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ATELIER THEMATIQUE SUR LE FONCIER RURAL

Bamako, 25-27 août 2005

NOTE INTRODUCTIVE

La Problématique foncière dans le cadre


de la Loi d’Orientation Agricole

Mahamane Dédéou Touré


Juriste Foncier/Décentralisation
Août 2005
1- CONTEXTE GENERAL

Le Mali est un pays en développement qui comme beaucoup d’autres, fonde ses
espoirs de développement économique et social sur une amélioration des
performances du secteur rural (agriculture, élevage, pêche, foresterie, etc.).

La terre est le support premier et la condition indispensable de toute production


agricole. Aussi, c’est à juste raison que la question foncière a été placée en tête de
l’agenda de la Loi d’Orientation Agricole (LOA) en cours d’élaboration.

Au cours de ces quinze dernières années, la question foncière a fait l’objet


d’importantes réflexions et initiatives, notamment : séminaire national sur le foncier
(1991), mise en place de l’Observatoire du foncier au Mali (1993-1997), relecture du
Code Domanial et foncier (2000), processus de concertation sur le foncier rural
(1999-2003), adoption de la loi portant Charte Pastorale (2001), diagnostic
participatif sur le foncier rural mené par l’Association des Organisations
Professionnelles Paysannes (AOPP).

En dépit de tous ces efforts, la question foncière demeure au centre de toutes les
préoccupations et continue de susciter de vives tensions sociales dégénérant parfois
en conflits violents.

Véritable « nœud gardien » de toutes les stratégies de développement rural au Mali,


la question foncière est assurément au centre de tous les débats concernant la LOA.

En se référant au discours prononcé par le Chef de l’Etat lors de la cérémonie de


lancement de la LOA et aux documents de base de la LOA, les principaux éléments
d’orientation qui se dégagent par rapport à la question foncière sont notamment :

- assurer la sécurisation foncière à même de permettre aux exploitants


agricoles d’investir en toute confiance sur des terres dont ils savent qu’ils
continueront à les exploiter sur des périodes justifiant les investissements
consentis ;

- tenir compte à la fois des droits coutumiers et de leur adaptation aux


conditions modernes d’exploitation des terres ;

- permettre une exploitation rationnelle et apaisée des ressources naturelles par


tous les utilisateurs et fournir une assise juridique au droit d’usage des
femmes, des hommes, garantissant à tous la possibilité d’investir à leur profit
et à ceux de leurs enfants et petits enfants ;

- assurer d’obtention des titres fonciers, en particulier dans les zones


aménagées, de façon à garantir l’investissement, la capitalisation et
l’accroissement de la production ;

- renforcer le rôle des organes reconnus de gestion des litiges à tous les
niveaux ;

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- tenir compte des particularités régionales.

2- PROBLEMATIQUE

Aujourd’hui dans le contexte de la LOA, la question de fond en matière de foncier


rural est : comment permettre aux exploitants agricoles d’accéder à des
niveaux plus élevés de sécurité foncière en vue de favoriser l’investissement et
de promouvoir une agriculture durable au Mali.

La notion de sécurité foncière faite référence à une possibilité de jouir de la terre


dans des conditions optimales de garantie juridique et sociale. Le type de sécurité
dont un acteur a besoin dépend d’une part, de sa position sociale et de son insertion
dans les rapports sociaux locaux, d’autre part, du type de production et des
investissements qu’il demande. La demande en termes de sécurité foncière est donc
diverse, appelant des réponses elles-mêmes variées. La propriété privée n’est qu’un
mode de sécurisation. La sécurisation foncière est plutôt relative au processus par
lequel les droits sont reconnus et garantis.

3- ANALYSE DE SITUATION

De manière générale, la situation foncière au Mali reste caractérisée, notamment


par :
- l’absence de politique conséquente,
- un cadre législatif encore inadapté et insuffisant,
- l’insécurité foncière paysanne,
- la marginalisation de certains groupes sociaux,
- la multiplication des conflits.

3.1 Absence de politique foncière conséquente

Force est de reconnaître que jusqu’ici, il n’y a pas encore de véritable politique
foncière dans notre pays.

Au Mali, comme du reste dans nombre de pays de la sous région, le foncier depuis
les indépendances, a fait l’objet d’une gestion plutôt ad hoc. On s’est toujours
contenté de prendre par à coups des textes pour régler telle ou telle question, sans
avoir véritablement de vision globale.

L’initiative loi d’orientation agricole requiert d’avoir désormais une politique foncière
conséquente au Mail.

3.2 Un cadre législatif encore inadapté et insuffisant

Des efforts importants ont été faits au cours de ces dernières années pour améliorer
le cadre législatif en matière de gestion foncière au Mali, avec notamment la
relecture du Code domanial et foncier (CDF) en 2000 et l’adoption de la charte
pastorale en 2001, consacrant pour la première fois une législation spécifique en
matière pastorale au Mali.

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Mais, il n’en demeure pas moins que ce cadre législatif reste encore inadapté et
insuffisant. Si le CDF de 2000 a conféré plus garantie aux droits fonciers coutumiers
qui ne peuvent être désormais remis en cause « que pour cause d’utilité publique et
moyennant une juste et préalable indemnisation », pour le reste ce texte n’a guère
apporté d’autres innovations majeures pour accompagner la dynamique foncière. Et,
il ne s’est pas franchement inscrit dans une logique de gestion décentralisée du
foncier, alors que l’option politique en la matière est claire et paraît certainement plus
prometteuse.

Quant à la charte pastorale, si son avènement même peut-être considéré comme


étant en soi une avancée notable et si les principes fondamentaux qu’elle définit par
rapport notamment aux droits essentiels des pasteurs en matière de mobilité des
animaux et d’accès aux ressources pastorales, sont porteurs d’un développement
durable, là encore, force est de dire que beaucoup de choses restent à faire,
notamment en termes de prise de textes d’application et de vulgarisation, pour
assurer une effectivité du texte.

3.3 L’insécurité foncière paysanne

Aux termes du CDF, la concession rurale est le principal mode légal d’accès à la
terre dans les zones rurales.

Or, l’obtention de la concession rurale requiert des procédures et des coûts que très
peu de ruraux sont à même de satisfaire. Ce qui fait que dans la pratique, la situation
ne profite qu’aux citadins nantis, avec pour corollaire une sorte de spoliation voilée
des ruraux et l’accentuation de leur insécurité foncière.

3.4 La marginalisation de certains groupes sociaux

Pour des raisons socioculturelles, certains groupes sociaux, en particulier les


femmes et les jeunes sont très souvent, plus ou moins marginalisés en matière
d’accès et surtout de contrôle de la terre et des ressources naturelles.

Quelle agriculture durable pourrions nous développés si les femmes qui constituent
plus de la moitié de la population n’ont pas un accès convenable au principal facteur
de production ?

Quelle agriculture durable pourrions nous développés si les jeunes qui constituent la
frange la plus dynamique de la population, n’ont pas un accès convenable au
principal facteur de production ?

3.5 La multiplication des conflits fonciers

Consécutivement à l’amenuisement des terres et à la dégradation des ressources


naturelles résultant des effets conjugués des sécheresses successives et de la
pression démographie, les conflits fonciers depuis plusieurs années ne cessent de
se multiplier au Mali atteignant parfois des seuils de gravité extrême.

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Ces conflits opposent très souvent des exploitants appartenant au même système de
production (pour des revendications de droits de propriété sur des espaces de
production), des exploitants appartenant à divers systèmes de production (en
particulier agriculteurs et éleveurs) et des communautés villageoises entre elles.

Et malheureusement, le dispositif existant actuellement pour la gestion des conflits


fonciers est pour le moins défaillant.

4- AXES STRATEGIQUES

Au regard des analyses faites et des orientations émises par rapport à la LOA, les
principaux axes stratégiques suivants peuvent être dégagés.

4.1 Assurer une sécurité foncière aux exploitants agricoles

4.1.1 La sécurité foncière des exploitants agricoles en milieu peut être envisagée à
travers le développement d’un ensemble d’options et démarches potentiellement
efficaces.

On peut notamment indiquer :

- le plan foncier rural (PFR) : le PFR est un dispositif d’identification des biens, des
personnes et des droits. Son aire d’application est le territoire communal. Car ici, la
quasi-totalité des terres est vouée à l’agriculture et dépourvue de documentation
foncière. Le plan a pour objectif de corriger cette situation, en vue d’un meilleur
contrôle et d’une meilleure gestion des terres.

Sa mise en œuvre suppose que soit exprimé « le relevé des biens faisant l’objet de
droit d’usage et que soient identifiés les bénéficiaires collectifs ou individuels de ces
droits ». Il aura donc à identifier les limites des droits des villages, des droits des
familles, des droits acquis au sein de ces entités soit par des allogènes, soit par des
membres de la famille. L’expérience du plan foncier rural a été tentée (ou en cours)
dans plusieurs pays de la sous région : Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Guinée,

C’est une option qui peut se révéler parfois très coûteuse et très longue. L’idée d’un
plan foncier rural simplifié (ou évolutif) est souvent avancée pour pallier aux
inconvénients indiqués. Dans ce type de plan ne seront inscrites que les parcelles au
sujet desquelles il existe un acte administratif ou contractuel.

- le cadastre : on appelle cadastre un ensemble de documents des propriétés bâties


et non bâties, les limites de ces propriétés, leur statut juridique, l’identité de leurs
propriétaires, l’état de leur mise en valeur et leur valeur locative ou vénale.

Le CDF de 2000 a institué le cadastre au Mali et une opération de sa mise en œuvre


est en cours au niveau des trois communes. La mise en œuvre du cadastre peut
également se révéler longue et coûteuse.

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- les conventions locales de gestion des ressources naturelles : elles fixent des
règles acceptées par les populations et validées par l’administration.

NB : Il importe de souligner que ces différentes options ne s’excluent pas, elles


peuvent se combiner.

4.1.2 La sécurité foncière des exploitants agricoles nationaux et aussi des opérateurs
étrangers désirant investir dans le développement agricole au Mali peut être
également recherchée par la facilitation de l’obtention des titres fonciers, des titres
de concession rurale et des baux à longue durée.

4.1.3 La sécurité foncière des exploitants agricoles doit également être recherchée à
travers le mise en place d’un système plus efficient de prévention et de règlement
des conflits, prenant notamment en compte les instances et les mécanismes de
cause de gestion des conflits.

4.2 Assurer un accès équitable au foncier pour les différents groupes


sociaux

Cela porte notamment sur la prise de mesures conséquentes pour favoriser un


meilleur accès au foncier de groupes vulnérables comme les femmes et les jeunes. Il
pourrait notamment s’agir de mesures de discrimination positive. Par exemple,
institution de quota en faveur des femmes et/ou des jeunes dans les attributions de
parcelles au niveau des zones aménagées sur fonds publics.

4.3 Assurer une gestion décentralisée et durable du foncier

La décentralisation effective de la gestion du foncier devra notamment


passer par :
- une relecture du code domanial et foncier devant notamment se traduire par
l’élaboration d’une loi d’orientation sur le foncier rural qui définirait les grands
principes de gestion au niveau national et laisserait le soin aux collectivités
territoriales de pouvoir prendre des règlements tenant compte de leurs
pratiques locales,
- le transfert effectif des domaines et des compétences de gestion foncière aux
collectivités territoriales.

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