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LA REVUE DU

PRATICIEN
MÉDECINE GÉNÉRALE
N° 716/717
j a n v i e r 2 0 0 6

Éditorial FORMATION (suite)


Certifier la compétence à exercer
Document de référence
la médecine générale p. 5
par Claude Attali
Antibiothérapie dans les infections respiratoires
basses de l’enfant p. 42
Points forts de l’actualité par l’Afssaps
par Jean-Yves Nau p. 6
Arrêt sur image
Un coma aigu p. 46
FORMATION par Ronan Juglard, et al.

En pratique Test de lecture p. 47


Ostéoporose post-ménopausique : le traitement p. 9
par Roland Chapurlat, Pierre D. Delmas
RECHERCHE EN MÉDECINE GÉNÉRALE
Syndrome du canal carpien : Étude originale
quand faut-il opérer ? p. 12 Rencontre-t-on des germes pathogènes multirésistants
par Fabien Wallach, Emmanuel Masmejean dans les cabinets de médecine générale ? p. 50
par Pierre Girier, Marie-France Le Goaziou, Yves Zerbib,
Quinolones : règles d’utilisation en ville p. 17 Denis Martin, Jean-Claude Accominotti
par Emmanuelle Cambau, Claude-James Soussy
Forum IMG
Dossier La validation du DES à Rouen p. 53
1. Allergie alimentaire : de plus en plus fréquente p. 21 par Philippe Nguyen-Thanh, Jean-Loup Hermil, Alain Mercier,
par Martine Drouet Louis Sibert, François Bécret

2. Allergie aux protéines du lait de vache : Veille documentaire p. 56


des symptômes très variés p. 26
Internet
par Delphine de Boissieu
La Toile médicale cherche son second souffle p. 57
3. Projet d’accueil individualisé : par Philippe Eveillard
accueillir en collectivité un enfant ayant
une allergie alimentaire p. 30
Actualité pharmaceutique p. 59
par Fabienne Rancé Presse p. 63
Sentinelles p. 65
Cancer du poumon de la femme :
avec un tabagisme moindre… p. 34 Chronique
par Michel Grivaux, Chrystèle Locher, François Blanchon La fracture sanitaire au travail p. 66
par Franck Nouchi
Dépression chez le jeune enfant :
repérer une réaction de retrait p. 37
par Antoine Guedeney, Laure Quantin

Crédit photo de la couverture :


Getty Images/Corwin

LA REVUE DU P R AT I C I E N - MÉDECINE GÉNÉRALE. TOME 20. N° 716/717 DU 16 JANVIER 2006 3


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FORMATION

En pratique
Ostéoporose post-ménopausique:
le traitement
Rédigé à partir de l’article « Traitement de l’ostéoporose post-ménopausique »
LA REVUE DU de Roland Chapurlat et Pierre D. Delmas*, publié dans la monographie
PRATICIEN «Ostéoporose:une maladie encore trop négligée» de La Revue du Praticien.
1 5 D É C E M B R E 2 0 0 4 / T O M E 5 4 N º 1 9

Rev Prat 2004 ; 54 : 2120-6.


* Service de rhumatologie et de pathologie osseuse, hôpital Édouard Herriot, 69437 Lyon Cedex 03.
chapurlat@lyon.inserm.fr ; delmas@lyon.inserm.fr

– Arrêter le tabac et l’alcool. – Dose : 500 à 1 000 mg/j.


– Éviter les médicaments favorisant
IMONOGRAPHIEI
• Vitamine D
Ostéoporose la perte osseuse (corticoïdes…).
UNE MALADIE ENCORE TROP NÉGLIGÉE
– À utiliser systématiquement chez
OUVERTURES RÉFÉRENCES UNIVERSITAIRES • Régime riche en calcium
B Mélanomes oculaires B
Implant cochléaire chez
l’adulte B Presse : Temps de
Plus d’inscrits en PCEM1 B Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique
B Angoisse aiguë et attaque de panique B Transfusion et hémovigilance B
Électrocardiogramme B Pathologies auto-immunes B Tumeurs des os
les sujets âgés vivant en institution.
travail des internes • Plus de
pneumonies sous anti-acides?

p u b l i c a t i o n
DE MÉMOIRE DE MÉDECIN Les hôpitaux militaires, modèles pour le civil

b i m e n s u e l l e d e f o r m a t i o n m é d i c a l e c o n t i n u e
Apports recommandés : – Dose : 800 UI/j.
– 1 000 à 1 200 mg/jour
L’ESSENTIEL • Œstrogènes
pour les adultes jusqu’à 70 ans ;
Malgré des conséquences
– au moins 1 200 mg/jour après 70 ans. Avantages
importantes en termes de
morbidité et de mortalité, Réduction de l’ordre de :
• Exercice physique
l’ostéoporose reste souvent non – 30 % du risque de fracture
diagnostiquée ou non traitée. L’exercice intense, régulier, avec impact : de hanche ;
Pourtant, une stratégie simple
de dépistage des sujets à risque
– entraînerait une élévation de la – 30 à 50 % du risque
reposant sur la détection de densité minérale osseuse (DMO) ; de fracture vertébrale.
quelques facteurs de risque – a probablement un effet bénéfique : Inconvénients
cliniques et la mesure de la . chez la personne âgée, Augmentation du risque
densité minérale osseuse
permettrait de réduire le risque . en améliorant l’équilibre à long terme des :
de fracture avec les traitements et la trophicité musculaire, – accidents coronaires ;
ayant fait la preuve de leur . et donc en réduisant – accidents vasculaires cérébraux ;
efficacité. le risque de chute. – cancers du sein ;
– démences.
• Protecteurs de hanche
Recommandations
Objectif du traitement Observance médiocre par les patientes. Ne sont plus recommandés
Réduire le risque de fracture dans le traitement et la prévention
vertébrale et périphérique. Médicaments disponibles de l’ostéoporose post-ménopausique.
De ce fait, l’intérêt des traitements
• Calcium • Biphosphonates
est jugé en fonction de ce critère.
– Pris isolément : Étidronate (Didronel)
Intervention . est susceptible de ralentir – En régime intermittent.
non médicamenteuse la perte osseuse ; – Élévation modérée de la DMO.
. mais son efficacité – Efficacité antifracturaire
• Facteurs d’environnement antifracturaire est douteuse. vertébrale controversée.
– Éviter de soulever des charges lourdes – Il est prescrit en association à tous – Pas d’efficacité sur les fractures
en cas d’ostéoporose vertébrale. les médicaments anti-ostéoporotiques. extravertébrales.

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OSTÉOPOROSE POST-MÉNOPAUSIQUE

Alendronate (Fosamax, Fosavance) – Réservé au traitement des


– Prévient la perte osseuse ostéoporoses fracturaires sévères
Facteurs de risque
chez la femme ménopausée. (au moins 2 fractures vertébrales). cliniques pour l’estimation
– Augmente la DMO. du risque fracturaire
• Ranélate de strontium – Âge
– Réduit le risque de fracture (Protelos)
vertébrale et périphérique : – Antécédent personnel de fracture
. si présence d’au moins – Réduit le risque de fracture – Antécédent maternel de fracture
1 fracture vertébrale, vertébrale de 40 % et le risque – Tabagisme
– Faible poids corporel
. si femme à haut risque (plus de fracture périphérique de 16 %.
de 75ans, DMO les plus basses), – Dose : 1 sachet de 2 g/j.
. si T  – 2,5 et sans fracture ranélate de strontium,
prévalente. Choisir un traitement . ou tériparatide si au moins
– Dose : 1 cp à 70 mg/semaine. 2 fractures vertébrales ;
Risédronate (Actonel) La décision thérapeutique prend . abstention possible
– Efficacité antifracturaire établie. en compte : chez les femmes très âgées.
– Réduit le risque : – l’âge ; – 2,5  T  – 1 (ostéopénie)
. de fracture vertébrale – les facteurs de risque cliniques ; – Si la fracture est vertébrale :
si ostéoporose, – la DMO ; . un traitement est indiqué
. de fracture du col fémoral – les antécédents personnels (v. ci-dessus).
si DMO basse. de fracture. – Si la fracture est périphérique,
– Pas de bénéfices si DMO peu traiter en cas de :
• Patientes avec un antécédent
abaissée et seulement des facteurs fracturaire .T  –2;
de risque cliniques de fracture. . fragilité osseuse ;
– Dose : 1 cp à 35 mg/semaine. Première étape . antécédent familial (1er degré) ;
Autres biphosphonates – Rechercher les diagnostics . insuffisance pondérale.
– En cours de développement. différentiels de l’ostéoporose.
• Patientes sans fracture
– Ex : ibandronate. – Mesurer la DMO.
T  – 2,5 (ostéoporose) T  – 2,5 (ostéoporose)
• SERM (selective estrogen
receptor modulator) – Mesures générales : Calcium, vitamine D.
. calcium, vitamine D en cas – Femme de 50 à 80 ans :
Raloxifène (Evista, Optruma) de carence, . traiter si T  – 3 ou autres
– C’est un traitement . prévention des chutes, facteurs de risque ;
de 1re intention. . nutrition. . alendronate, risédronate ou
– Diminue de moitié le risque – Femme de 50 à 80 ans : raloxifène (non remboursés).
fracturaire vertébral : . 1 fracture vertébrale et – Femme  80 ans
. si fractures vertébrales ostéoporose à prédominance . alendronate ou risédronate
prévalentes ; rachidienne : raloxifène, selon le risque et l’espérance
. si DMO basse mais biphosphonate ou ranélate de de vie.
pas de fracture. strontium ; – 2,5  T  – 1 (ostéopénie)
– Est bien toléré hormis : . 1 fracture vertébrale et risque – Si T  – 2 avec des facteurs
. l’augmentation fracturaire vertébral et de risque :
des bouffées de chaleur ; périphérique : biphosphonate . raloxifène, alendronate ou
. l’accroissement modéré ou ranélate de strontium ; risédronate (non remboursés) ;
du risque thromboembolique .  2 fractures vertébrales : . calcium, vitamine D.
veineux. biphosphonate ou tériparatide. – Si pas de facteurs de risque
– Effets favorables : – Femme  80 ans : ou T  – 2 :
. réduction du risque . alendronate, risédronate ou . surveillance.
de cancer du sein ;
. amélioration du profil pour en savoir plus
lipidique.
– Dose : 1 cp à 60 mg/jour. • Références
– Monographie « Ostéoporose : une maladie encore trop négligée ».
• Parathormone Rev Prat 2004;54:2105-40. Sommaire : Diagnostic. Ostéoporose chez l’homme.
Ostéoporose induite par les corticoïdes.
– Tériparatide (Forsteo).

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FORMATION

Syndrome du canal carpien :


quand faut-il opérer ?
Objectif : savoir diagnostiquer et traiter un syndrome du canal carpien.
Des paresthésies nocturnes dans les 3 premiers doigts chez une femme en période
périménopausique sont typiques de ce syndrome. Une forme subjective débutante
peut bénéficier d’un traitement médical (infiltration, attelle). Une forme résistante
au traitement médical ou objective (motrice) nécessite une libération chirurgicale.

e syndrome du canal carpien résulte d’un conflit chirurgicaux, la profession manuelle ou non et les

L
Par Fabien Wallach
et Emmanuel contenant-contenu. Le contenant, inextensible, est autres activités manuelles (couture, sport, musique). La
Masmejean,
unité de chirurgie bordé en arrière par les os du carpe et en avant par notion de tabagisme est importante.
de la main et le rétinaculum des fléchisseurs (ligament annulaire Les principaux symptômes sont des paresthésies dans
des nerfs antérieur du carpe). Le contenu du canal est composé les 3 premiers doigts, le plus souvent en milieu ou fin de
périphériques,
Hôpital européen des tendons fléchisseurs des doigts, du tendon du long nuit, après une période d’endormissement. Des pares-
Georges Pompi- fléchisseur du pouce et du nerf médian, structure la plus thésies diurnes peuvent également exister, alors invali-
dou,75908 Paris superficielle et la plus sensible à la compression (fig. 1). dantes pour les prises fines (boutons) et parfois avec une
Cedex 15.
irradiation ascendante douloureuse.
emmanuel. DIAGNOSTIC : PARESTHÉSIES Les paresthésies sont localisées dans le territoire du nerf
masmejean@ DES 3 PREMIERS DOIGTS médian, c’est-à-dire dans les 3 premiers doigts, voire le
egp.aphp.fr
Recherche de signes de gravité bord radial de l’annulaire.
à l’examen clinique À l’examen,il faut rechercher des pathologies intri-
L’interrogatoire doit faire préciser le sexe, l’âge du quées :
patient, le côté dominant, les antécédents médicaux et – des cervicalgies, voire une névralgie cervico-brachiale ;
– des paresthésies dans les 2 derniers doigts, en faveur
Fig. 1 – Représentation d’une compression du nerf ulnaire au coude ;
du canal carpien – des signes de pathologies associées : rhizarthrose ou
et de ses éléments
(coll. SFCM). doigt à ressaut.
Enfin, il faut également rechercher des éléments en faveur
Rétinaculum des fléchisseurs : d’un syndrome du canal carpien secondaire qui est excep-
très solide, il forme tionnellement révélateur d’une maladie (encadré 1).
le toit du canal. L’examen est bilatéral et comparatif :
– test de la sensibilité des zones indépendantes à la com-
Nerf médian : il transporte
presse (face postérieure de la 1re commissure pour le nerf
les sensations des doigts radial, pulpe du pouce ou de l’index pour le nerf médian
et permet certains et pulpe du 5e doigt pour le nerf ulnaire) ;
mouvements du pouce. – évaluation de la mobilité du poignet, des doigts longs
Tendons fléchisseurs :
ils passent dans le canal et du pouce ;
carpien avec le nerf
médian. – recherche d’une amyotrophie de l’éminence thénar
(fig. 2) qui signe une atteinte motrice sévère (atteinte de
la branche motrice thénarienne) ;

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SYNDROME DU CANAL CARPIEN


– mesures des forces de la poigne avec le dynamomètre
de Jamar et de la pince pouce-index au Key-Pinch. TROIS THÉORIES POUR EXPLIQUER LES CAUSES DU SYNDROME
Des tests de provocation du syndrome irritatif sont
Trois théories physiopathologiques coexistent probablement pour expliquer
réalisés à la fin de l’examen : la souffrance du nerf médian ; chacune peut expliquer certaines des causes
– la percussion du nerf médian au pli de flexion du du syndrome du canal carpien.1
poignet peut reproduire les paresthésies (pseudo-
➜ Théorie vasculaire
signe de Tinel) ;
Selon cette théorie, il existe une ischémie progressive du nerf lors de
– la flexion passive du poignet, coude sur la table, peut l’augmentation de la pression dans le canal carpien.
reproduire en moins d’une minute les paresthésies : c’est Des études ont mis en évidence une augmentation de pression nocturne
le signe de Phalen. dans le canal carpien, qui serait à l’origine des paresthésies, du fait de
Il faut aussi rechercher un signe d’irritation du nerf l’absence de mouvements susceptibles de « drainer » la main (retour
ulnaire au coude par la percussion dans la gouttière veineux et lymphatique). Le port d’attelle interdit la flexion du poignet
épitrochléo-olécrânienne ou au niveau de l’arcade du qui est aussi un élément d’augmentation de la pression et permet donc
de diminuer les signes du canal carpien.2
fléchisseur ulnaire du carpe.
➜ Théorie de l’effet-volume
Objectiver l’atteinte et apprécier la gravité Cette théorie explique l’augmentation de la pression intracanalaire par :
par un EMG – l’augmentation de volume du contenu : c’est notamment le cas lors
d’une ténosynovite ou de la présence d’un muscle surnuméraire ;
Faut-il réaliser un électromyogramme (EMG) asso-
– la diminution de volume du contenant : notamment lors d’une
cié à une mesure de la vitesse de conduction nerveuse fracture du radius distal à déplacement antérieur, mais aussi chez
(VCN) ? L’examen électrique doit être bilatéral, symé- certaines personnes avec un « canal carpien étroit constitutionnel »
trique, et étudier les nerfs médians et cubitaux. Il n’y a qui ont une prédisposition au syndrome.3
aucune obligation légale de réaliser cet examen,mais cela
➜ Théorie de diminution de glissement du nerf
permet d’avoir un document objectif de l’atteinte, avec Cette théorie explique les neuropathies de traction par la diminution
en plus la recherche de signes de gravité électrique,comme de glissement du nerf par rapport aux tendons fléchisseurs, et
l’atteinte motrice ou une dénervation significative. notamment les récidives du syndrome du canal carpien par des
Les radiographies peuvent être utiles dans cer- adhérences et donc par la diminution du glissement du nerf, alors
taines situations : cal vicieux du poignet, radiographie que l’ouverture du canal carpien a été complète.
de la colonne du pouce en cas de rhizarthrose associée
ou des radiographies du rachis cervical en cas de
cervicalgies. Infiltration de corticoïdes retard. Celle-ci peut être
réalisée au cabinet médical, en l’absence de contre-
TRAITEMENT... indication des corticoïdes,et pour les syndromes du canal
... pour les formes subjectives carpien idiopathiques et sensitifs purs.
Devant un syndrome du canal carpien idiopathique Après désinfection cutanée, l’infiltration est réalisée
débutant sans signe d’atteinte motrice (forme subjec- entre les tendons du fléchisseur radial du carpe et du
tive), un traitement médical doit être proposé. Celui-ci long palmaire.4 L’aiguille est introduite au niveau du pli
repose sur l’arrêt éventuel des conditions favorisant les de flexion palmaire proximal du poignet vers le canal
microtraumatismes au poignet, l’infiltration de corti- carpien (fig. 3). L’injection, réalisée après avoir vérifié
coïdes retard (Altim) et la prescription d’une attelle de que l’aiguille n’est pas dans un vaisseau, doit être douce. Fig. 2 –
Amyotrophie
repos nocturne, poignet en position neutre, pour une Si elle est un peu désagréable, elle ne doit pas entraîner thénarienne
durée de 2 à 3 semaines. de violente douleur et (ou) de paresthésies, ce qui sévère sur une
main droite, vue
à jour frisant.

ENCADRÉ 1 – CAUSES DES CANAUX CARPIENS SECONDAIRES


• Cause traumatique (essentiellement les fractures du poignet).
• Cause microtraumatique (maladie professionnelle).
• Cause endocrinienne (ménopause, grossesse, diabète, insuffisance
thyroïdienne, acromégalie).
• Maladie de système (maladies de surcharge, myélome multiple,
leucémie, sarcoïdose, sclérodermie).
• Cause infectieuse (notamment tuberculose et lèpre).
• Cause mécanique (tumeur, synovite, muscle surnuméraire, dépôts
rhumatismaux).
2

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SYNDROME DU CANAL CARPIEN


fléchisseurs, afin de décomprimer le nerf médian.6
MALADIE PROFESSIONNELLE Après de nombreuses discussions dans les années 1990,
• Le syndrome du canal carpien peut être reconnu comme maladie au sujet de la chirurgie à ciel ouvert versus l’endoscopie,
professionnelle (MP) selon certains critères. la majorité des auteurs s’accordent à proposer des tech-
• Le syndrome du canal carpien est inscrit au tableau 57 du régime niques « mini-open » (endoscopie, couteau rétrograde à
général et au tableau 39 du régime agricole pour des travaux avec lumière froide).Le progrès résulte de l’absence d’incision
une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main ou sur le talon de la main, zone d’appui à protéger (fig. 4).
des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou Le geste est, le plus souvent, immédiatement efficace sur
de préhension de la main. Le délai de prise en charge est de 30 jours.
les paresthésies nocturnes, dès la 1re nuit. Dans les formes
• Le canal carpien en MP n’est pas toujours reconnu, car très objectives, la récupération d’une meilleure sensibilité et
fréquent. De plus, il est prouvé que les suites sont plus longues
(donc plus chères avec des conséquences économiques). (ou) de la force peut se faire avec un certain délai.
La prescription d’une attelle de repos postopératoire
signifierait que l’injection est intraneurale. Dans ce cas, pour quelques jours n’est pas univoque. En postopéra-
il faut retirer l’aiguille de quelques millimètres pour toire, la mobilisation immédiate des doigts permet de
injecter le produit autour du nerf. Après injection, le lutter contre les adhérences postopératoires.
patient doit noter la durée d’efficacité de l’infiltration. En revanche, pour les canaux carpiens récidivants ou
En cas d’action prolongée (plus de 3 mois) et de non- associés à une ténosynovite, une incision plus longue à
aggravation du syndrome du canal carpien, l’injection ciel ouvert est recommandée.
peut être renouvelée au maximum jusqu’à 3 fois. La guérison clinique est directement liée à la sévé-
Si les corticoïdes retard sont inefficaces ou si leur effica- rité du syndrome du canal carpien. Même chez les sujets
cité est de courte durée, il convient de proposer un trai- âgés avec des signes d’ancienneté et de gravité tels que
tement chirurgical. l’amyotrophie thénarienne, la décompression chirurgi-
cale permet une amélioration notable de la fonction.7
... pour les formes résistantes
au traitement médical ou objectives CONCLUSION
Fig. 3 – Repères
pour l’infiltration Avec 80 000 interventions par an en France, la chirurgie Le syndrome du canal carpien est un motif fréquent de
de corticoïdes
retard sur une du canal carpien est une intervention gagnante, avec de consultation. Son diagnostic est facile, souvent dès l’in-
main droite. très bons résultats cliniques et un taux très faible de réci- terrogatoire. Le traitement médical doit être proposé
Au pli de flexion
du poignet, entre dive (0,3 à 3 %).5 L’intervention doit être, sauf contre- dans les formes subjectives débutantes. Le simple port
les tendons du indication particulière, réalisée en chirurgie ambula- nocturne d’une attelle de repos du poignet améliore très
grand et du petit
palmaire. toire. Elle peut se faire sous anesthésie locale pure souvent les patientes. En cas d’échec du traitement
Fig. 4 – Section (parfois après mise en place d’un patch d’Emla), sous médical associant attelle et infiltration (en l’absence de
chirurgicale
du rétinaculum bloc axillaire ou sous courte anesthésie générale. L’inter- contre-indication), ou en cas de forme objective d’em-
des fléchisseurs vention se déroule sous loupe grossissante et dure en blée, le traitement chirurgical est nécessaire avec des
par une incision
distale à l’aide règle générale moins de 10 min. résultats rapides sur les paresthésies. ■
d’un couteau Section du rétinaculum des fléchisseurs. Le trai-
lumineux sur Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts
une main droite tement chirurgical du syndrome du canal carpien
concernant les données publiées dans cet article.
(coll. Masmejean). est univoque : c’est la section du rétinaculum des

3 4

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SYNDROME DU CANAL CARPIEN


Références
1. Masmejean E. La vérité sur la chirurgie 3. Papaioannou T, Rushworth G, Atar D, 6. Société française de chirurgie de la main.
du syndrome du canal carpien. Entretiens Dekel S. Carpal canal stenosis in men with Le syndrome du canal carpien. Fiche d’in-
de Bichat 2003. Chirurgie – Spécialités. idiopathic carpal tunnel syndrome. Clin formation de la Société française de chirur-
Paris: Expansion Scientifique Française; Orthop Relat Res 1992;285:210-3. gie de la main. http://www.gem-sfcm.org/
2003: 168-70. 4. Frederick HA, Carter PR, Littler JW. images/patient/pdf/ccarpien.zip
2. Luchetti R, Schoenhuber R, Alfarano M, Injection injuries to the median and ulnar 7. Leit ME, Weiser RW, Tomaino MM.
Deluca S, De Cicco G, Landi A. Serial over- nerves at the wrist. J Hand Surg (Am) Patient-reported outcome after carpal tun-
night recordings of intracarpal canal pres- 1992;17:645-7. nel release for advanced disease: a prospec-
sure in carpal tunnel syndrome patients 5. Cobb TK, Amadio PC. Reoperation for tive and longitudinal assessment in patients
with and without wrist splinting. J Hand carpal tunnel syndrome. Hand Clin older than age 70. J Hand Surg (Am)
Surg (Br) 1994;19:35-7. 1996;12:313-23. 2004;29:379-83.

SUMMARY.
en pratique The carpal tunnel syndrome is the
most frequent peripheral nerve
compression syndrome. It results
• Le syndrome du canal carpien est le syndrome de compression nerveuse le plus fréquent, of the compression of the median
il correspond à des signes de souffrance du nerf médian au poignet. nerve in the carpal tunnel.
It usually occurs in the mid-age
• Il survient typiquement chez la femme en période périménopausique de façon idiopathique. woman, without any cause found.
Cliniquement, les paresthésies nocturnes dans les 3 premiers doigts sont les principaux The patient usually complaints
symptômes. Les causes secondaires les plus fréquentes sont endocriniennes et traumatiques. with nocturnal paresthesia in the
sensitive territory of the median
• Le syndrome du canal carpien peut être reconnu comme maladie professionnelle. nerve.
Electrophysiological study is not
• Il faut rechercher des signes objectifs de gravité (amyotrophie thénarienne, baisse compulsory but it can help for the
de la sensibilité) et des pathologies intriquées (cervicalgies, atteinte ulnaire, rhizarthrose, positive diagnosis and for finding
doigt à ressaut). signs of motor deficiency.
When the compression is light,
• L’EMG n’est pas obligatoire, mais il permet d’avoir un bilan objectif de la compression et de medical treatment can be effec-
rechercher des signes de gravité. tive with rest, nocturnal splint and
corticoid infiltration. Otherwise
• Une forme subjective débutante peut bénéficier d’un traitement médical (infiltration, surgical treatment with section of
attelle). Une forme résistante au traitement médical ou objective nécessite une libération the flexor retinaculum has a high
chirurgicale. success rate with few complica-
tions.

Année : ❑ 2004 ■
■ ❑ 2003/2002 ❑ 2001

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FORMATION

Quinolones:
règles d’utilisation en ville
Objectif : connaître le bon usage des quinolones en pratique de ville.
Le principal problème lié à l’utilisation des quinolones est une forte augmentation
de la résistance par la sélection de mutant résistant dans le foyer infectieux
et dans les flores bactériennes de l’organisme, et aussi par la transmission
des souches résistantes. Certaines règles d’utilisation doivent donc être respectées.

es quinolones sont, avec les β-lactamines (pénicil- des infections tissulaires diverses, en particulier osseuses Par Emmanuelle

L lines et céphalosporines), une des trois principales


familles d’antibiotiques utilisées en thérapeutique
humaine. Leur importance s’est continuellement accrue
et pulmonaires, nosocomiales ou opportunistes, dans
lesquelles la participation du staphylocoque ou celle du
bacille pyocyanique sont possibles.
Cambau,
Claude-James
Soussy,
laboratoire
de bactériologie-
depuis 1968, date de la commercialisation de l’acide La lévofloxacine fait aussi partie de ce groupe sur la base
virologie-hygiène,
nalidixique, en particulier par le développement des de sa structure (isomère lévogyre de l’ofloxacine) et de CHU Henri Mondor,
fluoroquinolones. son activité antibactérienne. Néanmoins, compte tenu université Paris 12,
de son développement sous une forme pharmaceutique AP-HP, 94010
ACTIVITÉ ANTIBACTÉRIENNE SPÉCIFIQUE Créteil Cedex.
à posologie élevée, elle a été présentée avec des indications
DES QUINOLONES cliniques dans le traitement des infections respiratoires emmanuelle.
Les quinolones peuvent être classées en quatre groupes proches du groupe des nouvelles fluoroquinolones cambau@
hmn.aphp.fr
selon leur structure (toutes sont des molécules de syn- décrites ci-dessous.
thèse chimique) et leur activité antibactérienne. Les nouvelles fluoroquinolones, comme la moxi-
Les quinolones dites classiques, comme l’acide nali- floxacine et la gatifloxacine (non commercialisée en
dixique,l’acide pipémidique et la fluméquine,sont actives France), ont été développées pour élargir le spectre des
uniquement sur des bactéries à Gram négatif et en par- fluoroquinolones vers les streptocoques,en particulier le
ticulier les entérobactéries (Escherichia coli,Proteus,Kleb- pneumocoque, et les bactéries anaérobies. Cela leur
siella...),ce qui a justifié leur utilisation dans les infections permet d’avoir des indications dans le traitement des infec-
urinaires. Elles ont aussi une activité in vitro, mais qui tions respiratoires,soit des pneumonies communautaires,
n’est pas exploitée in vivo,sur Hæmophilus spp,Moraxella des sinusites aiguës et des surinfections de bronchites chro- Figure –
Spectre naturel
spp,Branhamella spp,et sur les méningocoques,les gono- niques, que n’ont pas les autres fluoroquinolones. d’activité
coques et autres Neisseria. Le tableau 1 présente l’activité antibactérienne des antibactérienne
des quinolones.
Les fluoroquinolones, comme la norfloxacine, la quinolones et la figure le spectre naturel d’activité.
péfloxacine, l’ofloxacine, et la ciprofloxacine, sont 100 fois
plus actives que les quinolones classiques et sont actives sur Fluoroquinolones
d’autres bacilles à Gram négatif comme les légionelles et
P. æruginosa Nouvelles
Pseudomonas æruginosa(bacille pyocyanique),sur des bac- Quinolones fluoroquinolones
téries à Gram positif comme les staphylocoques et sur des classiques Acinetobacter

bactéries dites atypiques (chlamydia, rickettsies, myco- E. coli Streptocoques


plasmes). Elles sont donc utilisées non seulement dans P. mirabilis Staphylocoques
les infections urinaires, dans lesquelles elles sont plus K. pneumoniæ Mycobactéries
B. atypiques
efficaces que les quinolones classiques, mais aussi dans Anaérobies

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BON USAGE DES QUINOLONES

MODE D’ACTION, MÉCANISMES DE RÉSISTANCE DES QUINOLONES ET ACQUISITION DE LA RÉSISTANCE


MODE D’ACTION ET MÉCANISMES DE RÉSISTANCE quinolones sont : mécanisme lié à l’acquisition d’un gène étranger,
➜ Les quinolones ont pour cible les topo- – une modification des cibles, l’ADN gyrase ou qnr, qui produit une protéine qui protège l’ADN
isomérases, enzymes servant à enrouler et à (et) la topo-isomérase IV, par mutation ponctuelle gyrase de l’action des quinolones. Ce gène qnr
dérouler le chromosome circulaire bactérien lors entraînant une substitution d’acide aminé. La est transmis par des plasmides présents chez
de la réplication et de la transcription. Ces résistance est croisée entre les quinolones, mais certaines entérobactéries, et souvent associé à
enzymes sont vitales pour la bactérie, et leur le niveau de la résistance peut varier pour d’autres gènes de résistance (aminosides,
inhibition entraîne l’arrêt de la réplication et de la chaque molécule ; β-lactamines). Cette découverte étant récente
transcription de l’ADN, donc de la multiplication – une diminution de la concentration (1998-2002), on ne connaît pas encore
bactérienne (bactériostase), puis la mort intracytoplasmique résultant soit d’une l’importance clinique de ce mécanisme.
bactérienne (bactéricidie). Les topo-isomérases diminution de la pénétration de la paroi, le plus
bactériennes cibles des quinolones sont l’ADN souvent chez les bactéries à Gram négatif par ACQUISITION DE LA RÉSISTANCE
gyrase et la topo-isomérase IV. Les quinolones diminution de l’expression des porines, soit d’un ➜ Sélection de mutant chromosomique.
ont une activité 1 000 fois plus faible sur les efflux important de quinolones par augmentation La résistance acquise aux quinolones, quel que
topo-isomérases eucaryotes. de l’expression des systèmes d’efflux. Ce soit le mécanisme en cause, est le plus souvent
Afin d’atteindre leur cible, les quinolones doivent mécanisme entraîne une résistance surtout pour secondaire à la sélection de mutant
traverser la paroi bactérienne et la membrane les quinolones les plus hydrophiles, ainsi qu’à chromosomique. La mutation chromosomique
cytoplasmique. Chez les bactéries à Gram positif, d’autres antibiotiques (résistance croisée) qui ont est un évènement génétique qui survient
la paroi est perméable, car elle est constituée les mêmes voies de pénétration ou d’efflux spontanément ; elle est due à des erreurs de
uniquement de peptidoglycane que les quinolones (aminosides, β-lactamines, tétracyclines, copie des polymérases. L’antibiotique, ici la
traversent par diffusion passive. Chez les bactéries chloramphénicol). quinolone, n’agit que comme agent de sélection.
à Gram négatif, la traversée de la paroi se fait par Ces mécanismes peuvent coexister et leur Ne peuvent être sélectionnées que les mutations
les protéines de la membrane externe appelées addition entraîne une augmentation du niveau qui confèrent un mécanisme de résistance et qui
porines (voie des molécules hydrophiles), et aussi de résistance (tableau 2). Ils sont acquis l’un ne sont pas létales (mutations dans des régions
directement à travers la bicouche lipidique (voie après l’autre par la sélection de mutant résistant. codantes essentielles). La proportion de la sous-
des molécules les plus hydrophobes). Les mutations responsables des mécanismes de population mutante et résistante, appelée
résistance étant chromosomiques, ces gènes de fréquence de mutation, est pour la plupart des
➜ Le principal problème posé par l’utilisation résistance ne sont pas transférables d’une espèces bactériennes et des quinolones,
des quinolones en thérapeutique (humaine ou bactérie à une autre (pas de transmission de 1 mutant pour 106 bactéries à 1/108.
animale) est la sélection de mutant résistant aux horizontale), mais sont transmis intégralement à Globalement, la fréquence est plus faible quand
quinolones. la descendance (transmission verticale). l’activité intrinsèque de la quinolone est plus élevée.
Les mécanismes de résistance décrits pour les Il a été récemment découvert un nouveau Le risque ou la probabilité de sélection in vivo de

PARTICULARITÉS DE L’UTILISATION téricidie est accrue lorsque les concentrations augmen-


CLINIQUE CONCERNANT LES QUINOLONES tent, ce qui est appelé bactéricidie concentration-dépen-
Les quinolones sont actives sur les bactéries en phase dante. Cet effet bactéricide est observé pour les bactéries à
de croissance (infection aiguë) et sur les bactéries quies- Gram négatif. Sur les bactéries à Gram positif, l’effet bac-
centes ou en phase stationnaire, comme de très rares téricide est plutôt temps-dépendant (l’efficacité augmente
antibiotiques (rifampicine), ce qui leur permet d’être avec la durée de contact entre l’antibiotique et la bactérie)
indiquées dans les infections subaiguës et chroniques, sauf pour les nouvelles fluoroquinolones et les staphylo-
en particulier osseuses et ORL, et l’éradication de coques pour lesquels un effet concentration-dépendant
CMI : concentration
minimale inhibitrice portage bactérien (salmonelles, méningocoque par est aussi observé.
Nal : acide nalidixique exemple). L’efficacité des quinolones est en rapport à la fois avec
Ofl : ofloxacine Les quinolones sont des antibiotiques rapidement le pouvoir bactéricide de cet antibiotique et avec la pré-
Lev : lévofloxacine
Cip : ciprofloxacine bactéricides à des concentrations égales à celles de l’acti- vention de l’apparition de mutants résistants.
Mox : moxifloxacine vité bactériostatique (CMB = CMI). Cependant, la bac- L’augmentation de la bactéricidie est liée à un index inhi-
biteur élevé ([Cmax sérique/CMI] > 10-15) et à une AUIC
TABLEAU 1 – ACTIVITÉ ANTIBACTÉRIENNE (CMI) DES QUINOLONES
VIS-À-VIS DES PRINCIPALES BACTÉRIES PATHOGÈNES élevée ([rapport de l’aire sous la courbe/CMI] > 100-150).
CMI50 en mg/L La prévention des mutants résistants à l’antibiotique est
Espèces bactériennes assurée par un rapport Cmax/CMI élevé in vivo, si pos-
Nal Ofl Lev Cip Mox
sible > 20, ce qui correspond au facteur multiplicateur
Escherichia coli 2 0,06 0,03 0,01 0,06
maximal des CMI conféré par un mécanisme de résistance
Salmonella enterica 2 0,06 0,03 0,01 0,03
pour une fluoroquinolone.
Hæmophilus influenzæ 0,5 0,01 0,01 0,01 0,01
Neisseria gonorrhœæ 1 0,03 0,01 0,004 0,008 BON USAGE ET RÉSISTANCE
Pseudomonas æruginosa 128 1 0,5 0,25 1
Staphylococcus aureus 32 0,5 0,25 0,25 0,06 Recommandations générales
Streptococcus pneumoniæ > 128 2 1 2 0,25
Il est recommandé d’éviter l’utilisation des quino-
Mycobacterium tuberculosis > 128 1 0,5 1 0,12
lones en cas de traitement antérieur récent (données de
Bacteroides fragilis > 128 4 2 4 0,5
l’interrogatoire) par quinolones car,dans ces cas-là,la pré-

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BON USAGE DES QUINOLONES

mutant résistant sont dépendants : globalisé par le paramètre de « Concentration ➜ Enfin, la possibilité de transmission
– de l’espèce bactérienne et de son degré de prévenant les mutations » (CPM), qui détermine interbactérienne de gènes de résistance aux
résistance naturelle aux quinolones (valeur de la CMI) ; in vitro la plus petite concentration de quinolone quinolones a été récemment décrite : soit par
– de la quinolone utilisée et de sa sensibilité aux pour laquelle aucun mutant n’est sélectionné à transformation avec des allèles résistants gyrA ou
mécanismes de résistance que la bactérie est partir d’un fort inoculum (1010). parC entre streptocoques, soit par conjugaison
capable de développer ; Cela est cohérent avec les résultats des études d’un plasmide de multirésistance contenant le
– de la posologie et du mode d’administration de cliniques sur la sélection de résistant in vivo. gène qnr. La protéine QNR protège l’ADN-gyrase
la quinolone ; de l’effet inhibiteur des quinolones, et confère un
➜ Sélection de mutant résistant dans les flores
– de la taille de l’inoculum bactérien (probabilité bas niveau de résistance qui s’ajoute à celui
bactériennes de l’organisme.
de l’existence du mutant); conféré par les autres mécanismes.
Si la prévention de la sélection de mutant
– de la présence d’un corps étranger.
résistant dans le foyer infectieux est essentielle TABLEAU 2 – MODIFICATIONS DE LA SENSIBILITÉ
Ces différents facteurs peuvent être évalués in
pour assurer la guérison et l’absence d’échec AUX QUINOLONES ENTRAINÉES PAR
vitro par les paramètres suivants :
secondaire, la sélection de mutant résistant est LES DIFFÉRENTS MÉCANISMES DE RÉSISTANCE.
– la CMI vis-à-vis de la souche sauvage qui
aussi observée dans les flores bactériennes de EXEMPLE DE ESCHERICHIA COLI
donne le niveau de résistance naturelle ;
l’organisme, ce qui est considéré alors comme un CMI (mg/L) / SIR*
– la fréquence de mutation déterminée in vitro Mécanismes de résistance
effet délétère de l’antibiotique. Cet effet, non Nal Lev Cip
(de 10-6 à 10-8), ou proportion de mutant Ofl
recherché, concourt d’abord à l’augmentation de
résistant (1/106 à 1/108) ;
la prévalence de la résistance bactérienne aux Pas de résistance acquise 4/S 0,06 / S 0,03 / S 0,01 / S
– l’augmentation des CMI de la quinolone (de
quinolones, et apporte à l’individu un risque
2 x CMI à 20 x CMI) en fonction du mécanisme Diminution de concentration
supplémentaire d’échec lors d’un traitement par 16 / I 0,25 / S 0,12 / S 0,05 / S
de résistance conféré par la mutation. intracytoplasmique
les quinolones dans les semaines qui suivent.
Par exemple, le risque de sélection est de 10 %
en cas d’infection tissulaire à P. æruginosa traitée ➜ Transmission de souches résistantes. Mutation gènes de ADN
gyrase (gyrA ou gyrB) 128 / R 1/I 0,5 / S 0,25 / S
par la ciprofloxacine (CMI de 0,25 mg/L, Si la sélection de mutants in vivo concourt à la
Cmax de 2 mg/L après 200 mg IV, et production d’environ 5 à 10 % de souches résistantes Mutations ADN gyrase +
CMI de 2 à 4 mg/L vis-à-vis d’un mutant d’efflux acquises, cette prévalence de résistance est gènes de la topoisomérase 1024 / R 8/R 4/R 1/I
ou de gyrase) mais de 0 % en cas d’infection largement amplifiée par la transmission de souches IV (parC ou parE)
urinaire à E. coli, sensible à l’acide nalidixique, résistantes non seulement dans les infections Association
traitée par la ciprofloxacine (CMI ciprofloxacine nosocomiales (S. aureus résistant à la méticilline, de 3 mécanismes > 1024 / R 64 / R 32 / R 16 / R
de 0,01 mg/L et CMI vis-à-vis d’un mutant entérobacteries), mais aussi dans les infections *Concentrations critiques (CA-SFM). Acide nalidixique (Nal) : S ≤ 8 et R > 16 ;
d’efflux ou de gyrase de 0,25 mg/L). Cela a été communautaires (gonocoques, pneumocoques). ofloxacine (Ofl) : S ≤ 0,5 et R > 1 ; lévofloxacine (Lev) : S ≤ 1 et R > 2 ;
ciprofloxacine (Cip) : S ≤ 0,5 et R > 1

valence de la résistance est supérieure aux cas n’ayant pas Il est recommandé de veiller à une bonne tolérance :
eu de traitement antérieur (p. ex. 6 % contre 22 % dans – précautions d’emploi chez le sujet âgé (risque de
l’étude AFORCOPI-Bio, www.onerba.org). désorientation) ;
Il est recommandé de choisir une posologie adaptée – précautions d’emploi chez le sportif (risque de tendi-
au site de l’infection et à la bactérie en cause : nopathie) ;
– de fortes posologies doivent être choisies en cas d’infec- – pas d’exposition solaire (risque de photosensibilisation);
tion tissulaire, d’infection à bactérie à Gram négatif en – s’assurer de l’absence de grossesse chez la femme ;
attendant les résultats de l’antibiogramme, d’infection à – évaluer les interactions médicamenteuses potentielle-
bactéries à Gram positif (pneumocoque, staphylo- ment néfastes.
coques…) pour toute la durée du traitement, d’infection Il est recommandé de choisir la quinolone la plus
à entérobactéries sensible aux fluoroquinolones mais active sur la bactérie responsable de l’infection (CMI
résistantes à l’acide nalidixique (NalR-CipS) et, enfin, en basse) et celle pour laquelle les rapports Cmax/CMI et
cas de poids élevé ; AUIC sont les plus élevés.
– une posologie normale est choisie uniquement en cas
d’infection urinaire ou intestinale, ou d’infection à enté- Infection urinaire : oui mais…
robactéries sensibles à l’acide nalidixique. Les quinolones sont les antibiotiques de choix du traite-
Il est fortement recommandé d’associer la quino- ment des infections urinaires :
lone à un autre antibiotique : – la ciprofloxacine, la lévofloxacine ou l’ofloxacine pour
– dans les infections tissulaires. L’autre antibiotique doit les pyélonéphrites et les prostatites ;
bien diffuser dans les tissus (rifampicine, acide fusidique, – la norfloxacine pour les infections urinaires basses ;
macrolides, clindamycine, synergistines, fosfomycine, – mais pas les quinolones classiques ;
éventuellement β-lactamines à fortes doses) ; – après avoir interrogé sur la prise de quinolones dans les
– dans les infections nosocomiales en traitement proba- mois précédents.
biliste (prévalence de résistance élevée) ; Oui au traitement probabiliste (avant documenta-
– en cas d’infection à P. æruginosa (bacille pyocyanique), tion bactériologique) si pas de prise antérieure récente
à staphylocoques, à mycobactéries, à entérobactéries de quinolones :
NalR-CipS. – mais vérifier la sensibilité aux quinolones au vu du

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BON USAGE DES QUINOLONES


DCI/NOMS résultat de l’ECBU en cas de prostatites, de pyéloné- Infection à pathogène spécifique : oui mais…
COMMERCIAUX phrites, ou d’infection urinaire basse chez le sujet âgé.
– Acide nalidixique Pour les infections urinaires basses non compliquées Les quinolones sont indiquées :
Négram forte de la femme jeune : traitement monodose recommandé – dans la gonococcie seulement s’il existe une documen-
– Acide pipémidique
par ofloxacine (Monoflocet : 2 cp à 200 mg) ou cipro- tation et un antibiogramme : la prévalence de résistance
Pipram fort
– Fluméquine
floxacine (Uniflox : 1 cp à 500 mg), ou traitement court est trop élevée (20 %) pour un traitement probabiliste ;
Apurone par norfloxacine (Noroxine :400 mg x 2 pendant 3 jours). – pas en première intention dans la typhoïde (plus
– Norfloxacine d’échecs qu’avec la ceftriaxone) ;
Noroxine Infection intestinale : oui mais… – pas en première intention dans la brucellose (plus
– Péfloxacine La norfloxacine ou la ciprofloxacine peuvent être utilisées: d’échecs qu’avec les cyclines) ;
Péflacine
– pour les infections non documentées lors de voyage en – en seconde intention dans les rickettsioses et les infec-
– Ofloxacine
Oflocet pays tropical avec de la fièvre ou des signes d’invasion de tions à Coxiella burnetii, après les cyclines ;
– Ciprofloxacine la muqueuse (selles avec pus et sang), en traitement – en seconde intention dans les légionelloses, après les
Ciflox court de 5 jours ; macrolides (pression de sélection sur les flores) ;
– Lévofloxacine – en cure de portage prolongé de certains pathogènes – seulement dans les cas de tuberculose à bacille résistant
Tavanic
digestifs. à l’isoniazide et à la rifampicine, et accompagnés d’une
– Moxifloxacine
Izilox
prise en charge par une équipe médicale spécialisée dans
Infection ostéo-articulaire : oui mais… ces traitements (risque de résistance secondaire).
Les quinolones peuvent être utilisées :
– seulement après une documentation bactériologique ; CONCLUSION
– en cas d’infection hématogène, seulement en traite- La prévalence de la résistance est si élevée que, dans cer-
ment de relais, c’est-à-dire après 5 jours de traitement taines situations d’infections nosocomiales et commu-
efficace par β-lactamines (ou glycopeptides en cas de nautaires, elle empêche l’utilisation des quinolones avant
*SARM : SARM*) plus ou moins associé avec des aminosides ; documentation bactériologique. Il est recommandé de
Staphylococcus – en cas d’infection postopératoire, seulement après respecter certaines règles d’utilisation (p. ex. forte posolo-
aureus
résistants à la reprise chirurgicale et drainage complet (ablation des gie et association avec un autre antibiotique dans les infec-
méticilline redons) ; tions tissulaires) pour éviter l’acquisition de la résistance
– toujours en association avec un autre antibiotique dif- au décours d’un traitement par quinolones. ■
fusant bien dans les tissus osseux et les articulations
L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêts.
(rifampicine, acide fusidique, macrolides, clindamycine,
synergistines, fosfomycine, éventuellement β-lacta-
SUMMARY. Use of quinolones in community practice
mines à fortes doses).
The quinolones are one of three main families of antibiotics used in human
Infection respiratoire : oui mais… therapy. They are antibacterial drugs derived from nalidixic acid, classical
quinolones that have been long indicated in the treatment of urinary tract
Seulement la moxifloxacine (400 mg x 1/j) ou la lévo- infections but that have been replaced in this therapeutical use by the fluoro-
quinolones (norfloxacin, ciprofloxacin, ofloxacin and recently, levofloxacin) which
floxacine IV (500 mg x 2/j) peuvent être utilisées dans les are 100 fold more active. The development of new fluoroquinolones (moxi-
infections respiratoires mais : floxacin, gatifloxacin) aims at enlarging bacterial spectrum to include Gram-
– pas dans les infections respiratoires virales ; positive bacteria in order to be used in the treatment of respiratory infections.
The principal issues linked to the use of quinolones are the selection of resis-
– pas en cas de traitement par quinolones dans les mois tant mutants in foci of infection and in the natural flora, and the transmission
précédents ; of resistant strains. These are both responsible for the large increase in the
– pas en première intention dans les pneumopathies et prevalence of resistance since the 1990s. This prevalence is so high that, in
certain situations of nosocomial and community-acquired infections, it
les sinusites sauf en cas d’allergie aux β-lactamines hampers the use of quinolones outside bacteriological documentation. It is
(pression de sélection) ; recommended to respect certain rules of utilisation (e.g. high dosage and
– non conseillées dans les surinfections de bronchites association with a second antibiotic in tissue infections) in order to avoid the
acquisition of resistance during a course of treatment with quinolones.
chroniques (il existe d’autres possibilités).

Références
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microb Agents Chemother 2001;45:433-8. 883-92. 1999/2000 de la lévofloxacine vis-à-vis de Streptococcus
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20 L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E . T O M E 2 0 . N ° 7 1 6 / 7 1 7 D U 1 6 J A N V I E R 2 0 0 6
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FORMATION

1. Allergie alimentaire de l’enfant

Allergie alimentaire:
de plus en plus fréquente
Objectif : savoir évoquer et confirmer une allergie alimentaire.
Les allergènes alimentaires sont multiples mais les plus fréquents chez l’enfant
sont le lait de vache, l’œuf et l’arachide. Les manifestations cliniques sont variables
et peuvent être aiguës (avec parfois un risque vital) ou chroniques, rendant
le diagnostic plus ou moins difficile. Le meilleur traitement est le régime d’éviction
qui est à adapter au cas par cas.

a fréquence de l’allergie alimentaire (AA) est esti- peuvent également s’inscrire dans l’allergie alimentaire3

L
Par Martine Drouet,
mée dans la population générale à 3,4 %,1 mais et tous les étages digestifs peuvent être impliqués (reflux unité d’allergologie
générale, CHU,
cette pathologie concerne prioritairement l’enfant. gastro-œsophagien, gastroentéropathies, entéropathies, 49933 Angers
Les aliments sont, en effet, les premiers allergènes de la coliques…). Cedex 9.
vie d’un sujet atopique. Aucun des symptômes énumérés ci-dessus n’est patho-
madrouet@
Les allergies alimentaires de l’enfant peuvent disparaître ; gnomonique d’une allergie alimentaire – qui n’est chu-angers.fr
c’est souvent le cas pour l’allergie au lait de vache et celle qu’une des causes possibles à envisager – sauf le syn-
à l’œuf. Mais cette évolution favorable pour les aliments drome oral qui, lui, est pathognomonique de l’allergie
peut se faire aux dépens des pneumallergènes qui alimentaire. Il s’agit d’une sensation de prurit ou de
prennent souvent le relais chez les sujets atopiques. picotement endobuccal,parfois associée à une impression
D’autres allergies alimentaires sont plus durables (ara- de corps étranger pharyngé, souvent source de toux
chide, poisson). sèche. Ce symptôme est observé uniquement avec les
Les allergènes alimentaires sont mul- aliments végétaux. Très souvent, l’ali-
tiples, mais les aliments les plus sou- ment responsable résulte d’une allergie
vent incriminés sont l’œuf, l’arachide et croisée avec des pollens.
le lait de vache.2 L’allergie alimentaire au travers des
symptômes décrits ci-dessus peut s’ex-
DU SYNDROME ORAL AU CHOC primer sous 2 formes très différentes :
ANAPHYLACTIQUE – une forme aiguë correspondant à des
Tous les symptômes allergiques peu- manifestations de type anaphylactique
vent être observés dans l’allergie ali- ou bronchospasme aigu ; le pronostic
mentaire, du plus bénin (syndrome vital peut alors être mis en jeu ;4,5
oral dit de Lessof) au plus grave tel le – une forme chronique se présentant
choc anaphylactique, en passant par les sous l’angle d’une pathologie elle-
formes cutanéo-muqueuses (urticaire même chronique, type dermatite ato-
aiguë, œdème laryngé, eczéma ato- pique, rhinite, asthme ; le pronostic
pique) ou, plus rarement, les manifes- vital n’est jamais mis en jeu.
tations respiratoires (rhinite ou Cette distinction clinique6 correspond
Phanie

asthme). Certains troubles digestifs à des stratégies différentes dans la

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A L L E R G I E A L I M E N TA I R E
AUGMENTATION DE conduite des bilans allergologiques ainsi qu’à une prise les aliments les plus fréquemment en cause dans ce syn-
LA FRÉQUENCE en charge thérapeutique différente. drome.8 La difficulté de ce type d’allergie alimentaire tient
DE L’ALLERGIE à la multiplicité des cofacteurs non spécifiques, variables
ALIMENTAIRE ÉVOQUÉ SUR L’ANAMNÈSE, LE DIAGNOSTIC d’un patient à l’autre,voire chez le même patient.Les cofac-
La fréquence de EST À CONFIRMER PAR DES TESTS CUTANÉS teurs non spécifiques les plus fréquents, outre l’exercice,
l’allergie alimentaire ET LE DOSAGE DES IgE
est croissante et les sont la prise de médicaments (notamment aspirine et anti-
raisons de cette À l’instar de toute enquête allergologique, le diagnostic inflammatoires) qui amène régulièrement à suspecter à
augmentation sont positif d’une allergie alimentaire est le résultat d’un tort le médicament lui-même, l’alcool, la chaleur intense,
probablement faisceau d’arguments qui commence par l’anamnèse et un facteur hormonal,9 voire une simple asthénie. Ce type
multiples. Le défaut
d’allaitement qui est complété par des examens, essentiellement des d’allergie alimentaire concerne peu le petit enfant mais
maternel, la diversifi- tests cutanés et (ou) un dosage d’IgE spécifiques anti-ali- plutôt l’adolescent ou l’adulte.
cation trop précoce ments. Parfois, il est nécessaire d’effectuer un test de L’allergie alimentaire chroniqueimplique des symp-
des aliments du
réintroduction. tômes eux-mêmes chroniques tels la dermatite atopique,
nourrisson pourraient
être des facteurs la rhinite et (ou) l’asthme. L’anamnèse n’est jamais évi-
alimentaires
La recherche de l’aliment en cause est orientée dente, car l’aliment en cause est consommé quotidien-
favorisants. La théorie
par la situation clinique
nement et les symptômes sont eux-mêmes quotidiens.
hygiéniste postule
que l’excès d’hygiène
Il existe 3 situations cliniques principales. Ce diagnostic ne peut donc être évoqué qu’après la réa-
peut faire dévier la L’allergie alimentaire aiguë sans cofacteur associé : lisation d’un bilan complémentaire. Dans la dermatite
réponse immunitaire le patient exprime systématiquement son allergie alimen- atopique,l’allergie alimentaire est souvent évoquée parce
vers les phénomènes taire sur le mode aigu, dans un délai le plus souvent très que le symptôme est lui-même évocateur.Dans le cas des
allergiques,
expliquant ainsi la
bref après la consommation de l’aliment. Ce caractère manifestations respiratoires,c’est souvent une démarche
plus grande fréquence systématique et ce délai court rendent le diagnostic rela- diagnostique d’élimination qui amène à envisager un tel
des allergies dans les tivement aisé.Il concerne des aliments consommés occa- diagnostic. Par exemple, si un jeune enfant souffre
pays riches et sionnellement et le lien de causalité est souvent évident. d’asthme (a priori atopique) alors que le bilan allergolo-
industrialisés.
L’allergie alimentaire aiguë avec cofacteurs est plus gique est négatif pour les pneumallergènes, il est parfois
complexe.Le patient exprime l’allergie alimentaire sur un opportun de rechercher une allergie alimentaire en ciblant
mode aigu mais l’aliment n’est déclenchant que lorsqu’il particulièrement les 2 aliments susceptibles d’induire une
est associé à des facteurs non allergiques dits cofacteurs telle chronicité : le lait de vache et les dérivés du blé (et
non spécifiques (CNS).L’exercice physique est le cofacteur autres céréales).
non spécifique le mieux connu et fut l’un des premiers Le tableau ci-dessous résume les différences entre ces
décrits7 sous forme du syndrome d’anaphylaxie induit par 3 types d’allergie.
l’exercice (AIE). Les allergies alimentaires avec cofacteurs
sont le plus souvent déroutantes, car l’aliment n’est pas Effectuer des tests cutanés et (ou) un dosage
des IgE spécifiques…
systématiquement déclenchant et les nouvelles ingestions
sans accidents sont faussement rassurantes. Les aliments Dans ces 3 situations cliniques, le diagnostic est évoqué
sont souvent, dans ce cas, consommés quotidiennement, de façon différente par l’anamnèse mais la confirmation
telles les céréales (farine de blé et gluten) qui représentent est faite par les mêmes examens : les tests cutanés et (ou)

CARACTÉRISTIQUES DE L'ANAMNÈSE ET DES TESTS DE RÉINTRODUCTION SELON LE TYPE D'ALLERGIE ALIMENTAIRE


Allergie alimentaire aiguë Allergie alimentaire aiguë Allergie alimentaire chronique
avec cofacteurs
Histoire clinique Souvent évidente par le délai Jamais évidente Jamais évidente

Consommation de l'aliment Occasionnelle Plus fréquente que le nombre Quotidienne ou fréquente


d'épisodes allergiques (d'où la chronicité)

Comportement alimentaire Dégoût Hyperconsommation fréquente


fréquent chez le petit enfant

Test de réintroduction Toujours positif Négatif Souvent faussement négatif


si le cofacteur déclenchant du fait de la dose-dépendance ;
n'est pas identifié doit être surveillé dans les 24 ou 48 h
Positif
si le cofacteur est associé

Test de suppression/réintroduction Contre-indiqué Non contributif Indispensable


(en ambulatoire) car dangereux si le cofacteur n’est pas identifié

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Fig. 1 – Prick-test :
positif à la viande
de poulet.
Fig. 2 – Epidermo-
test : positif pour
le lait de vache
(LV).

1 2

le dosage des IgE spécifiques anti-aliments. d’IgE spécifiques, la probabilité d’une allergie clinique à
Les tests cutanés. Deux techniques peuvent être un aliment peut être prédite avec une sensibilité satis-
utilisées : faisante (0,95 soit 95 fois sur 100 cas). Des auteurs10
– le prick-test (PT) est une érosion punctiforme et proposent ainsi chez l’enfant des seuils pour l’arachide
superficielle de l’épiderme : il est effectué avec des (14 KuA/L), le lait de vache (15 KuA/L), le poisson
extraits allergéniques ou les aliments eux-mêmes (dits (20 kuA/L) et l’œuf (7 KuA/L). Ces valeurs sont diffé-
aliment natifs) ; il est lu 15 à 20 minutes après. Il est rentes chez l’enfant de moins de 2 ans,11 notamment pour
considéré positif s’il induit une réaction de type urti- le lait de vache (2KuA/L).
caire (papule et érythème) [fig. 1]. Ce test explore
essentiellement l’hypersensibilité immédiate (HSI) ; il … et,éventuellement,un test de réintroduction
est donc approprié dans l’urticaire, les réactions ana- En cas d’allergie alimentaire aiguë simple. Les tests
phylactiques, la rhinite et l’asthme ; de réintroduction ne sont envisagés qu’en milieu hospi-
– les épidermotests (ET) correspondent à l’application talier suivant des règles de prudence extrême. Les inges-
sur le derme de l’extrait allergénique alimentaire pen- tas se font à doses progressives chez un patient disposant
dant 48 heures. La lecture se fait après dépose du test à d’un abord veineux en place. Les indications de réintro-
48 heures mais également à 96 heures. La positivité est duction alimentaire répondent à 2 objectifs différents :
exprimée par une réaction de type eczéma avec éry-
thème, œdème, prurit et parfois vésicules. Ces tests
explorent davantage l’hypersensibilité retardée (HSR) et
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
sont surtout utilisés dans la dermatite atopique et les ➜ Pour les manifestations anaphylactiques, il faut envisager les autres
troubles digestifs (fig. 2). causes principales, notamment l’allergie médicamenteuse.
Il est, en effet, parfois difficile d’identifier l’allergène entre aliment
Il est assez souvent utile d’associer les 2 types de tests. et médicament quand ils sont consommés ensemble
Le dosage des IgE spécifiques anti-aliments. Les (les médicaments sont souvent pris au cours du repas).
anticorps responsables de l’allergie alimentaire sont des ➜ Pour le syndrome d’anaphylaxie induit par l’exercice, il faut parfois
IgE qui peuvent être dosées spécifiquement (contre un discuter certaines formes d’urticaire cholinergique bien qu’il soit
aliment précis) au niveau sérique : il s’agit du dosage des rare, dans ce cas, que les symptômes évoluent jusqu’au choc.
IgE spécifiques sériques dont les résultats sont exprimés ➜ La mastocytose cutanée et (ou) systémique peut, cliniquement,
en unités, variables selon la technique. Pour le dosage faire évoquer une allergie alimentaire par la survenue d’accident
par technique CAP-RAST Pharmacia, la positivité est pseudo-allergique (mais avec parfois des hypotensions très
retenue à partir de 0,350 kUA/L. sévères) en post-prandial. L’examen clinique doit rechercher
un signe de Darier au moindre doute (lésion pigmentaire prenant
Quelle que soit la technique, ce dosage peut parfois un aspect urticarien après frottement).
manquer de spécificité (faux positifs dans la population
➜ Plus rarement, chez l’enfant et chez l’adolescent, il faut se méfier
non allergique). Concernant la sensibilité (pourcentage de certains troubles du comportement alimentaire. Certaines
de positivité dans la population allergique), plus le taux anorexies se réfugient ainsi derrière le masque plus « honorable »
est élevé, plus l’imputabilité de l’aliment est grande. Il de l’allergie alimentaire.
peut même être considéré qu’à partir d’un certain seuil

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ÉVOLUTION – confirmer un diagnostic si l’enquête préalable (anam- à faire ingérer un aliment en débutant par des doses infi-
DE L’ALLERGIE nèse, tests cutanés, biologie) n’a pas été convaincante ; nitésimales, puis à augmenter progressivement ces doses
ALIMENTAIRE – quantifier approximativement le seuil réactogène du jusqu’à induire une tolérance pour de plus fortes doses.
Les allergies patient afin d’adapter le régime alimentaire pour le Les doses tolérées atteintes sont variables :
alimentaires rendre le moins contraignant possible. – une accoutumance obtenue pour des fortes doses
de l’enfant
disparaissent En cas d’allergie alimentaire aiguë avec cofacteurs, permet ensuite une reconsommation de l’aliment ;
fréquemment la réintroduction alimentaire peut être envisagée en – une accoutumance qui doit être interrompue à des
avec l’âge, mais association avec certains cofacteurs non spécifiques doses plus faibles n’est pas nécessairement un échec,
2 d’entre elles sont
(exercice physique par exemple) mais certains d’entre car les petites doses permettent de ne plus redouter
très persistantes,
l’arachide et eux ne s’y prêtent pas, car ils sont peu reproductibles l’écart de régime.
le poisson. Les (asthénie par exemple). La contrainte de l’accoutumance réside dans le fait que,
allergies apparues En cas d’allergie alimentaire chronique,le test de réin- une fois la dose maximale tolérée atteinte,les ingestions de
chez l’adulte
sont souvent plus
troduction avec surveillance immédiate en milieu hospi- l’aliment doivent être poursuivies quotidiennement pour
définitives. talier n’a pas d’intérêt. Il s’agit toujours de réactions non assurer le maintien de la tolérance. Les accoutumances
sévères qui peuvent être appréhendées par un test de sup- sont volontiers proposées dans l’allergie au lait de vache
pression suivi d’une réintroduction dans un but de contre- chez l’enfant lorsque l’allergie subsiste au-delà de 3 à 5 ans.
épreuve. La durée de la suppression est d’environ 3 à Projet d’accueil individualisé (PAI). Les enfants
4semaines.Ce type de test peut être effectué en ambulatoire. ayant une allergie alimentaire aiguë doivent en bénéfi-
cier dans toutes les collectivités, y compris à l’école. Ce
LE MEILLEUR TRAITEMENT EST L’ÉVICTION document est élaboré par les médecins de l’Éducation
DE L’ALIMENT nationale à partir des renseignements médicaux fournis
Allergie alimentaire aiguë : l’éviction est par l’allergologue. Il permet d’informer l’ensemble du
fondamentale personnel (enseignant, personnel de cantine) des aller-
L’éviction de l’aliment est fondamentale pour empê- gies de l’enfant,de faire entrer les médicaments d’urgence
cher la récidive des signes cliniques.Il peut alors être utile dans les collectivités et d’en préciser les modalités d’uti-
de rechercher le seuil de réactivité, démarche souvent lisation en langage clairement compris de tous (v. article
effectuée dans l’allergie à l’arachide par exemple.Un enfant p. 30).
réactif dès la consommation de quelques milligrammes
d’arachide doit suivre un régime très strict sans arachide, Allergie alimentaire avec cofacteurs : éviction
de l’aliment ou du cofacteur
mais également sans traces d’arachide. S’il réagit uni-
quement à une dose de 1 000 mg, le régime est moins Les difficultés de la prise en charge dépendent du type
strict, car les écarts de régime (ingestion malencontreuse d’aliment concerné : s’il s’agit d’un aliment rarement
de petites doses) ne sont plus à craindre. consommé, le plus simple est de proposer l’éviction de
Accoutumance alimentaire. Parfois, l’allergie per- cet aliment. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un aliment
dure et le seuil réactogène reste bas. Dans ces cas, une quotidiennement consommé (type céréales), l’éviction
accoutumance alimentaire peut être tentée. Elle consiste est plus difficilement envisageable. Dans le syndrome

SUMMARY. When to think of a food allergy


en pratique A food allergy is an immune reaction against a food
product. Most often, the immunological mecha-
nism implied is a phenomenon of immediate
• L'allergie alimentaire (AA) est le plus souvent une allergie de l'enfant. hypersensitivity mediated by type IgE antibodies.
• Il existe 2 formes très différentes sur le plan clinique : l'AA aiguë et l'AA chronique. The symptoms are variable and can correspond to
diverse organs targeted (most often cutaneous,
• L'AA aiguë se manifeste par des réactions cutanées de type urticaire, des réactions sometimes respiratory), even going as far as ana-
respiratoires (rhinite et asthme possible) ou systémiques de type choc anaphylactique. phylactic shock. The foods concerned are multiple
however certain of them are much more frequent,
• L'AA chronique se présente sous la forme de dermatite atopique, de troubles such as cow’s milk, eggs and peanuts. The fre-
digestifs, voire plus rarement d'asthme chronique. quency of food allergy is on the increase and the
reasons for this increase are probably multiple.
• L'allergie au lait de vache est précoce et disparaît souvent vers 2-3 ans. Lack of maternal breastfeeding and too early diver-
• L'allergie à l'œuf disparaît également dans 80 % des cas. sification of foods introduced to the newborn could
be favourising dietary factors. The hygienist’s
• Les allergies à l'arachide et au poisson sont plus persistantes. theory postulates that the excess of hygiene could
cause the immune response to deviate towards
• Le bénéfice d’un régime alimentaire d’éviction doit impérativement être évalué allergic phenomena, thus explaining the greater
cliniquement : tout régime n’ayant pas fait la preuve de son efficacité doit être suspendu. frequency of allergies in rich and industrialised
countries.

24 L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E . T O M E 2 0 . N ° 7 1 6 / 7 1 7 D U 1 6 J A N V I E R 2 0 0 6
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d’anaphylaxie induit par l’exercice suite à la consomma- Références
tion de céréales, l’aliment est déclenchant lorsqu’il est 1. Kanny G, Moneret-Vautrin DA, Flabbee J, Beaudouin E, Morisset M,
ingéré dans les 2 ou 3 heures précédant l’exercice. Il est Thevenin F. Population study of food allergy in France. J Allergy Clin
alors conseillé au patient de ne pas le consommer dans Immunol 2001;108:133-40.
ce délai avant un effort physique. 2. Rancé F, Kanny G, Dutau G, Moneret Vautrin DA. Food hypersen-
sitivity in children: clinical aspects and distribution of allergens. Pediatr
Allergie alimentaire chronique : les écarts Allergy Immunol 1999;10:33-8.
sont autorisés 3. Sicherer SH. Clinical aspects of gastrointestinal food allergy in chil-
hood. Pediatrics 2003;111:1609-16.
Le régime est souvent moins contraignant, car il existe 4. Bock SA, Munoz-Furlong A, Sampson HA. Fatalities due to ana-
généralement une dose-dépendance qui autorise les phylactic reactions to foods. J Allergy Clin Immunol 2001;107:191-3.
écarts.Le régime strict ne se justifie donc que dans la phase 5. Macdougall CF, Cant AJ, Colver AF. How dangerous is food allergy
diagnostique. Ensuite, il peut être élargi, le patient in childhood ? The incidence of severe and fatal allergic reactions across
pouvant lui-même effectuer des réintroductions « tests ». the UK and Ireland. Arch Dis Child 2002;86:236-9.
Il n’y a aucun risque anaphylactique dans ce cas. 6.Drouet M.Allergie alimentaire aiguë ou chronique: démarches théra-
peutiques et diagnostiques adaptées.Allerg Immunol 1997;29:129-36.
CONCLUSION 7. Drouet M, Sabbah A. Anaphylaxie induite par l’exercice liée à une
allergie alimentaire. Presse Med 1984;13:2390-1.
L’allergie alimentaire est une pathologie de plus en plus 8. Guinnepain MT, Laurent J. Anaphylaxie induite par l’effort:
fréquente, notamment en pédiatrie. Les allergènes ali- la sensibilisation aux céréales y est fréquente. Rev Fr Allergol
mentaires sont multiples mais les plus fréquents chez 1997;37:562-7.
l’enfant sont le lait de vache,l’œuf et l’arachide.La popu- 9. Drouet M, Sabbah A. Anaphylaxie: rôle d’un cofacteur hormonal.
lation concernée est souvent atopique. Les manifesta- Presse Med 1997;26:17.
tions cliniques sont variables et peuvent être aiguës (avec 10. Sampson HA. Update on food allergy. J Allergy Clin Immunol
2004;113:805-19.
parfois un risque vital) ou chroniques. Le diagnostic est
11. Garcia-Ara C, Boyano-Martinez T, Diaz Pena JM, Martin-Muñoz
plus ou moins difficile selon que l’allergie alimentaire est F, Reche-Frutos M, Martin-Esteban M. Specific IgE levels in the dia-
aiguë ou chronique. Le meilleur traitement est le régime gnosis of immediate hypersensitivity to cows’milk protein in the enfant.
d’éviction à adapter au cas par cas. ■ J Allergy Clin Immunol 2001;107:185-90.

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■ Cyclosporose: nouvelle parasitose p. 1220 ■ Internet. Wikis et blogs p. 1245
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FORMATION

2. Allergie alimentaire de l’enfant

Allergie aux protéines


du lait de vache:
des symptômes très variés
Objectif : savoir évoquer une allergie aux protéines du lait de vache (APLV) chez
l’enfant.
Fréquente chez le nourrisson, l’APLV est responsable d’une symptomatologie variée,
en particulier de troubles digestifs chroniques et d’une dermatite atopique. L’orientation
diagnostique des réactions de type immédiat est faite par les prick-tests et le dosage
des IgE spécifiques,et celle des manifestations chroniques par les patch-tests.
Le diagnostic de certitude repose sur le régime d’exclusion, suivi d’un test de provocation.

allergie aux protéines du lait de vache (APLV) est général, dans l’heure, voire les minutes suivant l’inges-

L’
Par Delphine
de Boissieu, l’allergie alimentaire la plus fréquente dans la tion de lait. Elles peuvent se limiter à une réaction locale,
service de
médecine première année de vie et toucherait 2 à 3 % des ou être plus sévères, voire aller jusqu’au collapsus.
néonatale, hôpital enfants de moins de un an.1 L’évolution est favorable Schématiquement, plus la réaction apparaît précoce-
Saint-Vincent- dans la plupart des cas avec 85 à 90 % de guérisons à ment après l’ingestion de l’aliment, plus elle est sévère.
de-Paul,
75674 Paris 3 ans. L’APLV est responsable d’une variété considé-
Cedex 14. rable de symptômes, impliquant la peau, le tractus Manifestations digestives : symptômes
résistant au traitement, sévères, durables
ddeboissieu@ digestif et, rarement, le tractus respiratoire. Les méca-
wanadoo.fr nismes immunologiques impliqués peuvent être liés Les manifestations digestives de l’APLV sont nom-
aux IgE, avec des manifestations de type immédiat sur- breuses.2 Les symptômes les plus fréquents figurent dans
venant dans les 2 heures après la prise de lait, mais elles le tableau. En dehors des rectorragies, volontiers évoca-
peuvent également être non IgE-médiées, à médiation trices d’APLV chez le nouveau-né, les symptômes diges-
cellulaire, responsables de réactions retardées. tifs ne sont pas spécifiques de l’allergie au lait. Ce dia-
gnostic doit être évoqué lorsque ces symptômes sont
SYMPTOMATOLOGIE DOMINÉE résistants aux traitements classiques bien conduits,
PAR LA DERMATITE ATOPIQUE anormalement sévères ou durables, ou diversement
ET LES MANIFESTATIONS DIGESTIVES
associés entre eux.
La symptomatologie (v. tableau), chez le nourrisson, est L’association d’un reflux gastro-œsophagien et
largement dominée par la dermatite atopique et les d’une APLV n’est pas fortuite : plus de 40 % des enfants
symptômes digestifs chroniques ; cependant, il peut de moins de un an ayant un reflux prouvé par pH-métrie
également y avoir des manifestations de type immédiat. auraient une APLV.Les recommandations sont de recher-
cher systématiquement une APLV chez un enfant ayant
Manifestations anaphylactiques : un reflux associé à d’autres signes tels que diarrhée,lésions
dans l’heure suivant l’ingestion de lait
d’eczéma, rhinite, ou si le reflux est résistant aux traite-
Les manifestations anaphylactiques surviennent, en ments usuels.3

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A L L E R G I E A U X P R O T É I N E S D U L A I T D E VA C H E C H E Z L’ E N FA N T
La diarrhée lors d’une APLV peut être observée dans
TABLEAU – MANIFESTATIONS CLINIQUES DE L’ALLERGIE AUX PROTÉINES
2 cadres différents : DU LAIT DE VACHE CHEZ LE NOURRISSON ET L’ENFANT
–une débâcle diarrhéique dans les heures suivant la prise Manifestations anaphylactiques
de lait. C’est une manifestation d’anaphylaxie digestive, – Syndrome oral
IgE-dépendante. Ce symptôme est rarement isolé ; – Modérées : urticaire, vomissement, rhinite, œdème
– Sévères : bronchospasme, hypotension, collapsus
– une diarrhée chronique, volontiers associée à des
douleurs abdominales et des gaz, qui correspond à la Manifestations digestives
– Rectorragies
classique entéropathie avec malabsorption,manifestation – Nausées, vomissements, reflux gastro-œsophagien
non IgE-médiée.4 – Œsophagite, hématémèse
La constipationest un symptôme tout à fait inhabituel – Anorexie, refus d’alimentation
– Douleurs abdominales, coliques du nourrisson
d’APLV.La présence d’éosinophiles a été mise en évidence – Ballonnements, gaz
dans la muqueuse rectale d’enfants ayant comme seule – Diarrhée chronique, constipation sévère
manifestation d’APLV une constipation sévère résistant – Irritabilité, troubles du sommeil
– Cassure de la courbe de poids
aux traitements et cédant avec un régime d’exclusion.
La cassure de la courbe de poids est un signe classique Manifestations cutanées
– Urticaire
d’APLV.Elle peut être liée à une malabsorption,une ano- – Dermatite atopique
rexie et (ou) aux vomissements. C’est un signe souvent
Manifestations respiratoires-ORL
tardif, apparaissant après plusieurs semaines ou mois – Rhinite, toux chronique
d’évolution de la maladie. Par ailleurs, c’est un symp- – Asthme du nourrisson
tôme inconstant : certains enfants ayant une réelle APLV – Otites séreuses, otites moyennes aiguës résistantes aux traitements
ont une courbe de poids parfaite. Il ne faut donc pas
attendre une mauvaise prise de poids pour évoquer le alimentaire doit être évoquée lorsque les manifestations
diagnostic devant des symptômes digestifs persistants. sont déclenchées par le repas, en l’absence de sensibilisa-
tion aux pneumallergènes ou s’ils sont associés à une
Manifestations cutanées:essentiellementl’eczéma dermatite atopique, un RGO, des troubles digestifs.
À côté de l’urticaire correspondant à une manifestation L’APLV peut également être responsable d’otites
d’anaphylaxie, les réactions cutanées de l’allergie ali- moyennes aiguës récidivantes ou d’otites séreuses résis-
mentaire sont représentées essentiellement par l’eczéma. tant au traitement chirurgical avec adénoïdectomie et
La place exacte de l’allergie alimentaire est encore discutée, drains transtympaniques.
mais il semble acquis que celle-ci soit plus fréquente chez
les enfants ayant une dermatite atopique. L’APLV pour- DIAGNOSTIC : PAS TOUJOURS ÉVIDENT
rait atteindre 50 à 70 % des enfants ayant une dermatite Le diagnostic de l’APLV est parfois facilement évoqué
atopique.5 Plus la dermatite atopique débute tôt et plus devant des manifestations cliniques immédiates surve-
les lésions cutanés sont sévères,plus l’allergie alimentaire nant après la prise des biberons. Il est parfois plus diffi-
joue un rôle dans l’aggravation, voire l’apparition des cile devant une symptomatologie chronique, digestive
lésions. ou cutanée ; cependant, il doit être évoqué le plus tôt
possible, avant la diversification, à un âge où le lait
Manifestations respiratoires et ORL : constitue le seul aliment de l’enfant.
rhinite, toux, asthme et otites
Rhinite, toux chronique et asthme peuvent, assez rare- Trois tests pour l’orientation diagnostique
ment, être une manifestation d’allergie alimentaire, les Les prick-tests, de réalisation facile en consultation
pneumallergènes ayant un rôle prépondérant. L’allergie d’allergologie, étudient la réactivité immédiate. Ils dia-
gnostiquent essentiellement les réactions IgE-médiées.
Ils sont réalisables dès les premiers mois de la vie, âge
auquel ils sont peu sensibles mais très spécifiques.
Les patch-tests, ou test épicutané, étudient les réac-
tions de type retardé et consistent à mettre l’allergène au
contact de la peau pendant 48 heures. La lecture se fait à
72 heures par rapport à un témoin.
Ces tests cutanés (prick et patch), étudiant des méca-
nismes immunologiques différents, sont complémen-
taires pour le diagnostic de l’APLV.5 Un patch-test au lait
prêt à l’emploi (Diallertest) est actuellement disponible
BSIP

en pharmacie.6
Les réactions cutanées de l’allergie alimentaire sont
représentées essentiellement par l’eczéma. Le dosage des IgE spécifiques, selon la méthode des

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A L L E R G I E A U X P R O T É I N E S D U L A I T D E VA C H E C H E Z L’ E N FA N T
RAST (CAP System Pharmacia), donne des résultats En cas de doute,ces examens peuvent être répétés quelques
globalement comparables à ceux des prick-tests. En cas semaines ou mois plus tard.
de positivité, les IgE spécifiques ont une valeur diagnos-
tique quantitative :7 une valeur supérieure à 15 kUA/L Test de provocation : permet un diagnostic
de certitude
(5 kUA/L chez l’enfant de moins de 2 ans) est prédictive
à 95% d’une réaction de type immédiate.Un dosage régu- Le diagnostic de certitude repose sur le test de provocation.
lier des IgE spécifiques permet ainsi de suivre l’évolution En cas de manifestations immédiates sévères, si les
de ces allergies et d’éviter des tests de provocation inutiles. prick-tests et les IgE spécifiques sont concordants avec
En revanche, la négativité des IgE spécifiques n’élimine l’histoire clinique, le test de provocation peut être évité.
pas une APLV si celle-ci est non IgE-dépendante. En cas de manifestations chroniques, le test de pro-
L’utilisation en première intention de l’un ou l’autre vocation doit être précédé par un régime d’exclusion de
test dépend donc de la symptomatologie présentée par plusieurs semaines.Cela entraîne une amélioration,voire
l’enfant (v. figure). En cas de réaction de type immédiat, une disparition des symptômes, qui récidivent lors de la
il faut faire un prick-test et (ou) un dosage des IgE spé- réintroduction du lait. Celle-ci doit être prolongée sur
cifiques.Chez un enfant ayant un régime normal avec du plusieurs jours,à dose croissante,les symptômes pouvant
lait de vache et une symptomatologie chronique,le patch- ne réapparaître qu’après plusieurs jours.
test est indiqué en première intention. L’interprétation
doit se faire en fonction de l’âge,car plus l’enfant est jeune, LE RÉGIME D’EXCLUSION DU LAIT
plus il existe de faux négatifs, quel que soit le test utilisé. EST LE SEUL TRAITEMENT
Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de traitement proprement
dit, si ce n’est le régime d’exclusion du lait et de ses déri-
FIGURE – ARBRE DÉCISIONNEL DE L’UTILISATION vés (laitages, fromages, crème fraîche, beurre et produits
DES MOYENS DIAGNOSTIQUES DE L’APLV contenant du lait).
Hydrolysats. Chez le nourrisson, l’équilibre nutri-
1- Manifestations de type immédiat.
tionnel est préservé par l’utilisation d’hydrolysats (de
Urticaire, caséine, de lactosérum ou de soja et collagène de porc)
œdème, disponibles en pharmacie, à condition que l’enfant en
vomissement en jets dans l’heure suivant le repas prenne au moins 500 mL par jour.En cas d’apports insuf-
choc anaphylactique
fisants, une supplémentation calcique peut être néces-
saire. Chez certains enfants, une réactivité aux résidus
Prick-test au lait peptidiques présents dans les hydrolysats de protéines8
et (ou) justifie le recours à une formule à base d’acides aminés
IgE spécifiques
(Neocate) pour alimenter l’enfant.
Le bœuf et le veau ne sont pas à exclure systémati-
2- Manifestations chroniques chez un enfant ayant un régime normal. quement ; moins de 5 % des enfants ayant une APLV
Rejets, vomissements, reflux, œsophagite, difficultés d’alimentation,
réagissent également à la viande de bœuf et de veau. En
nausées, coliques, troubles du sommeil, troubles du transit, rectorragies, cas de réaction immédiate sévère, les IgE spécifiques à la
mauvaise prise de poids, eczéma… viande de bœuf peuvent être testées par sécurité avant
l’introduction de celle-ci.
Des réactions croisées lait de vache-lait de chèvre et
Patch-test au lait (ou) lait de brebis sont très fréquentes. Ces laits ne sont
donc pas indiqués chez le petit nourrisson, d’autant qu’il
n’existe pas de formules adaptées au petit enfant sur le
Positif Négatif plan nutritionnel. Si l’APLV est durable, ces laits doivent
être testés avant leur introduction afin de ne pas risquer
d’accident allergique en cas de réaction croisée.
Régime d’exclusion Chercher une autre cause Les formules à base de lait de riz, d’amande, de
châtaigne… ne sont pas du tout adaptées sur le plan
nutritionnel et exposent l’enfant à des carences impor-
Négatif Positif tantes (calcium, protéines… selon les formules) si elles
sont utilisées pendant des périodes prolongées.
– Régime d’exclusion d’épreuve Traitement Trousse d’urgence. Chez les enfants ayant une
– Remettre un patch-test au lait forme IgE-médiée de l’APLV, il faut également fournir
quelques semaines plus tard
une trousse d’urgence en cas d’erreur de régime, avec
un anti-histaminique, un corticoïde per os et parfois

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A L L E R G I E A U X P R O T É I N E S D U L A I T D E VA C H E C H E Z L’ E N FA N T
de l’adrénaline injectable en fonction de la sympto- mise.Une analyse fine des « erreurs » éventuelles de régime
matologie initiale. permet d’envisager une réintroduction ou, au contraire,
de la retarder. Fait essentiel, la phase d’acquisition de la
RÉÉVALUER SOUVENT POUR DÉTECTER tolérance peut comporter une période au cours de laquelle
L’ACQUISITION DE LA TOLÉRANCE les quantités de lait tolérées sont quantitativement limi-
Le diagnostic d’APLV chez un enfant et l’institution tées, par exemple au maximum un yaourt par jour. Le
d’un régime d’éviction imposent une surveillance et une devenir à long terme des enfants allergiques au lait de
réévaluation régulières, pour détecter à temps l’acqui- vache peut d’ailleurs se traduire par la persistance de
sition de la tolérance au lait.9 Celle-ci varie selon les indi- troubles digestifs limités lors de l’ingestion d’une quan-
vidus ; elle est schématiquement plus rapide pour les tité normale de laitages, faisant désormais évoquer, au
manifestations digestives isolées que pour les manifesta- moins chez certains,plus une amélioration de la tolérance
tions IgE-dépendantes associées à des manifestations qu’une véritable guérison.
cutanées ou respiratoires.
Dans les manifestations IgE-dépendantes, les tenta- CONCLUSION
tives de réintroduction du lait, régulièrement envisagées, L’APLV est une pathologie très fréquente chez le nourrisson
doivent se fonder sur la surveillance des tests cutanés et du avec des formes cliniques extrêmement variées. Le dia-
dosage des IgE spécifiques. La diminution des concentra- gnostic est parfois difficile devant une symptomatologie
tions d’IgE spécifiques est corrélée avec l’acquisition de la chronique, mais doit être évoqué devant une symptoma-
tolérance.Parmi les enfants âgés de moins de 3ans qui ont tologie digestive chronique résistant au traitement ou en
un taux d’IgE anti-lait de vache (CAPSystem) inférieur à présence d’une dermatite atopique sévère. Un diagnostic
14,3 kUA/L, 80 % guériraient de leur allergie (p = 0,02). 9 précoce, si possible avant la diversification alimentaire, est
En l’absence de manifestations IgE-dépendantes, le meilleur atout pronostique de l’APLV et permet
ces paramètres demeurent toutefois non contributifs et d’envisager une prévention des autres allergies alimen-
la prudence lors des tests de réintroduction doit rester de taires en retardant la diversification après l’âge de 6 mois.■

Références
1.Host A.Frequency of cow’s milk allergy in childhood. goes wrong. J Allergy Clin Immunol 2005;115:139-41. 7. Sampson HA. Update on food allergy. J Allergy Clin
Ann Allergy Asthma Immunol 2002;89(S1):33-7. 5. Isolauri E, Turjanmaa K. Combined skin prick and Immunol 2004;113:805-19.
2. Hill DJ, Hosking CS. The cow milk allergy complex: patch testing enhances identification of food allergy 8. de Boissieu D, Matarazzo P, Dupont C. Allergy to
overlapping disease profiles in infancy. Eur J Clin Nutr in infants with atopic dermatitis. J Allergy Clin Immu- extensively hydrolyzed cow’s milk proteins in infants:
1995;49:S1-12. nol 1996;97:9-15. identification and treatment with an amino-acid
6. Kalach N, Soulaines P, de Boissieu D, Dupont C. based formula. J Pediatr 1997;131:744-7.
3. Cavataio F, Carroccio A, Iacono G. Milk-induced
A pilot study of the usefulness and safety of a ready- 9. Sicherer SH, Sampson HA. Cow’s milk protein-spe-
reflux in infants less than one year of age.J Pediatr Gas-
to-use atopy patch test (APT) (Diallertest) versus a cific IgE concentrations in two age groups of milk-
troenterol Nutr 2000;30:S36-44.
comparator (Finn Chamber) during cow’s milk allergy allergic children and in children achieving clinical tole-
4.Sampson HA.Food allergy:when mucosal immunity in children. J Allergy Clin Immunol 2005;116:1321-6. rance. Clin Exp Allergy 1999;29:507-12.

SUMMARY. Allergy to cow’s milk proteins


en pratique in childhood
Allergy to cow’s milk protein in the child is a common
• L’allergie aux protéines du lait de vache, fréquente chez le nourrisson, pathology for which the clinical manifestations
est responsable d’une variété considérable de symptômes, les plus fréquents are extremely varied according to the immunological
étant les troubles digestifs chroniques et la dermatite atopique. mechanism involved (IgE mediated or cellular
• Lors de réactions de type immédiat, le mécanisme immunologique est lié aux mediation), and according to the organs affected.
IgE. Le diagnostic est orienté par les prick-tests et le dosage des IgE spécifiques. For manifestations of the immediate type, the
• Lors de manifestations chroniques, le mécanisme immunologique est diagnosis relies on the utilisation of skin-prick
testing and the measurement of specific IgE. For
généralement non-IgE dépendant mais à médiation cellulaire. Le diagnostic
est orienté par les patch-tests au lait, les IgE spécifiques étant le plus souvent chronic manifestations, the skin-patch test to milk
négatives. should be used as the first-line investigation,
• Le diagnostic de certitude repose sur le régime d’exclusion entraînant specific IgE most often being negative. In all
une disparition des symptômes, suivi d’un test de provocation positif. cases, milk and milk product exclusion diets,
followed by a provocation test, carry diagnostic proof.
• Le seul traitement est le régime d’exclusion du lait et de ses dérivés,
The only current treatment is based on a diet of
qui doit être surveillé afin de ne pas risquer de carences nutritionnelles,
notamment en calcium. exclusion, in which the nutritional balance must be
regularly evaluated. The acquisition to tolerance to
• Un suivi et une réévaluation régulière des tests allergologiques
milk is most often obtained after several months
sont indispensables afin d’envisager une réintroduction du lait, l’acquisition
or years of the diet, and thus necessitates a
de la tolérance étant obtenue dans près de 80 % des cas avant l’âge de 3 ans.
regular follow-up of these children.

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FORMATION

3.Allergie alimentaire de l’enfant

Projet d’accueil individualisé :


accueillir en collectivité un enfant
ayant une allergie alimentaire
Objectif : connaître le projet d’accueil individualisé (PAI).
Les familles d’enfants ayant des allergies alimentaires peuvent demander
un protocole de PAI auprès du directeur d’école dont la rédaction est organisée par
le médecin de l’Éducation nationale selon les indications fournies par le médecin
traitant. Le PAI permet de faciliter l’insertion scolaire de l’enfant et de gérer
l’urgence allergique qui pourrait survenir.

Par Fabienne a prévalence de l’allergie alimentaire chez l’enfant cueil individualisé (PAI), selon la circulaire n° 2003-135
Rancé,
allergologie et
pneumologie
pédiatriques,
hôpital des
L augmente. En France, elle est estimée à 6,7 % chez
les enfants d’âge scolaire.1 Les urgences allergolo-
giques se sont multipliées au cours des 5 dernières
du 8 septembre 2003 qui actualise l’ancienne circulaire de
1999.3 Cette circulaire est applicable dans les écoles, les
établissements publics locaux d’enseignement relevant
Enfants,TSA années comme en témoignent l’augmentation des du ministère chargé de l’Éducation nationale et du
70034, 31059 consultations en service d’urgence et les décès liés direc- ministère chargé de l’Agriculture et les établissements
Toulouse Cedex. tement à l’ingestion d’aliments allergisants.2 Cela privés sous contrat. Elle sert de cadre de référence aux
explique que l’accueil des enfants souffrant d’allergies établissements d’accueil de la petite enfance (crèches,
rance.f@ alimentaires dans les structures scolaires et périscolaires haltes-garderies, jardins d’enfants) et aux centres de
chu-toulouse.fr
soit un sujet d’actualité. vacances et de loisirs.
La prise en charge d’un enfant allergique ne se conçoit
qu’après avoir établi un diagnostic précis et remis suffi- UNE EXPLORATION ALLERGOLOGIQUE
samment d’informations aux parents mais aussi aux INITIALE RIGOUREUSE
personnels scolaires et périscolaires amenés à s’occuper Les modalités de prise en charge d’un enfant ayant une
de cet enfant. Le traitement repose sur une éviction allergie alimentaire doivent reposer sur une exploration
stricte de l’aliment incriminé et des produits finis pou- allergologique rigoureuse. De nombreux patients sont
vant en contenir. Le régime est difficile pour les enfants persuadés d’être allergiques à un ou plusieurs aliments,
qui ont des réactions avec des quantités minimes d’ali- mais la réalité de cette allergie est rarement prouvée.
ments ou lors de l’inhalation de l’aliment ou par un L’anamnèse,les tests cutanés et le dosage des IgE sériques
simple contact avec la peau. Le traitement des symp- spécifiques orientent vers une allergie alimentaire. En
tômes de l’allergie alimentaire est individualisé et peut dehors d’une histoire clinique évidente d’anaphylaxie,
comporter la prescription d’un dispositif auto-injec- les tests de provocation par voie orale sont indispen-
table d’adrénaline. sables au diagnostic précis de l’allergie alimentaire. Ils
À l’école, les enfants ayant des réactions allergiques permettent d’identifier le (ou les) aliment(s) impliqué(s),
sévères bénéficient de la mise en place d’un projet d’ac- d’en préciser la quantité qui déclenche les symptômes et

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PROJET D’ACCUEIL INDIVIDUALISÉ


le type de signes cliniques en relation avec son ingestion. … organise les soins d’urgence
Ils guident ainsi les mesures d’éviction et la composition Le projet d’accueil individualisé organise les soins dans
de la trousse d’urgence (v. article p. 21). le cadre de l’urgence (traitement médical et soins d’ur-
gence), indique les personnes à prévenir et précise les
À L’ÉCOLE : LE PROJET D’ACCUEIL signes d’appel de l’allergie alimentaire. Il spécifie aussi
INDIVIDUALISÉ… les aménagements pédagogiques (v. modèle de PAI).
Les dispositions proposées ont pour objectif d’harmoni- Le traitement des réactions allergiques est adapté
ser les conditions d’accueil en collectivité des enfants à la gravité de la situation :
atteints de maladie chronique (avec l’exemple des aller- – pour l’urticaire, l’angio-œdème sans signes d’asphyxie,
gies alimentaires) en offrant un cadre et des outils sus- la rhinite et la rhinoconjonctivite, un antihistaminique
ceptibles de répondre à la multiplicité des situations par voie orale est nécessaire ;
individuelles rencontrées. Elles doivent permettre aux – pour la crise d’asthme, la prise d’un bronchodilatateur
enfants et aux adolescents concernés de suivre leur sco- avec un système d’inhalation adapté à l’âge de l’enfant
larité ou d’être accueillis en collectivité tout en bénéfi- est nécessaire ;
ciant de leur traitement et de leur régime alimentaire, – pour l’œdème laryngé (avec signes d’asphyxie) et le
d’assurer leur sécurité et de compenser les inconvénients choc anaphylactique (incluant des symptômes respira-
liés à leur état de santé. toires et un collapsus), un traitement rapide par adréna-
line injectable avec appel des services d’urgence et hospi-
… est établi à la demande des parents talisation s’impose.5
par le directeur d’école
Le projet d’accueil individualisé est établi à la DES PROPOSITIONS INDIVIDUALISÉES ET
demande des parents, par le directeur d’école ou le CONCERTÉES EN RESTAURATION SCOLAIRE
chef d’établissement, en concertation avec le médecin L’accueil en restauration scolaire doit prendre en consi-
de l’Éducation nationale ou le médecin de la structure dération les symptômes de l’allergie alimentaire.8 Une
d’accueil, à partir des besoins thérapeutiques précisés urticaire survenant lors de l’ingestion d’un aliment
par le médecin (allergologue). Il doit définir les adap- devrait permettre l’accès à la restauration scolaire, sous
tations à apporter à la scolarité de l’élève. Le projet réserve d’une exclusion de l’aliment concerné. L’allergie
thérapeutique doit suivre l’enfant lors des déplace- alimentaire traduite par un asthme ou une gêne respira-
ments scolaires et des classes transplantées. Le projet toire impose un traitement adéquat et rapide.
d’accueil individualisé est un document écrit et réac-
tualisé chaque année.
… pour les enfants ayant eu des symptômes ENCADRÉ 1 – « PANIERS-REPAS »
graves d’allergie L’actualisation du projet d'accueil individualisé par la circulaire
n° 2003-135 du 8 septembre 2003 incite les responsables des mairies
Le projet d’accueil individualisé concerne uniquement et des restaurations scolaires à autoriser les « paniers-repas » préparés
les enfants ayant déjà eu des symptômes graves d’allergie, et apportés par les parents.
les enfants asthmatiques qui ont une allergie alimentaire ➜ L'accueil des enfants pendant les périodes périscolaires est sous
et les enfants qui réagissent lors de l’ingestion de quantités la responsabilité des mairies. La prise en charge est tributaire des
minimes d’aliments.4 L’actualisation du projet d’accueil possibilités de réaliser un régime par la restauration scolaire.
individualisé par la circulaire n° 2003-135 du 8 sep- Les contaminations d'un produit fini avec l'aliment allergisant sont
tembre 20033 permet d’inclure les crèches et les garderies difficiles à contrôler.
périscolaires dans le projet d’accueil individualisé, d’au- ➜ Panier-repas. La sévérité d'une
toriser la prise de médicaments par voie orale inhalée allergie alimentaire, l'impossibilité
d'effectuer un régime d'éviction
ou auto-injectable pour les allergies sévères dans l’en-
conduisent à proposer la prise de
ceinte de l’école. « paniers-repas » préparés et apportés
Les indications du dispositif auto-injectable d’adré- par les parents. Ces « paniers-repas »
naline dans la trousse d’urgence ont été précisées par la sont autorisés officiellement d'après
commission tripartite de la Société française d’allergo- la circulaire n° 2001-118 du 25 juin
Getty Images

logie : choc anaphylactique, asthme aigu grave, œdème 2001 relative à la composition des
laryngé, urticaire généralisée qui s’étend.5 Le dispositif repas servis en restauration scolaire
et à la sécurité des aliments.6
est à considérer au cas par cas sur des terrains particuliers
En pratique, ces repas sont stockés dans un emballage hermétique au
comme l’asthme, les syndromes d’allergies multiples, les nom et à la classe de l'enfant, puis déposés dans le réfrigérateur scolaire,
allergies vis-à-vis des aliments connus pour donner des toujours étiquetés au nom de l'enfant allergique. Ils sont réchauffés dans
réactions sévères (arachide, fruits à coque, sésame, pois- le four habituel de la restauration collective.7
son et crustacés) et la mastocytose.5

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PROJET D’ACCUEIL INDIVIDUALISÉ

A N N
2
de la circulaire n° 2003-135 du 8-9-2003
MODÈLE DE PROJET D'ACCUEIL INDIVIDUALISÉ
E X E 2

QU'IL CONVIENT D'ADAPTER À CHAQUE PATHOLOGIE


Il est important d'adapter le projet de respecter le code de déontologie, aucun Les informations qui relèvent du secret
d'accueil individualisé à chaque pathologie et diagnostic médical ne peut apparaître sur ce médical seront placées sous pli cacheté et
à chaque cas individuel et de n'inclure que ce document. Avec l'accord de la famille, toutes adressées, avec l'accord des parents, au
qui est indispensable à l'enfant concerné. Il informations pouvant être utiles à la prise en médecin désigné par la collectivité qui
convient de l'actualiser chaque année. Afin charge de l'enfant seront jointes au projet. accueille l'enfant ou l'adolescent.

L'ENFANT OU L'ADOLESCENT CONCERNÉ


• Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• Nom des parents ou du représentant légal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• Date de naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Téléphone domicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• Collectivité d'accueil ❑ école ❑ établissement scolaire ❑ établissements d'accueil de la petite enfance

1
Coordonnées
des adultes
qui suivent
l'enfant
— Les parents
— Le responsable de la collectivité
— Le médecin et l'infirmier(ère) de la collectivité
— Le médecin qui suit l'enfant dans le cadre de
sa pathologie
Pédagogique
❑ Soutien scolaire : matières, heures
❑ Assistance pédagogique à domicile : intervenant
et modalités
❑ Prise en charge en orthophonie : coordonnées, lieu
— Le service hospitalier d'intervention et horaires

2
Besoins ❑
spécifiques ❑
ou de
Horaires adaptés
Double jeu de livres
❑ Salle de classe au rez-de-chaussée ou accessible par
de l'enfant ascenseur
❑ Mobilier adapté
l'adolescent ❑ Lieu de repos
Traitement (selon
médical
4
l'ordonnance adressée sous pli cacheté
au médecin de la collectivité)
❑ Nom du médicament . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
❑ Doses, mode de prise et horaires. . . . . . . . . . . . . . . .
...........................................

❑ Aménagement des sanitaires


❑ Attente à éviter au restaurant scolaire
❑ Nécessité d'un régime alimentaire
❑ Local pour entreposer la réserve d'oxygène
(le cas échéant)
❑ Local pour la kinésithérapie ou les soins
Régime le cadre de sa pathologie)
alimentaire ❑ Paniers-repas 5
(selon la prescription du médecin qui suit l'enfant dans

❑ Suppléments caloriques (fournis par la famille)


❑ Collations supplémentaires (fournies par la famille)
- horaires à préciser
❑ Autorisation de sortie de classe dès que l'élève en ❑ Possibilité de se réhydrater en classe
ressent le besoin ❑ Autre : (à préciser) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
❑ Nécessité de prise en charge en orthophonie en par-
tie ou en totalité sur le temps scolaire
❑ Aménagement de l'éducation physique et sportive :
sports à adapter selon l'avis du médecin qui suit
l'enfant
❑ Aménagement des transports : éviter
6
Protocole àaufaire
en cas
d'urgence —— Signes
remplir par le médecin prescripteur et à rapporter
médecin concerné par l'accueil
d'appel :
Symptômes visibles :
qui sera Mesures à prendre dans l'attente des secours : . . . . . .
joint au PAI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
les trajets trop longs et les transports mal adaptés.
❑ Aménagement lors d'une classe transplantée ou de
déplacements : veiller à ce que l'enfant ait toujours
avec lui sa trousse d'urgence
❑ Demande de tiers-temps aux examens
❑ Nécessité de mise en place de l'assistance pédago-
gique à domicile
7 Appels : (numéroter par ordre de priorité)
Référents ❑ Parents ou tuteur, Tél. domicile . . . . . . . . . . . . . . . .
à contacter Tél. travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
❑ Médecin traitant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
❑ Médecin spécialiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3
Prise
en charge
complé-
mentaire
Médicale
❑ Intervention d'un kinésithérapeute : coordonnées, lieu
d'intervention, heures et jours
❑ Intervention d'un personnel soignant : coordonnées
lieu d'intervention, heures et jours
Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
❑ SAMU: 15 ou 112 par portable
❑ Pompiers : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Service hospitalier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Signataires du projet
Les parents ou représentant légal - L'enfant ou l'adolescent - Le responsable de l'institution -
Les personnels de santé - Le représentant de la municipalité.
Date :

32 L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E . T O M E 2 0 . N ° 7 1 6 / 7 1 7 D U 1 6 J A N V I E R 2 0 0 6
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PROJET D’ACCUEIL INDIVIDUALISÉ


La restauration scolaire est discutée en fonction de
la possibilité d’éviter l’aliment allergisant et de tenir à
disposition un traitement adapté aux symptômes liés à la
en pratique
prise par erreur de l’aliment allergisant. Le choc anaphy-
lactique comporte un risque vital en l’absence de traite-
• Un bilan allergologique initial précis est indispensable
avant la mise en place d’un PAI.
ment immédiat par injection d’adrénaline : la restaura-
tion scolaire est donc formellement contre-indiquée. • La demande de PAI est faite par les parents auprès du directeur
d’établissement.
Toutefois, ces enfants atteints d’une allergie alimentaire
sévère devraient être autorisés à consommer les repas • Les objectifs du PAI sont : insertion scolaire, adaptation
préparés et apportés par leurs parents (v. encadré 1), à pédagogique et assistance en cas d’urgence.
côté des enfants de la restauration scolaire normale. • Les lieux concernés par le PAI : l’ensemble du temps passé en
milieux scolaire et périscolaire, y compris les centres de loisirs et
L’ÉDUCATION EST UNE ÉTAPE ESSENTIELLE de vacances, les crèches et les haltes-garderies.
L’éducation a une place déterminante : il est nécessaire
d’éduquer à ne pas partager ou échanger des collations,à • La démarche doit être concertée entre l’enfant, la famille,
l’équipe éducative, le personnel de la promotion de santé
éviter les aliments dont la composition n’est pas connue,
et le médecin traitant.
à lire les étiquettes, à se laver les mains avant et après les
repas, à faire attention aux activités à risque (goûter, • Le médecin traitant (allergologue) décrit les allergies
collation de 10 heures, ateliers cuisine, travaux pra- et prescrit un protocole de traitement en cas de réactions
tiques…), à connaître le lieu de rangement des médica- allergiques accidentelles.
ments et à apprendre le maniement des dispositifs • L’éducation est essentielle : informer le personnel enseignant
auto-injectables d’adrénaline.8 des signes de gravité et des traitements à administrer.

CONCLUSION • À la restauration scolaire : éviction, plat de substitution, ou


« panier-repas » en cas d’impossibilité d’assurer un régime
La prise en charge des allergies alimentaires à l’école et adapté ou d’allergies sévères.
dans les structures périscolaires ne peut pas être standar-
disée. Au contraire, elle doit être individualisée et adap-
tée à chaque enfant. Si de nombreux progrès restent
encore à faire pour améliorer la prise en charge des SUMMARY : The management of children’s food allergies at school
enfants allergiques aux aliments, le projet d’accueil indi- and in pre-schooling structures
vidualisé représente une étape importante qui réduit le The «Projet d’accueil individualisé » (PAI) allows treatment of allergic
risque de réactions accidentelles en milieu scolaire et emergencies that could arise during school times. The other objectives
are to facilitate school success, social and professional insertion of
périscolaire.9 Les associations, développées à l’initiative children and adolescents affected by a chronic illness such as food
de parents d’enfants atteints d’une allergie alimentaire, allergy, aiding a normal education thanks to specific arrangements.
le plus souvent bénévoles, font le lien entre les pouvoirs PAI is drawn from official documents, from which come the circulaires
politiques, les écoles et les médecins.10 Elles ont permis n° 2003-135 of 8th September 2003 and n° 2001-118 of 25th June
d’aider aux différentes démarches. ■ 2001. The family should request a management protocol from the
school principal. Then, the doctor of the Éducation nationale organises
the drawing up of a document from the information provided by the
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts treating doctor (or allergist).
concernant les données publiées dans cet article.

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FORMATION

Cancer du poumon de la femme :


avec un tabagisme moindre...
Objectif : connaître les particularités du cancer du poumon de la femme.
Ces particularités font suspecter une plus grande sensibilité aux carcinogènes
tabagiques, qu’il s’agisse de tabagisme actif ou passif, et font évoquer la possibilité
d’autres facteurs favorisants, hormonaux ou environnementaux.

e cancer broncho-pulmonaire (CBP) est la cause de Dans l’étude française du CPHG,3 l’âge moyen n’est pas

L
Par Michel Grivaux,
Chrystèle Locher, mortalité par cancer la plus fréquente dans le significativement différent entre les hommes (63,9 ans)
François Blanchon,
service de monde. Lié essentiellement au tabagisme, ce cancer et les femmes (64,4 ans) au moment du diagnostic ; mais
pneumologie, est en progression régulière chez les femmes. En France, la comparaison des tranches d’âge révèle une différence
centre hospitalier c’est la 3e cause de décès par cancer, après le cancer du nette : il existe une surreprésentation significative des
de Meaux,
77100 Meaux. sein et le cancer colo-rectal ;1 sa mortalité augmente de femmes atteintes de CBP avant 50 ans et après 70 ans par
façon épidémique chez les femmes alors qu’elle a ten- rapport aux hommes.
dance à diminuer chez les hommes.
Un travail récent de la Caisse nationale d’assurance Signes cliniques : moins de symptômes
maladie 2 montre que le taux d’incidence du CBP chez la Une étude récente5 montre que les femmes ont moins de
femme a augmenté de 5,6 % par an entre 1997 et 2002 symptômes cliniques que les hommes : 32 % sont
alors qu’il a régressé pour la première fois chez l’homme asymptomatiques (vs 22 % chez les hommes), et cer-
(– 0,6 % par an). tains symptômes (douleurs thoraciques, hémoptysies,
De plus, le CBP chez la femme n’est pas superposable à surinfections, amaigrissement) sont moins fréquents.
celui de l’homme, notamment en matière épidémiolo- Cela pourrait expliquer des délais diagnostiques plus
gique (âge, tabagisme) et histologique, comme le longs. Ainsi, dans l’étude du CPHG,3, 4 le délai moyen
confirme une étude récente du Collège des pneumo- entre les premiers symptômes et le prélèvement qui per-
logues des hôpitaux généraux (CPHG).3 Parmi les met le diagnostic histologique est en moyenne de
5 667 patients atteints de CBP inclus dans cette étude au 80,6 jours, avec une médiane de 47 jours. Ce délai est
cours de l’année 2000, le nombre de femmes apparaît en nettement plus court à partir de la première radio-
augmentation : il est de 904,soit 16 % de l’ensemble de la graphie pulmonaire pathologique puisqu’il passe à
cohorte. Il a fait l’objet d’une analyse détaillée sur 34,2 jours en moyenne avec une médiane de 13 jours.
laquelle nous nous appuyons ci-après.4
Type histologique : l’adénocarcinome
CARACTÉRISTIQUES : DES DIFFÉRENCES est le plus fréquent
PAR RAPPORT AUX HOMMES Le cancer bronchique à petites cellules (CBPC) est
Âge : surreprésentation avant 50 ans et observé chez 16 % des patients, sans différence entre les
après 70 ans deux sexes. Par contre, une différence significative entre
Les données de la littérature sont discordantes : soit elles les hommes et les femmes existe pour certains types de
ne mettent pas en évidence de différence d’âge entre les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC)
hommes et les femmes au moment du diagnostic, soit [fig. 1] : l’adénocarcinome est le type le plus fréquent
elles montrent une tendance à un âge plus jeune chez les chez la femme (45,3 %) alors que chez l’homme c’est le
femmes atteintes. carcinome épidermoïde (43,1 %). La fréquence des

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CANCER DU POUMON CHEZ LA FEMME


cancers à grandes cellules est voisine dans les deux sexes. d’autres facteurs de risque ou d’autres mécanismes.
Les cancers bronchiolo-alvéolaires sont plus fréquents L’hypothèse d’une sensibilité accrue au tabac chez
chez la femme (1,9 % vs 0,9 % chez l’homme).3,4 la femme est étayée par une fréquence de lésions de
l’ADN plus importante,8 la prédominance de certains
Stade évolutif des CBNPC : plus souvent biomarqueurs génétiques chez les femmes et, notam-
au stade métastatique
ment, la mutation de deux enzymes de détoxification
Plusieurs études ne notent aucune différence significa- (cytochrome P450 1A1 et glutathion-S transférase
tive dans la répartition des stades TNM entre les M1).9 Ces mutations, plus fréquentes chez la femme,
hommes et les femmes.5, 6 L’étude du CPHG3, 4 a de même que celle de K-Ras, seraient un facteur de
observé une plus grande fréquence des stades métasta- risque de CBP indépendant de l’âge et du tabagisme.
tiques chez la femme : 48,1 % contre 41,6 % chez L’expression au niveau des voies aériennes du gastrin
l’homme. Chez la femme, 53,8 % des adénocarcinomes releasing peptide receptor qui joue un rôle dans la pro-
sont des stades IV contre seulement 39,2 % des carci- lifération cellulaire et les cancers pulmonaires, est plus
nomes épidermoïdes. Les stades III et IV, inaccessibles importante chez les femmes non fumeuses que chez les Fig. 1 – Épidermoïde
en grande majorité à un traitement chirurgical, repré- hommes non fumeurs.10 prédominant chez
sentent 60,3 % des CBNPC. Ces chiffres expliquent la Le tabagisme passif est souvent incriminé mais l’homme, carcinome chez
adéno-
très grande gravité que représente l’accroissement du 11
l’exposition réelle est difficile à estimer. Le risque de la femme.
CBP chez la femme. développer un cancer chez les épouses non fumeuses de Fig. 2 – Il y a plus
de non-fumeurs
maris fumeurs est d’autant plus élevé que le tabagisme chez les femmes.
FACTEURS DE RISQUE DU CBP CHEZ LA FEMME du conjoint est important en
Tabagisme : sensibilité accrue intensité et en durée.12 Par Types histologiques des CBNPC
ailleurs, 1 146 morts par can- 50 p < 0,0001 p < 0,0001
Hommes
Le rôle du tabagisme chez la femme est complexe. cer pulmonaire (839 femmes 45,3
40 43,1 Femmes
Actuellement, la proportion de fumeurs à l’âge de 18 ans et 307 hommes) ont été attri-
Patients (%)
est sensiblement la même pour les hommes et les buées au tabagisme du 30 Autres : basaloïde,
carcinoïde, adénoïde,
femmes.7 Le comportement des femmes face au taba- conjoint en Europe en 1990.13 27,2 kystique, 1,6 % des
23,4 20
patients ont une
tumeur composite
gisme a probablement un rôle sur le développement des NS

adénocarcinomes : la consommation plus importante Facteurs hormonaux : 12,6 11,6


10 p < 0,0004
rôle des œstrogènes p = 0,002
de cigarettes blondes avec filtre, nécessitant une inhala- 0,8 1,9 1,7 3,6
0
tion plus profonde, est suggérée. Cette hypothèse reste Différents arguments rapportés Épidermoïde AdénoK Grandes Bronchiolo- Autres
plausible, mais l’étude du CPHG3,4 montre qu’un grand par Dresler et al.14 attribuent un cellules alvéolaire
1
nombre de cancers et plus particulièrement d’adénocar- rôle favorisant aux œstrogènes
cinomes ne sont pas liés au tabagisme actif (fig. 2) : ainsi, dans la survenue d’un CBP.
Habitudes tabagiques (H/F)
32,3 % des femmes atteintes de CBP sont non fumeuses Rappelons que les œstro-
60
(contre 2,5 % des hommes, p < 0,0001) et cette propor- gènes induisent la différen- p < 0,0001
Hommes

tion monte à 43,4 % pour les adénocarcinomes. ciation et la maturation du 50 Femmes 53,2
48,5
Deux notions contradictoires ressortent : poumon fœtal et que des 44,3
Patients (%)

40
– les CBP de la femme tabagique apparaissent pour récepteurs aux œstrogènes 30 32,3
des durées et des quantités fumées significativement ont été mis en évidence sur
20
moindres que chez l’homme ; des cellules cancéreuses pul- 19,1
– il existe une proportion beaucoup plus importante de monaires.15 10
2,5
femmes non fumeuses atteintes par rapport aux hommes. De même, une relation a été 0
Ces deux données orientent, pour la première, vers une observée entre la prise d’un Non-fumeurs Ex-fumeurs Fumeurs
2
sensibilité accrue au tabac et, pour la seconde, vers traitement substitutif œstro-

EXISTE-T-IL UN BIAIS DIAGNOSTIQUE ?


Pour certains auteurs, l’augmentation souvent considérés comme des métastases sont devenues plus performantes, d’autant
constatée des adénocarcinomes pourrait d’autres cancers (souvent non trouvés). Par plus qu’un marqueur immunohisto-
être un artefact dû à un biais de ailleurs, les techniques de diagnostic ont chimique spécifique de l’adénocarcinome
diagnostic :18 les adénocarcinomes étant évolué. Les adénocarcinomes sont très pulmonaire, le thyroid transcription factor 1
plus fréquents chez les femmes et les non- souvent (52 à 75 % des cas) des nodules (TTF1), est disponible actuellement. Cette
fumeurs, il est possible qu’ils aient été périphériques asymptomatiques. La amélioration des moyens diagnostiques
sous-diagnostiqués dans le passé, d’autant bronchoscopie flexible et surtout la pourrait augmenter artificiellement
plus que les adénocarcinomes étaient ponction transpariétale guidée par scanner l’incidence des adénocarcinomes.

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CANCER DU POUMON CHEZ LA FEMME


génique associé au tabagisme et la survenue d’adéno- TRAITEMENT ET SURVIE : DES DIFFÉRENCES
carcinomes et, inversement, entre une ménopause À CONFIRMER
précoce et un plus faible risque de CBP.16 Les femmes seraient plus sensibles à la chimiothérapie,
mais elles souffrent également de moins de comorbidi-
Autres facteurs tés que les hommes et sont donc plus souvent et plus
Facteurs environnementaux : les femmes sont lourdement traitées.
plus exposées à la pollution domestique. Les facteurs La survie serait supérieure chez les femmes pour les
de risque répertoriés sont le radon, les fumées de CBNPC dans les études récentes,5, 19 mais ces résultats
combustion de cuisine ou de chauffage, la pollution sont encore à confirmer.
industrielle. Ces facteurs sont très variables selon les
pays et les niveaux socio-économiques. CONCLUSION
Les antécédents familiaux de cancer pourraient Le CBP chez la femme a de nombreuses particularités épi-
aussi accroître le risque de CBP. démiologiques, cliniques, histologiques et probablement
Les pathologies associées (sida ou pathologies aussi en termes de survie et de thérapeutique.Ces particula-
pulmonaires telles que bronchopathie chronique rités justifient le développement actuel de recherches molé-
obstructive, emphysème, fibrose) pourraient favoriser culaires et génétiques.Cependant,la prise en charge actuelle
la survenue de cancers bronchiques.17 du CBP de la femme ne diffère pas de celle de l’homme. ■

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SUMMARY. Broncho-pulmonary cancer in women


en pratique The rate of primary broncho-pulmonary cancer in women is rapidly
increasing, parallel to the widespread diffusion of smoking in this
• L’augmentation de l’incidence du CBP est de 5,6 % par an population. In France, it takes the third place for causes of mortality
pour les femmes contre une baisse de 0,6 % pour les hommes. from cancer. A recent French study by the College of respiratory
Une véritable « épidémie » est à craindre chez les femmes à partir physicians of the general hospitals has confirmed the existence of
de 2010 touchant les générations nées dans les années 1950-1960. numerous differences compared with lung cancer observed in men:
• Les femmes tabagiques atteintes de CBP ont fumé the number of women affected before the age of 50 and after the
age of 70 is greater than that of men. Among the non-small cell
quantitativement moins et moins longtemps que les hommes,
suggérant une plus grande susceptibilité au tabac. Cela souligne cancers, the adenocarcinoma is predominant, whereas in men it is
la place majeure de la prévention du tabagisme. the epidermoid cancer that is the most frequent. In women, the
metastatic stages are particularly numerous, especially in the case
• Un tiers des femmes atteintes de CBP sont non fumeuses. of adenocarcinoma. Average tobacco consumption in women is less
Il ne faut donc pas sous-estimer des symptômes pulmonaires than that in men, as is the duration of smoking. Moreover, one finds
même chez les non-fumeuses. a strong proportion of non-smokers (32,3%), especially in the case
• Le délai diagnostique reste trop long à partir des premiers of adenocarcinoma (43,4%). These elements have raised the sus-
picion of a greater sensitivity to cigarette carcinogens, whether that
symptômes ; il faut penser à prescrire une radiographie pulmonaire
au moindre doute, car ce délai est alors nettement raccourci. be from active or passive smoking, and evokes the possibility of
other favourising factors, hormonal or environmental.

36 L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E . T O M E 2 0 . N ° 7 1 6 / 7 1 7 D U 1 6 J A N V I E R 2 0 0 6
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FORMATION

Dépression chez le jeune enfant:


repérer une réaction de retrait
Objectif : connaître les données actuelles sur la dépression chez le jeune enfant.
Le terme de dépression du nourrisson reste mal défini et nombre de questions
essentielles restent encore sans réponse. Le terme de réaction de retrait est proposé
avant l’âge de deux ans et demi ou trois ans, notion plus large et moins spécifique
que la dépression mais qui apparaît comme un élément précieux d’alarme en
clinique du jeune enfant. Le retrait relationnel est difficile à reconnaître et le retard
dans son diagnostic peut avoir des conséquences développementales et médicales
importantes.

algré un usage fréquent du terme, et bien qu’il encore très largement valide : présence du comporte-

M
Par Antoine
s’agisse d’une notion clé en matière d’évalua- ment de retrait, des mouvements atypiques des doigts Guedeney,
Laure Quantin,
tion clinique, la dépression du bébé reste un (que l’on nommerait maintenant gestes autocentrés) et service de psycho-
concept relativement mal défini et mal évalué, depuis de la rigidité faciale (v. encadré 1). pathologie
l’apport initial de René Spitz.1 La notion de dépression Quant aux circonstances déclenchantes, il s’agissait de l’enfant et
de l’adolescent,
du bébé est apparue il y a une vingtaine d’années, et elle d’enfants de 6 mois et plus qui souffraient d’une carence hôpital Bichat-
occupe une place importante dans la pratique clinique aiguë de soins maternels, sans soins substitutifs adé- Claude Bernard,
de la petite enfance. Elle indique que les moyens de la quats, après avoir connu une période initiale de relation policlinique Ney,
75018 Paris Cedex.
résilience face à une situation difficile sont dépassés pour mère-enfant satisfaisante, étroite mais exclusive. Spitz
le bébé. Or, la dépression précoce demeure difficile à classait donc la dépression anaclitique dans les « mala- antoine.guedeney@
bch.ap-hop-paris.fr
repérer, surtout au début. De plus, nous ne disposons, à dies de carence » (deficiency diseases). Il considérait que,
l’heure actuelle, d’aucun système de critères diagnos- malgré les similitudes de la dépression anaclitique avec
tiques validés, ni d’aucun outil fiable d’évaluation cli- la dépression de l’adulte, les deux syndromes différaient
nique et de dépistage. Et nombre de questions essen-
tielles restent encore sans réponse : la dépression
anaclitique (terme grec qui signifie manque d’appui) ENCADRÉ 1 – SYNDROME DE CARENCE AFFECTIVE (SPITZ)*
est-elle du même type que celle de l’enfant plus âgé, ou
que celle de l’adulte ? À partir de quel âge peut-on parler • Larmoiements • Retrait
de dépression ? La dépression précoce est-elle toujours • Attitude exigeante • Insomnie
• Perte d’appétit • Mobilité amoindrie
liée à la carence des soins ou à la séparation ? Quel est le
• Perte de Poids • Risques d’infection
devenir psychopathologique de la dépression précoce ? • Augmentation (de la réaction aux • Rigidité faciale
stimulus) dans le secteur social • Mouvements des doigts
LES DIFFÉRENTES CONCEPTIONS
• Régression du Q.D. atypiques
PSYCHANALYTIQUES
• Absence d’activité auto-érotique • Morbidité en augmentation
Spitz et la dépression anaclitique : maladie
de carence * In : Spitz R. De la naissance à la parole. La première année de la vie (1965). Paris :
PUF; 1968. p. 218 (Trad. française Liliane Flournoy).
La description de Spitz en 19461 est bien connue et

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du fait de l’absence de structuration développée du moi QUAND LA DÉPRESSION PRÉCOCE
chez le jeune enfant. COMMENCE-T-ELLE, À PROPREMENT PARLER ?
Au contraire, Bowlby2 pense, lui, que la dépression ana- Si la dépression est bien la conséquence de la perte d’un
clitique représente bien le prototype de la dépression de objet interne constitué, c’est-à-dire de la rupture de la
l’adulte. relation avec l’objet interne, alors la dépression stricto
La dépression anaclitique est donc en fait une interrup- sensu n’existe que lorsque cette relation est constituée, et
tion brusque du lien d’attachement en voie de constitu- que l’enfant a la capacité de penser à la relation, c’est-à-
tion, chez un bébé qui n’a pas d’autre figure d’attache- dire de développer des représentations assez élaborées
ment disponible. Pour Spitz, elle donnait lieu, si elle de lui-même et des autres,et de craindre qu’il ait endom-
durait, à l’hospitalisme qui est en fait la symptomatolo- magé sa relation à son objet d’attachement. On peut
gie du marasme observé dans les pouponnières fran- penser, à la lumière des recherches récentes sur le déve-
çaises de l’après-guerre et dans les orphelinats roumains, loppement précoce, qu’il faut atteindre un certain stade
russes ou chinois, jusqu’à une période récente. pour que se développent des capacités de mémoire, de
pensée sur les relations et d’autoréflexion sur ces repré-
La dépression du bébé et la question du début sentations. Tous ces éléments sont nécessaires pour par-
de la vie psychique
ler de dépression ; ils semblent exister de façon fonction-
Après Freud, dans Deuil et Mélancolie (1917),3 qui situe nelle à partir de 18 mois.
la dépression dans le registre narcissique de la perte de Avant cette période, il est difficile de penser qu’un enfant
l’estime de soi, Mélanie Klein (1932) 4 lie le sentiment de puisse souffrir d’une relation inadéquate avec ses
dépression à celui de l’attaque hai- parents, s’en sentir responsable, et ainsi se mettre en
Corbis

neuse contre l’objet, et considère la retrait, même s’il est possible d’imaginer que la pensée
position dépressive comme l’indice dépressive puisse exister avant le langage.
de l’accès à l’objet total, et donc Mais dès deux ans et demi,dans des circonstances excep-
comme une étape essentielle du tionnelles, on peut observer de tels comportements,6-8
développement psychique. L’échec notamment quand l’enfant est soumis, dans le cadre de
de ce processus d’intégration d’une la relation à sa figure d’attachement, à une situation
relation à l’objet dans sa totalité imprévisible et négative, émotionnellement frustrante
conduirait à des fixations narcis- voire violente,et sans qu’il puisse s’appuyer sur une autre
siques, à la dépression et à sa figure rassurante. Cette situation évoque celle de l’im-
défense spécifique, la défense puissance apprise9 qui est un modèle animal bien connu
maniaque. Cependant, une telle de comportement de figement et de stress.
organisation existe-t-elle vraiment
si tôt dans la vie ? De plus, est-elle LE LIEN ENTRE LA SÉPARATION, LA CARENCE
normale ou ne survient-elle qu’en ET LA DÉPRESSION DANS LA PETITE ENFANCE
réponse à des troubles des interac- Pour Bowlby,10 la dépression ne survient que lorsque
tions précoces ? Le mouvement l’espoir disparaît, sur la base de l’expérience des relations
théorique qui décrit la place de la dépression précoce antérieures. Ainsi, la dépression ne résulte pas directe-
dans la théorie psychanalytique du développement est ment de la perte, mais de la conviction de son caractère
donc d’abord plutôt centré sur le développement intra- irrémédiable.
psychique du bébé. Geneviève Appell et Myriam David11,12 ont décrit l’état
À partir de la fin des années 1950 se développe un cou- d’enfants vus en pouponnière dans l’après-guerre et
rant de pensée plus interpersonnel autour de la dépres- souffrant d’une carence sévère et durable de soins
sion précoce, considérée comme une réaction biolo- adaptés : contact avide, trop facile avec l’adulte, « com-
gique de base en réponse aux troubles de la relation portement vide » ; signes de retard de croissance, de
parents-enfant. retard dans le développement cognitif et psychomo-
teur, avec des troubles fonctionnels et des infections
Les conceptions françaises fréquentes. Plus tard, ces mêmes auteurs ont mis en
En France, à la suite de Marty (1980), Kreisler5 considère évidence, au sein d’une pouponnière moderne et bien
la dépression du bébé comme la préforme de la « dépres- équipée, le facteur carentiel représenté par la multipli-
sion essentielle », celle-ci étant la condition du déclen- cation des personnes s’occupant du bébé, et la nécessité
chement d’une « désorganisation somatique ». de favoriser l’attachement à une figure particulière au
Les éléments essentiels de la description clinique sont travers des soins physiques et de l’attention. Ces
l’atonie thymique, l’inertie motrice, la pauvreté interac- apports ont amené une modification réelle des façons
tive et le repli, et enfin la désorganisation psychosoma- de s’occuper des jeunes enfants hospitalisés, en favori-
tique.5 sant la présence des parents à l’hôpital. De ce fait, les

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carences de soins liées à l’hospitalisation des enfants dans les familles à difficultés multiples. En 1992, Powell
ont sensiblement diminué, du moins dans les pays et Bettes écrivent « qu’il existe un certain nombre de dia-
développés. Cependant, la dépression précoce et la gnostics du DSM-III-R qui peuvent s’appliquer au retard
carence, en particulier intrafamiliale, n’ont pas pour de croissance non organique, en particulier le Trouble réac-
autant disparu et continuent de se manifester, voire tionnel de l’attachement de la petite enfance et l’Episode
d’augmenter, dans le monde et ne se limitent pas, dans dépressif majeur. »
les pays développés, aux familles à difficultés multiples.
Dans ces situations, on peut toujours observer des RÉACTION DE RETRAIT : SIGNE D’ALARME
comportements cliniques évoquant la dépression ana- DANS LA PETITE ENFANCE (fig. 1)
clitique. Le retrait relationnel bref est d’abord un phénomène
normal de l’interaction parents-bébé où il joue un rôle
LA DÉPRESSION MATERNELLE, LE RETRAIT de mécanisme régulateur important. En 1956, Engel et
ET LA DÉPRESSION DU BÉBÉ Reichman22 décrivent le cas de Monica, une petite fille
Les relations entre dépression maternelle et dépression porteuse d’une fistule gastrique et qui montrait un syn-
du bébé ne sont pas plus simples, ni plus directes, drome de retrait majeur quand elle fut rendue à sa mère
qu’entre séparation et dépression chez le jeune enfant. déprimée, après avoir vécu avec sa grand-mère chaleu-
Le paradigme du visage immobile (still face)13 donne reuse.
cependant un modèle de la transmission possible de l’af- Fraiberg23 a décrit, sur la base de son expérience clinique
fect dépressif de la mère à l’enfant. Les bébés de mères considérable avec les bébés et les familles en grande diffi-
déprimées montrent nettement moins d’expressions culté, quatre types de défenses pathologiques observées
positives que les autres, avec un comportement inhibé entre 3 et 18 mois chez des enfants soumis à des carences
d’allure dépressive, et ce même quand ils sont en pré- majeures et, surtout, à des situations relationnelles très
sence d’adultes non déprimés.14 Le bébé de 2 mois est pathologiques : le plus précoce est l’évitement (avoi-
pris dans la relation à sa mère et vit comme une violation dance) avec en particulier l’évitement sélectif du regard,
grave cette interruption de la relation. Il y réagit par une le second est le figement (freezing) ; l’identification à
protestation, un figement et un détachement. Les effets l’agresseur (role reversal) et la lutte (fight) sont,eux,d’ap-
de la dépression maternelle semblent plus peser du côté parition plus tardive. Il s’agit de comportements défen-
du développement cognitif de l’enfant, de celui du sifs mis en jeu précocement, sur la base d’un répertoire
défaut de contrôle et des troubles du comportement et biologique, face à des circonstances exceptionnelles.
de la régulation émotionnelle, touchant d’ailleurs sur- Nous avons vu que le retrait est un élément majeur du
tout les garçons, que de celui de la survenue d’une répertoire comportemental précoce,et notamment de la
dépression ultérieure. Ces bébés de mères déprimées réponse du bébé à la situation expérimentale dite du
sont de « bons suiveurs » mais de piètres initiateurs des visage immobile (still face), à celle de la désynchronisa-
relations, et pourraient être ainsi prédisposés au risque tion24 comme, en clinique, face à celle de la dépression
dépressif selon Marcelli15,16 ; il décrit ainsi un aspect maternelle précoce.13,14,26 Il est cependant difficile à
biphasique de la dépression précoce liée à la dépression identifier dans sa symptomatologie « en négatif ». Sur le
maternelle, avec d’abord un bébé sage et suiveur, puis un plan pathologique, il s’observe dans un grand nombre
épuisement. de syndromes de la petite enfance, et se présente donc
d’une façon bien plus large que la dépression précoce
LES FORMES ACTUELLES DE LA DÉPRESSION dont il est un élément majeur. Dès lors, il s’agit donc
PRÉCOCE DANS LE MONDE : MALNUTRITION d’un signal d’alarme utile à prendre en compte pour la
ET RETARD DE CROISSANCE Fig. 1 – Place du
détection précoce des troubles organiques, relationnels retrait relationnel
durable dans la
Dans les pays en voie de développement de la ceinture ou mixtes. Malgré l’ampleur des changements liés au psychopathologie
tropicale et surtout dans ceux affectés par la décultu- développement dans les 3 premières années, le compor- précoce.
ration et la guerre, la « malnutrition protéino énergé-
tique » (MPE) constitue un problème majeur de santé
publique. Ce syndrome pourrait être inclus dans les Troubles Syndromes Troubles
manifestations de la dépression précoce.17 La description sensoriels autistiques de la régulation
initiale du kwashiorkor en 1933 tenait déjà compte de
la dimension culturelle du syndrome et du rôle de la Troubles de Réaction Syndrome
dépression du jeune enfant, sevré brutalement à l’an- l'attachement de retrait post-traumatique
nonce de la grossesse de sa mère.7
Dans les pays développés, l’un des aspects les plus fré-
Douleur aiguë
quents de la dépression précoce est représenté par le Dépression durable Anxiété
retard de croissance non organique (RCNO), du moins

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LA DÉPRESSION DU BÉBÉ ET LES CLASSIFICATIONS DIAGNOSTIQUES


➜ Dans le DSM-IV (1994) et dans clinique, ces critères n’ont fait l’objet accompagnés de troubles du sommeil
l’ICD-10 (1988), la dépression du bébé d’aucune étude de validation. ou de l’alimentation avec parfois une
n’apparaît pas et n’est considérée que perte de poids et doivent être présents
comme un trouble réactif et transitoire, ➜ Classification diagnostique Zero to depuis 2 semaines au moins.
les autres catégories proches étant Three, 1994. Ce n’est que très
le Trouble réactif de l’attachement ou récemment que la dépression du bébé ➜ Récemment, un certain nombre
le Trouble de l’adaptation. Il est clair que a pu trouver une place propre dans un d’études ont tenté d’adapter les critères
l’insistance actuelle à mettre l’accent système de classification diagnostique de dépression de l’enfant à celui
sur les troubles de la relation plutôt internationale : Classification du petit enfant. Luby et al.20 ont été
que sur l’organisation structurelle diagnostique Zero to Three.19 Il s’agit les premiers à le faire, mais leur
du jeune enfant est un obstacle d’une classification à 5 axes dans système de classification aboutit
à l’individualisation de la dépression laquelle la dépression précoce prend, à trouver jusqu’à 30 % de dépression
précoce en tant que telle, pour la première fois, une place claire majeure chez les enfants de 2 à 5 ans,
et à la description de son organisation à l’intérieur de la catégorie des Troubles certes dans une population clinique
dynamique intrapsychique spécifique. de l’humeur, elle-même incluse dans mais chez des enfants à bas risque
celle, plus large, des Troubles de l’affect. psychosocial. L’application des critères
➜ La classification française CFTMEA18 La catégorie de la Dépression précoce DSM adaptés à la petite enfance risque
donne bien cette perspective structurale, insiste sur l’expérience propre du bébé donc de conduire à un surdiagnostic
chère à la psychopathologie française. et sur les caractéristiques de son de la dépression précoce, sous-tendu
Cependant, elle n’offre pas de critères fonctionnement plutôt que sur celles par l’idée qu'il existerait une maladie
diagnostiques, et elle ne situe pas des circonstances de la vie du bébé dépressive bipolaire qui se manifesterait
la dépression précoce parmi ou de ses relations. Elle s’applique très tôt dans la vie. Une étude récente 21
les diagnostics possibles de l’axe I ; aux jeunes enfants qui montrent une évalue la dépression avant 3 ans à
elle ne donne pas non plus de humeur déprimée ou irritable, avec : moins de 2 %, en utilisant une interview
possibilité de diagnostic de trouble – une diminution du plaisir et de l’intérêt diagnostique approfondie. La réaction
de la relation parents-jeunes enfants. au cours des activités adaptées dépressive existe donc tôt dans la vie,
à leur âge ; avec une fréquence croissante avec
➜ En 1982, Herzog et Rathbun avaient – une diminution de la capacité l’âge. L’apparition progressive de la
proposé des critères diagnostiques de à protester ; dépression, au sens propre, à mesure
dépression manifeste, de 0 à 36 mois, – des geignements excessifs ; du développement des capacités
basés sur le DSM-III. Les symptômes – un répertoire restreint d’interactions cognitives conduit à employer le terme
doivent être présents pendant au moins sociales ou d’initiatives. plus pertinent de réaction de retrait
2 semaines. Bien que proches de la Ces symptômes peuvent être avant l’âge de 2 ans.

tement de retrait apparaît être un élément observable de réaction face à la perte d’espoir, lié au concept de Base
façon stable dans cette période de la vie. Cependant, il Sure,10 marque bien les liens entre la dépression précoce
n’existe pas encore d’outil d’évaluation et de dépistage et l’attachement. Cela nous incite à considérer que la
de la réaction précoce de retrait. C’est pourquoi nous dépression précoce, au sens strict, pourrait donc s’obser-
avons développé l’échelle d’Alarme Détresse Bébé, ver dès l’âge de deux ans à deux ans et demi.
l’ADBB (ou « Aider Bébé »), de façon à évaluer D’autres études sont nécessaires pour valider cette caté-
la réaction durable de retrait entre 2 et 24 mois,26 et le gorie diagnostique chez les enfants de moins de trois ans,
site adbb (www.adbb.net) sur lequel l’échelle est dis- préciser les comorbidités éventuelles, mieux apprécier
ponible.27 son évolution spontanée.
La réaction durable de retrait relationnel s’applique à un
CONCLUSION champ clinique plus large, et apparaît comme l’un des
Le concept de dépression précoce occupe une place indices d’alarmes les plus précieux dans la petite
importante dans la clinique quotidienne, mais sa défini- enfance. Le bébé en retrait ou déprimé est un scandale :
tion et ses critères restent très divers, notamment selon « un bébé tout seul, ça n’existe pas…». Dès lors, l’attention
les périodes du développement. Cependant, la recon- portée à l’enfant en retrait ou qui semble déprimé est la
naissance d’un état de retrait précoce peut en être un première étape du processus thérapeutique. ■
précurseur et constituer un élément essentiel du proces-
sus de l’évaluation clinique, car il indique que l’enfant ne
peut plus faire les frais de la situation relationnelle dans Références
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40 L A R E V U E D U P R AT I C I E N - M É D E C I N E G É N É R A L E . T O M E 2 0 . N ° 7 1 6 / 7 1 7 D U 1 6 J A N V I E R 2 0 0 6
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