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DU MEME AUTEUR Aux MEMES EDITIONS ‘Moise et la Vocation juixe oll. Maitres sprites, 1956 LExistence juive 1962 cuez p’aurnes fprreuRs ‘Amos, contribution & Pérude di prophérisme “Librairie pbilosopbigue J. Vein, 1950 Notes sur Qohélét, IBeclésiaste Editions de minuit, 1951 LE sence du prophétisme Presses wnisersitsres de Frace, 1955 Jérémie Plon, 1960 Histoire biblique du peuple d'Israél ‘en collaboration avec René Neber ‘Adrien Maisonnenve, 1962 Le Puits de I'Exil, In théologie dislectique du Maharal de Prague Editions Albin Michel, 1966 De Thébreu an francais Editions Klincksieck, 1969 ANDRE NEHER L’EXIL DE LA PAROLE DU SILENCE BIBLIQUE AU SILENCE D’ AUSCHWITZ EDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VIE © Biditions dw Senil, 1970. Liminaire Ce livre essaie de rompre In Parole par le Silence. La Bible nlestelle pas, en effet, le Livre de la Parole, par excellence? Nesece pas A travers la Bible que "homme 2 recueilli et continue de recueillir Ia parole de Dieu, Ia parole des hommes et 'écho du dialogue qui relie ces deux paroles, dans I’Alliance? Une phénomé- nologie de la Bible n’est-elle pas, dans son essence méme, une phé- noménologie de la parole? Contestant, semble-til, la définition que la Bible donne d'elle- méme, a contre-courant des interprétations que les siécles ont données de certe définition, ce livre ese un pari : en 'engageant, j'ai eu T'impression d'explorer, puis de baliser et d'identifier une terre inconnue. Certes, le théme du silence fait partic, depuis longeemps, des disciplines vouées & étude de la musique religieuse, Les expé riences du Sufisme et du Yoga, les descriptions de Bahya-Ibn- Paguda, de saint Jean de 1a Croix et de Maitre Eckhart, la discipline trappiste, n’offrent-elles pas suffisamment de variantes du silence pour alimenter des travaux susceptibles d’en repécer le contenu @hique, mais aussi la portée métaphysique ? Des livres classiques du gente de celui de Max Picard (le Monde du Silence"), ou des livres polémiques du genre de celui de Georges Steiner (Len- gage et Silence’) ne viennentils pas de promouvoir le silence parmi les catégories de la philosophic générale, ct analyse du silence ne devient-elle pas ainsi aisée dans ses démarches et justifiée dans son principe? 1, Max Picard, le Monde du Silence, Paris, 1952 2. Georges Steiner, Langage ot Silence, Paris, 1969, 7 LIMINAIRE Certes encore, les exégtes et les hiistoriens de la Bible ne men- tionnentils pas sporediquement le silence, soit quills l'apercoivent dans certains détails de Fexpérience prophétique, soit qu’ils le re contrent, non plus en détail, mais en gros et en vrac, dans certains livres bibliques tels que celui de Job? Personne, toutefois, n’a encore établi jusqu’ici le rapport orga- nique entre ces deux thémes : celui du silence et celui de 1a Bible. ‘Lss historiens de 1a mystique ou les phénoménologues du silence tuavaillen: sur de nombreax claviers, sauf sur celui de Ja Bible, qui leur parait, sans donte, accessoire ox anodin. Quant aux histo- ens de la Bible, aucun d’entre eux n'a eu ni Vidée, ni Vaudace, disoler le silence et de I’étudier pour lui-méme. Dans leurs recher- ches, le silence n’est qu'un épiphénoméne de la parole. ‘Au départ, jiignorais donc 2 travers quoi et jusqu’oit allaic me mener mon ‘itingraite, et mon impression premitre, Cétait d'écre seul. En cours de route, pourtant, jai trouvé des compagnons. L'ua, le plus immédiat, le plus fertile aussi cétait 1a Bible elle-méme, son texte littéral et itréfutable, mais cétait le lecture de ce texte A travers la tradition juive, celle du Midrash talmudique et mystique surtout, véritable miroir d'une lecture authentiquement juive de la Bible. Tes travaux d’Abraham J. Heschel ', Emmanuel Lévinas*, Eliane ‘Amado Lévi-Valensi', mes propres recherches sur la Bible et le Maharal de Prague’, ont récemment liveé au lecteur de langue fran- aise la clé de ce royaume du midrash. Chaque lettre de la Bible y est interrogée sur ses significations spirituelles. La plus humble des nuances graphiques du texte y devient la racine et le support d'une philosophie au-dedans de laquelle, défiant Jes ages et les espaces, Rabbi Aquiba dialogue avec Moise et Rabbi Issac Lévi de Berdit- chev avec Abraham et Job. Or, le texte biblique et son exég’se midrashique sont grouil- 3, Abraham J. Heschel, Dien en quéte de Ybomme, Paris, 1968, 4, Emmanuel Levinas, Difficile libersé, Paris, 1962, Quatre lecons tal- snadiques, Pacis, 1963. 5. Eliane Amado Levi-Valensi, Ja Racine et la source, Patis, 1968. 6. André Neher, lo Puits de PExil, Paris, 1966. CE, aussi Jean Halpério, « Les dimensions juives de Vhistoice 3, Res. eBéol. phil, 1966, 8 LIMINAIRE, Jants du theme du silence, La lecture ow plutdt Ja relectare du texte biblique, saisi dans sa naive spontanéité, seest avérée étre une lecture, non plus de la parole, mais du silence. Le probléme méthodologique n’était plus celui du matétiau, dont la richesse était indéniable, mais celui de son agencement au- dedans d'une interprétation cohérente. En une premizre saisie des themes du silence biblique, nous avons donc essayé d'en organiser Tinventaire dans Ja triple réalité de ses formes, de ses structures et de ses dimensions. En guise d'introduction, nous invitons le lec- teur 2 pénétrer dans ce chantier ot sélaborent successivement une morphologie, une syntaxe et une sémantiqne du silence dans la Bible. Prélude au silence biblique Morphologie : le paysage ‘LA CREATION EST SILENCE Te silence, dirais-je en une premiére approche qu'il s‘agit de pré- ciser, constitue le paysage de la Bible, 7 Ce paysage se confond d'abord avec la nature, dont les immensités infinies sont portées par le silence : Ni Parole, mi Mots, leur Voix me peut Sentendre.. (Ps. 19, 4). La Bible est ainsi le premier témoignage humain de cette découverte bouleversante de V'identité de H'infini de 1a nature avec le silence, découverte qui suscicera les prodigicuses extases de Platon et de Pascal, de Hélderlin et de Rilke, de Beethoven et de Chagall. Elle pousse méme les choses plus loin, et va jusqu’a suggérer que e silence est 1a forme métaphysique due cosmos, Auttement dit : il ‘en est de Ja Nature entiére par rapport a homme comme il en est de Ja lune par rapport a la terre, Celle-ci ne peut jamais aper- cevoir de celle-la que l'une de ses faces ; mais autre face existe, en ‘ua revers qui, pour Ia terre physique, est littéralement métaphysique, Tien est de méme du cosmos qui ne présente & l'homme que la face loquente de son ére physique; mais autre face existe, en un fevers silenciens: qui, pour "homme physique, est, Jui aussi, Liteé- falement méraphysique. Ce que la lumitre et Yombre sont a la Tune, la parole et le silence le sont au cosmos. Et cest pour cela que Josué (Jos. 10, 12-13), en apostrophant Ie soleil 4 Guibéon, Ae lui a pas dit « Arréve-toi! », mais : dém, ¢ taivtoi! » —« et le Soleil se int, en effet » : il Ya mis au défi de sa vocation métaphy- Sique. Poor les spectateurs humains, rout s'est passé comme si le soleil « séait arrésé » — veyaamod —. Mais dans la réalité des ‘choses, il y a eu la micaculeuse sévélation de autre face des choses : B PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE leur face silencicuse, signe de 1a sur-nature au sein de la nature, Cette lecture de Rachi de Troyes (xI" sicle) et du Maharal de Prague (Xv1' siécle) a évicé aux Galilées juifs les tragiques malenten- dus de leur compagnon chrétien, Rachi et le Maharal se meuvent dans tun paysage biblique done ils savent que, pour éviter d'y mal entendre, il faut au-dedans de In parole, entendre le silence. LE CREATEUR EST SILENCE Mais si la Bible sait identifier V'infini cosmique avec le silence, lle sait aussi que cet infini n’est que le voile d'un autre Infini, celui du Créatenr, dont la Parole, certes, perce a travers les immen- sités pour atteindre l'homme, mais dont I'Etre intime ne peut siidentifier, lui aussi, a la limite, qu‘avec le Silence. Déja, le Psaume 19, que nous citions tout & l'heure, ne s'y trompe- til point. Le silence cosmique n'est que Ia forme le plus éloquente de la révélation divine : Les Ciews racontent la Gloire de Dieu, et Veewvre de Ses Mains, Cest la vorite qui la révile... Mais tout cele, sans Parole, ni Mots, leur Voix ne pont sentendre. Ainsi, le silence cosmique n’estil pas le signe d'une absence, mais, bien au contraire, dune Présence. Présence toutefois silencicuse, & laquelle les célébres versets 11 et 12 du x1x" chapitre du Premier Livre des Rois, ont donné une expression particuligrement plastique, puisque Diew s'y découvre, ni dans Vouragan si spirituel fat-il, ni dans Je tremble- ment si terrestre facil, ni dans le feu si incandescent facil, mais dans la Voix du Silence téna. Ainsi la Bible nous méne-telle vers un Dieu, dont Moise méme, dont il est dit pourtant que Diea Te connut face a face (Dt. 34, 10), apprend qu'il ne peut en per- cevoir que les Traces, jamais les Faces (Ex. 33, 23)', et quilsaie, qui se flattait pourtant avoir vw le Seigneur (Is. 6, 1) invoquera un jour comme le Diew caché : « Ab, cest vrai, dira-til (45, 15), comme si, parfois, il avait oublié, Ti es le Diew caché. » Ec Yon sait quelles perspectives ces thémes ont ouvertes eux miystiques, quils soient juifS ou chrétiens ou musulmens, pourvu qu'ils pu sent leurs éblouissements dans la Bible. Sans nul doute, c'est la Kab- bale juive qui est allée le plus loin dans ce domaine, en proposant, 7. Traduction proposée par Emmanuel Levinas, 14 MORPHOLOGIE : LE PAYSAGE is pour routes, que Je Nom Divin ne soit plus évoqué dans une eect, ‘mais dans le respect du repliement négatif sur soi Mmplique 1a notion silencieuse de l'nfini : En Sof, Pas-de-Fin, Jeet le Nom que porte Dieu dans la Kebbale, et est identification farime de ce Nom avec le Dieu caché et silencieux de la. Bible, ia permis a l'un des kabbalistesjuifs du xn" siécle, Eléazar Rokéah Ge Worms de dize, une fois pour toutes, afin que nous n'en dou- tions plus et que Forgueil de notte Parole humaine ne sinsurgeét ‘point contre cette vérité si simple et si loquente : Diew ext Silence, 1A cafarun esr sence Ces dans ce méme paysage biblique quien face des silences " nfinis de Ia création et du Créateur, nous surprenons le silence “fini de homme. De méme que le silence constirue Ja forme 1a plus “Aoguente de la révélation, ainsi l'instrument le plus eloquent de ‘Vedoration estil le silence. A I'Infini correspond et répond Ineffable, ‘thime religicux que la Bible est, derechef, la premiére & avoic placé “dans les tréfonds de I'ame humaine, Deux Psaumes scandent ce ~ théme en formules frappantes et classiques. L’un, le Psaume 62 _Gwerset 2) apprend a tous ceux qui vibrent en face de UInfini divin, “quill n'est de corde plus vibrance pour exprimer la nostalgie de |'Ame gue le silence : Ab, vers Dieu vibre de silence mon dme. Méir Ibn a donné, au xin" siécle, de ce verset biblique une émouvance “interprétation musicale. Lorsque les cordes de deux instruments sont erties, slo, ie ue Tune ive pour que se meee & chanter. Dés lors, puisque Diew ext Silence, “comment Maccord de l’ime avec Dieu pourrait-il s‘exprimer autre- _ mene que par le silence * ? au Psaume 65, il frappe, en son deuxigme verset, une le aussi apodictique que celle du Dien caché d'Isaie : A 10, 84 le Silence convient en guise de Lonange. Les spirituels ne se Pas fait fauce darracher & cette proposition sa substance phi- ‘ . Avec beaucoup d'autres compagnons, juifs ou chrétiens, ide Gdifie sur ce verset une critique ebsolue de la pritre Stents: Le pritre authensique ex fiddle au paysage de Ia Bible, ne TBE MEir Tba-Gabboy, Avodes Hegqadesh, Mentove, 1545. 15 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE ere peut éze quune pritre silencieuse (Guide des Egarés, 1, 59). Car la parole trahit, et seul le silence respecte ce lien organique qui pose Tneffable en face de Mnfini. Antoine de Saint-Exupéry sait, en notre siécle que « l'amour d'abord est exercice de la prigze et la prigte exercice du silence ». (Citadelle, p. 204.) inspi des motivations semblables, celles notem- yeu 4 démagogues que la Bible appelle les faux les faux prophétes) relevent de cette catégorie du silence de l'homme. . 7 Livre des Proverbes et celui de TEcclésiaste ont tenté de ser ces catégories de silence et de montrer surtout nce radicale du silence, a laquelle 1a Bible tient fonda- st, De méme quill est un moment pour parler et un mem: pour se aire (Eccl. 3, 7), de méme y a-vil une manitre parler et une manitre de se taire, Si le silence peut étre signe ‘Wacheré, d’étourderie ou d'ignorance, il peut aussi ‘etre V'expres- ‘de Ia connaissance, de la volonté et méme de I'héroisme. Les foionnent, dans ln Bible, de silences coupables, dans ‘replis desquels les hommes cherchent ou tentent de chercher ne complicité inavovable avec le crime. Le Lévitique (5, 1) met jent en garde contre ce démon de 1a neutralité silen- : Phomme qui entend, qui est témoin, qui voit, qui sait et gai “parle pass. il est coupable. Esther (4, 14) et les lépreux de (2 Rois 7, 9) ont été exposés & sa tentation, et n'y ont que par un sursaut moral qui, chez Esther, frise LE DIRE DU NOW-DIT Le silence de Phomme ne peut, évidemment, sinscrire dans V'in- fini sans renier la condition finie de homme. Souvent, l'homme se tait, non parce qu'il ne posséde pas de meillenre clé d'accés & l'infini que le silence, mais parce que le silence Iui offre une prodigieuse variété de clés d'accés & sa propre finitude humaine, Nous ne serons pas étonnés de découvrir dans le paysage biblique da silence cer. tains de ces accés aux racines de la psychologie humaine. Voici d’abord le silence de l'homme que j'appellerais volontiers génétique, parce que les formes les plus accusées de ce silence humain soffrent & nous dans la Gendse, a V'époque primitive et naturelle de I'humanité, qui s'‘étend d’Adam & Abraham, & travers Jes relais d'Eve, d’Abel, de Cain, de Noé et de leurs contemporains, ‘Une morphologie du silence, qui se voudrait attentive & toutes les nuances du texte biblique, découvriraic sans peine, dans ces pre- miers chapitres de la Genése, une typologic compléte du silence, Elle s‘exprime a travers des attitudes psychologiques, telles que la peur, Vbypocrisie, Valibi, mais aussi & travers des variétés de la parole, telles que le bavardage, le mimétisme ou la démagogie, qui ne sont, en fait, que des variantes du silence, puisque les mots débités le sont pour rien, et que tout se passe chez le bavard, le comédien ou le démagogue comme sils n'avaient pas parlé, Mais notons, surtout, que si les onze premiers chapitres de la Genése renferment, en quelque soree, les documents d'archives da silence génétique, celui-ci se retrouve évidemment plus tard (en XVIII, ce coup de foudre d'une amitié qui va, désormais, a bonne compagnie de la parole génétique), éparpillé A travers len Aes vicissitudes les plus douloureuses et jusqu’d la mort tra- semble de la Bible, mais en apparitions moins typiques, et surtout ss lier Vame de Jonathan a celle de David et dont on soubaiterait plus épisodiques, que dans la Genése : les silences de Laban, da Jes motivations profondes. Nous ne pouvons entrer ici dans Pharaon, du Sage pradent et neutre (dm. 5, 13), de Job, dans dlune exégise qui devrait s'éendre sur ensemble des Véclairage du Midrash qui fait de lui, parmi les trois conseillers XVi-xvatt du Premier Livre de Samuel, ensemble parciculigre- du Pharaon, celui qui choisit de se taite, -—~ tous ess silences (E = « Tun des noeuds les plus enchevérrés et les plus 16 7 ‘i le silence est ainsi le masque hypocrite de la prudence 11, 12; Am. 5, 13; Prov. 17, 28; Job 13, 5), il apparait si comme le fruit vigoureux d’une décision de conscience. Il y ples de silences sacrés dans la Bible oi le sacré ne reléve ‘eatégories numincuses analysées par Rudolf Oto, mais ‘gravité kantienne de la loi morale. Lhomme se «ait pour lesser autrui ou pour sauver son honneur, voire son exis- mple le plus remarquable nous en est fourni dans le sécit de David et de Jonathan (I" Livre de Sansnel), début PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE MORPHOLOGIE : LE PAYSAGE difficiles & cénouer », nous avertie Bissfelde (Introduction @ VAncian ‘Testament, p. 363) et sur lequel imagination ees ens des exégttes ont exercé leur subtile et meurtritre sagacité, Sail, en effet, ‘oan: le me vai, oi fgnorer, 3 le fin du chapitre Xvi, au soir de la victoire de wets eee ome =! David sur Goliath, T'identité et Je nom de ce jeune vaingueur, au Te texte enchaine (18, 1) : « Il arriva, lorsqu'il eut dit tont ce point de sen enquérir auprés d’Abner, puis auprés du héros luk vont dre a Sail, que Vime de Jonathan se noua 4 Vame méme : De qui es-tu le fils, mon garcon?, alors que dts la fig » Kekalété ledabbér : épuiser ses paroles, cela peut du chapitre XVi, nous avons appris que Salil utiisait les services de BO dice cour ce que Vom evsic & dite, mas cela a David, comme luthier, lors de ses crises nerveuses ? Ne fautil pas, et ercse, ne dire que oe que Toa. vonlai: dex, eae avec la ertigque, conclure & une confusion anachronique dacs Steer momar, couper cout pout 2 pas aller chapitces ? | 7 dune certaine limite. Et cest pour cet aj i ‘On oublie que les services rendus par David & la cour de Sai fei focatan sina David ie ae emer 1a Cour, il respecte Ia fable de l'intégrité royale. Il dit : « Je fe fils de ton serviteur Isaie, de Bet-Lehem », et il starréce i, Se er vos db on fre 2 Bclsbo) © ma BL ce de plu ces I i epee ple quis étaient clandestins, car seuls les plus intimes savaient que I BE ee ets Tame, Dans ce respect de la rar ae Oi Sail était en proie A des ctises de folie. Vers Vextérieur, 1 eernatc avec éblouisement le gene don: btre quette étair seuvegardée, ec le peuple ignorait tout de la mal Sr a Se GE Ge aging asémee de gules pecearons i fl Beale usen cde Drvil ox lintelemene rne entourer les allées et venues de David, coincidant avec les accés d Midrash (Pirgné Abo: 5, 19) de ce quelque chose qui folie da roi. iela de cepa sve TLa fiction est maintenue grice & la complicité tacite des quelques a ole — ee tala Badr et que nous intimes de Sail et naturellement aussi grice & la discrétion de David qui joue Je jeu avec noblesse. ‘Mais au soir du combat singulier concre Goliath, David est plac au feu de Pépreuve. Dans cette scéne au vaste public, puisque peuple tout entier en est témoin, Sail et Abner sfaccrochent la Ticmme y appara fs : Ce ee el ieee re we Ss se Ba en effet, tous deux d'ignorer qui est ce jeune héros (v. 55 et 56) Biblique quest la prophétie. Chez Vhomme Fett Tis font comme sils ne Tavaient jamais vu, car cette ignoraad Be ciblcive «ile ox: coe commoninnten te aoe feinte est pour eux, depuis longtemps, devoir d'Etat. . 4 ‘objective d'un message capté i la source divine elle est Tout va dépendie maintenant de la réponse de David. Gri tun appel ; elle nest plus, au sens stice du terme, parole par le succts, ne va-til pas se trahir et trahir? Ne va-eill pas cri wean. D’Abraharn jsqurau dernier prophete bibligae, Ja figure du roi et de son généralissime : « Qui je suis, me dem: lignée humaine, done Yexistence est constammene ‘vous ? Certes, je suis le fils de Jessé, de Bet-Lehem, mais je suis «4 deux dimensions : celle de leur personne inte sllée le joueur de luth que vous connaissez bien, puisqu'il vient apé Tear organe instrumental. Dans cette parole dis ea par ses mélodies, tes crises de folie, 6 Roi! > BEE sipcces, 1e'aiience atgiriee aension aiken. Or, dans la souveraine domination de sa personnalité, David trad Bt pice ale tucidement la limite de sa réponse, Il respecte le contrat passé ent thez un prophéte habirué au commerce de la Parole 18, 19 SS CONTRE-DIRE “Paysage biblique peut rarement etre réduit a une seule PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE fait subitement défaut, pendant un intervalle plus ‘ou moins long. Dieu se tait, alors que tout appelle sa Voix. Ces Te cas célbre d’'Abraham sur le mont Moria, éclaité sous tous angles par Jes analyses fameuses de Kierkegaard. Crest le cas p célébre encore, et presque typique pour le probléme unive de Ia Mort de Dien, de Job sur son fumier. Mais cest aussi Ig cas, moins célabre au poine que jusquici, personne encore ne 1 relevé, de Jérémie, lorsque pendant dix longues journées, il ky fant auendre une réponse urgente & sa demande pressante (Jér 42,7) et le cas de Sail heurtant de la téte contre des murs sile ciewx (1 Sam. 28, 6). Taversement, est la parole de Vhomme qui fait défaut dans dialectique dela vocation. Diew lance soa appel, mais Yorgan Ja Bible, les structures du silence sone aussi diversifides rebelle du prophéte refuse de répondre et cherche refuge dans il faut néanmoins partic d'une caractéristique trés silence. C'est le cas notamment de Jonas et d’Ezéchiel : le silence qui impose son cacher structural & Tensemble du Livre séeend par nappes Jourdes et pesantes sur In premitre phase d A certaines de ses parties seulement : le silence n'y leur aventure prophétique. sivement objet ; il y est, le plus souvent, sujet. Je veux Rien de plus impressionnant que ce silence 2 double sens, est parfois question du silence dans la Bible, si 'on ce soit Dieu, ow que ce soit I’homme qui le provoque. Il y Evidemmens, un secret dans cette vocation sans partenaite, dans a ‘appel sans écho, dans ce Dire sans Contre-Dire, un secret aug le paysage biblique doit probablement ses couleurs les. plus of ginales, Au-deli de la rencontre, peut-étre trop simple, de l'homme de Dieu dans I'Ineffable, l'étude morphologique du silence da 15, 12), comme la sagesse lorsqu’elle prend Ja Bible nous conduit au probléme beaucoup plus intense de iq (Prov, 8, 1),"e sens ox of he eee confrontation de Phomme et de Dieu dans I'Effable. Cest lorsq acteurs les plus décisifs de Ja vaste avencure biblique. jaut parler que le silence peut devenir une arme. La forme la Par la nature méme de cette chose apparemment offensive du silence dans la Bible ce nest pas celle qui ressem néme quiest le silence, ce réle estil tellement dis- bleraic au silence du trappiste dans la retraite monologale de Hsque de passer inapercu, ou plusdt in-entendu. Mais cest cellule et de son moi, mais cest l'épanouissement paradoxal ¢ Ge Vexégite et du lecteur que de sentir le silence & silence lorsque le Silence affronte la Parole dans le liew privil lence. N'est-ce pas que 1a Bible nous y invite elle-méme du paysage biblique qu’est le dialogue. La morphologic de Ia voix du Silence, si céau soivil? Rarement, silence biblique devrait distinguer, dés lors, en une sorte de conch Gwune pause, due a quelque fatigue de langage. sion provisoite, entre le silence statique de la Gendse et le sled de srt correspond presque toujours & une volonté dynamique de l'Exode. Car Yhomme nait seul; mais sortir, S ‘aire. Esayons donc détre les sourciers du silence : affronter l'autre, Et le paysage biblique est ainsi faic de Palte Ppa Sussit en ce que j'appellerai volontiers des naeads du silence monologal et du silence dans le dialogue. ere eee de deux structures. équitablement Syntaxe : les structures comme dune chose, la troisitme personne, comme soleil, du sommeil, de la sagesse, beaucoup plus souvent rent dans la Bible & la premitre personne ; il y joue tif er prégoant. Comme le soleil, au jour de la victoire me le sommeil, lorsqu'll surprend Adam ou Abraham 2 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SYNTAXE : LES STRUCTURES Par nceuds, jentends ces émergences rapides et fugitives d'un sles que tien apparemment ne prépare, ai ne prolonge. Notre ane un chapitre entier et, parfois, tout un livre bibli- Mrorphologique nous en a fourni des exemples : V'énigmati le une nappe, tantdt soucerrine, eant6r visible, transformant Hleme de Dieu en plein corar d'une consultation de Jérémie (42, tu ce livre en un lac de silence, qu'il Sagise du silence ‘ou du silence de Dieu. Tarrée brusque de In phrase de David & le fin du chapitre Xvit 4 . Premier Livre de Samuel. Mais il faut y ajourer rout un rés Te silence de homme, on pourrait évoquer, en exemple, tissé par les procédés internes du langage = celui-ci est condamn nte épopée sans paroles de Gendse 6 9 & 9, 25, dans f vanérer de temps en temps, & « souffler » en quelque sorte, a fe héros humain, Noé, ne prononce pes un seul mor! 2 ménager ainsi des intervalles & travers lesquels, subrepticemeny “Gest, 4 coup sir, le Livre d'Eaéchiel dont Ia structure se sintroduit le silence. que intégralement, avec une aventure du silence. Cest di moins ainsi que Ia Bete Ge Lire chil ex celal de Tov t de la veut que nous incerprétions Ja structure physiologique du tex om, on reconnaitra que 'agencement interne du livre déve- Diblique, Ce qui, ileus, est un simple phénoméne de la pl ce théme sur celui de Vexit et de Je rédemption de la parole. devient, pour Ja phrase biblique, un tracé volontaire et lourd de ee dans ce théme, l’acteur principal : il talonne les sens, La proposition ou la phrase ou le chapitre ov Je livre i Rese. comme le fait Méphisto dans l'aventure Sarrétent pas, dans la Bible, parce quil n'y avait plus rien st Cest autour de Ini, grice A lui, malgré lui, contre See Pe eigue le nordic os le son-didble voulent, out se défait et se fait. I entre en scéne dis les tout pre- fe moment, érre dits. Et ils ne le pouvaient évidemment qu’a 1 eed 26 du chapitre m1 : Venéélamsa, doré. Ners le silence, dont Jes intervalles blancs dans l'agencement de 2 Son prophite, 1 seras muet, et, dorénavant, le phrase biblique, sont les signes d’émergence. Un exemple remarq aie Ja scene, . Ble : le léger intervalle de silence marqué par un trait qui sép Ezéchiel, — une prophétie muerte ! Constata- Tes deux mots 16 et tirzab du 6' commardement du Décal use. Et comme pour mieux mettre en relief le scandale, permet la justice humaine d’exécuter la peine capitale, ou €0co! pas épars et diffus dans la prophétie d’Ezéchiel ; il Pie conscience humaine dexercer le droit de Iégitime déf oa moments clés qui constiment des Ne pas... tu tueras | Aucre exemple : Ja curieuse pause des consul Ia vie du prophéte, et aussi dans la stracture du prophite Ezéchiel, marquée par les masorétes, au chapitre ide son Livre, par un incervalle blanc entre Je premier et le deuxita ‘verset. Nous verrons plus loin quelles cataractes se déversent cette vanne ouverte. "Ainsi, les signes grammaticaux conférencils, & eux seulsy reate biblique, une structure mi-orale, misilencieuse. Sur la de la phrase biblique, le silence surgit régulitrement comme eur, d'une tappe. Il est partout présent dans I'l tradition sctipruraice jaive, Ja masa slennellement médiateur au centte d'un livre qui ee début de ce chapitre littéralement conical ais Spircvellement, Ezéchiel apprend que ce jour méme 10 Tévér 588), le sige de Jérusalem vient de Bardia Vindlcuble debue de In catestophe. Au ais, Dieu annonce au prophite que st femme va og re its, dans In nuit méme, et que le veuvage in grumen my avmerone ez de sn Teople wet la or, x Cat Sa find 5 “Sh Ezéchiel, blessé dans sa chair et dans © plus intime, sencend dire quiune pétiode de S'instaurer jusqu’A un moment précisé, lui 23 Mais il y a une autre présence structurale du silence d Bible : celle des mappes, je veux dite par la, celle d'un silence 22 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE aussi, par avance (vv. 26-27) : Ce jowr-la, le rescapé viendra vers toi et te fera entendre La nouvelle (de la chute du Temple et de Jéruselem). Ce jourla ta bouche s'owvrira face au rescapé, alors bu parleras, tn ne seras plus muct, ex tn leur servires de signe, es its sauront que Je suis VEternel. Ce jour-la, voici qu'il surgit aux versets 21 et 22 du chapitre xxxu du Livre d'Exéchiel : Ce jut dans la dowzitme année, le dixiéme mois, le 5 du mois, selon la chronologie de notre Exil. Alors vint ters moi le rescapé de Jérusalem, pour m'annoncer que la Ville Gait tombée. La main de Diew avait éxé sur moi des Ia veille, avant que ne vint le rescapé. Il avait ouvert ma bouche, encore avant que le rescapé ne vienne vers moi le matin, Ma bouche des lors atait ouverte. Je wésais plus muct! ‘Ainsi, lorsque avec un retard de quelques mois, dé & la longueur Cun voyage dangereux, le rescapé vient apprendre & Exéchiel que ls 9 Ab 586, Jérusalem est tombée, cest In fin da silence qui avait débuté au chapitre xXWv. ‘Du chapitte 11 au chapitre Xxxttt, la coupe du Livre d’Ezéchiel est done particulitrement nette, et elle est scandée au rythme du silence : une premiére période de silence, du chapitce mt au chapi- te XXIV; une intensification de cette période, du chapitre xxIV au chapitre X0xxiI1 ; puis la fin du silence, la résurrection de la Parole qai docmait sans doute parmi les ossements desséchés que la pro- phétie fait revivre au chapitre xxxvit Mais, direz-vous, ce silence est-il vraiment un silence? A par- couric le Livre d'Ezéchiel, l'impression se fortifie que ce silence est bien éloquent, puisqu’en fin de compte, ni entre les chapitres 111 et XXIy, ni entre les chapitres xxIV et xxx1N, les pages du Livze A'Ezéchiel ne sont blanches; elles ne sont pas non plus hors sujet. Quelque chose a éé dit par le prophéte, et ce Dire a percé le silence et est veru sinscrire sur les pages du Livre biblique d'Ezéchiel | En effer, le paradoxe d'une prophétie muerte implique évidem- ment une technique interne sur Je sens de laquelle il faut nous interroger. Ecartons immédiatement les solutions le plus généralement of- jemes par les exégétes : elles sicuent le parsdoxe dans Jes zones subjectives de la psychologie, voire de la physiologie d’Ezéchiel. Le prophete serait sujet & des crises de paralysie partielle ct d’apha- 24 SYNTAXE : LES STRUCTURES sie (Holscher), & des moments de dépression nerveuse ou d'hypo- condrie qui Vinciteraient & fuir la société des hommes et a s'em- murer dans son Moi (Yehezquel Kaufmann). Ces interpréca- tions font fi de l'aspect dialogal du paradoxe : ce n'est pas le prophéte seulement qui choisie le silence, mais cest Dieu, également, gui utilise Je silence comme expression de Sa Parole. Le silence d'Ezéchiel n'est ni d’ordse physiologique ou psycho- Jogique, ni d'ordre sociologique ; il est d'ordre prophétique, je ‘yeux dire quill n'est ni horizontal, ni égocentrique, mais qu'il tient aux raisons verticales qui font d'un simple individu humain un partenaite de Dieu, Vaventure du silence d'Ezéchiel ne peut done tenis ax apres d'une bumeur et elle ne peut sexpliquer par le ‘yaetvient d'un caractére, Elle a des racines beau por beaucoup plus pro- Sans doute serait.il Kégitime de les découvrir dans 1a notion de ‘pathos, qu'Abraham Heschel propose comme clé du phénoméne prophérique. Nous aurions ici, avec Eaéchiel, le cas type d'une participation pathétique du prophéte a Vaventure de Dieu’. Le silence d'Ezéchiel, stant que sa parole, accompagne et scande Thiscoire, telle quelle est vécue au-dedans de alliance, Certains moments de cette histoire rendent le silence nécessaire, car Ja parole Dlesserait alors Ia séalité ceuvrée par Dieu et pour laquelle i Lui faut acquiescement et le concours de homme. Le silence notam- ment des chapitres xxiv et xxxiit du Livre d'Ezéchiel n'est pas appelé par 1a circonstance historique que le cadre chronologique de es chapitres coincide avec le sigge de Jérusalem par Nabuchodono- Sor? Quelle participation plus éloquente d'Ezéchiel & ce si’ge que son silence, dont la gravité fait écho & Vasphyxie progressive d'une ale allane inexorablement vers su destruction ? silence serait alors Je signe de la ruine, et la parole, celui de la rédemption. Le schéma silence-parole ne serait atime eo peng Rométsique du schéma exi-retour ou catastrophe-rédemp- Nal fumilet & la philosophic prophétique de Vhisoire 4 pavectee de Heschel, pour séduisante qu‘elle soit, ne nous one BM St ls echoigue incerne du silence d'Ezéhi!, puis pte, le parhos n'est, lui aussi, qu'une péripétie psy- 9 Abrabem J. Heschel, The Prophets, New York, 1962. 25 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE chologique, Nous Tavons dit le silence dEzéchiel nt ni dordre physiologique, ni dordre sociologique, ai. Tordre psychologique. Il re vondke prophetigne, je veux dice quill cent & des motivations Tiées an phénoméne complexe d'une vocation. Stas Tavons indiqué rapidement en analysant cove Vheuse les formes du sence biblique, et nous y reviendrons, longneme ples tard, Ia scéne de 12 vocation prophézique d'Ezéchiel, qui occupe Ter sci premiers chapitres de son Livre, e une scine de silence. ce surgit donc au verset 26 du chapitre mt, il ne el, si jose dire, ni ne séléve de Ja terre = il est Je rePeyane rencontre dramatique entie le ciel et la ttre, rencoare dans laquelle le terme dramatique doit @tre pris dans son sens le plus literal, cat ‘Dieu et [homme y jovent un jeu dont Tenjew est la liberté. ‘Loriginalité structurale du Livre d'EFzéchiel est dans oe eMoable du ilence © il foumni aw Livze son armanore, mais 18 See cee armature n’est pas en dehors du Livre; ole pete St Goit se découvrir ds les premiéres pages du Livre. On pourrait gr ‘résumant, que, dans le Livre d'Ezéchiel, le silence dent le see role du prologue et de Tacteus principal d'un drame, Lp SILENCE DANS VIABSENCE : RUTH EY ESTHER Dans le Livre d'Ezéchiel, la mise en branle du silence es réalisée par Vhomme : Dieu se tait parce que, Vhomme Ventraine dans son erence I rren ext pas de méme dans de nombreux ex célebres récits Fibliques, o& Cest Diew qui prend Tntiative souversine du silence. Ta physionomie structurale de ces réits est particulitsement dense a Boda releverons trois qui nous peraissent résumer les sutres en seracrares dominantes. Lar ivies d'Esther et de Ruth fournissent Vexemple dun pis. mice type straccural, Je plus simple mais peutétre aust) le plus Timbiga, parce que le silence y est traté sur le chime de Vabsence + seme? faiea aucun moment la moindre place & la Parole de Dien: Lect, dun boue & Vautre, monologal, car seuls parlent les hommes loss gue lear partenaire divin est enttrement en dehors de jen de {a parole. Dans le Livre de Ruth, V'sbsence ne concerte serictement que la Parole de Dien, car il est question de Diet, & de nombreuses TEprises, et méme presque constamment, rout au long du récit, 26 SYNTAXE : LES STRUCTURES Mais si tous les personnages du Li ofrni Bow: wre — Noémi, Ru = parent de Dieu, Dieu lubméme nintervient & la rimatds Fradon, seu, out A ln fin, pout la grosesse de Ruth (4, 13) anais encore cette intervention estelle silencieuse. Pa ele Li n i ¢ . Par contze, I ATishec posse conte partculareésurprenante dans la Bible oe comport me pas ue fot Téronton dx Nom divin, Non sw Iemene Dio wltervent pe, pa ln parole oo ps ua ate gue cum, dens le sick, ma Habeas de Dies y eit compl, bon dit gue ‘a tradition rabbinique voit un rapport étroit entre Tétymologie du nom Esher e: le theme du Dien czché, puis ape Esher sige poéciément: In achée —— “Je dias que ce spe src de rc els simple, mals guste plas aig, pie efi x dite de sv, =o iateacon du reste biblque ext Griemment de news inoduite ete oe ie cre sen ar ree le ne dune prisenc wop inandevente pour Ere expres siment ero, 00 i at conta, elle doit suggter Vidi fence dun Diss qu sousite que Tes hommes se tren date {UB SILENCE DANS L'EPREUVE : 1'AQuEDA Quoi qu’il en soit d'Esther ou de Ruth, qu’ : , qu’avec elles é tts dans te Sune des Sins biliqu on ne peor pla gue myst e reat vil, ou ques eles nous nous enggions ee a a Jes routes de Vunivers profane ot l'homme marche Soriace aa ee bien, l'ambiguité est levée dés que nous gatos odin ope sald ct Blige, cl de prewe, curve son expeson Ia plus casique dans Téprewe tren oa TA atin, au 22° chapitre de la Genése, La technique ie i ae lramatique au possible. Jusqu’a la derni¢re seconde, oe ie a eee ne sait si, finalement, Abraham immo- oo ‘immoleta point. Mais quelque chose est hors de es cet le race mime de Ia suspension ds Discus divin, Bi secompegne en sourdine Je suspense du lecteur. Car, entre le fare ot Dieu samét de pale, 2 fin du verse 2, ee Vins. ot Tl zeprend In parole au vence 11, le sence ex animé a’ entielle, qui est celle d’étre passager seulement. Selon 27 PRELUDE AU SULENCE BIBLIQUE la belle expression de Martin Buber, il ne peut sagir ici que d'une dalitse de Dien, et non pas d'une absence. La Parole seest sue mais tlle nese pas morte et connaitra nécessairement une parousie. Ce qui est essentel, done, dans la structure de 'Aguéda, cest que Véclipse de Dien y ext mathématique, je veux dire quelle est sou: mise. comme Péclipse astronomigue, 2 un mécanisme précis qui re peut pas étre pris en défaut, Dés Vextinction de la Parole, cont est réglé pour quelle resargisse, puisqu‘en définitive, Cest en vue de cette resurrection, aprés une période déterminée de silence, que Ia Parole a été prononcée i Diew mit Abraham é Véprenve. It dit +. (jw 1) Ce dite initial, nous en sommes prévenus, n'a de sens &t de fonction quiau-dedans de Tépreave. Le lecteur assiste, Gis lors, comme Dieu Iuiméme, & une sorte de spectacle qui Se Aéroule devane ses yeux suivant un schéma préétabli, La tension peychologique est, cerees, grande, mais elle ne dépasse pas les Tinltes de celles d'un spectateur qui sait que le rideau qui vient de se lever rerormbera fatalement, Ici, cest plutdt de V'inverse qu'il Sagit. Le rideau qui vient de s'abaisser sur 1a parole, fatalement te relevera, Il suéfit de suivre la sctne avec émotion mais avec patience. ‘Encore faut-il que dans 'épreave, la patience ne soit pas elle méme soumise a Pépreave! Il ferait bean voir qu'un incident imprévu bloquat le mécanisme, que, par exemple, en route, Abraham se cobrit, Isaac se dégagett, ou encore, que le rideau se relevat d'une ‘Scconde trop tard, et qua la parole de l'Ange : Ne souche pas a Ponfant | Nbraham opposit use parole de ce genre : c'est trop tard, Ponfant est mort, je viens de Vimmoler. Cest pour ces, raisons, fe afin que soient écartés ces risques impondérables, qu’a la préci- Son mathématique de l’épreave doit se surajouter un élément de Trisvesé + Vépreuve, jamais, ne peut étre trop longue ; elle doit se plier A Ja regle classique de T'unité de temps, parfaitement préciste, Cailleurs, dans ’Aquéda, puisque, nous di le verset 4, Véclipse de le parole na duré que trois jours. Chiffre sucunement fortit, puis fu'en suivant le prophéte Osée aux versets 6, 2 de son Livre, Tintervalle de trois jours semble posséder, dans Ia symbolique biblique, le pouvoir de maintenir intacte, dans ses limites, la vie du cemps. Que ce temps soit traversé pat 1a maladie ou par la mort, tn trois jouss, il ne s'épuisera point : 1a guérison ow Ia résurrec- 28 SYNTAXE : LES STRUCTURES tion attendent au bout, dens Ja certitude. Audela, cest le tis inprérisbl de Veccident fatal, Er cest ica — aaah ake Tedipe ¢ de: Dien e, elle aussi, portée et veillée, en quckind tock fans J'intervalle de trois jours. Si elle avait duré pl maps, tien ne la garantissar plus contre Timpondérable eee LE SILENCE DE LA PROVIDENCE : JosnPHt Bic ret Petco ns impondécables qui nous assaillent dans ibme type sructurel de récit biblique, d ‘ment, le rble du silence se confond ore Fedipss 5 i oceans ernie Gounceerstiques de la régularité mathématique et de Bie owt porelle qui nous sont apparues comme essentielles Cest a histoire de Joseph, dans la Gentse, i 7 ja Genise, et & cell ee ee eke pre oe oe Ngee Voili des hommes dont le commerce Paro ieu était intime et quotidien. Soudais parole sarréte, — pour Jacob et - cre a > — pour Joseph, du 1" verset du cha- a ae jusqu’au 2° verset du chapitre xtvi de la Geese our Job, de début du chapine mt jusgut le. fin ach i : i (ae se lie. Mais la parole reprend, pour les nce comme autre, La ruy 1 éeait i PuLDE on ven reper nat don qvione iterapon itis © 50 fmppe abort, cans cet dews rice gales dis tinge foremene du rie de TAgnéde, Ces: que la durée de Teven- ey el enehime Jongue. Le cadre des trois jours, avec olique, y est complétement pulvérisé, et cest le dé nt interminable d'une durée sans fy ceidenstane Fe sans queue ni téte, trente-de ar Bout Jacob et Jour (voy les calcul. de Rashi, quaranteciog ant Boar Job (wyer le estimations dx mites), en out eas, une bonne inche de vie humaine, toufue et vulnéable. soenciambicn de capes, en effet, de tells tranches de vie ne Bis pasts? Avant que ne réapparaisse In parole, que dacci- pou jattesibles ne peuvent se produite? Le récit les suggire Pout Job, qui ure, parfos, dans son dire: AL, je »'en peux plas poses i mais Ne pede, de mane plus dicate e wwante, A propos de Joseph. Son premier cri 29 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE Jorsqu’il retrouve ses fréres : Je suis Joseph, mon pre vit-il encore? (45, 3) trahit sa lancinante incertitude quant au sort de son pére Jhoob. Déja, lors du retour des fréres, mais alors qu'il n'est encore pour eux que le gouverneur de Egypte, il essaie de voir clair : Votre viewx pére, dont vous avez parlé, se porte-il bien, vit-it excore ? (43, 27). Est-ce que vous ne me cachez pas la vérité pir un mensonge de politesse? Votre vieux pére, qui est le mien aussi, ce que vous ne pouvez savoir, vitil eraiment encore? Car, sil ne vivaic plus, & quoi rimeraic toute cette comédie que je joue devant vous, & quoi répondrait toute cette tragédie que Dieu joue avec nous, & quoi bon jouer le jeu comique ou cragique de la ve? Cest mon vieux plre que je veux retrouver, et non pas ‘yous, ni méme moi-méme. Cest pour le retrouver Ini, que j'ai souf- fert, duré et joué. Et au moment oi je léve mon masque (45, 3) révélant & tous que Je suis Joseph, il est une seule chose dont je ‘yeux savoir, maintenant, si elle est vraie ou fausse, une seule chose, pour laquelle il vaut la peine que je vive ce maintenant : Mon ere vitil encore ? Car, n'est-ce pas, durant ces trentedeux ans de séparation et déclipse, combien de fois le vieux pére Jacob aurait-il eu le temps de mouric, de mourir comme cela, méme pas de doulear, mais cur simplement d'une mauvaise gripe, ou, plus simplement encore, de vieillesse, routes choses qui nattivent gure, qui n’arri- vent pas, en. trois jours! Ainsi Uhyperctophie de la durée introduitelle dans ces récits un ément dangoisse, beaucoup moins sensible dans I'Aquéda que cans laventure de Joseph et dans celle de Job. Dans I'Aquéda, pourtait-on dire, I'élipse de Diea provoque une angoisse artficielle, alors que du cdsé de Joseph et de Job, cette angoisse est réelle. ‘Méme séalité de V'angoisse dés lors que I'on ne considére plus le durée de V'aventure, mais son mécanisme interne, C'est une aven- ture, avons-nous dit, sans queve ni tte, et nous venons de voir, en effet, combien la queue risque de nous échapper dangereusement. Mais quen estil de la tee? Dans l'Aquéda, cette tee est bien asa place : Diew met Abraham a Vépreuve, Il lui dit.. Nous sommes prévenus qu'un mécanisme s'est mis en marche. Sauf acci- dent grave, I'éclipse se déroulera selon les calculs prééeablis. 30 SYNTANE : LES STRUCTURES Rien de semblable dans le récie de Joseph, ob le lecteur est de plain-pied dans le silence, a partir du chapitre xxxvir de la Gentse, sans avoir été préveru de quoi que ce soit concernant la ature de ce silence, son équilibre interne, son mécanisme, Une anxiété double saisit dés lors le lecteur. Celle, d'abord, quil pparrage avec les héros du récie, Joseph et Jacob, sur T'intolérable agression d'une aventure qui risque de mal’ tourner, et celle, sup- plémentaire, sur l'incertitude du plan général de Taventure. Le dectewr ne ‘ait pas si Dien sat, et, & chaque éape du drame, il se demande avec inquiétude si son devoir de lecteur ne consisterait pas A se tourner vers Dieu, et vers son Silence, pour le rappeler & Ses responsabilités : Mais enfin, Dieu, de deux choses l'une, ou bien ‘Tu sais, alors interviens! Ou bien Tu ne sais pas, alors, raison de plus pour que Tu enquétes, et que sur la base de Venquéte, Tu saches et interviennes ! On le voit : si dans Esther et Ruth, le silence de Dieu est celui de absence, si, dans I'Aguéde, il est le silence de T'éclipse, dans Je récit de Joseph, le silence de Dieu comporte un élément décourderie divine, & la fois grave et anodin, Grave, puisque, nous avons dit, cette éourderie divine expose V'aventure a de gros ris- ques. Anodine, puisqu’une fois 'aventure achevée, celle-ci peut étre interprétée par les hommes sur le plan providentiel de... la provi- dence. Et c'est bien ainsi que Joseph 'interpréte (Gn. 50, 20). Pour- noi le lecteur ne ferait-l pas confiance au héros du récit? Aprés four, cest lui qui a vécu T'histoire du dedans, et peucétre, en effer, le récie de Joseph comporte-til pour nous cette lecon qu'il ne nous ae Pas perdre de vue au cours de notre analyse, & Savoir que, dans la Bible, le silen: ie ont ie Broslamce I ice de Dieu se confond parfois avec Mais, sans doute, le Livre de Job figurevil dans la Bible, afin Que nous ne nous arrérions pas trop A ces séductions simplificatrices, Tout conduit, dans ce Livre, vers la clé de la providence, sauf la Providence elle-méme, qui s'y déclare forfait, S'y déclarent forfait, ailleurs, avec une égale conviction, les autres hypothéses que nous Heecralene jusquici les structures types du silence de Diew dans la oan lbscace et V'éclipse. Certes, il y a tout cela dans le Livre » de Vabsence, de Méclipse et de la providence, mais ces mes vont 4 ce Livre, comme des oripeaux A un géent, tant il 31 SYNTAX | LES STRUCTURES PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE Or, sly a bien, contrairement au sécit de Jose chose le téte du Livre de Job, ce quelque chose eee —o dans l'Aquéda, un avertissement : le mot éprenve alest ni ‘prononcé, whi suggéré. Ce quelque chose est donc autre chose qu'une épreuve, et le lecteur a, en effet, impression que c'est quelque chose ob la tc providence > et ses minauderies rassurantes n'ont plus leur place. Gest un complot ourdi contre un innocent qui n'est méme pas ‘convoqué 2 la barre. Cest un proces, mené contre un accusé, non ps3 us clos cr sombrews sont les témoins et les asians Goss avec cette circonstance scandaleuse que le monde entier est ee ae oe aap ine ex qui ne sat tien de ce qui est en train de se tamer et iets pe eh Toe = pase ee fol, comme, pour Spectateur, arrivé & temps ou en retard, pew imporce, mais qui ‘eonsiate soudain qu'il s'est trompé de salle gu! Pasi paca fou i Ia pice pour laquelle il avait loué sa place, et qui ‘Nous pourrions donc admettre, comme Joseph Je fait pour son j ree a de son erreur, se voit encore interdire Ia ce propre cas, que Job a été, durant l’éclipse, soutenu, lui aussi, par ro es es voudrait se précipiter. Ia providence, s'il n'y avait pas, dans le Livre de Job, trois occur. ae tivains que ce prologue du Livre de Job a inspirés, romes de silence oui différencicnt radicalement ce Livre et du type de rent Kafka quien a tiré la plus spécifique des subs- TAguéda et de celui du réit de Joseph, en Tui assorant une structure s. Ce que le récit biblique met délibérément dans ce début si generis, que nous voudrions décrire rapidement, sans entrer dans eS fee Sinden erreur, cet indice qui empoisonne Vatmos- des dérails quill n'est pas possible de fournir sans courir Je risque aes du Chéteau. Non, il n'est pas possible que ce de faire de notre érude sur le Silence dans 1a Bible une mono: WB pag pes element diabolique de Dien et de Satan, non, il nvest graphic consacrée au seul Livre de Job. fie awe coe mise 4 Je core dun homme que Ton spble coecmiires occurrences de silence concement, derechel MME te exact yee ye at Diea a Job, ce ce ce Pappas wont ) Theate, 2 propos de Joseph, a te et It fas d'une explication, si infime soicelle, refus dautant plus révol- queue de Vaventure, fant qu’au Satan — et au lecteur — tout est expliqué, a ts ne ‘A In téte de Vaventure de Joseph, nous avons va quil n'y es osiole que tour cela se déroule devant as Fey and ape rien Le lecteur entre de plainpied dans Péclipse : tout se passe ne concluions erreur, A Abraham, au mors, Dieu dit | Gomme pour un spectateur arrivé trop tard, et qui, entrant dans IP ge lads ton jis & marche! Bs si Dew ne Git cen 3 Jaco, du soins Tn salle, est déja au coeur du drame. A la téte de YAgnéda, novs gue Holl tien non plus & personne d'autre. Mais ce Diew du prolo. Tavons va aussi, il y a Tavertissement : attention, ce que vous ele Job, qui puri en souversin avec le monde enter oes aller lire est une épreuve, Tout se passe comme pour le spectateu Ment, n'a pas un mot pes Tauradne d'un seul moe plus Gerivé bien & Theure, et qui, ayant le temps de lire le programme: ce Diew qui parle ct se tcit ii onibicdaneila detent pro ‘ 4 la fois, mais dans la disceé dis le début est prét, psychologiquement et moralement, 2 atcendt® WB foye 3 ‘Sed flagrante, distribuant tout aux uns, e fa ae Je aénouement. autre, ce Dieu esell enaiment le vrai Die? 33 est Evident que, parmi tous les récis bibliques, le récit de Job est, fur excellence, le récit du silence de Diew, ramassant sur Ini toutes Fe suances de ce théme pout les amalgamer toutefois en quelque chose daucre et de beaucoup plus complexe que nous n’avons Pas rencontré encore. 1B SILENCE DU COMPLOT : JOB devx chapitres du Livre de Job sont construits sar Je theme de léclipse. Dieu parle dens les deux pre- fiers chapitres et dans les cing derniers, Encre les chapitres 11 et Exxvit, cest la suspension, Le schéma est celui de I Aguéda, & cect pres que nous avons déji relevé & propos du récit de Joseph, {ue Lineervalle de la suspension est intolérablement long, er ave Je fecteur peat se félicter dapprendre au chapitre xxxvim que Job, le Eros visé par Véclipse, svest pas more de maladie, de courments ou de vieillesse en cours de route. A premitre vue, les quarante- 32 ALUDE AU SILENCE BIBLIQUE nn a SYNTAXE : LES STRUCTURES Crest la question & Inquelle fatalement Job — et ses lec. teurs — sont acculés, non point tellement par l'éclipse elle-méme, ais par les circonseances qui I'ont déclenchée. Cette ambiguité an silence eraitre, plaqué sur les grandes orgues de Ia Parole, elle a de quoi effrayer et dérouter. Dans le prologue du Livre de Job, Te silence de Dieu met en cause Dieu Iuiméme : ce silence ne seraitil pas, comme le suggire Ja complicité de Dieu et de Sacaal Gans ce méme prologue, le silence du Démon ? Ainsi, & la téte dw récit de Job, bien avane T'éclipse, le silence apparateil, et cela pour la premitre fois dans notre analyse, comme une fleur dur Mal ‘Quant & la queue du récir, il est impradene de la chercher & fin du Livre, puisque, nous Tavons dit, V'éclipse de Diew sar au chapitre XXXVI. Cest & partir de cette reprise de la parole Dieu, qui va sétendre jusqu’au verset 9 du chapitre XL, q Tépreave, si épreave il y a eu, ext achevée. Géométriquement, réponse de Dieu & Job au verset 1 du 38° chapitre, correspond Vappel de l'Ange de Dien & Abraham au versec 11 de VAquéé et au dire de Dieu a Istaél-Jacob au deuxitme verset du chapi te xivi de Ia Gendse : elle marque la fin de 1a sus sion. Mais si la comparaison est valable sur le plan géométri elle ne Vest aucunement sur le plan spirituel. Cas, pour Abra tet Jacob, Ia parousie de Ia parole coincide avec Je retour & dlarté : tout se comprend maintenant et, & rebours, aventure acquie Te sens qui échappait jusqu’ii, sinon au lecteur, du moins aux hé qui devaient la vivre. Ceux-ci, Abraham et Jacob, sont introduit par Dieu dans un dialogue dont la lumitre éclaire et explique, ‘eux, Ie silence antérieur ‘Dans Paventute de Job, tout au contraice, la séapparition de parole de Dieu n’éclaire et n'explique rien. Aucan des mots p: noncés par Dieu dans Youragan de paroles qui déferle sur le t de Job & partir du premier verset du chapitre Xxxvit ne concer le cas de Job, ni son procts, ni ses réquisitoires. C'est un fabule discours par lequel Job apprend, la téte baissée, qu’il ne peut apprendre. C'est un défi cosmique lancé vers une créature qui. peut mais, et qui ne saurait y répondre que par quelques va balbutiements, Toute cette tempéte d’éloquence repose intent nellement sur un profond mal-eniendu. Lorsque Job, aprés une él épouvantable, entend enfin la Voix de son Juge, ce n'est pas le J 34 qui parle a travers cette Voix, mais quelque Etre aux dimensions ranscendantes qui n'a jamais eu aucune relation avec le procs de Job. Dans cette éloquence, le silence s'introduit de maniéze sournoise fen transformant le dialogue en dialogue de sourds, Tout se ans cette Parole de Dieu, comme si Diea rvavait rien vey ren ‘entendu, comme s'il avait tout oublié des Paroles que, pourtant, It avait prononcées au début de I'éclipse. Cette rupture logique entre le dur Is fn de Ia suspension, conkitve une deuxitime aac tique de Ja structure originale du silence dans le Livre de Job. Hr a Ma, a débar da Live de Job, le Silence ex une Figne {EB NALENTENDU DE LA CULPABILITE Mais entre les deux, entre cette tére empois ; cempoisoanée et ceite diffe, e sence, dans e Live de Job, ext derechef iogalarse Gas, Tinvrse de ce qui se pase dans Lgudde et dans le rt Joseph, Vincervalle silenciewx ne réserve pas a Job ce précieux apanage du silence quest In soli. Dis Vinsant ott Abraham et ssa, Jacob et Joseph sont lancés dans Je silence, les voit aban- doanés & eux-mémes, livzés aux seuls débats de leur propre cons. ence, introverss dans le huis clos de leur solitude humaine. Aucun Homme ne se leve 2 lens cxés pour tenter de parager leur doa Hats ni surous de In soalager par quelque interprétation sucep- ‘en expliquer le mystére. Ils doivent mener leur lutte, seul. egins Pour mieux mete en reli cae slinde de Jaccb dans Tas diving le midash incroduieauprts de Tui son views pe 12a, ge vival encore, et qui via longrmps encore, cr, lorsque Pea (is am vere 35. da 37° chapiwe de Ia Genise 1 Eb son Be aeletril ne sagit pas de Jacob pleutant son fil Joseph eye ipariae et quit cot mor, mais dsacplearae Pls Jecob, En effet, note le midresh, Isic V/Aveugle stvait i savait que Joseph n’était pas mo: ‘a lui, Dig it Tee se RE eat pas mor, pce gui lui, Diew avait ic se Same Mis ne Tac pas resu poat I comm aiguer, . aucorisé & s'en ouvtit & son fils ie Plerieem face de Jaco, mis cuore des ‘plows ee ah, itune des larmes isaac ne violat Ia soliude de Jacob re, est assailli par une armée de bavards qui le 35 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SYNTAXE : LES STRUCTURES délogent de sa solitude durant toute la durée de l'éclipse divine, Cest une véritable bataille rangée, menée contre Iwi, pac quatre) amis, venus de loin pour Je consoler. ‘Ah! sils n’étaient venus que pour Je consoler, si le verset 13, du 2 chapitre du Livre de Job siétait prolongé jusqu’au début du chapitre xxxviit, si nous apprenions maintenant, 4 1a lecture d Livre de Job, que les amis de Job s'étaient assis avec lui a terre, sans qiaucun deux ne prononga: nne seule parole au spectacle de cette douleur par trop excessive, si ce silence des hommes avait &é Ja seule réplique aux cris de Job, et si les chapitres mt & XXxXvIL, ceux de l'éclipse divine, n’éraient occupés par tien d'aucce que par les hurlements solitaires de Job, — alors, nous pourrions trou: ‘ver naturelle et méme bienvenue, cette présence silencieuse des hommes aux cétés de l'homme abandonné par la Parole de Dieu, Elle edt écé vraiment une tentative de consolation, un effort lite& ral de sympathie, comme I'avait été le geste des fils et des fil de Jacob, accourus silencieusement autour de lui pour le consolen dans le verset méme (Gn. 37, 35) ot nous apprenons que le vic ppatriarche Isaac sympathisat, lui aussi, avec son fils Jacob, & trave le silence des larmes. ‘Mais les amis de Job brisent ce silence de la sympathie, Leur con solation muette ne dure que sept jours et sept nalts (2, 13), et dds quills entendent Job hurler pour la premigre fois, ils entonnent le contrepoint de Ja parole, ex engagent avec Job un harassant dialo gue, Job résistera-til a l'usure de cette forme grave, insidieus ‘et harcelante que prend Ja parole dans la bouche de ses amis, que les Grecs ont appelée rbétorique? Car Cest bien de rhétorique qu'il s‘agit dans les discours des a de Job. Ces quatre hommes se selaient pour tresser, cour & tong des réseaux loquaces dans lesquels ils souhaitent surprendre Job comme en un piége. Leur objectif, cest dobtenic Taveu. Il fat 2 tout prix, que, dans le procts, Job soit acculé a plaider coupabl Car Ia notion que nous voyons appataitre ici pour la premitre fol dans notre analyse du silence biblique, cest 12 notion grave de calpabilité. Les amis de Job sont profondément convaincus qui n'y a pas d’autte motivation au silence de Diew que la culpabilité de Vhomme. Dans la rupture méme du dialogue, dans I'éclipse dé Diew, ils dérectent le signe et le signal de la feute en 1" 36 Dieu se tit, parce que homme est coupable. Ee si, malgré le jement d'une chétorique charoyante e persuasive, les amis Warrivent pas A faire partager par Job leur conviction, sils n'ob- fiensent pas Faveu, du moins Jeur laise-t-on la barre suffisamment fongeemes pour quils déposene dans Tesprit du lecteur quelque hose de leur venin. (Car cest dans la structure substitutive de cette rhétorique humaine aque réside son scandale. Les amis de Job paclent comme sis étaient Tes substivurs de Dien. Us s'actogent le droit de parler au lieu et au ‘moment ob Dicu se tait. Leur parole humaine supplée ia déficience de Ja Parole divine et elle en tient lieu, Structuralement, homme {Job nese plus ici, dans Ja solitude, en face d'un Diew qui se ait, ‘mais en face d'un Dieu qui tolére — qui tolére trop longtemps ‘et sans intervenir par un arsét brutal —, que des hommes parlent 4 Se plece. La parole de homme fait ici écran entre le silence de Diew et 'homme visé par ce silence. Peut-étre est-ce la raison pour laquelle, lorsque Dic EBlsce ct seprend la Parole, a débue du chapine soncvan, Ie dale, ‘gue prend la forme d'un dialogue de sourds. Dieu a beaw déclarer, ‘tour a la fin du Livre (42, 7) que les amis ont tort et que Job a raison ; tant de rhétorique a été déployée entre les chapitres mr et XXXVI, durant un intervalle tellement Jong Job a dé lutter contre Ta tentation et I'illusion d’entendre la Voix de Dieu & travers ‘celle des hommes, que lorsque retentie enfin la Voix divine, Job GE Sums le tection inverse de rechercher In voix des hommes ns la Voix de Dieu. Devant la Voix authentique de Dieu, une YOR lvoe, tanscendanse comme Vourigan touts les véiles Gf i parole humaine, Job est désemparé. Un homme, soumis comme Fe &té, pendant si longtemps, a I'électrochoc de a rhétorique — ‘méme sil a pu résister A ses effets immédiats, — un tel homme fe peut plus entendre Dien comme auparavant, Abraham et Jacob ee hesitation, iene Is Parole de Dicu ta fn de ies rien, sinon leur lutte intérieure s i isa Séparés de la Parole premitze. Mais Job a a ae a oe parole humaine, mimant et singeant la Parole de Dieu. pa bas Spreoene gu Fnstane de la epi et longue lu es ee ln bouée de la venie Parole de Dien, il n'atrive que lement a la sasir et reste exposé au risque du naufrage. 37 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE Ainsi, le Silence soutient.il le Livre de Job par tous ses angles, Une logique rigoureuse conduit du silence du complot, au début du Livre, & travers Ja rhétorique de la cwlpabilité, plaquée sur V'éclipse de Dieu, dans le corps du Livre, & la raptnre dimen. sionnelle di dialogue, & Ja fin. du Livre. Parce que le silence surgi, dans ce Livre, des entrailles du mal, il est exploité par des hommes qui préendent, ds lors, que tout silence recouvre un, ‘al, et il aboutit ainsi au mal qui, par excellence, ronge la parole : e mal-entendu. Mais nous nous exposerions nous-méme a un grave malentend si nous bornions notre introduction au silence biblique aux deux analyses que nous avons entreprises jusqu’ici, A l'étude des formes et A celle des structures, doit succéder encore étude des termes Car si la morphologie nous fournit un échantillonnage de silenc cet si analyse structurale nous permet d’en saisir les lignes de force seule Ja sémantique nous introduira non plus dans des formes, ni dans des figures, mais dans les dimensions réelles du silence, Sémantique : les dimensions ‘Trois séries de racines recouvrent Ia terminologie biblique du silence. Elles sont groupés en couples et constituent d'efficaces clés accés a trois dimensions différentes du silence. [LES COULEURS DU VIDE Premier couple : 27, damd, ues fréquent, appliqué simulta. nément au silence de Dieu et a celui des hommes, et pnv', shatag, beaucoup plus rare, mais que la cerminologie juive postbiblique pré- féreta 4 presque tous les autres termes pour désigner Ie silence. Le dénominateur commun de ce premier couple, cest le lien étroit qui Sy ¢tablit, entre le silence et les formes négatives de la créa- tion. Dad, c'est le silence du sommeil, de la nuit, de la mort, un silence qui ne parait pas posséder de qualification propre, si ce alest, comme le dirait Camus, de donner au vide ses couleurs. Cest e silence végéatif de la pierre muette (Hab. 2, 19), Ia grande ‘mappe silencicuse du cosmos sans soleil et sans étoile (Jos 10, 12), lccompagnatrice du néant et de l'informe. Rien d'é:onnant que la méme racine puisse servir pacfois, dans le langage biblique, @ exprimer T'anéantissement et qu'une confusion, certainement Yolontaire, plane sur certaines locutions au sein desquelles aucun ee exégétique ne peut trancher entre le silence et le néant, fest Je cas notamment d'Isaie (6, 5) douloureusement surpris par a sentiment obscur qui tient & Ja fois de Tautodestruction ct du a Devant Ja théophanie qui le bouleverse, on sent le pro- Parca fos, mpuisant et coupeble, — coupable de alavoie Bis parlé ow crié et d'avoic choisi le silence, mais malheureux aussi Constatant l'impossiblité psychique dans laquelle il se trouve de 39 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SENANTIQUE : LES DIMENSIONS Be le terme shaiag est tout naturellement associé a celui de damé puisqu'il désigne, sinon dans Ia Bible, du moins dans Ja SEmninologie rabbinique, la suspension de l'activieé physiologique, la lysie, réduisant le corps 4 une simple enveloppe privée de Frouvements, et Vesprit A une mécanique sans initiatives. Dans la Bible, le méme terme, ailleurs assez rare et appliqué aux choses @ Voogan surtout, et a ses tempétes Jon. 1, 11-12 et Ps. 107, 30), jamais aux hommes, ni 2 Dieu, parait désigner le moment précis ott la chose, cendue mouvante par quelque dynamisme secret, fevient 2 son immobilité naturelle et organique, a son point more. tenter quoi que ce soit pour échapper & la destruction, La seule traduction convenable des quatre mots hébrewx prononcés par Tsaie, serait probablement 1a périphrase suivante : « Hélas, jaurais dit parer, mais hélas, je suis perdu! > Peut-étre est-ce le cas également du silence d’Aron (Lér, 10, 3) lorsque le surprend, en état d'imprépacation corale, a mort subite et paradoxale de ses deux fils sinés, On peut y détecter, ceries, une nuance religicuse de soumission 4 12 volonté divine, mais jl est beaucoup plus probable que, par cette breve phrase frappée ‘comme un roc abrupt, Je langage biblique ait voulu rendre. le moment psychologique de Ia pétrification. Comme pour le patriar- che Jacob (Gn. 45, 26), il y a cu, chez Aron, arrét momentané du coeur, suspension de toute réaction intellectuelle ou morale, identification de son étre humain avec sa condition physiol gicue. Aron n'était plus, a ce moment, qu'une stare de pier TL serait remarquable, ailleurs, si nous acceptons cette exégise, la ¢ pétrification » d'Aron ait suivi aon pas Vaccident mortel, mai explication théologique que Moise avait tenté d’en donne: bar cons qui m'approchent que Je serai sanciifié. Comme Job, serait moins bouleversé dans ses réactions humaines par le myst de le mort que par les interprétations que Ton séverte & donner, Et nous toucherions li du doige une attitude biblique 4 Yexemple de Job illustre précisément dune manitre remarquabl 2 savoir que le silence de Dieu dans l'événement est moins pénibl ‘que son silence dans l'exégése, et que l'homme peut accepter Den se taise, mais non pas qu'll laisse d'autres hommes parler Sa place. Le Tiew-tonant de Dien, dirions-nous, est, en tout é de cause, pite que son main-tenant, Quoi qu’il en soit d’Aron et de son drame intime, il est in nisble que Je texte biblique se sert de la racine damé pour blir une connexion étroite entre la notion de silence et cel de mort. A cbté de shéol, dont Férymologie est inconnue, la Bit uiilise, en effet, pour désigner le séjour des morts, le terme dérivé de dam. Descendre dans le dowma, cest donc accéder silence et inversement (Ps. 94, 17 et 115, 17. — Is. 21.10 Comme pour Ja pierre silencieuse et pour le cosmos silencieux, néant tisse un fil conducteur qui relie le silence a cette for supréme de la végétativité passive que constitue Ja mort. 40 SILENCE NOCTURNE ET MORTEL Dans le Pstume 22 et dans quelques autres passages bibliques (eoamment 1s, 47, 5), une association ‘acobe exe ublie came daind et la nit obscure, chére & saint Jean de la Croix et 2 autres ‘interpréies de Ja mystique chrétienne, ce qui pourrait constituer ‘une invitation i méditer sur les liens entre les ténébres, d'une part, Januit et 1a mort, de l'autre. Toutefois, plutdt que la connexion entre a rat et Yobscurité, nous retiendrons celle que le Bible propose entre Ja nuit ec le silence ; Cesc elle, nous semble-il, qui explique que, dass une rou premitre approche, a rir supe & ct de a — Vapparentement de la nuit et de la mort, nous pensons qu'il ent au fait non pas quielles sont toutes les deux obscures, mais Welles sont, toutes les deux, saeurs du silence. On attribue, par- » la similimde de Ja nuit et de la mort & lobscurité qui leuc Semi commune, a l'aspect ténébreux de leur essence. Mais cela hae eo . ‘mort qu’en pees Si la nuit est réellement obscure, 1 ne Vest que métaphoriquement. On peut comparet HMO & une lumi valance qui seeing, on peut ‘imgiee Hamer comme une ombre per rapport au vivant, mais ce ne Bar hae des images : la réalcé de la more se déroule devant tee on pleine claeé, ex est méme cette carté aveuglante, e Possibilité de suivre Yopération de Ia more dans ses moindres tie ins aucun dente eux ne se réfogie dans Tombre, qui cons- ove fc (lees les pls soablans eles plus douloureux de avec la mort, Cest mous qui metrons un voile 4 fa aciece ‘5 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SEMANTIQUE ; LES DIMENSIONS sur le masque mortuaire, mais la mort elle-méme nous fixe di regard sans masque, elle n'utilise aucun voile et nous offte le spec tacle brutal de sa réalité, & pleins feux. Par contre, le moyen choisi par la mort pour nous faire sentifl sca étre séel et profond, cest bien le silence. Le silence de la moi nest pas une image, ni une forme que nous imposerions & la mor fen spectateurs dérangés par sa parole, comme nous le sommes par sa clarté, Ce n'est pas 701s qui mettons sur la mort Je voile da silence comme nous déposons sur elle le voile de Vombre. La mor, Cost le silence, abrupt d'abord dans Je plongée silencieuse qui sui jmmédiatement le dernier mot de la vie, profond ensuite dans |’éten due irréversible de silence que la mort tisse, A mesure qu'elle sen Goigne davantage, entre elle et la vie. Linstant de la mort, Cest Ie silence, happant Ia vie, La durée de la mort, cest le silence, élo ‘grant infiniment de la vie. On n'a jamais pu arcacher & la mon autre chose que Je silence. On o'a jamais pu rattraper la mo parce qu'on stengloutit dans son silence comme en des sables mo vants. Et cest par le silence que la mort évoque la nuit, comme inves sement la nuit ressemble 4 la mort par le silence. Si la nuit 4 la mort sont intuitivement éprouvées comme étant de méme famille, si la nature de T'une fait immédietement pen a Tautre, si les po’tes dans leurs métaphores, les mystiques dan ears pritres, les misérables dans leurs cris, peuvent indifféren ment Sadresser 2 Tune ou & Vautre avec a certitude de fai vibrer une seule et méme corde, Cest parce que 1a nuit et le ma sont, toutes deux, silencieuses. Max Picard a consacré tout un livre (le Monde du Silence a Ja description de cet univers du silence, ot Ja nuit et la jovent comme une partition faguée, un difficile mais envotcs contrepoint, dans Iequel sentrelacent indifféremment Je sm mineur et le mode majeur. Et dans son étude sur Je Noct Vladimir Jaokélévitch a précisé, Ini aussi, Yambiguité du thém romantique de la auit, source de joie enivrante et mortelle, verti nortel et épuisant de plénitude vécue. Crest bien cela que la Bible nous parait désigner en cette P mite dimension du silence : Tindifférence, 'ambiguité et la ae tralité d'une nuit et d'une mort dont le silence peut étre 42 ‘gar homme four aussi bien comme une coupe de champegne ‘gee comme un verre de cigué. Et cest cela encore qu’elle nous Table sugsérer, lorsque, 8 cbté de la nuit et de la mort, elle Since, en catégories de silence, les éléments les plus caractéris- Fiques de Ia négativité, les thimes que la conscience humaine ‘attache dune manitre privilégiée a Ja notion de néant : “Yonfer, le mal, le démon, qui, covs, n'ont pas de bouche, ou qui, “Gite possddent une bouche, ne savent pas parler, on qui encore ss -parlent, doivent Sattendre a ce que leur parole soit bdillonnée. * Nous ne pensons pas qu'il faille attacher & ces catégories un juge- ent de valeur. Ce n'est pas de mal moral qu'il s'agit, mais de fatal, dun destin avengle, sourd... et muet, taillé’ dans les sions de la Moira grecque. La nuit et la mort ne compor- les pas en elles cet élément de hasard fatidique, qui caracté- ‘au méme titre le mal démoniaque, mais aussi l'exubérance incon- des végétaux et la passivité dérourante du minéral, du x de Ia machine ? Tout se passe comme si la Bible décou- yrait que le fil d’Ariane de cet ensemble chaotique d’éléments si , Cétait Je silence, OMerHfie Er sisyPHE ee premigze forme biblique du silence, je proposerais volon- ‘celui diertie, voulant désigner par 1a non point la passivité que de cet univers de silence, mais sa négativité par rap- Thomme. Le silence-inertie désigne un cosmos qui a, sans ois ec ses mouvements propres, mais Je secret de ces et de ces ere est impenetrable & Thomme. Crest un rs qui est, a vue d'ccil humain, hétéroclite parce qu'il est diti ne li Betronome 4 Thomme. Unwers dos, ent’ sor lee éme et sur son essence égoiste. C'est Tunivers de Babel, dans metprétation hardie qu’en donne le midrash sur Genése 11, 1: monde entier était un ensemble de paroles scellées et de choses i » Le silence-inertie, c'est I'Etre indifférent des choses. Malheur, qui est peut-étre une chance, Cest que homme vit Ae cet univers, mais en étranger et en solitaire. Son etre ‘exilé au milieu de ces chiffres mystérieux et contradictoires, B PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SEMANTIQUE : LES DIMENSIONS fascinants et obscurs, exaltants et traitres que lui propose et oppose le silence opaque de la nuit, de la mort, da hasard et dj destin, n'a pu inventer pour les nommer qu'un seul terme, choi A dessein ou sous la contrainte d'une nécessité, & V'antipode de l'Etre celui de Néant. Ex cest ce face 2 face avec le néant qai provog en Thomme le goft de tous les risques et le certitude de tous éhecs. Car cest, en fin de compte, la Intte avec le silence-inert qui fric de homme, simultanément, un immortel Prométhée et perpémel Sisyphe. “ex quiconque médite une ceuvre, en élabore Le lent projet et la fait foudain surgir de ses mains ou de son cerveav. _ “"Lexpérience psychologique multiplie les exemples de ces silences Ja vie courante. On peut en repérer, au niveau physiologique, “dans Finstant culminant de la création humaine : Fartiste ou arti ‘an < retiennent leur haleines, et le sportif également, ainsi que “Je spectteur qui est « tout yeux et tout oreilles ». Ces locutions aires rendent, avec toute 1a précision souhaitable, le suspense ‘organise humain, qui n'a plus d'autre recours que le silence ; moment oi [a parole apparaitrait comme une trahison mesquine s Ia grandeur de I'instent, mais aussi comme le gaspillage inutile eux d'une réserve quil est indispensable de respecter. Méme ension avant que ne retentisse le premier accord d'une symphonie, yant que ne jaillisse le premier mot d'une conférence. La salle ppleine d'un bruit dans lequel s‘enchevécraient Je grincement es chaises, le chuchotement des auditeurs, le la-do-sol des instru- ents & la recherche de leur diapason, le bruissement des program- des robes et des mouchoirs. Susgit le chef dorchestre : le sec de sa baguette sur le bois du pupitre azréce net le bruit, fest Ja suspension silencieuse, la concentration de toutes les atten- as (méme celle des choses, car les chaises ne grincent plus et entendrait une mouche voles, mais elles ne volent pas) sur vva suivre, que personne ne soupconne encore et qui est pour- 1185 RESERVES DE L'BTRE Deuxiéme approche : le couple avn — bashd et wrn arash, les deux termes sappliquant indifféremment et avec améme intensité au silence de Dieu et au silence des hommes. Ici, nous passons de la dimension de linertie 4 celle de len Rien, sans doute, n'est enlevé a la négativité du silence et au parole ne vient crever le silence de ceux que désigne ce now couple : le muet, le sonrd-muet, le paressencx. Mais i serait erron ‘ de classer ces éres privés de parole parmi les catégories inert que visait le premier couple terminologique. Le ressourcemes éymologique et aussi le contexte de leur utilisation dans la Bibl ‘e: notamment dans les Psaumes, permectent de déceler au-dedans ces termes une vie cachée et souterraine, mais toute en offres en promesses. Le silence du muet n'est pas lourd et scellé ; il ¢s Treuvre, comme Ie silence du laboureur ou de l'artisan, identifi eax aussi, par cette méme racine barash. Ec le silence du pa atest pas obrus et lourd; il est haletant et récupérateur; cest sommeil non pas de plongée, mais de réparation et de aration, comme Iillustre la juxtaposition de hasho et de (ls. 64, 11), ce dernier terme marquant Je ramassement soi avant le grand bond. Ainsi le silence prend-il, & travers cette nouvelle séquence ter Pourraien servir de lecon plus concréte et parfois plus eante. Car la suspension que nous venons d'analyser rapi- ne marque-telle pas la ligne de clivage entre ce que les ie aprellent a prince et aces, Je witel ete él, la conscience ilence-énergie westil pas le signe lque sorte tangible du potentiel emmagusing an bg se te homain, ec la suspension silencieuse n’est-elle pas comme Soncret du passage d'un niveau sub-cssentiel au niveau de 45 tension yers une réalisation qui exige une concentration préals ces forces. L'ouvrier connait cette tension, parfois longue et fois fulgurante, qui précéde Tacte et son éclat, et Vartiste 44 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SEMANTIQUE ; LES DIMENSIONS Vessence? A T'instant solennel od nous bandons notre énergie vers le réel, od notre projet va devenir acte, of Vartiste, par un dernier coup de pouce, va faire surgi de la glaise le chef-d'ceuvre si long. temps révé et miiri, ott es exécutants et les auditeurs vont insuffler vie réelle aux chiffons de papier qu’étaient jusquiici les « program. mes » et les « partitions », & cet instant solennel et culminant, le silence nous permet de mesurer I'ampleur des ressources de etre, de ses racines et de ses forces génératrices, Tout se passe comme si le silence était experience supréme du possible, et nous retiendrons d’s maintenant cette importante catégorie philosophique, cueillie & méme Vanalyse de Ja deuxi¢me forme du silence dans la terminologie biblique ; nous I'utiliserons plus tard en clé décisive de notre recherche. Crest par le bas que le silence parait le plus solidement repé- able; s0n lien ombilical avec le néant apparaie indéchirable, car, vant routes choses, le silence est non-parole, il est ce rien que aise 1a parole derritre elle, lorsqu’elle daigne sazséter; il est pause, suspension, intervalle, termes que l'on ne peut concevoir que Comme Iacunes dans le tissu du langage. Tout le monde a expéri- menté ce fait qu’ion ne peur < entendre » le silence qu’apres @liminations successives et progressives des paroles, des mots ou ddes bruits. I faut balayer & fond, disperser juqu’a 1a decnitre miette sonore, étouffer Yultime grincement, pour capter enfin le silence. Ex-ce silence, conquis sur le ratissage de Ja parole, nous devinons quill est laffleurement d'un silence beaucoup plus vaste et mysté- riewx : comme le cratére d'un volcan, il rend sensible et inscrit, dans le paysage du réel, le fragment d'une réalité sourde et pro- fonde, mossive et mystérieuse, un océan de laves brilantes et de scories incandescentes dont les quelques feux follets, au sommet de Ja montagne, ne constituent qu'une minuscule et inoffensive evant- garde, Vienne l'éruption : Jes ruines fumantes révélent l'étendue et Vimmensité d'un réservoir oi restent accumulées les menaces indomp- tables de nouvelles catastrophes. Ainsi en estil du silence : chacun de ses affleurements, si fugi- if soitil, est relié 2 des nappes infinies de forces inépuisables. Cha- ie fosane de silence est une fleur du mal, un bourgeonaement Néens. Mais cest une fleur, cest un bourgeon, et lorsque le silence nous accueille & Yautre bout de I'échelle, accroché a Ete, il nous offre tun spectacle en quelque sorte printanier, qui nous fait oublier Bhs ss sscines plongent dans le Néant. Qui se soucie des mottes de fumier et des processus de patréfection ayant présidé A la getmina- Hon du fruit au moment of celui-ci salue le soleil dans Féclat de ‘2s couleurs et de ses pasfums? Les végétations les plus vives et Aes plus Juxuriantes jaillissent des terres cavinées par les crup- Hons volcaniques, Il en est ainsi du silence : il est beau, apaisant, Stimulant; plus éloquent que Ia parole, il la dédouble, il la souli. | BR, Vintensifie; il en est comme Je coatrepoint, et, dans les intecs- dtu langage, dans les pauses, dans les moments de suspension, ii Véhicule comme un surcroit de vie, une énergie insoupcoanée qui Fone Vhomme vers plus haut que lui, qui lui fait rencontrer 47 UNE FLEUR DU MAL Pour le moment, et avant que d’examiner Ia eroisitme série des termes désignant le silence dans la Bible, il est utile de s‘inter- roger sur J’éventuelle relation entre les deux premitres séries, cat Je silence que nous avons appelé inertie et celui que nous avons appelé énergie semblent bien liés l'ua 4 l'autre par une dialectique que les exemples que nous avons invoqués jusqu'ici nous permettront sens doute de préciser. Le silence-inertie nous est apparu, en effet, & travers les situations négatives de la pétrification de la nuit, de la mort, alors que le silence-tnergie permettait de toucher du doige 'émergence de I'écre a Vinstane privilégié de la création. N’y auraitil pas, dés lors, entre Tinertie et l'énergie le rapport du néant a ’étre, et le silence, dialee ‘tiquement réparti entre Pinertie et Ténergie, ne serait-il pas fonda- mentalement situé entre le néant et |'étre? esr ainsi donc que nous apercevons a présent le silence : entre le dant et Vévre. Cest Ja quill établit sa demeure, fragile, mais réelle. Un souffle peut la déchiter, telle Ia toile patiemment tissée pat Taraignée, mais telle Ja toile aussi, la demeure du silence est Gor de toutes les substances qui sont indispensables a son existence. Elle déploie son Royaume, spacieux et splendide, en ne tenant, il vyrai qu’a un fil, ce fil qui, par le haut, la suspend a Vétre, et, P Je bas, eu néant, 46 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE Dieu, — ce Dieu qui refuse de Se laisser atteindre dans le dans lOuragan, dans I'Esprit méme, mais qui attend homme Ia Voix subtile du silence (1 Rs 19, 12). En face de ce silence de V'Etre, il doit y avoir une attitude pré: aussi caractéristique que celle de Prométhée ou de Sisyphe en face du silence du Néant, On serait tenté de la chercher du cété d Thomme biblique, si cette expression n’écait pas top large pour embrisser toutes les nuances d'une cazégorie dans laquelle no retierdrons au moins deux types fondamentaux : le type du patri che et celui du prophese, on, si Yon préfére donner aux exemples une coloration plus personnelle : le type d'Abraham et celui de Job MESSE ET PROMESSE ‘Nous avons déja analysé, et nous y reviendrons longuement, I's thése Abraham-Job, qui ne peut se comprendre, croyons-nous, qui travers une phénoménologie du silence. Retenons pour 1’i qu'Abraham-le-Pacriarche se meut d'un bout & l'autre de son tence dans Ia dimension du silence-énergie que nous verons déceler dans 1a Bible, puisque tout reste pour Jui promesse, éne latente donc, ou latence d’énergie, tension vers une rédlisarion dod Abraham ne recueille précisément que les promesses, les. prémi Jes « arthes >, mais non pas l'acquis immédiat. Abraham rest. dans cette dimension jusques et y compris 'Aquéda, Vaventuce d Sactifce d'Iscac (Gn. 22) et Cest ce qui rend son « épreuve » différente de celle de Job, nous le versons encore, Car Job récupite pas ses enfants perdus ; il en recoit d'autres ; alors qu’ Abra hham retrouve son fils, parce que ce fils n'était pas son vrai encore, mais seulement: le fils de la promesse. Si Isaac avait & le vrai fils d'Abraham, celui-ci aurait dd, probablement, le sa fier. Lhistoire @'Abraham et celle des Patriarches qui Fone suivi ja qua Moise n'est encore qu'une créance; si lExode ne s'était p produit plus tard, toute cette histoire eGt été nulle et non avent et le texte biblique pourra suggérer (Ex. 6, 3) que la Paso cueille par les Patcierches n'éait qu'une pare-parole, une pa phrase de I'Etre divin mais non pas son énoncé authentique. rapport 4 la Parole de I'Exode et du Sinai, elle a joué, 48 SENANTIQUE : LES DIMENSIONS cisémear, le role du silence-énergie. Elle était une puissance précé ‘dant Vacie. Pour illustrer ce silence d'Abraham, nous pourrions reprendre nos ‘métaphores musicales, et imaginer Abraham comme le chef d'orches- ‘ue, A V'instant décisif od toutes les forces sont tendues vers sa ‘baguette magique : un intervalle de silence sépare énergie de la sphonie, Iaente et longuement préparée, de son éclat en fan- ‘Oni, mais placez I'ésernité dans cet intervalle, et vous aurez "Abraham : tout peut finalement se réaliser dans le sens de I'attente | ex est bien Beethoven qui va surgir da silence; mais, contre route -attente, voici que le silence est rompu non pas par Beethoven, mais “par Brahms; et enfin, troisitme hypothése : le silence se prolonge f, sans que vous n'éprouviez dans ce sursis ni ennui, ni fatigue, en Y conservant, au contraire, toute exaltation printaniére de la Sse, VOUS VOUS y trouvez maintenant encore. _Mais, sans doute n'y a-til pas de meilleuze illustration au silence Abraham que la typologie dans laquelle la théologie chrétienne Je destin du judaisme. Car Mioterprécation que la Bible donne de la période patriarcale, le christianisme Vappli- @ Alensemble de Ubistoire juive, qui ne fut, enseigne lapétre Paul, Fépoque biblique, quune promesse et qui reste aujourd'hui avew. ‘et sourde en face d'une rédlisation quelle sobstine & ne pas eptet. Dans certe perspective, Je judaisme est littéralement une ie, un prologue inachevé, une sorte de Perpetuum mobile ce, alors que le christianisme seul est une messe et sait dite es fidéles : < Allez en paix, tout est consommeé, puisque le vrai 6 vraiment sactifié! » Rosenzweig remarque que le refus juif du christianisme en effet, partiellement, & cela, au crédit que Vobstination juive fu silence et a la promesse. Pas encore, s'éctie le Juif en du messianisme chrétien, — rien n'est consommé dans Uhistoire pauonde, et Abraham se trouve toujours sur le Moria, Les portes Ouvertes 4 I'énergie infinie du Possible, et le Verbe n'a @ dit son dernier mot ; pent-ire nactil pas encore dit son Yous prions Gvidemment sur ces notions du Pas Encore et FL, ut incluses dans ce théme du silence-énergie et capitales Ta-compréhension du. messianisme juif, Contentons-nous de 49 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE HOSE cxnscocameens noter que bien des consciences chrétiennes les selévent dans Ja pen- sée juive en contrethémes interrogatifs de leur propre messia- nisme, notamment lorsque la typologie chrétienne, accusant les reliefs jusqua V'extréme, sculpte l’antithése dans le marbre, ou plutt dans le grés rose des Vosges, et oppose la voyance orgueilleuse de I'Eglise A la cécité, et, ajoucerons-nous, & la surdité humiliées de Iz Synago- gue, Devant les deux statues du portail sud de In cathédrale de Strasbourg, plus d'un chrévien a éé frappé par la beauté fescinante de la Synagoga, de cette femme, si étonnamment jeune, que le ban deau sur ses yeux empéche de voir, et qui, & coup sir, n’a rien entendu et n’entend rien, poursuivant quelque réve intérieur dont le silence saisic plus fortement que le regard éloquent et loquent de Ecclesia, Récemment, un poéte allemand chrétien, nourri de théolo- gie et de sens de M'histoire, Albrecht Goes, est allé plus loin. I a cre sentir que Ia Synagogue niest pas seulement plus belle, mais, en dimension métaphysique, plus vraie que Ecclesia : Sie isis, die siebt. Cest elle qui vi “dlém et wi ron hastér panim. Ce couple pose le silence en “pectralité ouverce. Par lui, le silence est a la fois une gumme de probabilisés infinies et une difficile mais nécessaire option. Te premier de ces termes niest guére employé par la Bible que Torsque celle-ci évoque le silence des hommes; le langage rabbini. _que, tontefois, Ia paradoxalement choisi pour évoquer le silence de ‘Diew dans Tune de ses formes les plus déroutantes et les plus logi- “ques a Ia fois : le silence de Diew dans le martyre. Hastér panirn, contraire, est Vexpression biblique 1a plus fréquence pour dési, “gner le silence de Dieu. Elle apparaie pits de vingecing fois, ce qui est énorme, et cela dans les textes les plus divers, depuis Te Deutéronome jusqu'a Exéchiel, a travers Job, les Psaumes, Michée, Istie ex Jérémie, : Apparemment ilém, cest le muct, et nous nautions I qu'un blet de harash, que nous avons relevé précédemment & propos di du silence-énergie. Mais Tautre expression nous invite i Te contresens. En effet, bastér fanina est une expression méte. 5 elle signifi litéralement cacher la face, pat un voile, Exguientond,ajouterorsous comme Abrahem entendat, entoué lM gg ex cent dene @ seis to oy, domaine du deg de silence, non pas comme Prométhée ou Sisyphe, pour vaincre og muet n'est pas le muer Physiologic gs igre an be oe a Echocer, ni comme Jésus, pour mourir puis ressusciter, mais, en ep Teffore consciencieus de tous son ee eee SH bonne volonté Patrierche juif, pour expérer. ul mot, ches qui, nous lavons dit, le silence et fe sane shea, Et cest le theme de l'espérance que nous offre ainsi, en fin de Sf Spe Ne a ee compte, la deuxitme dimension du silence biblique, celle de Vénet ie qui est aussi celle du patriarche, ou on la lui déliera (moment désigné par le terme de patah ouvir, Vira MUET Entre Je Silence inerte du Néant et le Silence énergérique 4 Etre, nous devinons quill doit y avoir non seulement une relation dialectique, mais une somme infinie de variantes éparpillant silence dans les deux directions opposées du néant et de l'étre, un sorte de partition oit la main droite et la main gauche joueraient themes différents, mais dont la contradiction seule produirait 1 moni: musicale souhaitée (Max Picard). Et Cest précisément cette dimension que recouvre le sroisi conple terminologiqne aésignane le silence dans Ia Bible de Touverture, la porte de sortie. C'est un hom E Tots’ a prend sur lui le silence comme un rble, N'Vitaree et mak dui eache sa face, dont le masque déguise la’ physiono- compl te 8 méme éouffe la parole, en acteut consclent ex mpli. Le dénominaceur commun de ces deux termes, est, on Bible nous renverraicelle ainsi 3 renverraitelle ainsi au drame ou & la comédie? ‘e 4 Sondrons-nous, mais avec cette différence énorme qu'il pe : ‘in renvoi au théatre grec, ni a 1a comédie vénicienne, 50 51 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SENANTIQUE : LES DIMENSIONS mais d'une dimension dramatique proprement biblique qu'avant no Martin Buber et Jacob Lévi Moreno ont remarquablement mi en relief ex quils ont, comme nous allons essayer de le faire appuyant notre analyse sur les leurs, rarcachée au théme du silence’ Remarquons toutefois, demblée, 4 l'intention des lecteurs mal pr parés 4 I'introduction de telles notions dans Ia lecture biblig que les notions de jew et d'ronie ne sont pas moins tragiques qu celles de mystére et de secret. Le théme du Diew caché est sais sent lorsqu’on T'envisage dans ses formes statiques, 2 la mani de Ia statue voilée devant Inquelle il ne reste 4 Yhomme que d woiler Iui-méme sa propre face. Il n'en est pas moins poigr dans ses formes dynamiques, la plus simple et Ia plus émouva tant celle que lui a conférée le hassidisme : un jeu de cache-cac ‘01 Dieu et I'homme se perdent parce qu’ils ont oublié quils étaien partenaires. ese diailleurs de la geavité de cette conception hassidique qu‘ parti Martin Buber et cest une réflexion sur le sériewx du je qui ’a conduit @ la conception audacieuse de I'Eclipse de Die expression qui est comme une parade A la célebre Mort de Di de Nietasche, Dans T'étude qui porte ce titre, Martin €ndie la relation de la religion et de Ia philosophie & Iumiére, précisément, de Nietzsche, mais aussi de Kierkegaard, Heidegger et de Jung. Quelques pages de cet essai sont consacré par Buber & la critique de Manalyse sartrienne, selon laquelle silence de Diew constituerait la preuve que Diew n’existe pas, du moins qu'il n’existe pas pour l'homme (L’Eire et le Néi qpill importe de tirer les conclusions rigoureuses de ce silence (L’ tentialisme est um humanisme), conclusions que Jean-Paul Sart fait tires, en effet, par le héros de le Diable et le Bon Dit ‘Mais Tatilisation théitrale du théme par Sartre permet justemel & Buber de répondre au philosophe par la doctrine méme du j Te jeu, en effet, ne se situe pas dans Ja relation Je-On, cans la relation Je-Tu. Il n'est pas spectacle impersonnel et £i ais participation et interprétation perpéwelles. C'est sur la lita monotone d'un orgue de Barbarie— du, du, du, da — qu'un Rabl reste pas ainsi, dailleurs, que les choses s'éraient passées au ardent? Dieu avait joué a imiter Ja voix du Pere, et cest facet artifice que Moise s'écait approché de la Flamme, mais "e cachant sa face », inaugurane ainsi la rencontre prophétique, Jaquelle 1a personne du prophéte est lide par un contrat A cette autre Personne (persona, en latin héros d'un me) qu’est, en face d'eux, leur partensire Dieu. Et le Rabbi hassidique peut, a bon droit, pleurer d’émotion et de , lorsque, devant un enfant qui se plaint de ce qu’au cours jeu, ses camarades l'ont oublié dans sa cachette, il s'écrie : use cache, Lui aussi, et Lui aussi, personne ne vient Le > Il ne fait que reproduire Ja situation prophétique du se de Dieu est, elle aussi, la phase d'un jeu. Elle ne modifie “A Tessence divine, ni son existence. Mais elle tient & ce fait devant I'Etre et I'Existence, on a placé une cloison, le décor ersonnel du On, qui cache Ia Lumiére de Diew et étouffe sa Que vienne le machiniste, pour enlever lz coulisse, et Je gue se rétablira de lui-méme. ET DLO ore, cette notion de dialogue ne doitelle avoir rien de super- ni de conventionnel lorsqu'on Vapplique & Ia Bible. I faut ndre, elle aussi, au sériewx et accepter son contenu dramatique {conduit logiquement au théme du silence. Enoncer la proposition, » selon laquelle Ia Bible est le dialogue du Divin et de in, cest courit le risque de concevoir ce dialogue comme duo. Or, il ne faut pas confondre dialogue et duo, il faut ment distinguer entre les deux. Je duo, deux voix se font entendre simultanément, mais Ja complicité d'une harmonie délibérée et préconcue. Ceres, UX Voix ne sont pas toujours au méme diapason, mais leur diffé- utiation méme intensifie le caractére harmonieux de leur ren- fre : Te soprano et 1a basse sont liteéralement faits pour s‘enten- 53 10, Marin Baber, Werke, vol. I, Monich, 1962. Jacob Lévi More Tondements de la sociomtsrie, Patis, 1954 52 SEMANTIQUE : LES DIMENSIONS PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE ex cette bonne voloaté qui n'est pas quelque molle attente mais olonté active de recevoir, d'écouter, de chercher & sortir de sot joéme pour admettre univers dautrui, ne pourrait aller jusqu’a ses leimes conséquences sans étre l'immolation d'un des partenaires, cex-a-dite en se reniant en tant que dialogue, Dialoguer vraiment ‘e serait en effet mettre en cause son écre propre pat l'information vient d'autrui. Ce serait accepter le risque que la forme de Tancre ne nous remoddle A son image et ne détruise ainsi ce qui fait notre personne. «Ilya donc une double exigence du dialogue. D'abord, Paccep- tation de I'univers de Fautre par le sacrifice du sien propre. Le vrai dialogue est sacrifice. L'a-t-on compris suffisamment ? Combien de personnes qui invoquent le dialogue ne limitent-elles pas leur fatente A voir autrui acceprer leur point de vue. Ce n’est pas Ia le ‘wai dialogue évidemment. L'exigence impérieuse du dialogue, cese tune exigence de sainteté si elle est accomplie dans sa vérité. Le Gialogue est alors 1a mise en cause de soi, Je renoncement a soi pour souvrir & une voie nouvelle proposée par l'autre. « Mais dautre part, la dissymétrie du tenoncement est une négation du dialogue. II faudrait donc un double renoncement pour “gue ce dialogue atteigne lauthenticité, pour qu’il réponde A ses espérances les plus hautes. Alors le vrai dialogue ne serait pas seulement I'échange entre deux consciences, Ja communication de deux univers mentaux, il serait 1a construction d'un monde nou- dre, et en effer, ils stentendent & merveille, cohabitent pacifiqueme a partic de leurs divergences, et Cest union qui fait leur force eur keauté. Le silence méme n'est, dans Je duo, quune suspe sion rovisoire, une pause utile & la transition, et parfois indi pensable, comme Vest le crewx 3 la bossure d'un relief. Dans le di Ie silence est une fraction organique de 'harmonieux ensemble. Il nien est pas de méme du dialogue, dans lequel !a simultangi des voix ne repose pas sur Vexigence dharmonie, mais sur celle la coctestation, Mes travaux antérieurs sur ce que j'ai appelé dialogue précaire de Cain et Abel (Go. 4, 8) et sur Vexégése ce dialogue dans Ia théologie dialectique du Maharal de Prag condusent logiquement & accorder au silence une fonction autono: ct irréluctible dans Ja relation dialogale”. ‘Déjt Martin Buber et Margarete Susman" montrent comment vie juive, en nowant son rythme non pas autour d'un dogme afi matif (je crois... je sais..), mais autour d'un appel impératif Ecoute Israél, a introduit le silence dans ses normes. Car Ia conditi inéluciable de Véconte, Cest le silence, et qui ne se tait durant qt parle autre, n'est pas en situation dialogale; il se complait Senferme dans le monologue, dont le huis clos exige d'éite vi par le dialogue. Tout dialogue implique donc une agression, un renoncement, ut mort i soi-méme, un silence absolu, qui sont les attitudes prépar toires & Youverture, & Ia communication, au dialogue, & la vie dialogue et a l'amour. Cest ce que le Maharal de Prague énor “Yen par l'immolation de deux partenaires préts a souvcir & la au xvF siécle, lorsqu’il posait les principes de la contestation réci “tation, > que des existences et des consciences et la nécessité du retrait et > néantissement dans Yétablissement de la relation (Valliance & “DiLocuz ex pécLANATION vers la crainte). Un psychologue non juif, Raymond Carpentier, récemment formulé ces notions dans un développement saisis véritable paraphase de Ia pensée du Maharal et de celle de Mi tin Beber « Cest que le dialogue, “gee BB Coté de Lantithise dslognesduo, une autte antichse doit Tats 8 considration, celle du dialogue et de la déclamation. t déclamation, en effet, suppose que les rdles sont connus et “Goris & Vavance, et que les acteurs n'en dévieront point, quelle Src Listensité dela pare quils prennent aw jen. Ta plus “Gs nat” des Desdémone, le plus « teagique » des Othello, — jamais “jana ROUTONE sur scine ; le plus « passionné » des spectaeurs, Menai il ne pécira P'émotion. Chacon sait quvapris Tintense boule. TWement du jes, le ridean tombera et quensuite, « tour est pret 3 ‘il est vraiment ouverture & autre, LL, André Neher, Je Puits de U'Exid, 12, Martin Buber, Werke, vol. I. Margarete Susman, Vom Geb der Freibeit, Darmstadt, 1965. 13. Raymond Carpentier, ¢ I'Echec de la communication », dans Hommes devani Vécbec, Patis, 1968. 54 55 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SEMANTIQUE : LES DIMENSIONS pour Ie festin >, oui, pour le souper de minuit. Or, cest que les chéologies et les lectures catéchétiques, oserais-je dire docales et bourgeoises, interprézent le dialogue dans la Bible. L' Tiance entre la Parole divine et Ia Perole humaine peut, certs traverser des phases périlleuses, connaitre des moments critiques, sub méme les tourments de Vagonie et de la mort, — mais tout cel niest qu'une aventure passagére, un jeu appris par cceur, dont le récitants savent qu'il sera suivi, en nécessité interne ec absolue, p un festin pour lequel tout éeit prét par avance, un festin qui compe sera la mort par la résusrection, la souffrance par Ia béatitude, ce monde-ci par le monde futur, Iss théses socio-dramatiques de l'émprovisation, tirées par Jaco Lévi Moreno de sa lecture de 1a Bible, contredisene violemment ces catéchéses rassurantes. A inverse de Ja déclamation qui tien une comptabilité méticuleuse des paroles, des silences et de I rapcorts, le dialogue authentique implique improvisation. Dés lo ‘est dans la perspective de Vimprévu qu'il faut concevoir le dialo gue dans la Bible. Le monde est ouvert. Les jeux ne sont p faits Aucun événement passé ne commande une nécessaire parou sie, Diew ne posséde pas la totalité des clés de soa ceuvre ; ho non plus. Les silences bibliques, ce sont, parfois, ces moments ob les clés sont perdues. Er ill n'est pas impossible que ces moment se confondent, & la limite, avec l'érernité. Cae trouvaille, Moreno ne pouvait la faire que dans le tet Diblique et dans ses fécondations juives, qu'il connaissait pacfite meng, au débuc de sa carritre, et auxquels il a su donner une ill tration remarquable dans les livraisons de la revue Daimon, il fut, en 1917-1918, 2 Ia fois le rédacreur en chef et le princi conttibuteut, Certes, il ne faut pas minimiser Ia portée pure: technique des premiers psychodrames de Moreno qui devaient, sel Jui, fonder (et qui ont effectivement fondé) une psychanalyse férente de celle de Freud. Mais & vouloir négliger ou estompet les implications spirituelles de ces psychodrames, on se priveraic d'une véritable shéologie de la rencontre, sensible surtout dans le troisidm psycaodrame de Moreno (Die Gottheit als Komédiant) et dans qu ques potmes épars dans les liveaisons de Daimon. Ul faue situer, avec Moreno, sinon le point de dépare (celuéth le Midrash et le Zohar le recherchene avant méme la Création gu moins le moment névralgique de cette théologie, au chapitre 11 “i Ie Gendse, verset 9, lorsqu'en face du premier homme qui oa plurét qui se déguise et feint de ne pas ére vu par “Dieu, Diew se déguise de son cité, en criant Od estu? et en feignant ainsi d’avoir perdu vue sur l'homme. En cette premitre qenconsre manquée, nous découvrons tous les éléments ramassés pat “Je hassidisme dans le chéme du jeu de cache-cache. Les deux parte- “aires ont mis un masque, et la cause profonde de I’échec de leur tre, Cest quiils sont libres d'improviser des « figures » want aller jusqu’a l'infini, l'histoire humaine n’étant doréna- autre chose que la somme inépuisable de ces figures, une aphonie inachevée de situations imprévisibles. silence est la clé de cette symphonie, car lui seul garantit ‘ile rencontre entre Diew et "homme son absolue liberté. La parole fine et oblige; elle définit Vinfini. Seul, le silence laisse & re et au néant leur porentiel inépuisable. I met en question, jamais cépondre; et il répond, sans jamais conclure. REVERS DU CIEL. En effet, comme le comédien Iui-méme, la parole est prison- re d'un paradoxe. On ne saura jamais si elle simule ou si elle ‘sétieuse, mais cette ironie est indispensable A Ia théologie de rencontre, puisque l'un des partenaires, Dieu, refuse de révéler Etre (Ex. 33, 23) et que autre partenaire, Yhomme, doit ‘constamment patier sur le Paratire de Dieu. Il doit prendre pur xée] ce qui n'est peut-ttre qu’apparence, comme au spectacle, fauditeur ex 'acteur doivent prendre au sérieux ce qui n'est qu'un t. La parole enferme homme dans les quatre coudées d'une le qui se confond avec les quatre coudées d'un spectacle. La fin ® Ia comédie coincide avec Ja fin de la vie, et inversement. Et débue aussi. Seul le silence cuvre Yhomme & un au-dela du F2, 4 un métathédtre, selon V'expression favorite de Moreno dans on, un théatre oi le rideau ne se fermecait jamais parce quil UE s'est jamais ouvert, oii Dien et homme se sont trouvés de mpied en pleine aventure, mais « pleine » au sens généraceur it terme, — une aventare pleine et grosse de lendemains infinis faudrait alors, avec Moreno, intervertir les proportions classiques 37 56 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE SEMANTIQUE : LES DIMENSIONS jg, avec son bagage dombre et de silence. Si tous les acteurs {ia drame sont présents, un Seul est absent : Dieu, dont I'Erre est femmuré dans son Minuit, ex qui cache Sa Face. Ainsi, le ‘Séder représente-til, dans la liturgie juive, d’ane maniére typique, fe que le thime de la Face cachée signifie dans la Bible : ao pari anr le silence de Dien. de Vaventure biblique, ne plus accepter Vaxiome qui veut qu’ début éiait Ja Parole, mais le remplacer par cet autre, affitmay que !a Parole est @ la fin, et que, dans Venteacte, tout est sile Et Cest dans cet entracte que se jouent les € jeux > du sileng biblique. Le silence y est comme le revers du Ciel, la conscieng de Dies, la vreie Pairie, pour employer quelques-unes des expres sions favorites de Jacob Lévi Moreno. Peur mieux faire comprendre combien ce silence est le lien ¢ la viaie rencontre, Moreno utilise, en guise d'apothéose de mécathéatre (dans Die Gottheit als Komédiant) le scénatio, fail & tout Juif, du Sédér. Cette nuit de Pique constitue, en effet, p excellence, le test psychodramatique de individu et du peupl juifs. Tout y est mise en scéne, puisque chacun y tient son 1d au fil des gestes rituels et symboliques : le Pére, I'Enfant, PBtrange ‘Tout y est improvisation dans les mots, puisque la parole peut, elle ‘e veut, si elle le peut, sétendre jusqu’a l'aube, mais elle aussi, et souvent elle le veut, étre interrompue par 1a question plus naive, celle de Vignorant, celle méme du moet, qui ne do pas manquer au collogue, car Cest précisément la question de I’ qui ne sait pas questionner & laquelle Ia parole reste suspend ouvrant la voix au silence. Tout y est improvisation gestuelle, Vinvitation est lancée ds le début : guicongue a faim, qu'il vie ef mange, et nlimporte qui peut donc soudain entrer en scéne, ! Autre, le Messie, mais aussi le Malin, Er, un peu plus tard, pour faire rebondir l'imprévu, le porte est owverte, porte pat laqu: TAteendu peut entrer, mais aussi Tnattendu, le bourreaw diaboli comme Henti Heine I'a admirablement imaginé dans son Rabbi Bacharach, Porte aussi par Vouverture de laquelle uelqu’un, lieu dentrer, peut subitement sortir, et s‘enfoncer dans la nuit, comm Israé, Zangwill I'a tout aussi admirablement imaging dans son Hi Gadye. Teut, enfin, y est catharsis, puisque cette nuit de Pique simultanément mémoire et licurgie, évocation du passé et rept sur soi de l'événement comme si 7'y avait été, spectacle passas ec pénécration au plus profond de la conscience en vue dl passage, fidélité et option, insertion dans 1a chaine ee rupeure ¢f tice de liberté. ‘Mais surtout, Ia nuit de In PAque juive est véricablement um “ia race cacttéE "Car si la métaphore du Diew cachant sa Face revét, dans la ‘Bible, les formes stylistiques les plus diverses, allant de l'image ‘anthropomorphique bratale (Ps. 30, 8) jusqu’a la définition abs- fe et apodictique (Js. 45, 15), on peut ramener ses significations trois grands niveaux fondamentaux : “1° Le nivean psychologique, fréquent surtout dans les Psaumes. mme exprime sa certitude béate que Dieu ne cache jamais Face (Ps. 22, 25). Il envisage avec panique Uhypothése du Dieu ‘eaché : si Diew cachait Sa Face, ce serait 'épouvante (Ps. 30, 8), Te chaos (Ps. 104, 29), la mort (Ps. 143, 7). Il prie avec émo- ‘pour que Dieu ne cache pas Sa face et se demande avec effroi j cette éventualité reste possible (Ps. 27, 9; 102, 3; 18; 13, 2; 44, 255 88, 15). 12 Le nivean historique, aéveloppé dans Dewtéronome (31, 17, 18 5 32, 20) et chez les grands prophétes (Is. 54, 7; Jér. 33,5, 63 24, 29). La notion de Diew caché y est insérée dans’ une ique, dépouillée de toute émotionnalité. La métaphore désigne Ja catastrophe historique, mais elle appelle organiquement le salut. ‘notion de Dieu caché devient ainsi une partie intégrante de Ja philosophic prophétique de histoire, avec sa conception polaice Ja ruine et de la rédlemption 3° Le niveau métaphysique, exprimé pat Isaie dans deux versees femarquables : 45, 15, ob le theme prend une forme dogmatique : Tu es un Diew qui se cache et surtout 8, 17 qui définie Vaisieude Vhomme devant le mystére métaphysique, Ce n'est pas, fomme dans les Psaumes, Ia confiance béate, ni la panique, ti Ia pritre; ce n'est pas davantage, comme chez les prophites, ente organique du salut. Cest un pati sur l'inconna et sur le Mence : Jaitends Diew qui cache Sa Face a la Maison de Jacob 59) 58 PRELUDE AU SILENCE BIBLIQUE et jeipére en Lui, Pat son contexte, qui est celui d'un échec, | du messianisme d'Ezéchias-Emmanvel, et par sa forme, déja p tement « philosophique », ce verset biblique constitue la source thémes théologiques de Blaise Pascal et de Kierkegaard, de M Bube: et d'Elie Wiesel. Cest le patade de l'espérance contre 1 celle de la liberté contre la mort. LE NOISSONNEUR DES GERBES OUBLIEES Aissi se dégage, A travers la terminologic, une ultime dimen sion du silence biblique, celle ob se découvre ce que j'appelle volortiers la complicité du silence avec quelques-unes des polari irrécusables de Yexistence humaine, et notamment la polarité d Véchec ec de Vespérance, et celle de la more et de Ia liberté. Tou se passe comme si le silence avait é&é inventé dans la Bible pou nous mettre en garde contre le badinage de la parole et de bana isations verbeuses, pour nous placer en plein coeur des diale tigues par lesquelles "homme est appelé aux grands arbitrages do ill est seul & posséder les clés : les arbitrages de la liberté. Par le silence, le monde retrouve le sérienx de son essence Viréductible valear de chacune de ses composantes. Les qua grands thémes que nous venons de nommer n'apparaissent p sous I'éclairage du silence, comme d’anodines variantes de la vie, di suce’s, de la morale et du réve, mais comme des réalités sui genet que l'incontestable expérience du Silence oblige & connaitre er & pecter pour elles-mémes. De méme que les grands actes de rect ‘ment exigent, dans la vie de chaque homme, un moment intense silence, ainsi le silence biblique estil, tour entier, un acte recueillement, puisqu’en lui rrouvent accueil et restitution des vale quill glane dans les champs de l'accoutumance. Le silence est, da la Bble, le moissonneur des gerbes oubliées. En face du no land, il dresse le no God's land, et cest la récolte simu de ces deux royaumes, les fruits miirs d'un automne sans printem mais aussi sans hiver, un regain qui seraic Iultime prémisse, Cest cet ensemble d'un Our perceptible seulement & travers le quiengrange pour nous, en majestueux accord des plus tragic désaccords, le Silence dans la Bible. I L’inertie L’Avant de la parole JETAIT LE 1.060 a un jet continu, harmonieux, équilibré, 1a création parait se souler devant nous dans le premier chapitre de la Genése. Com- par Ie commencement — herésbit —, sachevant par ment — dayekoulow —, axticulant ses phases 2 travers ation rythmée des nombres — vayehi érdv, vayebi boger —, ensions spatiales et temporelles semblent sépanouir dans la jude. Aucun accroc, aucun ratage, aucune revouche : A la de Dieu fait ého la créarare, surgissane docile, entiére, par- e, Aucun oubli, aucune lacune, aucun vide : & chaque créature, moment et sa place. Liunivers se déploie, logique et conforme plan, digne de susciter 'admication du Psalmiste et de Leibniz, tous deux de souscrize au certificat de réussite que PArchi- se délivre a Luiméme a l'heure du dernier regard, sant fidrement Foeuvze définitive : vebiné tov méod. est cette réussite qui ftappe d'ailleurs non seulement le croyant le philosophe, mais lexégete aussi et Mhistorien des religions. tous les récits cosmogoniques, si nombreux dans Lantiquité, celui a Bible est le plus « réussi > par la mise en ceuvre des techni es plus simples et les plus dépouillées : ni mythologie, ni gonie, ni théomachies dans cette Genése biblique, dans laquelle eur reste extérieur 2 sa ctéation, l'sppelant i existence, ealptant, la ciselant, comme le potte, son séve; V'atiste, son 3 Vartisaa, son objet. Sans doute, pour eux, ce récit n'est. Moise, ni d'un prophéte, ni d'ua inspiré, mais l'anonyme t qui décida, un jour, de planifier le vaste matériau que iient pour lui les traditions proprement hébraiques, les mythes 63 LINERTIE égyptiens, I'épopée assyro-sumérienne de Gilgamesh, la légeng grecque de Chronos, ec tant d'autres relents des heures premitng et oudliées de Ihumanité et du monde, sut-il dégager le theme de jj Gentse de sa bourbe mythique. Et cette « objectivation » est comme indice d'une harmon bilon et saint Augustin, Maimonide ct Leibniz, Kepler et Pascal, esthé:ique, toute semblable & Vharmonie théologique dont elf at dans cette lecture biblique. A partir de la prémisse ‘est le reflet. Anz début fut le Logos : la logiqwe du début tieg Gommencoment bait la Parole, Yéonnante conclusion, qui les Te récit a travers tous ses angles et jusqu’au bout, ne lesan Beers troublés, serait que Tout ext Parole, Be dans’ o- tout apparemment a l'lllogigne aucune place dans ce premier chapitg ic, il n'y aurnie pas de place pour le silence. de la Bible. effet, la logique de ce Jogos tout puissant veut quill n'y ait pas Liambiguité du terme logos, et, si Yon reste sur les terres fe gue dans Ia création, et que tout soit, 4 Ia limite, du moins, de la philosophie hellénistique qui en nourric les racines, le chato plogue en Dien. Des lors, pas de silence essenticl, mais des ment des notions que ce terme recouvre, ont encouragé les théologis seulement de silence, des phénoménes d'intériorisation classigques & transposer I'harmonie créatrice de la dimension I nt la logique a confondre une parole subtile avec le a la dimension musicale, Le Jogos n'est pas seulement Ja ‘Mais il ne s‘agit Ia jamais d'une identification réelle, parce de Ie raison; il est aussi le Verbe, la Parole. Si le logos & lence ova pas dexistence en soi. Il n'est que Faliéaation au commencement, Cest qu'att commencement était la Paro ole, une maniére de parler sans paroles, une musique qui affirmation qui n'est pas l'apanage exclusif du quatriéme Evang différencie du langage que par ses moyens expression, mais mais que le plus populaire des interpretes juifs de la Bible, sa définition profonde. Lorsque, dans cette perspective, de Troyes, présente, au Moyen Age, avec une assurance naive, biblique heurte sur les réalités cosmiques ou humaines du Jes toutes premitres lignes de son commentaire de la Thora ce (Ps. 19, v. 4 : le silence épais des sphtres; Ps. 65, v. 2: deux premiers versets de la Genése, enseigne-t-il, il faut les tendu de Ia prigre), il n'en est pas plus effarouché ‘en un seul souffle, en proposition subordonnée & la proposition pi quil henrte sur la réalité de la mort. Lopération men- cipale et initiatrice du troisitme verset. Ne pas lire : Aw cor laquelle "homme biblique a su greffer la vie au-dedans cement Diew créa le ciel et la terre. Point & la ligne. Le 1 ‘mort, le theme de la résurtection qui scandalisa les Juifs diait chaos, ec, au-dessus des eanx. Point a Ja ligne. Diew dit mcéens et es Sages d’Athénes, mais que les Juifs Pharisiens Que la lumiére soit, et la lumitre fut. Mais, avec Rashi, lire ut disciple Paul de Tarse ont réussi a imposer a la pensée entendre quiau commencement de Vacie par lequel Diew créa gine comme un acte de foi, cette opération et ce thine enle. ciel ¢: la terre, et alors que la terre n'était encore que chaos, elt on agressivité contestative a 1a mort. Et celle-ci n’étant qu'une etc,, adessus des eaux, Dien dit : Que la lumidre soit! Cest a He, Une métamorphose de la vie, le silence n'est, lui aussi, Te Dye de Dieu, avec la Parole, que tout a commencé. Be parole autre, une métastase de 1a parole. Dans l'accord uni Ec cest avec elle, semble-t-il, que tout se poursuit. Le cost L le silence ne rompt ni ne dérange la mélodie cosmique : et l'histoire, Funivers physique et univers éthique, le mow Ms des sonoricés fortes et audibles, il est le pianissimo délicat perpetuel de la matitre et la destinée éternelle de l'homme ne sof ine de la parole. Loin de la déchirer, il contribue a renforcer fiet Tharmonie absolue. dont l'émettenr, parce qu'il est la source, commande le dans son ensemble, jusqu’a la fin. ee 65 AVANT DE LA PAROLE dune loi qui doit relever, elle aussi, d'une logique, fitelle fico ou ficaEc ? A toute logique, je veux dire la loi du prologue. Or, c'est A renverser cet éclairage que tend la lecture jwive de Bible. En pleine logique de la Genése, elle découvte I'illogi Dans le rythme régulier de l'ensemble, elle percoit des inré rités surprenantes, A la conception d'un univers créé dans centier, avec tous ses éléments, elle substitue Ia vision d'un mon dans lequel il y a des lacunes, des trous et, inversement, des sy pléments et des surplus. Enfin, elle est sensible au fait que « taines créatures, Join de se plier & la Parole divine, lui opposent d résistences, se montrent indociles et provoquent ainsi des a cures, des révoltes, des drames. Poussant les choses plus encore, elle ose pénétrer pour y découvrir, avec stupéfaction m sans complaisance, que cette ceuvre n'a été nullement méditée réalisse selon un plan préétabli, mais que, tout au contraire, e jailli d'une impréparacion radicale, conservant tout au long de exécution les caractéres cour 2 tour décevants ou stimulants d’ improvisation. En effer, selon Vexégése rabbinique (Berésbit Rabba 9, 4) monce a’est pas sorti d'un coup de la main de Dieu. Vingtsix t tatives ont précédé Ia Genése actuelle, et routes ont vouées & V'échec. Le monde de Vhomme est issu du sein chaotic de ces débris antérieurs, mais il ne posséde Iui-méme aucun de guantie : il est exposé, Iui aussi, au risque de V'échec et retour au néant. « Ponreu que celui-ci tienne! » Hi shéysamod, Séctie Dieu en créant le monde, et ce souhait pagne Phistoire ultérieure da monde et de Vhumanité, soul dés Iz débur que cette histoire est marquée du signe de I'in radicale, ‘Nestece pas dans le champ de cette insécurité qu’il nous faut & Jement inscrire le silence? Son apparition dans la Bible ne P plas étre interprétée comme un contrepoint de la parole, de cette parole, le silence peut, lui aussi, constiruer non point mais l'échec et Je ratage. Et Cest en termes d'agressivite dial quill faut aborder le silence das ses premittes émergences dani Genése, non plus seulement lorsque, dans T'instant créatew prolonge ou accompagne la parole, mais lorsqu'il la précéde 66 pfsvr Brarr LE PRO-LOGOS “Tn effet, dans les deux premiers versets de la Genése, que subordonne & T'apparition de la Parole, nous avons affaize prologue, dont la nature intrigue toute réflexion sur le ehéme de la Création, puisque celle-ci ne peut se réaliser que pat tion dune dimension précédeate, mais qui souléve un probléme blable lorsque nous donnons a Vexpression pro-logwe sa. sign’. qation littérale. Puisqu'll y a un Avant de la Parole, quelle ‘donc Videntivé de cet Avant? a serait tenté immédiatemene de répondre que cet Avane de la ole, cest le silence, si les philosophes ne séraient pas hités gamoter ce terme, et avec lui, la notion, en les rem. par un autre terme ec une auere notion,” dans lesquelles werzit la clé du probleme et par lesquelles serait main. gus Téquilibre harmonicux de I'univers et Thégémonie de. le le. Ce terme c'est celui du néans, cat, enseigne-ton, la création fite ex nibilo, et Ia parole a donc surgi, elle aussi, du néant terme clé serait merveilleusement accordé au’ silence, si fe les mains des philosophes, il servait A autre chose qu’d “maladroit et stupide verrouillage. Cesc un garde-fox que Philosophes ont inventé, pour éviter que lear regard se porte jes zones effectivement folles de cet Avant, pour leque! la accumule, dans les dewx premiers versets de la Gentse, une ‘de termes plastiques, dont chacun est susceptible, 2 tite ‘sole, fetroriser lo logique raisonnable : le tobwbobu, le tebom, le Cest-i-dire le cheos, Pabime, le gouffre ténébreux. En rava. Ss puissances au néant, la philosophic les livre & la puis Mena Peiewte du nihil, dont Vessence consiste & annihiler, miuite & tien, de telle sorte que I'Avant est _more-né, un Sue la Genése jette au rebue a instant méme o¥ elle all, Mes" pas eas, ceres, ce clongue, au premier es bi 8 YORE ¥ ompez pas: cere cavern hidewse, imes, les gouffres et les chaos paraissent étre les lieu Feadez-vous dhorribles cyclopes, de’ dragons on de. sela. o7 P dex LIINERTIE LIAVANT DE LA PAROLE mandres, — elle n’est riem, un bazar aux bijoux d'un sou, foire aux bagatelles, un bric-abrac que le premier coup de by de la Genése disperse & tous vents. I ne vaut Fes It Pens q vous vous y arrétiez, et les philosophes, en effet, apres ayg le ; Midra y placardé at Jes murs du chaos ofiginel I'affiche « Néant » Bibligue, a’est pas bien sic de ta réponse. Des débris de cette ‘von: diner tranquilles sans plus soccuper d'un lieu dont on vig oeme masse dévastattice ont pu franchir la barriére ; des éclats, de slennellement déclares qu'il n'est rien. ig crs, des déchets, semboutir dans Ja bourbe qui servit Gn devine devant quelles centations les philosophes reculen caéation ce ciment et de liant. Nallez pas y voir de trop celles de Ia gnose, qui ouvre les vannes aux mythes ct aux démig s. Tout le meats sait que le Palais du Souverain a été édifié es, sapant & la base Jes principes da monochtisme. Fun bourbier. « 1 ne serait pas respectueux d'aller gratter sous Mais, sans roucher a ces principes, par des voies qui emprunt ‘Pour mettre & jour la fange originelle. » le gnose sa tonalité, sa méthode, les Maitres du midrash ec ao pA lavctieaeee ns d'un refoulement au sens ta kabbole pénétrent dans le Jardin clos da Néant, dans le Pard ddu terme, et lavertssement du midrash s‘adresserait aujour- et d certains dentre eux, cel Elisha ben Abouya combent da j encore aux apprentis sorciers de la psychanalyse, Le néant fe pigs den une, oo wal Bea Zooma- woot Hopes ee eniemen:diparu devas I parce. I et comprime pat autres, comme Ben Azay et Rabbi Aquiba en sont électrisés py digué ns les couches basses de Ia Création, ot il sommeille, ear ot oatkinveh, ionew‘camerds ¢ sont euaicd A resurgir & Ja moindre maladresse d'une parole qui n'a pas su d'une connaissance & nulle autre pareille. Ces Maitres apprena barrasser intégralement, prét aussi A répondre & l'appel de et enseignent que les philosophes mentent lorsquiils prétend ee celui-ci, soudain, se souvient de sa parenté originelle que le néant n'est rien, qu'il o’ese pas, Tout au plus peuvent Ee affizmer qu'il n'est plus, mais quelque part, derriére les barricades et les solides barrages qui maintiennent le néant dans zone pré-verbale, l’étre du néant vit d'une existence qui, pO tre tranchée de celle de I'univers créé, n’en est pas moins r¢ Loriginalité de cette conception consiste & ne pas s’étre cont de contempler le néant pré-liminaire, et A saturer I’ame de ct vision comme d'une belle ceuvre d'art, mais a avoir tenté de Je néant non seulement dans son essence nihilisante, mais mouvement méme de sa puissance de nihilisation. Cest 2 /! aque Jes mystiques juifs découvrent le néant originel, dans Yop tior, dévorante de ses gigantesques michoires qui déchirent, tf ren:, avalent, engloutissent. Voila qui n'est plus riew, mais, contraire, quelque chose de gigantesque, une cascade colossal paysages Evanescents, de royaumes qui s'écroulent, de mondes ‘vingt-six au moins peuvent en étre recensés — qui craquent ombent en ruines béantes. Un immense réservoir de forces négatives, voild ce qu’est I'A¥ primitif, voila ce dont Ia parole a triomphé & instant sole 68 nese, voila ce quelle a refoulé & jamais dans l'antériori Te passé, dans le révolu, 16 & jamais? Le Midrash, qui sy connait, pourtant, en lec- RTE-PAROLE DU WEANT apparait le Silence — le grand et solennel silence-inertie — ‘comme une suspension passagére de Ia parole, mais comme parole de invincible néant. Alors, le Silence tient liew de Parce que le Néant est redevenu le liewtenant de Etre. Par les crevasses yulcaniques de Ja création, surgissent pes du silence, et, tout d'abord ces deux nappes que le Aéroule jusqu’a Vinfini des espaces et des temps, et qui svrent les dimensions de V'étre & la maniére d'un drap et d'un ul Je veux dire, ces deux univers éternels et silencieux que sont me la Mort, Ils soffrent & nous, en une premiéte approche, ricit méme de la création. Le premier chapitre de la Genése Brit en eux : Lunivers créé, celui de la parole, ne fait qu'un ‘uit et avec Ja mort. LAVANT DE LA PAROLE (Bible du Rabbinay), et je mai point de repos » (Segond), d finde keine Rube » (H. J. Krauss Il), ‘but find no rest (Version autorisée anglaise). les traductions qui respectent l'étymologie « silencieuse » ye, placent ce silence dans lesprit rourmenté du Psalmiste, raméne le terme a sidentifier derechef avec Ia notion de > ou d’ « apaisement » : Ja nuit, pour moi, point de silence » (Jérusalem), ‘and am not silent » (Lnterpreter's), und des Nachts schweige ich auch nicht » (Luther), ‘méme la nuit, je ne garde pas le silence > (Pléiade). SILENCE PLUS SILENCIEUX QUE LE SILENCE me semble que les traducteurs et les exégites obtissent ici, Msciemment, & I'angoisse devant la nuit, Par peur de pénéerer, ‘le Psalmiste, dans le mystérieux domaine nocturne de l'étre, on dallumer une lampe rassurante, permettant de constater © pleine nuit, il fait clair. ‘est un Psaume ott rien n'est clair, cest bien le Psaume 22, We pas Gé prété par hasard aux hommes les plus corturés, 72 B 'APRES DU SILENCE ‘LINERTIE vam . t par bien d'autres, et cela surtout pour les moments les plus tragiques — et les plus obscurs de 8 eo, akon ines ae one leur épreuve, et notamment, par Ia tradition juive, a Esther lorsq Ja souffrance, ee, a a x i lle-méme. Ov Time oil elle peat aborder et soublier ll Ort soulfrance se noieraitelle si ce nese dans Ie silence de la 7/0} done le male towvericl le calmane a st doles, si : il wre, a Pheure de V'insomnie, dans par Dieu dans Je lointain et dans sa solitude. Plus qu'une pritre, est “pant omic la nuit? Or, voici qu'en foscant les ports leurs, Cest un cri, une interpellation urgente, une mise en demey Bee bien tmisee, au lien eure inondé de silence, se voit jaillie des tréfonds de la douleur et de impatience, un hurler ent, ‘lence, Ié-démya, du bruit, qui tient en éveil Gagorie, la mort étane dailleurs explicieement évoquée au Seen olan ee son. angouen set 16: Tu m'as réduit en poussidre mortelle. Buber-Rosen iy «ae haisicnl vhecerlent eres Je silence de la ont semacquablement compris que le Nom divin, au verse cert fr de se5 eavodtements, Nietzsche le seit, différine textvellement da Nom divin au verset 2, doit égalem .. dees oacines jllisantes gui parent plos haut que Gere différent de lui du poine de vue conceptuel. Eli, Eli, ¢ Ga le savent tous, lorsqu’ils érigent en sym- tine apostrophe, un vocatif répété avec insistance, mais Eldhay caer noctnme le chant ‘Qu rossignol. Mais inversement, IS au eed fine ee ‘isode, Certes, cet incident aurait pu ére évieé, si Saiil a consenti & jouer la comédie en prenant & la légére la menace ph Listine et en décrétant que la situation militaire a’était aucu: alarmante, Mais Sail, nous dit le verset 5, ne veut pas cac ‘que le déploiement des forces ennemies le rend inquiet. Cette ing tude Iégitime, il la proclame, en souverain foncitrement honnée ‘qui n'a jamais dévié consciemment des scrupuleuses obligations qu ui impose le pouvoir. Et dans la ligne stticte de ces oblig il décid= de recourit au moyen que la loi met a sa disposition p arer au danger et pour voir clair : ce moyen, cest la cons de Dien. Or, cous apprend le verset 6 : Saiil consulta Dieu, mais Diew Ini répendit pas, ni par les songes, mi par les Ourim, ni par propbetes. Au lieu dobtenit une réponse, Salil se heurte au sil Cesc litle moment décisif de Paventure de Satil et cest aussi I des points capitaux du silence de Dieu dans la Bible : au nivea e plus primitif et le plus brur de Texpérience teligicuse, le refus de réponse marque la réprobation ; le consultant aobtient aucune réponse parce quiil est coupable, ane hésitation, instinctivement en quelque sorte, ou bien en une tradition ts ancienne, que Y'on retrouve en refrain Ifocinane 16 asbibbénow, Je ne te répondrai point, dans la scéne inaw- gore du Livre d'Amos, Sail avait conclu & Je fauce (verset 38); mncex ic, 104s les chefs due peuple, afin délucider oi dexaminer est le péché qui a été commis aujourd'hui... Diit-il Sagir de an, mon fils, it devra mourir.. A la veille de la bataille de fs roures menant & Dieu sone coupées, parce que, du dedans du de réponse, un seul théme retentit, celui de la culpabilité, nant Sail, confirmant son mal, aiguisant sa torturante so Ez cest alors que, tirant avec une implacable logique les consé- ences de sa solitude, Satil lance un ultime défi & son destin. Puisqu'l est coupé de Dieu et de ses intermédiaites, il se tourne gers Lautre céré, vers a magie et ses idoles, vers 1a sorcellerie ‘es simulacres, parce que 1 il est sir d’obtenir une réponse. Vane Jur ‘Cet homme, hanté par le silence, a besoin d'une parole, parce dens sa solitude maladive, il a besoin d'un partenaire. Ce par- i sait o& le trouver : du coté de déma, — cest 1A qu'il trouve effectivement. | Toute Ja scéne s'éclaire & partir de 12, Son objectif, d'abord, qui iste, pour Saiil, 4 ramener son existence malheureuse au point qui lui permettrait de refaire sa route sans péché, dans l'inno- reconquise. Il lui fauc pour cela retrouver Samuel, le pro- te qui fic de lui, autrefois, un roi, reprendre avec Iui un dialogue wculé, lui redemander une onction fraiche, vivre un prin- “fmps nouveau qui triomphat des léthargies glaciales de I'hiver. D’ot Voyage & rebours, cette remontée vers lorigine pour atteindse AS sa vie d'autrefois un homme qui n'est plus aujourd'hui qu'un tre. La surrection de Samuel ne devait pas rester, pour Sail, ie ; elle devait, dans son esprit, inaugurer une résurrec- mettre en branle une renaissance, teplacer les deux parte- « JE NE-TE REPONDRAL POINT > Saiil, moins qu'un autre, ne peut se tromper sar Ia significatc de ce reius de réponse. Tout au débue de son régne, il avait consul oracle des Ourim pour savoir si, oui ou non, il devait poursuivie les Philstins, et I’oracle, au lieu de répondre par oai ou par 20% Sérait tu et avait refusé de répondce (I Sam. 14, 37). Or, sat 50 81 LINERTIE LE SILENCE DE L'IDOLE des hommes bibliques qui tiennent téte 2 V'inertie de Ia nuit de ia mort. . [fox aussi savent qu’su-dedans de cette inertic est blottie l'inertie ine. Eux aussi frissonnent d’emblée en face de ce silence opaque et ‘dun Dieu qui, farouchement, obstinément, se tait, Mais ils t Leffcoi par le rire et, refusant d'incarnet CEdipe, ils se ran- mot plucdt du coté Ulysse, louvoyant avec Ja nuit et la mort, Bor destin ct leur silence court-circuitant leur charge explosive par rire vainqueur de ses stratagtmes. Cest cette siratégie bibligue du rire wil importe de présenter en avantscéne, Elle ne fera que Yeux ressortic la densité de la crise de I'Gdipe biblique, lorsque jeei ne pourra plus, comme Ulysse, amadouer le mystére péril- wx du silence par un rire qui le rend inoffensif en le pétrifiant. ‘Cest, en effet, par un procédé de pétrification que la Bible ace dabord dexorciser le silence de Dieu. Cette inertie divine, ce memure éouffé de la quit ou de Ia mort, ne vous y trompez js rvont rien de commun avec le vrai Diew, qui est souve- jent Parole, Lumidre et Vie. Cest d'un faux silence qu'il fou plucée du silence d'un faux diew; oui, il sagit du une de ces innombrables divinités qui usurpent le n, car elles ne sont, en fait, que ois et pierre, et, comme le bois a pierre, elles ne peuvent étre que silencieuses. Oui, il s'agit da ce de Vidole, fabriquée de main dhomme, hochet silencieux, sur lui-méme, auquel aucun aménagement artistique, aucun pillage, si réussi soie-il, ne peut insuffler I"Ecre, L'idole a une he? Oui, mais elle ne parle pas! Des yeux? Mais qui ne ‘bas! Des oreilles ? Mais qui nentendent pas! Des marines ? qi ne sentent pas! Des mains ? Mais qui ne touckent pas! Bs bieds ? Mais qui ne marchent pas! (Ps, 115, 5-7). ‘Comment aborder l'idole, sinon par le rite ? Comme Ulysse défait t détcaque les ruses de Ia vie par des contre-tuses, ainsi la parade iblique, en face de cet arsenal de jouets d'un sou, est-elle Lironie. On connait Famusant et perspicace midrash d’Abraham brisant doles de son péte Térah. C'est une fable dont Je titre pourrait :« Le marchend d'idoles pris & son propre piége », il ny a rien de plus pitoyable que le peuvre Térah lors- Sts, apprenant de 1a bouche de son fils que, dans sa boutique, les Moles se sont battues, il lance a la téte d’Abraham : « Mais ne 83 naires dans Ja situation méme oi ils se trouvaient lors de premitre rencontce. La scéne d'En-Dor, je I'si déja souligné ill fait pendant & celle de Rama (1 Sam. 9, 25), ott Samuel parle a S sar le toit d'une maison de Palestine, sous les étoiles anno, Vaube lumineuse. Mais les deux scénes sont de signe contra Tun est le positif, autre le négatif du méme cliché. A EnDg la parole de Samuel & Saiil surgic dans T'antre enfumé d'un repa de sorcitre et s‘enfonce dans les téndbres d'une nuit sans En-Dor est la parodie sinistre de Rama, Dans leur contraste fre pant, En-Dor et Rama illustrent les deux faces antichétiques d silence nocturne et morcel, A Rama, pas plus qu’ En-Dor, Sa nrentend Dieu; il n’entend qu'un homme, Samuel, en qui il nait Iz porte-parole de Dieu, et cette parole surgit dans la nuit. Mai la Nuit de Rama ese limpide et éloquente : [a parole s'y ceil comme dans le message silencieux — d6m — des sphéres célest chantant la Gloire du Créateur, Dans la nuit d'En-Dor, au contrait nous sommes dans I'Enfer. La Parole surgit de ce royaume i terres:re du silence de dima, vers lequel tous les mortels descendes fatalement (Psaume 115, 17), et des entrailles duquel Samuel vi de remonier (1 Sam. 28, v. 15), pour lancer contre Saiil le mes sage mortel. ‘Ainsi, la rencontre de Saiil et de la parole reste-t-lle entitremer négative. D'un bout 4 Tautre de sa vie malheureuse, Saiil est face d'un silence qui maintenant va M'écraser. Il se suicide, cette fin tragique soaligne le caractére effrayant du drame de que Iz Talmud a’hésite pas & qualifier de drame du Destin (Yo 2b). Car, nous Vavons dit, Faventure matheareuse de Satil gue celle d'CEdipe. Le silence inerte de Dieu, Saiil 'éprouve comm le signe supréme de Vagressivité et du rejet. VOLYSse jun Poartant, Sail auraic pu réagic autrement que par le suicide aurait pu, lui aussi, recourit & une parade que "homme bibliqué a superbement inventée contre le silence du destin, Le cas de reste isolé dans la Bible. II nous faut maintenant ouvrir toutes s des les vannes et faire entrer dans le champ de notre analyse 82 L'INERTIE LE SILENCE DE L'IDOLE sais-ra donc pas, fils scupide, que les idoles que je vends sont abyg lument inertes? », en sousentendant, bien sfc, que ses clients savent aussi. Cest air le méme ron que Jes textes bibliques traitent ce thém insistane sur Vincapacité radicale de Vidole & parler et moquant cey qui sobstinent 4 attendre delle une parole ou ceux qui, aw con traire, sont épouvantés par son silence, Le sarcasme est particulitrement aig dans la célébre critigy de l'idole, menée par Isaie, dans les chapitres XL et XLIV de s9 Livre. Lllusion au mutisme de Vidole n'y est pas explicite, m elle est implicite dans I'insistance mordante que met le prophite assimiler V'idole & Ia chose inerte, a l'objet mort. La démonstratig Sappuie sur Ia psychologic de T'idolétre qui ne se rend p compte .ni-méme, 6 supréme dérision, du scandale qu'il y 4 entrer dans le jeu de ce morceau de bois, mi-biche, mi-diea, qu Thomme ne se contente pas de fabriquer, mais qu'il domine dirige, au gré de ses caprices et de ses besoins, vers une utilisatia Physique ou vers une vocation métaphysique ! Liidole, dans cs quelques versets, qui sont un chefdceuvre d’analyse et aussi d peinture réaliste, n'est plus simplement une chose, mais un pan tin La statue? Crest le fondeur qui le coule, Vorfévre qui reconvre de plaques d'or, Vorfevre encore qui la garnit de chainet argent. Esi-on trop pauvre pour une ielle offrande, alors choisira nn morceau de bois incorruptible, on se metira a la recha che d'un éhéniste babile, pour fabriquer une idole qui ne bro point... (I. 40, 19-20). ~» Lonvrier qui sravaille le fer manie une bache, atti Jes chartons, faconne Vidole a coups de marteau; il dbp toute Ia force de son brat, endure et la faim qui Vexténue et l soif qui Vépnise. L'owerier qui travaille le bois étend le cordes dessine lidole avec la craic, la polit avec le rabot et la propo ionne a Vaide dw compas ; il la modéle en forme humaine, mai fique simalacre d'homme, pour éire & demeure dans la maison! Fest couté des cédres, il a pris un rowvre et un chéne, en les cbob sissent vigoureux parmi les arbres dans la forés; i a pla des pins, que la pluie fait grandir. Tout cela sert a Ybommo de coe bustible ; it en prend une partie pour se chauffer, une autre pO 84 toe qui doit faire cure son pain ; pais encore it jas dies e pate a fe te ‘en taille ane idole et se courbe deve weg mold donc, il la Hore an fen; sur cette moitis, it mel tle” ve viande, la mange ¢ sen rassasie ; on bien it sy chauffe Wig se Ab! La bonne chaleur! Jo sens la flamme! » EE Ge peste, il on fais an dion, som idole; il Vadore, it se Pe crne, il ni adresse des pritres et sécrie : « Protige-mei, car : on diew! >. (1s, 44, 12-27). i ie oe atteint son point culminant dans sa auc Carnet ( 18), ob le rophéte Elie donne au iu siles ine a ioe déwonotration en quelque sorte expérimentale Dans tere scene famease, sur laquelle nous aucons encore & sevenit longue: le prophete organise, 2 intention de ses contemporains mais isi hla notce, de véritables travaux pratiques de théo aie FideleJouae le vous poo le txt, Hise ole Bal fu dé ¢ ler, car le feu ne sere que de véhicule BieTeale, wanchers Ie ditt Ue Dis répondra par lo fem, ce sent Diew (18, . en peor la sercine assurance d'Blie, Sa convic- fon indbcanlcble ds silence de Tidole,sexprine, elle ausi, comme “ghz le Psalmiste ec chez Tse, par la eechnique de Vironie. Cin ne “gnique, Elie l'utlse en arme supréme de défi : Criez plus for ‘Se Najsté divine ost powr-tie en train daccorker ane atone, de Iprésider un conseil, de faire un voyage ; peut-tire dort-elle, téchez Ja réveiller ! (18, 27). C'est une provocation, explicitement a a ‘lief par le texte lui-méme (vayebatél babem Eliyahou : Biel Provogua per set srcaime!), & les adortess dv Beal donne pitoyablemene dans le panneau, lorsquils appellent 2 grands cris, se tailladent, selon leurs ries, d coups @'épée et de lances, at point que le sang ruisselait sur eux (verset 28) et lorsqu'ils Segotlene jusquaux vépres, sans quill n'y ait ni voix, ni réponse, ni le moi ai 29). | “ieraega savaient.ils donc pas que l'idole ne répond pas? Honan: OU PANTIN? Non, ils ne le savaient pas, Ils ne pouvaient pas le savoir, parce que, eux aussi, a Vinstar d'Elie, étaient habités par une certi- 85 ‘LINERTIE ; "poLe tude inébrantable, inverse de celle d'Blie, i savoir que Vidal rép oe cues ronjart, Cest le eur de ces deax convictions parlleleset desig cons qu eplius Jn gai de Ie ne. Ls adorateurs bal léaiene pas des sbrutisediculs Ils dspostene une ae Joague, enrichie par un rituel complexe et efficace, qui pee nk ernie que le Baal paclét, comme il Pavait rou En effet, l'une des caractéristiques antic "¢ ls matisme. Les idoles qu'elle Se ee devrait savoir, quelles sont facies, et leur facticité conduit & pesfectoe supréme dune mécanique. Une idole constuite pour ler, parlera coup stir, mais cette parole n'est qu'une parodia] Ja parole réelle, cour autant que son silence n'est qu'un pscudo-silendfl offre au consultant, Tw cherches une parole, 35 partenaice, un Gialogue ? Les voil, fice au prix une tricherie ou d'une hallu- . ‘Mais cette aventure, je ne voudrais pas I'éradier ici dans le ss caltures. Cest & T'intérieur méme de Ja culture hébraique g limerais Panalyser, en essayant de saisir, dans le texte biblique méme, les métamorphoses sous lesquelles davar sauvegarde T'ident profonde de significations si divergentes, ‘Une premigte constatation simpose, surprenante pour qui cro savoir qu'au début était le Verbe, et particuliremene inseru pour qui tente de sepérer, comme nous le faisons actuellement, I probléme du silence dans la Bible. Le mot davar, — donc : le log grec, le verbum latin, — n'apparait pour la premitre fois dans Bible qu’au verset 1 du 11° chapitre de la Genése. Comment! La Bible n’est-lle pas la Parole de Dieu? Dieu ni ell pas parlé, n'a-tll pas créé? Er, durant les dix premiers chapi de la Gentse, homme de son cOté, nail pas parlé, natal p produit? Il faut se rendre a Mévidence : Dieu a parlé, certes, mi non pas des paroles, — devarim —; Il a créé, certes, mais pas des choses — devarim —. Par rapport & davar, par ra A ce terme qui, par excellence, désignera dorénavant Ja Parole, Logos, le Verbe, mais aussi la Chose, Objet, I'Evénement, rapport a ce terme davar, grice auquel, docénavant, Ia Parole, Monde et "Histoire vont pouvoir sénoncer avec majuscules et d Vautorité plénitre de leue signification, rien n'a encore existé jusqu' ou, du moins, tout cela n’est apparu a Ia surface qu'au moyen d'exp sions auxiliaires, et, & la limite, insignifiantes. Tout se passe comm si la charpente des dix premiers chapitres de la Gentse n’érait P faite de ce matériau que la langue humaine appellera, a partit 4 maintenant seulement : chose, objet ; comme si la vie de ces dix hi 100 LA GENESE DE LA PAROLE os n’ait pas ttaversée par ce mouvement que les hommes appel- ve a partic de maintenant seulement, événement, histoire. Tout Mpuse comme si aucune Parole navait €¢ ariclée durant ces Poaptees de Ja Gendse, — comme si ces dix chapitres consti jntroduction de silence & la parole qui allait surgir main- Yais voici qu’a cette surprise vient s'en surajouter une autre, plus cies Mente encore que ln premite, 4 condition touefois gue Ton ‘ive Je midrash, si superbement & l'aguet pour découvrir, tune situation biblique critique, le théme déterminant. Lorsqu’en Je silence est rompu, lorsque aprés avoir louvoyé durant dix fen empruntant les masques et Jes alibis les plus divers, Thoses-paroles-évenements se dévoilent enfin et acceptent, pour ‘reconnaitre, habit linguistique des devarim, ce terme est ement singularisé par Tattribut abadime, qu'une lecture jelle peut certes interpréter comme étant précisément ce fac- unification, ce liane interne, qui permet de retrouver sous ultplicité des significations de davar (abadim : pluriel) Ia unique et invisible, valable pour toutes les significacions & la (@bad = wo), mais que Ja lecture du midrash éclaite d'un jour nt nouveau : devarim aboudim, ce qui nous livre V'éronnante que les devarim étaient fermés. (Cest l'émergence subite d'une dimension de signe contraire & celle Ton attendait. Car rout ce qui s'étaic dit, fait, véeu précédem- 5 nlavait Gé, sans doute, que balbutiemenc, ébauche, tentative onnaire, mais au-dedans méme de ce projet aux ramifications ruses et souples, quelque chose semblait sans répit rendre les parties et ensemble, quelque travail souterrain. parais- it ouvcir la bouche en vue de Ia Parole, ouvrit Ia matiére vers une arisation, ouvrir la vie A Yassaut d'une histoire, pratiquer dans huis clos une ouverture. Or, au moment oli cette germination enfin, semble-til, éclater en fleur ec en fruit, voici que la ges- B avait &é comme reaversée sur elle-méme, et qu’a la place terme éclos, dont 1a macurité allait soffrir en poussigres de semé & tous vents, surgissait un terme oeclws, mir lui a 101 evans LA GENISE DE LA PAROLE mais dune maturité repue, dirigée tour entidre vers 'autodi mes 0s, et chair de ma chair. Orton appelle donc celle-ci tion des réserves inépuisables accumulées dans ses entrailles, 7 ba puisgu elle a é1é prise au Ish, Parole, LObjet et I'Evénement occupaient touce la terre, mais aaa ve, elle est prodigue, elle aussi, en monologues, lors Gtaient & contre-conrant de Vévolution qui avait, jusqu'ici, con ref aaissance de Cain (4, 1) puis de celle de Seth (4, 25); elle cette terre, Je _meme la technique du dialogue (la technique seulement, Plus précisément, — et est dans cette direction que le mic wa Tessence, car elle ne répond pas par la seconde personne, souhaite développer U'effer de surprise provoqué par son interpa “ncerpellation, & T'interpellation de son interlocureur), mais elle tation, — lévolution qui avait, jusqu’ici, conduit cette terte, révél Ha recours quien face du serpent (3, 2)! Eve réserve au serpent enfin son identité véritable. Si les mots n'avaient pas réussi jusqu’ sources au moins formelles d'un dialogue qu'elle refuse & son A Sartisuler en parote, si les choses n’avaient pas pu se sculpt cen objet, si les faits n'avaient pas su sorganiser en événements, Vaccés du davar & la réalité était resté une esquisse et se rés0l en fin de compte, par un échec, cest qu’au fond de son étre, LOGUE FRATRICIDE : CAIN terre éai bloquée. " . . ; En effet, les dix premiers chapitres de Ia Genése constituent angoissanc silence horizontal entre le premiee couple d'époux vaste échec de Ia parole parce que celle-ci n’attive pas & mii j jouve s2 réplique, plus angoissante encore, dés lors que nous ren- guia ce fruit naturel de la parole quiest le dialogue, quil s atroes Je premier couple de fréres, Cain et Abel. Non seulement du dialogue vertical, reliant homme 4 Dieu, ou du dialogue dialogue horizontal ne s établit pas réellement entre les deux fréres, zontal, lorsque les hommes communiquent entce eux. D'Adam 3 Jes centatives qui sont faites pour T'établir aboutissent & une L1® chepitre de la Genése, qui est celui de la Tour de Bebel, de parodie du dialogue et, en fin de compte, au meurtre. En parole ne sénonce que pour siégarer, le dialogue ne si Abel es muct tout au long de st deamasque exsence, ene perdre. Essayons de repérer les étapes princip: seni, pate beaucoup, mais 7 pein en a se - le cette és i jew instaure avec Tui, et xamil steam pee eee oat i Theure. Dans Thorizontale, Cain, il est vrai, prend ive d'un dialogue (4, 8) il parle & son freére, mais ce dialogue de contenu, il est insubstantiel, il se réduit A Ténoncé brut ft du dialogue sans que rien ne soit précisé de son faire : DUS MONOLOGUES PARALLELES : ADAM ET EVE, Commencons pat le dialogue horizontal, dont les implication sont moins complexes que celles du dialogue vertical. Nous frappés d'emblée par une constatation trés simple mais s nante : Adam et Eve, le premier couple humain, l"époux et l’épou gin dit d son frére Abel. On attend ici les deux-points-guillemets ignorent le dialogue mutuel ; ils ne se parlent jamais, tout en P ant et encadrant le contenu du dire de Cain & son frére Jant beaucoup, mais chacun pour soi, Au verset 23 du 2° Or, de ce contenu nous sommes frustrés. Cain dit a son vayyomer qayin el bevel abiv, tte, Voccasion du dialogue semble soffrir d’elle-méme. Eve viene dt Abel. Poine & Ja ligne. Es il arriva quo lorsquils furent dans créée, Adam Iaccueille, au sortir de son sommeil, et Adam parle champ, Cain se leva contre son frére Abel et le tua. Tout se mais il parle d'Eve, il ne parle pas 2 Eve; c'est un monolt comme si l’oblitération du dialogue était source de meurtre. oscillans, dans ses énoncés, entre 1a premitre personne et la que les fréres, comme leurs parents, sont incapables dinventer sitme personne, ignorant la deuxitme personne, le tutoiement & ialogue, quelque chose d'autre est inventé par eux, un substitut Vinterpellation, qui seuls fondent le dialogue : Celle-ci, enfin, et @ eéfaut de parole : 1a mort, qui apparait ici pour la premitre 102 103 ENERGIE LA GENESE DE La PAROLE it biblic iit ne réponse authentique, qui soit issue de ce pouvoir de réponse ee danile eee copies et non plus seulement day est Tevasbonsabilté bumaine qui, seule, fonde le vrai dialogue — ee ne recoit, en contrepactie, que le silence ou l'alibi, ces deux égatifs > du dialogue et de Ia responsabilité, puisque le silence eee ia parole et que Valibi asphyxie 1a responsebilicé. Ye silence dabord, particulitrement impressionnant dans les un premicts chapites de a Geaése, ol, pourtant, les messages eras vont nombreux, mais earrivent pas & éveiller lintérét de leur inataire, Adam. En, style direct ct explicite, alors que, préccdemment, 3 Vinten- ides animaux, Dieu avait employé le style indirect, Dieu avait homme et la femme d'une bénédiction : Multipliez-vous pissez, remplissez la terre et dominez-la (1, 28). Cette bénédic- m, le texte le précise, I Vavait adressée & eux, Il la Jeur avait ‘en un dite qui, évidemment, attendait une réponse, ne serait-ce celle de \'Amen que la tradition juive inventera plus tard, ise d'écho & toute bénédiction. Or, Adam et Eve ne savent a dire, méme pas Amen : la bénédiction divine ne les a pas uchés dans les fibres réelles de leur étre; ils ne se sentent pas cernés par elle; elle leur reste extérieure, méme s'ils en recueil- Je bénéfice, La bénédiction, <’est l'affaite de Dieu et non celle hommes. wtiemment, Diew reconduit l'expérience. N’ayant recueilli aucun, 30 A sa bénédiction, Il reprend la parole (verset 29) pour déployer at le couple humain 'infini spectacle de la végétation terres- et pour Je lui offrir en nourriture. Nouveau silence d’Adam et Eve qui ne savent méme pas délier leurs lévres pour prononcer ypetit bout de psaume, pour énoncer Je bref Merci, rodda Te benedicite, que Ia tradition juive, elle aussi, inventera tard, pour en faire la couronne de chacune des humbles cénes NAISSANCE DE LA DEMAGOGIE Si Lémékle-Séthite (5, 29) et son fils Noé (9, 26-27) se can tonnent dans des monologues & Ia manire d’Adam et Eve, il ig est pas de méme de LémékleCainite (4, 23) et des homm de Ia roar de Babel (11, 3-4) avec lesquels s'inaugure le logue, mais, il est vrai, un dialogue d'une forme tés particulite puisque Lémék ne tutoie pas son épouse, mais interpelle, au pluti ses deni: épouses, et puisque, de méme, les batisseurs anonymes de tour de Babel sexpriment au pluriel de 'impératif : Allons, briga tons de briques...constraisons une sille... Nous sommes ici sources du dialogue démagogigue, de la Parole adressée par Vind vide a la collectivité, & Ja masse, dont les formes ultéricures sont propaginde, T'uniformisacion, le lavage de cerveaux, A travers le deux femmes de Lémék, ce n'est pas la polygamie qui surgit horizon de Ja conscience humaine, mais beaucoup plus g: la dépessession de individu, le traitement de deux consciences tinctes et ireéductibles comme si on pouvait leur adresser une s ‘et méme parole, indistinctement valable pour tous. Quant 2 lapy des batisseurs de Babel, nous le verrons, il « toute Vallure di affiche électorale, administrative ou publicitaire : cest un ordre d tun jou:, sur les murs de Shinear. Ine leur restait qu’a lire ow écouter, et & obéir. NI AMEM, NI MERCI Si Téchec du dialogue horizontal se confond ainsi, & la limit avec Péchec de Ia responsbilité, le fait est plus tangible encom dans le dialogue vertical qui échoue, lui aussi, dans les dix premie chapitres de Ia Gentse, par défaut de responsebilité, En effet, dés la création d’Adam, Dieu sadresse & homme, ! terpelle dans Je tutoiement, et Dieu ne se lasse pas dadresset Parole aux relais humains que le récit biblique situe 4? ‘Adam, & Eve, & Cain, a Noé. Mais dans l'attente d'une réponse in peu plus loin, pour la troisidme fois, Dieu entame le dialogue, Sagit plus, cette fois-ci, d'une bénédiction, mais d'un comman- ment, d'un loi : De tout arbre du Jardin, tu mangeras; mais Harbre qui est au milion du Jardin, tu ne mangeras pat (2, 16). écoute, distrait ou réticent : ses pensées, visiblement, sont furs. En guise d’écho & la loi, il ne sait rien formuler, rien dire. n'est pas lui qui invente le Hinéni, me voici, qu’ Abraham, Moise, 105 104

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