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La cession de créance et la cession de dette – Oct.

2006
Par Aude Guiroudou – Master Pratiques Juridiques et
Judiciaires
Promotion 2006-2007 – Nîmes

L’obligation est avant tout un lien de droit entre deux


personnes. Pendant longtemps cette dimension a été la seule
prise en compte par le droit. Tout changement de sujet actif ou
passif d’un tel lien de droit paraissait impossible puisqu’il
entraînait une rupture du lien.
Il était seulement admis, dans le cadre de la continuation de la
personne du défunt, la transmission active et passive à titre
universel mais pour la cession entre vifs cela a été plus
difficile.
Le Droit Romain est passé par des voies détournées afin
d’admettre la cession d’une créance. En effet il a crée la
novation par changement de créancier. Il s’agissait de procéder
à l’extinction de l’obligation existante et à la création d’une
obligation nouvelle au profit du nouveau créancier. Mais il y
avait des effets indésirables comme la disparition des sûretés
assorties à la créance.
Les Romains ont imaginé aussi de passer par un mandat avec
dispense de rendre compte qui était appelé « procuratio in rem
suam ». Mais son inconvénient était d’être révocable et de
devenir caduc en cas de décès du mandant avant son exécution.
Au fur et mesure l’idée de cession fut reconnue mais en y
ajoutant certaines spécificité du à sa particularité comme la
notification au débiteur lui enjoignant de payer à l’échéance au
cessionnaire afin que le débiteur ne reste pas étranger à la
convention et que par conséquent il s’acquitte de sa dette entre
les mains du cédant plutôt que du cessionnaire.
Dans l’Ancien droit cette notification tenait lieu de « traditio »
qui correspondait à la remise matériel de la chose et donc au
transfert de propriété car à cette époque la vente n’était pas par
elle-même translative de propriété.
Le caractère cessible des créances fut définitivement reconnu
par le Code civil avec toutes ces spécificités comme
l’opposabilité au débiteur (tiers au contrat de cession) par la
signification. Seules certaines variétés particulières de cessions
sont dispensées de ce formalisme tel que les titres négociables
et la cession fiduciaire des créances professionnelles.
Mais toute cette évolution ne concerne que la cession de
créance puisque le droit positif émet certaines réticences quant
à la cession de dette qui n’est pas la simple symétrie de la
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cession de créance. En effet s’il parait indifférent pour un


débiteur de payer à tel créancier plutôt qu’un autre, il n’en
n’est pas de même pour un créancier s’il change de débiteur.
Cependant même si le droit positif pose une réserve de principe
quant à la cession de dette, cette dernière n’est pourtant pas
interdite et les techniques juridiques ne manquent pas.
Il est donc important de traiter chacune de ces deux opérations
afin d’en comprendre clairement le mécanisme juridique. Il
sera judicieux d’étudier tout d’abord la cession de créance (I)
qui est aujourd’hui devenue une opération commune même si
elle reste complexe, puis la cession de dette (II) qui est une
opération particulière admise avec des réserves.

I/ LA CESSION DE CREANCE :

La cession de créance est une convention ou un créancier (le


cédant) cède à un tiers (le cessionnaire) ces droits et actions
contre son débiteur (le débiteur cédé).
La créance est ici considérée comme un bien, une
marchandise, la cession de créance peut donc être considérée
comme une forme particulière de vente. Elle est d’ailleurs dans
le chapitre du Code civil traitant de la vente.
La cession de créance est un moyen pour le créancier de
mobiliser sa créance et donc d’en percevoir sa contre valeur par
anticipation, il peut la vendre, la donner, la léguer, échanger ou
encore en faire un apport en société. Elle peut aussi avoir pour
finalité l’extinction d’une dette et constituer un moyen de
paiement (cas particulier de dation en paiement). Elle peut
aussi être constitutive d’une sûreté comme par exemple la
cession de garantie de la loi Dailly.
Il existe différentes formes de cession, la cession de droit
commun (A) réglementé par le Code civil et qui a comme
terme générique la cession de créance, puis les cessions de
créances simplifiées (B) caractérisée par un formalisme moins
rigide.

A/ Cession de créance de droit commun :

Afin d’étudier clairement cette cession de créance il convient


de voir les conditions (1) et les effets (2).

1) les conditions de la cession de créance de droit


commun :

Il a été vu ci-dessus que la cession de créance pouvait être


comparée à la vente donc comme pour cette dernière il est
important de voir les conditions de validité de cette cession
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entre les parties (a) puis dans les rapports entre les parties et les
tiers (b).

a) les conditions de la cession de créance entre


les parties :

La cession de créance est avant tout un contrat ou les parties


sont le cédant et le cessionnaire. Ce contrat est soumis au droit
commun des obligations et il doit donc respecter les conditions
de validités liées au consentement, à l’objet, la cause et la
capacité. Il n’y aucune formalité requise pour sa validité entre
les parties et le droit commun de la preuve1 s’applique à la
cession de créance.
En ce qui concerne la créance, celle-ci doit être cessible. En
principe toute créance quelle qu’en soit la nature, l’objet ou les
modalités peut être cédée en totalité ou en partie. Même la
possibilité d’un litige relatif à son existence ou à sa validité
n’est pas un obstacle.
La créance doit être certaine mais peut être futur si elle est
déterminable au moment où elle prend naissance2.L’acte de
cession doit contenir tous les éléments qui permettent de
déterminer la créance lorsqu ‘elle naît.
Mais il existe des créances incessibles :
- La créance alimentaire d’origine légale ou judiciaire
telles que les pensions alimentaire et certaines
prestations sociales comme les allocations familiales,
du fait de leur caractère personnel.
- Les créances de salaire et de traitements car les salariés
ne peuvent céder l’intégralité de leurs salaires à une
tierce personne (montant déclaré par la loi comme
insaisissable3), ceci vaut aussi pour les substituts de
salaire et pension de retraite.
Par contre une créance de somme d’argent peut faire l’objet
d’une cession comme les loyers.
Les parties peuvent aussi prévoir des clauses d’incessibilité
dans leur contrat qui interdirait la cession de créance. Mais
qu’en est-il de cette clause d’incessibilité ? Est-elle admise ?
L’acceptation de cette clause est discutée par la doctrine mais
la solution est donnée le plus souvent par la loi4 qui valide ou
pas cette clause.

1
Cf. art 1341 du Code civil.
2
Cf. Cass. civ. 1°, mars 2001, Bull. civ. I, n°76 : Des créances futures ou
éventuelles peuvent faire l’objet d’un contrat, sous la réserve de leur
suffisante identification.
3
Cf. art L145-2 du Code du travail.
4
Cf. art L416-1 du Code rural et art L442-6 II c) du Code de commerce qui
interdisent toute clause d’incessibilité. Par contre en droit des sociétés
l’incessibilité est une nécessité et ces clauses sont admises art L621-19 du
Code de commerce.
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b) Les conditions de la cession de créance dans


les rapports entre les parties et les tiers :

La cession de créance peut être opposable aux tiers selon


l’article 1690 du Code civil5. Cette opposabilité est
subordonnée aux formalités précisées dans ce même article qui
sont de deux ordres :
- La signification au débiteur cédé de la cession par le
cessionnaire qui ce fait par acte d’huissier. La
jurisprudence a précisé que les notifications faites dans
la même forme et faisant mention de la cession pouvait
être assimilées à la signification tel que l’assignation6,
le commandement aux fins de saisie7.
- L’acceptation de la cession par le débiteur cédé dans un
acte authentique.
Par contre les formalités sont inutiles entre les parties à la
cession.

L’article 1690 du Code civil permet d’informer les tiers a la


cession, le débiteur cédé en premier lieu mais aussi d’autre
personne comme par exemple un autre cessionnaire ou les
créanciers chirographaires du cédant
Le débiteur cédé : si il y a défaut des formalités de l’article
1690 du Code civil celui-ci peut ignorer la cession et continuer
de payer le créancier initial (le cédant). La cession ne faisant
naître aucun droit contre lui, elle lui est indifférente. Jusqu’à la
signification ou l’acceptation la cession n’a d’effet qu’entre les
parties. Le débiteur cédé est tenu de payer le créancier cédant si
celui-ci réclame la créance même s’il est informé de la
cession8. Il peut en revanche refuser de payer le cessionnaire
mais la jurisprudence admet que le cessionnaire peut exigé
paiement du cédé, dés lors que ce paiement ne fait grief ni au
débiteur cédé, ni à d’autre tiers9. Cette jurisprudence expose le
débiteur cédé à payer sa dette deux fois mais en réalité le
paiement au cédant ou au cessionnaire serait opposable au
cessionnaire ou au cédant.
L’article 1691 du Code civil précise que si le débiteur a payé
sa dette au cédant avant que le cédant ou le cessionnaire lui ait
signifié le transport de la dette, le débiteur sera valablement
libéré.

5
Cf. art 1690 du Code civil « Le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers
que par la signification du transport faite au débiteur.
Néanmoins le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du
transport faite par le débiteur dans un acte authentique. »
6
Cf. com. 18 février 1969, D.1969.354.
7
Cf. civ.2°, 4 janvier 1974, Bull. civ, n°3.
8
Cf. civ.3°, 12 juin 1985, Bull. civ, n°95.
9
Cf. civ.3°, 26 février 1986, JCP 1986.II.20607, note B. Petit.
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Enfin après l’accomplissement de l’une des formalité de


l’article 1690 du Code civil le cédé devient débiteur du
cessionnaire et n’a plus de compte à rendre au cédant.
Les autres tiers à la cession : Il s’agit ici des créanciers du
cédant ou du deuxième cessionnaire de la même créance.
Pour les autres cessionnaires le conflit est réglé comme en
matière de publicité foncière c'est-à-dire au profit de celui qui a
accomplie en premier les formalités de l’article 1690 du code
civil10.
Pour les créanciers du cédant il faut exclure les créanciers
ordinaires à qui la cession est individuellement opposable11 et
les ayants cause à titre universel du cédant (co-représentant de
la personne du cédant). Mais elle vise les ayants cause à titre
particulier qui sont des personnes ayant acquis du cédant un
droit de créance (créanciers saisissants, créanciers en cas de
faillite). Si les formalités de l’article 1690 du Code civil ne
sont pas réalisées la cession de créance leur est inopposable car
pour eux cette créance est toujours dans le patrimoine de leur
co-contractant et il ne pourront donc pas prendre des mesure
conservatoire.
En revanche si ces formalités sont réalisées, les ayant cause ne
pourront plus exercer de droit sur la créance qui a été transférée
dans le patrimoine du cessionnaire. Il existera donc un conflit
de droit entre le cessionnaire et les créanciers du cédant qui ce
réglera suivant les droits du créancier. En effet un créancier
nanti aura la priorité su le cessionnaire si le nantissement est
constitué avant l’accomplissement des formalités de l’article
1690 du Code civil, par contre un créancier qui réalise une
saisie attribution ne pourra l’emporter sur cette créance face au
cessionnaire une fois les formalités de l’article 1690
accomplies.
Quant aux créanciers chirographaires du cédant, la cession de
créance leurs est inopposable si les formalités de l’article 1690
n’ont pas été respectées12. En revanche, l’absence de
signification de la cession de créance au débiteur principal
n’affectant pas l’existence de la dette ne libère pas la caution
solidaire qui à elle-même reçu signification de cette cession de
créance13.

2) Les effets de la cession de créance de droit commun :

a) le transfert de créance :

La cession de la créance entraîne le transfert de la créance et de


la qualité de créancier. En même temps qu’est transmis la

10
Cf. com. 19 mars 1980: Bull. civ. IV, n°137.
11
Cf. art 2092 et 2093 du Code civil.
12
Cf. Cass. Ass. Plén. 14 févr. 1975: D. 1975, p.349; Gaz. Pal. 1975, 1, p.
342, note Brault.
13
Cf. Cass. 1° civ, 4 mars 2003: Bull. civ. I n° 61
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créance, les accessoires de celle-ci le sont aussi14 tels que les


sûretés, les actions en justice, les intérêts et les garanties qui
peuvent renforcer l’efficacité de la créance.
Mais la cession nouvelle ne donne pas plus de droit au
cessionnaire que ceux conféré au cédant par application du
principe d’opposabilité des exceptions (Nemo plus juris). Les
nullités et vice affectant l’obligation cédée demeurent (nullité,
rescision, prescription, compensation…).
Selon l’article 1295 du Code civil, alinéa 1°, le débiteur qui a
accepté la cession ne peut plus opposer au cessionnaire les
opérations qu’il eût pu opposer au créancier cédant (débiteur
originel). Si il accepte la cession c’est qu’il a renoncé à ces
opérations.
Par contre selon l’alinéa 2 de ce même article, si l’opération est
née antérieurement à la signification de la cession, celle-ci peut
être opposable au cessionnaire.
Il y a aussi transmission de la clause compromissoire si elle
existée dans le contrat initial car le cessionnaire est investi de
toutes les prérogatives du cédant15.

b) La cession de créance pose des obligations à la


charge du cédant :

Il est tenu de l’existence de la créance16et il supporte la charge


de la preuve de la créance cédée17. Cette obligation de garantie
se limite à l’existence de la créance et aux garanties attachées.
Enfin il n’a pas l’obligation de garantir la solvabilité du
débiteur18.
Les parties peuvent limiter (clause d’acquisition à ses risques et
périls19) ou moins étendre la garantie s’il le désir. Ils peuvent
aussi la renforcer20.

c) La cession de créance litigieuse :

L’article 1699 du Code civil traite des créances litigieuses


c'est-à-dire lorsqu’une procédure relative à leur existence ou
leur validité est engagée au jour de la cession selon l’article

14
Cf. art 1692 du Code civil « La vente ou cession d’une créance comprend
les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. »
15
Cf. Cass. 1° civ. 5 janvier 1999 : Bull. civ. I, n°1 « La clause
compromissoire s’impose au cessionnaire puisqu’elle lui a été transmise
avec la créance. »
16
Cf. art 1693 du Code civil.
17
Cf. Cass.com, 29 mars 1994 : Bull.civ.IV, n°126.
18
Cf. art 1694 du Code civil.
19
Cf. art 1629 du Code civil.
20
Cf. art 1695 du Code civil « lorsqu’il a promis la garantie de la solvabilité
du débiteur, cette promesse ne s’étend que de la solvabilité actuelle et ne
s’étend pas au temps à venir, si le cédant ne l’a expressément stipulé. »
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1700 du Code civil. Pour la jurisprudence la contestation doit


être antérieure à la cession21 et elle doit porter sur un élément
essentiel du droit et non sur une modalité accessoire de ce
droit22.

B/ Les cessions de créance simplifiées :

Le formalisme de l’article 1690 ne correspondant pas au besoin


de rapidité et de simplicité de la pratique, surtout en droit
commercial, d’autres cessions de créance sont nées tels que les
titres négociables (1) et les créances professionnelles par
bordereau (2).

1) Les titres négociables :

Certaines créances sont constatées dans des titres dits


négociables, qui sont transmis plus facilement.
La pratique des affaires leurs à donnée naissances et a permis
par ce type de cession de créance une forte protection du
titulaire et une efficacité accrue.
En effet le titulaire du titre ne peut ce voir opposer par le
débiteur les exceptions dont celui-ci aurai pu ce prévaloir
contre le cédant mais rien ne s’oppose à l’application de
l’article 1690 du Code civil.
De plus les garanties du cédant sont souvent plus fortes
puisque par exemple les endosseurs successifs d’un effet de
commerce sont de plein droit solidaires du paiement au profit
du bénéficiaire de l’endos23.
Il existe plusieurs formes de titre négociable :

a) Le titre nominatif :

Ici le droit de créance est constaté par une inscription au nom


du créancier sur un registre tenu par le débiteur et la cession du
titre ce fait par voie de transfert du nom du cédant au nom du
cessionnaire.

b) Le titre au porteur :

Le droit de créance est incorporé dans le titre, les personnes ne


sont pas nommément désignées. Leur mode de négociation est
la tradition c'est-à-dire la remise du titre entre les mains du
cessionnaire. Ce passage d’une main à l’autre suffit pour
caractériser la cession.

21
Cf. Cass. com. 15 janvier 2002: Bull. civ. IV, n° 10.
22
Cf. Cass. com. 26 février 2002: Bull. civ. IV, n°41.
23
Cf. art. L.511-10 C. com.
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Le droit civil l’admet sauf texte contraire comme par exemple


la loi n° 75-519 du 15 juin 1976 qui prohibe les « grosses au
porteur ».

c) Le titre à ordre :

Le bénéficiaire du titre est désigné à la suite d’une mention


spécifique (« veuillez payer à l’ordre de … »). C’est une
technique très utilisée en droit commercial, droit maritime et en
droit des assurance24.
Les principaux titres à ordre sont les effets de commerce tels
que la lettre de change, et le billet à ordre.
Pour transmettre le titre il faut réaliser un endossement c'est-à-
dire la signature au dos du titre par le cédant. Mais il existe des
régimes dérogatoires comme pour les valeurs mobilières
(actions, obligation…) qui sont dématérialisées et se négocient
donc par ordre de virement de compte à compte.

2) Les créances professionnelles :

La loi du 2 janvier 1981, modifiée par la loi bancaire du 24


janvier 1984, dite loi Dailly a créé une nouvelle forme
simplifiée de cession de créances professionnelles afin de
faciliter le crédit aux entreprises. Elle a instituée le bordereau
Dailly qui permet à une entreprise de céder à sa banque ses
créances sur ces clients afin d’obtenir du crédit ou de céder ces
créances à titre de nantissement pour garantir un crédit, tout ça
sans avoir à respecter les formalités de l’article 1690 du Code
civil.
Cette loi est aujourd’hui codifiée à l’article L.313-23 et
suivants du Code monétaire et financier.
Cette technique permet de pallier aux rigidités de formalités de
l’article 1690 du Code civil ainsi que le coût de fabrication et
de manipulation devenu trop lourd pour les banques des effets
de commerce.
La cession de créance est constatée par un bordereau
comportant quelques mentions obligatoires, signé par le cédant.
La remise de ce bordereau entraîne le transfert des créances
entre les parties. La cession prend effet immédiatement entre
les parties et devient opposable aux tiers à la date du
bordereau25. De plus le porteur bénéficie du principe de
l’inopposabilité des exceptions.
La cession du bordereau Dailly doit respecter certaines
conditions relatives à sa validité et ces effets sont assez
spécifiques.

24
Cf. C. assur, art L. 112-5.
25
Cf. art. L.313-27 C. mon. et fi.
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a) les conditions du bordereau Dally :

1/ conditions de forme :

Cette cession doit comporter certaines mentions énumérées aux


articles L.313-23, alinéa 3 et L.313-25 du Code monétaire et
financier. Le bordereau doit être écrit sinon il sera impossible
de respecter les exigences de ces mentions obligatoires.
Le bordereau Dailly ne respectant pas ce formalisme vaut
cession ou nantissement de créance valable entre les parties
mais est inopposable aux tiers.
De même si il n’est pas signé celui-ci n’à aucune valeur sauf
celle d’un projet d’acte. La date doit aussi être précisée car la
cession ou le nantissement prend effet entre les parties et est
opposable aux tiers à cette date26.
Le bordereau doit aussi comporter le nom et la dénomination
sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire27.
Enfin le bordereau de cession ne comportant pas la bonne
dénomination et où l’une des mentions obligatoires fait défaut
ne vaut pas acte de cession et ne peut être invoqué pour
demander paiement au débiteur28.

2/ conditions de fond :

Celles-ci sont différentes selon qu’il s’agit de céder ou de


nantir des créances professionnelles ou des créances
financières :
- La cession ou le nantissement de créances
professionnelles :
Selon l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier toutes
créances peuvent être transmises par voie de bordereau Dailly,
il suffit que le cédant soit titulaire d’une créance.
Il faut que la créance soit professionnelle (caractère élargi par
la réforme du 24 janvier 1984), c'est-à-dire qu’il s’agisse d’une
dette professionnelle ou le créancier et le débiteur sont eux-
mêmes professionnels.
La créance doit être liquide et exigible mais elle peut aussi
résulter d’un acte déjà intervenu ou à intervenir dont le
montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés.
Les créances cédées peuvent être recouvrables à l’encontre de
plusieurs tiers.
Enfin le domaine des créance pouvant être incluse dans un
bordereau Dailly n’est pas limité mais l’établissement de
fausses factures est un faux en écriture de commerce et sa

26
Cf. art. L.313-27 du Code monétaire et financier.
27
Cf. Cass. com. 23 oct. 2001: Bull. civ. IV, n°172; D.2001, act. Jurispr. P.
3430, obs. A. Lienhard; D. 2002, somm. p. 2046, obs. J. Lemée.
28
Cf. Cass.com. 11 janvier 2000: Bull. civ. IV, n°141.
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production en vu d’obtenir un crédit est une escroquerie pour


le Code pénal.
- La cession de créances financières :
Il s’agit d’un acte qui permet de constater les créances résultant
de crédit à court terme consentis par une banque ou un
établissement de crédit ce qui permettra à cette banque ou cet
établissement de crédit d’obtenir un refinancement c'est-à-dire
d’obtenir des liquidités sur la foi de ce document.
Attention ici il ne s’agit pas d’effet de commerce29.

b) Les effets du bordereau Dally :

1/ Les effets de la cession ou du nantissement de créances


professionnelles :

Depuis la loi de 1984, le constituant du bordereau Dally et le


cédant sont garants solidaires du paiement des créances
professionnelles cédées ou nanties30.
Les sûretés attachées aux créances cédées ou nanties sont
transférées au cessionnaire, y compris les clauses de réserves
de propriété. L’article L.313-24, alinéa 2 du Code monétaire et
financier dispose que sauf convention contraire, le signataire
de l’acte de cession est garant solidaire du paiement des
créances cédées, ce dont il résulte qu’en l’absence de collusion
frauduleuse entre le cessionnaire et le cédant, la dette n’a pas
une nature délictuelle31.
La cession de créance ou le nantissement est opposable au tiers
à la date portée sur le titre.
Le débiteur à la possibilité de régler le cédant et ce dernier doit
recouvrer la créance puis en assurer le règlement au
cessionnaire en tant que mandataire du cessionnaire.
Le cédant ayant la qualité de mandataire n’assume aucune
obligation de garantie mise à part celles de l’existence de la
créance et de la solvabilité du cédé.
Le cessionnaire peut notifier la cession ou le nantissement au
débiteur cédé et exiger un second paiement s’il règle le
créancier d’origine (La Cour de cassation semble allez dan ce
sens et donner ces prérogatives au banquier bénéficiaire du
bordereau).
Cette cession empêche la compensation des créances non
connexes postérieures à la notification32 d’où l’importance de
celle-ci.
Par contre la notification au débiteur ne crée aucune obligation
à sa charge et il n’est pas privé du droit d’opposer une
exception ou encore de nier la réalité de la créance. Le seul
moyen pour le cessionnaire afin d’éviter ces risques et de faire

29
Cf. Cass. com. 15 déc. 1992 : Bull. civ. IV, n° 408.
30
Cf. art. L. 313-24 du Code monétaire et financier.
31
Cf. Cass. com. 22 janvier 2002: Bull. civ. IV, n°16.
32
Cf. Cass. com. 26 avril 1994: Bull.civ. IV, n°152.
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accepter le nantissement ou la cession par le débiteur cédé.


Cette acceptation à lieu par écrit dans les formalités de l’article
L.313-29 du Code monétaire et financier et si il est exprès et
régulier, le débiteur ne pourra plus opposer les exceptions
fondées sur se rapports personnels avec le signataire du
bordereau.

2/ Les effets de la cession de créances financières :

Ce type de cession permet d’obtenir un refinancement qui peut


ce faire de deux manières :
A l’aide du titre de mobilisation (billet à ordre ou lettre de
change comme support des créances professionnelles
regroupées sur le bordereau). Le transfert des créance est
subordonné à la mise à disposition du bordereau constatant ces
créances puis ces dernières sont transmises par tout moyen à
l’organisme de refinancement.
Le refinancement peut aussi ce faire à l’aide d’un acte de
cession de créance financières ce qui permet au banquier de
mobiliser des crédits à court terme car l’acte de cession est la
matérialisation des créances que la banque détient sur son
client professionnel.

II/ LA CESSION DE DETTE :

La cession de dette permet au cédant de transmettre au


cessionnaire une ou plusieurs dettes avec tous leurs
accessoires. Jusqu’ici cette opération apparaît comme le simple
reflet de la cession de créance. Pourtant cette cession pose des
difficultés puisque si le fait de changer de créancier importe
peu, le fait de changer de débiteur est plus discutable contenu
de sa qualité, de ses activité ou encore de son patrimoine.
De plus aucun texte, Code civil y compris, ne prévoit la
possibilité d’une cession de dette ce qui démontre la réserve de
principe du droit positif quant à cette opération (A). Mais
comme tout principe celui-ci peut être écarté (B).

A/ La réserve de principe :

La réserve émise par le droit positif ce fait vis-à-vis de la


substitution des débiteurs (1), pourtant il existe plusieurs
variétés de cession de dette (2).

1) la substitution du débiteur :

La cession de dette paraît discutable dans le sens ou on ne voit


pas quel est l’intérêt du cessionnaire d’assumer la dette du
cédant. De plus la substitution de débiteur que provoque cette
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cession peut être un danger pour le créancier cédé puisque le


nouveau débiteur peut ne pas avoir les mêmes garanties.
Enfin il ne faut pas négliger les dangers de fraudes, ainsi que le
manque d’information du créancier et comment imposer à
celui-ci un nouveau débiteur sans son accord.
Mais la cession de dette à un intérêt pratique comme dans les
opérations de crédit où le nouvel acquéreur d’un immeuble
peut récupérer le prêt restant à courir de celui qui vend
l’immeuble.
D’ailleurs il existe plusieurs variétés de dette.

2) Les variétés de cession de dette :

Il existe plusieurs variétés de cession de dette :


La cession de dette imparfaite : un nouveau débiteur est ajouté
à l’ancien. Le créancier dispose donc de deux débiteurs, un à
titre principal (le cessionnaire) et l’autre à titre secondaire (le
cédant).
La cession de dette parfaite : le nouveau débiteur vient
remplacer l’ancien. Ici le créancier doit accepter ce
remplacement.
La cession de dette plus que parfaite : le créancier n’a pas à
consentir au changement de débiteur car celui-ci s’opère de par
la loi.
L’existence de ces différentes variétés démontre bien que la
réserve de principe a été dépassée.

B/ Le dépassement du principe :

La loi et le contrat (1) ainsi que certaines techniques originales


(2) ont démontré la nécessité de la cession de dette et ont mis à
mal la réserve de principe sur cette opération.

1) Le dépassement résultant de la loi et du contrat :

Dans la cession d’un bail commercial régit par le code de


commerce celui-ci entraîne la cession de créance ainsi que la
cession de dette et interdit au bailleur de s’opposer à cette
cession. Donc ici la loi autorise de manière sous jacente la
cession de dette mais si certains auteurs pensent que cette
analyse n’est pas correcte puisque la cession de bail est avant
tout une cession de contrat qui est une opération singulière et
autonome.

Dans un contrat rien n’interdit aux parties de convenir à une


cession de dette par des accords particuliers, la seule obligation
afin que la cession soit parfaite étant de prévenir le créancier
cédé et d’obtenir son consentement à l’acte.
La cession de créance et la cession de dettes – Aude Guiroudou
Master Pratiques Juridiques et Judiciaires 2006-2007 - Nîmes

La cession de dette imparfaite est aussi admise33.

2) Le dépassement résultant du recours à des techniques


originales :

Il existe plusieurs types de techniques comme l’indication de


paiement, la délégation ainsi que la stipulation pour autrui.

Pour l’indication de paiement, le débiteur indique simplement à


son créancier qu’une tierce personne paiera pour son compte34.
Le créancier ne peut en principe s’y opposer et il n’a aucun
droit contre le tiers. Quant au débiteur il n’est pas libéré de sa
dette tant que le paiement n’est pas intervenu dans son
intégralité.

La délégation est une opération tripartite par laquelle un


débiteur, appelé le délégant, va donner l’ordre à son propre
débiteur, le délégué, de régler pour lui son créancier, le
délégataire35. Il faut un engagement du délégué mais celui-ci
peut être tacite.
La délégation permet un paiement anticipé ou la constitution
d’une garantie.
L’exemple type de délégation est le paiement par carte
bancaire.
La délégation n’opère pas le transfert de la créance mais créée
une obligation nouvelle et autonome entre le délégué (tiers) et
le délégataire (créancier) et non cession de dette. Le créancier à
donc deux débiteurs, le délégué et le déléguant. Du fait que la
délégation créée une obligation nouvelle et autonome, il y a
inopposabilité des exceptions36.
La délégation peut être parfaite et imparfaite, elle sera
imparfaite lorsque le débiteur originaire est toujours engagé
envers le créancier malgré la délégation et elle sera parfaite
lorsque le délégataire renonce à son droit contre le délégant
(débiteur originaire) et accepte de ne conserver pour seul
débiteur le délégué.

Enfin la stipulation pou autrui est la convention par laquelle, le


débiteur (stipulant) peut obtenir de son cocontractant
(promettant) l’engagement de payer sa dette au créancier (tiers
bénéficiaire). Comme les deux hypothèses précédentes il ne
s’agit pas d’une véritable cession de dette puisqu’il s’agit d’une
obligation nouvelle entre le promettant et le tiers bénéficiaire

33
Cf. TGI Strasbourg, 24 mars : D. 1973, p 16.
34
Cf. art. 1277, al. 1° du Code civil.
35
Cf. art. 1275 du Code civil.
36
Cf. Cass. com. 22 avr. 1997: Bull. civ.IV, n° 98; Defrénois 1997, p.1002,
note D. Mazeaud.
La cession de créance et la cession de dettes – Aude Guiroudou
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et celle-ci n’est pas assortie des sûretés qui garantissent la dette


initial.

Ces différentes techniques sont-elles alors de véritables


cessions de dettes, puisque la réticence vis-à-vis de ce
mécanisme dénature ces pratiques en tant que cession de dette.

La cession de créance et la cession de dette sont des opérations


importantes de transmission de l’obligation mais il ne faut pas
oublier l’étude de la subrogation personnelle.

ANNEXES :

- « Droit des obligations » régime général, 3° édition de


Philippe Delebecque et Frédéric- jérôme Pansier,
Objectif Droit, Litec.

- « Droit civil les obligation » Précis Dalloz de François


Terré, Philippe Simler et Yves Lequette.

- « Droit des obligations » cours, Dalloz, de Rémy


Cabrillac.

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