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Tous les maux de notre vie sont dus à l'Homme, notre tyran.
Débarrassons-nous de l'Homme, et nôtre sera le produit de
notre travail. C'est presque du jour au lendemain que nous
pourrions devenir libres et riches...
Tuteur de l'orphelin
Fontaine de bonheur
Calme esprit souverain
Seigneur de la pâtée le feu de ton regard
Se penche créateur
Soleil dans notre ciel, source de réflexion
O Camarade Napoléon !
O grand dispensateur
De tout ce que l'on aime
O divin créateur
Pourvoyeur du petit et maître en tous arts
Oui chaque bête même
Chaque bête te doit foin sec et ventre bon
O Camarade Napoléon !
Jean de La Fontaine
Recueil II, livre VII
L'EGALITE ANIMALE
(expliquée aux humain-es)
Il n'y a pas que le fait de tuer qui soit une indication de ce que
nous sommes prêts à infliger à d'autres espèces dans le but de
nous faire plaisir à nous-mêmes. La souffrance que nous
infligeons aux animaux pendant qu'ils sont encore en vie
montre peut-être encore plus clairement notre spécisme que ne
le montre le fait que nous sommes prêts à les faire mourir.
Dans le but de mettre de la viande sur notre table pour un prix
qui soit abordable pour la plupart des gens, notre société tolère
des méthodes de production qui impliquent d'entasser pendant
leur vie entière des être sensibles dans des environnements
surpeuplés et inadaptés à leurs besoins. Les animaux sont
traités comme des machines à convertir le fourrage en chair, et
toute innovation qui permet d'augmenter ce "rapport de
conversion" est susceptible d'être employée.
Un autre pas en avant récent eut lieu lorsque la FDA (Foot and
Drug Administration, administration américaine qui autorise la
mise sur le marché des médicaments) annonça qu'elle
n'exigeait pas que soient effectués les tests de DL 50. D'un
coup s'écroula l'excuse principale qu'avançaient les
compagnies développant de nouveaux produits pour justifier
l'emploi de ce test : ils prétendaient que la FDA les obligeait à
le faire avant d'autoriser la mise sur le marché américain de
leurs produits.
Peter SINGER
La Libération animale
Répliques :
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FIKIENLKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FRINKIELKRAUT
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
_ C'est une très belle tâche ! C'était aussi celle que s'assignait
Michelet.
ALAIN FINKIELKRAUT
_ C'est sans doute une tâche que vous accomplissez dans votre
livre...
Je voudrais continuer sur la question de l'humanisme au sens
moderne, au sens que l'on a donné après Descartes à ce terme,
et donc à votre critique constante du "propre de l'homme",
"Ces athlètes du propre de l'homme" dites-vous, sûrs de leur
fait. Et vous vous en prenez, comme Levis-Strauss encore, à
l'idée d'une dignité exclusive de la nature humaine. Vous
voulez, autant que faire se peut, affoler le propre de l'homme
et rappeler le cousinage des hommes et des animaux. Là-
dessus, je voudrais vous opposer, peut-être, deux citations que
vous faites vous-même. D'abord, Nietzsche, Nietzsche, dont
vous rappelez par ailleurs l'incident de Turin: au moment de
sombrer dans la démence, il s'est précipité pour enlacer
l'encolure d'un cheval férocement battu par son cocher ivre. Et
puis dans un texte prénietzschéen de Nietzsche, sa si belle
conférence Shopenhauer éducateur,
il dit que tous les hommes profonds ont toujours eu pitié des
animaux, parce qu'ils souffrent de la vie, les animaux ; ils sont
comme enfermés en elle ; à la différence des hommes, ils n'ont
pas, en quelque sorte, la possibilité d'échapper à la vie pour la
vie, ils y tiennent sans autre ambition _et Nietzsche dit "dans la
stupidité d'un effroyable désir".
Et puis, une autre citation, Adorno et Horkeimer _deux auteurs
qui vous sont très chers, on le voit dans ce livre_, un extrait de
"La Dialectique de la raison" où il est dit ceci: "Pour l'animal, la
durée que ne vient pas interrompre la pensée libératrice est
triste et dépressive. Pour échapper au vide lancinant de
l'existence, il faut une capacité de résistance à laquelle le
langage est insdispensable". Tout se passe ici, avec Nietzsche,
et avec Horkheimer et Adorno, comme si la considération de
l'animal renvoyait au propre de l'homme. Et tout coup, cette
différence entre l'homme et l'animal, cette pensée qui sépare
l'homme de l'animal fonde la pitié humaine pour l'animal.
Autrement dit, la considération de l'animal ne peut par elle-
même se passer d'un sentiment du propre de l'homme.
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
_ Autrement dit: c'est parce qu'il y avait cette proximité que les
expériences étaient intéressantes...
ELISABETH DE FONTENAY
_ Oui. Peut-être que là, j'aborde une question que je n'ai pas
vraiment traitée, qui est la question de l'expérimentation
_expérimentation sur l'homme, expérimentation animale. Mais
encore une fois les concepts de bestialité, d'animalisation me
mettent mal à l'aise parce qu'ils détournent, au profit de
l'homme, la réflexion sur l'animal et qu'ils accréditent l'idée
que les nazis ont exterminé des hommes parce qu'ils
chérissaient les animaux.
ALAIN FINKELKRAUT
_ Pour aller dans votre sens, je voudrais ici faire deux citations.
La première, extraite d'un livre dont j'ai parlé il y a quelques
temps dans cette émission, de Marlen Haushofer, Le Mur
invisible, un très beau roman qui est l'histoire d'une femme,
soudain _après une catastrophe nucléaire, pense-t-on _séparée
du reste du monde par une sorte de paroi de verre. Elle doit
rebâtir sa vie, et donc redécouvrir ce que son existence
citadine lui avait caché. A un moment donné, évidemment, sa
solitude lui fait peur, et elle dit ceci _c'est son journal: "ce n'est
pas que je redoute de devenir un animal, cela ne serait pas si
terrible, c'est qu'un homme ne peut jamais devenir un animal,
il passe à côté de l'animalité pour sombrer dans l'abîme, je ne
veux pas que cela m'arrive".
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
_ Autre chose, et je crois que c'est une question qui est très
présente dans votre livre: vous vous insurgez contre cette sorte
d'axiome de l'incomparabilité entre l'amour des bêtes et
l'amour des hommes, "ou bien, ou bien" auquel nous sommes
sans cesse soumis par l'air du temps philosophique, par un
certain usage de la mémoire, justement: au nom du fait que les
nazis ont eu une législation favorable aux animaux, à certains
animaux, au nom du fait, aussi, que, précisément, dans leurs
discours, dans leur idéologie, ils s'animalisaient, on revendique
le propre de l'homme, et on met en cause comme
potentiellement dangereuse, cruelle elle-même, la pitié pour
les animaux.
Et là, c'est un texte tout à fait étrange que je voudrais lire, il est
issu d'un entretien qu' eut Gita Sereny, une journaliste
hongroise, avec Stangl, qui a été le commandant du camp de
Treblinka _paru chez Denoël sous le titre Au fond des ténèbres.
Elle lui demande: "Mais quand vous faisiez ce que vous faisiez,
à quoi pensiez-vous?" Voici ce qu'il répond: "Je me forçais à me
concentrer sur le travail, le travail, encore le travail." Et puis
ensuite: "Un jour, au Brésil, des années plus tard, j'étais en
déplacement, le train s'est arrêté à côté d'un abattoir. Le bétail
dans les enclos, entendant le train, a trotté jusqu'à la barrière,
et nous a fixés. Ils étaient tout près de ma fenêtre, serrés les
uns contre les autres, ils me regardaient à travers la barrière,
et j'ai pensé alors: "Regarde, ça te rappelle pas la Pologne ?
C'est comme ça que les gens regardaient, avec confiance, juste
avant d'entrer dans les boîtes." Après ça, je n'ai jamais pu
manger de conserve. Ces grands yeux qui me regardaient,
sans savoir qu'un instant plus tard, ils seraient tous morts."
Voilà le moment où, tout d'un coup, dans ce dialogue
absolument terrible, insoutenable, le remords surgit, et voilà
comment il raconte, chez lui, le surgissement du remords...
Je voudrais que nous abordions maintenant un dernier thème :
vous y avez fait référence autour de la question de
l'expérimentation. Constamment, dans votre livre, vous
opposez, au dualisme intransigeant que nous avons hérité de
Descartes, tous les philosophes qui ont pensé les différences
en termes de degrés. A un moment, vous ridiculisez même
cette pensée moderne de la discontinuité à l'aide de Platon, ce
passage assez extraordinaire du Politique, où il dit: "Si la grue
était douée de raison, elle diviserait les vivants entre les grues
et tous les autres, indistinctement unis dans un seul bloc." Ce
qui veut dire que la faute logique de la classification tient au
narcissisme, à l'autovénération du classificateur. Vous écrivez
que la question de la continuité ou de la rupture entre l'homme
et l'animal est cruciale, et avec
Lévi-Strauss, vous plaidez, d'une certaine manière, pour la
continuité des êtres.
Or, nous vivons quelque chose, peut-être une nouvelle époque,
avec l'irruption des biotechnologies ; c'est notamment ce
qu'explique Jérémie Rifkin dans un livre intitulé Le Siècle
biotch: la technique, montre-t-il, s'est emparée du vivant: nous
sommes capables d'isoler, d'identifier et de recombiner tous les
gènes, nous avons le patrimoine génétique de la planète à
notre disposition. Nous entrons ainsi, dit Rifkin, dans une ère
qui serait celle de la transgenèse. L'ingénieur ultime, c'est le
transgéniticien, parce qu'il ne considère pas chaque organisme
individuel comme une entité isolée, mais comme un ensemble
provisoire de relations définies dans un contexte mouvant, en
train de devenir quelque chose d'autre, Métamorphose
continuelle... Il cite un professeur de biologie: "Grâce aux
récents progrès du génie génétique, chaque espèce biologique
doit être considérée comme une banque de gènes
potentiellement transférables ; dans la bibliothèque de la
nature, une espèce n'est pas seulement un volume relié, elle
est aussi un classeur à feuilles mobiles dont chaque page ou
gène est disponible pour se prêter à des transferts sélectifs
entraînant la modification d'autres espèces."
On est saisi de vertige devant une telle liquéfaction des
frontières, mais on se dit aussi que cette ingénierie illimitée,
cette manipulation totale du vivant et de tous les vivants n'est
pas fondée sur le dualisme intransigeant, l'opposition entre
l'homme et le reste, mais au contraire sur l'abolition des
frontières entre espèces. A l'époque des clonages et des
greffes exogènes _les foies de porc qui vont pouvoir remplacer
les foies humains_, il y a moins que jamais communauté entre
les hommes et les animaux, et plus que jamais continuité entre
les êtres. Alors, que faire, philosophiquement, devant un tel
paradoxe ?
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
_ Oui... Oui.
Mais là encore, il y a deux questions distinctes. Je ne peux pas
en dire plus sur cette question de biotechnologies, d'abord
parce que je n'en ai pas la compétence, et parce qu'il faut, pour
récuser ces pratiques, s'adosser à l'idée de nature, ce que
j'évite de faire par souci de déconstruction. Pour tout dire, je
suis loin d'être au clair avec ce genre de problème. Il y a une
autre question, et celle-là elle est beaucoup plus ancienne, et
la question de la biurgie en est un cas particulier, malgré le
saut qualitatif qu'elle implique, c'est la question de
l'expérimentation animale. Il est frappant de constater que les
moments où l'on découvrait une véritable continuité entre
l'homme et l'animal, comme au XVIIIe siècle, avec
Maupertuis, Diderot, Buffon et Daubenton, les moments où l'on
découvrait une homologie morphologique et fonctionnelle entre
les organes humains, ces moments-là étaient les moments, en
un sens, de plus grande cruauté. J'en veux pour preuve Claude
Bernard, au XIXe siècle, qui a sacrifié tant d'animaux: "sacrifié",
c'est le mot qu'on emploie naïvement dans l'expérimentation
animale, qui n'a rien à voir, évidemment, avec les anciens
sacrifices grecs et hébraïques. Claude Bernard a donc sacrifié
et torturé avec cruauté des milliers d'animaux. Pourquoi ? Pour
marquer la spécificité de la vie: on ne pouvait connaître la vie
que par l'expérimentation sur le vivant, parce qu'il découvrait,
contre les théories mécanicistes, une spécificité de la vie qui
n'a rien à voir avec l'objet de la physique ; et secondement,
parce qu'il présumait une analogie profonde entre la
physiologie humaine et la physiologie animale. Il y a donc là
une difficulté indépassable, où science et éthique s'affrontent.
Plus on découvre que l'homme et l'animal sont proches, plus on
est cruel, aux fins de servir l'homme, en mutilant les animaux
qui lui sont semblables. On ne peut pas sortir de ce paradoxe
dont la triste médiation doit précéder tout jugement de valeur.
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT
ELISABETH DE FONTENAY
ALAIN FINKIELKRAUT