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DOSSIER PEDAGOGIQUE
2009 - 2010
Le débat s’ouvre…
Tout au long de l’échange avec la classe, la comédienne défendra le fait qu’il vaut mieux :
La comédienne : « choisir un garçon pour lui donner un maximum de chance dans une
société dominée par le modèle occidental de l’homme Blanc ».
Le comédien prendra le parti de défendre : « le choix d’une fille est le bon choix, à cause
du potentiel séduction communication manipulation que les femmes ont par nature et qui leur
permet de mieux s’insérer dans la société.»
Les élèves réagissent alors selon leurs points de vues ou leur empathie avec les
personnages du comédien ou de la comédienne…
• Le sexe biologique :
« sexes indéterminés ? sexes indéterminés ? qu’est ce que vous nous racontez ? Une fille
ça à un vagin un garçon un pénis ! C’est quand même pas compliqué !!! »
• la préférence sexuelle :
Hétérosexualité / Homosexualité / Bisexualité…. A un temps donné mais après ???
Je suis hors-norme
Les élèves sont invités et accompagnés à dire leurs textes, mis en espace ou en rap.
Accompagnement en amont
Ateliers d’écriture, forum, débats, rencontres, lectures sont possibles à organiser autour de la
création.
Des ateliers sont proposés, menés par les artistes autour du thème, de la pratique du jeu
théâtral, du rap et du slam.
(Adaptation des propositions en fonction des projets des enseignants).
Comment chacun se construit lui-même ? Face à l’autre ? Dans quel contexte ? Comment la
société le façonne ? Existe t-il une volonté politique d’orienter les normes ? Dans quel sens ?
Dans quel but ?
Bibliographie
Trois essais sur la théorie de la sexualité de Sigmund Freud (Folio essai, Gallimard)
Simone de Beauvoir,
le deuxième sexe, 1949
« L’alibi de la nature »
« L’émergence, à la fin des années soixante, de la distinction entre sexe et genre (gender)…
associe à la notion de sexe les caractéristiques biologiques permettant de différencier les
hommes et les femmes ; à la notion de genre (elle associe) les attributs psychologiques, les
activités et les rôles et statuts sociaux culturellement assignés à chacune des catégories de
sexe et constituant un système de croyances, dont le principe d’une détermination
biologique est le pivot.
La distinction sexe/genre visait à mettre en question la réalité de la puissance explicative du
sexe biologique, du lien, jusque-là considéré comme inéluctable, entre différences
biologiques et différences psychologiques et sociales. Elle visait aussi à lever le voile sur les
rapports de domination liant les femmes aux hommes. Le lien causal entre différences
biologiques et catégories sociales des sexes,…, apparaît comme un alibi idéologique pour le
maintien de la domination, l’alibi de la nature. »
Philosophie magazine :
Quand vous abordez la question de la différence sexuelle, vous utilisez la notion de
« genre ». Quelle différence faites-vous entre « sexe » et « genre » ?
Judith Butler :
Alors que le « sexe » est une sorte de « fait », le « genre » est une construction sociale. Il
désigne l’ensemble des significations culturelles qu’assume un corps sexué. Le sexe, lui, est
conçu comme une présupposition biologique, un socle plus ou moins fixe et invariable. Dans
sa formulation première, le genre est lié au sexe : il le présuppose et agit à partir de lui. Le
genre est une constitution du sexe.
Philosophie magazine :
Alors que certains courants féministes se cantonnent à cette opposition entre sexe et genre,
vous introduisez un troisième terme, le désir. Pourquoi ?
Judith Butler :
Je tiens d’abord à préciser que mon approche est intimement liée au féminisme et en
particulier à la pensée de Simone de Beauvoir. Ce que je voulais montrer en distinguant ces
trois termes, c’est que, d’une part, notre « genre » ne suit pas nécessairement notre sexe
biologique ; d’autre part, notre désir n’épouse pas nécessairement ce « sexe », ni même ce
« genre ». Quelqu’un peut être mâle au niveau biologique, être « genré » comme une
femme, et avoir un désir homosexuel, hétérosexuel, bi ou asexuel. Dans la vie ordinaire, les
gens ont tendance à penser que la masculinité et la féminité sont hétérosexuelles, et qu’elles
exprimeraient une « vérité » biologique mâle et femelle. J’ai voulu casser ces « lignes
causales » entre sexe biologique, identité et pratique sexuelle. La discontinuité entre ces
trois termes permet de comprendre l’étendue et la diversité des pratiques. Si certains
courants féministes contestaient la présomption de domination masculine, ils conservaient ce
cadre de pensée hétérosexuel. L’alignement du sexe, du genre et du désir selon des « lignes
causales » est requis par une hiérarchie hétérosexuelle dominante. Mais cette norme
hétérosexuelle est constamment défiée et subvertie. Je suis formée, contrainte par les
normes du genre, mais ce « je » n’est pas entièrement déterminé par elles.
Contrairement à ce que Freud avait découvert sur le plan psychologique et avait extrapolé
par la suite comme s’il s’agissait d’un fait biologique, le clitoris n’est pas un petit pénis ;
anatomiquement, le pénis serait plutôt un clitoris androgénisé. Dans les deux sexes, une
quantité suffisante d’androgènes au moment propice produit un pénis normal
anatomiquement et physiologiquement. Dans les deux sexes, l’absence d’androgènes au
moment adéquat produit un clitoris anatomiquement et physiologiquement normal. Ainsi en
va-t-il des autres tissus (qui, à l’exception du cerveau, ne nous intéressent pas). Dans le cas
du cerveau existe la preuve, très nette chez l’animal, plus discrète chez l’homme, que cet
organe répond également aux conditions exposées ci-dessus. Le cerveau est femelle en ce
sens que si, dans les deux sexes, il n’y a pas apport d’hormones mâles, le comportement
sera féminin. Si, au moment critique de la période périnatale, la quantité d’androgènes est
suffisante, l’organisation de la physiologie cérébrale nécessaire à un comportement masculin
ne se produit pas, alors que l’apport d’androgènes à la période critique entraîne un
comportement masculin chez l’adulte – sans considération de sexe chez l’animal. Ce qui
rend cette règle moins claire chez les êtres humains tient à ce que ceux-ci sont beaucoup
plus sensibles, à l’origine de leur comportement, aux forces non biologiques que ne le sont
les animaux inférieurs.
Freud avait donc vraisemblablement tort de penser que le sexe « naturel » est le sexe mâle,
cette conviction étant devenue la « preuve » biologique de sa thèse selon laquelle les
femmes sont inférieures. Mais l’idée que biologiquement chacun des sexes porte en lui des
aspects ou témoigne de certaines potentialités pour le sexe opposé n’a pas été réfutée ; au
contraire, cette découverte n’a cessé d’être confirmée.
L’ « intersexualité » est le terme que nous utilisons aujourd’hui pour définir un changement
d’un ou de plusieurs des critères de détermination du sexe dans la direction du sexe opposé.
Ainsi, il peut y avoir trop de chromosomes sexuels (par exemple, XXY : le syndrome de
Klinefelter) ou trop peu (par exemple, XO : le syndrome de Turner) ; il est également
d’innombrables formes anatomiques et physiologiques d’intersexualité ; les dysfonctions des
gonades ; l’apparition hermaphrodite d’organes génitaux externes ; des appareils sexuels
internes déficients ou absents ; l’interruption de la production sexuelle hormonale normale ou
les conséquences qu’elle entraîne. Nous n’avons pas ici besoin de connaître les détails de
ces diverses formes, mais nous désirons savoir –comme Freud- quels effets ces désordres
somatiques exercent sur la fonction psychologique. Freud a eu le sentiment que
l’intersexualité (la bisexualité biologique) était une partie nécessaire de « l’ homosexualité
patente » (bisexualité psychologique) et aussi de « l’ homosexualité latente » des
hétérosexuels, qui se manifestent dans les deux sexes comme une « protestation
masculine ».
Les images du cerveau fascinent. Voir des régions qui « s’allument » différemment chez les
hommes et les femmes laisse penser qu’on détient enfin la clé que va permettre de
comprendre nos différences. Mais ces images ne sont qu’une représentation instantanée du
fonctionnement cérébral. Elles ne disent rien sur l’origine des différences. Car le
fonctionnement du cerveau n’est pas fixé une fois pour toutes. Il évolue en permanence, en
fonction des événements vécus par l’individu. L’apprentissage d’une langue, la pratique de la
musique, l’entraînement à mémoriser l’espace, conduisent à des remaniements prononcés
des circuits de neurones qui ne sont jamais figés, qui se font et de défont au gré des
expériences vécues. Il en résulte que personne ne possède exactement le même cerveau, y
compris les vrais jumeaux. Le cerveau est en quelque sorte notre livre d’histoire personnel,
témoin du passé et ouvert vers l’avenir.
Il n’est donc guère étonnant de constater des différences cérébrales entre les hommes et les
femmes qui ne vivent pas les mêmes expériences dans leur environnement social et culturel.
Dans nos sociétés occidentales, les petits garçons sont initiés très tôt à la pratique des jeux
collectifs de plein air (comme le football), particulièrement favorable pour apprendre à se
repérer dans l’espace et à s’y déplacer. Ce type d’apprentissage précoce facilite la formation
de circuits de neurones spécialisés dans l’orientation spatiale où les hommes excelleraient.
En revanche, cette capacité est sans doute moins sollicitée chez les petites filles qui restent
davantage à la maison, situation plus propice à utiliser le langage pour communiquer.
Garçons et filles, souvent éduqués différemment, mettent en place des stratégies cérébrales
différentes. Mais ces divergences cérébrales sont bien moins fortes qu’entre un avocat et un
rugbyman, ou entre une pianiste et une championne de natation.