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ASAC Pierre Turcotte

Québec, QUÉBEC Diane Riopel


5 au 8 juin 2004 André Langevin
École Polytechnique de Montréal

MODÈLE DE GESTION DE LA PERFORMANCE DES FONCTIONS LOGISTIQUES1

Une entreprise d’impartition de services


logistiques demandait un système d’indicateurs
de performance utilisant des comparatifs. Le
modèle théorique développé offre une articula-
tion d’activités : formulation du cadre stratégi-
que, formulation des actions, développement et
mise à jour du système d’indices de perfor-
mance, et suivi de la performance.

Introduction

Les pressions constantes des marchés qu’elles soient de nature financière, concurrentielle
ou autre forcent l’entreprise d’aujourd’hui à demeurer performante ne serait-ce que pour lui
permettre de demeurer en affaires. La performance se doit d'être effective dans toutes les
fonctions de l'entreprise incluant les fonctions logistiques. Le recours à l’analyse comparative
joue dans ce contexte un rôle essentiel puisqu’elle permet l’identification ainsi que l’acquisition
de pratiques dont les conditions de mise en œuvre et les résultats sont déjà connus et reconnus.
L’utilisation de l'analyse comparative doit cependant se faire, selon Bhutta et Huq (1999), en
focalisant sur les façons d'améliorer un processus d’affaires à l'aide des meilleures pratiques
plutôt que de seulement mesurer les meilleures performances. Yasin (2002) fait ressortir le
caractère continu et systématique de l'analyse comparative pour évaluer des produits, des
services, des procédures de travail et des philosophies de gestion.

Hélas, trop souvent les organisations ne recherchent de nouvelles pratiques que pour
répondre à des problématiques ponctuelles sans vision réelle et sans souci d’intégration avec les
procédures de fonctionnement déjà en place. D’ailleurs, de sa revue de la littérature, Yasin (2002)
tire deux constats auxquels cet article s'attaque :
• La communauté académique est en retard pour fournir et développer des modèles et des
cadres de référence qui intègrent toutes les facettes de l'analyse comparative pour une
organisation. Il apparaît qu'une grande partie de la connaissance sur l'analyse comparative est
le résultat de praticiens.
• Les recherches et les applications d'analyse comparative manquent d'une approche
systémique qui couvrirait de façon globale l'organisation.

1
Nous tenons à remercier l'entreprise demandeuse de ce projet de recherche qui désire garder
l'anonymat mais qui saura se reconnaître et plus particulièrement l'équipe d'ingénierie.

1
En se basant sur un cadre de référence simple, tel celui inspiré de Dixon (1990) reposant
sur une triptyque Stratégie, Actions, Mesures, de nombreux auteurs font ressortir les
interconnections entre les composants d’un système de gestion de la performance que doivent
avoir les pratiques d’analyse comparative. Ces interconnections s'appliquent évidemment aussi
aux fonctions logistiques. Carpinetti et De Melo (2002) présentent l’importance d’avoir des
pratiques d’analyse comparative reliées à la demande du marché et, plus spécifiquement aux
objectifs stratégiques de l’organisation alors que Bhutta et Huq (1999) soulignent l’importance de
l’identification des mesures de performance critiques et de leur comparaison avec des mesures de
performance similaires utilisées dans les organisations jugées les meilleures.

Cet article propose un modèle de gestion de la performance des fonctions logistiques dont
chacune des composantes : la stratégie – les moyens d’actions – les indices de performance, est
individuellement examinée avant d’être de nouveau présentée sous la forme d’un modèle
intégrateur de la gestion de la performance. L'article est conclu à la lumière, entre autre, de
certains résultats obtenus d'une expérimentation en entreprise.

La stratégie

Deux écoles de pensée servent généralement de référence en stratégie. Dans les années
80, l’approche dite de l’analyse stratégique de l’industrie et de la concurrence, popularisée par
Michael Porter, prônait l’ajustement des compétences de l’organisation en fonction des produits
et marchés. Constatant toutefois que les compétences de l’organisation ne sont pas facilement
modelables selon les besoins, ne serait-ce qu’à cause de la culture en place qui joue un rôle
essentiel dans l’acceptation du changement (Schein, 1988 et Christensen et Shu, 1999), une autre
approche a connu un engouement dans les années 90. Cette approche, dite des ressources et
compétences stratégiques, considère qu'une organisation doit couvrir les produits et marchés
auxquels ses compétences lui permettent d’accéder.

De par la vision qu’ils adoptent dans leur approche, qualifiée de globalisme, les auteurs
Allaire et Firsirotu (1993) tentent de réconcilier ces deux approches en développant le concept de
champ stratégique pour faire référence aux aspects économiques et techniques qui définissent une
entreprise, à savoir l’ampleur de son offre de produits, sa pénétration des marchés, l’étendue des
compétences, ressources, technologies et savoir-faire dont elle a besoin ou qui s’y sont accumulés
au cours des années. Le choix plus ou moins explicite d’une gamme de produits et de marchés
couplé à l’ensemble des compétences définit le système stratégique. La rivalité économique se
joue entre des systèmes stratégiques aux compétences et aux capacités très variables, affirmation
que reprend d’ailleurs Christopher (1992) au niveau de la chaîne d’approvisionnement d’une
entreprise.

Le recours aux pratiques d'analyse comparative à caractère logistique doit être appliqué
avec discernement puisque ce qui fonctionne pour une entreprise n’est peut-être pas applicable
pour une autre, d’où l’importance de bien connaître les fondements de la stratégie de
l’organisation que sont son champ et son système stratégique. Bhutta et Huq (1999) font ressortir
que l’on ne peut imposer une meilleure pratique et qu’il faut l’adapter au style propre d’une
organisation. Une bonne compréhension du contexte stratégique de l’entreprise permet de :
• mieux saisir les différences entre son entreprise et celle avec laquelle l’analyse comparative
sera effectuée, un cadre commun d’analyse de référence pouvant être utilisé;
• formuler une proposition qui implique la configuration d’une chaîne de valeur personnalisée
pour permettre à une entreprise de créer une valeur unique.

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Les moyens d’actions

D’une étude menée à la fin des années 90 auprès de 100 entreprises dominantes dans leur
marché par le Boston Consulting Group, il ressort que seules 33 % des initiatives étudiées ont été
reconnues comme ayant été réussies en terme de création de valeur, de rentabilité des coûts
engagés et d’atteinte des objectifs fixés. Fait intéressant, les moyens d’actions basés sur une
stratégie claire et détaillée ont connu un taux de réussite de 53 % comparativement à un taux de
22 % pour ceux qui ne l’étaient pas. De plus, les moyens d’actions basés sur une bonne analyse
des aptitudes de l’entreprise (prenant en considération les pratiques d’affaires existantes, ce que
fait la compétition et les meilleures pratiques d’affaires identifiées par une étude d'analyse
comparative) ont connu un taux de réussite de 56 % comparativement à un taux de 8 % pour
celles qui n'avaient pas procédé à cette analyse.

Le choix des moyens d’action, une fois l’orientation stratégique définie, est crucial
puisque non seulement des ressources importantes seront consacrées à leur mise en place mais le
taux de réussite comporte également un degré d’incertitude significatif. En fait, les difficultés
débutent dès la formulation des moyens d’actions. On tente de passer trop rapidement à la
recherche de solutions, puisqu’il peut alors y avoir autant de propositions qu’il y a de participants
impliqués dans leur développement et que l’adoption de solutions reconnues, sans autre forme de
questionnement quant à son applicabilité au contexte de son organisation, est souvent la voie
retenue. De là l’importance de démarrer toute étude visant un changement par une analyse de la
situation. Bien qu’il existe à cet effet de nombreux outils permettant une représentation
standardisée du détail des opérations analysées, notamment par des études d’ingénierie, le recours
à des modèles génériques d’activités semble intéressant. Ils permettent, d'utiliser un langage plus
standardisé qui facilite la comparaison des pratiques actuelles avec celles d’autres entreprises.

Pour les fonctions logistiques, le modèle SCOR (Supply-chain operations reference)


(Supply Chain Council, 2001) permet un découpage en activités génériques. Les éléments de la
chaîne logistique sont présentés en tenant compte des liens qui les unissent (sous forme d’intrants
et d’extrants pour chacune des activités) avec les adaptations requises selon qu’il s’agisse d’un
environnement de fabrication sur stock, à la commande ou de conception sur commande. Les
éléments de la chaîne logistique sont détaillés en 4 niveaux. Au premier niveau, on retrouve les
activités de planification, d’approvisionnement, de fabrication, de livraison et de retours. Chacune
de ces activités « maîtresses » est, par la suite, détaillée en processus (par ex. réception) puis en
opérations (par ex. déchargement du camion) puis enfin en un niveau de détail propre à
l’organisation pour faire ressortir ses particularités. Il est à noter que des procédures, permettant
d’identifier les éléments requis pour faire fonctionner adéquatement les activités, sont également
données. Enfin pour chaque opération, il existe une liste des meilleures pratiques et d’indices de
performance, lesquels devraient s’imbriquer les uns dans les autres selon 5 inducteurs (fiabilité,
temps de réponse, flexibilité, coûts, gestion des actifs) pour présenter, au niveau des « activités
maîtresses », des indices globaux à des fins stratégiques.

Couplé aux modèles génériques se développent des modèles de maturité qui permettent
de préciser dans quel ordre les moyens d’actions devraient être implantés. Deux modèles de
maturité méritent d'être mentionnés. Lefebvre et Lefebvre (1999) présentent un modèle de
transition de l’entreprise traditionnelle à l’entreprise virtuelle dans sa forme la plus complexe. Le
Performance Measurement Group introduit un modèle en 4 étapes pour permettre à une
organisation la mise en place de véritables partenariats clients-fournisseurs.

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Le recours à ce genre de modèles, dont l’utilité est de plus en plus reconnue, doit
cependant être faite avec prudence puisque le seul répertoire détaillé des processus n’est pas
suffisant pour comprendre l’état de réceptivité au changement d’une organisation. Ce n’est
qu’une fois avoir bien maîtrisé le contexte stratégique de l’organisation, la connaissance de ses
opérations et son niveau de maturité que peuvent être conduites des analyses comparatives pour
rechercher les meilleures pratiques.

Les approches d'analyse comparative recensées sont nombreuses et il existe plusieurs


façons de les présenter. Les auteurs Carpinetti et De Melo (2002) et Bhutta et Huq (1999) ont
adopté sensiblement la même approche pour présenter les caractéristiques de ces analyses soit en
terme d'objet d'étude (comparaison de performance, comparaison orienté processus, comparaison
orienté stratégie) et selon la façon de les conduire (analyse comparative interne, analyse
comparative basée sur la compétition, analyse comparative fonctionnelle et analyse comparative
générique).

Nos recherches ont cependant mené à développer la présentation des analyses


comparatives selon un autre cadre qu’est celui des approches d’utilisation, à savoir :
• Obtention de données :
quoique les données restent relativement faciles à obtenir, leur utilisation n’en demeure pas
moins délicate si l’on ne peut avoir accès à ce qui les compose et sans connaître le contexte
duquel ils proviennent, comme le souligne Whitaker et al. (2002). Ces données, qualifiées
d’indices de performance demeurent essentielles pour mesurer le niveau de performance
atteint tant pour les opérations courantes que pour l’introduction de nouveaux moyens
d’actions. Parmi les modes de collecte recensés, il y a :
─ par expérimentation ou collecte de données (interne ou externe);
─ via les associations, des firmes de consultations ou des entreprises spécialisées;
─ via les sites Internet.
• Recherche de meilleures pratiques reconnues :
parmi les modes de collecte recensés :
─ par utilisation de modèles génériques;
─ par utilisation de modèles de maturité;
─ par connaissances diffusées par les universités, les associations et autres;
─ par des firmes de consultants;
─ via les sites Internet.
• Recherche d’un assemblage de pratiques, sans idée précise en tête, qui produit un tout
reconnu pour être performant pour un domaine d’intérêt. Ici, l’on ne sait pas exactement ce
que l’on recherche, mais l’on est en face d’une situation qui nécessite des améliorations à
plusieurs niveaux suite à des conditions de marché qui viennent de changer, une inadaptation
entre ce qui est offert (interne ou externe) et la demande (interne ou externe) ou une mauvaise
performance telle qu’évaluée par des indicateurs. Le degré de connaissance du contexte de
fonctionnement de l’information recensée est essentiel puisqu’il s’agit de comprendre ce qui
fait fonctionner un assemblage de pratiques et de voir dans quelle mesure nous pouvons
l’adapter, en totalité, en partie ou en conjonction avec d’autres éléments, pour créer ce que
nous avons défini dans la section précédente comme étant une proposition unique. Quoique
les modes de collecte d’information proposés précédemment demeurent valables, on doit
avoir ici recours à une expertise qui sera interne et/ou externe selon le degré de confiance que
l’on a à introduire de nouvelles pratiques et ce, tant au niveau technique (connaissance du
fonctionnement d’une pratique) qu’au plan de la gestion du changement (connaissance des
approches d’introduction de changement et de recherche de pratiques).

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Les indicateurs de performance

La mise en place d’un système d’indicateurs est d’autant plus pertinente qu’elle permet
de suivre l’impact de l’implantation des moyens d’actions. Toutefois, l’implantation d’un tel
système n’est pas facile. Un sondage effectué en 2000 (Adams et Neely, 2002) a fait ressortir que
96 % des entreprises approchées étaient insatisfaites de leur système de mesure de la performance
et désiraient l’améliorer ! Une revue de littérature a permis de cerner plusieurs raisons qui
peuvent expliquer cette situation :
• Performance définie selon une perspective purement financière. Kaplan et Norton (1992) ont
été parmi les premiers à promouvoir, avec leur tableau de bord équilibré (balanced score
card) l’existence d’autres dimensions (clients – processus internes – innovation et
apprentissage – financier) qui permettent de réellement juger de la performance d’une
entreprise.
• Manque d’intégration dans le choix des indicateurs. Alber et Walker (1997) affirment que la
mesure de la performance locale au détriment de la performance globale coûte cher. Le choix
d’un indice de performance doit prendre en compte la portée de ce choix et les biais que cela
peut entraîner dans l’interprétation des résultats.
• Incrémentation incontrôlée du nombre d’indicateurs. Menlnyk et Stewart (2002) soulignent
que l’ajout d’indices de performance pour répondre à des besoins ponctuels voire même
permanents peut faire en sorte que le gestionnaire se retrouve avec un nombre important
d’indices de performance, perdant ainsi l’objectif du système original.
• Mauvaise compréhension des indices de mesure. Newbanks et Srinivasan (1992) mentionnent
que les mesures de performance servent à communiquer les attentes de l’organisation envers
ses employés et par le fait même à les motiver en présentant les comportements désirés.

Il est possible d'imaginer, en combinant ces facteurs, comment un système d’indicateurs


de performance devient vite dépassé et perd la représentativité de ce qu’il doit être : un système
permettant de donner aux parties intéressées une juste appréciation des activités qui les
concernent et du changement en cours.

Il est essentiel de distinguer les besoins variés de l’organisation. En faisant référence à la


classification proposée par Ballou (1999) le découpage suivant apparaît opportun :
• Stratégique : cet indicateur de mesure s'applique à l'ensemble de l'organisation. Parce que cet
indicateur représente une performance globale, il doit couvrir toute la gamme de produits, les
divisions, les employés et les clients. Ces indicateurs sont utilisés par la haute direction pour
évaluer les progrès de l'organisation à atteindre la stratégie ou la mission. La fréquence de
présentation de ces indicateurs se fait habituellement sur une base trimestrielle et annuelle.
Dans certains cas, l’amélioration de la performance peut passer par des modifications de
standard des fonctions de logistiques, et peut entraîner des investissements majeurs dans les
équipements et infrastructures.
• Tactique : le niveau intermédiaire de l'organisation, tel qu'un directeur, utilise une mesure
diagnostique ou d'analyse. Ces mesures représentent les processus clés, les unités d'affaires
critiques, les départements ou les divisions. L’amélioration des indicateurs de performance
nécessite une implication interdépartementale. La fréquence du diagnostic est généralement
faite sur une base hebdomadaire ou mensuelle. Dans certains cas, l’amélioration de la
performance peut engendrer des investissements mineurs dans les équipements et les
infrastructures d’un établissement.
• Opérationnel : il s'agit d'une mesure de contrôle utilisée par un département ou un groupe de
travail pour suivre les sous-processus et les opérations d'un département. Les mesures de
contrôle sont reliées à l'exécution adéquate du travail, tel que le nombre d'erreurs ou le

5
pourcentage de tâches complétées. Ces mesures sont conçues pour fournir des rétroactions
fréquentes et sont typiquement gérées sur une base quotidienne ou hebdomadaire.

Un tel découpage ne permet toutefois pas une complète imbrication des indicateurs d’un
niveau opérationnel à tactique et à stratégique, chaque niveau ayant des réalités particulières, ce
qui peut rapidement dégénérer en un nombre important d’indicateurs de performance différents à
gérer. Il ne faudrait par ailleurs pas penser que de limiter le nombre d’indicateurs de performance
différents n’engendre pas une quantité importante d’information à traiter.

Le design d’un tel système comporte également un autre niveau de difficulté : non
seulement doit-il être compréhensible de tous les intervenants mais il doit également représenter
les activités sous un angle global pour éviter que la performance ne soit stimulée que d’un point
de vue purement local. L’intégration recherchée des indicateurs de performance n’offre donc
d’autres choix que de forcer, dès le début de la construction d’un tableau de bord, l’identification
des processus et activités globaux qui sont en accord avec les objectifs stratégiques de
l’entreprise.

Le modèle intégrateur

Le modèle, qui a été développé et qui est schématisé à la figure 1, présente comment sont
liés et utilisés les différents composants du système de gestion de la performance selon quatre
grandes étapes, inspirées d’un cycle « stratégique - tactique - opérationnel » à savoir, la définition
du cadre stratégique, la formulation des actions, le développement et la mise à jour du système
d’indices de performance et, afin de permettre une boucle de rétroaction, le suivi de la
performance et réactions afférentes. Ce cadre fait également référence à la nécessité d’avoir un
contexte favorable au changement (la culture), et présente la désignation d’un responsable et
d'une fréquence de suivi de chaque composant pour illustrer l’application d’un tel modèle dans
une entreprise.

Les quatre grandes étapes se détaillent comme suit :


• La définition du cadre stratégique présente les stratégies comme étant au cœur de cette
première étape. Répondant aux déterminants stratégiques définis par Allaire et Firsirotu
(1993) comme étant les produits, les compétences et les marchés, les stratégies sont
formulées annuellement sous forme d’orientation générale et doivent être, dans une étape
subséquente, développées en moyens d’actions pour être intelligibles par l’organisation. La
sélection d’un système d’indicateurs de performance, à cette étape, doit être déjà définie
puisque c’est par ce système que le suivi des moyens d’actions sera fait. Ce choix doit
également dicter les attributs (ex. coûts, flexibilité, temps de réponse, etc.) qui seront utilisés
par la suite et peut même inciter à un découpage standardisé par activités pour les opérations
(c'est-à-dire pour faciliter le choix éventuel d’indices de performance, leur maintien à un
niveau minimal et pour servir de base à une implantation de comptabilité par activités).
L’utilisation du modèle SCOR, peut être ici utile pour accéder à des activités déjà définies.

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Figure 1

Modèle intégrateur de système de gestion de la performance proposé

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Ce cadre est généralement sous la responsabilité de la haute direction qui définit annuellement les
stratégies, idéalement en tenant compte de la rétroaction fournie par les gestionnaires
responsables de la formulation des moyens d’actions.

La formulation des actions est une étape cruciale puisque non seulement elle assure la
matérialisation des stratégies présentées précédemment mais elle permet aussi de raffiner, voire
même de changer, ces stratégies au besoin. La pertinence des choix des moyens d’actions est
l’élément clé et pour y arriver différentes approches sont proposées, issues du développement de
plusieurs alternatives, depuis la référence à un modèle de maturité (ou tout autre modèle qui
permettrait d’identifier les conditions requises pour que le changement prévu se fasse), à un
modèle générique tel celui de SCOR (pour comprendre l’impact des moyens d’actions sur les
autres activités), à des consultants externes ou des intervenants internes et à des pratiques
d’analyse comparative orientée processus. Des études supplémentaires pourront être conduites
pour clarifier les zones d’incertitudes. On pense ici à une analyse d’opportunité (une évaluation
de faisabilité) et à une analyse préliminaire (c'est-à-dire un plan détaillé d’implantation pouvant
servir de document de support pour approbations avant une implantation). Les responsables de
cette étape sont les gestionnaires ou un groupe spécialisé (par ex. l’ingénierie), entourés d’une
équipe multidisciplinaire dont les membres et leur niveau de participation varieront au fil de
l’évolution des phases de développement des moyens d’actions (c'est-à-dire la formulation, la
conception de l’implantation, l’installation, l’utilisation et le suivi).

• Le développement et la mise à jour du système d’indices de performance vise à paramétrer


les conditions de fonctionnement de ce système à savoir la définition de nouvelles activités, le
choix des indices, leurs niveaux et la façon dont ils seront imbriqués ou non, la fixation des
cibles (par étude d’ingénieurs, banque de données de standard, par analyse comparative
concurrentielle ou générique si critique, par revues, etc.), l’identification des écarts permis et
l’identification d’éléments critiques particuliers (c'est-à-dire non couverts par la modélisation
de base, soit au niveau d’opérations particulières ou de projets spécifiques). De plus, une
activité de maintenance est essentielle pour suivre l’implantation des mesures de
changements, vérifier si ce qui est présenté est toujours en accord avec les objectifs
stratégiques et que les indicateurs sont toujours représentatifs, compréhensibles et intégrés.
Le responsable de ce système doit être un groupe support identifié comme moteur dans la
gestion de l’amélioration de la performance. Il est essentiel que les indices de performance
choisis soient communiqués et validés auprès des usagers concernés.

• Le suivi de la performance et réactions afférentes présente le déploiement du système


d’indices de performance par niveaux, soit d’un niveau opérationnel, tactique et stratégique et
développe pour chacun d’entre eux le type de suivi qui est fait (information, réunion,
rapports) et les réactions lorsque les déviations excèdent les écarts. Ainsi :
─ Au niveau opérationnel, l’information fournie doit permettre à l’opérateur de comprendre
son niveau de performance par rapport aux normes quotidiennes fixées (ou même pour
chaque heure). Tout écart doit être analysé pour identifier s’il s’agit d’un problème
ponctuel (exemple : nécessitant du temps supplémentaire) ou récurrent (dans un tel cas, il
devra être transféré au niveau tactique pour résolution).
─ Au niveau tactique, l’information est habituellement partagée lors de réunion
hebdomadaire entre les gestionnaires et un groupe support à partir de rapports fournis
(accent mis alors sur la performance au niveau des départements). Ici, les écarts sont
analysés pour identifier une situation permanente (des solutions doivent alors être
présentées au niveau stratégique) ou exceptionnelle. Dans ce dernier cas, des outils tels
que SCOR et les pratiques d’analyse comparative orientée processus peuvent être utiles
pour corriger les problèmes qui ne sont que répétitifs.

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─ Au niveau stratégique, l’information présentée est limitée aux indicateurs stratégiques. Il
revient au groupe support de préparer (mensuellement) un rapport présentant, en plus des
indicateurs stratégiques, l’origine des principaux écarts, et, proactivement, les actions
entreprises pour corriger les écarts de façon à ce que seules les correctifs de nature
stratégiques soient discutés. Il est aussi une bonne pratique de conduire ces rencontres
avec, en plus de la haute direction, les gestionnaires et le groupe support concerné par la
gestion de la performance afin de démontrer l’importance attachée par la haute direction
à la réalisation des objectifs stratégiques.

La présentation de ce modèle offre une contribution intéressante dans la mesure où, ce


modèle intégrateur permet d’articuler ensemble des fonctions logistiques trop souvent dissociées
de la planification stratégique.

Expérimentation

Pour répondre au besoin d'une entreprise d’impartition de services logistiques d'implanter


un système d’indicateurs de performance utilisant des comparatifs, le modèle théorique de gestion
de la performance des fonctions logistiques proposé a été appliqué.

Le contexte de travail impliquait le non accès à l’ensemble du plan stratégique de


l’entreprise et par conséquent une impossibilité d’évaluation de ces stratégies. Cependant, le
recours à un modèle de maturité a permis de cerner que les départements travaillent à améliorer
leurs propres processus et l'utilisation de leurs ressources et que les processus
interdépartementaux ne sont généralement pas bien définis ou compris, réduisant ainsi l'efficacité
de l'ensemble de la chaîne logistique. Par ailleurs, les efforts déployés par le groupe d’ingénierie
montre une volonté de migrer vers de nouvelles façons de faire avec comme objectifs :
• une définition des processus à l’échelle des divisions ou de l’ensemble de l’entreprise,
permettant ainsi à chaque acteur de comprendre son rôle dans les processus complexes de la
chaîne logistique;
• une définition à l’échelle globale des indices de performance;
• une responsabilisation de chaque acteur sur sa contribution sur l'ensemble des résultats.

C’est sur ces bases que le choix des indices de performance s'est fait, en choisissant
prioritairement des indices de performance associés à l’équilibrage de la capacité avec la
demande.

Le recours au modèle SCOR a fait ressortir plusieurs constats intéressants qui permettent
désormais d’en préciser l’utilisation et d’en évaluer les incidences sur les pratiques d’analyse
comparative. Il s'est avéré que les indicateurs de performance étaient limités en nombre et qu'ils
étaient peu adaptés à la réalité de l'entreposage (au moment des travaux seuls trois entreprises
étaient membres). SCOR présente des activités dont certaines sont définies trop large voire même
un peu flou (ce qui ne rend pas pour autant facile les comparaisons avec d’autres entreprises mais
qui reste néanmoins nécessaire pour standardiser la chaîne logistique). Son utilité repose sur
l’établissement d’un langage commun - utile pour la comparaison avec d’autres entreprises -, sur
l’identification d’une liste d’indices de performance - lesquels, même s’ils ne s’imbriquent pas
facilement, n’en demeurent pas moins intéressants-, sur la présentation d’une liste de meilleures
pratiques pour certaines activités, et sur des relations devant exister entre chaque activité.

9
L'utilisation de l’analyse comparative, compte tenu de la difficulté d’accéder à des
banques d’indices de performance cibles pour le secteur de l’entreprise demandeuse et de l’effort
requis à chaque fois pour utiliser cette démarche, se limite essentiellement à un rôle de recherche
de la façon d’implanter les meilleures pratiques.

Par ailleurs, au niveau de la troisième étape du modèle théorique - le développement d’un


système d’indicateurs de performance - l’ébauche du système n’est qu’une étape dans la bonne
direction malgré qu'elle fut limitée à l’aspect opérationnel des activités de l’entreprise. Deux
scénarios furent proposés pour les deux départements étudiés, un bon système avec 42 indicateurs
stratégiques et un système minimal avec 38 indicateurs stratégiques qui demandent
respectivement 3930 et 2955 points de mesures une fois le découpage complété jusqu’au niveau
opérationnel. L’importance d’un tel système démontre bien qu’il faille bien choisir les indicateurs
afin de les arrimer tant avec les moyens d’actions qu’avec la stratégie de l’organisation. Une
stratégie d’implantation devrait cependant être élaborée pour choisir l’approche retenue (par
exemple, le tableau de bord équilibré ou le prisme de performance), pour jeter les bases de l’appui
informatique nécessaire, pour définir l’ordonnancement des étapes à franchir pour en arriver à un
déploiement complet et pour désigner un groupe support de la mise en place, de la maintenance
du système et d’un suivi de gestion des indicateurs.

Enfin, la quatrième étape du modèle théorique - le suivi de la performance et les réactions


afférentes -, reste, pour l’entreprise, à être mise en place de façon plus articulée et quoiqu’il n’a
pu être testé, il coule de source : vu l’importance démontrée du modèle (ne serait-ce qu’au
niveau de la multitude d’indicateurs) qu'il faut qu’il devienne dynamique sans quoi il
perd de son acuité.

Conclusion

D'un objectif apparemment simple qui consistait à l'implantation d'un système


d'indicateurs de performance d'une entreprise d'impartition de services logistiques, il a fallu
s'attarder sur les conditions de fonctionnement d'un tel système. Un modèle théorique a été
développé pour mieux lier le système d'indicateurs de performance et les stratégies de
l'organisation.

Références

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