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LIRE L’ŒUVRE
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LE TITRE
1. Dans son acception moderne, et pris absolument, le terme
« liaison » désigne une relation amoureuse entretenue hors de tout
contexte conjugal ; « avoir une liaison » relève donc du lexique de la
relation sentimentale. Ce sens est bien entendu valide dans le titre des
Liaisons dangereuses, que l’on peut comprendre comme program-
mateur d’un récit qui relate diverses relations amoureuses (le titre est
un pluriel) présentées comme dangereuses pour les héros. Cependant,
le sens de l’expression est plus riche au XVIIIe siècle parce que le terme
a une polysémie aux contours plus étendus. Dans les rapports entre les
personnes, la liaison définit, depuis le XIVe siècle, le lien par lequel on
s’engage moralement avec quelqu’un, on s’oblige mutuellement :
Montaigne l’utilise comme synonyme d’amitié. Fin XVII e siècle, on le
trouve sous la plume de Mme de Maintenon, au pluriel, au sens de
« relations, accointances » ; le Littré propose comme l’une des douze
définitions du terme celle « d’union d’amitié, d’intérêt ». Le mot ressort
à la fois du registre sentimental et du code social. Au XVIIIe siècle, des
liaisons dangereuses sont à entendre aussi comme des liens sociaux
déstabilisants, des « liaisons contractées imprudemment avec des
hommes ou des femmes dangereux » (Littré). Le titre de Laclos signifie
ainsi ce que l’on appellerait aujourd’hui de « mauvaises fréquen-
tations », qu’elles soient amoureuses, amicales, sociales ou morales.
En ce sens, le sous-titre développe bien l’un des aspects du titre, dont
on pense qu’initialement il fut Du Danger des Liaisons.
2. Le sous-titre du roman est « Lettres recueillies dans une société et
publiées pour l’instruction de quelques autres ». La citation de
Rousseau extraite de la Préface à la Nouvelle Héloïse et qui figure en
exergue du roman de Laclos est « J’ai vu les mœurs de mon temps et
j’ai publié ces lettres. » Ces deux éléments, par leur position à l’entrée
de l’œuvre, invitent le lecteur à orienter sa lecture et proposent des
pistes d’interprétation :
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l’auteur est donc celle du roman par lettres, dont chacune constitue
une unité narrative.
4. Différents conflits animent et structurent le roman de Laclos. Certains
sont le fait d’une tension entre un code social et une aspiration
sentimentale, comme celui qui se manifeste entre Cécile Volanges et sa
mère. D’autres se construisent sur l’expression de sentiments contra-
dictoires voire irréductibles, comme l’amour et l’orgueil par exemple.
D’autres encore s’édifient sur des intérêts opposés, comme on le voit
entre la marquise et Valmont. Laclos exploite la quasi-totalité des
possibles suggérés par son intrigue, en privilégiant cependant, comme
moteurs de l’action, les conflits tragiques, c’est-à-dire ceux qui
s’expriment chez (ou entre) les héros par un sentiment qui oscille entre
révolte, culpabilité et désespoir. Frappés à la fois du caractère
inéluctable de l’engrenage affectif et social dans lequel ils sont aspirés,
de la conscience de l’illusion de leur liberté et du silence d’un
quelconque recours divin, tous les personnages principaux du roman
sont à un moment ou un autre agent et/ou victime d’un conflit tragique,
et leurs lettres apparaissent bien souvent comme les tentatives de lutte
contre un destin qui leur échappe et qui empêche tout retour à une
situation antérieure. On peut retenir ici quelques éléments caractéris-
tiques de certaines configurations romanesques ressortant au conflit
tragique. La première, et la plus lisible, est celle qui s’élabore sur la
figure triangulaire : la relation Valmont-Tourvel est ainsi brisée par la
stratégie destructrice de la marquise qui insuffle au vicomte les mots
définitifs par lesquels non seulement la présidente n’obtient pas la
conversion du séducteur, mais de surcroît celui-ci lui refuse l’image
salvatrice d’elle-même, celle qui l’autorisait au nom de l’amour absolu,
à continuer de vivre. Juge et contempteur, il empêche que se construise
entre eux toute image de grandeur et condamne la jeune femme à une
folie dont l’expression rappelle le délire d’Oreste dans Andromaque. Le
conflit est ici tragique en ce que la demande de légitimation par le cœur,
que la présidente adresse au vicomte, est niée : l’autre ne donnera pas
sens à l’abandon consenti. Mais la Présidente est par ailleurs l’insti-
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LA STRUCTURE
6. La situation initiale se construit dans les lettres 1 à 6 dans lesquelles
Laclos établit les relations entre les personnages qui amorcent l’action.
On y apprend qu’une jeune fille, Cécile Volanges, fraîchement sortie du
couvent fait l’objet d’un projet de mariage avec M. de Gercourt qui se
trouve être l’amant de la marquise de Merteuil, amie de la famille
Volanges. De dépit, la marquise sollicite l’aide de son ancien amant et
toujours ami, le libertin Valmont, en lui demandant de séduire la promise
et de ruiner ainsi les espérances de Gercourt. Mais le vicomte a d’autres
projets : il entend prendre dans ses filets une proie plus consistante, la
vertueuse Mme de Tourvel. En quelques lettres, l’exposition est com-
plète : la situation (un cercle fermé, mi-familial, mi-amical : un huis
clos), les projets (un mariage, une vengeance, une aventure : trois entre-
prises de séduction contradictoires), les valeurs (l’innocence, la rouerie,
la vertu), les sentiments (l’espoir, l’inquiétude, la colère, l’orgueil).
La situation finale (lettres 168 à 175) nous informe qu’à la suite d’un
duel entre Valmont et Danceny, dans lequel la marquise de Merteuil a
une part de responsabilité, le vicomte est mort ainsi que la présidente,
le chevalier s’est retiré à la Commanderie de ***, Cécile de Volanges
s’est réfugiée dans un couvent et Mme de Merteuil, défigurée par la
petite vérole et ruinée, court les routes de l’exil. Le mariage projeté n’a
pas eu lieu, mais Cécile a été séduite, ainsi que la présidente : la vertu
et l’innocence ont donc été corrompues mais l’unité du cercle n’a pu
être préservée et a éclaté. À la fin du roman, la scène s’est vidée de ses
acteurs principaux. Seuls restent présents ceux qui assurent la
cohérence du récit, la transmission de son sens, et la vraisemblance de
l’ensemble en justifiant la conservation de la correspondance. D’une
certaine façon, cette fin est celle d’une tragédie qui laisse la scène
déserte et expose les châtiments encourus. On ne peut que noter que
les seuls protagonistes encore en scène sont ceux qui incarnent l’ordre
social (Mme de Volanges) et l’ordre moral (Mme de Rosemonde), mais
il est aussi remarquable que la fuite de la marquise puisse s’entendre
comme une éventuelle aventure à venir.
7. Le roman développe cinq intrigues amoureuses principales
(auxquelles on peut ajouter les aventures de la marquise – avec
Belleroche ou Prévan – et les liaisons du vicomte, avec Émilie par
exemple) : l’intrigue Valmont-Merteuil (couple 1), l’intrigue Danceny-
Cécile Volanges (couple 2), l’intrigue Valmont-Cécile (couple 3), l’intrigue
Danceny-Merteuil (couple 4), l’intrigue Valmont-Tourvel (couple 5). La
première existe antérieurement au temps romanesque. La seconde se
noue très rapidement dès la lettre 7, alors que la dernière est projetée
dès la première lettre du vicomte (lettre 4). La troisième est engagée
également dès la première lettre de la marquise (lettre 2). La quatrième
se met en place plus tardivement (lettre 118) : elle est une étape dans
un parcours et ne remet pas en cause la relation Danceny-Cécile, mais
elle accélère la fin du roman (elle est l’agent du dénouement). Elle
permet également de compléter, dans une figure de miroir, le
renversement des couples amorcé par la séduction de Cécile par
Valmont. Le roman se construit d’emblée sur ce mouvement de ballet
qui permute les éléments du couple libertin (1) et du couple ingénu (2).
Mais les Liaisons dangereuses ne sont pas un roman d’amour, et le
renversement ne se justifie pas par les sentiments : personne, dans ce
quadrille, ne tombe amoureux, le jeu est sexuel mais aussi et surtout,
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LES PERSONNAGES
12. Prise dans son sens absolu, la candeur désigne l’innocence et la
pureté de l’âme, et relève de la vertu ; elle ne s’applique donc à aucun
des personnages du roman. Par un sens plus restreint ; elle évoque
l’absence de malignité et de méfiance, qui peut confiner péjorativement
à la crédulité : Cécile Volanges et Danceny relèvent alors de cette
catégorie.
La galanterie est au centre du roman, si on lui confère son sens
d’intrigue amoureuse, issu du sens classique « d’art de celui qui
cherche à conquérir les faveurs d’une femme » : Valmont, la marquise
de Merteuil, mais aussi au cours du récit Danceny et Cécile appar-
tiennent à cette catégorie. Il convient d’y ajouter les comparses en
libertinage évoqués par le texte, Prévan par exemple.
La vertu caractérise le souci de se conformer, par force d’âme, au devoir
moral, et implique notamment la fidélité conjugale. Elle est illustrée
différemment dans le texte : la vertu par conviction avec le personnage
de la Présidente, la vertu par sottise avec Mme de Volanges et la vertu
par sagesse avec Mme de Rosemonde.
La retraite est la catégorie qui désigne l’action de se mettre hors du
jeu social, et ici mondain et galant : on y trouve Mme de Rosemonde
mais aussi Mme de Tourvel lorsqu’elle fuit la tentation de Valmont ou
Danceny dans sa commanderie et Cécile dans son couvent.
13. Mme de Rosemonde est la tante de Valmont et la confidente de la
Présidente. Présentée par Baudelaire comme un charmant « pastel »,
cette vieille dame s’exprime dans un style aux tournures archaïsantes,
empreint d’emplois anciens ; ce langage qui rappelle celui des
précieuses fait d’elle un personnage du siècle passé.
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LES THÈMES
15. Différents thèmes traversent et nourrissent le roman : l’amour,
l’argent, l’écriture, la sincérité sont des notions interrogées
régulièrement par l’échange épistolaire. Pourtant, si l’on s’en réfère à
la conduite du récit et à son épilogue, il semble que Laclos ait voulu
essentiellement partager avec son lecteur un questionnement sur les
éléments de déséquilibre social liés à la corruption morale. Si le
libertinage et ses manœuvres sont abondamment décrits dans le texte,
c’est avant tout pour en démonter les mécanismes et montrer comment
ils s’inscrivent et se coulent avec habileté et discrétion dans les codes
sociaux ; chaque intrigue développe avec minutie la recherche de
transgression d’un interdit : violer une virginité, bafouer la fidélité
conjugale, passer outre la parole et la promesse, travestir les mots et
leur sens, perdre une réputation, blasphémer, trahir l’amitié et jouer
de la confiance. Comme le disent le titre du roman et la leçon finale,
la morale est ici surtout sociale, et entend par la peinture des
machinations imaginées montrer que la corruption des valeurs
collectives peut mener à la destruction individuelle.
16. L’idée de bonheur est l’une des plus souvent abordées et dévelop-
pées par les lettres : environ 75 mentions sur l’ensemble du roman. Il
est l’objet de toutes les aspirations, mais revêt des définitions
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L’ŒUVRE
DANS L’HISTOIRE
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texte développe l’idée du plaisir sur le registre polémique, mais par les
interrogations incessantes, l’enchaînement rationnel qui mime le
mouvement de la pensée, le débat intérieur qu’il soulève, le monologue
est essentiellement délibératif.
Aucune polémique explicite en revanche dans le développement de
l’idée chez Crébillon : la perspective plus triviale et plus directe donne
une définition du plaisir dénuée de toute considération d’affect ; sexuel,
l’objet de désir est objectivé : « avez eue », « les plaisirs », « on se
prend », « on s’est pris », « on se reprend ». La tirade de Clitandre
dénonce l’illusion d’une dimension morale ou affective dans l’attirance
amoureuse : « un désir qu’on se plaisait à exagérer, un mouvement des
sens », « le goût seul existe ». Comme dans le premier extrait, le plaisir
est ici donné à vivre avec sérénité et sans remords, composante
naturelle de l’être humain ; il se construit sur un refus de tout lyrisme,
dans une dimension prosaïque qui relève de l’écriture réaliste.
S’il présente la notion dans la même perspective que l’extrait de
Thérèse Philosophe, le texte 6 pose le plaisir comme explicitement
indissociable de la douleur infligée, laquelle parce qu’elle satisfait
l’égoïsme au détriment de l’altruisme, est dite naturelle. La récurrence
du terme « délecter » dans le texte associé alternativement au plaisir
et au déplaisir montre l’ambivalence de cette nature humaine. Encore
une fois, en plaçant la question sur le terrain de la morale à
reconsidérer dans ses fondements, l’auteur développe un propos
polémique, d’autant plus virulent ici que l’attaque contre la religion et
sa responsabilité dans la conduite humaine sont explicitement
formulées.
Ainsi le corpus propose-t-il deux perceptions de la notion de plaisir,
avec des registres variés ; d’une part, on note que certains textes
l’abordent sous l’angle de la sérénité, comme une composante du
bonheur de l’homme et comme une ambition légitime, à travers un
registre ou « réaliste » ou épique ; d’autre part, d’autres extraits
évoquent le trouble que son aspiration génère ; le plaisir est alors perçu
comme subversif et déstabilisant, source de conflit intérieur (registre
délibératif) ou de conflit exposé (registre polémique). Les intentions
des auteurs sont alors diverses : pour les uns, il s’agit de développer
une sorte de philosophie épicurienne, pour les autres de dénoncer
l’hypocrisie de la morale chrétienne qui ne reconnaît pas les ambitions
légitimes de la nature humaine.
3. La lucidité définit la faculté de l’homme à voir clairement ce qu’il faut
penser ou faire. Elle désigne par extension l’activité normale des facultés
mentales, en opposition au leurre (aveuglement) ou à la folie. Dans le
contexte des Lumières, l’attitude lucide participe de l’exercice de la
Raison qui permet d’identifier, caractériser, voire maîtriser les passions.
Le corpus convoque à des titres et degrés divers cette lucidité qui relève
aussi de la philosophie. Si elle a peu de place dans le texte de Vauquelin,
c’est que le mode de vie qui y est exposé ne relève pas de la remise en
cause et du questionnement ; la sérénité de l’atmosphère dépeinte dit la
pleine conscience du poète du regard lucide posé sur l’existence.
Les cinq autres extraits en revanche, par leur nature interrogative,
montrent que le (ou les) locuteur(s) est à la recherche d’une forme de
vérité. La lucidité de Don Juan est dans la vision qu’il propose de
l’homme : il pose comme postulat son goût du changement et la
valorisation opérée par la conquête et le nombre de ses élues. La morale
est absente d’un propos placé sous le signe de la nature (« la nature
nous oblige »). Les phrases assertives et les procédés de généralisation
montrent que le discours est érigé en principe et assumé avec
objectivité. L’idée de Nature, et les problèmes qu’elle soulève, prévaut
aussi dans les textes 4, 5 et 6 ; ici, la lucidité consiste à poser l’idée de
plaisir comme naturelle mais inconciliable avec la morale religieuse, qui
anéantit – voire nie – la nature humaine. Dans Thérèse philosophe, la
locutrice est lucide en ce qu’elle manifeste à la fois son dilemme, ce
qu’il a d’irréductible : « les deux passions dont j’étais combattue,
l’amour de Dieu et celui du plaisir de la chair », et le malaise, voire la
folie, qu’il installe en elle : « est-ce la nature ou le diable ? ». Avec
insistance, le monologue revient sur l’idée de la lumière à faire sur le
conflit : « vous éclairer », « apercevoir », « m’éclairait », « se
démontrer à soi-même », « faire connaître », « connaissance acquise
L’ŒUVRE
DANS UN GENRE
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est présentée par la marquise comme un art et une arme dont l’efficacité
dépend de l’habileté de l’épistolier. Valmont ne semble pas encore, au
moins aux yeux de la marquise, un maître en la matière.
Cécile Volanges est elle aussi encore loin du compte : dans le texte 8, la
marquise lui explique le bon usage et les bonnes manières de la
correspondance, et c’est le style qui devient une arme à utiliser à bon
escient : s’il retranscrit les sentiments, il est une faiblesse ; s’il exprime
ce que le destinataire veut entendre, il devient une force.
On comprend donc que pour Mme de Merteuil, la lettre efficace n’est
pas la lettre sincère – elle donne des armes à l’adversaire – mais celle
qui ment en ayant l’air de dire vrai. L’art de la manipulation par l’écrit
en somme. On constate enfin que la force du raisonnement de la
marquise vient de ce qu’elle envisage comme paramètre premier dans
la correspondance la figure du destinataire : la lettre est une arme
lorsqu’elle se donne un but argumentatif, qu’elle est centrée sur la
fonction impressive et non expressive.
3. Dans les textes 7 et 8, la marquise développe un raisonnement
structuré par les connecteurs logiques. Elle vise ainsi, pour ses deux
destinataires, à construire un exposé qui est une sorte de « cours sur
l’art épistolaire » ; aussi développe-t-elle un propos propre à enseigner,
largement nourri de phrases assertives et injonctives, ponctué de ses
interventions : le « je » assène ses certitudes, commente l’attitude
épistolaire de ses destinataires écrivant à d’autres : « je crains »,
« vous reproche », « vous défie », « m’étonne », « veux croire »,
« vous renvoie », et exprime son avis : « il me semble », « me paraît »,
« ce qui me paraît ». La subjectivité affichée est justifiée par la posture
adoptée par la marquise : elle parle en spécialiste et en professeur, ce
qu’elle va confirmer dans le troisième extrait (texte 9).
4. L’extrait de la lettre 141 s’élabore autour d’une énonciation
complexe ; la double énonciation qui est celle du roman épistolaire, se
démultiplie ici dans une double énonciation fictive qui construit la mise
en abyme : la marquise écrit à Valmont en insérant dans son courrier,
encadrée par un récit qui la met en scène, copie d’une lettre envoyée
LA LETTRE, OUTIL NARRATIF (textes 12, 13 et 14, pages 221, 222-223 et 246-247)
VERS L’ÉPREUVE
ARGUMENTER, COMMENTER,
RÉDIGER
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GROUPEMENT DE TEXTES :
JUGEMENTS CRITIQUES (page 438)
Texte 16 • Charles Baudelaire Sur les Liaisons dangereuses
(vers 1866) (page 438)
1. Le lexique dominant utilisé par Baudelaire est celui de la carac-
térisation, qui passe ici par la qualification subjective. L’abondance des
adjectifs qualificatifs, tantôt appréciatifs, tantôt dépréciatifs, en témoigne
et renvoie à l’intitulé des notes : « caractères ». Traditionnellement, le
terme caractère désigne en littérature la description morale d’un
comportement humain : derrière la singularité d’un personnage se
dessinent des traits caractéristiques qui construisent l’idée d’un « type »,
terme que l’on retrouve deux fois sous la plume de Baudelaire. On lit
dans les Principes de Littérature du jésuite Mestre, publiés en 1882 cette
définition : « Le caractère est un portrait général qui peint sous un nom
emprunté, dans un seul et même personnage, tous les individus atteints
des mêmes défauts ou doués des mêmes qualités. Dans ce sens, le mot
de caractère est plus usité au pluriel qu’au singulier. ». La qualification
construit ainsi l’éloge (pour Mme de Rosemonde, Mme de Merteuil, la
Présidente, et à certains égards Danceny) ou le blâme (pour Cécile et
Valmont). Le registre convoqué est donc celui de l’épidictique. On peut
noter aussi que l’éloge de Baudelaire s’adresse tantôt aux qualités du
personnage lui-même, tantôt à l’auteur et à ses qualités de construction
du caractère : « type parfait », « type simple, grandiose, attendrissant »,
« admirable création », « vieux pastel ».
2. Le commentaire de Baudelaire propose deux parenthèses : l’une
concerne la marquise, l’autre la présidente. Réflexions à part soi d’un
auteur sur le texte d’un autre, elles manifestent le regard aiguisé du
spécialiste sur les choix du romancier.
La première remarque approfondit l’analyse des relations entre les
personnages et met l’accent sur la rivalité entre la marquise et la
présidente : « jalouse », « supériorité » ; elle met en évidence l’idée
qu’à travers ces deux personnages Laclos peint deux caractères
VERS L’ÉPREUVE 45
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– Les rouages sociaux, les codes qu’ils utilisent à leur profit en les
détournant (voir par exemple le gain que Valmont tire auprès de la
présidente de sa mise en scène avec les pauvres, lettre 21.)
– Les méandres de l’âme humaine : ils savent ainsi manœuvrer par le
langage une « prude sensible, une innocente, une sotte, un naïf ».
– L’idéologie implique aussi l’idée de système, et l’on voit comment,
lorsque la règle du jeu n’est pas respectée, l’ensemble se met à
dysfonctionner.
3. Ce roman peut être lu comme celui de la préméditation à travers
quelques arguments dont on peut retenir :
– Le fait que l’intrigue initiale, celle qui motive le récit rapporté par le
roman repose sur une stratégie de manipulation.
– Le constat que chacun des actes assumés par le couple libertin est
pensé et ne laisse aucune place à la spontanéité.
– L’intention manifestée explicitement de faire le mal et de détruire les
équilibres avérés ou potentiels : mariage d’intérêt ou sentiment
partagé.
VERS L’ÉPREUVE 47
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VERS L’ÉPREUVE 49
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La progression argumentative
1. Du début du texte à « utilité », Laclos développe l’idée selon
laquelle on enseigne traditionnellement la conduite morale et sociale
à travers le modèle des personnages historiques. Or le lecteur – et a
fortiori le lecteur féminin – n’y reconnaît ni son quotidien, ni ses
interrogations. L’inefficacité de cette lecture est implicitement
exprimée. Au contraire, la lecture du roman est utile : la vie qui y est
peinte permet au lecteur de se retrouver dans les personnages et d’en
tirer des leçons profitables. Par l’effet de réel il est un modèle
d’identification crédible.
2. Le roman comme le théâtre sont donc utiles ou dangereux,
selon que leur lecture satisfait ou non à l’une des deux conditions
suivantes :
– « l’adresse du guide », c’est-à-dire la moralité et le projet
« éducatif » du romancier ;
– « le bon esprit de la personne qui lit », c’est-à-dire la nature honnête
et non dépravée ou perverse du lecteur.
L’un de ces points étant satisfait, il reste à exclure la littérature
complaisante aux mœurs légères pour elles-mêmes et non en vue de
leur dénonciation.
3. et 4. Dans cet extrait, Laclos utilise un raisonnement par déduc-
tion :
– Il propose d’abord une thèse, selon laquelle d’un point de vue
éducatif, la lecture de l’Histoire est insuffisante, celle du roman
nécessaire. Perspective générale (l. 1 à 10).
– Il spécifie ensuite son point de vue en le rapportant au cas particulier
d’une jeune personne. Spécification de sexe et d’âge (l. 10 à 12).
VERS L’ÉPREUVE 51
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Sujet 1
On pourra retenir comme consigne d’écriture les marques de la lettre,
notamment énonciatives, en prenant en compte le respect de la figure
du destinataire : l’auteur du roman. Il conviendrait également que la
production présente à un moment de son développement un
récapitulatif des éléments qui construisent la fin qu’il s’agit de
contester : situation finale des protagonistes, rôle de la dernière lettre
et des personnages qui en assument écriture et lecture.
Les éléments de contestation possibles pourraient être le choix d’une
fin tragique et le sens moral et social qu’elle implique, et les ouvertures
laissées par le texte qui propose une injustice : la fuite de Mme de
Merteuil, même défigurée et ruinée en regard de la mort de Mme de
Tourvel par exemple.
Exemple de pistes pour une autre fin :
– La vengeance de l’une des victimes, qui modifie l’enchaînement
inéluctable.
– L’intrusion d’un élément lié au hasard, qui remette en cause la
responsabilité des libertins.
– L’écriture d’une lettre coup de théâtre.
VERS L’ÉPREUVE 53
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Sujet 2
La rédaction du monologue passe par l’emploi de la première personne,
et la conformité à la délibération implique un propos qui s’interroge
sur la conduite à tenir, manifeste incertitude et hésitation, expose une
alternative avec les conséquences potentielles des choix.
Il est important que l’ensemble respecte la décision finale : le retrait au
couvent et que celui-ci soit logiquement préparé par le développement.
On pourra aussi valoriser les productions qui respectent les aspects
étudiés du personnage : le tempérament faible, spontané, émotif de
Cécile, et son expression par le style.
L’ensemble du monologue pourra s’appuyer sur les expériences vécues
qui motiveront le choix final : l’amour pour Danceny, sincère mais fra-
gile, la relation avec Valmont, la grossesse et la conscience de la
trahison, la manipulation de la marquise qui se présente sous le visage
de l’amie bonne conseillère, le rôle de la mère, bonne mais incom-
pétente.
Sujet 3
Les consignes d’écriture impliquent le passage du récit au dialogue ;
la production devra donc comporter la formulation de répliques et
insérer en didascalies des jeux de scène, et l’expression des sentiments
ou choix d’attitude.
De nombreuses « scènes » sont ainsi exploitables dans le roman, en
voici quelques exemples :
– Lettre 10 : la marquise et Belleroche (de « ce même jour » à la fin
de la lettre).
– Lettre 21 : la générosité intéressée de Valmont (à mettre
éventuellement en parallèle avec la scène du pauvre dans Dom Juan
de Molière).
– Lettre 85 : l’humiliation de Prévan.
– Lettre 125 : la victoire de Valmont sur la Présidente (de « il était six
heures du soir » à « m’en distraire »).
– Lettre 165 : la mort de Mme de Tourvel.
Sujet 4
Il s’agit ici de construire un texte à charge contre le roman : la
production devra donc utiliser le registre épidictique relevant du blâme.
Suggestion d’arguments à retenir :
– L’immoralité de conduite des personnages/plus largement de la
société peinte dans le roman.
– Le soupçon porté sur la sincérité de l’échange épistolaire.
– L’incitation à la débauche occasionnée par la peinture du vice (valeur
suggestive).
– L’image dévalorisante de la femme, de l’homme, de la notion de
couple (remise en cause de l’institution du mariage).
– Le recours au blasphème et la désacralisation.
Sujet 5
Texte 21 • Lettre 9, madame de Volanges à la présidente de Tourvel
(pages 28-30)
VERS L’ÉPREUVE 55
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Sujet 6
Texte 22 • Lettre 52, le vicomte de Valmont à la présidente de Tourvel
(pages 112-114)
VERS L’ÉPREUVE 57
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VERS L’ÉPREUVE 59
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VERS L’ÉPREUVE 61
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Sujet 9
Suggestion de plan
I. L’écriture épistolaire ou l’expression de l’authenticité
– Une situation énonciative privilégiée. (Centrée sur le « je », elle
suppose l’implication du destinateur dans un sentiment ou une
cause ; destinée au « vous », elle est à la recherche d’une clarté
d’exposé).
– L’absence du destinataire comme facteur favorable à l’expansion
lyrique.
– La prise en compte du passé, du présent et de l’avenir dans la
simultanéité.
II. L’écriture du soupçon
– L’écriture du différé.
– Le travail du style.
– Le poids de l’inconscient (même dans la spontanéité, les mots sont
choisis).
III. Entre explicite et implicite : le rôle du lecteur
– L’adaptation au destinataire.
– L’illusion de la fusion : lit-on ce qui nous est écrit ?
– La place du non-dit.
Sujet 10
Suggestion de plan
I. Un pacte de lecture particulier
– La double énonciation.
– L’absence de l’auteur.
– La complicité avec les personnages.
II. La manipulation du lecteur
– Les choix de l’auteur dans les procédés d’adhésion.
– L’illusoire liberté d’interprétation.
– Les fausses pistes.
VERS L’ÉPREUVE 63
Liaisons dangereuses•mep prof 15/10/02 10:11 Page 64
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