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236 Problèmes de linguistique générale

être sinon remplacée, au moins interprétée, dans l'ordre


de la personne, par une distinction entre personne stricte
(= singulier ») et personne amplifiée (= « pluriel »). Seule
«

la troisième personne », étant non-personne, admet un


«

véritable pluriel.

CHAPITRE XIX·

Les relations de temps dans le verbefranfais

L'ensemble des formes personnelles du verbe français


est traditionnellement réparti entre un certain nombre de
paradigmes temporels dénommés « présent », imparfait »,
«

« passé défini », etc., et ceux-ci à leur tour se distribuent


selon les trois grandes catégories du temps, présent, passé,
d
futur. Ces divisions, incontestables dans leur principe,
restent èêpendant loin des réalités d'em~loi et ne suffisent
pas. à les organiser.-~ou.!' 2.!L!!01!'Y0!!.s"'p~dans !~
seule
fo(, ~. 0"' •
~otl?!!-<l~t~p_s~I~,..c?1tère _q!!!...décld~a ~ L~p'OSlt1?~O!! 00 rp·~"Y )rv
nïême. de la posslbilité d'une forme donnée au sem (lu
sY.stèmë"Vëroal:-COmïnënt-savoir, par "èxemplê';'"stïrallait
sOrlirapparfièÎ1t ou non au paradigme de sortir? En vertu
de quelle classification temporelle devra-t-on l'accepter ou
le rejeter?
Si l'on essaie de _l.'.!1!l1W1:JUJ'_c;lj.vision!uemporelles.l~
opp~siti..o~_ q1}i.apparaissen~ .la stru.fP1J~.matétie.!!e
J
\:-:<O.J,.NP\e,...

des formes verbales,JO'Jl rencontre une grave difficulté.


CiinsidéronS""'piir-exéinple l'opposition des formes simples
et des formes composées dans le verbe. S'il y a lieu d'opposer 7
~
il courait et il avait couru, ce n'est pas en tout cas sur le
même axe de temps où il courait s'oppose à il court. Et
cependant il a couru est bien en quelque manière une forme
temporelle, puisqu'il peut équivaloir à il courut. Mais il a
couru sert en même temps de partenaire à il court. Les ...!'ap-
J
p01'!!!.-ges3orm..§ cOIEPos~es..ay~ le_temps~restëiiLainsi.
amblgys. pn peut certes transférer la distinction des formes
simples et composées au compte de l' « aspect », mais on
n'y gagnera rien de clair, car l'aspect ne fournit pas non

1. Bulletin de la Société de Linguistique, LIV (1959), wc. 1.


238 Problèmes de linguistique générale L'homme dans la langus 239

plus un principe univoque de corrélation d'un type de ~~actérise le récit des événemet;lts p,assés: Ces trois
formes à l'autre, et ce fait demeure que, malgré tout, certaines : termes, (r iéëif>J,'«éV'énement », « passé»;"' sont-également à
des formes composées sont bien à considérer comme temllQ: DzJ 1".0, o..'Î

..)Jt.
rênes, S1j:am~e~mentj /1
-fl s'agit donc de cnercher dans une vue synchronique du
système verbal en français moderne, les relations qui orga-
nisent les diverses.formes temporelles. C'est à la faveur de
un certain Il moment
souligner. s'agit de dula_présentation
t~~ ~ans_.aucune survenus àlJ
des faits interventiëiÏ1
au locuteur dans 'le récit.lPour qu'ils pUlSsëntêtre enregis-
trés comme s'étant produits, ces faits doivent appartenir
au passé. Sans doute vaudrait-il mieux dire : dès lors qu'ilS
/;
f
~Q.o c>-' \ \<l.. ce qui semble ~e <Jans ce système que nous discerne-
rons mieux la nature réelle des articulations. Il y a un point
sont enregistrés et énoncés dans une exp.ressiOÏl1empo-
reIlehiSf6rique, ils se trouvent caractérisés comme passes.
où le système se fait indûment redondant: c'est l'expression L'iirtéÏÏtiOÏÏhistôrique cônstlhië1Jien une des granaês~fôiiC-
*- temporelle du passé », qui dispose de deux forme~l fit
«( tions de la langue : elle y imprime sa temporalité spécifique,
{ e! il a ff}!.;. Dans l'interprétation traditionnelle, ce seraient' dont nous devons maintenant signaler les marques formelles.
eux varIantes de la même forme, entre lesquelles on choisit Le plan historiquede l'énonciation se reconnaît à ce qu'il
selon qu'on écrit (il fit) ou qu'on parle (il a fait). Nous impose ul}~ délimitation particulière aux deux catégories P9we~
aurions ici l'indice d'une phase de transition où la forme verD:"a1ës:'du)empsa"' dë"1à p~rsoiÏne :Pti~ës_enSëmble. Nous
ancienne (il fit) se maintient dans la langue écrite, plus définirons le récit historJqu~_cOlIlI;në_lemod~~Dgation
conservatrice, alors que la langue parlée indique par avance qui exclut toute forme linguistique « autobiographique ». P€.-'vl,;) l,' v~
la forme de substitut (il a fait), concurrente installée, L'liiStorÏen ne âirajâiiÏaisjëïli-tû;nnci;'fii-maiiifêiiant,
parce qu'il n'empruntera jamais l'appareil formel du discours,
destinée
mène auxà termes
s'imposer
d'unseule. Mais
procès de avant de réduire
succession, le phéno- /
il conviendrait qui consiste d'abord dans la relation de personne je : tu.
de se demander pourquoi langue parlée et langue écrite • On ne constate~donc_d~s le !~citJlistorique strictement
poursuivi que d.es formes de « ~erson~
O~)'J' divorceraient
\1) (J., ," v-' autre, commentsu~Il ce-po!nCdë la même
se faIt que la tempor~i~é et non
dlfference sur un
ne s'étend Sera pareillement défini le champ de 1 expression tempo-
pas à d'âlitres· formes parallèles (par exemple il fera et il relle. L' énonciationjistori~lJe comR0rte_ trois .temEs : \~ \.A.-V~
aura fait restent absolument distincts, etc.), et tout d'abord l'aoriste, (= passé simple ou passé défini) 2, _l'lmparfaù
~b.~~ e~a!:~;.~f!!!n..~~ distri~)J;ti(?lLs~l!l~!iq~ê (y compris la forme en -rait dite conditionnel), Jco_phlS-
par ou l'on a l'nabltude (le les opposer. D'un problemè à que-parfai!:... Accessoirement, d'une manière limitée, un
l'aüti~;-c'qt:~~~~~iè1I::]E·tetl?e qui se tro~ve temps périphrastique substitut de futur, que nous appelle-
soumIse à un nouvel examen.]Lnous a paru que la descnp- rons le prospectif. Le présent est exclu, à l'exception - très
tion des relations 4~J~rnmU::gDstitl:uiifJ~.!ache la plusnéêês- rare - d'un présent intemporel tel que le « présent de défini-
saIre. tion » 3.
-, "Les paradigmes des grammaires donnent à croire que Pour mieux éclairer l'ossature « historique» du verbe,
toutes les formes verbales tirées d'un même thème appar- nous reproduisons ci-dessous trois spécimens de récit,
3. tiennent à la même conjugaison, en vertu de la seule morpho- pris au hasard; les deux premiers sont du même historien,
. logie. Mais on se propose de montrer ici que l'org~nisatiog
des ,temps relève de principes moins éVidents et plus 1. Nous nous référons ici aux distinctions qui ont été énoncées
ëômplexes. Les temps d'un verhê- fianç-ais ne s'emploient dans un article de ce Bulletin, XLIII, p. 1 sq.; ci-dessus, p. 225·
pàs comme les membres d'un système unique, ils se distri- 2. On ne trouvera pas, espérons-le, d'inconvénient à ce que nous
_>
,
buent en deux systèmes distincts et complément~.
d'êüX ne comprend quYune partië"des temps du verbe;
Chacun
appelions « aoriste" le temps qui est le « passé simple» ou le « passé
défini" de nos grammaires. Le terme « aoriste" n'a pas ailleurs de
connotations assez différentes et assez précises pour créer ici une
confusion, et il est préférable à celui de « prétérit " qui risquerait
\
\)~ ....,.v.pt{.J. G~tous
nibleslespour
deux chaque
sont enlocuteur.
usage concurrent
Ces deuxet systèmes
demeurentmanifes-
dispo- d'être confondu avec « imparfait ".
tent deux plans d'énonciation différents, que nous distin-
verbe ainsi que les formes nominales (infinitif, participes). Tout ce
guerons comme celui deJ~~ϧ:toiree~.,cç!uLdu 4J.s.~O!!!s, qui3. est
Nous
dit icilaissons
au sujetentièrement
des relations de côté les vaut
temporelles formes modales
pour,ces du )
fonnes
C'\) L'énoncÜlÛon historique, :l!!i~~.r~:~~i,_réservée _~!a_la.Il~ également.
240 Problèmes de linguistique générale L'homme dam la langue 241

son absence calmeTait les esprits, il décida de quitter Athènes. 1


mais de Qdifférents, l'autre est emprunté à la littéra- voyagea, il parut à Cypre, il alla en Égypte se retremper aux sources
ture d'imagmation 1. Nous avons souligné les formes ver- de la sagesse. Quand il revint, la lutte des partis étazt plus vive que
bales personnelles, qui toutes relèvent des temps énumérés jamais. Il se retira de la vie publique et s'enferma dans un repos
ci-dessus. inquiet : il « vieillissait en apprenant toujours et beaucoup », sans
cesser de tendre l'oreille aux bruits du dehors et de prodiguerles
avertissements d'un patriotisme alarmé. Mais Solon n'était qu'un
Pour devenir les maîtres du marché méditerranéen, les Grecs homme; il ne lui appartenait pas d'arrêter le cours des événements.
déployèrent une audace et une persévérance incomparables. Depuis Il vécut assez pour assister à la ruine de la constitution qu'il croyait
la disparition des marines minoenne et mycénienne, l'Égée était avoir affermie et voir s'étendre sur sa chère cité l'ombre pesante de
infestée par des bandes de pirates : il n'y eut longtemps que des la tyrannie.
Sidoniens pour oser s'y aventurer. Les Grecs finirent pourtant (Ibid., p. 441-2.)
par se débarrasser de cette plaie: ils donnèrent la chasse aux écumeurs
de rivages, qui durent transférer le principal thé?tre de leurs exploits
dans l'Adriatique. Quant aux Phéniciens qui avaient fait profiter Après un tour de galerie, le jeune ho~me regarda tour à tour le
les Grecs de leur expérience et leur avaient appris l'utilité commer- ciel et sa montre, fit un geste d'impatience, entra dans un bureau
ciale de l'écriture, ils furent évincés des côtes de l'Ionie et chassés de tabac, y alluma un cigare, se posa devant une glace, et jeta un
des pêcheries de pourpre égéennes; ils trouvèrent des concurrents à ><
Cypre et jusque dans leurs propres villes. Ils portèrent alors leurs regard
en Francesur les
sonlois
costume, unIlpeu
du r-oût. plus son
rajusta riche
col que ne gl
et son lediermetteIlt
et de velours1
regards vers l'Ouest; mais là encore les Grecs, bientôt installés en iloir sur lequel se crozsmt plusieurs fois une de ces grosses chaînes
Sicile, séparèrent de la métropole orientale les colonies phéniciennes d'or fabriquées à Gênes; puis, après avoir jeté par un seul mouve-
d'Espagne et d'Afrique. Entre l'Aryen et le Sémite, la lutte commer- ment sur son épaule gauche son manteau doublé de velours en le
ciale ne devait cesser 2 dans les mers du Couchant qu'à la chute de drapant avec élégance, il reprit sa promenade sans se laisser distraire
Carthage. par les œillades bourgeoises qu'il recevait. Quand les boutiques
(G. GLOTZ, Histoire grecque, 1925, p. 225.) commencèrent à s'illuminer et que la nuit lui parut assez noire, il se
dirigea vers la place du Palais-Royal en homme qui craignait d'être
Quand Solon eut accompli sa mission, il fit jurer aux neufs archon- reconnu, car il côtoya la place jusqu'à la fontaine, pour gagner à
l'abri des fiacres l'entrée de la rue Froidmanteau ...
tes et à tous les citoyens de se conformer à ses lois, serment qui
fut désormais prêté tous les ans par les Athéniens promus à la (BALZAC, Études philosophiques: Gambara.)
majorité civique. Pour prévenir les luttes intestines et les révolu-
tions, il avait prescrit à tous les membres de la cité, comme une On voit que, dans ce mode d'éng-D.ciation,l'effectif et la
obligation correspondant à leurs droits, de se ranger en cas de
troubles dans l'un des partis opposés, sous peine d'atimie entraînant nature des temps demeurent les mêmes. Il n'y a aucune
l'exclusion de la communauté: il comptait qu'en sortant de la neu- raison pour qu'ils changent aussi longtemps que le récit
tralité les hommes exempts de passion formeraient une majorité historique se poursuit, et il n'y a d'ailleurs aucune ialsOii
suffisante pour arrêter les perturbateurs de la paix publique. Les poùr que celui-ci s'arrête, puisqu'on peut imaginer tout le
craintes étaient justes; les précautions furent vaines. Solon n'avait
satisfait ni les riches ni la masse pauvre et disait tristement: « Quand passé du monde comme un récit continu et qui serait entiè-
on fait de grandes choses, il est difficile de plaire à tous 3. » Il était rement construit sur cette triple relation temporelle: aoriste,
encore archonte qu'il était assailli par les invectives des mécontents; imparfait, plus-que-parfait. Il faut et il suffit que l'auteur
quand il fut sorti de charge, ce fut un déchaînement de reproches et reste fidèle à son propos d'historien et qu'il proscrive tout
d'accusations. Solon se défendit, comme toujours, par des vers
c'est alors qu'il invoqua le témoignage de la Terre Mère. On l'acca- ce qui est étranger au récit des événements (discours
blait d'insultes et de moqueries parce que « le cœur lui avait manqué» réflexions, comparaisons).1fA: vrai-dire, Ilfî'y a mème plüs
pour se faire tyran, parce qu'il n'avait pas voulu, « pour être le maître alors de narrate~r.:es~événements sont posés comme ils
d'Athènes, ne fOt-ce qu'un jour, que de sa peau écorchée on fît
une outre et que sa race ffit abolie 4 n. Entouré d'ennemis, mais résolu se sont produits à mesure qu'ils apparaissent à l'horizon de
l'histoire. Personne ne parle ici; les événements semblent se
"*
il ne rien changer de ce qu'il a1Jaitfait, croyant peut-être aussi que
~~ eux-mêmes.cL'etemps fomlamëïîtiilesfl.'aQ!iste,
1. Bien entendu l'énonciation historique des événements est qui est le temQ.~.itiJ~éxé!J,çro.~nLhors de la per~.:.::a~un
indépendante de leur vérité « objective ». Seul compte le dessein narrateur.
« historique» de l'écrivain. Nous avons, par contraste, situé d'avance le plan du
2. Exemple de « prospectif» (p. 239).
3. Intrusion du discours dans le récit, avec changement corrélatif
b) discours. Il faut entendre discours dans sa plus large exten-
des temps ..
4. Sur le discours indirect, cf. ci-après p. 242. 1. Réflexion de l'auteur qui échappe au plan du récit.
242 Problèmes de linguistique générale L'homme dans la Iangut 243

les temps
dëCe plansontâ'éiiOïïëiafiôÏÏâlors
possibles, sauf url,J'aoFte,Jbanni aujourd'hui
qu'i est la forme typique
~ ' ~r,~~!.le pre~l'~n~tiotLll~illf!~.~I!ç~~t-I~~
~1 rJ. ( sion lt;rtemamèrë:ïC'est
quelque -énonciation supposant
d'aDord laundiversité
locuteur des
et un audi- \
discours de l'histoire. Il faut surtout souligner les trois temps fonda-
'- oraüx"dêtoute~nâture et de tout niveau, de la conversation
triviale à la harangue la plus ornée. Mais c'est aussi la masse mentaux du discours : présent,Jutur, et parfait, tous les
trois exclusJlu_r..écit histori.9.u~~f le plus-que-parfait).
J. \ Ct/-.'li? 1% des écrits qui reproduisent
!QCllV".(,'.A c.Q,
des discours oraux ou qui en _/
théâtre, ouvrages didactiques, bref tous les enre où quel-
La (lfstinctiôn
lÇQmmun opérée iciestentre
aux <l.e,I!1Ll>lans rlm~ <Ieux
~ plans d'énonciation 1
au sein de la langue met ,dans une perspective différente le i
î
dJ.J ~ empruntent
qu'un le tour
s'adresse et les fins :s'énonce
à quelqu'un, comme ocuteur et 7'
corresponda~mémoires, phénomène qui a été appelé, il. y a cinquante ans, « la disp-a- \/'
,.. organise ce qu'il dit dans la catégorie de la personne. La rition des formes sim les du prétérit » 1en français. Le terme "-
V~1(.1,0 v ej distinction que nous faisons entre récit historique et discours «( IsparitlOn» ne convient assurément pas. Une forme ne
disparaît que si sa fonction n'est plus nécessaire ou si une
.>1< ne lanID!e
et CQJn.ÇMtUQn~lliJ§"'ITIentavec_celle_entre-Iangut:-écrite
parlé:. L'énonciation historique est réservée autre forme la remplit mieux. ~agit donc de préciser
aujourd'hui à la langue écrite. Mais le discours est écrit la situation .de l'a<?riste par rapp.«2!:Lau d0ii5lè s~tème:de
formes. et de tonctions !lue constItue le verEe. Il y a deux
autant que parlé.Chaque
instantanément. Dans lafois
pratique
qu'au on
seinpasse
d'un de l'unhistorique
récit à l'autre 1 rèlâBons distinctes à observer:-I5'une part, c'est un fait,
apparaît un discours, quand l'historien par exemple repro- l'aoriste ne s'emploie pas dans la langue parlée, il ne fait
duit les paroles d'un personnage ou qu'il intervient lui- pas partie des temps verbaux propres au discours. En
même pour juger les événements rapportés 1, on passe à revanche, comme temps du récit historique, l'aoriste se
maintient fort bien, il n'est d'ailleurs nullement menacé
un autre système temporel, celui du discours. L~re
du langage est de permettre ces transferts instantanés. et aucun autre temps ne pourrait le suppléer. Ceux qui le
~ 'lndiquons---pïirparenthèse quéJ:~IionClatI{jrC.IÏ1sJonque croient en voie d'extinction n'ont qu'à faire l'expérience
et c.<;:!Je_dediscours..peuvenLà.l:oc.ca§.ion se conjoindre en de remplacer, dans les morceaux cités plus haut, les aoristes
par des parfaits. Le résultat serait tel qu'aucun auteur ne
~~ tr..()~siè!lle!yp.:...d.'énonc~~~~!1,Q.ù,
le discours est rapport~ se résoudrait à présenter l'histoire dans une perspective
,<in termes ~'ey~.?ement·'Ë.p~l'ose ~~Sl~ plan ~Ist<?.!!..~~
pareille. On peut mettre en fait que !luiconque.saiLécrire
et entrep-J;:.end.le..recit-d!événements-passés-emploie.sponta-
Le~ règles
c'est de cette
ce qUI'est tran~P?si~i?nap~e
communement impliquent mdlrect ». '1
des problèmes
« discours 11 n<fment l'aoriste comme temp1Lf01l.dJIDl~nta1,_qu'il..évoque
qUI ne seront pas exammes ICI.
t
Par le choix des temps du verbe, le discours se distingue ~éïiements en ~istorien ou qu'ille!l_çr.éj::_el;u"om~çi~r.
Par souci de la variété,'"il pourra dianger de ton, multiplier
~ettement du récifliistoriqüëÇ:Ce discours emploie libre- les points de vue, et adopter d'autres temps, mais alors il
~ ,,~ ment toutes les formes personnelles du verbe, aussi bien quitte le plan du récit historique. Il nous faudrait des statis-
\J.l~'vV'- ( jeL~~qùe-iCExpliëite ou l}-on:;rarelatiOïiêlepersonne est
tiques précises, fondées sur de larges dépouillements de
(tu 1 presente partout. De ce falt,,I~ ~e p~rsonne » n'a p~ l.a
«

À même valeur que dans le reclt histonque. Dans ~elUI-CI,


textes de toute sorte, livres et journaux, et comparant l'usage
\, "1
de l'aoriste il y a cinquante ans à celui d'aujourd'hui, pour
à aucune autre, elle est au vrai une absence aepëFSbnne~ établir à tous les yeux que ce temps verbal demeure aussi

-
MâisdâîiS lëdiscourSüiÏlocuteur oppose une non-p-ersonne nécessaire qu'il l'était, dans les conditions strictes de
il à l1Jl.(Lp.ers.~De même le registre des temps sa fonction linguistique. Parmi les textes qui serviraient
Vërbaux est bien plus large dans le discours : en fait tous de témoins, on devrait inclure aussi les traductions, qui
'>\\ S \.t"Qle ') narrateur n'intervenant pas, 1!..~Qersonne ne s oppose nous renseignent sur les équivalences spontanées qu'un
1. C'est le cas ci-dessus, p. 241, n. I. auteur trouve pour faire passer un récit écrit en une autre
~ Nous parlons toujours des temps du « récit historique» pour
la perspective que nous traçons ici, l'aoriste est un « temps narratif », 1. C'est le titre d'un article de Meillet, publié en 1909, qui a été
mais le parfait peut aussi en être un, ce qui obscurcirait la distinction recueilli dans Linguistique historique et linguistique générale, I,
1 essentielle entre« temps
é\>1ierle terme les deux plans d'énonciation.
narratifs» qui a créé tant de confusion. Dans p. 149 sq.
244 Problèmes de linguistique générale L' homme dans la langue 245

langue dans le système temporel qui convient au français 1. il arriva, ils arrivèrent se présenteront à chaque instant sous
Inversement la statistique ferait ressortir la rareté des la plume de l'historien, et n'ont pas de substituts possibles.
récits historiques rédigés entièrement au parfait, et mon- Les deux plans d'énonciation se délimitent donc en
trerait combien le parfait est peu apte à convoyer la relation traitS-positifs- etnégatifâ': -- - _. --- ---- .. fi g , ~
objective des événements. Chacun peut le vérifier dans
1 de 3e personne) : l'aoriste, l'imparfait, le plus-que-parfait
et le prospectif; sont exclus: le présent, le parfait, le futur
est-entièrement
(t.elle au p'arfaii'2jJI
œuvre contempo.raine serait
où la intéressant d'analyser
nar(aÛO.no-de-.partLpris,
1

les effets de style qu~ naissent de ce contraste entre le ton (simple et composé);
du récit, qui se veut objectif, et l'expression employée, le - dans l'énonciation de discours, sont admis tous les temps
parfait à la Ire personne, forme autobiographique par excel- - danslesl'énonciation
à toutes historique,
formes; est exclu l'aoristesont(simple
admiset(en formes)
composéh \
lence. Le arfait établit un lien vivant entre l'événement Les exclusions sont aussi irilportantës que lés'temps admis.
Pour l'historien, le présent 1, le parfait et le futur sont exclus
,assé et
temps de ece~resen ou sonles fa.ts
UI qUI relate voca en
Iontémoin,
trouve en
place. C'est le
participant;] parce que la dimension du présent est incompatible avec
c'est doiiëaüSsi le temps que cooisira qiiiconqueVéut Imre l'intention historique : le présent serait nécessairement alors
retentir jusqu'à nous l'événement rapporté et le rattacher le présent de l'historien, mais l'historien ne peut s'historiser
à notre présent. Comme le présent, le parfait appartient
comme tel dans l'expression temporelle, doit avoir cessé d'être
au système linguistique du discours, car le re:eère tempo~l sans démentir
présent, il doit son dessein. plus
ne pouvoir Un être
événement, pour être
énoncé comme POSé]
présent.
de l'aoriste est le moment de l'éVéiiëment. Pour la même raison le futur est exclu; il n'est qu'un présent
1) \ d!!-p.ar(!!iLestle-1P.lLrm:p.t
-En outre, ilïië'"fiii'i'âtmt dupasdiscours, â1ôÏS Qüële repere
traiter de -l'aoriste comme projeté vers l'avenir, il implique prescription, obligation,
d'une unité globale dans son paradigme entier. Ici encore certitude, qui sont modalités subjectives, non catégories
la frontière passe à l'intérieur du paradigme et sépare les historiques. Quand, dans le récit des événements et par le jeu
deux plans d'énonciation dans le choix des formes person-
nelles. Le discours exclura l'aoriste, mais le récit histo- s'accuser une fatalité, l'historien use du temps que nous
rique, qui l'emploie constamment, n'en retiendra que les appelons le prospectif
de l'enchaînement (<< il allait partir,
historique il devait tomber
surgit une imminence
« »).
ou dOit)
formes de 38 personne 3. La conséquence est que nous Dans le discours, au contraire, l'exclusion est limitée à
arrivâmes et surtout vous arrivâtes ne se rencontrent ni l'aoriste, temps historique par excellence. Introduit dans le
dans le récit historique, parce que formes personnelles, discours, l'aoriste paraîtra pédant, livresque. Pour énoncer
ni dans le discours, parce que formes d'aoriste. En revanche des faits passés, le discours emploie le parfait, qui est à la fois
l'équivalent fonctionnel de l'aoriste, donc un temps, et aussi
1. Pour citer deux exemples de traductions récentes, le traducteur autre chose qu'un temps.
de la nouvelle d'Ernest Hemingway intitulée La Grande Rivière au
cœur double (dans le recueil The Fifth Column and the Forty-nine
, First Stones, en français Paradis perdu, Paris, 1949) a employé
continfunent l'aoriste au long de quarante pages (avec l'imparfait Nous voici arrivé, traitant du parfait, devant un autre
et le plus-que-parfait). Sauf deux ou trois phrases de monologue grand problème, de structure formelle autant que d'emploi :
intérieur, le récit entier est, en français, installé dans cette relation
temporelle, parce qu'aucune autre n'est possible. - De même la q~elle est la relation en~eIIlPs..si~p~ et teI,Dp~~omposés ?
version française de Heyerdahl, L'Expédition du Kon-Ti/d, présente ICI encore les paradig-mes ae la conjugaison n enseignent pas
exclusivement à l'aoriste, en chapitres entiers, la plus grande partie le principe de la distribution, puisque, on l'a vu, la distinction
du récit. que nous faisons entre deux plans d'énonciation traverse la
2. C'est le cas de L'Étranger d'Albert Camus. L'emploi exclusif distinction entre temps simples et temps composés. Nous

idUII avec pénétrstion, mais à un autre point de vue, par M. Jean-Paul


Sartre, Situations
parfait
3.
dans ce I,récit
p. 117-118.
comme temps des événements a été commenté
faudrait nuancer cette affirmation. Le romancier emploie
avons constaté ce fait singulier que le plus-que-parfait est
commun au discours et à l'histoire, tandis que le parfait
encore sans effort l'aoriste aux Ires personnes du singulier et du
1. Nous ne parlons pas ici, bien entendu, du « présent historique D

Meaulnes en trouvera à chaque


pluriel. Ond'Alain-Fournier. Mais ilpage d'unautrement
en va récit comme Le Grand
de l'historien. des grammaires, qui n'est qu'un artifice de style.

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