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B 376
Antibiotiques antibactériens
Classification, principes et règles d’utilisation
Pr Eugénie BERGOGNE-BÉRÉZIN
Microbiologie, CHU Bichat-Claude Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18
TABLEAU I
Classification en familles d’antibiotiques *
TABLEAU I (suite)
Classification en familles d’antibiotiques *
Familles Subdivisions Caractéristiques principales
lyse de la cible moléculaire précise de chaque antibiotique bactérienne du fait de la bactériostase permet aux défenses
au sein de cette cellule permettent de classer les antibio- naturelles immunitaires du patient de prendre le relais de
tiques selon ces critères. On distingue 5 principaux méca- l’action de l’antibiotique. Macrolides, chloramphénicol,
nismes d’action. tétracyclines sont classés bactériostatiques. Les antibio-
tiques bactéricides sont ceux capables de tuer la bactérie,
1. Inhibition de la synthèse ce qui s’exprime in vitro par une diminution de l’inoculum
de la paroi bactérienne bactérien, passant par exemple de 105 cfu/mL * à 102 ou 103
β-lactamines, glycopeptides, fosfomycine. cfu/mL après quelques heures de contact d’une concentra-
tion donnée de l’antibiotique identifié comme bactéricide ;
2. Inhibition de la synthèse des protéines chez le patient l’emploi d’antibiotiques bactéricides est
Ce sont les plus nombreux, comprenant notamment les indispensable en présence d’infections sévères, où l’ino-
macrolides, les streptogramines, les tétracyclines, les ami- culum bactérien est élevé (107 à 109 cfu/mL) telles que
nosides (ou aminoglycosides), le chloramphénicol, l’acide méningites ou pneumopathies bactériennes, et lorsque par
fusidique. ailleurs il s’agit d’un patient immunodéprimé. Plusieurs
approches plus modernes interfèrent avec les notions de
3. Inhibition de la synthèse bactériostase et de bactéricidie. Elles font intervenir :
des acides nucléiques • le rôle de l’espèce bactérienne : la réponse bactériosta-
tique ou bactéricide varie selon l’espèce ; ainsi les macro-
Quinolones, rifamycines, nitro-imidazolés. lides, bactériostatiques sur la plupart des bactéries gram-
positives, sont bactéricides sur Borrelia burgdorferi (agent
4. Inhibiteurs de la membrane cytoplasmique
de la maladie de Lyme) et d’autres espèces de Borrelia ;
Peu nombreux, souvent toxiques, actifs exclusivement sur • le rôle des concentrations d’antibiotiques : ce rôle est
les bacilles gram-négatifs, ce sont les polymyxines (colis- démontré par les études de cinétique de bactéricidie
tine). (killing-curves) au cours desquelles on effectue les numé-
rations des colonies bactériennes à des temps successifs
5. Inhibiteurs des folates après mise en contact des concentrations variées de l’anti-
Il s’agit des sulfamides (par analogie de structure avec biotique testé, avec un inoculum fixe. Ces tests in vitro
l’acide para-aminobenzoïque), des diaminopyrimidines montrent pour les β-lactamines, les aminosides et d’autres
(triméthoprime, brodimoprime) qui, associés à un sulfa- produits bactéricides que la réduction de l’inoculum n’in-
mide, bloquent à deux niveaux la chaîne de synthèse des tervient qu’à certaines concentrations, les plus faibles ne
acides nucléiques avec un effet de synergie (association tri- témoignant que d’un effet bactériostatique ;
méthoprime-sulfaméthoxazole). • la vitesse de bactéricidie, paramètre important de l’effet
antibactérien d’un antibiotique : on distingue parmi les anti-
Autres critères de classification biotiques bactéricides, les produits rapidement bactéri-
des antibiotiques cides ; aminosides, fluoroquinolones, dont l’effet est dit
concentration-dépendant ; les antibiotiques lentement bac-
1. Selon l’étendue du spectre téricides dont l’effet est temps-dépendant tels que les
Le spectre d’activité d’un antibiotique est défini par la β-lactamines ou les glycopeptides.
nature et le nombre des espèces bactériennes sur lesquelles Ces données in vitro sont de la plus grande importance pour
il est actif (compte non tenu des souches résistantes parmi l’efficacité de l’antibiothérapie en clinique.
ces espèces, par acquisition d’un mécanisme de résistance).
La distinction en antibiotiques à large spectre (céphalo- Conditions d’activité
sporines de 3e génération) et antibiotiques à spectre étroit
(aztreonam, glycopeptides) est ancienne. Ce concept évo-
d’un antibiotique
lue au sein d’une famille d’antibiotiques en fonction de la Plusieurs conditions générales sont nécessaires pour qu’un
mise au point de « nouveaux » dérivés (pénicilline G : antibiotique puisse exercer son effet antibactérien in vitro
spectre étroit ; aminopénicillines : spectre « élargi » vers les et in vivo.
gram-négatifs) ; en fonction de la mise en évidence de • L’antibiotique doit être présent à des concentrations suf-
« nouvelles » bactéries : exemple des macrolides, classés fisantes dans le milieu biologique (site infectieux) ou en
initialement à spectre étroit, reconnus aujourd’hui comme culture in vitro : son activité antibactérienne sera fonction
recouvrant Chlamydia spp, Bartonella spp, Helicobacter de sa vitesse de pénétration (franchissement des couches
pylori…, témoignant ainsi d’un élargissement du spectre. externes de la cellule bactérienne : capsule, membrane
externe, paroi) ; sa capacité de concentration au contact de
2. Selon les modalités d’action antibactérienne sa cible spécifique intrabactérienne ; son affinité pour la
Les antibiotiques ont été depuis longtemps catégorisés en cible (certaines modifications des cibles, avec perte de cette
antibiotiques bactériostatiques, capables d’inhiber la crois- affinité sont à la base de mécanismes de résistance).
sance des bactéries : in vitro l’inoculum bactérien est iden- • Les bactéries : doivent faire partie du spectre de l’anti-
tique au stade initial du contact antibiotique-bactéries et en biotique et être en phase de multiplication active pour être
fin d’observation (18 à 24 h) ; in vivo la non-multiplication inhibées ou détruites pour la plupart des antibiotiques.
Cependant les fluoroquinolones peuvent être actives sur pour une infection virale qui ne relève pas d’une antibio-
des bactéries « dormantes » (ne se multipliant pas dans un thérapie, soit encore pour une infection bactérienne bénigne
site protégé par une barrière de type glycocalyx : prothèses, qui guérit sans antibiotiques, spontanément ou au moyen
endocardites). de soins locaux appropriés.
• Les phases successives d’action de l’antibiotique sur la
cellule bactérienne comprennent : pénétration et attache- 2. « Terrain » du patient
ment à la cible moléculaire spécifique de l’antibiotique ; • L’âge : le nouveau-né ou le nourrisson et le sujet âgé sont
perturbation d’une fonction bactérienne vitale pour la cel- plus exposés que l’adulte ou le grand enfant à une aggra-
lule bactérienne ; mort de la cellule bactérienne (bactérici- vation ou à l’extension d’une infection initialement
die) ou arrêt de la croissance et de la multiplication (bac- bénigne : otite moyenne aiguë chez le jeune enfant ; infec-
tériostase). tion cutanée streptococcique ou staphylococcique ; infec-
tion urinaire aiguë ; diarrhée infectieuse banale. Ces loca-
Principes et règles d’utilisation lisations doivent être traitées.
Pour répondre à la question « comment choisir et prescrire • Les pathologies sous-jacentes : chez des patients pré-
un traitement antibiotique », les réponses s’établissent à deux sentant des pathologies chroniques cardiaques, respira-
niveaux de décision : la décision de prescrire une antibio- toires, rénales ou atteints de cirrhose ou de déficits immu-
thérapie ; le choix du (ou des) antibiotique(s) à prescrire. nitaires d’origines diverses (infection par le virus de
l’immunodéficience humaine : VIH), ou porteurs de maté-
Décision de prescrire un antibiotique riel étranger (prothèses), une infection commune pourra
rapidement revêtir des signes de gravité qui justifieront une
Il s’agit de la discussion de l’indication qui doit se faire sur
antibiothérapie.
des bases raisonnées et sur un ensemble de critères objec-
tifs. 3. Certaines infections
1. Signes cliniques Chez le sujet antérieurement sain certaines infections impo-
Toutes les fièvres ne sont pas infectieuses et un certain sent une antibiothérapie d’urgence en raison d’un risque
nombre d’infections vues en pratique médicale ne sont pas vital telles que les méningites bactériennes (notamment
d’origine bactérienne. Diverses enquêtes ont montré que accompagnées de purpura fulminans), une fièvre thy-
30 à 50 % des prescriptions d’antibiotiques sont injusti- phoïde, une brucellose, et ce, sans attendre les résultats du
fiées, soit du fait de l’absence d’infection reconnue, soit laboratoire.
TABLEAU II
Arguments de décision d’une monothérapie ou d’une association d’antibiotiques
Monothérapie Associations
Arguments
Indications
TABLEAU III
Principaux risques d’effets secondaires ou toxiques
des antibiotiques