Bos Colirrs de SIX Cane, 13(192)
LANGE A L'ENCENSOIR
DEVANT L'AUTEL DES MARTYRS
en souvenir de Camille
Deux cycles apocalyptiques de tradition archaique, celui de San Quirce
de Pedret en Catalogne et celui de la crypte de la cathédrale d’Anagni, da
Je Latium (1), présentent un et 'autre une particularité iconographique qui
jusqu’tet n'a pas été expliquée. A Pedret, vers 1100, comme & Anagni, vers
1250, lareprésentation des martyrs sous V'autel (Ap 6,811) est accompagaée
une image de ange a Yencensoir dont apparition en Ap 8,3 inaugure le
septénaire des trompettes (~Ap 8,2-11,18) (fig.1 et 2). Dans la Vulgate, on le
Aécrit cet endroit debout devant un utel dor et «grace a lui, la fumée des
arfums s'éléve devant Dieu avec la pritre des saints ». On pourrait done
Comprendre, sans autres explications, sa présence auprés de Tautel qui
abrite les ames des martyrs décapités dans la vision déclenchée par l'ouver-
ture du cinguiéme sceau. Comme en Ap 83, il se tient debout devant un
autel et transmet & Dieu -super altare aureum quod est ante tronum Dek les
supplications des martyrs. A premiére vue, lange & V'encensoir de Pedret et
Anagn{ pourrait done étre léquivalent d'une glose marginale ajoutée en
complément d'une image de louverture du ejnquiéme sceau.
Cette association qui pourrait étre banale n’apparalt pourtant qu'assez
tard et exemple de Pedret, le premier qui nous soit conservé, reste un phe
rnoméne isolé (2). Ce n'est qu’a partir de la seconde moitié du XIIIe siscle
qu'une tradition iconographique semble se fixer, plus particuligrement en
Italie, ’abord a Anagni, puis & Assise, dans le eycle apocalyptique de Cima
bbue (3) et enfin & Naples, vers 1330-1350, dans une série de cycles narratits
créés par des artistes de la cour de Charles d’Anjou (4), Cette association est
enfin reprise vers 1500 sur l'icone de Apocalypse du maitre du Kremlin &
Moscou oi je crois reconnaitre influence de ces cycles napolitains, sans
doute par le canal d'artistes italiens appelés avec Fioraventi la cour d'Ivan
IIT (6). Parallélement aux cycles anglo-francais, les cycles méridionaux
furent en effet imités jusqu’au XV° sidcle au moins, dans le chcour du bap
tistére de Padoue, dans la seconde moitié du XIV* sigcle, sur le volet droit
du triptyque de Memling a./hopital de Bruges et au XV* siécle encore dans
laseconde partie de1'Apocalypse des Dues de Savoie aujourd'hui a !Escorial
(6). é
Lensemble du programme de Pedret présente toutefois avec celui
d’Anagni -quilui est postérieur de cent cinquante ans- des analogies si étroi-
tes quiune rencontre fortuite doit étre exclue. L'adotation du trone et de
YAgneau (2) entre les.candélabres sur la paroi orientale de l'église de Pedret
correspond a 'adoration de I'Agneau par les Vieillards de la conque absidale
a'Anagni. Un détail mérite attention : les Vieillards assis de Pedret et les
Vieillards debout d’Anagni ne sont pas couronnés, mais une couronne gem
mée flotte au-dessus de leur chef (fig. 3). Sur la ‘paroi située & gauche de
Vobside d’Anagni, au-dessus du martyre de saint Magne, décapité devant un
autel, la représentation des martyrs sous l'autel accompagnée de l'ange &
Vencensoir répéte le méme épisode sur le mur gauche du cheeur de Pedret.
187Quant a Vapparition des quatre cavaliers, par couples superposés sur la
aroi droite du chaeur de Pedret, nous la retrouvons & Anagni a un empla-
cement équivalent, sur un panneau situé a droite de labside, en pendant de
Youverture du cinquiéme sceau (fig. 5). De méme qua Anagni, la douelle de
la petite fenétre absidale de Pedret est ornée d'une main de Dieu. Enfin, la
Maiestas Domini peinte sur la votite du cheour de Pedret, au-dessus de lado.
ration du tréne, occupe un emplacement équivalent & celui du Christ ronan
flanqué des sept candélabres et des sept églises d’Asie qui décore & Anagni
Ia vodte d'arétes située au-devant de l'abside (fig. 6). On a d'autre part deja
remarqué que le tréne «vide» de Pedret, ave le rouleau aux sept sceaux
posé sur le coussin du siége, est l'aquivalent exact de celui de la « chapelle »
Santa Matrona & San Prisco prés de Capoue, un monument du milieu du V"
siécle (7).
‘Tous ces éléments remontent évidemment & une source commune, sans
doute romaine, et plutét que d'un simple cycle narratif, on peut supposer
que atelier romain qui a travaillé & Anagni disposait comme celui du mattre
de Pedret d'un carnet de modeles oit des motifs choisis appartenant 4 un
cycle apocalyptique du Ill* groupe (8) avaient été isolés et disposés par
avance en vue de servir a un programme absidal.
La destruction partielle des peintures de Pedret -un peu plus du tiers
seulement est conservé- ne permet guére d'affiner ces comparaisons. A Ana.
fi, on trouve en effet, en plus des quelques scenes déja citées, une image
de Tange qui monte du soleil levant (Ap 7,2) et celle des quatre anges qi
maintiennent les vents (Ap. 7,1), ainsi qu'une représentation conjointe de
Youverture du sixiéme sceau et de la sonnerie de la quatriéme trompette (9)
A Pedret, un élément original de la décoration, l'image des élus, une épée
plantée dans la poitrine, se retrouve pourtant dans un autre témoin des
oycles du IIT* groupe, celui du Liber Floridus de Lambert de Lidge (fig. 7 et
8) dont on verra plus bas que l'une de ses images présente d'étroites affinites
avec celle de ouverture du cinquiéme sceau de la erypte d’Anagni (10). Au.
dessous de la Maiestas Domini qui illustre le chap. IV sont en effet repré.
Sentées, comme & Pedret, trois petites figures nues, la poitrine transpercée
dune épée ou d'une lance. Les élus transpercés de Pedret sont vétus, mals
‘comme dans le cycle original du Liber Floridus qui fut composé vers ‘1120,
Cest-dcdire quelques années & peine aprés ces peintures catalanes, les mar.
‘yrs sous l'autel sont directement associés & une Maiestas Domini. Cette nou.
velle rencontre avee un représentant du groupe IIT montre donc bien que
le programme de Pedret appartient 4 une tradition iconographique déia
constituée dont dérivent indépendamment et le eycle narratif du Liber Flo-
Tidus et les deux versions «monumentalisées » de Pedret et d’Anagni.
Le contexte iconographique de ces deux monuments étant ainsi défini,
eut-on connaitre Vorigine, les raisons et Ie sens de cette association now
velle de lange & lencensoir et des martyrs sous Vautel qui apparait pour la
premiére fois & Pedret ? Dans la tradition exégétique, elle n'est citee que
dans le commentaire d’Ambroise Autpert dont la composition se situe en Ita.
lie méridionale, au monastére de Saint-Vincent-aux-sourees da Volturne,
entre 758 et 767. Primase, l'une des sources principales d'Ambroise, n'en
barle pas, de méme qu’Haymon d’Auxerre et le Pseudo-Aleuin qui pourtant
. I1s'agissait en effet cette fois d’évoquer les reliques ou
- del, Se ed el eee aoa