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B 123
Hypertension artérielle
de l’adulte
Épidémiologie, étiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution, pronostic.
Traitement de l’hypertension artérielle essentielle de l’adulte
Pr Bernard CHAMONTIN
Service de médecine et d’hypertension artérielle, CHU Purpan, 31059 Toulouse cedex
Ces données justifient la prise en charge thérapeutique de seur/rayon (hypertrophie de la média/diamètre interne de
la maladie hypertensive. l’artériole) et au niveau des gros vaisseaux, hypertrophie
du muscle lisse artériel avec inversion du rapport élas-
tine/collagène.
Physiopathologie
1. Bases Diagnostic
• Hémodynamique cardiovasculaire : la PA est définie
comme le produit du débit par les résistances périphériques 1. Reconnaissance de l’HTA
(PA = Q T RPT). On conçoit qu’une élévation de PA puisse
résulter d’une augmentation de débit (soit par l’augmen- Le diagnostic repose sur la mesure de la PA lors d’un exa-
tation de fréquence, soit par l’augmentation du volume san- men systématique ou d’une consultation pour des mani-
guin) ou d’une augmentation des résistances périphériques festations neurosensorielles, ou à l’occasion d’une com-
à la faveur d’agents vasoconstricteurs. plication.
• Données rénales : le rein joue un rôle déterminant dans • Les conditions de mesure sont déterminantes et doivent
la relation PA-natriurèse. Une élévation de PA induit une respecter les recommandations établies par la Société fran-
augmentation de la natriurèse. Cette aptitude du rein à cor- çaise d’HTA.
riger l’élévation de pression par l’élévation de la natriurèse – La mesure de la PA est effectuée en position couchée ou
possède un gain infini ; l’apparition d’une HTA suppose- assise depuis 10 min, en utilisant un manomètre à mercure
rait une altération de ce phénomène de régulation avec un (méthode de référence) avec un brassard adapté à la taille
déficit de l’excrétion sodée. du bras (il doit entourer les deux tiers de la longueur et de
Il s’y associe des modifications hémodynamiques rénales la largeur du bras ; un brassard trop étroit peut induire une
avec une perte de l’aptitude à la vasodilatation et augmen- surestimation importante des chiffres de PA chez l’obèse).
tation des résistances rénales. Un manomètre anéroïde de Vaquez à cadran utilisé au
domicile du patient ne peut dans cette situation servir que
2. Avenues physiopathologiques de dépistage ; la mise en évidence de chiffres de PA élevés
• On peut évoquer une activation initiale de phénomènes devant justifier une mesure au manomètre à mercure, plus
presseurs. Une modification d’origine génétique du sys- fiable, dans les conditions du cabinet médical.
tème rénine angiotensine pourrait conduire à la maladie On prendra soin de gonfler le brassard 30 mmHg au-des-
hypertensive par l’intermédiaire d’une activation du sys- sus de la disparition du pouls et de dégonfler le brassard
tème hormonal, et de modifications tissulaires, vasculaires assez lentement de 2 mm en 2 mm pour ne pas sous-esti-
et myocardiques. mer la systolique ou surestimer la diastolique (mesurée à
On peut concevoir le rôle des catécholamines, adrénaline la disparition des bruits artériels, phase V de Korotkoff).
et noradrénaline. L’HTA hyperkinétique du jeune avec élé- Autant que possible la PA doit être mesurée à distance
vation du débit cardiaque constitue l’illustration la mieux d’une émotion, d’une prise de café, d’alcool ou de tabac ;
comprise avec une hyperactivité des centres presseurs enfin, la PA sera mesurée en position couchée puis debout
relayée par le sympathique et le système rénine angioten- de façon à déceler une hypotension orthostatique sponta-
sine. Chez ces jeunes patients, le niveau des résistances née, et aux deux bras de façon à ne pas méconnaître une
périphériques est inadapté, toujours trop élevé au regard asymétrie tensionnelle. Dans toutes ces circonstances, l’es-
du niveau du débit cardiaque « primitivement » majoré. sentiel est de maintenir le bras au niveau du cœur.
• À l’inverse l’HTA peut avoir une origine volodépen- – Trois mesures doivent être réalisées et on conseille de
dante. La déficience du rein à excréter le sodium est à l’ori- retenir la moyenne des deux dernières.
gine de la sécrétion hypothalamique d’un facteur natriuré- Une répétition des mesures sera indispensable pour affir-
tique et vasoconstricteur ouabaïne-like. Celui-ci est capable mer le diagnostic d’HTA du fait de la variabilité déjà évo-
de bloquer la pompe à sodium Na-K dépendante favorisant quée. L’OMS requiert 3 mesures à 2 consultations diffé-
ainsi l’entrée de sodium dans la fibre lisse vasculaire, asso- rentes au moins pour affirmer ce diagnostic et 6 mesures
ciée à une entrée de calcium, à l’origine de l’hypertonie en cas d’HTA limite à légère (90-104 mmHg).
vasculaire. On comprend ainsi qu’un modèle volo- La qualité de la mesure de la PA est indispensable au dia-
dépendant d’HTA puisse s’accompagner d’une élévation gnostic d’HTA.
des résistances périphériques. Toutes les études épidémiologiques ont été effectuées en
• L’artère, cible convergente des hypothèses physiopa- référence à cette mesure.
thologiques. L’ensemble des mécanismes physiopatholo-
giques évoqués dans l’HTA conduit à des altérations arté- 2. Étude du retentissement de l’HTA :
rielles, concernant les artérioles dites artères résistives, mais Opportunité d’une intervention thérapeutique
aussi les grosses artères élastiques avec perte de leur fonc- • Bilan OMS. Le bilan minimal proposé par l’OMS doit
tion d’amortissement, et réduction de leur compliance. être effectué impérativement :
Il existe à ce niveau des modifications structurales avec au – dosages sanguins : créatininémie, kaliémie, glycémie, uri-
niveau artériolaire une augmentation du rapport épais- cémie, cholestérol, hématocrite ;
– examens urinaires : recherche d’hématurie, de protéinu- ayant une HTA légère isolée, en l’absence de tout autre fac-
rie par bandelette réactive ; teur de risque dont le risque cardiovasculaire est faible.
– ECG, fond d’œil. Les grilles dont nous disposons actuellement ne sont pas
• Atteinte viscérale associée transférables à la situation française où le risque cardio-
– Retentissement cardiaque : on recherche des signes d’in- vasculaire est sensiblement moindre qu’aux États-Unis et
suffisance cardiaque ou d’insuffisance coronaire. L’ECG dans le nord de l’Europe.
doit être effectué à la recherche d’une hypertrophie auri- Il existe une authentique « régionalisation » du risque car-
culaire, d’une hypertrophie ventriculaire gauche, de signes diovasculaire à prendre en compte dans l’intervention thé-
de surcharge systolique du ventricule gauche. Une radio- rapeutique.
graphie du thorax peut préciser le volume cardiaque. • Dépistage d’une HTA secondaire. L’interrogatoire est
L’échocardiographie plus sensible que l’ECG peut appor- un élément essentiel de l’approche clinique de l’HTA.
ter des renseignements d’un grand intérêt ; son usage ne Il permet de situer des antécédents familiaux d’HTA et de
peut être préconisé de façon systématique, mais elle sera complications cardiovasculaires non seulement chez les
souvent effectuée dans les populations les plus à risque et parents, mais également dans la fratrie en faveur d’une
chez l’hypertendu symptomatique. éventuelle origine génétique. Il permet d’éliminer une
La mesure ambulatoire de la PA des 24 h possède une cause toxique : réglisse, vasoconstricteurs nasaux, contra-
meilleure valeur pronostique, apprécie la variabilité nyc- ception œstroprogestative, alcool.
thémérale des 24 h, mais on ne dispose d’aucune donnée Il permet d’orienter vers une cause uronéphrologique, de
épidémiologique. suspecter une origine rénovasculaire athéromateuse devant
– Retentissement cérébral : une complication peut avoir été une HTA récente chez un homme de la cinquantaine, taba-
la circonstance révélatrice de l’HTA ; mais il faut savoir gique, ou par fibroplasie de l’artère rénale chez une femme
rechercher un accident ischémique transitoire, des signes jeune avec une HTA persistante à l’arrêt du contraceptif et
neurosensoriels. L’étude du fond d’œil est classique en l’absence d’antécédents familiaux.
(stades I et II : artères fines, irrégulières voire spasmées On s’assure de l’absence de signes d’hypercorticisme, de
avec signes du croisement, stade III : hémorragies exsu- paroxysmes tensionnels, de la triade céphalées-tachycar-
dats ; stade IV : œdème papillaire). die-sueurs.
– Retentissement rénal : il comprend le dépistage urinaire Enfin il est essentiel de disposer d’une détermination de la
par bandelette (Labstix) de la protéinurie, d’une hématurie kaliémie effectuée au laboratoire sans garrot avec une ponc-
complété, s’il y a lieu du culot urinaire, du compte d’Addis tion franche pour ne pas méconnaître une hypokaliémie
et du dosage de la protéinurie des 24 h. La détermination même limite, susceptible d’évoquer une HTA secondaire.
de la fonction rénale par la créatininémie est systématique. Le bilan de l’hypertendu peut aller du plus simple au plus
La recherche de la microalbuminurie par réactif pourrait compliqué et l’ensemble de ces examens ne saurait être
s’avérer un bon marqueur rénal du risque cardiovasculaire, systématique. Les contraintes économiques et le « bon
cela est déjà validé chez l’hypertendu diabétique non insu- sens » ne sauraient d’ailleurs permettre un tel bilan.
lino-dépendant et l’intérêt est à confirmer dans l’HTA
essentielle.
– Le dépistage de l’athérosclérose est évidemment clinique Étiologie
à la recherche de manifestations angineuses, d’une claudi-
cation des membres inférieurs ; la palpation des pouls, et
l’auscultation des axes vasculaires : l’aorte, les artères L’hypertension artérielle essentielle : dans 95 % des cas,
rénales, fémoro-iliaques, et carotides. Une anomalie cli- l’HTA ne reconnaît aucune étiologie et on parle d’HTA
nique et (ou) un contexte multirisques peuvent conduire au essentielle. Elle réalise une maladie générale cardiovascu-
dépistage de plaques athéromateuses par échographie vas- laire à haute prévalence dans la population dont l’expres-
culaire. sion résulte de la rencontre de l’inné, liée à des facteurs
• Évaluation du risque cardiovasculaire absolue. Au génétiques et de l’acquis, au premier rang desquels la
niveau individuel, après avoir établi un diagnostic d’HTA, consommation sodée et la prise de poids (cf. épidémiolo-
il est nécessaire de situer l’ensemble des facteurs de risque gie). Elle constitue un des éléments du risque cardiovas-
cardiovasculaire associés. culaire, justifiant une prise en charge thérapeutique.
On individualise les facteurs de risque non modifiables – L’hypertension artérielle secondaire : elle concerne 5 %
(l’âge, le sexe, la prédisposition génétique) et des facteurs des HTA. L’étiologie est surrénalienne, rénale ou toxique ;
de risque modifiables (HTA elle-même, l’hypercholesté- sa mise en évidence autorise un traitement spécifique pou-
rolémie, l’obésité, le diabète, la sédentarité). vant permettre la cure de l’HTA.
Des grilles ont été établies, issues d’études épidémiolo-
giques, en particulier celle de Framingham, permettant en HTA d’origine surrénale
fonction du sexe, de l’âge, du niveau de cholestérolémie,
et du niveau de PAS, d’évaluer le risque cardiovasculaire 1. Phéochromocytome
du patient. Ainsi, on peut opposer l’homme de la cin- Il s’agit d’une tumeur médullo-surrénale sécrétante de caté-
quantaine, fumeur, hypercholestérolémique, hypertendu à cholamines volontiers révélée par une HTA paroxystique
haut risque cardiovasculaire et la femme de la quarantaine ou permanente. Bien que son incidence ne soit que de 0,5 %
des hypertendus sa reconnaissance est d’une particulière lite commun de l’adrénaline et la noradrénaline. Il résulte
importance du fait de son accessibilité à la chirurgie. On de l’effet de la carboxy-O-méthyl-transférase (COMT) et
doit prendre en compte la possibilité de formes familiales, de la mono-amine-oxydase (MAO) sur les catéchola-
de tumeurs multiples, bilatérales, extrasurrénales, voire mines ; ce dosage traditionnel peu sensible, a beaucoup
extra-abdominales. Enfin, le phéochromocytome peut s’in- perdu de son intérêt et ne justifie plus son indication sys-
tégrer dans le cadre d’une néoplasie endocrine multiple ou tématique. Le dosage le plus performant est celui des
d’une phacomatose (neurofibromatose de Recklinghausen métanéphrines et normétanéphrines sur les urines des 24
et syndrome de von Hippel-Lindau). h en exigeant des dosages répétés et concordants. Le
• Anatomie-physiopathologie. Le phéochromocytome est dosage des catécholamines urinaires libres peut être utile
une tumeur développée aux dépens du tissu chromaffine en cas de formes purement paroxystiques à condition de
médullo-surrénal. Le terme est à réserver à la localisation pouvoir effectuer le dosage au décours immédiat du
surrénale, les formes extrasurrénales étant dénommées paroxysme. Quant au dosage des catécholamines plas-
paragangliomes. Typiquement, il s’agit d’une tumeur rouge matiques, son utilité paraît résider dans les formes dia-
sang virant au brun, d’aspect hétérogène avec flaques gnostiques difficiles par exemple au cours de tests de frei-
hémorragiques et parfois tissu nécrotique. nation (test à la clonidine).
Le phéochromocytome peut être associé à un cancer médul- Il faut rappeler que des résultats normaux en présence d’une
laire de la thyroïde, à un adénome parathyroïdien dans le PA élevée permettent de récuser l’éventualité du phéo-
cadre du syndrome de Sipple ou à des névromes muqueux chromocytome. Par contre, l’hypothèse du phéochromo-
dans le cadre du syndrome de Gorlin. Ces syndromes font cytome ne peut être écartée si des dosages normaux sont
désormais partie des néoplasies endocrines multiples type contemporains d’une PA normale.
2, dites NEM 2. Les formes malignes sont rares et sont • Diagnostic topographique. L’étape « topographique » ne
caractérisées par la présence de métastases ganglionnaires se conçoit qu’en cas de certitude diagnostique établie sur
pulmonaires, hépatiques ou osseuses. des dosages hormonaux. Dans 85 % des cas il s’agit d’un
Au point de vue physiopathologique, les phéochromo- phéochromocytome surrénal et l’examen clé est la tomo-
cytomes synthétisent la noradrénaline, l’adrénaline et la densitométrie centrée sur les surrénales qui permet une
dopamine. Les catécholamines en excès exercent leurs reconnaissance rapide et non vulnérante. Il s’agit généra-
effets cardiovasculaires par la stimulation des récepteurs α lement d’une masse ronde ou ovale de 3 à 6 cm, présen-
et β-adrénergiques à l’origine de leur désensibilisation. La tant dans les cas typiques des zones irrégulières et hypo-
conjonction de la désensibilisation des récepteurs α, et de denses. Dans 15 % des cas, la tumeur est extrasurrénale et
l’hypovolémie, fréquente, peut être à l’origine d’une hypo- peut siéger de la base du crâne jusqu’à la vessie. Une atten-
tension orthostatique. Parallèlement, les activités enzyma- tion particulière doit être portée sur le cou, les régions para-
tiques impliquées dans le catabolisme des catécholamines vertébrales, la bifurcation aortique et le pelvis.
sont réduites favorisant ainsi l’accumulation hormonale. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) per-
Un paragangliome extrasurrénal peut aussi être différen- met une caractérisation tissulaire et peut être démonstra-
cié et sécréter des catécholamines à l’image du phéochro- tive du phéochromocytome en montrant des hypersignaux.
mocytome surrénal. La scintigraphie à la MIBG (métaiodobenzyguanidine) per-
Une mutation génétique a été mise en évidence au niveau met de localiser le phéochromocytome et les tumeurs de
du proto-oncogène RET (codant une tyrosine kinase) au siège extrasurrénal. Cet isotope est un analogue de la gua-
cours des formes familiales de phéochromocytomes, et de néthidine avec affinité pour le tissu chromaffine et une
néoplasies endocrines mutliples (MEN 2a et MEN 2b). La bonne spécificité mais sa sensibilité est bien moindre avec
mise en évidence de ces mutations doit permettre à terme une incidence assez élevée de faux négatifs. Son intérêt
une démarche prédictive et préventive. concerne plus particulièrement la reconnaissance des
• Reconnaissance diagnostique. Le phéochromocytome formes extrasurrénales multiples et le suivi d’un patient
est caractérisé par un grand polymorphisme clinique à l’ori- déjà opéré de phéochromocytome.
gine d’un diagnostic souvent difficile. La triade céphalées- • Principes thérapeutiques. Le traitement est chirurgical
palpitations-sueurs est caractéristique. Son absence permet et consiste en l’exérèse du phéochromocytome ou du para-
d’exclure le diagnostic avec une grande probabilité. gangliome sécrétant. La préparation à la chirurgie est d’une
Les modifications de la PA sont généralement au-devant particulière importance comprenant la correction de la volé-
de la scène et orientent vers le diagnostic. Il s’agit volon- mie, l’établissement d’un traitement α et β-bloquant pour
tiers d’une labilité tensionnelle avec alternance de bloquer à la fois les récepteurs α et β-adrénergiques, en
paroxysmes et d’hypotension, de modifications de la PA ayant recours au labétalol (Trandate).
notées lors d’une anesthésie, d’une artériographie ou lors Dans la période pré- et peropératoire on peut utiliser avec
de l’établissement d’un traitement psychotrope. Le phéo- succès un antagoniste du calcium de la famille des dihy-
chromocytome peut aussi évoluer sous le masque d’une dropyridines par voie veineuse, la nicardipine (Loxen)
HTA du diabète ou d’une HTA réfractaire ; enfin des éventuellement associée au labétalol. Il est également pos-
troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire, une sible d’avoir recours aux dérivés nitrés ou au nitroprussiate
insuffisance cardiaque et un œdème pulmonaire peuvent en perfusion veineuse continue. Les β-bloquants et la Xylo-
révéler le phéochromocytome. caïne sont proposés pour traiter les troubles du rythme.
L’acide vanylmandélique (AVM) représente le métabo- L’isoflurane est l’anesthésique le mieux adapté, moins
arythmogène que ses prédécesseurs. l’hypokaliémie sous traitement peut également être sug-
Il faut insister sur l’importance du suivi de tout patient gestive de ce diagnostic si elle s’avère normalement impor-
opéré, à la fois clinique et hormonal par dosages effectués tante pour une faible dose de diurétique ou si elle est consta-
à distance compte tenu de la possibilité d’autres localisa- tée sous un traitement par IEC, et alors très inhabituelle.
tions et de récidives. Le patient ne doit pas être considéré On insiste actuellement sur les formes normokaliémiques
comme guéri. plus fréquentes qu’on ne le pensait ; l’hyperaldostéro-
nisme primaire est à rechercher en cas d’HTA insolite par
2. HTA d’origine corticosurrénale son degré manométrique et sa précocité chez un adulte
jeune.
• L’hyperaldostéronisme primaire ou syndrome de Conn. L’ionogramme sanguin sera d’autant plus évocateur que
Il faut distinguer l’hyperaldostéronisme primaire tumoral l’hypokaliémie s’associe à une majoration de la natrémie,
(adénome de Conn) curable par surrénalectomie de l’hyper- une alcalose métabolique, une uricémie basse, une kaliu-
aldostéronisme qualifié d’idiopathique par hyperplasie sur- rèse majorée.
rénale bilatérale, généralement rebelle à la chirurgie. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une rénine
Une forme génétique d’hyperaldostéronisme primaire rap- active basse inférieure à 10 ng/L, et une aldostérone plas-
portée à un gène chimérique de l’aldostérone synthase a été matique majorée au-delà de 15 ng pour 100 mL en posi-
identifiée, sensible à l’administration de dexaméthasone, le tion couchée. L’intérêt du rapport plasmatique aldosté-
« GRA » (glucocorticoid remediable aldosteronism). rone/rénine active (pg/mL) a été récemment souligné ;
– Anatomie physiopathologie : l’hyperaldostéronisme pri- discriminant si O 23, sa détermination est à proposer pour
maire tumoral est un adénome du glomérule sécrétant de une kaliémie o 3,9 mmol/L.
l’aldostérone, individualisé par Conn et responsable d’un Il convient ensuite de préciser l’entité en cause et pour l’es-
tableau d’HTA avec hypokaliémie. Il s’agit d’une tumeur sentiel, on doit distinguer l’adénome de Conn de sanction
arrondie bien limitée de couleur chamois ou safran riche chirurgicale et l’hyperaldostéronisme primaire par hyper-
en inclusions lipidiques, son diamètre habituel est de 10 à plasie bilatérale de traitement médical.
20 mm. Cependant, il peut s’agir d’un corticosurrénalome • Distinction entre hyperaldostéronisme primaire tumoral et
malin sécrétant de l’aldostérone (1/30) parfois associé à la idiopathique. De façon à opérer cette distinction, on réalise
sécrétion d’autres minéralocorticoïdes. une détermination de la rénine active et de l’aldostérone plas-
L’excès d’aldostérone positive le bilan sodé, mais un phé- matique en conditions basales, en position couchée puis
nomène d’échappement explique l’absence d’œdème et le après 1 h et 4 h d’orthostatisme, puis à la faveur d’un test de
maintien d’une natriurèse égale à l’apport. L’HTA est freination (captopril ou charge en sel) avec mesure de l’al-
sodium et volume dépendante. L’expansion plasmatique dostérone plasmatique avant et après freination.
extratissulaire est associée à une augmentation du sodium La mise en évidence d’une rénine active effondrée non sti-
Na+ et du Ca++ dans la fibre musculaire lisse à l’origine mulable, d’une aldostérone plasmatique très élevée peu ou
d’une élévation secondaire des résistances périphériques. pas stimulable, diminuant à la 4e heure d’orthostatisme, non
Au cours de l’hyperaldostéronisme primaire (HAP) idio- freinable après charge en sel ou après captopril est en faveur
pathique et à la différence d’un adénome, l’hyperaldosté- de l’adénome traduisant une sécrétion autonomisée d’al-
ronisme demeure soumis au contrôle de l’angiotensine II. dostérone.
La sécrétion d’aldostérone y est en partie stimulable et frei- À l’inverse, une rénine active basse légèrement stimulable,
nable. Son origine est méconnue ; il a pu être mis en évi- une aldostérone plasmatique majorée et stimulable après
dence un facteur stimulant de l’aldostérone d’origine hypo- orthostatisme prolongé, en partie freinable par le captopril
thalamo-hypophysaire capable de stimuler directement la ou la charge en sel sont en faveur d’un hyperaldostéronisme
sécrétion d’aldostérone soit par l’intermédiaire d’une aug- primaire idiopathique par hyperplasie.
mentation de sensibilité du glomérule à l’angiotensine II. Le diagnostic hormonal conduit à la pratique du scanner
De la même façon qu’il existe des formes de transition entre surrénal. La tomodensitométrie doit comprendre des
l’adénome de Conn et l’hyperaldostéronisme primaire par coupes de 5 mm en 5 mm, elle montre en cas d’adénome
hyperplasie surrénale, il existe aussi des formes de transi- une tumeur surrénale de 10 à 25 mm de diamètre, homo-
tion entre l’HTA essentielle à rénine basse et l’hyperaldo- gène, ronde, hypodense, fixant peu le produit de contraste.
stéronisme primaire idiopathique. C’est dire la possibilité En présence d’un tableau hormonal évocateur et de l’image
de diagnostics différentiels difficiles au niveau individuel d’adénome tomodensitométrique, le patient peut être opéré
entre ces différentes entités. sans autre investigation.
– Reconnaissance. À l’inverse, il peut s’agir d’une hyperplasie des 2 surré-
• Diagnostic positif. Classiquement évoquée en présence nales déformées par plusieurs nodules, le patient relève du
de céphalées et d’asthénie, la reconnaissance est plus sou- traitement médical.
vent à considérer devant une HTA mal contrôlée, réfrac- Cependant, le diagnostic peut demeurer encore indécis :
taire, notamment à l’usage des β-bloquants et des inhibi- scanner surrénal normal compatible avec un microadénome
teurs de l’enzyme de conversion (IEC). et un hyperaldostéronisme idiopathique ou image nodu-
L’orientation diagnostique dépend de la seule hypokalié- laire faisant discuter un microadénome ou un macronodule
mie obtenue par un prélèvement effectué sous régime nor- dans le cadre d’une hyperplasie.
mosodé après arrêt du traitement. La mise en évidence de Il est alors nécessaire de recourir au cathétérisme des veines
rence aux expériences de Goldblatt : type 2 reins-1 clip réa- à l’administration d’une IEC ou d’un β-bloquant chez une
lisant un modèle de sténose unilatérale de l’artère rénale, femme de 35 ans ne présentant aucun antécédent d’HTA
et type 1 rein-1 clip modèle de sténose de l’artère rénale familiale suggérant l’éventualité d’une HTA rénovasculaire
sur rein unique ou de sténose bilatérale des artères rénales. par fibrodysplasie. La reconnaissance peut être plus pré-
Dans le modèle 2 reins-1 clip, le mécanisme initial est celui coce à la faveur d’une contraception œstroprogestative.
d’une hypersécrétion de rénine liée à l’ischémie rénale pro- Ailleurs, l’HTA rénovasculaire est évoquée devant une HTA
voquée par la sténose. Il en résulte une HTA dite rénine- réfractaire, ou jusqu’ici bien contrôlée ayant secondairement
dépendante, liée à l’effet vasoconstricteur de l’angioten- échappé, un exceptionnel tableau d’HTA maligne, chez des
sine II. L’autre rein, sain, maintient la natriurèse, et sujets plus âgés ayant développé une insuffisance rénale à
l’hyperréninisme se pérennise. À un stade chronique, l’introduction d’un IEC, et enfin au cours d’une HTA évo-
l’HTA perd son caractère rénine-dépendant, en raison des luant avec une insuffisance rénale inexpliquée.
altérations vasculaires provoquées par l’HTA sur le rein • Les éléments de certitude diagnostique : l’écho-doppler
controlatéral, le rein ipsilatéral à la sténose étant protégé. des artères rénales peut s’avérer d’un grand intérêt dans les
Dans le modèle 1 rein-1 clip, il n’existe aucune possibilité mains d’un manipulateur expérimenté en décelant une
d’excrétion rénale du sodium ; ainsi l’activation du système accélération du flux des artères rénales en faveur d’une sté-
rénine-angiotensine (SRA) s’accompagne rapidement nose significative uni- ou bilatérale. L’éventualité de lésions
d’une hypervolémie. À terme, l’hyperactivation du SRA proximales et (ou) distales peut également être précisée.
disparaît et laisse place à une HTA volodépendante non À l’évidence, la radiographie apporte seule la certitude dia-
sensible aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion. La dis- gnostique. Il s’agit d’une artériographie rénale pratiquée à
parition de la sténose suffit à rétablir la natriurèse. Au stade l’aide d’un cathéter de faible calibre (5 F) éventuellement
chronique, la volémie tend à se normaliser et les résistances associée à une digitalisation des images. Elle permettra au
périphériques s’élèvent. mieux de préciser l’importance de la sténose, l’étiologie,
– Étiologie : les lésions des artères rénales peuvent être la topographie des lésions (rénales uni- ou bilatérales, aor-
schématiquement : tiques…).
• athéromateuses, circonstance la plus fréquente (deux tiers Il pourra donc s’agir d’une sténose athéromateuse ostiale
des cas), réalisant des lésions volontiers proximales de l’ar- ou proximale, ou à l’inverse de lésions en collier de perles
tère rénale, parfois ostiales ou juxta-ostiales survenant plus ou en diaphragme très évocatrices d’une fibrodysplasie.
volontiers chez le patient de sexe masculin, fumeur et âgé. L’importance de la dilatation post-sténotique, l’état du rein
Les lésions peuvent être bilatérales et s’accompagner de ipsilatéral et controlatéral seront pris en compte.
thrombose de l’artère rénale ; Traditionnellement proposée, l’urographie intraveineuse
• dysplasiques (un tiers des cas) ; les lésions sont plus dis- avec clichés minutés précoces permet de disposer d’élé-
tales, intéressant la partie moyenne et la distalité du tronc ments fonctionnels. Elle peut avoir été précédée d’une
de l’artère rénale jusqu’aux branches de division. Elle s’ob- échographie rénale et la constatation d’une asymétrie a pu
serve chez l’adulte plus jeune particulièrement chez la directement conduire à l’artériographie rénale. Elle peut
femme entre 25 et 40 ans. montrer une diminution de taille en aval de la sténose, un
On individualise la fibroplasie de la média, réalisant volon- retard de sécrétion de ce même côté au cours des premières
tiers l’aspect en collier de perle, caractérisée par l’alter- minutes, et tardivement une hyperdensité du produit de
nance d’anneaux fibreux (le collagène remplace le tissu contraste (« trop belle image »). Cependant, dans 20 % des
musculaire) et de zones dilatées parfois anévrysmales, la cas de sténoses de l’artère rénale, l’urographie intravei-
fibrose sous adventielle avec fibrose du tiers externe de la neuse est symétrique et ne permet pas de reconnaissance
média à l’origine de sténoses serrées en diaphragme sans diagnostique : sa place s’est beaucoup réduite.
anévrysme, la fibroplastie intimale à l’origine de lésions Enfin, l’angiographie des artères rénales digitalisée par voie
sténosantes serrées, parfois observées chez les enfants des veineuse est plus une méthode de dépistage qu’une authen-
deux sexes. tique méthode de diagnostique. Elle peut méconnaître des
Outre le risque de thrombose (plus grand en cas de sténose lésions en diaphragme, et dans l’état actuel elle paraît mieux
athéromateuse) il faut évoquer la possibilité de lésions des adaptée à la surveillance des patients ayant bénéficié d’an-
artères rénales d’autre nature susceptible d’induire une gioplastie ou de pontage. Enfin, de nouvelles techniques
HTA rénovasculaire : la maladie de Takaya-shu, dissection apparaissent comme le scanner spiralé et l’angiographie-
ou anévrysme disséquants ou fistule artério-veineuse, sté- IRM. La difficulté réside dans l’appréciation de la sévérité
noses de l’aorte abdominale. des lésions. Ces méthodes sont à mettre en concurrence
– Reconnaissance diagnostique avec l’écho-doppler des artères rénales et tout dépendra des
• Orientation clinique : deux profils cliniques sont à prendre possibilités locales.
en compte pour la pratique médicale quotidienne du fait de À l’évidence, tous ces examens complémentaires ne sau-
leur fréquence : raient être pratiqués chez un même patient. On peut conce-
HTA d’apparition récente chez un homme de la cinquan- voir un écho-doppler des artères rénales de dépistage suivi
taine fumeur, présentant un souffle abdominale para-ombi- d’un diagnostic de certitude établi sur l’artériographie
lical, épigastrique ou lombaire, éventuellement déjà por- rénale.
teur de lésions athéromateuses compliquées ou non. • Responsabilité des lésions dans la genèse de l’HTA : l’im-
HTA de découverte récente ou ayant répondu brillamment putabilité des lésions sténosantes des artères rénales dans
l’apparition de l’HTA est apportée par l’exploration du sys- correction, circonstance la plus fréquente en cas de lésions
tème rénine-angiotensine. athéromateuses.
Selon les équipes, il peut s’agir d’un dosage de l’activité La prise d’un β-bloquant associé à un diurétique ou plus
rénine plasmatique (ARP) ou de la rénine active prélevée volontiers à un antagoniste du calcium peut s’avérer effi-
dans les 2 veines rénales après stimulation par déplétion cace. On connaît les risques des IEC en cas de sténose
sodée ou après administration de captopril afin de faire bilatérale ou de sténose sur rein unique capable d’induire
apparaître une franche asymétrie entre les 2 veines rénales une insuffisance rénale. En cas de sténose unilatérale ils
(gradient supérieur à 1,5). La méthode peut être plus sophis- peuvent provoquer une thrombose de l’artère rénale (du
tiquée et faire appel aux concentrations de la rénine dans fait de la réduction de la PA et des modifications de l’hé-
la veine et l’artère des deux reins de façon à établir le rap- modynamique intrarénale), mais ils peuvent être utilisés
port des concentrations V-A/A (supérieur à 0,5 du côté de en cas de thrombose de l’artère rénale à condition que
la sténose). l’artère rénale controlatérale soit indemne de lésions
Une autre approche consiste à doser l’ARP ou la rénine significatives.
active en conditions de base puis après administration d’une • HTA par néphropathie parenchymateuse
faible posologie de captopril (inférieure ou égale à 25 mg) ; – Étiologie
en présence d’une HTA rénine-dépendante d’origine réno- • Néphropathies bilatérales : toutes les néphropathies paren-
vasculaire (sténose unilatérale) on assiste à une réponse chymateuses bilatérales, aiguës ou chroniques, peuvent être
explosive de la rénine active 1 h après l’administration avec à l’origine d’une HTA. Il peut s’agir d’une gloméruloné-
parallèlement une baisse tensionnelle. Cette méthode d’ex- phrite chronique primitive ou secondaire, d’une néphro-
ploration suppose d’éviter toute cause d’hypovolémie sur- pathie tubulo-interstitielle chronique, d’une polykystose
ajoutée préalable, de limiter la posologie de l’IEC, de dis- rénale.
poser d’une voie veineuse pour administration de chlorure Selon la néphropathie en cause, l’HTA et l’insuffisance
de sodium, le cas échéant. rénale apparaissent plus ou moins précocement au cours
Aucune méthode d’exploration n’est indemne de critique : de l’évolution.
le test au captopril requiert des précautions d’utilisation, L’HTA chez un diabétique peut s’inscrire dans le cadre de
les dosages de la rénine des veines rénales a ses limites et la néphropathie diabétique spécifique. Il s’agit d’une
manque de sensibilité (75 %). néphropathie glomérulaire dont le dépistage peut être effec-
On fait actuellement plus volontiers appel aux méthodes tué précocement par le dosage de la microalbuminurie au
isoptopiques faisant appel au DTPA (filtré) ou au MAG 8 stade incipiens où l’HTA est souvent limite (diabète insu-
(sécrété) éventuellement sensibilisé par l’administration de lino-dépendant).
captopril pour faire apparaître une perturbation du néphro- On doit individualiser la néphro-angiosclérose ; il s’agit de
gramme isotopique du côté sténosé : diminution de la pente la néphropathie induite par l’HTA, avec glomérulosclérose.
du segment de captation et retard du pic d’activité maxi- L’hypertension intraglomérulaire apparaît être un déter-
mum. minant essentiel ; ces lésions peuvent conduire à l’insuffi-
– Approche thérapeutique : en cas d’HTA rénovasculaire sance rénale terminale.
confirmée, le traitement fait essentiellement appel à l’an- • Néphropathies unilatérales : une hydronéphrose unilaté-
gioplastie des artères rénales. rale peut s’accompagner d’HTA. Il peut s’agir d’une obs-
Lorsque ces lésions sont accessibles, l’angioplastie permet truction urétérale par lithiase, tuberculose, tumeur ou mala-
de lever le gradient transsténotique, contribue à la norma- die de jonction pyélo-urétérale.
lisation tensionnelle ou à son amélioration et assure la pré- La correction chirurgicale de l’HTA peut être considérée
servation néphronique. en cas de rénine-dépendance démontrée. Une atrophie
Si l’origine est athéromateuse, les résultats les meilleurs rénale unilatérale peut induire une HTA : hypoplasie rénale
sont observés en cas de sténose unilatérale proximale non congénitale ou « petit rein » congénital, pyélonéphrite chro-
ostiale ; les échecs sont généralement le fait de patients nique unilatérale (justifiant de rechercher un passé d’in-
polyvasculaires avec des lésions bilatérales souvent ostiales fections urinaires et un reflux vésico-urétéral). La mise en
relevant plus volontiers de la chirurgie ou, plus récemment, évidence d’une atrophie corticale rénale suggère sa res-
de la mise en place d’endoprothèses « stent ». ponsabilité dans l’apparition de l’HTA mais il n’est pas
Les résultats sont meilleurs en cas de fibroplastie de l’ar- toujours aisé de le démontrer.
tère rénale. Enfin une néphropathie unilatérale avec petit rein peut être
Quant à la chirurgie de revascularisationn par pontage le fait d’une thrombose de l’artère rénale à situer dans le
aorto-rénal voire autotransplantation, ses indications sont cadre des HTA rénovasculaires envisagées plus haut.
plus réduites. Elles concernent les patients récusés pour Nous ne ferons que citer l’exceptionnel hyperréninisme
l’angioplastie, mais aussi les patients à lésions bilatérales primaire ou « tumeur à rénine » responsable d’une HTA
et complexes chez des patients porteurs d’une insuffisance avec hypokaliémie par hyperaldostéronisme secondaire.
rénale. Il peut s’agir d’une chirurgie lourde associant dans – La physiopathologie de l’HTA ou cours des néphropa-
le même temps la cure des lésions rénales et aorto-iliaques thies parenchymateuses ne reconnaît pas toujours une
en contexte polyvasculaire. explication satisfaisante.
Le traitement médical antihypertenseur s’impose si la sté- En cas d’atteinte unilatérale, on évoque de façon incons-
nose ne peut être corrigée ou en cas d’HTA persistante après tante la possibilité d’une ischémie rénale à l’origine d’un
tensive caractérisée par une hypertrophie des parois myo- inhibiteurs de l’enzyme de conversion, et aux inhibiteurs
cardiques, l’altération de la fonction de remplissage VG calciques, ainsi qu’aux références bibliographiques.
(fonction diastolique), et par une dilatation auriculaire) La prise en charge thérapeutique de l’HTA a subi une nette
constitue un facteur de risque indépendant de morbidité et évolution au cours des dernières années. L’objectif essen-
de mortalité cardiovasculaire chez l’hypertendu, et s’avère tiel est d’assurer la prévention des complications cardio-
arythmogène. vasculaires et en particulier de l’AVC et de l’infarctus du
• La lacune est la complication cérébrale caractéristique myocarde. Le traitement doit être efficace et être en mesure
de l’HTA, avec aspect de micro-infarctus sur la tomoden- d’abaisser le niveau de PAD en deçà de 90 mmHg, encore
sitométrie. qu’un bénéfice d’un abaissement plus important de la PA
• Au niveau du rein, on parle de néphro-angiosclérose. Il ne soit pas à exclure.
s’agit de la néphropathie induite par l’HTA, avec glomé- Un essai thérapeutique en cours permettra de répondre à la
rulosclérose dont l’hypertension intraglomérulaire paraît question de savoir jusqu’où les chiffres de PA doivent être
être un déterminant essentiel. Ces lésions peuvent conduire abaissés est actuellement en cours.
à l’insuffisance rénale terminale mais l’abaissement de la Le traitement ne doit pas s’arrêter aux chiffres de PA. La
PA diastolique est en mesure de ralentir la vitesse de dété- diminution de la PA est bien évidemment nécessaire, mais
rioration de la fonction rénale. il convient de prendre aussi en compte les anomalies struc-
turelles cardiovasculaires de l’HTA et de ne pas exercer
2. Complications liées à l’athérosclérose d’effet métabolique néfaste de façon à assurer une pré-
• En premier lieu l’insuffisance coronaire. La cardio- vention efficace de l’athérosclérose.
myopathie hypertrophique peut expliquer à elle seule, par Le traitement de l’HTA est à inscrire dans le cadre d’une
augmentation des besoins en oxygène du myocarde, une prévention cardiovasculaire globale. Sa prise en charge ne
sympatomatologie angineuse, mais il faut faire la part d’une doit pas être dissociée du traitement d’une hypercholesté-
insuffisance coronaire autonome. rolémie, d’un tabagisme, d’un diabète sans lesquels il ne
• Les AVC constitués, d’origine ischémique plus souvent sera pas possible d’obtenir de réduction de l’incidence de
qu’hémorragique, ou transitoire conduisent à la recherche l’athérosclérose. Comme nous l’avons évoqué plus haut,
d’un athérome carotidien ou vertébral, voire d’une possible la prise en charge thérapeutique de l’HTA suppose une éva-
origine embolique à point de départ cardiaque. luation préalable du risque cardiovasculaire absolu du
•Enfin, l’HTA apparaît d’une grande fréquence en cas patient, c’est-à-dire les chances (en termes statistiques)
d’artériopathie des membres inférieurs et peut jouer un d’un patient, pris au niveau individuel, de présenter dans
rôle important dans le déterminisme d’un anévrisme de les 10 ans à venir une complication cardiovasculaire, acci-
l’aorte abdominale. dent coronaire ou vasculaire cérébral.
Enfin, pour une bonne observance et tolérance, ce traite-
3. Une modalité évolutive particulière :
ment doit être simple, administré en monoprise matinale
l’HTA maligne avec un médicament dépourvu d’effets secondaires. Les
Nous ne ferons qu’évoquer cette éventualité évolutive deve- contraintes économiques justifient d’en évoquer le coût.
nue rare. Elle s’observe plus volontiers en milieu néphro-
logique voire de transplantation rénale, ailleurs elle peut 2. Bénéfice du traitement de l’HTA
être favorisée par une contraception œstroprogestative Le bénéfice du traitement de l’HTA essentielle a été démon-
inadéquate, ou s’observer chez des hypertendus négligés. tré par les essais thérapeutiques menés dans les années 1980
Il s’agit de patients présentant un fond d’œil au stade IV dans l’HTA légère à modérée, et au début des années 1990
avec une PA diastolique généralement > 120 mmHg (cri- chez l’hypertendu âgé.
tère non exclusif) dans un contexte d’encéphalopathie Ce bénéfice a été établi avec les β-bloquants et les diuré-
hypertensive, d’insuffisance ventriculaire gauche sévère, tiques en référence soit au placebo, soit en comparant β-
d’insuffisance rénale progressive avec protéinurie et éven- bloquant et diurétique, voire en les associant.
tuellement anémie hémolytique. On dispose de méta-analyses permettant d’enregistrer une
Il existe chez ces patients une ischémie rénale majeure, et réduction du risque d’AVC de 42 %, et d’insuffisance coro-
un hyperréninisme qui n’exclura pas secondairement la naire de 14 %. Ce bénéfice est également confirmé chez le
recherche d’une cause. sujet âgé avec une réduction de 35 % du risque d’AVC et
de 15 % d’insuffisance coronaire.
Traitement Le bénéfice est attribué à la réduction de PA et à l’heure
actuelle, aucune classe d’antihypertenseurs n’a montré réel-
1. Bases et objectifs lement de supériorité par rapport à une autre. C’est dire que
L’HTA est le premier motif de prescription, à ce titre, le si les études épidémiologiques plaident pour le maintien
traitement de l’hypertension artérielle essentielle mérite- de l’usage des β-bloquants et diurétiques, les nouvelles
rait un chapitre à part entière. Il ne pourra être abordé dans classes d’antihypertenseurs tels les inhibiteurs de l’enzyme
le détail que dans un document global sur l’HTA dans ses de conversion, les inhibiteurs calciques et maintenant les
différents aspects. antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ont leur
Le candidat se reportera utilement aux questions du pro- place dans le traitement de l’HTA.
gramme relatives aux β-bloquants, aux diurétiques, aux La diversité des classes d’antihypertenseurs dont nous dis-
posons doit permettre de répondre à un traitement de l’HTA rénales, déplétion sodée préalable).
en situation prenant en compte le contexte métabolique – Les inhibiteurs calciques peuvent exercer des effets favo-
d’un patient, son âge, l’existence d’une cardiopathie hyper- rables sur la cardiopathie hypertensive, la compliance arté-
tensive, d’une insuffisance coronaire associée, d’une arté- rielle des gros vaisseaux, respecter la fonction rénale et
riopathie des membres inférieurs, d’un asthme… favoriser la natriurèse, tout en respectant l’autorégulation
du débit sanguin rénal.
3. Moyens Leur neutralité métabolique est établie et les nouvelles
• Mesures hygiéno-diététiques. Il s’agit de la réduction molécules sont accessibles à la monoprise matinale.
pondérale, et de la limitation des apports sodés. Selon le Cependant ils sont actuellement au centre d’une contro-
contexte métabolique, elles doivent privilégier soit l’ex- verse sur leur utilisation vis-à-vis du risque d’infarctus
clusion de graisses saturées et d’aliments riches en cho- du myocarde. En fait, il s’agit d’une famille hétérogène
lestérol en cas d’hypercholestérolémie ou considérer la et il convient d’individualiser les dihydropyridines
ration glucidique ou fractionner les repas en cas d’intolé- comme la nifédipine, la nicardipine, l’amlodipine… et
rance aux hydrates de carbone ou de diabète. des molécules comme le vérapamil, le diltiazem, plus
Le tabagisme devra être interrompu, les excès de boissons aptes à la cardioprotection mais aussi plus inotropes néga-
alcoolisées supprimés. tives. Dans l’état actuel des connaissances, les dihydro-
• Antihypertenseurs pyridines de dernière génération sont utilisables comme
– Les diurétiques : ils ont pour eux d’avoir fait la preuve l’amlodipine, la nifédipine GITS, la lacidipine, l’isradi-
de leur efficacité dans les grands essais thérapeutiques per- pine LP, la félodipine LP, pour le traitement d’une HTA
mettant notamment la réduction d’accidents vasculaires essentielle dans le cadre de la prévention primaire. Du
cérébraux et des événements coronaires. Les essais théra- fait de leur cinétique ou de la galénique (LP) ces dihy-
peutiques des années 90 ont consacré leur efficacité dans dropyridines récentes évitent l’effet pic et de fait l’acti-
la prévention des accidents cardiovasculaires du sujet âgé vation du système nerveux sympathique reprochés aux
hypertendu. inhibiteurs calciques initialement commercialisés. Elles
On leur reproche des effets secondaires métaboliques, glu- ne seront pas utilisées en postinfarctus et il est sans doute
cido-lipidiques, et ils peuvent être générateurs d’hypokalié- préférable d’utiliser les dihydropyridines en association
mie. C’est dire que leur utilisation ne se conçoit qu’à faible au β-bloquant si le traitement s’inscrit dans le cadre d’une
posologie dont l’efficacité est démontrée, et volontiers sous prévention secondaire de l’athérosclérose coronaire.
une forme combinée au sein d’un diurétique association. Enfin, il faut rappeler les effets indésirables, tels les
Il reste à évoquer le faible coût et la simplicité d’adminis- œdèmes, flushs, céphalées qui peuvent compromettre l’ob-
tration. Sous réserve d’une fonction rénale normale, les servance.
diurétiques thiazidiques sont les mieux appropriés. – Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II : une
– Les β-bloquants : comme les diurétiques, ils bénéficient nouvelle classe d’antihypertenseurs a été récemment com-
d’un large recul mais n’ont pas fait la preuve d’une supé- mercialisée, les antagonistes des récepteurs de l’angioten-
riorité en prévention primaire comparée aux diurétiques, sine II. Il s’agit d’inhibiteurs du système rénine angioten-
notamment chez la personne âgée. On utilise plus volontiers sine et à ce titre ils reconnaissent des répondeurs au
les molécules sélectives aptes à la monoprise matinale. traitement très voisins des inhibiteurs de l’enzyme de
On peut reprocher aux β-bloquants leurs effets métabo- conversion de l’angiotensine. Ils agissent par blocage spé-
liques notamment vis-à-vis de l’insulinorésistance (majo- cifique des récepteurs AT I de l’angiotensine II, inhibent
ration de l’hyperinsulinisme), et vis-à-vis de l’hypercho- les effets de l’angiotensine II, à savoir la vasoconstriction,
lestérolémie et de l’hypertriglycéridémie. la rétention hydrosodée, la stimulation sympathique et la
Ils ont par contre pour eux un effet de cardioprotection croissance des fibres musculaires lisses et myocardiques.
(mieux établi en prévention secondaire), un coût raison- Leur mécanisme d’action ne fait pas intervenir le système
nable, mais relèvent de critères de sélection avant pres- des kinines dont on connaît la responsabilité dans la toux
cription (évaluation de la fonction VG, respect des contre- survenant sous IEC. Le premier inhibiteur non peptidique
indications, formelle dans l’asthme). des récepteurs de l’angiotensine II commercialisé est le
– Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion : ils répondent Losartan, administrable en monoprise matinale, du fait d’un
volontiers aux objectifs actuels du traitement de l’HTA métabolite actif après biotransformation hépatique.
exerçant un effet favorable sur la structure cardiovascu- Il n’existe pas actuellement de critères pour choisir cette
laire, sur la fonction rénale, et s’avèrent dépourvus d’effet classe d’antihypertenseurs. Leur efficacité est attendue
métabolique délétère. La plupart d’entre eux sont désor- chaque fois qu’un inhibiteur de l’enzyme de conversion
mais accessibles à la monoprise matinale. Sous réserve de peut être choisi ou s’avérer efficace et constitue de fait un
ne pas provoquer de toux (effet secondaire le plus fréquent) recours en cas de toux sous IEC. Sa bonne tolérance est
ils sont généralement très bien tolérés, et respectent l’adap- actuellement mise en avant et sera à confirmer avec le recul
tation à l’effort. du temps. Comme toute monothérapie, le pourcentage de
Cependant, leur coût est plus élevé, et ils ne doivent pas répondeurs attendus dans une population d’hypertendus
être employés dans les situations d’hypoperfusion rénale, légers à modérés est de l’ordre de 50 %.
où ils sont alors en mesure de favoriser l’apparition d’une – Les autres antihypertenseurs : il s’agit des antihyperten-
insuffisance rénale (exemple : sténose bilatérale des artères seurs centraux et des molécules à propriétés α-bloquantes.
En première intention, ils constituent des antihypertenseurs tifiera le choix d’un antihypertenseur apte à faire régresser
de situation particulière, et sont ailleurs utilisés en asso- l’hypertrophie ventriculaire gauche (β-bloquant et IEC, et
ciation. vérapamil) et à améliorer la fonction diastolique. La pré-
sence d’une hyperlipidémie requiert des molécules anti-
4. Stratégie hypertensives neutres au plan métabolique (IEC et inhibi-
La stratégie du traitement de l’HTA fait l’objet de recom- teur calcique). La présence d’une insuffisance coronaire
mandations d’experts et en France on fait volontiers réfé- plaide pour le recours à la cardioprotection assurée par un
rence à celles de l’OMS établies en 1993, voire pour bêtabloqueur et (ou) un inhibiteur calcique, parfois asso-
d’autres aux recommandations américaines (JNC) au ciés. La présence d’une artériopathie des membres infé-
demeurant plus adaptées au risque cardiovasculaire des rieurs plaide volontiers pour l’inhibiteur de l’enzyme de
États-Unis. conversion (sous réserve qu’il n’existe pas de sténose des
Les mesures hygiéno-diététiques sont de mise chez tous artères rénales) et l’inhibiteur calcique. En présence d’un
les hypertendus et elles résument l’approche thérapeutique diabète, de façon extrêmement schématique, les inhibiteurs
chez les patients présentant une HTA essentielle limite. de l’enzyme de conversion ont une place privilégiée dans
la mesure où ils constituent le traitement de la néphropa-
Le traitement antihypertenseur ne saurait être instauré
thie diabétique spécifique.
qu’après avoir effectué le bilan « OMS » minimum. Enfin,
l’évaluation du risque cardiovasculaire absolu est un pré- En cas d’échec d’une monothérapie bien conduite et volon-
requis de façon à situer l’heure du traitement médicamen- tiers adaptée à la situation clinique, on a le choix entre le
teux antihypertenseur (voir rapport de l’OMS 1996). changement de monothérapie, ou l’association d’un 2e anti-
Il comprend le choix d’une des 5 grandes classes d’anti- hypertenseur pour réaliser une bithérapie, parfois au sein
hypertenseurs (β-bloquants, diurétiques, IEC, ICa, α-blo- d’une association fixe, comme IEC-diurétique, et β-blo-
quants) (les recommandations ayant été établies avant l’ap- quant-inhibiteur calcique (cf. recommandations de l’OMS
parition de l’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 1993 sur la stratégie du traitement de l’HTA). Le recours
II) et la prescription doit être personnalisée. à une augmentation de posologie de la monothérapie ins-
taurée initialement constitue une attitude théorique à
Aucun critère formel ne permet de prédire la réponse à une
laquelle il vaut mieux renoncer en raison du risque d’ef-
monothérapie. Cependant l’âge procure un élément initial
fets secondaires.
d’orientation essentiel avec de meilleurs répondeurs aux
β-bloquants et aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion L’évaluation du risque cardiovasculaire absolu du patient
dans la population la plus jeune, et à l’inverse aux diuré- au niveau individuel oriente le choix de stratégie.
tiques et aux inhibiteurs calciques dans la population la Il faut pour terminer insister sur le fait que le diagnostic
plus âgée. La présence d’une cardiopathie hypertensive jus- d’HTA n’est pas établi pour la vie, et que le bilan étiolo-
Faible Élevé
Réponse inadéquate
Suivi de Traitement
3 à 6 mois médicamenteux Augmenter Remplacer Ajouter
la posologie ou par un autre ou un second agent
du médicament médicament d'une autre classe
PAD : 90-95 mmHg PAD O 95 mmHg
PAS : 140-160 mmHg PAS O 160 mmHg
Réponse inadéquate
Surveillance Traitement
médicamenteux
Ajouter un deuxième ou un troisième agent
et (ou) un diurétique s'il n'était pas encore prescrit