peuvent participer aux révolutions, ils ne les
pensent pas. Puis à trente ans, ils rentrent en
Kali Yuga
Il va se passer, à la fin de cette décennie, un
évènement métapolitique aux conséquences
incalculables : les hommes nés après 1968
entreront dans la force de l’âge.
Cet évènement est crucial pour deux raisons.
La première raison est que les hommes nés
après 1968 sont des mutants. Leur espace
mental supérieur, celui où s’organisent les
représentations structurantes, ne ressemble
en rien à ce qu’était l’espace mental supérieur
des générations précédentes. C’est en effet
que nos parents sont nos images de Dieu, les
souvenirs de notre petite enfance
conditionnent les représentations que nous
nous faisons de la Création, de l’univers, de la
finalité ou de l’absence de finalité de l’Etre.
Or, les hommes nés après 1968 n’ont pas
grandi avec un père assumant son rôle de
père, ni avec une mère parfaitement identifiée
à sa fonction maternelle. Par conséquent, les
générations nées après la révolution sexuelle
n’ont pas intégré les représentations
structurantes que toutes les générations
précédentes avaient intégrées. Ces
générations-là, nées après 1968, ont intégré
une image du père et une image de la mère
très différentes des images traditionnelles.
La deuxième raison est que quarante ans est,
pour parler comme Nietzsche, l’âge de
Zarathoustra. A vingt ans, les hommes et les
femmes crient leur révolte ou bien se
comportent en bons soldats, mais s’ils
eux-mêmes, et ils méditent. Enfin, à quarante
ans, ayant médité, ils passent à l’action –
l’action politique, s’entend.
On peut donc s’attendre, dans la décennie qui
vient, à voir s’enclencher des mécanismes tout
à fait inédits. Il est évidemment impossible de
savoir avec certitude ce que seront ces
mécanismes – justement parce qu’il n’y a pas
de précédent. Mais ce qui est certain, c’est
que nous risquons d’assister à une secousse
gigantesque – la réplique, à quarante ans de
distance, de la grande révolution mentale des
années 70. Et tous les sismologues vous le
confirmeront : les répliques sont parfois plus
dévastatrices que la première secousse.
La légalisation de l’avortement, au début des
années 70, n’a pas seulement fait augmenter
de manière significative le nombre des
avortements, elle a surtout modifié en
profondeur l’échelle des valeurs. C’est une
chose de tolérer hypocritement des choix
individuels en théorie réprouvés. C’est tout à
fait autre chose de graver dans la loi le
principe selon lequel une mère peut choisir de
tuer son enfant.
Ce principe cautionne en effet l’idée selon
laquelle si l’enfant vit, c’est parce que sa mère
l’a décidé. En vertu de ce principe, l’enfant est
donc la chose de la mère. Ce n’est plus la
mère qui se doit à l’enfant, mais l’enfant qui,
symboliquement, est la propriété de sa mère.
Tel est le schéma mental intégré par les
enfants nés après la légalisation de
l’avortement : leur mère ne se devait pas à
eux, ils sont donc chosifiés par elle. Le lien
symbolique fondateur de la mécanique du
don, et de la libération par le don, ce lien
fondateur de l’humanité elle-même, telle
qu’elle est le Verbe incarné, tel qu’Il se donne
à voir sur des millions d’icônes et dans des
milliers d’églises, ce lien est brisé . Voilà ce qui
c’est passé dans les années 70, et il faut en
prendre la mesure.
Je ne pense pas que les gens qui
déclenchèrent l’affaire, il y a quarante ans, se
rendaient compte de ce qu’ils faisaient en
réalité . Il faut se remettre dans l’ambiance de
ces années-là pour comprendre ce qui s’est
passé. C’était l’époque des soixante-huitards
triomphants, le temps des cathos post-
conciliaires persuadés d’avoir la science
infuse… Tout, alors, semblait plaider en faveur
d’une « libération » des mœurs dont on
n’avait pas encore compris qu’elle ne serait
pas seulement la libération de l’homme, mais
aussi et surtout la libération de quelque chose
à l’intérieur de l’homme.
Sur le moment, derrière le slogan féministe «
mon ventre m’appartient », on ne voulut voir
que l’émancipation de la femme. Raison pour
laquelle les gauchistes de toutes obédiences
se ruèrent à la curée, sans réaliser quelle belle
arnaque c’était. En réalité, loin d’être
subversive, la démarche confortait les
nouveaux fascismes. Dans l’ordre des
représentations inconscientes, la destruction
symbolique du lien de filiation paternel,
l’établissement d’un matriarcat oppressif
appuyé sur la menace symbolique de
l’avortement, tout cela arrangeait bien les
milieux dirigeants. Il s’agissait de préparer le
démantèlement des anciennes structures
sociales, freins à l’expansion du système
capitaliste et consumériste, frein au pouvoir
des détenteurs du capital .
Ne vous y trompez pas, tel était bien le fond
de l’affaire : en affirmant que son ventre lui
appartenait, la femme revendiquait l’usus, le
fructus et même l’abusus d’un outil de
production biologique crucial pour l’ensemble
de l’humanité. Sur le plan symbolique, c’était
la porte ouverte à la privatisation du devenir
humain. La possession de l’outil de production
était réputée valoir droit sur son utilisation, un
droit qui légitimait tout, et même que la
volonté du propriétaire aille contre l’ordre du
monde et les nécessités de la vie. En germe,
derrière le féminisme avorteur des années 70,
il y avait la marchandisation intégrale des
rapports humains.
C’était donc une belle et bonne arnaque, cette
libération sexuelle, et le fait est que les
maîtres du système, sur le moment, furent
bien heureux d’avoir vendu cette ânerie aux
gauches du monde entier – afin qu’elles
oublient la lutte des classes, entre autre
choses. Seulement, et c’est là que l’affaire va
se corser, les dirigeants d’alors auraient bien
fait de se souvenir du dicton fameux : « quand
on soupe avec le Diable, il faut se munir d’une
longue cuillère »…
Ce qui nous ramène aux hommes qui auront
quarante ans en 2008.
Ces hommes-là ont intégré une image de la
femme qui n’est pas normale du tout .
Beaucoup d’entre eux ont grandi sous la
coupe d’une mère abusive. Beaucoup d’entre
eux vont arriver à la quarantaine sans être
stabilisé par un foyer, qu’ils n’ont jamais pu
fonder. Beaucoup d’entre eux ont acquis la
certitude inconsciente que l’autre sexe est
ennemi, qu’il n’est pas la racine de l’avenir,
celle qui donne la vie, celle par qui passe la
vie, mais au contraire l’obstacle à surmonter,
la matrice qui se refuse, la racine de la mort, la
Lilith originelle. Bien qu’ils n’en aient
généralement pas conscience, les hommes
nés après 1968 ont peur des femmes
précisément pour cette raison :
symboliquement, elles ne sont plus a priori
celles qui leur donneront des enfants, elles
sont d’abord celles qui peuvent tuer la vie née
dans leurs ventres. C’est ce qui explique
l’hésitation des hommes occidentaux
d’aujourd’hui, lorsqu’il leur faut aller vers la
femme. C’est aussi, évidemment, une des
explications de la montée indéniable de
l’homosexualité…
Cependant, nous n’en sommes qu’au tout
début de la concrétisation, dans les plans
inférieurs de la cartographie mentale
collective, des archétypes génératifs
maintenant solidement implantés dans la
sphère métapolitique. Les forces agissantes
dans l’espace mental déstructuré des hommes
nés après 1968 sont depuis toujours connues
des mystiques. Dans toutes les civilisations, il
existe des représentations de ces forces. En
Occident, c’est la sorcière, antithèse de Marie.
En terre d’Islam, on lapide la femme adultère,
exactement comme on lapide Satan à la fin du
pèlerinage. Et savez-vous comment, en Inde,
on représente ces forces qui grondent au fond
de l’esprit mâle lorsque la femelle devient
celle qui tue ? – Les hindouistes ont une
divinité maléfique pour représenter cette
entité mentale : ils l’appellent Kali. Son
symbole est une roue solaire tournant dans le
sens de la destruction – soit la croix gammée
hitlérienne. Faut-il croire la légende hindoue,
selon laquelle l’histoire de l’humanité serait
faite d’une suite de cycles – cycles qui tous
s’achèvent par Kali Yuga, le règne de Kali, la
dernière des saisons cosmiques, l’hiver avant
le printemps ?
Quoiqu’il en soit, remarquons ceci : lorsque
les hommes nés après 1968 vont arriver à
l’âge où l’on comprend qui l’on est, ils seront
confrontés à un pouvoir largement féminisé,
car il devient de plus en plus clair que les
oligarchies souhaitent désormais faire
incarner le pouvoir par des femmes. Il s’agit là
d’une tendance lourde, combinaison de deux
phénomènes dont le poids respectif est
difficile à évaluer : d’une part on assiste à la
montée en puissance spontanée des femmes
dans l’ensemble plus dynamiques – sans
doute parce que le système consumériste
promeut des valeurs essentiellement
féminines, et que les femmes s’y sentent donc
plus à l’aise ; d’autre part, au fur et à mesure
que la démocratie occidentale mute vers une
sorte d’oligarchie marchande masquée, le
pouvoir a tendance à capter la figure
maternelle, afin de s’imposer comme
protecteur – depuis toujours, la confiscation
du principe maternel est un instrument de la
tyrannie.
Tel est bien le modèle socio-politique qui
semble se mettre en place sous nos yeux : un
pouvoir maternant, et en dessous, une masse
de citoyens dépossédés mais assistés, masse
oscillant entre la dépression et une impossible
révolte, selon qu’elle laisse parler sa féminité
pervertie ou sa virilité niée. En France, en
cette fin d’année 2005, notre pittoresque
gauche parisienne nous offre d’ailleurs un
début d’illustration du schéma, avec la
désopilante querelle opposant Bertrand
Delanoë, le maire homosexuel de Paris, et
Ségolène Royal, la nouvelle icône bobo…
A mon humble avis, ce schéma va exploser en
plein vol, et sans doute assez rapidement. Un
formidable potentiel révolutionnaire est en
train de naître dans le peuple mâle , un
potentiel dont l’accomplissement sera non la
décapitation symbolique du père, mais
l’éventration rituelle de la mère…
Il faut bien le dire, même si c’est une vérité
gênante : pour des raisons évidentes, il n’est
pas dans la nature des choses que le pouvoir
dans la Cité soit l’affaire des femmes. Le
pouvoir est en effet capacité de donner la
mort, et parce que la nature leur a conféré le
privilège de pouvoir tuer l’enfant à naître, les
femmes ont déjà trop de puissance sur le plan
biologique pour que les hommes leur
abandonnent en outre le champ politique.
Voici ce que les chantres de la mythique «
égalité des sexes » ont semble-t-il un peu
perdu de vue : si les sociétés humaines
organisaient traditionnellement l’aliénation
sociale de la femme à l’homme, c’était pour
compenser une aliénation biologique en sens
inverse .
Je sais bien que cette idée est choquante,
pour nous autres postmodernes qui nous
figurons pouvoir ignorer les donnes de la
nature, mais enfin, disons-le, c’est ainsi – et
sauf à dépasser cette aliénation biologique du
mâle à la femelle , on n’y peut rien…
Dans ces conditions, il est bien sûr
envisageable que la femme règne, telle ces
souveraines du temps jadis qui incarnaient le
principe royal dans un monde dominé par les
valeurs de la virilité. Mais sauf à lui retirer le
monopole de la procréation, il est impossible
de la laisser gouverner effectivement à toutes
les strates de la société. Il en résulterait en
effet un tel déséquilibre qu’inéluctablement,
les hommes se révolteraient. L’Histoire
enseigne d’ailleurs que les périodes de
déstabilisation de l’identité masculine
précèdent souvent les grands épisodes
révolutionnaires – et ce n’est pas un hasard.
C’est dans un tel contexte que les hommes
nés en 1968 vont arriver, si l’on ose dire, à
l’âge où l’on prend ses responsabilités. Et là,
gare…
A quarante ans, toujours pour parler comme
Nietzsche, un homme devient son propre
père. Or, dites-moi, quel père les hommes de
quarante ans vont-ils trouver, le jour où ils se
trouveront eux-mêmes ? – Eh bien, ce sera un
père tout à fait anormal… Un père qui ne leur
dira pas qu’il est ce qu’il est parce qu’il a
conquis leur mère, un père qui leur dira qu’il
est ce qu’il est parce qu’il n’est pas leur mère .
Aussi ces hommes déstructurés vont-ils
renaître à une autre vie, très structurée
certes, mais structurée selon des principes
étrangers à l’humanité . Inévitablement, ils
ouvriront les yeux sur le monde où ils vivent.
Ils verront le temps de l’effondrement.
Derrière les sourires apprêtés des putains
qu’on exhibe en affiches immenses sur les
murs de nos villes souillées, ils discerneront
l’atroce réalité. Ils verront les monceaux
d’enfants assassinés, arrachés du ventre de
leur mère. Ils verront les victimes brûlées dans
les crématoires des cliniques d’avortement. Et
derrière les séductions trompeuses des villes
de lumière, ils devineront enfin la vérité : ils
contempleront la danse de Kali.
Je peux me tromper, mais je sens venir vers
nous une colère comme le monde n’en a
jamais vue.