Professional Documents
Culture Documents
27
Érythème
Orientation diagnostique
Dr Samira MANSOURI, Dr Selim ARACTINGI
Unité de dermatologie, hôpital Tenon, 75020 Paris
3. Rubéole
Il s’agit là encore d’un problème devenu bien moins fréquent dans les nations
occidentales depuis les campagnes de vaccination. Après une période d’incuba-
tion silencieuse de 2 à 3 semaines, survient un exanthème maculo-papuleux débu-
tant au visage et s’accompagnant d’une fièvre modérée et typiquement d’adé-
nopathies occipitales et cervicales postérieures. À la différence de la rougeole,
l’éruption est faite de nappes beaucoup moins inflammatoires, plutôt rosées,
moins étendues également. C’est une affection toujours bénigne sauf chez la
femme enceinte séronégative étant donné le risque de malformations fœtales. Le
diagnostic est sérologique et repose sur la mise en évidence d’une séroconver-
sion ou plus souvent d’IgM spécifiques anti-rubéole signant l’infection récente.
Une sérologie de rubéole doit être exigée lors de toute éruption chez une femme
enceinte ou chez quelqu’un de son entourage.
4. Herpès virus
Ils peuvent être à l’origine de nombreux exanthèmes.
• Cytomégalovirus (CMV) et virus d’Epstein-Barr (EBV) se transmettent essen-
tiellement par voie respiratoire. Un exanthème survient dans 3 à 19 % des « mono-
nucléoses EBV » et 10 à 40 % des « mononucléoses CMV ». Cette éruption n’a
aucune vraie particularité clinique et est le plus souvent d’allure morbilliforme.
Des adénopathies et une atteinte muqueuse sont possibles. Par un mécanisme
encore inconnu, la fréquence de l’éruption atteint 90 à 100 % des cas quand les
individus infectés par EBV ou CMV ont été traités par de l’ampicilline. De là
vient la classique contre-indication de l’ampicilline devant une angine – dans la
crainte que celle-ci ne soit un symptôme d’infection EBV – et qu’un exanthème
ne se développe donc. Le diagnostic repose sur la sérologie pour EBV et pour
le CMV, la virémie ou la présence d’IgM spécifiques.
• Le virus herpès 6 (HHV6) identifié en 1988, est responsable de l’exanthème
subit (également appelé roséole infantile) mais aussi de fièvres isolées de l’en-
fant. Le pic d’incidence de l’exanthème subit a lieu chez l’enfant entre 6 mois
et 2 ans. Le tableau débute brutalement par une fièvre à 39-40 °C isolée pendant
2 à 3 jours, suivie, lors de la défervescence thermique, d’une éruption maculo-
papuleuse. Celle-ci est traditionnellement roséoliforme, c’est-à-dire que les
lésions sont de petites macules rose pâle. Le diagnostic sérologique et (ou) l’iso-
lement viral sont limités aux laboratoires de recherche.
5. Parvovirus B19 (PVB19)
Il s’agit d’un virus de reconnaissance là encore récente (1983). Il est responsable
du mégalérythème épidémique (ou 5e maladie), d’autres manifestations cutanées
plus rares et de crises d’érythroblastopénie aiguë (chez les individus ayant une
hémoglobinopathie car ce virus se multiplie dans les érythroblastes). Les études
séro-épidémiologiques ont montré que près de 65 % des adultes avaient été en
contact avec le PVB19, habituellement avant 10 ans. La transmission est respi-
ratoire et après une phase virémique silencieuse survient un tableau clinique assez
892 L A R E V U E D U P R AT I C I E N ( P a r i s )
1997, 47
Dermatologie
Éruptions toxiniques
Elles sont secondaires à la production de toxines par certaines bactéries. Il s’agit
essentiellement d’éruptions scarlatiniformes.
1. Scarlatine classique
Liée aux streptocoques β-hémolytique du groupe A producteurs de toxine éry-
throgène, elle est devenue rare actuellement et touche surtout l’enfant. L’érup-
tion scarlatiniforme est précédée d’une angine érythémateuse et fébrile. L’at-
teinte muqueuse comportant un V lingual au 4e jour (2/3 antérieurs de la langue
érythémateuse dépapillée et 1/3 postérieur indemne en arrière d’un V) est très
évocatrice du diagnostic. L’éruption débute aux grands plis et se propage aux
membres et au tronc sous forme de grandes nappes chaudes cuisantes, rouges,
typiquement sans intervalles de peau saine (définissant le caractère sémiologique
de « scarlatiniforme »). L’évolution se fait vers la desquamation qui prend un
aspect en doigts de gants aux extrémités et en lambeaux sur le reste du corps.
En l’absence de traitement antibiotique, des complications post-streptococciques
(rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrite aiguë) sont possibles. Le dia-
gnostic clinique est relativement aisé à évoquer et sera conforté par la mise en
évidence de streptocoque β-hémolytique dans les prélèvements de gorge et (ou)
un taux élevé des anticorps antistreptolysine O (ASLO).
2. Scarlatine staphylococcique
Rare et liée à une toxine érythrogène produite par un staphylocoque ayant un
phage du groupe II, elle réalise une éruption scarlatiniforme proche de celle de
la scarlatine classique. Le foyer infectieux initial est souvent amygdalien.
3. Éruptions à Corynebacterium
D’individualisation récente, elles sont la conséquence d’une toxine produite par
2 Corynebacterium hemolyticum. Elles se caractérisent par un tableau de scarla-
Exanthème morbilliforme d’origine
médicamenteuse. tine de l’adulte avec angine. Le prélèvement de gorge permet l’isolation du germe
et le traitement repose sur l’antibiothérapie (macrolides).
4. Toxic schok syndrome
Cette éruption est la conséquence de la production d’une toxine particulière
(appelée TSST1 pour toxic schock syndrome toxin 1) par un staphylocoque doré,
dont le foyer initial a souvent été la présence de tampons vaginaux périodiques
surinfectés par un staphylocoque producteur de cette toxine. Le tableau carac-
téristique associe une éruption scarlatiniforme intense, une fièvre élevée, un état
de choc, des douleurs abdominales et des vomissements. Des défaillances vis-
cérales sont présentes (3 au moins dans les critères de diagnostic du toxic shock).
5. Staphylococcal scalded skin syndrome (SSSS)
À la limite de ce cadre des érythèmes car le tableau est rapidement celui d’un décol-
lement superficiel, il atteint essentiellement les nouveau-nés, les nourrissons et le
jeune enfant et débute par un érythème scarlatiniforme, rugueux et douloureux au
palper qui évolue rapidement vers la nécrolyse épidermique superficielle.
Autres causes d’éruptions maculo-papuleuses
1. Méningite à méningocoque
Il faut y penser systématiquement car une éruption maculo-papuleuse d’allure
banale (non purpurique) peut se voir dans un pourcentage non négligeable de
cas, notamment dans les formes de l’enfant.
2. Fièvre boutonneuse méditerranéenne
C’est une rickettsiose due à Rickettsie conori transmise par une piqûre de tique
et siégeant de façon endémique au pourtour méditerranéen. Elle survient de
façon saisonnière, principalement en été et au début de l’automne. Le tableau
est caractéristique. Après une période d’incubation de 4 à 10 jours, la maladie
débute par une fièvre à 39 °C avec céphalées et arthralgies, suivie d’une érup-
3. Syphilis secondaire
Grand classique des diagnostics différentiels dermatologiques, il faut donc bien
sûr y songer devant un exanthème maculo-papuleux. Six à huit semaines après
un chancre (passé inaperçu ou non) sans traitement, apparaît une éruption roséo-
3 liforme faite de macules pâles, discrètes, à la limite de la visibilité, essentielle-
Exanthème scarlatiniforme d’origine ment localisées au tronc et disparaissant rapidement en une semaine. Peu après
médicamenteuse. surviennent les érosions linguales (plaques fauchées), les papules ou syphilides
papuleuses, et l’alopécie. Des adénopathies cervicales postérieures sont clas-
siques. Le diagnostic est confirmé par les réactions sérologiques (FTA, TPHA,
VDRL) qui sont toutes positives à ce stade.
4. Maladie de Kawasaki
C’est une vascularite probablement d’origine virale qui touche essentiellement
les enfants. De diagnostic très difficile, elle se caractérise par une éruption scar-
latiniforme particulière par l’intensité de l’érythème et de l’œdème palmoplan-
taire. Une conjonctivite bilatérale, une cheilite, de la fièvre et une altération grave
de l’état général sont habituelles. Des critères de diagnostic ont été établis. En
raison des risques cardiaques (anévrisme coronaire) et de la réduction de ce
risque par un traitement (aspirine plus immunoglobulines intraveineuses) ; il faut
évoquer ce diagnostic devant une éruption sévère.
1. Interrogatoire
Il doit préciser en détail les prises médicamenteuses (quels médicaments ? leur
chronologie précise par rapport à l’éruption, pourquoi ont-ils été prescrits ?), la
notion de contage, le contexte (voyages, greffe, piqûre). Le plus souvent on
retrouve la notion de prodromes d’allure virale ayant conduit à une ou plusieurs
prises médicamenteuses rendant 2 hypothèses plausibles : éruption virale ou
éruption médicamenteuse.