You are on page 1of 7

Hépato-gastro-entérologie

362
Hépatites virales
chroniques B et C
Épidémiologie, diagnostic, évolution, prévention
Pr Catherine BUFFET
Service des maladies du foie et de l’appareil digestif, CHU Bicêtre, 94275 Kremlin-Bicêtre
cedex

Points Forts Épidémiologie


à comprendre Épidémiologie du virus de l’hépatite B (VHB)
● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●
L’infection par le VHB est fréquente, puisqu’il existe dans le monde 300 mil-
• Les hépatites chroniques
lions d’individus infectés. En France et en Europe du Nord, les porteurs chro-
virales ne donnent le plus
niques de l’AgHBs représentent 0,2 à 0,5 % de la population.
souvent aucun symptôme
Classiquement, les modes de contamination essentiels sont la voie parentérale,
et sont découvertes de manière
les relations sexuelles et la transmission materno-fœtale. En fait, dans les pays
fortuite lors d’un don du sang
occidentaux où la recherche des marqueurs du VHB chez les donneurs de sang
et lors de la recherche
est réalisée depuis 1971, le risque transfusionnel est très faible. Chez les toxi-
de la cause d’une élévation
comanes intraveineux, environ 30 % ont au moins un marqueur du VHB, dont
des transaminases.
5 % l’AgHBs. La prévalence relativement faible de l’infection par le VHB dans
• En cas d’hépatite chronique B,
cette population reflète une faible endémie de ce virus dans notre région. Les
il est capital de déterminer
relations sexuelles sont encore actuellement un mode important de contamina-
s’il existe ou non une réplication
tion, mais la vaccination systématique des enfants à l’entrée en 6e doit faire dis-
virale, attestée par la présence
paraître dans les années à venir ce mode de contamination. La transmission
de l’HBV DNA viral sérique.
materno-fœtale est un mode de contamination dans les pays où la vaccination à
Cette recherche se fait par
la naissance des nouveau-nés de mères AgHBs positives n’est pas réalisée.
hybridation. Un traitement
L’infection par le virus delta, virus défectif présent uniquement en cas de posi-
antiviral ne se discute que
tivité de l’AgHBs, s’observe dans les régions où l’endémie de l’infection par le
lorsqu’il y a réplication virale.
VHB est importante comme certains pays d’Amérique latine et d’Afrique noire,
• En cas d’hépatite chronique C,
ou le bassin méditerranéen. Elle est plus rare en Europe et aux États-Unis, où
lorsque les transaminases sont
elle atteint essentiellement les toxicomanes intraveineux.
augmentées, la virémie C par
PCR est toujours positive. Cette
recherche ne s’impose donc pas. Épidémiologie du virus de l’hépatite C (VHC)
En revanche, lorsque L’infection par le virus C est fréquente en Asie et en Afrique, la prévalence de
les transaminases sont l’anticorps anti-VHC dans la population est de l’ordre de 5 % ; en France, la pré-
répétitivement normales, valence de l’anticorps anti-VHC est de 0,7 %.
la virémie C par PCR permet Parmi les patients contaminés par le VHC, on distingue 3 catégories de patients :
de distinguer les patients environ un tiers ont été contaminés par transfusion sanguine ou ses dérivés. Le
virémiques (PCR positive) risque était surtout important avant mars 1990, date depuis laquelle on recherche
des patients non virémiques lors du don de sang les anticorps anti-VHC ; un tiers ont été contaminés par toxi-
(PCR négative). comanie intraveineuse. Environ 70 % des toxicomanes intraveineux sont conta-
• L’évolution naturelle se fait minés par le VHC ; chez le tiers restant, on ne trouve ni transfusion ni toxico-
vers la cirrhose et le carcinome manie. On parle de formes sporadiques (sans source de contamination connue).
hépatocellulaire. Cette évolution La transmission sexuelle semble faible. De même, le risque de transmission
se fait à bas bruit et très mère-enfant est faible, inférieur à 10 %, lorsqu’il n’existe pas de co-infection
lentement, sur une vingtaine avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il est lié à l’importance de
d’années, voire plus la virémie chez la mère. Lorsque la mère est simultanément infectée par le VIH,
après la contamination. le risque est trois fois plus élevé.
Le risque de transmission intrafamiliale est considéré comme très faible ; il
peut être lié à la mise en commun des objets de toilette (rasoirs, ciseaux, brosses
à dents). Les tatouages, l’acupuncture, les soins dentaires, les investigations

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 791


1997, 47
H É PAT I T E S V I R A L E S C H R O N I Q U E S B E T C

vulnérantes à l’aide de matériel réutilisable (explorations endocavitaires, biop-


Groupes à risque sies perendoscopiques) sont des modes de contamination possibles. Le risque
pour l’infection de contamination chez le personnel soignant est également possible, bien que
par le VHB faible.
• Toxicomanes intraveineux.
• Sujets originaires d’une zone d’endémie :
Asie du Sud-Est, Afrique noire.
• Hémophiles, hémodialysés. Diagnostic des hépatites chroniques
• Homosexuels masculins. Hétérosexuels à
partenaires multiples.
• Entourage familial d’un porteur chronique. Diagnostic positif
• Enfants nés de mères AgHbs+ et n’ayant 1. Examen clinique
pas été vaccinés.
• Personnel de santé n’ayant pas été vacciné. Le symptôme le plus fréquent est l’asthénie, inconstante, variable d’un malade
• Transfusés (si transfusion très ancienne). à l’autre et qui peut même varier dans le temps chez un même malade. L’hépa-
tite chronique peut être une découverte fortuite, découverte de l’AgHBs ou des
anticorps anti-VHC lors du don de sang ou pour rechercher la cause d’une élé-
vation des transaminases. Enfin, la maladie peut être diagnostiquée au stade de
cirrhose lors d’une complication (ascite, hémorragie digestive, ictère, carcinome
hépatocellulaire).
L’examen clinique, au stade d’hépatite chronique, est le plus souvent normal.
Mutations du VHB À côté de la palpation du foie, on s’attachera à rechercher des signes d’hyper-
tension portale (splénomégalie, circulation veineuse collatérale) et (ou) d’in-
À côté du virus rencontré le plus fréquem- suffisance hépatocellulaire (angiomes stellaires, érythrose palmaire) évocateurs
ment, dit virus « sauvage », des mutations du
VHB ont été décrites depuis quelques d’une cirrhose déjà constituée.
années. On observe parfois des manifestations extrahépatiques qui peuvent être révéla-
La plus fréquente concerne le mutant pré-C. trices de l’hépatite B : arthralgies, purpura rhumatoïde, mononévrite, polyné-
Il est possible de détecter simultanément vrite, polyradiculonévrite, glomérulonéphrite, périartérite noueuse au cours de
dans le sérum l’ADN du VHB et l’anticorps
anti-HBe. Cette situation, observée surtout
l’hépatite chronique B.
chez les patients originaires du pourtour De même, au cours de l’hépatite chronique C, on peut observer un purpura, un
méditerranéen ou d’Asie, est liée à l’appa- syndrome de Raynaud, des arthralgies, une glomérulopathie en rapport avec une
rition d’une modification nucléotidique cryoglobulinémie. Des anticorps anti-VHC ont été mis en évidence chez 50 %
entraînant l’apparition d’un codon stop qui
empêche la formation de la protéine precore,
environ des patients présentant une cryoglobulinémie mixte essentielle. Les anti-
précurseur de l’AgHBe. La présence de mar- corps anti-VHC ont été trouvés dans 50 % des formes sporadiques de porphy-
queurs de réplication virale (ADN du VHB, rie cutanée tardive.
IgM anti-HBc et AgHBc dans le foie) a été
reconnue chez ces malades. Cependant, les 2. Anomalies biologiques
concentrations sériques de l’ADN du VHB Les anomalies biologiques sont les suivantes : l’élévation des transaminases est
chez ces patients sont habituellement plus
faibles que chez les patients ayant le virus habituellement modérée, avec un rapport ALAT/ASAT supérieur à 1. Les valeurs
« sauvage ». On ne sait pas, actuellement, si des transaminases fluctuent, elles peuvent à certains moments de l’évolution,
cette mutation est présente dès le début de particulièrement au cours de l’hépatite chronique due au VHC, être normales. Il
l’infection ou si elle apparaît progressive- faut donc répéter leur dosage. La gammaglutamyl-transpeptidase est normale ou
ment au cours de l’infection chronique.
modérément élevée. La bilirubine, les phosphatases alcalines, les gammaglobu-
lines sont normales. Le temps de Quick et les plaquettes ne sont abaissés qu’au
stade de cirrhose.

Diagnostic étiologique
Le diagnostic étiologique repose sur la recherche de l’AgHBs et des anticorps
anti-VHC.
• Le diagnostic d’hépatite chronique B est évoqué si la recherche de l’AgHBs est
positive. Classiquement, le diagnostic d’hépatite chronique B est affirmé lorsque
la recherche d’AgHBs est toujours positive lors du contrôle fait 6 mois plus tard.
Il importe alors de déterminer s’il existe ou non une réplication virale. La positi-
vité de l’ADN du VHB sérique par la technique d’hybridation affirme la réplica-
tion virale. Lorsqu’il s’agit du virus B sauvage, le plus fréquent, l’AgHBe est posi-
tif et les anticorps anti-HBe sont négatifs. Lorsqu’il existe une mutation pré-C,
l’AgHBe est absent du sérum et les anticorps anti-HBe sont positifs.
Il importe également de déterminer s’il existe une surinfection delta ; l’antigé-
némie delta est de courte durée ; le diagnostic est donc posé devant la positivité
des IgM et des IgG anti-delta.

792 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris)


1997, 47
Hépato-gastro-entérologie

TABLEAU I
Groupes à risque
pour l’infection Sérologie de l’hépatite chronique B
par le VHC (AgHBs+)
• Risque fort :
• Sujets ayant reçu du sang ou des dérivés de
Marqueurs Signification
sang (avant mars 1990).
• Hémophiles.
• Hémodialysés, transplantés. HBV ADN+, AgHBe+, anti-HBe– Réplication virus B sauvage
• Toxicomanes intraveineux.
HBV ADN+, AgHe–, antiHBe+ Réplication virus B mutant
• Risque faible :
• Personne de l’entourage familial d’un sujet HBV ADN–, AgHBe–, antiHBe+ Absence de réplication
atteint d’hépatite C.
• Antécédent d’acte invasif, diagnostique ou

thérapeutique (intervention, endoscopie


avec biopsie, exploration endocavitaire). • Le diagnostic d’hépatite chronique C est évoqué si la recherche des anticorps
anti-VHC est positive. La loi française fait obligation de réaliser deux tests dif-
férents sans autre précision, pour le diagnostic sérologique des infections par le
VHC. Les tests habituellement utilisés sont des tests immuno-enzymatiques de
type Elisa, de troisième génération. Ces tests sont dits « de dépistage ». Les tests
dits « de validation » sont fondés sur une technique d’immunoblot (RIBA ou
recombinant immunoblot assay) permettant la détection semi-quantitative des
anticorps. Si les transaminases sont augmentées et la sérologie positive, la
recherche de l’ARN du VHC ne paraît pas utile pour le diagnostic, car toujours
positive. Il existe au moins 6 génotypes du VHC. Chaque génotype s’assortit de
particularités épidémiologiques, géographiques et cliniques. Par exemple, le
génotype 1b, majoritaire en Europe de l’Ouest, est associé à la transmission trans-
fusionnelle, à une infection évolutive et répond moins bien au traitement, alors
que le génotype 3 est associé à la toxicomanie par voie intraveineuse, à une infec-
tion moins sévère et répond mieux au traitement.
Les techniques de détermination du génotype, utilisées en recherche, n’ont, pour
l’instant, pas d’indication en pratique courante.

TABLEAU II
Arbre décisionnel devant la découverte
d’anticorps anti-VHC
Anticorps anti-VHC positifs

augmentation de l’ALAT ALAT normale

répéter le dosage

augmentation de l’ALAT ALAT normales

recherche de l’ARN
du VHC par PCR

?
ponction-biopsie hépatique ARN positif ARN négatif

patients non virémiques

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 793


1997, 47
H É PAT I T E S V I R A L E S C H R O N I Q U E S B E T C

TABLEAU III
Indications
de la recherche Histoire naturelle de l’infection chronique par le virus B
qualitative de l’ARN
du VHC par PCR Première phase Deuxième phase Troisième phase
(polymerase chain Réplication virale Intense Diminuée Arrêtée
reaction)dans Risque de
la pathologie virale C réactivation
• Avant traitement, lorsque les transaminases AgHBe + ± –
sont augmentées, il n’y a pas d’indication, AcHBe – ± +
car la PCR est pratiquement toujours posi- ADN virus B Taux élevé Taux diminué Non détectable
tive. Dans les rares cas où elle est négative,
cela oblige à en refaire une, car au moment Activité Modérée Intense Faible ou nulle
du précédent dosage, le patient peut être au- Transaminases Peu élevées Très élevées Normales
dessous du seuil de détection de la méthode. Histologie Hépatite chronique Hépatite chronique Hépatite chronique
• Chez un patient anti-VHC positif, ayant des persistante ou active peu active ou
transaminases répétitivement normales (3 à peu active cirrhose inactive
4 fois à 1 mois d’intervalle) pour savoir s’il
ou carcinome
est guéri de l’infection C sous réserve d’un
deuxième contrôle négatif ou virémique. hépatocellulaire
• Lorsqu’il y a plusieurs causes possibles
d’hépatopathie, par exemple alcool, auto-
immunité…
• ELISA positif, RIBA indéterminé. Évolution
• Diagnostic d’infection aiguë C après conta-
mination (accidentelle ou seringue) avant la Évolution sans traitement
séroconversion.
•Diagnostic des hépatopathies chroniques 1. Hépatite chronique B
sans cause.
• Hépatopathie sans cause chez l’immuno- • Au plan sérologique, on distingue 3 phases :
déprimé. – une phrase précoce de tolérance immunitaire avec présence de l’AgHBs à forte
• Évaluation de la réponse aux traitements concentration, de l’ADN du VHBsérique, de l’AgHBe, faible taux de sérocon-
antiviraux.
version de l’AgHBe en anticorps anti-HBe, présence d’AgHBc dans le noyau et
absence d’agressivité histologique ;
– une deuxième phase au cours de laquelle se produit la séroconversion de
l’AgHBe en anticorps anti-HBe, présence d’ADN du VHB à faible concentra-
tion, présence d’AgHBc dans le cytoplasme, lésions d’hépatite chronique active.
Cette phase correspond à une phase de réplication-élimination du virus. Le taux
Diagnostic anatomo- de séroconversion annuelle de l’AgHBe est d’environ 15 %. La séroconversion
pathologique est souvent précédée par une poussée de cytolyse (élévation des transaminases
Le diagnostic anatomopathologique est essen- aux environs de 300 UI/L) qui survient le plus souvent dans les trois mois avant
tiel. Il permet de savoir si l’hépatite chronique la séroconversion. La séroconversion s’accompagne en principe dans l’année qui
est active ou non active et s’il existe ou non
une cirrhose constituée. Les lésions sont carac- suit d’une normalisation des transaminases. Cependant, une réactivation virale
térisées par un infiltrat inflammatoire fait de est possible. Le risque le plus élevé de réactivation est constaté pendant la phase
cellules mononucléées, siégeant dans l’espace où l’AgHBe a disparu et où l’anti-HBe n’est pas encore apparu. Cette réactiva-
porte et la région périportale, une fibrose et
une nécrose hépatocytaire plus ou moins
tion est la cause essentielle des poussées de cytolyse. Elle peut être spontanée
notables. Les lésions de nécrose parcellaire ou provoquée par des traitements immunosuppresseurs ;
intéressant les hépatocytes de la lame bordante – une troisième phase où l’anticorps anti-HBe est positif, l’ADN du VHB absent
périportale (piece-meal necrosis) sont un signe
histologique essentiel des hépatites chro-
du sérum, l’AgHBc absent du foie. Cette phase correspond à une absence de
niques. Les lésions histologiques des hépa- réplication virale.
tiques chroniques virales et, en particulier de • Au plan clinique, il existe un risque évolutif à bas bruit vers la cirrhose et le
l’hépatite chronique C, sont souvent modé-
rées, voire minimes. Certaines anomalies his-
carcinome hépatocellulaire. On peut estimer que le risque d’évolution vers la
tologiques s’observent plus souvent au cours cirrhose est de 30 % après 20 ou 30 ans d’évolution. En cas de cirrhose, l’inci-
de l’hépatite chronique C que de l’hépatite dence annuelle de survenue d’un carcinome hépatocellulaire est d’environ 4 %,
chronique B. Il s’agit de la stéatose hépato- soit un risque de carcinome hépatocellulaire à 5 ans de 20 %.
cytaire, de la présence de nodules lymphoïdes
dans les espaces portes et de lésions inflam- En cas d’hépatite chronique B-delta, l’évolution est proche de celle de l’hépa-
matoires des canaux biliaires interlobulaires. tite chronique B, mais dans l’ensemble plus sévère.
Différents scores histologiques sont utilisés :
le score de Knodell qui apprécie
4 éléments : la nécrose périportale, la 2. Hépatite chronique C
nécrose intralobulaire, l’inflammation por- Elle est moins bien connue que l’hépatite chronique B.
tale et la fibrose. Le score Métavir apprécie
deux éléments : l’activité et la fibrose. • Au plan sérologique, contrairement à ce qui se passe au cours de l’infection
chronique B, il ne semble pas qu’il y ait arrêt de la réplication virale au cours de

794 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris)


1997, 47
Hépato-gastro-entérologie

l’évolution. Tout se passe comme si le VHC continuait à se répliquer dans les


Diagnostic différentiel maladies de foie évoluées, en particulier dans les cirrhoses et les carcinomes
des hépatites chroniques hépatocellulaires.
Les hépatites chroniques B et C doivent être • Au plan clinique, le risque est l’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépa-
distinguées des autres hépatites chroniques. tocellulaire. L’hépatite chronique C est caractérisée par une évolution extrême-
• Hépatites chroniques auto-immunes ment lente, la majorité des malades gardant longtemps une activité histologique
Les hépatites chroniques auto-immunes se
caractérisent par une élévation plus impor- minime ou modérée et peu de fibrose. Chez environ 20 % d’entre eux, la cir-
tante des transaminases et des gammaglo- rhose se constitue dans un délai moyen de 20 ans.
bulines. Surtout leur diagnostic repose sur Cependant, dans certains cas, la cirrhose se constitue plus rapidement après la
l’absence de marqueur sérique d’infections
B et C et sur la présence d’autoanticorps à contamination. Ainsi, le risque de cirrhose peut survenir 10 à 16 ans après la
un titre significatif. transfusion. Il semble que les patients les plus âgés au moment de la transfusion
– L’hépatite chronique auto-immune de type aient un risque plus fort de développer une cirrhose.
1 est caractérisée par la présence d’anticorps
anti-muscles lisses, de spécificité anti- Le risque de carcinome hépatocellulaire chez les porteurs chroniques du VHC
actine. Dans de rares cas, les hépatites chro- est élevé. Il concerne surtout les malades cirrhotiques.
niques dues au VHC peuvent être associées Les facteurs favorisant l’évolution vers la cirrhose sont mal connus : à côté de
à des anticorps antimuscles lisses, mais ces
anticorps n’ont pas la spécificité anti-actine. l’âge, du mode de contamination transfusionnel, des facteurs viraux pourraient
– L’hépatite chronique auto-immune de type jouer un rôle. Le génotype 1b et une forte réplication virale favoriseraient la
2 est caractérisée par la présence d’anticorps constitution rapide d’une cirrhose. Il est très probable aussi que l’intervention
anti-LKM1 (liver-kidney-microsome). Il est à de cofacteurs (virus B et alcool) majore ce risque de façon importante.
remarquer que les anticorps anti-LKM1 peu-
vent être également présents en cas d’hépa-
tite chronique C. La recherche de l’ARN du Évolution avec traitement
VHC par la polymerase chain reaction
(PCR) permet de déterminer si ces patients 1. Hépatite chronique B
sont ou non virémiques. Un traitement peut être proposée aux malades atteints d’hépatite chronique B,
• Hépatopathies alcooliques
Les hépatopathies chroniques B et C doivent présentant à l’examen histologique du foie des signes d’activité et ayant une
être distinguées des hépatopathies alcoo- réplication virale.
liques. Théoriquement, le profil biologique • Les traitements possibles sont :
et les lésions histologiques sont différents.
Cependant, l’association d’une cause alcoo- – la vidarabine phosphate (VIRA-MP) prescrite en intramusculaire pendant une
lique et virale n’est pas exceptionnelle et durée de 4 semaines. Elle entraîne une diminution de la réplication virale dans 20
l’alcool constitue un facteur essentiel d’ag- à 30 % des cas. Ses effets secondaires neuromusculaires en limitent son utilisation ;
gravation de l’hépatopathie et de la résis-
tance au traitement antiviral. – l’interféron est actuellement utilisé en première intention. Le schéma de trai-
tement optimal n’a pas encore été établi. La dose habituellement utilisée est de
5 millions d’unités 3 fois par semaine pendant 6 mois. Si le traitement paraît
efficace, il est possible de le poursuivre pendant une durée de 12 mois. Une dose
plus élevée est conseillée s’il s’agit d’un virus B mutant ou en cas de co-infec-
tion B-delta. Les principales contre-indications à l’interféron sont, outre la pré-
sence d’une cirrhose décompensée, des antécédents psychiatriques importants,
une thrombopénie sévère (plaquettes < 50 000/mm3) ou leucopénie sévère
(< 2 000). Les effets secondaires principaux sont le syndrome pseudo-grippal
pratiquement constant au début et disparaissant le plus souvent après un mois
de traitement, l’asthénie, la thrombopénie et la leucopénie, rares, à surveiller,
des troubles du sommeil, une dépression, une dysthyroïdie.
• Le but du traitement est d’accélérer la séroconversion de l’AgHBe en anticorps
anti-HBe. Cette séroconversion sous traitement est obtenue dans 30 à 40 % des
cas. À long terme, l’AgHBs peut se négativer et l’anticorps anti-HBs apparaître.
Les meilleures chances de succès sont obtenues pour les malades de sexe fémi-
nin, d’origine européenne, hétérosexuels, séronégatifs pour le VIH, séronéga-
tifs pour le virus D, ayant une hépatite chronique assez récente et une faible
quantité d’ADN du virus de l’hépatite B.

2. Hépatite chronique C
Le traitement repose essentiellement sur l’interféron à la dose de 3 millions d’uni-
tés 3 fois par semaine pendant 12 mois. Les indications sont représentées par les
hépatites chroniques de l’adulte, à condition qu’il existe une activité histolo-
gique et une élévation des transaminases. Les contre-indications sont les mêmes
que celles indiquées pour l’hépatite chronique B.
On distingue plusieurs types de réponse au traitement.
• Les répondeurs sont les malades qui normalisent leurs transaminases sous trai-
tement. La normalisation des transaminases, si elle doit se produire, est précoce,

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 795


1997, 47
H É PAT I T E S V I R A L E S C H R O N I Q U E S B E T C

survenant dès le 1er ou 2e mois de traitement. Ce type de réponse à court terme


Indications, concerne environ 50 à 70 % des patients. À l’arrêt du traitement, parmi ces
contre-indications patients répondeurs à court terme, plus de la moitié d’entre eux rechutent rapi-
et effets indésirables dement. Il s’agit de répondeurs-rechuteurs ; 10 à 20 % gardent des transaminases
d’un traitement normales après l’arrêt du traitement ; le plus souvent dans ces cas, l’ARN du
par interféron VHC n’est pas détectable dans le sérum. On parle de répondeurs à long terme.
On peut considérer qu’il y a très probablement dans ces cas une guérison.
• Indications
• Les non-répondeurs sont les malades qui ne normalisent pas leurs transami-
- Hépatite chronique B nases sous traitement. Il est possible de ne pas poursuivre le traitement pendant
• Signes d’activité biologique
• Signes d’activité histologique
1 an, mais de l’arrêter dès le 3e mois.
• Réplication virale (ADN) Lorsqu’il existe une intoxication alcoolique associée, la prise en charge de celle-
- Hépatite chronique C ci prime. On sait en effet que les malades qui évoluent vers la cirrhose ont sou-
• Signes d’activité biologique vent en plus du virus C une intoxication alcoolique. On sait aussi que l’alcool
• Signes d’activité histologique augmente la virémie C et est un facteur de résistance au traitement.
• Contre-indications Lorsque les malades ont déjà été traités par l’interféron et n’ont pas été guéris,
- Grossesse on distingue deux catégories d’échec : les malades qui n’ont pas normalisé leurs
• Allergie à l’interféron α. transaminases sous traitement (non-répondeurs) ; les malades qui les ont nor-
• Insuffisance hépatique sévère ou cirrhose malisées, mais qui ont rechuté à l’arrêt (répondeurs-rechuteurs).
décompensée (ascite, ictère, encéphalo-
pathie) Des associations thérapeutiques (interféron-ribavirine) sont actuellement testées.
• Insuffisance rénale sévère
• Insuffisance cardiaque non compensée ou
affection sévère préexistante (infarctus du
myocarde récent, angor instable, HTA
Prévention
sévère, arythmie sévère)
• Thrombopénie sévère (< 50 000/mm )
3
Hépatite chronique B
• Leucopénie sévère (leucocytes
< 2 000/mm3 ou PN < 1 000/mm3) Elle repose essentiellement sur la vaccination. Les vaccins actuellement dispo-
• Dépression non contrôlée nibles sont produits par génie génétique : ils contiennent de l’antigène HBs recom-
• Contre-indications rela-
binant produit par des cultures de cellules dans lesquelles on a inséré le gène viral
tives : codant pour l’antigène HBs.
• Antécédents d’épilepsie Deux schémas de vaccination peuvent être utilisés : soit le schéma classique com-
• Antécédents psychiatriques importants portant 3 injections à un mois d’intervalle et un rappel un an après la première
(syndromes dépressifs) injection, soit deux injections à un mois d’intervalle suivie d’une troisième dose
• Dysthyroïdie (TSH)
6 mois après la première injection. Ce schéma est aussi efficace que le précédent
• Effets indésirables en particulier chez les sujets jeunes immunocompétents. Un rappel tous les 5 ans
- Effets fréquents : est recommandé.
• Syndrome pseudo-grippal (diminué par L’efficacité est attestée par l’obtention d’anticorps anti-HBs à un titre protecteur
paracétamol) dans 90 à 95 % des cas. Il n’est pas utile, sauf cas particulier de vérifier chez les
• Céphalées
• Asthénie
sujets immunocompétents l’apparition d’anticorps anti-HBs. Les patients immu-
- Effets plus rares : nodéprimés et en particulier les malades hémodialysés, alcooliques et cirrhotiques
• Dépression répondent moins bien à la vaccination. Les sujets de plus de 40 ans et en parti-
• Hyper ou hypothyroïdie culier de sexe masculin répondent moins bien à la vaccination que les sujets plus
• Thrombopénie jeunes.
• Neutropénie
• Troubles digestifs (vomissements, diar-
La tolérance est excellente. Cependant, la vaccination est contrindiquée chez les
rhée) malades atteints de sclérose en plaque. Quelques cas de sclérose en plaque, de
• Troubles neurologiques (vertiges, épilep- névrite optique, de maladie de Guillain et Barré ont été rapportés dans les suites
sie) de vac cination. Des études sont actuellement en cours pour établir ou non un lien
• Troubles cardiovasculaires (hyper- ou
hypotension, troubles du rythme, insuffi-
de causalité.
sance cardiaque) La vaccination doit être systématique dans les groupes à risque et en particulier
• Modification de la glycémie dans le personnel de santé, chez les nouveaux-nés de mères porteuses de l’AgHBs.
• Manifestations cutanées (alopécie modé- Dans ce dernier cas il faut adjoindre à la vaccination une injection de gamma-
rée, érythème, prurit, peau sèche)
globulines spécifiques anti-HBs. La vaccination doit également être proposée à
l’entourage familial des patients porteurs de l’antigène HBs, aux voyageurs en
pays d’endémie, aux homosexuels, aux toxicomanes non encore contaminés...
La vaccination généralisée des nouveaux-nés et des enfants à l’entrée en 6e doit
permettre l’éradication de la maladie.
Les autres méthodes de prévention sont également essentielles : l’élimination du
don du sang des sujets contaminés a été une étape majeure pour la prévention des
hépatites B post-transfusionnelles. La transmission sexuelle, de même a été réduite
depuis les années 1985-1990 par l’utilisation des préservatifs.

796 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris)


1997, 47
Hépato-gastro-entérologie

Points Forts Hépatite chronique D


à retenir Elle se confond avec celle contre le virus B.
● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●
Hépatite chronique C
• Les hépatites chroniques La contamination sanguine a été réduite depuis 1988 par l’élimination du don du
virales sont dues à deux virus : sang des sujets porteurs d’un anticorps anti-HBc et d’un taux de transaminases
le virus de l’hépatite B augmenté et surtout depuis mars 1990 par l’éviction du don du sang des sujets
(positivité de l’AgHBs) et le porteurs d’anticorps dirigés contre le virus de l’hépatite C. Le risque d’hépatite
virus de l’hépatite C (positivité post-transfusionnelle virale C est actuellement très faible, mais il n’est pas nul et
des anticorps dirigés contre
dans tous les cas plus important que celui du VIH puisqu’on l’estime à un cas
le virus C).
• L’examen pour 200 000 produits transfusés. La meilleure prévention en matière de trans-
anatomopathologique est fusion consiste à restreindre la transfusion aux seules indications indispensables,
indispensable pour déterminer de développer l’autotransfusion (contre-indiquée en cas de portage du VHC) et
l’activité histologique et savoir de développer les techniques d’épargne et de récupération de sang pendant les
s’il existe ou non une cirrhose. interventions chirurgicales.
• L’intervention de cofacteurs Les autres mesures de prévention concerne l’éducation des toxicomanes, la toxi-
et en particulier l’existence comanie étant la deuxième cause de contamination virale C. Il faut lutter contre
d’une intoxication alcoolique le partage des seringues.
associée majore le risque En cas de contamination accidentelle du personnel soignant avec un patient por-
d’évolution cirrhogène de façon teur du VHC, à côté du nettoyage soigneux de la plaie et de la déclaration obli-
importante. gatoire, il faut recommander une virologie C par polymerase chain reaction (PCR)
• Les traitements antiviraux réalisée précocément. En effet, la prescription précoce d’interféron évite dans un
reposent essentiellement sur certain nombre de cas l’évolution vers la chronicité.
l’Interféron. En cas d’hépatite Les autres mesures de prévention concernent la prévention du risque nosocomial :
chronique B, le but éliminer du don d’organe les sujets anti-VHC positifs, observer strictement les
du traitement est d’arrêter précautions d’hygiène dans les unités d’hémodialyse, de traitement des leucé-
la replication virale. mies et lors de tout acte médical vulnérant (coronarographies, arthroscopies, endo-
Son efficacité est modeste : scopies...).
30 à 40 % de séroconversions. Afin de prévenir le risque d’évolution vers la cirrhose, il faut interdire aux por-
• En cas d’hépatite chronique C, teurs du VHC une consommation quotidienne d’alcool et recommander une
50 à 70 % des patients ont
consommation d’alcool nulle ou minime.
une réponse au traitement,
mais le risque de rechute Les précautions à prendre dans l’entourage familial des patients porteurs du VHC
à l’arrêt est élevé. 10 à 20 % sont les suivantes : alerter sur le risque de partage des objets susceptibles d’être
seulement des patients souillés par le sang : brosse à dent, rasoir... La contamination sexuelle en cas d’in-
sont guéris (normalisation fection isolée par le VHC étant rare, il n’y a pas lieu d’utiliser systématiquement
des transaminases les préservatifs sauf en cas de lésions génitales ou de menstruation. La contami-
et négativation de la virémie nation mère-enfant étant rare en l’absence de coinfection avec le VIH il n’y a pas
plus de 6 mois après l’arrêt lieu de déconseiller une grossesse. Les anticorps anti-VHC sont transmis à l’en-
du traitement). fant et peuvent persister jusqu’à l’âge de un an. Il n’y a donc pas lieu de faire une
prise de sang à l’enfant avant cet âge. ■

RECTIFICATIFS
Une erreur s’est glissée dans l’article « Angines » rédigé par le professeur J. Dubin [Rev Prat (Paris) 1997 ; 47 :
452]. Il fallait lire :
En cas d’allergie à la pénicilline les macrolides sont une excellente indication (30 à 50 mg par kg/j en 2 prises pen-
dant 10 jours).

Les légendes des figures 2 et 3 ont été interverties dans l’article « Diplopie » rédigé par le docteur L. Laloum [Rev
Prat (Paris) 1996 ; 46 : 2459]. La figure 2 (haut) concerne la paralysie du III droit et la figure 3 (bas) concerne la
paralysie du droit externe droit.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 797


1997, 47

You might also like