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Au niveau de la cible, il faut commencer par se mettre d’accord sur ce que l’on entend par
«technologie propre». En effet cela englobe aussi bien un système de gestion intelligente du trafic
routier, qu’un nouveau procédé de fabrication économisant les ressources naturelles ou encore un
système de télésurveillance sur l’état des forêts. On s’aperçoit rapidement non seulement que cette
notion ne se limite ni à un type de technologie ni à un secteur d’activité mais aussi que les
développements technologiques mis en œuvre ne sont pas particulièrement « verts » en tant que tels au
départ. En fait cela n’a pas grand-chose à voir avec le contenu technologique. Ce qui distingue les
technologies propres, c’est surtout l’application de la technologie et les bénéfices environnementaux
qu’elle engendre. La notion recouvre des aspects fortement liés à la gestion même de l’activité
économique (i.e. intégration des paramètres de gestion des déchets au niveau du service des achats) et
du contexte local (cela vaut-il la peine d’économiser l’eau sous des climats humides ?).
On trouve également de grosses différences au niveau des forces qui sous-tendent le développement
technologique. Dans les secteurs de pointe (IT, biotechnologies, etc.), la plupart des technologies sont
développées par des spécialistes en laboratoire selon un rythme endogène, induit par le progrès des
connaissances scientifiques (Cf. la loi de Moore sur la puissance des microprocesseurs) et les besoins
du marché dans le secteur concerné. Dans le cas des technologies propres, le rythme de
développement technologique est plutôt exogène, induit de façon diffuse par l’état des ressources
naturelles, les attentes des stakeholders et, au final, par la législation. Les mécanismes de marché n’ont
guère d’influence directe à l’exception notable du CO2 pour lequel le protocole de Kyoto a créé un
marché artificiel. Pour la mise en place des autres technologies propres, cette question se limite le plus
souvent au financement de l’infrastructure.
Ensuite, pour évaluer les résultats de la veille, on peut se demander s’il existe des spécialistes du
Développement Durable. Le domaine semble en effet tellement vaste et complexe que les acteurs sont
amenés à se projeter bien au delà des limites de leur expertise individuelle et de leurs activités de base.
En plus, il est en pleine révolution et progresse par à-coup au fur et à mesure qu’un consensus s’établit
entre les acteurs. D’une manière générale, on manque de recul sur sa mise en œuvre. Toutefois, à
l’instar des processus « qualité totale », il existe des « intégrateurs » capables de connecter les
différents composants, de construire un système de gestion et de l’adapter en continu.
Au-delà du besoin habituel de suivre l’évolution des technologies et la position des différents acteurs,
la veille sur les technologies propres doit aussi pouvoir cerner en parallèle les interactions entre un
type d’activité et un contexte environnemental largement partagé avec d’autres acteurs. Autrement,
Tableau récapitulatif
Critère Technologies de pointe Technologies propres
Signaux majoritaires Endogènes Exogènes
Régulation Marché Législation
Compétences clé Expertise Intégration
Evolution Linéaire Par à-coup
Tout cela suppose un énorme travail d’observation et d’apprentissage. La scène européenne est très
intéressante de ce point de vue car c’est le forum politique qui façonne la plupart des législations
environnementales qui seront mises en œuvre à moyen terme dans les Etats membres. C’est aussi
l’endroit où la plupart des parties impliquées sur un sujet environnemental viennent faire entendre
leurs préoccupations auprès des décideurs politiques. Ainsi la Commission européenne coordonne de
nombreux groupes d’experts en charge d’évaluer les mesures prises et le besoin d’en adopter de
nouvelles. Elle dispose de nombreuses sources d’information dont les rapports de l’Agence
Européenne de l’Environnement et du centre de recherche commun (JRC).
En conclusion, les incertitudes nombreuses et complexes qui jalonnent la route vers le développement
durable imposent la veille comme un outil indispensable même si cela nécessite un traitement plus
approfondi au niveau de l’analyse de l’information. A moins de se construire une vision d’ensemble
sur ce qui constitue leur « empreinte écologique », il paraît difficile pour les acteurs d’accompagner le
changement et d’en tirer le meilleur parti. C’est également un défi pour les spécialistes de veille mais
le réussir donnerait ce métier ses lettres de noblesse à titre définitif.