Professional Documents
Culture Documents
Collège de France
...............................................................................................................................................................................................................................................................................................
Michel Brunet
Origine et histoire des hominidés.
Nouveaux paradigmes
Chaire de Paléontologie humaine. Leçon inaugurale
prononcée le jeudi 27 mars 2008.
...............................................................................................................................................................................................................................................................................................
Avertissement
Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de
l'éditeur.
Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous
réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant
toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,
l'auteur et la référence du document.
Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation
en vigueur en France.
Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le CLEO, Centre pour l'édition
électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).
...............................................................................................................................................................................................................................................................................................
Référence électronique
Michel Brunet, « Origine et histoire des hominidés. Nouveaux paradigmes », Les leçons inaugurales du Collège de
France [En ligne], Origine et histoire des hominidés. Nouveaux paradigmes, document 199, mis en ligne le 24 juin
2010. URL : http://lecons-cdf.revues.org/167
DOI : en cours d'attribution
Michel Brunet
6 Enfin, si je suis ici devant vous, je le dois bien sûr à tous ceux qui m’ont fait confiance, soutenu
et aidé. Ils me pardonneront : la liste serait bien trop longue pour pouvoir ici tous les citer.
Certains nous ont déjà prématurément quittés ; mais, pour tous, je souhaite dans cette leçon
avoir une pensée particulière, en témoignage de toute ma reconnaissance.
7 Je pense bien sûr d’abord à mes deux rapporteurs du Collège de France, les professeurs
Édouard Bard et Armand de Ricqlès, acteurs privilégiés qui ont permis le départ de ce long
et très enrichissant parcours initiatique qui s’achève aujourd’hui par cette leçon inaugurale de
mon futur enseignement. Mais aussi à mes collègues et amis de l’université de Poitiers, plus
particulièrement à ceux de la faculté des sciences, aux doyens (le pénultième et l’actuel) et
à leur équipe qui m’ont accordé leur indéfectible soutien et m’ont supporté, vraiment dans
tous les sens du terme, durant toutes les épreuves des moments difficiles – et il y en eût –
pendant les deux premières décennies de cette quête, restée désespérément sans hominidés
anciens : une longue, très longue traversée du « désert ». Grâce à eux, la confiance, la sérénité
et l’humour ne m’ont jamais fait défaut, ce qui m’a souvent permis de relativiser des situations
tout à fait imprévues et, parfois même, pour le moins inhabituelles !
8 Au CNRS, d’abord au département des Sciences du vivant (SDV), maintenant au département
Environnement et développement durable (EDD), à leurs directeurs scientifiques et à leurs
directeurs adjoints, dont l’aide et le soutien à notre UMR ont toujours été une force vive et
déterminante, mais aussi l’assurance d’une évaluation scientifique résolument tournée vers
l’avenir. Aux collectivités territoriales de Poitou-Charentes et plus particulièrement à la région
Poitou-Charentes, dont le soutien a toujours été un partenariat en parfaite adéquation avec
le développement de nos recherches, que ce soit sur le terrain ou au laboratoire. À tous mes
collègues de l’Institut international de paléo-primatologie et paléontologie humaine : évolution
et environnements (IPHEP et UMR 6046 de l’université de Poitiers), deux structures que j’ai
eu la chance d’initier, puis de diriger, en bénéficiant, durant le contrat qui vient de s’achever, de
l’efficacité quotidienne – résultante toujours stimulante d’un judicieux dosage mêlant réalisme
et démocratie participative – de celui qui était mon directeur adjoint. Mais, pendant ces trois
dernières décennies, rien n’aurait pleinement abouti sans le concours précieux de celle qui
était officiellement ma secrétaire, mais en réalité mon assistante de tous les moments, pour
toutes les demandes, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, administratives ou
scientifiques, qu’il s’agisse de relations humaines ou avec les médias : permettez moi de saisir
la solennité du moment pour lui dire toute ma gratitude et combien je lui dois, et la remercier
de m’avoir fait bénéficier de toute sa compétence et de sa loyauté.
9 C’est un agréable devoir de dire aujourd’hui à cette tribune toute ma reconnaissance à tous
mes amis tchadiens, plus particulièrement à ceux, de l’université de N’Djamena et du Centre
national d’appui à la recherche (CNAR), après les moments difficiles et douloureux qu’ils
viennent de subir : permettez moi de leur souhaiter de retrouver rapidement la quiétude qui sied
aux travaux de recherches que nous conduisons en étroite collaboration ; au ministère français
des Affaires étrangères, et à tous mes amis français du Service de coopération et d’action
culturelle (SCAC), de l’ambassade de France à N’Djamena, ainsi qu’à ceux du dispositif
Épervier et de la Mission d’assistance militaire (MAM) au Tchad. C’est un agréable devoir
de dire ma profonde gratitude à tous nos mécènes, et plus particulièrement à la fondation
Dan David. Sans eux, sans vous tous, cette aventure scientifique et humaine n’aurait jamais
connu des résultats aussi riches et aussi nombreux. Les mots me manquent pour témoigner de
ma reconnaissance à tous mes amis, compagnons et guides du désert : Tchadiens, Français,
Américains, Anglais, Canadiens, Espagnols, Hollandais, Africains du Sud, de la Mission
paléoanthropologique franco-tchadienne (MPFT), Libyens de la MPFL et Égyptiens de la
MPFE. Avec eux, j’ai appris à connaître et vécu au quotidien ce que sont, au sein des milieux
extrêmes, les déserts brûlants, et plus particulièrement l’Erg dunaire du Djourab au Nord
Tchad : une immensité de beauté à l’horizon toujours fuyant, mais aussi une grande école
En guise d’introduction
10 L’histoire de notre histoire est particulièrement riche en informations. Les sciences de
l’Antiquité confondaient l’origine de l’univers, l’origine de la Terre et l’origine de l’homme.
Avec l’étude de la lumière, l’étude des pierres et celle des fossiles, les sciences modernes ont
montré que ces trois évènements étaient en réalité séparés par des milliards d’années. La notion
d’homme fossile n’a été reconnue que très tardivement, en 1856, au moment de la mise au jour,
en Prusse rhénane, dans le ravin de Neander, des premiers restes de l’homme de Neandertal1.
De fait les premiers hommes fossiles (deux calottes crâniennes d’enfants), mais non reconnus
comme tels,avaient déjà été mis au jour plus de deux décennies plus tôt (en 1830) à Engis,
en Belgique, par un médecin liégeois, Philippe Charles Schmerling2. L’homme de Neandertal
aurait donc dû s’appeler l’homme d’Engis !
11 Pendant la plus grande partie de son histoire, l’homme a ainsi vécu dans la croyance
créationniste, prônant l’absence de toute histoire ancienne et donc, de fait, l’absence de
l’existence de restes fossiles humains. Ainsi Voltaire n’écrivait-il pas, en 1746, que les
poissons (fossiles) du Mont-Cenis représentaient des restes jetés par des pèlerins ou des
croisés sur le chemin du retour de la Terre sainte3 ? Plus tard, au Jardin du Roi, l’actuel
Muséum National d’Histoire Naturelle, le baron Georges Cuvier, pourtant le véritable père de
l’anatomie comparée et de la paléontologie, insensible à toute la richesse du transformisme-
évolutionnisme déjà prôné par certains de ses contemporains, dont le chevalier de Lamarck
(1744-1829) et Étienne Geoffroy Saint Hilaire (1772-1844), utilisa toute son influence pour
se faire le défenseur du fixisme catastrophisme4.
12 Enfin il faut souligner que c’est seulement trois ans après la reconnaissance de l’existence
de l’homme de Neandertal, en 1859, que fut publié par Charles Darwin Sur l’origine des
espèces par la sélection naturelle5, la théorie de l’évolution, puis, en 1871, L’Ascendance de
l’homme6. Dans ce dernier ouvrage, Charles Darwin proposait déjà des relations de parenté
entre l’homme et les grands singes africains : « Il est par conséquent probable que l’Afrique
était antérieurement habitée par des singes aujourd’hui éteints, étroitement voisins du gorille
et du chimpanzé ; et comme ces deux espèces sont à présent les plus proches voisines de
l’homme, il est, en quelque mesure, plus probable que nos premiers ancêtres aient vécu sur le
continent africain qu’ailleurs. » D’ailleurs, Thomas Henry Huxley, un biologiste et philosophe
ami de Charles Darwin, convaincu par la théorie de l’évolution, n’avait-il pas publié, en 1863,
La Place de l’homme dans la nature7, où il écrivait déjà que, dans la nature actuelle, les grands
singes sont nos plus proches parents ?
13 Cette « prédiction » de Huxley et celle de Darwin seront vérifiées à la fois par la phylogénie
moléculaire et par la paléontologie. Dès 1967, Allan Wilson et Vincent Sarich montrent notre
très grande proximité génétique avec les chimpanzés : moins de 2 % de différence. Cette
similitude implique que nous partageons un ancêtre commun ; les chimpanzés ( = panidés)
deviennent le groupe frère des humains ( = hominidés)8. Tandis que la paléontologie humaine
révèlera notre très grande ancienneté africaine ; d’abord, par la découverte du premier
australopithèque, dès 1925, par Raymond Dart en Afrique du Sud9 ; puis, à partir de 1959, par
les découvertes successives de préhumains en Afrique de l’Est, et notamment, dans les années
1970, de Lucy et ses compagnons, et enfin, au début du troisième millénaire, au Tchad, de
Toumaï et ses frères10.
15 Comme l’avait prédit Charles Darwin, dès 1871, les plus anciens préhumains fossiles, à ce
jour datés de 7 Ma, sont donc bien connus en Afrique, et témoignent d’une origine africaine
et ancienne (au moins 8 Ma) de l’humanité.
16 Pourtant le courant créationniste, ou plutôt maintenant néocréationniste, habilement grimé en
« pseudoscience » sous le nom de dessein intelligent (intelligent design des Anglo-saxons),
fait preuve d’une vigueur persistante, non seulement par sa solide implantation sur le continent
nord-américain, mais aussi dans l’ancien monde ainsi qu’en témoigne l’édition de luxe du
« Livre de la création »11 qui, en 2007, vient d’être l’objet d’un envoi en nombre en France, à
l’ensemble des établissements d’enseignement et de recherche.
17 Chers collègues, l’existence d’une chaire de Paléontologie humaine, à côté des nombreux
enseignements évolutionnistes qui sont déjà dispensés au Collège de France, est une tribune
prestigieuse qui permettra de mettre en exergue et sans équivoque que ces courants de pensée
moyenâgeux font fi des découvertes et des connaissances scientifiques acquises depuis le XIXe
siècle.
Afrique du sud, de Little Foot (3-4 Ma, Afrique du Sud )26, devenu depuis le premier squelette
sub-complet connu d’australopithèque27 ; il est actuellement toujours en cours de dégagement
par Ronald Clark, dans cette célèbre grotte qui a livré de si nombreux fossiles dont, entre
autres, le 18 avril 1947, le crâne de la très célèbre Mrs. Ples, mis au jour par le Dr. Robert
Broom, alors directeur du Transvaal Museum de Pretoria28.
Figure 2. Australopithecus bahrelghazali (dit « Abel ») : mandibule holotype de l’espèce (Brunet et al. 1996)32.
Figure 3. Sahelanthropus tchadensis (dit « Toumaï ») : crâne holotype de l’espèce (Brunet & al. 2002).
Figure 4. Sahelanthropus tchadensis : hémi mandibule droite paratype de l’espèce (Brunet & al. 2002).
23 Ce plus ancien hominidé connu est une découverte majeure qui montre définitivement que
les hypothèses d’une origine australe ou orientale du clade humain doivent être reconsidérées.
Sahelanthropus tchadensis possède une combinaison unique de caractères primitifs et dérivés,
qui montre clairement qu’il ne peut être rapproché ni des gorilles ni des chimpanzés, mais
indique au contraire son appartenance au rameau humain et, par l’âge, sa proximité temporelle
avec le dernier ancêtre commun aux chimpanzés et aux humains33. Dans le miocène supérieur
du Tchad, les données sédimentologiques et paléobiologiques témoignent d’une mosaïque
de paysages34. Actuellement dans le Kalahari central, au Bostwana, le delta de l’Okavango
m’apparaît être un bon analogue avec un paysage mosaïque similaire de rivières, de lacs, de
marécages, de zones boisées, d’îlots forestiers, de savane arborée, de prairies herbeuses et de
zones désertiques35. Dans cette mosaïque, les préférences écologiques de Toumaï sont encore
en cours d’étude ; notamment, l’étude des isotopes stables du carbone (13C) de l’émail dentaire
devrait permettre de mieux préciser son régime alimentaire. Mais, probablement, comme les
autres hominidés du miocène supérieur, Toumaï devait fréquenter des espaces boisés. De plus,
compte tenu de ce que l’on sait de leur crâne ou de leurs membres, les trois hominidés du
miocène supérieur (Ardipithecus, Orrorin et Sahelanthropus) sont sûrement bipèdes. Aussi
l’hypothèse qui invoquait le rôle déterminant de la savane herbeuse dans l’origine de la bipédie
et du rameau humain fait dorénavant partie de l’histoire de notre histoire. Maintenant, il est
de plus en plus clair que ces premiers hominidés fréquentaient des environnements boisés et
n’étaient pas restreints à l’Afrique australe et orientale, mais vivaient, au contraire, dans une
zone géographique plus vaste incluant une partie de l’Afrique saharienne : au moins l’Afrique
centrale (Tchad) et probablement la Libye, mais aussi l’Égypte et le Soudan.
2,5 Ma, en Afrique orientale, dans les sites de Gona en Éthiopie38 et ceux de Lokalelei au
Kenya. Une industrie lithique plus spécifique et standardisée, nommée oldowayen va ensuite
se développer sur le continent africain mais aussi en Europe entre 1,9 et 1,6 Ma.
29 Un progrès essentiel dans notre histoire, la maîtrise du feu, beaucoup plus récente, semble
n’avoir été acquise que vers 500 000 ans39. Parmi les plus anciens foyers, il faut citer
notamment : Menez Dregan en Bretagne, Terra Amata près de Nice, Vertesszöllos en Hongrie
et Choukoutien en Chine.
30 Il y a 350 000 ans, l’un des tous premiers témoignages de la pensée symbolique a peut-être
été mis au jour en Espagne, dans la Sierra d’Atapuerca, où l’aven sépulcral de la Sima de
los Huescos, a livré les restes de 28 individus associés à ce qui pourrait être une offrande
funéraire : un magnifique biface de quartzite40.
31 Enfin, symbolisme et créativité artistique il y a 75 000 ans à Blombos, près du Cap en Afrique
du Sud, où 41 coquilles perforées, perles d’un collier, semblent bien témoigner des plus
anciennes traces de joaillerie actuellement connues41.
37 À mon avis il est de plus en plus prédictible que l’un des enjeux majeurs, pour mieux
comprendre notre histoire, reste de préciser les relations biogéographiques non seulement au
sein de cette Afrique sahélienne, mais aussi avec l’Eurasie, l’Afrique orientale et australe. Pour
le moment, ce vaste territoire saharien est comme une immense place vide où seul le Tchad
vient de commencer à nous livrer les premières données. Si l’on y ajoute d’abord l’Eurasie,
puis le reste du monde, c’est dire l’ampleur de l’immense chantier de terrain pour le futur.
Mais c’est dire aussi que l’enthousiasme de la quête pour savoir est à la hauteur de tout ce que
l’on ne sait pas, tant est grand ce qui reste à défricher !
38 Pour cela, je rappellerai la découverte récente à Java (Indonésie) de Homo floresiensis,
premier exemple chez les humains de nanisme résultant d’un isolement insulaire46, découverte
encore très controversée (parce que nous sommes en présence d’un représentant du genre
humain) alors qu’il s’agit d’unphénomène par ailleurs pourtant bien connu chez notamment
les mammifères par exemple les éléphants nains des îles méditerranéennes (Sardaigne, Sicile,
Malte, Crête). Et pourtant, là encore, on peut prédire un jour prochain une découverte similaire
dans ces îles de la Méditerranée ; compte tenu de ce que je crois savoir, ma favorite serait
plutôt la Sardaigne.
39 Par contre l’extraordinaire contribution de cette formidable machine à remonter le temps
vers notre origine, constituée par seulement quelques grandes équipes internationales, n’a
malheureusement pas suscité de nombreuses vocations de terrain mais bien au contraire
une cohorte impatiente de « volontaires » prêts à étudier les nouveaux fossiles déjà
mis au jour, voire plus simplement encore quelques individualités pour vulgariser les
nouvelles découvertes ! Ce contexte très stimulant de compétitions nationale et internationale
particulièrement vives est à l’origine d’un buissonnement d’idées, dont quelques unes sont
parfois si contradictoires avec ce qui a été publié dans les meilleures revues scientifiques
spécialisées qu’elles ne pourront être que très éphémères ; à ce jour, d’ailleurs, elles n’ont
trouvé que l’écho qu’elles méritaient au sein de la communauté scientifique internationale47.
40 Dans cette compétition scientifique internationale pour découvrir les plus anciens restes
de singes anthropoïdes et/ou d’hominidés, et essayer de mieux comprendre notre histoire,
ce sont des nouveaux fossiles, mais aussi des artefacts et la formidable explosion des
activités humaines qui seront, à leur tour, de nouvelles pierres angulaires apportées par les
paléontologues, préhistoriens, paléoethnologues à la reconstruction des premières phases de
notre histoire, puis du peuplement de l’ensemble de la planète Terre.
41 En fonction de la diversité et de la multiplicité de ces nouvelles données, l’histoire et
l’évolution des hominidés anciens, de leur origine africaine au peuplement du reste du monde
doivent être reconsidérées dans le cadre de nouveaux paradigmes. Ces nouvelles approches
vont induire immanquablement des changements drastiques pour l’ensemble de notre histoire.
De telle sorte que les interrogations anciennes – d’où venons nous ? qui sommes nous ? qui est
l’ancêtre ? où et quand est-il apparu ? –, bien qu’elles soient de mieux en mieux contraintes,
demeurent toujours des questions d’actualité ! En science, l’absence de preuve n’est jamais la
preuve d’une absence et, en paléontologie, la validité d’une hypothèse a souvent une durée de
vie qui s’arrête avec la découverte du prochain fossile mis au jour.
42 Mais telle est la science. Avec bonheur elle sait en même temps nous faire rêver et nous rendre
humbles.
Bibliographie
Notes
1 C.J. Fuhlrott, 1859, « Menschliche Ueberreste aus einer Felsengrotte des Düsselthals. Ein Beitrag zur
Frage über die Existenz fossiler Menschen », Verhandl. Naturhist. Ver. Preuss. Rheinlande Westphalen,
16, p. 131-153. Id., 1865, Der fossile Mensch aus dem Neanderthal und sein Verhältniß zum Alter des
Menschengeschlechts, Duisburg, 78 S. 2 Abb.
2 P.C. Schmerling, 1833, « Sur les cavernes à ossements de la province de Liège ». Bulletin de la Société
Géologique de France, Tome III, p. 217-222.
3 François Marie Arouet, dit Voltaire, 1746, Dissertation « Sur les changements arrivés dans notre globe
et sur les pétrifications qu’on prétend en être encore les témoignages », imprimée dans le Mercure de
juillet 1746 (insérée dans l’édition de ses Œuvres donnée à Dresde en 1748).
4 Georges Cuvier, 1822, Discours sur les révolutions de la surface du globe et sur les changements
qu'elles ont produits dans le règne animal ; réédition, Paris, Christian Bourgeois, 1985.
5 Charles Darwin, 1859, On the Origin of Species by Means of Natural Selection, London, John Murray ;
réédition : Everyman edition, New York, Dutton, 1928.
6 Charles Darwin, 1871, The Descent of Man and Selection in Relation to Sex; réédition : Princeton,
Princeton University Press 1981.
7 Thomas Henry Huxley, 1863, Evidence as to Man’s Place in Nature, Londres, Williams and Norgate.
8 V.M. Sarich & A.C. Wilson, 1967, « Immunological time scale for hominid evolution », Science, 158,
1200-1203.
9 R. Dart, 1925, « Australopithecus africanus, the man ape of South Africa », Nature, 115, 195-199.
10 M. Brunet & al., 2002, « A new hominid from the Upper Miocene of Chad, Central Africa »,Nature,
418, 145-151.
11 Harun Yahya, L’Atlas de la création, Istanbul, Éditions global, 2006.
12 L. Lartet, 1868, « Une sépulture des troglodytes du Périgord », Bulletins de la Société d’Anthropologie
de Paris, tome III, 335-349.
13 E. Dubois, 1894, Pithecanthropus erectus : eine Menschenaehnliche Uebergangsform aus Java,
Batavia, Landesdruckerei ; F. Weidenreich, 1938, « Discovery of the femur and the humerus of
Sinanthropus pekinensis », Nature, 141, 614–617.
14 C. Dawson & A.S. Woodward, 1913, « On the discovery of a Paleolithic Skull and Mandible in a
Flint-bearing Gravel overlying the Wealden (Hastings Beds) at Piltdown, Fletching (Sussex) », Quaterly
Journal of the Geological Society, vol.LXIX.
15 Stephen Jay Gould, « L'affaire de l'homme de Piltdown », dans Le Pouce du panda. Les grandes
énigmes de l'évolution, Paris, Grasset, 1982.
16 R. Dart, 1925, op. cit.
17 L.S.B. Leakey, 1959, « A new fossil skull from Olduvai », Nature, 184, 491-493.
18 A. Arambourg & Y Coppens, 1968, « Sur la découverte dans le Pléistocène inférieur de la vallée de
l’Omo (Éthiopie) d’une mandibule d’Australopithéciné », C.R. Acad. Sci. Paris, t. 265, 589-590.
19 D.Johanson, T.D. White & Coppens, 1978, « A new species of the genus Australopithecus (Primates :
Hominidae) from the Pliocene of Eastern Africa », Kirtlandia, 28, 1-14.
20 Yves Coppens, Le Singe, l’Afrique et l’homme, Paris, Fayard, 1983.
21 .D. Pilbeam, 1982, « New hominoid skull material from the Miocene of Pakistan », Nature, 295,
232-234.
22 M. Leakey, G. Feibel, C.S. McDougall & A.C. Walker, 1995, « New four-million-year-old hominid
species from Kanapoi and Allia Bay, Kenya », Nature, 376, 565-571.
23 T.D. White, G. Suwa & B. Asfaw, 1994, « Australopithecus ramidus, a new species of hominid from
Aramis, Ethiopia », Nature, 371, 306-312.
24 B. Senut & al., 2001, « First hominid from the Miocene (Lukeino formation, Kenya) »,C R Acad
Sci Paris, 332, 137-144.
25 Y. Haile Selassie, 2001, « Late Miocene hominids from the Middle Awash, Ethiopia »,Nature, 412,
178-181.
26 R.J. Clark & P.V. Tobias, 1995, « Sterkfontein member 2 foot bones of the oldest South African
hominid », Science, 269, 521-524.
27 R.J. Clark, 1998, « First ever discovery of a well-preserved skull and associated skeleton of
Australopithecus », South African Journal of Science, 94, 460-464.
28 R. Broom & J.T. Robinson, 1947, « Further remains of the Sterkfontein ape-man, Plesianthropus »,
Nature, 160, 430-431.
29 La Mission paléoanthropologique franco-tchadienne (MPFT), dirigée par Michel Brunet, est une
collaboration scientifique internationale entre l’université de Poitiers, l’université de N’Djamena et
le CNAR (N’Djamena). La MPFT regroupe maintenant plus de 60 chercheurs de 10 nationalités. Ce
programme de recherches pluridisciplinaires est financé par le ministère de la Recherche : CNRS (EDD
& ECLIPSE) & ANR, le ministère des Affaires étrangères (DGCID Paris, SCAC N’Djamena) et la NSF
(RHOI).
30 M. Brunet & al., 1995, « The first australopithecine 2 500 kilometres west of the Rift Valley (Chad) »,
Nature, 378, 273-274.
31 M. Brunet & al., 2002, op. cit. ; P. Vignaud, & al., 2002, « Geology and palaeontology of the
Upper Miocene Toros-Menalla hominid locality, Chad », Nature, 418, 152-155 ; M. Brunet & al., 2005,
« New material of the Earliest Hominid from the Upper Miocene of Chad », Nature, 434, 753-755 ; A.E.
Lebatard & al., 2008, « Cosmogenic nuclide dating of Sahelanthropus tchadensis and Australopithecus
bahrelghazali Mio-Pliocene early Hominids from Chad », PNAS, 105(9), 3226-3231.
32 L. Gabounia, A. Vekua, D. Lordkipanidze et al., « Earliest Pleistocene Hominid Cranial Remains
from Dmanisi, Republic of Georgia: Taxonomy, Geological Setting, and Age”, Science, n° 288, 2000,
p. 1019-1025 ; H. Wanpo, R. Ciochon, G. Yumin et al., “Early Homo and associated artefacts from
Asia”, Nature, n° 378, 1995, p. 275-278.
33 DAC=LCA : last common Ancestor des anglo-saxons. Brunet & al., 2002, op. cit. ; Brunet & al.,
2005, op. cit. ; C.P.E. Zollikofer & al., 2005, « Virtual Cranial Reconstruction of Sahelanthropus
tchadensis »,Nature 434, 755-759 ; F. Guy & al., 2005, « Morphological affinities of the Sahelanthropus
tchadensis (Late Miocene hominid from Chad) cranium », PNAS, 102(52), 18836-18841.
34 Vignaud & al., 2002, op. cit.
35 Brunet & al., 2005, op. cit.
36 L. Gabounia & al., 2000, « Earliest Pleistocene hominid cranial remains from Dmanisi, Republic of
Georgia : Taxonomy, geological setting, and age », Science, 288, 1019-1025 ; H. Wanpo & al., 1995,
« Early Homo and associated artefacts from Asia », Nature, 378, 275-278.
37 T.D. White & al., 2003, « Pleistocene Homo sapiens from Middle Awash, Ethiopia », Nature, 423,
742-747.
38 S. Semaw & al., 1997, « 2.5million-year-old stone tools from Gona, Ethiopia », Nature, 385, 333-336 ;
H. Roche & al., 1999, « Early hominid stone tool production and technical skill 2.34 Myr ago in West
Turkana, Kenya »,Nature 399, 57-60.
39 C. Perlès, 1987, « La naissance du feu », L’Histoire, 105, 28-33 ; S. Weiner & al., 1998, « Evidence
for the use of Fire at Zhoukoudian, China », Science, 281, 251-253.
40 E. Carbonell & al., 2003, « Les premiers comportements funéraires auraient-ils pris place à Atapuerca,
il y a 350 000 ans ? Did the earliest mortuary practices take place more than 350 000 years ago at
Atapuerca ? »,L’Anthropologie, 107, 1-14.
41 C.S. Henshilwood & al., 2002, « Emergence of Modern Human Behaviour : Middle Stone Age
engravings from South Africa », Science 295, 1278-1280.
42 S. Moya-Sola S. & al., 2004, « Pierolapithecus catalaunicus, a new Middle Miocene Great Ape from
Spain », Science, 306(5700), 1339-1344 ; Y. Chaimanee & al., 2004, « A new orang-utan relative from
the Late Miocene of Thailand », Nature, 427, 439-441.
43 E.L. Simons & al., 2007, « A remarkable female cranium of the early Oligocene anthropoid
Aegyptopithecus zeuxis (Catarrhini, Propliopithecidae) », PNAS, 104(21), 8731-8736 ; J.-J. Jaeger &
L. Marivaux, 2005, « Shaking the Earliest Branches of Anthropoid Primate Evolution »,Science, 310,
244-245.
44 M. Schuster & al., 2006, « The age of the Sahara Desert », Science, 311, 421 ; J.R. Boisserie &
al., 2005, « The position of Hippopotamidae within the Cetartiodactyla », PNAS, 102, 1537-1541 ; F.
Lihoreau & al., 2006, « Evidence for Late Miocene Chado-Libyan bioprovince : a new possible dispersal
ability for early Chadian Hominids »,PNAS, 23, 8763-8767.
45 P. Sepulchre et al., 2006, « Tectonic Uplift and Eastern Africa aridification », Science, 313,
1419-1423.
46 P. Brown et al., 2004, « A new small-bodied hominin from the Late Pleistocene of Flores, Indonesia »,
Nature, 431, 1055-1061.
47 Michel Brunet, D’Abel à Toumaï. Nomade chercheur d’os, Paris, Odile Jacob, 2006.
Michel Brunet
Professeur au Collège de France
Droits d’auteur
© Collège de France
Résumé
En 2002, Michel Brunet et son équipe mettaient au jour le plus ancien hominidé aujourd’hui
connu : « Toumaï ». Cette découverte a bouleversé l’histoire de nos origines. Jusqu’alors on
situait l’apparition des premiers hommes en Afrique de l’Est, il y a trois ou quatre millions
d’années, en relation avec un changement de climat : le remplacement de la forêt par la savane
aurait favorisé la bipédie. Ce scénario séduisant doit être abandonné : Toumaï a sept millions
d’années ; il vivait au Tchad, alors recouvert de lacs et de forêts, et il marchait sans doute sur
ses deux pieds. C’est l’histoire de cette découverte et de ce bouleversement de nos schémas
théoriques que raconte ici Michel Brunet.
Mots clés : paléoanthropologie, hominidés, origines de l’humanité, Tchad
ndla : Tous les dessins de cet ouvrage sont dus au talent de Sabine RIFFAUT, dessinatrice à
l’IPHEP, UMR CNRS 6046 de l’université de Poitiers.