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Endocrinologie - Métabolisme - Nutrition

B 339

Cancers de la thyroïde
Anatomie pathologique, diagnostic
Dr Jean-Michel ANDRIEU, Dr Line BALDET, Pr Claude JAFFIOL
Service d’endocrinologie, CHU, hôpital Lapeyronie, 371, av. du doyen G.-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5

Points Forts à comprendre Dans 80 % des cas, il existe une inclusion correspondant
à une invagination du cytoplasme. On observe souvent des
concrétions calcaires appelées psammomes. L’envahisse-
• Le diagnostic de cancer thyroïdien est évoqué ment ganglionnaire est fréquent et précoce. Les adénopa-
devant tout nodule thyroïdien. thies récurrentielles sont les plus fréquentes. Les métastases
• Le développement des techniques ganglionnaires sont présentes chez 25 à 30 % des patients
échographiques fait que l’incidence de ces nodules au moment du diagnostic. L’invasion vasculaire est plus
est de plus en plus importante or le pourcentage de rare, les métastases viscérales s’observent chez 5 à 17 %
cancer est faible. des malades, principalement dans les poumons et le sque-
• Aucun examen ne permettant de déterminer avec lette.
une certitude absolue la malignité ou la bénignité • Formes histologiques variantes : 15 à 20 % des cancers
d’un nodule, lorsqu’existe une suspicion clinique, papillaires ont des caractéristiques histologiques moins
seule l’intervention chirurgicale assurera le typiques mais sont classés comme cancers papillaires en
diagnostic. raison de leurs caractéristiques nucléaires. On distingue
ainsi :
– le cancer papillaire sclérosant diffus : rare, observé pré-
férentiellement chez le sujet jeune, il s’étend à tout un lobe
voire à l’ensemble de la thyroïde. L’aspect peut évoquer
Le cancer thyroïdien représente une pathologie tumorale une thyroïdite. On observe une infiltration tumorale dont
assez rare, de pronostic favorable dans les formes diffé- le caractère papillaire peut être difficile à affirmer en rai-
renciées lorsqu’elles sont précocement prises en charge. son d’une métaplasie malpighienne ;
D’où l’intérêt d’un diagnostic précoce et d’une confirma- – le carcinome papillaire de forme vésiculaire : on décrit
tion anatomo-pathologique précise pour engager rapide- deux sous-types : la forme macrovésiculaire encapsulée, faite
ment la thérapeutique adéquate. d’un mélange de grandes vésicules d’allure normale et de
petites vésicules d’allure tumorale, de bon pronostic et la
Anatomie pathologique forme folliculaire diffuse atteignant toute la thyroïde et s’ac-
La classification utilisée est celle préconisée par l’Organi- compagnant d’un taux élevé de métastases viscérales ;
sation mondiale de la santé ; elle repose essentiellement sur – le carcinome papillaire à cellules hautes : les cellules sont
des données morphologiques (tableau I). deux fois plus hautes que larges, le cytoplasme est granu-
leux, éosinophile, abondant. Observé surtout chez le sujet
Cancers différenciés d’origine vésiculaire âgé, il représente 5 à 10 % des cancers papillaires. Le pro-
nostic serait péjoratif ;
Deux formes histologiques de cancers différenciés sont – le carcinome à cellules oncocytaires : il représente
individualisées : les cancers papillaires et les cancers vési- 3 % des carcinomes thyroïdiens. L’architecture est papil-
culaires. laire le plus fréquemment. Les noyaux sont sombres,
1. Cancer papillaire de la thyroïde nucléolés, irréguliers, les facteurs pronostiques sont iden-
• Forme histologique habituelle : ce sont des tumeurs tiques à ceux des papillaires courants. Il survient à un âge
malignes épithéliales, de souche vésiculaire, typiquement plus avancé ;
constituées de formations papillaires et (ou) vésiculaires et – le carcinome à cellules cylindriques : exceptionnel et de
comportant des modifications nucléaires caractéristiques. pronostic sombre ;
Macroscopiquement, ces cancers se présentent comme des – le microcarcinome papillaire : tumeur de moins de 1 cm,
tumeurs dures, blanchâtres et invasives. Parfois kystiques soit symptomatique découvert lors de l’exploration d’un
(10 %), ils sont souvent multifocaux et bilatéraux avec une nodule, soit occulte de découverte fortuite. Histologique-
fréquence qui varie selon les séries. ment d’architecture vésiculaire ou papillaire, plusieurs
Microscopiquement, on observe des papilles et des vési- sous-types sont définis en fonction du mode d’encapsula-
cules. Chaque papille est formée par un axe conjonctivo- tion et de croissance. Très souvent métastasé au moment
vasculaire bordé de cellules dont les noyaux apparaissent du diagnostic, l’atteinte ganglionnaire dépend de l’invasi-
chevauchant, fissurés, clairs au centre, dits en verre dépoli. vité, de la multifocalité et de la taille de la tumeur.

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2. Carcinomes vésiculaires Macroscopiquement il se présente comme une tumeur de


Tumeurs malignes épithéliales, de souche vésiculaire qui taille variable, souvent localisée à la jonction des tiers supé-
ne présentent pas les caractéristiques cytologiques des can- rieur et moyen des lobes thyroïdiens. Bien limitée, elle peut
cers papillaires. parfois présenter un aspect infiltrant et envahir les tissus
adjacents.
• Forme histologique habituelle : macroscopiquement, les
carcinomes vésiculaires se présentent sous la forme d’un Microscopiquement la forme typique représente 80 % des
nodule isolé, unique dans 90 % des cas, ferme et de colo- lésions. Les cellules sont rondes ou polyédriques. Les
ration beige. Ils peuvent être kystiques, multifocaux. mitoses sont rares. Certains noyaux présentent une inclu-
sion cytoplasmique intranucléaire. Les granules neurosé-
Microscopiquement, du fait d’un important degré de res-
crétoires sont mis en évidence en microscopie optique ou
semblance avec la thyroïde normale, le diagnostic anatomo-
par l’existence d’un immunomarquage positif pour la
pathologique est difficile, il n’existe en effet aucun critère
chrommogranine. Le stroma tumoral, parfois émaillé de
cellulaire formel permettant d’affirmer la malignité. On
calcosphérites est fait d’un mélange de substance hyaline
distingue :
et amyloïde. Il existe une immunoréactivité pour la calci-
– le carcinome vésiculaire à invasion minime : il représente tonine.
plus de 50 % des cancers vésiculaires. Histologiquement,
Il existe des variantes intéressant soit l’aspect des cellules
il s’agit d’un nodule hypercellulaire, trabéculaire ou micro-
qui peuvent être oxyphiles ou géantes, soit le matériel sécré-
vésiculaire. Le diagnostic de malignité repose sur la décou-
toire qui peut être du mucus ou de la mélanine. Dans les
verte de signes d’invasion des vaisseaux et (ou) d’infiltra-
formes très indifférenciées, c’est la positivité de l’immu-
tion de la capsule ;
nomarquage pour la calcitonine ou l’antigène carcino-
– le carcinome vésiculaire largement invasif : le diagnostic embryonnaire (ACE) qui permet le diagnostic.
de malignité est plus facile en raison de l’important enva-
hissement vasculaire, thyroïdien ou extrathyroïdien. Parfois Autres tumeurs
bien différenciées, les cellules sont le plus souvent atypiques
avec une anusocaryose et une activité mitotique élevée. 1. Lymphomes de la thyroïde
Le cancer vésiculaire se dissémine par voie hématogène, Ils représentent 2 % des lymphomes extra-ganglionnaires
plus rarement lymphatique. Les sites métastatiques préfé- et moins de 5 % des tumeurs malignes de la thyroïde. Il
rentiels sont le poumon, l’os et plus rarement le cerveau. s’agit de lymphomes diffus, à grandes cellules, de type B
• Variantes du cancer vésiculaires et d’origine centro-folliculaire. Ils sont confirmés par les
– Cancer vésiculaire à cellules oxyphiles (cellules de marqueurs des lymphocytes B. La majorité se développent
Hurthle) : les cellules oxyphiles sont de grandes cellules à partir d’une thyroïdite auto-immune.
polyédriques à cytoplasme abondant très riche en mito-
chondries, éosinophile et granuleux. Les noyaux sont aty-
piques ; TABLEAU I
– Les carcinomes peu différenciés et carcinomes insulaires :
leurs caractères morphologiques et évolutifs sont intermé- Formes histologiques
diaires entre ceux des carcinomes différenciés et anapla- des cancers de la thyroïde
siques. Très invasifs, la différence avec les tumeurs ana- en fonction de leurs fréquences
plasiques est liée à la présence d’images tantôt vésiculaires
tantôt papillaires. • Cancers différenciés de la thyroïde (70 %)
Cancer papillaire (60 à 80 %) :
Cancer anaplasique – forme histologique habituelle
– papillaire de forme vésiculaire
Très agressif, il correspond au stade terminal de la dédiffé- – papillaire sclérosant diffus
renciation d’une tumeur vésiculaire. Il représente de 5 à – à cellules hautes
15 % des cancers de la thyroïde, il est plus fréquent dans les – à cellules oncocytaires
régions où domine la carence iodée. La tumeur est volumi- – à cellules cylindriques
neuse, hémorragique, infiltrant thyroïde et tissus adjacents. Cancer vésiculaire (20 à 40 %) :
Les cellules sont fusiformes, polygonales, géantes. L’im- – forme histologique habituelle :
munohistochimie permet d’éliminer un lymphome, un can- . à invasion minime
cer médullaire ou un cancer vésiculaire indifférencié. L’ex- . largement invasif
tension est locale, avec envahissement des structures du cou. – à cellules oxyphilles (cellules de Hurthle)
– carcinome insulaire
Les métastases pulmonaires sont les plus fréquentes.
• Cancer médullaire de la thyroïde (7 %)
Cancer médullaire de la thyroïde • Cancer anaplasique (15 %)
Il se développe à partir des cellules C parafolliculaires et • Autres tumeurs rares
représente 5 à 8 % des cancers de la thyroïde. On décrit la – Lymphome de la thyroïde (5 %)
– Fibrosarcome primitif de la thyroïde
forme sporadique survenant à tout âge et la forme fami- – Tératrome malin
liale qui représente 20 à 30 % des cancers médullaires de – Métastases intrathyroïdiennes
la thyroïde.

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2. Fibrosarcome primitif de la thyroïde fique. L’examen général recherche des signes d’hyper- ou
La distinction avec le cancer anaplasique est difficile. d’hypothyroïdie et d’éventuelles contre-indications à la chi-
rurgie.
3. Tératomes
3. Examens complémentaires
Ils sont très souvent malins chez l’adulte.
Les nodules thyroïdiens sont très fréquents ; seuls 5 à
4. Métastases intra-thyroïdiennes 10 % d’entre eux sont cancéreux. La difficulté va donc rési-
Très fréquemment observées lors d’autopsies, elles peu- der dans la sélection des patients à opérer. Aucun examen
vent révéler un cancer en particulier rénal. ne va apporter une certitude diagnostique mais parmi eux,
la cytoponction apporte actuellement le plus d’informa-
Diagnostic tions. Seul l’examen anatomo-pathologique de la pièce opé-
ratoire permet un diagnostic de certitude.
Forme typique : le nodule thyroïdien • Examen cytologique du produit de ponction à l’aiguille
fine : la cytoponction, effectuée avec une aiguille fine, avec
1. Circonstances de découverte ou sans aspiration à la seringue, à raison de 3 ponctions par
et signes fonctionnels nodule, réalisée par un médecin expérimenté, interprétée
Dans sa forme typique, il s’agit d’une tuméfaction cervi- par un cytologiste entraîné, est l’examen le plus fiable, avec
cale antérieure, d’apparition récente répondant au nodule une sensibilité et une spécificité proche de 95 %. Les pré-
thyroïdien. Le diagnostic est souvent fortuit lors d’un pal- lèvements sont classés soit bénin, soit malin ou douteux.
per cervical ou lors de la réalisation d’une échographie cer- Les facteurs limitants sont un pourcentage incompressible
vicale. L’interrogatoire recherche les facteurs de risques de de prélèvements non contributifs (10 à 15 %) et la grande
cancer de la thyroïde (tableau II), l’âge du patient, l’exis- difficulté à poser le diagnostic de malignité pour les
tence de signes de compressions (œsophagienne, trachéale, tumeurs vésiculaires différenciées. La ponction peut être
récurrentielle, veineuse), le mode d’apparition et l’évolu- guidée sous échographie.
tion du volume du nodule. • Échographie thyroïdienne : cet examen permet de déter-
2. Examen clinique miner avec précision la position du nodule au sein du corps
thyroïde et ses dimensions. La nature liquidienne, solide ou
L’examen clinique débute par l’inspection puis la palpa- mixte du nodule sera précisée de même que son iso-, hypo-
tion du cou en se plaçant derrière le patient, tête en exten- ou hyperéchogénicité par rapport au reste du parenchyme.
sion. Il faut apprécier le nombre, la taille et la consistance Les limites, nettes (halo clair) ou non du nodule doivent être
des nodules. On recherche la présence d’adénopathies évaluées. Enfin il est indispensable que les aires ganglion-
jugulo-carotidiennes. Les arguments cliniques en faveur de naires soient explorées, permettant parfois la mise en évi-
l’origine cancéreuse du nodule sont présentés dans le dence d’adénopathies non palpables. Cette exploration n’ap-
tableau II. Toutefois, aucun de ces éléments n’est spéci- porte cependant pas d’élément de certitude en faveur de la
malignité. Toutefois les formations kystiques parfaitement
TABLEAU II délimitées par une capsule et totalement anéchogènes peu-
vent être considérées comme bénignes. Le nodule plein est
Arguments en faveur plus suspect s’il est hypoéchogène et de contours irréguliers.
de l’origine maligne d’un nodule La présence d’adénomégalies de plus de 1 cm de diamètre
est un élément qui doit inciter à faire pratiquer l’exérèse. Les
• Antécédents microcalcifications ont été rapportées comme l’expression
– Irradiation cervicale dans l’enfance échographique des calcosphérites des cancers papillaires,
– Antécédents familiaux de cancer médullaire ou papillaire mais cela n’a aucune valeur de certitude. L’écho-doppler per-
– Âge < 20 ou > 60 ans met d’individualiser les nodules peu vascularisés avec encor-
– Sexe masculin bellement vasculaire périphérique (apparemment bénin) des
– Taille du nodule > 3 cm nodules richement vascularisés en leur sein considérés
– Polypose colique comme suspect.
• Caractéristiques du nodule L’échographie a une grande sensibilité pour détecter des
– Augmentation de taille, notamment sous traitement nodules non palpables à côté de la formation tumorale cli-
freinateur de la TSH niquement individualisée. Leur découverte a un intérêt pour
– Consistance ferme ou dure, irrégulière la stratégie chirurgicale et la conduite thérapeutique s’il
– Fixation aux tissus avoisinants s’agit de lésions bénignes, appelant la mise en route d’un
– Sensibilité traitement freinateur.
• La scintigraphie, réalisée avec l’iode ou le Tc-99m, dif-
• Autres férencie les nodules froids ne fixant pas le traceur des
– Adénopathies cervicales
– Dysphagie, voix rauque
nodules chauds. Pour tout nodule à TSH normale, la scin-
– Diarrhée, flush tigraphie avec ce type de traceur ne présente plus grand
intérêt. Sa spécificité est effectivement trop basse. Les
nodules froids sont cancéreux dans 10 % des cas. Le carac-

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tère chaud ne permet pas d’exclure ce diagnostic (1 à 4 % d’anticorps anti-thyroglobuline ou anti-calcitonine assure-
de ces nodules seraient cancéreux). ront le diagnostic.
D’autres traceurs sont en cours d’évaluation comme le thal- 4. Formes évoluées
lium dont la spécificité pour la détection des nodules can-
céreux serait proche de celle de la cytoponction. Cepen- Il s’agit de formes histologiquement non différenciées, qui
dant le coût élevé de ce marqueur radioactif ne permet pas peuvent se présenter sous la forme d’une tuméfaction cer-
son utilisation de première intention pour explorer un vicale mal limitée, fixée aux structures de voisinage, défor-
nodule thyroïdien. mant le cou. Révélées par des signes de compressions, la
• La résonance magnétique nucléaire a fait l’objet de tra- radiographie cervicale recherche une déviation trachéale,
vaux confirmant son intérêt pour l’analyse du tissu thyroï- l’ingestion de baryte permet de mettre en évidence une
dien. Cependant sa spécificité qui n’est pas absolue et son compression œsophagienne extrinsèque. Les métastases
coût ne permettent pas de proposer systématiquement la osseuses et pulmonaires sont souvent présentes d’emblée.
réalisation de cet examen devant tout nodule thyroïdien. 5. Cancer de l’enfant
Lorsque la suspicion de malignité est forte cet examen per-
met l’analyse des rapports de la tumeur avec les organes Exceptionnel, il s’agit d’un cancer papillaire après irra-
de voisinage sans nécessiter une injection iodée ce qui est diation (Tchernobyl) ou de cancer médullaire de la thy-
le cas pour le scanner. roïde dans le cadre des tumeurs endocrines multiples de
type 2 (NEM2).
• Biologiquement, l’augmentation de la thyrocalcitonine
et de l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) est évoca- 6. Forme histologique
trice de cancer médullaire. Le dosage préopératoire de la • Le cancer médullaire de la thyroïde, cancer sporadique
thyrobloguline n’apporte aucun élément diagnostique. Le et cas index familial, est révélé par un nodule thyroïdien
dosage de la TSH renseigne uniquement sur le caractère avec fréquemment des métastases ganglionnaires au
fonctionnel de la thyroïde. moment du diagnostic. Les métastases à distance sont pré-
• L’examen extemporané constitue un temps essentiel de sentent dans 25 % des cas. On suspecte un cancer médul-
la démarche diagnostique en orientant le geste chirurgical laire de la thyroïde devant la localisation du nodule au
vers une attitude conservatrice ou radicale (thyroïdectomie niveau de la jonction tiers supérieur/tiers moyen du lobe
totale) en cas de cancer confirmé. Il doit être toujours pra- thyroïdien, son caractère sensible ou douloureux à la pal-
tiqué même si la cytoponction affirme le caractère malin. pation douce, sur l’existence d’une diarrhée motrice ou de
flush, sur des antécédents familiaux de tumeurs thyroï-
Formes cliniques dienne, de phéochromocytome. Le diagnostic est confirmé
1. Cancer révélé par une adénopathie cervicale par le dosage de la thyrocalcitonine.
isolée • Les tumeurs endocrines multiples de type 2 (NEM2) cor-
respondent à une maladie génétique à transmission auto-
Les principales voies de drainage sont les chaînes pré- et somique dominante, caractérisée en fonction du sous-type
latéro-trachéales, la partie basse de la chaîne jugulo-caro- clinique pour un cancer médullaire de la thyroïde souvent
tidienne, la chaîne cervico-transverse superficielle, au révélateur, un phéochromocytome et (ou) une hyperpara-
niveau sus-claviculaire ainsi qu’au niveau sous-digastrique thyroïdie.
pour la partie haute du lobe. La palpation thyroïdienne peut L’anomalie génétique responsable des formes familiales
être normale, la ponction de l’adénopathie permet souvent est connue : il existe une mutation somatique du gène RET
le diagnostic. Il s’agit très fréquemment de cancers papil- (voir : pour approfondir / 1). Plusieurs types de mutations
laires. sont décrites permettant de réaliser un dépistage génétique
2. Cancer sur goitre multinodulaire lorsque le cas index est porteur d’une mutation. En l’ab-
sence de mutation, le dépistage repose sur la réalisation
La présence de multiples nodules accroît le risque de can- d’un test à la pentagastrine (0,5 µg/kg de poids corporel).
cer. Tout nodule dont le volume augmente doit être consi- Ce test, parfois responsable de manifestations générales
déré comme suspect. La cytoponction risque de mécon- désagréables, est contre-indiqué chez la femme enceinte,
naître le nodule cancéreux car il paraît impossible de tous l’asthmatique, le coronarien, l’hypertendu sévère. La
les atteindre. réponse normale est un pic inférieur à 30 pg/mL. Une
3. Formes révélées par une métastase réponse supérieure à 100 pg/mL est très suspecte. Une
réponse intermédiaire nécessite une surveillance régulière.
Toute tumeur, apparemment secondaire peut révéler un
cancer de la thyroïde. Cependant, les sites métastatiques Diagnostic postopératoire des métastases
révélateurs les plus souvent rencontrés sont par ordre de
fréquence, le poumon, l’os, le cerveau et très rarement le 1. Cancers différenciés
foie pour les tumeurs épithéliales différenciées. La palpa- Après thyroïdectomie totale, l’élévation persistante de la
tion cervicale associée à une échographie doit faire partie thyroglobuline fait suspecter la présence d’un tissu tumo-
du bilan demandé pour rechercher la tumeur primitive. Si ral. Les profils isotopiques corps entiers, après sevrage en
un accès biopsique ou chirurgical est possible, l’examen hormones thyroïdiennes, utilisant l’iode 131 sont considé-
anatomo-pathologique et l’immunohistochimie à l’aide rés comme l’argument fondamental de repérage des réci-

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dives et métastases. Mais certaines localisations risquent


d’être méconnues soit en raison de la présence simultanée • Le traitement passe par la réalisation d’une
de métastases osseuses et pulmonaires qui vont fixer pré- thyroïdectomie totale avec curage ganglionnaire.
férentiellement l’iode, soit en raison d’une faible différen- Ce geste permet de réaliser une surveillance très
ciation de la métastase. L’échographie cervicale, les explo- rigoureuse de l’évolutivité tumorale grâce
rations par résonance magnétique et tomodensitométrique au dosage de la thyroglobuline.
ont leur place pour la détection de ces lésions secondaires • Le caractère hormono-dépendant des formes
qui ne fixent pas mais aussi certains isotopes comme le différenciées impose la prescription d’un
thallium, le Sesta-MIBI ou la somatostatine marquée par traitement par L-thyroxine à visée substitutive
l’indium (Octréoscan). Une étude récente souligne aussi la et freinatrice de la TSH.
valeur des scintigraphies couplées par le 201 T1 et l’hy- • La possibilité d’apparition de métastases à très
droxyméthylène diphosphonate marqué par le technétium. long terme nécessite une surveillance prolongée
2. Cancer médullaire des patients.
• Enfin, la recherche d’une mutation RET sur
La présence de métastases après l’intervention est suspec- un prélèvement sanguin doit être systématique
tée sur l’élévation persistante de la thyrocalcitonine et (ou) devant tout cancer médullaire de la thyroïde.
de l’endogène carcino-embryonnaire. En l’absence de mar-
queurs isotopiques spécifiques, leur diagnostic repose sur
l’échographie cervicale, la tomodensitométrie ou l’image-
rie par résonance magnétique.

Diagnostic différentiel
POUR APPROFONDIR
C’est celui d’un nodule thyroïdien.
1. Kyste thyroïdien Le proto-oncogène RET, codé par un gène situé en position 10q11-12,
est un récepteur transmembranaire à activité tyrosine kinase, exprimé par
Anéchogène en échographie, la ponction ramène un liquide de nombreuses cellules dérivant de la crête neurale. Son ligand est
citrin et affaisse complètement le nodule. inconnu. Il est constitué de 16 exons. Un spectre de mutations, à l’origine
du développement des différentes associations pathologiques familiales
2. Adénome colloïde caractérisant les tumeurs endocrines multiples de type II (NEM2), a été
C’est la cause la plus fréquente de nodules. Il peut poser établi permettant de retrouver une corrélation génotype phénotype. Ce
gène est aussi impliqué dans les formes familiales de maladie de Hirschs-
des problèmes de diagnostic différentiel difficile avec un prung.
cancer vésiculaire différencié.
3. Nodules des thyroïdites auto-immunes
Le contexte clinique et biologique (positivité des anticorps
antipéroxydase) est évocateur, toutefois certains de ces
nodules peuvent être cancéreux. ■
Points Forts à retenir POUR EN SAVOIR PLUS
Tumeurs de la thyroïde. Martin Schlumberger et Furio Pacini.
Paris : Nucleon, 1997.
• Le terme cancer de la thyroïde regroupe Anatomo-pathologie et histopronostic des carcinomes thyroï-
diens différenciés d’origine folliculaire. C de MICCO. Ann Endo-
plusieurs types histologiques au pronostic bien crinol 1997 ; 58 : 172.
différent. Les cancers différenciés sont les plus Wemeau JL, Bauters C. L’exploration isotopique des cancers thy-
fréquents, notamment les formes papillaires, leur roïdiens : l’éventail s’élargit. Le journal faxé d’endocrinologie. Jan-
pronostic est habituellement excellent. vier 1998.

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