejoindre le général de Gaulle, nen ce Eclairer, femmes en places publiques, cour martiale, exécutions expé- Aitives, proces retentissants.. Pécriture de Pépilogue putif ccateur entend effacer Yencre des chroniques peu glorieuses des années noires, Cest avecle sang des héros de lutte contre Tabarbarie nazie qu’on consigne alors Vhistoire officielle Avec la téte des traitres, est la mémoire collective qui roule dans le panier du guillotineur ou tombe sous les balles des pelotons d’exéeution. Et, é’un coup, tous les Frangais, ‘ou presque, se retrouvent auréolés du statut de résistant. Uamnésie rédemptrice dure jusqu’s la sortie eee eee dna hors des passions, en ee peine1%de la population rejoignit Cette période tourmentée prétation de ses travaux, outran- un réseau de la Résistance), Encore moins de Francais s'engagerent sous les ordres de l’occu- pant. En réalité, Fimmense majorité choisit de ne pas choisir. De subir plutét que d’agir. Une apathie qu'il ne convient pas aujourd’hui de juger, mais simplement de comprendre, Et Ja tdche ne fut guére aisée, dans les décennies qui suivirent a guerre. Pour mieux oublier Occupation et son thédtre ombres, Pépuration agit comme une catharsis. Tonte de citre, fait dorénavant de la France occupée une patrie de « salauds >. Patiemment, ensuite, autres historiens et journalistes contribuent & éclairer, hors des passions, cette période tourmentée, et explorer ces zones grises qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Un devoir de mémoire auquel L’Express contribue depuis sa création, notamment A travers de grandes en- quétes dont ce numéro reproduit Pessentiel. Uexprass. 29, ede Chenudun, 75908 Pars Carex o9. 1 ‘Marsa Réaleaton couvertr iit. Drectrice pie: Valor lemon m Okecteur du ple New-Cale lars Imprimerie: oars Printing prime ce elie ropke Buble et Erie Mtten 17g sstoa mCPPAP o*cpiRCHR3p ISSN n° 00145270 m Hebdomadaite aformaton Ane als Sod snoryme GROUPE EXPRESS-ROULARTA w Sige sdlals a roc de Chitraudan 75306 Pris Cex om. m Capital sola: 4 s0040 cares mt + TOULANTA MEDIA PRINCE w Présldent- directeur général: ik De olf w Directeurs géndrnwx dldgu a publieation Cavistopbe Barbier LEDACTION sm Rédacteur en chef Pips Soon, avee Leon Nozze w Réaction Jean Die Azéma, Conan, brane Dot, Jedme Dups, Grégare Kaur, Léon Maza, Unie Once, Angel hiss, Delphine Sethe apbadl sorn w Secrdtalre de rddactlon: Mage Nena} mRéallsation:Scighnie CeplallaDeleau w eonegraphe Dominique Come WANAGEMENT m Directeur général adjolnt:2ric Marion w Edteur dig 2034 LUXPAESS Sk GHOUPE D cipal Christophe Barbier ‘Corin Fi alge Billocem Documentation: fresPuente Minion Fabrication: Mice-Critine Pleo # LE GRAND FUBLIC VExpres, Espensin, lai, Lr, StasCialie, Pate ASS ROULAWTA Tou ote Se roprodaconeécerv EXPRESS HISTOIRE | DECEMERE 2014- JERVIER 201513 LA FRANCE «ALLEMANDE» par Philippe Bidalon 12. Collaborer ou résister? 14 Que faisait la police? 19 Le gendarme qui espionnait Pétain 20 Document SNCF, les convois de la honte 24, Les patrons sous Occupation 28 Comment Vichy a anticipé fa Solution finale 30 Document Pithiviers, un crime oublié 36 Pour Pamour dun « boche » 40 Le beau nazi d’Arletty 42 Les alcéves de la collaboration 44 Le dernier bal des maudits 46 Brasillach face a ses juges 47 Un dandy chez les nazis 48 Leur Occupation favorite Papon, les Francais et Vichy 54 Bousquet: mort d'un collabo 58 Touvier: les ambiguités d'un proces 6a Paris « Crest "omniprésence de Voccupant qui prime, pas Vichy>> 65 La Gestapo francaise habite au 93, rue Lauriston 66 Bordeaux «La préfecture girondine ra pas fait son examen de conscience» 69 Les compromissions des Chartrons n avec Fabrice Virgili, historien «Une épuration rest jamais satifaisante » AIDE CEMARE 201 JANVIER 2015 ea Sie Si Pétain fut Pinitiateur dela collaboration, celle-ci prit, tout au long dePOccupation, de multiples visages. Lhistorien Jean- Pierre Azéma* explore cette nébuleuse. Des maréchalistes aux exaltés du nazisme, des intellectuels aux affairistes, des fétards du Paris bei Nacht aux cohortes vaincues sur le front de Est... PAR JEAN-PIERRE AZEMA 17/04/2008] cllabo! »,aveele Pétain jouait la carte du vainqueur Philippe Pévain, qul avait reneontré le Pure, le 24octobre940,2Montoire, choisit le terme « collaboretion >. hes rapports unanimes des préfesfaisant rat dinterrogations ise sertit oblige de préciser, dans un < Message » sur Radio nationale, le 30 octobre 1940 : << Une collaboration aété envisagée en- tne nos deux pays Pena aacepté le prin- Cie. [~] C'est dans le cadre dune ac UUvité constructive du nouvel ordre européen que entre aujourd’hui dans la voie de Ta collaboration [..]-» Au congrés du Parti populaire frangais (PPP), Jacques Dorict se faisait Part san de la collaboration militaire < (coliaborer). <@adopter un prof bas vis -vs duvain- queus, en choisissunt Ia collaboration politique, jouait la carte du vainqueur probable et surtout ménageait sa neu- ttalicé bienveillante pour mettre en ‘ceuvre a « Révolution nationale ». Uhistorien franco américain Stanley Hoffimann, dis les années 1970, pro- posait de distinguer ceux qu, & Vieby, régime autortaire,choisscient la «col- laboration Star» entre le Reich et le jpouvernement francais et les « colla- Dorationnistes >, partisans d'une ep- proche fescisante et delacollaboration {tous arimuts, qui n'excluat pas la €o- bellgérance avec Vennemi dcr. Mais il soulignaic que les parois des hot de Viehy éaient poreuses et que pow- vaient se tsser,malgré la ligne de dé rmarcation, des solidarités entre ultras. ‘Cerin des fururs collaboration nistes tentdrent dabord leur chance Vichy. Bt pus, au bout de quelques ‘mois, on se retrouva i Paris, La mé- moire collective a gardé image de ces Kollabos tenant le haut du pave pari- sion :un mélange d’aventuriers, de KiOSQUE.FR Jeunes lous cass de mina, mar- finelisés per un Fron: populair quis exéeraient. Pour les privlégiés, Paris fat une féte continue, Ge n'était pas Je Pars bei Nacht des feldwebels dela ‘Wehrmacht en quéte de petites femmes ‘Ula vertu aléaoire, mais plutbe celal des repas fins & Bagatelle, 4 'Aiglon, Ala Tour o’Argent (avee ses menus bilingues des 040), elu des pelouses «Auteuil rowers 3 automne 1940. Celi qui célébraile centensire dela ction de rita et lode, feat un jeune prodige, Herbert von Karajan, soiaitesbons mots de Sacha Guitry, écoutait a FOrangerie Amo Breker présenter ses Herede Rien avoir avec Ia sentencieuse cure maréchaliste des bords de VAllie. 5000 Frangais volontaires ‘sous uniforme allemand Les débuts politiques du collabora ‘onnisme —regroupant quelques fas- cistes, nombre de nationalistes dex- tréme droite ct de In droite extréme (des ci-devant républicains décidés & Dasculer), et quelgues hommes de gauche ~forent discrets. Pour l'ocea- pant, Vichy ete Maréchal comptaient plus que quelques exaltés. D'alleurs ‘ceux- du nazisme, pensa favoriser une gauche qui concrerat Ie nationalisme revanchard Il tenta sa chance brigve- ment avec le POF clandestin, pus dé marcha des responsables ex commu: nists, tbs vite victimes @attentats. Si quelquesanciens membres dela eee ORE |DECEMERE 2014 JANVIER 201519 KiOSQUE.FR LAFRANCE «ALLEMANDE » eve SPIO ct de la CGT offraient Pavantage d'8ere anticommunistes &t ultrapacifistes, et se prév@rent au mi- rage un nazisme socialise, la écolte de ceJardinage & gauche resta malgre, ‘Au« diner de la trahison » + ministres, banquiers, industrials autre singularite fat Pengagement ancions de Action franeaise, alors que Maurras ait foncirement du 26 septembre 1939 Interdisent la propagande communist, autre pour « défaut die » meine fraction aux ordonnances allemandes concemant lsu Apres leur interne- ment dans ces campset prisons fangais, Jes deux femmes seront déportées de Drancy vets Auschwitz, ot eles seront savkes ds leur arivée Lourde responsabilité que celle de Tinspecteur spécial Joseph Curiner, qu, danse cadre de la B81, participeraades dizaines d'autres arestations. Dés le 26 octobre 1944 passe devant a com- mission d'épuration. Ml risque gro, comme tous les meres des dew tas spécales dela Prefecture de po- lice. Patan plus que le président de acommission’purationesthi-méme passé entrelesmainsde ceshommes qui ne dédaignaient pas evoir recours la violence. Or Joseph Curinier est le seul ddecespolciersa recone ai fraps, mais affime tl devant les qui au sein des BS, ren seignent la Résistance... Car Joseph Curinier appartient a la Résistance, précisément au Service du renscigne ‘ment (SR) du Mouvement de libéra tion nationale (MLN). t est sur Pin- sistance de ses chefs qu'l est rosté son poste, oi il peut rendre d'im. menses services. Aprés que la justice a classé son affair & Fautomne 1945, (Curinler obtiendradifiilement saré Jnnégration, en Julllec 1946. mmacri- cculé A Londres comme agent P 2, mé&- aillé de Ia Résistance, il est un des rares policiers des BS dans ce cas. Plier 26 au service delaloi~ celle doVieny et celle de Voceupant ~ dans une arrestation dont il pouvait, en soft 1942, e pas soupyonner les consé- ‘quences tragiques? Ou résistant exem- plaire < dont l'activicé dangereuse et Sans gloive» auait, au témolgnage du commandant « Pages », responsable du SR du MLN, fait de iui « Pun des fonetionnaires dels Préfecuure de po- Tice ayantrendi le plusde services ila Résistance »? Les deux, probablement. ‘Cequimontreles conséquences cons érabies deaitude ds policiersfran- sais: de leur passivité ou de leur zéle dépendit le destin de milirs de gens. CCertins cs, en revanche, ne lalssent ‘pas place au doute. Des policiers, sti- ‘mulés par leurs chefs, aveuglés par la discipline ou la passion, ou guidés par ambition, accomplirent leur «salebe sogne »usqu’aux derniers jours précé- dantla Libération, fasant preove dune cffieacité redoutable principalement ‘contre les communistes ets ju. Ains,labrigade Sadovs éuncm d'un inspocteurprinefpal des renseignements sgénéraux de la PP gui diriges~ fat sin- sir poor ne pace de rensejgnement — lun groupe de voie publique chargé de - pour découvrir des {juifsen infraction avec les lois et or- ddonnances antisémites. Conn de ses collégues comme «un mangeurdejuif», ‘Sadovsd organise des survellances &t multiple les opérationsa preximité des gues, dans les liewx publics. Avec ‘quelques dizaines inspecteuts, son ser- vice ext responsable de miliers d'arres- tations, dot les victimes ne sont prt ‘quement jamais revenves de déporation. Les « accords > Bousquet-Oberg. Les archives montrent ce que pouvait rze le zAle de cas hornmes. Ain Phis- ‘wire deces deux jeunes les dex soeurs Dec point de vue les dossiers deep ration meter mnaluneidée regue:celle selon laquelle la police auritéré épar- gnée par cette purge. Bien au contrite, ‘emargue Jean Mare Bevirepuration dansla policea été massive un policier parisien sur cing est passé «a ’épura- ‘ion », au premier érage du 9, boulevard ddu Palais. La moité dentre eux seront sanctionnés. En ce qui concerne la Si- ret8 nationale es chistes sont encore plusimpressionnants,puisqu'unpolicier sureingaéé sanctionné. Une épuration (quia touch toutes catégories ducom- _missaie au policer rewaité. Reste que, malgrésonampleus cette chasse auxpo liciersimpliqués ars acolaboration a évidemment 6 que partielle et parfols paral, Un déséqullbre dan parew- Tier &Pactvisme du PC, qui pourchassa sang rléche les torionnairs ct es res- ponsablesdaresttons ce mtanscom- ‘munistes. Les survivants juifs dela d- portetionont, pourdesraisonsévidentes, amis pus de temps &réclamer justice, et Jeu persScuceus ont dans Pensemble moins été chats. Finalement, ces archives révélent quelques vériésgPnantes dant Pune est ‘méconnue,sinon oceultée:a ripression antiuive et antiésistants na pas 66 1e seul fait de brebis galeuses, notamment des brigades spéciales, maistous les ser- vices de police yont peu ou prow pert- cipé. Ht, au sein des services tradition nls, Je ze de certains fonctionnaires « Cette appréciation, qui pourrait la rigueur #appliquer & Pannée 1944, ne semble, en effet, guére adaptée aux années antérieures “Le déir du gouvernement frangals ec eelul des autortésallemandes occupation paraissent étre d'aceélérer, par tous les moyens, la remiseen marche de économie frangaise», note, ds e2uillet 1940, te directeur général de 1a SNCF. Les intéréts sont convergents le rétablissement de économie francaise passe par celui de ses transports, et les nazis ont besoin des chemins de fer pour ‘Yavancée vers 'Zspagne et Afrique du Nord qu'ls envisogent alors. Le Reich libére les cheminots prisonniers de guerre et fa- vorise Papprovisionnement en charban de la SNCF, dont le direc- ‘our note avec satisfaction que la Wehrmacht a «le trés ferme désir et lui fournita liste des agents révoqués, En novembre 1941 le bilan séxablit3 1290 agents suspen- dus, internés, révoqués ou licenciés pour raisons politiques (dont {4g seront interés ou inenrcérés par les autoritésfrangnises et 70 par lesautortésallemandes). Les dénonciations de la SNCF oncune tlle efficacité que le directeur général Robert Le Besnerals redoute alors que les préfets en soient « conduits a penser quily ades eom- ‘munistes surtout chez les cheminots». La conquéve dimmensesteritores surle front Hst décuple les be- soins dela Reichsbahn, tant en personnel qu’en matériel notamment pour faire face h une pémurie de charbon provoquée par le manque de convois dacheminement, En juin 1942, Albert Speer vient en per- sonne Paris pour rélamer& Pierre Laval 1100 locomotives, 37500 wa- {gons et 500 kilometres de vies. La direction de le SNCP, qui se force toujours de limiter et de ralencir ces prélbvements, qui rendent activité de Pentreprise de plus en plus difficle, est absorbée parle <éfi que li impose la situation: assurer plus de trafic avec de moins cen moins de matériel et de personnel. Elle y arrive, grice a des gains de productvité énormes: malgré une réduccion de plus de 40 % du nombre de vrigons, le trafic augmente. Devant Passemblée générale de ses actionnaires, le conseil d'administration de la SNCF n’est pas peu fier dubilan de Pexercice 1942: , ces convoissoient dénommés « transports [APT » (« Iseadlites Allemands, Polonais, Tchéco- slovaques »). Le personne et le matérel de locomotion sont fran- ‘ais jusqu’a Novéanr, point frontire en Moselle, ot seffecuelechan- gement de Péquipe de traction. Les convois, prévus pour +000 personnes, sont eonstitués de 20 « wagons couverts» wagons ’bestaux), solt so personnes par wagon, et trols voitures de voya- {geurs pour escort. La SNCF doit éliminer tous les véhicules pré- Sentantune anorsalie (planches disjointes), maisI'aménagement des ‘wagons releve de la Police et du Ravitaillement, qui fournissent la «paille couchage », les «vivres de voyage » ~ « La premie partie cu voyage devant cer de ving quatre &trente-six heures et ne po ‘vant, pour des motifs ordre publi, étre interrompue pour la dis tribution de repas chauds il estindispensable que chaque intéressé soit muni avant son départ de vives de réserve »~et les «brocs et cau hygiéniques », qui devront étre « descendus du train et entre- posts en gare bla deeniére statlon avant la ligne de démareation». Ta SNCF, qui est tenue d’assurer Ia fermeture et le plombage es portes, doit eller, toujours par souci de dserétion ce que les ‘wagons solent assemblés «hors de gare » le départ des trains devent avoir lieu « le matin entre 6 ct 7 heures». Il était, par exemple, no- tifié a SNCF qu, pour les nom- breuxtrains en partance des camps du Sud-Est et 2 destination de Drancy, en aoit 1992, « la soudure des comoisa Toulouse et Avignon. devat éreeffectuée en dehors de ‘es gates » et «le passage en gare de Marseille devait dre évté » Deméme a SNGP doit faire ciruler les convois de déportés a ive allure et « diminuer sensiblement le vitesse des trains seulement pendant la nuit ou 8 approche de l frontier » ‘organisation de ces « transports IAP » donne iew & toute une correspondance de plaintes réciprogues entre les préfeetures et Ia SNCF. La préfectre de Bordeaux, par exemple, proveste parce que Ia SNCF luia iv, pour son escort de gendarmes, « des wagons en _mauvais état, avec des places cassées, pas de ehnuffage nde lumigre, pas d'eau, rendant ces Yoitures inhabiables pour Pescorte eta sur- ‘eillance impossible, faute de lumidre ». De son cbt la SNCF évoque les « inconvénients trés sérieux > du retard au départ du « train spécial IAPT du 24 soit» :< Non seulement poure train iui méme, ‘quiescainsi complécement désheuré, mais ausl pour tous les autres trains eommerciaux, dont la marche se trouve ans affect. Ten ré= sulte une gine et des suétions fcheuses pour notre service », pet cise lereprésentant de Ia SNCF & Viehy, qui demande au directeur dela Police que, «&Paven les services chargés de Vorganisation des ‘convoisfassent toute diligence pour respecte les dispositions pré= ‘yes au programme et que les changements ae fassent& temps pour Gxiter que ces fits regrettables se renouvellent». Ces « transports spéciaux » donneront lieu éablissement de facturesadressées aux préfectures, Par inerte bureaueratique,certaines seront méme en- ‘voyées par les services comptables de la SNCF au ministre de Lérieur aprés la Libération i voquantle re etattiude des cheminors de bse, Cristian Be chelier rappelle quelques vérités parfois oubliées pour apprécier les possiiliesrélles dintervention. Ces « conveis spéciaux », dont escort éait formée de gendarmes frangas, fisient aussi objet d'une survellanceallemande érriteet souvent violence. Malgré ces dilficlté, nombreuses fuent ls teottives pour apporter eau cet nouriture aux déportés lors des interminables arts ou pour re ‘cueillir et affranchir les messages qu'ils lancaient des wagons. Des cheminots déissient les éerous des boulons de fixation des plan- chers de wagons A bestisux, ou y cachaient parfois des outils, Les conducteursralenisaient les convo's dans des zones propres aux évasions, Les cas d’évasion font objet de plaintes des responsables des escortesallemandes des convois. Ces petits estes, parfois Gér- sore, parois décinf, étaient rs aque et de nombreux chem nots furent fusilés pour avoir enireint les consignes. En 2943 les transports allemands pésent encore plus lourd sur un réseau de plus en plus désorganis :en septembre, par exemple, Al subit 6o bombardements, igo mitrallages ec 30 attentats (Pour a0, 401 0 en septembre 1942), Les exigencesallemandes augmen- tentaufiret mesure que crossent les dificult militares du Reich << Aut" septembre 933, relévetinsi Christian Bachelle,e matériel ‘moteur et roulan: de la SNCF est de 1.300 locomouves(is927 evant serra), 210000 wagons (44000 avant guere) et 17700 voitures (@7s00 avant gue). La rvetion des wagons par rapport A avant- suerre et de 52% cule des locomotives lourdes & marchandises de 40% Dans le méme temps letra totensife: 38 miliards de voya- geurekilométres, dant 27 cn voyageurscommerciaux (sien 1938); [e parcours moyen des wagons cugmente de prés de 30 Se e poids moyen de 35% Le pourcentage du tae assuré pourlesautoritsal lemandes est de 3. % en juller 1p,» Cette ange 1993, marque LASNCFinstauredes Utratiesspéezux oseion tec physionomie des voyaneurs 0 c,le14 ma 1941, aParsAusterltz ces Francais Juts patent pour Pithvers perl défi nce ating, faire «neal cersne de Pesprit de collaboration » che les fontionnares de Ia SNCF, doncledvore avec es autorités ferrovisres.alle- mmandes« paraftconsommé fn Septembre 933» Chis an Bac, qulconsateqie, ‘Apart de cet date, les a= chives sont de pus en plus l- cuiress Lesaresutionsde codes tants omen cet époque. La repression, culsintenefe engages tenure de 'feacte de cette ‘sistance interne, qu afole tes allemands tes pousse fue vend Rech des ales de leurs cheminots, Les saboeges des voles, jusqalorsslaroies, assent en effec laplace des sbotagesprofessonnels: sable dans les bolts esi, soupures des accouploments de fens, pannes des mo- toes en stele, ex 9 cerns fren fils ex 1200 mou renten dlporation. Cinrstian Bacher conier un développement a épurton de Ja SNCF qui constitue un bon exemple des dilemmes de le Libéra- tin, Lemanstre des Communteadons De Gal Rend Mayer distant et ancen chemioot, vent degre: les chemins defer da ‘Maroe,Iestime ql fat fapper pu et rapertent pour ne pas ruled a bonne reconstcon du service, tale 4 Pépoqu. Lepr sidentFoarier este ans en post ands que le directeur général Le Beanerasest pur ins que seulement trois drecteurscenraux ec roi directeur péndra.« uta, conclu Piston, lepure tion dela SNCF est proporionnellemen une des plus fable, cou aed celles praiquées dans es autres administrations.» Cettemo- Graton semble ass gesplquer pr abstention acique Part communi, ql prfere sor selon Chika Bache consoller consiablement son pouvelran sein de ce leu stratégique que constitu administration dela SNE. ‘Dans un document interne, la présidence de la SNCF précisait, en fier 1993 quelle eat command ou CNRS rappor ocentiguc La SNCF sous POccupation ellemande, 940-944 pace quelle soo Tata < tre en mene dene pas xguver in det qi dean. derait de rendre compte de son passé ». Ces dernitres semaines, [en '999] depres de pores on pot paint cote a SNC poor ‘crimes cootre Phumanté». Grice &leur ela précision de ‘none aval hstodque de Christian Bacher, soc naconale se trouve dlsonmaisen menire de ne pas esiver dat. EXPRESS HISTOIRE 10 CCEMRE 2004 — JANVIER 015128 Kiosau En exclusivité pour Express, Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera évoquent les questions les plus brilantes soulevées par leur ouvrage’. PAR ERIC CONAN [12/10/1995] Les patrons sous Occupation "est une grosse lacune que comble le livre de Renaud de Rochebrane ec Jean-Claude Hazera consacré ux Patrons 208 Occupation. Bien que Vintéré sourena Pour cert période soit progressivement passé dela France de Vicly la France sous Vichy, le monde des entreprises 8 Gxénégligé Bt plupare des brochures oficellespublides par les grandes frmes frangaises mettent souvent entre pa renthises la période 1939-1045. La rts moderne notion de PDG est pourtant tune création du régime de Pétain. Bt les patrons furent des acteurs essen- tielsdeYOccupation: a quelques mois de la Libération, plus de la moitié de la production francaise partait encore A destination du Reies, ‘Limuérét de ce livre doi beaucoup & la personnalité et ila démarche des tzutears. Ce sont des jouralistes 6co- ‘nomiques confirmeés, qui ot choisi de passer de longues années dans les ar chives publiques, qu’ls ont trouvées ~malgré les « rumeurs affirmant le contraire » -< riches et, au bout du compte, plus exploitables et moins fermées qu’on ne le eroit souvent » 2AIDECEMERE 2014 JANVIER 2015 Tressort de cette enguéte que la pax parcdes patrons semblen avoir agi, sos POceupation, selon une « logigue de gestion », obéissant& « ce besoin de perséuérer dans un comportement qui fe veut avant tout efficace -on dirait aujourdhui “professionnel” ». Les enthousiastes de la collaboration ne furent pas absents, tout comme les vércabesrésistans, als ils obeissalent alors le plus souvent, des motivations indépendantes de leurs responsabilité professionnclles, Tous les autres singéniaient& rester des chefs en- teprise « réalistes » : patrons avant tre ciroyens, ct veillan: ne pas mé- angers deux identiés. C'estaunom de ce réalisme économique que beau coup entre euxont intégré I< Europe Gost Hiller etLouis Rerault, Leconstructeur automobile meurt A octobre 194, cdemaais ternentsen prison, sans avoir été ge allemande » comme nouvel horizon in- Adustie ct commercial. terme decct ‘ouvrage nuancé et précis qui fourmaille de portraits, de récits et anecdores, ‘on retiendra que pendant ces années noires «le parcours du eitoyen-parron n'apas rosé, sinoa indirectement, son trajet professionnel » Combien ont résisté? «Jen's vaaveun de vous, messieurs,& Londres, aurait it le général de Galle ‘une délégation de chefs @tentreprise uil recevat peu aprés la Libération, Des chefs d'entreprise rejoignant la Résistance, ily en eut, ependant, ct quelques sondages permettent de die que les patrons de l'industrie et du ‘commerce ne furent ni plus ni moins KIOSQUE.FA nombreux que autres faire ce choix, Des famille élbbres industrials fran- ‘ais,notammentles Michelin ules Peu- ‘geot, ont partcipé Ia guerre de om Dre et en ont payé le prix jusque dans Jeur chair, de méme que des responsa- bles denteprise connus, comme Max Heilbronn, administrateur des Galeries Lafayeete et spécaiste du saborage des voles ferrées, ou Robert de Vogt, dit sgeantde Moétet Chandon et animate un réseaude résistance, tous deux ar- bits &t déportés dans des camps alle- mands, Le Conseil national du patro- nat frances a été présidé aprés guerre pendant deux décennies par Georges Villiers & qui ses activités antialle ‘andes valurent un séjour a Dachau, Bt certains nen sont pas revenus Peut-on affimer pour aurant que les ‘entreprises résistantes arent nom- breuses? Ceres lorsque les camions et les garde-meubles de Ia petite affaire lyoanaise Le Déménagement moderne servent de couverture aux activités de ‘Tun des fondaceursde Franc Tireur,on peut dire que les comportements des hommes et de leurs sociétés deviennent Indisociablen Malsde tls cassemblent peuftéguents ATinvese, quand Jaoques Foccart dros incontestable de la RE sistance et furarhomme de Tombrede 1a V République, livrait en 1943 des ‘tonnes de bois organisation Todt, la dichotomic entre Ie citoyen et le pro- fessionnc devin plus mete, Rarisimes sont es grandes entreprises qu,comme Hispano-Suiza, ont sacrfié leurs int 16t5,voire risqué leur existence, en re fusanzde produlre pour les Allemands, Dialleurs, le plus souvent, lorsque des société faiseent obstacle & occupant, c’érait souvent aussi une manire de réserver leurs interés 3 long terme, ‘Onne peut guére interpreter autrement la résistance économique déterminée de Michelin ou de Saint-Gobain, qui font jamais vouln céder leurs filiales ‘enllemagoe. Méme un homme comme Jules Mény, quia payé desa vie son at titude hostile &'égard des Allemands, ‘a maintenu la Frangaise des pétroles (aujourd’nui Total) dans une sorte de aneutralté technique & V'égard de Voc: ccupant et de loyauté minimale envers T’Stat francais, incarné par Vichy. En matibre de Résistance comme deeolla- Doration la « logique de gestion » ex- plique bien des attitudes paradonales.. Combien ont été épurés? Unclché ala vie dre :lespatronsfran- ‘aiscursientbeauooup colaboré touren ayant lergement éehappé& Pépuraton Viormis Louis Renault, mort le 2g octo- ‘bre avan tout jagement, peut éere ‘alasuie de mauvals tratements.enpri- son, aucun nom Girdstrel fxérement senctionnéneviertaPesprt. Alorsquion fa aucun mal a évoquer hommes pol ‘gues, crvans ourafiquantscondam- inésa mort ou de loades peines. Certaines aires ont renforoé cette ‘impression tel lecasspectaculaie, mais loin etre unique, de Pierre Brice, pa- tron de fentreprise de travaux publics EXPRESS HISTOIRE! Sainrapt & Brice, qui n'a pas passé un sealjouren prison. Son personne es ‘machines avient pourtat bamoouptra- ‘ail pour es lemands eas putt ba nal dans cete profession: 297% des dos- siers examinés par la Commission nationale interprofessionnelle d'épura tdomeaneemerantce seceu que pou vaitguérecacher saeontrbutionaux tea vauxdumor deV'Atlantique! Mais, ce qui est dt plus exceptional, Pere Brice anit passé des accords dasoxiation avec des entreprises allemandes et envoy 450 employés francais en Allemagne. Combe ducombe,cetingénieursait donné beauerup ce mal pour déposeren Allemagne son brevet le plus précews Rien détonnantsile nonlieu quil ob- tint en gq8 devant lacour de justice de ln Seine a suscité un scandale, provo- quant undébarhoulews Assemblée et ue demande de motation (esimilable ane démission) de Raymond Lindon, leprocureur chargé des grands dossiers économiques. faite destin de Brice comme ce- lui de nombre de ses eolldguesfurent tuésinflueneés, dans un. sens ou dans autre, par es rapports quis entrete- naient avec lear personne! et, au-dla, avec la CGT. Pour mesure le pouvoit de cette organisation, il faut savoir ue est le syndicat CGT des travaux po bles qui négoete directement, pendant Péeé 1945, avec les ministres de la Re- construction (Rap Dautry) et des Tea ‘vaux publics (René Mayer), le nouvel onganigramme de Sanrap: 8 Brice, ont Jepatron sest vu suspend pa a Com- aission nationale interprofessionnelle <épuration.inversement le sort risers Louis Renault, Marius Brlec et deux de ses fils (emprisonnés aprés une condamnetion & cing ans de travaux forcés) ou tel ou tl érblisserent ré- aquisitionn€ (comme Lafarge, dans’Ar- Ache, ou les Aciries du Nord ges a ‘groupe de Wendel, Marseile) est une conséquence directe de Papreté de la «ute des classes» dans leurs ati, ‘Lemanager sans douteleplus urement sanctionné ala Libération, Jacques Le- gen, ciecteur général de Cbone-Loe- rine, poicra dune condamation dix ans de travaux foreés som incapacté 8 éeviter en 94g grbve de son person nclet satragique répresion par @e@ MRE 2014 -JANVIER 2015125 Kiosau LA FRANCE «ALLEMANDE» eve Poccupant:neufourersdelen tueptise seront déportésjcing nea re- ‘wendront pas Tandis que Brice fut dé- fencu pa son propre persona, inquict pour son emploi, contre le syndicat de Inbranche. De méme, Henri Ardant, le patron de la Société générale, dont le dossier était chargé, puisqul ft prin cipal animateur dune profession tres active sous Occupation, devra sans doure son non leu (eprés un an de pr son) 2 ses excelente relations avec les syndieats et & som action couregeuse ct efficace pour épargne au personnel des ‘banquesie Service dutravail obligatoire en Allemagne. La plupart des instruc- tions ont danc été cuvertes la suite de plaintes de certains syndicats, mais les patons paradaxalement, n'ont pas tou joursen pit desinterventonsde eur personnel lors de Pépuration, Siles décsions de lasement furent nombrevses, i ne fut pas crite pour autane que es dirigeants ent véeu pa siblemenc apse déjar des Alemanes, Beaucoup ont conn des éprewves pew banales pour éeshommes de eur rang, Alafin deP x 1944 éeaent des cen taines hatte dans unecelulequon veullebionwérfirlesdires de leursdé- nonciateurs Beaucoup y étaient encore en octobre 1945 quatorze moisaprés a libration de Paris. Quand on compulse d’innomibrables dossiers d'épuration, on finit méme per déceler Vexistence <@uncuriewx« club patronal de Fresnes » quiexplique certainesnominations sar- prenantes @apris guerre. On dScouvee ins que, siRené Bousquet, ancien se- crétaire général la police de Vichy, a fait une carrie & la Banque de indo chine aprés son quasi aoquitement de 1999, Cest parce quil aait sympathise enprison avec Paul Baudouin, ancien président de cot établissement. Si Georges Albertini, ancien seerétaire jénéral du tres collaborationniste Ras semblement national populate de tar- cel Déat, a retrouve un emploi et des subsides la banque Worms, cest éga- Joment pour avoir fut Ia connaissance dans un pays oit VrEtar a, sous POccupation, encourage les liaisons outre Rhin, ls autontés MERE 2014 JANVIER 2015 LEXPRESS HISTOIRE Foon honreur des cingeants delamaison Mott, tous dgports, aleurretour apemayen 1946. |, Robert ce Vogue, valronde Moet &Chendon etanmatexr unréseau de résistaee. responsables de 'épuration sont enef- fet tiraillées entre le désr de puntion tla nécessité de reeonstrire. Cet im- pératifexsplique que les gouvernernents de la Libération aient choist de faire ppoursuivre parfois des hommes, mais Jamals des entreprises, Et de ménager les hommes quand leurs entreprises étaient en danger Il fallait avant tout que celles ci continuent& tourer. Le pragmatisme ‘du patronat En comparant les comportements de centaines de patrons pendant 'Oceu- pation, on finit par détecter une dif- férence sensible entre les petites en- tweprises familiales et les grandes sociétés managériales. Les premigres évitent franchement la collaboration (0u,P averse, sont Paffdt desbonnes affaizes quelle permet. Les secandes ‘ont un comportement plus insaisis- sable, moins typé. Ce nvest sans doute pas Veffet du hasard. es industrcls de Paluminiom, no- tamment Alas, Froges et Camargue, Pancétre de Pechiney, ont fourni aux Allemands la plus grande partie une production vitale pour Pseronautique nazie, Mais ils ont toujours pis soin tre oficiellement couverts par lad ‘ministration de Vichy lors de cheque livraison. Méme chose quand es chan ers navals du Tral, appartenant au groupe Worms, achévent, pour la ‘Kriegsmarine, des sous marins mis en cchantier pour le compte de Ta marine frangaise. Toutes ces entreprises per- Jemandes. Bt son fils, Jean, dirige un ‘temps Office central de épantcon des produits industrels, qui planifi a dis- tmibution des matiéres premigres sous autortédee Allemands. Un postecom- promettant. Mais on découvrira op- pporrunément, aprés guerre, que Jean Delorme renacignaitles services secrets ali =I seraeffecivement décoré -et fasait donc un successeurtrbs conve- nabledson pere. Cequis'vérera d'une grande uulté quand sagira decontrer Trmenacede nationalisation dugroupe, peu aprés la Libération. Lachasse a Pacinfluence juive » ‘elimination de Fnfluencejuive dans économie frangaise>- que réclamele premier article une Jo promalgnée par le cabinet Darian en juillet 94: ~ 0 été menée implacablement par Vichy, abord pourle compte des Allemands, pis pour I sien. Lx aryanisation 6eo- romique » consistat& purer « ethai- quement » non seulement le capital, ‘ais aussi le personnal (es drigeants, sini que les empoyés ) des affaires «juives»ousup- poséeseceler une « infence juve» es patrons juifs qui n’ont ps été cexpropriésle doivent parfbis8 des ope rations @aryanisation simulée, male plus soovent aPinefficacité de Padmi- nistration dans Ia seconde moitié de Occupation: sur les 42639 dossiers ouverts, 18000 seulement étaient traltés a Tété 144. Mals la « solution finale » en matiére d'économie -ex- pression #&téemployée parle respon- sable allemand de Paryanisation, le DrBlanke —n"¢tait plus alors qu'une question de temps. Pourquoi le gou- vyerncment frangais ct son adminis- tration se sont ils comportés ainsi? A enjuger par de multiples indices révé- lateurs, est le plus sowvent moins par antisémitisme militant que pour ne pas abundonner aux Allemands une par- celledurestede souveraineté quilsg&- raient. Latitude d'un homme comme Paul Baudouin, patron dela Banque de Mndochine et ministre des Affaires <éerangires de Vichy au début du régime, est assez représentative. Dun cbc [imagine a fausse aryanisation qul per- rmettraa la Gotte Louis-Dreylusd'échap- per aux Allemands. De Pautre, i signe ‘ous les textes anijulfs de son minis- tere. Imprégnés dan « antisémitisme ‘mondain », beaucoup de patrons se sont rendu compte que le persécutions 2 égard de leurs collegues juifs pour- rajent bien les arranger. Des banquiers vverzont d'un bon cr la fermeture de ‘quelques éablissemencs jul Lorsquion stinterroge en haut liew sur un montage permettant d'aryani ser les Chaussures André — leader en Europe - sans que les Allemands, 3 Taff, en emparent, es autres fabri ‘eants font savoir quils seraient tout Aisposés i se partager lentreprise... ans chaque secteur, des comités organisation dirig6s par des in- dustriels répartissaient les matidres LE TECHNICIEN premiéresraréiées, Le responsable du comité des plleteries et fourrures écrit sinsi au ministre de la Production in- dustrielle que la liquidation générale des affaires juives serait a bienvene, car elle permettrait de vendre leurs stocks aux enchéres: « Cette solution seralt accueillefavorablement par la corporation la ville de la saison Shi- ver.» La « régulation de la concur renee » par Varyanisation atteint un sommet dans le secteur de Fameuble- ‘ment, oit le responsable du service de igécance des maisons erates du Grow ppement national de "ameublement de mande qu’on prenne des mesures contre Ia maison Lévitan ct les Gale- ries Barbés, Le Commissariat général ‘aux questions juives rédigera méme un « apport scientifique » ot il whe sitera pus, en sappuyant sur le eas des Galeries Barbés avant et aprés leur aryanisetion, a comparer longuement le « gestion juive » et Ia « gestion aryenne», pour conclure 8écrasante supériarité de la seconde... Plusicurs dizaines de milliers de comptables - et autres personnages souvent encore moins cualifés pour dirigor des entreprises - vivront pen- dant ces années Ia de leurs fonctions d'administrateur ou de commissaire- _gérant de biens juifs. Un nombre Equi- ‘valent de postulants la reprise des sméces biens- parm lesque's de grands roms dis monde de Pindustrie et i commeree - tenteront do profiter des meilleutes occasions, parfois aprés de vértablesbataille entre candidat (On trouve ccpendant quelques beau cexemples de solidarité. Ainsi, malgré des convoitises non dissimulées de concurrent, ls Tssus Bouchararéus- siront 8 échapper au démantélement, ‘grice & une fausse aryanisation mon. tée par un groupe de soyeux lyonnais dirigé par Jean Bartioz. Le bilan exact de cet ancisémitisme économique ne sera pas tabi :Ta par- ticipation aux opéretions @aryanisation des entreprises ne sera que rarement voquée lors des procts dépuration. * Las Patrons sus (Occupation par Reraud de Rechatrune ot nar-Cauce Hazara Ose Jacob (2013), 878 p_ 3490 € EXPRESS HISTOIRE | DECEMSRE 2014-IANVIER 2015127 Kiosau Comment vel e a anticipe _ Le gouvernement de Vichy anon seulement collaboré, en devangant les ordres nazis, mais il manifesta un zéle redoutable dans ce que Ton nomma plus tard la Shoah. par LEON MAZZELLA fomme souvent au sor- _partd’ombre la plus sombre de son bis- tird’undramenational _toirerécente. Ainsi le maréchal Pétain auxplaies encore pura- fut souvent présent6 comme un v6 Tentes, une population —ritable rempart contre Poccupant, un ‘meurtrie et parfoiscou- nazi, prélude ou ‘condition se gua non 3 la ralisation dune (nouvelle) « Révclution natio- nae », en totale rupture avec la RE- publique. Sans méme parler de cer tains hauts fonctionnaires, comme “Maurice Papon, et de leur collabora- tion en faveur de extermination pro- sgrammée des jus (lire « Papon, les Francais Vidhy, pages). Paxton dé ‘montra, ta lecture des archives alle mandes, que loin d'evoir freiné V'oc- ‘cupant dans son action, Vichy a faciict latiche des nazis, notamment dans la éportation des juifs.Pis, historien américain rappelle que es Allemands, (€n1940, estimaient prématurée la pro- ‘mulgarion de lois antisémites. Pas Vi ‘chy, gui analyse la défaite comme une consequence de la décadence d'une France au coeur de laquelle les juits ‘ont une responsabilité majeure. Pax: ton souligne d’alleurs que les Alle- ‘mands weurient de toute manire pas puréaliser leurs funestes projets sens Te concours des administrations ‘verses, du gouvernement ala police ‘en passant par des entreprises comme JaSNCF. Le Commissariat général aux ‘questions juives (CGQ4), instrument majeur de la politique antisémite de ‘Etat francals, a montré par son ac tion que loin de vouloir dessiner une politique antismite «la frangaise », {I devint rapidement Vauxiliaite, le bras armé, le chien fiddle de la Ges- tapo, Sile CGQI ne comptait «que » 2.500 agents, ce sont bien devantage de personnes qui participerent acti- ‘vement auxexactions que nous 54.008, selon Tal Bruttmann, auteur d’Au be eau des affaires juives. administra- tion frangaise et Papplication dela Ie gislation antisémite, 2940-1944 (La ‘Décowverte). En témoigne le reportage reventissant qu’Eric Conan rélisa,en 1990, sur les enfants juifs du camp de Pithivers (lire « ithviers, un crimeou- biié», page 30). Au fil de Venguéte, le journaliste de LExpress prowve avec Eloquence le véle de Ia police de Vi chy, dirgée par René Bousquet, lors de la sinistre rafle du Vel @'Hv, les Get 17 juillet 1942. Car il o'ya eu «ni double jeu, ni passvité (ni, «fortis, demi-résistance) @un Vichy aven- tiste », precise Stanley Hoffmann dens sa preface & La France de Vichy; « ily a eu une constante et illusoire polt tique de collaboration, une offre maintes fois renouvelée au vaingueur nazi : en échange d'une reconnais- sance par Allemagne de 'autono- mie politique de Vichy et d'un as- souplissement de Varmistice, la France s'assocleralt plelaement 3 P*ordre nouveau” et jouerat le réle un brillant second », écrit Un aplomb glagant Enfin, i suede rapper les propos hninetxetasumés de Pierre Darqict de Pellepox, dans une interview de ex-Commissaie aux questions juves donnée a Express, em 1978. I per sista esigatt en délarentnotam ment qu Auschwitz, on ta(rait) taré que des poux > Avec un aplom lagen, ine se souvenait pas « de Cecte hsclr dole jaune», falsant montre d'un effroyable déni révi- sionniste, prétendant que les juif, « prétsvimporte quoi pour se faire drlapublcie avert invent le ci fre de six millions de victimes». I longa sajouralsteguiinterogeit, quilt «um agent de Tel-Aviv». interview, choquante et retentis- sante, monratque Dargie avai cf uncolaborateur ayant méme proposé aux Allemand, e7 fever 993, port de etoile jaune pour les juts P'in- terdietion de Pexereie de fonctions publigues ara quel retraite tan Fionalite francaise & tous ceax qi avalont acquise depuis 1927 Au d&- tourdne question, nist uss Peis tence des chambres agar, «une in- vention juve », Quant a Solution finale, i s'agissat selon ce monste, dPeune invention pure et simple» Crests ela, Vie LOECEMERE 2014 JANVIER 2015129 @@ | DOCUMENT Pithiviers, un crime oublié PAR ERIC CONAN Eté 42. Entre le Vélodrome d’Hiver et les départs vers les camps il y eut un crochet par des camps de détention situés Pithiviers et 4 Beaune -la-Rolande (Loiret) pour 7618 juifs, dont de nombreux enfants. (27/04/1990) inette Krajoer aujourdaui médecin & Pars, a12.ans lorsquelle arrive & Pithiviers, e19|ullet 1942. Und rmanche. Le camp est tout pres de la gare. « Nous sommes immédiatement réparts dans des baraques en bola, équipées de chilits emplis de pall, A edté de ce que nous venons de vive, cela nous para mieux...» Annette, sa soeur Léa et Jeur mére viennent de vivre trois jours pénibles, enfermées dans le Velodrome e’Hiver, & Paris, en compagnie des 8157 autres juifs inter pellés ors de a grande rafle des 16 e 7 juillet 1942. « Nous avions &é arrétées chez nous, rue de Sévigné, le 16,2 6 heures du matin, par des policiers en uniforme : nous étions “sur la listo”, Mes parents, qui avaienc vécuen France depuis eur enfunce, &aientconsicérés comme apatrides, mais ma sceur et moi (tas alors en quateiéme au lycée) tions frangaises. Mon pere étit deja prisoner des Allemands, de: poisfin 941, dans un camp agricole dansles Ardennes. On nous cond sit, avec d'autres familles du quarter, dans le préau de 'école de la rue Geoffroy. Asnier. Apts quelques heures dattente, des autobus ‘vinrent nous embarquer pour le Vélodrome, Cela nous valut tune longue traversée de la ca pitale,en plein jour, sousle re ‘gardapparemmentindiférent, parfois surpris des Paisiens, = Lidentité de ces voyageursn'échappe & personne ils portent tous, tids visiblement, loll jaune sur le obté gauche de leurs vétements, comme ils en avaient obligation depuis le 7 Juln 19,2. Ta date de cette énorme rafle avait été fixée, quelques jours aura avant, le10 ule, Jors d'une union préparatireentreles Allemands evles reprévencants de la police frangalse, conduits par Jean Leguay, dled en zone oceupdede René Rouse, lui-méme responsable de la police de Vichy. Il Sagisssit de réponcre & la demande d’Adolt Eichmann, chef du service des Affaires juives de la Gestapo, qui, le 22 juin, & Berlin, avait réclamé un premier contingent de 40000 juifs de France, gés de 168 4s ans, déporter par convois de 1000 indivi- dus. Les occupants, incapables de procéder ces arestations massives, obtinrent de Laval de le fire effecruer parla police frangaise. Son chef, René Bousquet, Semployat facliter cette collaboration, ainsi 20 IDECEMERE 2014 JANVIER 2015 LEXPRESS HISTOIRE « Bien que la population francaise soit assez antisémite, elle n’en juge pas moins séverement ces mesures, qu'elle qualifie d’inhumaines » quill venst de le réffirmer dans une lettre adresse, le 18 jain, ou g& 1éral Oberg responsable des 8S de Paris: « Vous eonnalsez la police Frangais. Fle asans doute ses défauts, mais aussi ses qualités Je suis persuade que, réorgaisée sur des bases nowvelles et Gnerg:quement ditgée elle est susceptible de rendre les plus grands services. Dj, dans de nombrewses affaires, vous avez pu constaterPefficacitéde son ‘action. Je sis certain quelle peut faire davantage encore.» ‘La grande raf alat le prouver. André Tulard, directeur du fichier es jules prefecture de Pais (le premier fichier méeanographigue A heures, {lyaqoa4zrrestations;a10h30, 6587; heures, 777334 sheures, 108323817 heures, 11363 Jean Leguay se tient eguliérement informé par téléphone. Au terme de Ia seconde journée, e17 juillet, le bilan sélve & 12884 arestations, sans compter cing suicides, Le bilan f- nal fera état de 33192 arestations : 3118 hommes, 5919 femmes et «413 cofants, Chiffesinfricurs aux prévisions, des fits ayant per mis’ de nombreuses famille de déserter leur logement. Des le17juil Jet, un rapport de la prefecture de police constate les effets négatifs de ceterafle de famillesentires avec leurs enfants «Bien quc la po- ‘ulation frangase sot, dans son ensemble ct ume maniére générale, assez antsémit, elle n'en juge pas moins séverement ces mesures, cauielle qualifie dinkuraines. » Pour les autorités francaises, ces manifestations d'émotion ren- ddent d'autant plus delicate 'embarrassante question des enfants. En cffer, la premiére réunion de bilan, le matin du second jour de lara fe, avalt éxé consacrée & la« résidence 2 assigner aux enfants julls > Que fare dew, pisque les Allemands ne réclament que Jes «jis de pus de 16 an »? Darqir de Pelepot,commisse général aux Questions juives, propose dees placer dans des misons dlenfants. Jean Leguay, au contraire, demande offiiellement & ses {nteriocuteursallemands qvils soient également déportés. Dans son ‘compte rendu de la union, Heinz ROthke, responsable du service des Affaires juives de la Gestapo, nove que « es représentants de Ja police frangaise ont exprimé, a plusieurs reprises, le soubait de voir Jes convois & destination du Reich inclure également les enfants » ‘Aussi télexe--il Berlin pour demander sls peuvent dre déporcés. Ces enfants vont done constituer, pendant plusieurs semaines, un vérttable cassetete administratf, Cest deja cause deux que Pon avait cid, 1e 1 Jule, de se servir du Vélodrome d'Hiver pour ef- fectuer un premier tr: alors que 4992 cAibataires ou couples sans enfants étaient directement transtérés au camp de Drancy afin qu'ils solont « préts & étre évacués tout de sue », les parents, avec ces cenfants non déporables — au total, 8160 personnes — farent ras sembiés au Vel’Hiv’, en attendant que Berlin statue sur leur sort << Nous avons séjourné au Vélodrome du jeudi 1 juillet, & midi, au dimanche matin 19 juillet, raconte Annette Krajcer. Je me sou- viens d'une clameur de fond incessante, avec des cris de femmes et Arjullet 1942.12 «dst nde Pithivirs, dans letoret;aB0 kilometres de Pais. camp enfants apeurés, La plupart des gens restaient assis sur les bans cexpérant ene sais quoi, Peut dee qu’on nous libére, apres un contre ), «Le dimanche 19 juillet, aprés d'autres dépars, vient notre tour de quitterle Vélodrome,4'appel de natre nom de famille par eee EXPRESS HISTOIRE | DECEMARE 2024. JANVIER 2015198 @@ | DOCUMENT (ese haut-parleur, pours Annette Krajcer. Nouvelle traversée de Pars en autobus, vers Ia gre, sous la garde cegents de police fran- Gals. Enouite, Jong voyage en wagons &bestiaux plombés,Iissant passer le minimum dar et de Iumigre. Une tine par wagon, ot sont entassés, péle-méle, hommes, femmes, enfants, vec, patois, les grands-parents Les conditions sont dj pénibles, mas on est ensemble, maman est etnous résonfore comme elle peut. “Fant quionesten France, nous disait-le,l ne pourra ien nous ariver de tle, et nous r'avons vu aucun Allemand; rien que des agents de police francais” A Pithiviers, es conditions nous paraisentévi- demment melleures, comparées celles du Ye? Hiv: on peut ei caler,dehors, entre les baraques; il ya bien es barbels et des mi radors, mas, au del, de grands champs de lé..» Joseph Weismann, ayjourdhul eommergant dans Pouest de a France, éprouve la méme réaction lorsqul dzbarque, avec sa mérs, son pre ct es deux soeus, au camp de Beaune la-Rolende, bour gade de 1700 habitants 7 kilométres de Pthiviers. avait ans et se souvient que son pee, ouvrier taller rue des Abbesses, &Pa- ris se montrat également confiant: «Nous avons 66 acexeilis par Ja France, nous ne rsquons rien” nous disci. Malgeé ses trois en fants i sétaitengagé en 939 e at pat poure front.» La nut, femmes et hommes sont séparés, et Joseph est affecté avec son pére la baraque n° 7, Ces longues biisses préfbriquées, prévues pour contenlr chacune une centalne de personnes, avaleatéxéGdl- figes en 939 pour y enfermer les Futur prsonniers de guerre alle- mands. ile servirent, en réalité, aux Allemand parquer en 1941, les prisonniers de guerre francs avant de es envoyer en Allemagne, Pris, des le 4 mai 194, & enfereer~ sous le surveillance de Fran ¢ais: gendarmes, douancrs ct gardes uliaires recruté sur pace — los juifspolonas (bornmes)aretés en France dts cette époque. is fren déports au cours du prnterps et du début de Pt 43, afin delassr la place aux falls cu Vel Les deux camps, canguschacun pour 1500 personnes, en ont accueil 4544 0 Pithiviers et 3074 8 Beaune. Les gendarmesavzient bien pens & enforcer les barbelés pour qve les bébé ne puissent passer, mais rien avait éc€organisé pour lear donner & manger. Le 2 juillet, un repport inspection envoy au préfe relate la pagal, sgnalant qu'au camp de ithiviers iln'yaméme pas d ustensles pour faire bouilirle eit des enfants», ‘quimne « grande confusion regne » dans celui de Beaune et que le personnel médical (an médecin pour plusieurs millers de personnes, . Le § eo, un autre rapport, indiquant ls premiers décés enfants, estimera la situation 6pidé- riologique « assez clarmamte >. En effet, avec la surpopulzion, la chaleus es satares de fortune Jes choses se dégradent rapidement. Poux et parasites vont vite puller, dysenteri, scarlatineetdiphts- He se répandre. “Alestérieus le sort des méres et des enfanssuscice peu 'émols. Le préfer ds Loier, dans rapport dated ati, rassure Vieby «arrive d'un grand nombre de juifs dans les camps de Pitiviers et de Beaune-la-Rokande pouvat fire eraindre gu’une pari dela population de ces vlls et des environs, rise de pitié pourlesferimes ‘ot les enfants faisent parte des convois, ne manifestit, sous une forme queleongue, contre ls écisions des aurrités écecupation. Tntena iendcé. Cestavecindiférence la plupart du temps, queles habitants ont vu passer les convois d'nternés. » 1a déisionallemande concemantle sort des enfants tar, Pour ‘Yadministrationviehystz, cela devient préoccupant: ele s'est eoga- _éeauprds des nazis respecter un programme précis de départs de convo, et il va bent6tIui manguer de quot remplir es wagons en attendances contingents de jifs arrétés en zone libre, qu ne vien- {rant que pls tard, Dilerame bureaueratique vite tranché cornme Vindique Jean Leguay au préfet Orleans, on va déporterles parents ~essentillement, des meres - en atendant de savoir que fre des enfants! Le 3 ule, le premier convo, comportant les preset 17 meres séparées de leurs enfants de moins de 16 ans, quitte Pi- thier, Les gendarmes ont di en bate certaincs. “Annette Krajcer se souvient de ce moment oli sa vie fut rise: «Le soit, en fin eaprés-mici, nous sommes prévenves par appel ‘que notre mére va sen aller avec le convol du lendemain. Se passe une longue mui, atroce, dont nous voudrions retenir chaque ins- tant pour prolonger encore sa présence auprés de nous. Le lende- main, Cest la séparation, mais nous avons encore une dure journée dattente, car les femmes qui doivent partir sont rassemblées der- ribre des barbelés, quelques métres. Nous restons ainsi face face, ‘toute une journée, Puls cestarrachement, le départ, pour toujours.» 1Les3,5et7 204, prés de 2000 mires sont séparées deleurs enfants. Decraintives, elles deviennentagressives. Iy a des cambatsavectes gardes, des blessés de part et d’autre. Quelques-unes sont méme bat- ‘tes usqu’® perdre connaissance, pour quelle lichent leurs enfans. Raymonde Mann, aujourdhui citoyenne américaine, avait 1 ans aucamp de Beaune: « On annonce que lesadultes partiront @abord, pour “préparer le carp de destination”, et que les enfants sulvront sous peu. Ce qui déclenche une veritable émeute. Tous Tes internés se précipitent vers entrée du cemp. Les gendarmes, qui essaient dendiguer la foule, sont dépassés, et nous croyons un instant que nous allons forcerls porte du camp. Cest alors qu'elle ouvre, qu'un, camion allemand entre et que les soldats se mettent en position de ‘rer, lls avaient été appelés parle commandant de gendarmerie, » Aulourd’nul Beaune, ceux qu acceptent de se rappelernfont pas ‘oublié ces separations. « Je me souiens d'un dimanche aprés-midi, ditune vielle habitante. Cela s'entendait ici, alors qu'on est plus ddesoo metres de Pemplacement du camp, Des cris, des cris, qu'on se ddemandst ce que état. Plus tard, les douaniers ont raconté dans Je village que c’ésient les meres qu'on avait sSparées des enfants...» Prés de cinquante ans rachant parfosles bouces des orells lorsque cela raat pas ase vite. Bt parce que autres se sont distingés en rtissant le contenu des latrines, a recherche de bagues, de bracelet ct de collier. « Lapremie chose que nous avons faite avec eet argent, est de nous emipiffver de gitezux achetés ila boulangerie de Boiscom- ‘mun, poursuit Joseph Weismann. Au out de deux journées de marche, nous avons échout, épuisés, a Loris, Aprés denombreux refs une ame accept de nous accueil che elle. Mais cere salope van. rmédiatement nous dénoncer un gendarme! En fit, st lui qui nous aidera, en nous mettant Te Iendemain au car de Montargis, 03 nous avons prise train pour Pars.» lla suite de multiples péripé- ties dans la capital, Joseph Weismann finira la guerre caché chez des peysins, dans a Sarthe. ‘Apr les départs du 3 et du7 aod i este &Pithivers environ 1800 enfants sans parents eux-émes, Sen orcupent quelques infirmiéres de le Croix Rouge de Paris ct de Pithivers (peu nom- ‘breuses, car le camp n'ai pas une priorté de Ia Croix Rouge lo- cale) etles mires encore présente. A Beaune, il reste, la mi-aott, environ 1500 enfants. « De tes jeunes, igs de 2,3 08 4 ans, Sere ‘rouvent ainsi tout sels, du jour au lendersain, sens personne ni pour ls consoles nl pour les lever, nl pour les alder manger, sou- ligne Annette Krajcer.Notrebaraque ne comptat pls, désle 220%, «que des enfants Un garcon d'une quinzaine d’ennéesa peine—jeme souviens de son nom : Léon Gurfunkel - fut nommé par leé gen- darmes “chef de barague” et mo, ge deta ans, “sous-chef de ba- aque”. Nous étions chargés aller chercher aux cuisines les lessi- ‘veuses de légumes et de les apts Joseph Weisnaca vic Prés de 2000 meres sont séparées de leurs enfants, issue: Nous cons ga. seeeeeGescecsome De craintives, elles deviennent agressives. Ny ades — (Susvtsvonstiskler Jentenavaisjamaisentends, Gombats avec les gardes, des blessés de part etd’autre appeté leur mére durant pouseds par des méresquise auelques jours, refusan de roulent par tere, se tent atte contre le sol. Bt les enfant, affo 1s, pris de panique en les entendent, qui se mettent&hurer aust,