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Dans le célèbre arrêt Couvenhes (CE, 16 juillet 1915, Abbé

Couvenhes), l’incompétence en cause est dite ratione materiae, c’est à


dire qu’elle s’analyse en l’empiétement d’une autorité administrative
sur une autre. En l’espèce, l’organe qui avait statué n’avait pas
l’aptitude légale à prendre la décision compte tenu de l’objet de celle-
ci. Mais qu’en est il si l’incompétence ration materia présente un
aspect négatif, lorsqu’une autorité administrative ne s’estime pas, à
tort, compétente pour prendre la décision ?

Un chef d’entreprise souhaitait licencier deux ouvrières suite à des


faits de manque de respect et de provocation. Ces employées étant
des représentants syndicaux, leur licenciement nécessite une
autorisation administrative.
L’autorisation requise ayant été rejetée par l’inspecteur du travail, le
chef d’entreprise exerce un recours devant son supérieur hiérarchique,
le ministre du travail. Ce dernier refuse de prendre une décision, au
motif que l’examen du licenciement était du ressort des tribunaux.

Le requérant a donc déféré devant le Conseil d’Etat, demandant


l’annulation de la décision du ministre pour excès de pouvoir et la
reconsidération de celle de l’inspecteur du travail. Le Conseil d’Etat se
voit ainsi poser les questions de savoir si l’inspecteur du travail a
commis une erreur manifeste d’appréciation des éléments matériels à
sa disposition, et si le ministre disposait du pouvoir de réformer la
décision de l’inspecteur du travail.

S’agissant de la décision de l’inspecteur du travail, le Conseil d’Etat


décrète qu’il n’est pas de son ressort de juger l’opportunité de sa
décision. L’inspecteur n’a pas commis d’inexactitude matérielle en
rendant son refus de licenciement.
Mais en affirmant que le Ministre a agit de manière illégale, qu’il ne
peut pas refuser d’exercer son pouvoir hiérarchique, le Conseil d’Etat
affirme que le Ministre dispose d’un pouvoir distinct des tribunaux et
qualifie l’existence de ce contrôle hiérarchique de principe général de
droit.

Ainsi le problème de droit qui se pose ici est celui de la question de la


légalité du refus d'exercer le pouvoir hiérarchique.

Dans cet arrêt de principe, le Conseil d'État précise les fondements du


pouvoir disciplinaire tout en limitant sa portée. La difficulté semble de
concilier action administrative et garantie des libertés individuelles.
Nous verrons donc tout d’abord que cet arrêt précise les prérogatives
du supérieur hiérarchique qu’est le Ministre (I), mais assure aussi la
garantie de libertés individuelles (II).
I) Les prérogatives du Ministre du travail

Dans tout service administratif existe une organisation pyramidale


avec à sa tête un chef, le ministre s’agissant des administrations
d’état. Ce principe hiérarchique signifie que le ministre peut toujours
modifier et annuler les actes de ses subordonnés. En outre, le
supérieur hiérarchique en détient l'exercice de plein droit (A) et il
s'exerce sans cause déterminée (B).

A) Le principe hiérarchique, un pouvoir que le ministre


exerce de plein droit

Nous commencerons dans cette sous-partie en rappelant que le


pouvoir hiérarchique est inhérent à toute personne morale de droit
public, pas besoin de le prévoir. Il existe donc même sans texte, ce qui
nous conduira à distinguer le pouvoir hiérarchique de la tutelle. Ainsi le
ministre du travail peut exercer ce pouvoir hiérarchique de tutelle par
sa qualité même de ministre, lié notamment à sa responsabilité
politique devant le Parlement pour les actes de l’inspecteur du travail,
son subordonné.
Le recours hiérarchique existe de plein droit, ainsi le supérieur ne peut
pas le déclarer irrecevable. Surtout, il ne peut pas se retrancher
derrière la décision du subordonné pour refuser le recours
hiérarchique.

Enfin, nous évoquerons qu’en ce sens cet arrêt a permit une évolution,
que des textes ont été adoptés, notamment l’article 28 du Statut
général du statut de la fonction publique.

B) L’exercice d’un pouvoir sans cause déterminée

Nous verrons ici que le CE n’exerce qu’un contrôle de légalité des


actions de l’inspecteur, et ne peut statuer sur le contentieux du
licenciement. Pour le conseil d’état, revenir sur la décision de
l’inspecteur du travail aurait été illégal.

En revanche, le ministre du travail, en tant que supérieur hiérarchique


de l’inspecteur du travail, a le pouvoir d’annuler ou de réformer cette
décision. On peut parler d’opportunité de licenciement et le pouvoir
hiérarchique peut se prononcer sur l’opportunité.

Nous nous appuierons enfin sur le travail Jean Rivero pour illustrer cet
aspect de l’arrêt, et notamment sa conception de l’instruction et de la
sanction en droit administratif. Cela nous permettre d’expliquer la
volonté d’éviter au subordonné de se plier à des instructions données,
au risque d'être sanctionné.

Nous avons pu comprendre d’après l’étude des prérogatives du


supérieur hiérarchique dans cet arrêt de principe les fondements du
pouvoir disciplinaire. Cependant l’arrêt nous montre que s’agissant du
pouvoir hiérarchique, comme pour tout pouvoir, il faut que « par la
force des choses que le pouvoir arrête le pouvoir » comme le disait
Montesquieu. Des garanties individuelles sont donc nécessaires.

II) L’assurance de garanties individuelles

Pour le Conseil d’Etat, en vertu des principes généraux de droit public,


le ministre saisi d’un recours hiérarchique doit l’examiner, qu’il prenne
une décision négative ou positive. Le principe hiérarchique est donc à
la fois une prérogative pour l’autorité hiérarchique, mais aussi une
sujétion parce que le ministre n’a pas le droit de se dérober. Cet arrêt
garanti des libertés individuelles à la fois grâce au pouvoir hiérarchique
(A) mais aussi contre ce pouvoir hiérarchique (B).

A) L’assurance de libertés grâce aux pouvoirs hiérarchiques

La consécration du principe de pouvoir hiérarchique est une garantie


de protection pour l’employeur. Il est important en ce sens de relever
que recours hiérarchique n’est pas un recours gracieux demandé au
supérieur, ni un recours juridictionnel. Le Ministre a l’obligation
d'exercer ce pouvoir, d’assurer des garanties des individus face au
pouvoir de l’état.

B) Mais aussi contre le pouvoir hiérarchique

L’acte administratif peut être retiré s’il est illégal. Le pouvoir


hiérarchique doit donc respecter les droits des individus. Il ne peut pas
se prononcer en opportunité.
L’Article 28 du statut des fonctionnaires évoqué précédemment nous
dit ainsi que le subordonné lui même peut échapper a l'ordre des
fonctionnaires.
On observe donc la volonté du conseil d'État de parvenir à un équilibre
entre efficacité administrative et garantie des droits individuels.

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