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I.

Définition :

1. La pragmatique :
 La pragmatique étudie les termes et les procédures qui, dans le discours
de chaque individu, traduisent directement la représentation qu'il a de lui-
même et du monde

 Une signification plus savante du terme désigne la pragmatique en tant


que branche de la linguistique. Cette discipline s'intéresse « aux éléments
du langage dans la mesure où leur signification ne peut être comprise
qu'en connaissant le contexte où ils sont employés ».

 La plus ancienne définition est celle donnée par Morris en 1938 : la


pragmatique est cette partie de la sémiotique qui traite du rapport entre
les signes et les usagers des signes. Définition très vaste, qui déborde le
domaine linguistique (vers la sémiotique) et le domaine humain (vers
l’animal et la machine).

 Une définition linguistique est donnée par Anne-Marie Diller et François


Récanati : la pragmatique « étudie l’utilisation du langage dans le discours,
et les marques spécifiques qui, dans la langue, attestent sa vocation
discursive ». Selon eux, comme la sémantique, la pragmatique s’occupe du
sens. Elle s’en occupe pour certaines formes linguistiques telles que leur
sens n’est déterminable que par leur utilisation.

 Une définition intégrante apparaît sous la plume de Francis Jacques : « La


pragmatique aborde le langage comme phénomène à la fois discursif,
communicatif et social. » Le langage est conçu par elle comme un
ensemble intersubjectif de signes dont l’usage est déterminé par des
règles partagées. Elle concerne « l’ensemble des conditions de possibilité
du discours ».

En résume :

 la pragmatique est une tentative pour répondre à des questions comme


celles-ci : Que faisons-nous lorsque nous parlons ? Que disons-nous
exactement lorsque nous parlons ? Pourquoi demandons-nous à notre
voisin de table s’il peut nous passer l’aïoli, alors qu’il est manifeste et
flagrant qu’il le peut ? Qui parle et à qui ? Qui parle et avec qui ? Qui parle
et pour qui ? Qui crois-tu que je suis pour que tu me parles ainsi ?
Qu’avons-nous besoin de savoir pour que telle ou telle phrase cesse d’être
ambiguë ? Qu’est-ce qu’une promesse ? Comment peut-on avoir dit autre
chose que ce que l’on voulait dire ? Peut-on se fier au sens littéral d’un
propos ? Quels sont les usages du langage ? Dans quelle mesure la réalité
humaine est-elle déterminée par sa capacité de langage ?

2. La littérature
 Le mot littérature, dans son acception la plus abstraite et la plus étendue,
s'applique tantôt à la théorie générale, tantôt à l'histoire des oeuvres de
l'esprit humain, tantôt à l'une et à l'autre en même temps; plus
spécialement le terme s'applique à l'ensemble des productions littéraires
d'un pays ou d'une époque. C'est une des branches essentielles du savoir
humain. On y classe à peu près tous les textes, qu'ils soient oraux ou
écrits, ne laissant guère en dehors que ceux qui par leur brièveté et leur
forme exclusive de l'art ne relèvent que de l'archéologie (inscriptions,
légendes des monnaies et médailles).

 Au XVIIe siècle, le mot littérature n'avait d'autre sens que celui de belles-
lettres, le même que celui de litterae chez les Romains, et se disait
uniquement des productions de l'esprit envisagées comme œuvres d'art.
Les sciences, la philosophie , l'érudition elle-même, restaient donc en
dehors de la littérature, qui, par conséquent, n'avait aucun rapport à la
conduite et aux intérêts ordinaires de la vie. Au XVIIIe siècle, la tendance
du mouvement intellectuel étant à populariser les connaissances acquises
par les sciences, et surtout les doctrines philosophiques alors régnantes,
le sens du mot littérature commença de s'élargir, et la
fameuse Encyclopédie de d'Alembert et Diderot fut communément rangée
parmi les œuvres littéraires de l'époque. Enfin, lorsque la Révolution eut
aboli les titres de noblesse et effacé toutes les distinctions sociales
admises jusqu'alors, toute expression de la pensée humaine par
la parole ou l'écriture, n'importe son objet, prit place dans la littérature,
car aucune d'elles ne parut tellement infime et insignifiante, qu'on crut
devoir la négliger. On considéra avec raison que toute manifestation de
la pensée est, à un titre quelconque, l'expression de l'état social d'un
peuple.

En résume :

 on comprend sous le titre de littérature toutes les formes et tous les


modes de manifestation de la pensée par la parole, quel qu'en soit l’objet.
II. la pragmatique au service de la littérature :
le contexte :
On peut distinguer deux types de contexte pour le texte littéraire, qu’une
approche externaliste pourrait prendre en compte : l’environnement extérieur
au sens propre du terme (social, culturel, politique, esthétique, éthique, etc.) et
l’environnement cognitif, c’est-à-dire l’ensemble des cadres cognitifs qui
permettent de produire du sens dans l’acte de lecture. Les deux ne sont pas
cloisonnés, et l’on sait que le cognitif peut-être environnemental (nos outils de
lecture, livres, papiers, écrans, tablettes, sont tant internes qu’externes) aussi
bien que l’environnemental peut être interne (une structure sociale peut être
intériorisée cognitivement). Ces extérieurs sont constitutifs de l’activité de lecture
des textes, en particulier littéraires, activité qui conditionne leur compréhension
et leur analyse.
« Lire ne va pas de soi », affirme aussi laconiquement que fermement J. Jordy
dans le rapport sur la mise en place des programmes en seconde qu’il remet à
son ministre en 2003. Effectivement, lire ne va pas de soi et constitue un
processus complexe fortement externalisé. L’environnement extérieur est
explicitement présent dans les programmes et les manuels de seconde sous la
forme de l’objet d’étude n° 6 : « Écrire, publier, lire ». J. Jordy note dans son
rapport que cet objet est particulièrement délaissé des enseignants qui ne
trouvent pas à l’intégrer dans une séquence et ne savent pas bien comment le
traiter. Les approches discursivistes qui depuis le milieu des années 1960
travaillent en France à mettre au jour la manière dont les conditions socio-
historiques de production (pour employer le vocabulaire de l’époque)
contribuent à l’élaboration des discours seraient ici particulièrement utiles : les
notions d’idéologie, d’interdiscours, de discours transverse, de préconstruit, n’ont
jamais été didactisées, contrairement à celles d’intertextualité, de dialogisme et
de discours rapporté ; les dernières étaient plus faciles à intégrer à la « boite à
outil » internaliste, que les premières, qui transgressaient trop brutalement sans
doute une conception immanentiste du texte littéraire. Du coup, on se trouve
actuellement dans une situation où les évolutions de la réception des textes
littéraires d’une part, et de la didactisation des notions linguistiques d’autre part,
sont en dysharmonie : alors que le texte littéraire s’est désacralisé et qu’il fait
désormais l’objet d’approches multiples inspirées des sciences humaines et pas
seulement d’une approche purement « littéraire », et qu’il est en outre acquis
qu’il n’est plus le seul support de lecture en classe, les notions qui président à sa
lecture restent celles associées à une spécificité littéraire du texte littéraire.
Mais les extérieurs de la lecture-compréhension du texte littéraire sont
également psycho-cognitifs. J.-M. Adam relevait déjà, il y a plus de 25 ans, que
« la linguistique a[vait] manqué son rendez-vous avec l’école » sur cette question
précise de la lecture : « Les travaux de diffusion de contenus linguistiques et
sémiotiques novateurs […] n’ont jamais aidé les enseignants à améliorer la
compétence en lecture des élèves les plus mal lotis », déclare-t-il sans ambages
(Adam 1985 : 47). Tentant ensuite de trouver des pistes, J.-M. Adam cite le n° 61
de Langue française intitulé « Sémiotique et enseignement du français », dans
lequel D. Bertrand fait des propositions en ce sens, qui reposent sur
l’enseignement-apprentissage des modèles inférentiels et des structures sous-
jacentes qui organise la lecture des textes, en particulier littéraire. Et il indique
ensuite, en citant les travaux de G. Denhière, M. Fayol ou J.-P. Bronckart autour
du récit, que les avancées en linguistique textuelle pour la didactique du français
sont à chercher du côté des études psycho-cognitives. L’on sait que D. Bertrand
fut membre du groupe technique disciplinaire responsable des programmes du
nouveau collège qui ont mis la notion de « discours » au centre de
l’enseignement du français au collège, et qui se prolongent au lycée à travers les
notions de genre et de registre et la place centrale donnée à l’argumentation. Le
« discours » de ces programmes vient plus du côté sémiotique et psycho-cognitif
de la linguistique que de son côté socio-politique et lexicologique. D. Bertrand le
conçoit comme un « opérateur de méthode » dont la fonction est de « fédérer
dans une approche conçue d’un seul tenant les objets traditionnellement
cloisonnés et disjoints de la discipline, depuis les activités de lecture jusqu’à
l’étude des outils de la langue » (1999 : 60).
Si le programme de l’analyse du discours littéraire reste trop internaliste et
autorise le risque applicationniste, le programme « discours » pèche par
l’inverse, à la fois trop externe et trop englobant : il permet de mettre en place
une approche « discursive » qui fait l’économie de la langue. Les extérieurs du
discours littéraire restent donc comme un point aveugle de l’étude de la
littérature, et partant, le traitement véritablement linguistique de la littérature.
Outre les points que je viens de souligner, il y a des raisons plus profondes à ce
« rendez-vous » manqué entre linguistique et littérature à l’école, qui
ressemblent bien à d’indéverrouillables obstacles.

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