Professional Documents
Culture Documents
A8
Lipothymie, syncope
et perte de connaissance brève
Orientation diagnostique
Pr Jean-Jacques BLANC
Département de cardiologie, CHU La Cavale-Blanche, 29609 Brest cedex
bloc antérieur gauche, cicatrice d’infarctus du myocarde, évidence. Sa réalisation comporte l’introduction par ponc-
etc. Finalement il n’est considéré comme contribuant de tion d’une grosse veine périphérique d’une ou plusieurs élec-
façon définitive et formelle au diagnostic d’une syncope trodes (en général 2) à l’intérieur des cavités cardiaques pour
que dans 2 à 13 % des cas. en enregistrer les potentiels et les stimuler. De façon assez
schématique, l’exploration électrophysiologique permet de
2. Enregistrement électrocardiographique mettre en évidence un temps de conduction sous-hisien pro-
de longue durée (ELD) longé que ne pouvait laisser supposer un électrocardio-
Qu’il s’agisse d’une surveillance monitorée ou d’un enre- gramme de surface, un trouble conductif intra-hisien, voire
gistrement Holter, la sensibilité et la spécificité de ces tests de provoquer le blocage d’une onde P. Cela dans le cadre
sont inconnues en raison du manque de critères patholo- des bradycardies ; dans celui des tachycardies, l’exploration
giques bien définis et d’un test de référence indépendant électrophysiologique peut permettre d’induire une tachy-
du test analysé. Dans la littérature l’enregistrement élec- cardie atriale, jonctionnelle ou ventriculaire ignorée jusque-
trocardiographique de longue durée contribue de façon pré- là. Sa rentabilité diagnostique est cependant faible dans le
pondérante au diagnostic de syncope dans 5 à 27 % des cas cadre des syncopes : certainement moins de 2 %. Il faut en
de ceux qui restent inconnus après les examens clinique et effet séparer une anomalie détectée (par exemple un espace
ECG standard. Cette large fourchette correspond au AH long), sans signification diagnostique pour la syncope,
« poids » diagnostique que chaque auteur accorde à chaque de celle qui au contraire en possède : une tâche qui n’est pas
examen. toujours facile et qui, là encore, dépend du « poids » que cha-
D’introduction plus récente et d’évaluation moins com- cun donne à chaque anomalie en fonction du contexte. Par
plète l’enregistrement séquentiel volontaire peut incontes- exemple, un espace HV « long » chez un sujet de la cin-
tablement être utile. Ses limitations sont celles des enre- quantaine a une plus grande valeur pour prédire un bloc auri-
gistrements électrocardiographiques de longue durée mais culo-ventriculaire que la même anomalie chez un sujet de
par rapport à ces derniers, il repousse les limites de la durée 75 ans porteur d’une cardiopathie évoluée (une tachycardie
de surveillance de 24 ou 48 heures à plusieurs jours. Son serait, dans ce dernier cas, plus probable).
apport est donc maximal chez les patients dont les syn-
5. Test d’inclinaison (TI)
copes sont fréquentes mais pas trop. L’enregistrement de
l’ECG contemporain du symptôme est d’une valeur irrem- Introduit à la fin des années 80 il est devenu l’un des exa-
plaçable : un trouble du rythme ou de la conduction per- mens-clés dans l’investigation diagnostique d’une syncope.
met un diagnostic de certitude, bien rare dans le cadre des Il consiste à maintenir en position inclinée, en général 60°,
syncopes ; à l’inverse, l’absence de modification du rythme sans bouger pendant plusieurs dizaines de minutes (habi-
cardiaque permet de penser que la perte de connaissance tuellement 45), un sujet suspect d’avoir fait une syncope
est d’origine vaso-dépressive ou d’évoquer une origine psy- vasovagale. L’intérêt de ce test est justement de reproduire
chologique. la syncope avec alors enregistrement d’une brusque chute
De concept identique mais de conception différente est tensionnelle associée ou non à, une bradycardie parfois
l’enregistreur implantable, récemment commercialisé. En extrême puisque des pauses ventriculaires supérieures à
contrepartie d’une surveillance de plusieurs mois il néces- 20 secondes ont été constatées. Environ 50 % des sujets qui
site une implantation sous-cutanée et une impossibilité de ont une syncope inexpliquée après les examens usuels ont
restérilisation, d’où un coût élevé. Son principe de fonc- un TI positif. L’adjonction de produits « facilitateurs » tels
tionnement est par ailleurs celui d’un enregistreur d’évé- qu’isoprénaline ou dérivés nitrés augmente la rentabilité
nements. du TI à 65 % environ au prix toutefois d’une perte modeste
de spécificité qui passe de 90 % environ pour un TI passif
3. Électrocardiographie haute amplification à 75 % environ avec l’isoprénaline.
Examen non invasif, marqueur du risque de trouble du La reproductibilité d’un TI négatif est proche de 100 %,
rythme ventriculaire, son intérêt dans le cadre de l’évalua- celle d’un TI positif dépend du délai entre les deux exa-
tion d’une syncope réside dans le fait, lorsqu’il est négatif mens mais se situe en moyenne à 70 %.
(aucun potentiel tardif), de rendre très improbable une
tachycardie ventriculaire. Ce test n’établit pas de diagnos- 6. Autres tests
tic mais peut aider à sélectionner les patients chez lesquels Ils ne sont mentionnés ici que pour dénoncer leur inutilité,
un trouble du rythme ventriculaire devra plus particulière- sauf cas très particulier, dans l’évaluation d’un patient souf-
ment être recherché. frant de syncope dûment diagnostiquée comme telle. Il en
est ainsi des explorations des vaisseaux du cou, de l’élec-
4. Exploration électrophysiologique (EEP) troencéphalographie ou du scanner cérébral. Même s’ils
Longtemps considérée comme l’examen du dernier recours détectent des anomalies, ce ne sont pas elles qui sont la
chez les patients hospitalisés pour syncope, sa place s’est cause de la syncope, donc pourquoi les demander !
précisée depuis l’introduction du test d’inclinaison. Il s’agit
en effet d’un examen invasif comportant une morbidité très 7. Examen psychiatrique
limitée mais non nulle. Son but est d’affiner l’importance Bien qu’il ne s’agisse pas d’un examen complémentaire il
des troubles conductifs ou de déclencher des troubles du sera mentionné dans cette rubrique car il nécessite l’inter-
rythme que les examens non invasifs n’avaient pas mis en vention d’un praticien qui n’est pas celui qui habituelle-
TABLEAU
Conduite à tenir devant une syncope
Principales étiologies des syncopes
Interrogatoire, examen clinique
* Neurocardiogéniques : ECG
– vasovagale (incluant les syncopes de « situation » :
mictionnelle, toux, défécation…) Pas de diagnostic
– syndrome du sinus carotidien
– algies neurogènes Diagnostic Éventuellement
– altitude échocardiographie
– autres (exercice, certains médicaments)
* Hypotension orthostatique : Traitement Pas de cardiopathie Cardiopathie et (ou)
éventuel et (ou) ECG normal ECG anormal
– idiopathique (dysautonomie)
– médicamenteuse TI Holter
* Psychiatriques
Pas de diagnostic Diagnostic Pas de diagnostic
* Débit cardiaque diminué :
– obstacle à l’éjection ventriculaire gauche
1er épisode Épisodes Traitement EEP
- cardiomyopathie obstructive répétés éventuel
- sténose mitrale
- myxomes Surveillance Holter Pas de diagnostic
- sténose aortique psychiatrie
EEP
– obstacle à l’éjection ventriculaire droite (selon contexte) TI
- sténose pulmonaire
- embolie pulmonaire
- hypertension pulmonaire primitive trer que si l’absence de diagnostic gêne, il est des cas où
– autres son abondance nuit.
- effondrement de la fonction « pompe » Le tableau donne les principales causes de syncope mais
. infarctus myocardique
. spasme coronaire
n’a pas la prétention d’être exhaustif. Afin de fixer les idées
– tamponnade, dissection aortique sur la fréquence des principaux chapitres, les chiffres sui-
vants peuvent être proposés : neurocardiogéniques (50 %),
* Troubles du rythme et de la conduction :
– bradycardie troubles du rythme ou de la conduction (15 %), cardiopa-
- maladie du nœud sinusal thies (10 %), hypotention orthostatique (5 %), causes
- bloc AV du 2e et 3e degré diverses (entre 5 et 10 %), restent donc 10 à 15 % de causes
- défaut de fonctionnement d’un stimulateur « inconnues ».
- médicamenteuses
– tachycardie Conduite diagnostique
- supraventriculaire Elle est centrée par le résultat de l’interrogatoire, de l’exa-
- ventriculaire men clinique et de l’ECG. Dans plus d’un cas sur deux les
- torsades de pointes
examens s’arrêteront là puisque le diagnostic sera fait. Dans
les autres cas, c’est le résultat obtenu par ces examens cli-
ment prend en charge le patient. La fréquence de ces formes niques qui guideront le choix et l’ordre des explorations
« psychiatriques » de syncope est peu évaluée mais certai- complémentaires. Si le patient a une cardiopathie docu-
nement sous-estimée et il ne faut pas hésiter à avoir recours mentée, éventuellement après la réalisation d’une écho-
à cette possibilité lorsque le diagnostic reste incertain. cardiographie, ou un ECG de base pathologique (par
exemple trouble conductif), alors il faut s’orienter vers la
Étiologie des syncopes recherche d’un trouble du rythme ou de la conduction : hol-
ter et exploration électrophysiologique. Si, par contre,
Dans le courant des années 80 moins de 2 syncopes sur 3 l’examen clinique est normal ainsi que l’ECG éventuelle-
recevaient un diagnostic en dépit d’investigations exhaus- ment l’échocardiographie, c’est un TI qui devra prioritai-
tives parfois répétées. L’introduction du TI et une meilleure rement être réalisé (voir figure). ■
prise en charge clinique a permis d’améliorer nettement ce
chiffre et il est probable, bien qu’il n’y ait pas de série
récente, qu’un diagnostic étiologique est porté dans près Points Forts à retenir
de 90 % des cas. Il ne faut cependant pas perdre de vue que
la découverte d’un diagnostic n’est pas toujours équivalent
à celui du diagnostic réel, surtout chez les sujets âgés. Par • Symptôme fréquent, souvent angoissant,
exemple, le déclenchement d’une tachycardie ventricu- la syncope nécessite une démarche diagnostique
laire chez un patient ayant une cardiopathie est un fait capi- rigoureuse qui est dominée, et de très loin,
tal mais sa syncope a pu être d’origine vasovagale si le TI par l’interrogatoire et l’examen clinique.
est positif… alors quel diagnostic choisir ? Cela pour mon-