You are on page 1of 9

SECTION II - LA REPRODUCTION SELON BOURDIEU.

INTRODUCTION : LES LIMITES DES THEORIES ACTIONNALISTES.

DOCUMENT 7 :

En fait, les agents sociaux, élèves qui choisissent une filière ou une discipline, familles qui choisissent un
établissement pour leurs enfants, etc., ne sont pas des particules soumises à des forces mécaniques et agissant
sous la contrainte de causes; ils ne sont pas davantage des sujets conscients et connaissants obéissant à des
raisons et agissant en pleine connaissance de cause, comme le croient des défenseurs de la Rational Action
Theory (Je pourrais montrer, si J'en avais le temps, que ces philosophies, en apparence totalement opposées,
se confondent en fait puisque, si la connaissance de l'ordre des choses et des causes est parfaite et si Je choix
est complètement logique, on ne voit pas en quoi il diffère de la soumission pure et simple aux forces du
monde, et en quoi, par conséquent, il reste un choix)

SOURCE : P Bourdieu, Raisons pratiques sur la théorie de l’action, Le seuil, 1994.


QUESTIONS :
- Quelles sont les deux conceptions théoriques que Bourdieu rejette ?
- Expliquez la dernière phrase.

- Bourdieu conteste 2 conceptions théoriques :


• une conception strictement déterministe dans laquelle l’individu n’a
aucune liberté de choix , il est manipulé par des forces qui lui échappent
• une conception actionnaliste dans laquelle l’individu est supposé être un
acteur conscient qui opère des choix sous contrainte mais en pleine
connaissance de cause .
• Bourdieu peut alors en conclure que les conceptions déterministes et
actionnalistes paradoxalement conduisent à des résultats comparables :
les individus n’ayant finalement pas plus la capacité d’exprimer des choix
dans l’une que dans l’autre

DOCUMENT 8 :

Si l'on accepte de se livrer à cet exercice de style consistant à comparer la sociologie de Boudon et la
sociologie de Bourdieu [...1, on doit souligner très fortement que, contrairement à ce que répète Boudon, les
deux sociologies sont, l'une comme l'autre, déterministes, holistes et constructivistes.
La sociologie des effets pervers est tout d'abord une sociologie déterministe et non une sociologie de la
liberté. L'acteur rationnel de Boudon n'est évidemment pas libre, puisque son comportement est conditionné
par la logique de la situation : l'acteur est pris dans une structure d'interaction qui lui laisse seulement
l'illusion de la liberté. [...1 L'acteur apparaît d'ailleurs d'autant moins libre que le résultat de sa décision -
Boudon le démontre surabondamment - est, dans la plupart des cas, contraire à ce qu'il recherchait, par la
logique même de l'effet pervers. Quoique par des voies différentes, la sociologie de Boudon ne le cède donc
en rien à celle de Bourdieu quant au déterminisme.
Toutes les deux sont également holistes, puisqu'elles tiennent pour assuré que la structure de l'ensemble
qu'elles considèrent a des propriétés qui ne résident pas dans les éléments de l'ensemble, pris un à un. En ce
sens, Boudon et Bourdieu pourraient être dits « structuralistes » : tous deux pensent que l'agencement des
éléments d'un système a des effets déterminants [...), tous deux admettent que si un seul élément du système
est modifié, l'ensemble du système l'est de ce seul fait.
Enfin, les deux sociologies sont - comme toute sociologie - constructivistes, dans la mesure où toutes deux
vont - quoique là encore de manière extrêmement différente - du rationnel au réel. Elles ne donnent pas la
primauté à l'observation ou à l'enregistrement passif du « réel » (ou de ce qui en apparaît...), mais elles
s'imposent toutes deux de construire des systèmes de relations qui éclairent le fonctionnement du réel social
sans avoir la prétention d'en fournir une description exhaustive.

SOURCE : P Favre: nécessaire mais non suffisante, la sociologie des effets pervers de R Boudon,revue
française de sciences politiques, déc 1980.
QUESTIONS :
- Montrez que malgré les apparences les sociologies de Bourdieu et de Boudon ont des points communs .
- Quelle est le paradoxe de la sociologie de BoudoN ?

• Selon P Favre la sociologie de Boudon est au moins aussi déterministe que


celle de Bourdieu . En effet la sociologie de l’effet pervers est une
sociologie déterministe puisque l’agrégation de comportements individuels
pourtant rationnels conduits à des effets non attendus et non souhaités par
des pseudos acteurs qui sont donc conditionnés par des structures sociales
qu’ils ne contrôlent pas.

I - LA CRITIQUE DU POSTULAT DE L’EGALITE DES CHANCES.

A - LE ROLE DU LANGAGE DANS L’INEGALE REUSSITE SCOLAIRES

DOCUMENT 9 :

Ayant dû réussir une entreprise d'acculturation pour satisfaire au minimum incompressible d'exigences
scolaires en matière de langage, les étudiants des classes populaires et moyennes qui accèdent à
l'enseignement supérieur ont nécessairement subi une plus forte sélection,
et selon le critère même de la compétence linguistique, les correcteurs étant le plus souvent contraints, à
l'agrégation comme au baccalauréat, de rabattre de leurs exigences en matière de savoirs et de savoir-faire
pour s'en tenir aux exigences de forme. Particulièrement manifeste dans les premières années de la scolarité
où la compréhension et le maniement de la largue constituent le point d'application principal du jugement des
maîtres, l'influence du capital linguistique ne cesse jamais de s'exercer : le style reste toujours pris en compte,
implicitement ou explicitement, à tous les niveaux du cursus et, bien qu'à des degrés divers, dans toutes les
carrières universitaires, même scientifiques. Plus, la langue n'est pas seulement un instrument de
communication, mais elle fournit, outre un vocabulaire plus ou moins riche, un système de catégories plus ou
moins complexe, en sorte que l'aptitude au déchiffrement et à la manipulation de structures complexes,
qu'elles soient logiques ou esthétiques, dépend pour une part de la complexité de la langue transmise par la
famille. II s'ensuit logiquement que la mortalité scolaire ne peut que croître à mesure que l'on va vers les
classes les plus éloignées de la langue scolaire, mais aussi que, dans une population qui est le produit de la
sélection, l'inégalité de la sélection tend à réduire progressivement et parfois à annuler les effets de l'inégalité
devant la sélection : de fait, seule la sélection différentielle selon l'origine sociale, et en particulier la sur-
sélection des étudiants d'origine populaire, permettent d'expliquer systématiquement toutes les variations de la
compétence linguistique en fonction -de la classe sociale d'origine et, en particulier, l'annulation ou l'inversion
de la relation directe (observable à des niveaux moins élevés du cursus) entre la possession d'un capital
culturel (repéré à la profession du père) et le degré de réussite.

SOURCE : P Bourdieu, et JC passeron, la reproduction, minuit, 1970.


QUESTIONS :
- De quoi dépend le langage selon P Bourdieu ?
- Quel rôle joue le langage dans la détermination de la réussite scolaire ?
- Explicitez le terme sursélection , comment les enfants de classes populaires compensent-ils leur handicap
de départ, à quel résultat paradoxal arrive t’on en fin de cursus scolaire ?
- Selon Bourdieu le langage représente un capital qui est influencé par le milieu
familial et social (cf. l’analyse vue en cours de Bernstein). Il détermine :
• les capacités de l’individu à déchiffrer des textes
• à manipluler des structures complexes (figures de styles par exemple)
• à s’exprimer dans un styles requis par le système scolaire.
- Tout ceci détermine une mortalité scolaire très inégale suivant la distance de la
famille par rapport au langage requis par l’école.
- On est donc confronté selon Bourdieu à un mécanisme de sursélection :
• la majorité des enfants de classes populaires qui manient une langue
éloignée de celle utilisée à l’école sont éliminés car ils ne correspondent
pas aux attentes des enseignats ( par rapport au style, au vocabulaire,
etc.)
• un minorité qui se sont acculturés obtiennent eux des résultats très bons ,
voire meilleures que ceux des enfants issus des classes supérieures car ils
ont subi une sélection beaucoup plus sévère.

B - LES INEGALITES DE CAPITAL

1 - UN VOLUME DE CAPITAL DIFFERENT SELON LA CLASSE SOCIALE.

DOCUMENT 10 :

Les différences primaires, celles qui distinguent les grandes classes de conditions d'existence, trouvent leur
principe dans le volume global du capital comme ensemble des ressources et des pouvoirs effectivement
utilisables, capital économique, capital culturel, et aussi capital social : les différentes classes (et fractions de
classe) se distribuent ainsi depuis celles qui sont les mieux pourvues à la fois en capital économique et en
capital culturel jusqu'à celles qui sont les plus démunies sous ces deux rapports.
Les membres des professions libérales qui ont de hauts revenus et des diplômes élevés, qui sont issus très
souvent (52,9 %) de la classe dominante (professions libérales ou cadres supérieurs), qui reçoivent beaucoup
et consomment beaucoup, tant des biens matériels que des biens culturels, s'opposent à peu prés sous tous les
rapports aux employés de bureau, peu diplômés, souvent issus des classes populaires et moyennes, recevant
peu, dépensant peu et consacrant une part importante de leur temps à l'entretien de leur voiture et au bricolage
et, plus nettement encore, aux ouvriers qualifiés ou spécialisés, et surtout aux manœuvres et salariés agricoles,
dotés des revenus les plus faibles, dépourvus de titres scolaires et issus en quasi-totalité (à raison de 90,5 %
pour les salariés agricoles et de 84,5 % pour les manœuvres) des classes populaires

SOURCE : P Bourdieu, la distinction, minuit.


QUESTIONS :
- Quels sont les différents types de capital ?
- Sont-ils également répartis dans la population ?

- Bourdieu considère contrairement aux actionnalistes que tous les individus ne sont
pas placés sur un pied d’égalité au départ .En effet contrairement à la conception
méritocratique qui fait dépendre essentiellement de ses mérites et capacité,
Bourdieu constate que :
• Les individus sont inégalement dotés en volume global de capital c’est à
dire en « l’ensemble des ressources et des pouvoirs effectivement
utilisables.
• Il distingue trois types de capital :
+ le capital économique qui consiste en moyens matériels qui
favorisent la réussite scolaire par l’achat de livres , le recours aux cours
particuliers aux voyages linguistiques , etc.
+ le capital culturel c’est à dire le capital linguistique, culturel
accumulé par la famille qui va être transmis continuement aux enfants au
cours de la vie quotidienne, mais aussi par la visite de musées, etc.
+ Enfin le capital social c’est à dire l’ensemble des relations
sociales dont la famille dispose et qui va lui permettre de favoriser l’insertion
des enfants dans des écoles privées dont le recrutement est basé sur la
cooptation ou dans le milieu professionnel.
• Ces 3 types de capital sont corrélés selon Bourdieu qui oppose les
professions libérales ayant de hauts revenus et des diplômes élevés aux
employés de bureaux peu diplômés souvent issus des classes populaires.

2 - LES EFFETS DE LA STRUCTURE DU CAPITAL FAMILIAL SUR


L’INVESTISSEMENT SCOLAIRE.

DOCUMENT 11 :

La propension à investir en travaile et en zèle scolaires ne dépend pas exclusivementdu volume du capital
scolaire possédé : les fractions des classes moyennes les plus riches en capital culturel (les instituteurs) ont
une-propension à investir sur le marché scolaire imcomparablement plus forte que les fractions dominantes
de la classe dominante, qui ne sont pourtant pas moins riches en capital culturel. A,la différence des fils
d'instituteurs qui tendent à concentrer tous leurs investissements sur le marché scolaire, les fils de patrons de
l'industrie et du commerce qui, ayant d'autres moyens et d'autres voies de réussite, ne dépendent pas au même
degré de la sanction scolaire, investissent moins d'intérêt et de travail , dans leurs études et n'obtiennent pas le
même rendement scolaire (la même réussite) de leur capital culturel.
C'est dire que la propension à l'investissement scolaire, : un des facteurs de la réussite scolaire (avec le capital
culturel), dépend non seulement de la réussite actuelle ou escomptée (i.e. des chances de réussite promises à
la catégorie dans son ensemble étant donné son capital culturel) mais aussi du degré auquel la reproduction de
la position de cette classe d'agents dépend - dans le passé comme dans l'avenir - du capital scolaire comme
forme socialement certifiée et garantie du capital culturel. L'intérêt qu'un agent ou une classe d'agents porte
aux "études" dépend de sa réussite scolaire et du degré auquel la réussite scolaire est, dans son cas particulier,
condition nécessaire et suffisante de la réussite sociale. La propension à investir dans le système scolaire qui,
avec le capital culturel dont elle dépend partiellement, commande la réussite scolaire, dépend donc elle-même
du degré où la réussite sociale dépend de la réussite scolaire. Ainsi, étant donné d'une part qu'un groupe
dépend d'autant moins complètement du capital scolaire pour sa reproduction qu'il est plus riche en capital
économique et d'autre part que le rendement économique et social du capital scolaire dépend du capital
économique et social qui peut être mis à son service, les stratégies scolaires (et plus généralement l'ensemble
des stratégies éducatives, même domestiques) dépendent non seulement du capital culturel possédé, un des
facteurs déterminant de la réussite scolaire et par là de la propension à l'investissement scolaire, mais du poids
relatif du capital culturel dans la j structure du patrimoine, et ne peuvent donc être isolées , de l'ensemble des
stratégies conscientes ou inconscientes , par lesquelles les groupes essaient de maintenir ou d 'améliorer leur
position dans la structure sociale.

SOURCE : P Bourdieu, Avenir de classe et causalité du probable, RFS, 1974.


QUESTIONS :
- Quel est le rôle qu’occupe la structure du capital dans la réussite scolaire inégale des enfants
d’enseignants et de patrons, explicitez votre raisonnement.

- Néanmoins selon Bourdieu l’étude du volume du capital doit être complété par une
analyse de sa structure :il oppose alors le comportement des fils d’instituteurs à
celui des fils de patrons :
• les fils d’instituteurs qui sont seulement bien dotés en capital culturel se
caractérisent par une forte propension à investir sur le marché scolaire sur
lequel ils concentrent tous leurs efforts
• les fils de patrons sont bien dotés en capital culturel comme les fils
d’instituteurs , mais ils se distinguent de ces derniers par une forte
dotation en capital économique. Ayant d’autres voies de réussite que
l’école ils ne vont pas concentrer tous leurs efforts dans la réussite scolaire
• Bourdieu peut alors en conclure que : « ainsi étant donné d’une part qu’un
groupe (…) d’améliorer leur position dans la structure sociale »
3- LA RECONVERSION DU CAPITAL ECONOMIQUE EN CAPITAL CULTUREL .

DOCUMENT 12 : 6 p 536.

- Le texte précédent de Bourdieu date de 1974 . Hors au cours des 30 dernières


années on a pu assister à un mouvement de :
• crise du monde des indépendants avec la disparition de nombreuses PME
de l’artisanat et du commerce
• un mouvement de concentration des entreprises
• les fils de patrons de l’industrie et du commerce ne peuvent donc plus
compter uniquement sur la possession d’un capital économique afin de
maintenir sa position sociale
• ils ont donc reconvertis , au moins en partie, leur capital économique en
capital culturel : grace aux diplômes acquis , ils peuvent espérer occuper
des positions élevées voire dirigeantes dans les grands groupes.
• Cette reconversion a un second avantage pointé par Bourdieu : ils peuvent
ainsi « prélever une part des bénéfices des entreprises sous forme de
salaires , mode d’appropriation mieux dissimulé,et sans doute plus sur
que la rente » . La possession d’un diplôme apparaît dans une société
démocratique et égalitaire un mode de sélection plus juste que l’héritage
d’un capital économique »

C- LE ROLE DE L’ETHOS DE CLASSE.

DOCUMENT 12 :

Les attitudes des memores des différentes classes sociales, parents ou enfants, et, tout particulièrement les
attitudes à l'égard de l'École, de la culture scolaire et de l'avenir proposé par les études sont pour une grande
part l'expression du système de valeurs implicites ou explicites qu'ils doivent à leur appartenance sociale. (...)
En fait, tout se passe comme si les attitudes des parents à l'égard de l'éducation des enfants, attitudes qui se
manifestent dans le choix d'envoyer les enfants dans un établissement d'enseignement secondaire ou de les
laisser dans une classe de fin d'études primaires, de les inscrire dans un lycée (ce qui implique le projet
d'études longues, au moins jusqu'au baccalauréat) ou dans un collège d'enseignement général1 (ce qui suppose
que l'on se résigne à des études courtes, jusqu'au brevet par exemple), étaient avant tout l'intériorisation du
destin objectivement assigné (et mesurable en termes de chances statistiques) à l'ensemble de la catégorie
sociale à laquelle ils appartiennent. Ce destin leur est sans cesse rappelé par l'expérience directe ou médiate et
la statistique intuitive des échecs ou des demi-réussites des enfants de leur milieu. (...)
Les ouvriers peuvent tout ignorer de la statistique objective qui établit qu'un fiis d'ouvrier a deux chances sur
cent d'accéder à l'enseignement supérieur, leur comportement se règle objectivement sur une estimation
empirique de ces espérances objectives, communes à tous les individus de leur catégorie. Aussi comprend-on
que la petite bourgeoisie, classe de transition, adhère plus fortement aux valeurs scolaires, puisque l'École lui
offre des chances raisonnables de combler toutes ses attentes en confondant les valeurs de la réussite sociale
et celles du prestige culturel.
À la différence des enfants originaires des classes populaires, qui sont doublement désavantagés, sous le
rapport de la facilité à assimiler la culture et de la propension à l'acquérir, les enfants des classes moyennes
doivent à leur famille non seulement des encouragements et des exhortations à l'effort scolaire, mais un etbos
de l'ascension sociale et de l'aspiration à la réussite à l'École et par l'École. (...)
De façon générale, les enfants et leur famille se déterminent toujours en fonction des contraintes qui les
déterminent. Lors même que leurs choix leur paraissent obéir à l'inspiration irréductible du goût et de la
vocation, leurs choix trahissent l'action transfigurée des conditions objectives. (...)
Si l'on sait en outre "que les idéaux et les actes de l'individu dépendent du groupe auquel il appartient et des
buts ou des attentes de ce groupe' (Lewin), on voit que l'influence du groupe des pairs, qui tend toujours à être
relativement homogène sous le rapport de l'origine sociale - puisque, par exemple, la distribution des enfants
entre les collèges d'enseignement général1, les collèges techniques et les lycées, et, à l'intérieur de ceux-ci,
entre les sections, est très étroitement fonction de la classe sociale des enfants - vient redoubler le handicap
des
plus défavorisés. Lorsqu'on prend en compte l'influence du groupe des pairs,,on oublie souvent d'en
considérer la composition sociale. Or on sait qu'un enfant a toutes les chances de-participer à des groupes
composés d'enfants de son milieu puisque les enfants d'un-même milieu ont les mêmes chances d'être dans un
lycée ou un collège, d'être internes ou externes, de faire des études classiques ou des études modernes et tout
semble en outre suggérer que les groupes électifs se constituent toujours sur la base d'affinités de goûts et de
style de vie liées à l'origine commune : on voit que les influences de ces groupes ne peuvent que redoubler
l'influence du milieu d'origine.
Ainsi, tout concourt à rappeler ceux qui n'ont pas comme on dit, d'avenir, à des espérances "raisonnables",
ou, comme- dit Lewin, « réalistes », c'est-à-dire, bien-souvent, au renoncement à espérer.

SOURCE : P Bourdieu, le partage des bénéfices , minuit, 1966.


QUESTIONS:
- les attitude à l’égard de l’école présentées dans ce texte sont elles rationnelles ?
- Quelles sont selon l’auteur le rôle de la famille, celui du groupe des pairs ?

- Selon Bourdieu , l’individu n’est pas un acteur rationnel qui décide de la poursuite
d’études en fonction d’une analyse coût-bénéfice opérée sous contraintes . En
effet , il écrit : « Les attitudes à l’égard de l’école , de la culture scolaire et de
l’avenir proposé par les études sont pour une grande part l’expression du système
de valeurs implicite ou explicite qu’ils doivent à leur appartenance sociale . En fait ,
tout se passe comme si les attitudes des parents ( … ) étaient avant tout
l’intériorisation du destin objectivement assignée à l’ensemble de la catégorie
sociale à laquelle ils appartiennent » .
- Bourdieu oppose , sur ce point , les enfants d’ouvriers à ceux qui sont issus des
classes moyennes :
• les familles ouvrières ont ,selon Bourdieu , intériorisé même si elles ne les
connaissent pas , les forts risques d’échec de leurs enfants qui cherchent à
accéder à l’enseignement supérieur ( seulement 2 % réussissent ) . Les
parents ne sont pas alors incités à valoriser une poursuite longue d’études ,
craignant les déceptions futures .
• inversement , les enfants issus des classes moyennes ont des probabilités
d’accès aux études supérieures beaucoup plus importantes . Ils vont donc
développer un ethos de classe , basé sur l’ascension sociale et l’aspiration
à la réussite à l’école par l’école . Ils vont donc pousser leurs enfants à
réussir leurs études .
- Sur le même principe , le groupe des pairs joue un rôle essentiel : les jeunes , du fait
de l’homogénéité sociale assez importante des collèges et lycées , ont une forte
probabilité de se retrouver avec des enfants issus de leur groupe social d’origine qui
vont redoubler l’influence du milieu familial , en incitant leurs membres à
développer par rapport à l’école des espérances raisonnables : « c’est-à-dire , bien
souvent , au renoncement espéré » .

CONCLUSION :
Bourdieu peut alors en conclure : « lors même que leurs choix paraissent obéir à
l’inspiration irréductible du goût et de la vocation , leurs choix trahissent l’action
transfigurée des conditions objectives » .

II - L’ECOLE N’EST PAS NEUTRE.

A - LES TITRES SCOLAIRES DE NOUVEAUX TITRES DE NOBLESSES

DOCUMENT 13 :
A:

Si, pour éliminer les classes les plus éloignées de la culture scolaire, les systèmes d'enseignement recourent
de plus en plus souvent aujourd'hui à la « manière douce », pourtant plus coûteuse en temps et en moyens,
c'est que, au titre d'institution de police symbolique, vouée à décevoir chez certains les aspirations qu'elle
encourage chez tous, le système d'enseignement doit se donner les moyens d'obtenir la reconnaissance de la
légitimité de ses sanctions et de leurs effets sociaux, en sorte que des instances et des techniques de
manipulation organisée et explicite ne peuvent manquer d'apparaître lorsque l'exclusion ne suffit plus par soi à
imposer l'intériorisation de la légitimité de l'exclusion.
Ne pouvant invoquer le droit du sang — que sa classe a historiquement refusé à l'aristocratie — ni les droits
de la Nature — arme autrefois dirigée contre les distinctions nobiliaires qui risquerait de se retourner contre la
« distinction » bourgeoise — ni les vertus ascétiques qui permettaient aux entrepreneurs de première
génération de justifier leur succès par leur mérite, l'héritier des privilèges bourgeois doit en appeler
aujourd'hui à la certification scolaire qui atteste à la fois ses dons et ses mérites. L'idée contre nature d'une
culture de naissance suppose et produit la cécité aux fonctions de l'institution scolaire qui assure la rentabilité
du capital culturel et en légitime la transmission en dissimulant qu'elle remplit cette fonction. Ainsi, dans une
société où l'obtention des privilèges sociaux dépend de plus en plus étroitement de la possession de titres
scolaires, l'Ecole n'a pas seulement pour fonction d'assurer la succession discrète à des droits de bourgeoisie
qui ne sauraient plus se transmettre d'une manière directe et déclarée. Instrument .privilégié de la sociodicée
bourgeoise qui confère aux privilégiés le privilège suprème de ne pas s’apparaître comme privilégiés, elle
parvient d’autant plus facilement à convaincre les déshérités qu’ils doivent leur destin scolaire et social àleurs
défauts de dons ou de mérites qu’en matière de culture la dépossession absolue exclut la conscience de la
dépossession.

SOURCE : P BOURDIEU, La reproduction, op cité.

B :3 p 535
QUESTIONS :
- Peut-on dire que la reproduction a disparu dans les sociétés démocratiques ? Explicitez.
- Quel rôle occupe l’autonomie du système scolaire dans la légitimation de la réussite scolaire ?

- Bourdieu oppose l’apparence et la réalité :


• en apparence depuis la Révolution française , la reproduction sociale basée
sur les droits du sang et sur l’idée d’une culture de naissance a disparu
avec l’aristocratie .
• mais on constate , qu’en réalité , même si la bourgeoisie a refusé
d’invoquer les droits du sang ou les droits de la nature afin de justifier sa
place dans la hiérarchie , elle a développer un système de reproduction
basé sur une conception apparemment méritocratique : « l’héritier des
privilèges bourgeois doit en appeler aujourd’hui à la certification scolaire
qui atteste à la fois ses dons et ses mérites »
- l’école occupe donc dans le système de reproduction une place essentielle . L’école
apparaît d’autant plus neutre qu’elle dispose d’une autonomie grande et qu’elle a
mis en place une démocratisation qui assure à tous ( au moins , en apparence ) les
mêmes chances . L’école confère donc à la bourgeoisie , selon BOURDIEU , à la fois :
• « le privilège suprême de ne pas s’apparaître comme privilégié »
• et de « convaincre les déshérités qu’ ils doivent leur destin scolaire et
social à leurs défauts de dons ou de mérites »
• ainsi , le système scolaire est , comme l’indique le dessin , « l’outil de
légitimation sociale et de transmission héréditaire des privilèges » dans
nos sociétés démocratiques : ou comment , en démocratie , l’aristocratie
prend le visage de la méritocratie .

B - LE RACISME DE L’INTELLIGENCE

DOCUMENT 14 :

Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission
du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d'être un capital incorporé, donc apparemment naturel,
inné. Le racisme de l'intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une «théodicée de leur propre
privilège», comme dit Weber, c'est-à-dire une justification de l'ordre social qu'ils dominent. Il est ce qui fait
que les dominants se sentent justifiés d'exister comme dominants ; qu'ils se sentent d'une essence supérieure.
Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l'intelligence est la forme de sociodicée caractéristique
d'une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres
scolaires, sont censés être des garanties d'intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et
pour l'accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les
titres de noblesse.
L'intelligence, c'est ce que mesurent les tests d'intelligence, c'est-à-dire ce que mesure le système scolaire.
Voilà le premier et le dernier mot du débat qui ne peut pas être tranché aussi longtemps que l'on reste sur le
terrain de la psychologie, parce que la psychologie elle-même (ou, du moins, les tests d'intelligence) est le
produit des déterminations sociales qui sont au principe du racisme de l'intelligence, racisme propre à des
«élites» qui ont partie liée avec l'élection scolaire, à une classe dominante qui tire sa légitimité des
classements scolaires.
Le classement scolaire est un classement social euphémisé, donc naturalisé, absolutisé, un classement social
qui a déjà subi une censure, donc une alchimie,une transmutation tendant à transformer les différences de
classe en différences d'«intelligence», de «don», c'est-à-dire en différences de nature. Jamais les religions
n'avaient fait /aussi bien. Le classement scolaire est une discrimination ' sociale légitimée et qui reçoit la
sanction de la science. C'est là que l'on retrouve la psychologie et le renfort qu'elle a apporté depuis l'origine
au fonctionnement du , système scolaire. L'apparition de tests d'intelligence comme le test de Binet-Simon est
liée à l'arrivée dans le système d'enseignement, avec la scolarisation obligatoire, d'élèves dont le système
scolaire ne savait pas quoi faire, parce qu'ils n'étaient pas «prédisposés», «doués», c'est-à-dire dotés par leur
milieu familial des prédispositions que présuppose le fonctionnement ordinaire du système scolaire : un
capital culturel et une bonne volonté à l'égard des sanctions scolaires.- Des tests qui mesurent la
prédisposition sociale exigée par l'école -d'où leur valeur prédictive des succès scolaires- sont bien faits
pour légitimer à l'avance les verdicts scolaires qui les légitiment.

SOURCE : P Bourdieu, questions de sociologie .


QUESTIONS :
- Quand sont apparus les tests d’intelligence, quelle est leur raison d’être, pourquoi peuvent-ils être
assimilés à une forme de racisme de l’intelligence ?

- Bourdieu constate que les tests d’intelligence sont apparus au moment où les
enfants de classes populaires commençaient à poursuivre des études qui avaient
une forte probabilité de déboucher sur un échec . 2 solutions étaient alors
applicables :
• soit l’école développe un enseignement qui n’est pas neutre et qui valorise
la culture bourgeoise ; elle doit alors se réformer afin d’assurer une réelle
égalité des chances
• soit l’échec quasi systématique des enfants des classes populaires
s’explique par une insuffisance de capacités naturelles , c’est-à-dire
d’intelligence
- selon Bourdieu , c’est le second choix qui a été opéré ; les tests d’intelligence ne
peuvent être donc considérés comme des outils neutres et objectifs , puisque :
« l’intelligence c’est ce que mesurent les tests d’intelligence , c’est-à-dire ce que
mesure le système scolaire » .
- Bourdieu peut alors en conclure que les tests d’intelligence sont une forme de
manipulation qui permet aux privilégiés dont « le pouvoir repose , en partie , sur la
possession de titres qui , comme les titres scolaires , sont censés être des titres
d’intelligence » de justifier leur position en se sentant d’une naissance supérieure .
On peut alors parler d’un racisme de classe : « le classement scolaire est un
classement social euphémisé , donc naturalisé , un classement social qui a déjà subi
une censure ( … ) tendant à transformer les différences de classe en différences
d’intelligence , de dons , c’est-à-dire en différence de nature » .

You might also like