Michel Foucault, Dits es keris 1966
xs L’arriére-fable
“cL ible», Ar, 2°29 Jes Vert a 1966, pp. 12
En coute ceuvre qui a forme de réci, il fauedistinguer fable et fie~
tion, Fable, ce qui est raconeé (Episodes, personnages, fonctions
au'lsexercene dans le rée,6vénements) Fiction, le régime du rit
fu plate les divers régimes selon lesquels il est « réité >: posture
du narrteur a T'égard de ce qu'il conte (Selon qu'il fat partie de
aventure, ou qui la contemple comme un spectateurlégérement
en rete, ov qu'il en ext exclu et quil la surprend de Iextéieur),
présence ou absence d'un regard neutte qui parcourt les choses eles
fens, en assurant une description objecive; engagement de rout le
réci dans la perspective d'un personnage ou de plusieurs succesive-
rent ou d'aucun en particulier; discours répérant les événements
aprés coup ou les doublant a mesure quis se déroulent, ete. La
fable ex fire d'éléments placts dans un cerain ordre. La fiction,
est la trame des rappors éablis, 4 travers le dscours Iui-méme,
entre celui qui pale et ce done il pale. Fiction, « aspect > de la
fable.
‘Quand on pale réellement, on peu bien dite des choses « fabu-
leases >: le tangle dessin€ par le sujet parlane, son discours et ce
au'il raconte est déterminé de Vextérieut parla situation: pas de
fiction. Dans cet analogon de discours quest une ceuvte, ce rapport
ne peut s'éabliequ'a intérieu de 'acte méme de parole; ce qui est
raconté doit indiquer, & lui seul, qui parle ec a quelle distance et
selon quelle perpecive et en utilisant quel mode de discoun.
LLeuvre se défnie moins pat les éléments dela fable ou leur ordon-
nance que pa les modes de la ition, indiqués comme de bias par
Trénoncé méme de la fable. La fable d'un récit se loge & V'neérieur
des possbiltés mythiques de laculeue; son écrtute se loge a V'inté~
rieut des possibilites de la langue; sa fiction, a Vintérieur des poss-
biliés de Vacte de parole.
‘Aucune époque n'a utilisé simuleanément tous les modes de fic
tion qu'on peut défnir dans 'absrat; on en exclu roujours certains
qu'on taire en parasites; d'autres, en revanche, sont privilépiés et
efinissene une norme, Le discours de Fauteu, intrrompant son
técit et levan les yeux de son texte pour faire appel au lecteur, le
onvoquer comme juge ou émoin de ce qui se passe, at frequent
fu xo sigcle; il a presque disparu au cours du sitcle dernier, En
evanche, le discours lié a Tacte d'écire, contemporain de son
‘eroulement et enfermé en Iui a fit son apparition depuis moins
06
Micbel Foucault, Dits et deits
dun sidde. Peuréere a-vil exercé une tes forte tyrannie, bannissant
sous accusation de naiveré, d'artifice ou de réalisme fruste route
fiction qui n’aurait pas son lieu dans le discours d'un sujet unique,
‘et dans le geste méme de son écrture.
Depuis que de nouveaux modes de la fiction ont &&é admis dans
oeuvre litérare (langage neutre parlant rout seul et sans liew, dans
‘un murmure ininterrompu, paroles étrangéres faisant irruption de
Trextérieut, marquererie de discours ayant chacun un mode dif-
férent, il tedevient possible de lire, selon leur architeceure propre,
des cextes qui, peuplés de ¢ discours parasites >, avaient été pour
cela méme chassés de la liteémrure.
Les réits de Jules Verne sont merveilleusement pleins de ces dis-
continuités dans le mode de la fiction. Sans cess, le rapport éabli
centre narratcur, discours et fable se dénoue et se reconsttue selon un
‘nouveau dessin. Le texte qui raconte & chaque instant se rompt; il
change de signe, s'inverse, prend disance, vient d’alleurs et comme
d'une autre voix. Des parleurs,surps on ne seit dod, sineroduisene,
fone cire ceux qui les précédaien, tiennent un instant leur discours
propre, et puis, soudain, cédent Ia parole a un autre de ees visages
anonymes, de ces slhouertes grises. Organisation toute coneaire &
celle des Mille et Une Nuits: a, chaque récit, méme s'il ese rapporeé
par un tet, es fat ~ fltivement ~ par celui quia véeu Vhistires a
chaque fable sa voix, a chaque voix une fable nouvelle; route la
«fiction > consiste dans le mouvement par lequel un personnage se
déboite de la fable a laquelle il appartene ee deviene récitane de la
fable suivante. Chez Jules Vern, une seule fable par roman, mais
racontée par des voix différentes, enchevéerées, obscures, et en
comtestation les unes avec les autres
Derrire les personnages de la fable ~ ceux qu’on voit, qui ont un
‘nom, qui dialoguene ee & qui il arrive des aveneures —régae tout un
‘théitre d’ombres, avec ses tivalité et ses luetes noceurnes, ss joutes
ft ses triomphes. Des voix sans corps se bartent pour raconter Ia
fle -
1) Tout & cOeé des personnages principaux, partageant leur
familiaité,connaissane leur visage, leurs habieudes, leur rat civil,
‘mais ausi leurs pensées et les pis seres de leur earactée, écoutant
ears répliques, mais éprouvant leurs sentiments comme de V'inté-
rear, une ombee parle. Elle est logée a la méme enseigne que les
1. Pact pend comme exemple pve is tie: De a Tre
te Lane, Ato teams, Sant dens deesMichel Poucault, Dits et brits 1966
personages essentiels, voit les choses comme eux, parrage leurs
ventures, s'inguidee avec eux de ce qui va artiver. C'est elle qui
‘ansforme l'aventure en réit, Ce récitant a beau étre doué de
‘grands pouvots, il a ses limites et ses contraintes : il s'est glissé dans
le boulet lunaire, avec Ardan, Barbicane et Nicholl, ec pourant il y
a des séances secrétes du Gun-Club auxquelles il n'a pu assiscer.
ste le méme eécitant este un autre qui est ic et la, a Baleimore
ct au Kilimandjaro, dans la fusée sidérale, a terre et dans la sonde
sous-marine? Faur-il admere tout au long du réit une sorte de
personage en trop, errant continuellement dans les limbes de la
narration, une silhouette creuse qui aurait don d'ubiquiré? Ou bien
‘supposer, en chaque lieu, pour chaque groupe de personnes, des
caénies attentifs, singuliers ex bavards? En tout cas, ces figures
dombre sont au premier rang de Vinvisbilié il sen faut de peu
quelles ne soient personnages véritabes.
2) En retrait de ces < récicants > intimes, des figures plus dis-
crétes, plus fursives prononcent le discours qui raconte leurs mouve-
‘ments ou indique le passage de rune a l'autre. < Ce soir, disent ces
voix, un étranger qui se ft trouvé & Baltimore n’edt pas obrenu,
méme i prix d'or, de pénétrer dans la grande salle... >; et pourtant,
tun invisible étranger (un récitant de niveau 1) a tout de méme pu
franchit les portes et faire le récit des enchéres , Ce sone de telles voix encore qui font passer la parole d'un
récitant & un auere, assurant ainsi le jeu de furet du discours. « Si
honorable M, Maston n’entendie pas les hourras poussés en son
hhonneur > (on vient de I'acclamer dans V'obus gigantesque), < du
‘moins, les oreilles Iui tintévent > (er le tenant du discours viene se
loger maintenant & Baltimore)
3) Plus excérieur encore aux formes visibles de la fable, un dis-
cours Ia ressasit dans sa totalité et la rapporce a un autre systéme de
récit, & une chronologie objective ou, en cout cas, dun temps qui est
celui du lecteur Iui-méme, Cette voix entidrement < hors fable >
indique les repéres historiques (« Pendant la guerre fédéral, un
nouveau club tres influent... >); elle rappelle les autres réies dja
publiés par J. Verne sur un sujet analogue (elle pousse méme I'exac
tinude, dans une note de Sens dessus dessous, a faire le parcage entre
les vraies expéditions polaires et celle racontée dans Le Désert de
(glace); i lai arrive aussi de ranimer au long du récit la mémoire du
lecteur (¢ On se souvient que... >). Cette voix est celle du récitant
absolu: la premiéze personne de I'éeivain (mais neutralsée), notant
dans les marges de son récit ce qu'il ese nécessaire de savoir pour
Vusiliser aisémene.
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[Michel Foucault, Diss et derits
4) Dertitre lui, ec encore plus lointaine, une autre voix s'éeve de
temps en temps. Elle coneste le réit, en souligne les invraisem-
blances, monere rout ce qu'il y aurae d'impossible, Mais elle répond
aussit6e& cere contestation qu'elle a fait naftre. Ne croyee pas, dit-
elle, ql faut xe insensé pour entreprendre une parcille aventure
‘Eile a'étonnera personne : les Yankees, premiers mécaniciens du
monde...» Les personnages enfermés dans la fusée lunaie sont pris
éeranges malases; ne soyez pas surprs : < Cest que, depuis une
ddouzaine d'heures, atmosphere du boulee sai chargée de ce pez
absolument délécére, produie définitif de la combustion du sang. >
Er, par précaution supplémeneair, cete voix jusifcarice pose elle-
‘mime les problémes qu'elle doie dénouer : « On s'eoonera peut-
frre de voir Barbicane et ses compagnons si peu soucieux de Iave-
5) Il existe un demier mode de discours encore plus exérieur.
Voix tout a fait blanche, ariculée par personne, sans support ni
int dotigine, venant d'un ailleurs indéerminé et surgisant &
Tineésieur du exce par un acte de pure irruption, Du langage ano-
sayme déposé la par grandes plaques. Du discours immigrant. Or ce
discours est coujours un discours savant. Ceres, il y a bien de
Tongues dissereations scientifiques dans les dialogues, ou exposés, ou
leeees ou clégrammes arribués aux divers personnages; mais elles,
fe sont pas dans cere postion d'exttioricé qui marque les rag
ments d'< information auomatique >, par lesquels le récit, de
temps en temps, es interompu. Tableau des horares simultanés
dans les principales villes du monde; tableau en trois colonnes indi
quant le nom, la siuation et la hauteur des grands massifs mon-
tagneux de la'Lune; mensurations de la Terre introduies par cece
toute simple formule : « Qu’on en juge par les chiffes suivants. >
Déposées li par une voix qu'on ne peut assigner, ces moraines di
savoir demeurene a la limite exxeme du réit.
1 faudaicérudiee pour ellermémes, dans leur jeu et dans leurs
lures, ces voix de larireable, done léchange dese la tame de
Ja fiction. Timitons-nous a In demiée.
Test hel Deol ces ¢ romans eta Je discours
sevane viene d'sileus, comme an langage rapporc, range qu'il
parle tout seul dans une rumeur anonyme. frange qu'il appraise
Sous les espes de fragments irupifs er auronomes. Or analyse de
Ja fable révéle Ia méme disposition, comme si elle reproduisait, dans
le rappor des pemonnages, enchevérement des discours qui en
content les sventures imaginaies.
309Mickel Foucault, Dits et lerits 1966
1) Dans les romans de Jules Verne, le savant demeute en matge
Ce n'est pas d lui qu'adviene 'avencure, pas lui du moins qui en est
le héros principal. l formule des connaissances, déploie un savoir,
nonce les possibilités et les limites, observe les résultats, artend,
dans le calme, de conseater qu'il a dic vrai ex que le savoir ne s'est
‘pas trompé en lui. Maston a fait toutes les opéracions, mais ce n'est
pas lui qui va dans la Lune; ce n'est pas lui qui va tirer le canon du
Kilimandjaro. Cylindre enregistreur, il déroule un savoir déja
constitué, obéit aux impulsions, fonctionne tout seul dans le secret
cde son automatisme, et produie des résultats. Le savant ne découvre
pas; il est celui en qui le savoir s'eseinscrit: grimoire lisse dune
science faite ailleurs. Dans Hector Servadac, le savant nest qu’une
pierre d'inscription : il s'appelle justement Palmytin, Rosette.
2) Le savane de Jules Verne est un pur intermédiaire, Arith-
_méticien, il mesure, multiplie et divise (comme Maston ou Rosette);
‘echnicien pur, il utilise et construc (comme Schultze ou Camared).
Crest un boms cakalator, tien de plus qu'un mériculeux « x R’ >
Voila la raison pour laquelle il est distrait, non seulement de cette
Jnsouciance préeée parla tradition aux savants, mais d'une distraction
plus profonde : en rerait du monde et de l'avencur, il arithmétise;
fen retrait du savoir inventif il le chiffte et le déchiffre. Ce qui
expose & toutes ces distractions accidentelles qui manifeseent son
ere profondément abstrait
3) Le savane est toujours placé dans le lew du défaut. Au pire, il
incarne le mal (Face au drapeax) ; ou bien, il le permec sans le vouloit
nile voir (L’Btonnante Aventure de la mitsion Barsac); ou bien, C'est
un exilé (Robert); ou bien, c'est un doux maniaque (comme le sont
les artileurs du Gun-Club); ou bien, sil est sympathique et tout
pris d'érre un héros posiif, alors cest dans ses calculs mémes que
surgit I'aceroc (Maston se trompe en recopiant les mensurations de la
Terre). De toute fagon, le savant est celui a qui il manque quelque
chose (le crine fg, le bras arcificiel du secrétaire du Gun-Club le
pproclament assez). De la, un principe général: savoir et défaur sone
liés; ee une loi de proporsionnalité : moins le savant se trompe, plus il
cst pervers, ou dément, ou éeranger au monde (Camaret); plus il est
posiif, plus il se rrompe (Maston, comme son nom T'indique e
comme histoire le monere, nest qu'un tissu d'erreurs: il s'est
‘rompé sur les masses, quand il s'est mis a rechercher au fond de la
‘met la fusée qui flotsit; et sur es tonnes, quand ila voulu calculer le
poids de la terre), La science ne parle que dans un espace vide
4) En face du savane, le héros posidf est ignorance méme. Dans
certains cas (Michel Ardan), il se glisse dans Vavencure que le savoir
10
‘Michel Poucault, Diss ot derits
aucorise, et, s'il péntere dans I'espace ménagé par le calcul, c'est
‘comme dans une espice de jeu: pour voir. Dans d'autres cas, il
combe involontairemene dans le piege tendu. Ceres, il apprend at
fil des episodes; mais son rOle n'est jamais d'acquérit ce savoir et
den devenir a son tour maftre et possesseur. Ou bien, pur eémoin, i
«et la pour raconter ce qu'il a vu; ou bien, sa fonction est de déeruire
cx d'ffacer jusqu’aux traces de linferal savoir (cest le cas de Jane
Buxton dans L’Eionnante Aventure de la mission Barsac). Ec a y
regatder de prs, les deux fonctions se reoignent il sagit, dans les
deux cas, de réduice la (fabuleuse) réalité la pure (ee five) vétie
d'un récit. Maston, le savant innocent, aidé par linnocente et ignare
Evangelina Scotbitt, est celui dont la'« félure > & la fois rend pos-
sible 'impossible enteprise et cependant la voue a I'échec, 'efface
de la réalité pour Vofirir a la vaine fiction du récit.
I aur remarquer qu’en général les grands calculateurs de Jules
‘Verne se donnent ou regpivent une tche for précis :empécher que
te monde ne 'artéte par Ieffet d'un équilibre qui lui serait morel;
retrouver des sources déncrpie, découvrir le foyer central, prévoit
tune colonisation planéeaire, échapper & la monotonic du régne
hhumain. Bref, il sagit de lurer contre entropie. De la (si on passe
du niveau de la fable a celui de la chématique), I'obstination avec
laquelle reviennent les aventures du chaud ee du froid, de la glace et
du volcan, des planétes incendiées er des astres mores, des altitudes
et des profondeurs, de énergie qui propulse et du mouvement qui
retombe, Sans cess, conere le monde le plus probable — monde
neute, blanc, homogéne, anonyme -, le calculateur (génial, fou,
‘méchant ou distrait) permet de découvrir un foyer ardent qui assure
le déséquilibre et garantit le monde contre Is mor La falle od se
loge le calclateur, 'acroc que sa déraison ou son erteur ménage sur
la grande surface du savoir préipitent la véricé dans le fabuleux
vénement od elle devient visible, 00 les énergies de nouveau se
¥épandent & profusion, od le monde est rendu a une nouvelle jeu-
nese, ol routes les ardeurs flamboient et illuminent la nuit.
Jusqu’'a instant (infinimene proche du premier) ot I'erreur se dis-
Sipe, 00 la folie se supprime elle-méme, et oi la verité ext rendue &
son_moutonnement trop probable, a son indéfinie rumeur.
(On peut sais msincenane a cohérence entre les modes de la fc-
ton, les formes de la fable et le concenu des thémes. Le grand jew
ombres qui se déroulait derrire la fable, cérait la lutte entre la
probablicé neurre du discours scientifique (cette voix anonyme,
‘monocorde, lisse, venane on ne saitd'od et qui s'insérait dans la fic.
Sion, lui imposant la certitude de sa vérité) et la naissance, le
1966Michel Poucault, Diss et bevits 1966
tiomphe et la more des discours improbables en qui s’squissaien,
cn qui disparaissaient aussi les Figures de la fable. Contre les vérites
scientifiques et brisant leur voix glace, les discours de Ia fiction
remontaient sans cesse vers la plus grande improbabilité. Au-dessus
de ce murmure monotone en qui s'énongait la fin du monde, ils fai-
saient fuser l'ardeur asymétrique de Ia chance, de linvraisemblable
hasard, de la démaison impatience. Les romans de Jules Verne, cest
la négentropie du savoie. Non pas la science devenue récréatives
‘mais la re-création 4 partic du discours uniforme de la science.
Cette fonction du discours scientifique (murmure qu'il faut
rendre a son improbebilité) fait penser au role que Roussel assignait
‘aux phrases qu'il trouvaie toutes fates, et quil brisait, pulvérisait,
secouait, pour en faite jallir la miraculeuse étrangeté du récit
impossible, Ce qui reste a Ja rumeur du langage le déséquilibre
de ses pouvoirs souverains, ce n'est pas Ie savoir (toujours de plus en
plus probable), ce n'est pas la fable (qui a ses formes obligées),
est, entre les deux, et comme dans une invisibilité de limbes, les
jeux’ ardents de la fiction.
Par leurs thémes et leur fable, les récits de Jules Verne sont rout
pproches des romans d' « initiation > ou de ¢ formation >. Par la fic
tion, ils en sont aux antipodes. Sans doute, le héros naif traverse ses
propres aventures comme autane d’épreuves marquées par les événe-
ments rituels: purification du feu, more glacée, voyage a travers une
région dangereuse, montée et descente, passage au point ultime
dod il ne devrait pas éere possible de revenir, retour quasi mira~
‘culeux au point de départ. Mais, de plus, oure initiation ou route
formation obéit réguliérement a la double loi de la déception et de
a métamorphose. Le héros est venu chercher une vérité qui
connaissait de loin ee qui scintillait pour ses yeux innocents. Certe
vérité il ne la trouve pas, car elle 6ait celle de son désir ou de sa
vaine curios; en revanche, une réaité quill ne soupconnait pas
sest révélée & lui, plus profonde, plus récicente, plus belle ou plus
sombre que celle dont il érai familie: cere réalié, c'est Iui-méme
et le monde transfigusés I'un pour autre; charbon et diamant ont
échangé leur noirceut, leur éclat. Les Veyages de Jules Verne
dobéissent a une loi rout opposée: une vrité se déroule, selon ses lois
‘autonomes, sous les yeux étonnés des ignorants, blasés de ceux qui
savent. Cette nappe lisse, ce discours sans sujet parlant seraic reset
dans sa retraite essentielle, si I'< écart > du savant (son défaur, sa
rméchanceté, sa distraction, V'accroc qu'il forme dans le monde) ne
”
Michel Poucouls, Dits et brits
avait provoqué a se monerer. Grice a cxrte mince fissure, les per-
sonnages rraversent un monde de vérié qui demeute indifférent,
qui se referme sur soi aussicét quills sont passés, Quand ‘ils
reviennent, ils ont vu et appr, certes, mais rien n’ese changé, ni sur
le visage du monde ni dans la profondeur de leur érre. L’avencure
n'a laissé aucune cicutrice. Er le savant < distrait > se rete dans
Tessentelle retraite du savoir. < Par la volonté de son aureus,
Veruvre de Camaret érait more tout entigee et rien ne transmeterait
aux ages fururs le nom de V'inventeur génial et dément. > Les voix
‘multiples de la fiction se résorbent dans le murmure sans corps de la
science; et les grandes ondulations du plus probable effacent de leur
sable infini les arétes du plus improbable. Er cela jusqu’a la dispari-
tion et a la réapparition probables de toute la science, que Jules
Verne promet, au moment de sa mort, dans L’Eterne! Adam.
« Mademoiselle Moras a une fagon a elle de vous aborder par
lun Inistié (bonjour), je ne vous dis que ga. > Mais au sens od on
die: Iniié, bonsoit.
Entretien
avec Madeleine Chapsal
‘Boren avec Madeline Capa», Lr Qian ti, 5,16 ik 1966, p11
ne mite, YP las pis
Secon tain Vir li Mose Chef
Gesamte ts nips io
dina des fn Cetin pr Se at
exemple, sont, d'apris vous, en train de devenie des objets de muste,
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