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12 - Le patrimoine d'affectation
INTRODUCTION
Après la loi du 19 février 2007 sur la fiducie, la loi du 15 juin 2010 introduit dans
notre droit un nouveau statut : « l’entrepreneur individuelle à responsabilité limitée ». De
quoi s’agit-il ? Il faut promouvoir la création et le développement des entreprises en
préservant le patrimoine privé des menaces inhérentes au patrimoine professionnel. Il
importe qu’à l’échec d’une entreprise ne succède pas l’échec d’une vie. Le mécanisme
retenu est le patrimoine d’affectation : il s’agit d’affecter à une activité professionnelle un
patrimoine séparé du patrimoine privé. Il s’ensuit que les créanciers professionnels n’ont
pour seul gage que le patrimoine affecté alors que les créanciers personnels devront se
satisfaire du patrimoine non affecté.
Sans doute le législateur était-il intervenu pour proposer des outils protégeant le
patrimoine privé : la déclaration d’insaisissabilité des actifs immobiliers, maintenus par la
loi nouvelle, et surtout l’EURL. A l’égard de cette dernière, l’EIRL s’en distingue par
1
l’absence de personne morale. Une contrainte disparaît : l’intérêt social impliquant une
gestion sous contrainte dont la méconnaissance peut se traduire par la mise en cause de la
responsabilité du gérant par la voie d’une action en comblement de passif dont la
condamnation s’exécutera sur le patrimoine privé – Avantage à l’EIRL.
Reste que si l’EIRL présente toute une série d’avantages, s’il préserve le patrimoine
privé, il porte en germe un risque d’insolvabilité (l’avocat affecte sa robe, son ordinateur,
quelques codes à l’EIRL). Il s’ensuit, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel 1, un
risque de porter atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété des créanciers.
Bref, c’est le crédit, la vie de l’entreprise, qui peuvent être menacés. Le gouvernement en
est bien conscient puisqu’il annonce un produit financier géré par OSEO qui garantira à
hauteur de 70 % maximum le prêt consenti par la banque.
1
Cons. const. 10 juin 2010.
2
L’EIRL intéresse les notaires à deux points de vue. Il est d’évidence que, dans le
cadre de journées notariales du patrimoine, nous ne sommes pas hors sujet. Dès demain, les
notaires peuvent conseiller ou déconseiller leurs clients entrepreneurs individuels de faire
choix du nouveau statut. A partir du mois de décembre, leur concours sera nécessairement
requis en cas d’affectation d’immeuble au patrimoine professionnel où les notaires se
voient notamment reconnaître un rôle de contrôle de l’évaluation. La référence dans la loi
aux régimes matrimoniaux, au droit des sociétés, des incapacités, de l’indivision, à la
transmission du patrimoine affecté à titre gratuit ou à titre onéreux, à la fiscalité appellent
l’expertise du notaire, conseil en gestion du patrimoine.
Et puis, le dispositif, évalué avec ses avantages et ses inconvénients, n’est-il pas
éligible comme nouvelle structure d’un office notarial ?
De façon naturelle, l’étude porte d’abord sur la mise en place de l’EIRL (I), pour se
poursuivre ensuite sur la vie de l’EIRL (II).
3
I – LA MISE EN PLACE DE L’EIRL
A – LES ACTEURS
Qui peut adopter le statut d’EIRL ? « Tout entrepreneur individuel peut affecter à
son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel » 2 Le
nouveau dispositif est donc ouvert à toutes les activités. Le commerçant, la profession
libérale, l’officier ministériel, l’artisan, l’agriculteur peuvent faire choix de l’EIRL. Aucune
taille d’entreprise n’est requise ; l’auto-entrepreneur peut bénéficier de ce nouveau régime,
même si on peut penser que la lourdeur des contraintes légales comme la publication
des comptes constitueront une contre-indication par rapport à la simplicité des règles
propres à ce statut. Il faut ajouter que l’option pour l’EIRL pourra s’opérer soit lors de la
création de l’entreprise, soit en cours d’activité. Tous les exploitants individuels de France
ont aujourd’hui droit à l’EIRL !
Le mineur entrepreneur sous statut EIRL peut être commerçant ou non. Cette
activité est exclue pour le mineur non émancipé. Celui-ci, toutes autres conditions étant
satisfaites (le mineur notaire est pour demain) peuvent créer, gérer une EIRL à objet civil
(agricole, artisanale ou libérale). L’article 2 de la loi, créant ou complétant plusieurs articles
dans le Code civil, crée un dispositif original applicable également au mineur créateur
d’une société unipersonnelle4. Désormais, un mineur peut être autorisé, selon son statut,
soit par ses deux parents, soit par l’administrateur légal et le juge des tutelles 5, soit par le
conseil de famille 6, à accomplir seul les actes d’administration nécessaires pour les besoins
de la création et de la gestion d’une EIRL. Cette autorisation prend la forme d’un acte sous
2
Art. L.526-6 C. com.
3
V. nouvel art. 389-8 et s. C. civ. et modifications apportées aux art. 401 et 408.
4
EURL ou SASU.
5
Art. 389-8 C. civ.
6
Art. 401 C. civ.
4
seing privé ou d’un acte notarié et comporte la liste des actes d’administration pouvant être
accomplis par le mineur.
Quant aux actes de disposition, le mineur reste parfaitement privé de toute capacité.
Ceux-ci ne peuvent être effectués, selon le cas, que par ses deux parents, l’administrateur
légal sous contrôle judiciaire, avec l’autorisation du juge des tutelles 7 ou le tuteur avec
autorisation du conseil de famille 8.
Le mineur émancipé n’est pas oublié par la réforme s’il peut créer et gérer librement
une EIRL mais en bénéficiant d’un champ d’activité plus large puisque, dorénavant, il peut
être commerçant.
7
Art.
8
Art. 408 C. civ.
9
Art. 416-9 C. civ.
10
Art. 121-2 C. com.
11
Art. L.526-8, al. 1.
5
régime avec le pacsé, la loi applique la même règle en cas d’affectation de biens indivis 12.
Le dispositif s’applique également lorsque l’affectation d’un bien commun ou indivis est
postérieure à la constitution du patrimoine affecté 13
B – L’AFFECTATION PATRIMONIALE
12
Art. L.526-11, al. 1.
13
Art. L.526-11, al. 2.
14
V. infra.
15
L.14
6
Les rapports parlementaires 16 apportent une réponse à l’interrogation en se référant
à la doctrine fiscale et à la jurisprudence qui définit l’actif professionnel des titulaires de
bénéfices non commerciaux. Il en résulte que les biens nécessaires à l’exercice de l’activité
professionnelle correspondent aux biens affectés par nature à l’activité et qui lui sont
consacrés en totalité. On cite à cet égard le fonds de commerce, les outils de l’artisan,
mais aussi le droit de présentation de la clientèle des professions libérales, les offices
ministériels, les outillages, installations et biens d’équipement servant spécifiquement à
l’exercice de l’activité… 17. Ce devrait être le cas de l'immeuble consacré en totalité à
l'activité : l'hôtel, le garage, l'atelier…(18)
16
Rapport AN n° 2298, p. 28, 37 s, 41 ; rapport Sénat, n° 362, p. 40.
17
BRDA 11/10, « Entreprise individuelle à responsabilité limitée », § 8.
18
Il faut préciser que, de façon générale, le droit fiscal considère que l’inscription des immeubles
au registre des immobilisations constitue une simple faculté et non une obligation.
7
Il faut ajouter que ces critères doivent également s’appliquer aux dettes, l’article
L.526-6 visant dans le patrimoine affecté les « obligations et sûretés dont l’entrepreneur
individuel est titulaire ». Il s’agira, par exemple, de dettes contractées par l’entrepreneur
pour l’acquisition de biens faisant ensuite l’objet d’une affectation. En ce cas, l’affectation
de la dette est-elle obligatoire ou facultative ? Il en va de la consistance du gage des
créanciers : patrimoine privé ou patrimoine professionnel 19. Fort opportunément, les
travaux préparatoires clarifient la difficulté en retenant le même critère que pour
l’affectation de l’actif : « Lorsque la dette est attachée à un bien nécessaire, elle doit être
affectée, tandis que lorsqu’elle est attachée à un bien utilisé, on peut considérer que
l’entrepreneur est libre de l’affecter ou non » 20.
La loi vise en premier lieu la constitution du patrimoine affecté mais celui-ci est-il
intangible ou peut-il évoluer en fonction des besoins de l’entreprise ? La loi vise
expressément cette possibilité : lorsque l’affectation d’un élément d’actif, autre que des
liquidités, est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt
d’une déclaration complémentaire au registre approprié 21. Par ailleurs, la loi vise
également cette affectation complémentaire pour les immeubles 22 et les biens communs et
indivis 23. Faut-il en déduire que les nouvelles affectations sont limitées aux biens visés par
ces dispositions ? En réalité, celles-ci ne concernent que l’observation de formes requises
pour l’affectation de certains biens mais ne sauraient impliquer l’interdiction d’affecter
d’autres biens, par exemple, de la trésorerie nécessaire à l’évolution du fonds de roulement
ou à la réalisation d’un investissement. L’actualisation du patrimoine affecté s’opère alors
par les comptes de l’entrepreneur faisant l’objet d’un dépôt et donc d’une publicité 24.
19
V. infra sur le droit d’opposition des créanciers.
20
Rapport Sénat, n° 362, p. 23.
21
Art. L.526-12.
22
Art. L.526-9.
23
Art. L.526-11.
24
V. infra.
8
qu’il verse dans son patrimoine non affecté ». Pour le transfert d’autres biens du patrimoine
affecté au patrimoine non affecté, la loi reste muette sur la question. Le doute est permis
pour les biens « nécessaires à l’exercice de l’activité » mais pour ceux simplement
« utilisés », par exemple le véhicule, rien ne permet de l’interdire, les comptes constatant
cette perte d’élément d’actif 25.
Il ne faut pas, en effet, perdre de vue que l’affectation n’emporte aucun transfert de
propriété ; l’entrepreneur reste propriétaire des biens affectés et sous réserve de la sanction
de l’article 526-11 qui pourrait être applicable au retrait des biens nécessaires à
l’exploitation, il conserve les attributs du propriétaire visés à l’article 544 du Code civil, et
donc celui de disposer du bien.
Enfin, il faut ajouter que le patrimoine affecté fait l’objet d’une étiquette. La loi
dispose en effet que « pour l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine
est affecté, l’entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom,
précédée et suivie immédiatement des mots : « Entreprise Individuelle à Responsabilité
Limitée » ou des initiales « EIRL » 26.
2 - La déclaration d’affectation
25
Sous réserve des conséquences fiscales.
26
Art. L.526-6
27
Art. L.526-6.
9
Comme on va l’observer, la déclaration doit comporter plusieurs mentions, voire, le
cas échéant, certains documents. L’ensemble est soumis au contrôle du dépositaire qui, en
cas de non-conformité, doit refuser le dépôt. Par ailleurs, il faut souligner que certaines
exigences sont requises à peine d’inopposabilité 29
a – Le dépositaire
soit au registre de publicité légale choisi par l’entrepreneur individuel, en cas de double
immatriculation 31 ; dans ce cas, mention en est portée à l’autre registre ;
soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s’immatriculer à un registre de
publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal
statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal 32
28
Art. L.526-10.
29
V. infra.
30
Art. L.526-7 C. com.
31
C’est le cas de certains artisans qui effectuent, de façon significative, des actes de commerce :
ils doivent s’immatriculer à la fois à la Chambre des Métiers et au R.C.S.
32
Il faut préciser que le projet du nouvel article L.324-13 du Code rural dispose que « la
constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d’une déclaration effectuée au registre de
l’agriculture prévu à l’article L.311-2 du présent Code ou, à défaut, au registre prévu au 3°) de
l’article L.526-7 du Code de commerce.
10
b – Le contenu de la déclaration
le cas échéant, les documents justifiant de l’accomplissement des formalités visées aux
articles L.526-9 à L.526-11 : affectation d’un bien immobilier ou d’une partie d’un bien
immobilier, affectation d’un bien d’une valeur supérieure à un montant fixé par décret,
affectation d’un bien commun ou indivis nécessitant information et autorisation du conjoint
ou du co-indivisaire 36.
L’affectation d’un bien immobilier ou d’une partie d’un bien immobilier nécessite
l’intervention du notaire 37. L’article L.526-9 dispose ainsi que « l’affectation d’un bien
immobilier ou d’une partie d’un tel bien est reçue par acte notarié et publié au bureau des
hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au
livre foncier de la situation du bien ». Il est prévu – l’hypothèse sera fréquente – que si
l’entrepreneur n’affecte qu’une partie d’un ou de plusieurs biens immobiliers, il désigne
celle-ci dans un état descriptif de division38.
33
Ibid.
34
Art. L.526-8.
35
La modification de l’objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la
déclaration prévue à l’article L.527-7.
36
Art. L.526-11 et v. supra.
37
L’établissement de l’acte notarié et l’accomplissement des formalités de publicité donnent lieu
au versement d’émoluments fixés dans le cadre d’un plafond déterminé par décret (Art. L.526-
11, al. 2).
38
Rapprocher le régime d’insaisissabilité des immeubles ; v. Art. L.526-1 à L.526-5 C. com.
11
Le non respect de ces règles entraîne l’inopposabilité de l’affectation39.
La déclaration d’affectation est essentielle pour les créanciers (tout comme le dépôt
des comptes annuels 40) car elle les informe de la consistance de leur gage. Il s’ensuit que
les évaluations mentionnées doivent présenter des garanties de sincérité, de fiabilité.
Empruntant la voie consacrée en droit des sociétés et précisément en matière de SARL 41,
l’article L.526-10 énonce que « tout élément d’actif du patrimoine affecté, autre que des
liquidités, d’une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret, fait l’objet d’une
évaluation au vu d’un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un
commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion ou de
comptabilité ou un notaire désigné par l’entrepreneur individuel. L’évaluation par un
notaire ne peut concerner qu’un bien immobilier ».
39
V. infra.
40
V. infra.
41
V. art. L.223-9 C. com.
42
V. art. L.223-9 C. com.
43
V. art. L.521-8 C. com.
12
des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence
entre la valeur réelle du bien au moment de l’affectation et la valeur déclarée.
44
Rapport AN, n° 2298, p. 44.
45
V. BRDA 11/10 préc., § 18 s.
13
C – L’EFFICACITE DE L’AFFECTATION PATRIMONIALE
1°) Les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable et dont les
droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le
patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ».
« 2°) Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général
le patrimoine non affecté.
…..
Le dispositif paraît clair : les créanciers professionnels auront pour seul gage le
patrimoine affecté, les créanciers privés, le patrimoine non affecté.
Il importe néanmoins de relever que la séparation des gages est liée à l’opposabilité
de la déclaration d’affectation dont les modalités sont fixées par l’article L.526-2 qui
distingue deux situations.
La première vise les créanciers dont les droits sont nés postérieurement au dépôt :
dans ce cas, la déclaration d’affectation est opposable de plein droit à ceux-ci.
En revanche, la solution est différente à l’égard des créanciers dont les droits sont
nés antérieurement au dépôt. Il s’agit ici d’une opposabilité sous conditions.
L’entrepreneur devra, en effet :
et en informer les créanciers dans les conditions fixées par voie réglementaire.
14
Cette opposabilité aux créanciers, dont les droits sont nés antérieurement au dépôt
est de nature à leur causer préjudice. Au moment de la naissance de leur créance, ils
disposent d’un droit de gage général sur l’ensemble du patrimoine du débiteur. La
déclaration d’affectation réduit le gage, selon la nature de leur créance, au patrimoine
affecté ou non affecté. Il peut s’ensuivre une atteinte réelle au droit de propriété. C’est ce
risque qui a motivé la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2010 jugeant conforme
à la constitution l’article L.526-12 du Code de commerce, sous la réserve suivante : « S’il
était loisible au législateur de rendre la déclaration d’affectation opposable aux créanciers
dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt, c’est à la condition que ces derniers
soient personnellement informés de la déclaration d’affectation et de leur droit de former
opposition ; que sous cette réserve, le deuxième alinéa de l’article L.526-12 du Code de
commerce ne porte pas atteinte aux conditions de l’exercice du droit de propriété des
créanciers garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du
Citoyen de 1789 ».
Le dispositif légal paraît, à première analyse, atteindre son objectif : mettre hors
d’atteinte le patrimoine privé des risques inhérents à l’entreprise. En réalité, cette protection
s’avère relative.
15
2 – Les limites à la protection
Le second manquement grave vise les obligations édictées par l’article L.526-13 qui
impose la tenue d’une comptabilité autonome, selon les règles du Code de commerce et
l’ouverture d’un compte exclusivement dédié à l’activité professionnelle46. Ces règles sont
essentielles pour l’évaluation actualisée, chaque année, du patrimoine affecté, gage des
46
V. infra.
16
créanciers professionnels 47. A défaut, là encore, leur droit de poursuite pourra s’exercer
également sur le patrimoine non affecté. Néanmoins, il faut relever que l’obligation de
dépôt et donc de publicité des comptes n’est pas, en cas d’inobservation, frappée de la
même sanction. Le législateur a préféré appliquer la même sanction que celle existant à
l’égard des sociétés contrevenant à la même règle : l’injonction du juge sous astreinte de
déposer les comptes48.
47
V. art. L.526-14.
48
V. art. L.526-14, dernier al.
49
Mais, dans ce cas, conformément au régime de l’action paulienne, l’action ne devrait bénéficier
qu’au créancier ayant agi sur le fondement de l’article 1167 C. civ.
50
Art. L.526-9
51
Art. L.122-4 et s. C. com.
52
Il faut noter que la majorité des entrepreneurs individuels n’ont pas conclu de contrat de
mariage et sont donc soumis au régime légal.
17
d’application du régime de communauté, préservés par l’affectation patrimoniale seront
saisis.
Une dernière question surgit. ON sait que l'article 16 de la loi du 31 décembre 1990
sur les sociétés d'exercice libéral dispose que "chaque associé répond sur l'ensemble de son
patrimoine des actes professionnels qu'il accomplit. La société est solidairement
responsable avec lui". Qu'en est-il en matière d'EIRL ? A défaut de précision exprès sur ce
point, ne devrait-on considérer que seul le patrimoine affecté répond des actions en
responsabilité civiles engagée à l'encontre du professionnel libéral ?
La loi prive l’entrepreneur ayant adopté le statut d’EIRL de tout effet d’aubaine avec
le fisc ou les organismes sociaux. A dire vrai, l’inspiration du législateur s’est fondée sur le
régime applicable aux dirigeants de sociétés. Il est, en effet, singulier de relever la
transposition du mécanisme de l’article 267 du titre des procédures fiscales à l’entrepreneur
individuel. Ce texte autorise le président du tribunal de grande instance, à la requête de
l’administration fiscale, de déclarer le dirigeant solidairement responsable du paiement des
impositions et pénalités dues par la société, en cas de fraude ou de l’inobservation grave
et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des
impositions.
L’hypothèse légale retenue dans le nouvel article 273-B du Code général des
impôts 53 est la même, toutefois l’effet juridique est différent, le recouvrement des sommes
étant recherché sur le patrimoine non affecté. De façon symétrique et en présence
d’agissements de même nature, « les dettes fiscales privées » peuvent faire l’objet de
poursuites sur le patrimoine affecté54. Une disposition de même facture autorise également
à procéder au recouvrement des cotisations et contributions sociales sur la totalité du
patrimoine de l’entrepreneur55.
53
Art. 6 de la loi.
54
Art. 273-P CGI ; Art. 273-B.
55
CSS, art. L.133-4-5.
18
Rappelons également que, par le jeu de l’inopposabilité, les créanciers dont les droits
sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration d’affectation, à défaut de remboursement
des créances ou de constitution de garanties ordonnées par le juge dans le cadre de la
procédure d’opposition, conservent le droit de recouvrer leur créance sur la totalité du
patrimoine.
Rappelons que l’article L.526-12 énonce que : « par dérogation aux articles 2284 et
2285 du Code civil : 1°) Les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est
opposable… ont pour seul gage général le patrimoine affecté ». L’expression autorise-t-
elle à admettre des sûretés spéciales sur le patrimoine non affecté ?
Le projet de loi avait fait débat surs ce point mais les travaux parlementaires ont levé
l’incertitude. La distinction des patrimoines affectés et non affectés « n’empêche
aucunement un créancier professionnel, au premier chef un prêteur, d’exiger une sûreté
réelle sur un bien personnel de l’entrepreneur ou une sûreté personnelle telle qu’une
caution du conjoint. Si l’entrepreneur y souscrit, son patrimoine personnel ou celui de son
conjoint « se trouve à nouveau pleinement exposé aux aléas de l’activité professionnelle de
l’entrepreneur individuel »56.
56
Rapport Sénat, n° 362, p. 49.
19
Au reste, comme il l’a déjà été indiqué, pour substituer à des garanties personnelles
un système de caution mutuelle, le gouvernement a annoncé la création d’un produit
financier approprié géré par OSEO et qui garantira à hauteur de 70 % maximum le prêt
consenti par la banque.
57
Art. L.626-11.
20
affecté, sur le bénéfice réalisé par l’entrepreneur lors du dernier exercice clos. Cette
disposition postule que ce bénéfice demeure dans le patrimoine affecté.
Restent les décisions que peut prendre l’entrepreneur qui ont pour effet de
décloisonner l’assiette du droit de poursuite des créanciers. Il en va ainsi de la fixation de
sa rémunération et/ou de la « distribution » de son bénéfice. Selon l’article L.526-18,
l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée détermine les revenus qu’il verse dans son
patrimoine non affecté. A quel moment ? Sous quelle forme ? Existe-t-il un plafond à ces
revenus ? Pour l’heure, on peut craindre l’exercice d’une grande liberté pour l’entrepreneur
qui peut ainsi transférer, à tout moment, des liquidités du patrimoine affecté au patrimoine
non affecté, avec les conséquences qu’on imagine sur l’assiette du droit de poursuite des
créanciers respectifs. Reste que si un plancher de trésorerie est nécessaire à l’exploitation,
au sens de l’article L.526-6, le transfert de cette trésorerie sous forme de revenus mettant en
difficulté l’entreprise n’est-il pas exposé à la rigoureuse sanction de l’article L.526-12 qui
peut neutraliser le cloisonnement du patrimoine ? 58
58
V. supra.
59
V. art. L.526-14.
60
Sous réserve du respect du droit fiscal puisqu’on serait en présence d’un retrait d’actif
immobilisé.
21
II – LA VIE DE L'EIRL
Ces obligations concernent le respect d'une comptabilité autonome qui peut être
simplifiée, et d'une publication des comptes annuels.
22
1 – Une comptabilité autonome
- La comptabilité doit être autonome, elle doit retracer les seules opérations comptables
concernant l'activité de l'EIRL. Cette autonomie est un appel à l'absence de confusion avec
le patrimoine privé.
- la comptabilité doit être une comptabilité commerciale, quelque soit la nature de l'activité.
En conséquence, un professionnel libéral devra tenir une comptabilité commerciale pour les
besoins de l'affectation, et une comptabilité BNC pour la détermination de son résultat
fiscal.
Il y a lieu de distinguer les entreprises relevant du réel simplifié et celle relevant du régime
micro :
- les entreprises relevant du régime du réel simplifié62 bénéficient d'un allégement de leurs
obligations comptables63. A ce titre elles peuvent enregistrer les créances et le dettes à la
clôture du bilan, elles sont dispensées de la formalité d'annexe et procèdent à une
évaluation simplifiée des stocks.
61
C.Com L 526-13
62
Pour les ventes de marchandises ou fourniture de logements le chiffre d'affaire doit être compris entre 80 300 euros
et 766.000 euros et pour les autres activités (prestations de service) il doit être compris entre 32.100 euros et 231.000
euros
63
C.com. L526-14 al.2
23
- Pour les entreprises relevant du régime de la micro-imposition64 (micro BIC ou micro
BNC) et du forfait agricole, des règles comptables simplifiées seront fixées par décret65. La
difficulté pour les auto-entrepreneurs sera certainement celle de se soumettre à un
formalisme plus important donnant une image fidèle du patrimoine affecté. Il faut en effet
rappeler que leur bénéfice est déterminé après un abattement66 sur le Chiffre d'affaire sauf
option pour le prélèvement libératoire de l'impôt et des charges sociales. Cette
détermination du résultat ne concourt pas à donner cette image.
Ce dépôt sera particulièrement important pour les créanciers. En effet, ce dépôt vaut
actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté. Les comptes ainsi
déposés seront le curseur permettant de suivre la solvabilité de leur débiteur.
64
Pour les ventes de marchandises ou fourniture de logements le chiffre d'affaire ne doit pas dépasser 80 300 euros et
pour les autres activités (prestations de service) il ne doit pas dépasser 32.100 euros
65
Les obligations comptables sont réduites actuellement à la tenue, au jour le jour, d’un livre mentionnant
chronologiquement le montant et l’origine des recettes, avec distinction des règlements en espèces des autres formes de
règlements. Les références des pièces justificatives (factures, notes…) y sont également notées. Par ailleurs, les
commerçants doivent tenir un registre récapitulé par année, présentant le détail des achats et précisant le mode de
règlement et les références ses pièces justificatives (factures, notes…).
Les factures et pièces justificatives relatives aux achats, ventes et prestations de services réalisées doivent être
conservées.
66
Abattement de 71 % du CA pour les activités d'achat/revente, et les activités de fourniture de logement, et de 50 %
du CA pour les autres activités relevant des BIC, 34 % du CA pour les BNC
67
C.com L 526-14
24
Cette publicité obligatoire est nécessaire dans un système conçu comme une
déclaration de saisissabilité. Reste à savoir si cette publicité ne détournera pas les
entrepreneurs de l'EIRL !
Il convient de rappeler que cette publicité des comptes est indépendante des
obligations spécifiques concernant les modifications intervenues dans l'activité de
l'entrepreneur. Il s'agit :
- de l'affectation d'un bien d'une valeur supérieur à un montant fixé par décret71.
Dans ces différentes hypothèses le dépôt des comptes ne suffira pas à l'affectation s'ils ne
sont pas précédés des publicités spécifiques.
1 – Le régime fiscal
68
C.com L526-8 al.3
69
C.com. L 526-9 al.3
70
C.com. L 526-11 al.2
71
C.com.L 526-10 al.2
72
R. Libchaber "Eclairage. Feu la théorie du patrimoine" Bulletin Joly Sociétés 1er Avril 2010 n°4 p.316
25
- dans la catégorie des BIC le caractère professionnel d'un bien est lié à son inscription au
bilan ou au tableau des immobilisations. Cette inscription relève de la libre affectation
décidée par l'entrepreneur. Ainsi un immeuble pourra au gré de l'entrepreneur être inscrit à
l'actif de l'entreprise ou ne pas l'être.
- dans la catégorie des BNC il n'en va pas de même. Les biens professionnels par nature
sont obligatoirement inscrits, les biens utilisés peuvent l'être, et ceux non utilisés ne
peuvent être inscrits. Ainsi le droit de présentation d'une clientèle, les parts ou actions d'une
clinique sont des biens professionnels par nature devant être obligatoirement inscrits à
l'actif. Les immeubles utilisés pour les besoins de la profession, même à usage
exclusivement professionnel, sont considérés comme des biens professionnels par
affectation. Par suite ils peuvent au libre choix du contribuable être porté ou non sur le
registre des immobilisations.
Le choix de l'EIRL devrait avoir peu de conséquences sur les titulaires de BNC car
la définition du patrimoine affecté est très proche de celle retenue au plan fiscal. Par contre
pour les titulaires de BIC, l'exploitant devra sortir les biens à usage privé du patrimoine
professionnel. Cette sortie entrainera une taxation des plus values sauf application de la
mesure d'exonération prévue à l'article 151 septiès du CGI. Pour les titulaires de BA la
maison d'habitation ne faisant pas partie de l'exploitation et ne présentant pas le caractère
de maison de maître peut être inscrite à l'actif du bilan. Lors de l'option pour le statut de
l'EIRL, cette maison devra être transférée du patrimoine professionnel vers le patrimoine
privé moyennant une éventuelle taxation des plus values.
26
comme "nécessaire" à l'activité. On pense évidement à l'hôtel, à tout immeuble spécifique
à l'activité qui n'aurait pas un caractère banalisable. Cette question va susciter de lourdes
interrogations tant sur le plan civil que fiscal car les difficultés de qualifications ne vont pas
manquer de se poser.
L'entrepreneur individuel est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu dans les
conditions de droit commun sur la totalité des bénéfices selon les règles applicables aux
entreprises individuelles classiques, dans la catégorie des BIC, BNC ou BA selon l'activité
exercée. En cas de pluriactivité au sein d'une même EIRL, la règle des revenus accessoires
s'appliquera. Ainsi dans une activité BIC, les bénéfices tirés d'une activité non commerciale
accessoire seront imposés au titre des BIC. Ce n'est qu'à partir du 1er janvier 2013 que les
revenus accessoires seront imposés dans leur propre catégorie si l'entrepreneur décide de
constituer une EIRL dédiée à cette activité.
C'est ici que se trouve la nouvelle donne fiscale. L'EIRL pourra opter pour son
assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Toutefois il convient de signaler que l' EIRL
relevant d'un régime de micro-imposition ou du forfait agricole devra préalablement opter
73
Loi n°2010-874 du 27 juillet 2010 article 40 et C.com art. L 526-6
27
pour un régime réel d'imposition avant d'opter à l'impôt sur les sociétés car ces dernières
relèvent obligatoirement de l'impôt sur les revenus.
- Les bénéfices réinvestis dans l'entreprise ne seront pas imposés entre les mains de
l'entrepreneur. Cette disposition est de nature à renforcer les capitaux propres de l'entreprise
en vue de financer son développement.
- Enfin des bénéfices pourront être distribués et imposés selon le régime de droit
commun des dividendes.
L'option à l'IS peut se faire ab initio ou au cours de la vie de l'EIRL. Dans ce dernier
cas il sera attaché les conséquences classiques d'une telle option : les bénéfices en sursis
d'imposition et les plus-values latentes incluses dans l'actif social ne feront pas l'objet d'une
imposition immédiate à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux
écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices et plus-values demeure possible
sous le nouveau régime fiscal applicable.
Cette option à l'IS devra être murement réfléchie car comme vous le savez elle est
irrévocable74.
74
CGI 239
28
Si la possibilité d'opter à l'IS constitue dans le droit de l'entreprise individuelle une
véritable révolution au plan fiscal, cette révolution a été contenue au plan social.
2 – Le régime social
- tous les bénéfices de l'exploitation seront assujettis dans les conditions fixées par les
articles L 131-6 et suivant du Code de la sécurité sociale,
En cas d'option pour l'impôt sur les sociétés, la loi a mis en place un dispositif
inspiré de celui en vigueur pour les sociétés d'exercice libéral.
Sur le principe les cotisations et contributions sociales sont dues sur la rémunération
que l'entrepreneur individuel se verse. Afin de déjouer les stratégies d'arbitrage entre le
versement d'une rémunération et le versement d'un dividende, la loi a prévu un dispositif
anti-abus76.
Ce dispositif fixe un double seuil alternatif au-delà duquel, les dividendes sont
intégrés au revenu professionnel de l'entrepreneur et soumis comme tel aux prélèvements
sociaux. Les seuils retenus sont respectivement de :
75
CSS, art. L. 133-6-8 soit 12 % du CA sur les ventes et fournitures de logement, 21,3% sur les prestations de service
; 18,13 pour les professions libérales.
76
CSS art L. 131-6-3
77
Rapport fait à l'Assemblée Nationale par Mme Laure De La Raudière p.59
29
Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application de ce dispositif.
Exemple :
Distribution : 30.000 €
Nous envisagerons ces mutations sous trois angles : la transmission à titre onéreux
ou gratuit, le décès, et la liquidation.
30
1 – La transmission
Quelles sont les modalités, le formalisme et les effets de la transmission d'une EIRL ?
Enfin il faut rajouter que jusqu'au 1er janvier 2013, une EIRL préexistante en activité
se portant acquéreur d'un patrimoine affecté ne pourra procéder au maintien de l'affectation
car avant cette date une EIRL ne saurait avoir plusieurs patrimoines affectés79.
Au plan pratique, la cession requière le respect des règles de droit commun habituel
et notamment le consentement du conjoint commun en bien et des indivisaires. Rien dans le
texte ne permet de prétendre le contraire. la cession ainsi opérée sera une véritable cession
d'actif net. On imagine déjà qu'il aura lieu de mettre en place des garanties d'actifs et de
passif certifiant la composition du patrimoine affecté.
78
C.com. L 526-17
79
Etienne Dubuisson, "EIRL et particularités de transmission" Lamy Droit des affaires juin 2010 P.64 et s.
31
approche est d'ailleurs patente puisque le texte de la loi prévoit que les articles L 141-1 à L
141-22 du Code de commerce ne sont pas applicables.
80
Isabelle Dauriac et Clothilde Grare-Didier "Projet d'EIRL : l'enjeu pour la famille Defresnois 2010 n°39096
32
b) Le formalisme de la cession
- Elle doit être déposée par le cédant au lieu du dépôt de la déclaration initiale.
- Elle doit être accompagnée d'un état descriptif des biens, droits, obligations et
suretés composant le patrimoine affecté transmis.
- Elle donne lieu à une publicité dont les modalités seront définies par décret.
Il faut envisager les effets dans les rapports entre les parties, à l'égard des créanciers
et d'un débiteur cédé.
- la rejeter
Autant dire que la cession d'une EIRL sera marquée par une complexité peu
compatible avec la rapidité souhaitée par les entrepreneurs. Les risques doivent donc être
parfaitement mesurés, car ils exposent les parties à la cessation de paiement. On attendra
avec curiosité la façon dont sera résolue la difficile équation du dépôt de bilan face à une
cession valable entre les parties mais inopposable au créanciers dont l'opposition a été
admise…
34
Les créanciers privés ne peuvent former opposition. La seule voie qui leur sera
ouverte sera celle du droit commun. Il leurs appartiendra de saisir le juge pour les doter
d'un titre exécutoire afin de percevoir le prix si le transfert est une vente. La loi réserve
toutefois une faculté d'opposition aux créanciers auxquels la déclaration d'affectation n'a
pas été jugée opposable lorsque le patrimoine affecté fait l'objet d'une donation81.
- à l'égard d'un débiteur cédé : Le patrimoine affecté peut comprendre des droits,
tels que des créances. Dans le silence du texte et à défaut de texte spécial il conviendra
d'appliquer le droit commun de l'article 1690 du Code civil.
2 – le décès de l'entrepreneur
- l'exception : l'affectation ne cesse pas si l'un des héritiers ou des ayants droits
manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était
affecté.
Bien que le texte ne le précise pas on peut penser que la vente de certains biens du
patrimoine affecté doit servir aux seuls besoins de ce patrimoine.
81
C.com. L526-17 al. 7
82
C.com. L526-15
35
L'héritier indivisaire devra attendre la signature du partage pour exploiter
l'entreprise en son nom sauf à obtenir un mandat amiable ou judiciaire. Ce partage pourra
intervenir après avoir obtenu l'attribution préférentielle facultative83. Le légataire du
patrimoine affecté pourra, quant à lui, poursuivre l'activité plus rapidement selon sa
qualité84.
En présence d'un patrimoine affecté, il y aura donc deux liquidations : L'une pour le
patrimoine affecté, et l'autre pour le patrimoine non affecté. Si le résultat du patrimoine
affecté est positif, il sera versé dans le patrimoine privé. Au contraire s'il est négatif, ce
résultat doit logiquement conduire à une procédure collective. La question sous jacente à
cette logique de la transmission de deux patrimoines est celle de l'option. Peut-on imaginer
une option déférente pour chacun des patrimoines ? Acceptation pure et simple pour l'un et
acceptation à concurrence de l'actif net pour l'autre ?
c) Les formalités
Tout d'abord le décès doit être porté au registre de publicité légale dont dépendait
l'entrepreneur individuel à responsabilité limité. En pratique le notaire chargé de la
succession se fera mandater à cet effet.
Enfin une fois la reprise faite, une déclaration de reprise doit être effectuée au lieu
du dépôt de la déclaration d'affectation initiale.
Le délai de trois mois imposé par le texte pose une difficulté au regard de l'article
771 du Code civil. Aux termes de cet article, les héritiers disposent d'un délai de 4 mois
pour choisir l'une des options successorales. La manifestation de l'intention doit-elle être
considérée comme une acceptation pure et simple ? Rien ne permet de le penser, au
contraire. En effet, manifester son intention de faire, ce n'est pas faire. A ce stade il n'existe
83
C.civ. 831
84
Encore faudra t'il qu'il soit en possession de son legs ; ait obtenu la délivrance de celui-ci ou avoir été envoyé en
possession, selon sa qualité ou la nature du legs
36
donc aucun acte positif d'acceptation. Bien entendu entre la manifestation de l'intention
et sa réalisation, un certain temps peut s'écouler durant lequel l'entreprise doit être gérée.
Heureusement la réforme du 23 juin 2006 vient utilement sécuriser cette période délicate.
En effet aux termes de l'article 784 du Code civil, les opérations courantes nécessaires à la
continuité immédiate de l’activité de l’entreprise n’emportent pas acceptation de la
succession.
3 – La liquidation
La liquidation est l'opération qui consiste à recenser les actifs et les dettes, puis à
céder les actifs nécessaires au paiement des dettes. Cette liquidation entraine la déchéance
du terme des dettes. Quels sont les hypothèses donnant lieu à liquidation et quels sont ses
effets ?
- Le décès sans reprise de l'activité par l'un des héritiers ou ayant droit85.
- La cessation d'activité sans reprise. Cette cessation peut être volontaire ou forcée.
Dans ces trois hypothèses, les créanciers conservent pour seul gage général celui qui
était le leur au moment de la renonciation ou du décès. Du fait de l'arrêt de l'activité il
convient d'arrêter les comptes, de payer les dettes grâce la réalisation des actifs. C'est ici
que tout se complique :
- Les biens indivis répondent ils en totalité des dettes professionnelles ou seulement la seule
quote-part propriété de l'entrepreneur ?
85
Toutefois sur le plan du droit des successions il y aura bien liquidation en vue du partage
86
Stéphane Piedelièvre "L'entreprise individuelle à responsabilité limitée" Defresnois 2010 art.39134 n°33
37
Une fois la liquidation intervenue, le boni de liquidation retourne au patrimoine non
affecté et devient le gage des créanciers non professionnels. Si au contraire il est constaté
un mali de liquidation ce constat devrait normalement conduire à une procédure collective.
Sur ce point il convient d'attendre les textes devant traiter de ce point.
Sur le plan fiscal il est nécessaire d'avoir une position claire sur les conséquences de
cette renonciation car l'entrepreneur se trouverait doublement sanctionné, une première
fois au plan civil, et une seconde fois au plan fiscal.
- La cession à une personne morale. Dans cette hypothèse le texte n'est pas clair
car il se contente d'énoncer l'absence de maintien de l'affectation sans conclure à la
nécessité d'une liquidation.
L'article 1655 sexiès du CGI prévoit que la liquidation de l'EIRL emporte les mêmes
conséquences fiscales que la cessation d'entreprise et l'annulation des droits sociaux d'une
EURL ou d'une EARL. La formulation est pour le moins curieuse. Pourquoi faire état de
l'annulation de titres sociaux pour une entreprise qui n'en comporte pas. Comment
s'effectuera la reprise des apports ? Autant de questions auxquels l'instruction fiscale devra
répondre.
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Au terme de cette étude peut-on conclure que le slogan "entreprendre sans risque est
atteint" ? Rien n'est moins sur. Le texte fait naître un dispositif étranger à nos concepts
classiques, à notre tradition juridique. Il risque aussi de conduire à une atomisation du
patrimoine rendant difficile la lecture de celui-ci par les créanciers. Des questions
insoupçonnées à ce jour vont se poser constituant autant de nids à contentieux. En prenant
le contrepied de la déclaration d'insaisissabilité qui subsiste, l'EIRL constitue une
déclaration de saisissabilité. A ce titre elle est nécessairement formaliste et chacun
s'accordera à constater que le respect du formalisme n'est pas l'apanage de l'entrepreneur
individuel ! Mais cette EIRL répond à un besoin social qui ne peut être ignoré. Reste
maintenant à mesurer son impact sur la vie économique et le crédit aux entrepreneurs.
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