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hr Préface OMME Texplique Michel Defaye dans son introduction, actuelle « vérité » historique sur les I a présente brochure reprend une étude Guerres de religion en France au XVI° sitcle repose originellement parue dans le numéro 28 de la revue sur deux dogmes forgés par la désinformation: le Le Sel de la terre. « massacre » de Wassy et la Saint-Barthélemy. On voudrait prouyer, par ces deux événements « typiques », la culpabilicé catholique et Vinnocence protestante dont [esprit de tolérance aurait été la victime du fanatisme papiste. Michel Defaye, documents 4 Pappui, raméne les choses 4 leur juste verité. ee ee ; Surtout, il ouvre le dossier accablant, et soigneusement « O toi, historien qui d’encre non menteuse occulté par Vhistoire officielle, des innombrables tueries, Ecris de notre temps Phistoire monstrueuse, Raconte 4 nos enfants rout ce malheur fatal, Afin qu’en-te lisant ils pleurenr-notre mal, destructions et sacriléges huguenots perpétrés en France au XVIF sitcle. Ce rappel de Phistoire est un acte nécessaire de vérité et de piété 4 Pheure ott les autorités conciliaires Et qu’ils prennent exemple aux péchés de leurs péres, préchent une repentance impie et mensongére pour des De peur de ne tomber en _pareilles miséres. » ctimes quauraient commis nos ancétres catholiques — lesquels ont lutté, en réalité, pour rester catholiques. Pierre de Ronsard, Discours des Miseres de ce temps, On notera, parmi les témoignages allégués par lauteur, 1562, v. 115-120 (voir annexes). celui de Louis Réau et de son ouvrage magistral : Histoire du vandalisme. Ce livre, qui a été réédité en 1994 chez Laffont, fait linventaire des actes de vandalisme qui ont détruit les monuments de I’art francais depuis le Haut Moyen Age jusqwen 1958. Louis Réau montre que le vandalisme yétitable, c’est-a-dire la destruction illégitime inspirée par le fanatisme, est apparu au XVI* siécle avec liconoclasme protestanc et n’a été rejoint ensuite, dans sa fureur dévastatrice, que par le vandalisme révolutionnaire de la Terreur. Il faut noter, sur ce point, limpartialité et Vhonnéteté de Louis Réau qui était pourtant lui-méme un protestant convaincu. Il ne s’était pas privé, dans son Iconographie de art chrétien (patue en 5 volumes aux Presses universitaires entre 1955 et 1958), de brocarder le culte médiéval des saints, au point de passer pour l’anti Emile Male. Il se rattrape ici et le fait mérite d’étre signalé. Son témoignage nen a que plus d’intérét. Gravures de Richard Verstegan publiées en 1588 et reproduites pour la présente édition par Amadeg. Les éditeurs. Introduction « Parce que le souvenir du sactifice supréme des catholiques s'est enveloppé de ténébres et menace avec le temps de sombrer dans loubli, P obligation s impose de réagir. » Abbé Victor CARRIERE, Les Epreuves del ‘Eglise de France au XVI siecle, Paris, Letouzey et Ané, 1936, p. 390. événements continuent de faire recette: le « massacre » de Wassy (1* mars 1562) et celui de la Saint-Barthélemy (24 aout 1572). Le premier, pour « prouver » que les catholiques furent les fauteurs des guerres civiles et religieuses du XVI'siécle; le second, pour ériger les protestants en victimes innocentes du fanatisme catholique. Mais, jamais ne sont évoqués les pillages, les massacres et les sacriléges perpétrés par les huguenots contre les catholiques. Leurs méfaits ont pourtant commence bien avant l’incident de Wassy et ils dépassent amplement par leur nombre et par leut abomination ce que les protestants, injustes agresseurs, ennemis du tréne et de [autel, ont subi des catholiques persécutés et obligés de se défendre. Lhistoire officielle ment en faisant du duc de Guise et des fidéles catholiques les initiateurs des guerres de religion : en 1562, il y avait quarante ans que les huguenots multipliaient leurs exactions. A U RAYON du prét-A-penser historique, deux Lhistoire officielle commet encore un larcin honteux quand elle dérobe la palme du martyre aux milliers de victimes catholiques et la décerne aux quelques centaines d’hérétiques tués lors de la Saint-Barthélemy. Non, contrairement a ce qu’a écrit Pierre Chaunu, la Réformation n’a pas été vécue comme «une nouvelle pentecdte, une réémergence du temps béni des apétres » ; elle ne fut nullement «correction d’une dérive, appel 4 une LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 2 continuité vraie contre une fausse continuité ! ». Comme tous les fanatismes, elle est née et elle a grandi dans le sang, ainsi que Vattestent les travaux d’historiens du XIX* et du XX* siécle. En effet, « ayant surtout présent a l’esprit que la premiere loi de Vhistoire est de ne pas oser mentir, la seconde, de ne pas craindre de dire vrai?», le Révérend pére Hello 3, Vabbé Carriére 4, Jean Guiraud 5, Louis Réau §, Olivier Christin 7 et d’autres encore, ont recouru aux sources et, 4 partir d’études locales documentées et de témoignages contemporains — toujours consultables #-, ils ont prouvé que partout of les protestants se sont établis, « ils voulurent par la force anéantir la religion catholique et lui substituer le calvinisme ° ». A cette fin, ils tentérent de contrdler puis de prendre le pouvoir politique, tout en saccageant les édifices religieux et tout en massacrant les fidéles catholiques. 1 — L’Aventure de la Réforme : le monde de Calvin, sous la direction de Pierre CHAUNU, Paris, Hermé-Desclée de Brouwer, 1986, p. 14 et 15. 2— LEON XIU, Sepenumero considerantes, 18 aott 1883. 3 — HELLO pere Henri S.V., La Saint-Barthélémy, Paris, Bloud, 1907. 4 — CARRIERE abbé Victor, Les Epreuves de V'Eglise de France au XVI° siécle, Paris, Letouzey et Ané, 1936. Cet historien érudit, directeur de la Revue de Vhistoire de l'Eglise de France, insiste dans son ouvrage sur la nécessité d’exploiter non seulement les relations, les mémoires, les récits biographiques, mais aussi et surtout les actes officiels des diocéses, les correspondances, les piéces d’ordre judiciaire et les actes des parlements jusque-la oubliés. Il regrettait amérement que I’historiographie francaise des guerres de religion au XVI° siécle « accusat une lacune grave chez les catholiques ». Ses travaux historiques n’ont gueére été poursuivis depuis ce triste constat. Mort en 1946, l’abbé Carriére ne put achever son ceuvre et Vcecuménisme d’aprés 1945 a nui considérablement aux recherches en ce domaine. Un travail passionnant pour les étudiants en histoire... 5 — GUIRAUD Jean, Histoire partiale, Histoire vraie, Paris, Beauchesne, 1912. 6 — REAU Louis, Histoire du vandalisme, les monuments détruits de l'art francais, Paris, Robert Laffont, collection « Bouquins », 1994. 7 — CHRISTIN Olivier, Une Révolution symbolique, Viconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Les Editions de Minuit, 1991. 3 — Voir aux Archives nationales, a la Bibliotheque nationale, dans les archives des diocéses de France, etc. 9 — HELLO Henri, La Saint-Barthélémy, Paris, Bloud, 1907, p. 15. Ambition politique des huguenots «Ils faillent de renverser nostre empire Et de vouloir par force aux Princes contredire. » Ronsard, Elégie sur les troubles d Ambotse, 1560, v. 49 et 50. Jusqu’a Pédit du 19 janvier 1562 D: 1525 a 1538 la «contagion luthérienne » s’étend rapidement dans le royaume de France et, mis 4 part la Bretagne et l’Auvergne, toutes les provinces sont touchées par les idées nouvelles. Le pouvoir royal sévit mollement et manifeste méme quelque complaisance envers les hérétiques. Ronsard, s’adressant aux magistrats, s’en plaindra en 1563 dans sa Remontrance au peuple de France : Si vous eussiez puny par le glaive tranchant Le huguenot mutin, l’hérétique meschant, Le peuple fust en paix : mais votre connivence A perdu le renom et l’Empirte de France. Ce poéte courageux apostropha méme directement les princes et les rois : Vous, Princes, et vous, Roys, la faute avez commise Pour laquelle aujourd’huy soufre toute lEglise, Bien que de vostre temps vous n’ayez pas cogneu Ni senty le malheur qui nous est advenu. Les exemples ne manquent pas qui justifient Paccusation de ce contemporain, Alors qu’ils auraient da étre bannis, Mélanchton, successeur de Luther et auteur de la Confession LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 9 d’Augsbourg, l’évangéliste 1 Lefevre d’Etaples et ses disciples jouissent des faveurs de la Cour : Lorsque la Sorbonne voulait défendre Porthodoxie catholique, écrit Jean Guiraud, le roi lui imposait silence, supprimant les écrits du sorbonniste Jéré6me d’Angest et du dominicain Lambert Campester. En revanche il appelait & la Cour des rofesseurs pénétrés de luthéranisme (Mélanchton), encourageait ioe discussions théologiques contre le catholicisme 2. En 1532, Francois I* signe un traité d’alliance avec la Ligue des princes protestants allemands de Smalkade 3; en 1534 il fait emprisonner plusieurs théologiens coupables d’avoir dénoncé les tendances hétérodoxes de sa sceur Marguerite. Certes, aprés l’affaire des Placards 4, Francois I" passe dans le camp des intransigeants et publie Pédit du 25 janvier 1535 qui stipule extermination des hérétiques. Six mois plus tard cependant, l’édit de Coucy (16juillet 1535) rapporte les dispositions de ’édit de janvier et ordonne la mise en liberté des hérétiques... A partir de 1538, FrancoisI™ tente de juguler un mouvement devenu de plus en plus audacieux. Mais la 1—L‘Evangélisme, mouvement théologique du XVI siecle, portait Vempreinte de la Réforme en ce qu'il préconisait le retour a l’Evangile, et plus généralement a l'Ecriture sainte considérée comme la seule source authentique de la foi. Pour rendre l'Ecriture accessible 4 tous les fidéles, Lefévre d’Etaples la traduisit en francais en 1530; sa traduction fut condamnée par la Sorbonne, faculté de théclogie de Paris. 2 — GUIRAUD Jean, ibid., t. IL, p. 378. 3 — La Ligue de Smalkade fut fondée par les princes protestants qui refusaient d’appliquer l’édit de Worms par lequel Charles Quint ordonnait la destruction des ouvrages de Luther et la restitution des biens ecclésiastiques volés a l’Eglise. 4— Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, furent affichés dans plusieurs carrefours de Paris, Orléans, Tours, Rouen, Blois, et jusque sur les portes de la chambre du roi, 4 Amboise, des placards blasphématoires contre le saint sacrifice de la messe et la transsubstantiation. Le pamphlet rédigé a Neuchatel, en Suisse, était l’ceuvre d’ Antoine Marcourt. A cette date, le luthéranisme se produisait donc au grand jour sous la forme la plus prevocante. Il était devenu une force organisée, les affiches ayant été apposées presque simultanément dans les grandes villes du royaume. 10 MUCHeEARSZ SRA Aya répression arrive trop tardivement et se montre encore bien timide ! : la révolution religieuse continue de s’étendre. Henri, fils de Francois I*, comprend l’immense danger. Pour juger des cas d’hérésie notoire, il crée la Chambre ardente au parlement de Paris ; cette chambre prononga prés de cinq cents arréts en deux ans. Henri II promulgue encore plusieurs édits pour endiguer l’hérésie : Pédit de Chateaubriant (27 juin 1551) réglemente en 46 articles la chasse aux protestants ; Pédit de Compiégne (24 juillet 1557) établit une peine unique pour profession publique ou secréte d’hérésie : la peine de mort; l’édit d’Ecouen (2 juin 1559) prescrit le chatiment ou expulsion de tous les huguenots de France. Mais cet édit n’est pas appliqué en raison de la mort suspecte de Henri II, mortellement blessé par Montgomery, capitaine des gardes, que les calvinistes appellent « leur grand protecteur ? ». Malgré ces mesures répressives, en 1555, existe en France un solide réseau d’églises organisées, établies dans presque toutes les provinces du royaume, avec leur ministere, leur consistoire, leur liturgie, leur discipline 3. Calvin surveille et dirige tout A partir de Genéve #. D’Angleterre, Elisabeth I” envoie des subsides. Le calvinisme ainsi constitué cherche alors 4 s’organiser politiquement. A la fin de la décennie 1550, il gagne Pappu! dune partie importante de la noblesse qui, misérable transfuge, passe dans le camp des hérétiques ; parmi eux, i — L’exposition tenue 4 Nantes sur le quatriéime centenaire de I’édit de Nantes en 1998 livrait 4 ce sujet une anecdote imléressante : on pouvait ¥ voir une lettre de Francois I" 4 la Faculté de théalogie, datée du 27 octobre 1546, par laquelle il lui interdit de condamnef tine Bible imprimée pat Robert Estienne ; a cété de cette lettre, une aulfe du 25 novembre 1548, adressée par Henri ll 4 la méme faculté et Ii] enjoignant d’inscrire la méme Bible au catalogue des livres condamnés, : 2— Acta tumultuum gallicanorum ab obit Adie: regis, de anno nimirum 1559 usque ad memorabilem regis Caroli IX viclorliy anno 1569, p. 14, 3 — Romer L., Le Royaume de Catherine @ Médicis, Paris, 1922, t. U, p. 151-179 -— Crouzet Denis, Les Guerriers dé Diy Champvallon, 1990, t- L 4 — « De Genéve, Calvin anime la foi des stants, les exhorte, leut envoie les pasteurs formés 4 Lausanne, Un & partout en France, des communautés se forment. Une carte dressée i 550 montre que toutes les provinces, i l'exception de la Bretagne, samt touchées, les centres les pliis nombreux se trouvant en Languedoc, ef Poitou, en Normandie » ; WNMANBAR TH, et JACQUART Jean, Le XVI alele, Paris, PUF, 1985, p. 192. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI SIECLE 11 Antoine de Bourbon et son frére le prince Louis de Condé en 1558, les trois fréres Coligny-Chatillon en 1559, Renée de France, fille de Louis XII, en 1560... En juillet 1559, le jeune Francois II monte sur le trone. Le parti huguenot uni autour des nobles passés au calvinisme cherche a s’emparer du jeune roi, conformément a la décision prise par une assemblée de gentilshommes tenue 4 Nantes le 1° février 1560: c’est la conjuration d’Amboise (mars 1560). L’enlévement du roi échoue et les protestants connaissent la un revers cuisant. Hélas, quelques mois plus tard, le 5 décembre, « atteint d’une maladie subite, Francois II meurt, au grand dam de la France, car ce tout jeune roi avait recu une excellente éducation et, dés ses plus tendres années, il promettait de devenir un prince trés chrétien ! ». En décembre 1560, lui succéde le trés jeune Charles IX. Le roi a dix ans; aussi un arrét du conseil d’Etat (21 décembre 1560) confie la régence du royaume a Catherine de Médicis et a Antoine de Bourbon. Dés les Etats généraux d’Orléans de décembre 1560, la régente fait cesser les poursuites judiciaires contre les huguenots. Comptant sur la ruse, la Reine-mére, a Pinstigation du chancelier de Hospital, joue des catholiques et des protestants les uns contre les autres, favorisant tantét les uns, tantot les autres?. Tant et si bien que, «devant les 1 — Acia tumultuum, p.15. Francois Il était marié a Marie Stuart, fervente catholique et niéce des Guise ; ce jeune couple royal promettait un regne offensif contre l’hérésie. 2 —Le pape saint Pie V fit tout ce qui était en son pouvoir pour lutter contre l’hérésie en France. Ainsi pressa-t-il des princes italiens de préter main forte aux troupes catholiques frangaises ; les victoires de Jarnac et Moncontour sont en partie leur oeuvre. Dans son ouvrage La Politique de Saint Pie V en France (Paris, Bibliotheque des Ecoles Frangaises d’Athénes et de Rome, fascicule CXX, 1922, p. 25-26), Charles HIRSCHAUER dit: «Deux grandes idées dominaient les instructions de saint Pie V a ses nonces en France : La connexité entre la cause de la religion et le salut de Etat, la solidarité qui, dans leur intérét, devait unir tous les peuples catholiques. Un roi ne pouvait attendre l’obéissance de sujets révoltés contre la discipline et le dogme de |’Eglise. (...) Si le calvinisme l’emportait en France, dans un royaume fortement centralisé et placé au coeur de VEurope, rien ne pourrait plus arréter son expansion. » Et plus loin: «Jamais il (saint Pie V) me cacha son désir de détruire en France le protestantisme et il poursuivit son but sans relache ; par l’exemple, par les conseils, il parvint A entrainer la plupart des princes catholiques A venir 12 MICHEL DEFAYE dispositions de la régente, les protestants crurent que leur régne était enfin arrivé, et que, maitres du pouvoir, grace a la reine et au chancelier, ils pourraient séparer la France de Rome et imposer une religion nationale, 4 base réformée ! ». Se Sentant vvictorieux, les huguenots fondent des associations armées, persécutent et pillent en toute impunité. Ainsi la guerre civile déclarée par les huguenots, réellement commencée depuis les actes iconoclastes des années 1520- 1530, débute militairement sous la régence de Catherine de pee (janvier 1561), et non & Pincident de Wassy (mars Devant les violences redoublées des huguenots et dans le but «d’apaiser les troubles et séditions pour le fait de la religion » Charles IX signe un édit, l’édit de janvier 1562, dont la connaissance est indispensable A la juste appréciation de Pépisode de Wassy. Wassy, échauffourée ou massacre ? Comme les précédents édits de pacification, l’édit du 17 janvier 1562 se veut étre une mesure provisoire. A la difference des autres cependant, il laisse aux huguenots une plus grande liberté puisque leur culte, interdit 4 lintérieur des villes, est désormais autorisé au dehors durant le jour. Nulle part ailleurs en Chrétienté n’existe alors une pareille tolérance a Pégard des hérétiques ; c’est pourquoi cet édit de Janvier provoque l’opposition vigoureuse du parlement de Paris ; ses membres, gardiens de la paix publique, en appellent a histoire : « Toute histoire de I’Eglise depuis l’antiquite fut appelée a témoigner que la diversité des religions améne la sur les champs de bataille francais soutenir la cause de VEglise. Les Réformés, il est vrai, se relevérent de ces coups, essayérent méme de reprendre Voffensive ; Mais, combattus sans tréve par Pie V, ils virent leurs espoirs déjoués et ne parvinrent pas A s’emparer du pouvoir, quiils convoitaient, mi méme a rompre par une guerre avec l’Espagne Ia paix ite dont le pape ae été l'infatigable artisan. » (p. 95-96.) 1— GUIRAUD Jean, Histoire iale, Histoire vrai i 1910, ti, p. 400. partiale, Histoire vraie, Paris, Beauchesne, LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 13 ruine et subversion totale des royaumes !. » L’enregistrement a lieu cependant le 6 mars, « de l’urgente nécessité du temps, sans approbation de la nouvelle religion, et seulement par provision ? ». Deux semaines plus tard, pendant que les violences protestantes s’exercent dune maniére concertée et méthodique a travers tout le royaume de France, éclate LPaffaire de Wassy... Le dimanche |" mars 1562, le duc de Guise, qui se rend de Joinville 4 Paris, passe par Wassy avec son escorte de gentilshommes. Il s’arréte pour y entendre la messe. L’église ou il s’appréte 4 assister aux saints mystéres est 4 une portee darquebuse d’une grange oi les calvinistes de la ville et des environs avaient coutume de célébrer leur culte. Contrairement aux dispositions de Védit de janvier, les huguenots avaient en effet bati un temple 4 Wassy et sy réunissaient méme en plein jour... Sagement, le duc de Guise avait décidé de ne pas séjourner dans la ville, « voulant, disait- il, fuir les occasions que quelques-uns des miens pussent sagacer et dire mots 4 ceux de la dite ville et qu’ils n’entrassent les uns et les autres en dispute de religion * ». Il comptait n’y rester que le temps d’entendre la messe. Mais, au moment o@ le duc entre dans l’église, ses hommes l’avertissent que les calvinistes, au nombre de cinq cents au moins, célébrent leur culte de facon illégale dans la grange toute proche. Guise croit 4 une provocation de la part des hérétiques et sort de l’église pour leur rappeler les clauses de Yédit de janvier. Les réformés, interprétant mal cette démarche, croient qu’il vient les attaquer et, avant d’étre Pobjet de la moindre violence, ils « lancent des pierres au duc et 4 ses compagnons qu’ils voient s’approcher. Il y a des gentilshommes blessés et Guise luiméme recoit une contusion. Son escorte accourt a laide, elle riposte aux coups de pierre par des coups d’arquebuse 4». Quand le duc de 1 — LECLER Joseph $J., Histoire de la tolérance au siécle de la Réforme, Paris, Albin Michel, 1994, p. 457. 2 — Mémoires de Condé, t. Ill, p. 92. 3 — Cité dans l'Histoire de France de LAVIssE, t. VI, p. 58-59. L’auteur est le protestant MARIEJOL. 4—ID,, ibid. 14 MICHEL DEFAYE Guise arréte les violences, il y a vingt-trois morts et plus de cent blessés. De cetincident, Jean Guiraud souligne quatre évidences : 1. — Ces scénes de violence ne furent pas préméditées par le duc de Guise. Il sen montra méme fort désagréablement surpris. 2. — Ce « massacre » fut plurét une échauffourée qui éclata sur un malentendu, les protestants s’étant imaginés que Guise venair pour les attaquer et Guise croyant que ceux-ci le bravaient er assaillaient par traitrise son escorte. 3. — II n'y eut pas 4 Wassy un « massacre » de protestants ; il s’y produisit plutét une bagarre sanglante, une échauffourée od il y eut des morts et des blessés des deux cétés, Guise lui-méme étant blessé par les protestants. 4. — Guise se crut de bonne foi victime d’une agression protestante et il ne présenta nullement les événements de Wassy comme une victoire catholique 1. » Mais Vaffaire fut grossie et exploitée par les protestants qui patlérent désormais du « massacre de Wassy », comme pout justifier l’effroyable déferlement de violences et de massacres de Vannée 1562. Pourtant, cet incident n’était ni le premier ni le plus meurtrier des affrontements entre les catholiques et les huguenots : six mois plus tat, les 19 et 20 octobre 1561, huit cents huguenots avaient attaqué la ville de Montpellier et y avaient massacré, selon les procés-verbaux, prés de deux cent cinquante catholiques... De Wassy 4 Saint-Denis Plus que jamais, les huguenots veulent le pouvoir. La liberté de conscience qu’ils revendiquent est grosse de révolution cies comme le fait remarquer Ronsard a Théodore de éze 2: : 4 Se Cela n’est qu’un appast qui tire la province 1— GUIRAUDJ., ibid., t. 1, p. 103. 2— Théodore de Béze (1519-1605), gentilhomme nivernais, écrivain et théologien protestant qui succéda a Calvin a la té emi s a a la téte de I’ protestante de Genéve. Sey ane Ti LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 15 A la sédition, laquelle dessous toy Pour avoir la liberté ne voudra plus de roy. En 1567, Parmée de Condé tente de s’emparer par surprise de Charles IX et de sa mére. La cour a juste le temps de se réfugier derriére les murailles de Meaux. Ayant échoué dans cette tentative d’enlévement, Condé assiége Paris avec ses troupes. La encore sans succés. En 1572, dans une assemblée générale tenue a Nimes, les huguenots dressent le plan d’une république pour la France ; ils sont en effet persuadés que l’influence de Coligny sur le roi et le mariage d’Henri de Navarre avec la sceur de Charles IX leur assurent enfin et définitivement le pouvoir politique. Mais la Saint-Barthélemy remet en cause leurs projets de complot contre la couronne: les principaux chefs huguenots sont exterminés, excepté Henri de Navarre et Condé, qui, pour avoir la vie sauve, abjurent l’hérésie. A peine remis de la secousse du 24 aotit 1572, les protestants du centre-Ouest et du Midi se réorganisent rapidement. Ils préparent une confédération, les Provinces-Unies du Midi, 4 imitation des provinces protestantes des Pays-Bas. En février 1573, a Anduze, une assemblée fixe la constitution de ces « Provinces de I’Union Protestante » : le pouvoir est confié aux Etats généraux, assemblée représentative élue, composée des députés de chaque province ayant prété serment a |’Union protestante. Les Etats genéraux designent un Protecteur, chargé des affaires militaires, et un Conseil permanent, responsable de l’exécutif. Condé et Henri de Navarre, partis de la Cour en 1576 aprés étre retournés 4 l’erreur calviniste, deviennent les protecteurs de cette république fédérale 1, véritable Etat protestant dans le royaume trés chrétien. Heureusement, Dieu veille sur sa Fille ainée et suscite de nombreuses générosités pour contrer héroiquement ces projets subversifs : pendant plus de quinze ans, les différentes Ligues catholiques luttent pour que la couronne ne passe pas aux mains des hérétiques ; plus de 40 000 Parisiens meurent en 1590 pendant le siége qu’Henri de Navarre fait de leur ville : ils ne voulaient pas voir monter sur le trone de France le chef des hérétiques. 1— Voir la Revue des Questions Historiques, 1866, t. 1, p. 19. 16 MICHEL DEFAYE Avant de devenir Henri IV par l’onction du sacre, le fils Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret devra abjurer a Saint-Denis (1593) et recevoir absolution pontificale (1595). L’ambition politique des huguenots avait échoué : le trane et le royaume de France ne sont jamais passés sous la tutelle fanatique des calvinistes. Mais ces échecs répétés ont stimulé davantage encore leur rage de détruire et de massacrer. « Cruautés des hérétiques », d’aprés une gravure du Théatre des cruautés des hérétiques de Richard VERSTEGAN L’iconoclasme huguenot « Ils se disent enfants de Dieu, mais En la dextre ont le glaive, et en l’autre le feu, Et comme furieux qui frappent et qui enragent, Vollent les temples saincts, et les villes saccagent. » Ronsard, Continuation du discours des miseres de ce temps, 1562, v. 42.444. Les fondements de Viconoclasme huguenot «Les huguenots se sont acharnés a détruire les “pierres de France” qui portaient témoignage de la foi de leurs ancétres » déclare Louis Réau, membre de l'Institut, dans son ouvrage sur l Histoire du vandalisme en France}. Des soixante pages que Pauteur consacre au vandalisme huguenot il convient de retenir trois points, déterminants dans l’appréciation des responsabilités : — Seuls les protestants ont détruit, pillé, saccagé les édifices et les ceuvres d’art : Quand on parle du vandalisme des guerres de religion, qui mettent aux prises les catholiques et les réformés, on semble donner 4 entendre qu il a sévi dans les deux camps. Mais cette expression équivoque est inexacte et devrait Gtre rejetée par les historiens. En réalité, le vandalisme religieux de cette ¢poque est unilaréral pour la raison majeure que si, pendant toute la durée du Moyen Age, le catholicisme avait créé des milliers d’ceuyres dart, il n’y avait pas d’art protestant. (...) Le seul terme qui convienne est donc celui de vandalisme huguenot. Comme, deux i — R&AU Louis, Histoire du vandalisme, les monuments détruits de Vart francais, Paris, Laffont, collection « Bouquins », 1994, 1240 pages. 18 MICHEL DEFAYE siécles plus tard, le vandalisme jacobin, il s'est étendu & presque toutes les parties du territoire de la France 1. —L’ampleur des destructions est confirmée par tous les observateurs francais et étrangers : Un modéré, le juriste Etienne Pasquier, qu’on ne saurait accuser ni soupgonner de partialité, constate : « Oui le huguenot est le maitre, il ruine toutes les images, démolit les sépulcres, enléve cous les biens sacrés voués aux églises 2. » Et Pambassadeur de Venise, que sa qualité de diplomate étranger haussait « au- dessus de la mélée», témoigne dans le méme sens: «Les novateurs ont détruit les remples et autres édifices sacrés en si grand nombre que dix années de revenus de la Couronne ne suffiraient pas pour les rebatir 3. » —Enfin Pauteur de V’Histoire du vandalisme en France remarque que les dévastations durérent tout le XVI° si@cle et connurent leur apogée en 1562 : Les destructions s’étalent sur une longue période, Mais l'année fatale entre toutes pour l'art francais du Moyen Age, plus calamiteuse encore que 1793 sous la Terreur révolutionnaire, fat 1562. Dans Vhistoire du yandalisme en France, cette année néfaste doit étre marquée d’un caillou noir: ce fut une sauvage hécatombe d’églises incendiées ou saccagées, de statues renvers¢es ou décapitées. Cette «sauvage hécatombe Wéglises» était le fruit des prédications huguenotes, échos des enseignements de Luther et de Calvin qui, dans leurs préches et leurs écrits, se lancaient en violentes diatribes contre les représentations de la Sainte Trinité, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, invoquant l’autorité de plusieurs versets de ancien Testament par lesquels Dieu interdit aux hébreux de fabriquer des images d’homme ou d’animaux. C'est ainsi que, sept siécles aprés que le concile de Nicée II (787) eut jeté l’anathéme sur les hérétiques iconoclastes, Calvin ressuscitait leur doctrine fallacieuse, enseignant que «suspendre des tableaux ou placer des statues 4 l’intérieur des 1—ID,, ibid, p_78. 2 — PASQUIER Etienne, Recherches de la France, 1560-1621 ; Lettres, 1619, 3 — Relation des ambassadeurs vénitiens, t. IL, p. 133. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XvI° SIECLE 19 églises, c’est profaner le culte divin, commetire un crime ; représenter 4 Vaide du ciseau ou du pincean les faits de Phistoire sainte était également répréhensible.» Dans son Institution de la religion chrétienne (Livre I, chapitre XI), il affirmait : « Des images en un temple sont une abomination, une souillure » ; et dans son Traité des reliques: « Le culte des reliques est un abus qui devrait étre totalement abattu. » De méme, Théodore de Béze, zélé disciple de Calvin, avait les crucifix en abomination et il aurait voulu que les autorités en ordonnassent la destruction 1. Zwingli, quant a Ini, réclamait la démolition des églises : « Quand on détruit leurs nids, disait-il, les cigognes ne reviennent plus. » Zanchi prétendait que les autels, crucifix, tableaux et images, ornements sacerdotaux, calices d’or, encensoirs et autres objets liturgiques devaient étre brisés sans pitié 2. De telles maximes allaient agir dans les masses comme certains ferments vénéneux dont il est malaisé d’atténuer la virulente nocivité. Jean Guiraud conclut : Iconoclaste dans sa théologie, le protestantisme luthérien, calviniste, ou zwinglien est donc directement responsable des dévastations immenses autant qu irréparables cominises pat ses adeptes, et Cest tout un livre quill faudrait pour décrire sommairement le vandalisme protestant et faire apprécier la valeur des ceuvres d’art qu'il a détruites ou dispersées, sur ordre de ses prédicants et de ses pasteurs. L’iconoclasme avant mars 1562 De fait, la naissance et extension du protestantisme en France se sont toujours accompagnées de manifestations iconoclastes. La protestante Jeannine Garrisson, que le parti- pris prive trop souvent d’objectivité, accorde elle-méme qu'il y eut « des milliers d’actes iconoclastes dans la décennie 1520- 1— GUIRAUD J, ibid., p. 347-348. : é 2 — Voir les oes dans JANSSEN, L’Allemagne et la Réforme, Paris, Plon, 1889-1905, t. VL, p. 8-9. 20 MICHEL DEFAYE 1530», Ainsi, dans la nuit du 31 mai au 1" juin 1528, une statue de pierre de la Vierge fut mutilée a Paris. Au Parlement, le 6 juin, le président déclara que, dans un village des environs de la capitale, : ie ecembre 1561, Agen subit a nouveau le vandalisme des huguenots : plusieurs églises sont dévastces. Le Ll al du pillage, Antoine Tholon, juge criminel, dresse le oat verbal des destructions, a la requéte de quatre des coels Apprenant alors qu’une foule se jette sur le ee le l'Annonciade, il décide de s'y rendre sur-le champ, mais i a peut empécher qu'il ne soit saccagé a son tour car, « es te furie desdits personnages, les tous 4 nous inconnus, e 1 — Les faits rapportés sont tirés de l’ouvrage de CHRISTIN Olivier, = 8. . % a 2 t SAUZET R., « LTconoclasme dans le diocése de Nimes au ie début du XVII siécle », Revue d'histoire de l'Eglise de France, Paris, , eorloe : 3 — Voir GUIRAUD J., ibid., t. I], p. 360. 4—ID., ibid. 22 MICHEL DEFAYVE Fae des capes de Béarn blanches, nous nous Dans une lettre adressée au roi et datée du 19 jui larchevéque de Bordeaux peut faire le triste Bhi ea Guyemne, les hérétiques « ont abatiu les autelz des ene brisé les ymages, bruslé les livres, missels et ornemenz é ) et sont tellement favorisez et authorisez par armes et autrement quwil n’est plus en nostre puissance de les empescher 2», Les menaces royales restent inefficaces puisqu’a lautomne 1561 est Montpellier qui est pillée (24 septembre), puis Nimes $ (29 septembre), Vienne, Orange (novembre) Agen (décembre), Bazas, Foix, Pamiers, Castres Vallenled? Grenade, Annonay 4, etc. ‘ le Olivier Christin a donc taison @écrire que « Piconoclasme de masse débute bien avant le massacre de Wassy (1° mars 1562). Dés le printemps 1561, le Midi de la France connait, un peu partout, des scénes de déprédations et de destructions @une ampleur inaccoutumée 5». Avant Wassy, les protestants ont déja ravagé la P, at tan le Langue Ae Te eee, le Dauphiné, le comtat Venaissin, L’iconoclasme apres mars 156? eee eS ee See 1 — Proces-verbal du pillage et incendie des Eoli és ed ! f glises Cathédrale et Collégi ee pene. et Sep Gennals ef autres de la ville d’Agen, UD en Ree a: les “ . + ' . e tei oees s archives de ladite Eglise et Chapitre Saint-Caprais le 2 décembre 2 — CHRISTIN Olivier, La Révolution s i ‘i syntbolique, p. 70, 3 — CHOLVY C., Le Diocése de Mont i i e pellier, Paris, Beauchesne 197% ce GUIRAUD L, Etudes sur la Reforme ii Montpellier, « Mémoires e a société archéologique de Montpellier » 2° série, t. VI et VII 1918-1919 ae du t. VI; « Les violences calvinistes >. ” ' — om C. et VAIssiTE Dom J., Histoire eénérale d Toulouse, Privat, 1889, t, XI. Voir aussi BRUN P, ies E ee Bordeaux, Delmas, 1957, p. 82. ‘ Sr a 5 — CHRISTIN Olivier, La Révolution symbolique, p. 69, LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI SIECLE 23 systématiquement les ceuvres que nos péres avaient édifiées a la louange et a la gloire de Dieu. Ils se persuadent que Yhomicide, le sacrilége et la guerre civile sont plus justes maintenant qu’ils sont accomplis par vengeance. La destruction des images cesse de toucher presque exclusivement le Midi pour concerner désormais la plus grande partie du royaume de France, au gré de la marche des armées ou du fanatisme des communautés locales encouragées par l’exemple des grandes villes du Sud et du prince de Condé. Le 27 mai 1562, Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, sempare de la ville de Bourges par surprise. Louis Réau raconte : « La meute se rue sur les autels. Les tableaux et les tapisseries sont lacérés, les bas-reliefs du jubé martelés, la chasse en orfévrerie de saint Guillaume est brisée, ses reliques brulées et jetées au vent. Stalles, chasses, vases sacrés, rien nest é6pargné1...» Les soldats mutilent et renversent les statues de la facade ; ils forcent également le couvent des Annonciades et la Sainte Chapelle 2. En avril, mais surtout en octobre, les troupes de Condé mettent a sac les églises de Romorantin et des environs, au point qu’il «ne demeure image de piété ni autel entier en la ville de Romorantin ni les villages circonvoisins >, affirme Théodore de Béze. Elles dévastent encore Vabbaye cistercienne de Noirlac * et de Germigny-des-Prés. Les églises de Gien, de Blois, de Chatillon-sur-Loing perdent a leur tour leurs images et leurs autels. Debut avril 1562, Saint-Gatien et Saint-Martin de Tours subissent quelques dommages. A Vienne, dans la nuit du 19 au 20 mars, des huguenots arrachent la statue de saint Maurice de la facade de la cathédrale, mutilent les figures des saints et brisent les croix d'autres églises 4. A Montauban, a partir du mois d’aofit 1562 et pendant lautomne, ils entreprennent le pillage 1— ID,, ibid., p. 104-106. : 2 — BInET A., La Cathédrale de Bourges, Paris, Ed. H. Laurens, s.d., p. 19- 20, 3 — Voir AUBERT M., «Noirlac», Congres archéologique de France, 94* session, Paris, Picard, 1932, p. 179. 4 — Voir BLIN L., EMERY J. et SANTSCHI C., Le diocése de Genéve. L’archidiocése de Vienne en Dauphiné, Berne, Ed. Francke Verlag, 1980. 24 MICHEL DEFAYE systématique des couvents et des églises de la ville et des aren : Statues, peintures, bas-reliefs, stalles, autels, tout est Les huguenots de Vendome, assurés de Ia protection de Jeanne d’Albret 1, s’emparent de la collegiale Saint-Georges le 19 mai, y mettent en piéces tombeaux, statues et autels - reliquaires et ornements sont vendus. : ‘ A Notre-Dame de Cléry, pres d’Orléans, les calvinistes tanchissent sans doute un pas de plus dans Phorreur de la profanation et du sacrilége ; ils brisent le tombeau de Louis XI et brilent ses os «en haine de ce qu'il honorait la Vierge Marie et portait son image au chapeau ». Avec un Nilsen at de haine, ces furieux renversent la statue du roi A genoux et, ® en prenant 4 son image « comme s’ils ’eussent tenu vif entre leurs mains, lui coupent les bras, les jambes et enfin la téte » Aprés avoir violé sa tombe, les soudards s’amusent a jouer « a la courte boule avec la teste de ce roi des fleurs de lys, ointe de la Sainte Ampoule ». La sépulture de sainte Jeanne de France fille de Louis XI, n’est pas traitée avec plus de respect an couvent des Annonciades de Bourges 2 ». : Parmi les villes de France auxquelles le calvinisme a fait le plus de mal, Orléans, que Jeanne d’Are avait arrachée aux Anglais, mérite plus qu’aucune autre la palme du martyre : Presque toutes les églises de la malheurcuse cité, depuis la cathédrale Sainte-Croix jusqu’aux églises abbatiales ou paroissiales de Saint-Aignan, Saint-Avit et Saint-Euverte sans compter le monument votif erigé 4 la gloire de Jeanne @Arc sur le pont de la Loire, figurent au nombre des victimes de i iconoclasme huguenot. (...) Le nombre des édifices tuinés et les oeuvres d’art détruites par les calvinistes dans cette seule région de l’Orléanais dépasse tout ce qu'on peut imaginer (...) 3, : En 1568, avant leur départ, les trou é By ‘ pes de Condé sapent | quatre _piliers du transept de la cathédrale POneane, provoquant ainsi la chute de la fléche ; les huguenots agiront Se ee ee ee reese 1 — Jeanne d’Albret (1528-1572 testante, & é i Bourbon et mére du futur Henri IV. Se ee 2— Voir RBAU L,, ibid, p. 93. 3 — Reau L., ibid., p. 90-92, LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI SIECLE 25 de méme en 1577 et 1578, dans la nef de la cathédrale de Bazas et, en 1581, dans la cathédrale de Mende. Angers voit déferler ces monstrueuses impiétés au mois davril 1562. Le 6, les huguenots font irruption dans la cathédrale Saint-Maurice : Pendant douze jours, ils la mettent a sac, renversent les autels, brisent les statues des saints, enlévent les joyaux qui ornaient les chasses de saint Maurille et de saint René. Leurs ossements sont jetés dans le brasier ott flambent les stalles. (...) La fureur de destruction des huguenots n’était pas apaisée. Le 22 avril, ils reviennent 4 la charge, saccagent Pabbatiale de Saint-Aubin dont il ne reste plus qu'une tour isolée, renversent les statues du portail de l’église de la Triniré 1. La célébre abbaye de Fontevrault, ot reposent les gisants des Plantagenét, n’échappe pas au pillage. Saumur, Saint- Benoit-sur-Loire, Mehun ont 4 subir aussi les mémes déprédations. Et Théodore de Béze peut écrire, en mai 1562 : «En Anjou, l’on s’est porté avec une incroyable furie 4 la destruction des autels... Méme si les catholiques étaient vainqueurs, ils n’en pourraient pas réparer en cent ans le dégat fait en deux heures... » Dans la région parisienne, la cathédrale de Meaux est une des principales victimes du vandalisme huguenot. Dans Pannée fatale de 1562, les huguenots saccagent la cathédrale, détruisent le jubé, la cléture d’albatre du cheeur, les stalles, les reliquaires. « A lextérieur, déplore Louis Réau, la plupart des statues qui garnissaient les trumeaux et les piédroits des portails furent sauvagement brisées et mutilées. » La Normandie, si riche en cathédrales et en abbayes, est beaucoup plus maltraitée que Ile-de-France. Les protestants de Rouen, Dieppe et Caen notamment, appuyés par Coligny et Montgomery, dévastent la cathédrale de Rouen (le 3 mai 1562), ’abbaye de Saint-Ouen, les églises de Caen (8-9 mai), de Caudebec-en-Caux. L’abbaye de Jumiéges est mise a sac: les huguenots enlévent « les chasses, les chapes, les chasubles, les aubes, les parements d’autel, l’argenterie, les meubles précieux, le plomb dont l’église et le cloitre étaient couverts, 1 — ID., lbid, p. 97. 26 : MICHEL DEFAYE les livres de la bibliothéque et les titres du chartrier. Ils ne respectent méme pas les morts1». Sont encore pillées les églises de Saint-Martin-de-Boscherville, Bayeux (20 mai), Elbeuf (juin), Barentin, Limesy (juillet), Coutances (10 aout), Avranches, Sées, Saint-L6, Saint-Wandrille, Tréport 2. Quant a Dieppe, V’aven du calviniste Théodore de Baze est révélateur : Le 19 avril [de Pannée 1562], il ne fut plus possible de garantir les images auxquelles il restait si peu d’adorateurs quwil fallait que les prétres mémes s’entraidassent pour dire leurs messes basses. (...) Quelques mariniers, entrés de nuit en deux églises, abattirent images et autels et brdlérent plusieurs ornements, (...) Ils abattirent toutes les images, partout ot ils passerent et ainsi se passa le mois d’avril, A Caen, toujours en 1562, les protestants saccagent les deux venérables abbayes bénédictines des Hommes et des Dames, fondées au XI° siécle par Guillaume le Conquérant et la reine Mathilde. Suivant une habitude reprise par les jacobins en 1793, les huguenots violent les tombeaux des fondateurs. Dans la vallée du Rhone, le baron des Adrets qui, selon Louis Réau, «a laissé dans cette region, a l’époque des guerres de religion, la plus horrible trainée de sang et de ruines 3 », saccage les eglises de Valence et de Vienne en avril 1562, de Lyon et Grenoble en mai, de Valréas en Juin, de Cavaillon en septembre, puis celles d’Aubenas, Bolléne, Orgon, Marnans, Romans‘ et de la Grande Chartreuse (5 juin 5). Tl vient également préter main-forte aux communautés locales qui, souvent, ne l’ont pas attendu pour s’attaquer aux eglises et aux couvents. « Cest le 1° mai 1562 que la cathédrale Saint- 1— ID,, Ibid, p. 82. 2 — BLIN, Petit tableau des ravages faits par les huguenots de 1562 @ 1574 dans ancien et le nouveau diocese de Sééz, Avignon, 1888. Voir aussi FALLUE L., Histoire politique et religieuse de Véglise métropolitaine du diocese de Rouen, Rouen, Ed. A. Le Brument, 1850, t. IIL, p. 242 sq. 3 — Voir aussi: DE VAISSIERE P., Le Baron des Adrets, Paris, Firmin-Didot, 1930, p. 27-38, 4 — THIRION J, « L’ancienne collégiale Saint-Bernard de Romans », Congrés archéologique de France, 130° session, 1972, Paris, 1974, p. 361-410, 5 — DE PERUuSSIS Louis, Discours des Suerres advenues en Provence entre les catholiques et les huguenots, Anvers, 1565. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 27 Jean-Baptiste (Lyon), envahie par la soldatesque ae tg Adrets, subit le plus grand désastre de son histoire. = eel andes statues de la facade sont renversées OU yl a aa Les trois tympans des portails sont ae a martelés, les figures d’anges et de patriarches- lags i décapitées. (...) A Vintérieur, le jubé du XIII" siecle e aaa et le grand crucifix d’argent qui le ay ae ignominieusement trainé sur les pavés dans les rue acs 3 a pedadion de année 1562 ne s’arrétent Ee ve a quelques exemples ; les huguenots ravagent encore 2 nom Angouléme 2, Poitiers. Pour cette ville et sa région, Réau écrit : Peu de provinces étaient aussi riches en églises ae que = coin de France : ce n’est pas la faute des huguenots sil en reste encore un si grand nombre, Poitiers eut eee souffrir des guerres de Religion. En 1562, des bandes aia Gascogne, commandeées par le sieur de Saint-Gemme, 2 iv: oa 4 un pillage effréné et mirent & sac tous es edifices * lieu shes huguenots firent le vide dans la cathédrale Saint- ietre q é Jaiss¢rent aussi nue quun temple protestant, en eereuean jubé, les autels et les tombeaux. (...) A Sainte taeczense, é tombeau de la reine moniale, patronne de Poitiers, fut pai st violé. Ses reliques furent livrées aux flammes « avec force fees ss parchemins ». Ainsi s’explique la disparition presque tot - manuscrits enluminés du Poitou, dont il he reste guére Te la Vie de sainte Radegonde par Fortunat. La célébre abbaye ben 4 de Saint-Savin-sur-Gartempe (...) fut saccagée en ie et ‘| Les huguenots mirent le feu a la charpente du cloc ie et ae stalles du cheeur. Les grandes et les petites orgues subirent méme sort. L'image miraculeuse de Notre-Dame qui, es : chef de saint Savin, était en grande vénération, fut jetée dans la riviére. —Réau L,, ibid., p. 117. ; : : = Vou nornens L., Origine et introduction du protestantisme a saniantists : séjour de Calvin a Angouléme, son influence et ses résultats, ravages des protestants, Angouléme, Ed. Despujols, 1909. 3 — REAU L,, ibid., p. 98-99. 28 E MICHEL DEFAYE Si nous regardons du cété des province i imi = Hs SapeTnC luthérienne ot les ie eee a aliens ieee la liste des monuments saccagés i Ae a la riche Bourgogne qui avait échappé aux miséres e la guerre de Cent Ans, elle eut a déplorer encore plus de pertes que la Champagne. Le 27 septembre 1567, les calvinistes s'emparent d’Auxerre. A la cathédrale Saint- Etienne, ils brisent les cloches, bralent les stalles crévent plusieurs vitraux avec leurs piques, mutilent les images du jube. A Vabbaye Saint-Germain, qui était un des oe dceuvre de l’architecture monastique, c’est encore pire : ate _Leéglise, écrit dom Fournier en 1714, fut réduite 4 relle désolation qu'il n’y resta ni couverture ni vitres, que le petit clocher, placé sur la croisée du transept, fut renversé et a les cryptes furent dépouillées de leurs ornements. Les ie les appartements de l'abbé, celui des hdtes, Pinfirmerie et le dortoir devinrent la proie des flammes 1. A Cluny, métropole du monachisme chrétien, les huguenots, commandés par le vicomte de Polignac lieutenant du prince de Condé, font un premier raid en 1562, suivi de oe pillages de 1567 4 1575. Les autels sont brisés, les ombeaux violes, le trésor de reliques et de reliquaires saccage, Tes manuscrits de la bibliothéque lacérés par les reitres? incultes qui, de l’aveu de Théodore de Baze les mettaicnt dans le méme sac comme « estant tous livres de pes ». Presque toutes les abbayes clunisiennes de oe passeront par les mémes épreuves que la maison La basilique de Vézelay, quant a elle *écurie ; chasse de sainte Miarieed slants y est soled f coh i 4 contenait de préecieux reliquaires donnés en 1267 par saint Louis est pillé *. Parmi les abbayes Bourgligaoanes: qi sont saccagées et spoliées au cours des guerres de Religion, : 1— REAU L., ibid., p- 88-89. : = See mercenaire allemand aul service des huguenots francais. oir CHALLE A., « Histoire des guerres du calvinisme et de la Ligue dans le département de I’Y: oti ‘été ie historiques de I'Youne, année 10g... oe ae Ree vate LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 29 mentionnons encore Pabbaye de Saint-Philibert de Tournus, et celle de Moutiers-Saint-Jean. D’autres vagues de destructions ont suivi celle, terrible, de 1562, notamment au cours des années 1567-1569, Olivier Christin temoigne : Pendant été 1569, par exemple, 4 la téte de l'armée des vicomtes, Montgomery dévaste la Gascogne. De multiples bandes locales, comme celles de Vindrac, de Bousquet ou de Lavailh, profitent de la confusion pour s'emparer du produit des dimes et mettre a sac les églises. Les témoins cités au cours de enquéte accusent ces trois bandes d’avoir, 4 elles seules, ranconné plusieurs dizaines de localités. Peu de régions ont échappé & ces grandes flambées, au point que toute description exhaustive ou chronologique se heurte 4 d’importants obstacles, dautant plus que le rythme des destructions ne suit qu’approximativement la complexe alternance d’édits de pacification et de reprise ouverte des hostilités qui caractérise la période : un iconoclasme chronique. plus ou moins virulent, sévit au moins jusqu’au milieu des années 15801, sinon plus tard. L’iconoclasme protestant ne disparait pas avec le si¢cle : en 1621, les guerres de Rohan sont ainsi l'occasion d’une résurgence spectaculaire ?. Lianteur de la Révolution symbolique a tenté un bilan des dévastations. Voici ses conclusions : A défaut d’une étude statistique complete, plusieurs estimations partielles peuvent etre envisagées, a condition de souligner les imperfections d’une documentation qui compotte trop peu d’évaluations chiffrées de la part des contemporains. En avril 1569, le pére Samerius parle de plus de dix mille églises dévastées par les huguenots ; trois ans plus tard, Jean de Monluc, 1 — Voir, par exemple, les entreprises du capitaine Merle (sac de Mende et d’Issoire a la fin des années 1570) dans ARNIAUD-BELLAVAUD G., Un chef huguenot ; le capitaine Merle et les guerres de religion, notamment en Auvergne, Gévaudan et Vivarais, 2° édition, Uzés, Fd. H. Peladan, 1952. En avril 1586, le baron de Sus s’empare de Saint-Bertrand et pille la cathédrale ; voir LESTRADE J., Les Huguenots en Comminges : documents inédits publi¢s pour la Société historique de Gascogne, Paris, 1900, p. 353-382. Voir également Le pillage d’Embrun par le connetable de Lesdiguiéres en 1585. 2 — CHRISTIN Olivier, La Révolution symbolique..., p. 77-78. 30 MICHEL DEFAYE évéque de Valence, avance le chiffre de vingt mille, auquel il ajoute deux mille couvents. Ces calculs paraissent avoir fait Tunanimité au XVI‘ siécle: De Thou, par exemple, les juge fondés. Il est malheureusement impossible de les confirmer intégralement; quelques sondages nationaux ou régionaux monirent néanmoins l’importance des destructions et la poussée décisive que celles-ci connurent avec les guerres. La carte des chartreuses au XVI°siécle en témoigne clairement: si les chartreuses du royaume, a l'exception de celle de Glandier en Aquitaine, avaient traversé sans encombre la Réforme, a partir de 1562 elles ont ressenti, parfois durablement, le contrecoup des Opérations militaires et des troubles civils qui les ont accompagnés, Peu d’entte elles y ont échappé 1. Les profanations et les blasphémes des huguenots Toutes ces destructions se sont accompagnées, on s’en doute hélas, de sacriléges et de blasphémes exécrables. On hésite 4 en parler tant ils sont odieux et choquants pour l’ame chrétienne qui a mesuré amour et la délicatesse de son Dieu. Il faut pourtant les connaitre afin de ne pas étre victime ni complice du complot que Vhistoire officielle trame contre lEglise et la vérité. Tous ces forfaits déposent en faveur de la 1 — Olivier CHRISTIN précise: « Les enquétes locales, les visites pastorales, les atchives de l’Agence generale du clergé fournissent, elles aussi, des données solides, plus facilement contrdlables car elles permettent de juger, a l’échelle d‘une région ou d’une ville, de ’ampleur des dommages. Les ravages commis en 1569 dans le comté de Bigorre, par exemple, ont fait l'objet d’une enquéte extrémement détaillée qui fournit la liste des édifices touchés. Elle mentionne le prieuré de Madiran, les couvents des Carmes et des Cordeliers de Tarbes, la cathédrale et plus de cent cinquante églises du diocése. Mais cette volonté exceptionnelle de chiffrer les dégats (plus de trois cent mille livres pour la ville de Tarbes, deux cent mille pour ’abbaye de Tasque et le prieuré de Madiran, cent mille pour les maisons decclésiastiques et la collégiale de Lourdes...) ne doit pas faire illusion, Les témoins sont appelés a se prononcer avec six ans de retard, en septembre 1575, et sur des estimations communiquées par le syndic. » LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI SIECLE 31 condamnation définitive du protesiantisme : une religion qui produit dés sa naissance des fruits aussi infects ne saurait etre *une invention de lenfer. i "En 1562, 4 Saumur, les réformés abattent les images et les autels de Pabbaye Saint-Florent en « huchant et wena ep dérision » et emportent le corps de saint Florent en « ¢ cpien et se mocquant, usant de ces mots ou semblables a tenonds le gallant, nous Iny battrons bien la teste - Dans Bourges, Montgomery fait « trainer dans les rues par es une image qu'il avoit fait enlever de léglise de os a de Salles, ot il y avoit toujours un grand concours de peuple », avant de la faire briiler en pleine rue. Selon Olivier Christin, les mémes insultes reviennent fréquemment, tels le terme de galant, appliqué en général aux représentations du Christ, celui de marmouset ou encore ceux du répertoire scatologique 2 obscéne 1». Les huguenots du Puy, par exemple, a la célébre Vierge noire de la ville « ydole, trongon de Oye: massiarada, et ses ymages, faicts en papier, (...) des torche-(...) ?. A Angouléme, au moment ot l’on jette au feu un seed Christ arraché a une église de la ville, un certain Cambrois s’écrie : « Hé, qu’il est bean ! Si tu es Dieu, leve-toi pour faire miracle. » Avec les mémes intentions, les huguenots ania par terre le grand crucifix des Précheurs d Orange, « sian telles paroles : “fais maintenant miracle et parle”, omni i coups sur la téte tant du crucifix que des saints 3». Ceux Béziers insultent la Vierge en criant : « Hou, Nostre Pome. a bastarde, fay are de miracle. >» Un crucifix d'argent de eee Saint-Etienne de Lyon est aussi Pobjet de sarcasme Bg meneurs protestants et des plus exaltés qui afleclinent ge plaindre le pauvre crucifix nu et transi, promettant de bien ff le réchauffer. Au Mans, les calvinistes abattent le gran crucifix du choeur, en se « mocquant de quoy il avoit les bras estendus, disant qu’on se donnast garde qu’il ne donnast un soufflet ». — CHRISTIN Olivier, ibid., p. 142. i i — Texte d’Btienne MEDICIS cités par J. PINEAUX, La Poésie des is..., p. 89, note 9. S a a Aa notairé J, PERRAT. Archives du Vaucluse. 32 MICHEL DEFAYE Les profanateurs d'images singénient a trouver pour les objets sacrés les usages les plus impurs et les destinations les plus scandaleuses. Ainsi ils jettent les hosties aux chiens . rotissent les crucifix a la broche, se servent de l’huile sainte pour graisser leurs bottes, souillent les bénétiers de leurs excréments #, lachent des pores dans les églises. Aux Jacobins de Guérande, l’autel de saint Avertin est iransformé en auge. A Montpellier encore, les protestants utilisent des bénitiers comme fontaines dans des jardins privés: un cordonnier nimois entend, quant a lui, «tenir du froumage » dans le tabernacle dont il s’est emparé. Au printemps 1562, l'abbaye Saint-Florent de Saumur est occupée et dévastée par les huguenots. Les soldats menacent les religieux et les contraignent 4 faire la garde. Ils vont pendant ce temps profaner les hosties de l’église Saint-Barthélemy toute proche. Lun d’entre eux, Jonnault, brise une custode et se mouche dans les corporaux... Dés 1560, les huguenots de Rouen pendent des images saintes aux gibets de la ville, la téte en bas. En février 1562, ceux d’Agen trainent un crucifix dans les rues de la ville avant de lui couper la téte sur la grand-place 3. Olivier Christin commente ainsi cette liste d’abominables sacriléges: «Les objets ou les lieux consacrés sont ainsi brutalement ramenés 4 un statut exclusivement profane (...): Phostie est une nourriture, le tabernacle devient par conséquent un garde-manger, l’huile sainte de la graisse, les bénitiers des vasques... ¢ » Les pillards s’amusent aussi des vétements ecclésiastiques. A Lyon, «les soldats s’en revestirent en dérision de Péglise catholique, et en faisoyent les gentilshommes, et en pourtoit chascun son escharpe ou en faisoyent jarretiére pour monstrer 1 — DE SACONNAY Gabriel, Discours des premiers troubles advenus a Lyon avec l'npologie pour la ville de Lyon contre le libelle faucement intitulé la fuste et saincte défence de Lyon, Lyon, Ed. Michel Jove, 1569, p- 281. 2 — DAVIS, The Rites of violence : religious riot in sixteenth-century France, 1973, p. 51-91. Traduction francaise : Les Cultures du Peuple, rituels, savoirs et résistances au XVI siecle, Paris, Aubier, 1979, p. 249-307. 3 — Voir les Mémoires de Condé, t. IL, p. 27. 4 — CHRISTIN Olivier, ibid., p. 144. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE j 33 qu’ils estoyent de la livrée des sacriléges 1 ». Au Mans, eee Jacques Favry tourne en dérision la messe, en revétant les ornements sacerdotaux et la mitre, en tenant dans sa main un crane d’animal pour donner de l’encens. Il profere surtout ae blasphémes, se dit évéque et multiplie les signes de croix. Les plus influents des notables huguenots assistent a ces ejoui es. : castes dda ne se sont pas conientés de détruire des pierres taillées ou de profaner les plus saints mystéres de notre sainte religion ; « ils ont supplicié et assassiné, comme maints documents en font foi, des milliers de catholiques, ecclésiastiques ou laics. Le massacre de la Saint-Barthélemy, dont nous ne songeons nullement a minimiser Vhorreur, mwa été dans ces années tragiques, qu'un “massacre sae beaucoup d’autres. Les calvinistes ne sont pas les seuls Frangais qui aient été “géhennés et tortures”. (..) Il n'y a oe eu que des “abattis d'images”, mais des “boucheries de créatures humaines ”?. » Ww ees 1 — DE SACONNAY Gabriel, ibid., p. 280. 2 — R&au Louis, Histoire du vandalisme, p. 127-128. Une « légion innombrable de martyrs » Les massacres occultés A GUERRE CIVILE - qui éclata, tappelons-le, bien avant Vincident de Wassy — fit de nombreux martyrs asians puisque, souvent, les destructions huguenotes egeneraient en massacres. La Guyenne, le Languedoc, le Poitou, | la Saintonge ont été les premieres provinces eprouvées. Mais, bientat, Bourges, Mortagne, Meaux, Uzés Beziers, Nimes, Saint-Gilles, Montpellier, Orleans Suil scr Loire, Pithiviers, Reims, Coutances, Caen, Montauban, Males Condom, Angouléme, Saintes, Périgueux, Sarlat, Macon, Auxerre... furent le théatre de cruautés sur lesquelles les manuels scolaires et la plupart des livres contemporains gardent un silence géné. Plus d’un an avant léchauffourée de Wassy, en 1560 et 1561, le calviniste Antoine de Mauvans ravage la Provence, incendie la cathédrale de Senez et l’église- collégiale de Barjols ot il massacre sept ce ui tentaient de s opposer a ses destructions et A ses sacrilé n Dans les diocéses de Riez, de Glandéves et de Fréjus ahs avoir démoli les églises, emporté les croix et les ee f Lae fit toutes sortes dindignités et de cruautés, tant aux Drag ies = quaux catholiques, jusques a la ville de us de six mois avant incident de Wassy, le 1 ut 1561, a Montauban, les protestants pillent Péglise eae oe avoir brisé les images et renversé les autels. Is ee, catholiques tassemblés dans l’enceinte sacrée. Le 19 octobre 1561, @ la tombée de la nuit, une bande de huguenots de huit cents hommes attaque l’église Saint-Pierre a Montpellier Prétres et fidéles sont égorgés : prés de cinquante ee Te 20 au matin, ils se répandent dans la ville, pillent les soixante 1 — BOUCHE, Histoire de Provence, Aix, 1664, t. II, p- 628. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 35 églises et chapelles que comptent Montpellier. Ils égorgent plus de deux cents catholiques, déterrent quarante cadavres et leur arrachent les entrailles. En janvier 1562 le calviniste Théodore de Béze écrit qu’on ne pouvait imaginer a quel degré était montée la fureur des huguenots dans le Midi: «Ces Aquitains, peut-on lire dans son Histoire des Fglises réformées, ne seront contents que quand ils auront exterminé leurs adversaires. » Apres Vincident de Wassy, la fureur des huguenots ne connut plus de limites. Le 1 mai 1562, les édifices religieux de Lyon sont deétruits sur les ordres du baron des Adrets. La primatiale Saint-Jean est saccagée, les prétres et les religieux sont massacrés. Tout exercice du culte catholique est interdit. A Bayeux, le 20 mai 1562, une bande commandeée par le sire de Colombiéres, lieutenant de Coligny, fond a Pimproviste sur la paisible ville ot tous les édifices religieux sont mis 4 sac. Non contents de s’attaquer a des pierres auxquelles ils rétaient une 4me, ces forcenés martyristrent en outre, avec d’effroyables raffinements de cruauté, des centaines de ctéatures de chair et de sang, leurs compatriotes, dont le seul crime était de croire encore A ce qu’eux ne croyaient plus. Les habitants qui essaytrent de sopposer & ces profanateurs furent impitoyablement massacrés ou précipités du haut des remparts dans les fossés 1. A Pierrelatte, le 15 juin 1562, Ja tradition veut qu'une seule maison ait ét¢ épargnde. (...) Les catholiques sont tués 4 coups d’épée ou d’arquebuse ou pendus. Beaucoup sont atrocement mutilés ou tortures avant de mourir: & ceux-ci on coupe le nez ou les oreilles ; ceux-lA sont accrochés par le menton aux crémailléres des cheminées, 4 d’autres on fend la bouche d’une oreille 4 l'autre, A certains on ouvre le ventre...; des outrages sans nom sont infligés aux cadavres * ». 1— R&éau L., ibid., p. 83. 2 — DE VAISSIERE Pierre, Le Baron des Adrets, Paris, Firmin-Didot, 1930, p- 51. 36 MICHEL DEFAYE A Bolléne, le 22 juin 1562, les huguenots tuent, pillent, violent, ranconnent sans merci, Les moines sont tous massacrés en des supplices d’une violence inimaginable. A Saint-Marcellin, le 24 Juin 1562, massacre des habitants et de la garnison laissée par Maugiron : trois cents morts. A Montbrison, le 13 juillet 1562, «de récits absolument authentiques et dignes de foi, il résulte que, dans moins de vingt-quatre heures, plus de huit cents personnes, tant soldats qw habitants, furent massacrés 1 », Selon laveu méme du calviniste Théodore de Béze, dans son Histoire ecclésiastique des Fglises réformées, la prise de Lauzerte-en-Quercy fit 567 victimes, dont 194 prétres, le 15 aout 15622. Le méme auteur confesse qu’a Sully-sur-Loire « furent tués d’abordée tous ceux qui se rencontrérent par les Tues, méme trente-six prétres outre ceux qui se noyérent dans la riviére 3 », Au mois de septembre 1567, les protestants décident de s’emparer des villes du royaume. IIs pillent et massacrent dans tout le Midi. Le 30 du méme mois, ils font un grand carnage de catholiques, qu’on appela la Michelade en raison de la fete de saint Michel célébrée la veille. Is semparent d’abord par surprise des portes de la ville ; puis, armés de pistolets et darquebuses, se répandent dans les rues ; les catholiques sans armes ont a peine le temps de se réfugier 4 Pévéché. Mais bientot les huguenots s'emparent de [’évéché, mettant en arrestation tous ceux qui y ont demandé asile, pillent toutes les églises et jeitent au feu les boiseries atrachées des sanctuaires, les archives ecclésiastiques, les vases sacrés et les objets dart. A neuf heures du soir, commence un massacre horrible, sans pitié. On tue le premier consul de la ville, le prieur des Augustins et plusieurs chanoines, un vicaire général, des prétres, des laics. « Les dépositions des temoins devant le parlement de Toulouse évaluent a une centaine le nombre de victimes ; un journal anonyme a 180; le vicomte de Joyeuse dit qu’il y en éut deux a trois cents 4. » 1—ID,, Ibid. 2 — DE BEZE Théodore, Histoire ecclésiastique des églises réformées, Fd. Baum, t. II, p. 916. 3— DE BEZE, ibid., t. Il, p. 327-328, 4 — ROUQUETTE abbé, Les Saint-Barthélémy protestantes, p. 41. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 37 La méme année 1567 connait d'autres Sa e catholiques : 4 Alés, ou sont tués sept aegis € oe matines, deux cordeliers et plusieurs autres Acai oven Uzés, 4 Pont-Saint-Esprit, 4 Bagnols, a eae a e! — Ce sont cinquante villes ee a dans le Bas-Langu ; ux mains des protestants. : f oe 568, mémes sees de massacres & ae et os plusieurs villes de PAlbigeois. Le 24 septembre, 7 bles entrent par surprise 4 Saissac et y assassinent i es a : = Le 24 aot 1569, Jeanne d’Albret, hérétique an ee - daguer tous les ance oe prisonniers 4 Pau. int- é du Béarn ! ». Daw ea i4 au 15 novembre 1569, nouveau Sanaa dans la ville de Nimes : Be de 125 victimes ; la plupart son jeté mits de l’évéché. Ces ne. faits, ajoutés aux centaines d’autres, Sean -sil était besoin — que les victimes pendant a guerre religion au XVI siécle furent aussi et surtout catholiques. Le nombre de martyrs «On ne saurait faire fi des statistiques du XVF siécle. ; i j 4 caution, nous n’y contredisons pas. welles soient sujettes a caution, ! eee, Mais les chiffres sont des termes de comparaison acer a intelligibles et ceux que age ae hace oe SS tituent sans conteste u : ang rie én ple haut prix 2.» Ainsi s’exprime Victor oe au moment d’évaluer le nombre des pee ean . uniquement de ae eee ee = travail compte ni les religieuses ni les séct ee ees statistique des ecclésiastiques Co a fanatisme huguenot a été présentée par Ei aoe Lorraine au concile de Trente, le 23 novembre 1563. 1 — MARION, Histoire de VEglise, Paris, Téqui, 1942, 11° édition, t. IIT, Es = CARRIERE Victor, Les Eprenves de I'Eglise de France au XVF siecle, p. 235. 3—ID,, ibid., p.493. 38 MICHEL DEFAYE mois aprés la premiére des huit guerres de religion, le cardinal amnon¢ait aux Péres assemblés que les troubles récents avaient occasionné la mort de 3 000 religieux francais, tous martyrisés 4 cause de leur attachement au Siége apostolique 1. Une seconde statistique, relative aux victimes du clergé pendant les deux premieres guerres civiles, est fournie par une lettre du pére Samerius, datée de Verdun, le 20 avril 1569. L’auteur, un jésuite, parait avoir mené une enquéte sérieuse. Il alu non sans discernement les relations publiées sur le sujet ; il a interrogé de nombreux témoins parmi les péres de la Compagnie. S’il n’a pas recueilli un 4 un tous les faits quil rassemble, le chiffre des victimes auquel il s’arréte, celui de «5000 et au-dela?», n’en revét pas moins une autorité indéniable. C’est le chiffre, d’ailleurs, que reproduiront d’apres lui Erasme Fend (Vendius) et, par la suite, Natale Conti (Natalis Comes) et Raynaldi (Raynaldus). La statistique fameuse élaborée par Nicolas Froumenteau, en 1580, avance le nombre de 8 760 preétres et religieux victimes 3. A défaut des piéces elles-mémes, qui eussent permis de refaire les opérations de détail, l’'abbé Victor Carriére a voulu verifier si les calculs de Froumenteau tombaient juste. En réunissant par catégories les chiffres épars dans le volume pour 92 diocéses, il obtint : Chanoines, curés et prétres 3 190 Moines 7 8 Jacobins, Carmes, Augustins 677 @ordlelicis. 0 ete 440 Oia ea cee ern 5305 1 — Concilium Tridentinum, Ed. societas Goerresiana t. Ix, 1924, p. 1044. Voir aussi LE MIRE Aubert, auteur de seconde main, qui donne le chiffre de 4000 religieux ou religieuses: « Intra unius anni spatium religiosorum hominum sexus utriusque millia quatuor mactata » voir Rerum belgicarum Chronicon, Anvers, 1635, p. 417. 2 — PONCELET Alfred, Lettre inédite du P. Henri Samerius dans les Analectes pour servir a l'histoire ecclésiastique de la Belgique, année 1912, tiré- a-part, p. 51. 3 — FROUMENTEAU Nicolas, Le Secret des finances, III* partie, p. 378. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 39 De ces trois statistiques, ressort une évidence : le ee des victimes, dans le seul rang des prétres et des religieux, avant 1580, Cest-a-dire dix-huit ans avant la fin de la oe civile, est au moins égal 4 5 000. Ces victimes innocentes on été martyrisées avec un raffinement satanique, comme nous allons le voir. Les supplices des martyrs + Les sources La passion antireligieuse des huguenots en vint Peer a Ja persécution violente : « Si force épisodes oe nos og réligicuses peuvent se reclamer d'une atrocité c ae a est d’autres, par centaines, qui affectent un ce ere a férocité spécifiquement huguenot. Nous arene a a témoignage des contemporains et non des nies ae : Francois de Guise écrit au duc de Wuttem oo Je voudrais qu'il m’eft cofité de mon sang et qu eussiez vu la désolation et dérision de notable nombre de nos églises, la ruine qui est en aucunes de nos principales villes et la cruauté dont on a usé contre les prétres et autres personnes de notre aCe nS teligion : je m’assure que les grosses larmes vous en tomberaient des yeux ?. Parlant des calvinistes: «Les notres, en EMESIS ae tenus pour pire ane les Turcs», écrit de son cote M. de i 3 ince range. Ce ea sen ate spécialement aux gens ore «et ceux qwils trouvaient, ils les meurtrissaient des morts les plus étranges que oneques on ouit parler », raconte un viguier — In, ibid., t. IL, p- 495. ae : : See du 2 mai 1562 aux Archives du ministére des Affaires étrangéres, Mémoires et documents, Espagne, n° 318, Archives de Simancas, © série, t. I, fol. 40. : . ea mois de mars 1580. Voir GROEN VAN PRINSTERER G., Archives de la maison d’Orange-Nassau, 1° série, t. VIL, 1839, p. 272. 40 MICHEL DEFAYE de Saint-Yrieix 1 en Limousin. Et Richard Verstegan, au terme d'une enquéte sur les supplices appliqués en pays chrétien par les huguenots, concluait a bon droit que «les disciples de Calvin et de Béze (qu’on appelle huguenots) sont les plus cruels et désireux du sang d’entre tous les hérétiques 2 ». Les atrocités huguenotes, aprement dénoncées par les publicistes au cours de année 1562, avaient vivement ému le gouvernement royal. On craignait que de telles révélations ne fissent obstacle a la politique de pacification religieuse qui s'imposait aprés la paix d’Amboise ig mars 1563). Aussi deux livrets, qui avaient provoqué dans le pays de véhémentes coléres : le Discours de Claude de Sainctés sur le Saccagement des églises’ et V Histoire de Georges Bosquet sur fes troubles de Toulouse, ces deux livrets furent-ils interdits, le premier a la demande de Condé, l’autre sur un arrét du Conseil privé du toi, le 18 juin 1563. Les calvinistes toutefois ne se montrérent pas satisfaits de ces mesures. Aux accusations des écrivains catholiques, ils opposérent la négation la plus formelle. « Faussetés exécrables, s’écrie Louis Micqueau en 1564, disant les prétres avoir été par ceux de notre coté les uns écorchés, les autres crucifiés, les autres rétis. » On peut toujours nier un mauvais cas. Ce qui est plus difficile, c'est de détruire le bien fondé d'une accusation. Or, non seulement ces accusations n’étaient que trop fondées, mais leur nombre s'amplifia avec le temps. Deux recueils de documents sont a cet égard du plus haut intérér: les Wustria Ecclesie catholicae trophoea d'Erasme Fend ou Vent (Vendius), imprimés a Munich en 1573, et le Thédtre des cruautés des hérétiques de nostre temps, publié par Richard Verstegan 4 Anvers en 1588 4, 1 — DE MOonTécuT H.B., Journal historique de Pierre de Jarrige, Angouléme, 1868, peop: 2 — VERSTEGAN R., Thédire des cruautés des hérétiques de nostre temps, Anvers, 1588, p. 5. 8 — Discours sur le saccagement des fglises par les hérétiques anciens et nouveaux calvinistes, en Van 1562, Paris, Ed. C. Frémy, 1563, X, 100 fol. B.N. 8LB 3357 A. 4 — CARRIERE V.), ibid. Tl faut rattacher A cette série d‘ouvrages un poéme manuscrit de 3 000 vers latins, divisé en quatre livres et illustré de trente neuf dessins coloriés a Vaquarelle. C’est l’histoire des guerres de religion et sans chronologie précise, le récit des cruautés huguenotes depuis le LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI* SIECLE 41 Les Zrophea ne constituent pas une ceuvre originale, C’est f reproduction de trois mémoires historiques que leur nouve éditeur, Erasme Fend, conseiller du duc Albert V de Baviére, présenta comme autant d’exemples fameux des fureurs exercées contre les catholiques en Angleterre, en Ecosse et en France. «On est impressionné aux récits de ce ae tragique, devant cette revue des victimes, des mutilés, a égorgés, des martyrisés qui ne sont: que la représentation a centaines d'autres cas.» Le dernier de ces mémoires es intitulé : Acta tumulinum Gallicanorum ab obttu Henrici regis, de anno nimirum 1569 usgue ad memorabilem regis Geen victoriam, anno 15702. Il resume les événements sanglants de la mort d’Henri II 4 la paix de Saint-Germain (8 aont 1570). ; Le Thédtre des cruautés des hérétiques de notre temps obtint, quant a lui, un grand succés. L’auteur, Richard Verstegan, o né a Londres vers le milieu du siécle et fut oblige de sexpatrier pour échapper aux «lois de sang » de la reine Elizabeth I'*. Il se réfugia 4 Anvers et publia en 1588 son Thédtre des cruautés, ouvrage franc et rude, emprunté 4 une réalité d’autant plus impressionnante que se mélent au récit de nombreuses compositions illustrées. «Texte et gravures offrent “un échantillon des actes horribles que les calvinistes ont commis et perpétrés tant en Flandres qu eer mais particuliérement au royaume de France”. C'est horri € et hallucinant. (...) On touche ici au paroxysme de cee tragique » constate Victor Carriere, qui s’étonne que la valeur documentaire du recueil de Richard Vestegan ait été contestée au XIX*siécle, alors que tous les ot. contemporains prouvent la véracité des récits rapportés par le Théétre des cruautés. L’abbé Carriére précise : tumulte d’Amboise (1560) jusqu’a la prise d'Issoire (1577). Le ThéAtre des cruautés des hérétiques de nostre temps a été réédité en 1995, a pe aux éditions Chandeigne. an oo du Prologue en annexe p. 64. —_ BRE V., ibid., p. 450. s : Geman Ba publié une traduction frangaise dans la ae historique, t. CVI et CIX, (1911-1912). Cette traduction ee u texte latin a fait l'objet d’un tirage a part. Les Acta fumultucorn ea eat, Paris, 1912, 71 p. Cette traduction et les notes qui Bae es a reprises et corrigées par le R.P. Poncelet dans sa publication de la Letin inédite du P. Henri Samerius. 42 . MAAC BORE DSR FE Av De nombreux exemples peuvent illustrer ces propos. Ainsi, les notices de Verstegan concernant la premiére Michelade de Nimes du 30 septembre 1567 1 correspondent parfaitement aux récits des Archives du Gard ? qui posstdent les piéces originales du procés fait aux massacreurs par le parlement de Toulouse en 15683. Pareillement, les notices relatant les sauteries de Montbrison 4, qui illustrérent le nom du baron des Adrets (15 juillet 1562), corroborent les témoignages de G. de Saconnay, dans ses Discours des premiers troubles advenus & Lyon (Lyon, 1569) et ceux rapportés par Etienne du Tronchet dans ses Lettres missives (page 314) écrites en 1587. De méme, encore, le récit de l’assassinat en mer, prés de Palma, par des calvinistes francais que commandait le corsaire Jacques Sourie, de quarante missionnaires jésuites qui sen allaient sur le vaisseau Saint- Jacques précher [’Evangile au Brésil en juillet 1570 5 : les mémes faits ont été rapportés par deux Portugais, témoins oculaires. Tl conclut : Toutefois, si parfaitement documenté qu’ait été l’auteur, ce qui le recommande plus particuliérement, c'est moins peut-étre Pampleur de son information que le fait supplémentaire d’avoir mis en scéne les cas représentatifs d’une foule d’épisodes tout aussi abominables que certains. = « La férocité spécifiquement huguenote » «Ces €pisodes tout aussi abominables que certains » rapportés par R. Verstegan et par de nombreux témoins oculaires doivent étre mis sous les yeux du lecteur par souci de la vérité historique. Les prétres, les religieux et les religieuses sont les victimes privilégiées des huguenots®. La plupart meurent dagués, 1 — Théatre des cruautés, éd. 1588, p. 52. 2— Reg. 807 et 808. 3 — ll en existe une copie 4 la Bibliothéque de Nimes. 4 — Théatre des cruautés, p. 50. 5 — Théatre des cruautés, p. 54. ¢ — II faut savoir que « la fréquence de certains supplices caractérise un état pathologique particulier aux tortionnaires de la secte: c’est le LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI" SIECLE 43 poignardés, arquebusés, égorgés, étranglés ou noyés dans les riviéres. Tout ce qu une bestiale rage de meurtre peut inventer comme tortures est appliqué aux catholiques, coupables uniquement de vouloir rester fidéles a leur foi : on les enterre vifs, on les échaude dans lhuile bouillante, on leur arrache la langue, on retire les entrailles des corps vivants, et d’autres supplices plus atroces encore !. Mais ce qui afflige plus cruellement la conscience humaine, ce sont les mutilations inutiles, les atrocités sans nom qui préludaient a l’assassinat de si genéreuses victimes. «Ce n’étaient plus des soldats, c’éiaient des tigres que Pivresse du sang mettait hors d’eux-mémes » écrit le pasteur Puaux 2 en évoquant les sévices néroniens qu’exerca l'armée des Princes (Condé, Navarre, Coligny...) sur les habitants de PAgenais dans les années 1569-1570. Une information officielle rédigée dans les jours qui suivirent leur départ (le 18 janvier 1570) révéle que les séditieux travaillaient « jusques aux pauvres laboureurs et leurs enfants, les tenaient prisonniers en grande détresse, pendus en lair, ayant en Pentour de la téte une corde, et un billot au dernier pour leur faire ranconner or ou argent»; a d’autres, ils mettaient « les gros pouces des mains dans les chaines de leurs pistolets (a roue) » ou leur brdlaient la plante des pieds 3. Les huguenots, qui Vont appris des teitres, usent spécialement de l’essorillement * 4 ’égard des ecclésiastiques. Ainsi les soldats de Parmée de Coligny, passant a Argentan le 17 mars 1563, massacrent plusieurs prétres et, les ayant essorillés, ils en portent «/évidence » en guise de bouquet 4 leurs chapeaux 5. La chronique du couvent de Sainte-Claire raffinement des cruautés et l’obscénité de leurs tortures a l’égard des prétres et des moines » précise l’abbé Victor Carriére. 1 — PASTOR Louis, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, Paris, Plon, 1938, p. 421. 2 — Histoire de la Réformation francaise, t. Il, Paris, 1859, p. 277. 3 — Voir Archives historiques de la Gironde, t. XXIX, p. 72-73. 4 — Action consistant @ couper les oreilles. 5 — BLIN abbé, Petit tableau des ravages faits par les huguenots dans le diocese de Séez, p. 27-28, d’aprés la Description... de la ville d’Argentan de l'abbé DE COURTEILLES (1693), maison de la bibliothéque d’Argentan. Voir 44 MICHEL IDR BAR EARNG IE: d’Alengon signale ’impudence d’un gentilhomme du Poitou, seigneur de la Motte-Tibergeau, qui s’est acquis quelque renommeée en tailladant ainsi les ministres de Jésus-Christ et qui s’affiche partout avec une bandouliére d’oreilles de prétres en écharpe. Les mutilations de la face sont assez souvent suivies de mort. Ainsi les Chronigques fontenaisiennes nous ont conservé le souvenir de la passion de Nicolas Moquet, ancien curé de Langon, martyrisé le 5 septembre 1568. Comme ce saint prétre ne cessait de reprocher 4 ses tortionnaires leur apostasie, l'un d’eux, nommé Parent, lui enleva le nez, puis les oreilles et les deux yeux, aprés quoi il mit fin a ses jours en le jetant dans la riviére du Lay1. Pareillement, 4 Vire, un cordelier, Guillaume de Grandmont, eut les oreilles et le nez coupés avant d’étre passé par les armes en 1568 ?. Autre supplice fort en vogue chez les huguenots: la pendaison. Ils en usent souvent envers le clergé. Si la maniére dopérer est différente suivant les bourreaux, le lieu du supplice est 4 ’ordinaire choisi bien en vue, afin de terroriser les vivants : A Gouaix, en Seine-et-Marne, les huguenots pendent 4 la fenétre d'une maison ott il s’était caché, messire Jean d Argent 3, en 1567. A Casreljaloux, dans le Lot-et-Garonne, Pierre de Vérone et Jean Moret, tous deux franciscains, sont branchés a un arbre, face 4 la chapelle de la Vierge, en 1569. En la paroisse de Poix et 4 Moux, dans ancien diocése d’Autun, les curés sont « pendus pres le crucifix de leur église ¢ ». A 'abbaye de Fetriéres en Gatinais, des moines sont contraints & pendre eux-mémes leurs fréres en religion, puis sont ensuite massacrés le 16 aodt 1569 5. dade IE Dis Charles, Les Recherches et antiquitez de la ville de Caen, P- 5 1 — Archives historiques du Bas-Poitou, t. 1, p. 113. : a GonzaGua F., De origine seraphice religionis Franciscan, 1587, p. 589. 3 — BOURQUELOT F., Mémoires de Claude Haton, t. 1, p. 489. 4 — Archives Nationales, G8* 1239, n° 101. 6 — Voir CARRIERE V., ibid., p. 501. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 45 Renouvelant les scénes de persécution des premiers temps de lEglise, les disciples de Calvin outragent en mille rencontres les prétres de Jésus-Christ. Dans lAvranchin, le 10 septembre 1562, César de Brancas est attaché par eux a une colonne et martyrisé 4 coups d’épées et de hallebardes 1. A Casteljaloux, des moines sont flagellés avec des fouets garnis de plomb, d’autres sont crucifiés en Pannée 1568. En Bourgogne franciscaine, Vincent Fort, prédicateur, est trainé 4 la queue d’un cheval pendant deux lieues et roué de coups ; il était couvert de sang lorsqu’on s’arréte a la porte du village ot il est enterré vivant dans une fosse, en sorte cependant que la téte et les bras étendus en croix émergent seuls du sol. Le matin, comme il est toujours vivant, les huguenots Ini fendent la téte d’un coup de hallebarde. Louis Réau rapporte que d’autres malheureuses victimes furent éventrées et que « leurs ventres ouverts, bourrés d’avoine, servirent de mangeoires aux chevaux de reitres huguenots 2. » Victor Carriére ajoute : Sur le chapitre de l"horreur on serait intarissable: les cas typiques abondent of il faut 4 tout prix citer les faits particuliers. Pendant la deuxiéme guerre, prés de Neuilly-Saint-Front, dans PAisne, les huguenots immobilistrent un prétre, bras et jambes liés, sur une pitce de bois et Pécorchérent vif. Il respirait encore, lorsqu’ils !abandonnérent aux béres sur le bord de la route, apres lui avoir recouvert le visage de la peau de son ventre détachée depuis le nombril. Vers le méme temps, 4 Soissons, des gens qui sen venaient de Coucy racontaient avoir vu 4 la lisiére des bois deux prétres attachés 4 des branches et suspendus par les parties viriles & quelques pieds de terre, les mains solidement lides derriére le dos 3. 1 — CHAMBLAY Dr et DUVAL L., « Documents historiques et religieux au couvent de Sainte-Claire d’Alencon » dans le Bulletin de Ia société historique de l’Orne, t. Il, 1883, p. 138. 2— REAUL., ibid., p. 84. 3 — Voir Journal de Dom Lépaulart, p. 81, in CARRIERE, ibid. AO 200s SYM CREA DAE RATE Les ecclésiastiques n’étaient pas seulement aveuglés ou essorillés, mais encore chatrés. Verstegan cite un chirurgien des compagnies de Frangois de Béthune, pére de Sully, qui, aprés avoir fait ’opération d’Origéne 4 un ecclésiastique du « Cruautés des hérétiques », d’aprés une gravure du Théatre des cruautés des hérétiques de Richard VERSTEGAN village de Florent, dans la Marne, « se vanta que c’était le dix- septieme qu’il avait accoutré de cette facon >. Des récits dignes de foi attestent que, dans le Béarn, ce furent de véritables chasses qui étaient lancées contre les prétres catholiques. Dans le gouffre de Saint-Sever, les calvinistes précipitérent ainsi prés de deux cents prétres 1. Le contemporain Claude Haton évoque a plusieurs reprises la férocité des réformés a l’encontre des séculiers ; s’emparant des riches marchands catholiques et des marguilliers, ils les « gehannoient et tourturoient par tourmens aultant et plus que cruels que jamais firent Turcs ni barbares a chrestiens pour 1 — POYDAVANT, Histoire des troubles de Béarn, Pau, 1820, t. 1, p. 381. Voir aussi DE BOYSSON R., L’Invasion calviniste en Bas-Limousin, Paris, 1920, et ROUQUETTE abbé, Les Saint-Barthélemy calvinistes, Paris, 1906. Voir en annexe le martyre de plusieurs fils de Saint Dominique. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 47 leur faire déclarer o& estoient les croix, calices et richesses des églises qu’ilz ne trouvoient pas + ». ‘A ces légions de saints martyrs, il convient d’ajouter le grand nombre de soldats des armées et des ligues catholiques, la multitude des civils, tombés sous les coups huguenots pour que la France reste chrétienne. Honneurs que l’on doit rendre aux martyrs Quand on considére la geste des martyrs catholiques du XVI siécle, on s’étonne que tant de sang glorieusement répandu pour la cause de I'Eglise et de son Christ ait empoutpré si peu de pages de nos martyrologes diocésains. Serait-ce que les populations aient été indifférentes a la valeur du témoignage des martyrs ? Ou bien faut-il croire que les dépositions recueillies au cours des enquétes consécutives aux massacres nétablissent pas suffisamment la cause du martyre de tant de morts héroiques ? Ni Pune ni autre de ces raisons ne sont admissibles, écrit Pabbé Cartiére 2. Lorsque la persécution contre les catholiques prenait un caractére individuel et s’exercait sur place par des cruautes isolées, des parents ou des amis s’empressaient tant bien que mal de rendre au martyr les derniers devoirs. La connaissance de ’héroisme du martyr resta cependant locale. A Macheville en Vivarais, par exemple, quand Jacques de Chambaud eut fait massacrer les religieux du prieuré (3 mai 1587), des mains pieuses recueillirent les restes des martyrs et les déposerent dans un caveau du cimetiére, au-dessus duquel s’éleve une 1 — HATON Claude, Mémoires contenant le récit des événements accomplis de 1553 a 1582 principalement en Champagne et dans Ia Brie, F. Bourquelot (éd.), Paris, Imprimerie Impériale, 1857, 2 vol., t. I, p. 249. Voir également t. Il, p. 445 et 491. : 2— Les Epreuves de VEglise de France au XVI’ siecle, p. 503. 48 IM. LAA E AL < ADJA: Acv. Ee chapelle dite des « Saints Os ». Les sept cranes des religieux ont d’ailleurs été retrouvés sous la chapelle en 1863 1, Lorsqu’il s’est agi de la mise en ceuvre « méthodique d'un plan infernal d’annihilation totale » d’un village ou d’une ville, comme ce fut le cas au diocése de Tarbes, de 1570 a 1574, ot la ville épiscopale fut « prise, saccagée et brilée jusques a trois reprises, 4 ce point qu’elle demeura déserte pendant plusieurs années? », 4 défaut des reliques des martyrs, on retint une date mémorable comme le jour de leur mort, et la tradition sinstitua gardienne du lieu de lexécution. Puis les fidéles vinrent en pélerinage aux lieux témoins de leurs supplices. Ainsi 4 Orthez, tout au long de VPAncien Régime, la commémoration des centaines de victimes de Montgomery noyées dans le Gave ramenait le clergé en procession au pont de la ville plusieurs fois année, au chant de ’hymne des martyrs. En plusieurs églises du Béarn, des images étaient exposées a la vénération des fidéles qui représentaient les bienheureux dominicains Auger de Montaut et Raymond du Plan, tous deux martyrisés 4 Morlaas, l'un le 3 avril 1569, Tautre le 21 juillet 1570, D’autres exemples monitreraient quwen maints diocéses s’est maintenue la tradition du culte des martyrs de la Réforme. Mais quand bien méme arriverait-on A recueillir beaucoup de faits de méme genre, atténuerait-on |’impression facheuse que motivent trois siécles et plus d’indifférence générale 4 leur égard ? interroge l’abbé Carriére. On voudrait connaitre le motif de cet injuste délaissement, 4 tout le moins présenter une excuse qui vaille. Labbé Carriére Vexplique tout d’abord par le peu d’empressement des contemporains 4 répandre le culte des martyrs. Mais, dit-il, une autre raison qui vint par la suite renforcer encore cette indifférence initiale, c'est, si je ne m/’abuse, la politique d’apaisement et d’oubli qui prévalut au lendemain de l’édit de Nantes. 1— TarTary R., « Le Prieuré et l’église de Macheville », dans la Revue du Vivarais, 1902, p. 57-75. 2 — DURIER Ch. et de CARSELADE-DUPONT J., Les Huguenots en Bigorre, p: 7. LE PROTESTANTISME ASSASSIN AU XVI° SIECLE 49 En effet, aprés chaque édit de pacification au XVI°* siécle et plus spécialement aprés Pédit de Nantes, le mot d’ordre imposait le silence autour des horreurs précedemment commises. Non seulement on ne poursuivait pas les coupables, mais toute recherche dans les greffes, voire toute enquéte canonique sur les victimes semblaient une provocation, presque un crime. De nombreux gentilshommes huguenots, revenus au catholicisme, s’étaient rendu accessibles les faveurs du souverain. S’imagine-t-on dés lors leurs fils ou petit-fils, devenus d’église, et investis par la grace du roi d’un canonicat ou d’une prébende, soucieux d’enquérir sur le pillage ou les massacres dont leurs bénéfices avaient été le theatre, dont peut-étre ils étaient les bénéficiaires?... Ainsi fur dérobée 4 la connaissance de la postérité Pampleur du témoignage que les catholiques fiangais ont écrit de leur sang au cours des luttes du protestantisme !. Conclusion Il n’entre pas dans notre intention de metire en avant la cause des martyrs du protestantisme francais. Un jour viendra, sans doute, ow les catholiques, moins indifférents a leur passé, youdront réparer l’injustice commise a l’égard de ces martyrs en glorifiant ouvertement tant de sang généreux versé pour la foi. Dans cette voie du souvenir et de la réparation, les catholiques anglais ont montré l’exemple en introduisant, dés 1874, le procés de béatification d’un grand nombre de martyrs de l’anglicanisme : par un décret en date du 9 décembre 1886, Léon XIII a confirmé le culte de cinquante-quatre martyrs anglais, dont dix-huit chartreux immolés sous Henri VIII. En 1889 et en 1895, soixante-neuf ont été béatifiés, deux cent cinquante-trois autres déclarés vénérables. On peut certes regretter les quelques centaines de huguenots qui ont péri a Wassy ou lors de la Saint- Barthélemy, a unique condition de ne pas oublier les milliers 1 — CARRIERE V., ibid., p. 504. 50, MICHEL DEFAYE de martyrs catholiques, d’établir avec équité les responsabilités, de ne pas confondre l’agresseur et l’agressé, le bourreau et la victime, le séditieux et le fidéle. Non, ce n’est pas a l’Eglise de demander pardon. II est temps au coniraire quelle tire de indifference ot ils sont ensevelis et honore enfin comme ils le meéritent les milliers de martyrs du fanatisme protestant. Ce n’est peut-étre pas dans l’air du temps, empesté d’cecuménisme. Mais c’est pourtant un rigoureux devoir de mémoire. Annexes Récit de martyre Le récit qui suit est extrait du livre du pére J.-D. Levesque O.P., L'Ancien couvent des freres Précheurs d’Angers (Paris, Cerf, 1961, p. 108-110). Par ses circonstances, le martyre du dominicain angevin René Poyvet, tombé sous les coups des huguenots a Angouléme, annonce, avec deux siécles d’avance, le martyre du bienheureux Noél Pinot monté a *échafaud avec ses ornements sacerdoraux, le 21 février 1794, en pleine Terreur. les éditeurs. RERE RENE POYVET, théologal! de (Téglise d’Angouléme, illustra le couvent par sa science et son martyre. Angevin, il commenga sa vie religieuse au couvent Saint-Jacques [d’Angers], puis alla 4 Paris compléter ses études. Nommé Maitre en théologie par le chapitre général d’Avignon, il se consacra a la prédication et prit place rapidement parmi les meilleurs prédicateurs du royaume ; les protestants le redoutaient. Prieur du couvent d’Angers en 1562 et 1563, il fut élu, ’année suivante, au priorat du couvent de Chartres. On gardait, dans cette ville, le souvenir de deux Carémes et de deux Avents (1556 et 1561) quil y avait prechés. En 1567, le couvent d’Angouléme lélut 4 son tour comme prieur. Décimé par les huguenots en 1562, ce malheureux couvent avait besoin d’une main ferme pour soutenir la lutte 1 — Chanoine de l’église cathédrale chargé d’expliquer publiquement la sainte Ecriture et la doctrine catholique, par commission de l’évéque (CIC 398, 399 et 400). 52 PERE CUE VES @ UE que la proximité des principaux foyers du protestantisme rendait inévitable. Quelques mois a peine s’étaient écoulés que les huguenots, rompant la « paix boiteuse » de Longjumeau, s’emparaient de presque toutes les places du Poitou et de Saintonge. Angouléme tomba entre leurs mains et connut les pires atrocités. Frére Poyvet préchait alors le Caréme a Chartres dans Véglise cathédrale. Quand il apprit les horreurs qui se déroulaient dans la ville, son couvent pillé et bralé, plusieurs religieux sauvagement martyrisés et mis 4 mort, les autres dispersés, il revint en hate a Angouléme. Sa présence obligea les huguenots 4 modérer leurs discours. Prenant aussitot offensive, frére Poyvet invita les protestants 4 une discussion publique et, en attendant leur réponse, il commenga 4 réfuter victorieusement leurs erreurs et leurs mensonges. Furieux de trouver sur leur route une fois de plus ce courageux défenseur de la foi, les hérétiques essayérent d’abord de l’intimider. Pénétrant un jour dans les tuines du couvent, ils y trainérent derriére eux frére Michel Greslet, gardien des Cordeliers. L’amiral Coligny en personne présidait la scéne. On fit venir frére Poyvet ; apres lavoir accablé d’injures et de menaces, on le conduisit a la suite de la victime dans le jardin du couvent ot I’on pendit sous ses yeux, a un mitrier, le malheureux gardien des Cordeliers. On dit que le martyr, apostrophant l’amiral, prononga cette terrible prophétie que la suite des événements n’allait pas tarder a justifier : « Barbare seigneur, vous ne rougissez pas d’imiter la cruauté de Jézabel ; eh bien! sachez-le, viendra un jour oti vous serez traité avec la méme cruauté ; votre cadavre sera foulé aux pieds et votre sang léché par les chiens !. » Dans la nuit de la Saint-Barthélemy (24 aout 1572), Coligny sera assassiné dans sa propre maison, son cadavre jeté par la fenétre, piétiné, trainé par les rues de Paris et pendu au gibet de Montfaucon. René Poyvet ne fléchit pas. Jeté en prison avec un de ses religieux, le frére Jean Chauvyeau, vieillard de soixante-dix 1— Tel fut le chatiment de la reine Jézabel : 1 R 21, 24 et 2 R 9, 34-37. (les édifeurs.) LE MARTYRE DU FRERE iO Sey Ea 53 ans, il vit bient6t mourir son compagnon, épuisé par la faim et dévoré par les vermines. Trois des plus habiles ministres huguenots tentérent alors de le faire apostasier en lui offrant de fortes récompenses ; Poyvet leur répondit en stigmatisant leur bassesse et en cherchant a les ramener 4 la vraie foi. Dés lors sa mort fut décidée. Dépouillé de son habit de Précheur, nu jusqu’a la ceinture, on le promena sur une charrette a travers la ville. Deux gardes du corps le tourmentaient sans arrét: « Ces furies d’enfer, disent les contemporains, lui brélaient les chairs des flancs et de la poitrine avec des tenailles ardentes, tandis qu’un huissier, marchant devant la charrette, criait aux passants: “Voila le grand prédicateur des faussetés du papisme ; voila celui qui a séduit tant d’ames, et qui apprenait a paillarder avec la messe”. » Apres avoir été ainsi promené 4 travers la ville, trompé peut-étre sur le sort qui l’attendait et gardant toute sa sérénité, frére Poyvet réitéra a ses gardiens la demande qu’il avait faite plusieurs fois pendant sa captivité, celle de pouvoir célébrer la sainte messe. On lui répondit par un grand éclat de rire : « Tu veux dire ta messe ? Eh bien ! tu vas la dire ! » Us laffublérent de vieux haillons en guise de chasuble, lui mirent en guise d’étole et de manipule des brides de cheval au cou et au bras, et le placérent, ainsi équipé, sur le pont du faubourg Saint-Cybard, hors les murs de la ville. Un échafaud fut dressé en guise d’autel. Poyvet recut l’ordre d’y monter et d’y célébrer les mystéres du papisme. Frere René gravit les degrés de cet autel qui allait étre celui de son sacrifice ; puis, se tournant vers la foule, il lui adressa un discours si pathétique qu'un long frémissement d’approbation s’éleva dans l’assistance. Craignant de voir leur victime leur échapper et un mouvement populaire en sa faveur, les bourreaux se jetérent alors sur elle, et apres l’avoir assommée a coups de poing, la précipitérent par-dessus le parapet du pont dans les eaux de la Charente. On était au coeur de l’été, le lit de la riviére était 4 peu prés desséché, le corps se brisa sur les cailloux. Comme il respirait encore, ses bourreaux l’achevérent d’un coup de mousquet ; c’était le 6 aout 1 1568. Le pape Pie V se fit raconter les moindres détails de ce martyre dont le dominicain frére Nicolas écrivit le récit. Et le chapitre général de Rome (1569) voulut conserver le souvenir de ce glorieux défenseur de la foi. « Cruautés des hérétiques », d’aprés une gravure du Théatre des cruautés des hérétiques de Richard VERSTEGAN 1— Date historique de la mort de saint Dominique. (les caitcurs,) Extraits des actes des martyrs dominicains du XVI‘ siecle Les notules qui suivent sont tirées de : Année dominicaine ou vies des saints, des bienheureux, des martyrs et des autres personnes illustres ou recommandables par leur piété, de Tun et Lautre sexe, de F Ordre des Fréres Précheurs, distribuées suivant les jours de lannée. Nouvelle édition revue et annotée par des religieux du méme Ordre. Lyon, 1906, Bureaux de la Couronne de Marie. . + Le 10 novembre, année 1570 1. — Aux environs de Paris, le venérable pere Robert de Bellevue, martyr. — Il était profes du couvent de Saint-Gaudens, dans la province de Toulouse, et fut désigné par le chapitre général de Rome, an 1569, pour recevoir le titre de Maitre en sacrée théologie. Eloquent prédicateur, tres versé dans la controverse, il travailla longtemps 4 défendre la vérité catholique contre les erreurs des huguenots. Ceux-ci, ne pouvant souffrir les conversions éclatantes qu’il opérait, se saisirent de sa personne et lui firent subir le supplice que notre glorieux patriarche saint Dominique avait tant désiré. Ils le coupérent membre 4 membre, en commencant par les extrémités des pieds, et passant ensuite aux mains, jusqu’aux jointures des épaules ; puis ils écorchérent vif ce qui restait du tronc. Le vénérable pére conquit dans ce tourment la palme du martyre. (Acta Cap. gen, 1591. — Jean DE SAINTE-MARIE, Glorteuwx martyrs de VOrdre, ch. [X.) + Le 18 novembre, année 15882. — Dans la province de Toulouse, le martyre du vénérable pére Pierre de La Coste. — L*hérésie, engendrée par le démon, est, par consequent, fille 1 — Novembre, t. I, p. 404. 2 — Novembre, t. TI, p. 639-640. | 56 LES ACTES DES MARTYRS DOMINICAINS du mensonge : le montrer telle qu’elle est, c’est la réfuter et la confondre. Voila ce que faisait d’une facon victorieuse le venérable pére Pierre de La Coste, en disputant avec les huguenots, devant le peuple, particuliérement sur le saint sacrifice de la messe. Aprés avoir résumé ses arguments dans un ouvrage volumineux et savant, il se rendait 4 Paris pour le faire imprimer. Les hérétiques en eurent connaissance. Redoutant un livre qui fat demeuré comme un accusateur permanent de leurs erreurs, alors que les plus solides sermons ne laissaient que des traces plus ou moins fugitives, ils arreterent en route le saint religieux et le pendirent a un arbre, 1588. — (Jean DE SAINTE-MARIE, Glorieux Martyrs, t. III, 602.) * Le 30 novembre, année 15681. — A Castres, le martyre du bienheureux Pierre Guillot et de ses religieux. — On sait que le sang dominicain a coulé 4 flots dans le Midi de la France, a Pépoque des guerres de Religion. Pierre Guillot et une quarantaine de ses fréres, dont il était le prieur, recurent la palme du martyre, a Castres, par la haine des sectaires calvinistes. Ce pére, dit Jean de Réchac, était de bonne naissance et porté grandement au bien. Avant que le fléau de ’hérésie vint fondre sur la ville, en punition de ses désordres, il ne cessait d’annoncer du haut de la chaire les chatiments que méritaient les péchés du peuple. Sa parole ardente ne produisit aucune impression salutaire sur ces Ames rebelles, et bient6t, aux Tuines accumulées et au débordement des vices, on put constater dans la ville de Castres, ot Phérésie fixa son siege, que le vénérable pére avait été prophéte. Les citoyens catholiques endurérent les plus odieux traitements. Quatre cents d’entre eux furent enfermés dans le couvent, avec les quarante religieux qui composaient la communauté de Castres. Leur fermeté contrasta grandement avec la lacheté d’un certain nombre de clercs, qui cédérent devant la menace et donnérent la main aux hérétiques. Le pére Guillot ne contribua pas peu a maintenir les catholiques dans leurs admirables dispositions. Sa patience, au milieu des souffrances, les fortifia plus encore que ses encouragements. 1— Novembre, t. II, p- 867-868. ANNEXES ©) 37 Jeté dans une basse-fosse, il eut & soutenir les attaques envenimées des sectaires et 4 subir leurs procédés indignes. Un des catholiques les plus militants fut mis prés de lui dans cette sorte de citerne ; une fois délivré, il raconta les assauts livrés la constance du pieux dominicain, et son invincible fermeté a repousser les traits de ses ennemis. Vainement, ils s’étaient flattés de le conquérir a leur secte : ses ripostes et ses vives exhortations leur firent bientét comprendre quwils sétaient étrangement trompés. Maintes fois, dans les discussions religieuses, essaya-t-on de Varréter, quand il flagellait les doctrines impies des novateurs ; son zele et YPamour de la vérité lui faisaient braver toute crainte. De guerre lasse on résolut de s’en défaire. Aprés Pavoir promené ignominieusement dans les rues de la ville, sous les huées d’une populace en délire, on le conduisit prés de la riviere ; la, un forcené lui plongea son poignard dans la poitrine, et, le croyant mort, le jeta 4 eau. Mais le saint prieur eut encore la force de lever le bras et de dire : Credo, Credo, Credo. Aprés cet attentat, les calvinistes revinrent au couvent et massacrerent les religieux et les catholiques qui s’y trouvaient prisonniers. Prés d’un cent de ces derniers avaient été amenés de Bence, localité voisine. Les corps des martyrs, ainsi que celui du pére Guillot, furent jetés dans un puits que l’on combla si bien que, malgré toutes les recherches faites depuis, il fut impossible d’en découvrir la trace. z Dieu ne laissa pas impunies les atrocités commises contre ses serviteurs. Lassassin du vénérable Prieur devint aveugle. Quand la communauté se reforma, on pouvait le vow 4 la porte, attendant son aumone. II confessa humblement son crime et sen montra repentant. A la suite de ces scenes de meurtres et de pillages, Vinsigne relique de saint Vincent martyr, véenéree dans notre église de Castres, disparut avec les autres. (Cap. Gen. Rome, 1569. — Pio, P.LL. II, 314. — J. DE RECHAC, III. Glorieux martyrs, 600.) Les documents d’origine congréganiste pour servir aux chercheurs en histoire’ Les congrégations et les Corps religieux ont laissé des annales, relations ou nécrologes qui sont 4 consulter du point de vue régional et diocésain. Les cordeliers, qui furent de tous les religieux mendiants les plus eprouvés, tiennent le premier rang des témoins par importance de leur contribution historique. Leur plus ancien martyrologe frangais appartient 4 année 1565. A cette date déja, s‘inscrivent sur la stéle de Ordre deux clarisses et plus de quarante-huit franciscains martyrs dont trente et un sont désignés par leur nom propre !. Quelques années plus tard, en 1581, Francois Gonzaga, depuis peu ministre général des Mineurs, pressait tous les provinciaux de sa juridiction de mener une enquéte sur les fréres martyrisés pour la foi et restés jusque la inconnus. Ces lettres encycliques, données 4 Naples, le 14 février 1581, sont 4 Porigine des récits qu’il publia six ans aprés dans son monumental ouvrage De origine seraphicee religionis franciscane: ejusque progressibus. La, deux cent vingt religieux ? sont nommément désignés, auxquels l'auteur a consacré souvent plus qu’une bréve mention d’obituaire ; 1a aussi sont exposés par provinces les ravages commis dans les couvents de Freres Mineurs : province de France (pages 551- 579), province de France-Parisienne (pages 581-601), province de Touraine (pages 667-683), province de Touraine- Pictavienne (pages 685-697), province d’Aquitaine ancienne (pages 721-733), province de Saint-Bonaventure de Bourgogne (pages 777- 701), province de Saint-Louis en Provence * — Ces sources sont extraites de l’ouvrage de l’abbé Victor CARRIERE. 1 — Le pére OTHON DE PAVIE a publi¢ le texte latin de l’original d’aprés le Registrum Curiae Ultramontane des Archives romaines de Santi Quaranta (L’Aquitaine séraphique, t. III, p. 454-456). 2 —C’est le chiffre que donne le pére ANTOINE DE SERENT, les Fréres Mineurs francais en face du protestantisme au XVI‘ siecle (Paris, 1930), p. 63. DISCOURS DES MISERES DE CE TEMPS 59 (pages 817-843), province de Flandre (pages 983-989), province d’Aquitaine nouvelle (pages 1025-1033), province de Saint- André (Nord, pages 1005-1073), une premiére édition in-folio a paru & Rome en 1587, une autre a Venise en 1602. La premiére se trouve a la Bibliothéque nationale, sous la cote H 1581. Liouvrage du pére Jacques Fodéré, cordelier de Bourgogne, encore gue publié en 1619, est cependant de rédaction antérieure au précédent. Il est intitulé : Narration historique et topographigue des couvens de UOrdre de Saint-Francois et monastéres Sainte-Claire, érigez en la province anciennement appelée de Bourgogne, a présent de Saint-Bonaventure... Cette province comprenait 4 l’époque les custodies de Lyon, de Dijon, d’Auvergne, de Déle, de Vienne et de Savoie. Publié a Lyon en 1619 (Bibl. nat., 4° Ld24 33), le volume a été réimprimé dans les Mémoires de V Académie de Clermont en 1861 (Bibl. nat., Lk2 215). Luc Wadding, le grand annaliste franciscain, a résumé les deux précédents recueils dans son livre: Seriptores ordinis Minorum, quibus accessit syllabus illorum qui ex eodem Ordine pro fide Christi fortiter occubuerunt. L’ouvrage, publié a Rome en 1650, a été reedité en 1906 avec un supplément (en 1908) du pere J. Hyacinthe Sbaralea: Supplementum et castigatio ad Scriptores trium Ordinum S. Franctsci a Waddingio aliisve descriptos, cum annotationibus ad Syllabum martyrum eorumdem Ordinum (Bibl. nat., fol. Q 252). Le Syabus range la liste des martyrs par ordre alphabétique des noms de personnes '. Puisant a ces sources, le R. P. Antoine de Sérent a écrit des pages fort révélatrices sur les martyrs franciscains du XVI siécle 2. Les relations contemporaines de la ruine des couvents de saint Dominique en France par les huguenots sont en petit 1 — Mentionnons aussi le Martyrologium franciscanum du pere Arthur DUMOUTIER, récollet de Rouen, mort en 1617. L’ouvrage a eu trois éditions (Venise, 1638 ; Modéne, 1653 ; Venise, 1879) dont aucune ne se trouve a la Bibliotheque nationale. On y donne pour chaque jour les noms des martyrs des trois Ordres de la famille franciscaine. Ce martyrologe est sans valeur canonique. 2 — ANTOINE DE SERENT pére, les Fréres Mineurs frangais en face du protestantisme au XVI siécle, chapitres II et IV, 60 PIERRE DE RONSARD nombre et trés laconiques. Le R. P. Mortier les a reproduites textuellement ou analysées dans son Histoire des Maitres genéraux de UOrdre des Freres Précheurs, tome V, chapitre III, pages 546-567 et 585-586 (Bibl. nat., 8° H 6577). C’est d@’abord un état général des couvents de I’Ordre aprés le passage des calvinistes en Languedoc, 4 ’époque de la deuxieme guerre civile, en 1567. Le texte est publié d’aprés original des Archives vaticanes (pages 556-557). Un autre document est extrait des Actes du chapitre général de 1569, dont la collection est aux archives de l’Ordre. Il fait connaitre les noms de seize religieux mis 4 mort par les calvinistes. Ce nombre est un minimum. Le P. Mortier a remédié aux lacunes du document en intercalant dans sa narration (pages 558 a 561) le récit de Jean de Rechac, qui est presque un contemporain. On y relate notamment le massacre des dominicains de Castres, ot: quarante religieux et quatre cents catholiques furent massacrés et leurs corps jetés dans un puits (1569), a exception du prieur, le pére Pierre Guillot, qui fut noyé. Le livre du pére Jean de Rechac, que ne posséde pas la Bibliothéque nationale, a pour titre : les Vies et actions mémorables des saints, bienheureux de VOrdre des Precheurs avec le triomphe des martyrs du méme Ordre (Paris, 1645) 1. Il n’apparait pas que les bénédictins, les camaldules, les cisterciens, grands carmes et ermites de saint Augustin se soient préoccupés de recueillir 4 part des matériaux en vue de leurs martyrologes au temps de la Réforme. Non que ces religieux aient été épargnés des religionnaires ni que les chroniques de leur Ordre y soient restées indifférentes. Mais les préoccupations de leurs historiens se sont portées ailleurs 2. 1—On consultera aussi L’'Année dominicaine, ou les Vies des saints, des bienheureux et des martyrs... de l'ordre des FF. Précheurs, Cette collection est Vceuvre d‘hagiographes successifs : le pére FEUILLET (janvier, 1678 ; février, 1679; mars, 1680); le pére SOURGES (avril, 1684; mai, 1686-1687 ; juin, 1689; juillet, 1691; aott, 1693, 1696); le pére Ch. DE SAINT-VINCENT (septembre, 1702); le pére LAFON (septembre, t. II, 1710; octobre, 1712- 1715). Une édition nouvelle, entigrement refondue a paru & Lyon chez Jevain, en 18 volumes. 2—la Compagnie de Jésus compte trois martyrs mis 4 mort par les calvinistes de France au XVI° siécle : le pére Martin Gutierez, espagnol, qui périt en Gascogne en I’an 1573 ; le pére Jacques Sales et le frére Guillaume DISCOURS DES MISERES DE CE TEMPS 61 Discours des miséres de ce temps a la reine mére du roi - Le vice d’age en age ett pris accroissement, Il y aja longtemps que l’extréme malice Eiit surmonté le monde, et tout ne fat que vice. Mais puisque nous voyons les hommes en tous lieux Vivre, l'un vertueux, et l'autre vicieux, Il nous faut confesser que le vice difforme N’est pas victorieux, mais suit la meme forme Owl avait dés le jour que ’homme fut véetu (Ainsi que d’un habit) de vice et de vertu. Ni méme la vertu ne s’est point augmentée : Si elle s’'augmentait, sa force fut montée Jusqu’au plus haut degré : et tout serait ici Vertueux et parfait, ce qui n’est pas ainsi. Or comme il plait aux mceurs, aux princes, et 4 Page, Quelquefois la vertu abonde davantage, Et quelque fois le vice, et Pun en se haussant Va de son compagnon le crédit rabaissant, Puis il est rabaissé : afin que leur puissance Ne prenne dans ce monde une entiére accroissance. Ainsi il plait 4 Dieu de nous exerciter, Et entre bien et mal laisse homme habiter, Comme le marinier qui conduit son voyage Maintenant par beau temps, et ores par Porage. : Vous, Reine, dont lesprit prend plaisir quelquefois De lire et d’écouter l’histoire des Francois, Vous savez, en voyant tant de faits mémorables, Que les siécles passés ne furent pas semblables. S DEPUIS que le monde a pris commencement, Saultemouche, massacrés 4 Aubenas, le 7 février 1593, et béatifiés le 6 juin 1926. - - RONSARD Pierre de, Discours des miséres de ce tentps, Le livre de poche classique, Paris, 1993, p. 67-76. La composition du Discours est datée de la fin mai ou du début de juin 1562. Ronsard publiera une Continuation du Discours des Mis®res de ce femps a la Reine a l'automne 1562. Ces discours sont adressés a la Reine-mére, Catherine de Médicis. 62 PAE RAR Eee ES yO uNySTA Rup, Un tel roi fut cruel, l'autre ne le fut pas, L’ambition d'un tel causa mille débats. Un tel fut ignorant, Pautre prudent et sage L’autre n’eut point de coeur, autre trop de courage. Tels que furent les rois, tels furent leurs sujets Car les rois sont toujours des peuples les objets. Il faut donc dés jeunesse instruire bien un prince, Afin qu’avec prudence il tienne sa province. Il faut premiérement quwil ait devant les yeux La crainte d’un seul Dieu : qu'il soit dévotieux Envers la sainte Eglise, et que point il ne change Ma foi de ses aieux pour en prendre une étrange, Ainsi que nous voyons instruire notre roi Qui par votre vertu n’a point changé de loi. Las ! Madame en ce temps que le cruel orage Menace les Frangois d’un si piteux naufrage, Que la gréle et la pluie, et la fureur des cieux Ont irrité la mer de vents séditieux, Et que l’astre jumeau ne daigne plus reluire, Prenez le gouvernail de ce pauvre navire, Et malgré la tempéte, et le cruel effort De la mer, et des vents, conduisez-le 4 bon port. La France 4 jointes mains vous en prie et reprie. Las ! qui sera bient6t et proie et moquerie Des princes étrangers, s'il ne vous plait en bref Par votre autorité apaiser ce méchef. Ha ! que diront la-bas sous les tombes poudreuses De tant de vaillants rois les mes généreuses ! Que dira Pharamond ! Clodion, et Clovis ! Nos Pépins ! nos Martels ! nos Charles, nos Louis ! qui de leur propre sang versé parmi la guerre, Ont acquis a nos rois une si belle terre ? Que diront tant de ducs, et tant d’hommes guerriers Qui sont morts d’une plaie au combat les premiers, Et pour France ont souffert tant de labeurs extrémes, La voyant aujourd’hui détruite par nous-mémes ? Ils se repentiront d’avoir tant travaillé, Querellé, combattu, guerroyé, bataillé Pour un peuple mutin divisé de courage Qui perd en se jouant un si bel héritage : DISCOURS DES MISERES DE CE TEMPS 63 Héritage opulent, que toi peuple qui bois De l’anglaise Tamise, et toi Maure qui vois Tomber le chariot du soleil sur ta téte, Et toi race gothique aux armes toujours préte, Qui sens la froide bise en tes cheveux venter, Par armes n’avez su ni froisser, ni dompter. Car tout ainsi qu’on voit une dure cognée Moins reboucher son fer, plus est embesognée A couper, a trancher, et 4 fendre du bois, Ainsi par le travail s’endurcit le Frangois : Lequel n’ayant trouvé qui par armes le dompte De son propre couteau soi-méme se surmonte. Ainsi le fier Ajax fut de soi le vainqueur, De son propre couteau se transpercant le coeur. Ainsi Rome jadis des choses la merveille, Qui depuis le rivage ot le Soleil s’éveille, Jusques 4 autre bord son empire étendit, Tournant le fer contre elle, a la fin se perdit. C’est grand cas que nos yeux sont si pleins d'une nue Quwiils ne connaissent pas nostre perte advenue, Bien que les Girangers, qui n’ont point d’amitié A notre nation, en ont méme pitié ; Nous sommes accablés d’ignorance si forte, Et liés d’un sommeil si paresseux, de sorte Que notre esprit ne sent le malheur qui nous point, Et voyant notre mal, nous ne le voyons point. Dés longtemps les écrits des antiques prophetes, Les songes menacants, les hideuses cométes Nous avaient bien prédit que l’an soixante et deux Rendrait de tous cétés les Francais malheureux, Tués, assassinés : mais pour n’étre pas sages, Nous n’avons jamais cru a si divins présages, Obstinés, aveuglés : ainsi le peuple Hébreu N’ajoutait point de foi aux prophéies de Dieu : Lequel ayant pitié du Frangois qui fourvoie, comme pére bénin du haut Ciel lui envoie Songes, et visions, et prophétes, afin Qu’'il pleure, et se repente, et s’amende 4 la fin. Le Ciel quia pleuré tout le long de Pannée, Et Seine qui courait d’une vague effrénée, 64 PIERRE DE RONSARD Et beétail et pasteurs largement ravissait, De son malheur futur Paris avertissait, Et semblait que les eaux en leur rage profonde Voulussent renoyer une autre fois le monde. Cela nous prédisait que la terre, et les cieux Menagaient notre chef d’un mal prodigieux. _ O toi, historien qui d’encre non menteuse Ecris de notre temps histoire monstrueuse, Raconte a nos enfants tout ce malheur fatal, Afin qu’en te lisant ils pleurent notre mal, Et qu’ils prennent exemple aux péchés de leurs péres, De peur de ne tomber en pareilles miséres. De quel front, de quel ceil, 6 siécles inconstants, Pourront-ils regarder Phistoire de ce temps ! En lisant que l’honneur, et le sceptre de France Qui depuis si long age avait pris accroissance, Par une opinion nourrice des combats, Comme une grande roche, est bronché contre-bas. On dit que Jupiter, faché contre la race Des hommes qui voulaient par curieuse audace Envoyer leurs raisons jusqu’au Ciel, pour savoir Les hauts secrets divins, que l'homme ne doit voir, Un jour étant gaillard choisit pour son amie Dame Présomption, la voyant endormie Au pied du mont Olympe, et la baisant soudain Concut l’Opinion, peste du genre humain. Cuider en fut nourrice, et fut mise 4 ’école D’orgueil, de fantaisie, et de jeunesse folle. Elle fut si enflée, et si pleine d’erreur Que méme 4 ses parents elle faisait horreur. Elle avait le regard d’une orgueilleuse béte ; De vent et de fumée était pleine sa téte. Son ceeur était couvé de vaine affection, Et sous son pauvre habit cachait ambition. Son visage était beau comme une siréne ; D*une parole douce avait la bouche pleine ; Légére, elle portait des ailes sur le dos ; Ses jambes et ses pieds n’étaient de chair ni d’os, Ils étaient faits de laine, et de coton bien tendre, Afin qu’a son marcher on ne la pat entendre. DISCOURS DES MISERES DE CE TEMPS 65 Elle se vint loger par étranges moyens Dedans le cabinet des théologiens, De ces nouveaux rabbins, et brouilla leurs courages Par la diversité de cent nouveaux passages, Afin de les punir d’étre trop curieux Et @avoir échellé comme géants les cieux. Ce monstre que j’ai dit met la France en campagne Mendiant le secours de la Savoie et d’Espagne, Et de la nation qui prompte au tabourin Boit le large Danube, et les ondes du Rhin. Ce monstre arme le fils contre son propre pére, Et le frére (6 malheur) arme contre son frére, La sceur contre la sceur, et les cousins germains Au sang de leurs cousins veulent tremper leurs mains. Loncle fuit son neveu, le serviteur son maitre, La femme ne veut pas son mari reconnaitre. Les enfants sans raison disputent de la foi, Et tout 4 Pabandon va sans ordre et sans loi. [artisan par ce monstre a laissé sa boutique, Le pasteur ses brebis, l'avocat sa pratique, Sa nef le marinier : sa foire le marchand, Et par lui le prud’homme est devenu méchant. L’écolier se débauche, et de sa faux tordue Le laboureur fagonne une dague pointue, Une pique guerriére il fait de son rateau, Et Pacier de son coutre il change en un couteau. Morte est l’autorité : chacun vit a sa guise Au vice déréglé la licence est permise, Le désir, l’avarice, et erreur insensé Ont sens dessus-dessous le monde renversé. On a fait des liewx saints une horrible voirie, Un assassinement, et une pillerie, Si bien que Dieu n’est sir en sa propre maison. Au ciel est revolée et justice et raison, Et en leur place, helas ! régne le brigandage, La force, les couteaux, le sang et le carnage. Tout va de pis en pis : les cités qui vivaient Tranquilles ont brisé la foi qu’elles devaient : Mars enflé de faux zéle et de vaine apparence Ainsi qu’une furie agite notre France, 66 POLE ROR EoD Be i ROWNISTA RID Qui, farouche a son prince, opiniatre suit Lerreur dun étranger, qui folle la conduit. Tel voit-on le poulain dont la bouche trop forte Par bois et par rochers son écuyer emporte, Et malgré l’éperon, la houssine, et la main, Se gourme de sa bride, et n’obéit au frein : Ainsi la France court en armes divisée, Depuis que la raison n’est plus autorisée. Mais vous, reine tressage, en voyant ce discord Pouvez en commandant, les mettre tous d’accord : Imitant le pasteur qui voyant les armées De ses mouches a miel fiérement animées Pour soutenir leurs rois, au combat se ruer Se percer, se piquer, se navrer, se tuer, Et parmi les assauts forcenant péle-méle Tomber mortes du ciel aussi menu que gréle, Portant un gentil coeur dedans un petit corps : Il verse parmi lair un peu de poudre : et lors, Retenant des deux camps la fureur a son aise, Pour un peu de sablon leurs querelles apaise. Ainsi presque pour rien la seule dignité De vos enfants, de vous, de votre autorité (Que pour votre vertu chaque état vous accorde) Pourra bien apaiser une telle discorde. O Dieu qui de la-haut nous envoyas ton fils, Et la paix éternelle avecques nous tu fis, Donne, je te suppli’, que cette Reine-Mére Puisse de ces deux camps apaiser la colére. Donne-moi derechef que son sceptre puissant Soit malgré le discord en armes florissant. Donne que la fureur de ce monstre barbare Aille bien loin de France au rivage Tartare. Donne que nos harnais, de sang humain tachés, Soient dans un magasin pour jamais attachés. Donne que méme loi unisse nos provinces, Unissant pour jamais le vouloir de nos princes. Qu bien, 6 Seigneur Dieu, si les cruels destins Nous veulent saceager par la main des mutins, Donne que, hors des poings échappe la lumelle De ceux qui soutiendront la mauvaise querelle. is i laa DISCOURS DES MISERES DE CE TEMPS 67 Donne que les serpents des hideuses fureur Agitent leurs cerveaux de paniques terreurs. Donne qu’en plein midi sales leur semble trouble, Donne que pour un coup ils en sentent un double, Donne que la poussiére entre dedans leurs yeux - D’un éclat de tonnerre arme ta main aux cieux, Et pour punition élance sur leur téte, Et non sur un rocher, les traits de ta tempéte. « Cruautés des hérétiques >, d’aprés une gravure du Théatre des cruautés des hérétiques de Richard VERSTEGAN. Prologue des tragédies représentées au Théatre de la cruauté des hérétiques : essieurs, nous avons dressé ce Théatre afin de vous Meee les misérables tragédies que les hérétiques ont jouées en notre Europe, et pour vous faire voir ce quwils ont commis et perpétré, tant en Flandres qu’en Angleterre, mais particuliérement au Royaume de France autrefois le prince et le roi et le plus chrétien de tous les royaumes de la terre. Je crois que vous n’attendez pas de voir par le menu tout ce qui s’est passé depuis que Luther publia son sanglant Evangile, aussi ne voudrions-nous le vous promettre, vu qu’il n’y a bouche qui le put déclarer, main qui le ptt écrire, ni esprit qui le put concevoir, tant s’en faut quil y edt taille! qui le pat Tepresenter 4 vos yeux. Mais nous avons pensé que vous donnant un échantillon des actes horribles qu’ils ont commis en ces provinces, vous pourriez facilement juger quel serait le reste de la tragédic. Que si vous pensez que ce spectacle ait été inventé pour vous donner du plaisir, nous vous supplions de nous pardonner : car au contraire nous entendons tirer les larmes de vos yeux, les plaintes de vos bouches, les soupirs de vos cceurs et les sanglots de vos poitrines, si ce n’est que vous soyez sans yeux, sans bouche, sans coeur et sans poitrine, et qu il ne réside en yous aucune humanité. Ou si vous avez des yeux, que ce soient yeux de taupes, que vos bouches soient des bouches de poissons, vos cceurs soient diamants et vos poitrines quelques rochers plantés sans s’émouvoir au milieu des ondes. Nous ne voulons pourtant vous éter un plaisir que nous entendons vous faire recevoir : c’est que voyant les actes méchants qui vous seront ici représentés, vous louerez Dieu d’étre demeurés en la religion catholique nourrie de douceur, + — VERSTEGAN Richard de, Le théatre des cruautés, Editions Chandeigne, Paris, 1995, p. 49-53. Le thédtre des cruautés a été publié pour la premiere fois 4 Anvers en 1588. 1 — Taille: gravure au burin. Cette note comme les suivantes sont des éditeurs. PROLOGUE DU THEATRE DE LA CRUAUTE 69 d’amour et d’humanité, et de n’avoir été les instruments de Satan a jouer cette cruelle et misérable tragédie. Quant a la parure du theatre, elle est toute de rouge , car le sujet plein de cruauté ne recoit autre couleur : le sang y coule de toutes parts, il ondoie partout, il régne partout, il ne sy parle que de feu, de sac, de meurtres, de carnage, de brigandage, d’impiétés, de monstrueuses inhumanités. Vous y verrez les joueurs se plaire 4 répandre, a verser, a tirer le sang humain, s’y baigner, s’y étuver, se réjouir de Vabondance. Plus il fume, plus il est souverain. Le sang des jeunes seigneurs, des sentilshommes, c’est le sang qu’ils cherchent, plus on en répand plus il y a de joie: car le sang du peuple versé en quantité leur est trop vil, ils en font paille1, c’est pour les valets. Imaginez-vous les chiens en leurs curées qui plongent le nez au sang des bétes, qui rompent, qui déchirent leurs entrailles, qui les dévorent avidement, et qui, rouges et vermeils de toutes parts, s’éjouissent en leur carnage, et frétillant la queue s’égaient aux appétits d’un si furieux repas. Tels verrez-vous les hérétiques sur ce Thédtre, sanglants, fumeux, poudreux, revenant de la chasse des catholiques, a qui le sang regorge par la bouche et par les oreilles, et partout, et qui les ayant abattus, éventrés et écorchés, se fourrent en leur sang, s’y plongent par dessus leurs oreilles, et en font des soupes, se gorgent de leur chair, et s‘ils sont saouls, y amenent les bétes brutes pour avoir part a leur massacre. Celui qui a composé les jeux est Satan, pére cruel auteur et inventeur de toute barbarie: c’est le premier boucher qui montra aux hérétiques, aux meurtriers et aux bandouillers ? d’Allemagne et de Genéve de tuer, d’écorcher et dévorer la chair des catholiques. Vous le verrez sur ce Théatre, derriére les joueurs auxquels il sert de protocole, il souffle par derriére, illes meut, il les incite, il les invite, il les encourage de perdre tout, d’égorger tout, de ne rien laisser vivant. Il va, il vient, tantét ici tantot 1a, il les pousse, il les avance, il les excite de bien jouer leur rollet 3. Qui plus abat, plus est prisé, le meurtre 1— Ils en font litiére, ils le méprisent. 2— Bandouillers : bandit(s) de grand chemin. 3— Leur role. 70 ANNEXES est un honneur, la cruauté, c’est gloire. Vous le verrez derriére le chevalier de Béthune qui lui met le coeur au ventre pour tuer, pour égorger tous les prétres qui se rencontrent, pour couper les oreilles, pour s’en faire un collier, pour faire un chapelet de leurs testicules. Vous le verrez qu il souffle de Béze pour inciter Poltrot de massacrer le duc de Guise, qui lui promet argent, cheval, commodites et paradis a la fin. Vous le verrez a Angouléme derriére |’Amiral !, le roi de Navarre et sa mére 2, qui les presse, qui les encourage, de tuer, de massacrer toutes personnes, de tous ages, de tous sexes, de toutes conditions s’ils sont catholiques. Bref, vous verrez ce maitre du jeu, prendre grand peine que ces joueurs s’acquittent fort bien du personnage quils ont 4 jouer, et que la tragédie soit heureusement représentée. Et certes ils s’en sont dignement acquittés, et selon le vouloir et intention de celui qui les mettait en besogne. Car s‘il y eut jamais rien de tragique, la France Ta expérimenté. Et comme elle la Flandre et PAngleterre, ot ce spectacle s’est montré si cruel et si éloigné de ’humanité que le soleil en a détourné son regard, la terre en a frémi et avons wu les tremblements de terre inaccoutumés en tous ces pays témoigner que la nature, cette parente commune du genre humain, avait pitié du meurtre de tant de millions de catholiques. 1 — L’Amiral : Gaspard de Coligny, chef du parti huguenot. lis Jeanne d’Albret, mére d’Henri de Navarre, futur Henri IV. Ce fut, jusqu’a sa mort en 1572, l’Ame du combat protestant. PROLOGUE DU THEATRE DE LA CRUAUTE 71 En leurs barbaries, il n’ya rien de vulgaire, ce sont toutes nouvelles inventions. Car d’égorger un homme selon qu’ordinairement font les voleurs, c’est un acte trop bas pour un huguenot. Ils ont bien d'autres subtilités. Ce haut esprit qui leur fait voir si clair en l’Ecriture sainte leur a bien montré quelque chose que ne peut avoir le demeurant des hommes. Il faut premiérement les découper comme un collet de maroquin. Il leur faut tirer la langue par dessous la gorge ; il faut les fouetter six jours durant et les hacher jusqu’aux os, puis il les faut frotter de miel et les bailler 4 sucer 4 un bouc, qui a la langue infiniment rude, afin de les écorcher de nouveau et ouvrir les premiéres plaies. Il faut les jeter des tours en bas et les faire recevoir par des hallebardes. Il les faut pendre par un pied 4 un plancher de cave. Il faut accoupler deux a deux, et les faire mourir de faim, afin qu’ils se mangent Pun l’autre. Tl faut leur ouvrir le ventre, y jeter de l’avoine et y faire manger les chevaux. Il faut leur faire avaler leurs testicules. Il faut les ouvrir pour voir ce que la nature fera de tels morceaux. II faut les coucher sur une table, leur mettre un bassin sur le ventre et des rats dessous. Il faut mettre du feu sur le bassin, afin que les rats contraints par la chaleur leur rongent les entrailles et les fassent finalement mourir. Mais bon Dieu ! quelle invention diabolique de scier un homme nu en le menant et ramenant étendu sur un cable? Quelle barbarie de ferrer un pauvre vicaire comme un cheval, et lui faire entrer les clous dedans les plantes1? Quelle sauvage inhumanité d’enterrer les prétres vifs jusqu’a la gorge et faire que leurs tétes fussent le but du jeu de courte boule, ot Dieu sait si ces barbares jouaient 4 débuter ? et 4 donner toute leur puissance contre le nez de ces pauvres créatures. Il serait fort difficile de vous représenter en ce Théatre toutes les particularités de cette tragédie, comme de ceux qu’ils ont fait seoir a nu sur des fagots d’épines, qu’ils ont mis comme chien en une roue pour tourner les broches, qu’ils ont attachés aux crucifix pour les arquebuser, qu’ils ont lardés de feuillets de leurs bréviaires, quils ont empalés, qu’ils ont tirés par aiguillettes, et bref qu’ils ont fait mourir par tourments inouis, 1— Les plantes des pieds. 2 — Toucher au but. construire un taureau d‘ a ANNEXES elranges et exécrables. Et non pour autre sujet, sinon qu'il. étaient catholiques. De sorte qu’il faut a es heads taureau Wairain ' se taise auprés de ces maitresses furies que leur invention a surpassé toutes les inventions que ee diables eussent pu subtiliser? a la ruine et consom genre humain, [...] mation du ee eee aan 1 — Phalaris, tyran d’Agrigente au Vle siécle avant J.-C., avait fait airain creux, oii il enfermait s i i : ure eux, ot Mait ses ennemis. Le bruit e ae chaufté & blane couvrait le cri des suppliciés. Pérille, linvente u taureau d’airain, en fut la premiére victime. : = 2 — Inventer en fait de subtilités. Les destructions d’églises par les protestants au XVI" siecle - monuments religieux au XVI" siécle sans rappeler le Discours de Claude de Sainctes sur le saccagement des églises catholiques... en Van 19621. La notonété de cet opuscule ne lui vient pas seulement du fait que, le premier en date, il a inauguré une série de petits ouvrages contemporains ou s’exhalent le cri de douleur et l'indignation vengeresse des catholiques 4 la vue de leurs temples ravagés ou détruits ? ; Pobjectivité de ce réquisitoire dressé contre les protestants sur un ton d’émouvante sincérité en a fait une source trés appréciée, souvent a Pexclusion de toutes autres, comme si nous avions résolu de ne connaitre sur le sujet que Claude de Sainctes. Or, ce témoignage, dont la valeur porte tout entiere sur les €vénements survenus en Orléanais du mois d’avril au 15 aoat 1562, ne présente pas méme la centiéme partie des actes répugnants et odieux qui n’ont cessé depuis lors de troubler et de souiller le pays. CQ): NE SAURAIT PARLER de destructions de Sauf les diocéses de Quimper et de Léon, ou les protestants Wapparaissent qu’a Vétat de phénomeénes, tous les autres diocéses de France furent impitoyablement soumis a Yampleur collective et méthodique du vandalisme réformé. Des statistiques du temps permettent d’en donner une idée. « En Anjou, écrit Théodore de Béze, l’on s’est porté avec une incroyable furie 4 la destruction des autels... C’est une brusque et totale transformation... Méme si les catholiques étaient vainqueurs, ils ne pourraient réparer en cent ans, le + — Extrait de CARRIBRE Victor, Introduction aux études d'histoire ecclésiastique locale, tome II, Paris, 1936, p: 388-395. 1 — Edité l’année méme de la premiére guerre, en 1562, et réimprimé, moins la partie théologique, dans les Archives curieuses de CIMBER et DANJOU, 1” série, t. IV, p. 357-400. 2— Notamment, Discours des premiers troubles advenus a Lyon, ... par G. de SACONNAY, dans les Archives curieuse de CIMBER, 1" série, t. IV, p. 215- 342. = ' ANNEXES dégat fait, en deux heures, dans cette ville d’Angers 1, » L’exemple vaut pour la premiére guerre. En avril 1569, au cours de la troisiéme guerre civile, les églises détruites par les religionnaires étaient deja en quantité innombrable, peut-étre dix mille et plus, écrit le jésuite Samerius 2. Et le méme auteur, que reproduit probablement Natalis Comes, n’estime pas a moins de six cents les maisons religieuses antérieurement incendiées ou mises a sac3. A cette méme date (1569), Vambassadeur vénitien Jean Correro. essaiera d@évaluer Timmensité des dommages causés. « Les novateurs, dit-il, ont détruit les temples et autres édifices sacrés en si grand nombre que dix années des revenus de la couronne ne suffiraient pas pour les rebatir 4. » Nous ne nous portons pas garants de ces chiffres. A défaut @une certitude rigoureuse, exacte, impossible @ établir pour lépoque, ceux-ci offrent néanmoins une représentation approximative bien supérieure a toute formule littéraire forcément imprécise. Ils seraient méme au-dessous de la reéalité, si nous en croyons lévéque de Valence, Jean de Monluc, qui, en 1572, accusait les calvinistes d’avoir « démoli vingt mille temples [et] ruiné deux mille moineries » 5. L’enquéte a laquelle nous convions les érudits permettra d’étayer ces données d’irrécusables preuves. Gardons-nous toutefois d’en compromettre le résultat en accréditant contre 1— Vers mai 1562, Calvini opera, t. XX, p. 486. 2 — « Sane numero, incredibili utpote ad decem millia et supra. » (A. Poncelet, Lettre inédite du P. Henri SAMERIUS, p. 47 ; cf. p. 26, n. 4.) 3 — « Monasteria supra sexcenta solo aequata, plurima incensa. » (A. Poncelet, Lettre... du P. SAMERIUS, p. 47.) 4 — Relations des ambassadeurs véenitiens, t. TI, p. 133, 5 — [Simon GOULART], Mémoires de l/Estat de Evance sous Charle IX, t. II (1577), p. 185. Le chiffre de 22 000 églises ou couvents affirmé par l’Gvéque de Valence dans son Discours aux Ftats de Pologne a été admis par Vhistorien de THou (Histoire universelle, t. VI, Pp. 452) et confirmé, si l’on peut dire, par Zacharie FURNESTERUS, lequel, dans sa réponse a V’évéque, loin de contester le nombre des templs détruits par ses coreligionnaires, desirait rageusement « qu’ils en eussent autant fait de tous les autres qui sont demeurés debout.» (Mém. de I/Estat de France, t. IL, p. 207). = La chronique d’Aubert LE MIRE explique les chiffres donnés par MONLUC en y faisant entrer quatre-vingt-dix hépitaux (Auberti Miraei rerum belgicarum Chronicon [Anvers, 1635], p. 417). distinguera donc, entre les différentes causes _— ie déterminé la ‘destruction “des monuments ainelate tenet necessite @ordre militaire 72% la rivalité cultuelle ; 3° Ve de représailles ; catholicisme. -— aR -po D5 LES DESTRUCTIONS D EGLISES @ versalr accusations inexacte eu ndees. n C ctes ou Pp fondée O: lad saire des IS) i ont é la haine du 4° enfin, et plus communeément, A iroal atl “litaire Les nécessités d’ordre militar ; Hiey “f Les mesures, d’ordre strategique ou ee Ht ae récédents lointains. A toute epoque, sevens a ae ae siége, les édifices situés dans la eee des ee age al ( iti éventi mom émolitions,, préventives. u ; pees vint ee le siége Paya REA ern i é attaque du cote des , de la ville, prévoyant une cot : n’hésita coo sacrifier leur couvent 1, situe au paar? Epars. Puis, Pennemi ayant dressé son ae He dorne de la ‘collégiale Saint-Maurice pont Beate" aa Pad C iege érent que leur 3 assiépés ne se lasseren é - ne 2, Les destructions de ce genre sont en petit nombre, Yon ne saurait en charger les protestants. Les rivalités cultuelles La célébration de cultes ennemis sur les es ae ibwa non moins sirement a la destruction oe ee dete De bonne heure, les calvinistes, dépourvus d@abri p ‘ Seles was culte, s’attribuérent des droits sur les temples catholiques A Lopposition légitime quils seer spree partout, ils répondaient par le sac et le Di eee ea tae demandait aux protestants du Dauphine + ee vous si prand plaisir a détruire les églises ? -Ce an en aucuns, pour ce que nous savons bien qu’e — Arch. nat.,X' 1626, fol. 57 ‘ aed ll nat., G** 1206, piéce F”. 76 6 ANNEXES ae ee farce ley 3 mais s‘il ne nous est accordé d’en avoir au sail gee oer see em : i a ue des parti é Pa eels s’établit entre fideles, a aha = promis , ted vy en Guienne, Péghise paroissiale sert aux Cee olique d’abord, évangélique ensuite 2. Mais Sco teeta ae serene dura peu. En d’autres endroits, ea €, le partage des églises est l’effet dune asia ee : en assignant dans chaque église ee te pour la célébration des deux cultes, le ees € corps de ville essaient de prévenir des eo ph cependant ne tarderont pas a éclater. A iste a Sasol issue de la rivalité des partis Ainsi i pique la demolition des églises de la vill fae ampagnes environnantes 4. nae dead Les représailles dace anu ae TE ae tee ane Je Sa NE ou et dey et eg oe . © Homient Bo Na rates 1 ated ele Jae constituaient pas une volnelle is o Remarquons d’ i abord ésai peetaeares que le mot de représailles ne peut ee cone du droit international. Les réformés fer Peta ent ou non, mais toujours en dehors d’une ponsable, ne pouvaient se venger d’une premiére aaa pee a Pe en are du Pere Archange de Clermont, p. 71, note 1 ofthe Huguet Society of London «2 USAGE eae ee oft t me -1923), p. 453, cité ; ois the Vhist, die prot.fr., t. LXXUI (1924), p. ct ple Ba se ret et Ia guerre civile (Paris, 1897), p. 69. sehen, Hee 3 — Histoire de La Rochell opener chelle, dans les Arch. hist. de Ia Saintonge, t. XVIII 4 — V. CHARETON, é] 1913), po. , La Réforme et les guerres ctuiles en Vivarais (Paris, [wa LES DESTRUCTIONS D'EGLISES 7 injure qu’en! appliquant la loi du talion. Encore, de: telles sanctions prises 4 Pégard de concitoyens nese concoivent-elles point logiquement dans les endroits différents de ceux qui furent le thédtre des faits incriminés. A vouloir les choses autrement, on multiplierait sans fin. les prétextes a de nouvelles violences. De, quelque cété qu'on opine, Vhistorien se doit,de constater sur document, et non d’imaginer, par déduction, les actes de représailles, Un fait ne saurail étre présenté comme une action en représailles si Pon ne posséde la preuve que son auteur ou les contemporains l’ont jugé tel soit comme moyen répressil, soit comme moyen préventif de certains crimes ou abus. C’est pourquoi je ne crois’ pas, aussi longtemps qu'un texte contemporain de Pévénement nétablita pas le bien fondé de Vinterprétation contraire, qu’on puise presenter le saccage des sanctuaires d’Orléans accompli dans la nuit du 20 au 21 avril 1562 comme une réponse au massacre des protestants de Sens survenu les jours precédents 1. Deux dates voisines ne suffisent pas pour établir entre des fails consommeés a distance une relation de cause a effet, Coincidence n’est pas raison, Les représailles catholiques a Végard des iconoclastes devinrent légales du jour ou, par suite de la défection des officiers de justice passes a la Réforme, le parlement de Paris permit au peuple de courir sus aux saccageuts déglises et d'images pris en flagrant délit et méme les mettre a mort en cas de résistance (arrét du 13 juillet 1562) ?. Ecrivant 4 son ami de Fonssomme, Etienne Pasquier a trace de ces événements une image qui ne laisse insensible aucun des partis en lutte : « Ou le huguenot est le maitre, il ruine toutes les images..., démolit les sépulcres et tombeaux..., enléve tous les biens sacrés et voués aux églises. En contre-échange, le catholique 1 Bull. de la Soc. d’hist.du protestantisme francais, t. XLIX (1900), p. 652. Notons, a Vencontre de Vaffirmation de M. Weiss, que ce sont les protestants de Sens qui provoquérent le massacre dont plusieurs des leurs furent victimes (en! insultant gratuitement les catholiques qui processionnaient a travers Ja ville en ’honneur de saint Savinien. Voir F. BOURQUELOT, Mém. deCl. Haton, t. 1%, p. 189-194. 2 Le parlement de Rouen rendit un arrét semblable le 26 aott 1562. A FLOQUET, Histoire dul parlement de Normandie, t. I, p. 424 et suiv 78 ANNEXES tue, meuttrit, noi nole tous ceux qu’i - regorgent les riviares 1 ». qwil connait de cette secte et en La haine du catholicisme Il ne semble as, Dien qu’on ait rétendu le Onitraire, que 5 b + qi P q A p le c les catholiques, par leurs severes represa: Iles, alent réussi a contrecarrer Je vandalisme protestant. La haine de Pancie nne dans les pré a : dee Leone eee ent ce qui était huguenot, sévit a deiontaclies, Oue a de guerre civile sous les formes ie slis see, eo ea ©s monuments religieux en tet As eucharistique a neoit. 1 église évoque Fautel, | plus } Cesi autour de son clocher que Te vill sine age s'est vestiges matériels Ss dune religio i effaceront pour toujours le salen pa ils abhorrent, ils en Ces manife i estations de hai i ee : aine incoercible i eee at el a anon seeanle. Souvent: Sane si pate ou au diocé ica ea ese de Tarbes, c’ éri a ; cest Thai Wiseeeas Sie oe toute une ag ae Agate bee Ty, Charge par la reine : on a pane uel envahit le Cotte eee la Big - te ngece ieee de Navarrenx aSsiégé. ie Die abitants, leur douce vie obscure seriBigent moblaient 1— Les lettres q Estienne Pasquier Paris, 1619 Ts 232-233. asi 5 & ( in ), t. Te P. I Jespére qu’il en résultera occasionnellement la destruction de echrist » écri eodore Ze a Calvin, a uite cagement Z < ie E 5 5 Thi de Béze a Cal: , 4 Ja suite du sac Fes Antéchr iE cd B a des églises d’An: i feeinatiie XD 5 31 janvier 1563 (Opera Calvini dans le C : ‘Orpus ( IONS DIEGLISES 79 leurs, prétres, autant de faciles prouesses qui allarmee dite des Vicomtes. En trois jours, du 30 juiller au 2 aout, le diocese de Rieux, qui Pannée précédente avait eu deja plus de soixante-dix églises bralées }, connut derechef les pires horreurs, dont trente a quarante églises livrées aux flammes?. Au_ diocese de Tarbes, ce fut pire encore : les réformés incendiérent les abbayes de Saint-Pé et de ‘Tasque, le monastere de Saint-Lezer et le pricuré de Madiran, les couvents des Carmes et des Cordeliers de Tarbes, la cathédrale et léglise de Saint-Jean en la ville épiscopale, et cent cinquante-cing autres églises du diocese *. Je pourrais mentionner vingt autres faits, non moins solidement établis, perpétrés en haine du catholicisme ou plus ou moins a la marque de cette haine. Le tableau offrirait cependant encore une idee bien faible de la volonté scélérate qui consomma jadis la ruine des pieux sanctuaires de France. C’est pourquoi il faut souhailer que la question, ici amorcée, soit reprise et étudiée séverement pour chaque diocése. massacre! déshonorére 1 — Abbé J. LESTRADE, Les Huguenots dans le diockee de Riewx (Auch, 1904), p. 4. 2 — Abbé J. LESTRADE, Les Huguenots dans le diocese de Riewx, p. 36, 37,40 3 — Toutes ces églises sont désignées par leur nom dans lEnguéte de septembre 1575, publi€e par Ch. DURIER et J. de CARSALADE du Pont, les Huguenots en Bigorre (Paris, 1884), p. 160-163.

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