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1.
Le
Veda,
c'est-‐à-‐dire
"le
savoir",
forme
ce
que
nous
nommons
"le
corpus
des
textes
sacrés
de
la
religion
indienne
la
plus
anciennement
connue"1.
Le
point
commun
de
tous
ces
"textes"
est
leur
caractère
révélé,
cette
révélation
prenant
la
forme
de
la
transformation
de
ce
qu'ont
"vu"
des
voyants
(®Òi)
en
expressions
sonores
audibles
et
reproductibles
par
des
oreilles
et
des
bouches
humaines2
si
bien
que
l'ensemble
prend
génériquement
le
nom
de
"audition"
(‡ruti).
Joignons
au
Veda
les
"textes"
(non
révélés)
des
disciplines
développées
pour
le
mettre
en
oeuvre
et
le
protéger,
ceux
que
tardivement
on
a
nommés
des
a©ga
"membres"
du
Veda
;
le
mot
a©ga
(et
les
commentaires
qui
lui
sont
associés)
montre
qu'il
y
avait
malgré
des
différences
de
forme
et
de
portée
évidentes
le
sentiment
que
l'ensemble
formait
le
corps
vivant
du
Veda,
un
corpus
uni.
De
ce
corpus
oral
(même
si
les
manuscrits
puis
les
livres
imprimés
sont
venus
épauler
la
mémoire3)
ainsi
défini
par
ses
utilisateurs
mêmes,
nous
ne
connaissons
aujourd'hui
qu'une
partie
car
beaucoup
a
été
perdu
et
ce
qui
subsiste
a
subi
l'usure
du
temps.
Mais
sans
doute
l'essentiel,
c'est-‐à-‐dire
le
plus
important
aux
yeux
de
ses
utilisateurs,
est
encore
disponible
aujourd'hui
grâce
au
prodigieux
effort
des
brahmanes
chargés
depuis
l'Antiquité
indienne
de
son
apprentissage
et
de
sa
transmission.
Aujourd'hui,
loin
d'avoir
disparue,
cette
parole
védique
est
mise
en
actes
sous
forme
de
divers
types
de
récitation
traditionnelle
et
elle
est
réalisée
dans
les
rituels
domestiques
;
exceptionnellement
et
dans
des
conditions
débattues,
des
1
L'expression
vaut
par
commodité
pour
ce
qu'elle
désigne
et
non
pour
ce
qu'elle
signifie,
chacun
des
termes
pouvant
être
critiqué
et
devant
être
de
toute
façon
précisé.
Il
est
préférable,
comme
le
notent
BIARDEAU-‐MALAMOUD
1976
:
8,
de
"constituer
cet
ensemble
mythico-‐rituel"
plutôt
que
de
se
référer
à
une
religion
védique
dont
la
nature
est
hypothétique
et
trop
dépendante
des
idées
au
goût
du
jour
:
la
première
expression
renvoie
à
un
acte
et
à
sa
théorie
tandis
que
la
seconde
évoque
(avec
bien
des
difficultés)
une
pensée
reconstituée.
2
Dans
le
Veda
lui-‐même,
on
constate
que
les
hommes
sont
loin
d'avoir
le
monopole
du
Veda
;
mais
qu'entendent
les
Deva
et
comment
le
disent-‐ils?
3
Si
les
textes
védiques
sont
antérieurs
pour
une
bonne
partie
à
l'écriture
(il
n'y
a
pas
de
mots
ou
de
racines
pour
"écrire"
ou
pour
"lire"
dans
le
Veda),
ils
sont
surtout
restés
extérieurs
à
l'écriture,
la
seule
transmission
légitime
étant
orale.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
2
brahmanes
réalisent
les
grands
rituels
solennels4.
C'est
ainsi
qu'un
agnicayana
fut
réalisé
dans
le
Kerala
en
collaboration
avec
une
équipe
de
chercheurs
emmenée
par
F.
Staal5.
2.
On
devine
que,
avec
le
temps,
le
souci
de
la
littéralité
a
pu,
a
dû
s'accompagner
et
s'accommoder
de
la
disparition
de
minéraux,
des
plantes,
d'animaux,
de
l'oubli
de
leur
détermination
précise,
etc.
Ajoutons
l'évolution
des
mentalités,
par
exemple
le
fait
que
le
végétarisme
qui
aujourd'hui
caractérise
les
brahmanes
orthodoxes
(et
pas
seulement
eux)
n'avait
pas
dans
l'Inde
ancienne
la
même
valeur,
n'était
pas
pratiqué
par
les
mêmes
individus,
si
même
il
l'était!
On
conçoit
que
le
poids
des
réalités,
l'évolution
des
mentalités,
l'émergence
de
nouveaux
courants
de
pensée,
de
nouvelles
techniques,
etc.
a
pu
entraîner
un
décalage
entre
les
mots
et
les
choses.
Il
a
fallu
par
nécessité,
sous
la
pression
de
l'usage
substituer
ceci
à
cela,
composer
avec
le
réel,
pour
ce
genre
de
raisons
contingentes.
Dans
le
domaine
sacrificiel,
l'ouvrage
important
de
G.U.
Thite
(1975)
décrit
un
ensemble
de
faits
qui
s'inscrivent
dans
une
stratégie
permettant
d'éviter
la
mort
réelle
(quand
cette
mise
à
mort
a-‐t-‐elle
été
sentie
comme
un
meurtre?)
au
profit
de
la
mise
à
mort
symbolique
d'effigies.
La
substitution
est
alors
un
des
moyens
d'adoucir,
de
civiliser
le
sacrifice
et
les
officiants
de
l'agnicayana
orchestré
par
F.
Staal
se
font
l'écho
de
discussions
contemporaines
à
ce
sujet6.
Par
ailleurs,
la
conception
d'un
Veda
éternel
et
immuable
et
la
volonté
affirmée
de
littéralité
ont
fait
que,
faute
de
pouvoir
changer
l'ordre
des
mots,
il
a
fallu
changer
la
charge
sémantique
de
ces
mots,
pratiquer
ce
qu'on
nomme
la
dérivation
sémantique.
La
constante
relecture
des
textes
anciens
leur
a
permis
ainsi
d'être
toujours
actuels
tirés
qu'ils
étaient
vers
de
nouveaux
présents.
Transformation,
modification,
substitution,
etc.
sont
la
sanction
de
cette
adaptation7.
Le
fait
ne
se
limite
pas
aux
textes
védiques
;
il
suffit
de
constater
qu'un
texte
médical
ancien
comme
la
Caraka-‐Saµhitæ
s'est
maintenu
dans
toutes
les
parties
du
sub-‐continent
indien
(et
même
au-‐delà)
dans
des
conditions
climatiques,
zoologiques,
botaniques,
écologiques
pourtant
bien
différentes
:
là
aussi
il
a
bien
fallu
adapter
le
texte
aux
réalités
du
lieu
et
du
moment.
Convenons
donc
d'appeler
ce
phénomène
continu
d'adaptation
aux
réalités
de
"transformation
contigente".
3.
Le
Veda
éternel
a
donc
subi
les
assauts
du
temps
et
les
hommes
l'ont
adapté,
détourné
(jusqu'à
l'oublier).
A
côté
de
l'adaptation
subie
par
le
Veda,
il
y
a
celle
que
les
textes
védiques
décrivent
eux-‐mêmes
comme
un
mécanisme
volontaire,
réfléchi
et
systématique.
Ce
caractère
réfléchi
se
constate
dans
les
nombreuses
situations
où
le
4
Elle
se
perpétue
à
l'intérieur
de
l'hindouisme.
J.
GONDA
dans
Change
and
Continuity
in
Indian
Religion,
pp.
314-‐362
a
montré
quelle
descendance
les
dÚkÒæ
védiques
ont
eu
dans
les
rituels
hindous
et
sectaires.
5
STAAL,
F.
et
al.,
1983
:
Agni,
The
Vedic
Ritual
of
the
Fire
Altar,
2
vol.,
Berkeley,
Asian
Humanities
Press.
6
Ces
dernières
années,
des
"sacrifices
solennels
védiques"
ont
été
réalisés
dans
des
conditions
douteuses
(dans
un
stade
avec
entrée
payante
par
exemple).
Ils
ont
suscité
des
discussions
très
vives
entre
tenants
d'une
compromission
avec
les
moeurs
et
la
sensibilité
d'aujourd'hui
et
tenants
d'une
fidélité
aux
pratiques
anciennes.
De
ce
que
nous
connaissons,
la
ligne
de
partage
n'est
pourtant
pas
claire
et
les
"traditionnalistes"
ne
sont
parfois
pas
moins
infidèles
aux
textes
qu'ils
se
proposent
de
protéger.
7
Dans
l'ordre
des
textes,
on
peut
prendre
comme
exemple
ce
qu'aujourd'hui
on
nomme
‡rÚsºkta.
Dans
le
svædhyæya,
traditionnellement
on
récite
avant
le
texte
lui-‐même
ses
caractéristiques
formelles
(son
nom,
le
nombre
de
®c,
le
ou
les
®Òi,
la
ou
les
devatæ
et
les
différents
chandas).
Ainsi
récite-‐
t-‐on
Hira◊yavar◊æm
iti
pa~cada‡arcasya
sºktasya
“
ce
sºkta
de
quinze
strophes
qui
commence
par
‘Hira◊yavar◊æm'”
;
cela
n'empêche
nullement
de
réciter
ensuite
un
hymne
qui
comprend
aujourd'hui
vingt-‐sept
strophes.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
3
mécanisme
est
décrit,
analysé
et
justifié.
Par
ailleurs,
il
occupe
parfois
une
place
tout
à
fait
centrale
dans
les
spéculations
et
opérations
sans
pour
autant
faire
l'objet
d'un
discours
sur
la
transformation
et
la
substitution.
Convenons
de
nommer
ceci
"transformation
volontaire".
Entre
les
transformations
contingente
et
volontaire,
la
différence
n'est
pas
toujours
évidente
:
il
y
a
des
moments
où
semble-‐t-‐il
on
choisit
de
substituer
ce
que
de
toute
façon
le
poids
de
la
nécessité
aurait
rendu
inévitable
et
on
peut
penser
que
ce
que
le
Veda
décrit
est
justement
la
sanction
textuelle
des
assauts
qu'il
subissait
déjà
à
l'époque
où
il
a
été
constitué.
Dans
cet
article,
nous
voudrions
mettre
en
parallèle
un
aspect
particulier
de
cette
adaptation
volontaire,
à
savoir
la
substitution,
et
la
comparer
avec
des
mécanismes
apparentés
que
l'on
observe
dans
des
théories
linguistiques,
le
nirukta
et
surtout
le
vyækara◊a.
4.
Si
l'on
cherche
un
sujet
à
l'ensemble
des
textes
qui
génériquement
portent
le
nom
de
Veda,
nous
dirons
que
c'est
le
yaj~a8.
La
MÚmæµsæ,
le
traité
d'exégèse
du
Veda,
décrit
théoriquement
ce
yaj~a
comme
un
ensemble
d'actes
qui
mettent
en
relation
(saµbandha)
trois
éléments
a)
le
sacrifiant
(yajamæna)
b)
l'offrande
(dravya,
litt.
"substance"
laquelle
peut
être
un
pa‡u
“animal
sacrificiel
”
ou
des
offrandes
végétales
alimentaires)
et
c)
la
devatæ.
En
pratique,
les
grands
rituels
solennels,
les
seuls
sur
lesquels
spécule
le
Veda
(sans
les
décrire
lui-‐même),
ont
principalement
la
forme
de
la
longue
préparation
d'un
repas
communiel
entre
les
divers
participants,
repas
où
sont
consommés
ce
qui
reste
des
offrandes
végétales
et
animales
faites
aux
deva.
A
tous
les
niveaux
de
yaj~a,
on
voit
que
le
mécanisme
de
substitution
est
premier
parce
qu'on
rappelle
sous
des
formes
diverses
que
la
vraie
victime
du
sacrifice
est
le
puruÒa,
le
yajamæna
c'est-‐à-‐dire
le
sacrifiant,
celui
qui,
payant
tous
les
frais,
en
goûtera
les
fruits.
Si
l'homme
est
le
premier
des
animaux
c'est
qu'en
même
temps
il
est
la
première
des
victimes
(pa‡u
a
ce
double
sens
bien
relevé
dans
Minard
1949
:
71)
selon
la
formule
corroborée
par
de
nombreux
textes
pu≠ruÒo
hi
prathama≠Ì
pa‡ºnÂm
(ΩB
6.2.1.18)
;
c'est
à
ce
titre
qu'il
règne
sur
les
animaux
et
qu'il
peut
les
prendre
comme
substituts.
Dès
lors,
sauf
à
se
suicider
(cf.
Lévi
1966
:133),
l'offrande-‐victime
est
nécessairement
un
substitut
du
sacrifiant.
C'est
la
raison
pour
laquelle
la
substitution
est
au
coeur
du
mécanisme
du
yaj~a.
5.
Les
spéculations
sur
le
yaj~a
sont
principalement
le
fait
des
Bræhma◊a
c'est-‐à-‐dire
des
grands
traités
du
sacrifice
ainsi
que
des
traités
plus
techniques,
les
Ωrauta-‐Ωruta.
Ils
présentent
le
sacrifice
comme
une
entité
vivante
toute
puissante
que
les
dieux
et
les
hommes
utilisent
à
certains
égards
autant
qu'ils
sont
utilisés
par
lui.
Ces
textes9,
les
traités
spéculatifs
sur
le
yaj~a,
et
plus
rarement
les
Saµhitæ
(c'est-‐à-‐dire
l'ensemble
des
8
Le
Veda
est
souvent
divisé
en
deux
sections,
l'une
est
la
section
des
actes
(karmakæ◊∂a)
;
l'autre
dédié
à
la
connaissance
de
l'être
en
soi
est
le
j~ænakæ◊∂a
"section
de
la
connaissance"
comprend
principalement
les
UpaniÒad.
La
division
UpaniÒad/reste
du
Veda
est
à
cet
égard
insuffisante
car
les
spéculations
"philosophiques"
ne
sont
pas
absentes
des
Saµhitæ
et
les
UpaniÒad
n'ignorent
pas
la
valeur
du
karman.
Ce
qui
est
frappant
est
la
disproportion
entre
les
deux
sections,
la
seconde
constituant
plutôt
un
appendice
de
la
première
et
n'occupant
qu'une
très
faible
partie
de
l'ensemble
tant
il
est
vrai
que
le
Veda
est
d'abord
le
Savoir
sur
l'acte
rituel
(celui
des
dieux
et
des
hommes)
avant
d'être
une
métaphysique.
Quand
il
y
a
spéculation,
notamment
dans
les
Bræhma◊a,
elle
ne
se
départit
pas
d'un
rapport
à
l'enracinement
dans
le
monde
très
éloigné
des
spéculations
du
yoga
et
du
vedænta,
etc.
9
Il
faut
insister
sur
leur
caractère
spéculatif.
F.
STAAL,
à
de
nombreuses
reprises,
a
insisté
sur
le
fait
qu'en
rien
ils
ne
sont
nécessaires
à
la
réalisation
du
yaj~a.
Faut-‐il
rappeler
qu'ils
n'en
restent
pas
moins
le
Veda.
La
Bible
demeure
la
Bible
même
si
le
rituel
de
la
Messe
lui
est
en
partie
étranger.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
4
paroles
récitées
pendant
le
yaj~a)
racontent
ou
plutôt
évoquent
le
sacrifice
primordial
dont
les
rites
divins
et
humains
ne
sont
qu'une
répétition
et
une
imitation.
La
manière
dont
le
monde
est
devenu
ce
monde,
grâce
à
la
conjugaison
de
Prajæpati,
des
deva
et
des
autres
entités,
la
manière
dont
ils
ont
trouvé
le
yaj~a
et
l'ont
utilisé
constitue
un
niveau
de
vérité
(de
nature
linguistique)
qui
est
ce
que
conventionnellement
nous
nommons
mythe.
Mais
ce
que
le
dieu
démiurge
pouvait
faire
sur
lui-‐même
en
se
déconstituant
pour
constituer
l'univers,
en
se
donnant10
aux
dieux,
les
dieux
et
les
hommes
issus
de
son
acte
de
création
ne
peuvent
pas
le
faire.
Déjà
dans
certains
récits
cosmogoniques,
le
yaj~a
est
présenté
comme
une
réplique,
une
contrepartie
de
Prajæpati11
nommée
pratimÂ
;
ce
mot
désigne
une
copie
de
l'original,
mais
d'un
original
inaccessible
ou
pour
le
moins
impossible.
On
ne
copie
pas
tant
l'original
qu'on
lui
donne
une
forme
sensible
parce
que
l'original
est
d'ordre
linguistique
(le
texte
du
Veda)
tandis
qu'on
réalise
les
substituts.
Dans
le
vocabulaire
courant,
certaines
copies
sont
réalisées
pour
que
l'on
ne
puisse
pas
reconnaître
l'original
;
ainsi,
dans
la
peinture,
un
faux
est
ce
qui
se
rapproche
si
bien
du
vrai
qu'il
peut
être
confondu.
Mais
dans
le
rite,
l'original
est
linguistique;
il
peut
être
récité
mais
ne
peut
être
copié
qu'au
prix
d'une
déformation
systématique
qui
est
sa
réalisation
;
ce
n'est
pas
l'original
qu'on
copie
dans
cette
réplique
et
on
n'essaye
pas
de
rapprocher
par
une
opération
quelconque
le
substitut
de
l'original.
La
déformation
est
précisément
réalisée
à
travers
l'opération
de
substitution.
6.
Dès
lors
parce
que
la
vérité
ne
peut
être
réalisée,
le
yaj~a
se
présente
comme
l'ensemble
des
stratagèmes
par
lesquels
le
sacrifiant
incapable
de
réaliser
la
vérité
s'offre
en
partie
en
sacrifice
et
offre
par
ailleurs
des
substituts
animaux
ou
végétaux.
Le
mécanisme
de
substitution
est
la
sanction
du
passage
de
la
vérité
à
la
réalité.
Elle
est
donc
inévitable
et
nécessaire.
Dès
lors
on
répète
inlassablement
le
fait
que
"le
sacrifice
c'est
l'homme".
Le
fait
que
le
yaj~a
constitue
le
modèle
de
l'action
humaine
dans
le
monde
entraîne
une
cascade
d'imitations
:
le
rite
est
une
imitation
du
mythe
avec
ce
qu'il
faut
de
substituts
pour
lui
donner
corps
;
ainsi
le
gâteau
sacrificiel
est
une
pratimÂ
“
réplique
”
de
l'animal
sacrificiel,
etc.12
et
dans
le
monde,
les
hommes
s'organisent
comme
dans
le
rite
car
le
Veda
est
la
source
du
dharma.
Mais
plus
on
s'éloigne
de
la
vérité
originelle,
plus
les
substituts
sont
nécessaires
pour
donner
corps
à
la
vérité.
EXEMPLES
DE
SUBSTITUTION
DANS
LES
MYTHES
ET
LES
RITES
7.
Prenons
quelques
exemples
pour
illustrer
ce
mécanisme
de
substitution
rendu
nécessaire
par
la
volonté
de
réaliser
ce
qui
en
vérité
semble
relever
du
seul
domaine
des
mots13.
On
sait
que
les
offrandes
animales
jointes
à
la
consommation
de
viande
font
10
Sa
yad
vratam
upaiti
yathaiva
ta≠t
prajæpatir
devebhya
ætmænaµ
præyacchad
evam
avaiÒa
etad
devebhya
ætmænaµ
prayacchati
“
quand
on
entreprend
le
rite,
tout
comme
Prajæpati
se
donna
aux
dieux,
on
se
donne
aux
dieux
”
(ΩB
XI.1.8.5).
11
Par
exemple
dans
ΩB
XI.1.8.3
sa≠
deve≠bhya
ætmÂnaµ
pradÂya
/
a≠thaita≠m
ætma≠naÌ
pratimÂm
as®jata
ya≠d
yaj~a≠m
“
quand
il
se
fut
donné
lui-‐même
aux
dieux,
il
émit
cette
réplique
de
lui-‐
même
qu'est
le
sacrifice
”
(trad.
MINARD
1949
:
129,
§
366).
12
Dans
le
ΩB,
lire
la
n.
3
p.
49
du
vol.
I
de
la
traduction
de
J.
EGGELING
où
l'auteur
donne
une
liste
d'exemples
et
conclut
"
in
accordance
with
these
notions
it
would
seem
that
man
originally
sacriced
his
equal,
as
the
best
substitute
for
his
own
self
;
and
that,
as
advancing
civilisation
rendered
human
sacrifices
distasteful,
the
human
victim
was
supplied
by
domestic
animals,
ennobled
by
constant
contact
with
man
;
and
finally
various
materiels
of
human
diet
".
Le
passage
cité
infra
§
7
se
situe
immédiatement
après
cette
affirmation
du
caractère
pratimÂ
du
gâteau
si
bien
que
l'on
peut
affirmer
que
le
puro∂æ‡a
est
une
pratimæ
de
la
victime
animale.
13
On
ne
pourra
jamais
que
supposer
et
imaginer
comment
les
auteurs
et
les
utilisateurs
des
hymnes
et
plus
généralement
de
l'ensemble
du
Veda
conçoivent
l'articulation
entre
les
mots
et
les
choses.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
5
problème
aux
brahmanes
d'aujourd'hui
mais
le
fait,
sinon
le
problème,
remonte
aux
textes
les
plus
anciens
dont
nous
disposons
et
des
pratiques
associées.
Ainsi
l'Aitareya-‐
Bræhma◊a
(2.8)
et
le
Ωatapatha-‐Bræhma◊a
(1.2.3.6-‐7)
racontent
avec
quelques
variantes
la
même
histoire
de
substitution
du
végétal
à
l'animal.
Suivons
le
récit
dans
la
version
du
ΩB
:
le
but,
peut-‐être
le
prétexte,
est
comme
souvent
de
justifier
un
nom
ou
une
formule
;
en
l'occurrence
il
s'agit
d'une
expression
associée
à
une
certaine
offrande
végétale
lors
des
cérémonies
de
préparation
de
l'autel
pour
le
Dar‡apºr◊amæsa
:
on
dit
que
cette
offrande
est
complète
au
point
d'affirmer
à
son
propos
p©ktaÌ
pa‡u≠Ì
"le
quintuple
sacrifice
animal
est
complet".
Pourquoi
parler
de
sacrifice
animal
alors
qu'il
s'agit
d'une
offrande
végétale?
On
remonte
alors
à
un
moment
principiel
(pas
nécessairement
de
nature
temporelle),
agre
"en
premier,
à
la
pointe",
le
moment
des
origines
c'est-‐à-‐dire
des
originaux
sans
substituts.
C'était
quand
les
dieux
utilisaient
le
pu≠ruÒa
comme
pa‡u≠
;
ce
sacrifice
de
pu≠ruÒa
rappelle
évidemment
que
le
PuruÒa
est
la
victime
originale
tandis
que
le
sacrifiant
(appelé
aussi
pu≠ruÒa)
en
est
le
substitut
dans
un
genre
de
texte
où
les
identifications
mystiques
sont
fréquentes
voire
systématiques14.
Le
medha≠,
l'essence
du
sacrifice,
passe
alors
de
l'une
à
l'autre
de
cinq
victimes
qui
sont
les
cinq
victimes
canoniques
du
pa‡ubandha
“sacrifice
animal
””;
la
liste
ainsi
constituée
comprend,
outre
l'homme,
l'étalon,
le
taureau,
le
bélier
et
le
bouc.
Dans
une
autre
version
du
même
récit
(ΩB
2.2.1.21),
ce
medha≠
s'attarde
dans
le
bouc
qui
est
pour
cette
raison
la
victime
usuelle,
le
substitut
normal.
La
justification
qui
est
donnée
(ΩB
6.2.2.15)
permet
de
comprendre
la
nature
du
substitut,
c'est-‐à-‐dire
ce
qui
fait
que
le
substitut
peut
jouer
ce
rôle
:
le
bouc
explique
le
texte
a
“
l'aspect
extérieur
de
tous
les
animaux
sacrificiels
”
:
de
l'homme
il
a
l'absence
de
cornes
et
la
barbe,
du
cheval
l'absence
de
cornes
et
la
crinière,
du
boeuf
il
a
les
huit
sabots
et
du
bélier
il
a
les
sabots15.
8.
C'est
donc
le
principe
de
ressemblance
qui,
du
moins
ici,
dicte
le
mécanisme
de
la
substitution
:
tout
en
étant
différent,
le
bouc
participe
de
l'original.
Il
est
l'analogue
par
excellence
et
cette
question
de
l'analogie
et
de
la
ressemblance
court
en
filigrane
dans
de
nombreux
récits
similaires
(et
au-‐delà
de
la
sphère
strictement
sacrificielle
et
rituelle).
Ce
principe
de
ressemblance,
de
conformité
joue
à
plein
pour
transférer
quelque
chose,
ou
associer
deux
éléments
dans
un
même
mouvement
:
ainsi
ya≠jamænaÓ
svagækaro≠ti
pa≠tim
vÂ'a≠nu
jæyÂ
ta≠d
evÅsyÂpi
pa≠tnÚ
svagÂk®tæ
bhavati
"il
bénit
le
sacrifiant,
comme
l'épouse
est
à
l'image
du
mari,
sa
femme
se
trouve
Comment
comprendre
la
BÆU
affirmant
a‡vasya
medhyasya
dyauÌ
p®Ò†ham
“
du
cheval
du
sacrifice,
le
ciel
est
le
dos”?
(trad.
SENART)
;
on
est
tenté
d'introduire
une
manière
de
comparaison
comme
on
le
fait
dans
un
composé
tel
puruÒavyæghra
où
la
qualité
commune
et
la
particule
de
comparaison
ne
sont
pas
exprimées.
Quand
on
énonce
le
composé,
conformément
à
ce
que
dit
Pæ◊ini
(Upamitaµ°
2.1.56),
on
comprend
qu'il
s'agit
d'une
comparaison.
Mais
dans
la
BÆU,
s'agit-‐il
d'un
trope
et
de
quelle
nature
ou
bien
peut-‐on,
doit-‐on
prendre
cette
affirmation
au
pied
de
la
lettre?
14
On
dit
à
répétition,
notamment
dans
le
ΩB,
que
la
victime
sacrificielle
est
l'homme;
cette
affirmation
est
de
nature
linguistique
et
ne
signifie
pas
nécéssairement
que
l'homme
soit
tué
par
l'homme
pendant
le
sacrifice;
ce
que
les
textes
disent
c'est
qu'il
est
la
victime
vraie
du
sacrifice
auquel
il
participe.
15
Un
passage
du
Yajur-‐Veda
noir
(TS
V.5.1.1-‐2)
procède
à
une
explication
similaire
bien
que
différente
dans
les
détails;
le
bouc
possède
bien
sa≠rvæ◊i
rºpÂ◊i
pa‡ºnÂm
“
tous
les
signes
des
victimes
sacrificielles
”;
de
plus
cette
description
du
bouc
lequel
résume
à
lui
seul
tous
les
pa‡u
(y
compris
le
bouc
lui-‐même
qui
a
dit
le
texte
les
signes
de
son
caractère
de
bouc)
s'inscrit
explicitement
dans
un
contexte
d'anurºpatva≠
“
conformité
”
(traduction
sans
doute
préférable
à
"ressemblance"
de
KEITH)
;
c'est
un
des
termes
qui,
comme
dans
le
ΩB,
désignent
l'homologie.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
6
bénie
du
même
coup"16.
Reprenons
le
fil
du
récit
:
une
fois
dans
le
bélier,
le
medha≠,
l'essence
du
sacrifice,
s'enfuit
à
nouveau
pour
se
réfugier
dans
un
lieu
singulièrement
différent
de
tous
les
précédents
:
la
terre
(p®thivÚ)
d'où
il
renaît
sous
forme
de
deux
végétaux,
le
riz
et
l'orge
(vrÚhiyavau)17.
Jusque-‐là,
la
résidence
du
medha≠
était
un
animal
et
celui-‐ci
était
mâle
;
le
masculin
est
finalement
conservé
malgré
la
transition
féminine
de
la
terre
mais
alors
que
le
medha≠
est
concentré
dans
l'animal,
dans
les
végétaux,
il
subsiste
maintenant
à
l'état
dispersé.
Le
point
d'arrivée
est
l'affirmation
d'une
efficacité
(vÚrya…)
des
végétaux
comparable
à
celle
des
pa‡u
"
pour
celui
qui
sait
ainsi
"
et
ce
vÚrya
autrement
localisé
mais
intact
vaut
à
cette
oblation
végétale
l'épithète
p©ktaÌ
pa‡u≠Ì.
9.
Cette
justification
du
sacrifice
végétal
substitut
des
originaux
de
nature
animale
ne
disqualifie
pas
pour
autant
les
victimes
animales18.
On
est
ici
dans
un
cas
de
figure
où
seul
l'original
qui
est
en
même
temps
originel
est
impossible
en
réalité
(encore
que
le
texte
ne
le
dise
pas
ouvertement)
mais
où
plusieurs
substituts
demeurent
successivement
(mais
non
simultanément
semble-‐t-‐il)
possibles
par
ailleurs,
bien
que
de
dignité
différente.
Par
la
suite,
le
statut
du
puruÒa
offert
(lequel
est
le
premier
substitut)
demeure
incertain
puisque
le
texte
affirme
que
sa≠
kiµpuruÒo'≠bhavat
“
il
devint
un
kiµpuruÒa
”,
expression
difficile
parce
que
le
sens
de
ce
devenir
n'est
pas
clair
et
que
la
nature
du
kiµpuruÒa
embarrasse
les
auteurs
(mockman
selon
Eggeling,
mais
les
dictionnaires
proposent
aussi
nain,
singe,
etc.).
Si
l'on
récapitule
en
comparant
substituts
et
original,
on
constate
que
le
medha≠
n'est
plus
immédiatement
accessible
dans
les
substituts
comme
il
pouvait
l'être
dans
les
animaux
;
il
faut
creuser
(KHAN-‐)
la
terre
pour
que
le
riz
et
l'orge
poussent
chargés
de
ce
medha≠
:
il
est
obtenu
dans
le
dernier
substitut
au
prix
d'un
effort
des
dieux,
et
à
leur
suite
d'un
effort
des
hommes.
Cette
médiation
que
l'on
constate
chez
les
substituts
les
caractérise:
le
substitut
est
un
lieu
où
l'original
s'est
caché
et
où
il
n'est
plus
immédiatement
disponible.
Par
ailleurs,
alors
que
dans
les
sacrifices
animaux
seul
les
abris
du
medha≠
changeaient,
quand
il
s'enfouit
dans
la
terre
pour
ressurgir
dans
certains
végétaux,
ce
medha≠
change
lui-‐
même
puisqu'il
est
dispersé
dans
ces
céréales
cultivées
tandis
qu'il
était
concentré
dans
l'animal.
Il
est
possible
d'y
voir
là
l'influence
de
la
terre
(dont
les
noms
védiques
sont
tous
féminins)
puisque
le
féminin
dans
ces
traités
du
sacrifice
est
souvent
un
signe
de
16
C'est
la
traduction
de
A.
MINARD
(1949
:
70)
rectifiant,
à
juste
titre
nous
semble-‐t-‐il,
celle
de
J.
Eggeling
en
faisant
de
a≠nu
une
particule
marquant
l'homologie
mystique.
17
L'orge
a,
notamment
dans
les
textes
védiques,
une
importance
particulière
parmi
tous
les
végétaux.
Elle
est
dans
le
ΩB
la
plante
nourricière
par
excellence,
le
mangé
par
opposition
aux
mangeurs,
la
plante
la
plus
fidèle
(en
fonction
du
mythe
raconté
dans
ΩB
III.6.1.8)
;
c'est
chez
les
plantes,
l'équivalent
de
l'udumbara
parmi
les
arbres
et
du
bouc
parmi
les
animaux.
C'est
à
ce
niveau
statutaire
qu'on
peut
reconnaître
une
"ressemblance"
entre
tous
ces
différents
substituts.
Son
nom
donne
lieu
à
différentes
étymologies
mystiques
dont
la
plus
fréquente
fait
de
ya≠va
un
dérivé
de
la
racine
YU-‐
"repousser
(l'ennemi)".
Cf.
ΩB
XIII.6.1.9
et
MINARD
1956
§§
866-‐867,
RENOU
ÉVP
I
:
79.
18
C'est
une
des
raisons
qui
nous
font
douter
des
interprétations
qui
présentent
la
substitution
comme
un
stratagème
pour
éviter
de
verser
le
sang,
de
faire
violence.
C'est
ce
qu'affirmait
S.
LEVI
(1966
:
137).
Quand
on
offre
un
gâteau
de
riz
comme
substitut
du
bouc
ou
de
toute
autre
victime,
cela
n'exclut
pas
que
ce
bouc
puisse
être
immolé
à
un
autre
moment
du
même
sacrifice.
Cela
nous
semble
être
précisément
le
contraire
:
le
medha≠
court
partout
dans
le
monde
des
substituts
du
puruÒa
et
de
Prajæpati
et
partout
il
doit
être
sacrifié
comme
substitut.
Comme
le
dit
le
TB
III.2.8.8
pa‡o≠r
va≤
pratimÂ
puro∂‡aÌ
“
le
puro∂æ‡a
est
une
réplique
de
la
victime
animale
”
et
toutes
les
pratimÂ
ne
se
cantonnent
pas
dans
le
domaine
animal;
de
toute
façon,
elles
doivent
être
sacrifiées.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
7
pluralité.
De
toute
façon,
l'effort
des
hommes
contrarie
la
trop
grande
dispersion
du
medha≠.
Ici,
on
constate
que
l'accroissement
du
décalage
entre
l'original
et
le
ou
les
substituts
s'accompagne
d'un
surcroît
d'action.
Ce
fait
s'observe
par
ailleurs
dans
le
rituel
et
la
linguistique.
C'est
un
fait
d'importance
:
quelle
que
soit
la
nature
du
karman
"action",
ici
le
fait
de
creuser
la
terre,
elle
est
souvent
le
signe
d'un
manque
de
ressemblance
entre
original
et
substitut.
Dans
le
cas
présent,
l'action
ne
permet
pas
de
rapprocher
original
et
substituts,
mais
de
trouver
les
substituts
:
sans
elle,
le
medha≠
demeurerait
caché,
enfoui
et
dispersé
dans
la
terre.
10.
Notons
aussi
l'unicité
de
l'original,
à
côté
de
la
pluralité
des
substituts
et
finalement
de
substituts
pluriels,
les
céréales.
Autre
fait
important
:
l'original,
au
moins
dans
le
texte,
n'est
pas
une
victime
de
réalité19.
D'ailleurs
si
le
jeu
des
substitutions
est
clairement
énoncé,
l'original
lui-‐même
n'est
pas
nettement
défini
;
on
a
l'impression
que
tous
ces
animaux
et
végétaux
sont
des
substituts
de
substitut.
Cela
aussi
se
retrouve
souvent
dans
diverses
disciplines
anciennes
où
cette
procédure
de
substitution
est
utilisée
:
l'original
parvient
difficilement
au
seuil
de
la
réalité
car
il
est
trop
vrai,
trop
précieux,
trop
irréel.
Ce
que
les
®Òi
ont
vu
et
dont
d'une
certaine
manière
les
hommes
se
souviennent
en
célébrant
le
sacrifice,
constitue
moins
un
acte
fondateur
que
les
hommes
répètent
qu'une
source
de
mémoire
:
l'acte
d'aujourd'hui
est
une
mise
en
scène
circonstanciée
de
l'original,
voire
une
invention.
D'ailleurs
la
forte
séquence
du
rituel
humain
n'est
pas
le
simple
décalque
de
la
séquence
mythique
laquelle
n'est
pas
décrite
dans
le
Veda
lui-‐même
:
le
sacrifice
des
dieux
n'est
pas
un
acte
dont
les
hommes
disposent
complètement
et
parfaitement
;
il
comprend
des
substituts
dès
une
origine
qui
n'est
pas
exactement
un
début
;
sa
mise
au
point
telle
que
la
racontent
des
mythes
partiels
a
été
laborieuse,
a
compris
des
ratages,
des
oublis
qu'il
a
fallu
combler
;
devæ
vai
nænæ
yaj~æn
apa‡yan
“
Les
dieux
ont
conquis
les
sacrifices
un
à
un
”20,
souvent
incomplètement
si
bien
que
le
rituel
n'est
nécessairement
qu'en
partie
la
réplique
de
celui
des
origines.
Ce
décalage
est
structurel
:
dans
le
cas
présent,
l'offrande
végétale
qui
a
les
vertus
du
sacrifice
animal
n'est
pas
faite
en
raison
d'une
quelconque
impossibilité
liée
à
l'irréalité
de
l'original
ou
des
premiers
substituts
:
qu'est-‐ce
qui
empêche
le
sacrifice
animal?
;
mais
la
réalité
du
rite
a
toujours
tendance
à
être
en
décalage
avec
la
vérité
textuelle
et
à
s'en
éloigner.
Aussi,
comme
parfois
l'original
a
tendance
à
ne
pas
exister,
à
n'être
sans
doute
qu'un
fait
de
langue,
le
mécanisme
de
substitution
n'est
pas
un
simple
remplacement
et
peut
être
interprété
diversement.
Souvent
même,
si
l'on
ne
répète
pas
l'original
c'est
qu'on
ne
peut
plus
le
faire
car
avec
le
temps,
les
choses
ont
19
L'idée
que
l'homme
n'est
pas
une
victime
de
réalité
est
corroborée
indirectement
dans
l'histoire
de
Ωunȧepa
où
attaché
au
poteau
sacrificiel,
celui-‐ci
dit
amænuÒam
iva
vai
mæ
vi‡asiÒyanti
“
ils
vont
me
tuer
comme
si
j'étais
un
non-‐humain
”
(AitB.
7.16).
Question
débattue;
ainsi
W.
KIRFEL
dans
"Der
A‡vamedha
und
der
PuruÒamedha",
in
Kleine
Ωchriften,
1976
:
79-‐190,
considère
que
le
sacrifice
fondamental
était
dans
les
temps
prévédiques
le
sacrifice
humain
mais
il
s'interroge
justement
sur
son
caractère
imaginaire
;
en
dernier,
B.
OGUIBENINE
"
De
la
rhétorique
de
la
violence
"
dans
Violences
et
non-‐violences
en
Inde;
1994.
La
majorité
des
auteurs,
dont
le
dernier
cité,
admettent
non
sans
nuances
les
substituts
comme
les
jalons
d'une
stratégie
visant
à
éviter
des
actes
qui
sont
ou
sont
devenus
moralement
condamnables
ou
qui
choquent
la
sensibilité.
Si
nous
proposons
ici
une
autre
interprétation
de
la
substitution,
ce
n'est
pas
sans
considérer
que
plusieurs
motivations
aient
pu
voir
le
jour
avec
le
temps
et
soient
également
acceptables.
20
Maitr.
1.11.5.
Même
idée
exprimée
dans
TB
1.3.2.1.
Elle
est
corroborée
dans
la
structure
même
des
récits
recueillis
dans
les
Bræhma◊a
:
à
part
quelques
exceptions
(telle
celle
du
récit
de
Ωunȧepa),
les
récits
sont
généralement
courts,
partiels
et
couvrent
souvent
tout
au
plus
un
aspect
d'un
épisode
du
rite.
Rien
à
voir
avec
les
récits
amples
et
circonstanciés
que
l'on
observe
dans
les
Puræ◊a
et
les
épopées.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
8
changé
;
autrefois
les
dieux
prenaient
part
personnellement
et
directement
au
rituel
des
hommes
car
ubhaye
ha
væ
idam
agre
sahæsur
devæ‡
ca
manu‡yæ‡
ca
“
jadis,
les
dieux
et
les
hommes
vivaient
ensemble
dans
le
monde
”
(ΩB
2.3.4.4).
Tel
rite
a
été
abandonné21,
l'agni
dont
nous
usons
à
présent
est
le
quatrième,
les
trois
précédents
étant
morts
(ΩB
1.2.3.1),
etc.
L'essentiel
ici
est
de
remarquer
que
dans
des
récits
qui
sont
l'équivalent
de
la
Révélation,
aux
dires
mêmes
du
texte
sacré,
le
temps
est
un
facteur
de
transformation
des
rites
du
sacrifice.
Il
faut
à
la
fois
observer
à
la
lettre
les
préceptes
et
en
même
temps
constater
que
la
lettre
évolue.
Ajoutons
enfin
que
ces
textes
sont
pleins
des
débats
qui
opposent
tel
ou
tel
docteurs
et
que
leurs
exposés
se
terminent
souvent
par
tad
u
tathæ
na
kuryæt
“
il
ne
faut
pas
agir
ainsi
”
;
et
cette
condamnation
provient
du
fait
que
c'est
précisément
ce
qu'un
autre
propose22
:
les
procédures
rituelles
sont
variées
et
cette
variation
est
inscrite
en
terme
de
désaccord
dans
la
Révélation.
Unicité
de
l'original,
pluralité
des
substituts,
transition
par
le
féminin,
dispersion
de
l'original
dans
les
substituts,
hiérarchie,
recours
à
l'action,
décalage
de
plus
en
plus
important
entre
les
différents
substituts
qui
pourtant
se
ressemblent,
original
mystérieux
voire
irréel,
modification
due
aux
temps,
incertitude
des
rites
à
accomplir
:
tels
sont
quelques-‐uns
des
ingrédients
de
ce
processus
de
substitution.
11.
Le
deuxième
exemple
est
celui
des
substituts
de
soma
tel
qu'il
est
présenté
dans
ΩB
4.5.10.1-‐6.
Bien
que
l'utilisation
du
soma-‐plante
pour
constituer
un
jus
qui
constitue
un
des
ingrédients
principaux
du
yaj~a
soit
fréquente,
on
sait
que
les
textes
comme
le
ΩB
ne
sont
pas
précis
sur
sa
nature.
L'original
là
aussi
est
mystérieux
et
l'on
est
semble-‐t-‐il
plus
occupé
à
la
recherche
des
substituts
qu'à
celle
de
l'original
qui
semble
non
seulement
manquer
mais
devoir
manquer.
Il
faut
marquer
fortement
cet
aspect
car
il
met
bien
en
valeur
le
fait
que
l'usage
des
substituts
n'est
pas
toujours
causé
par
une
absence
de
l'original
due
aux
circonstances
;
parfois,
l'absence
constitue
l'original
qui
n'a
pas
de
présence
parce
qu'il
n'a
pas
de
présent
(les
mythes
sont
généralement
racontés
au
parfait,
le
temps
que
Pæ◊ini
qualifie
de
parokÒa
"hors
la
vue")
et
ce
mode
de
l'absence
propre
à
l'original
nécessite
l'existence
des
substituts.
Ainsi
dans
ΩB
4.5.10.1-‐6,
rien
n'est
dit
de
la
recherche
du
soma
original
et
presque
tout
le
bræhma◊a
est
consacré
à
ses
substituts
;
encore
qu'il
n'y
a
pas
de
mot
dans
ce
texte
pour
dire
"substitut"
ou
"substitution"
et
qu'aucune
expression
particulière
ne
souligne
ou
ne
dénote
l'opération
de
substitution.
On
dit
simplement
ya≠dy
u
na≠
vindati
ta≠tra
prÂya‡cittiÌ
kriyate
“
si
on
n'en
trouve
pas,
on
fait
un
rituel
de
réparation
”.
Commence
alors
la
présentation
des
substituts
possibles.
La
liste
est
telle
qu'elle
donne
à
penser
qu'il
y
a
peu
de
chances
que
l'on
puisse
trouver
et
donc
utiliser
le
vrai
soma.
21
La
MaitS
1.6.8
compare
un
temps
jadis
(puræ)
à
un
temps
d'aujourd'hui
(idænÚm)
;
entre
les
deux
les
rites
ont
changé
:
yarhi
væ
etaµ
puræ
bræhma◊æ
niravapaµs
tarhy
eÒæµ
na
ka‡canai‡a
na
hi
væ
etam
idænÚµ
nirvapanty
athaiÒæµ
sarva
Ú‡e
“
quand
autrefois
les
brahmanes
l'offraient,
personne
ne
leur
commandait
;
maintenant
ils
ne
l'offrent
plus
et
c'est
pourquoi
tous
leur
commandent
”.
Dans
les
mots
éternels,
il
y
a
du
temps
dynamique,
un
avant
et
un
après.
22
Les
discussions
sur
les
procédures
du
sacrifice,
qu'il
soient
védiques
ou
pas,
ne
se
sont
pas
l'apanage
des
textes
anciens
;
aujourd'hui
encore,
on
entend
des
disputes
entre
les
officiants
et
les
débats
sont
vifs.
Mais
l'intérêt
est
de
constater
que
l'incertitude
et
le
débat
sont
inscrits
dans
la
‡ruti.
La
Révélation
védique
est
en
miettes
et
ne
se
présente
pas
comme
un
corps
unifié
:
ni
l'orthodoxie
ni
l'orthopraxie
ne
sont
de
mise.
L'interrogation
est
constante,
portant
sur
l'interprétation
aussi
bien
que
sur
le
rite
lui-‐même.
L'AitB
6.7.5
discute
par
exemple
de
l'offrande
aux
rakÒas
:
faut-‐il
ou
ne
faut-‐il
pas
la
faire?
La
conclusion
est
qu'il
faut
bien
leur
faire
une
offrande
mais
à
voix
basse.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
9
12.
Un
des
intérêts
du
texte
est
qu'il
est
très
explicite
en
ce
qui
concerne
la
nature
des
relations
substitut-‐original
car
il
dit
pourquoi
les
substituts
peuvent
être
des
substituts.
Tous
sont
des
plantes
(successivement
phælguna,
‡yenah®ta,
ædæra,
dºrva,
n'importe
quelle
variété
de
plantes
ku‡a).
Le
point
commun
de
trois
de
ces
substituts
(outre
le
fait
que
ces
plantes
ont
toutes
des
noms
masculins
comme
soma
qui
est
un
mâle)
est
leur
couleur
aru◊a
(brun?)
et
c'est
leur
couleur
qui
en
fait
de
bons
substituts
:
eÒa
vai
somasya
nya©gaÌ
“
car
il
ressemble
à
soma
”.
Dans
le
dernier
cas,
on
peut
utiliser
tous
les
haritæn
ku‡æn
“
ku‡a
jaunes
”.
Mais
il
semble
que
le
substitut
se
soit
trop
éloigné
de
l'original
puisque
pour
compenser
ce
décalage
excessif
ou
le
réparer,
il
faut
à
titre
de
præya‡citti
“
réparation
”
ajouter
une
vache
supplémentaire
comme
dakÒi◊æ
et
même
refaire
une
dÚkÒæ.
Comme
dans
l'exemple
précédent,
le
recours
à
l'action
est
le
signe
d'un
accroissement
du
décalage.
13.
Trois
des
cinq
substituts
le
sont
sur
le
mode
de
la
ressemblance23.
Quant
aux
deux
autres,
(‡yenah®ta
et
ædæra),
rien
n'est
dit
dans
ce
texte
de
leur
ressemblance
avec
le
soma
;
certains
considèrent
que
ædæra
est
un
équivalent
du
pºtÚka
souvent
mentionné
comme
substitut
du
soma
;
il
en
va
ainsi
dans
le
ΩB
14.1.2.12
et
Pa~caviµ‡a-‐B
VIII.4.1,
IX.1
où
une
autre
histoire
de
substitut
de
soma
est
racontée
et
où
le
soma
est
plutôt
un
terme
générique
qu'une
plante
ou
un
jus
spécifique.
Revenons
aux
substituts
du
soma
dans
ΩB
4.5.10.1-‐6
;
si
la
ressemblance
fait
défaut
ou
plus
exactement
si
elle
n'est
pas
mentionnée,
le
texte
raconte
deux
mythes
d'origine
dont
il
ressort
que
‡yenah®ta
et
ædæra
sont
des
sortes
de
rejetons
du
soma
originel.
On
comprend
dès
lors
qu'ils
ont
le
statut
de
substitut
sur
le
mode
d'une
descendance
qu'on
imagine
lourde
de
ressemblance.
En
bref
sur
les
cinq
substituts
énoncés,
les
cinq
partagent
avec
l'original
le
genre
linguistique
(dont
on
connaît
l'importance
dans
les
mithuna
réalisés
pendant
le
yaj~a),
la
nature
végétale
;
trois
d'entre
eux
ressemblent
à
l'original
par
la
couleur
et
les
deux
autres
descendent
de
l'original24.
14.
Le
principe
de
ressemblance
(associé
ou
non
au
principe
de
descendance)
est
ici
au
coeur
des
relations
substitut-‐original
et
je
crois
qu'on
peut
généraliser
à
l'ensemble
du
rituel
védique
pour
affirmer
que
le
substitut
est
ce
qui
ressemble
à
l'original
tout
en
s'inscrivant
plus
que
lui
dans
le
champ
de
la
réalité.
On
peut
y
voir
un
aspect
particulier
de
l'analogie
générale
qui
existe,
disent
ces
textes
anciens,
entre
les
différents
plans
de
l'univers
;
on
sait
en
effet
que
les
récits
sont
souvent
l'occasion
de
dresser
des
listes
d'équivalents
entre
les
éléments
du
sacrifice
et
les
réalités
de
ce
monde-‐ci
dans
le
cadre
formel
des
nidæna
et
saµpad25..
23
Cette
ressemblance
demeure
un
principe
d'explication
a
posteriori
:
que
ce
soit
pour
les
animaux
ou
les
substituts
de
soma,
les
listes
en
question
ne
sont
pas
constituées
de
tous
les
animaux
ou
de
toutes
les
plantes
qui
ressemblent
à
l'original.
Les
deux
textes
disent
bien
en
quoi
ces
substituts
ressemblent
à
l'original
mais
non
pourquoi
ce
sont
précisément
ceux-‐là.
24
Le
rite
est
censé
être
une
réplique
du
mythe
originel
et
l'assimilation
est
poussée
jusqu'aux
détails
;
aussi
les
textes
abondent-‐ils
en
situations
où
l'on
rappelle
pourquoi
il
faut
utiliser
tel
objet
à
la
place
de
l'original
mythique
:
ainsi
ΩB
XIII.4.4.9
compare-‐t-‐il
les
qualités
du
khadira
aux
os
de
Prajæpati
:
le
bois
de
khadira
ayant
la
structure
des
os
se
trouve
être
le
bon
substitut.
La
ressemblance
entre
les
deux
est
assurée
par
la
descendance
car
a≠sthibhya
e≠væsya
palæ‡aÌ
samabhavat
"le
khadira
est
né
des
os
de
(Prajæpati)".
Il
se
trouve
que
le
bois
de
khadira
n'est
pas
le
seul
à
partager
la
dureté
des
os.
Dès
lors,
le
principe
de
descendance
est
utilisé
pour
justifier
le
choix
entre
tous
les
substituts
possibles
qui
se
ressemblent.
25
Par
exemple
au
tout
début
de
la
BÆU,
les
relations
entre
le
cheval
du
sacrifice
et
quelques
unes
des
parties
de
son
anatomie
et
de
sa
physiologie
d'une
part
et
le
cosmos,
certains
éléments
et
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
10
15.
Revenons
un
moment
sur
le
fait
que,
lorsqu'il
s'agit
d'utiliser
tel
substitut
de
réalité
d'un
original
mythique,
l'original
n'a
pas
toujours
d'existence.
On
observe
cela
dans
différents
domaines
:
que
ce
soit
sur
le
plan
du
rite,
du
vyækara◊a
(nous
le
montrerons
ci-‐dessous)
ou
du
monde,
l'original
est
parfois
non-‐existant,
parfois
difficilement
existant26.
Ainsi,
dans
le
rituel
le
substitut
ressemble
à
quelque
chose
que
personne
n'a
vu
sauf
les
®Òi
originels
et
encore
s'agit-‐il
de
mots
:
le
plan
de
réalité
rituelle
est
à
l'image
d'une
vérité
virtuelle
faite
des
mots
du
Veda.
Les
originaux
sont
ces
mots
du
Veda
(ou
au
moins
des
réalités
d'un
ailleurs
inaccessible
au
moment
où
le
rituel
est
accompli)
tandis
que
les
substituts
sont
des
réalités
du
monde
rituel,
parfaitement
sensibles,
telle
ou
telle
plante,
tel
ou
tel
animal,
etc.
Dès
lors
on
comprend
pourquoi
l'opération
de
substitution
est
à
la
fois
indispensable
(on
ne
doit
pas
agir
sur
l'originel)
et
ce
qu'elle
a
d'irréel
car
on
ne
peut
de
toute
façon
pas
agir
sur
lui
:
on
ne
peut
substituer
quelque
chose
qui
existe
à
quelque
chose
qui
n'a
pas
d'existence,
n'a
pas
de
présence
et
n'en
a
peut-‐être
jamais
eu.
On
substitue
à
la
rigueur
des
choses
à
des
mots.
Dans
cet
esprit,
cette
opération
de
substitution
constitue
plus
l'affirmation
d'une
présence
qu'un
remplacement.
Il
n'y
a
jamais
rien
qui
s'offre
à
notre
regard
que
cette
présence,
rien
notamment
d'une
autre
présence
qui
aurait
pu
exister
et
dont
une
instance
amoindrie
ou
modifiée
serait
le
substitut
voulu
par
les
officiants
;
l'original
n'est
jamais
présent
et
la
réalité
mondaine
qui
s'offre
aux
regards
et
à
l'action
n'est
rien
d'autre
que
l'ensemble
des
substituts
ayant,
pense-‐t-‐on,
la
forme
ou
le
statut
de
l'original.
Les
originaux
ont
tendance
à
être
des
objets
de
pensée
ou
de
langue
et
les
substituts
des
réalités
du
monde.
C'est
dire
que
l'opération
de
substitution
est
purement
mentale.
Si
l'on
s'en
tient
aux
faits,
il
y
a
cueillette
d'un
végétal
et
c'est
seulement
au
niveau
de
la
parole
qu'on
dit
que
ce
végétal
est
un
substitut
de
soma
;
y
a-‐t-‐il
eu
un
moment
dans
la
vie
de
l'officiant
où
il
a
travaillé
sur
l'original?
On
peut
en
douter.
Pareillement
il
y
a
offrande
végétale
dont
on
dit
qu'elle
a
la
puissance
du
sacrifice
animal.
Il
s'agit
de
superposer
les
deux
niveaux
:
on
affirme
que
telle
réalité
de
l'aujourd'hui
du
rite
a
le
nom
d'une
vérité
d'hier
et
que
cette
réalité
du
rite
est
le
substitut
d'aujourd'hui
de
l'original
d'hier,
mais
d'un
hier
qui
peut-‐être
a
toujours
été
un
hier
et
jamais
un
aujourd'hui.
La
substitution
liée
au
principe
de
ressemblance
permet
d'organiser
le
réel
rituel
(et
au-‐delà
social,
économique,
mondain
en
général)
au
nom
d'une
vérité
langagière
;
elle
est
un
schème
d'action
sur
le
monde
et
une
méthode
d'analyse
pour
les
hommes
qui
affirment
dans
les
textes
que
la
substitution
informe
le
monde.
On
surimpose
des
mots
tenus
pour
vrais
(les
mots
du
Veda)
sur
des
réalités
d'aujour'hui
qui,
tout
en
étant
plus
ou
moins
faux,
se
conforment
à
cette
vérité.
16.
Le
troisième
exemple
est
celui,
célèbre,
de
Ωunȧepa
raconté
notamment
dans
un
récit
exceptionnellement
long
de
l'Aitareya-‐Bræhma◊a
;
ce
récit
constitue
une
séquence
obligée
du
ræjasºya,
la
cérémonie
d'investiture
du
roi
et
“
ceux
qui
désirent
des
fils
peuvent
demander
aussi
sa
récitation
;
ils
auront
des
fils
”27.
Dans
cet
exemple,
contrairement
aux
deux
précédents,
il
n'y
a
pas
de
substitution
dans
le
rite
puisqu'il
n'y
phénomènes
naturels
d'autre
part.
Sur
ces
notions,
voir
notamment
L.
RENOU
“
Connexion
en
védique,
“
cause
”
en
bouddhique
in
L'Inde
fondamentale
197978,
149-‐153
et
M.
ANGOT
(à
paraître)
"
Les
corps
et
leurs
doubles.
Remarques
sur
la
notion
de
corps
dans
les
Bræhma◊a
"
.
26
C'est
précisément
une
des
définitions
vyækara◊iques
du
substitut
et
de
l'original
:
le
substitut
est
ce
qui
est
alors
qu'il
n'était
pas
auparavant,
l'original
est
ce
qui
n'est
plus
après
avoir
été
;
v.
infra
§
25.
27
Ait.
B
7.13-‐18.
Putrakæmæ
hæpy
ækhyæpayeraÓl,
labhante
ha
putræÓl
labhante
ha
putræn
(la
citation
se
situe
à
l'extrême
fin
du
récit
p.
202
de
l'édition
1879
réalisée
par
TH.
AUFRECHT).
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
11
a
pas
de
Ωunȧepa
d'aujourd'hui
qui
serait
le
substitut
d'un
Rohita
de
vérité
;
le
substitution
est
partie
d'un
récit
raconté
dans
un
rite,
un
récit
où
Rohita
s'achète
un
substitut
humain28.
On
raconte
une
substitution,
on
ne
la
réalise
pas.
Parmi
tous
les
textes
concernant
la
substitution,
celui-‐ci
se
démarque
des
autres
à
cause
de
la
nature
de
l'original
et
de
son
rapport
au
substitut
et
c'est
précisément
pour
cette
raison
que
nous
le
citons.
En
effet,
que
ce
soit
dans
le
mythe,
le
rite
ou
le
monde,
le
ou
plus
souvent
les
substituts
se
caractérisent
par
leur
moindre
dignité
vis-‐à-‐vis
de
l'original
(l'homme,
des
animaux
de
plus
en
plus
petits,
des
végétaux).
Le
principe
de
ressemblance
est
doublé
d'une
hiérarchie
où
l'original
l'emporte
en
dignité
sur
les
substituts
car
le
rite
sert
entre
autres
à
créer
et
donc
à
justifier
les
hiérarchies.
Dans
les
exemples
grammaticaux
où
les
commentateurs
allèguent
des
faits
du
monde
pour
justifier
des
opérations
de
nature
grammaticale,
on
rappelle
que
“
le
fils
du
maître
est
traité
comme
le
maître
”;
le
°vat
“
comme
”
de
guruvat
dit
à
la
fois
qu'à
certains
égards
le
fils
du
maître
est
et
n'est
pas
le
maître
;
il
faut
le
traiter
comme
s'il
l'était
alors
qu'il
ne
l'est
pas
complètement
ou
pas
toujours:
la
démarcation
entre
les
deux
constitue
un
bon
objet
de
discussion
grammaticale
:
qu'est-‐ce
qui
du
maître
est
exactement
transféré
au
fils?
Quoi
qu'il
en
soit,
il
demeure
que
le
substitut
est
d'une
dignité
moindre.
Or
dans
le
récit
de
Ωunȧepa,
l'original
est
un
fils
de
roi,
un
kÒatriya,
tandis
que
le
substitut
est
un
brahmane.
Le
fait
est
remarquable
et
il
est
dûment
remarqué
dans
le
texte
même
:
c'est
pour
cette
raison
que
le
substitut
est
accepté
par
Varu◊a
car,
dit
le
dieu,
"un
brahmane
est
plus
qu'un
kÒatriya"29.
A
notre
connaissance
c'est
le
seul
exemple
où
le
substitut
est
d'un
statut
plus
élevé
que
l'original.
Mais
corrélativement
il
faut
aussi
souligner
que
ce
substitut
ne
va
finalement
pas
jouer
le
rôle
assigné
à
l'original
:
pas
plus
que
l'original
Rohita,
Ωunȧepa
n'est
sacrifié.
C'est
sa
supériorité
(en
terme
de
statut
et
donc
de
connaissance
védique)
qui
permet
à
Ωunȧepa
d'échapper
à
la
mort.
17.
Nous
avons
vu
dans
les
exemples
précédents
que
l'éloignement
vis-‐à-‐vis
de
l'original
se
traduisait
par
un
surcroît
d'action.
Le
même
fait
s'observe
ici
mais
à
rebours
:
la
supériorité
hiérarchique
du
substitut
entraîne
un
manque
en
action
(en
pratique
la
non-‐immolation),
une
diminution
de
l'aspect
factuel
normalement
mis
en
oeuvre
dans
le
yaj~a
;
cette
non-‐action
va
de
pair
avec
un
surcroît
de
connaissance
lui-‐
même
lié
à
la
supériorité
du
statut.
La
connaissance
c'est
ce
qui
permet
d'échapper
à
l'action
:
si
le
substitut
Ωunȧepa
peut
échapper
à
la
mort
promise
initialement
par
la
parole
du
père
de
l'original,
c'est
que
lui-‐même
se
trouve
un
autre
substitut.
C'est
là
que
se
situe
le
retournement
:
on
attend
un
récit
du
type
de
ceux
déjà
mentionnés
précédemment
mais
il
n'en
est
rien.
Ce
que
Ωunȧepa
offre
en
substitution
c'est
la
parole
du
Veda,
mais
une
parole
du
Veda
dont
le
®Òi
est
Ωunȧepa
(fiS
1.30.20-‐22).
En
somme
il
offre
quelque
chose
qui
semble
bien
être
le
Ωunȧepa
original
et
c'est
cette
connaissance
de
l'original
qui
le
sauve
,
lui
permet
d'échapper
au
destin
promis
au
substitut:
la
récitation
des
trois
®c
de
ce
sºkta
desserre
ses
liens,
délivre
aussi
celui
qui
avait
manqué
à
sa
parole
et
que
Varu◊a
avait
"pris"
si
bien
que
si
cette
analyse
est
juste,
la
règle
est
confirmée
:
le
substitut
c'est
ce
qui
permet
à
l'original
de
rester
originel
;
le
modèle
ne
peut
disparaître
sans
faire
disparaître
avec
lui
toutes
ses
répliques
et
donc
toute
la
vie.
28
Le
fait
d'acheter
(niÒ-‐KRŸ-‐)
un
substitut
est
souvent
rappelé:
ya≠d
agnÚÒom÷yaµ
pa‡u≠m
ælabhata
ætmaniÒkra≠ya◊a
evÂsya
sa≠
ta≠smæt
ta≠sya
n‡yam
“
quand
il
sacrifie
la
victime
dédiée
à
Agni
et
Soma,
il
rachète
sa
personne
en
quelque
sorte;
c'est
pourquoi
il
ne
doit
pas
en
manger
”
(TS
VI.1.11.6;
même
idée
dans
ΩB
XI.7.1.3).
29
Bhºyæn
vai
bræhma◊aÌ
kÒatriyæt
(AitB
7.15).
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
12
18.
Le
quatrième
et
dernier
exemple
est
pris
dans
le
rite
lui-‐même.
C'est
un
problème
qui
fait
l'objet
d'une
longue
discussion
dans
la
MÚmæµsæ
(X.2.47).
Qu'en
est-‐il
si
après
la
consécration
(dÚkÒæ),
l'initié
vient
à
mourir?
Comme
on
ne
saurait
sans
dommage
ne
pas
mener
le
yaj~a
à
son
terme,
il
faut
trouver
une
procédure.
Par
quoi,
par
qui
le
sacrifiant
doit-‐il
être
remplacé?
L'objet
de
la
discussion
mÚmæµsaka
est
une
phrase
d'origine
inconnue
selon
laquelle
alors
taµ
dagdhvæ
k®Ò◊æjine
asthÚny
upanahya
yo'sya
nediÒ†haÌ
tam
tasya
sthæne
dÚkÒayitvæ
tena
saha
yajeran,
tataÌ
saµvatsare
asthÚni
yæjayeran
“
ils
le
brûlent,
nouent
ses
os
dans
une
peau
d'antilope,
consacrent
celle
des
personnes
qui
est
son
plus
proche
(parent)
et
sacrifient
avec
lui
;
à
la
fin
de
l'année,
ils
doivent
faire
le
sacrifice
des
os
”30.
Parmi
les
signes
de
la
substitution
notés
précédemment,
on
remarquera
notamment
le
fait
que
l'éloignement
de
l'original,
en
fait
la
présence
du
substitut
accroît
le
niveau
de
l'action
:
on
ne
se
contente
pas
de
remplacer
un
original
absent
par
un
substitut
présent
mais
on
ajoute
de
l'action
laquelle
ne
vient
pas
combler
quelque
lacune
du
substitut
mais
constitue
la
sanction
de
l'éloignement
de
l'original.
La
manière
dont
la
MÚmæµsæ
interprète
et
discute
la
phrase
(notamment
sa
dernière
partie
où
grammaticalement
on
peut
comprendre
que
ce
sont
les
os
qui
font
le
sacrifice31)
et
les
faits
sont
une
chose
mais
ce
qui
ici
doit
nous
retenir
est
cette
affirmation
comme
quoi
le
substitut
est
un
possible
rendu
nécessaire
par
le
fait
qu'il
est,
parmi
tous
les
possibles,
le
plus
proche
(nediÒ†ha)
de
l'original.
Or,
sauf
le
vocabulaire,
il
n'y
a
rien
à
changer
à
cette
affirmation
quand
on
passe
du
rituel
des
hommes
à
celui
des
mots
;
cette
procédure
est
précisément
ce
qui
dans
le
vyækara◊a
constitue
le
coeur
de
l'AÒ†ædhyæyÚ.
LA
SUBSTITUTION
DANS
LES
THEORIES
LINGUISTIQUES
19.
L'opération
de
substitution
est
pensée
dans
les
principaux
‡æstra
qui
sont
en
rapport
(plus
ou
moins
étroit)
avec
le
Veda.
C'est
dans
le
domaine
de
la
langue32,
à
vrai
dire
essentiel
comme
on
l'a
reconnu
depuis
longtemps,
où
la
question
de
la
substitution
est
abordée
avec
le
plus
de
détermination.
Dans
les
autres
disciplines,
elle
n'est
pas
absente
mais
n'occupe
qu'une
place
relativement
marginale.
C'est
le
cas
du
pratinidhi33
30
Origine
inconnue
;
non
cité
dans
les
Citations
in
Ωabara-‐BhæÒya
de
D.
V.
GARGE.
Comme
le
dit
l'auteur
(op.
cit.
p.
49),
beaucoup
des
"citations"
sont
en
fait
des
adaptations
et
c'est
en
vain
qu'on
les
cherche
dans
les
index
habituels.
Mais
le
fait
est
bien
connu
et
décrit
par
ex.
dans
le
PB
IX.8.1-‐2;
CALAND,
dans
sa
traduction
p.
219,
cite
les
passages
parallèles.
Le
Ωæ©khΩS
XIII.11.2,
est
semble-‐t-‐il
le
seul
des
textes
à
donner
comme
alternative
l'idée
défendue
par
le
pºrvapakÒin
de
la
MÚmæµsæ
à
savoir
remplacer
simplement
le
vivant
par
une
urne
contenant
les
os
du
mort.
Tous
les
autres
considèrent
qu'il
faut
a)
effectuer
la
consécration
du
"substitut
le
plus
proche"
b)
réaliser
un
rituel
de
crémation
et
amener
l'urne
funéraire
sur
le
terrain
sacrificiel.
31
Le
pºrvapakÒin
prend
la
phrase
au
pied
de
la
lettre
et
est
prêt
à
faire
jouer
aux
os
le
rôle
du
yajamæna
;
le
siddhæntin,
plus
circonspect
et
terre
à
terre
limite
la
portée
de
la
phrase.
32
L'AÒ†ædhyæyÚ,
c'est-‐à-‐dire
la
Grammaire
de
Pæ◊ini,
a
jusqu'ici
été
le
terrain
de
prédilection
des
linguistes,
ce
qui
peut
sembler
bien
naturel.
Mais
l'ouvrage
s'il
est
indéniablement
grammatical
n'est
pas
seulement
grammatical.
Il
a
été
rédigé
par
un
brahmane
(un
cercle
de
brahmanes
sans
doute)
dont
le
cadre
de
pensée
était
le
Veda
et
donc
le
rituel
védique.
Les
relations
originelles
entre
grammaire
et
rituel
sont
soulignées
par
le
fait
que
le
nirukta
et
le
vyækara◊a
sont
des
vedæ©ga
“
membres
du
Veda
”.
On
a,
nous
semble-‐t-‐il,
trop
tendance
à
penser
ces
disciplines
en
fonction
de
ce
qu'elles
sont
devenues
dans
l'Inde
moderne,
de
ce
que
sont
leurs
équivalents
dans
l'Occident
d'aujour'hui,
plus
généralement
de
la
place
que
ces
diciplines
occupent
dans
l'espace
du
savoir
des
modernes.
33
Le
mot
est
de
Ωabara
lui-‐même
(JS
VI.3.31,
32).
La
réflexion
de
la
MÚmæµsæ
et
de
ses
docteurs
est
néanmoins
intéressante
;
à
signaler
notamment
le
principe
de
l'absence
de
l'original
(VI.3.35)
et
le
non-‐remplacement
du
substitut
par
l'original
retrouvé
au
cas
où
le
rite
est
commencé
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
13
dans
la
MÚmæµsæ.
Parmi
les
vedæ©ga,
le
nirukta
de
Yæska
et
le
vyækara◊a
établi
par
Pæ◊ini
et
développé
dans
plusieurs
directions
par
ses
successeurs
sur
un
laps
de
temps
de
plusieurs
millénaires
sont
ceux
où
la
modification
et
la
substitution
occupent
la
place
la
plus
importante.
Citons
aussi
le
Nyæya,
la
Logique;
dans
une
série
de
sºtra
(II.2.40-‐
57),
le
commentateur
Vætsyæyana
discute
longuement
du
problème
notamment
sur
la
base
de
l'exemple
grammatical
canonique
dadh(i•y)atra
et
tranche
au
profit
de
la
substitution.
Les
arguments
pour
le
vikæra
“modification”
(à
savoir
y
est
une
modification
de
i)
ou
l'æde‡a
“substitut”
(y
est
le
substitut
de
i)
sont
dans
une
large
mesure
repris
de
Pata~jali
(notamment
l'éternité
des
formes).
Parmi
les
plus
intéressants,
citons
celui
cité
sous
le
sºtra
40
où
Vætsyæyana
explique
qu'il
ne
peut
s'agir
d'une
modification
parce
qu'il
n'y
a
pas
de
différence
entre
un
y
original
(celui
de
yacchati
par
exemple)
et
un
y
résultant
du
vikæra
(celui
de
iÒ†yæ
provenant
de
iÒ†i
+
æ);
l'idée
est
que
un
original
et
un
produit
(vik®ta)
ne
sauraient
être
semblables.
Toute
cette
discussion,
bien
qu'intéressante,
demeure
marginale
dans
l'oeuvre34;
fondamentalement,
elle
est
déterminée
par
le
fait
que
Vætsyæyana
est
un
anitya‡abdavædin
“
tenant
de
la
non
permanence
des
phonèmes
”
et
plus
précisément
un
anityadravyavædin
“
tenant
de
la
non
permanence
de
la
substance
”,
dont
les
phonèmes
sont
un
cas
particulier.
C'est
là
le
vrai
sujet
de
discussion
:
n'acceptant
pas
l'éternité
de
la
substance,
le
BhæÒya
ne
peut
admettre
qu'un
phonème
qui
n'a
qu'une
existence
momentanée
puisse
se
transformer
ou
se
modifier
:
il
ne
peut
qu'apparaître
et
disparaître
;
au
contraire
la
substitution
comprise
comme
l'emploi
d'un
phonème
à
la
place
d'un
autre
sauve
l'impermanence
des
phonèmes
qui
n'existent
qu'au
moment
où
on
les
énonce
mais
ni
après
et
ni
avant.
La
substitution
affirmée
par
Pata~jali
comme
sanction
de
la
permanence
des
phonèmes
(cf.
§
25)
est
précisément
comprise
à
l'inverse
par
Vætsyæyana
:
les
phonèmes,
comme
toute
substance,
vont
et
viennent
et
donc
se
substituent
les
uns
aux
autres.
Cette
question
de
la
substitution
n'est
donc
qu'un
topique
dépendant35;
la
substitution
n'est
d'ailleurs
pas
une
opération
propre
au
Nyæya
mais
un
mécanisme
dont
parle
le
Nyæya.
Elle
est
de
nature
philosophique
et
n'occupe
pas
dans
le
Nyæya
la
place
centrale,
de
niveau
opératoire,
qui
est
la
sienne
dans
le
Nirukta
ou
le
Vyækara◊a.
(siddhænta
VI.3.37).
Comme
on
l'a
vu
précédemment,
il
ne
faut
pas
non
plus
se
limiter
aux
cas
de
substitution
qui
portent
le
nom
de
pratinidhi.
Il
demeure
que
le
pratinidhi
n'occupe
pas
dans
la
MÚmæµsæ
la
place
centrale
qu'a
l'æde‡a
dans
le
vyækara◊a.
Ainsi
le
terme
n'apparaît
pas
dans
l'Index
to
the
English
Translation
of
Shabara-‐BhæÒya
(bien
maigre
il
est
vrai)
réalisé
par
U.
MISHRA
pas
plus
que
dans
celui
réalisé
par
J.-‐M.
VERPOORTEN
pour
le
volume
de
A
History
of
Indian
Literature
consacré
à
la
MÚmæµsæ.
Le
cas
des
relations
entre
prak®ti
et
vik®ti,
des
ºha,
est
différent
et
tient
plus
à
la
méthode
de
description
des
faits
qu'aux
faits
eux-‐mêmes.
34
En
témoignent
par
exemple
les
absences
des
mots
æde‡a
et
vikæra
dans
les
index
des
deux
volumes
de
l'Encyclopedia
of
Indian
Philosophies;
dans
le
premier
volume
consacré
principoalement
au
Nyæya
originel,
les
auteurs
n'ont
jugé
opportun
ni
de
traduire
ni
même
de
résumer
ou
de
mentionner
l'existence
de
ce
prakara◊a
du
Nyæyasºtrabhæsya.
35
BIARDEAU
1964
:
226-‐227
a
montré
que
l'adversaire
du
Naiyæyika
est
un
tenant
du
Sæµkhya,
les
deux
s'opposant
fondamentalement
sur
la
nature
de
la
substance
:
s'aidant
de
l'exemple
de
l'or
toujours
identique
sous
des
formes
différentes,
le
pºrvapakÒin
du
NyæyabhæÒya
"
pose
une
entité
sous-‐jacente
aux
phénomènes,
qui
perdure
en
eux,
et
une
continuité
ontologique
entre
la
cause
et
l'effet.
Dans
l'hypothèse
inverse,
celle
du
Nyæya,
on
pose
que
la
substance-‐cause
n'est
pas
éternelle
et
qu'elle
disparaît
en
produisant
la
substance-‐effet.
Il
y
a
donc
discontinuité
entre
les
deux
".
Le
naiyæyika
utilise
l'exemple
du
lait
qui,
une
fois
caillé,
devient
autre
que
lui-‐même,
le
processus
étant,
contrairement
à
celui
de
l'or,
irréversible.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
14
20.
En
effet,
si
ce
débat
n'est
pas
abordé
dans
le
Nirukta,
les
principes
de
modification
(plus
que
de
substitution),
de
ressemblance
constituent
les
principales
bases
méthodologiques
des
étymologies
proposées
par
Yæska.
Comme
on
le
sait
la
discipline
nommée
nirukta
n'a
guère
eu
de
descendance
et
se
confond
presque
avec
son
oeuvre
éponyme.
On
la
signale
ici
parce
que
Yæska
mentionne
explicitement
ce
type
d'opérations
dans
ce
qu'il
nomme
le
v®ttisæmænyam36.
Examinons
par
exemple
comment
il
rend
compte
du
mot
Parjanya,
le
deva
de
la
pluie
et
de
l'orage,
parfois
identifié
à
Indra
:
Parjanyas
t®peÌ
/
ædyantaviparÚtasya
/
tarpayitæ
janyaÌ
/
paro
jetæ
væ
/
paro
janayitæ
væ
/
prærjayitæ
væ
rasænæm37
“Le
mot
parjanya
a
pour
origine
(la
racine)
TfiP-‐
“être
satisfait”
avec
interversion
du
premier
et
du
dernier
(phonèmes
de
la
racine).
Parjanya
est
celui
qui
est
tel
qu'il
satisfait
[TfiP-‐
devenu
PfiT-‐]
le
monde
humain
[janya],
ou
bien
il
est
le
vainqueur
[racine
JI-‐]
excellent
[para],
ou
encore
il
est
l'excellent
[para]
progéniteur
[racine
JAN-‐]
ou
encore
celui
qui
fait
obtenir
[pra-‐ARJ-‐]
les
rasa
“sucs”.
Dans
tous
les
cas,
la
similitude,
la
ressemblance
est
le
principe
de
base
pour
connaître
le
mot
:
ses
lettres
de
surface
sont
les
éléments
de
cette
ressemblance.
Entre
la
forme
originelle
et
celle
de
surface,
une
opération
qui
ressortit
à
une
modification,
à
une
altération,
à
une
certaine
torsion
pourrait-‐on
dire.
On
avait
remarqué
combien
dans
le
mythe
du
medha
trouvant
refuge
(ou
cachette)
dans
les
céréales,
ce
medha
perd
alors
de
l'immédiateté,
au
moins
de
l'accessibilité
;
il
en
va
de
même
ici
(le
même
phénomène
s'observe
dans
le
vyækara◊a
aussi):
la
dérivation
telle
qu'elle
est
décrite
par
Yæska
est
une
sorte
de
dérive
du
dhætu
qui
au
fur
et
à
mesure
qu'il
accède
à
la
réalité
de
surface,
c'est-‐à-‐dire
à
l'emploi,
devient
de
moins
en
moins
clair.
21.
Mais
cette
ressemblance
qui
est
à
l'oeuvre
dans
tous
les
mots
examinés
par
Yæska
est
à
la
fois
universelle
et
cachée
:
en
surface,
il
y
a
du
"plus
ou
moins
ressemblant"
et
seul
ya
evaµ
veda
“
celui
qui
sait
ainsi
”
est
à
même
de
connaître
et
de
reconnaître
toutes
les
formes
que
la
forme
originale
assume
successivement
à
travers
des
modifications.
Il
en
va
ainsi
de
la
présence
qui
n'est
guère
évidente
de
la
racine
TfiP-‐
dans
le
mot
Parjanya.
Souvent,
le
“ressemblant”
est
comme
ici
suffisamment
différent
pour
ne
pas
apparaître
comme
une
simple
duplication,
pour
ne
plus
même
être
senti
comme
une
forme
altérée
de
l'original.
Parfois,
la
similitude
de
surface
se
réduit
à
un
signe
discret,
une
seule
lettre,
mais
cela
est
suffisant
:
avidyamæne
sæmænye'py
akÒara-‐var◊a-‐
sæmænyæn
nirbruyæt
“
Même
si
la
similarité
manquait,
il
faudra
expliquer
à
partir
de
la
similarité
d'une
syllabe
ou
d'un
phonème
”
(Nirukta
II.1).
Il
faut
donc
aller
chercher
en
profondeur
la
source
du
"
ressemblant
"
qui
se
dérobe,
semble-‐t-‐il,
quand
il
se
manifeste
c'est-‐à-‐dire
se
modifie.
Car
il
y
a
des
ressemblances
trompeuses
et
des
identités
cachées.
22.
Les
différents
types
de
manifestation
aboutissent
toutes
à
des
modifications
qui
sont
des
distorsions
(plus
ou
moins
prononcées)
que
Yæska
énumère
:
lopa
“
amuïssement
”,
ædyantaviparÚta
“
métathèse
”
(c'est
le
cas
de
la
racine
TfiP-‐
dans
Parjanya),
ædilopa
“
aphérèse
”,
antalopa
“
apocope
”,
etc38.
Cette
distorsion
fait
que
la
surface
des
mots
36
L.
SARUP
dans
son
ouvrage
The
Nighaנu
and
the
Nirukta,
1920-‐1927,
réimpression
MLBD
1984,
p.21
traduit
v®ttisæmænyam
par
“
analogy
of
(some)
course
of
action
”.
On
peut
discuter
la
traduction
de
v®tti
;
pour
sæmænyam
peut-‐être
faut-‐il
préférer
similarité
à
identité.
37
Nirukta
X.3.
Il
n'y
a
pas
lieu
de
supposer
que
Yæska
pense
inévitablement
en
terme
de
dérivation
comme
le
traduit
L.
SARUP
op.
cit.
p.
157.
38
Nirukta
II.1-‐2.
Attention
que
la
communauté
de
vocabulaire
peut
masquer
des
différences
d'interprétation.
Le
mot
lopa,
traduit
généralement
par
“
élision
”
ou
“
amuïssement
”
est
pensé
différemment
dans
le
nirukta
et
le
vyækara◊a
;
dans
le
premier
il
désigne
la
disparition
d'un
élément,
dans
le
second
c'est
le
fait
de
ne
pas
voir
ce
qui
est
(Adar‡anaµ
lopaÌ
1.1.60).
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
15
reflète
plusieurs
similarités
:
de
même
que
l'enfant
tient
du
père
et
de
la
mère,
le
mot
rassemble
plusieurs
origines
et
ressemble
plus
ou
moins
nettement
à
ses
racines.
C'est
justement
cette
multiplicité
d'origines
qui
génère
plusieurs
formes
semblables
en
surface
mais
produites
par
la
conjonction
de
deux
ou
de
plusieurs
sources.
Le
mot
parjanya
est
ainsi
censé
être
le
reflet
de
quatre
racines
différentes
(TfiP-‐,
JI-‐,
JAN-‐,
fiJ-‐)
;
chacune
de
ces
étymologies
rend
compte
de
certaines
parties
du
mot,
principalement
les
consonnes,
notamment
et
toujours
la
première,
la
tête
du
mot,
tandis
que
le
déchet
non
signifiant,
souvent
vocalique,
se
situe
généralement
en
queue
du
mot.
Le
mot
comprend
donc
deux
éléments
associés
:
1°
du
"
semblable
"
ou
"
similaire
"
plus
ou
moins
torse
et
toujours
signifiant
et
2°
du
déchet
indifférent,
non
signifiant
mais
évidemment
nécessaire
pour
que
le
mot
soit
mot
;
ce
déchet
est
susceptible
d'entrer
dans
une
autre
association
soit
encore
à
titre
de
déchet
soit
comme
partie
d'une
racine
originelle.
En
l'occurrence
les
opérations
(mais
qui
opère?)
sont
présentée
comme
des
modifications
plutôt
que
comme
des
substitutions.
Mais
il
est
vrai
que
Yæska
est
très
rapide
dans
sa
présentation
et
qu'il
n'a
pas
bénéficié
de
toute
une
théorie
de
commentateurs
pour
expliquer
sa
méthode
de
connaissance.
Au
total,
le
nirukta
réputé
plus
védique
que
le
vyækara◊a
n'a
finalement
que
quelques
points
communs
avec
ce
que
nous
avons
vu
précédemment,
notamment
l'utilisation
du
principe
de
ressemblance.
23.
C'est
dans
la
grammaire
(vyækara◊a)
que
l'on
peut
le
mieux
observer
la
substitution
car
elle
en
constitue
un
topique
majeur
dont
l'étude
a
été
entreprise
systématiquement
par
les
commentateurs.
L'AÒ†ædhyæyÚ
(plus
que
l'ensemble
du
système)
est
célèbre
à
juste
titre
par
deux
caractères
qui
ont
frappé
les
Occidentaux
parce
qu'ils
leur
rappelaient
ceux
qu'on
doit
voir
à
l'oeuvre
dans
les
théories
scientifiques
contemporaines,
à
savoir
la
nécessité
et
la
simplicité.
Cette
dernière
prend
ici
la
forme
de
la
“légèreté”
(læghava)
c'est-‐à-‐dire
de
l'économie
des
moyens
qu'utilise
Pæ◊ini.
Ce
principe
d'économie
s'applique
dans
tous
les
domaines
du
formulaire
pæ◊inéen
et
déjà
dans
la
forme
même
des
sºtra
qui
le
composent
;
mais
Pæ◊ini
dépasse
la
concision
générale
propre
au
genre
sºtra
:
ce
qui
est
recherché
est,
dans
le
cadre
de
l'absence
complète
de
redondance
dans
les
sºtra,
le
fait
de
dire
le
maximum
par
le
minimum
de
moyens
;
c'est
par
exemple
le
cas
des
mots
techniques
créés
par
Pæ◊ini
qui
sont
"légers"
c'est-‐à-‐dire
brefs39.
Le
læghava
est
par
ailleurs
utilisé
comme
méthode
d'exégèse
par
les
commentateurs
:
les
infractions
apparentes
de
Pæ◊ini
à
cette
légèreté
sont
interprétées
comme
autant
d'indices
révélant
quelque
enseignement
caché
par
le
maître.
24.
Or
un
des
domaines
où
ce
principe
d'économie
est
poussé
à
l'extrême
est
celui
des
opérations
grammaticales
puisque
le
vyækara◊a
pæ◊inéen
ne
nécessite
avec
la
39
Souvent
des
monosyllabes
tels
ghu,
ghi,
etc.
Pæ◊ini
utilise
aussi
un
système
élaboré
d'abréviations
pour
nommer
des
ensembles
d'items.
On
peut
aussi
signaler
le
caractère
artistique
et
esthétique
des
sºtra
qui
est
rarement
évoqué
par
les
spécialistes.
A
côté
de
la
forme
sonore
des
sºtra
qui
semblent
parfois
avoir
été
travaillés
à
des
fins
quasi
mélodiques,
il
y
a
une
beauté
abstraite
dans
les
prakriyæ,
c'est-‐à-‐dire
dans
les
suites
d'opérations
réalisées
grâce
aux
sºtra.
Il
est
question
de
"réaliser
une
belle
prakriyæ"
où
les
problèmes
trouvent
des
solutions
"élégantes".
Tout
cela
rappelle
le
vocabulaire
des
scientifiques
contemporains,
notamment
celui
des
mathématiciens
et
des
physiciens.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
16
substitution
(æde‡atva40)
qu'un
seul
type
d'opération
;
cette
substitution
prend
l'apparence
d'une
soustraction
(substitut
ø
dit
lopa),
d'une
addition
(la
suffixation
est
réalisée
comme
la
substitution
d'une
base
suffixée
à
la
même
base
sans
suffixe
;
de
même
pour
l'accrétion),
d'une
multiplication
(cas
des
æmre∂ita),
d'une
agrégation
(cas
des
composés
et
des
suffixes
taddhita),
etc.
Bien
que
les
conditions
d'apparition
et
du
développement
du
vyækara◊a
pæ◊inéen
soient
mal
connues,
il
est
probable
que
cette
discipline
est
un
héritage
reçu
et
réorganisé
dans
les
milieux
du
rituel,
probablement
spécialisé
dans
la
codification
à
des
fins
didactiques.
Mais
l'effort
de
systématisation
a
été
tel
que
des
opérations
pratiquées
par
ailleurs
(dans
les
autres
‡æstra,
notamment
la
‡ikÒæ
ou
la
mÚmæµsæ41),
antérieurement
ou
simultanément
n'ont
pas
été
retenues
par
le
muni
et
ses
continuateurs.
Par
exemple
la
transformation
est
un
type
d'opération
bien
connu
dans
le
rituel
et
aussi
dans
la
‡ikÒæ
:
dans
les
rites,
l'ºha
est
(selon
ΩΩS
VI.1.3)
un
‡abdavikæra
"modification
des
mots
(d'un
mantra)"
à
des
fins
d'adaptation
aux
circonstances
de
son
emploi
;
dans
les
Præti‡ækhya,
le
vikæra
"transformation,
modification"
est
l'opération
principale
dans
le
domaine
du
saµdhi
au
point
que
le
VP42
réserve
une
désinence
spécifique
(l'accusatif)
pour
noter,
à
travers
un
sºtra
d'allure
pæ◊inéenne,
ces
changements
phonétiques.
Dans
le
premier
des
cas,
alors
que
le
vikæra
consiste
en
fait
en
une
substitution
de
mots,
l'opération
est
décrite
comme
une
transformation
du
mantra
de
base
;
dans
le
second
où
il
s'agit
d'une
simple
modification
causée
par
le
contexte,
c'est
cette
même
transformation
que
Pæ◊ini
a
décrite
en
recourant
à
une
substitution.
Sans
nul
doute,
il
y
a
là
de
sa
part
une
volonté
de
réduire
le
nombre
d'opérations
grammaticales,
un
souci
que
l'on
peut
nommer
scientifique.
25.
Mais
il
y
a
aussi,
si
l'on
suit
Pata~jali43,
celle
de
refuser
le
vikæra
en
tant
que
tel,
c'est-‐à-‐dire
en
tant
que
type
d'opération
;
la
raison
invoquée
est
que
le
vikæra
porte
atteinte
au
statut
nitya
"permanent"
des
mots.
Kætyæyana
et
Pata~jali
(BhæÒya
I.411-‐
412)
montrent
d'abord
que
ce
procès
fait
au
vikæra
ne
peut
pas
s'appliquer
à
l'æde‡atva.
Certes
si
l'on
définit
linéairement
c'est-‐à-‐dire
dans
une
séquence
temporelle
le
mécanisme
de
la
substitution,
æde‡o
hi
næma
-‐
yo'bhºtvæ
bhavati,
sthænÚ
hi
næma
-‐yo
40
L'emploi
de
ce
mot
dans
ce
sens
est
technique.
Dans
les
Bræhma◊a,
son
emploi
est
rare
(quatre
occurrences
au
total).
Dans
les
Æra◊yaka,
il
n'apparaît
que
dans
le
TaitÆ
(trois
occurrences).
Dans
les
dix
emplois
des
UpaniÒad
védiques,
il
signifie
"instruction"
ou
"description".
Ainsi
dans
eÒa
æde‡aÌ
(TU
1.11.4,
un
des
deux
emplois
du
mot
dans
cette
UpaniÒad)
où
il
est
glosé
vidhi
par
Ωaµkara
et
dans
le
célèbre
athæta
æde‡aÌ
neti
neti
(BÆU
2.3.6,
seul
emploi
du
mot)
où
Ωamkara
le
glose
par
nirde‡a.
41
Sans
prétendre
à
l'exhaustivité,
signalons
l'atide‡a
"transfert",
le
samuccaya
"inclusion"
(JS
10.4.1),
le
tantra
"tramage"
et
son
contraire
l'ævæpa
"insertion"
(JS
11.1.1),
le
bædha
"exclusion"
(JS
10.1.1-‐
3),
etc.
(cf.
D.
V.
Garge,
Citations
in
Ωabara-‐BhæÒya,
1952
:
276-‐288).
Beaucoup
de
ces
opérations
se
retrouvent
dans
le
vyækara◊a
mais
elles
sont
intégrées
ou
présentées
comme
une
substitution.
42
Tam
iti
vikæraÌ
(VæjPræti‡ækhya.133)
et
Aµ
vikærasya
(Tait.Præti‡ækhya
1.28)
;
pour
des
références
sur
la
notion,
cf.
l'entrée
vikara◊a
de
la
Terminologie
Grammaticale
du
Sanskrit
de
L.
RENOU
(1942).
43
Dans
le
BhæÒya
I.409,
Pata~jali
qui
est
comme
Ωabara
sous
I.1.10
un
nitya‡abdavædin
“
tenant
de
la
permanence
des
phonèmes"
(ou
des
mots)
explique
que
“
dans
les
mots
éternels,
en
vérité,
les
phonèmes
doivent
être
stables,
immuables,
sans
perte
ou
gain
ni
altération.
Dans
ces
conditions,
il
n'est
pas
possible
de
dire
de
mots
éternels
"c'est
toujours
le
même
et
il
est
modifié"
”
(Traduction
FILLIOZAT
1978
:
28).
Quelques
lignes
plus
loin,
(BhæÒya
I..411-‐412),
Pata~jali
discute
même
la
possibilité
de
concilier
la
substitution
avec
le
principe
non
discuté
du
‡abdænæµ
nityatvam
“
la
permanence
des
mots
”
.
C'est
la
racine
vi-‐Kfi-‐
(notamment
dans
vikæra)
qui
est
la
racine
pour
dire
"modifier"
;
la
même
racine
est
employée
dans
le
vocabulaire
médical
pour
signifier
la
maladie.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
17
bhºtvæ
na
bhavati
“l'original
est
ce
qui
n'est
plus
après
avoir
été
tandis
que
le
substitut
est
ce
qui
est
après
n'avoir
pas
été”
(BhæÒya
I.411)
;
dès
lors
l'un
comme
l'autre
ont
un
début
ou
une
fin
et
ne
sont
donc
pas
nitya
et
dès
lors
l'æde‡atva
souffre
du
même
défaut
que
le
vikæra.
Mais
le
siddhænta,
c'est-‐à-‐dire
l'opinion
dernière
de
Pata~jali,
celle
qui
est
tenue
pour
vraie,
est
que
le
substitut
et
l'original
sont
des
noms
donnés
en
connaissance
aux
différents
éléments
sans
que
jamais
une
opération
soit
réalisée
;
il
y
a
des
substituts
de
conscience
sans
qu'il
y
ait
de
substitution
objective
:
l'æde‡atva
n'est
pas
l'opération
par
laquelle
tel
élément
est
substitué
à
tel
autre
mais
la
connaissance
que
l'on
a
de
l'un
qui
succède
à
la
connaissance
que
l'on
a
de
l'autre
en
sorte
que
tous
les
uns
et
tous
les
autres
sont
permanents
(nitya).
Le
substitut
c'est
ce
qu'on
pointe
du
doigt
(æ-‐DIΩ-‐)
et
ce
qu'on
pointe
ainsi
existait
auparavant,
il
n'est
pas
le
résultat
du
pointage.
Ainsi
à
propos
du
sºtra
Aster
bhºÌ
(2.4.52)
qui
dans
certaines
conditions
instruit
la
racine
BHª-‐
comme
substitut
de
AS-‐,
Pata~jali
explique
en
conclusion
de
son
raisonnement
nitya
eva
ca
svasmin
viÒaye'stir
nityo
bhavati‡
ca
;
buddhis
tv
asya
vipari◊amyate
“
permanent
est
AS-‐
dans
son
propre
domaine,
permanent
est
BHª-‐
mais
la
connaissance
se
transforme
”
(Bhæsya
I.412).
Ainsi
celui
qui
connaît
ne
réalise
rien
d'autre
qu'une
polarisation
sur
un
objet
qui
existe
en
dehors
de
lui
et
qui
devient
objet
de
conscience
par
cette
assignation
(æde‡atva)
tandis
que
celui
qui
ne
sait
pas
peut
imaginer
qu'il
fait
quelque
chose.
C'est
d'ailleurs
là
que
s'opposent
les
techniques
pratiques
illustrées
par
les
Præti‡ækhya
et
les
techniques
de
connaissance
du
vyækara◊a44.
26.
Avant
de
comparer
les
mécanismes
de
substitution
dans
le
rituel
et
le
vyækara◊a,
rappelons
une
différence
importante
:
contrairement
au
domaine
du
rituel
védique,
dans
le
vyækara◊a
ancien
la
substitution
et
les
rapports
de
substitut/original45,
forment
la
seule
opération
structurée
dans
l'AÒ†ædhyæyÚ
et
aussi
un
topique
majeur
de
la
réflexion
grammairienne
chez
Pata~jali
et
ses
successeurs
.
La
nature
des
originaux
et
donc
des
substituts
couvre
toute
l'étendue
des
formes
enseignées
par
Pæ◊ini
;
elle
vaut
des
éléments
les
plus
discrets
(un
ton
est
le
substitut
d'un
autre
selon
Svarito
væ°
(8.2.6,
une
voyelle
est
le
substitut
d'une
autre
selon
Er
uÌ
3.4.86),
aux
plus
importants
tels
que
des
suffixes,
des
racines
(Aster
bhºÌ
2.4.52),
des
affixes
verbaux
apellés
vikara◊a
(DivædibhyaÌ
‡yan
3.1.69),
des
désinences
(¢er
yaÌ
7.1.13)
voire
des
mots
entiers
:
YuÒmadasmadoÌ
(8.1.20)
et
les
sºtra
suivants
instruisent
les
substituts
de
certains
pronoms
tels
que
væm
et
nau
à
yuÒmad
et
asmad.
Dans
le
rituel
védique,
certes,
les
opérations
de
substitution
sont
nombreuses
et
variées
mais
on
ne
voit
pas
ni
d'utilisation
ni
de
réflexion
systématiques
dans
les
Vedas
eux-‐mêmes
;
c'est
hors
du
44
Depuis
l'étude
décisive
de
P.
THIEME
"On
the
Identity
of
the
Værttikakæra"
dans
Indian
Culture,
4
(1937-‐
1938),
on
considère
aujourd'hui
que
le
Kætyæyana
du
Væjasaneyi-‐Præti‡ækya
et
celui
des
værttika
sont
la
même
personne.
A
cet
égard,
il
est
remarquable
que
ce
soit
Kætyæyana
qui
s'exprime
en
terme
de
vikæra
(vt.15
du
Pratyæhæra-‐sºtra
5,
BhæÒya
I.105).
Quand
Pata~jali
en
vient
à
commenter
l'expression
de
Kætyæyana,
il
dit
vikæra
æde‡aÌ
"un
vikæra
c'est-‐à-‐dire
une
substitution".
45
Il
y
a
notamment
toute
une
série
de
sºtra
qui
sont
nommés
atide‡asºtra,
littéralement
"sºtra
d'extension
de
champ"
et
sont
en
pratique
des
sºtra
de
transfert.
Ils
sont
marqués
généralement
par
l'emploi
du
suffixe
°vat
"
comme
"
et
régissent
les
conditions
d'application
d'une
opération
prévue
dans
un
certain
domaine
A
originel
à
un
autre
domaine
B.
Jusqu'à
quel
point
les
éléments
de
l'ensemble
B
sont
comme
ceux
de
l'ensemble
originel
A
constitue
un
topique
majeur
des
discussions
vyækara◊iques.
Le
sºtra
Sthænivad
æde‡o'nalvidhau
(1.1.56)
“
le
substitut
est
comme
l'original
sauf
dans
les
opérations
impliquant
spécifiquement
un
phonème
unique
”
est
le
prototype
de
ces
atide‡asºtra.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
18
Veda
et
principalement46
dans
le
vyækara◊a
que
la
question
de
la
substitution
est
pensée47.
Le
vocabulaire
technique
est
peut-‐être
d'origine
rituelle
comme
le
laisse
entendre
Renou
(1941-‐1942
dans
Staal
1972
:
435-‐69)
mais,
comme
d'habitude
dans
ce
‡æstra,
il
y
est
plus
nettement
défini
(par
les
successeurs
immédiats
de
Pæ◊ini)
et
il
est
employé
de
manière
systématique
dans
des
conditions
précises.
Dans
la
MÚmæµsæ,
où
la
question
de
la
substitution
(pratinidhi)
est
bien
abordée,
elle
n'occupe
pas
la
place
centrale
qui
est
la
sienne
dans
le
vyækara◊a.
Le
statut
des
deux
substitutions
est
différents:
dans
le
vyækara◊a,
l'æde‡atva
est
le
moyen
de
connaître
une
réalité
déjà
constituée,
les
mots
;
dans
la
MÚmæµsæ,
le
pratinidhi
est
une
opération
qui
vise
à
constituer
cette
réalité
et
n'est
donc
pas
une
méthode
spécifique
de
connaissance.
27.
Première
question
:
les
originaux
ont-‐ils
quelque
chance
de
se
réaliser?
Alors
que
dans
le
rituel,
les
originaux
sont
en
quelque
sorte
des
mots
vus
par
les
®Òi
et
n'ont
donc
jamais
aucune
réalité,
il
semble
d'abord
que
dans
le
vyækara◊a,
il
en
aille
autrement.
Ainsi
dans
la
liste
des
désinences
nominales
originales
donnée
par
le
sºtra
Svaujasam°
(4.1.2),
aucune
d'entre
elles
ne
sera
remplacée
systématiquement
par
des
substituts
:
ces
désinences
correspondent
à
celles
des
thèmes
consonantiques
non
nasals
(encore
que
<sU>,
c'est-‐à-‐dire
le
-‐s
de
nominatif,
ne
puisse
jamais
être
constaté
dans
l'emploi48).
Pour
les
autres
thèmes,
en
fonction
de
la
forme
de
ce
thème,
un
substitut
est
fourni
par
un
sºtra
;
ainsi
quand
il
s'agit
d'obtenir
la
forme
priyais
(instrumental
pluriel
d'un
thème
en
-‐a),
le
sºtra
Ato
bhisa
ais
(7.1.9)
instruit
le
substitut
ais
de
bhis.
Au
total,
dans
ce
domaine
des
désinences
nominales,
on
constate
que
l'emploi
des
originaux
est
beaucoup
plus
rare
que
celui
des
substituts
mais
qu'il
demeure
possible
dans
certains
cas.
Sur
les
21
désinences
des
thèmes
masculins
en
-‐a,
thèmes
qui
sont
les
plus
fréquents
surtout
dans
le
sanskrit
classique,
18
sont
des
substituts
;
les
trois
qui
sont
des
originaux
(<bhyas>,
<æm>
et
<su>)
s'accompagnent
d'une
modification
de
la
voyelle
prédésinentielle
du
thème.
28.
Néanmoins
à
l'intérieur
du
domaine
des
éléments
prescrits
par
Pæ◊ini
il
n'est
pas
rare
que
la
substitution
puisse
être
systématique,
l'original
n'ayant
dès
lors
aucune
chance
de
se
réaliser.
Les
suffixes
instruits
sous
la
forme
yu
tels
<Lyu™>,
<Lyu>
(3.1.134),
etc.
ou
sous
la
forme
vu
tels
<√vuL>
(3.1.133),
etc.
sont
les
originaux
des
46
Les
Ωrautasºtra
(ÆPΩS
XXIV.3.52)
et
la
MÚmæµsæ
(surtout
VI.3.20-‐41
et
notamment
VI.3.31
pour
la
putÚkæ
comme
pratinidhi
"substitut"
de
soma)
n'accordent
pas
au
pratinidhi
la
même
importance
que
l'æde‡atva
du
vyækara◊a.
Dans
les
UpaniÒad,
om
est
une
réplique
du
Triple
Veda
et
du
triple
monde,
il
en
est
la
forme
essentielle,
celle
que
par
tapas
successifs
Prajæpati
obtient
finalement.
Dans
cet
épisode
où
il
couve
(abhi-‐TAP-‐)
les
mondes,
puis
le
Triple
Veda
et
enfin
les
trois
exclamations
rituelles
bhºÌ,
bhuvaÌ
et
svaÌ,
si
om
est
bien
un
pratinidhi,
ce
n'est
pas
le
texte
(Chænd.Up
II.23.2-‐4)
qui
le
dit
mais
les
commentateurs.
47
L'AÒ†ædhyæyÚ
repose
sur
une
analyse
de
la
chaîne
parlée
non
mentionnée
par
Pæ◊ini
et
rapidement
étudiée
par
Pata~jali
;
c'est
la
méthode
dite
par
anvayavyatireka
“
permanence
et
absence
”
(il
existe
de
nombreuses
traductions
de
cette
expression
;
cf.
l'étude
de
G.
CARDONA
"Anvaya
and
Vyatireka
in
Grammar"
dans
The
Adyar
Library
Bulletin,
vol.
31-‐32,
p.
313-‐352).
La
procédure
permet
d'isoler
à
l'intérieur
des
mots
les
éléments
signifiants
les
plus
discrets
et
repose
aussi
sur
le
mécanisme
de
substitution
:
en
substituant
tel
élément
A
à
tel
autre
élément
B,
il
y
a
disparition
du
sens
associé
à
B
et
apparition
du
sens
associé
à
A
;
cf.
BhæÒya
sur
le
samarthasºtra
(I.364).
48
-‐
Væc
s(U•ø)
:
amuïssement
du
marqueur
par
Tasya
lopaÌ
(1.3.9).
-‐
Væc
(s•ø)
:
amuïssement
du
-‐s
désinentiel
par
Hal©yæbbhyo°
(6.1.68).
Il
demeure
que
la
procédure
est
systématique
si
bien
qu'il
n'y
a
aucun
mot
dont
toutes
les
désinences
correspondent
exactement
à
ceux
de
la
liste
énoncée
dans
le
sºtra
Svaujasam°
(4.1.2).
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
19
substituts
ana
et
aka
instruits
par
Yuvor
anækau
(7.1.1)
;
et
dans
ces
cas
jamais
les
originaux
<Lyu™>,
etc.
ne
se
réalisent,
au
point
où
Renou
les
nomme
"éléments
fictifs".
Autre
type
de
relation
original-‐susbtitut
:
la
forme
de
surface
comprend
une
partie
de
l'original
et
un
substitut
:
ainsi
<jhi>
est
la
troisième
de
la
liste
des
désinences
verbales
(ti©)
énumérées
dans
le
sºtra
Tiptasjhi°
(3.4.78).
Ce
<jhi>
n'apparaît
jamais
en
tant
que
tel
dans
un
verbe
car
Jho'ntaÌ
(7.1.3)
instruit
le
substitut
ant
de
la
partie
jh
de
<jhi>
dans
bha≠v
a
(jh•ant)i
puis
bha≠v
((a
+
a)•
a)
nti
d'où
finalement
bha≠vanti.
La
désinence
de
surface
comprend
donc
un
i
original
précédé
d'un
substitut.
Finalement,
il
n'y
a
pas
de
catégorie
qui
soit
composée
d'éléments
qui
tous
se
réalisent.
29.
Si
le
mécanisme
de
substitution
est
universel
dans
le
vyækara◊a
pæ◊inéen,
il
répond
à
différentes
nécessités
et
motivations
:
-‐
des
raisons
contextuelles
;
comme
dans
tous
les
faits
de
saµdhi,
la
substitution
i•y
est
liée
au
contexte
:
il
faut
pour
que
Iko
ya◊
aci
(6.1.77)
s'applique
que
la
condition
aci
"devant
une
voyelle
(aC)"
soit
remplie.
-‐
des
raisons
d'économie
(læghava):
les
substituts
de
surface
ana
et
aka
sont
manipulés
sous
les
formes
théoriques
yu
et
vu
;
on
pourrait
dire
que
yu
et
vu
sont
le
nom
collectif
de
plusieurs
suffixes
mais
ce
serait
vyækara◊iquement
faux
car
yu
et
vu
ne
sont
pas
des
noms
mais
des
nommés.
-‐
des
raisons
de
vivakÒæ
"désir
d'expression"
du
locuteur
;
ainsi
(cf.
§
30)
<l>
est
le
suffixe
générique
verbal,
dont
<lA™>,
<lA¢>
sont
les
substituts
s'il
y
a
désir
de
marquer
le
présent,
le
passé
;
<tiP>
est
le
substitut
de
<lA¢>
si
le
locuteur
a
le
désir
d'exprimer
la
troisième
personne
du
singulier
(celle
dite
prathamapuruÒa)
;
enfin
cette
désinence
subit
une
dernière
opération
de
nature
morphologique
à
savoir
l'amuïssement
par
Ita‡
ca
(3.4.100)
du
i
de
ti
substitut
d'un
<l>
à
marqueur
/¢/
ce
qui
est
le
cas
de
<tiP>
vis-‐à-‐
vis
de
<lA¢>.
Chaque
substitut
est
de
plus
en
plus
limité,
particulier
et
intègre
par
sthænivadbhæva
“traitement
du
substitut
comme
l'original”
les
valeurs
du
ou
des
précédents
originaux.
30.
Autre
point
qui
rapproche
vyækara◊a
et
rituel
dans
ce
domaine,
l'existence
fréquente
d'un
original
pour
plusieurs
substituts.
Un
bon
exemple
en
est
l'organisation
de
la
présentation
des
désinences
verbales
mentionnées
ci-‐dessus.
La
désinence
verbale
<l>
(totalement
irréelle
c'est-‐à-‐dire
ne
parvenant
jamais
à
l'emploi)
est
unique
;
ce
<l>
exprime
la
verbalité
à
l'état
pur
sans
référence
temporelle
ou
modale,
de
nombre
ou
de
personne.
Elle
est
l'original
de
dix
désinences
<lA™>,
<lA¢>,
etc.,
chacune
d'entre
elles
exprimant
un
temps
(ou
un
mode)
en
plus
de
la
simple
verbalité.
Ce
sont
celles-‐ci
qui
ont
pour
substituts
les
dix-‐huit
désinences
qui,
sous
la
forme
d'une
liste,
constituent
le
sºtra
Tiptasjhi°
(3.4.78)
;
le
nombre
de
dix-‐huit
doit
encore
être
augmenté
de
tous
les
substituts
causés
par
les
marqueurs
de
<lA™>,
<lA¢>,
<lU™>,
etc.
L'ensemble
forme
une
pyramide
comprenant
de
plus
en
plus
d'éléments.
Le
niveau
4
comprend
la
majorité
des
éléments
du
niveau
3
et
tous
leurs
substituts.
1°
<l>
1
original
2°
<lA™>
<lA¢>
<lU™>,
<lE™>
[...]
10
substituts
(les
lakæra)
3°
<tiP>
<tas>
<jhi>
<siP>
<thas>
<tha>
[...]
18
substituts
de
chacun
des
lakæra
soit
180.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
20
4°
<t>
[...]
substituts
de
certains
des
180
précédents.
Les
éléments
des
niveaux
1
et
2,
comprenant
l'original,
sont
totalement
irréels
;
ceux
des
niveaux
3
et
4
sont
réels,
c'est-‐à-‐dire
compétents
à
l'emploi
;
ils
sont
beaucoup
plus
nombreux
au
total.
La
tendance
est
bien
à
la
singularité
de
l'original
contrastant
avec
la
pluralité
des
susbtituts.
L'original
est
rare49.
31.
Le
cas
en
question
met
aussi
en
valeur
le
caractère
de
plus
en
plus
particulier,
localisé,
des
substituts
par
opposition
à
l'aspect
général
et
délocalisé
de
l'original.
Le
mouvement
de
substitution
ancre
les
éléments
grammaticaux
dans
la
réalité
de
la
langue
:
dans
une
large
mesure
on
enseigne
d'abord
des
originaux
mais
on
parle
avec
les
substituts.
A
cet
égard
il
faut
souligner
un
fait
de
vocabulaire
noté
par
Pata~jali
(BhæÒya
I.410)
quand
il
explique
étymologiquement
la
valeur
de
l'æde‡a
:
“
ce
qui
est
enseigné
(ædi‡yate)
c'est
cela
qui
est
æde‡a
”
dit-‐il.
L'argument
vise
à
montrer
que
un
æde‡a
n'est
pas
seulement
ce
qui
paraît
être
un
substitut
mais
que
les
æde‡a
concernent
l'ensemble
des
sºtra
prescriptifs.
Est
æde‡a
ce
qui,
n'étant
pas
attendu,
doit
prendre
la
place
de
ce
qui
est
attendu.
La
substitution
ne
s'arrête
pas
à
ce
qui
est
techniquement
enseigné
comme
tel.
Le
substitut
est
notamment
ce
qui
prend
la
place
de
ce
qui
se
présente
à
la
conscience
spontanément,
c'est-‐à-‐dire
selon
le
principe
de
ressemblance.
Dans
le
contexte,
l'affirmation
peut
paraître
de
circonstance
mais
elle
est
confirmée
dans
un
autre
passage,
plus
important
et
pour
tout
dire
décisif
où
Pata~jali
affirme
"tous
les
substituts
le
sont
des
mots
entiers
pour
Pæ◊ini,
fils
de
DakÒÚ"50.
Prenons
l'exemple
d'une
opération
que
nous
nommons
affixation
:
c'est
clairement
le
fait
d'ajouter
un
élément
à
une
base
et
c'est
ce
que
reflète
l'emploi
du
mot
affixe.
Or
elle
est
décrite
par
Pata~jali
comme
le
fait
que
la
conscience
passe
d'un
"mot"
éternel
(la
base
présuffixale)
à
un
autre
"mot"
éternel,
la
base
et
son
suffixe.
L'æde‡a
(substitut/indication)
dans
ce
contexte
est
le
passage
d'un
état
de
conscience
pointée
sur
un
objet
à
un
autre
où
l'attention
est
dirigée
vers
un
autre
objet
de
conscience51.
32.
Le
principe
de
ressemblance,
l'un
des
deux
(avec
la
filiation)
qui
justifient
dans
la
sphère
sacrificielle
le
fait
que
tel
élément
soit
le
substitut
de
tel
autre,
n'est
pas
systématiquement
absent
du
vyækara◊a
comme
on
pourrait
le
penser
rapidement
;
au
contraire,
c'est
même
ce
principe
qui
est
à
la
base
de
toute
la
parole
de
Pæ◊ini
et
c'est
ce
que
nous
allons
maintenant
montrer.
De
manière
systématique
les
substituts
ne
sont
énoncés
que
dans
la
mesure
où
ils
diffèrent
de
l'original.
Sinon,
la
"ressemblance"
permet
d'échapper
à
la
nécessité
de
49
La
présentation
pæ◊inéenne
des
désinences
casuelles
et
personnelles
est
très
différente.
Les
vingt
et
une
désinences
casuelles
énumérées
dans
Svaujasam°
(4.1.2)
sont
des
originaux
chargées
par
d'autres
sºtra
des
notions
de
kæraka,
de
nombre,
etc.
Il
n'y
a
pas
de
désinence
casuelle
générique
et
de
substituts
de
plus
en
plus
particuliers.
50
BhæÒya
II.44
:
Sarve
sarvapadæde‡æ
dækÒÚputrasya
pæ◊ineÌ.
La
phrase
vise
à
sauver
l'éternité
des
mots
et
signifie
que
l'æde‡a
est
un
upade‡a
spécifique
c'est-‐à-‐dire
une
méthode
de
description
du
langage
éternel.
La
phrase
est
énoncée
en
fonction
des
ægama
“
accrément
”.
Dans
un
autre
contexte,
celui
du
saµdhi,
Ωabara
pour
la
même
raison
refusait
la
modification
(vikæra)
i•y
dans
dadh(i•y)
atra
au
profit
de
la
substitution
et
affirmait
(JS
I.1.16)
var׾ntaram
avikæraÌ
“
c'est
un
autre
phonème
et
non
une
modification
”.
Cf.
M.
BIARDEAU,
Théorie
de
la
Connaissance
et
Philosophie
de
la
Parole,1964
:
184.
51
Sans
doute
est-‐ce
la
position
ultime
de
Pata~jali
;
il
n'en
reste
pas
moins
que
les
æde‡a
désignent
une
réalité
grammaticale
dans
le
vyækara◊a
opératoire,
y
compris
dans
le
BhæÒya
et
notamment
dans
les
§
qui
précèdent
celui-‐ci.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
21
préciser
lequel
est
nécessairement
le
substitut
parmi
tous
les
possibles
et
lesquels
ne
le
sont
pas
car
Sthæne'ntaratamaÌ
“(parmi
les
éléments)
acquis
à
la
place
de
tel
(autre),
c'est
le
plus
proche,
c'est-‐à-‐dire
le
plus
semblable
qui
est
le
substitut
(valable)”52.
Il
faut
se
rappeler
pour
comprendre
l'importance
d'une
telle
affirmation
que
toutes
les
opérations
sont
des
substitutions
même
celles
qui
apparemment
n'en
sont
pas
et
que
par
conséquent
ce
principe
d'affinité
ou
de
sympathie
entre
original
et
substituts
fonde
toutes
les
paroles
de
Pæ◊ini.
Le
terme
æntarya
constamment
utilisé
par
les
commentateurs
est
l'abstrait
dérivé
du
mot
antara
du
sºtra.
Que
cet
æntarya
n'est
rien
d'autre
que
le
principe
de
ressemblance
est
confirmé
explicitement
par
Pata~jali
sous
le
vt.
8
(I.373)
où
il
prend
des
exemples
du
monde
pour
montrer
que
ce
principe
est
universel
:
dans
le
monde,
différents
éléments
séparés
du
tout
se
dirigent
vers
ce
tout
qui
a
leur
nature
;
ainsi
les
flammes
faites
de
lumière
s'élancent
vers
la
lumière,
etc.
La
ressemblance
commande
l'affinité
entre
les
substituts
et
les
originaux.
Kaiya†a
commentant
ce
passage
ajoute
"les
substituts,
même
s'ils
sont
groupés
dans
une
règle,
s'appliqueront
sans
se
mêler"
car
ils
prennent
respectivement
la
place
d'un
élément
qui
leur
ressemble.
Nulle
part
Pæ◊ini
n'établit
les
conditions
de
cette
"ressemblance"
qui
est
connue
par
ailleurs
(dans
les
différents
Præti‡ækhya).
C'est
la
Kæ‡ikæ
qui
précise
la
nature
de
cette
proximité
(æntarya)
laquelle
fonde
la
substitution
;
ce
sont,
l'ordre
étant
hiérarchique,
la
communauté
de
lieu
d'articulation
(sthæna),
de
sens
(artha),
de
modalité
(gu◊a)
et
de
dimension
(præmæ◊ya)53.
Comme
les
substituts
peuvent
ressembler
aux
originaux
à
plusieurs
égards,
il
importe
de
classer
ces
ressemblances.
Pæ◊ini
n'en
dit
rien
et
c'est
donc
svabhævataÌ
"naturellement"
que
se
réalise
ce
classement
;
en
l'occurrence,
c'est
la
ressemblance
dans
ce
qui
importe
qui
s'applique.
33.
On
retrouve
aussi
un
usage
déjà
vu
dans
le
rituel
:
le
manque
de
ressemblance
entraîne
un
supplément
d'action.
En
l'occurrence,
il
s'agit
d'un
æde‡a.
Certes,
l'opération
a
toujours
lieu
(qu'elle
soit
ou
non
prescrite)
mais,
si
la
ressemblance
est
là,
cette
opération
n'a
pas
à
être
précisée,
elle
se
réalise
elle-‐aussi
par
la
nature
des
choses
(svabhævataÌ)
:
l'æntarya
permet
d'économiser
les
paroles
de
Pæ◊ini.
En
somme,
Pæ◊ini
n'énonce
des
sºtra
que
dans
la
seule
mesure
où
sa
parole
infléchit,
contredit
plus
ou
moins
les
usages
du
monde
;
sinon
il
laisse
faire
le
principe
de
ressemblance.
C'est
d'ailleurs
parce
que
ce
principe
de
ressemblance
est
lui-‐même
bien
établi
dans
le
monde
qu'il
est
fait
reproche
au
maître
de
l'énoncer
dans
un
sºtra
;
du
sºtra
Sthæne'ntaratamaÌ
on
dit
anarthakaµ
ca
"et
le
sºtra
est
inutile"
(vt.
4
dans
I.
372)
:
l'énonciation
du
principe
de
ressemblance
qui
organise
la
relation
de
l'original
aux
substituts
est
une
redondance
vis-‐à-‐vis
du
monde.
La
même
inutilité
est
dite
par
Pata~jali
à
propos
de
Shænivad
æde‡o'nalvidhau
(1.1.56)
qui
instruit
le
principe
général
comme
quoi
le
substitut
est
traité
comme
l'original.
A
l'un
des
interlocuteurs
qui
affirme
que
tac
cæntare◊a
yatnaµ
na
siddhyati
“
cela
ne
se
réalise
pas
sans
effort
”,
c'est-‐à-‐dire
sans
l'effort
de
formuler
le
sºtra
(BhæÒya
I.401),
Pata~jali
répond
que
là
aussi
lokata
etad
siddham
“
cela
est
déjà
réalisé
d'après
le
monde
”
(BhæÒya
I.402).
34.
Il
faut
pour
aller
plus
loin
se
rappeler
que
les
sºtra
sont
hiérarchisés
et
bien
marquer
le
fait
que
ce
principe
de
ressemblance
déterminant
la
mise
en
branle
du
mécanisme
de
52
Sthæne
præpyamæ◊ænæm
antaratama
æde‡o
bhavati
sad®‡atamaÌ
(Kæ‡ikæ
1
:
101),
glose
du
sºtra
de
Pæ◊ini
1.1.50.
53
Cf.
les
explications
détaillées
dans
la
Kæ‡ikæ
(notamment
dans
la
traduction
OJIHARA-‐RENOU
1962
:
18-‐
19).
Pour
le
BhæÒya
et
ses
principaux
commentaires,
P.-‐S.
FILLIOZAT
1976
:
376-‐403
et
JOSHI-‐
ROODBERGEN
1990.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
22
substitution
l'emporte
sur
tout
autre
et
donc
sur
n'importe
quel
sºtra
ou
principe
dit
ou
non-‐dit
par
Pæ◊ini
qui
réaliserait
pourtant
le
même
résultat.
Suivons
un
moment
le
raisonnement
de
Pata~jali
visant
Yathæsaµkhyam
anude‡aÌ
samænæm
(1.3.10),
sºtra
qui
établit
le
principe
de
distributivité
entre
les
membres
de
deux
listes
comprenant
un
nombre
égal
d'éléments.
L'interlocuteur
propose
deux
exemples
où
toutes
les
conditions
d'application
de
Yathæsaµkhyam
anude‡aÌ
samænæm
sont
remplies
;
pourtant
ces
exemples
sont
refusés
au
nom
du
principe
de
ressemblance.
D'abord
Iko
ya◊
aci
où
ik
(<iK>)
note
la
liste
des
voyelles
i,
u,
®,
¬
et
ya◊
(<ya√>)
celle
des
semi-‐
voyelles
y,
v,
r
et
l.
Le
sºtra
instruit
que
devant
une
voyelle
(aci)
une
opération
de
substitution
est
réalisée
où
les
ik
sont
les
originaux
et
où
les
ya◊
sont
les
substituts
;
mais
il
y
a
lieu
de
craindre
que,
le
substitut
de
chaque
original
n'étant
pas
précisé
par
le
sºtra,
tous
les
ya◊
puissent
indifféremment
être
les
substituts
de
tous
les
ik.
Or,
en
recourant
à
Yathæsaµkhyam,
cela
pourrait
être
évité
et
l'on
comprendrait
que,
le
nombre
d'éléments
(quatre
<iK>
et
quatre
<ya√>)
des
deux
listes
étant
égal,
parmi
les
substituts
le
premier
est
seul
le
substitut
du
premier
des
originaux,
le
second
est
le
substitut
du
second
des
originaux,
etc.
:
la
limitation
souhaitable
serait
parfaitement
réalisée
et
ne
produirait
que
les
résultats
souhaités.
Pourtant
la
procédure
est
refusée
;
ce
refus
n'est
pas
motivé
parce
que
Sthæne'ntaratamaÌ
manquerait
dès
lors
de
champ
d'application
puisque
nous
constatons
qu'il
en
possède
un
où
Yathæsaµkhyam
anude‡aÌ
ne
peut
s'appliquer.
Non,
cette
procédure
parfaitement
efficace
est
refusée
car
sthæne'ntaratamenæpy
etat
siddham
“
cela
est
déjà
réalisé
par
le
principe
de
plus
grande
ressemblance
”.
Dans
le
second
exemple,
une
liste
de
quatre
désinences
verbales
est
énoncée
comme
substitut
d'une
liste
de
quatre
désinences
verbales
originales
;
là
aussi
les
conditions
d'application
de
Yathæsaµkhyam
sont
toutes
parfaitement
remplies
;
pourtant
Pata~jali
considère
aussi
que
la
bonne
mise
en
rapport
des
substituts
et
des
originaux
dans
cette
opération
de
substitution
est
déjà
réalisée
par
le
recours
au
même
principe
d'æntarya.
La
différence
entre
les
deux
exemples
tient
à
la
nature
de
l'æntarya
:
dans
le
cas
de
Iko
ya◊
aci,
la
ressemblance
porte
sur
le
sthæna
"lieu
d'articulation"
:
i
est
tælavya
"palatal"
ainsi
que
y,
u
est
oÒ†hya
"labial"
ainsi
que
v,
etc.
si
bien
que
le
phonème
palatal
remplace
le
seul
autre
phonème
palatal,
le
phonème
labial
remplace
le
seul
autre
phonème
labial,
etc.
tandis
que
pour
le
second
cas,
il
s'agit
d'un
arthæntarya
"ressemblance
par
le
sens"
entre
chacun
des
éléments
des
deux
listes.
35.
Si
les
substituts
ne
sont
pas
précisés,
on
fait
appel
prioritairement
au
principe
de
ressemblance,
secondairement
à
tout
autre
principe
mondain
(l'ordre
d'énonciation
par
exemple).
S'ils
sont
précisés
c'est
qu'ils
ne
se
ressemblent
pas
et
c'est
cette
non-‐
ressemblance
qui
motive
la
parole
de
Pæ◊ini.
Le
cas
en
question
est
d'autant
plus
intéressant
que
l'opération
peut
être
réalisée
au
nom
de
deux
principes
(de
ressemblance
et
de
distributivité)
mondains
qui,
clairement
énoncés
par
Pæ◊ini,
s'appliquent
dans
le
vyækara◊a
et
l'on
voit
que
Pata~jali
tranche
au
profit
du
principe
de
plus
grande
affinité.
On
comprend
donc
comment
est
structurée
la
parole
de
Pæ◊ini
:
il
enseigne
tout
ce
que
les
lois
du
monde
ne
permettent
pas
de
réaliser
et
si
ces
lois
sont
en
mutuel
conflit,
c'est
le
principe
de
ressemblance
qui
l'emporte
sur
tout
autre.
Pas
plus
que
Pæ◊ini,
Pata~jali
ne
dit
pourquoi
le
principe
de
ressemblance
l'emporte
sur
tout
autre
mais
on
voit
que
dans
les
opérations
de
substitution,
il
s'applique
prioritairement
et
systématiquement,
et
que
c'est
précisément
dans
la
mesure
où
il
ne
peut
s'appliquer
qu'il
faut
formuler
les
sºtra
et
avoir
recours
à
eux.
Le
silence
de
Pæ◊ini
permet
aux
lois
du
monde
d'oeuvrer
svabhævataÌ
“
naturellement
”
(BhæÒya
I.372)
en
suivant
le
principe
universel
de
ressemblance
entre
original
et
substitut
tandis
que
par
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
23
ailleurs
sa
parole
fait
écran
à
cette
mise
en
oeuvre
en
organisant
les
choses
là
où
la
ressemblance
doit
faire
défaut.
C'est
dans
cet
esprit
que
Pata~jali
à
plusieurs
reprises
affirme
que
la
parole
de
Pæ◊ini
constitue
un
effort
(prayatna)54
car
les
sºtra
doivent
contrer
les
usages
établis
dans
le
monde
ou
en
ajouter
d'autres.
Dans
un
passage
célèbre,
il
souligne
le
grand
effort
auquel
a
dû
se
résoudre
Pæ◊ini
pour
énoncer
l'AÒ†ædhyæyÚ55.
Cette
pratique
est
"universelle"
c'est-‐à-‐dire
qu'elle
s'applique
à
la
totalité
du
Sºtra
de
Pæ◊ini
:
toute
la
parole
de
Pæ◊ini
et
la
manière
dont
elle
est
structurée
sont
un
"
grand
effort
"
pour
contrer
les
lois
du
monde56.
On
retrouve
le
fait
que
l'action,
en
l'occurrence
l'énonciation
des
sºtra,
est
d'autant
plus
présente
que
les
substituts
s'éloignent
des
originaux.
Dans
le
cas
d'un
éloignement
maximum
il
faut
dire
expressément
quoi
est
l'original
et
quoi
est
le
substitut
et
dans
quelle
situation.
Finalement
dans
le
cadre
d'un
processus
généralisé
de
substitution
fondée
sur
la
ressemblance,
le
silence
de
Pæ◊ini
utilise
les
lois
dites
par
ailleurs,
dans
le
Veda
et
dans
le
monde,
tandis
que
sa
parole
contre,
filtre
ou
limite
ces
lois
dans
le
discours
grammatical.
Dans
les
sºtra,
on
entend
la
parole
du
maître
Pæ◊ini
laquelle
s'oppose
aux
usages
du
monde
et
quand
il
se
tait
c'est
qu'il
faut
écouter
la
parole
silencieuse
de
l'univers.
36.
Montrons
ce
dernier
point
pour
le
sºtra
Yathæsaµkhyam.
La
question
se
pose
de
savoir
pourquoi
Pæ◊ini
a
dû
énoncer
le
sºtra
puisque
ce
principe
de
distributivité
s'applique
déjà
dans
le
monde.
N'y
a-‐t-‐il
pas
là
simple
redondance?
Kaiya†a
(BhæÒya
II.219)
explique
(plus
nettement
que
Pata~jali)
son
usage
dans
la
langue
du
monde.
En
fait,
dit-‐il,
ce
principe
de
distributivité
n'y
est
pas
universel
:
il
ne
s'applique
pas
si
l'on
dit
ajævidhanau
devadattayaj~adattau
("D.
et
Y.
ont
une
richesse
consistant
en
chèvres
et
en
moutons")
où
l'on
comprend
que
les
richesses
de
l'un
et
de
l'autre
consistent
en
chèvres
et
en
moutons
et
non
que
D.
est
riche
exclusivement
en
chèvres
et
que
Y.
est
riche
exclusivement
en
moutons
;
par
contre
il
s'applique
dans
la
phrase
‡atruµ
mitraµ
vipattiµ
ca
jaya
ra~jaya
bha~jaya
où,
pour
"vainc,
réjouis,
brise
l'ennemi,
l'ami
et
l'adversité",
il
faut
comprendre
"vainc,
réjouis,
brise
respectivement..."
c'est-‐à-‐dire
"vainc
l'ennemi,
réjouis
l'ami
et
brise
l'adversaire".
Ainsi,
dans
le
monde,
le
principe
de
distributivité
s'applique-‐t-‐il
hors
composition
tandis
qu'il
ne
s'applique
pas
dans
les
composés.
Dès
lors
que
Pæ◊ini
emploie
des
composés
où
il
veut
faire
jouer
la
distributivité,
il
est
donc
obligé
pour
contrer
l'usage
du
monde
de
rompre
le
silence
et
d'énoncer
un
sºtra.
On
voit
qu'ici
ce
n'est
pas
le
principe
en
lui-‐même
mais
son
champ
d'application
qu'il
s'agit
de
modifier.
En
somme,
comme
c'est
souvent
le
cas,
la
métalangue
pæ◊inéenne
est
une
inversion
des
usages
du
monde57.
La
discussion
se
54
Tac
cæntare◊a
yatnaµ
na
sidhyati
"et
cela
ne
se
réalise
pas
sans
effort"
(BhæÒya
II.291).
55
Pramæ◊abhºta
æcæryo
darbhapavitrapæ◊iÌ
‡ucæv
avakæ‡e
præ©mukha
upavi‡ya
mahatæ
prayatnena
sºtræ◊i
pra◊ayati
sma
“
le
Maître-‐fait-‐norme,
une
herbe
darbha
purificatrice
nouée
sur
un
doigt
de
la
main,
s'étant
assis
dans
un
endroit
pur,
le
visage
tourné
vers
l'orient,
a
composé
les
sºtra
au
prix
d'un
grand
effort
”
(BhæÒya
I.128,
værttika
7
sous
V®ddhir
ædaic
1.1.1/16)
56
Beaucoup
des
paribhæÒæ
utilisées
(avec
ou
sans
ce
nom)
par
Pata~jali,
recueillies
et
étudiées
par
ses
successeurs
(finalement
par
Næge‡a
qui
au
XVIIIe
siècle
les
a
magistralement
commentées
dans
son
ParibhæÒendu‡ekhara)
sont
des
expressions
condensées
de
ces
lois.
Les
commentateurs
montrent
comment
les
lois
du
monde
organisent
silencieusement
la
parole
pæ◊inéenne
ne
se
manifestant
çà
et
là
que
grâce
à
un
élément
qui
révèle
discrètement
(j~æpana)
leur
présence.
Mais
beaucoup
d'entre
elles
résultent
de
la
volonté
des
commentateurs
de
faire
fonctionner
l'AÒ†ædhyæyÚ
:
l'ouvrage
de
Pæ◊ini,
oeuvre
de
connaissance,
est
utilisé
et
réorganisé
en
tant
qu'oeuvre
de
génération
du
langage.
57
Cela
rappelle
que
dans
les
Bræhma◊a,
la
langue
et
les
usages
des
hommes
sont
souvent
présentés
comme
une
inversion
des
pratiques
divines.
On
peut
aussi
se
demander
pourquoi
Pæ◊ini
n'a
pas
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
24
poursuit
car
on
objecte
que
Pæ◊ini
aurait
pu
éviter
l'énonciation
du
sºtra
en
renonçant
aux
composés
;
mais
finalement
Pata~jali
montre
que
l'usage
des
formes
analytiques,
à
cause
du
nécessaire
recours
aux
désinences
pour
chaque
original
et
pour
chaque
substitut,
aurait
été
plus
lourd
que
celui
des
composés
(principe
de
légèreté)
:
si
Pæ◊ini
avait
laissé
faire
le
silence
des
lois
du
monde,
sa
parole
aurait
été
plus
lourde.
Par
ailleurs
la
procédure
mondaine
aurait
entraîné
des
conséquences
néfastes
dans
le
domaine
des
reconductions.
Une
infraction
au
principe
de
légèreté
permet
d'économiser
une
plus
grande
lourdeur.
Le
point
central
est
donc
bien
établi
:
si
Pæ◊ini
répète
dans
ce
sºtra
un
principe
déjà
établi
dans
le
monde
c'est
parce
qu'il
en
change
le
domaine
d'application
et
c'est
précisément
ce
que
vise
cette
apparente
redondance
autrement
coupable.
37.
La
discussion
porte
aussi
sur
le
référent
de
cette
plus
grande
proximité
entre
original
et
substitut
;
est-‐ce
le
substitut
qui
doit
être
le
plus
proche
de
l'original
parmi
tous
les
substituts
possibles
ou
bien
l'original
qui
doit
être
le
plus
proche
d'un
des
substituts.
En
fonction
de
deux
lectures
du
sºtra,
la
question
se
pose
(værttika
2,
I
:
370)
de
savoir
si
l'opération
produit
systématiquement
des
substituts
ou
si,
les
substituts
possibles
étant
déjà
disposés
préalablement,
le
sºtra
permet
l'éviction
de
tous
les
substituts
possibles
sauf
d'un
seul,
le
plus
proche
de
l'original.
La
première
lecture
aboutit
à
systématiser
les
rapports
de
substitution
au
point
d'envisager
ceux
entre
original
et
...
original
ce
qui
aménerait
un
blocage
de
la
machine
à
fabriquer
les
mots
qu'est
semble-‐t-‐
il
l'AÒ†ædhyæyÚ
:
le
substitut
le
plus
proche
de
l'original
étant
l'original
lui-‐même,
la
règle
si
elle
s'appliquait
sans
limitation
pourrait
mettre
en
oeuvre
à
l'infini
une
chaîne
de
substituts
en
tout
point
semblables
aux
originaux,
le
même
se
répétant
sans
fin
sans
jamais
produire
de
différent,
les
phonèmes
ne
restant
pas
en
place
un
seul
instant
comme
"des
grains
de
sésame
jetés
dans
une
poêle
chauffée".
L'argument
pour
purement
théorique
qu'il
soit,
étudié
par
Pata~jali
et
toute
la
tradition
de
la
Kæ‡ikæ,
est
très
représentatif.
On
devine
que
cette
procédure
est
repoussée
;
parmi
les
arguments
avancés,
le
plus
intéressant
est
que
justement
la
substitution
original/original
ne
produirait
pas
toujours
un
même
instable
mais
parfois
du
stable
faux
:
l'exemple
envisagé
est
celui
de
bisam•bisam
(“
tige
”
notamment
du
lotus)
où
la
présence
du
i
devant
un
s
substitut
provoquerait
par
application
de
I◊koÌ
(8.3.57)
la
cérébralisation
de
ce
s
:
*bi(s•Ò)am.
L'original
ne
saurait
se
reproduire
à
l'identique,
le
double
du
même
est
différent58.
Le
fait
que
deux
formes
identiques
soient
l'une
l'original,
l'autre
un
substitut,
permet
à
certaines
règles
de
ne
pas
s'appliquer
au
premier
et
de
s'appliquer
au
second.
38.
Pæ◊ini
ne
fait
l'effort
de
dire
les
substituts
que
lorsqu'ils
sont
éloignés
de
l'original
au
point
de
ne
pas
être
reconnaissables
ou
déterminables
comme
substituts.
Si
bien
que,
comme
précédemment
dans
le
domaine
du
rituel,
l'éloignement
du
substitut
vis-‐à-‐vis
de
l'original
provoque
un
effort
supplémentaire.
Le
silence
de
Pæ◊ini
est
le
signe
d'une
extrême
proximité
(æntarya)
qui
met
en
action
Sthæne'ntaratamaÌ
(1.1.50)
sur
la
base
précisé
le
champ
d'application
de
Yathæsaµkhyam.
La
raison
est
que
l'opposition
composés/non-‐
composés
n'est
pertinente
que
dans
la
langue
du
monde
où
ces
deux
types
de
formes
sont
possibles
et
concurrentes
mais
pas
dans
l'AÒ†ædhyæyÚ
où
Pæ◊ini
a
systématiquement
écarté
les
formes
analytiques.
58
C'est
le
cas
de
l'ensemble
de
la
production
du
Sºtra
et
de
certaines
parties
de
cet
ensemble
(comme
dans
l'exemple
donné
ci-‐dessus)
;
mais
il
n'en
irait
pas
ainsi
de
chacune
des
opérations.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
25
de
la
ressemblance
entre
substitut
et
original
tandis
qu'un
énoncé
est
réalisé
par
Pæ◊ini
parce
que
le
substitut
nécessaire
n'est
pas
le
plus
proche
parmi
les
possibles.
C'est
ce
qui
lui
permet
d'introduire
de
la
discontinuité
et
du
nouveau
dans
le
tissu
de
la
parole.
Un
exemple
dans
le
domaine
de
la
tonalité
:
soit
deux
voyelles
dont
l'une
est
aiguë
(udætta)
et
l'autre
grave
(anudætta)
appelées
à
être
remplacées
par
un
substitut
unique
;
ainsi,
selon
PrathamayoÌ
pºrvasavar◊aÌ
(6.1.102),
le
i
de
agn≤
et
le
au
(anudætta)
de
la
désinence
du
duel
ont
pour
substitut
unique
une
voyelle
longue
de
même
var◊a
que
la
voyelle
antérieure
:
agn((i
+
au)•Ú).
Du
point
de
vue
de
la
tonalité
maintenant,
parmi
les
trois
tons
susceptibles
d'être
substituts,
le
plus
proche
est
le
svarita
parce
qu'il
participe
par
définition
(cf.
SamæhæraÌ
svaritaÌ
1.2.31
:
“le
svarita
est
le
rassemblement
de
l'udætta
et
de
l'anudætta
”)
de
la
nature
des
deux
originaux
udætta
et
anudætta.
Or
le
substitut
désiré
est
l'udætta
et
c'est
justement
parce
que
le
plus
proche
n'est
pas
le
bon
que
Pæ◊ini
est
obligé
d'énoncer
le
sºtra
Ekæde‡a
udættenodættaÌ
(8.2.5)
qui
enseigne
que
“
dans
un
substitut
unique,
quand
l'un
des
deux
originaux
est
udætta,
le
substitut
est
udætta
”.
39.
C'est
donc
dans
le
vyækara◊a,
comme
dans
le
rituel,
le
principe
de
plus
grande
ressemblance
qui
guide
une
partie
des
relations
substitut-‐original.
Un
dernier
point
:
on
sait
que
la
procédure
de
substitution
quoique
diverse
dans
ses
modalités
et
ses
causes
est
systématique,
étant
la
seule
opération
métalinguistique.
En
outre,
il
est
remarquable
que
cette
opération
susbiste
même
quand
elle
heurte
le
sentiment.
Prenons
l'exemple
classique
de
dadhi
atra
et
de
dadhy
atra.
Bien
sûr,
les
traducteurs
(Renou,
Katre,
etc.)
qui
sont
au
fait
des
procédures
pæ◊inéennes
traduisent
tous
le
sºtra
correctement
par
"les
semi-‐voyelles
y,
etc.
sont
les
substituts
respectifs
des
voyelles
i,
etc.
devant
voyelle"
;
l'exemple
canonique
est
celui
que
reprennent
MÚmæµsæ
et
Nyæya
à
savoir
dadh(i•y)
atra.
Mais
le
sentiment
demeure
chez
les
usagers
de
la
langue
(et
chez
les
étudiants!)
que
"i
devient
y"
dans
ce
contexte.
L'opération
instruite
par
Pæ◊ini
comme
une
substitution
est
sentie
comme
une
transformation.
C'est
surtout
vrai
quand
la
cause
est
contextuelle
car
dès
lors
le
substitut
ne
peut
que
ressembler
évidemment
à
l'original.
Par
contre,
quand
original
et
substitut
sont
nettement
différents
(cas
de
væm
substitut
de
yuÒmad)
chacun
admet
facilement
l'idée
de
substitution59.
De
toute
façon
la
substitution
n'est
pas
une
opération
linguistique
qui
correspondrait
à
un
mécanisme
psychologique
:
il
n'y
a
pas
volontairement
ou
consciemment
un
moment
où
le
locuteur
substituerait
un
élément
B
à
un
élément
A
;
même
quand
il
s'agit
d'une
option
entre
deux
éléments,
le
locuteur
ne
pense
pas
A
pour
finalement
lui
substituer
B
dans
l'emploi.
C'est
vrai
en
fait
de
toute
l'oeuvre
de
Pæ◊ini
et
c'est
plaisamment
montré
par
Pata~jali
(BhæÒya
I.32)
qui
remarque
que
à
la
différence
d'un
amateur
de
pots
qui
se
rend
chez
un
potier
et
lui
demande
de
lui
fabriquer
un
pot
dont
il
a
besoin,
l'amateur
de
mots
ne
se
rend
pas
chez
le
grammairien
pour
lui
demander
de
lui
fabriquer
des
mots
;
il
se
contente
d'employer
les
mots.
Le
fait
que
l'opération
de
substitution
ne
corresponde
pas
à
une
réalité
psychologique
est
expliqué
par
Pata~jali
dans
ce
passage
fameux
(BhæÒya
I.32)
où
le
maître
s'explique
précisément
sur
la
notion.
C'est
un
point
où
il
faut
nettement
différencier
la
science
du
rituel
de
celle
du
vyækara◊a
:
l'une
réfléchit
sur
des
actions
présentes
(en
fonction
d'autres
actions
passées
ou
d'actions
59
C'est
le
cas
du
siddhæntin
du
NyæyabhæÒya
qui,
sous
Vikæræde‡opade‡æt
saµ‡ayaÌ
(2.2.40),
cite
les
deux
règles
de
Pæ◊ini
Aster
bhºÌ
(2.4.52)
et
Bruvo
vaciÌ
(2.4.53)
pour
défendre
la
thèse
de
la
substitution.
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
26
relevant
d'une
vérité
non-‐sensible
mais
présente
par
la
récitation
du
Veda
éternel),
l'autre
est
une
opération
de
connaissance
a
posteriori.
40.
La
question
est
aussi
abordée
de
savoir
quelle
est
la
source
de
la
ressemblance
:
est-‐
ce
que
c'est
l'original
qui
ressemble
au
substitut
ou
l'inverse?
La
question
peut
paraître
oiseuse
puisque
précisément
la
ressemblance
est
fondée
sur
le
fait
que
A
et
B
possèdent
chacun
une
caractéristique
commune.
En
fait
cela
joue
sur
la
définition
de
l'original
et
du
substitut.
Comme
deux
lectures
du
sºtra
en
saµhitæ
sont
possibles,
dans
un
cas
la
qualification
se
réfère
à
l'original
le
plus
proche,
dans
l'autre
elle
se
réfère
au
substitut
le
plus
proche
;
ainsi
dans
le
cas
de
Iko
ya◊
aci,
le
nom
ik
se
réfère
à
i,
u,
®
et
¬
et
à
leurs
savar◊a
de
toute
durée
à
savoir
Ú,
º,
€
et
¿
;
maintenant
si
la
qualification
se
réfère
à
l'original,
parmi
tous
les
originaux,
les
plus
semblables
aux
substituts
par
leur
durée
sont
les
voyelles
brèves
;
dès
lors
le
sºtra
pourra
s'appliquer
à
dadhi
atra
mais
pas
à
kumærÚ
atra
;
par
contre
si
elle
se
réfère
au
substitut
le
plus
proche,
le
substitut
ya◊
se
réalise
quel
que
soit
la
durée
de
l'original.
Finalement
le
débat
se
termine
avec
une
certaine
lecture
du
sºtra,
celle
qui
à
travers
la
qualification
du
substitut
prescrit
la
réalisation
du
substitut
le
plus
proche
de
l'original
donné.
41.
En
conclusion
on
peut
donc
dire
qu'il
y
a
une
convergence
générale
entre
certaines
substitutions
observées
dans
le
Veda
et
la
méthode
employée
par
Pæ◊ini
et
théorisée
par
Pata~jali
même
s'il
demeure
qu'entre
les
deux
domaines,
l'importance
de
la
substitution
diffère
considérablement.
L'esprit
de
système60
affiché
par
Pæ◊ini,
de
nature
idéologique,
pratique
et
scientifique,
lui
a
fait
attribuer
à
ce
mécanisme
une
importance
qu'il
n'a
pas
à
ce
point
dans
le
Veda
et
dans
d'autres
‡æstra.
Les
textes
védiques
et
les
pratiques
associées
sont
bien
trop
foisonnantes
pour
se
couler
entièrement
dans
le
moule,
le
modèle
vyækara◊ique
nécessairement
réducteur.
La
substitution
(quelle
que
soit
sa
conception)
n'est
pas
la
seule
opération
pratiquée
et
pensée
par
le
Veda,
qui
est
tout
sauf
un
système.
Mais
elle
est,
entre
autres
utilisations,
celle
qui
permet
à
la
vérité
textuelle
unique
d'acquérir
une
réalité
plurielle
de
moindre
dignité.
Soulignons
enfin
qu'il
faudrait
continuer
cette
ébauche
et
aussi
la
compléter
par
l'étude
comparative
de
la
question
du
transfert,
corollaire
nécessaire
de
la
relation
substitut-‐
original
qui
apparaît
dans
les
trois
domaines
abordés
ici
(mythe,
rituel
et
linguistique)
sous
des
aspects
divers.
Et
tout
cela
vaut
pour
souligner
combien
en
Inde
la
science
du
langage,
notamment
sous
son
aspect
vyækara◊ique
qui
demeure
si
vivace
chez
certains
pandits,
n'était
pas
à
l'origine
étrangère
à
la
science
du
rituel,
même
si,
avec
le
temps,
le
vyækara◊a
changé
par
la
scholastique
médiévale
sanskrite
a
obscurci
cette
communauté
de
méthode
et
d'intérêt
et
si
le
Veda,
ancêtre
vénérable,
est
devenu
le
plus
souvent
une
référence
obligée
qu'on
salue
de
loin
en
loin
avant
de
vaquer
à
des
affaires
plus
pressantes61.
60
C'est
cet
esprit
de
système
qui
fait
qu'une
partie
notable
de
la
langue
tant
vaidika
que
laukika
échappe
à
l'AÒ†ædhyæyÚ.
Cela
vaut
pour
des
formes
très
rares
ou
particulières
mais
aussi
pour
des
mots
simples
et
courants
tels
que
go≠,
ca,
etc.
;
les
Formulaires
annexes
(U◊ædi-‐Sºtra,
Phi†-‐Sºtra,
Lingænu‡æsana-‐Sºtra)
sont
venus
combler
ce
qui
a
été,
à
un
certain
moment,
senti
comme
une
lacune.
Cf.
l'introduction
dans
M.
ANGOT,
La
tonalité
dans
la
tradition
pæ◊inéenne
La
Svarasiddhæntacandrikæ
de
ΩrÚnivæsa
(à
paraître).
61
L.
RENOU
parlait
(ÉVP
VI
196
:
2)
de
cette
"révérence
au
Veda",
"un
simple
“
coup
de
chapeau
”,
donné
en
passant
à
une
idole
dont
on
entend
ne
plus
s'encombrer
par
la
suite".
Substitution
dans
le
Veda
et
la
linguistique
-‐
27
M.
ANGOT.
Bibliographie
indicative
Dans
les
deux
dimensions
explorées,
les
sphères
sacrificielle
et
linguistique,
la
bibliographie
est
foisonnante.
On
mentionne
ici
quelques
ouvrages
qui
nous
semblent
être
ou
demeurer
les
plus
riches.
Une
partie
de
cette
question
a
été
abordée
lors
de
la
session
du
29/04/1998
de
l'équipe
"Rites
hindous
:
transferts
et
transformations"
de
l'EHSS.
Que
ses
animateurs,
G.
Colas
et
G.
Tarabout
soient
ici
remerciés
de
leur
initiative.
M.
BIARDEAU-‐C.
MALAMOUD
(1976),
Le
sacrifice
dans
l'Inde
ancienne
LEVI,
S.,
(1996),
La
doctrine
du
sacrifice
dans
les
Bræhma◊as.
(1re
édition
1898).
MALAMOUD,
C.,
(1989),
"Village
et
forêt
dans
l'idéologie
de
l'Inde
brahmanique"
in
Cuire
le
monde,
pp.
93-‐114,
Paris.
OGUIBENINE,
B.,
(1994),
"De
la
rhétorique
de
la
violence"
in
Violences
et
non-‐violences
en
Inde,
pp.
81-‐95.
SCHMIDT,
H.P
(1968),
"
The
Origin
of
Ahiµsæ
"
,
in
Mélanges
d'indianisme
à
la
mémoire
de
Louis
Renou
pp.
625-‐655,
Paris
THITE,
G.U.
(1975),
Sacrifice
in
the
Brahmana-‐Texts.
Poona,
University
of
Poona.
Les
références
au
MahæbhæÒya
de
Pata~jali
et
au
PradÚpa
de
Kaiya†a
sont
donnés
en
fonction
de
l'édition
VEDAVRAT,
Haryæ◊æ
Sæhitya
Saµsthæn
Gurukul
Jhajjar
(Rohtak),
par
n°
de
vol.
et
de
page.
Les
traductions
correspondent
à
celles
de
P.S.
FILLIOZAT
dans
Le
MahæbhæÒya
de
Pata~jali,
Adhyæya
1
Pæda
1
Æhnika
5-‐7,
1976,
Pondichéry
et
de
Adyæya
1
Pæda
1
Æhnika
8-‐9,
1978.
S.D.
JOSHI-‐J.A.ROODBERGEN
(1990),
Pata~jali's
Vyækara◊a-‐MahæbhæÒya.
Sthænivad-‐
bhævæhnika.
Part
I,
BORI,
Research
Unit
Publications
N°
11.