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Psychiatrie

A 65

Syndrome maniaque
Orientation diagnostique et principes du traitement
Pr Marie-Christine HARDY-BAYLÉ
Service hospitalo-universitaire de psychiatrie, CH, hôpital Richaud, 78000 Versailles

Points Forts à comprendre manière indépendante des situations. Rien ne peut ébran-
ler l’élation du sujet maniaque. Dans ce cas, l’euphorie
paraît non réactive à l’environnement ;
• Le prototype du syndrome maniaque est l’accès – soit l’humeur est versatile et la réactivité à l’environne-
maniaque survenant dans le cours de la maladie ment est majeure. Même si l’euphorie est le plus souvent
maniaco-dépressive. au premier plan, des moments de tristesse peuvent surve-
• Sur le plan sémiologique : les signes s’opposent à nir. Ils sont en règle extrêmement brefs et ne remettent pas
ceux de l’état dépressif. Le syndrome maniaque en cause le diagnostic de syndrome maniaque. De même,
associe une tétrade symptomatique : un trouble de des réactions de colère sont fréquentes, se manifestant sur-
l’humeur (euphorie, variabilité de l’humeur, tout en réponse à une opposition. Certains auteurs consi-
hyperesthésie affective), une accélération dèrent que l’irritabilité et la versatilité de l’humeur avec
psychique et motrice, une insomnie et un trouble sentiments dépressifs fluctuants sont plus fréquents que
de contenus de pensée (vision positive de soi, du l’euphorie.
monde, de l’avenir). Dans tous les cas, l’hyperesthésie affective s’oppose à
• Cet état s’accompagne de troubles de l’anesthésie affective du déprimé. Quel que soit le mouve-
comportement qui engagent le sujet dans des ment d’humeur vécu par le sujet maniaque, il est vécu inten-
situations à risque dont il méconnaît les sément.
conséquences.
• Sur le plan diagnostique :
– ce syndrome peut être « pur » (dit alors primaire) 2. Accélération psychomotrice
c’est-à-dire ne comporter que des signes de la série L’incapacité à freiner ses pensées et ses actions. Au ralen-
thymique sus-décrits. Il signe alors le diagnostic de tissement dépressif s’oppose l’accélération maniaque :
maladie maniaco-dépressive bipolaire.
• Dans le champ de la pensée et du discours : à la bran-
• Il peut s’accompagner de signes n’appartenant
dypsychie du déprimé s’oppose la tachypsychie du
pas à la série thymique et évoquant d’autres
maniaque (ou fuite des idées), le sujet pouvant avoir la sen-
diagnostics :
sation subjective du défilement rapide de sa pensée.
– signes dits « atypiques » évoquant le diagnostic
de schizophrénie ; Son discours est rapide et prolixe (logorrhée). Parfois, il
– signe de la série confusionnelle évoquant une utilise l’écriture pour exprimer cet emballement psychique
pathologie organique ou iatrogène. (graphorrhée).
• Sur le plan thérapeutique : La rapidité des associations de pensée s’accompagne sou-
– l’hospitalisation s’impose en règle du fait des vent d’un relâchement des associations. Les liens entre les
risques encourus par le patient. Le traitement pensées sont superficiels et ludiques : les jeux de mots sont
repose sur les thymorégulateurs et (ou) les fréquents.
neuroleptiques, beaucoup plus rarement sur la Dans les formes modérées, le maniaque peut faire rire et
sismothérapie. son discours peut être riche et brillant. Mais lorsque le
• Le suivi à plus long terme dépend du cadre rythme s’accélère, il passe du coq à l’âne, associe sur les
diagnostic dans lequel s’inscrit l’épisode. mots qui viennent d’être prononcés plutôt que sur le thème
de son discours et devient impossible à suivre. Le discours
devient désordonné, voire incohérent. L’accélération
touche aussi d’autres facultés que le langagé : l’attention
Orientation diagnostique est facilement attirée par des stimulus extérieurs sans rap-
Sémiologie : syndrome maniaque typique port avec la conversation ou l’action en cours, l’hyper-
mnésie est fréquente.
Il associe :
• Dans le champ de l’action on retrouve la même agita-
1. Un trouble de l’humeur tion. Le maniaque a de grandes difficultés à rester inactif.
Deux types d’états d’humeur se rencontrent classiquement : L’efficacité des actions entreprise est variable. Dans les
– soit l’humeur est euphorique, gaie, expansive et cela de formes de moindre intensité l’efficacité reste bonne voire

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SYNDROME MANIAQUE

supérieure à celle qu’elle est en dehors de périodes Formes cliniques


maniaques. L’activité reste orientée vers un but. Dans les Elles ne posent pas de problèmes diagnostiques.
formes d’intensité importante, l’hyperactivité est stérile. Mais comportant des spécificités évolutives et (ou) théra-
Le sujet présente une agitation psychomotrice. peutiques.
3. Les troubles du contenu de pensée
1. Formes mixtes
L’incapacité à avoir une perception objective de soi-même,
du monde et de l’avenir. C’est l’intrication, stable dans le temps, de symptômes
• Le maniaque a une vision positive de lui-même. Cette dépressifs et maniaques.
augmentation de l’estime de soi peut aller d’une confiance À titre d’exemple, devant un étant remplissant tous les cri-
accrue dans ses capacités, à la conviction d’être génial ou tères d’un syndrome maniaque, vont être observés : une
porteur de dons extraordinaires. Des idées délirantes méga- humeur dépressive stable, une diminution marquée d’inté-
lomaniaques ne sont pas rares dans ces états : le malade rêt dans presque toutes les activités, une hypersomnie, une
peut alors se croire inspiré par Dieu (thème mystique), issu fatigue ou une perte d’énergie, des sentiments d’indignité
d’une famille royale (thème de filiation) ou investi d’une ou de culpabilité excessive…
mission telle que sauver l’humanité (thème messianique). Ces états, qui peuvent facilement être attribués à la mala-
On parle alors de manie délirante. die maniaco-dépressive (pas de difficultés de diagnostic),
• Le maniaque a une vision positive du monde (« tout est méritent d’être décrits du fait de leur résistance aux théra-
beau dans le monde »). peutiques habituelles de l’accès maniaque (difficultés thé-
• Le maniaque a une vision positive du futur. Au pessi- rapeutiques).
misme du déprimé s’oppose l’optimisme du maniaque.
Cette triade, associée au manque de contrôle lié à l’accé- 2. Épisodes hypomaniaques
lération psychomotrice, conduit fréquemment le maniaque Ce sont des formes atténués de manie. Dans ces formes,
a élaborer des projets irréalistes. on peut observer un accroissement des performances et une
créativité inhabituelle. Le diagnostic peut être difficile. Un
Signes somatiques élément important est alors la rupture que constitue cet état
La réduction du temps de sommeil est un signe constant, en regard de l’état habituel du patient, rupture souvent évi-
quand il n’est pas masqué par une prise d’hypnotique. Clas- dente pour l’entourage, mais fréquemment non reconnue
siquement, le maniaque n’en ressent aucune fatigue. par le patient.
La gravité de ces formes tient à leur caractère instable et
Autres éléments du diagnostic au risque d’aggravation symptomatique qu’il implique.
L’ensemble de ces perturbations rend compte des troubles La reconnaissance de ces formes est particulièrement
du comportement observés chez le sujet maniaque, mar- importante dans le cours d’une maladie maniaco-dépres-
qués par l’engagement dans des activités agréables mais sive puisqu’elle permet de poser le diagnostic de forme
présentant de grands risques : achats inconsidérés, bipolaire de trouble de l’humeur qui impose certaines
conduites sexuelles inconséquentes, investissements com- mesures thérapeutiques.
merciaux déraisonnables… C’est pourquoi, ces dernières années, de nombreuses don-
Cet état est en rupture avec l’état antérieur du sujet. La nées ont été apportées à la connaissance de ces formes d’in-
connaissance de cet état antérieur est donc un élément tensité modérée. La notion de tempéraments affectifs ou
important du diagnostic. de formes sub-syndromiques de l’humeur qualifie ces états
proches dans leur description de troubles de la personna-
Le plus souvent le maniaque ne reconnaît pas le caractère
lité (il s’agit plus d’une manière d’être que de symptômes
pathologique de son comportement. Cet élément est à
francs de l’humeur), antérieurement nommées personnali-
prendre en compte dans sa prise en charge.
tés cyclothymique ou hyperthymique et aujourd’hui plus
La survenue d’un état maniaque pose le diagnostic de mala- clairement considérées comme des formes a minima de
die maniaco-dépressive de forme bipolaire. Le risque évo- troubles maniaco-dépressifs.
lutif de la maladie maniaco-dépressive est la récurrence des
accès. C’est pourquoi un traitement préventif est proposé
au sujet atteint de ce type de trouble.
3. Manies délirantes
La subdivision de la maladie maniaco-dépressive en deux Nous l’avons déjà évoqué dans la description des contenus
formes : unipolaire (accès dépressifs récurrents) et bipo- de pensée de la forme typique. L’une des caractéristiques
laire (alternance d’accès dépressifs et maniaques ou accès de ce délire aigu est la « congruence à l’humeur » des idées
maniaques récurrents), selon que des accès maniaques sur- délirantes, c’est-à-dire que la thématique délirante est de
viennent dans le cours évolutif de la maladie, bien que contenu positif comme l’est une idée délirante mégaloma-
contestée par certains auteurs, se justifie par un certain niaque.
nombre d’arguments (génétique, évolutif, clinique, de per- Cependant, des thèmes de persécution (dits « non
sonnalité) et notamment par des conduites thérapeutiques congruents à l’humeur » car de contenu douloureux et
différentes. Ainsi, les formes bipolaires seraient plus sen- angoissant) peuvent apparaître. Il faudra toujours en
sibles aux thymorégulateurs que les formes unipolaires. rechercher le lien avec les idées mégalomaniaques : « on

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me persécute parce que je suis important » ce qui permet 2. Signes évoquant une pathologie organique
de rattacher ce thème de persécution à une thématique ou iatrogène
« congruente à l’humeur ».
La présence de signes confusionnels ou de la série démen-
En l’absence d’incohérence, cet état est facilement reconnu tielle doit toujours évoquer l’organicité des troubles, sur-
comme appartenant à la maladie maniaco-dépressive. tout lors d’un premier accès chez un sujet âgé. L’irritabi-
Cette forme mérite d’être décrite du fait de ses spécificités lité, les comportements agressifs, les idées délirantes
évolutive et thérapeutique. seraient plus constantes dans ce cas.
En effet, une activité délirante, surtout de contenu méga- Un examen somatique s’impose même en l’absence de
lomaniaque et donc investie positivement par le sujet, peut signes confusionnels lors d’un premier accès chez un sujet
avoir des conséquences évolutives graves. Il n’est pas rare, âgé. La présence des autres signes de la maladie organique
en effet, après quelques épisodes de ce type, au cours des- en cause orientent le diagnostic étiologique.
quels la même construction délirante resurgit régulière- Chez un sujet jeune, les signes confusionnels doivent faire
ment, de constater, entre les épisodes, la persistance d’une rechercher, en premier lieu une prise de toxiques. Elle doit
croyance d’ordre délirant, de même contenu que celui être de recherche systématique.
exprimé durant l’accès. On peut ainsi observer l’autono-
misation d’une activité délirante, évoluant pour son propre
compte, indépendamment du trouble thymique qui lui a
donné naissance, et pouvant induire un diagnostic de délire Syndrome maniaque et organicité
chronique primaire, le plus souvent dans ce cadre, de type L’examen somatique d’un patient présentant un syndrome d’excita-
paraphrénique. tion est indispensable surtout dans certaines circonstances :
Du fait de ces risques évolutifs, un épisode de manie déli- – en présence de signes de confusion (désorientation temporo-spa-
rante doit être considérée comme une « urgence psychia- tiale ; troubles de la vigilance ; perplexité anxieuse) ;
– chez un sujet âgé ;
trique » et impose des mesures thérapeutiques spécifiques. – en l’absence d’antécédents personnels et familiaux de troubles de
l’humeur ;
4. Fureur maniaque – chez un sujet ayant des antécédents personnels mais présentant une
symptomatologie inhabituelle ;
Bien que rare, elle impose des mesures thérapeutiques d’ur- – en présence d’une maladie somatique connue pouvant entraîner des
gence (le plus souvent des sismothérapies d’emblée) du désordres ioniques ou métaboliques.
fait de la gravité du tableau. Elle se caractérise par un état
de fureur où l’agitation agressive et violente domine.
De nombreuses pathologies organiques, de nombreux
Formes cliniques pouvant poser toxiques (cocaïne, hachisch, amphétamines, hallucino-
des problèmes diagnostiques gènes…) et certaines médicaments (corticoïdes, isoniazide,
L-dopa, cyclosérine) peuvent induire des états d’excitation.
Les pathologies sont essentiellement neurologiques
1. Signes évoquant une schizophrénie: (lésions des lobes frontaux et du diencéphale antérieur
la manie dite atypique notamment) ou endocriniennes (maladie de Cushing
Parmi ces signes, il faut citer : notamment).
La question qui se pose toujours dans de telles intrications
– l’incohérence du discours qui en impose pour une dis-
est celle de l’influence réelle de la pathologie organique ou
cordance intellectuelle, et qui, lorsqu’elle apparaît chez un
toxique : cause exclusive de l’excitation ou simple facteur
sujet jeune, peut faire évoquer le diagnostic de schizo-
déclenchant chez un maniaco-dépressif ?
phrénie ;
– l’absence de syntonie (accord affectif avec l’entourage)
et d’hyperesthésie affective fait penser à une discordance
affective (émoussement affectif) ;
Principes de traitement
– une hyperactivité stéréotypé, mécanique et pauvre. Traitement de l’accès maniaque
L’absence de tout trouble psychopathologique antérieur à de la maladie maniaco-dépressive
l’épisode, certaines caractéristiques cliniques comme la
persistance d’un « bon contact » (argument contre l’exis- En dehors des formes d’intensité légère ou modérée, l’hos-
tence d’une discordance affective), la prévalence des idées pitalisation est indispensable du fait de la fréquence des
délirantes congruentes à l’humeur sur d’autres idées non troubles du comportement et de la non-reconnaissance
congruentes à l’humeur (comme des thèmes hypocon- habituelle de la pathologie par le patient.
driaques, de transformation corporelle ou d’influence) et Lorsque des troubles du comportement existent, a fortiori
des antécédents familiaux de troubles thypiques, évoquent en cas d’activité délirante (projets délirants), et en cas de
le diagnostic de trouble de l’humeur. Mais souvent il fau- refus du patient d’être hospitalisé, un recours à une mesure
dra attendre la résolution de l’accès et la restitutio ad inte- légale peut se justifier : plus souvent hospitalisation sur la
grum constatée dans le seul trouble thymique pour porter demande d’un tiers (HDT) qu’hospitalisation d’office (car
le diagnostic. il existe rarement un risque pour autrui).

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SYNDROME MANIAQUE

Dans tous les cas, il faudra penser à la protection des biens Après disparition de la symptomatologie maniaque le trai-
du sujet. En cas de risques de dépenses excessives, une sau- tement neuroleptique sera progressivement réduit en sur-
vegarde de justice (mesure peu contraignante) peut se jus- veillant l’absence de résurgence symptomatique. Aucun
tifier. critère, a priori, ne permet de prévoir de manière sûre, la
durée du traitement. Dans la pratique, un traitement de 3-
1. Traitement initial 4 mois est souvent nécessaire. En cas de thymorégulateur
Il est fonction de l’intensité de l’accès et de sa forme cli- associé, l’arrêt des neuroleptiques peut être plus rapide, le
nique. thymorégulateur ayant un effet antimaniaque.
• Dans les formes modérées. La prescription d’un thymo-
régulateur seul se justifie. Trois thymorégulateurs peuvent
être utilisés : le lithium, la carbamazépine (Tégrétol) ou le
Dépamide. Recherches en matière de traitement
L’avantage d’un thymorégulateur sur un traitement neuro-
leptique repose sur une action antimaniaque plus spéci- L’efficacité de nombreux produits a été testée dans le syndrome
maniaque. Des produits d’action aussi diverse que la clonidine (clo-
fique et plus globale et sur une meilleure tolérance. Son nidine, Catapressan), les anticalciques, certaines benzodiazépines
inconvénient tient au caractère moins incisif et plus tardif (clonazépam, Ritrovil ; lorazépam, Témesta)… ont aisi montré une
de son action, qui ne se manifeste en général pas avant 7 à efficacité. Aux États-Unis, les benzodiazépines sont souvent pres-
10 jours de traitement. C’est pourquoi, dans les formes plus crites en première intention dans des formes d’intensité légère ou
modérée.
sévères, un traitement neuroleptique est en règle proposé. L’ensemble de ces tentatives s’explique par la mauvaise tolérance
• Dans les formes de forte intensité. Le traitement initial habituelle des neuroleptiques et l’espoir de trouver des molécules effi-
fait le plus souvent appel aux neuroleptiques. caces dénuées de tels effets secondaires.
Tous les neuroleptiques ont une action antimaniaque. Le
choix du produit repose sur différents critères : le respect des
contre-indications (elles sont rares et en règle relatives), les
antécédents du sujet (un neuroleptique qui se sera révélé effi- • Dans les hypomanies. Le traitement est thymorégulateur.
cace et bien toléré lors d’épisodes antérieurs devra être retenu La poursuite de ce traitement, prescrit alors à visée pré-
en première intention), les habitudes de prescription. ventive, est lié à l’accord du patient.
L’association de deux neuroleptiques n’a jamais fait la • Dans les formes délirantes. Le traitement est neurolep-
preuve de sa supériorité sur la monothérapie. tique. En cas de résistance au traitement, l’électroconvul-
Le choix de la posologie repose sur trois critères : la poso- sivothérapie peut être proposée.
logie moyenne efficace du produit, l’existence de pres- • Dans les formes mixtes. Les antidépresseurs doivent être
criptions antérieures (la posologie précédemment efficace arrêtés, et un thymorégulateur prescrit. Les anticonvulsi-
peut servir de guide), la réactivité aux premières prises du vants seraient plus efficaces dans cette indication. En cas
produit et en particulier l’effet sédatif obtenu. En début de de formes d’intensité sévère, et en l’absence d’efficacité
traitement la tolérance est un meilleur indicateur que l’’effi- des neuroleptiques, l’électroconvulsivothérapie se justifie.
cacité qui impose quelques jours de traitement pour être • Dans les manies furieuses. Les sysmothérapies d’em-
évaluée. blée se justifient.
À partir de ces indices la posologie adéquate pourra être
ajustée en quelques jours (2 à 5 jours). À titre d’exemple, 2. À plus long terme
on pourra proposer un traitement par halopéridol, Haldol C’est le traitement de la maladie maniaco-dépressive bipo-
– à la dose de 5 à 30 mg par jour ou de chlorpromazine, laire dont le risque est la récurrence des accès.
Largactil – de 150 à 400 mg par jour. Cependant, lors d’états Il repose sur le traitement préventif des récidives que per-
maniaques très agités, des doses de neuroleptiques consi- met, le plus souvent, la prescription d’un thymorégulateur.
dérées comme importantes peuvent être justifiées (400 à
500 mg de chlorpromazine ou équivalent). L’action anti- Stratégies thérapeutiques
maniaque d’un neuroleptique ne peut être évalué qu’après
en cas de pathologie associée
10 à 14 jours de traitement. Après ce délai, en l’absence
d’efficacité, un changement de traitement se justifie : autre
neuroleptique, association d’un thymorégulateur ou élec- 1. Dans les pathologies organiques
troconvulsivothérapie. Le traitement est celui de la cause. Le protocole de traite-
L’association à un thymorégulateur peut se justifier dans ment de l’accès maniaque dans ce cadre est le même que
le traitement de l’accès lui-même. Sa poursuite ultérieure, celui d’un accès maniaque d’une maladie maniaco-dépres-
dans un but prophylactique, devra être discutée avec le sive. Cependant, dans le cas d’une pathologie cérébrale
patient. Une telle prescription ne se conçoit en effet que concomitante, les traitements psychotropes sont moins bien
dans le cadre d’une alliance thérapeutique dans laquelle le tolérés et peuvent notamment induire plus fréquemment
malade accepte un traitement au long cours à visée pré- des états confusionnels. Concernant les thymorégulateurs,
ventive. il serait plus adapté dans cette indication d’utiliser les anti-
Les sismothérapies sont réservées aux formes sévères ou convulsivants en première intention plutôt que la lithothé-
résistantes aux traitements neuroleptiques. rapie.

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2. En cas de pathologie iatrogène


Si le produit en cause peut être interrompu, on traitera le diagnostic) soit au cours d’une pathologie
trouble de l’humeur selon les mêmes modalités que dans organique, soit induit par des substances
la maladie maniaco-dépressive. pharmacologiques (un examen médical doit être
réalisé surtout devant des signes de la série
Dans la schizophrénie confusionnelle).
Lorsque les oscillations de l’humeur sont importantes • Le traitement est syndromique et, à plus long
(formes dysthymiques de schizophrénie) les thymorégula- terme, repose sur le cadre diagnostic dans lequel
teurs peuvent être associés avec les neuroleptiques, pres- l’épisode est survenu.
crits au long cours. • Dans la maladie maniaco-dépressive le
Son efficacité sur les rechutes est moindre que dans la mala- traitement au long cours est préventif des
die maniaco-dépressive et elle n’a aucune action sur les rechutes : c’est le traitement thymorégulateur.
signes schizophréniques. ■ • Dans la schizophrénie, le traitement est celui de
la schizophrénie auquel il faut associer un
thymorégulateur.
• Dans les pathologies organiques, le traitement et
le pronostic sont liés aux possibilités
Points Forts à retenir thérapeutiques de la maladie en cause.

• La reconnaissance d’un syndrome maniaque


repose sur une tétrade symptomatique (trouble de
l’humeur, accélération psycho-motrice, insomnie, SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE
troubles de contenus de pensée).
• Le tableau peut être « pur » c’est-à-dire ne
Conduite à tenir devant un état maniaque
comporter que des signes de la série thymique. Il
– L’hospitalisation est en règle nécessaire du fait des troubles du com-
n’est pas toujours de reconnaissance facile car il portement comportant des risques (conséquences socio-profes-
peut prendre de nombreux masques. Il peut être sionnelles possibles) et de l’absence habituelle de reconnaissance des
très polymorphe dans son expression troubles par le patient.
symptomatique ou variable dans son intensité – Le traitement associe diversement neuroleptiques et (ou) thymo-
régulateur ou sismothérapie en fonction de la forme clinique, de l’in-
faisant douter du diagnostic syndromique. Chacun tensité de la symptomatologie et de l’étiologie du trouble.
de ses masques (forme délirante, forme mixte, – À plus long terme, le traitement dépend du cadre diagnostic dans
hypomanie) possèdent une spécificité évolutive qui lequel l’accès maniaque s’inscrit. En cas de maladie maniaco-dépres-
implique des mesures thérapeutiques spécifiques. sive bipolaire, le traitement est préventif et thymorégulateur. La mise
• Des syndromes d’allure maniaque peuvent en route d’un tel traitement au long cours, non plus curatif mais pré-
ventif, impose l’acceptation du patient et ne peut se concevoir que
s’observer soit dans le cours d’une schizophrénie dans le cadre d’une alliance thérapeutique.
(des signes schizophréniques évoquent le

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