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B 116
Myocardiopathies
Signes, évolution, traitement
Pr Denis DUBOC
Service des maladies cardiovasculaires, groupe hospitalier Cochin, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14
cardiaque (75 % des cas) témoignant le plus souvent d’une pas indiqué sauf lorsque l’on envisage une transplantation
dysfonction déjà évoluée. Les signes de dysfonction ven- cardiaque afin de préciser le degré des résistances vascu-
triculaire gauche prédominent, initialement, ils sont carac- laires pulmonaires. La biopsie endomyocardique n’a pas
térisés par une dypsnée d’effort dans plus de 80 % des cas, non plus d’indication sauf en cas de suspicion sérieuse de
parfois des palpitations ; des œdèmes des membres infé- myocardite récente (voir : pour approfondir / 1).
rieurs sont retrouvés dans un tiers des cas lorsqu’il existe
une insuffisance cardiaque globale initiale. Dans 5 à 15 % 6. Histoire naturelle et pronostics
des cas, le diagnostic est posé devant la découverte fortuite
d’une cardiomégalie radiologique. Les douleurs thora- L’histoire naturelle des myocardiopathies dilatées asymp-
ciques d'allure angineuse peuvent être parfois inaugurales tomatiques est difficile à préciser du fait de leur longue
et sont probablement liées à une diminution de la réserve période de développement infraclinique. Le pronostic des
coronaire par atteinte de la microcirculation (par définition patients symptomatiques est mauvais avec une mortalité à
les artères coronaires proximales sont saines dans les myo- 5 ans estimée à 20 %. Une faible proportion de patients
cardiopathies dilatées primitives). La maladie est parfois peut présenter une amélioration spontanée (20 % des cas) ;
révélée par une complication : embolie pulmonaire ou sys- d’autres peuvent avoir une longue période de stabilité. Cer-
témique (dans 5 % des cas environ) ou par des troubles du tains facteurs ont une valeur pronostique.
rythme, fibrillation auriculaire ou trouble du rythme ven-
triculaire.
Facteurs pronostiques
Démarche diagnostique – Les facteurs cliniques (la classe NYHA, le galop permanent, l’hy-
pertension artérielle) ;
La démarche diagnostique doit permettre d’éliminer une cause réver- – Les facteurs hémodynamiques quand ils sont mesurés (une pres-
sible relevant d’un traitement spécifique (cardiopathie alcoolique, sion capillaire pulmonaire supérieure à 20 mmHg et (ou) un index
myocardiopathie ischémique, myocardite). L’éxamen clinique per- cardiaque inférieur à 2 L/min/m2) ;
met d’évaluer le degré de sévérité de la dysfonction gauche, l’exis- – Les facteurs biologiques (l’hyponatrémie, l’élévation des taux plas-
tence des signes « droits ». La palpation de l’apex est généralement matiques de noradrénaline, du peptide atrial natriurétique et de
étalée et déplacée vers l’extérieure. Un bruit de galop est habituel chez rénine) ;
les patients en rythme sinusal. Un souffle systolique est également – L’index cardio-thoracique ;
fréquent témoignant d’une insuffisance mitrale fonctionnelle par dila- – Le diamètre télédiastolique du ventricule gauche supérieur à
tation de l’anneau. 70 mm ;
– Une VO2 max (consommation maximale d’oxygène de l’organisme
inférieure ou égale à 10 mL/kg/min ;
– La scintigraphie à la MIBG (Méta Iodobenzil Guanidine), une dimi-
nution de la captation myocardique de ce traceur (rapport cardio-
5. Examens complémentaires thoracique inférieur à 1,2) témoigne d’une diminution du recaptage
myocardique des catécholamines dans les formes particulièrement
La radiographie thoracique montre une cardiomégalie et sévères.
une redistribution vasculaire.
L’ECG peut être normal, ou montrer des troubles non spé-
cifiques de la repolarisation, des troubles de conduction de
type BAV et BBG, un aspect QS dans les dérivations anté- 7. Traitement
rieures, et dans environ 20 % des cas, une fibrillation auri-
culaire. Le traitement de l’insuffisance cardiaque lorsque celle-ci
L'échocardiographie est l’examen complémentaire le plus est installée repose sur le régime sans sel, l’administration
utile. Elle montre la dilatation des 4 cavités, l’hypocinésie de diurétiques et d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion
globale ou segmentaire (60 % des cas) du ventricule de l’angiotensine (captopril 100 mg/j, Renitec 20 mg/j
gauche, et la diminution de la fraction d’éjection du ven- administrés de façon progressive en fonction de la tolé-
tricule gauche (< 45 %). Parfois, l’échocardiographie révèle rance tensionnelle et rénale). L’administration de dérivés
la présence d’un thrombus, le plus souvent à l’apex du ven- nitrés peut améliorer les symptômes mais ne semble pas
tricule gauche. influencer le pronostic de cette affection. Les digitaliques,
seuls agents inotropes utilisables sont surtout indiqués en
La scintigraphie au TC 99 m (angiographie isotopique) est cas d’insuffisance cardiaque réfractaire ou de trouble du
utile pour évaluer la fraction d’éjection et pour pouvoir rythme supraventriculaire. Au stade asymptomatique, on
suivre son évolution. La scintigraphie au gallium 61 pour- peut préconiser un traitement par inhibiteurs de l’enzyme
rait être utile au diagnostic positif de myocardite seulement de conversion de l’angiotensine afin de retarder la surve-
lorsqu’il existe des arguments importants pour penser à un nue de l’insuffisance cardiaque congestive. Les β-bloquants
processus inflammatoire en évolution active. pourraient présenter un intérêt chez les patients qui les tolè-
Les explorations invasives doivent comporter la coronaro- rent (introduction prudente de ces médicaments). Les β-
graphie afin d’éliminer une atteinte des gros troncs coro- stimulants et les utilisateurs de la phosphodiestérase sont
naires proximaux qui pourraient justifier dans certains cas à proscrire dans le traitement de fond (voir : pour appro-
un geste de revascularisation. Le cathétérisme droit n’est fondir / 1).
Ce dernier point peut être mieux apprécié par l’échogra- diaque. L’existence de trouble du rythme ventriculaire
phie transœsophagienne. semble être un marqueur de la survenue de mort subite.
Les examens isotopiques conventionnels permettent de pré- Dans les deux cas, le traitement préventif et curatif par
ciser la fonction systolique et diastolique. Le thallium d’ef- l’amiodarone est actuellement celui qui reste préconisé.
fort ou après dipyridamole et la tomographie en émission L’utilisation de médicaments chronotropes négatives et dro-
de positons peuvent apprécier l’existence d’une ischémie motropes négatives peut parfois justifier la mise en place
myocardique. d’un stimulateur cardiaque afin d’éviter des ralentissements
Les examens invasifs, cathétérisme, coronarographie et extrêmes de la cadence ventriculaire. ■
angioplastie doivent être réservés aux formes de diagnos-
tic difficile, ou lorsqu’un geste chirurgical ou l’implanta-
tion d’un pacemaker sont discutés.
Les investigations électrophysiologiques comporte princi-
palement le holter ECG et éventuellement une exploration
endocavitaire. POUR APPROFONDIR
Enfin, la place du screening génétique est de plus en plus
importante. 1 / Les myocardiopathies dilatées
6. Traitement • Épidémiologie
Elles sont habituellement idiopathiques et ont une incidence annuelle de
Le traitement des formes symptomatiques repose sur les 5 à 8 pour 100 000 habitants et une prévalence de 36 pour 100 000 habi-
médicaments permettant d’améliorer la relaxation car- tants.
diaque. • Examens complémentaires
Les β-bloquants peuvent être utilisés ou les agents calcium Les explorations invasives doivent comporter la coronarographie afin
d’éliminer une atteinte des gros troncs coronaires principaux.
bloquant comme le vérapamil (Isoptine) lorsque les signes
d’insuffisance cardiaque congestive apparaissent il peut • Étiopathogénie
Plurifactorielle : génétique, familiale, infectieuse, toxique, carentielle.
être utile d’utiliser les diurétiques, tout en évitant le pro-
• Traitement
blème lié à un désarmorçage de la pompe cardiaque du fait Les β-stimulants et les utilisateurs de la phosphodiestérase sont à pros-
des troubles de remplissage imposant une précharge suffi- crire dans le traitement de fond.
sante pour maintenir le débit cardiaque.
Est formellement déconseillé, l’utilisation d’agents
inotropes qui ne font qu’aggraver l’existence d’une obs- 2 / Les myocardiopathies
truction dynamique intraventriculaire ou qui peuvent la hypertrophiques
révéler. • Épidémiologie
Pour les patients présentant des signes fonctionnels inva- Son incidence est de 2,5 pour 100 000 habitants par an et sa prévalence
lidants résistant au traitement, bien conduit, on peut être est de 20 sur 100 000.
amené à utiliser lorsqu’il existe un gradient ventriculaire • Sur le plan génétique
supérieur ou égal à 50 mmHg des thérapeutiques plus Les problèmes actuellement posés concernent la signification pronostique
de ces mutations et particulièrement les relations qui existent entre géno-
agressives comme la myotomie-myectomie qui consiste à type morbide et phénotype.
réséquer par voie chirurgicale une partie du septum. Actuel- Il est actuellement reconnu qu’un grand nombre de CMH ont une origine
lement, on peut proposer comme alternative, la stimulation génétique. Il s’agit d’une maladie à transmission autosomique dominante
ventriculaire double chambre qui peut diminuer le gradient et à pénétrance variable. Le gène de la β-MHC (unité β de la chaîne lourde
de la myosine) situé sur le chromosome 14 (locus 14q1) est le premier
intraventriculaire en retardant l’activation du septum. Sur gène muté identifié. D’autres gènes sont impliqués. Il s’agit du gène de
le plan symptomatique, les résultats sont encourageants. la troponine T sur le chromosome 1 (locus 1q3) et le gène de l’α-tropo-
Le bénéfice de ces deux techniques sur le pronostic à long myosine sur le chromosome 15 (locus 15q2). Un quatrième locus a été
terme n’est qu’imparfaitement établi jusqu’à présent. identifié (11q11) sur le chromosome 11. Il sagit du gène codant pour la
forme cardiaque de la Myosine Binding proteine. De nombreuses muta-
L’existence de trouble du rythme qu’il soit supraventricu- tions ont été identifiées pour chacun de ces gènes. Les problèmes actuel-
laire ou ventriculaire nécessite un traitement actif. En effet, lement posés concernent la signification pronostique de ces mutations et
la perte de la systole auriculaire aggrave les anomalies de particulièrement les relations qui existent entre génotype morbide et phé-
remplissage (dans le cas d’une origine supraventriculaire) notype (porteur sain, conseil génétique, mutation exposant au risque de
et peut précipiter l’apparition de signes d’insuffisance car- mort subite ...).