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9-027-A-05

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 9-027-A-05

Cancer de l’estomac :
anatomie pathologique
N Mourra
JF Fléjou
Résumé. – Les cancers de l’estomac sont, dans environ 90 % des cas, des adénocarcinomes développés aux
dépens de l’épithélium gastrique.
La reconnaissance d’états précancéreux, principalement la dysplasie et la gastrite chronique atrophique
(auto-immune ou plus souvent secondaire à une infection à Helicobacter pylori) devrait permettre
l’individualisation et la surveillance de populations à risque.
L’aspect macroscopique du cancer de l’estomac est variable, de même que sa localisation. Si les cancers de
l’antre restent les plus fréquents, la proportion des cancers du cardia a fortement augmenté depuis plusieurs
années. Histologiquement, les adénocarcinomes gastriques sont très polymorphes, les classifications les plus
utilisées étant celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de Lauren.
Le cancer superficiel de l’estomac ne dépasse pas la sous-muqueuse. Bien que rare en Europe, son bon
pronostic impose de bien connaître ses aspects macroscopiques et histologiques. L’individualisation des
formes particulières est importante car, bien que rares, elles ont un pronostic différent et peuvent poser de
difficiles problèmes diagnostiques.
L’anatomie pathologique joue un rôle important dans la prise en charge des cancers de l’estomac : rôle
diagnostique par l’examen des prélèvements biopsiques et rôle pronostique par la détermination du degré
d’extension tumorale sur la pièce opératoire. La détermination du stade clinique intervient dans la décision
d’éventuels traitements complémentaires et permet des études multicentriques.
Enfin, le développement récent des techniques de biologie moléculaire appliquées aux prélèvements
anatomopathologiques a permis d’améliorer la connaissance des mécanismes de la cancérogenèse gastrique.
De ces techniques pourraient émerger, dans l’avenir, de nouveaux facteurs histopronostiques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : adénocarcinome gastrique, dysplasie, Helicobacter pylori, cancer superficiel, tumeur stromale,
biologie moléculaire.

Introduction Helicobacter pylori (H. pylori) est une bactérie spiralée à Gram négatif,
dont le rôle est établi dans la gastrite chronique de type B [24]. De
La grande majorité des tumeurs malignes de l’estomac (90 %) sont nombreuses études ont montré que les sujets présentant une
des adénocarcinomes. Les autres tumeurs sont des lymphomes infection à H. pylori, ont environ six fois plus de risque de
(5 %), des tumeurs neuroendocrines (3 %) et des tumeurs stromales. développer un adénocarcinome gastrique que la population
Un diagnostic histologique précis est nécessaire pour adapter le normale [35] , en particulier si la souche bactérienne exprime
traitement et apprécier le pronostic de ces tumeurs. l’antigène CagA. Le mécanisme par lequel l’infection à H. pylori est
impliquée dans la carcinogenèse gastrique, pourrait faire intervenir :
– une accélération du renouvellement des cellules épithéliales, qui
Adénocarcinome gastrique augmenterait le risque d’altération de l’acide désoxyribonucléique
(ADN) ;
LÉSIONS PRÉCANCÉREUSES – un effet direct des métabolites bactériens sur la muqueuse
gastrique ;
¶ Gastrite chronique atrophique et infection – l’effet de produits endogènes de l’inflammation comme l’ion
à « Helicobacter pylori » superoxyde, pouvant être à l’origine, par stress oxydatif, de
La gastrite chronique atrophique augmente le risque de développer mutations intervenant dans la transformation maligne.
un adénocarcinome gastrique, qu’elle soit d’origine auto-immune Cependant, il est probable que l’infection à H. pylori n’est qu’un
dans le cadre de la maladie de Biermer ou, beaucoup plus souvent, cofacteur de la carcinogenèse gastrique. Actuellement, des essais
d’origine bactérienne. sont en cours pour étudier l’impact de l’éradication de H. pylori sur
des états précancéreux tels que la métaplasie intestinale et la
dysplasie.
Najat Mourra : Praticien adjoint.
Jean-François Fléjou : Professeur des Universités, praticien hospitalier. ¶ Métaplasie intestinale
Service d’anatomie pathologique, hôpital Saint-Antoine, AP-HP, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine,
75012 Paris, France. Il s’agit d’un état stable marqué par la transformation de

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mourra N et Fléjou JF. Cancer de l’estomac : anatomie pathologique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Gastro-entérologie, 9-027-A-05, 2001, 9 p.
9-027-A-05 Cancer de l’estomac : anatomie pathologique Gastro-entérologie

l’épithélium gastrique en un épithélium de type intestinal avec


apparition de cellules caliciformes.
L’association fréquente de la métaplasie intestinale au cancer de
l’estomac a fait évoquer son possible caractère précancéreux. Les
méthodes histochimiques ont permis de séparer plusieurs types de
métaplasie intestinale : complète (type I), incomplète avec
sialomucines (type II), incomplète avec sulfomucines (type III). La
métaplasie de type III est fréquemment trouvée autour des cancers
et au cours des conditions précancéreuses de l’estomac. Cependant,
la sensibilité et la spécificité du diagnostic des sous-types de
métaplasie intestinale sont trop faibles pour avoir un intérêt
clinique [1].

¶ Dysplasie gastrique
Elle est considérée comme l’altération morphologique qui précède
la plupart des cancers de l’estomac. Ce sont en particulier les
travaux de Correa qui ont montré que la carcinogenèse gastrique se
faisait généralement selon une succession d’altérations
morphologiques allant de la muqueuse normale au cancer, en
passant par des stades de gastrite chronique atrophique avec 1 Dysplasie gastrique de haut grade (sévère) : tubes glandulaires tapissés de cellules
métaplasie intestinale puis dysplasie. basophiles, dont les noyaux stratifiés dépassent parfois les deux tiers de la hauteur des
tubes (HPS × 200).
Parmi les nombreuses définitions de la dysplasie de la muqueuse
digestive qui ont été proposées, celle de Riddell est admise par de
nombreux auteurs [29]. Pour Riddell, la dysplasie est une altération Tableau I. – Classification de Vienne des néoplasies gastriques.
néoplasique indiscutable strictement limitée à l’épithélium. Elle
Négative pour la dysplasie et le cancer (muqueuse normale,
s’oppose donc aux aspects régénératifs non néoplasiques et aux Catégorie 1
ainsi que les différentes formes de gastrite)
adénocarcinomes, dans lesquels les anomalies ne sont plus limitées
à l’épithélium. Catégorie 2 Indéfinie pour la dysplasie (processus réactif ou néoplasique)

Catégorie 3 Néoplasie non invasive de bas grade (adénome ou dysplasie)


Classification
Néoplasie non invasive de haut grade (adénome ou dysplasie)
De très nombreuses classifications de la dysplasie gastrique ont été Catégorie 4
4.1 : adénome ou dysplasie de haut grade
proposées, basées sur un système à trois grades ou sur un système à 4.2 : carcinome in situ
4.3 : suspicion de carcinome invasif
deux grades. Le grade est diagnostiqué selon l’intensité des
anomalies cytologiques et architecturales. La plupart des dysplasies Catégorie 5 Néoplasie invasive (carcinome intramuqueux et au-delà)
gastriques se développent sur des zones de métaplasie intestinale.
La classification de Riddell [29] , proposée initialement pour la
dysplasie sur colite inflammatoire et étendue à la dysplasie sur grade reste dans la plupart des cas la gastrectomie, bien que des
œsophage de Barrett et aux adénomes coliques, est maintenant traitements endoscopiques commencent à se développer. L’attitude
largement utilisée dans l’estomac. Cette classification très simple conseillée devant une dysplasie de bas grade est moins codifiée,
distingue la muqueuse non dysplasique, la muqueuse « peut-être reposant généralement sur la surveillance endoscopique régulière
dysplasique » (au cours de laquelle le caractère régénératif ou avec biopsies multiples.
néoplasique des altérations morphologiques ne peut être affirmé) et C’est à cause de ces problèmes multiples que de nouvelles
la muqueuse dysplasique. En fonction de l’intensité des anomalies classifications de la dysplasie gastrique ont été proposées, visant en
cytologiques et architecturales, la dysplasie de bas grade et la particulier à harmoniser la terminologie entre pathologistes japonais
dysplasie de haut grade sont distinguées (fig 1). Le plus souvent, et occidentaux. Il s’agit en particulier de la classification de
ces altérations ressemblent à celles de la dysplasie d’un adénome du Padoue [32] et de celle de Vienne [21] (tableau I).
côlon et sont sans doute à l’origine du carcinome de type intestinal
de Lauren (cf infra). Il faut cependant noter que certains ont décrit
un type de dysplasie gastrique non métaplasique, située au niveau
¶ Adénomes
du collet des cryptes, de diagnostic difficile, et qui pourrait être à Les adénomes gastriques sont rares, puisqu’ils représentent moins
l’origine des cancers diffus de Lauren. de 10 % des polypes gastriques. Ils sont uniques, sessiles ou
pédiculés, souvent localisés à l’antre et ressemblent, par leur aspect
Problèmes posés par la dysplasie gastrique histologique et par leur histoire naturelle, à ceux du côlon. Selon
En raison de son caractère focal et de l’absence très fréquente certaines études, 5 % des cancers gastriques superficiels se
d’anomalie endoscopique, l’échantillonnage biopsique peut être très développent à partir d’un adénome [6].
difficile, en particulier au cours de la surveillance d’une dysplasie
déjà connue. ¶ Ulcère chronique
Des études de reproductibilité interobservateurs ont confirmé la
L’ulcère gastrique chronique augmente le risque d’adénocarcinome.
difficulté de ce diagnostic et sa reproductibilité imparfaite.
Il est difficile de déterminer si le cancer a pris naissance sur un ulcère
Les critères diagnostiques de dysplasie et la terminologie sont très ou si c’est l’ulcère qui a compliqué le développement d’un petit
différents entre les pathologistes japonais et occidentaux, ce qui cancer [6]. Le terme ulcérocancer définit un cancer prenant naissance
amène à reconsidérer les très larges séries de dysplasies et de à partir d’un ulcère préexistant et confiné aux berges de celui-ci.
carcinomes superficiels publiées par les auteurs japonais. Cette définition implique un diagnostic précoce où les deux lésions
L’histoire naturelle de la dysplasie est mal connue à l’échelon (inflammatoire et néoplasique) sont présentes à l’examen
individuel, la régression de certaines dysplasies de bas grade histologique. L’ulcérocancer représente moins de 1 % de tous les
paraissant fréquente. carcinomes gastriques [ 2 , 6 ] . Il correspond souvent aux
Ces problèmes sont d’autant plus importants que la sanction adénocarcinomes superficiels de type III dans la classification
thérapeutique devant un diagnostic de dysplasie gastrique de haut japonaise (cf infra).

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Gastro-entérologie Cancer de l’estomac : anatomie pathologique 9-027-A-05

Tableau II. – Classifications des adénocarcinomes gastriques.

Lauren, 1965

- Intestinal
- Diffus

Ming, 1977
- Expansif
- Infiltrant

OMS, 1990
- Papillaire
- Tubulé
- Mucineux
- À cellules indépendantes

Goseki, 1992
- Riches en tubes, pauvre en mucus intracytoplasmique
- Riche en tubes et en mucus intracytoplasmique
- Pauvre en tubes et en mucus intracytoplasmique
- Pauvre en tubes et riche en mucus intracytoplasmique
2 Macroscopie : gastrectomie totale pour un volumineux cancer de l’antre en « lobe
d’oreille ». OMS : Organisation mondiale de la santé

¶ Moignon de gastrectomie colorable par le bleu alcian ou l’acide périodique Schiff (PAS) ; elles
L’adénocarcinome est une complication à long terme connue des sont parfois peu cohésives et infiltrent la paroi gastrique, en
gastrectomies partielles. Le risque de cancérisation, probablement disséquant ses plans d’une façon insidieuse [28].
exagéré lors des premières publications, est estimé trois à cinq fois De nombreuses classifications ont été proposées pour les carcinomes
plus élevé que dans la population générale, 25 ans après la gastriques, basées soit sur des critères purement histocytologiques
gastrectomie [2]. Ces cancers représentent 1 à 2 % de tous les cancers descriptifs, soit sur des critères de mode d’extension, donc
gastriques [ 6 ] et prennent naissance dans la muqueuse d’évolutivité (tableau II).
préanastomotique.
L’histogenèse de ces cancers est discutée, mais il est probable qu’ils ¶ Classification de l’OMS
se développent sur des lésions de gastrite chronique atrophiante, Elle propose de classer les adénocarcinomes gastriques en bien,
consécutive au reflux biliaire ou à la disparition du rôle trophique moyennement ou peu différencié [44] . En dehors du degré de
de la gastrine antrale [4]. différenciation et en fonction de données cytologiques et
architecturales, quatre sous-types peuvent être isolés :
¶ Maladie de Ménétrier
C’est une affection rare de l’adulte caractérisée par une hyperplasie – l’adénocarcinome papillaire, composé de saillies épithéliales
de l’épithélium des cryptes du corps gastrique, avec dilatation digitiformes avec axes fibreux ;
kystique des glandes qui peuvent pénétrer dans la sous-muqueuse. – l’adénocarcinome tubulé, composé de tubules ramifiés inclus dans
La maladie de Ménétrier régresse parfois spontanément, mais elle un stroma fibreux ;
peut se compliquer de cancer [4], dont l’incidence est cependant
– l’adénocarcinome mucineux (ou colloïde muqueux) dont plus de
moins élevée que dans la gastrite chronique atrophique [31].
50 % des cellules apparaissent en petits groupes flottant dans des
lacs de mucine ; il se présente souvent macroscopiquement comme
FORMES MACROSCOPIQUES une « galette » bien limitée ;
Elles correspondent aux différents aspects endoscopiques.
– l’adénocarcinome à cellules indépendantes en « bague à chaton » ; il
Trois modes de développement sont possibles : bourgeonnement,
constitue la forme histologique habituelle de la linite plastique.
infiltration ou ulcération. Assez rarement, l’un d’eux prédomine
pour réaliser des tumeurs végétantes polypoïdes, des cancers En dehors des adénocarcinomes, l’OMS distingue des formes rares :
infiltrants comme les linites plastiques, des cancers ulcériformes le carcinome adénosquameux associant des aspects glandulaires et
appelés par certains « ulcères malins » et qui se présentent comme épidermoïdes et ayant un pronostic plus défavorable que
des ulcérations à bord taillé à pic, sans bourrelet net, les plis radiés l’adénocarcinome pur [22], l’exceptionnel carcinome épidermoïde et
venant au contact de la perte de substance [28]. le carcinome indifférencié. Cette classification internationale,
d’application simple et reproductible, permet des études
Dans la plupart des cas, les trois aspects macroscopiques sont
multicentriques.
associés pour donner le cancer en « lobe d’oreille » ; c’est une vaste
ulcération à fond bourgeonnant creusée dans une masse infiltrante
¶ Classification de Lauren et variante de Mulligan
et entourée d’un bourrelet irrégulier (fig 2).
L’aspect macroscopique est souvent fonction du siège du cancer : Elle inclut à la fois des critères histologiques et architecturaux et des
60 % des cancers siègent dans l’antre, 20 % sur la petite courbure critères de mode d’extension [20]. Deux formes sont distinguées :
verticale et 20 % de façon égale sur les faces, la grande courbure et
– la forme intestinale (53 %) présente la structure d’un
le cardia. Il faut cependant noter que la fréquence relative des
adénocarcinome tubulé ou papillaire bien différencié à architecture
cancers du cardia augmente dans de nombreux pays. Les cancers
compacte, bien limité en périphérie (fig 3) ;
multiples sont de l’ordre de 5 à 10 % [6]. Les cancers du cardia et de
la portion verticale de l’estomac sont le plus souvent végétants – la forme diffuse (33 %) est surtout faite de cellules indépendantes
polypoïdes ; les cancers de l’antre sont souvent en « lobe d’oreille » mucosécrétantes ; elle est mal limitée et son pronostic est plus
ou ulcériformes. mauvais (fig 4).
Une troisième forme rassemble les cas inclassables dans les deux
FORMES HISTOLOGIQUES précédentes.
D’une façon générale, l’adénocarcinome gastrique est constitué de Mulligan isole d’autre part l’adénocarcinome à cellules
structures tubulaires, acinaires ou papillaires, tapissées de cellules « pylorocardiales », aux hautes cellules cylindriques
de type gastrique ou intestinal. Ces cellules produisent du mucus mucosécrétantes, de pronostic intermédiaire.

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5 Macroscopie : gastrectomie totale pour un volumineux cancer végétant du cardia.


3 Adénocarcinome bien différencié tubulopapillaire de type intestinal selon adénocarcinomes gastriques. La classification de Lauren a été utilisée
la classification de Lauren (HPS × 200). dans de nombreuses études épidémiologiques et cliniques. La
classification de Ming a été rapidement acceptée, car elle permet de
classer les tumeurs inclassables par celle de Lauren. La classification
de Mulligan n’a jamais été largement utilisée [6].
La classification de Goseki est corrélée à celle de Lauren et de l’OMS,
mais pas à celle de Ming [4] . Une étude a montré sa valeur
pronostique par rapport aux autres classifications [4] ou additionnée
aux stades anatomocliniques TNM (tumeur maligne [T], ganglions
[N : nodes], métastases [M]) [37].

FORMES ANATOMOCLINIQUES PARTICULIÈRES


¶ Adénocarcinome du cardia
C’est un cancer qui intéresse la jonction œsogastrique, sans lésion
d’endobrachyœsophage et dont l’extension en hauteur dans
l’estomac ne dépasse pas 5 cm [4].
L’incidence de ce cancer ne cesse d’augmenter par rapport à celle
des cancers du reste de l’estomac et il représente, dans certaines
séries, un tiers des cancers de l’estomac [6, 22].
Il diffère des autres carcinomes gastriques par une nette
prédominance masculine, par sa relation avec la présence d’une
4 Adénocarcinome de type diffus selon la classification de Lauren : nombreuses cel-
hernie hiatale, la consommation d’alcool et de tabac, ainsi que par
lules tumorales isolées en « bague à chaton », mêlées à des plasmocytes. Glande fundi- l’absence de lien avec la gastrite atrophique et l’infection à H. pylori.
que normale à gauche (HPS × 200). Son mauvais pronostic est lié à sa capacité d’essaimer par voie
ganglionnaire médiastinale et abdominale et à sa découverte souvent
¶ Classification de Ming tardive.
Elle est basée sur des critères architecturaux et distingue deux Au moment de sa découverte, ce cancer est macroscopiquement plus
formes : volumineux que celui des autres régions de l’estomac (fig 5) ; il est
de type ulcéré et infiltrant. Histologiquement, rien ne permet de
– la forme expansive, caractérisée par une architecture massive distinguer ce cancer d’un adénocarcinome né sur une muqueuse de
repoussant les tissus voisins ; Barrett (fig 6).
– la forme infiltrante, caractérisée par une infiltration diffuse, très Les anomalies génétiques de ce cancer (fréquence de l’aneuploïdie,
mal limitée à sa périphérie, dissociant les tissus non tumoraux. de la mutation du gène p53, rareté de l’instabilité de microsatellite)
Dans chacun de ces types, la différenciation cellulaire et le rapprochent aussi de l’adénocarcinome de l’œsophage et
l’architecture tumorale peuvent varier ; la forme expansive est en l’opposent au cancer de l’antre [7].
général mieux différenciée [26]. ¶ Cancer superficiel de l’estomac
¶ Classification de Goseki Il se définit comme un cancer limité à la muqueuse avec une
extension possible dans la sous-muqueuse, avec ou sans métastase
La classification de Goseki divise les adénocarcinomes gastriques
[8]
ganglionnaire. Initialement décrit par Gutman et al, il a été
en quatre sous-types histologiques, selon le degré de la
clairement individualisé par les auteurs japonais en 1962. Il
différenciation tubulaire et la quantité de mucus intracytoplasmique.
représente dans ce pays près de 50 % des cancers de l’estomac. Bien
Les cancers de type I (tubes bien différenciés, peu de mucus) tendent
qu’il soit moins fréquent en Occident (16 à 24 % selon les séries) [6],
à métastaser par voie hématogène, tandis que l’extension des cancers
son évolution lente et son bon pronostic justifient la parfaite
de type IV (tubes peu différenciés, beaucoup de mucus) se fait
connaissance de ses aspects macroscopiques et histologiques.
directement par voies ganglionnaire et péritonéale.
Macroscopie
¶ Corrélation entre ces classifications
Les formes macroscopiques correspondent aux formes
La classification de l’OMS est reproductible, car elle repose sur la endoscopiques. Les auteurs japonais basent leurs études sur une
description des aspects histologiques traditionnels des classification endoscopique très rigoureuse :

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Gastro-entérologie Cancer de l’estomac : anatomie pathologique 9-027-A-05

8 Macroscopie : gastrectomie totale pour linite plastique, paroi épaissie d’une façon
diffuse, d’aspect cartonné.
6 Aspect histologique du même carcinome bien différencié essentiellement tubulaire,
avec des cellules éosinophiles ou claires (HPS × 200). ¶ Linite plastique
Elle représente la forme typique des cancers infiltrants. La paroi
gastrique est épaissie (10 à 20 mm), cartonnée, rétractée de façon
circulaire dans tout l’estomac, le fundus seul ou l’antre ; les plis sont
effacés ou épaissis par l’infiltration carcinomateuse (fig 8).
Histologiquement, il s’agit habituellement d’un adénocarcinome à
cellules indépendantes en « bague à chaton » ; l’infiltration
néoplasique épaissit tous les plans de la paroi, dissocie la
musculeuse sans la détruire, et s’accompagne d’un stroma scléreux
très abondant. Le diagnostic peut être très difficile en l’absence de
destruction muqueuse, et les colorations de mucus par le PAS et le
bleu alcian peuvent être négatives en l’absence de différenciation
sécrétoire. Le pronostic de la linite plastique est très défavorable et
dépend de la hauteur de la tumeur et de l’invasion en profondeur
de la paroi gastrique [10].
¶ Carcinome à stroma lymphoïde
(carcinome médullaire)
C’est une forme rare de carcinome gastrique qui est
macroscopiquement ulcéré et bien limité. Histologiquement, il est
7 Macroscopie : gastrectomie totale pour un carcinome superficiel de type ulcérocan- caractérisé quel que soit son type cytologique ou architectural, par
cer. la présence d’une infiltration lymphoïde massive entre les
groupements cellulaires tumoraux et autour de la tumeur. Cet
– le type I est exophytique et correspond au polype cancérisé ; infiltrat est souvent de phénotype T, CD8+. Le pronostic de cette
– le type II comporte trois aspects qui correspondent au cancer forme est significativement meilleur que celui du carcinome
mucoérosif décrit par Gutman et al : habituel, à degré d’envahissement équivalent. Les cellules tumorales
contiennent souvent des séquences génétiques du virus d’Epstein-
– IIa est un cancer superficiel en saillie ; Barr (EBV), qui peuvent également se retrouver dans de rares
– IIb est plat ; carcinomes gastriques sans stroma lymphoïde [2, 6].
– IIc est ulcéré ; ¶ Carcinome hépatoïde
– le type III ulcéré correspond à l’ulcérocancer (fig 7). Cette forme rare est caractérisée par une différenciation de type
Ces différents aspects peuvent être associés chez le même malade, et hépatocytaire, souvent mêlée à des zones de différenciation
les lésions multifocales représentent environ 10 % des cas. glandulaire plus habituelle. Les cellules tumorales produisent de
l’alphafœtoprotéine, détectable dans les cellules par
Histologie immunohistochimie et dans le sérum. Ces tumeurs ont un pronostic
très défavorable lié à la rapidité d’extension veineuse et hépatique [6].
Les caractères histologiques du cancer superficiel ne diffèrent pas
du cancer habituel [28] . Aux différents aspects macroscopiques ¶ Carcinome à cellules pariétales
correspondent souvent divers degrés de différenciation : les types I C’est une entité rare, qui se caractérise par un mode de croissance
et IIa sont bien différenciés, les types IIb et IIc ont un aspect solide (simulant un lymphome). Les cellules tumorales possèdent
histologique très variable, le type III est souvent très peu différencié. un cytoplasme abondant, éosinophile et granuleux ressemblant aux
Les cancers à cellules indépendantes s’accompagnent le plus souvent cellules pariétales normales [6, 31]. Il semblerait que cette forme
d’une atteinte de la sous-muqueuse. La proportion des deux types possède un pronostic moins défavorable que les adénocarcinomes
intestinal et diffus de Lauren est la même pour le cancer superficiel habituels.
que pour le cancer habituel. La présence fréquente d’îlots de
muqueuse saine au sein du cancer peut être source de faux ¶ Carcinome très bien différencié imitant
diagnostic de bénignité. La sous-muqueuse est souvent occupée par une métaplasie intestinale
une sclérose modérée. La musculeuse peut être dissociée par la De description récente [5], c’est un sous-type du carcinome intestinal
sclérose ou rétractée vers la surface. de Lauren, qui pose des problèmes difficiles de diagnostic

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différentiel avec la métaplasie intestinale et serait de meilleur entérochromaffine-like (ECL) et s’observent au cours de la maladie
pronostic que le carcinome de type intestinal « usuel ». de Biermer, ainsi que très rarement au cours du syndrome de
Zollinger-Ellison, uniquement dans le cadre d’une néoplasie
¶ Choriocarcinome endocrinienne multiple de type I. Ces tumeurs sont souvent
d’évolution bénigne [6].
Plus de 50 cas de choriocarcinomes purs ou associés à un
adénocarcinome ont été décrits dans les deux sexes, dont certains – Les tumeurs uniques sont de siège sous-muqueux, bien limitées,
s’accompagnaient d’hypersécrétion de beta-human chorionic s’accompagnant parfois d’une rétraction de la séreuse en regard. La
gonadotrophin (b-hCG) [22]. tranche de section est homogène et jaunâtre. Elles sont généralement
sporadiques, se développant en l’absence de facteur prédisposant.
Histologiquement, l’aspect est superposable à celui observé dans les
DISSÉMINATION autres tumeurs carcinoïdes du tube digestif. Rarement il s’agit d’une
En dehors du cancer superficiel, l’extension transpariétale du tumeur composite, carcinoïde et adénocarcinome.
carcinome gastrique est précoce. L’extension régionale se fait aux Le pronostic des tumeurs uniques dépend de leur taille et de leur
organes de voisinage (pancréas, côlon, foie, vésicule), ce qui peut degré de différenciation ; les tumeurs de moins de 1 cm, peu
poser des problèmes diagnostiques sur l’origine de la tumeur. envahissantes, sont généralement de pronostic favorable. C’est en
L’atteinte d’autres segments du tube digestif est possible par particulier le cas des tumeurs endocrines compliquant une maladie
diffusion des cellules par contiguïté le long de la paroi digestive, en de Biermer. Le syndrome de carcinoïdose est rare.
particulier l’atteinte de l’œsophage à partir de cancers du cardia et
celle du duodénum à partir des cancers de l’antre [31]. Les métastases ¶ Carcinome neuroendocrine
coliques ou rectales en « manchon » des linites sont probablement La plupart des carcinomes neuroendocrines sont soit des carcinoïdes
liées au même mécanisme de diffusion. Elles peuvent être précoces atypiques, soit des carcinomes à petites cellules. Ces tumeurs
et sont parfois révélatrices. peuvent être associées à d’autres composantes carcinomateuses
(glandulaire ou épidermoïde). Leur pronostic est très mauvais.
¶ Voie lymphatique
Les ganglions régionaux sont d’abord envahis, dans le territoire de TUMEURS NON ÉPITHÉLIALES
drainage de la tumeur ou de façon plus diffuse. Plus tard, l’extension
se fait aux ganglions des chaînes abdominales, parapancréatiques, ¶ Lymphomes malins non hodgkiniens
lomboaortiques, du hile hépatique et périœsophagiennes. L’estomac représente la localisation la plus fréquente des
L’adénopathie sus-claviculaire gauche de Troisier peut être lymphomes du tube digestif, qui constituent 5 % des tumeurs
révélatrice. Les métastases ganglionnaires sont précoces et l’étude malignes de l’estomac [22]. Leur incidence est en augmentation. Les
histologique systématique du plus grand nombre possible de caractères de ces tumeurs sont développés dans un autre chapitre.
ganglions est un des éléments importants du pronostic. Le nombre
minimal de 15 ganglions est requis [43] et certaines études montrent ¶ Tumeurs stromales
l’importance de rechercher des micrométastases par des techniques
complémentaires immunohistochimiques ou moléculaires [11]. L’habitude était de séparer jusqu’à présent les tumeurs conjonctives
de l’estomac en tumeurs musculaires et nerveuses. Cette séparation
¶ Voie hématogène paraît artificielle, car les études immunohistochimiques et
ultrastructurales ont montré que la plupart de ces tumeurs sont en
Les métastases peuvent se développer dans tous les organes, les sites fait peu différenciées. Le terme de tumeur stromale du tube digestif
préférentiellement atteints étant, par ordre décroissant de fréquence, leur a été appliqué au début des années 1980 [25]. Ces tumeurs
le foie (particulièrement dans les formes intestinales), les poumons, peuvent en fait montrer des signes de différenciation incomplète
les surrénales, les ovaires, les os, la thyroïde et la peau [6, 31]. dans le sens musculaire lisse ou nerveux au niveau de quelques
cellules tumorales. Récemment, une différenciation de ces tumeurs
¶ Voie péritonéale dans le sens de cellules interstitielles de Cajal a été proposée. Les
Les diffusions péritonéales du cancer de l’estomac sont fréquentes. cellules de Cajal interviennent dans le contrôle de la motricité du
La tumeur ovarienne de Krukenberg peut être précoce, elle est uni- tube digestif et sont mises en évidence par immunomarquage avec
ou bilatérale, l’ovaire étant infiltré par une prolifération un anticorps anti-c-kit (CD117), également exprimé par la grande
généralement constituée de cellules indépendantes en « bague à majorité des tumeurs stromales du tube digestif [19].
chaton ». Son origine gastrique et sa diffusion par voie péritonéale Les tumeurs stromales peuvent être uniques ou multiples (dans le
sont probables, une diffusion par voie sanguine ne pouvant être cadre d’une maladie de Recklinghausen ou d’une triade de
exclue [6, 31]. Carney) [2], de taille très variable. Il s’agit le plus souvent d’un
polype sous-muqueux ou sous-séreux, bien limité non encapsulé.
Les signes macroscopiques qui permettent de suspecter la malignité
Autres types histologiques du cancer sont la grande taille de la tumeur, la présence de nécrose et surtout
l’envahissement d’organes adjacents.
de l’estomac Sur le plan histologique, ces tumeurs peuvent être constituées de
cellules fusiformes, épithélioïdes ou des deux. Les deux critères
TUMEURS NEUROENDOCRINES majeurs de malignité sont la taille de la tumeur et l’index
mitotique [38].
L’incidence de ces tumeurs considérées jusqu’à présent comme rares
(4 % des tumeurs neuroendocrines du tube digestif) est en En dehors de l’extension aux organes de voisinage, la dissémination
augmentation (11 à 30 % selon les séries). Cette augmentation est des tumeurs stromales se fait par voie hématogène au foie et aux
probablement due à l’amélioration des méthodes diagnostiques poumons [2].
comme l’endoscopie et l’étude immunohistochimique. ¶ Autres tumeurs conjonctives
¶ Carcinoïde (tumeur neuroendocrine bien différenciée) Les autres sarcomes (liposarcomes, chondrosarcomes) sont
exceptionnels.
Ces tumeurs peuvent être uniques ou multiples.
Les sarcomes de Kaposi se voient dans le cadre du syndrome de
– Les tumeurs multiples sont de petite taille, localisées souvent dans l’immunodéficience acquise (sida) d’une façon primitive ou lors
le fundus, s’accompagnant d’une hyperplasie des cellules d’une atteinte systémique [2].

6
Gastro-entérologie Cancer de l’estomac : anatomie pathologique 9-027-A-05

TUMEURS SECONDAIRES
Tableau III. – Classification pTNM des cancers de l’estomac.
Les carcinomes métastatiques simulent en tout point une tumeur
primitive. Leurs origines les plus fréquentes sont le sein, les Classification pTNM (1997)
bronches, le foie, le rein ; il peut s’agir aussi de mélanome ou de T1 Musculaire muqueuse, sous-muqueuse
choriocarcinome [28]. Les cancers des organes voisins s’étendent
parfois à l’estomac (pancréas, côlon, foie, vésicule). T2 Musculeuse, sous-séreuse

T3 Franchissement de la sous-séreuse

T4 Structures voisines
Rôle de l’anatomopathologiste
N1 Un à six ganglions

L’anatomopathologiste intervient à trois moments au cours de la N2 Sept à quinze ganglions


prise en charge du cancer gastrique : au stade du diagnostic, N3 Plus de quinze ganglions
éventuellement en peropératoire et en postopératoire.
Stades tumoraux

Stade 0 Tis N0 M0
BIOPSIES GASTRIQUES
Stade IA T1 N0 M0
Elles permettent de poser le diagnostic de cancer gastrique. Leur Stade IB T1 N1 M0
rentabilité dépend du nombre de prélèvements effectués et pourrait T2 N0 M0
être augmentée dans des situations particulières (cardia, carcinome
Stade II T1 N2 M0
superficiel) par un brossage cytologique. Des prélèvements à
T2 N1 M0
distance du cancer permettent de juger de la gastrite T3 N0 M0
d’accompagnement. Les prélèvements doivent être séparés dans des
flacons différents, chaque fois que la topographie de la lésion est Stade IIIA T2 N2 M0
T3 N1 M0
importante à préciser. Chaque prélèvement doit être plongé
T4 N0 M0
immédiatement dans le fixateur. Le liquide de Bouin est un bon Stade IIIB T3 N2 M0
fixateur pour l’étude morphologique, mais ne permet pas des études
Stade IV T4 N1, N2, N3 M0
biochimiques ou de biologie moléculaire, contrairement au formol
T1, T2, T3 N3 M0
salé ou tamponné. Tout T Tout N M1
La coloration usuelle est l’hématéine-éosine avec ou sans safran. On
peut s’aider de colorations spéciales, mettant en évidence les pTNM : classification en cas de tumeur maligne (T), de présence de ganglions (N : nodes) et de métastases (M), p :
pathologie.
mucines (bleu alcian, PAS), H. pylori (violet de Crésyl, Giemsa
modifié) ou permettant de mieux étudier la population Au terme de l’étude histologique, le compte-rendu
lymphocytaire (Giemsa lent). anatomopathologique comprend les données macroscopiques et
L’étude immunohistochimique utilisant des anticorps mono- ou histologiques, qui permettent de définir le stade anatomoclinique
polyclonaux permet de diagnostiquer les tumeurs gastriques peu selon la classification internationale pTNM (tableau III).
différenciées : lymphome versus carcinome indifférencié, mélanome Par rapport à la classification pTNM de l’année 1992, la nouvelle
ou carcinome neuroendocrine… classification de 1997 donne plus d’importance au nombre des
Une étude a montré que la recherche par immunohistochimie de ganglions envahis qu’à leur localisation anatomique, plusieurs
micrométastases au niveau des ganglions lymphatiques a une études ayant validé cette nouvelle notion [14].
importance significative sur le taux de survie à 5 ans [11].

EXAMEN EXTEMPORANÉ
Techniques d’études moléculaires
Il peut permettre d’apprécier l’extension tumorale en cours des cancers de l’estomac
d’intervention chirurgicale. En particulier, l’examen des limites de
résection, des ganglions lymphatiques, des nodules hépatiques et De nombreux problèmes restent posés au pathologiste dans le
péritonéaux permet de vérifier l’absence d’extension à ce niveau. domaine de la prise en charge du cancer de l’estomac, et les
classifications morphologiques ne sont pas totalement satisfaisantes
pour prédire le comportement clinique de la tumeur.
EN POSTOPÉRATOIRE En améliorant la connaissance de mécanismes moléculaires de
L’examen de la pièce de résection est un des éléments importants cancérisation de la muqueuse gastrique, des techniques telles que la
du diagnostic et de la décision d’éventuels traitements cytométrie en flux, la cytogénétique et la biologie moléculaire ont
complémentaires. En outre, seul un examen soigneux et apporté des réponses à certaines questions. Certaines de ces
systématique de ces pièces permet la comparaison de séries techniques sont maintenant utilisables de façon courante. Elles ont
multicentriques. permis de montrer que les altérations génétiques sont différentes
La pièce doit arriver le plus rapidement possible au laboratoire pour les cancers de type intestinal et diffus, et pour les cancers
d’anatomie pathologique, ce qui permet d’effectuer des superficiels et avancés. Il faut cependant noter que les connaissances
prélèvements congelés en vue d’études ultérieures en biologie sont moins avancées pour le cancer de l’estomac que pour le cancer
moléculaire. Après fixation, en général par le formol, des du côlon, dans lequel un modèle précisant les étapes successives de
prélèvements sont effectués de façon systématique sur : transformation de la muqueuse colique a été proposé, et qu’aucune
anomalie spécifique du cancer gastrique n’a à ce jour été identifiée.
– les deux limites de résection ;
– la tumeur en intéressant la partie la plus infiltrante et la zone de
ANOMALIES DU CONTENU EN ADN
raccordement avec la muqueuse apparemment normale ;
Les cancers de l’estomac sont comme la plupart des autres tumeurs
– les muqueuses antrale et fundique à distance de la tumeur ;
malignes, fréquemment ADN-aneuploïdes : ils ont un contenu
– les diverses chaînes ganglionnaires lymphatiques qui sont nucléaire anormal en ADN détecté par la cytométrie en flux ou la
individualisées ; le nombre de 15 ganglions est le minimum requis morphotométrie et qui traduit l’existence d’importantes anomalies
pour classer la tumeur en N0 [30, 36]. chromosomiques. Les cancers de type intestinal sont plus souvent

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9-027-A-05 Cancer de l’estomac : anatomie pathologique Gastro-entérologie

ADN-aneuploïdes que ceux de type diffus, et les cancers du cardia à une expression anormale des protéines correspondantes qui peut
plus souvent ADN-aneuploïdes que ceux du reste de l’estomac [4, 18]. être étudiée plus simplement par l’immunohistochimie.
Certaines études ont montré l’importance de l’étude de la ploïdie Les oncogènes de la famille ras jouent un rôle dans le contrôle de la
comme valeur prédictive de survie dans les cancers peu avancés [3] prolifération et de la différenciation cellulaires. La mutation du gène
et comme marqueur d’envahissement ganglionnaire dans les Ki-ras est relativement fréquente dans les cancers de l’estomac. Une
carcinomes superficiels [34]. augmentation de l’expression de la protéine p21 ras est plus
fréquente dans les cancers de type intestinal que dans les cancers de
Le pourcentage de cellules en phase S, mesuré par la cytométrie en type diffus et plus dans les cancers avancés que dans les cancers
flux, couplé à l’étude de la ploïdie, pourrait être un marqueur peu évolués [4]. Cette augmentation n’est cependant pas limitée aux
biologique important pour l’évolution du cancer de l’estomac [33]. La cancers, puisqu’elle a été observée dans des zones de dysplasie, de
prolifération peut aussi être quantifiée par le pourcentage de cellules métaplasie et de muqueuse régénérative [4, 31].
exprimant des antigènes tels que le proliferating cell nuclear antigen Parmi les autres altérations génétiques présentes dans les cancers de
(PCNA) ou le Ki-67, marqueur d’agressivité du cancer, qui l’estomac, citons les altérations des gènes p21 et p27 [16, 27, 39], les
indiquerait pour certains [12] un risque élevé de métastases altérations des gènes codant pour différents facteurs de croissance
ganglionnaires dans les cancers superficiels [34]. (HGF, FGF, EGF) et pour leurs récepteurs (TGFb-RII) [4, 17] , la
réapparition d’une activité télomérase dans les cellules tumorales [41]
et la mise en jeu du phénomène d’instabilité des locus
ONCOGÈNES ET GÈNES SUPPRESSEURS DE TUMEURS microsatellites [9].
Ce sont les gènes qui contrôlent à l’état normal la prolifération Cependant, aucun de ces marqueurs génétiques n’a à ce jour
cellulaire et l’homéostasie tissulaire. La plupart peuvent être d’intérêt validé dans la prise en charge des malades atteints de
impliqués dans le développement des cancers par l’intermédiaire de cancer de l’estomac, pas plus d’autres marqueurs phénotypiques
diverses altérations. Les modifications décrites dans les cancers comme l’expression de la cyclo-oxygénase de type 2 [23, 42], les
gastriques sont surtout des amplifications et des mutations anomalies d’expression de molécules d’adhésion (CD44,
ponctuelles, dont la détection nécessite l’utilisation de techniques de E-cadhérine) [15, 40], ou la composition du stroma tumoral et sa
biologie moléculaire ; ces modifications aboutissent dans certains cas richesse en cellules inflammatoires [13].

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Gastro-entérologie Cancer de l’estomac : anatomie pathologique 9-027-A-05

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