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MOTS CLÉS Résumé La chirurgie des cardiopathies congénitales à l’âge adulte présente des caracté-
Chirurgie cardiaque ; ristiques particulières : la diversité des situations anatomocliniques et la difficulté des
Cardiopathies techniques chirurgicales spécifiques qui sont les plus importantes. L’évaluation préopé-
congénitales ; ratoire revêt une importance particulière. Il s’agit souvent des cardiopathies à deux
Cardiopathies de ventricules réparables encore non réparées dont les communications interauriculaires
l’adulte
(40 %), et parfois des cardiopathies déjà opérées mais nécessitant une réintervention afin
de maintenir le résultat initial et d’éviter la dégradation myocardique et pulmonaire. Les
résultats de la chirurgie sont encourageants en termes de mortalité et aussi en termes de
qualité de vie.
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La spécificité des problèmes posés par cette rendez-vous, à la grande déception du patient, et
population a déjà donné naissance à une spécialité cela malgré l’espoir de prolongation de sa vie.
dans la surspécialité : « GUCH (grown-up congenital Finalement, « l’abstention » constitue une option
heart) medicine ». Il s’agit d’une approche pluridis- relativement fréquente, comme le sont le risque
ciplinaire entraînant la collaboration du cardiolo- élevé ou le bénéfice incertain.
gue pédiatre, du cardiologue adulte et du chirur- La classification en trois groupes des indications
gien cardiaque pédiatrique, ainsi que des chirurgicales fait l’unanimité parmi les spécialis-
spécialistes experts dans la prise en charge psycho- tes.
sociale des patients.3,4
La chirurgie des cardiopathies congénitales à Cardiopathies réparées
l’âge adulte présente des caractéristiques particu-
lières qui la différencient de la chirurgie cardiaque Les cardiopathies réparées (réparation anatomique
congénitale de l’enfant et de la chirurgie cardiaque ou physiologique) dans l’enfance nécessitent par-
des maladies acquises de l’adulte : la diversité des fois une réintervention afin de maintenir le résultat
situations anatomocliniques et la difficulté des initial et d’éviter la dégradation myocardique et
techniques chirurgicales spécifiques sont les plus pulmonaire. Le plus souvent, c’est la détérioration
importantes. La présence d’une atteinte multivis- chronique du résultat initial, plus que la présence
cérale est fréquente chez ces patients, ce qui com- des lésions résiduelles de moins en moins bien
plique l’anesthésie et la période postopératoire.5,6 tolérée, qui est la cause de ces réinterventions. Le
Cette prise en charge doit faire face à de nombreu- Tableau 1 suggère une classification étiologique des
ses difficultés liées au vieillissement des cardiopa- réinterventions.
thies et à leur retentissement physiopathologique
sur beaucoup de fonctions d’organe comme le myo- Cardiopathies réparables
carde, les poumons et l’hémostase. Par exemple,
l’histoire d’un accident vasculaire cérébral, ainsi Il s’agit des cardiopathies à deux ventricules répa-
que la présence d’hypertension artérielle pulmo- rables (réparation anatomique) encore non répa-
naire ou de collatérales systémicopulmonaires in- rées. Le Tableau 2 montre « les cardiopathies asso-
fluencent les techniques d’anesthésie, de circula- ciées d’une survie naturelle à l’âge adulte ».
tion extracorporelle (CEC) et aussi de réanimation
postopératoire. Il est fréquent que la fonction myo- Cardiopathies non réparables
cardique soit altérée par une cyanose chronique
couplée à des conditions hémodynamiques particu- Il s’agit des cardiopathies non réparables, soit dé-
lières augmentant la charge du travail ventricu- pistées précocement et ayant fait l’objet d’investi-
laire.7 La présence de troubles du rythme peut
aussi potentialiser l’insuffisance cardiaque chez Tableau 1 Causes de réintervention à l’âge adulte.
ces patients souvent multiopérés.
Obstruction
• au retour veineux systémique / pulmonaire
• des valvules auriculoventriculaires
• des voies d’éjection ventriculaires
Indications chirurgicales • de la valve aortique ou pulmonaire
Insuffisance valvulaire
• valves auriculoventriculaires
L’évolution spontanée des cardiopathies congénita-
• valves artérielles
les est en général assez bien connue. Les indica-
Déhiscence de cloison
tions chirurgicales doivent prendre en compte le • CIA (Senning-Mustard, Fontan)
risque de mortalité en fonction de la complexité • CIV
des lésions, la difficulté technique de l’interven- • shunt systémicopulmonaire
tion et, surtout, l’état de la fonction cardiaque et Troubles du rythme et de la conduction
pulmonaire ainsi que des systèmes vitaux comme Ischémie myocardique
les reins et le système sanguin. La « qualité de vie » Dysfonction ventriculaire
constitue le deuxième facteur principal à prendre Urgences chirurgicales
en compte lors de la discussion des indications • endocardite
• thrombose
chirurgicales : elle est souvent surestimée par le
• dissection aortique
patient lui-même, d’où l’intérêt des explorations
CIA : communication interauriculaire ; CIV : communication
fonctionnelles. L’amélioration de la capacité fonc-
interventriculaire.
tionnelle après la chirurgie n’est parfois pas au
Chirurgie des cardiopathies congénitales à l’âge adulte 193
gauche-droite, en raison de la surcharge vasculaire Les troubles de coagulation sont fréquents : po-
pulmonaire prolongée. La mesure au cathétérisme lyglobulie, thrombopénie avec risques à la fois
des pressions pulmonaires devra donc être très thrombotiques et hémorragiques, d’où l’impor-
précise, et complétée par celle des résistances tance du bilan d’hémostase en préopératoire.7
vasculaires pulmonaires par le principe de Fick. En Au niveau de l’appareil locomoteur, il faut souli-
effet, au-delà d’une certaine limite, l’indication gner la fréquence de la scoliose, souvent sévère,
opératoire sera récusée, car trop risquée : 8 unités dans les cardiopathies cyanogènes non opérées, et
Wood/m2 pour les CIV. La décision de l’opérabilité la possibilité d’hyperuricémie avec ses conséquen-
d’une CIA reste plus délicate : les patients présen- ces cliniques, par défaut d’excrétion de l’acide
tant des résistances pulmonaires inférieures urique dans le syndrome d’Eisenmenger.
à 10 unités Wood/m2 sont opérables et ceux pré-
sentant des résistances pulmonaires supérieures La fonction hépatique peut également être per-
turbée par une insuffisance cardiaque prolongée,
à 15 unités Wood/m2 sont inopérables. Chez les
ce qui peut aussi retentir sur la coagulation.
patients présentant des résistances pulmonaires
entre 10 et 15 unités Wood/m2, les signes de
l’aggravation récente des résistances pulmonaires
plaideront en faveur d’une intervention. Les nou- Place du cathétérisme interventionnel
veautés dans la prise en charge médicale de l’hy-
pertension pulmonaire (NO, inhibiteurs d’endothé-
line, prostacycline, sildénafil) ont permis d’élargir Dans la dernière décennie, l’évolution thérapeuti-
les indications de fermeture. que a été marquée par le développement extraor-
dinaire des procédés non invasifs liés à la cardio-
logie interventionnelle.13 Ces procédés non
Cardiopathies cyanogènes chirurgicaux sont utilisés en complément ou comme
Que la cyanose soit native ou acquise, comme dans alternative à la chirurgie, soit pour fermer une
la réaction d’Eisenmenger (inversion du shunt dans communication anormale, soit pour éradiquer par
les cardiopathies par shunt gauche-droite avec élé- embolisation une circulation collatérale parasite,
vation irréversible des résistances pulmonaires), le soit enfin pour pratiquer une ouverture ou l’élargis-
retentissement est souvent multiviscéral.7 sement d’un segment vasculaire ou valvulaire oc-
L’atteinte pulmonaire est quasi constante avec clus ou sténosé.14 Le développement le plus récent
et aussi le plus spectaculaire des techniques d’oc-
le temps et peut comporter :
clusion concerne les communications interauricu-
• une élévation des résistances vasculaires pulmo-
laires. Elles sont applicables dans plus de la moitié
naires à rechercher systématiquement avant
des CIA. L’occlusion des canaux artériels ainsi que
toute décision opératoire dans les ventricules
l’embolisation des structures vasculaires (shunts
fonctionnellement uniques : les techniques de
aortopulmonaires, fistules coronarocardiaques...)
dérivation cavopulmonaire totale sont contre-
entrent dans la stratégie de traitement des cardio-
indiquées au-delà de 2 unités Wood/m2 ;
pathies congénitales de l’adulte. La fermeture de
• des fistules artérioveineuses pulmonaires qui
communications interventriculaires est de réalisa-
aggravent la cyanose ;
tion encore difficile et ne s’applique qu’aux CIV du
• une circulation collatérale systémicopulmonaire
septum musculaire. Les CIV résiduelles après chi-
acquise comportant un risque hémorragique pé-
rurgie pourront sans doute être prochainement
riopératoire majeur.
concernées.
L’insuffisance rénale par atteinte glomérulaire
Les méthodes appliquées aux segments vasculai-
est une complication sévère et fréquente des car-
res ou valvulaire sténosés (parfois occlus) se sont
diopathies congénitales cyanogènes vieillies.12
très rapidement développées, remplaçant des ges-
L’atteinte cérébrale comporte deux causes prin- tes chirurgicaux souvent très invasifs. Les implan-
cipales : d’une part les accidents vasculaires céré- tations de stent vasculaire associées aux angioplas-
braux liés, soit à des troubles du rythme cardiaque, ties à ballonnet y trouvent leur principal terrain
soit directement à la cyanose par le biais de la d’application. Les sténoses pulmonaires valvulaires
microcytose, d’autre part, les abcès cérébraux très ou périphériques, le rétrécissement des tubes entre
fréquents et ayant pu passer inaperçus dans l’en- le ventricule droit et les artères pulmonaires, le
fance. La fréquence de ces complications cérébra- rétrécissement aortique valvulaire congénital et la
les et le risque accru d’hémorragie cérébrale au recoarctation de l’aorte constituent les principales
cours d’une CEC justifient un large usage du scan- indications. L’implantation des valves artérielles
ner cérébral dans le bilan préopératoire. est déjà au stade d’expérimentation clinique.
Chirurgie des cardiopathies congénitales à l’âge adulte 195
Cardiopathies congénitales dépistées connexion des veines pulmonaires droites sont les
à l’âge adulte plus fréquentes et généralement associées à une
CIA proche de l’orifice cave supérieur. L’abouche-
ment se fait tantôt de façon échelonnée au bord
La chirurgie des cardiopathies congénitales à l’âge droit de la partie terminale de la veine cave supé-
adulte fait face à un large spectre de malforma- rieure, tantôt directement dans l’oreillette droite.
tions cardiaques, ainsi qu’à des situations anatomo- Plus rarement, l’abouchement des veines pulmo-
cliniques variées. La prise en charge chirurgicale de naires droites se fait dans la veine cave inférieure
certaines de ces pathologies, fréquemment opé- au voisinage de la terminaison des veines sus-
rées à l’âge adulte, est spécifiquement traitée. hépatiques. Les anomalies de drainage des veines
pulmonaires gauches sont plus rares et se connec-
Communications interauriculaires tent au tronc innominé par l’intermédiaire d’une
veine cave gauche.
Les CIA représentaient environ un tiers des cardio- Lorsque le cathétérisme interventionnel n’est
pathies opérées à l’âge adulte avec une prévalence pas possible, la fermeture chirurgicale se fait sous
estimée de 14 à 24 pour 10 000. Le patient reste CEC, presque toujours à l’aide d’un patch (péri-
souvent sans symptôme jusqu’à l’âge de 20 ans. carde, Dacron®, polytétrafluoroéthylène [PTFE]).
Ensuite commencent à apparaître les signes d’une L’anatomie du retour veineux pulmonaire doit bien
défaillance cardiaque et les troubles de rythme. être identifiée. En présence d’une veine pulmo-
L’insuffisance ventriculaire droite et la maladie naire se drainant directement dans la veine cave
vasculaire pulmonaire sont plus tardives, avec un supérieure, celle-ci doit être dirigée, à l’aide d’un
risque d’Eisenmenger inférieur à 10 %. La ferme- patch, vers l’oreillette gauche et, si nécessaire, la
ture chirurgicale arrête la détérioration fonction- veine cave supérieure élargie par un autre patch.
nelle mais n’évite pas l’apparition tardive des trou- La correction d’une CIA de type ostium primum
nécessite la fermeture de la cleft de la valve mi-
bles de rythme.15
trale, tout en veillant à ne pas créer une sténose.
Les progrès du cathétérisme interventionnel per- Selon la préférence de l’opérateur, le sinus coro-
mettent aujourd’hui la fermeture percutanée de la naire peut être laissé du côté gauche ou droit du
majorité des CIA de type ostium secundum avec, septum interauriculaire. La réparation du retour
comparé à la chirurgie, des suites plus simples. La veineux pulmonaire gauche dans le tronc veineux
chirurgie garde sa place pour la fermeture des très innominé peut poser des problèmes techniques : la
larges communications, ainsi que des CIA à locali- confection d’une anastomose directe entre les vei-
sation anatomique particulière, inaccessible à la nes pulmonaires gauches et l’oreillette gauche
fermeture percutanée : sinus venosus, « low » n’est pas toujours évidente du fait de la distance
septal defect, ostium primum. entre les deux structures chez l’adulte. L’utilisa-
L’apparition des symptômes, de l’arythmie ou tion du tronc veineux innominé pour pouvoir
l’histoire d’une embolie paradoxale à retentisse- connecter le retour veineux pulmonaire au moignon
ment neurologique constituent les principales indi- distal de la veine cave supérieure sectionnée est
cations opératoires. Pour la CIA asymptomatique, une solution alternative. L’orifice atrial de la veine
la documentation d’un rapport de débit avec un cave supérieure est, à l’aide d’un patch, tunnellisé
débit pulmonaire égal au moins au double du débit à la CIA (oreillette gauche) et le moignon proximal
systémique constitue une indication de fermeture. de la veine cave supérieure anastomosé à l’auricule
En présence d’hypertension pulmonaire (pression droite. Le tronc veineux innominé est remplacé par
artérielle pulmonaire supérieure aux deux tiers de un tube en PTFE annelé (Fig. 1).
la pression artérielle systémique), la fermeture
sera justifiée avec un rapport de débit de 1,5 ou Tétralogie de Fallot
plus, ou si l’hypertension pulmonaire est potentiel-
lement réversible (biopsie pulmonaire, réponse aux
Il est rare de rencontrer un adulte avec une tétra-
vasodilatateurs pulmonaires).
logie de Fallot non opérée ou seulement avec une
Au plan anatomique, le défaut de la cloison intervention palliative. Il s’agit souvent de patients
interatriale peut être isolé et siéger dans la partie récusés dans le passé à cause d’une anatomie inap-
centrale de la cloison : ostium secundum. Il peut en propriée des artères pulmonaires mais dotés
revanche être situé au voisinage des orifices termi- d’éventuelles collatérales pulmonaires, qui, grâce
naux des veines caves et s’associer à des anomalies à un débit pulmonaire adéquat, leur ont permis
du retour veineux pulmonaire. Les anomalies de d’atteindre l’âge adulte.16 Parfois les parents
196 E. Belli et al.
Études cliniques
Le service de chirurgie cardiaque pédiatrique du
Centre chirurgical Marie Lannelongue a récemment
participé à une étude multicentrique organisée par
les 19 centres membres de la « Fondation euro-
Figure 4 A. Procédé de Maze droit par cryoablation peropéra-
toire ; B. Procédé de Cox-Maze III par cryoablation peropéra-
péenne des chirurgiens cardiaques congénitaux »
toire. dans 13 pays européens.36 Cette étude a analysé les
1 341 patients atteints d’une cardiopathie congéni-
daire à un shunt droite-gauche, soit intra-atriale tale et âgés entre 18 et 78 ans (moyenne : 33,6 ans)
par déhiscence de cloison, soit intrapulmonaire par ayant eu 1 368 interventions chirurgicales cardia-
des fistules artérioveineuses pulmonaires en pré- ques entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre
sence d’une anastomose de Glenn classique (termi- 2001. Les résultats de cette étude ont été présen-
noterminale) isolant le poumon droit du retour tés au 16e congrès de l’ « Association européenne
veineux hépatique. Des thromboses intra-auri- de chirurgie cardiothoracique » (EACTS).
culaires sont possibles du fait de la dilatation im- Les 1 345 interventions validées ont été classées
portante de l’oreillette droite. Chez ces patients, en trois groupes.
la conversion en dérivation bicavo-bipulmonaire
par tube extracardiaque permet d’améliorer la Interventions palliatives
fonction cardiaque et la capacité fonctionnelle. La
chirurgie du flutter (Maze droit) ou de la fibrillation Les interventions palliatives (n = 45, 3,3 %) sont
(Maze-Cox III) auriculaire se fera par cryoablation constituées pour la majorité par des anastomoses
concomitante34,35 (Fig. 4). monocavo-bipulmonaires (Glenn) (35 %) et par la
création (24 %) ou la suppression (13 %) des anasto-
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