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Société Botanique

du Vaucluse
B.P. 1227 - Site Agroparc - 84911 AVIGNON CEDEX 9
n°16 - mai 2006
-
Bulletin de liaison de la Société Botanique du Vaucluse

Chrozophora tinctoria (L.) A. Juss


Vue dans une friche de Mazan (Vaucluse)
(Illustration d’après Flore de H. Coste - III - page 243 - n°3244)
Sommaire
-Editorial p. 3

-Ont participé à ce numéro

-Botanique vauclusienne p. 4
-Actualité de la flore du Vaucluse :
Société Botanique Plantes nouvelles 2005 et plantes à rechercher en 2006.
-Asplenium adiantum-nigrum et Asplenium onopteris en Vaucluse
du Vaucluse -La Jussie en Vaucluse.

Siège Social - Dossier Chrozophora tinctoria (L.) A. Juss.


Lycée Agricole
François PETRARQUE
Cantarel - route de Marseille -Stage de la Société Botanique du Vaucluse dans le Jura Vaudois (Suisse)
du 7 au 11 juillet 2005. p. 15
Adresse postale
BP 1227 Botanique générale p. 21
Site Agroparc -Groupements végétaux (habitats) dont l’existence est vraisemblable dans
84911 AVIGNON cedex 9 les stations visitées au cours du week-end en Cévennes par la S.B.V.
( 25 et 26 juin 2005).
Adresse Internet
Site SBV Les botanistes vauclusiens voyagent ! P. 23
http://www.sbvaucluse.org -Petite introduction à la flore des Alpes Apuanes (Italie) et de ses environs.

Courriel -Escapade en Anatolie centrale : à la découverte de la flore turque.


info@sbvaucluse.org
Chroniques : p 25
Réunion mensuelle
Tous les deuxièmes mardis du mois, -A propos des O.G.M.- Conférence de M. Jacques Hallard
-Les Liliacées-Conférence et diaporama de Pierre Chaintreuil
au Lycée François PETRARQUE
-Activités pédagogiques sous la direction de Roselyne Guizard
Cotisation annuelle -Exposition des « Fruits de l’automne » dans le cadre des journées
internationales de mycologie tenues à Bedoin ( 20 au 23 octobre 2005).
18 euros membres adhérents
-Sérignan-Plantes rares et jardin naturel- 16 et 17 avril 2005
9 euros membres associés -Nouvelles de l’Harmas ( Serignan).
9 euros étudiants -Le Darfour (Soudan) c’est aussi la gomme arabique !
demandeurs d’emploi
Bibliographie p. 26
Droit d’entrée
7 euros nouvel adhérent Hiver sur le plateau Vivarais-Lignon. P. 28

Bulletin de la SBV Bureau 2006 – Elections du 14 mars 2006- 12 membres.


Distribution Huguette André Présidente
Le bulletin de la SBV est distribué gratuite- Roselyne Guizard Vice-Présidente
ment aux adhérents. Les non adhérents peu- Mireille Tronc Vice-Présidente
vent se le procurer en adressant leur demande Claire Ventrillard Trésorière
à l’association. Nicole Chiron Trésorière – adjointe
Michel Graille Secrétaire
Directrice de Publication Flavien Fériolo Bibliothécaire
La Présidente : Huguette ANDRE Jean-Claude Bouzat Coordonnateur des relevés botaniques
Marie-Jeanne Pascal Communication et relations avec la presse
Redaction Autres membres : Alain Chanu, Janine Vizier, Marie-Thérèse Ziano
Les membres du bureau de l’association Conseillers scientifiques :
Bernard Girerd - Jean-Pierre Roux.
Maquette et Impression Commission de vérification des comptes :
Denis Coquidé - Didier Alapetite Jean-Marie Bernard-Henri Courtois- Robert Fournier.

N° ISSN : 1281-2676
Bulletin de la SBV - 2 - n°16 - mai 2006
Editorial
Une assemblée générale différente des précédentes ! Après approbation des bilans moral et financier
par les 40 adhérents présents, une fête anniversaire totalement imprévue m’était réservée.
10 ans de présidence ! ont clamé haut et fort Nicole et Roselyne…
Elles ont pris l’initiative de marquer cette soirée du 14 mars 2006 en m’offrant un cadeau pour
le moins original. Vous qui n’étiez pas de la fête devinez ? le titre du livre et la nature de la
composition florale ? la réponse, cherchez-la en lisant le poème qui suit.
Surprise, je l’ai été et surtout très touchée par le texte qui se veut léger, enjoué et humoristique-
mais n’allez pas croire que la Société Botanique du Vaucluse manque de sérieux ! bien au contraire,
la fantaisie et l’humour sont les moteurs de notre dynamisme.
Merci Roselyne, merci Nicole, merci à vous tous… et comme il en a été décidé ce soir,
Ont participé à ce numéro
nous allons continuer ensemble 2 années de plus.
Huguette André
30250-Junas
La Présidente: Huguette ANDRE
andre.huguette@wanadoo.fr

Françoise Bornand
73420-Vivies du Lac
Huguette, depuis dix ans francoise.bornand@cegetel.net
Tu as accepté ce carcan
Assurant la présidence si peu convoitée
Nous délestant de nombreuses difficultés. Claude Chadefaux
Grâce à toi, nous ne nous sommes pas quittés. 84000- Avignon
Point de séparation, plutôt de la prospérité. fede.peche.vaucluse@numericable.fr
Aussi aujourd’hui, ce sont nos noces d’étain
Nicole Chiron
Que l’on aurait pu fêter avec le plantain,
84800-Isle sur Sorgue
Le fusain ou bien le laurier-tin. nicolech84@hotmail.com
Mais non, c’est un bouquet d’aromatiques
Et cet « Herbier érotique » René Delpech
Pour parfumer ton refuge languedocien 84290-Sainte Cécile les Vignes
Où tu retrouves les temps anciens. rene.georges.delpech@wanadoo.fr
Menthe, persil et sarriette
Voisineront avec le céleri et la ciboulette, Flavien Feriolo
Juste de quoi faire un philtre d’amour 84000-Avignon
flavaloe@aol.com
Pour adoucir les beaux jours.
Car tu le sais, avec la menthe Bernard Girerd
L’amour augmente 84250-Le Thor
Et si femme savait ce que le céleri fait à l’homme bernardgirerd@cegetel.net
Elle irait en chercher de Junas jusqu’à Rome.
Des coquins vont vouloir arroser le persil ! Michel Graille
Méfie-toi, protége bien le pistil ! 84310-Morières les Avignon
Et puis on ne sait jamais, micgrail@wanadoo.fr
En cas de montée de lait
Roselyne Guizard
A cette douce ombellifère
84380-Mazan
Tu pourras faire une prière. rosedenoel@wanadoo.fr
Chemin du bon temps, dans la courette
On peut cultiver la sarriette Odette Mandron
Car ce n’est pas un monastère 38700- La Tonche
Mais du bien-vivre un sanctuaire. ohirondelle@free.fr
Sur toi, nous nous sommes souvent reposés.
Tu n’as pas fait que les Apiacées ou les Rosacées Jean-Pierre Roux
Ni seulement observer les aigrettes ou les stigmates. Antenne Vaucluse - CNBMP
jp.roux@cbnmed.org
Tu as souvent assumé les tâches ingrates
Bousculant les autres, rappelant les uns,
Insistant auprès de tout un chacun
Pour un article, une sortie, une conférence,
Faisant toujours confiance
Avec ton franc-parler, ton énergie,
Ton rire et ton amour de la vie.
Aussi, nous souhaitons garder notre présidente
Pour continuer à froisser la feuille de menthe et d’oenanthe
Et voir fleurir le pregnante et le centrante.

Bulletin de la SBV - 3 - n°16 - mai 2006


Botanique Vauclusienne
ACTUALITÉ de la FLORE très méconnue, les anciennes flores d’E. fagaeticola dans notre région reste
du VAUCLUSE l’ayant mal décrite. Une excellente à préciser et doit donc être recherchée
mise au point sur ce sujet vient de (notamment dans la combe de Lourma-
Plantes nouvelles pour l’année paraître dans le Monde des plantes n° rin) d’autant plus qu’elle pose un pro-
2005 et à rechercher en 2006 486 (voir bibliographie en fin d’article) blème taxonomique car il est admis
et il est conseillé de s’y référer. On ne que ce taxon est très proche d’Epipac-
Les nouveautés se font de plus en plus saurait trop recommander d’observer tis phyllanthes G.E. Sm. (peut-être
rares ! Pour cette année 2005, seules plus attentivement les joncs de ce grou- même inséparable !), plante surtout
deux espèces inédites ont été obser- pe sur tout le cours de la Durance où connue en région atlantique.
vées, auxquelles on peut ajouter deux d’autres stations sont possibles. Il faut
orchidées jusqu’alors inconnues en ajouter que le lieu de cette observation Ophrys forestieri (Reich.) Lojac - Cet
Vaucluse, signalées dans Luberon. est particulièrement remarquable puis- Ophrys fait partie du groupe fusca avec
Mais il faut continuer les observations, qu’on peut aussi y noter Polygala exilis un statut encore incertain. Il peut se
et on trouvera ci-après quelques pistes DC., Juncus fontanesii Gay et Coris- rapprocher des plantes nommées O.
de recherches pour cette année 2006. permum gallicum Iljin. funerea Viviani ou O. sulcata J. & P.
Devillers-Terschuren, mais la tendance
1 - Plantes nouvelles pour Schoenoplectus litoralis (Schrad.) Pal- actuelle serait plutôt de l’inclure dans
la (= Scirpus litoralis Schrad. ) - Cette O. marmorata Foelsche avec O. bilu-
l’année 2005 grande plante des eaux assez profondes nulata sensu Delforge 1999. C’est une
ressemble à Scirpus lacustris L. qui est affaire de spécialiste qui reste à préci-
Juncus alpinoarticulatus Chaix subsp. assez fréquente sur le bord des rivières ser. Il est surtout caractérisé par des
fuscoater (Schreb.) Schwarz (= J. alpi- vauclusiennes. Elle s’en différencie fleurs petites (labelle de moins de 16
nus Vill. subsp. fuscoater Schreb.). nettement par ses tiges fortement trigo- mm) et des labelles souvent munis d’u-
Le « jonc des Alpes » est une nes. Elle a été découverte par G. Guen- ne très étroite bordure jaune relative-
espèce bien connue en montagne. Elle de, en bordure de l’étang de la Bonde à ment large (très étroite chez O. fusca).
ressemble à notre très commun « jonc à la Motte-d’Aigues. Cette présence est Cette plante n’a été vue qu’une fois à
fruits luisants » (Juncus articulatus L. très intéressante car il s’agit d’une Mirabeau, sur les bords de la Durance
(= J. lamprocarpus (Ehrh.) Rchb.) plante seulement connue dans les ma- il y a une dizaine d’années. Elle est
mais s’en distingue surtout par ses té- rais proches du littoral méditerranéen. donc à rechercher.
pales tous obtus, ses panicules toujours
pauciflores et par la présence de longs 2.2 Espèces controversées
rhizomes souterrains.
2 - Orchidées
Cette plante comporte 2 sous- Vauclusiennes On sait que le traitement des
espèces : l’une (subsp. alpinoarticula- Orchidées n’est pas uniforme et sou-
tus) correspond à l’espèce type et ne 2.1 Deux espèces nouvelles pour vent sujet à controverses. Les orchido-
descend généralement pas au-dessous le Vaucluse logues ont tendance à maintenir au
de 1500 m d’altitude. L’autre est la Notre ami Roland Martin, l’or- rang spécifique des taxons très peu
sous-espèce fuscoater qui nous intéres- chidologue bien connu pour ses recher- différenciés morphologiquement et
se ici. Bien différente de la sous-espèce ches et sa cartographie des Orchidées difficiles à reconnaître ; la deuxième
nominale, elle s’en différencie par des du Vaucluse vient d’écrire un livre édition des « Orchidées de France,
tiges plus élevées (dépassant normale- intitulé « Orchidées sauvages du Lube- Belgique et Luxembourg » publiée par
ment 25 cm) et des inflorescences ron » publié par le Parc naturel régio- la Société Française d’Orchidophilie
comportant de nombreux glomérules nal du Luberon. Parmi les nombreuses (2005) qui vient de sortir reste dans
(plus de 10) avec des tépales d’un brun et intéressantes données sur les Orchi- cette mouvance en décrivant encore
-fauve (et non noirâtres comme chez la dées de notre région contenues dans ce beaucoup d’espèces nouvelles. Par
sous-espèce montagnarde, contraire- travail, il faut surtout retenir la citation contre, des auteurs moins spécialisés
ment aux indications des anciennes des 2 espèces suivantes, jusqu’à main- mais travaillant sur l’ensemble de la
flores) tenant inconnues dans le département : flore française ne suivent pas toujours
De plus, ces 2 sous-espèces ont cette démarche et proposent des traite-
chacune une répartition bien différente. ments plus réducteurs et plus pragmati-
La sous-espèce fuscoater n’est pas Epipactis fageticola (Hermosilla)
ques, regroupant un certain nombre de
particulièrement montagnarde. C’est J.& P. Devillers-Terschuren - Il s’agit taxons très proches.
un taxon habitant les régions basses et d’une plante grêle, peu feuillée, à tiges Ainsi, dans l’ouvrage sur les
notamment les cours de grands fleuves glabrescentes même au sommet et à Orchidées du Luberon, 5 taxons font
et l’observation qui vient d’en être faite petites fleurs verdâtres peu nombreu- partie des espèces contestées et regrou-
sur les graviers de la Durance à Mira- ses. Elle est assez proche d’Epipactis pées de la façon suivante :
beau par H. Michaud, V. Noble, Y. rhodanensis Gévaudan et Robatsch,
Morvan, G. Guende, et J.-P. Roux autre taxon récemment reconnu en Ophrys araneola Rchb. et Ophrys vi-
confirme bien cette préférence. Ce jonc Vaucluse (précédemment confondu rescens Philippe : ces deux taxons ne
n’avait pas encore été cité au sud de avec E. distans A.-T.) et relativement sont plus séparés et regroupés sous le
Manosque, mais il s’agit d’une plante fréquent dans la plaine. La répartition nom global d’ O. virescens Grenier.

Bulletin de la SBV - 4 - n°16 - mai 2006


nom global d’ O. virescens Grenier. étude de milieu, cette espèce sur les 4 - Recherches à faire
Ophrys pseudoscolopax (Moggrige) bancs de graviers de la Durance, dans
Paulus & Gack : cette plante est consi- la commune de Châteaurenard mais dans les parties hautes du
dérée comme intermédiaire entre O. très près du Vaucluse (détermination mont Ventoux
fuciflora (F.W. Schmidt) Moench et O. vérifiée par E. Véla). De nombreuses espèces signa-
scolopax Cav. et non comme une espè- Cette espèce a une morphologie lées plus ou moins anciennement dans
ce (d’ailleurs R. Martin le suggère). intermédiaire entre Conyza canadensis le Ventoux n’ont jamais été revues et
Anacamptis morio Bateman, Pridgeon (L.) Cronq.), Conyza sumatrensis son soupçonnées d’être des erreurs ou
& Chase subsp. picta (Loisel.) Jacquet (Retz.)Walker. et Conyza bonariensis des confusions. Une première approche
& Scappaticci : cette sous-espèce n’est (L.) Cronq., 3 plantes que nous (B. Girerd 1984-85) avait été faite il y
plus reconnue comme telle, mais seule- connaissons bien dans notre région. a 20 ans et un long article à paraître
ment comme un aspect de la variabilité Cet autre Conyza est signalé depuis prochainement dans Le Monde des
de l’espèce. assez longtemps en France, mais il a Plantes refait le point sur cette situation
Dactylorhiza occitanica Geniez, Mel- longtemps été mal connu. Il faudrait embarrassante. Une centaine d’espèces
ki, Pain & Soca : ce taxon est mainte- donc le rechercher sur tout le cours de sont proposées à la radiation pure et
nant inclus dans D. elata (Poir.) Soó la Durance, côté Vaucluse. simple car leur présence est jugée hau-
subsp. elata. Ces 4 espèces d’origine améri- tement improbable. Par contre les 21
Limodorum trabutianum Batt : les caine sont bien décrites dans la « Flore plantes énumérées ci-dessous, figurant
plantes décrites sous ce nom sont ac- des champs cultivés » de P. Jauzein et dans des relevés phytosociologiques
tuellement reconnues comme des cas peuvent constituer un bon sujet de re- assez récents (Barbéro et Quézel 1975
isolés de dégénérescence, et non com- cherches et d’observations au cours de et Barbéro et al. 1976), n’ont pas été
me une espèce. cet été 2006. revues et méritent de nouvelles recher-
Il ne nous appartient pas de Notons pour terminer à leur ches. Nous faisons donc appel à tous
prendre une position définitive devant sujet que la nomenclature la plus ré- ceux qui herboriseront cette année dans
ces différents traitements qui peuvent cente replace ces plantes dans les Eri- les parties hautes du Ventoux en leur
encore évoluer ; ils nécessitent de nou- geron, soit un retour vers Coste et demandant d’ouvrir l’œil sur ces espè-
velles observations pour les valider Fournier ! ces. Il est important de bien authenti-
mais il est utile d’en être informé. fier les observations par des photos et
surtout par des récoltes permettant des
2.3 Le sabot de Vénus dans le mont examens de détails. Bien qu’aucune
Ventoux des espèces concernées ne soient proté-
Cypripedium calceolus L., la gées, les prélèvement de plantes ou de
plus prestigieuse des orchidées sauva- parties de plantes doivent se réduire au
ges de France doit faire l’objet de re- minimum nécessaire et en tenant
cherches intensives dans le Ventoux. compte de leur abondance ou de leur
En effet, un forestier, M. A. Fié, alors rareté.
qu’il était en poste à Sault, en a obser- Anthyllis vulneraria subsp. alpestris
vé en 1973 (ou 1974) une plante munie (Kit.) A. & G.) - Ce ne sont peut-
d’une fleur, dans le secteur de la mai- être que des plantes réduites de A.
son du Rat et du domaine de Clare, vulneraria subsp. sampaioana
vers 1500 m. Malgré un certain nombre Roth., adaptées aux crêtes dénu-
de recherches ultérieures, l’espèce n’a dées et ventées.
pas été revue. Cette unique et énigmati- Astragalus frigidus (L.) A. Gray - In-
que observation remontant maintenant diquée sous le sommet en versant
à plus de 30 ans ne permet pas de faire nord, cette plante avait déjà été
figurer le sabot de Vénus dans l’inven- signalée à Fontfiole par P. Gon-
taire départemental, d’autant plus qu’il Conyza floribunda tard (1957). Et pourtant il s’agit
n’avait jamais été vu auparavant dans (Vergerette fleurie). d’une espèce ne vivant que dans
le Ventoux et qu’il n’est pas cité en Fleurs périphériques filiformes, sans les massifs froids à forte pluviosi-
Vaucluse dans la nouvelle flore. On limbe développé. té !
peut seulement l’indiquer à titre histo- Feuilles principales à longs cils locali- Avenula versicolor (Vill.) Lainz - Ce
rique… à moins d’une retrouvaille sés dans le tiers inférieur ; au-delà, taxon déjà signalé par P. Gontard
vivement souhaitée (prime pour l’heu- marges portant des poils raides courts (1957) dans les « casses méridio-
reux découvreur !). et arqués. nales », est cité sous le sommet,
Feuilles médianes plus larges, les infé- près de la chapelle.
3 - Une plante à recher- rieures à dents ou lobes assez larges. Poa violacea Bell (= Bellardiochloa
Inflorescence s’élargissant vers le som- variegata (Lam.) Kerg.) - Jamais
cher sur les bords met, en corymbe. signalée au Ventoux par les
de la Durance Tige à côtes saillantes localement hé- botanistes anciens, cette espèce est
rissées de soies très raides. mentionnée, hors relevé et sans
Conyza floribunda Kunth (=Erigeron localisation précise, dans
flahaultianus (Sennen) Cabrera) - J.-F. (d’après Ph. Jauzein- l’Anthoxanto-Deschampsietum.
Leger, botaniste de Marseille, nous Flore des champs cultivés) Elle est connue à la montagne de
signale avoir trouvé, à l’occasion d’une Lure.

Bulletin de la SBV - 5 - n°16 - mai 2006


Chaerophyllum hirsutum L. - Plante vés : Mont Serein, au-dessus du Polygala amarella Crantz (= Polygala
localisée par P. Gontard (1957), chalet Reynard et pelouse supé- amara L. ) - D’après P. Gontard
sur le versant sud, dans la combe rieure proche de la plateforme (1957), cette espèce serait assez
Fiole et figurant dans les relevés militaire. R. Portal (1999) ne la courante sur le versant nord, au-
concernant la série méditerranéen- cartographie pas pour le Vaucluse. dessus de 1400 m (Mont Serein,
ne du hêtre et du sapin. Espèce à Contrat). Par contre, elle ne figure
rechercher, car absente dans le sud Luzula spicata (L.) DC. - Jamais ob- que dans un relevé de 1975 : pinè-
de la Drôme et à la montagne de servée auparavant, cette espèce de de pins à crochets sous le col
Lure (mais abondante en Ardè- figure dans deux relevés : au- des Tempêtes. Toutefois, cette
che). dessus de Fontfiole et sous le col présence est bien surprenante pour
des Tempêtes, donc dans une zone une espèce connue ni dans la Drô-
Carex tenuis Host (= C. brachystachys assez étroite. C’est une plante de me, ni à la montagne de Lure
Schr.) - Plante citée sous le col des haute altitude, particulièrement (confusion possible avec des for-
Tempêtes. Elle est très proche de intéressante pour le Ventoux et me de P. calcarea ?).
C. ferruginea (= C. austroalpina méritant de nouvelles recherches.
Bech.), espèce qui a toujours été Polygonatum multiflorum (L.) All. -
signalée dans le Ventoux. Les 2 Minuartia verna (L.) Hiern. - La pré- La florule de P. Gontard (1957)
existent-t-elles vraiment ? sence de cette espèce au Ventoux indique cette espèce en sous-bois,
est problématique car elle a été comme si elle était banale. Par
Cruciata glabra (L.) Ehrh. (= Galium citée de façon vague par P. Gon- contre elle figure dans un seul
vernum Scop.) - P. Gontard (1957) tard (1957) et ne figure que dans relevé de la hêtraie-sapinière du
cite cette espèce dans le versant un relevé des crêtes du Ventouret. versant nord. Certaines formes
nord et à Brantes. Elle figure aussi On sait que Minuartia villarii multiflores de P. odoratum
dans un relevé effectué dans les (Balbis) Chen. est très répandu (Miller) Druce pourraient être une
reboisements de pins à crochets au dans toute la partie sommitale du source de confusion !
Contrat. C’est une espèce incon- Ventoux et on peut penser à une
nue dans la Drôme et dans la mon- confusion entre les deux taxons. Ribes uva-crispa L. - Le groseillier-à–
tagne de la Lance et silicicole de maquereaux figurait dans une liste
surcroît. Phleum alpinum L. - Cette graminée peu fiable établie par E. Charrel
proche de Phleum pratense L. est (1911) mais non dans la florule de
Euphrasia minima Jacq. - Une seule citée par P. Gontard (1957) dans P. Gontard (1957). Un relevé py-
citation de cette espèce dans le les casses rocheuses supérieures. tosociologique l’indique en trois
Ventoux, dans un relevé localisé Elle figure aussi dans plusieurs stations situées dans la série supé-
au Mont Serein (Anthoxanto- relevés : chalet Reynard, la Grave rieure du pin sylvestre du versant
Deschampsietum). Jamais notée et col de la Frache. Elle est absen- sud (chalet Reynard, le Bâtiment
auparavant, il serait bien intéres- te des montagnes du sud de la et carrefour de la route des cè-
sant de la revoir car il faut remon- Drôme. dres).
ter assez haut dans les Alpes pour
la retrouver. Phyteuma hemisphaericum L. - P. Thalictrum aquilegiifolium L. - Pas de
Gontard (1957) indique cette plan- citations anciennes pour cette es-
Festuca halleri All. - Déjà observée te sur les crêtes occidentales et çà pèce. Par contre elle figure dans
par les botanistes anciens et récol- et là dans la hêtraie septentrionale. un relevé effectué dans la série de
tée en 1916 par C. d’Alleizette Elle figure également dans les la hêtraie-sapinière au nord du
(voir encart couleur), cette grami- relevés de 1975 effectués dans les Ventoux, sans localisation plus
née figure dans plusieurs relevés prés suspendus au col des Tempê- précise. La présence de cette espè-
dispersés dans toute la partie som- tes et à Fontfiole, conjointement ce dans le Ventoux est assez sur-
mitale du Ventoux, au nord com- avec P. orbiculare L. var. nanum. prenante car il faut remonter assez
me au sud. C’est une plante mon- On peut bien mettre en doute la loin dans les Alpes pour la ren-
tagnarde absente de la Drôme et présence au Ventoux de P. hemis- contrer.
de la montagne de Lure. phaericum par suite de confusion
avec les formes naines de P. orbi- Viola calcarata L. - P. Gontard (1957)
Festuca quadriflora Honckeny (= F. culare, sachant qu’il s’agit d’une cite cette plante d’après les bota-
pumila Vill.) - Plante déjà notée plante de haute altitude, inconnue nistes très anciens, et sans convic-
par P. Gontard (1957) dans les dans les montagnes proches. tion. Un relevé des pelouses de
pierriers supérieurs et figurant crêtes la localise sous le sommet
dans les relevés effectués près du Poa chaixii Vill. - Grande plante très en regardant vers le nord. C’est
col des Tempêtes. C’est aussi une remarquable, jamais signalée au- aussi une plante paraissant mal
graminée montagnarde qu’il serait trefois. Elle figure dans deux rele- placée dans le Ventoux et M. Es-
intéressant de confirmer dans le vés de 1976 concernant les reboi- peut (in litt.) est persuadé qu’il
Ventoux. sements de pins à crochets (Serres s’agit d’une confusion avec V.
-Gros et col de la Frache). Peut-on cenisia L.
Festuca violacea Gaud. - Cette autre penser à une introduction due aux
fétuque montagnarde n’avait pas Bernard GIRERD
reboisements ? Jean-Pierre ROUX
été signalée par les botanistes an-
ciens. Elle figure dans trois rele-

Bulletin de la SBV - 6 - n°16 - mai 2006


Bibliographie Asplenium adiantum-nigrum et Le résultat fait apparaître que 16
Asplenium onopteris plantes sont à grosses spores, donc des
A. adiantum-nigrum, et que seules 4
BARBÉRO M. et QUÉZEL P., 1975 - en Vaucluse récoltes ont des petites spores pouvant
Végétation culminale du mont être nommées A. onopteris. les 4 autres
Ventoux, sa signification dans La différenciation entre Asple- présentant des spores avortées.
une interprétation phytogéogra- nium adiantum-nigrum L. et Asplenium Cette première approche, bien
phique des Préalpes méridiona- onopteris L. a longtemps posé des pro- que partielle, permet de conclure que
les. Ecol. Médit. 1 : 3-33. blèmes. Pour Coste, il n’y a qu’une les 2 espèces sont bien présentes dans
seule espèce, A. onopteris est totale- le département, mais que, contraire-
BARBÉRO M., DU MERLE P. et QUÉZEL ment ignorée. La flore de Fournier, qui ment aux idées reçues, A. onopteris est
P., 1976 - Les peuplements syl- considère ces deux taxons comme 2 le moins répandu des deux.
vatiques naturels du mont Ven- sous-espèces, les différencie par la En effet, A. onopteris n’a été
toux (Vaucluse). Doc. Phytos. forme « peu arquée » ou « en arc pro- récolté que dans 3 stations situées dans
15-18 : 1-14. noncé ». Ensuite le premier supplément le sud et l’ouest du petit Luberon : Ro-
de Coste (1972) et la flore du CNRS bion, rochers de Baude - Cheval-Blanc,
BOURNĖRIAS M, PRAT D. et al., 2005 - (1973), élevant ces 2 taxons au rang dans la Haute Combe – Puget, vallon
Les Orchidées de France, Belgique et d’espèces autonomes, ont repris exac- de la Tapi.
Luxembourg. 2° édition, Mèze tement les mêmes critères. Les plantes à spores avortées
(Biotope) et Paris (SFO). 1-504. proviennent du ravin de la Fontaine de
Ces descriptions étant à peu Vaucluse, du massif sableux de Rustrel
DENTANT C. et TISON J.-M., 2005 - près impossibles à utiliser, compte tenu et du vallon de Badarel aux Taillades.
Juncus articulatus L. et espèces voisi- de la variation morphologique des Partout ailleurs, c’est-à-dire
nes : compte-rendu des confusions feuilles, une grande confusion a régné dans tous les autres massifs monta-
existantes et tentative de clarification et toutes les citations faites avant 1980 gneux, on rencontre toujours A. adian-
des diagnoses, Mond. Pl. 486 : 5-15. ne sont pas fiables. On a eu tendance à tum-nigrum au sens strict (à grosses
considérer Asplenium onopteris comme spores).
le taxon le plus répandu dans tout le
GIRERD B., 1984 - Sur la flore du mont Midi et notamment en Vaucluse, nous Les plantes à spores avortées,
Ventoux (Vaucluse). Les plan- allons voir que ce n’est pas certain ! généralement plus robustes que les
tes rarement observées, dispa- Ce n’est qu’à partir de 1985 que autres (jusqu’à 45 cm de haut), donc
rues ou dont les citations sont les choses changent. Le guide des fou- bien visibles parmi les populations de
douteuses. Mond. Pl. 417-418 : gères et plantes alliées de Prelli (1985) plantes normales, sont énigmatiques et
3-7. attire l’attention sur la grande ressem- embarrassantes. L’examen des frondes
blance des 2 espèces et indique que la à la loupe binoculaire permet de remar-
GIRERD B., 1985 - Sur la flore du mont taille des spores (ainsi que le nombre quer facilement les sporanges qui peu-
Ventoux (Vaucluse). Les plan- chromosomique) est seule en mesure vent se comparer à des « grappes de
tes rarement observées, dispa- de faire la différence. Le 6° supplément raisins secs », donc mal formés, et au
rues ou dont les citations sont de Coste (1985) confirme bien cette microscope, on n’observe que les spo-
douteuses (suite). Mond. Pl. nouvelle situation : chez A. adiantum- res sont nettement avortées. Il reste à
419-420 : 4-6. nigrum les spores mesurent plus de 33 savoir maintenant ce que sont vérita-
µm (de 32 à 42), alors que chez A. blement ces plantes qui ont été ratta-
GONTARD P., 1957 - Introduction à onopteris elles sont inférieures à 33 µm chées de façon un peu surprenante à
l'étude phytogéographique du (de 27 à 33). l’hybride A. x ticinense (adiantum-
Mont-Ventoux en Provence. II - nigrum x onopteris). Leur origine hy-
Florule Phanérogamique et des Quelques récoltes adressées à bride est difficile à soutenir car on les
Cryptogames vasculaires. Nat. Y. Prelli ont déjà donné l’impression rencontre le plus souvent en l’absence
Mons. (sér. bot.) fasc. 9 : 53- que A. onopteris est loin d’être le taxon de A. onopteris et notamment dans la
139. dominant dans notre région. Parallèle- Drôme. Il s’agit peut-être d’un phéno-
ment, les recherches faites dans la Drô- mène végétatif d’une autre nature. Des
JAUZEIN P., 1995 - Flore des champs me par L. Garraud et J.-L. Amiet ont comptages chromosomiques pourraient
cultivés. INRA, Paris et SO- prouvé que dans ce département A. peut-être résoudre ce problème.
PRA, Vélizy-Villacoublay. 1- onopteris est à peu près absent (1 seule
898, ca. 4000 fig., photos. col. station connue).

MARTIN R., 2005 - Orchidées sauva- Dans le but de bien connaître la


ges du Luberon. Édisud, Parc situation de ce groupe en Vaucluse, un
naturel régional du Luberon. 1- programme de récoltes a été organisé
196. avec la collaboration de J.-P. Roux et
de G. Guende. Ce travail a permis
PORTAL R., 1999 - Festuca de France. d’examiner 24 prélèvements et, grâce à
Éd. R. Portal, Vals-près-le-Puy. 1-371 la compétence de Giselle Riousset, de
Maillane, les spores ont pu être mesu-
rées avec précision au microscope éta- (Voir encart couleur)
lonné.

Bulletin de la SBV - 7 - n°16 - mai 2006


Morphologie foliaire : La densité remarquable des populations de
Deux espèces sont présentes dans la région Ludwigia (Jussie) entraîne une fermeture à
méditerranéenne : Ludwigia grandiflora et la lumière des milieux aquatiques, chassant
Si, comme il est exposé plus les poissons et les autres plantes aquatiques
Ludwigia peploides.
haut, les critères de morphologie foliai- La Jussie : nom latin ancien : Jussiaea indigènes. Elle perturbe gravement l’éco-
re donnés par les flores jusqu’en 1980 grandiflora ou synonyme : Jussieua gran- système des zones envahies ; Des plantes
n’ont pas permis de différencier les diflora fut dédiée à Bernard de Jussieu aquatiques rares ou fragiles qui s’étaient
deux espèces, il ne faut pas abandonner (1699 – 1776), célèbre botaniste français établies là, disparaissent. La prolifération
les observations, car il existe peut-être qui a participé à l’expédition en Amérique de la Ludwigia réduit le patrimoine végétal,
une piste à explorer. du sud qui, au 18 ième siècle est allée sous mais aussi elle fait disparaître des espèces
En effet, Il est admis que les l’équateur mesurer un arc du méridien ter- de poissons qui ne trouvent plus de quoi
rameaux inférieurs des limbes sont restre. Elles se nomment maintenant Lud- vivre et se développer dans ce milieu per-
wigia grandiflora, et l’autre Ludwigia pe- turbé : manque d’oxygène, de lumière et à
moins allongés chez A. adiantum- la végétation appauvrie, car nos animaux
plonides,elles font partie de la famille des
nigrum que chez A. onopteris, leur Onagracées. (poissons, oiseaux et même ruminants)
donnant une silhouette sensiblement n’aiment pas la Ludwigia qui n’a donc
différente : en forme de triangle isocèle C’est une plante amphibie des climats aucun prédateur dans nos régions ; contrai-
pour le premier, de triangle presque chauds qui a été introduite en France depuis rement à son pays d’origine où elle est
équilatéral pour le second. La planche l’Amérique et qui s’est développée et natu- broutée par différents insectes ou larves.
ci-jointe réalisée avec 2 récoltes vau- ralisée dans les rivières de l’Hérault et du
clusiennes illustre assez bien cette mor- Gard depuis longtemps, puis qui a colonisé Après avoir envahi les canaux de Camar-
phologie ; le rapport entre la longueur les bords du Rhône à Vallabrègues et la gue, de l’Hérault et du Gard, on la trouve
Barthelasse et qui commence à envahir les aujourd’hui, sur les bords de la Durance en
des rameaux inférieurs et celle totale Courtine, à Mérindol, vers Cadenet et jus-
rivières du Vaucluse.
du limbe est de moins de 1/3 chez A. Le genre Ludwigia compte plus de 30 espè- qu’à Mirabeau. On a repéré des stations
adiantum-nigrum, et de presque la ces, habitant surtout les pays tropicaux ou (voir carte) sur le Coulon Calavon, l’Ouvè-
moitié chez A. onopteris (cette mor- subtropicaux. ze, l’Auzon, la Nesque et surtout dans la
phologie est bien mise en valeur dans C’est une plante aquatique des bords de plaine entre Carpentras et Sorgues. Elle
les photographies de l’ouvrage de Y. rivières ou des fossés très humides. Ses remonte sur les bords du Rhône jusqu’en
Prelli de 2001 pp. 280 et 281). tiges rougeâtres et rigides peuvent atteindre Ardèche et Drôme.
Il est sans doute prématuré de 6 mètres de long. Elles rampent ou surna- Les magnifiques fleurs jaunes de la plante
prendre dès maintenant ce critère com- gent en produisant des racines adventives sont tentantes, pour les amateurs de plantes,
qui s’enracinent et colonisent les berges en pour décorer les aquariums ou les bassins
me parfaitement fiable car il risque de jardin ! Elle a été longtemps utilisée
une population très dense, qui forme un
d’être variable et il mérite d’être vali- couvert végétal, cachant le bord de l’eau. pour cela et son aire de dispersion est éten-
dé. Il faut donc multiplier les observa- Les rameaux cassés ou détachés, de la plan- due car la Ludwigia a un grand pouvoir de
tions dans ce sens car une reconnais- te, vont s’enraciner plus loin. régénération : à partir d’un rameau qui dans
sance au moyen de la forme des limbes De juin à septembre, la Ludwigia peploides l’eau produit des racines qui fixent et repro-
serait bien utile pour éviter le recours à (la plus présente dans le Vaucluse) produit duisent une colonie qui peut s’étendre d’un
la mesure des spores, même si cet exer- de grandes fleurs jaune vif de 3 à 4 cm de mètre carré par an. Les populations peuvent
cice n’est pas inabordable. diamètre, à5 pétales, 5 sépales et 5 étami- être si denses qu’elles peuvent freiner l’é-
Par contre, sur les 2 plantes fi- nes (quelquefois à 6 divisions). Le calice coulement de l’eau et favoriser les inonda-
est adhérent à l’ovaire mais ne forme pas tions.
gurées, on ne remarque pas de différen- Les autorités commencent à s’émouvoir de
un prolongement au-dessus comme c’est le
ce notable dans la forme plus ou moins cas pour beaucoup d’Onagracées. Le fruit cette progression. En particulier dans
linéaire ou plus ou moins arquée des est cylindrique et allongé, il s’ouvre par 5 l’ouest de la France où la Jussie a envahi le
extrémités des rameaux. Ce sont bien (ou 6) valves, il contient un grand nombre Marais Poitevin au point d’empêcher la
ces derniers critères, trop longtemps de petites graines qui n’ont pas d’aigrette circulation des barques. Dans cette région,
utilisés, qui sont responsables des er- de poils, comme pour d’autres Onagracées. de grands moyens ont été mis en œuvre,
reurs de détermination et par suite de la Les feuilles sont alternes, ovale-allongé et pour empêcher ou limiter son développe-
répartition géographique erronée d’A. rétrécies en pétiole. Les fleurs naissent à ment. Dans notre régions des études sont en
onopteris. l’aisselle des feuilles supérieures : une fleur cours pour trouver des solutions à ce pro-
par feuille. blème .La Fédération de la pêche met en
Il s’agit donc bien d’un appel à garde les particuliers :
Cette plante vivace, sous nos climats tem-
collaboration aux botanistes vauclu- pérés, se développe vigoureusement, au ne pas implanter de Jussie dans son bassin
siens pour faire avancer ce dossier bien point de devenir nuisible pour la faune et la de jardin ou son aquarium,
passionnant. Tous ceux qui pourraient flore des rivières. Les Jussies se dévelop- ne pas cueillir ou arracher de Jussie,ne pas
collecter des échantillons à travers le pent dans les eaux calmes et les endroits où faucher ou essayer d’enlever les Jussies,
département sont inviter à le faire et à le courant est ralenti. Elles survivent à une ne pas passer en barque sur un herbier de
me les transmettre avec indication pré- période d’assèchement par leur rhizome Jussie,
cise du lieu de récolte. enfoncés dans la vase. car tout cela peut produire des débris de
Bibliographie : tiges qui iront reconstituer des plantes en-
tières.
PRELLI R., 1985. - Guide des fougères Deux autres plantes exotiques proliférantes
et plantes alliées. . Paris, (Lechevalier) menacent nos rivières et plans d’eau : le
1 vol. 199 p. Myriophylle du Brésil et la Renouée du
PRELLI R., 2001 – Les Fougères et Japon.
plantes alliées de France et d’Europe
occidentale. Paris, (Belin) - 1 vol. très Nicole CHIRON
illustré, 431 p
Les Jussies dans le Vaucluse.

Bulletin de la SBV - 8 - n°16 - mai 2006


Chrozophora Ce genre se distingue nettement du est suivi d’un séchage au grand soleil
Dossier genre Euphorbia où les fleurs uni- … du Languedoc ! Puis, on prépare
Tinctoria (L.) A. Juss
sexuées sont réunies en une inflores- une couche de fumier, recouverte de
Connue depuis longtemps …… cence bisexuée très particulière : le paille propre sur laquelle on étend les
Cette plante semble être connue par les cyathium. étoffes à teindre. On expose une heure
plus anciens naturalistes ; elle est men- 3. Vous n’aurez que l’embarras du ou deux les étoffes aux vapeurs d’am-
tionnée par Théophraste, Dioscoride, choix pour la nommer ….et l’occa- moniaque dégagées par le fumier jus-
Pline ainsi que par des plus modernes sion de perdre votre latin !! qu’à ce que la couleur bleu apparaisse.
tels que Matthiole, Lobel et Clusius ; - Chrozophora tinctoria du grec (vous pourrez mettre en parallèle des
souvent comparée et même confondue « chrozo » teindre et « pherô » porté. éléments de la mésaventure de Clytie
par certains d’entre eux avec d’autres Ce nom de genre (renforcé par le nom avec le procédé d’obtention de la tein-
plantes telles que Xanthium (sans doute d’espèce) évoque ses propriétés tincto- ture)
spinosum) et Heliotropium europeum. riales. Cette plante contient un pigment Les « drapeaux » emballés étaient en-
Elle est toujours citée pour ses proprié- qui a la propriété de changer de couleur suite acheminés jusqu’en Hollande.
tés tinctoriales, rarement pour ses pro- selon l’acidité ou l’alcalinité du milieu Les Hollandais enveloppaient le froma-
priétés médicinales. où il est immergé. ge dans ces étoffes colorées en bleu. La
Etonnamment, la trentaine de pieds de - Maurelle (et même parfois morelle) teinture bleue mise en contact avec les
Chrozophora de la station de Mazan ne pas confondre avec Solanum ni- acides lactique et butyrique du fromage
passent inaperçus au milieu d’une fri- grum ! virait au rouge et colorait la croûte du
che envahie par Heliotropium euro- maurelle signifiant noirâtre fait sans fromage.Un tel traitement devait aussi
peum et surtout par Xanthium spinosum doute allusion à la couleur sombre que protéger le fromage des vers !
de taille exceptionnelle. prenait la pulpe obtenue après écrase- (voir documents joints sur la technique
Plusieurs fois repérée en Vaucluse ment des feuilles. de coloration)
depuis 1867 - Grande Héliotrope : à cause de la Tout ça vous évoque le papier pH du
Cette espèce méditerranéenne, thermo- confusion avec Heliotropium euro- lycée ….. ? mais …
phile, héliophile, est peu commune peum (Boraginacées) sans doute à cau- Il ne faut pas confondre tournesol en
dans le Vaucluse où elle occupe l’étage se de la forme et de l’aspect des feuil- drapeaux et tournesol en pains. Ce der-
mésoméditerranéen (150 à 350 m). Elle les. nier se présente sous forme de petits
est en limite d’aire septentrionale dans - Tournesol : ne pas confondre avec pains cubiques, de couleur bleue cen-
la partie centrale du Vaucluse où on la Helianthus annuus (Astéracées). D’a- drée. Il se prépare (comme l’orseille)
rencontre dans quelques stations en près de Candolle (Phys. Vég. Tome II au moyen de lichens tels que Rocella
petites populations (de 1 individu à p 843) par le mot Tournesol, on a vou- tinctoria et diverses variétés de Vario-
quelques dizaines) en lisière de champs lu indiquer que la couleur du suc de laria et de Lecanora, réduits en pâte et
cultivés, dans des friches postculturales cette plante se modifie par l’action mêlés avec des cendres, de la chaux et
ou sur des talus. (voir détail de sa ré- solaire. de l’urine .Pour préparer la teinture de
partition et carte) - Croton des teinturiers : du grec chrôs tournesol, on pulvérise le tournesol en
Vous la reconnaîtrez aisément…. = teint pains, on le fait bouillir avec de l’al-
C’est une Euphorbiacée !! - Tournesol en drapeaux : voir § sui- cool à 85°. On ajoute de l’acide sulfu-
Cette plante annuelle de 10 à 40 cm est vant rique pur obtenir une coloration rouge.
tomenteuse, grisâtre. (voir les poils - Herbe de Clytie : Clytie était fille Les papiers réactifs s’obtiennent par
étoilés sur la lithographie de JOLY). d’Océan et de Tethys. Le soleil en tom- immersion de cette décoction.
Elle possède des feuilles alternes, lon- ba amoureux, mais elle se vit bientôt Depuis longtemps, des colorants syn-
guement pétiolées, ovales- rhomboïda- délaissée par le dieu pour Leucothoé , thétiques ont remplacé le tournesol en
les, sinuées dentées. sa sœur. Elle dénonça cette liaison à drapeaux …et le pHmètre les bandelet-
On peut observer ses fleurs nombreu- leur père. Apollon devait changer la tes réactives. On peut donc protéger
ses et discrètes en septembre, elles sont délatrice en heliotrope. Chrozophora.
unisexuées, jaunâtres : 4. Vous voulez testez ses propriétés Merci au musée Requien à Avignon, à
Les fleurs mâles subsessiles en tinctoriales ?…..Il vous faut la recet- Couleur Garance à Lauris, à Monsieur
grappes courtes et dressés te !! Atger, relieur à Gallargues le Mon-
avec 5-10 étamines bien visi- Les habitants de Gallargues- le- tueux.
bles. Montueux (près de Nimes, en Langue- Roselyne GUIZARD
Les fleurs femelles par 1-4 à la doc) ont su de tous temps garder le
BIBLIOGRAPHIE :
base de la grappe mâle sont monopole et le secret de la transforma- - Officine de Dorvault
pédonculées avec 3 styles tion et du commerce de Chrozophora. - « De la garance au pastel » Michel Garcia et
bifides. Voici la marche à suivre ! MF Delarozière Edisud nature
Les plantes sont broyées et réduites en - La garance voyageuse n° 19
Le fruit est une capsule assez grosse (7 - Flore de Coste III p 243
à 8 mm) penchée, à 3 coques globuleu- une pâte dont on exprime le suc à l’ai- - Dictionnaire de la mythologie grecque et ro-
ses, tuberculeuses, monospermes. A de d’une presse. Le résidu est humecté maine
maturité, chaque coque s’ouvre brus- d’urine fraîche, puis pressé à nouveau. - « observations générales sur Chrozophora
Les tissus à teindre, des pièces de toile ….. » par N. Joly 1840 consulté au musée Re-
quement éjectant la graine qu’elle quien Avignon
contient à une certaine distance. grossière appelées « drapeaux » (voir § - Documents prêtés par Mr Atger : Mémoire de
Ce fruit très caractéristique lui vaut précédent) sont trempés successive- l’académie royale 1706 de M Nissolle.
d’être classée dans les Euphorbiacées ment dans le suc pur, puis dans celui Encyclopédie de Diderot et d’Alembert
qui est mêlé d’urine. Chaque trempage Le savant du foyer par Louis Figuier 1867
(autrefois les tricoques)

Bulletin de la SBV - 9 - n°16 - mai 2006


Dossier

Bulletin de la SBV - 10 - n°16 - mai 2006


Dossier

Bulletin de la SBV - 11 - n°16 - mai 2006


Dossier

( d’après Ph. Jauzein - Flore des champs cultivés)

Bulletin de la SBV - 12 - n°16 - mai 2006


Dossier

(Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers - Diderot et D’Alembert)
1751 - 1772
Bulletin de la SBV - 13 - n°16 - mai 2006
Dossier

Carte de répartition vauclusienne de Chrozophora tinctoria (L.) Juss. réalisée par le


Service cartographie du Concervatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles
Virgile NOBLE

CHROZOPHORA TINCTORIA (L.) Juss. Informations transmises par Jean-Pierre ROUX

Écologie (dans le Vaucluse) : étage mésoméditerranéen (150-350 m) ; thérophyte acidicline à calcicline, xéro-
phile, thermophile, héliophile : lisières de champs cultivés, friches postculturales, talus.

Répartition (dans le Vaucluse) : entre Caze et le Pontet (in M. PALUN, 1867) sous le nom de Croton tincto-
rium Lin. ; Mazan au Roumiguier (R. GUIZARD, 2005) ; Cabrières-d’Avignon entre le Grand Camp et la cha-
pelle Sainte-Eusèbe (J.-P. ROUX, 2005) en de nombreuses petites populations ; Gordes aux Firmins (B. GI-
RERD, 2004) ; Saint-Saturnin-lès-Apt (in B. GIRERD, 1991) ; Villars aux Marchands (P. KLAUSNER,
1990) ; Rustrel aux Viaux (G. GUENDE, 2003) ; Cheval-Blanc (in B. GIRERD, 1991) ; Mérindol aux Aires
(G. GUENDE et J.-P. ROUX, 2005) ; Lauris au Sui (J.-P. ROUX et M. BARCELLI, 2005) ; Grambois aux
Allier (A. SAATKAMP, 2004) ; entre Vitrolles et Lourmarin (in A. PONS, 1951).

Note : espèce méditerranéo-touranienne, en limite d’aire de répartition septentrionale dans la partie centrale du
Vaucluse. Se présente souvent en petites à assez petites populations (d’un individu à quelques dizaines).

Bibliographie :
GIRERD, B. 1991- La Flore du département de Vaucluse. Nouvel inventaire 1990. Édit. Société botanique du
Vaucluse et Alain Barthélemy, Avignon. [1]-391.
PALUN, M. 1867 - Catalogue des plantes phanérogames qui croissent spontanément dans le territoire d’Avi-
gnon ou dans les lieux circonvoisins…Avignon. [i-iv], [1]-189.
PONS, A. 1951 - La flore de la chaîne du grand Luberon. Bull. Mus. Hist. Nat. Marseille XI : 57-82.

Bulletin de la SBV - 14 - n°16 - mai 2006


STAGE DE LA SOCIÉTÉ BOTANIQUE DU VAUCLUSE
DANS LE JURA VAUDOIS (SUISSE)

DU 7 AU 11 JUILLET 2005

Cette année, le stage d’été se déroulait dans un cadre dépaysant : celui du Jura vaudois, avec la découverte de quelques sites excep-
tionnels laissant des souvenirs émus. Les 11 participants se sont retrouvés au Brassus, petite ville tout près du Lac de Joux, à 1020
mètres d’altitude, haut lieu de l’industrie horlogère suisse - les uns dans l’Hôtel de la Lande (ancien château du lieu), bien conforta-
ble, d’autres dans les environs. L’hôtel avait mis une vaste salle à notre disposition pour les déterminations vespérales.
Nous avons été fort bien accueillis par nos amis suisses, qui avaient minutieusement organisé les sorties jour après jour, pilotées
chaque fois par des intervenants très compétents, disponibles et attentifs à nos interrogations. Notre pilote en chef, présente près de
nous tout au long de la semaine, était Françoise Hoffer, du Cercle Vaudois de Botanique, qui prépare une « Flore de la ville de Lau-
sanne », avec itinéraires de découvertes botaniques en ville (mais oui ! il peut s’y trouver des choses extraordinaires – telle cette sta-
tion de 300 pieds de Spiranthes spiralis sur le toit d’un garage engazonné !).
Le temps a été globalement favorable, quoique bien frisquet la nuit (6°), puisque nous n’avons eu vraiment de la pluie que le premier
jour – ce qui est méritoire pour une région aussi plantureusement verte.
Les itinéraires des cinq journées nous ont emmenés de part et d’autre du Lac de Joux, depuis le sommet de la Dôle (1677 m) au sud-
ouest du lac, jusqu’à la petite ville médiévale d’Orbe au nord-est, avec une incursion vers Nyon au bord du Léman.

Bulletin de la SBV - 15 - n°16 - mai 2006


Le jeudi 7 juillet exemple Androsace villosa et Minuar- vulgaris et P. alpina hélas défleuris (on
tia capillacea(seulement sur la Dôle), trouve aussi sur la Dôle exclusivement
Le matin : Pelouses près des Aconitum anthora (en 2 régions botani- la rarissime Pinguicula grandiflora).
cibles de tir à Bucley, 580 m ques seulement sur les 598 que compte Nous apprenons que les Pinguicula
la Suisse) …. Cela est dû à sa situation sont à présent reproduits par clonage
C’est Alexandre Vez (du Cercle Vau- particulière : c’est le premier sommet pour l’industrie pharmaceutique (sirop
dois de Botanique) qui nous entraîne, suisse un peu élevé, dans un axe SW pour la gorge). Nous apercevons au-
par un temps gris, pluvieux, froid (il – NE prolongeant la vallée du Rhône, dessus de nous dans le rocher une touf-
pleuvra toute la matinée), sur un site que les espèces montagnardes migrant fe d’Anthyllis montana (4 pieds seule-
surprenant pour nous, Français, entre vers le Nord après les dernières glacia- ment en Suisse !).
Divonne et Nyon, près de la Rippe. Il tions ont rencontré et colonisé. De
s’agit de pelouses sèches calcaires si- plus, il présente des expositions va- En poursuivant la descente, nous no-
tuées sous les cibles de tir destinées à riées : des falaises exposées SE, des tons Laburnum alpinum, puis Paradi-
l’entraînement ordinaire des citoyens. pentes au NW avec des mégaphor- sea liliastrum et Lathyrus occidentalis
C’est une zone protégée, en jachère, biaies … favorisant les influences alpi- (dans le Jura, présents seulement sur la
ensemencée de plantes intéressantes et nes et méditerranéennes, si bien que Dôle, de même que le très rare Aconi-
comportant une vingtaine d’orchidées, quinze espèces ne s’y retrouvent nulle tum anthora dont nous voyons seule-
hélas peu visibles en juillet. Nous no- part ailleurs. ment les feuilles). Nous terminons dans
tons Linum tenuifolium, Cervaria rivini les alpages après avoir longuement
(anciennement Peucedanum cervaria), La pluie s’est enfin arrêtée et nous voi- examiné un pied de Rosa vosagiaca,
Inula salicina, Securigera varia … ci grimpant vers le sommet depuis le stimulés par la curiosité de notre amie
chalet . Quelques belles découvertes, Pierrette pour ce genre difficile qui ne
En montant, nous trouvons une zone s’ajoutant aux plantes habituelles du cessera de nous poser problème tout au
très humide à la base des collines qui calcaire subalpin, vont ponctuer ce long de la semaine.
nous dominent, abondamment pourvue trajet : Sideritis hyssopifolia (un peu –
de Gymnadenia conopsea et G. odora- RRR en Suisse), Campanula thyrsoides Le vendredi 8 juillet
tissima, Epipactis palustris (en colo- bien fleurie (beaucoup), Linum alpi-
nie), Epipactis atrorubens, Drosera num, Seseli libanotis, Bupleurum lon- Le Parc Jurassien Vaudois : la
longifolia, Jean-Claude Bouzat y dé- gifolium (RRR en Suisse), Bupleurum Combe des Amburnex
couvre une plante fort rare en Suisse, falcatum (R), Serratula tinctoria subsp.
très menacée et qui ressemble assez à macrocephala (RR), Allium victorialis C’est dans un site magnifique et réputé
une Oenanthe : Laserpitium pruteni- … que nous allons passer cette journée.
cum. Tous deux se trouvent en prairies La météo s’annonce plus clémente :
humides, mais entre autres choses, le Nous parcourons à présent la pelouse une averse seulement en fin d’après-
Laser a des bractées et des bractéoles – du sommet. C’est une crête empruntée midi et l’apparition d’un timide soleil
l’Oenanthe, seulement des bractéoles ; par le GR « Balcon du Léman ». En bienvenu au moment du pique-nique.
le Laser, des méricarpes velus – l’Oe- principe, nous devrions avoir une vue Nous sommes accompagnés par le
nanthe, des fruits glabres. superbe sur le Léman et les Alpes, grand connaisseur du Parc, Pascal Vit-
mais là, c’est raté : on est dans les nua- toz, qui lui a consacré une brochure
ges …. Heureusement, de nombreux fort bien faite [« Pâturages et forêts du
L’après-midi : sommet de la Dô-
chamois, peu farouches, captent notre Parc jurassien vaudois », édition du
le, 1677 m attention. Cette pelouse est bordée de Parc].
rochers calcaires qui accueillent quel-
Notre guide, plein d’optimisme, décide ques-unes des plantes les plus remar-
de nous entraîner vers ce sommet, mal- La Combe est située au SSE du Bras-
quables. sus, à l’extrémité NE du Parc qui s’é-
gré la pluie persistante, qui va nous
accompagner tout au long de la mon- tend du col de la Givrine au Col du
Notons d’abord quelques orchidées : Marchairuz. C’est une longue dépres-
tée, si bien que nous ne regarderons les Nigritella austriaca, Coeloglossum
plantes qu’à la descente, après le déjeu- sion fermée aux extrémités, le point le
viride, Traunsteineria globosa plus bas étant situé au centre, ce qui
ner, à la faveur d’une éclaircie. (beaucoup !), Gymnadenia conopsea, engendre des conditions climatiques
puis quelques raretés insignes : Andro- particulières. En effet le froid s’accu-
Depuis le parking, nous montons jus- sace villosa en fleurs (un seul petit
qu’à un chalet à 1550 mètres, qui a été mule au fond au lieu de s’évacuer vers
pied), Minuartia capillacea (pas mal l’aval provoquant des températures
ouvert et chauffé à notre intention par de pieds fleuris), Ranunculus thora
une personne attentionnée et nous som- basses toute l’année ( -10° possibles en
(seulement les feuilles), Trinia glauca juin) et des records de froid en hiver
mes bien aises d’y pique-niquer à l’a- (pieds mâles et femelles), Helianthe-
bri, réconfortés en sus par vin et café (les plus basses de Suisse pour cette
mum canum, de nombreux pieds de la altitude).
offerts par le Cercle Vaudois de Bota- peu commune Athamanta cretensis,
nique. Coronilla vaginalis … Après les dernières glaciations, les
Cette halte est l’occasion d’avoir un espèces de milieux ouverts sont arri-
Le retour s’effectue en contournant la vées en premier ; les forêts (de pins
petit exposé sur ce sommet de la Dôle butte sommitale par une pente rocail-
– site exceptionnel en Suisse, qui abrite surtout) se sont installées vers – 10 000
leuse suintante orientée Sud-Est pour B.C. – les espèces actuelles seulement
des plantes (500 espèces sur 14 km² ) voir les nombreux pieds de Pinguicula
qu’on trouve très peu ailleurs – par en – 2 000 B.C., le sapin en premier

Bulletin de la SBV - 16 - n°16 - mai 2006


qui a éloigné les autres espèces, hêtre gifolium, Petasites albus, Hieracium joue également son rôle : des canaux la
et épicéa. Les fouilles de l’abri Fré- prenanthoides, Phyteuma spicatum, conduisent vers l’ouest où elle disparaît
mont ont montré une occupation hu- Heracleum sphondylium subsp. jura- dans les « emposieux » au pied des
maine dès – 10 000 B.C.et la présence num, Salix appendiculata, Lonicera rochers.
de l’élevage vers – 4 000 (vaches, co- alpigena, Lonicera nigra, Rumex al-
chons, moutons), avec les premiers pestris, Cirsium erisithales, Ranuncu- Nous avons donc un marais de transi-
déboisements. Le gros du déboisement lus lanuginosus … Notons que les jeu- tion – zone très inondée à Carex ros-
commence au Ve siècle avec l’installa- nes sapins et épicéas poussent volon- trata, Carex diandra, Potentilla palus-
tion des premiers monastères (Saint- tiers sur de vieilles souches : ils sont tris, puis un bas-marais calcaire, plus
Claude) et se poursuit au XIIe avec ainsi à l’abri de la neige tardive du sec, à Carex nigra, C. flava, C. limosa,
l’implantation de nouveaux monastères printemps qui favorise le développe- Swertia perennis, Primula farinosa et
(Abbaye du Lac de Joux, Chartreuse de ment d’un champignon, le noir de l’é- enfin un bas-marais acide, plus pauvre
Bonmont). Les cartulaires du XIIe siè- picéa, mortel pour les petits arbres. Les en espèces. Nous parcourons ces diver-
cle mentionnent la Combe des Ambur- myrtilles s’y développent aussi volon- ses zones en découvrant quelques espè-
nex pour le pâturage. Le bois qui joue tiers, y trouvant l’acidité nécessaire. ces remarquables du lieu, espèces arcti-
un rôle très important dans cette écono- co-alpines fort rares : Carex heleonas-
mie est surexploité, si bien qu’au A la sortie de la forêt, nous traversons tes, Sagina nodosa (très peu), Saxifra-
XVIIe siècle, les forêts sont ruinées, un petit vallon très humide (fond argi- ga hirculus. Nous avons le plaisir d’en
entraînant la disparition du hêtre, très leux) avec Geum rivale, Saxifraga ro- découvrir beaucoup de pieds bien fleu-
apprécié pour le charbon de bois et tundifolia, Glyceria fluitans, Epilobium ris pour la plus grande joie des photo-
brouté par les vaches. L’arrivée du alpestre et E. montanum, Carum carvi graphes. (voir encart couleur)
charbon de terre va diminuer la pres- … avant d’arriver dans la Combe pro-
sion sur les forêts qui regagnent du prement dite. Les pâturages boisés (ou prés-bois)
terrain. La formation typique du Jura,
les prés-bois, est le résultat de cette La Combe des Amburnex Nous poursuivons notre exploration du
constante évolution et d’un subtil équi- marais, puis montons vers des zones de
libre entre la nature et les besoins chan- Sur plus de 7 km, c’est une longue plus en plus sèches, composées de pâ-
geants de l’homme. dépression étroite, creusée par l’éro- turages boisés – paysages typiques du
sion des couches tendres, riches en Jura, très appréciés des promeneurs et
argile, de sédiments lacustres accumu- skieurs. Le pâturage du Couvert de la
Nous allons suivre peu ou prou l’itiné- lés il y a 140 millions d’années alors Sèche de Gimel est une étrange succes-
raire décrit dans la brochure, entre le que les calcaires marins environnants sion de creux et de bosses, due à la
col du Marchairuz (1447 m), au som- résistaient mieux. A la fin des glacia- dissolution inhomogène des calcaires
met d’un anticlinal et les pâturages des tions, le vent soufflant sur les immen- sous-jacents – les creux avec un sol
Amburnex , environ 100 mètres plus ses surfaces de rochers et graviers dé- riche en terre fine et les bosses caillou-
bas. nudées des montagnes emporta de fins teuses. Ici
limons (les loess) et les déposa sur le règne en maître Veronica spicata , puis
Descente en forêt depuis le Col Jura sur plus de trente centimètres d’é- Anthyllis vulneraria subsp. alpestris,
paisseur. Ceux des crêtes, érodés par la Cirsium acaule, Carlina acaulis subsp.
Un sentier très agréable bordé de luxu- pluie, se sont accumulés dans les com- caulescens, Thymus pulegioides, He-
riantes mégaphorbiaies nous mène vers bes, formant un sol profond et riche, lianthemum nummularium subsp. osb-
la Combe. Les Epicéas (autrefois favo- alors que les rochers, dénudés ou cou- curum, Festuca laevigata subsp. laevi-
risés) dominent, accompagnés d’Abies verts d’un sol peu productif, affleurent gata, Thesium pyrenaicum, Hippocre-
alba, Sorbus aucuparia, Acer pseudo- toujours sur les buttes et crêtes. C’est pis comosa.
platanus (le seul apte à se développer ce paysage, composé de pentes boisées
dans les mégaphorbiaies). Ici, les forêts et replats ou combes en herbe, que Dans les pelouses parsemées de gros
sont plutôt claires, avec beaucoup de nous allons parcourir aujourd’hui. rochers, voici, étalés ensemble sur ces
lumière arrivant au sol. Les animaux rochers, deux plantes extrêmement
ont longtemps pâturé librement en sous Mais la partie que nous abordons d’a- rares en Suisse, bien qu’abondantes ici
-bois, ralentissant la régénération des bord, à l’extrémité NE de la combe, est dans la Combe : Genista pilosa et
arbres (la forêt n’a été fermée au bétail le marais des Amburnex (ou marais de Daphne cneorum. Elles recherchent
que dans les années 50) et en outre, les la Sèche de Gimel). des sols oligotrophes, aussi bien sur
forestiers la gèrent en forêt jardinée, la Marais de la Sèche de Gimel rochers calcaires que dans les nardaies
maintenant claire. Dans ce milieu favo- Il s’agit d’un ancien lac de 6 m de pro- – ce qui indique une plasticité rare chez
rable, riche en eau et nutriments, crois- fondeur, formé pendant les glaciations les plantes. Nous avons aussi en abon-
sent en abondance les grands espèces grâce à un dépôt d’argile, peu à peu dance Carex montana, Draba aizoides,
habituelles : Cicerbita alpina, Aconi- comblé par la tourbe. Ce marais, avec Koeleria pyramidata, Arabis ciliata,
tum vulparia, Astrantia ma- 850 m de long, est le plus grand du Asperula cynanchica. Nous arrivons
jor,Adenostyles alliariae, Gentiana Parc et présente plusieurs faciès, dus à enfin au lieu du pique-nique, surveillés
lutea - en fait, espèce forestière, ainsi la double alimentation en eau : par les de près par des vaches bien familières.
que Veratrum album subsp. lobelianum sources issues des pâturages et char-
( qui produit beaucoup de feuilles et ne gées de nutriments azotés – et par l’eau
fleurit que tous les 6 à 7 ans), Ranun- de ruissellement de la rive opposée sur
culus platinifolius, Thalictrum aquile- les rochers calcaires. Le niveau d’eau

Bulletin de la SBV - 17 - n°16 - mai 2006


Les lapiaz gnie de Jean-Louis Moret, Conserva- tandra (le « saule-laurier » aux feuilles
teur au Musée Botanique de Lausanne, brillantes vert foncé – quelques beaux
Nous continuons notre descente vers spécialiste des milieux humides et de sujets de 5m de haut), S . myrsinifolia,
une succession de lapiaz. Le premier plusieurs autres amis suisses, fins S. repens.
que nous abordons a été autrefois re- connaisseurs des lieux. Nous sommes
couvert d’un sol et boisé, car sa surface en bonnes mains ! Le temps est beau, Parvo-Cariçaie au bord du
est lisse et polie. Sinon, la surface sou- ensoleillé – avec la petite pluie inévita- Lac
mise à l’érosion est très striée et irrégu- ble de fin d’après-midi. Le secteur de
lière. Il y reste quelques Epicéas très la Vallée du Joux, de 1000 à 1300 m, Nous voici maintenant les pieds dans
rabougris bien que centenaires, car la est riche de 432 espèces abondantes ou l’eau – dans un beau paysage. Le Lac
faible épaisseur du sol, la sécheresse de fréquentes, plus 236 espèces rares ou s’étend devant nous avec ses 9 km de
l’été, les coups de froid du printemps peu abondantes. long. Il est orienté SW/NE comme le
leur sont très défavorables. Sur les pe- Jura ; il canalise le vent pluvieux du
louses pâturées, nous trouvons Dian- Lac de Joux : « Chez-le- SW et la bise NE du Centre Europe,
thus superbus, Nigritella austriaca, Poisson » - 1005 m froide et sèche – ce qui provoque la
Narcissus peticus, Genista tinctoria. formation de vagues de 50 à 60 cm,
Ce site, à l’extrémité SW du Lac, en d’où une érosion sensible. Mais ces
Nous remontons ces pâturages, en fran- bordure, est un marais d’atterrissement vagues apportent ici, à l’amont, des
chissant de temps à autre de très beaux en zone calcaire, avec quelques espè- plantes aquatiques qui poussent norma-
murs en pierre sèche dont le Parc juras- ces patrimoniales : Iris sibirica, Ra- lement en eau plus profonde (1,5 m),
sien vaudois encourage l’entretien. Ils nunculus reptans, Sagina nodosa. en particulier des Potamots, ce qui en
séparaient autrefois les propriétés afin Nous marchons en direction du lac, à rend possible l’inventaire. Le Lac de
d’éviter le mélange du bétail, entourant partir de la route au lieu-dit « Le Bas Joux est le seul à voir gardé ses Pota-
la totalité de l’alpage, y compris les des Bioux », dans un canal de drainage, mots (8 espèces). Il s’agit hélas d’un
forêts. Aujourd’hui, ils sont toujours au milieu d’une végétation exubérante, lac plutôt eutrophe, à cause de la pollu-
utiles pour séparer les parcs. Nous arri- avec des plantes caractéristiques de la tion du pourtour et de l’amont, dont le
vons ainsi à un beau lapiaz, vrai jardin grande cariçaie : Salix myrsinifolia, signe le plus visible est la présence
féérique paré des vives couleurs d’in- Glyceria notata, Alisma plantago- d’une algue rouge déposée au bord,
nombrables fleurs : celles des creux du aquatica, Scutelleraria galericulata, appelée ici « le Sang des Bourgui-
calcaire garnis d’un peu d’humus et Pedicularis palustris (très abondante), gnons ».
ceux des « laisines », fissures plus ou Galium boreale, Thesium pyrenaicum,
moins larges et profondes. Quand elles Ranunculus trichophyllus. Nous n’exa- Nous notons Potamogeton crispus,
sont larges et bien éclairées au fond, minons pas toutes les plantes : il y en a Hippuris vulgaris, Myriophyllum spi-
elles hébergent une végétation de mé- trop – et nous sommes attirés par le catum, Elodea canadensis (autrefois
gaphorbiaires, mais étroites et profon- bord du lac ! Notons par endroits une envahissante, à présent contenue) et
des, c’est le royaume des fougères. En importante irisation de l’eau, due au finissons par découvrir la grande rareté
surface, de grandes taches de Coto- développement de bactéries (et non à la du lieu, Ranunculus reptans – un seul
neaster integerrimus, rampant, prostré. présence d’hydrocarbures). petit pied au ras de l’eau.

Retenons encore une fois d’innombra- Nous atteignons une zone boisée En arrière, voici une prairie plus sèche,
bles pieds de Véronica spicata, Gym- (Epicéas, habités par les Roselins cra- couverte de Dactylorhiza incarnata,
nadenia conopsea, Traunsteinera glo- moisis), puis une roselière à Phragmi- avec Schoenus ferrugineus (on trouve
bosa, Aconitum bauhinii (aux tépales tes australis, la grande cariçaie à Carex Schoenus nigricans plutôt vers 500/600
glabres), Lonicera caerulea , Polygo- elata et enfin une parvo-cariçaie, la m d’altitude), Equisetum variegatum,
natum verticillatum, Solidago virgau- plus intéressante. Carex davalliana, Carex hostiana,
rea, Asplenium viride, Cystopteris fra- Carex panicea, Tofieldia calyculata,
gilis, Gymnocarpium robertianum.. Roselière-Cariçaie Pyrola rotundifolia et enfin, une autre
Menacés par la pluie, nous écourtons rareté, Iris sibirica, en fin de floraison
notre visite. Dommage ! ce lapiaz était Nous rencontrons donc successivement (2 stations dans le Jura, davantage plus
si beau ! Phragmites australis, puis une zone à à l’Est).
Carex elata en touradons (il pousse sur
En revenant vers la route goudronnée, les débris des feuilles des années pré- En avançant, nous foulons une autre
nous passons à côté d’un chalet près cédentes, la hauteur du touradon cor- belle pelouse couverte de Epipactis
duquel se trouve un « parc à foin » : respondant à celle du battement de la palustris, en pleine floraison : un ré-
c’est un pré clôturé d’un mur et préser- nappe d’eau du lac – 60 à 80 cm). Voi- gal ! accompagnée de Gymnadenia
vé du pâturage et que l’on fauchait à la ci également Carex acutiformis, Phala- conopsea, Pinguicula sp. (les rosettes
demande pour nourrir les bêtes en cas ris arundinacea, Carex appropinquata de feuilles seulement : P. leptoceras et
de besoin. dont la présence ici interpelle : ce Ca- P. vulgaris sont présentes ici), Parnas-
rex est un indicateur d’acidité – ou au sia palustris, Gentiana verna, Thesium
Le samedi 9 juillet moins de milieu mésotrophe. En Suisse pyrenaicum, Primula farinosa, Erio-
occidentale, il y a peu de bas-marais phorum latifolium, E. angustifolium,
Autour du Lac de Joux acides et au total, peu de C. appropin- Equisetum palustre, Peucedanum pa-
quata. Beaucoup de Saules : Salix cine- lustre. La très rare Drosera intermedia
rea, S. purpurea, S. triandra, S. pen- est présente également, mais non
Nous passons cette journée en compa-

Bulletin de la SBV - 18 - n°16 - mai 2006


aperçue. Un des participants (M.T.) y be. en deux temps : la matinée autour du
trouve un pied de Scorzonera humilis, Lac Brenet qui est un prolongement du
très rare en Suisse et nouvelle pour le Nous continuons à faire le tour en tra- Lac de Joux au Nord et l’après-midi
site. versant l’exutoire de l’eau libre, nous plus loin à l’Est autour de la petite ville
enfonçant dans un espace luxuriant, d’Orbe. Mais avant d’aller au lac Bre-
Cette zone très intéressante est gérée parmi les Epicéas, sur des surfaces de net, Françoise Hoffer nous réserve une
par « Pro Natura » et le Canton de Mousses, Sphaignes, Vaccinium uligi- surprise dans la gare du village Le
Vaud, qui luttent contre l’envahisse- nosum et même, Dianthus superbuset Lieu : en effet, sur le ballast, au milieu
ment par les ligneux. On a pu déplorer c’est en marchant dans les sphaignes de rails désaffectés, non désherbés,
malheureusement, faute d’information que nous regagnons la route d’accès. pousse la rarissime Linaria alpina
suffisante, l’élimination d’un Rhamnus subsp. petraea ( plante ascendante dès
cathartica fort ancien, au tronc de 30 Autre Tourbière, vers la base, la fleur présentant le lobe de la
cm de diamètre … « Chez-les-Aubert » lèvre supérieure très haut et étroit).
C’est une plante des Alpes orientales
Tourbières de « Derrière-la- Nous reprenons la route vers le NE et à (Autriche), présente ici essentiellement
Côte » - 1080 m l’endroit du parking, voici une belle sur les voies ferrées du Jura en quel-
plante, très rare en Suisse (seulement ques stations (peut-être 6). L’éboulis
Nous allons maintenant parcourir un ici dans le Jura, puis en quelques points calcaire à la frontière entre Le Brassus
espace particulier, fort complexe : il des Alpes) : Cephalaria alpina (famille et Bois d’Amont serait la source de ces
s’agit d’un chapelet de tourbières qui des Dipsacacées). Nous sommes sur un plantes. C’est notre cicerone de la jour-
se trouve derrière une ligne de côtes au site situé à 300 mètres du précédent, née, Philippe Druart, de l’Institut Bota-
-dessus du Lac vers le SW, au niveau dans le prolongement, à la même altitu- nique de Neuchâtel, qui en a entrepris
± 1100 m. Notons que toutes les tour- de, en allant au NE vers le Lac. Cette l’inventaire depuis deux ans.
bières sont actuellement protégées en grande tourbière a été en partie trans-
Suisse. formée en prairie artificielle : déboisée, Nous commençons notre périple au
décapée, purinée et en fait, par en- lieu-dit « Sur le Pont», un espace qui
Derrière l’Hôpital, chemin des droits, l’exploitation en est maintenant sépare les deux lacs : une étroite lan-
Ecureuils abandonnée ! Nous traversons donc gue de terre sépare les deux lacs et en
cette prairie pour accéder à la partie son milieu, passe l’Orbe qui, vers le
Après un pique-nique fort agréable boisée qui entoure la tourbière propre- Sud, s’est jetée dans le Lac de Joux à
sous les épicéas, sur une moelleuse ment dite, où nous apercevons de l’eau la Tête du Lac, puis l’a traversé, se
couche de mousses agrémentée de Ly- libre avec des tremblants de Potamoge- retrouve ici et traverse aussi le Lac
copodium annotinum, nous faisons le ton natans. Betula nana est revenu ici Brenet où elle disparaît dans de pro-
tour d’une tourbière anciennement ex- après abandon de l’extraction de la fonds entonnoirs sur la rive W. Après
ploitée pour le chauffage, dont nous tourbe dans les années 1950. Nous 2,5 km d’un circuit souterrain, elle
voyons de loin en loin les anciennes faisons ainsi un circuit sur un sentier réapparaît peu avant Vallorbe, dans
fosses d’extraction. Tout de suite, nous aménagé avec pontons de bois. une grotte. Sur les berges du Lac de
avons Betula nana, en buissons ras, Joux, au niveau d’un petit port, nous
fort rare en Suisse (c’est la station La Sagne du Campe cherchons vainement Sisymbrium
suisse la plus occidentale et la plus supinum, une rareté protégée au ni-
méridionale – la plus méridionale de C’est un grand étang d’eau libre tout veau national, petite plante à fleurs
toutes étant celle de la Margeride en près de la route près du Brassus en blanches poussant sur les berges à eau
France). allant vers le Sentier, créé par l’extrac- battante. Mais le niveau actuel des
tion de la tourbe. Nous y allons pour lacs est haut (pourrait descendre de 80
Nous sommes en fait sur une tourbière voir une belle population de Carex cm) et la plante, que P. Durart a vue
d’ensellement, avec 3 mètres de tour- lasiocarpa fort rare dans le Jura suisse, en 2003 au moment de la sécheresse,
be ; les eaux de ruissellement calcaires plus commun dans le Jura français et le est sous l’eau. Il en est de même d’une
s’échappant de tous côtés, il s’est for- reste de la Suisse. Ici elle pousse à la autre rareté du Lac de Joux, Arenaria
mé un sol acide organique. Quand il est limite de l’eau et beaucoup de pieds gothica, retrouvée par lui à la même
suffisamment asséché, on y trouve sont fleuris – ce qui est peu fréquent. époque.
Vaccinium uliginosum, V. myrtillus, V. Elle se trouve souvent en importantes
vitis-idaea. populations qui ondulent sous le vent. Sous la route, au lieu-dit « Les Epi-
Les utricules velus très bruns ont une nettes », nous parcourons une vaste
De chaque côté, des fosses, recoloni- teinte « robe de cheval » ; les feuilles prairie très fleurie qui se développe
sées par Carex rostrata, Carex lasio- sont arquées, très étroites. Nous avons en bordure Sud du Lac Brenet en
carpa, Carex appropinquata, Typha aussi Carex paniculata, C. rostrata, C. direction de l’Ouest. Il s’agit d’une
latifolia, Potentilla palustris, Menyan- lepidocarpa. prairie régulièrement fauchée par
thes trifoliata, formant des radeaux convention avec les agriculteurs,
flottants. Sur les rives, Molinia caeru- Le dimanche 10 Juillet couverte de Gymnadenia conopsea,
lea, Salix cinerea x aurita, S. triandra qui embaume littéralement l’atmos-
x myrsinifoliam, Phragmites australis Le Lac Brenet phère, d’ Epipactis palustris très
(progressant de 30 à 50 cm/an en abondant, de Dactylorhiza traunstei-
moyenne). Une surprise : un très grand neri , rare dans le Jura, plus abondant
C’est un temps dégagé, très agréable,
terrier de blaireaux creusé dans la tour- vers l’Est (plante pauciflore, à feuil-
qui va ensoleiller cette journée, divisée
les très fines graminiformes),

Bulletin de la SBV - 19 - n°16 - mai 2006


Dactylorhiza incarnata (D. majalis, pieds de Pyrola rotundifolia en pleine Cette dernière matinée, très ensoleillée,
encore plus abondant, est passé de- floraison sous les arbres ! Féérique ! nous fait découvrir la zone humide à
puis longtemps), Listera ovata, Gen- l’extrémité Sud du Lac où se jette l’Or-
tiana verna, Pinguicula vulgaris, Village « Les Clées » et be. C’est un site très plaisant, aménagé
Primula farinosa et Centaurea sca- ville d’Orbe pour la promenade, situé sur la rive
biosa subsp. alpestris (peu fréquen- gauche de l’Orbe, avec un poste d’ob-
tes dans le Jura), Cirsium tuberosum Les Clées - Après un pique-nique bien servation qui offre un beau point de
(peu courante dans le Jura, très rare plaisant au bord du Lac de Joux où vue sur le lac et son écrin de collines.
ailleurs en Suisse), Molinia caerulea nous remarquons une belle étrangère La botanique ne perd pas ses droits et
en pieds isolés, non en touradons … plantée dans les jardins et qui s’instal- Françoise Hoffer nous montre deux
En avançant, nous pénétrons dans de le peu à peu dans la nature : Lysima- plantes remarquables : Hierochloe odo-
bonnes prairies à Cynosurus crista- chia punctata, nous prenons la direc- rata (protégée, car considérée comme
tus, puis à Bromus erectus et Koele- tion de Vallorbe, puis du village des très menacée en Suisse) et Thalictrum
ria pyramidata (noter que Koeleria Clées. Nous nous arrêtons au pont sur flavum (même statut). Elle nous fait
vallesiana est très rare dans le NE du l’Orbe (528 m d’altitude) où poussent remarquer que ces deux plantes ne se
canton de Vaud et près du Lac de en contrebas Doronicum pardalian- retrouvent pas juste de l’autre côté de
Neuchâtel et ne se trouve ensuite que ches (se trouve ici souvent près des l’Orbe, rive droite, au lieu-dit « Chez-
dans le Valais). châteaux et serait venue avec les Croi- le-Poisson » où nous étions l’autre
sés) et Oenothera glazioviana. Puis jour.
Le tour du Lac - Nous voici à pré- nous montons à pied au bord de la
sent au bord de l’Orb quand elle vient route jusqu’au village dominé par un C’est ainsi que s’achève ce séjour enri-
se jeter dans le Lac Brenet. Notons château, où le talus à fauche tardive chissant dans le Jura vaudois. Soyons
Nuphar lutea, Schoenus ferrugineus, retient notre attention, avec de nom- reconnaissants à nos amis suisses qui
Schoenoplectus lacustris (le « Jonc breuses Campanules : Campanula ont si bien su l’organiser et l’agrémen-
des Tonneliers » : ici, on en faisait des patula subsp. patula (la subsp. costae ter de leur présence – sans oublier les
fagots pour filtrer le vin), Blysmus se trouve à Neuchâtel), Campanula responsables de la S.B.V. qui, année
compressus, Asperula cynanchica et trachelium, C. rapunculoides, C. per- après année, mettent sur pied des ses-
Ranunculus acris (peu communes ici). sicifolia, puis Anthemis tinctoria, Se- sions de très grande qualité pour le plus
Nous rejoignons maintenant un sentier dum telephium, Orobanche minor ( – grand bonheur des participants.
très agréable qui, faisant le tour du sur Fabacées – ici une quinzaine de
lac, nous ramènera à notre point de pieds), Turritis glabra, Pimpinella Pour terminer, donnons l’adresse du
départ après un périple de 4,5 km en- saxifraga, Papaver dubium subsp. site « Swiss Web Flora » : http://
viron. Nous sommes la plupart du lecoqii. Quelques personnes s’avan- www.wsl.ch sur lequel on trouve
temps au pied de falaises calcaires cent ensuite jusque sous les murs du quantité d’informations sur les plantes
abruptes qui tombent dans le lac, le château, dans lesquels se développent en Suisse : distribution de toutes les
sentier suivant l’eau de près dans une de nombreux pieds de Ramonda my- espèces, distribution des espèces rares,
forêt claire de Saules (Salix cinerea, coni, plante rapportée des Pyrénées répartition des relevés, diversité des
Salix caprea), avec de grands sujets par le précédent propriétaire et qui espèces, régions florales, bibliographie,
de Rhamnus cathartica et Viburnum semble bien se plaire ici. liens, etc… A consulter impérative-
opulus, de nombreux rosiers peu faci- ment !
les à identifier (risquons cependant les Orbe - Fin de journée de détente
noms de Rosa tomentosa et Rosa ca- dans le cadre de la ville d’Orbe avec Françoise BORNAND
nina s.l. – peut-être R. corymbifera). son quartier médiéval et ses monu-
Le sous-bois est riche de nombreuses ments des XVIIe et XVIIIe siècles.
espèces : Campanula trachelium, C. Dans les murs des remparts, quelques
rhomboidalis, Thesium alpinum, As- raretés botaniques :Asarina procum-
trantia major, Lilum martagon, Cen- bens abondante et bien fleurie, pré-
taurea scabiosa, Stachys sylvatica, S. sente seulement à Orbe, Arabis rosea
alpina, Chaerophyllum aureum, La- DC (aussi à Neuchâtel et dans les
serpitium latifolium, L. siler, Orthilia murs à Besançon) et Hieracium urti-
secunda …. caceum (hybride H. amplexicaule –
humile selon le 3e supplément à la
Nous arrivons ainsi à « l’entonnoir du flore de Coste). Nous avons plaisir à
Bon-Port » , immense excavation dans visiter la vaste église d’Orbe, monu-
le rocher où l’Orb s’engloutit, puis ment complexe commencé au XVe
après un passage à l’extrémité Nord du siècle et devenu un temple et à goûter
lac dans une zone humide, nous retrou- au charme de la vieille place du Mar-
vons un sentier étroit coincé entre le ché à la terrasse d’un café accueillant.
chemin de fer et le lac, toujours dans
une zone boisée, où fleurissent Epipac-
Le lundi 11 juillet
tis atrorubens, Neottia nidus-avis,
Dactylorhiza fuchsii, Daphne meze- Saxifraga hirculus
reum. Et une surprise de taille nous La Tête du Lac de Joux (d’après Ph. Danton et M. Baffray -
Inventaire des plantes protégées en France -
attend : un tapis continu de milliers de Nathan - 1995)

Bulletin de la SBV - 20 - n°16 - mai 2006


Botanique Générale
Groupements végétaux (habitats) dont l’existence est vraisemblable dans les stations visitées
au cours du W.E. en Cévennes de la S.B.V. (25 – 26 juin 2005)
(liste non limitative établie par René DELPECH)

Méthode utilisée
Les affinités sociologiques des taxons observés par nous au cours de ces deux journées (au nombre de 350, liste certainement
non exhaustive pour les secteurs visités) ont été recherchées dans la bibliographie (Braun-Blanquet et al. 1952, Guinochet et de Vil-
morin 1973-1984, Rameau 1993, Theurillat et al. 1995, Julve et al. 1997, Cahiers d’habitats Natura 2000 ; 2000-2005). Seuls les
niveaux alliance et sous-alliance représentés par au moins deux taxons caractéristiques ont été retenus. La nomenclature utilisée pour
les syntaxons est celle du Prodrome des groupements végétaux de France (Bardat et al. 2004). Les références européennes (codes)
Corine-biotopes sont mentionnées lorsqu’elles existent.
A remarquer qu’une présentation exhaustive des groupements végétaux de ce secteur à un niveau fin (association, sous-
association) exigerait la réalisation, au cours de plusieurs périodes, de nombreux relevés stationnels (voire microstationnels dans
certains cas), suivie de leur traitement statistique (AFC ou méthodes dérivées) et de l’interprétation des résultats de ce traitement.

A - Végétation fontinale
Epilobio nutantis-Montion fontanae : communautés collinéennes et montagnardes, acidiphiles et héliophiles
B - Végétation chasmophytique (des parois rocheuses)
Asarinion procumbentis : communautés cévenoles et pyrénéennes Corine biotopes 62.26
C - Végétation d’éboulis siliceux
Galeopsion segetum : éboulis secs, collinéens et montagnards ; Corine b. 61.12
D - Végétations herbacées anthropiques
D 1 Communautés nitrophiles à dominance d’espèces vivaces : Arction lappae
D 2 Communautés subthermophiles subouvertes de hautes herbes sur substrats grossiers, souvent rapportés :
Dauco carotae-Melilotion albi
D 3 Communautés nitrophiles annuelles mesophiles non méditerranéennes : Scleranthion annui
D 4 Communautés subnitrophiles estivales des stations hyperpiétinées : Polygono arenastri-Coronopodion squamati
D 5 Communautés des cultures sur sol acidicline à dominante sableuse : Panico crusgalli-Setarion viridis
D 6 Communautés pionnières héliophiles des coupes forestières sur sol acide : Epilobion angustifolii ; Corine b. 31.87.11
E - Végétation des lisières, ourlets et pelouses préforestières acidiphiles sur sol oligotrophe
E 1 Communautés montagnardes mesophiles à meso-hygrophiles : Potentillo erectae-Holcion mollis
E 2 Communautés subatlantiques à irradiations méridionales : Conopodio majoris-Teucrion scorodoniae
F - Végétation des megaphorbaies
F 1 Megaphorbaies planitiaires à montagnardes, meso-eutrophes, riveraines alluviales des stations humides plus ou moins
inondables : Convolvulion sepium ; Corine b. 37.71
F 2 Megaphorbaies meso-hygrophiles montagnardes : Adenostylion alliariae ; Corine b. 37.81
G - Végétation des pelouses thérophytiques
G 1 Pelouses méditerranéennes acidiphiles à végétation précoce sur sols sableux oligotrophes : Helianthemion guttati ;
Corine b. 35.3
G 2 Pelouses non méditerranéennes vernales à estivales sur sables et arènes siliceuses : Thero-Airion ; Corine b. 35.21
H - Végétation hémicryptophytique des pelouses et prés maigres
H 1 Pelouses pionnières (plus ou moins riches en annuelles) sur sables acides et sur arènes granitiques :
Corynephorion canescentis ; Corine b. 35.21
H 2 Pelouses subatlantiques/subméditerranéennes mesoxérophiles à xérophiles : Mesobromion erecti ; Corine b. 34.326
H 3 Pelouses oligotrophes acidophiles subatlantiques : Violion caninae ; Corine b. 62.30
H 4 ? Prairies hygrophiles à mesohygrophiles oligotrophiques sur sol tourbeux à paratourbeux : Molinion caeruleae ;
Corine b. 37.312
H 5 Communautés méditerranéennes mesohygrophiles : Molinio arundinaceae-Holoschoenion vulgaris ; Corine b. 37.4
I - Végétation des prairies semi-naturelles
I 1 Prairies eurosibériennes fauchées sur sols engorgés ou inondables mesotrophes :
Bromion racemosi (= Calthion palustris) ; Corine b. 37.21
I 2 Prairies méditerranéennes longuement inondables : Paspalo distichi-Agrostion semi-verticillati ; Corine b. 24.53
I 3 Prairies mesophiles à mesohygrophiles, sur sols mesotrophes à eutrophes, fauchées :
-a) collinéennes à submontagnardes : Arrhenatherion elatioris ; Corine b. 38.22
-b) montagnardes du Massif Central (et des Pyrénées) : Violo sudeticae-Trisetenion flavescentis ; Corine b. 28.3
I 4 Prairies paturées collinéennes à montagnardes : Cynosurion cristati (ou Centaureo nigrae-Cynosurenion cristati) ;
Corine b. 38.1 et 38.112

Bulletin de la SBV - 21 - n°16 - mai 2006


J - Végétation des landes, fourrés et manteaux arbustifs
J1 Landes :
-a) eurosibériennes acidiphiles subcontinentales :
Genisto pilosae-Vaccinion uliginosi (= Calluno-Genistion pilosae) ; Corine b.31.226
-b) méditerranéennes thermophiles acidiphiles : Cistion ladaniferi ; Corine b.32.311
J2 Fourrés et manteaux arbustifs :
-a) communautés arbustives sous influence méditerranéenne : Pruno spinosae-Rubion ulmifolii ; Corine b.31.891
-b) communautés des coupes forestières : Sambuco racemosae-Salicion capraeae ; Corine b. 31.872
-c) fourrés à Fabacées arbustives :
§ subatlantiques subcontinentaux : Sarothamnion scoparii ; Corine b.31.8413
§ méridionaux montagnards du Massif Central (et des Pyrénées) : Cytision oromediterraneo-scoparii ;
Corine b. 31.8421

K - Végétations forestières et préforestières


K 1 palustre ou ripariale
Forêts d’Aulne glutineux sur sol longtemps engorgé meso-eutrophe : Alnion glutinosae ; Corine b.44.3
K 2 climacique supraméditerranéenne, caducifoliée ou mixte, collinénne et montagnarde, thermophile :
Quercion pubescenti-sessiliflorae ; Corine b. 41.9
K 3 climacique eurosibérienne, caducifoliée ou mixte, surtout montagnarde :
-a) acidicline : Fagion sylvaticae ; Corine b. 41.112
-b) acidiphile, montagnarde occidentale sous influence méditerranéenne : Ilici aquifolii-Fagenion sylvaticae ;
Corine b. 41.12
K 4 forêts riveraines non marécageuses, méditerranéennes, sur alluvions riches : Populion albae ; Corine b. 44.1412
K 5 végétation arborée ou arbustive méditerranéenne, surtout sempervirente et sclérophylle, fermée (chênaie verte) ;
Quercion ilicis ; Corine b. 41.9 ; 45.313

Espèces indigènes observées caractérisant d’autres groupements (liste non limitative)

Alisma lanceolatum (Phragmitetalia australis : végétation soumise à inondation régulière et


prolongée sur sol minéral eutrophe)
Asplenium ceterach, A. trichomanes (Asplenietea trichomanis : végétation vivace non nitrophile des parois et des murs)
Asplenium foreziacum, A. septentrionale ( Androsacetalia vandelii : communautés des parois rocheuses non calcaires)
Carex curta, Drosera rotundifolia (Caricetalia fuscae : communautés de bas marais acidiclines à acidiphiles)
Isolepîs setacea (Nanocyperion flavescentis : végétation pionnière hygrophile, riche en annuelles, sur sols tourbeux oligo-
trophes à mesotrophes)
Peucedanum cervaria (Geranion sanguinei : ourlets préforestiers héliothermophiles et xérophiles)
Potentilla reptans (Potentillon anserinae : végétation prairiale mesohygrophile sur sols engorgés ou inondables,
piétinés et/ou surpâturés)
Scrophularia auriculata (Glycerio fluitantis-Sparganion neglecti : communautés d’hélophytes flottantes et rampantes
des eaux stagnantes ou légèrement fluantes, sujettes à inondation estivale)

Références bibliographiques

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BARDAT J. et al. (2004) - Prodrome des végétations de France. Publications scientifiques du MNHN ; 191 p.
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t. 1 Habitats forestiers (2 vol.) (2001) ; 339 et 423 p.
t 3 Habitats humides (2002) ; 457 p.
t 4 Habitats agro-pastoraux (2 vol.) (2005) ; 445 et 487 p.
t 5 Habitats rocheux (2004) ; 381 p.
Corine biotopes Manual (Habitats of the European community) Data Specifications, Part 2 (1991) , Luxembourg, 300 p.
DELARZE R. et al. (1998) - Guide des milieux naturels de la Suisse ; Delachaux et Niestlé, 413 p.

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Bulletin de la SBV - 22 - n°16 - mai 2006


Les botanistes vauclusiens voyagent !
Textes : Flavien FERIOLO

PETITE INTRODUCTION A LA entre 500 et 1500m. Dans ce même l’ensemble un aspect assez inattendu à
FLORE DES ALPES APUANES vallon j’ai pu rencontrer une autre en- cette partie de la côte méditerranéenne.
(ITALIE) ET DES ENVIRONS : démique des Apuanes et des Apennins On y rencontre quelques endémiques
Tosco-Emilien : Globularia incanes- ligures, notamment Santolina lingusti-
cens. C’est une petite plante de 3 à 10 ca, belle plante de 10 à 40 cm, ligneuse
cm, aux fleurs violettes-azur, que l’on à la base, au feuillage grisâtre et aux
trouve sur rochers calcaires, entre 400 fleurs blanches (mai-juillet). Elle pous-
et 1600 m. On en trouve aussi quelques se en garrigue du bord de mer à 600 m.
stations au bord de mer prés de Porto- De même, Centaurea veneris que l’on
venere, dans le parc des Cinque Terre peut croiser uniquement dans les ro-
(Ligurie). chers autour du magnifique village de
J’ai cherché, en vain, une belle plante Porto Venere (le port de Vénus dans
italienne que l’on trouve aussi dans les l’Antiquité). C’est la plus septentriona-
Situé non loin de la mer, en limite nord Apennins, au nord de Lucca, ainsi que le du groupe Centaurea cineraria.
-ouest de la Toscane, ce parc naturel dans les pré-Alpes vénitiennes : Haute de 30-40 cm, elle a de belles
est d’une beauté à couper le souffle !! Moltkia suffruticosa. Borraginacée fleurs roses et un feuillage découpé. On
Avec des sommets dépassant 1 900 m herbacée, rupicole sur calcaire, cette rencontre aussi Genista salzmanii, en-
(Mts Pisanino), les Apuanes sont une plante est surtout reconnaissable pen- démique tyrrhénienne, qui pousse éga-
barrière naturelle entre mer et plaine du dant sa floraison bleu-azur (juin-juillet) lement en Corse, Sardaigne et Toscane.
Pô. Parallèles à la longue chaîne de car elle vit au milieu des herbes. Haute Ici elle est en limite occidentale, du
montagnes qui traversent toute l’Italie, de 30 cm, ligneuse à la base. Par contre bord de la mer à 1000 m, en zone ro-
elles se trouvent en effet en bordure j’ai pu observer d’autres vivaces plus cailleuse. Plante chaméphyte de 30-60
sud des Apennins. De par leur position, courantes comme Minuartia capilla- cm, aux fleurs jaunes. A l’ouest du
leur forme et leur climat, les Alpes cea, Satureja montana, Daphne sp, Parc, autour de Portofino, on peut trou-
Apuanes ont bénéficié de différentes Anthiricum sp, Teucrium sp.En pour- ver une endémique liguro-provençale :
influences floristiques dans le temps. suivant dans le vallon, plus haut à par- Hyacinthoides italica. Elle est présente
La flore peut se répartir en 3 groupes tir de 1000 m, on rencontre une endé- dans les fourrées jusqu’à 1700 m. Flo-
majeurs : mique des Apennins et des Apuanes, la raison printanière (février à avril), de
superbe Arenaria bertolonii. Petite belle couleur azur. Autre endémique
les espèces que l’on trouve en plante herbacée de 15 cm aux magnifi- liguro-provençale, Limonium corda-
Italie et dans les Balkans. ques fleurs blanches (juillet-aout), elle tum, exclusivement présent sur le litto-
pousse sur rochers calcaires exposés au ral calcaire, de l’Esterel à Portofino.
Les espèces de l’Europe occidentale nord. On la rencontre jusqu’à 2300 m. Plante de 30-40 cm, peu ligneuse, pu-
dont les Apuanes sont souvent la limite A noter qu’elle pousse aussi en Sardai- bescente, avec une rosette dense, à
orientale de diffusion (comme Ulex gne et en Corse (et Sicile ?). fleurs bleues en juillet-aout. De même,
europaeus, Euphorbia hyberna,…). D’autres endémiques sont présentes commune à la flore française, Saxifra-
dans les Apuanes, mais pas dans la ga cochlearis. Là encore, en limite
Enfin, les plantes peu nombreuses vallée d’Equi : Silene lanuginosa, d’af- ouest du Parc, cette jolie plante de 20-
mais significatives d’Europe du Nord, finité balkanique, herbacée, ligneuse à 40 cm, en petite rosette et en coussin,
héritage de la dernière glaciation la base formant avec le temps une ro- à fleurs blanches, sur calcaire de 200 à
(comme Dryas octopetale, Woodsia sette aux feuilles vert-clair et aux fleurs 1900 m. Enfin, d’autres espèces plus
alpina, arenaria moerhingioides,…). blanches. Elle pousse sur calcaire, au courantes comme Allium carminatum,
soleil, au-dessus de 1000 m. Enfin, Cyclamen hederifolium que l’on trou-
J’ai eu l’occasion d’y passer en aout symbole du parc, la très belle et très ve de la France aux Balkans, Euphor-
2005, dans la vallée de l’Equi, au nord- rare Centaurea montis-borlae, que l’on bia characias ssp wulfenii dans les
est de La Spezia. A partir des thermes trouve uniquement au Monte Borle, falaises, Helichrysum sp, .....En plus
du village il faut remonter la rivière autour de 1280-1300 m. C’est une d’une flore attractive, le parc offre des
jusqu’aux pieds des Mts Nattapiana plante prostrée de 15-30 cm, velue, sur plages aux eaux limpides (ce qui n’est
(1781 m) et aux carrières de marbre de calcaire, aux fleurs rouge-violettes pas négligeables sous la chaleur du
Maritio (Carrare n’est pas loin !!).Un (juillet-aout). mois d’aout !) et un chapelet de villa-
chemin plus ou moins carrossable vous ges colorés, accrochés à la falaise, ab-
y conduit dans un décor superbe à la Non loin de là, en Ligurie, prés du port solument magnifiques ! Cette côte est
rencontre d’une flore riche comprise de La Spezia, se trouve le parc des vraiment splendide.
entre 400 et 700 m. On rencontre alors Cinque Terre classé au patrimoine BIBLIOGRAPHIE : (en italien uniquement !)
- I Fiori delle Apuane, M. Ansaldi, E. Medda, S.
une flore intéressante avec quelques mondial de l’UNESCO depuis 1997. Plastino, Ed. Mauro Baroni, 1994.
belles endémiques du parc comme San- Forcément différent des Apuanes, il - Parchi Nazionali e aree protette d’Italia, Ed. Monda-
dori, 2004.
tolina leucantha (syn. S. pinnata), su- n’en est pas moins riche pour la botani- - Valori e rarità della Flora Ligure, Ed. Le Mani, 2005.
perbe et pure endémique des Apuanes, que. Ici la colline culmine à 815 m et - Carte : Alpi Apuane, carta dei sentieri e rifugi, 101-
102, Ed. Multigraphic, Firenze.
de 30-40 cm au feuillage très découpé se jette dans la mer en falaises abrup- - Sites internet : www.parks.it , www.apuane.com
et fin. On la trouve plutôt sur calcaire, tes, couvertes de bruyères (Erica cine- - En projet, un ouvrage sur la Flore de Cinque Terre
au milieu des herbes et des rochers, rea) et de châtaigniers qui donnent à pour 2006 ( ?).

Bulletin de la SBV - 23 - n°16 - mai 2006


ESCAPADE EN ANATOLIE vanseray entre 1200m et 1500m, de - Les monts Dinek :
CENTRALE : Dinek autour de 1100-1200m et le Ka- Localisés en bordure des monts Kara-
à la découverte de la flore turque. raguney autour de Kirikale entre 800 et guney et sur l’axe menant à la Cappa-
1200m. doce, ces « Dagi » sont compris entre
- Le Lac Tuz : 800 et 1750m .C’est un lieu important
C’est le second plus grand lac de Tur- de la phytogéographie centro-
quie, avec 1500km² (80km de long anatolienne. La température moyenne
pour 50 de large).Lac très salé mais est de 12,4°C avec 30°C de moyenne
peu profond, en moyenne 1-2 m de pour le mois le plus chaud (en juillet)
profondeur, quasiment sec l’été, avec et -3°C pour le plus froid (en jan-
un apport pluviométrique annuel d’en- vier).La moyenne annuelle des pluies
viron 250 mm. est de 360 mm. Le maximum de plu-
Au plus prés de l’eau, on trouve une viométrie se situe au printemps avec
végétation halophyte et à prés salés 100mm et le minimum en fin d’été
avec Limonium anatolicum, L. iconi- avec moins de 20mm.Ces relevés per-
cum, Centaurea halophila, Salsola mettent de classer cette région en cli-
La flore turque est une des plus riches crassa, S. macera, Salicornia prostra- mat méditerranéen froid semi-aride.
au monde et certainement la plus riche ta, S. herbacea, Microcnemum coral- Les sols ne sont pas ou peu calcaires
(avec l’Espagne) d’Europe au sens loides ssp. anatolicum, Salvia halophi- avec un socle granitique. Ce sont des
large. la. sols « bruns » et « rouge-bruns ». Le
Quand on s’éloigne du bord, on passe à climax avant la pression humaine sur le
Lors de ce (trop) court voyage en no- la steppe salée à Artemisia sp, Gypso- milieu est celui du Quercus : Q.cerris
vembre 2005, nous avons pu, avec mon phila perfoliata, G. eriocalyx, Halimio- var. cerris, Q. pubescens notamment.
camarade Philippe de la Société Lin- ne portulacoides Asparagus iycaoni- Les associations végétales dominantes
néenne de Provence, en saisir une infi- cus, Ferula halophila, Onosma halo- sont l’Arenario ledebouriana-
me partie. Ce coin de la Turquie philum, Verbascum pyroliforme, l’em- Astragalion plumasi ; l’Onobrychido
(autour d’Ankara et du Lac Tuz) appar- blématique Peganum harmala, la ma- armenae-Thymetalia leucostomi ; l’As-
tient en grande partie à la flore irano- gnifique fabacée Sphaerophysa kots- tragalion microcephali-Brometea to-
turanienne qui s’étend de l’Anatolie et chyana. mentelli. On y retrouve des espèces
Palestine jusqu’à l’Himalaya occiden- Les collines alentour sont moins sou- caractéristiques comme Salvia wiede-
tale en passant par l’Iran et l’Asie cen- mises à la salinité et elles dépassent mannii, S. modesta (endémique), Scu-
trale. C’est une zone de fort endémis- rapidement les 1000m. On y trouve une tellaria orientalis ssp. santolinoides
me floral, avec parfois plus de 25% des végétation plus variée et plus arbusti- (endémique), S. orintalis ssp. pinnatifi-
espèces. La zone la plus riche étant les ve : Zygophyllum fabago, Alhagi da, Phlomis armeniaca (endémique),
plateaux iraniens. pseudoalhagi, Astragalus microcepha- Stachys iberica ssp. stenostachya,
Ici la végétation appartient à la steppe lus, Berberis crataegina, Sideritis sp, Marrubium parviflorum, Astagalus
herbeuse liée en grande partie à l’ac- Stachys sp, Salvia multicaulis, S. neme- micopterus (chamaephyte endémique),
tion de l’homme, au surpâturage et au rosa, S. cyanescens (endémique), Thy- A. warburgii, A. karamascius, Onobry-
climat. Elle se compose de nombreuses mus sipyleus (endémique), Teucrium chis armena, Hedysarum varium, Ge-
espèces basses ou en « coussin » : As- sp, Silene sp, Gypsophila anosti var. nista sessilifolia, G. alba, Chamaecyti-
tragalus, Acantholimon, Sideritis, Sal- nebulosa, Stipa holosericea, Verbas- sus hirsutus, Petrohagia cretica, Silene
via, Alysum, Thymus, Dianthus, …… cum sp, Artemisia sp., Achillea santoli- supina ssp pruinosa, Minuartia harma-
Le climat y est continental avec une na, Helichrysum sp , Amygdalus sp. ta , M. woronowii, Arenaria ledebou-
altitude autour de 800-900m (Ankara - Les monts de Kervansaray : riana var. ledebourania (endémique),
est à 850m, Kirikkale à 670m, le Lac Situés à l’est du Lac Tuz, prés de la Dianthus anatolicus, Scabiosa argen-
Tuz (Tuz Gölü à 905m et Konya à ville de Kirsehir, ils culminent à tea, S. rotata, Bupleurum ghardi, Aly-
1000m).Climat continental de plateaux 1665m. La flore est en grande partie sum sibiricum (endémique), A. huetii,
aux hivers froids et secs (en novembre Irano-turanienne avec plus de 15% Iberis taurica(endémique), Onosma
il gèle déjà bien !) avec de la neige sur d’endémiques turques ! Les Astéracées sericeum, Hypericum heterophyllum
les sommets mais peu en plaine. Les sont dominantes, suivies par les Faba- (endémique).
étés sont secs mais moins chauds que cées et les Poacées. -Le Karaguney :
ceux du sud de la France. La moyenne Les reliefs présentent des formations cette montagne (1380m) fut longtemps
annuelle est de 12° et en hiver de – steppiques caractéristiques : Astragalus ignorée des botanistes. Pourtant, il y a
2,5° ! La période de sécheresse dure microcephalus, A. sp, Acantholimon 15 ans une étude permis de dénombrer
environ 5 mois (de fin mai à fin octo- acerosum var. acerosum, Arenaria sp, 378 genres et 845 espèces !
bre). Les précipitations varient entre …. Situé dans la province de Kirikkale
300 et 450 mm selon les endroits. Dans Au pied du versant sud-est on trouve (ville de 200 000 habitants dotée d’une
cet aperçu, je n’évoquerais pas les géo- des formations salées avec l’étang de importante usine de pétrochimie), ce
phytes, dont la Turquie est un des hauts Seyfe à 1100m. Là aussi une végéta- lieu est vraiment d’une grande riches-
lieux d’endémisme. De toute façon en tion typique des milieux salés : Salsola se.
novembre aucune n’était apparente ! inermis, Salicornia prostrata, Krasche- Les sols sont ici essentiellement gyp-
Pendant notre voyage, nous avons tra- nikovia ceratoides, Camphorosma seux, cependant, dans le centre du mas-
versé différents milieux steppiques : monspeliaca, Frankenia hirsuta, Limo- sif on observe des affleurements grani-
les bords du Lac Tuz, la chaîne de Ker- nium globuliferi. tiques. On retrouve aussi des sols
« bruns » et « rouge-bruns » typiques

Bulletin de la SBV - 24 - n°16 - mai 2006


des formations steppiques. La station Artemisia austriaca, A. sp, Anchusa sp,
météo de Kirikkale à 775m donne une Onosma armenum (endémique), O. sp, Chroniques :
température moyenne de 12,2°C. La Alysum sp, Dianthus sp, silene sp, Se- Michel GRAILLE
température moyenne du mois le plus dum pallidum var. pallidum, Euphor-
chaud est de 18,4°C et celle du plus bia sp, Astragalus sp, Hedysarum va- A propos des OGM-
froid est de -2,4°C.Les précipitations rium, Oxytropis pallasii, Globularia Conférence de M. Jacques Hallard :
sont de 384 mm en moyenne avec une trichosanta, Marrubium parviflorum
période de sécheresse de 6 mois. Le ssp oligodon, Phlomis pungens var ; Soirée passionnante avec une présenta-
climat y est encore méditerranéen. pungens, Salvia ceratophylla, S. viri- tion équilibrée de l’ensemble des pro-
Quant à la végétation, elle est toujours dis, Sideritis sp, Stachys byzantica, S. blèmes soulevés par ce dossier d’actua-
steppique avec des chênaies dégradées cretica ssp anatolica (endémique), S. lité :
en altitude (Quercus ithaburensis var. sp, Teucrium sp, Alcea pallida, Clema- -Bases scientifiques, les étapes essen-
macrolepis, Q. cerris var. cerris, Q. tis oreintalis, Digitalis lamarckii tielles dont la suppression de la barriè-
pubescens).Les familles les plus repré- (endémique), Verbascum sp, Stipa ara- re d’espèce
sentées sont les Fabacées (102 espè- bica, S. pontica, …. -les évolutions technologiques et leurs
ces), les Astéracées (99 espèces), les Quelques espéces recherchées n’ont pu applications aux cultures- colza, maïs,
Poacées (72 espèces), les Lamiacées être localisées ou n’étaient plus visibles soja, coton, avec tolérance aux herbici-
(54 espèces) et enfin les Brassicacées à notre grand désarroi ! Je pense no- des et lutte contre les insectes
(44 espèces).En Turquie la flore est tamment à Aristolochia maurorum, -évolutions chiffrées, problèmes éco-
dominée par les Astéracées et les Faba- Jurinea pontica, Onosma roussaei, nomiques
cées. Astragalus hamosus, A. lycius -les dérives ou curiosités
A Karaguney, les genres les plus im- (endémique), A. oxytropifolius -les conséquences éventuelles sur l’ali-
portants sont les Astragalus (27 espè- (endémique), Sophora alopecuroides mentation
ces), les Silene (14 espèces), les Salvia var. alopecuroides, Marrubium aniso- -et pour finir la question de l’instabilité
(14 espèces), les Centaurea (9 espè- don, Salvia cryptantha (endémique), du transgène.
ces).On dénombre 106 espèces endé- Scutellaria salvifolia, Morina persica,
miques (!!) soit 13% de sa flore. Beau- Acantholimon caesareum (endémique), Les Liliacées
coup sont menacées ou en danger de …. présentation par Pierre Chaintreuil
disparition à cause des activités humai- Au final, ce périple botanique fut un conférence et diaporama.
nes : agriculture, surpâturage, défores- véritable « choc » botanique, avec en
tation, ….En dehors d’une majorité de prime des paysages somptueux. En -Cette présentation, après un exposé
plantes cosmopolites ou inconnues, la effet, on « sent » déjà l’Asie centrale sur les problèmes de classification, a
flore Irano Touranienne dépasse large- avec la steppe à perte de vue. On ne été consacrée exclusivement à la nou-
ment les autres, avec 60 espèces endé- serait pas surpris de rencontrer une velle famille comprenant :
miques ! Les espèces méditerranéennes …… yourte au détour d’une colline !! Erythronium, Fritillaria, Gagea,
représentent une petite partie (2 espè- D’ailleurs dans la toponymie locale on Lilium, Lloydia, Tulipa
ces endémiques) et doivent leur présen- retrouve ce mot comme dans Sulakyurt Avec un développement sur certaines
ce à une altitude relativement basse et ou Akyurt. tulipes spécifiques aux Alpes.
plus chaude surtout prés de la rivière Les Turcs sont accueillants et curieux
Delice. La liste des plantes étant assez de voir deux Français « perdus » dans
« colossale», je n’en donnerai que la steppe et loin de la cote touristique, Activités pédagogiques
quelques exemples rencontrés lors de traversant de tout petit village où sta- Par Roselyne Guizard :
nos pérégrinations ou qui sont remar- tionnent une multitude de tracteurs du
quables. De plus, se pose le problème Plan Marshall et de vielles charrettes -Etude d’Euphorbia cyparissias et des
de l’identification lié à la difficulté au pied des minarets !! La barrière de Euphorbiacées
d’accéder à une documentation précise langue n’est pas infranchissable, peu -Les Astéracées en plusieurs séances et
et fiable ou récente. Enfin, notre séjour de Turcs parlant le français ou l’anglais se concluant par un diaporama établi
s’est déroulé hors période de floraison. dans ce coin là de la Turquie. On fait de mains de maître !
Dans ce massif nous avons rencontré des rencontres toujours inattendues et
de façon certaine quelques arbres et étonnantes. A DECOUVRIR !! Exposition des
arbustes, en plus des chênes déjà men- Merci à Ali et à Isham, même s’ils ne « Fruits de l’automne »
tionnés : liront jamais cet article ! dans le cadre des Journées Interna-
Pistacia terebinthus ssp palestina, Pi- Pour plus de renseignement : tionales de Mycologie tenues à
nus nigra ssp pallasiana, Colutea cili- flavaloe@aol.com Bedoin (20 au 23 octobre 2005) :
cica, Amelanchier rotundifolia ssp
BIBLIOGRAPHIE :
integrifolia, Paliurus spina-christi, -riche exposition mais marginalisée au
Amygdalus orientalis, Prunus spinosa, • la Flore des montagnes méditerranéennes, Chris- motif de l’abondance des champignons
tian BOUCHER, Ed. Edisud, 2000.
celtis caucasica, .... qui a conduit à condenser la présenta-
En ce qui concerne les « vivaces » leur • Flowers of the Eastern Mediterranean, Ori Frag- tion.
identification fut difficile, surtout pour man, Ed. A.R.G. Gantner Verlag, 2001.

le genre : • Flowers of Greece and the Balkans, Oleg


Polunin, Oxford University Press, 1997.
Acanthus hirsutus (endémique), Bu-
pleurum sulphureum (endémique), • Turkey Journal of Botany n°24 et n°26.
Carte Touristique de Turquie, n°86010, IGN, 2001
Achillea cappadocica (endémique),

Bulletin de la SBV - 25 - n°16 - mai 2006


Nouvelles de l’Harmas vernis aux petits pains au lait et une
( « La Provence » du 4 mars 2006) mousse de qualité à la bière. Coca-
Cola, Pfizer et autres compagnies s’a-
Les travaux avancent à grand pas et gitent, parlant d’une situation dramati-
l’ouverture partielle est prévue pour le que… !
18 mai : Le pétrole est la première ressource du
pièces historiques(dont le cabinet de commerce extérieur mais le pays est
travail), cellier, serre et jardin de 9500 principalement agricole avec le coton,
m2 ( bassin restauré avec nouvelle pri- l’arachide et la gomme arabique. Jus-
se d’eau,potager, verger ) pour 500 qu’aux années 80 il représentait plus de
espèces végétales méditerranéennes – 90% du marché mondial de la gomme.
une portion de friche, « l’harmas » sera Ce taux est en réduction avec l’appari-
réservée à l’image de celle où l’ento- tion de concurrents tels que le Tchad et
mologiste plaçait ses pièges destinés à le Sénégal et la mise en œuvre de subs-
l’observation des insectes. tituts artificiels.
Les objets ont été inventoriés et préser- Mais il y a des particularités de climat
vés (collection du cabinet de travail) et de sol dans cette partie du globe qui
environ 1300 pièces. contribuent à la production d’une rési-
Les 25000 planches de l’herbier sont ne inégalable selon les experts.
en cours de restauration. La gomme arabique provient d’une
5000 sont dès maintenant accessibles espèce particulière d’acacia- l’Acacia
sur le site Internet du Muséum national senegal- qui pousse dans cette zone
d’histoire naturelle ( www.mnhn.fr ). semi-aride.
Les 599 aquarelles de champignons Le conflit empêche la scarification des
réalisées par le savant sont restaurées arbres et la récolte. Les personnes dé-
et conservées par le muséum à l’abri de placées, par ailleurs, coupent les arbres
la lumière et dans des conditions pour usage dans les foyers domestiques
contrôlées. ou pour la construction. Ce qui est vital
Un pôle culturel et pédagogique dont la pour eux !
construction est prévue en 2007 vien- Deux abords inconciliables.
dra compléter le domaine.
Sérignan- Plantes rares et jardin
naturel-16 et 17 avril 2005. Le Darfour (Soudan)
c’est aussi la gomme arabique…! Bibliographie
Sur le thème de l’eau…et l’eau Parutions récentes
du ciel n’a pas manqué !...un véritable Le journal « Le Monde » dans son sup-
déluge durable…sauf pour les veinards plément reproduisant des articles Alix DELAGE
du gymnase ! du « New York Times »-30-31 mai Henri FABRE-L’ observateur
2004, sous le titre « Un arbre soudanais incomparable.
La participation de la SBV a été den- de prix, victime de guerre » décrit les Ed. du Rouergue- 2005 – 24€
se : conséquences du conflit actuel sur le
-Exposition de plantes fraîches circuit de la gomme arabique. Francis HALLE
-Séances de détermination sur La guerre ravageant l’ouest aride du Plaidoyer pour l’arbre
matériel frais avec flores et fiches pé- Soudan a entraîné le déplacement de Actes Sud- 2005- 29€
dagogiques claires autour des principa- plus d’un million de personnes dans
les familles : André, Mireille et Nicole d’atroces souffrances avec regroupe- David MORE et John WHITE
se sont relayées auprès de quelques ment dans des camps où interviennent Encyclopédie des arbres - tra-
volontaires. les ONG. En 2006 sécheresse et famine duit de l’anglais (2002)
A proximité de notre stand se remar- complètent le tableau. Flammarion- 2005- 831 pages
quaient les démonstrations du Lycée du Mais les affaires continuent et le souci - 59€
Parc - Orange- avec Pierre Chanu et principal de grandes compagnies amé-
ses élèves- belles images des chloro- ricaines reste l’approvisionnement en Philippe DANTON et Michel BAF-
plastes d’Elodea canadensis s’agitant gomme ! Disponibilité du produit, prix FRAY
sous la chaleur du microscope et des qui flambent du fait de la rareté (plus Inventaire des plantes proté-
bras de spores de Prêle se repliant ins- que doublé), gène occasionnée par les gées en France
tantanément sous l’effet de l’humidité, sanctions économiques menées par le Nouvelle édition
Les Ecologistes de l’Euzière qui réali- gouvernement américain au motif de AFCEV- Nathan- 2005
saient un véritable « tabac » avec les liens possibles avec le terrorisme inter-
déterminations de salades sauvages,une national, voilà le problème. Michèle DELSAUTE
exposition photographique de la Socié- Utilisée comme émulsifiant dans les Herbier de Provence- itinérai-
té Française d’Orchidophilie. boissons non alcoolisées, la gomme re d’une aquarelliste
Et pendant ce temps , sous un préau assure aux shampooings la bonne Equinoxe- 2005- 224 pages-
bien venté, Jeanne-Marie tenait ses consistance, une protection sérieuse 38€
ateliers d’enfants… aux pilules pharmaceutiques, un bon

Bulletin de la SBV - 26 - n°16 - mai 2006


-environ deux tiers des photos sont renou- Les insectes pollinisateurs.
Jean-Pierre DEMOLY et Franklin PI- velées, 190 pages-2004- OPIE- La biblio-
CARD -les planches d’hybrides et d’insectes polli- thèque du Naturaliste- Delachaux et Niestlé
Le guide du patrimoine botani- nisateurs sont largement étoffées, - 25 euros.
que en France -reproduction et systématique sont expli- Les cultures fruitières, les productions pota-
Actes Sud- 2005- 1082 pages- quées sur la base des connaissances les plus gères et fourragères, les plantes sauvages
30€ récentes, ont besoin de l’intervention des insectes
La France, départements et territoi- -les textes ont presque tous été réécrits, pour la pollinisation. Dans 7 chapitres l’au-
res d’outre-mer inclus, héberge une très pour plus de précision, de clarté, et pour teur présente une synthèse claire, précise et
grande diversité de plantes, qu’elles soient mieux refléter l’actualité des connaissan- très didactique de ce phénomène biologique
indigènes ou introduites, sauvages ou culti- ces, si important, illustré de schémas très expli-
vées ; un riche patrimoine botanique dont -les cartes, résultat des données les plus cites et de 16 planches en couleurs nous
aucun ouvrage, jusqu’ici, n’offrait une récentes, font apparaître des indices d’a- présentant les principales espèces d’insec-
présentation aussi détaillée .Première syn- bondance ( par départements ou provinces ) tes pollinisateurs.
thèse consacrée à ce sujet, le Guide du permettant de se faire une idée précise du Cet ouvrage est publié sous l’égide de l’O-
patrimoine botanique en France invite à statut local de chaque espèce. PIE (Office Pour les Insectes et leur Envi-
découvrir plus de 600 jardins et parcs d’in- (d’après Télabotanica). ronnement).
térêt botanique. Pour chacun d’eux sont
précisées la situation géographique et une Pierre LIEUTAGHI La bourrache- une étoile au jardin.
sélection de spécimens à y admirer : en Petite ethnobotanique méditerra- Bernard BERTRAND
tout , plus de 4500 espèces et variétés sont néenne
citées, ainsi que de nombreux arbres remar- 335 pages- Actes Sud- 2005- 29eu- L’ouvrage fait le tour de cette plante- eth-
quables par leur âge ou leurs mensurations. ros. nobotanique, présentation de la famille, du
Alors que l’intérêt pour la nature et les genre Borrago et autres borraginées, cultu-
jardins ne cesse de croître, J.P.Demoly et La Garance Voyageuse re, usages médicinaux connus, recettes ,
F.Picard proposent une réflexion sur la Mousses et Hépatiques : petit légendes.
notion mê me de patrimoine botanique, et mémento d’initiation à la bryologie Bibliographie
sur la nécessité de le conserver et de l’enri- Livret couleur- 20 pages- 7 euros.
chir pour le transmettre aux générations Le monde des mousses est présenté dans Ed. du Terran - collection « le com-
futures. Ils présentent également les her- une introduction substantielle. Le cycle de pagnon végétal- 14 ème titre »
biers, bibliothèques et organismes qui per- vie est décrit, les principaux termes expli- 2003- 160 pages- dessins et photos.
mettent de mieux connaître ce patrimoine, qués, le tout avec le souci permanent d’un - 11 Euros.
ainsi que les grandes figures de la botani- langage accessible à tous et d’une illustra-
que et de l’horticulture qui ont contribué à tion de qualité. Des informations pratiques Ruines-de-Rome.
sa découverte et à sa conservation. Une complètent ce guide, sur le matériel néces- Pierre SENGES.
belle invitation à un tour de France botani- saire, les tours de main pour les prépara-
que, qui comblera aussi bien les botanistes tions, les livres, les associations, les sites Lierre, ancolie, barbe-de-bouc, ail musqué,
avertis que les curieux du monde végétal. Internet ,etc…Même si le monde des mous- cheveu-de-Vénus, renoncule en faux, herbe
Les auteurs ne se contentant pas de la Fran- ses est moins évident à découvrir que celui -au-bitume…sont tout à la fois, le décor, les
ce métropolitaine ont étendu leurs descrip- des plantes à fleurs, il réserve bien des personnages principaux et les insidieux
tions à des territoires lointains : Antilles, plaisirs esthétiques et naturalistes à ceux narrateurs de Ruines-de-Rome, roman d’u-
Polynésie, Réunion, Mayotte, Terres Aus- qui voudront s’y pencher. ne sédition botanique.
trales, Kerguelen, St. Pierre et Miquelon. ( d’après Télabotanica). Un employé du cadastre, qu’une retraite
( d’après Télébotanica). sans flambeaux menace, met sa misanthro-
François COUPLAN pie ordinaire au service des plus noires
Roland MARTIN Dictionnaire étymologique de prophéties : du jardinage considéré comme
Orchidées sauvages du Luberon botanique un des beaux-arts de l’Apocalypse. Fei-
Edisud - PNRL- 2005- 17€ 240 pages- Delachaux et Niestlé- gnant de cultiver son petit lopin de terre, ce
23 euros. paysan amateur et sa boteur authentique
Voir à propos de cet ouvrage les 3000 entrées et 180 gravures n/b. couvre la ville de fleurs et d’arbrisseaux
observations de B.Girerd et de J.P.Roux Owen JOHNSON et David MORE décoratifs. Et nul ne devine, derrière l’inof-
dans le document « Actualité de la flore du Guide Delachaux des arbres fensif passe-temps, un travail de sape qui
Vaucluse » de ce bulletin d’Europe. dévaste les murs, soulève le goudron et fait
464 pages-2005-Delachaux et Nies- retourner l’urbaine civilisation à ses friches
Ouvrage collectif sous l’égide de la Socié- tlé- 39 euros. premières. Semant sa mauvaise graine, il
té Française d’Orchidophilie. s’arme de « patience » et d’herbes folles. Il
Jean BRUNETON use du moindre prétexte végétal pour satis-
Direction scientifique : Marcel BOUR- Plantes toxiques : végétaux dan- faire ses cruautés drolatiques et laisser libre
NERIAS et Daniel PUAT gereux pour l’homme et pour les ani- cours au chiendent de la rêverie, non sans
Préface : Gérard G. AYMONIN maux nouer quelque idylle clandestine avec sa
Les Orchidées de France, Belgi- 2ème édition-564 pages-Ed . Tec et voisine de potager.
que et Luxembourg. Doc- Paris- Rien n’interdit de lire ce livre comme les
2ème édition- 504 pages- 2005- Sur une classification alphabétique des Mémoires d’un millénariste, un traité de
Ed. Biotope- Mèze- (Collection familles de plantes, cette deuxième édition mutinerie sédentaire, une tragi-comédie à
Parthénope). abondamment illustrée dresse, au travers de l’eau de rose, un herbier poétique, sinon
plus de 350 espèces citées ( dont 100 font comme un pur et simple manuel d’horti-
Ceux qui connaissent la première édition l’objet d’une monographie détaillée), un culture.
remarqueront que l’ouvrage a été profondé- tableau global et résolument pédagogique
ment revu et corrigé : des potentialités toxiques des végétaux Ruines-de-Rome a reçu le Prix du Deuxiè-
-une trentaine d’espèces nouvelles sont supérieurs me Roman décerné par l’ADELC en 2003.
décrites depuis 1998,
André POUVREAU Ed. Seuil-Collection Points-n° 1260-Prix :

Bulletin de la SBV - 27 - n°16 - mai 2006


Hiver sur le Plateau dans la région, le bon sens d'antan avait
compris comment lutter contre le froid
Vivarais-Lignon hiver de cette rude région.
Mésanges charbonnières, bleues,
"Hiver, hiver, vous n'êtes qu'un vilain" huppées, nonnettes sont là, vives et affa-
chantait Charles d'Orléans.. mées, les Pinsons du Nord et les Pinsons
Pas si vilain !… fouillez vos mé- des arbres s'abattent au sol et se réfugient
moires d'enfants aux regards éblouis devant dans l'Aubépine en un ballet d'envolées
les flocons de neige et le grand silence collectives… Le Verdier se fâche du bout
blanc ! Fouillez vos mémoires d'écoliers à de son fort bec têtu , les Chardonnerets
l'évocation d'une "Nuit de neige" de Guy de vibrent en vivacité colorée, les poitrails
Maupassant . rouges des Bouvreuils pivoine signent leur
esprit batailleur ! Le Geai des chênes, si
"La grande plaine est blanche, furtif en été, se laisse observer attiré hors
immobile et sans voix. des bois par la faim : tête d'un roux très
Pas un bruit, pas un son, toute vie doux et plumes rectrices bleues. Chacun,
est éteinte. d'ailleurs, a son heure dans le respect de la
Mais on entend parfois, comme une survie de l'autre…
morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle Et puis, et puis, vous qui le
au coin d'un bois." connaissez, comment dort le "Jardin botani-
que" au cours des longs mois de froidure ?
Mes pas crissent sur une neige Dans un silence feutré de neige, d'une neige
gelée, comme un silence brisé…les squelet- qu'aucun promeneur n'a osé déranger, mes
tes givrés des arbres, véritable féerie de pas s'enfoncent sur le sentier sinueux qui
Maître Hiver qui n'oublie ni la petite brin- reste le guide protecteur de ma promenade ;
dille, ni le fil des grillages des clôtures mais je veux aller saluer la sorcière du jar-
estivales et pourtant…Chut ! Silence… din , "Botacrabouille" qui, imperturbable,
quelques Raiponces (Phyteuma spicatum), semble se réchauffer aux feux délirants de scintillent de mille petits diamants. A côté,
quelques "bouines" (Renouée bistorte ses sortilèges en préparation avec les ceri- les Lis martagon portent en chandeliers
=Polygonum bistorta) font entendre de ses de Belladone dont il ne reste que les leurs capsules trimères , le Blechnum spi-
légers soupirs à la nostalgie printanière, calices, avec les baies gelées de Douce- cant, ses arêtes légèrement roussies; la
étouffés sous une couche de terre gelée. Amère , avec les "pommes du diable" de Bruyère cendrée, comme la Callune sa
Les campagnols, appelés ici "rats- Datura stramonium… qu'il faut "touiller" miniature, gardent leurs tiges à mini clo-
taupiers" marquent leur territoire en petites dans une potion maléfique ! Mais, en se- chettes à peine décolorées. La Saponaire
bosses de terre noire sur fond de neige. Les cret, les plantes médicinales se concertent (Saponaria officinalis ) regroupe ses fruits,
pare-congères font stoïquement face à la pour conjurer les mauvais sorts ! Hi ! Hi ! l'Epilobe hirsute tient à ses graciles faucil-
"burle" qui hurle lugubrement ce soir et Hi !… les qui ont laissé s'échapper leur semence
s'engouffre sous la tuile à loups. Brrr… Tout en cheminant dans ce monde au vent d'automne.
Brrr…Quelques lapins sauvages courent ici cristallisé, quelques Cardères à foulon Mais…mais…si tout ce monde
et là pour se réchauffer les pattes, à la re- (Dipsacus sylvestris), rigidement fiers de végétal signe l'endormissement, la néces-
cherche du brin d'herbe qui aurait, avec porter haut leurs têtes ébouriffées accep- saire dormance au renouveau de la végéta-
insouciance, secoué la neige pour respirer tent l'hiver. La Tanaisie et les Aster brun tion, on peut au détour d'un regard –ô sur-
un air vif ! rouille se serrent en touffes pour se tenir prise- surprendre les fines feuilles d'un vert
Etrange promenade nocturne dans chaud. Dans un autre coin du jardin, les bien franc, bien vivant, et comme dentées
cette lumière diffractée de l'albédo qui souples rameaux de l'églantier s'éclairent de de la Petite Pimprenelle (Sanguisorba mi-
nous offre, grâce au manteau de neige, une rouges cynorhodons. Et le Pin arolle (Pinus nor) , les jaillissements en touffes de Jun-
"nuit plus claire que le jour" (cf. Baudelai- cembra), tout heureux de ce froid, rappelle cus effusus , l' humble Cyclamen qui tente
re)…étrange promenade nocturne, incon- aux autres conifères qu'ils peuvent suppor- de secouer la neige mais pas la marque
nue des gens du Sud, où tout a l'apparence ter moins 30° ! Tiens, les grandes Balsami- blanche au cœur de ses feuilles vertes.
de lourds fantômes en manteau de Sapins, nes (Impatiens glandulifera) aux fleurs à L'Asaret (Asarum europaeum) , lui, émerge
de Fayards en rouille givrée, de Bouleaux éperon vieux rose, gisent brisées en pattes en vert soutenu . Bien sûr la Grande per-
aux souples ramilles de verre… étrange d'araignées géantes qui semblent, en sacca- venche et l'Hépatique défient le froid. A la
errance dans une brume luminescente qui des, s'approcher des Typha porteurs de lisière de l'Aulnaie, l'Alchémille des Alpes
erre, s'avance et nous enveloppe frileuse- leurs manchons marrons. Puis un Séneçon et les fragiles tiges verticillées de l'Aspérule
ment. du Cap (Senecio inaequidens) aux fines (Galium odoratum) ne veulent pas non plus
étoiles florales desséchées s'incline vers les croire à l'hiver. Quant aux deux Fougères
"Oh ! la terrible nuit pour les petits Physalis aux lanternes rouges quelque peu les plus communes, l'une, la Fougère mâle,
oiseaux ! pâlies mais dont les oiseaux n'ont pas enco- (sexe fort !) reste bien verte, tandis que la
Un vent glacé frissonne et court re dégusté le fruit comestible car ils ont Fougère femelle, dans sa faiblesse repose
par les allées" continue Maupassant, encore en abondance les corymbes rouges au sol dans une robe brune. Et l'Hellébore
des Sorbiers (Sorbus aucuparia). Dans la fétide, elle, ne peut que résister en tant que
Oui, où sont-ils au cours de ces courbe du sentier, un Genévrier nain fait le cousine de la Rose de Noël !
nuits de vent, de froidure, et de givre ? gros dos sous quelques plaques de neige
Pourquoi ne savent-ils point retrouver le accrochées à ses fines aiguilles à côté de la Et toute cette vie végétale attend
nid printanier où se nicher au plus creux ? Germandrée (Teucrium scorodonia) aux le moment du poète où :
Pourquoi ? Ces oiseaux d'une extrême fra- doux épillets roux. Sur la colline en terras- "Le temps a laissé son manteau
gilité et à la fois si résistants ! Une Aubépi- ses à l'ancienne, des médaillons moirés de De vent de froidure et de pluie
ne défeuillée leur sert de tremplin pour, Monnaie du pape, comme le blanc-moiré Et s'est vêtu de broderies
d'un vif mouvement d'ailes, capturer une de la soutane papale, éclairent la neige. Et De soleil brillant, clair et beau"
graine de Tournesol déposée sur l'appui du les ombelles givrées de la géante Berce du
petit fenestron . Oui, les murs sont épais Caucase (Heracleum mantegazzianum) Odette MANDRON (Noël 2005)

Bulletin de la SBV - 28 - n°16 - mai 2006

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