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B 367
Essais cliniques
Principes méthodologiques
et aspects éthiques de l’évaluation des thérapeutiques
Dr Olivier MONTAGNE, Pr Isabelle MACQUIN-MAVIER, Pr Jean-Louis LEJONC
Urgences, médecine générale et pharmacologie clinique, CHU Henri-Mondor, 94010 Créteil cedex
• L’analyse des résultats se fait à l’aide de tests statistiques un agrément particulier. L’hospitalisation des volontaires
dont la sélection repose sur la nature des résultats recueillis est fréquente et la prise conjuguée d’autres thérapeutiques
(valeurs qualitatives ou quantitatives, nombre de valeurs, non autorisée est interdite. Il s’agit en général d’une étude
sensibilité du paramètre…). sans bénéfice individuel direct sauf pour l’exemple des pro-
L’analyse permet de répondre à la question : « la différence duits anticancéreux.
mesurée est-elle liée au hasard ou non ? ». Il s’agit d’une Sont exclues de cette phase d’essai certaines populations
probabilité appelée « p ». Le seuil de significativité statis- telles que les femmes enceintes, les enfants, les sujets âgés,
tique est généralement de 5 % (p < 0,05). Cette valeur à les personnes porteuses de défaillance rénale ou hépatique.
5 % indique que le résultat n’a que 5 % de risque d’être lié • Les critères de jugement se font sur les paramètres que
au hasard. sont l’observation clinique, les constantes biologiques, les
L’analyse statistique s’expose à 2 risques qu’il faut tenter tests de pharmacologie tels que les dosages des taux cir-
de contrôler : déclarer significatif un résultat qui ne l’est culants de la molécule testée.
pas (risque a) ; ne pas reconnaître un effet réel (souvent • Le choix de la dose initiale est fixé à partir des résultats
par effectif insuffisant) (risque b). des études in vivo animales de la phase préclinique. Elle
Cette analyse permet de prévoir, par hypothèses sur le est généralement 100 fois inférieure à la dose maximale
risque a et b, le nombre de sujets à inclure dans l’essai tolérée chez l’animal.
pour que celui-ci ait une puissance suffisante, c’est-à-dire • Conduite de l’essai : la méthodologie est souvent basée
qu’il soit capable de répondre à l’objectif principal. sur le résultat individuel et les étapes ultérieures du même
Au terme de cette élaboration il est ainsi possible d’écrire essai sont elles-mêmes basées sur les connaissances
un protocole selon un plan prédéfini (voir : pour approfon- acquises au cours des premiers recueils de données. Typi-
dir / 2) quement, on réalise une augmentation progressive des
doses jusqu’à la dose maximale tolérée. Les autres ques-
tions auxquelles doivent répondre ce type d’étude sont la
Phases d’évaluation d’une nouvelle voie d’administration la plus adaptée, l’effet de plusieurs
thérapeutique doses, le rythme des différentes prises.
Étape préclinique • L’analyse des résultats de ces études vont permettre un
passage éventuel aux essais de phase II. Rappelons que
Cette étape nécessite l’obtention de connaissances au cours
l’activité et l’efficacité ne sont pas des éléments de déci-
d’expériences in vitro et in vivo sur l’animal, réalisant un
sion à cette phase.
argumentaire justifiant la mise en route d’essais cliniques.
Les particularités d’espèce imposent que les résultats obte- 3. Essais de phase II
nus chez l’animal ne sont pas extrapolables à l’homme : Ils peuvent être divisés en 2 parties. Les essais de phase II
ces études constituent un préalable indispensable à une A et ceux de phase II B.
administration chez l’homme. Les différentes étapes de la • Objectifs : l’objectif des études de phase II A est de confir-
phase préclinique in vivo sont une évaluation : pharmaco- mer chez l’homme les propriétés pharmacologiques poten-
dynamique, pharmacocinétique, de toxicité, de mutage- tiellement thérapeutiques observées chez l’animal. Ces
nèse, des effets sur la reproduction, de carcinogenèse… études visent donc à étudier les propriétés pharmacodyna-
miques et à compléter les connaissances concernant la phar-
Étape clinique macocinétique de la molécule.
Les différentes phases d’évaluation d’un nouvel agent thé- Les essais de phase II B visent à démontrer l’efficacité thé-
rapeutique suivent, de façon stéréotypée, 4 phases. rapeutique sur de petits groupes de malades homogènes
dans l’indication proposée.
1. Essais de phase I Ces essais de courte durée ont pour but de déterminer la
• L’objectif principal est la tolérance. La recherche d’une posologie efficace pour les essais ultérieurs de phase III,
toxicité éventuelle à court terme sera effectuée à cette phase d’étudier les relations concentration circulante/effet et de
de l’essai d’une nouvelle thérapeutique, visant à détermi- déterminer les effets indésirables à court terme.
ner la dose maximale tolérée, la nature des effets indési- • Choix des sujets : les sujets inclus dans les essais de phase
rables, leur réversibilité ainsi que la relation de ces effets II A sont généralement des volontaires sains.
avec la dose. Les sujets recrutés dans les études de phase II B sont un
Des études de pharmacologie sont également menées à petit nombre de malades, le plus souvent lors d’une hos-
cette phase, concernant la biodisponibilité, le métabolisme, pitalisation. On recherche généralement une homogénéité
l’excrétion (voie, forme et vitesse), les interactions pos- des sujets en âge, sexe et gravité de la maladie. L’ensemble
sibles (sur l’absorption, le transport plasmatique ou l’in- des essais de phase II devront comporter l’étude de popu-
duction enzymatique). lations particulières telles que les sujets âgés et (ou) les
Cette phase d’étude permet également la détermination de enfants et (ou) les sujets à métabolisme perturbé (rein, foie).
la voie d’administration et de l’intervalle entre deux doses L’association d’autres médicaments est en général exclue à
pour la phase II. cette phase ou doit faire l’objet d’une évaluation particulière.
• L’essai de phase I se déroule par recrutement de volon- • Choix des critères de jugement : le critère de jugement
taires sains et l’étude doit être menée dans un site ayant principal est l’efficacité du traitement. D’autres critères
peuvent être évalués à cette phase, mais les restrictions sont • Au terme de l’élaboration du projet on devra retrouver
souhaitables pour limiter l’effectif recruté. dans le plan : s’il s’agit d’un essai comparatif, si l’on pra-
• Conduite de l’essai : les traitements administrés au cours tique un tirage au sort, si l’on compare la molécule propo-
des études de phase II le sont sur une période courte. sée à un placebo ou à un traitement de référence.
Pour les études de phase II A, il ne peut y avoir de béné- Dans ce cas l’apparence (visuelle) des deux traitements
fice individuel direct alors que ce bénéfice peut exister pour devra être aussi proche que possible.
la phase II B. Typiquement, l’essai comparatif de phase III est un essai
L’objectif principal de ces essais est de déterminer l’effi- explicatif visant à vérifier une hypothèse physiopatholo-
cacité des thérapeutiques et on tente généralement de déter- gique ou biologique, s’adressant à des patients sélection-
miner le pourcentage de patients pour lesquels le traite- nés en vue d’une réponse au traitement.
ment est efficace. Cette détermination suppose que tous les • Conduite de l’essai : l’essai comparatif de phase III
sujets sont atteints par la maladie et que l’évolutivité de nécessite un recueil précis des données, à l’aide de cahiers
celle-ci est comparable. Notons que certains expérimenta- d’observation visant à limiter le nombre des données man-
teurs de phase II B incluent d’emblée un groupe de patients quantes.
traités par placebo ou par substance de référence. La durée de l’essai ainsi que les règles d’arrêt doivent être
• Analyse des résultats : le risque des études de phase II définies avant le lancement de l’étude et peuvent nécessi-
est de ne pas mettre en évidence l’efficacité d’une théra- ter une analyse intermédiaire en cours d’essai, principale-
peutique en raison d’un trop petit nombre de sujets (risque ment réalisée pour vérifier l’adéquation entre schémas et
de deuxième espèce ou risque b). objectifs de l’étude.
Dans le cadre de ces essais, seront testés : les différents La durée de l’essai doit être également fixée en fonction
modes d’administration, diverses doses, les indications pos- des données concernant le malade, la maladie et son évo-
sibles et éventuellement certaines associations. L’ensemble lutivité ainsi que le degré d’efficacité des molécules
des travaux de phase II peut être réalisé par différentes employées et les paramètres de jugement.
équipes et les données recueillies font l’objet d’une ana- Un grand nombre de sujets à inclure peut nécessiter la mise
lyse détaillée par un statisticien. Au terme de cette éva- en place d’un essai coopératif multicentrique.
luation, les résultats permettent de prendre une décision de • L’analyse des résultats suppose que les méthodes
passage en phase III. statistiques soient appliquées en fin d’étude. À l’inverse,
une analyse progressive ou séquentielle s’effectue tout
3. Essais de phase III au long du déroulement de l’étude (plus adaptée aux
• Élaboration de l’essai : les essais comparatifs relèvent phases I et II).
d’une méthodologie scientifique stricte. L’analyse des résultats est faite par une équipe de statisti-
Dans le cas le plus simple, où l’on décide de comparer deux ciens en collaboration avec les cliniciens et doit comporter :
groupes de patients, il conviendra de tester si les variations la description de la population, la description des traitements
retrouvées pour chaque groupe sont en rapport avec la thé- effectivement administrés, la recherche d’éléments influen-
rapeutique ou en rapport avec des fluctuations d’échan- çant l’évolution de la maladie, l’étude de la comparabilité
tillonnages (groupe témoin). entre groupes ; avant d’envisager : la comparaison globale
– Comme nous l’avons vu, une des bases de la méthodo- des groupes, la comparaison avec prise en compte des fac-
logie des essais comparatifs est d’obtenir deux groupes teurs de variabilité, d’évolution de la maladie, les analyses
comparables de malades, ce qui nécessite généralement la éventuelles par sous-groupes en fonction de facteurs épidé-
réalisation d’un tirage au sort (randomisation). miologiques, étiologiques, pronostiques.
L’utilisation d’un groupe témoin avec affectation par tirage Les conclusions de l’essai doivent répondre à l’objectif
au sort définit un essai contrôlé. principal et aux objectifs secondaires de l’étude décrits dans
– Le deuxième principe méthodologique est d’éviter des le protocole.
fluctuations des critères de jugement et liés à l’évolution
de la maladie, notamment par un éventuel effet placebo. 4. Essais de phase IV
La solution à ce problème est le recours aux essais en Ces études sont des études épidémiologiques de pharma-
aveugle : simple aveugle (insu) si seul le patient ne « sait » covigilance visant à recueillir principalement les effets
pas, en double aveugle (insu) si le malade et l’expérimen- indésirables rares survenant au cours du traitement.
tateur ignorent le groupe de traitements déterminés par Ce type d’étude s’effectue après autorisation de mise sur
tirage au sort. le marché (AMM) et pour des thérapeutiques appartenant
– Le troisième principe nécessaire à l’élaboration de l’es- donc à l’arsenal médicamenteux classique (Vidal).
sai est de calculer le nombre de patients nécessaires pour • L’objectif principal de ce type d’étude est de déterminer
mettre en évidence l’effet recherché. Deux écueils sont à les effets indésirables liés au traitement après sa commer-
éviter : mettre en évidence une différence qui n’existe pas cialisation et doit donc collecter, d’une part les effets indé-
réellement, ne pas mettre en évidence une différence sirables rares, mais parfois graves, d’autre part les effets
réelle. indésirables d’apparition tardive pendant les traitements au
– Ces principes méthodologiques, au cours de l’élabora- long cours.
tion de l’essai, soulignent la nécessité d’une collaboration Ce type d’étude, relevant de la pharmacovigilance, est tout
entre pharmacologues, cliniciens et statisticiens. à fait indispensable pour les effets indésirables peu fré-
quents. À titre d’exemple, un événement dont la fréquence La constitution d’un fichier informatique contenant des
est de 1 pour 10 000, a une probabilité de se manifester de informations relatives à un patient impose la déclaration
façon certaine sur un échantillon égal à environ 50 000 per- au Comité national informatique et liberté (CNIL).
sonnes. Après publication du texte initial de la loi Huriet-Sérusclat
Parmi les effets d’apparition tardive, les effets tératogènes, de 1987, adopté le 20 décembre 1988, ont été créés les
cancérogènes ou mutagènes sont particulièrement impor- CCPPRB (Comité consultatif de protection des personnes
tants à rechercher. dans la recherche biomédicale) (voir : pour approfondir / 4).
• La méthodologie peut être de deux types : il peut s’agir Selon différents articles du Code de la Santé publique,
d’enquêtes prospectives dans laquelle on recherche une le rôle des CCPPRB est d’évaluer le caractère éthique ou
exposition au traitement ou d’enquêtes rétrospectives où, non éthique de la recherche proposée. Les CCPPRB ont un
en face d’effets indésirables, on recherche la prise du médi- avis consultatif et la décision définitive relève de l’Agence
cament. du médicament (qui détermine également si l’étude s’ef-
Ces études, relevant d’informations concernant la prise du fectue avec ou sans bénéfice individuel direct pour le
médicament ou la survenue d’effets indésirables, compor- patient inclus.
tent de nombreux biais possibles du fait d’erreurs sur la Les deux principaux articles du Code de la Santé publique
mesure de la prise médicamenteuse ou de l’effet indési- concernant le CCPPRB sont :
rable et d’erreurs d’échantillonnages. – l’article R20-29 (extrait) : « Avant que soit entreprise une
La réalisation de ces études permet ainsi de mieux connaître recherche biomédicale sur l’être humain, l’investigateur
la sécurité d’emploi des médicaments, l’apport de la molé- unique ou coordonnateur, communique au comité consulta-
cule par rapport aux autres traitements. C’est au terme de tif de protection des personnes dans la recherche biomédi-
ces études de phase IV que peut être prise la décision d’un cale dont il sollicite l’avis : des renseignements sur la nature
éventuel retrait du marché. et les modalités de la recherche ; des renseignements attes-
tant que les garanties prévues pour les personnes qui se prê-
tent à la recherche sont respectées ; en outre, des renseigne-
Aspects éthiques ments spécifiques, lorsque la recherche projetée est une
Toute expérimentation scientifique relève de principes recherche sans bénéfice individuel direct (s’il y a lieu) » ;
légaux et éthiques. Différentes instances se sont intéres- – l’article 209-12 (extrait) : « le comité rend son avis sur
sées à la législation de la recherche médicale. Des instances les conditions de validité de la recherche, notamment la
politiques par l’intermédiaire de lois, d’ordonnances, juri- protection des participants, leur information et les moda-
diques par l’application des lois et la jurisprudence, ou des lités de recueil de leur consentement, les indemnités éven-
organisations [Organisation mondiale de la santé (OMS), tuellement dues, la pertinence générale du projet et l’adé-
comité national d’éthique] ont tenté d’élaborer des docu- quation entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en
ments de référence. œuvre ainsi que la qualification du ou des investigateurs.
Il communique au ministre chargé de la santé tout avis défa-
1. Codes et lois vorable à un projet de recherche ».
L’expérimentateur est à la fois soumis aux recommanda- 2. Responsabilité des partenaires dans un essai
tions exprimant la pratique médicale internationale et aux thérapeutique
lois régissant l’expérimentation au sein de son propre pays. Les partenaires de l’essai thérapeutique sont classiquement
Divers textes ont été établis mais le premier ayant marqué le promoteur et l’investigateur, le moniteur (assistant de
l’histoire de l’éthique est probablement celui des 10 règles recherche clinique-ARC).
de Nuremberg, au cours d’un procès concernant les crimes Le promoteur s’engage à avertir les autorités de tutelle de
commis au nom de la science dans les camps nazis, le la mise en route du protocole et se porte garant de la sécu-
19 août 1947 (voir : pour approfondir / 3). Il s’agit de la pre- rité du patient, en contractant un contrat d’assurance (cou-
mière introduction de la notion de consentement de la per- vrant sujets et investigateurs) pour la recherche menée. Il
sonne participant à l’étude. prend l’initiative de la réalisation de l’essai.
Un autre texte princeps émane de l’Association médicale L’investigateur s’engage à respecter les bonnes pratiques
mondiale, lors de son congrès de 1964 et diffusé sous le cliniques et principalement à suivre scrupuleusement le
nom de Déclaration d’Helsinki. Ce texte, modifié à de nom- schéma de recherche proposé et d’obtenir un consentement
breuses reprises, constitue une référence importante. libre et éclairé des patients. Il est responsable de la réali-
Depuis 1987 la réglementation de la recherche clinique en sation pratique de l’essai et de la rédaction d’un rapport.
France repose essentiellement sur la loi Huriet-Sérusclat Le moniteur ou assistant de recherche clinique est mandaté
(loi du 22/12/88 JO modifiée par la loi du 23/1/90 avec par le promoteur pour surveiller le déroulement de l’essai
décret d’application du JO du 29/09/90). Le ministère des selon les règles fixées.
Affaires sociales et de l’Emploi, ainsi que le ministère L’ensemble des éléments recueillis en cours de l’essai doi-
chargé de la Santé et de la Famille avait auparavent publié vent être conservés pendant 15 ans.
sous le titre « Bonnes pratiques cliniques » des recom- Notons qu’il existe actuellement des différences entre
mandations aux promoteurs et aux investigateurs. L’ob- bonnes pratiques cliniques françaises et européennes, qui
jectif de la loi Huriet-Sérusclat est d’assurer la protection seront probablement l’objet d’une homogénéisation dans
des personnes participant à des essais. les prochaines années.
L’étude ne doit être menée que par des scientifiques qualifiés. •1 personne compétente en affaires sociales (assistante sociale, membre
Le sujet doit pouvoir choisir de mettre fin à sa participation à l’étude pour •d’association caritative)
des raisons physiques ou morales. – Renouvellement tous les 3 ans par tiers
Pendant le déroulement de l’étude, le scientifique doit pouvoir interrompre – L’avis donné par le CCPPRB n’est que consultatif. Un avis défavorable
l’expérimentation s’il lui paraît risqué pour le sujet de poursuivre. est transmis aux autorités de tutelle (Ministère)