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© Christian Berner Tatiana Milliaressi (éds) La traduction philosophie et tradition Was Sakae ans (4 Les Presses Universitaires du Septentrion sont une association de six universités : * Université Lille 1 Sciences et Technologies, * Université Lille 2 Droit et Santé, * Université Charles-de-Gaulle - Lille 3, * Université du Littoral - Cate d’Opale, * Université de Valenciennes ct du Hainaut-Cambrésis, * Université Catholique de Lille. La politique éditoriale est concue dans les comités éditoriaux. Six comités et la collection « Les savoirs mieux de Septentrion » couvrent les grands champs disciplinaires suivants : * Acquisition et Transmission des Savoirs * Lettres et Arts * Lettres et Civilisations Etrangéres * Savoirs et Systémes de Pensée + Temps, Espace et Socisté * Sciences Sociales Publié avec le soutien. de I’Agence Nationale de la Recherche, du Conseil Régional Nord-Pas de Calais © Presses Universitaires du Septentrion, 2011 www septentrion.com Villeneuve d’Aseq France Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication, faite sans Yautorisation de éditeur est illicite (article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle) et constitue une contrefagon. Lautorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit tre obtenue auprés du Centre Frangais d’Exploitation du Droit de Copie (CEC) 20 rue des Grands-Augustins a Paris. ISBN : 978-2-7574-0357-0 ISSN : 1242-6326 Livre imprimé en France 8 Table des matiéres TI LA TRADUCTION A LA LUMIERE C ETHIQUE « Introduire le sauvage Allemand dans le beau monde parisien » Venjeu éthique et politique de la traduction dans le débat entre les Lumiéres et le Romantisme allemand. 147 Francois THOMAS (France) Ethique et politique de la traduction... 163 ‘Mare CREPON (France) Ethique et traduction... 179 Mare DE LAUNAY (France) I LES INTERPRETATIONS ET TRADUCTIONS. SUR LA PISTE DES TEXTES ANCIENS La difficile lecture du texte ancien. Outils et stratégies du traducteur. La langue de Sainte Thérése d’ Avila (1515-1582). 195 Hugo MARQUANT (Belgique) La Bible latine entre fidélité et adaptation : Jes choix de Jéréme traducteur de la Bible hébraique.. Lyliane $zNAJDER (France) Qu’est-ce qu’une traduction confessionnelle ? Réflexions en marge d’une histoire des traductions du Cantique des cantiques .. Claire PLAcTAL (France) 247 La Traduction médiévale: de l'implicite vers l’explicite... Astrid GUILLAUME (France) Conceptualisations du monde et traductions en russe des recherches sur la littérature géorgienne ancienne... Irina Mopenanze (Géorgie) sees 283 Interpréter et traduire Vinvention d’une langue de la philosophie dans le Japon moderne... ‘Mayuko LIEHARA (Japon) 299 Christian Bermer et Tatiana Milliaressi remercient le comité de lecture quia présidé a la sélection des contributions et & leur relecture. Ce comité était composé, outre des responsables de cet ouvrage, de Fabienne BLAIsi (Université Charles-de-Gaulle - Lille 3), Ilse DEPRAETERE (Université Charles-de-Gaulle — Lille 3), Hugo MARQUANT (Institut Libre Marie Haps de Bruxelles), Serge Rote? (Université Charles-de-Gaulle ~ Lille 3) et Svetlana VocELEER (Institut Libre Marie Haps de Bruxelles). Aspect philosophique de la traduction Nous pensons dans la langue et communiquons grace a elle. Les difficultés si quotidiennes que nous pouvons rencontrer pour comprendre des euvres qui nous paraissent significatives, pour maintenir ou établir la communication avec autrui, pour nous orienter a I’étranger, pour commercer, échanger, etc. appellent le travail de médiation qu’on appelle « traduire », l’effort de dire la méme chose autrement, dans la méme langue ‘ou dans une autre langue, langue qui différe, selon le temps et le lieu, et rend nécessaire l’acte de traduire. Dans cet acte, au coeur de la compréhension et de la transmission de la pensée, philosophic et lin- guistique se rencontrent dans la volonté de donner des outils d’accés au sens, de proposer des pistes de traduction au-dela d’un simple dialogue interdisciplinaire débouchant sur un public plus large, et notamment les traducteurs.! Il s‘agit de prendre en compte cette activité constitutive de la pensée et de la communauté, inscrite au coeur de la vie de la langue: traduire, pour comprendre et donner a comprendre, pour transmettre et réfléchir a propos de la langue. Tel est I’ objectif de ce recueil. Philosophes, linguistes et littéraires, francais et strangers (Belgique, Italie, Japon, Géorgie, Ru: 4 sonder les raisons et la nature de I'activité de traduire, intimement lige 4 celles de comprendre et d’interpréter. Les différents enjeux du sens mis en ie) d’horizons culturels variés, s‘attachent tout d’abord lumiére sont ensuite rapportés A une essentielle dimension éthique et épistémologique engageant I'articulation des notions du Méme et de I’ Autre. Le présent volume regroupe seize contributions, sélectionnées par une double lecture anonyme parmi une cinquantaine d’articles, soumis au 1 Llaspect linguistique de la traduction est présenté dans le volume part en 2011 aux Presses Universitaires du Septentrion, coll. «Philosophie & linguistique »: Tatiana MILLIARESS! (6d.), De la linguistique @ la traductologic. L’ouvrage réunit des articles d’auteurs francais et étrangers consacrés aux problémes métathéoriques, typologiques et contrastifs, ainsi qu’empiriques de la traduction 12 Christian Berner et Tatiana Milliaress comité de lecture composé de Christian BERNER (Université Lille 3), Fabienne BLAISE (Université Lille 3), Ilse DEPRAETERE (Université Lille 3), Hugo MARQUANT (Institut Libre Marie Haps de Bruxelles), Tatiana MILLIARESSI (Université Lille 3), Serge ROLET (Université Lille 3), Svetlana VOGELEER (Institut Libre Marie Haps de Bruxelles). Les contributions en langues étrangéres ont été traduites en frangais afin de mieux faire connaitre au public frangais les recherches sur la traduction menées en dehors de la France et pour présenter de facon équilibrée le panorama international de la réflexion sur l’aspect philosophique de la traduction La traduction des articles écrits en russe est faite par Catherine BOUDOU et Tatiana MILLIARESSI. Les articles écrits en frangais par les auteurs non francophones ont été relus par Christian BERNER, Catherine BOUDOU, Pierre Carpascia, Edouard JOLLY et Tatiana MILLIARESSI. Les résumés en anglais ont été relus par Marjorie SWEETKO. Les traducteurs et les relecteurs ont essayé de garder le style individuel de l’auteur en demandant toutefois dans certains cas aux auteurs de mettre en valeur certains types d'information pour désambiguiser la lecture de leur article. Par exemple, la structure d’un texte scientifique russe refléte le raisonnement inductif qui commence souvent par une introduction qui améne doucement le lecteur a la problématique choisie et peut paraitre au lecteur francais hors sujet, le texte n’annonce souvent pas de postulat en présentant un enchainement logique linéaire de faits qui aboutissent tout naturellement a la conclusion finale. Cette présentation peut mettre en difficulté le lecteur francais habitué au raisonnement déductif. Tout comme Vargumentation du texte scientifique japonais suivant le mouvement d’une spirale out chaque période reprend la précédente mais change de niveau. La difficulté consistait done a garder I’équilibre entre Voriginalité de Vargumentation imprégnée de couleur locale et la clarté de la présentation scientifique conditionnée par la culture-cible francaise. Un éternel débat entre option sourciére et option cibliste ! La translittération des caractéres cyrilliques en caractéres latins est faite selon la norme internationale des slavistes qui reprend la recommandation ISO/RY (version 1968) de I'Organisation internationale de normal Yexception de la lettre x translittérée h. L’exception est faite pour les noms sation, a propres francisés d’origine russe ainsi que pour les références biblio- graphiques lorsque le nom en cyrillique est transcrit phonétiquement en lettres latines dans une traduction publiée. Aspect philosophique de la traduction 13 Les noms géorgien et japonais sont transcrits phonétiquement selon Vorthographe proposée par les auteurs. Les références bibliographiques, le nom et le prénom de auteur et son appartenance administrative sont proposés dans les articles en frangais (translittérés ou transcrits) et, entre crochets, dans la langue d'origine. La structure du volume s‘articule autour de trois approches fonda- mentales de I'axe philosophique de la traduction : a) épistémologique, b) éthique, ©) empirique. I. Approche épistémologique: le sens a l’épreuve de la traduction Le premier chapitre présente une approche épistémologique de la traduction lige a son aspect philosophique issu de I’herméneutique de Schleiermacher, Heidegger et Gadamer et qui débouche sur le probléme plus général de l'interprétation du sens. Ce premier chapitre est ouvert par Varticle de Jean-René Ladmiral « Approche méta-théorique » qui s’interroge sur le statut de la discursivité en sciences humaines et notamment en traductologie. Les deux modalités de la «communication scientifique » que sont loral (colloques, conférences, séminaires, etc.) et I’écrit (résumés et synopsis, articles et livres, etc.) le conduisent a problématiser l’idée d’explicitation et a y mettre en évidence une dimension heuristique. Il souligne V’interdisciplinarité de la traductologic qui met a contribution la linguistique et la philosophie, ainsi que la didactique, mais aussi bien d'autres disciplines. Cela suppose une déconstruction du linguistique, qui met en ceuvre les développements récents des sciences du langage, en méme temps qu’un retour aux sources, et nous raméne a la philosophie. Ce retour aux sources est entrepris par Christian Berner qui réfléchit a partir de Schleiermacher aux raisons de traduire (« Les raisons de traduire. Quelques réflexions a partir de Schleiermacher »). Il examine la relation compréhension/traduction (« quand on comprend, on ne traduit pas ») et souligne le réle de la langue dans la compréhension. Les langues ne disent pas pareillement les mémes choses et traduire consiste a remplacer les mots et les structures qui nous sont étrangers pour donner un discours compréhensible dans notre propre langue. Or, tout locuteur est d’une part soumis a la puissance et a la pensée de sa langue, d’autre part il contribue 14 Christian Berner et Tatiana Milliaress la former. La langue devient alors un lieu de transitions complexes ott se rencontrent individu et communauté, moments singuliers et traditions, la langue apparaissant dans ses diverses sphéres d’individualisation qui expliquent que les langues ne soient pas réductibles les unes aux autres. Aussi la traduction permet-elle de prendre conscience des potentialités rationnelles d'une langue : elle peut assimiler ou s'ouvrir 4 d'autres formes de la raison. La traduction ne nous apprend donc pas seulement la relativité de la langue qui assure nos structures, la stabilité de notre monde ; on y découvre aussi la potentialité d’une raison en acte dans une langue qui se fait et se défait, qui dit l’inédit et, dans les limites de sa grammaire, réfléchit et nie les limites qui sont les siennes. Les limites de la langue sont mises en évidence par Didier Samain (« Questions de langue ou histoire de choses. Observations sur la traduction et ses structures élémentaires. ») qui considére qu’en accordant une place centrale a la langue, a ses corrélats cognitifs supposés, les approches simplement linguistiques de la traduction, fussent-elles textuelles ou herméneutiques, se heurtent rapidement a des difficultés que seul l'appel aux «choses », cest-a-dire a une extériorité empirique, permet de sur- monter. Or, ces conceptions ont été concurrencées dés le XIX* siécle par des approches plus nuancées, qui ne voyaient dans la «langue» qu'un appariement prégnant parmi les autres paramétres de I’intercompréhension. Appuyé sur des exemples concrets, I’article reprend la critique de I’héritage aristotélicien, en introduisant le concept générique de séquence pour désigner tout enchainement (verbal ou non verbal) dans lequel entre une unité. Dans le cas des concepts scientifiques, ces séquences sont des réseaux argu- mentatifs et en constituent le véritable référent. Il en résulte, premiérement, que la dimension verbale de la traduction est surévaluée et produit attificiellement des apories, deuxiémement, qu’une approche « située » des concepts scientifiques est nécessaire. Cette relation entre les mots et les choses examinée par D. Samain s‘entrecroise avec d’autres manifestations dialectiques du sens étudiées dans ce chapitre: la synchronic et la diachronie (M. de Launay), le Méme et I'Autre (N. Nesterova) amenant inévitablement a I'antinomie philosophique de « tout est traduisible/intraduisible » (C. Canullo). Le probléme de la temporalité du texte original est mis en valeur par Varticle de Mare de Launay « L’histoire du sens et le “sens de l'histoire” »2. 2 Voir sur le méme sujet Varticle de J-R. LADMIRAL « La traduction : entre la linguistique et Vesthétique littéraire » paru dans Tatiana MILLIARESS! (éd.), De la linguistique @ la traductologie Aspect philosophique de la traduction 15 Partant d’un texte de Borgés, il montre Vimpasse de la conception «sourciére » de la traduction qui voudrait fixer dans le temps un original sans comprendre que Vacte de traduire consiste précisément 4 redonner sa temporalité au texte. Par exemple, la tradition écrite dont nous héritons repose, jusque dans ses textes fondateurs, la Bible notamment, sur un débat sur les sources véritables du sens. La rupture avec le « mythe » a consisté précisément a donner priorité a la réflexivité textuelle sur un substantialisme de la nature comme on peut le montrer a partir du texte de la Genése (2, 1-4) lorsque ce dernier cherche a introduire une nouvelle conception de Vhistoricité (voir le chapitre II consacré a la traduction des textes anciens dans ce volume). Le sens est done la projection de la conscience sur le texte et, selon Natal'ja Nesterova, ne peut pas étre considéré comme un invariant en traduction. Dans son article « Le probleme philosophique de I’ Autre et la secondarité du texte traduit », elle se penche sur la question a travers Vopposition philosophique du Méme et de I’Autre. A partir de Benjamin, Heidegger, Gadamer et Derrida, elle méne une réflexion sur la secondarité de tout texte en général et du texte traduit en particulier. Elle aborde le probléme d’intertextualité en se basant non seulement sur les travaux de Kristeva, mais aussi et surtout sur les travaux antérieurs menés en Russie et peu connus en France (A.N. Veselovskij, J.N.Tynjanov, M.M. Bahtin, L.S. Vygotskij). Elle définit la notion de secondarité dans Ia dialectique de Vabsolu et du relatif et introduit les notions de type et de degré de secondarité. Carla Canullo («La traduction a I’épreuve de I’herméneutique ») poursuit cette réflexion sur la variabilité du sens 4 partir de la notion dintraduisible ébauchée par Ricoeur, Derrida et Benjamin. Elle s‘interroge sur de nouveaux enjeux de la traduction, aprés les études de Schleiermacher sur les différentes méthodes de traduire, les recherches de Berman sur le réle de la traduction dans la Bildung et celles de Gadamer et de Ricoeur portant sur les rapports entre I’herméneutique et la traduction. Elle développe cette problématique dans le sillage ouvert par I'herméneutique de Luigi Pareyson dont l'ouvrage nous fait découvrir un concept positif d'intraduisible qui, au lieu de dire l’impossibilité de la traduction, reléve du caractére inépuisable de la vérité. La question de nouveaux enjeux de la traduction trouve ses dévelop- pements dans les réflexions menées par les traductologues russes Nikolaj Garbovskij & Ol’ga Kostikova. Dans leur article intitulé « Dimension aux Presses Universitaires du Septentrion, 2011 (coll. «Philosophie & linguistique »), 52, qui traite la problématique de la traduction « d’état de langue a état de langue ». 16 Christian Berner et Tatiana Milliaressi sociologique de I'activité traduisante », ils soulignent le réle de médiation ‘ité traduisante. d'un traducteur et, par conséquent, le statut social de I’ac L’article commence par l'introduction sur le caractére interdisciplinaire de la traduction pour aborder le portrait social du traducteur a partir des Lettres Persanes de Montesquieu et enchainer avec I’aspect sociologique de la théorie de traduction. N.Garbovskij et O.Kostikova tracent un panorama de Vévolution de la traductologie en passant par l’approche linguistique (G.Mounin), Vapproche anthropologique (C. Lévi-Strauss), les études sociologiques de la traduction (J. Heilbron et G. Sapiro) pour aboutir & une approche sociologique en traductologie. Ils modélisent enfin I'activité traduisante a partir du schéma actantiel de Greimas en la complétant par la fameuse théorie de Iacteur-réseau (Actor-Network Theory) de J. Law, M. Callon, B. Latour et autres. IIs étudient la relation destinateur/destinataire et la relation adjuvant/opposant et estiment nécessaires de plus amples investigations sur l’aspect sociologique de la traduction. Il. Approche éthique : la traduction a la lumiére de l’éthique En plusieurs points 'approche épistémologique n’a pu faire l'économie des aspects éthiques que recéle Vacte de traduire. D/abord pour justifier la traduction elle-méme, qui s‘inscrit dans le cadre d’échanges intersubjectifs impliquant des personnes, les propos qui les engagent et que I’on veut ou doit rendre. La volonté de le comprendre, de respecter sa lettre ou ses projets de sens, ces dimensions éthiques que l'on peut rapporter aux problémes du Méme et de I’Autre, du rapport a Vétranger, du respect de I’auteur dans le cadre de V'appropriation qu’est la traduction. C’est a préciser ces questions qu’est consacrée cette partie. Francois Thomas (« Introduire le sauvage Allemand dans le beau monde parisien : l'enjeu éthique et politique de la traduction dans le débat entre les Lumiéres et le Romantisme allemand ») présente le probléme dans sa formulation paradigmatique 4 la fin du XVIII* et au début du XIX* siécle dans le débat entre les Lumiéres et le Romantisme allemand. La plupart des penseurs et traducteurs allemands rejetaient les traductions frangaises, qui consistaient a traduire l’auteur étranger comme s'il avait écrit originellement en francais, leur reprochant de n’avoir ni respect ni gotit de I’étranger. De ce fait, la question de la traduction déplacait le probleme de la fidélité a la lettre ‘ow au sens sur le plan éthique : les Allemands opposaient a cette méthode francaise une conception et une pratique de la traduction plus soucieuses et respectueuses de I'altérité de I’ceuvre, de la langue, de la culture étrangéres. L’opposition de ces deux méthodes, explicitement problémati: Aspect philosophique de la traduction 7 Schleiermacher, recouvre, nous montre F. Thomas, l'opposition entre deux conceptions de la rationalité, suivant qu’elle est prise en régime d’univer- salité, abstraite, ou qu'elle est envisagée dans sa concrétude historique interdisant de penser des principes universels de la pensée a oeuvre dans chaque langue. Les rapports a I’autre et a I’étranger, cest-a-dire l'attitude a Végard de l’altérité, qui engagent des politiques de la langue, est alors analysée notamment a partir de la réception de Shakespeare. Partant d'une problématique somme toute similaire, mais a partir d'un auteur contemporain, Mare Crépon (« Ethique et politique de la traduction ») poursuit la question de la traduction dans I’ceuvre de Jacques Derrida. Traduire apparait en effet dans I’ceuvre de Derrida comme I’une des formes de la sollicitude, une maniére de prendre en compte a la fois de la langue de l’ Autre et de I’ Autre dans sa langue. Pour plonger au coeur des relations entre éthique et traduction, M. Crépon reprend les questions que Derrida disait_«de responsabilité », dessinant les contours d’une « éthique hyperbolique », a savoir l’hospitalité, le secret, le témoignage, le parjure et le pardon et méme la peine de mort, pour montrer qu’elles se nouent dans la question de la traduction. Mais, montre M. Crépon, la question de I’éthique se pose également au coeur méme de la traduction: on traduit, impar- faitement et malgré tout. Mais comment la traduction se rend-elle malgré cela la plus juste possible ? Cette question introduit la thématique de la traduction relevante, abordée par C. Canullo dans le chapitre précédent. Ne sont pas relevantes les traductions qui ne donnent pas droit a la singularité qu’elles accueillent: c'est pourquoi l’éthique de la traduction est une question politique, la démocratie impliquant de se laisser travailler par les langues des autres. Ce contexte général de I'éthique de la traduction connait aussi une inscription dans un cadre plus spécifique, 4 méme le travail du traducteur lui-méme. C’est a lui que s’attache Mare de Launay («Fthique et traduction »), partant de l’encadrement juridique croissant de la profes- sionnalisation du travail des traducteurs. Les traducteurs ont fini par étre reconnus comme des auteurs seconds, jouissant du « droit moral » proté- geant leurs ceuvres et corrélativement a une définition contractuelle de leurs taches. L’éthique y est déontologie. Mais M.de Launay montre que la pratique de la traduction reléve plus profondément d’une éthique proprement dite. L’éthique du traducteur est en effet a mettre en rapport avec la moralité en tenant compte du réle joué par les traductions dans Vhistoire des oeuvres. Car si jamais les traducteurs ne sauraicnt ¢tre les auteurs qu'ils ont traduits, ils ont, dans leur rapport a la temporalité 18 Christian Berner et Tatiana Milliaressi historique, un réle spécifique : ils inscrivent une interprétation dans le temps, prenant des décisions au cour de cette inscription historique pour rendre non pas une version idéale et éternelle, mais réinventer expression des innovations de l’original. La moralité du traducteur consiste alors 4 réfléchir le texte en vue de sa meilleure interprétation et compréhension. Ill. Approche empirique: les interprétations et traductions sur la piste des textes anciens L’aspect philosophique de la traduction est particuligrement mis en lumiére a travers l'interprétation et I'appropriation difficiles du texte ancien. Cette difficulté est double, conceptuelle et linguistique, provenant de Vhistoricité du texte ancien, Elle est une illustration empirique de la dialectique philosophique du Méme et de I’ Autre. La question fondamentale de la traductologie, « la traduction est-clle possible ? », se transforme sur la piste des textes anciens : la compréhension intégrale est-elle possible ? Peut- on faire passer cette compréhension qui se veut intégrale dans un état de langue différent de celui du texte original ? Cest difficile, répond Hugo Marquant, qui ouvre ce chapitre consacré aux textes anciens (« La difficile lecture du texte ancien. Outils et stratégie du traducteur. La langue de Sainte Thérése d’ Avila (1515-1582) »). Il souligne que toute traduction est historique puisque le texte 4 traduire est forcément antérieur a sa traduction. Nous nous retrouvons done dans l‘impossibilité d’extrapoler nos connaissances dans le temps. H. Marquant définit la notion méme de texte ancien ou «les différences deviennent a tel point systématiques qu’elles rendent difficile la lecture du texte ». Le facteur de difficulté est la distance de temps, mais, comme l'affirme I'auteur, on n’invente pas, on trouve. Sur l’exemple du castillan de la premiére moitié du XVI siécle, la langue de sainte Thérése d’ Avila (1515-1582), il propose des outils et des stratégies traduisantes. II introduit le terme tradaptation pour marquer la prise en compte du destinataire (« public »). Plus spécifiquement, pour les textes anciens, se pose le probléme de la traduction des termes spécifiques face a leur dimension historique et philosophique. Ce n’est pas le hasard si les auteurs de ce chapitre abordent tous plus au moins la traduction des termes-concepts d’un état de langue révolu: H.Marquant (la traduction en francais du castellan du XVI s.), L. Sznajder (la traduction en latin de la Bible hébraique), A. Guillaume (la traduction en allemand du moyen francais), I. Modebadze (la traduction en russe du géorgien ancien), M. Uchara (la traduction en japonais moderne de la terminologie philosophique occidentale classique). Aspect philosophique de la traduction 19 Le probléme de « tradaptation » examiné par H. Marquant est abordé par Lyliane Sznajder dans son article «La Bible latine entre fidélité ct adaptation : les choix de Jérome traducteur de la Bible hébraique ». L’auteur présente des procédés récurrents de Jéréme partagé entre deux options opposées, fidélité (littéralité due a la nature spécifique du texte fondateur) et adaptation (transposition du texte en langue-culture d’arrivée). Ces deux tendances le conduisent d’un cété A multiplier les calques en traduction et, de l'autre, a proposer des paraphrases, ou, enfin, a conjuguer les deux. L’adaptation d’un texte ancien en général, et d’un texte fondateur en particulier, débouche sur la problématique d'orientation idéologique de la traduction. C. Placial et A. Guillaume réfléchissent sur cet aspect de la traduction. Ainsi, Claire Placial dans son article « Qu’est-ce qu’une traduction confessionnelle ? Réflexions en marge d’une histoire des traductions du Cantique des cantiques » aborde l'étude historique des traductions francaises du Cantique des cantiques. Elle propose une méthode permettant de déterminer l’orientation confessionnelle des traductions, 4 partir de critéres externes (identité des traducteurs, paratextes...) et internes (choix du texte- source, lexique...). Quant a Astrid Guillaume (« La Traduction médiévale : continuités et ruptures »), elle réfléchit sur le contexte religieux et politique des traductions médiévales et arrive 4 la conclusion que chaque traduction recéle des couches sémantiques implicites que le traducteur médiéviste se doit de découvrir. Elle propose une méthode de recherches basée sur l'étude des nombreuses variantes de manuscrits afin de comparer un texte-source et un texte-cible. Elle souligne le réle important des copistes et des mécenes du traducteur. A. Guillaume rejoint H. Marquant qui affirme que cette analyse est difficile puisqu’il n’arrive pratiquement jamais d’étre en possession de la totalité des informations nécessaires. Cette analyse est difficile non seulement au niveau lexical de compré- hension de 1a conceptualisation de la langue-culture, mais aussi au niveau grammatical de construction de I’énoneé. I. Modebadze et M. Uehara, en dehors de Iaspect lexical des états de langue différents, examinent des particularités énonciatives de la traduction. Irina Modebadze (« Conceptualisations du monde et traductions en russe des recherches sur la littérature géorgienne ancienne ») met I'accent sur les différences entre le géorgien et le russe a I’égard de la construction traditionnelle de l'argumentation (« ordre logique »). Le géorgien privilégie Ie raisonnement circulaire (on fait le tour de la question en arrivant a la fin Vidée de départ), contrairement au raisonnement linéaire en russe. 20 Christian Berner et Tatiana Milliaress I. Modebadze souligne également la différence stylistique entre le choix des termes : le discours scientifique russe est plus neutre comparé a l'expres- sivité stylistiquement marqué normative du géorgien. Selon Vauteur, le traducteur doit tenir compte de ces différences culturelles en rédigeant et en adaptant le texte traduit, en intervertissant ses parties et en reconstruisant des paragraphes. Par conséquent, il « devient le co-auteur et porte done une responsabilité partagée avec auteur pour la qualité du texte ». Mais dans ce cas, la question des limites des modifications du texte original se pose. Ou finit la traduction et o1 commence la réécriture ou méme I’écriture du texte ? Qui est I’auteur du texte réécrit ? L’aspect grammatical des états de langue différents est abordé autrement par Mayuko Uehara dans son article « Interpréter et traduire; Vinvention d’une langue de la philosophie dans le Japon moderne ». C’est un des trois moteurs de Ia création d’une nouvelle langue philosophique de Vere Meiji (1868-1912), a savoir: 1)la terminologie, 2)la grammaire, 3) la logique. L/originalité singuliére du japonais réside dans le fait que c’est la traduction des cuvres de philosophes occidentaux classiques en général, et de philosophes de la Gréce antique en particulier, qui a transformé la langue japonaise en la modernisant sur le modéle de la grammaire occidentale. Ainsi, la philosophie rejoint la linguistique. Ce qui n'est aucunement surprenant, comme nous le disions en ouvrant cette présentation : pensée et langage étant intimement unis, science de la pensée et science du langage se développent en s‘instruisant mutuellement. Cet ouvrage, en complément du premier, De la linguistique a la traductologie, s’en veut un témoignage. La traduction est en effet le lieu ott s‘articulent, dans un travail & méme la langue, la réflexion de la langue et la réflexion sur la langue. Linguistique et philosophie contribuent ainsi 4 la compréhension du fait humain, la traduction apparaissant comme Ic lieu de la prise de conscience du rapport réflexif des langues entre elles et a un réel qu’elles ne sont pas mais cherchent a dire dans sa diversité. Christian BERNER et Tatiana MILLIARESSI UMR 8163 STL, CNRS & Université Charles-de-Gaulle — Lille 3 Le Sens a I’épreuve de la traduction Approche méta-théorique [Metatheoretical approach] Jean-René Ladmiral CRATIL (ISIT) & Université Paris X Nanterre France A Florence Abstract The paper begins by exploring the notion of discursivity in the social sciences with particular reference to “translatology” applied to those two modes of “scientific communication”, the oral (conferences, lectures, seminars, ete.) and the written (summaries and synopses, articles and books, etc.), leading to the emergence of the concept of explicitation with its attendant heuristic dimension. Translatology is interdisciplinary, involving not only linguistics and philosophy but also didactics and other disciplines. This entails what will be called here deconstruction of the linguistic approach, exploiting recent developments in the language sciences while at the same time returning to basics — and which finally leads us back to philosophy. I La présente étude est issue d’une réflexion sur le statut de la discursivité en sciences laumaines et notamment en traductologie, qu'il m’est déja arrivé d’aborder en quelques occasions, concernant plus généralement la double 4 Jean-René Ladmiral dialectique qui se joue entre I’écriture et loralité: ces deux modalités de la «communication scientifique » que sont Voral (colloques, conférences, séminaires, etc.) et écrit (résumés et synopsis, articles et livres, ete.) me conduisent a problématiser 'idée d’explicitation et & y mettre en évidence une dimension heuristique. En régle générale, avant la conférence, il nous est donné a écrire des petits textes de présentation, des résumés ou des synopsis d'une conférence projetée. Un synopsis est plus substantiel qu'un résumé, c'est un mini-article ou super-abstract qui se suffit 4 lui-méme et peut étre Iu avec intérét indépendamment de la conférence 4 laquelle pourtant il prépare le lecteur! Cette dens résumé synoptique est essentiellement en projet vers son oralisation. é d’écriture tient au fait que, par construction, le texte d’un Sur la base du texte trés concentré d’un tel résumé (écrit), la légereté et la souplesse des arabesques de la parole permettent (et obligent, en quelque sorte) d’en dire beaucoup, en jouant notamment sur la thétorique théatrale de loral, des intonations et des effets de vocalisation qu’il permet (et qu’il exige), etc. Surtout : dans le contexte ponctuel d’une conférence, il se met en place une espéce d’« intertextualité » tacite et la communication orale hic et nune peut faire fond sur un tissu nourri d’implicites ambiants qui la sous- tend, rendant parfaitement intelligibles des énoncés qui y étaient pourtant restés allusifs. C’est un peu comme si oral (de la conférence) venait apporter une validation rétrospective a I’écrit (du résumé), en y faisant affleurer l’enrichissement d’une incrémentialisation. Mais lorsqu’une communication orale donne lieu a l’écrit d’un article scientifique, il apparait paradoxalement que le méme phénomene tend a se reproduire de nouveau, au « second degré » pour ainsi dire, et en vertu de la méme logique. En effet, un texte écrit doit apporter de lui-méme ses propres conditions d’intelligibilité ; il lui faut viser 4 une sorte d’auto-suffisance, indépendamment du contexte dont il provient. En sorte que quand on entend passer des « paroles ailées » (comme dit Homére) de I’oral aux mots zélés (si je puis dire) d’un texte écrit, on devra faire tout un travail d’explicitation qui débouche lui-méme sur l’incrémentialisation d’un texte 1.-Voir mon article synoptique « La traduction : de la linguistique a la philosophie... » publié dans Tatiana MILLIARESS! (éd.), Le traduction : philosophic, linguistique et didactique, Editions du Conseil Scientifique de l'Université Charles-de-Gaulle— Lille 3, 2009, p. 29-32, dans lequel jfexposais onze points tendant & baliser le champ d’études possible qu’évoque Vintitulé général du livre, Toujours est-il que Vambition programmatique débouchait sur un, texte « ponctualisé » dont la concision s‘est trouvée étre nécessairement sans doute un peu trop allusive. Quoi qu’il en soit, c’est un texte qua mes yeux fait autorité, autant et plus que la présente étude (qui n’en est en quelque sorte que la postiace d'un commentaire 2 posteriori). Approche méta-théorique 25 plus long (sans parler bien siir des scories qu’aura laissé passer le primesaut de l’oralité et que la rédaction se doit d’avoir éliminé d’un texte écrit). C'est pourquoi de la communication orale ati texte, il y a 4 la fois moins et plus (alors qu’en principe le second fait écho au premier). Moins : parce qu'il ne sera guére possible de reprendre l'ensemble du parcours argumentatif qui a été exposé, Plus: parce qu’il aura dii se faire le travail d’explicitation qui vient d’étre évoqué. Ce demier point appelle trois remarques. 1) D/abord : c'est I’explicitation coextensive a I’écrit précédemment évoquée qui, par contre-coup, obligera a raccourcir le chemin parcouru par argumentation et les analyses mises en cuvre a l’oral— faute de quoi, on aurait eu I'incrémentialisation d’un allongement excessif du texte. 2) Plus généralement, cela me permet en outre de bien marquer la différence entre les deux types d’écriture évoquées. On en vient méme a un modéle ternaire, genre sandwich! soit: une tranche d’oralité entre deux tranches d’écriture... La conférence se situe entre Vécriture « d’avant », qui est celle du résumé synoptique préalable, elliptique et programmatique, et l’écriture « d’aprés », qui donnera lieu a une étude plus achevée et notamment plus explicite. 3) Corollairement, j‘entends aussi distinguer deux concepts différents d’explicitation. En un premier sens, je dirai que I’explicitation ne désigne qu’une pure et simple désimplicitation de ce qui était déja 1a tacitement : c'est lacception immédiate et tout a fait évidente du mot. Mais dans la dynamique de Yincrémentialisation qui conduit du résumé a la conférence et de la conférence a l'article, il se fait ce que j'ai appelé un « travail d’explicitation », en donnant au concept de éravail un sens fort— que je nomme son sens obstétrico-psychanalytique, comme dans le « travail du deuil », ou comme on dit d’une femme sur le point d’accoucher qu’elle est «en travail ». En ce second sens, l’explicitation est un travail qu'on pourrait dire « laborieux » (en dépit de la redondance étymologique) et qui se montre proprement productif, dans la mesure oi il apporte du nouveau. En Voccurrence, cette explicitation « creuse » le texte de départ et approfondit en en faisant émerger des éléments dont la réflexion fait apparaitre qu’ils en étaient le prolongement. La minutic des analyses se révéle étre un dispositif producteur de réflexivité. Ainsi, le concept d'explicitation heuristique — va bien au-dela d'une pure et simple « paraphrase incrémentielle » (telle qu’a pu en faire la description Zellig Harris)* et qui nous raméne directement au paradigme de la traduction. 2—Cf, notamment Danielle LEEMAN, « Les paraphrases », Langages, n° 29, 1973, p. 43-54. 26 Jean-René Ladmiral D’abord, dans les deux cas (I’écrit et oral), une double modalité de la traduction au sens large telle que I'a analysée Jakobson : ce sont en effet a la fois des « traductions intralinguistiques » (du francais au frangais) et des « traductions intersémiotiques » (du média de I’écrit au média de Yoralité et réciproquement)’. Ensuite, les effets d’incrémentialisation qu’induit l’expli- citation (heuristique ou non) sont de méme nature que le phénoméne de foisonnement qui va généralement de pair avec la traduction et dont certains traductologues s‘attachent a calculer le « coefficient ». Il y a la un aspect essentiel de la traduction : c’est une pesanteur naturelle, sinon inévitable, inhérente 4 toute traduction, dont on doit s‘attacher & limiter extension quand on est traducteur. Plus fondamentalement, c'est l’explicitation elle- méme qui st une tentation constante de la traduction: elle lui est consubstantielle, un peu comme une essence platonicienne. Encore devra-t- on se garder d’y céder trop facilement, sans qu'il faille pour autant aller aussi loin qu’ Antoine Berman dans la dénonciation radicale qu'il en fait. Ainsi les remarques qui précédent relévent-elles d’une « approche méta- théorique » non seulement, done, en raison de leur pertinence traducto- logique, mais encore parce qu’elles apportent leur contribution a une méthodologie de I'écriture et, plus fondamentalement encore pour notre propos, a une méta-théorie de la discursivité en sciences humaines. On sera donc fondé a les compter parmi les linéaments d'une épistémologie de la traduction, c’est-a-dire en fait de la traductologie elle-méme. Sans parler des lumiéres qu’elles peuvent apporter sur cette écriture seconde que constitue Vécriture traduisante. Il De facon tout a fait surprenante, on peut constater chez « les gens » une méconnaissance opiniatre de ce qu’est la traduction, et méme ce que jfappellerai un déni de Ia traduction - en dehors bien sir des milieux finalement assez limités, regroupant chercheurs et praticiens ainsi qu’un certain nombre de bons esprits, qui sont concernés plus ou moins directement par la traduction. Pour ces derniers en revanche, il est bien clair que la traduction recouvre un vaste ensemble de phénoménes complexes dont la riche et profonde diversité, 'immémoriale ancienneté et 'importance 3. Roman JAKOBSON, “On Linguistic Aspects of Translation”, dans Reuben A. BROWER (é¢.), On Translation (1959), New York: Oxford University Press, 1966 (A Galaxy Book, n° 175), p. 232- 239, Trad. & préf. Nicolas RUWET: « Aspects linguistiques de la traduction », dans Roman JAKOBSON, Essais de linguistique générale, 1. Les fondations du langage, Paris: Les Editions de Minuit, 1963/2003, p. 78-86. 4Ty ala une problématique spécifique qui, & elle seule, appelle le développement de toute une réflexion et dont les limites imparties la présente étude m’interdisent de traiter ici, Approche méta-théorique 7 actuellement renouvelée font qu'elle mérite de constituer un objet d’étude sui generis. Comme on sait, cela a donné licu a la naissance d’une discipline spécifique qui le prend en charge, sous le nom de traductologie (dont certains ont I’amabilité de m/attribuer la paternité). Mais une telle discipline, récente et tardive, est une discipline « seconde » qui se situe en aval des grandes disciplines traditionnelles, mettant certaines d’entre elles a contribution pour définir sa méthodologie propre, dans une perspective nécessairement interdisciplinaire. Plus précisément, je pense qu'il ne convient pas de se contenter d’y voir un simple «carrefour multidisciplinaire » (un parmi d’autres), ott chacun vient avec les modalités de conceptualisation théorique et la méthodologie propres a sa discipline, pour se pencher sur un objet plus ou moins marginal comme la traduction aujourd’hui, et un autre demain. Il apparait en effet que la traduction est « 41a mode » depuis quelques années, au point qu'on a Vimpression d’assister a un « tournant traductif » des sciences humaines, des lettres et de la philosophic. Je poserai en principe qu'il s'agit de mettre en place une véritable interi iplinarité interne au terme de laquelle les disciplines convoquées au départ font place ct donnent naissance a une discipline nouvelle’. En clair : sans cesser pour autant d’étre linguiste ou philosophe, par exemple, il conviendra de faire ceuvre de traductologue. Cela n’en signifie pas pour autant que I’interdisciplinarité qui est au principe de la traductologie doive se limiter A ces deux contributions fondamentales a la méthodologie de cette discipline et aux conceptualisations qui sont les leurs. Il conviendra d’y ajouter les éclairages que peut apporter la psychologic sur « ce qui se passe dans la téte des traducteurs » notamment (pour reprendre une formule de Hans P. Krings‘). La traductologie ne pourra pas non plus manquer d'intégrer le riche héritage déja accumulé par la littérature comparée, ainsi que par les études littéraires en général. Dans un premier temps, j'ai surtout mis l’accent sur ce que j'ai appelé le « triangle interdisciplinaire de la traductologie » constitué par la linguistique, la philosophie et la psychologie’; et plus récemment, sans remettre ce —Sur la logique de linterdisciplinarité, voir mon étude sur « Le discours scientifique », dans Revue d'Ethnopsychologie, tome XXVU/n° 2-3, septembre 1971, p. 153-191, speciatim p. 177-185. Plus précisément, la problématique des rapports qu’entretiennent iraductologie et interdiseiplinayité fera Vobjet d’un prochain volume que je prépare en collaboration avec Christian BALLIU, 6.—Hans P. KRINGS, Was in den Kapfer oon Uberset Beitragge zur Linguistik, n° 291), 1986 7.-C’est une idée que jai thématisée en diverses occasions et notamment dans mon étude intitulée « L’empire des sens », dans Marianne LEDERER (é4.), Le sens en traduction, Paris- crn vorgeht, Taibingen: G. Narr Vig. (Tiibinger 28 Jean-René Ladmiral dernier en cause, jincline & lui adjoindre une autre version dudit triangle interdisciplinaire, formée par la philosophic, la linguistique et la littérature comparée. Il n'y a pas lieu de choisir entre les deux, mais de les associer et de constituer ce que j‘appellerai le « carré interdisciplinaire » fondamental de la traductologie. Cela dit, au-dela de ces quatre « disciplines » ainsi mises en contact, on ne saurait méconnaitre non plus I’apport des sciences sociales : qu’il s‘'agisse de Vethno-sociologie mise en ceuvre par Eugene Nida’ du tournant culturel qui récemment encore a investi la traductologie nord-américaine et, tout derniérement, des orientations sociologisantes qui tendent aujourd’hui a y occuper le devant de la scene, ete. Sans parler de la théologie... Au bout du compte, il semblerait méme que, de proche en proche, la traductologie tende a s‘argir aux dimensions d'une anthropologie interdisciplinaire de la traduction mettant a contribution quasiment toutes les sciences humaines et méme toutes les disciplines, si ce n’est l'ensemble de notre culture. Quant a la didactique, il n’y a pas lieu de n’en faire que le pur et simple appendice d'une application en aval des disciplines « nobles », comme la linguistique ou la philosophic par exemple. Il lui revient de prendre en charge deux problématiques importantes au demeurant bien distinctes : d'une part, Vanalyse critique et I’évaluation du dispositif de la traduction dans Tenseignement des langues’; et, d’autre part, l'ensemble des problémes que posent la formation des traducteurs et des interprétes, ainsi que la préparation a l'avenir des futurs « métiers de la traduction »". Mais il y a plus. Pour l’essentiel, la traductologie s’autorise de son rapport la pratique et de l'aide qu’elle est en mesure d’apporter plus ou moins directement au traducteur. En ce sens, cest l'ensemble de la Caen : Lettres modernes/Minatd, 2006 (coll. « Cahiers Champollion »), p. 109-125, speciatim p- 113-118. 8-Eugene NIDA, Toward a Science of Translating, Leiden: Brill, 1964; Language structure and translation : essays, Stanford: Stanford University Press, 1975. 9—C’est un aspect des choses déterminant, sur lequel j'ai publié (comme bien d’autres) divers travaux : voir notamment les quelque soixante-dix pages que j'y ai consacrées dans mon livre Traduire: théorémes pour la traduction, Paris: Gallimard, 2002 (collection «Tel», n° 246), p. 23-83; ou encore mon article intitulé « Pour la traduction dans Venseignement des langues : ‘version’ moderne des Humanités », dans Traduire : langue maternelle/langue Arangére = Numéro spécial de la revue Les Langues modernes, n° 1/1987, p. 9-21 10—Cf. mon étude « Didactiques de la traduction », dans Transversalités, Revue de l'Institut catholique de Paris, n° 102, avril-juin 2007, p. 3-28, Ce numéro substantiel public les Actes dun colloque du CRATIL. (Centre de Recherche Appliquée sur la Traduction, Vinterprétation et le Langage) portant sur la thématique Didactigues et traduction : p. 1-132. Sur la diversification et Vavenir incertain desdits métiers de la traduction, voir les travaux d’Yves GAMBIER, Approche méta-théorique 29 traductologie qui a mes yeux tend a étre « envahie » de didactique, ne fat-ce que dans une logique d’auto-enseignement. Comme j'y ai maintes fois insisté, la traductologie et une praxéologie"”: A ce titre, il lui revient essenticllement de nous tenir le « discours thérapeutique » d’une pédagogie de Vart de traduire. TIL Compte tenu de ce qui a été dit plus haut de la dialectique de Yexplicitation qui se joue entre l’oralité et I’écriture et compte tenu du fait que la présente étude s’est attachée jusqu’a présent a dégager certains principes méta-théoriques, il me faut restreindre ici cette derniére a une problématique plus spécifique, puisque lenjeu d’une telle « approche méta- théorique », comme on I'a vu, porte sur le statut épistémologique du discours traductologique et sur certaines modalités de I’interdisciplinarité qu'il met en ceuvre. Pour étre plus précis, j/entends mettre l'accent sur ce que jappellerai la déconstruction du linguistique en traductologie ; et la logique de cette approche serait a terme de déboucher sur I’horizon d’une «construction du philosophique » qui en est le prolongement, contribuant a en assurer la releve", Encore convient-il de s’entendre sur le sens a donner au terme de déconstruction. Si je parle de « déconstruction du linguistique », ce n'est pas en un sens polémique qui reviendrait 4 récuser I’approche linguistique en traduction : ce serait absurde, compte tenu de ce qui a déja été dit plus et de ce qui nous apparait clairement a tous. Comme on sait, le concept de déconstruction est maintenant devenu avec Jacques Derrida un concept de la philosophic contemporaine — au-dela de son usage par les grammairiens (cf. parsing), oit il désignait ce qu’on appelait aussi l’analyse logique et analyse grammaticale (encore que, dans mon souvenir, il nous était demandé de « faire la construction » d’une phrase latine, par exemple, et non pas tant de la «déconstruire »). Notons par ailleurs, en passant, que le concept philosophique de déconstruction nous renvoie d’emblée lui-méme a un probléme de traduction. 11.-C’est un point tout & fait essentiel & mes yeux et dont ai traité notamment dans « Théorie de a traduction: la question du littéralisme », dans Transversalités, Revue de I'Institut catholique de Paris, n° 65, janvier-mars 1998, p. 137-157, specialim p. 139-141 12~Au demeurant, cette double perspective était déja au principe de mon livre Traduire théorémes pour la traduction, op. cil. Plus généralement, les analyses esquissées ici viennent s‘inscrire dans le cadre d’ensemble d’une réflexion épistémologique sur Ia traduction, laquelle constitue un axe important de mes recherches traductologiques et fournira la matiere d’un prochain ouvrage, 30 Jean-René Ladmiral En effet, c’est A Heidegger que Jacques Derrida I’a emprunté, mais en y ajoutant un parti pris idéologique de négativité critique avec les pirouettes d'une éeriture qui met en scéne la conciliation (la confusion ?) rhétorique des contraires dont il est coutumier dans ses travaux tardifs.!® Sans doute ces ajouts (ainsi que le prestige du philosophe francais) contribuent-ils grandement 4 la vogue que connait la « déconstruction » dans la pensée contemporaine. Mais je ne crois pas que ce soit une bonne chose. C'est pourquoi, pour ma part, je reprends le concept de déconstruction non pas tant au sens que lui a donné Derrida (ainsi que les « derridiens »), et qui a fait florés, qu’au sens original du concept heideggerien (Destruktion).* Si, done, la Destruktion heideggerienne est devenue la « déconstruction » chez Derrida, Francois Vezin a proposé dans sa traduction de Sein und Zeit le néologisme audacieux et astucieux de désobstruction's. A l’évidence, c'est une «surtraduction » puisque c’est déja un commentaire explicatif, mais cela contribue de ce fait précisément a rendre ce concept intelligible. Pour aller vite, je dirai en effet qu’en Voccurrence Heidegger nous appelle a en revenir aux intuitions ontologiques fondamentales qui sont a Vorigine des grandes pensées de la tradition philosophique, mais qui tendent a nous étre cachées, recouvertes qu’elles sont par les alluvions qu’y a sédimentées l'histoire de la philosophie, en sorte que nous ne les lirions plus guére qu’A travers le prisme des gloses et des commentateurs!®. C’est la bien sir une présentation des choses excessivement schématique, qui s'essaye a tenir un_ pari pédagogique intenable, tant il est vrai que la philosophie ne se résume pas, comme I’avait noté Adorno." Dans le contexte qui est le nétre, Venjeu de la «déconstruction du linguistique » sera de réassigner la linguistique & la traduction elle-méme. Cela implique le dépassement de ce que je me plais a appeler la linguistique de naguére — et tout particuligrement de se dégager du positivisme au nom duquel elle prétendait aux mémes privileges de scientificité que les sciences exactes (Destruktion). Cela avait pour conséquence tout un ensemble de restrictions méthodologiques, au premier rang desquelles interdit béhaviouriste du dit « mentalisme », repris de la psychologic du compor- 13 Jacques DERRIDA, Psycheé, Inventions de l'autre, Pais : Gailée, 1987. 14— Martin HEIDEGGER, Sein und Zeit, Tibbingen: Niemeyer, 1967 (11+ rééd.), p. 19-27 = §6 : “Die Aufgabe einer Destruktion der Geschichte der Ontologie" 15.- Martin HEIDEGGER, F tre et temps, tr. fr. Frangois VEZIN, Paris : Gallimard, 1986 (Bibliotheque de Philosophie). 16-~ La métaphore géologique est de moi et ne devra pas étre imputée & Heigegger lui-méme. 17—Theodor W. ADORNO Minima Moralia, tr. fr. Eliane KAUFHOLZ, & Jean-René LADMIRAL, Paris : Payot, 1979. Approche méta-théorique 31 tement, lui faisait s‘interdire de prendre en compte le sens. Or en traduction, tout part du sens et revient au sens. Entre temps, il s’est produit indéniablement un dégel épistémologique et méthodologique de la linguistique, qui lui a fait s‘ouvrir 4 la sémantique, a la pragmatique, a la théorie de 1’énonciation et des actes de langage, a la sociolinguistique, etc. A telle enseigne que ladite linguistique a été rebaptisée « sciences du langage » (au pluriel) : appellation qui, a mes yeux, est plus qu’un simple changement d’étiquette et marque une extension bienvenue du champ d'études, dans Iesprit du « dégel » épistémologique qui vient d’étre noté, comme aussi un approfondissement des approches qui va de pair avec leur diversification. — En outre, j/ajouterai (ou je préciserai) titre personnel: sans qu’il faille pour autant renoncer aux approches traditionnelles. Ce serait la en effet une de ces restrictions positivistes qui sont de nature a stériliser la créativité et réduire I’attention qu'il convient de porter 4 la multiplicité des phénoménes, alors qu’il s‘agit de prendre en compte tous les aspects de ce qui fait la complexité d’une pratique (¢f. inf.) Entre autres choses, cela contribue a redéfinir la place de la traductologie (sinon son contenu). Ainsi ai-je longtemps qualifié la traductologie de sous- discipline autonome de la linguistique en jouant sur les mots et, plus précisément, sur le double sens du « génitif » introduit par la préposition de: j'y voyais une sous-discipline qui était 4 mon sens «autonome de» la linguistique (régime de I’adjectif), tout en laissant planer Iambiguité... Alors que maintenant la traductologie est pour moi une sous-discipline autonome des sciences du langage: au sens ott c’est une sous-discipline des sciences du langage (génitif d’un complément de nom), au sein desquelles il lui revient une certaine autonomic, comme les autres approches linguistiques évoquées plus haut par exemple. Par ailleurs, la déconstruction du linguistique telle qu’elle vient d’étre définie débouche sur I’alternative entre deux options méthodologiques fondamentales. La question est de savoir si la traduction n’est qu’un dispositif pour faire de la recherche en linguistique, par exemple, ou bien si elle constitue l'objet méme de la recherche et donne donc lieu 4 un ensemble d'études et de recherches spécifiques, en quoi consiste proprement la traductologie. Il est clair pour moi que c'est le deuxiéme terme de cette alternative qui est I'essentiel et doit retenir notre attention. Encore qu'il ne soit pas illégitime de prendre l’option opposée... Au demeurant, c’est un peu dans ce sens qu’allait la perspective d’une « linguistique inductive de la traduction » que j'avais évoquée il y a déja quelque trois décades" 18. Traduire : théorémes pour la traduction, op. cit, p. 214 59. 32 Jean-René Ladmiral La déconstruction du linguistique en traduction m'a aussi amené & faire un sort au concept de Linguistique Appliquée. Alors qu’en francais on entend par 1a principalement la didactique des langues, ceux qu'il est convenu d'appeler nos amis d’outre-Rhin tendent a identifier ce que nous appelons la traductologie (Uibersetzungswissenschaft) 4 ladite Linguistique Appliquée (Angewandte Spracwissenschaft)”. Quoi qu'il en soit, la traduction n'est pas du tout une « linguistique appliquée », a la fois parce qu’on n’y applique pas la linguistique et parce que ce qu’on « applique » n'est pas de la linguistique, pas seulement de la linguistique. En somme, ladite ~ ou plutat : la dite (en deux mots) Linguistique Appliquée est un peu comme la chauve-souris qui, comme on sait, n’est pas une souris, et qui n’est méme pas chauve ! mais est quand méme une chauve-souris. D'une part, en effet, la déconstruction de la Linguistique Appliquée est un corollaire de l’échéance d’interdisciplinarité thématisée plus haut. Ce qu’on (1) applique (pas), c’est tout un ensemble d’approches disciplinaires : linguistique, mais aussi philosophic, etc. D'autre part, le concept d’appli- cation fait probléme en lui-méme, en traduction comme en didactique des langues™. Je préfére mettre I’accent sur le fait que la traduction est une pratique, c'est-a-dire une réalité concréte tout a fait spécifique ott « tous les problémes se posent en méme temps » et qui, a ce titre, ne se préte pas a une artificialisation scientifique isolant certains phénoménes, qu’on pourra dés lors objectiver et soumettre aux canons méthodologiques d’une discipline constituée. Une pratique-au sens plein du mot, qui est le sens étymo- logique et je dirai méme: aristotélicien— a sa dynamique propre et son autonomic par rapport a la théorie. Ce n’est pas en vertu d’une logique linéaire qu’on passe de la théorie a la pratique, comme on passe de I’univers des théories scientifiques a certaines applications techniques. C’est pourquoi, plutét que d’une « théorie de application » (Antoine Culioli), je préfére parler d’une dialectique théorie/pratique. 19.~Que ce me soit l'occasion de rappeler que la traductologie a connu trés tt (et connait encore) un grand développement dans les pays de langue allemande. Pour s‘en faire une idée, on pourra consulter le bilan (forcément partiel) qu’a été amenée a en dresser de facto Katharina Reiss dans le cadre du eyele de conférences qu’elle a données & l'Université de Vienne en 1994 et qui lui ont fourni la matiére d’un livre trés synthétique, récemment traduit en francais: Katharina REISS, Problématiques de la traduction, tr. fr. Catherine A. BOCQUET, Paris : Anthopos/Economica, 2009 Bibliotheque de traductologie). 20=Il y a Ja une problématique que jai abordée en diverses ctudes: « Linguistique et pédagogie des langues étrangéres » dans Langages, n°39, septembre 1975, p.5-18; « Linguistique Appliquée et enseignement de la langue » (I) & (Il), dans Reowe d’Allemagne, tome VIT/ n° 3 & n° 4, juillet-septembre & octobre-décembre 1975, p. 321-334 & p. 517-532, ete Approche méta-théorique 33 Ainsi l'expression de « techniques de traduction » est-elle impropre, méme si elle est couramment utilisée. Sauf a se référer éventuellement a la problématique de la traduction automatique (T.A.) et de la traduction assistée par ordinateur (T.A.O.) ou encore & [utilisation des nouvelles techniques de l'information ct de la communication (N.T.LC) en traduction ; mais tel n’est pas ici notre propos”. ~ Pour en revenir aux problémes qui nous occupent ici, je dirai que la prise en compte d'une pratique comme la traduction va nous contraindre a « bricoler », a improviser et a anticiper sur un travail scientifique qui reste a faire. Dans la perspective d’un tel projet, il faudra étre prét a transgresser les canons « disciplinaires » (a tous les sens du mot!) des méthodologies en vigueur et 4 prendre parfois quelques libertés avec les critéres de scientificité que peuvent nous intimer V« épistémologiquement-correct » dominant! C’est ce que certains d’entre nous ont fait en leur temps...22 Iv Que la traductologie ait a voir avec la linguistique (comme il a été rappelé plus haut), ce n’est que trop évident, puisque son objet concerne le clivage des langues, l'utilisation des mots, la constitution de phrases, la production et la réception de textes, ete. A vrai dire, la déconstruction du linguistique ne veut pas dire autre chose: il s’agit de désencombrer a linguistique des scolastiques qui s’y sont succédées au rythme accéléré d’un « galopage épistémologique » en quéte des derniers « preprints » venus du MIT ou d’autres Sinai théoriques fournissant la discipline d’orthodoxies méthodo- logiques répétition; il s‘agit d’en revenir au coeur du langage et des langues (zu den Sachen selbst) pour accéder & un rapport « désobstrué » (Destruktion) de la théorie traductologique a la pratique traduisante. Significativement, la plupart des «linguistes » qui s‘occupent de la traduction ne sont pas tant des linguisticiens, travaillant surtout en linguistique générale, que des languistes, attachés a I’étude de langues étrangéres que souvent ils enseignent et qu’ils ne dissocient guére non seulement du bagage cognitif des héritages civilisationnels dont elles sont 21.—Dans ce domaine, il y a maintenant pléthore de publications ; mais je ne résiste pas A la tentation de citer quand méme le Numéro thématique que jai dirigé sur certains aspects de la question, non pas tant par vanité littéraire que parce que cest la fois un état de la question (daté) et qu’on y trouvera quelques contributions originales qui n’ont rien perdu de leur intérét: Le traducteur et lordinateur = Langages, n° 116, décembre 1994. 22. Voir notamment lors de ma conférence au X* Congrés mondial de la FIT (17-23 aodit 1984), dont les Actes ont été publiés sous la direction de Hildegund BUHLER: Der ihersetzer und seine Stellung in der Offentlichkeit ~ Translators and their Position in Society ~ Le traducteur et sa place dans la société, Wien : W. Braunmiiller, 1985, uM Jean-René Ladmiral porteuses et qui contribue a assurer le remplissement de leurs sémantiques respectives, mais encore de la richesse des diver patrimoines littéraires auxquels elles ont donné naissance ct dont elles portent heureusement la trace qui vient en nourrir la stylistique et méme la phraséologie la plus quotidienne. Comme on sait, Mounin voyait dans la traduction une « opération linguistique »°; alors que j'en parlerais plus volontiers dans les termes d'une pratique langagiére ou communicationnelle. D’une facon générale, pour les gens extérieurs au milieu, la traduction est l’affaire des linguistes ; et en un sens, done, ce n’est pas faux. Au reste, c'est aussi ce que pensent les linguistes eux-mémes. Encore aura-t-il fallu ne pas verser dans le théoricisme linguistique et le positivisme linguisticiste, naguére encore prévalents, qui allaient a dénier toute existence réelle aux phénoménes sortant du champ d’une étude linguistique régie par les critéres alors en vigueur. Comme on Ia vu, cest la critique fondamentale que je me suis permis d/adresser a ce que j'ai appelé la linguistique de naguére. Dans cet esprit, je conteste Vidée qu’on puisse rendre compte de la traduction dans les termes d'un schéma transformationnel permettant de passer d’un énoncé-source (To) a V’énoncé-cible (Tt) qui en serait la traduction au terme d’une succession de transformations suivant des « axes paraphrastiques » censés pouvoir mener d'une langue (Lx = Lo) a l'autre (Ly = Lt). De fait, cela ne correspond en rien a la réalité de la traduction, ni sans doute a ce qu’une linguistique sérieuse est en mesure d’avancer. De méme, une approche linguistique de la traduction ne signifie pas qu’on doive « argumenter en langue » ou, si Yon veut en termes de langues, Cest-a-dire des différentes langues que la traduction met en présence. Ce serait en effet manquer l'essentiel. L’essentiel, ce sont les messages, c/est-a- dire aussi les textes, qu'il va falloir traduire. En sorte qu’on en viendra 4 une linguistique de la parole, selon une perspective programmatique évoquée en son temps par Charles Bally’. II s‘agit de se ressouvenir que la traduction est une modalité de la communication. Mais das lors que la linguistique s‘ouvre pleinement 8 la dimension de la communication, elle ne pourra pas faire 23—Voir Georges MOUNIN, Les Problémes théoriques de Ia traduction, préf. D. Aury, Paris Gallimard, 1963 (Bibliothéque des Idées), nombreuses rééditions en « poche », chez le méme éditeur, dans la collection « Tel » (n° 5) A partir de 1976. 24—Je critique plus explicitement cette vue de Vesprit dans le cadre de mon étude «Dichotomies traductologiques », dans La Linguistigue, vol.40, fas. 1/2004, p. (Lensemble constitue un Numéro spécial consacré & la thématique Linguistique et Traductologie sous la direction de Claude TATION). Voir aussi Traduire: théorémes pour la traduction, op. cit., p. 124 899. 25.—Charles BALLY, Traité de stylistique frangaise, Paris : Klineksieck, 1909, Approche méta-théorique 35 totalement I’impasse sur le contenu de ladite communication. Dans le méme mouvement, il lui faudra aussi sfouvrir A la sémantique des énoncés ct conjointement au travail psycho-intellectuel du cognitif qui sous-tend la traduction. Toutefois, ce n’est surtout pas pour donner dans la mode envahissante des « sciences cognitives », qu’on nous sert 4 toutes les sauces sans que, trés souvent, cela corresponde dans nos disciplines 4 autre chose qu’a un habillage servant des stratégies personnelles ow institutionnelles. Dans esprit d’une modestie épistémologique plus réaliste, j‘entends seulement renvoyer a une phénoménologie de I’expérience de traduire, que j'ai thématisée dans les termes d’un schéma du salto mortale de la déverbalisation, lequel s‘oppose bien sir totalement au schéma transforma- tionnel évoqué plus haut® Cela dit, certains ont voulu aller bien au-dela. Aprés une période de fondation, ott la traductologie restait prisonniére de ce que j/appellerai « le tout-linguistique », cette derniére a connu tout un ensemble de « tournants », et d/abord le fameux tournant culturel. Il est incontestable en effet que la traduction est une forme éminente de la communication interculturelle”. Il nest pas moins douteux qu’on ne traduit pas tant d’une langue (Lo) a 'autre (Lt) que d’une langue-culture (LCo) a une autre (LCt). Mais il faudra éviter de passer d’un extréme a l'autre. Apres une prépondérance quasiment dogmatique de la linguistique, dont Vexclusivisme en la matiére a pu se montrer parfois stérilisant, il ne faudrait pas en venir a négliger totalement I'ancrage linguistique de la traduction et de tout énoncé, qu'il soit traduit ou non. Autant la prise en compte de la dimension communicationnelle et de aspect cognitif de la traduction allait- elle A ouvrir le champ de la linguistique, autant cette autre mode que tend a devenir maintenant I'interculturel ne doit-elle pas conduire 4 décrocher la traductologie de la linguistique. Ce serait lacher la proie pour l’ombre ! C'est pourtant fondé a se demander si a n’est pas la traduction elleméme qu'on aura impression qu’on a parfois, au point méme qu’on est 26 Voila une convergence entre la réflexion menée au sein de VES.LT. (Fcole Supérieure dInterprétation et de Traduction), qui releve de l'Université de Paris-IIL, et mes propres recherches : voir mon étude « Le ‘salto mortale de la déverbalisation’ » dans Processus el cheminements en traduction et interprétation, sous la direction de Hannelore LEE-JAHNKE = ‘Merct. Journal des traducteurs (Université de Montréal), vol. 50/n° 2, avril 2005, p. 473-487. 27.— Au point que certaines institutions tendent a substituer la seconde a la premiere, comme l’a fait I'LS.LT.: ce qui était l'Institut Supérieur d’Interprétation et de Traduction a été rebaptisé dernigrement Institut de management et de communication interculturels (tout en conservant le méme sigle). I y a 1 matidre & débat. On consultera notamment avec intérét les Actes du colloque sur Te « management interculturel » qu’avait organisé Otmar Seul a l'Université de Paris-X-Nanterre en son temps. 36 Jean-René Ladmiral perdue de vue (Lost of tanslation...). Comme d'autres sciences humaines encore jeunes, la traductologie est une discipline épistémologiquement fragile que d’aucuns pourront utiliser et « détourner » pour y investir toutes sortes de discours méconnaissant 1a spécificité de son objet propre et notamment pour en faire le vecteur d’idéologies plus ou moins militantes ou « tout bétement » dla mode. Vv Sur les différents aspects et prolongements de la déconstruction du linguistique dans la perspective de la traduction (sub specie translationis), qui est au coeur de la présente étude, il y aurait encore beaucoup & dire. Cela fournirait la matiére a des développements qui donnerait ala présente étude une longueur excessive, excédant les limites imparties. C’est pourquoi je devrai me contenter d’évoquer deux problématiques qui a cet égard me paraissent fondamentales et sur lesquelles il y aura lieu de revenir de facon détaillée et approfondie. Entre autres choses, donc, il faut bien marquer d’abord que la traductologie n’est pas qu’un appendice de la linguistique contrastive. Sinon, on pourrait « déduire » la traduction d’une description comparative des deux langues en présence : ce serait traduire « en langue » (of, sup.) ; et la traduction humaine serait finalement assez proche de la traduction automatique, ce qui est en totale contradiction avec I’expérience qu’on peut en faire. C’est pourquoi j'ai coutume d’opposer les traductologues au sens restreint a ceux que j'appelle les contrastivistes. A un autre niveau, mais d’une importance égale, il est une autre problématique que je dois 14 aussi me contenter de ne faire que mentionner ici. C’est le vaste chantier d’une sémantique de Ia traduction, dont on peut aisément concevoir l'ampleur et qui fera l'objet d'une prochaine étude. Deux remarques seulement. ~ Sans doute convient-il d’une part, dans le contexte qui nous occupe, de parler plutét des sémantiques, au pluriel”. 28.—ILy a 1a toute une problématique, dont encore une fois il ne m’est pas possible de traiter ici et que j'ai abordée en divers lieux : notamment dans « Les quatre ages de la traductologie - Reflexions sur une diachronic de la théorie de la traduction » dans L’hisloire et les théories de la traduction, Les actes (colloque de Genéve ; 3-5 octobre 1996), Berne & Genéve : ASTI & PTL, 1997, p. 11-42 29.-J'y ai deja consaeré plusieurs études : « smantiques et traduction » dans Sapere Linguistico ¢ Sapere Enciclopedico. Atti del Convegno Internazionale svoltosi & Forli dal 18 al 20 Aprile 1994, a cura di Luisa PANTALEONI e Laura SALMON Kovarski, Bologne: Cooperativa Libraria Universitaria Editrice Bologna, 1995 (Biblioteca della Scuola Superiore di Lingue Moderne per Interpreti e Traduttori, Forli), p. 239-262; «L’empire des sens», op. cit, speciatin: p, 118-123, (Lrensemble de ce dernier volume constitue les Actes d'un colloque Approche méta-théorique 37 D/autre part et surtout, la sémantique reléve de la déconstruction du linguistique telle que je I’ai définie plus haut, c’est-a-dire en somme d’une linguistique qu’on pourra dire « revisitée » ; mais en méme temps, elle nous renvoie aussi 4 ce qui aurait di étre le second versant de la présente étude, & savoir: dans le prolongement de la déconstruction du linguistique, la construction du philosophique. La saisie rigoureuse du sens qu’exige une bonne traduction implique en effet une opération de conceptualisation, qui ira puiser plus ou moins directement aux sources d’un héritage culturel que traverse de part en part la tradition philosophique. Sans doute est-ce 14 aussi ce qui permet la déverbalisation, a laquelle il a été fait allusion (cf. sup.). On pourra aussi noter le fait qu'une lecture exigeante du texte a traduire suppose qu’on en esquisse une herméneutique. Sans parler de bien d’autres approches essentielles qui relevent de la philosophie et dont la liste nous tracetracerait un programme de travail qui, 4 lui seul, justifierait toute une étude sui generis. Quoi qu’il en soit, il appert que la problématique des rapports entre traduction et philosophie constitue un vaste champ d’étude dont Vimportance, & mes yeux décisive, est trop longtemps restée inapercue. Néanmoins, a titre personnel, il se trouve que jy ai été d’emblée sensible, ne fait-ce qu’en raison des appartenances disciplinaires qui ont été les miennes™, Toujours est-il que les choses sont en train de changer a cet égard et qu'il s’annonce ce que j‘appellerai un fournant philosophique de la traduction. Je veux maintenant conclure en rappelant le caractére un peu particulier de la présente étude. J'aurais envie de dire cum grano salis que, pour beaucoup, ce ne sont 1a que des scolies d’entre les mots, commentant la ponctuation, c’est-a-dire les deux virgules et les deux-points, faisant le lien entre les termes réunis par le libellé d’un précédent volume: «La traduction : philosophie, linguistique et didactique »®— autant et plus que qui s’est tenu a VESIT sur cette thématique fondamentale, les 2 et 3 juin 2005.) Par ailleurs, cette question essentielle commande d’embiée ensemble des réflexions et analyses qui sont & V’ceuvre au sein de mon livre : Traduire : théorémes pour la traduction, op. cit. 30.—Je men tiendrai ici 4 ne citer que les deux études les plus réentes que j'ai publiges touchant cette problématique qui m’a beaucoup occupé depuis plusieurs années : «La traduction entre en philosophie » dans La Traduzione fra filosofia lelleratura / La traduction enire philosophie et littérature, a cura di/sous la direction de Antonio LAVIERL, Turin L’Harmattan Italia, 2004, p. 24.65, Editions anagrammes, 2009, p.47-70 (Actes du colloque international Traduction et é par SEP-T.ET. « Société d'Etudes des Pratiques et Théories en Traduction» a Vinitiative de Florence LAUTEL-RIBSTEIN, les 9 et 10 mars 2007, l'Université de Strasbourg Il). Sans parler des colloques de Nottingham (25-26 mars 2009) et d’Ottawa (23-25 mai 2009) dont les Actes devraient paraitre prochainement 31.-Voir Tatiana MILLIARESS! (éd), La traduction : philosophic, linguistique et didactique, op. cit « Traduction et philosophie » dans Des mots aux actes 2, philosophie du langage organise 38 Jean-René Ladmiral les concepts eux-mémes... Un peu plus sérieusement : dans cette approche dégager les conditions préalables d’une étude qui, pour étre compléte, aurait di prendre une extension beaucoup plus grande et qui, encore une fois, serait alors sortie des limites de I’épure. Cela fera objet d'un prochain livre. C’est pourquoi ce qui précéde aura pu prendre parfois l’aspect d’un catalogue dont le caractére programmatique demanderait a étre développé: ce qu’il ma fallu ici me contenter de « baliser » par la mise en exergue (et en italiques) de certains concepts-clefs quiil conviendra d'approfondir et par diverses notes (en bas des pages) renvoyant a des travaux que j'ai publiés ou a paraitre. méta-théorique, je me suis attaché C'est aussi pourquoi cette sorte de préface rétrospective n’est qu'une approche, et qui reste d’ordre méta-théorique — par défaut, pourra-t-on dire, Mais, par exces, je tiens que la méta-théorie épistémologique est coextensive a la théorie traductologique et qu’a ce titre cette approche est parado- xalement en prise directe sur la pratique traduisante elle-méme. Références ADoRNO Theodor W., Minima Moratia, tr. fr. Eliane KAUFHOLZ & Jean-René LADMIRAL, Paris : Payot, 1979 BALLY Charles, Traité de stylistique francaise, Paris : Klincksieck, 1909. 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