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DE
L HOMME,
ET DE LA
RÉPRODUCTION
DES DIFFÉRENS INDIVIDUS.
OuyRA,GE qui peut fervir d'IntrO"

duBion (jy de défenfe à l'Hiftoîre

naturelle des Animaux par M» de


BUFFON,

V -f

A PARIS.
M, D C C. 1, X I.
"J

K v;K>«i;K;;><;i<>:::!'!;;i<>t;;M:>»;>i:x;i<;;i-:;::'(::i':;:K;.'>i;;:H;;:<>t;:K:v

A
MONSIEUR
CLAÏRAUT,
DE L'ACADEMIE ROYALE
DES SCIENCES, DELA
SOCIÉTÉ ROYALE DE
LONDRES, DÈS ACADÉ^
MIES DE BERLIN, DUP.
SAL, D'EDIMBOURG, &c,

AïONSIEURr
En plaçant "votre Islom
a la tête de cet Ouvrage ,
iV E P I T R E.

fat dejîré de 'vous rendre

hommage. Ceft un tribut

que "VOUS doivent tous

ceux qui s appliquent aux


Sciences , 6f particulière-
ment aux JMathémati-
ques r que vous aveZj en-
richies par vos fç avan-
ies découvertes. Perfon-
ne avant vous navoit
entrepris de déterminer
V arrivée d'aune Comète y
dont le cours avoit paru
mmtÊÊiÊÊÊmÊmÊÊÊÊiÊmm
Vlj

?«5^
RTRt
^i^P*qr^^
® 1 o '?ssg^i
H('

PREFACE.
N peut regarder
une partie de cet
ouvrage , comme
TExtrait de THifloire natu-
relle des Animaux, par M. de
Buffon. Cet Extrait cependant
n'efl; point fait comme ceux
que Ton nous donne commu-
nément. Uautre partie efl la

défenfe de cette Hiftoire con*


viij PREFACE.

ce qui pourra rendre pa.rnç^-

liérement cet ouvrage reconv


manddble , c'efl: que l'on y
donne une nouvelle preuve
de rexiftence de Dieu, plus
convaincante Se plus frappan-
te que toutes celles que nous
avons eues jufqu'à préfent. Je
n'ai point parlé dans cet ou-

vrage de M» d'^Auhenton , ce

digne collègue de M. dp Buf"

fon , parce que la partie qui If

concerne n'eft point celle que

îe me propofois de traiter*
E P I T R E. V

intraitable par la plus fu--

hlime Géométrie , Ëf Une


fallô tt pas moins q^uungé-
nie auffl puijfant que le

njotre pour y parvenir.

fe fuis avec refpeSi ,

MONSIEUR,

Votte trh'-humhle &


trh'ObéïJfant prvitcur^
tmtOÊak

^^«ry ^^"7 0^ ^5^'\^ ^v \J^ v'^l


. ^,.. . . r, ^"JMé

DE
L'HOM
ET DE LA
RÉPRODUCTION
DES DIFFÊRENS INDIVIDUS.

^^f"%.-^j EiNFANT, àlafortie du


C 3^ ^ Tein defamerejpafle
|^«4j^^ fes premières années
dans les pleurs Se dans les fouf-

frances : fon corps foibIe,fes


membres délicats, fes fens im*
A
* DE LA REPRODUCTION
. ——
parfaits lui donnent à peine la
force d'exprimer le fentiment
de fes douleurs. Il végète alors
plutôt qu il ne vit ; & fans les
fecours multipliés qu'on appor-
te à fa confervation , il périroit

de mifère. Mais bientôt la Na-


ture, cette mère bien- faifante,
le dédommage de cet état de

fouffrance : les forces de Ten-


fant augmentent; fon corps fe
fortifie , fes fens fe dévelop-
pent : une nouvelle vie , fource
des plaifirs les plus purs, coule
dans fes veines ; une inclination
douce qui naît en même-temps
dans fon cœur, lui fait recher-
cher l'objet qui le doit fixer ^
DES INDIVIDUS. î

& avec qui il partagera fes plaî-


Mais comment cette ap-
firs.

proche des deux fexes con-


court-elle à la réproducftion de
refpèce? Le Créateur en for-
mant le premier homme, au-
roit-il mis en lui toute fa pofté-
rité ? Cette longue fuite d'Etres
créés 5c incréés, n'auroit-elle
pas été toute contenue dans no-
tre premier Père ? Et le fein de
la femelle ne feroit-il qu'une
retraite pour développer le pe-
tit animal ? Ou plutôt le fein de
notre première mère , n'auroit-
il pas été la première demeure
commune de tous les hommes 2
£t l'homme ne feroit-il qu'un
Aij
tbmÊmtitÊtÊÈÊmmÊÊmmmÊmÊtmiÊmmÊmÊÊmiamiiÊÊiatÊÊimÊmiÊmmÊm

4 DE LA REPRODUCTION

inflrument pour exécuter le dé-


veloppement du petit Etre ? Les
deux fexes enfin, ne concou-
reroient-ils pas à la réproduc-
tion de leurs femblables? Exa-
minons les fyftêmes des Philo-
fophes fur cefujet; & voyons
fi par leurs découvertes, ils ont
dévoilé cette efpbcede myflère.
Pour établir un vrai fyftême

de la nature , il falloit beau-


coup d'obfervations exadles &:
laborieufes , des expériences
très -multipliées. Les anciens
qui manquoient des fecours
que la phyfique nous a procu-
rés ne pouvoient imaginer
,

que des hypoihéfes ingénieu-


DES INDIVIDUS. f

fes ; Se il falloir autant d'efprit


qu'ils en avoient, pour rendre
plaufibles des opinions fi fou-
vent hazardées. La plupart
croyoient que les animaux
mâles Se femelles avoient cha-
cun leur liqueur féminale, &c
que cette liqueur étoit un ex-
trait de toutes les parties du
corps de Tun Se de l'autre.
Hippocraîs étoit perfuadé que
le mâle &c la femelle avoient
deux liqueurs féminales, Tune
plus forte & plus active, l'au-
tre moins forte &c moins adli-
ve ; que le mélange des deux
premières liqueurs dans le fein

de la femelle , produifoit un
Aiij
é DE LA REPRODUCTION

mâle, &mélange des deux


le

autres donnoic une femelle.


Ârijlote penfoit que la femel-

le contenoit feule la matière


propre à la formation, au dé-
veloppement &: à la nourriture
du fœtus. Le mâle, félon lui,
renferme le principe de vie;
il n'agit pas comme matière ,

mais comme caufe : fa liqueur


eft le principe du mouvement;
5, Elle eft, dit M. de BufFon,
5, à la génération , ce que le
„ Sculpteur eft au bloc demar-
9, bre; la liqueur du mâle eft

„ le Sculpteur , le fang de la

9, femelle le marbre, ôc le fœ-


*^
5, tus la figure,
DES INDIVIDUS.
Pendanc dix-fept ou dix-huit
fiécles, les Phyficiens, lesNa-
turaliftes , les Médecins , fu-
rent partagés entre ces diffé-
rens fy ftêmes : les uns fuivoient
Topinion générale , les autres

celle d'Hippocrate. Ariflote


étoit celui qui avoit le plus de
partifans. Les jeunes Anato-
miiles qui auroient pu , par leur
découvertes , reculer les limi-
tes de ces fcicnces, refpec-
toient aveuglement la crédule
Antiquité. On découvrit ce-
pendant dans les environs de
cette bourfe , que les Anato-
milles appellent matrice, deux
corps blanchâtres qu'on nom*
A ly
fciriiiÉ— ll I I - i
I I I I
——a——w——
8 DE LA REPRODUCTION
m m

me ovaires, compofés d'^autres


petits corps ronds. Une telle

découverte dût bien exercer le

génie des Philofophes. Laref-


femblance de ces corps ronds
aux œufs , fit conclure par
analogie , que de ce qu'une
poule vient d'un œuf, un hom-
me en pouvoit bien venir auf-
li, avec cette différence néan-
moins , que le petit homme
contenu dans Tœuf, rompe
fa coque avant d'être forti du
fein de fa mère, au lieu que le
petit pouletne brife la fien»
ne que quelques temps après.
Tous les hommes , difoit-on,

étoient contenus dans ces corps


DES INDIVIDUS. 9

blanchâtres de notre première


mère , &: ils s^ trouvoienc
fous la forme de petites ftatues
renfermés les uns dans les au-
tres , fans vie , fans mouve-
ment , fans aucune forte de
fentiment. On doit faire at-
tention que parmi ces œufs
contenus dans les ovaires , ceux
qui renferment des mâles, les
renferment feuls : ceux au con-
traire qui font deftinés à don-
ner des femelles, comprennent
non -feulement' une femelle,
mais cette femelle contient en-
core les ovaires des œufs mâ-
les &c des œufs femelles , qui
font la fourcede nouvelles gé-
nératigns.
îo DE LA REPRODUCTION

Falkfe avoit auffi découvert


deux tuyaux , qu'on nomme
trompes , dont les deux extré-
mités fiottoient dans le ventre.
Ces extrémités étoienc termi-
nées par des efpéces de franges
qui , femblables au lierre qui
s'attache par fcs branches aux
murs qu'il rencontre , accro-
chent Se faififfcnt les œufs qui
font dans les environs de la
matrice où ces tuyaux ont leur
embouchure.
La femence du mâle dardée
dans la matrice, eft portée juf-
qu'à l'œuf qu'elle pénétre &c
à qui elle donne la vie. Cet
oeuf fc détache alors de l'o*
DES INDIVIDUS. îî

vaire , & tombe dans l'un de


ces tuyaux le long duquel il

fe glife dans la matrice. Il fe

forme enfuite une double mem-


brane qui Tenvironne , &; lui
donne une efpéce d'immobi-
lité en rattachant aux parois
de fa nouvelle demeure. Au-
tour de cette double membra-
ne régne un long cordon qui,
venant aboutir au nombril du
fœtus , lui fournit les fucs né-
ceflaires à fon développement,
Au bout de neuf mois ou en-
viron , Tenfant las de fa prifon

cherche à en fortir : il déchire


les enveloppes qui le contien-
nent i il fait violence par-tour»
tbumméammmëmtmÊmÊiémmm,ti^mmmmmiém-iimmmkmmmÊmÊiinSÊtAmm^làammiÊÊit

ï2 DE LA REPRODUCTION
.» ... I I I I II ..1 I I
Wl

à ces efforts réitérés , tout


cède à fon pafTage ; &c la

mère paie, par quelques mo-


ments des plus cuifantes dou-
leurs y les plaifirs les plus vifs

& fouvent répétés qu'elle s'eft

procurés.
M. Liître avoir fait une ob-
fervation qui favorifoit ce fyf-
tême des œufs. Il prétendoit
avoir pu diflinguer le foetus
dans un œuf. Un autre Ana-
tomifle ( de Graaf) confirmoit
encore cette découverte. II

av^oit vu, difoit-il, des chan-


gements dans Tovaire après
l'accouplement; des œufs dans
les tuyaux , dans la matrice*
DES INDIVIDUS. 13

Il paroilToit qu'on ne pouvoît


douter de Texaftitude de ces
obfervations , ayant été faites
par des Anatomiftes fi éclairés ;

cependant dans ces découver-


tes auffî importantes que déli-
cates , il étoit bien aifé d'être

trompé , ou de fe laifTer pré-


venir. Un Partifan du fyflême
des œufs, apperçoit par -tout
des chofes qui favorifent fon
opinion. Semblable à ces mè-
res crédules qui croient voir
fur le corps de leurs enfans les
figures des objets qui les ont
frappés pendant leur grofief-
fe, où cependant les autres ne
voient rien de pareil j de me-
^ÊmmmÊÊÈlÊÊiimimmmmtmàmÊmmmmÊÊmÊàmmmaÊÊmÊKâmBtÊmÊK»mÊ»mamaéÊÊÊà^

M4 DE LA REPRODUCTION

me ces Anatomiftes ont pu


prendre pour des fœtus les
phantômes de leur imagina-
tion. En effet un fœtus dans
Fovaire feroit fi petit , qu'il
feroit aifé de s'y tromper , 6c
il n'y auroit que des pcrfonnes
défintéreflees qui pufTent juger
de du fait &: Ton eft
la vérité :

d'autant plus en droit de les


révoquer en doute, que d'au-
tres Anatomiftes auflî célè-
bres , n'y ont jamais rien vu.
Dans ce temps-là, on avoir
faitbeaucoup de progrès dans
la Phyfique, les Arts étoient
perfeflionnésj l'ufage des mi-
crofcopes, devenu prefque uni-
DES INDlVIDUS^ iç

verfel, avoit fait découvrir un


nouveau monde en petit : la
plupart des liqueurs qu'on avoit
fait fermenter , ou expofer à
Faction du foleil , préfentoienc
des millions innombrables d'a-
nimaux de différentes figures,
dont on n'avoit pas même foup-
çonné Texiftence. L'imagina-
tion étoit frappée delapetitefle
infinie de ces animalcules. Une
goutte de liqueur , moindre
que le plus petit grain de fa-
ble , y paroiffoit comme un
vafte Océan & en préfentoic
par millions. On voyoit que la

nature n'étoit pas moins fécon-


de dans les productions qui
ï6 DE LA REPRODUCTION

avoient jufques alors échap-


pées à nos yeux, que dans cel-

les qui nous écoit connues. On


foupçonna qu'on trouveroit de
même dans les liqueurs fémi.
nales de Thomme de ces ani-
malcules. Un ^ jeune Phyfî-
cien s'avifa le premier d'exa-
miner , avec des yeux philo-
fophiques , cette liqueur qui
agit , ou comme caufe , ou
comme effet dans la réproduc-
tion de Tindividu : fa curiofité
eut un fuccès heureux : il en dé*
couvrit fans nombre &: de dif-
férentes grandeurs: ils avoient
un mouvement progreiTif très-

Hartfocker.
rapide,
DES INDIVIDUS. 17

rapide, &alloit fuivant toutes


fortes de diredlions.
Une découverte auffi impor-
tante 6c auflî (înguliere, fit naî-
tre plufieurs réflexions : chacun
de ces animalcules ne feroit-il

pas defliné à être homme? Cette


penféeparoit d'abord ridicule;
cependant Ton confidere les
fi

différents moyens que la natu-


re emploie dans la réproduc-
tion des différents individus ,

on femble pouvoir fe famiUa-


rifer avec cette idée. Il n'eft
perfonne qui n'ait fiiivi les dé-
veloppements Se les difïeren-
tes transformations du ver à
foie 9 ce petit poiffon de la fé-
B
i3 DE LA REPRODUCTION

mence pourroit bien efluyer


les mêmes transformations : &
il étoit d'autant plus aifé de fe
prêter à cette opinion , qu'ici
on voyoit un corps vivant; au
lieuque dans le fyftême des
œufs, on ne voyoit rien de
bien diftinct. On tranfporta
donc toutes les générations des
œufs de la femme , dans la
fcmence de Fhomme. Ce n'é-
toit plus notre première mcre

qui contenoit toute fa poflé-


rité ; c'étoit le premier hom-
me. Un feul de ces petits vers
contenoit la fource des géné-
rations à l'infini : il contenoit
un petit homme qui avoit auffi
DES INDIVIDUS. 19

fa femence où nageoient d'au-


tres petits vers : ces petits vers
étoient la forme d'autres pe-
tits hommes, qui avoicnc en-
core leur femence & ainfi a

Tinfini. La liqueur du mâle


étant dardée dans la matrice ,

de tous les petits vers qu'elle


contient , un feul &c quelque-
fois deux, cherchoient un en-
droit convenable pour s'éta-
blir j & femblables au ver à
foie , ils fe formoient autour
d'eux , foit de leurs propres
fubftances, foit de celle de la
matrice , plufieurs enveloppes
qui , en entretenant leur cha-
leur naturelle , facilitoient un
Bij
20 DE LA REPRODUCTION

prompt accroifTemenc. Tous


les autres vers plus maladroits
périiToient miférablement, car
rarement arrive- c- il qu'une
mère ait plufieurs enfans.
Ceux qui avoient cru trou-
ver des œufs dans les ovaires,
cherchèrent à concilier cette
découverte des petits vers ,

avec leur première opinion 5

ils regardoient les œufs com-


me un domicile propre à le
loger & à lui fournir la nour-
riture. Un feul de ces animal-
cules pénétroit , de la matrice
dans les trompes , d'où s'avan-
çant jufqu'à l'ovaire , il piquoit
\kXi des petits œufs qu'il ren-
— DES INDIVIDUS.
*
21

controit ^ s'y logeoit , &: y pre-


noit les premiers accroiflemens.
L'œuf piqué le décachoit de
Tovaire &c gliffoit le long des
troxnpes dans la matrice.
Ton parcourt ce petit glo-
Si
be que nous habitons , on y
trouvera bien des variétés. Les
hommes qui l'occupent diffé-
rent entr'eux, non -feulement
par leurs mœurs , leurs coutu-
mes, leurs ufages , mais en-
core par la couleur, la gran-
deur & la forme extérieure.
Cemonde efl rempli de Peuples
blancs , noirs , gris , bruns »

olivâtres , dont les uns ont le


nez épaté , de groffes lèvres
22 DE LA REPRODUCTION •

m w. .. I
II .«

de la laine au lieu de cheveux ;

\qs autres ont les yeux longs 9

étroits , placés obliquemenr.


On n'étoir pas fort embarraf-
fé pour expliquer toutes ces
variétés. On difoit que les pre-
miers œufs de la mère, ou les
animalcules du père , renfer-
moient originairement toutes
ces différences, dont le déve-
loppement ne devoit fe faire,

qu'après un nombre infini de


générations. Vouloit-on expli-
quer les monftres ? On fuppo-
foit qu'ily avoit originaire-
ment des œufs ou des animal-
cules quicontenoient des œufs
auffi formés, que les autres
DES IKDIVID us. 25

œufs contenoient des animaux


bien conformes Par-là ils

croyoient ne point reflrein-


dre la toate-puiilinee de Dieu
à une régularité parfaite &
toujours uniforme.
Les difficultés que Ton peut
oppofer à ces fyftêmes , font
fans nombre : fans m'arrêter
à toutes , il fuffit de remarquer
que cette opinion à^s germes
préexiftans , contenus les uns
dans les autres &: tous renfer-
més ou dans un œuf de notre
première mère, ou dans le pe-
tit ver de notre premier père,
répugne autant à l'imagina-
tion qu'à la raifon j que d ail-
24 DE LA REPRODUCTION
'' " ', ' «i.itw

leurs le petit individu ne peut


pas plus appartenir au père en
particulier qu'à la mère ; car
il naît non -feulement avec les
traits de l'un ou de l'autre,
mais auffî avec leurs vices
leurs inclinations , leurs habi-
tudes. En effet, qu'un homme
noir époufe une femme blan-
che, l'individu tient delà cou-
leur de l'un & de l'autre : il

naît olivâtre. Dans des efpèces


différentes, ces refTemblances
font encore plus fenfibles : l'à-

ne & la jument produifent un


animal qui n'eft ni l'un ni l'au-

tre & qui tient des deux. Que


de variétés dans le même gen^
re
DES INDIVIDUS. af

re ne produifenc pas tous les

jours , Tart &: rintérêt ! Ne


voit-on pas à préfent de nou-
velles races de chiens , de fe-

rins , qui n'étoient pas autrefois


dans la nature ! & fi Ton mê-
loit encore d'avantage les ani-

maux d'efpèces différentes , on


en verroit incontellablement
naître des variétés qui attire-
roient notre étonnement &
notre admiration.
Suppofons le fyftême des
ceufs ; rapproche du mâle ne
pourroit fervir qu'à les fécon-
der ; mais cette approche ne
pourroit rien changer à la na-
ture de l'animal contenu dans
C
•»r I I

H
li

16 DE LA REPRODUCTION

Tœuf. Si ron veut que ce foie


le petit ver qui foit deftiné à
tenir un rang parmi refpèce
humaine , la difficulté refte
toujours la même. Quel chan-
gement la matrice peut -elle
lui apporter? Et en ap- fi elle

porte, ce ne peut être que dans


la forme, la configuration des
parties ; mais non pas dans la

couleur, les inclinations ou les

habitudes de Tindividu,
Les Philofophes , les Phy-
fîciens , les Naturaliftes , les

Médecins écoient partagés en-


tre ces deux fyftêmes. Les uns
fe contentoient d'avoir été
œufs j les autres préféroient
DES INDIVIDUS. i%

d'avoir été vers» L'erreur fem-


ble être le partage de Thom-
me : la chimère efl; fcn idole :

les idées les plus fauffes qu'on


lui préfente fous des images
riantes, le féduifent : il cher-
che à donner du corps &: de
la réalité aux productions de

fon imagination. Quoique les


fyftêmes précédents foient fuf-
ceptibles de grandes difficul-
tés , & qu'ils fuffifent à peine
pour expliquer un petit nom-
bre de phénomènes , ils ont
eu néanmoins de très -grands
partifans , & ils en ont peut-
être encore Cependant fi Ton
examine fans prévention les

Cij
^8 DE LA REPRODUCTION

objeélîons qu'on leur a faites ,

on fera convaincu qu'elles font


affez puiflantes pour les rui-
ner entièrement : auflî d'au-
tres Philofophes ont imaginé
& cherché des moyens pour
expliquer le fyftême de la Na-
ture ; car les hommes veulent
tout expliquer & tout com-
prendre : & en effet , il n'efl

point d'étude plus noble &


plus agréable que celle qui
expofe la grandeur de ces mer-
veilles. C'eft d'après ces re-
cherches , que le Philofophe
s'élève à la connoiffance de
l'Etre fuprême ; qu'il contem-
ple, fa puiffance & fon immen-
DES INDIVIDUS, 29

fîté ; comme en étudiant les


ouvrages d'un Artifte célè-

bre , on fe forme des idées


élevées & jufles des talens de
leur Auteur.
M. de Buffon femble avoir
connu un des premiers les
vraies forces de la Nature. Le
fyflême qu'il préfente n'eft
point une de ces hypothéfes
frivoles, dont un Lecteur at-
tentif fent tout le vuide à la
première leélure ; mais c'eft
une Théorie appuyée fur des
expériences les plus fines &
les plus exa(fkes. M. de Buffon
eft un Philofophe qui a épié
la nature dans fes opérations
Ciij •
30 DE LA REPRODUCTION

les plus fecrettes : à TafFut de


toutes fes démarches , il fem-
ble l'avoir forcée à lui dévoiler
{ts myftères. Perfonne aulîi
n'étoit plus en état de les dé-
crire que lui ; tout s'embellit
fous fa plume : un coloris
toujours brillant accompagne
des defcriptions naturellement
féches : par un flyle pur , aifé

agréable & majeflueux , il at-

tache Se entraîne fon Lecfteur.


Prelque toujours M. de Buffon
eft Paigle qui fend la nue &
étonne le fpeélateur par la ra-
pidité de fon vol.
Parmi les différents moyens
dont la Nature pourroit faire
DES INDIVIDUS. 31

ufagepour renouvellerlesEtres
organifés , le plus fimple de
tous feroit de compofer l'ani-
mal d'une infinité d'autres pe-
tits animaux tous femblables

au grand. Ce moyen de repro-


duction doit paroître bien fîn-

gulier ; cependant la nature


l'emploie quelquefois. Le ver
aquatique , qu'on nomme Po-
lype , efl un tout compofé d'au-
tres petits Polypes tous fem-
blables au premier; puifqu'en
le coupant dans toutes les dî-^

redlions & en tel nombre de


parties que l'on voudra , cha-
que partie retranchée donne
un autre animal femblable au
premier. Civ
32 DE LA REPRODUCTION

Plufieurs végétaux , tels que


les ormes , les faules , les gro-
feillers, fe reproduifent de cet-
te manière un bout de leurs
:

branches, ou un bout de leurs


racines , ou un morceau de
bois féparé de leur tronc , ou
leur graine , donnent égale-
ment un orme , un faule, un
grofeiller , &c. chacun de ces
végétaux eft donc un compofé
de parties femblables ; & la
fubftance de tout végétal , eil

tellement compofée, qu'il n'y


a peut-être pas une partie qui
ne contienne un germe de la
même efpèce, & qui ne puif-
fe, au befoin, devenir un tout
MMIMHHMi
DES INDIVIDUS. 33

femblable à celle dans laquelle


elle efl contenue.
Si des végétaux on paflè aux
minéraux on trouve que les
,

fels font compofés de parties


femblables entr'clles , & fcm-
blables au tout qu'elles com-
pofent. Un grain de fel marin
efl un cube compofé d'autres
petits cubes qu'on découvre
au microfcope : ces petits cu-
bes font eux-mêmes compofés
d'autres petits cubes qu'on ap-
perçoit avec un meilleur mi-
crofcope ; & Ton ne peut gué-
res douter que les parties élé-

mentaires de ce fel , ne foient


auffi des cubes d'une petiteflè
34 DE LA REPRODUCTION

prefqu'infinie , qui échappent


& à nos yeux Se à notre ima-
gination.
moyen de re-
Voilà donc un
production commun à Tanimal
au végétal & au minéral Un
Polype nVft qu'un compofé
de petits Polypes un Orme, :

un compofé de petits Ormes:


& un grain de fel , un cube
compolé d'autres petits cubes.
On peut donc croire qu'il y a
dans la nature une multitude
de petits Etres organiques ,

femblablcs en tout aux grands ;

comme il y a une infinité de


particules brutes , femblables
aux corps bruts.
DES INDIVIDUS. 35
>

Ces petits Etres organiques


dont TafTemblage forme l'in-

dividu fenfible, font eux-mê-


mes compofés de parties orga-
niques vivantes : &c de même
qu'il faut des millions de petits
cubes de fel pour faire un grain
de fel marin qui foit fenfible ;

il faut aulîi des millions de par-


ties organiques vivantes , pour
compofer un feul de ces petits
Etres , dont le produit forme
un orme , ou un Polype qu'on
puiflè aifément appercevoir.
Pour plus de facilité , ap-
pliquons ces idées à quelque
chofe de palpable. Si l'on cou-
pe un Polype par morceaux ,
56 DE LA REPRODUCTION

chaque morceau eft un nou-


veau Polype. Si Ton divifoit le
Polype en un très-grand nom-
bre de parties , Ton pourroit
parvenir à des petits Polypes
qui feroient les parties élémen-
taires du grand. Confidérons
ce petit Polype élémentaire ; il
ne feroit plus compofé d'autres
petits Polypes , mais ce feroit
un petit tout, formé de parties
organiques vivantes , dont la

fubflance feroit la même que


celle des Etres organifés.

Ainfi de même que la def-

tru(flion de l'Etre organifé,fe


fait par la divifion des parties

organiques conftituantes 9 la
DES INDIVIDUS. 37

réproducfkion fe fait & s'opère


par la feule addition de petits
Etres organifés , femblables en-
tre eux
- &
au tout ; on n'en
pourra pas douter , fi Ton re-
fléchit fur la manière dont les
arbres croiflent , & comment
d'une quantité qui efl fi petite

ils parviennent à un volume fi

conlîdérable pour : le prouver


fuivons avec F Auteur, le dé-
veloppement d'un arbre. La
graine produit d'abord un pe-
tit arbre qu'elle contenoit en
raccourci au : fommet de ce pe-
tit arbre , il fe forme un bouton
qui contient le petit arbre de
l'année fuivante 9 &c ce bouton
3S DE LA REPRODUCTION

eft une partie organique fem-


blable au petit arbre de la pre-
mière année. Au fommet du
petit arbre de la féconde an-
née, il fe forme de même un
bouton qui contient le petit ar-

bre de la troifiéme année , d>c


ainfi de fuite, tant que Tarbre
croit en hauteur , & même tant
qu'il végète , il fe forme à l'ex-

trémité de toutes les branches,


des boutons qui contiennent,
en raccourci , de petits arbres

femblables à celui de la premiè-


re année. Il eft donc évident
que les arbres font compofés
de petits êtres organifés fem-
blables j £c que Tindividu total
DES INDIVIDUS. 3^

eft formé par rafTemblage


d'une multitude de petits in-
dividus femblables.
Pour concevoir que cet or-
me , ce Polype , eft un compo-
fé de figures femblables , il faut
feformer de nouvelles idées.
Si tous les animaux les vé- &
gétaux n'écoient compofés que
de furfaces , leur organifation
feroit très-aifée à concevoir.
Il n'y auroit qu'à fe repréfen-
ter une infinité de premiers
L

moules , où chaque individu


différent eut pris fa forme.
C'eft ainfi qu'un fondeur for-
me une infinité de figures
femblables , dans un même
moule. Mais les Etres ne font
40 DE LA REPRODUCTION

pas feulement compofés de fur-


faces ; ils ont de la folidité , &
chaque partie a befoin d'être
pénétrée dans toutes fes di-
menfions. Concevons donc un
moule qui fafle pour toutes les
ditnenfions , tant intérieures ,

qu'extérieures des corps, ce que


le moule ordinaire fait pour
les extérieures. C'eft ici qu'un
fixiéme fens , &c même un fep-
tiéme pour bien des gens , fe-

roit fort néceflaire ; car nous


n'^avons point du tout les qua-
lités propres pour appercevoir
ce moule intérieur. On peut
feulement croire que cette idée
n'a rien de contradictoire, fi

on
DES INDIVIDUS. 41

on la rapporte à la péfanteur
qui eft une autre qualité qui
éxifte dans la nature, qui pé-
nétre intimement toutes les

parties des corps, dont les ef-

fets font connus , & dont ce-


pendant il ne nous efl pas pof-
fîble d'avoir d'idée nette ; par-
ce que ces qualités intérieures
des corps ne peuvent pas tom«
ber fous nos fens.
La fuppofîtion de ce moule
intérieur efl d'autant plus vrai-
femblable , que fans lui on ne
peut concevoir tomment ces
parties de matières vivantes
ou ces molécules organiques
répandues dans toute la natu-
D
42 DE LA REPRODUCTION

re, fe pénétrent intimement;


ni comment elles viennent fe
mouler dans les corps Se for-
mer , par leur afTemblage , les

différents individus, La matiè-


re en général paroît tendre à la
vie beaucoup plus qu'a la mort :

il e(l même affez vraifembla-


ble que prefque toute la matiè-
re efl organifée , car il efl en
notre pouvoir d'augmenter au-
tant que nous voulons le nom-
bre des Etres vivans végé- &
tans , Se Ton peut démontrer
facilement, que fi , pendant
trente ans, on faifoit écloreles
œufs de toutes les poules. Se
qu'on eut foin de les conferver
DES INDlVIDUS^ 45

fans détruire aucun de ces ani-


maux au bout de
î ce temps il

y en auroit afTez pour couvrir


la furface de la terre , en les

mettant tout près les uns des


autres.
L'organique étant par con-
féquent l'ouvrage le plus or-
dinaire de la nature , la matiè-
re doit tendre continuellement
à s'organifer. Ces molécules
organiques vivantes viennent
fe mouler dans les formes qu'-
elles rencontrent ou qu'on leur
préfente : elles pénétrent inti-

mement ces formes ou ces mou-


les extérieurs , Se forment , par
leurs alTemblages , des Etres
Dij
44 JDE LA REPRODUCTION

organifés tels que nous les


voyons. Ces molécules orga-
niques fubfiftoient avant la
formation , pendant la forma-
tion , & fubfifteront encore
après la deftru6lion de l'Etre
organifé ; car la deftruétion
de l'individu n'eft que la ré-

paration des parties organiques


qui le compofent j & ces par-
ties relient féparées jufqu'au
moment où elles viennent fe
rejoindre , par les circonflan-

ces. On peut donc regarder


le corps de Tanimal ou du vé-
gétal , comme une cfpèce de
moule intérieur , dans lequel
la matière qui fert à fon accroif-
DES INDIVIDUS. 4J

fement , vient fe mouler; &


par cette incorporation de mo-
lécules organiques, toutes les
parties de Tindividu augmen*
tent proportionnellement leurs
mafles & volumes ; car
leurs
il faut bien remarquer que ce
développement de l'animal ne
fçauroit fe faire par la feule
addition des furfaces; mais par
la pénétration la plus intime
de toutes fes molécules orga-
- niques vivantes , dans tous les
points du moule intérieur. Ces
molécules organiques, que l'a-
nimal &le végétal incorpo-

rent dans leur fubftance , font


de même forme & de même
46 DE LA REPRODUCTION

qualité que celle qui compofe


fon moule intérieur.
Dans la nourriture que rani-
mai prend pour foutenirfa vie
& dans la fève que le végétal
prend par fes racines & par ks
feuilles, tout n'eft point orga-
nique : il fe fait par conféquent
dans les corps une féparation
des parties organiques, de cel-
les qui ne le font pas ces der-
:

nières font rejettées hors du


corps par les voies excrétoires

ou par la tranfpiration ; celles


qui font organiques reftent &
fervent au développement &
à la nourriture du corps orga-
nifé*
DES INDIVIDUS, 47

Dans ces parties organiques 9


il doit y avoir bien de la variété
& des efpëces de parties orga-
niques très-différentes les unes
des autres 5 & comme
chaque
partie reçoit du corps de Ta-
nimal ou de la plante les ef-
pëces qui lui conviennent le
mieux Se qui viennent s'y mou-
ler par quelque puiffance acfti-

ve ou quelque force fembla-


,

ble à celle que nous connoit


fons , telle que la péfanteur,
le moule intérieur reçoit ces

parties qui lui font propres ; il

fe les incorpore ; & en aug-


mentant proportionnellement
dans toutes fes dimenfîons •
48 DE LA REPRODUCTION

tant extérieures , qu'intérieu-


res, par TafTiniilation de ces
parties organiques vivantes de
la nourriture dans tous fes

points , forme ce qu'on ap-


il

pelle le développement de l'a-


nimal ou du végétal. Quand
les parties du corps organifé

auront reçu tout ce qu'ils pou-


voient recevoir de ces molé-
cules organiques , il eft alors

naturel que le fuperflu de la


nourriture foit renvoyé de tou-
tes les parties du corps , dans
un endroit commun où toutes
ces parties fe trouvant réunies,
elles formeront de petits corps
organifés femblables au pre-
mier
DES INDIVIDUS. 4?

mîer &c auxquels il ne man-


quera que les moyens de fe
développer; car toutes les par-

tiesdu corps organifé ren-


voyant des parties organi-
ques , femblables à celles dont
elles font elles-mêmes compo-
fées , il eft néceflaire que , de
la réunion de toutes ces par-
ties, en réfulte un corps or-
il

ganifé femblable au premier.


On explique ainfi, comment
les corps organifés , dans le
temps de leur plus grand dé-»
veloppement ou accroiflement,
n'ont point encore ou n'ont que
fort peu de la matière propre
pour la réproduction de leurs
E
SfMnaHHiMMlMHMaHMMMaMidaManM

DE LA REPRODUCTION
50
•—^i^"*^— 1^^—^»
III . »i I ,11. ,. , I . ,i_ — I.—^M—

femblables; car alors ces parties


qui fe développent, abforbenc
prefque toutes les molécules
organiques 5 & n'y ayant rien
de fuperflu , il n'y a rien de
renvoyé de toutes les parties
du corps.
C'eflpar-là, qu'on explique
encore avec facilité le déve-
loppement, la réproduction &
la nutrition dans les efpèces où
un feul individu produit fon
femblable ; ce Polype , dont
chaque partie féparée offre un
autre Polype femblable au pre-
mier; les différentes efpèces de
ver; le Puceron qui fe multi-

plie de lui-même & fanscopu-


DES INDIVIDUS, %%

îation ; les arbres qui fe repro-


duifent de boutures; les plan-
tes qui fe reproduifent par leurs
racines divifëes &c par caïeux.
Car pour bien concevoir la ma-
nière de cetaccroifTementôcde
cette réproduélion 5
prennons,
pour exemple, un Puceron &r
un oignon : ces deux corps or-
ganifés reçoivent , par la nour-
riture, des molécules organi-
ques & des molécules brutes :

la réparation des unes &c des


autres fe fait dans le corps de
l'animal ou de la plante ; les
parties brutes font rejettées
hors du corps de Tanimal ou-
de la plante , par différentes
E ij
mmmmÊÊmmiÊmtÊmÊmmm mt, m i
ntwmi m \ n tu
-
wêàmmtj
52 DE LA REPRODUCTION — - - ~—

voies excrétoires ; les molécu-


les organiques vivantes reftenr,
& vont s'incorporer dans tou-
tes les parties du moule inté-
rieur de l'animal ou de la plan-
te ; & cette incorporation fe
fait par une force femblable à
celle qui produit la péfanteur ;

& chaque partie du moule re-

çoit les parties qui lui font pro-


pres.Toutes les parties du corps
du Puceron & de la plante,
ne fedéveloppent que par cet-
te intuflTufception de molécules
organiques vivantes , jufqu'à ce
qu'étant parvenues à un certain
point, alors elles n'admettent
plus une fi grande quantité de
DES INDIVIDUS. 53

ces molécules j & le fuperflu


qui a été moulé fur toutes les

parties du Puceron 6c de Foi-


gnon, eft renvoyé de toutes
les parties de l'individu dans

un ou plufîeurs endroits. Ces


molécules fe réuniffent alors
par une force femblable à celle

qui leur faifoic pénétrer les dif-


férentes parties du moule in-
térieur: elles forment parleur
réunion un ou plufîeurs petits
corps femblables au Puceron Se
à Toignon. Quand ces petits
corps organifés font ainfi for-
més, ils n'attendent plus que
les moyens de fe développer à
leur lour: bientôt le petit oî*

. .
Eiij
54 DE LA REPRODUCTION

gnon fe détache du grand ; le


Puceron fort du corps de fon
père , & va chercher fa nour-
riture fur les feuilles des plan-
tes.

On paffe de- là aifément à


l'explication de la génération
derhomme &c des autres ani-
maux qui fe réproduifent com-
me lui. Dans la nourriture que
l'enfant prend ^ il y a une gran-
de quantité de molécules orga-
niques qui viennent pénétrer
toutes les parties de fon corps ;

& cette pénétration intime fe


fait de la même manière que
celle des animaux, par la fonc-
tion du moule intérieur. Quand
DES INDIVIDUS. 55

Tenfant a prefque acquis fon


accroifTement , le fuperflu de
ces parties cfl renvoyé de tous
les points du corps , dans des
réfervoirs communs où ils vien-
nent former rébauche d'un être
vivant. La femelle de fon cô-
té, renvoie de toutes les par-
ties de fon corps, des mêmes
molécules organiques qui vien-
nent fe rendre dans des en-
droits communs &c former par
leur affemblage, des efpèces
de corps vivants , de petits
corps organifés , dans lefquels
il n'y a que les parties elTentiei-
les qui foient formées.
Dans l'approche des deux
£iv
j6 DE LA REPRODUCTION

fexes , les extraits de toutes les

parties fuperflues du mâle, fe

mêlent aux extraits de celles

de la femelle j & par des for-


ces femblables à celles que nous
connoifTons dans la nature, ces
molécules organiques vivantes
de Tun & de Fautre individu,
fe rangent dans le fein de la

femelle pour former un nouvel


être : &c s'il fe trouve plus de
molécules organiques du mâle,
que de la femelle , il en réfulte
un mâle ; au contraire s'il y a
plus de molécules organiques
de la femelle, que du mâle,
il fe forme une petite femelle»
L'exemple des Eunuques &

DES INDIVIDUS.^^-^-^-^^_
57

des animaux mutilés, quigroC-


fifTent plus que ceux à qui on
n'a rien retranché, prouve fuf-
fîfamment que la liqueur fémi-
nale n'efl que le fuperflu de la
nourriture ; car alors la fur-
abondance des aliments , ne
trouvant point d'iflue, refteôc
cherche encore à développer
d'avantage les autres parties du
corps.
La reflemblance des enfans
aux parents, qui refTemblent
tantôt au père, tantôt à la mè-
re , & quelquefois à tous les
deux , prouve encore le mélan-
ge des deux liqueurs , ôc la né-
ceiTité d'admettre qu€ les deux
58 DE LA REPRODUCTION

individus , mâle & femelle,


contribuent à la formation du
petit être organifé. *

Les jeunes gens ont moins


de liqueur féminale, mais elle

efl plus provocante 5 parce que


dans la jeunefTè, les parties du
corps ayant plus hefoin de fe
dév^elopper, admettent une plus
grande quantité de molécules
organiques. Dans un âge plus
avancé la liqueur féminale aug-
mente » parce que les parties
du corps devenant plus (olides
admettent moins de nourriture
& en renvoient par conféquenc
une plus grande quantité dans
les réfervoirs féminaux. Non-
DES INDIVIDVS^ 59

feulement alors , la liqueur de-


vient plus abondante , mais el-
le s'épaiflît, & dans un même
volume y elle renferme plus
de molécules organiques» Un
homme qui a fait des expérien-
ces à ce fujec, a trouvé que
volum.e pour volume , la li- *

queur féminale efl près d'une


que le fang,
fois plus pcfante r

Les perfonnes de moyen âge


& les veillards engendrent
,

aullî plus ailément, quand les


organes extérieurs, qui fervent
ï cet ufage , ne font point ufés ;
car la plupart des jeunes gens^
quis'épuilent par des irritations
forcées, perdent la fubflance
€o DE LA REPRODUCTION

nécefTaire à leur accroiflement :

ils maigriflenc alors &c com-


mencent par ceffer de croître.
La plupart des gens gras,
auront beaucoup moins de li-
queur féminale que ceux donr
le corps eftmaigre fans être
décharné, ou charnu fans être
gras ; parce qu'alors le fuperflu
de la nourriture s'arrête dans
toutes les parties du corps, &C
les fibres n'ayant prefque plus
de fouplefle & de reffort, ne
peuvent plus la renvoyer dans
les réfervoirs de la génération.
Lorfqu'on fe porte bien , l'éva-
cution de la liqueur féminale
excite l'appétit, & on fent le
DES INDIVIDUS. 6î
> .11.
befoin de réparer par une nou-
velle nourriture^ la perte de
l'ancienne j d'où Ton peut con-
clure, dit M, de Buffouy que
la pratique de mortification,
la plus efficace contre la luxu-
re, eft Tabftinence Scie jeûne. ,

Il naît communément plus


de màles que de femelles j la
raifon en eft claire , fi Ton fait
attention que les femmes étant
plus petites &
plus foibles que
\ts hommes, & d'un tempéra-
ment plus délicat , elles doivent
fournir moins de molécules or-
ganiques; &c dans le mélange
des deux liqueurs, il naîtra
plus fouvent des màles que des
femelles.
62 DE LA REPRODUCTION

De quelque manière que la

liqueur du mâle entre dans la

matrice, foit qu''elle y arrive


direélement, foit qu'elle péné-
tre intimement la matrice dans
toutes les parties de fon moule
intérieur , il eft bien confiant
qu'elle y entre : c'ed ce que
prouvent les obfervations des
plus habiles Anatomiftes. La
liqueur de la femelle fe rend ,
de toutes les parties de fa fubf-
tance , dans ces corps blanchâ-
tres, qu'on trouve dans les en-
virons de la matrice , & donc
nous avons déjà parlé. C'efl là

cil la femence de la femme


commencée fe former; ellefe
DES INDIVIDUS» . 65

perfectionne enfuite dans les


corps glanduleux, d'où elle fc
rend dans la matrice. Lorfque
la liqueur du mâle y rencontre
celle de la femelle , alors ces
deux liqueurs qui ont entr'el-
les une analogie parfaite , puif-

qu'elles font non - feulement


compofées de parties fimilaires
par leurs formes, mais aufïî
abfolument femblables dans
leur mouvement & leur ac«
tion , les parties femblables,
dis -je, de ces deux liqueurs,
venant à fe rencontrer, ceffent
de fe mouvoir Se reflent à la
place qui leur convient ; &
cette place eft la même que
fimmÊmKmimiaÊttÊÊtÊÊÊÊammÊmmÊmii

€4 DE LA REPRODUCTION

celle qu'occupoient toutes ces


molécules organiques dans le

corps de Tun & de l'autre fexe ;

par exemple , toutes les molé-


cules organiques qui auront
été renvoyées de la tête de l'un
& de l'autre animal , viendront
encore former la tête du petit
individu, dans la matrice delà
mère ; &
l'on doit remarquer
que les molécules contenues
dans la liqueur de la femelle

étant femblables à celles qui


font contenues dans celles du
mâle 5 le petit eft formé de ces
molécules doubles , qui vien-
nent fe ranger dans un ordre
confiant, &c dont l'aélivité de
DES INDIVIDUS. 6^

chacune, dans leur liqueur,


n'eft même fixée que par la

rencontre de Fautre : de même


que deux corps d'égale grof-
feur, qui viennent à fe heur-
ter en fens contraires , avec des
forces & Aqs vitefTes égales,
reftent tous deux en repos, au
moment de leur rencontre.
Chaque liqueur, outre ces
parties communes à Tune & à
Tautre contient encore les mo-
,

lécules organiques, produites


par les parties qui caractérifent
l'un Se l'autre fexe. Ces molé-
cules organiques n'ayant en-
tr'elles aucune analogie, con-
ferveront leur nature fans me-
F
itaaMMafeAÉMiÉMHMi

66 DE LA REPRODUCTION

lange , & fe fixeront d'elles-


mêmes les premières , fans
avoir befoin d'être pénétrées
par les autres : elles ferviront

d'un point d'appui , où les au-


tres molécules organiques qui
font communes aux deux in-
dividus, viendront s'arranger
dans un certain ordre; & elles
formeront un être organifé,
qui reffemblera parfaitement,
ou à fon père , ou à fa mère ^
par les parties fexuelles ; & qui
pour les autres parties du corps,
pourra reffembler plus à Tun
qu'à l'autre, félon que l'un des
deux aura fourni plus de mo-
lécules organiques que l'autre.
DES INDIVIDUS. ^j

Quand une fois le petit être

organifé efl ébauché ; quand le


moule intérieur &
extérieur
eft formé ; c'e(l-à-dire , quand

le petit individu a la forme,

ou de fon père , ou de fa mère ;


alors les molécules organiques
qui refient , étant inutiles , cher-
chent à s^organifer. Elles s'or-

ganifent réellement , & for-


ment par leur afTcmblage les
différentes membranes qui en-
veloppent le petit anmial. Ces
parties fuperilues ne peuvent
former un êire organifé fcm,-
blable à l'autre, &: qui n ea
diffère que par les parritv de i«t

génération y car un pccit êae


6S DE LA REPRODUCTION

organifé étant une fois formé


dans la matrice, fe rend maî-
tre, fiTon peut parler ainfi,
de fa demeure il exerce
: à Tex-
térieur une force qui dérange
Tœconomie & Tordre des au-
tres molécules , qui tendroicnt
à s^'organifer dans un ordre
femblable à lui.

Si le nombre , cependant
des molécules organiques , ell

fort confidérable , il peut fe


former différents points de réu-
nion , par les divers affemblages
des parties fexuelles , où toutes
les molécules doubles venant à
aboutir, comme à un centre,
il fe formera alors dans le fein
DES INDIVIDUS, ^
de la femelle différents fœtus ^
les uns n:iàles , les autres fe-

melles.
S'il que la quantité
arrive
des molécules du mâle ( j'en-
tends la quantité qui provient
des parties de la génération )
foit du double plus forte que
celle des femelles, Se que cel-
les - ci foient continuellement
dérangées par les premières^
il fe formera deux jumeaux
mâles 5 ce qui peut auffi s'en-
tendre des femelles. On expli-
queroit de même la formation
de deux jumeaux mâles & d'un
troifiéme femelle , ou de trois

mâles , ou de trois femelles j &:


no nr: /./t iii:niu)i)ï'cii()N

ainfi d\in plus grand nom-


bre, r

Si la Ii<|uciir du niMc, avant


de pc^'nc'-trcr dans la inaiiitc ,

rencontre celle de la femelle,


il (e foijuera dans cet inllant
un fd'ius (]ui retouibrr.i en(ui-
ted'.msla matrice. Si la liqueur
du niiile, dardée avec force,
p(jnetrc dans les tuyaux ou
trompes <|ui flottent dans les
environs de la matiicc, le ('(jl-
tus pouira Je loimer dans ces
lieux, par la i(:union des mo*
Iccidcs organi(]ues du maie &c
cJk celles de la (emelle, cjui

occupent, dansces indans, tous


les environs de la matrice &c
DES INDIVIDUS. 71

rhumecfkent : quelquefois me*


me , &: ce cas fera rare , la li-

queur du maie, lancée avec


encore plus de violence , paf-
fera des trompes dans les pré-
tendus ovaires , & viendra for-
mer un fœtus dans Tendroic
même où la liqueur prend fon
origine: telle efl: l'explication
de ces efpèces d'embrions »
qu'on a trouvés dans les tefli-
cules , ^ dans les trompes , ou
dans le vagin.
Immédiatement après le mé-
lange des deux liqueurs, tout
Fouvrage de la génération eft

* On nomme tefticules les prétendus


ovaires.
72 DE LA REPRODUCTION

dans la matrice , fous la forme


d'un globe : du petit être
la vie

qui y eft renfermé, n'efl alors


que le réfultat de toutes les pe-
tites vies particulières de cha-
cune de ces molécules vivan-

tes; car la vie étant dans cha*


cune de ces parties , elle doit
fe retrouver dans le tout, où

réunifTant toutes leurs adtions^


leur effet eft plusfenfible. Se£t
jours après la conception, le
petit individu n'efl encore qu'-
une maffe mucilagineufe &
tranfparente , dans laquelle on
rcconnoît la tête &c le tronc.

Quinze jours après on com-


mence à reconnoître les traits
les
DES INDIVIDUS. 75

les plus apparents du vifage*


Le nez n''eft encore qu''un pe-
tit filet élevé & perpendicu-
laire à une ligne qui indique
la réparation des lèvres. On ne

voit que deux petits points


noirs à la place des yeux, &
deux petits trous à celle des
oreilles. Sur les côtés du foe-
tus , on découvre deux petites
élévations ,
qui font les premiè-
res ébauches des bras & des
jambes. Le petit animal a alors
environ un demi-pouce, ^

^ Au bout de trois femaînes


les bras , les jambes , les mains
les pieds, font plus apparents 5

les os font déjà marqués par


G
74 DE LA REPRODUCTION

de petits filets aufli fins que des


cheveux : les côtes ne font que
de petits filets difpofés régu-
lièrement des deux côtés de
l'épine.
. A un mois, la figure humai-
ne n'eftplus équivoque toutes :

les parties de la face font re-

connoiffables : le corps efldef-


fîné , les membres font formés ;
les doigts des pieds Se des mains
font féparés les uns des autres ;

la peau eft extrêmement mince


& tranfparente ; les vifcères
font marqués par des fibres
pelotonnées j les vaiffeaux font

menus comme des fils , & les

membranes extrêmement dé-


DES INDIVIDUS, jf

liées ; les os font encore mois 9

&: à mefure que la grofTeflc


avance, toutes ces parties fe
développent de plus en plus.
Arrive enfin cet inftant que la
douleur annonce aux mères,
où Tenfant quitte cette premiè-
re demeure il naît, &c ne fe
:

développe que pour réprodui-


re bientôt fon femblable. •

Pour fortifier une théorie


auffi brillante 9 il falloit être

affez heureux pour pouvoir la


foutcnir par des faits &c par
des expériences. Cette matière
organique animée, répandue
dans toute la nature Se quifert
au développement Se à la ré-

Gij
^5 DE LA REPRODUCTION

produftîon , exifle-elle bien ré-


ellement? M.deBuffon foupçon-
na que ces animaux qu^on voit
dans la femence de tous les mâ-
les, pourroient bien n'être que
ces parties organiques animées;
car tous les animaux & les vé-
gétaux, n'étant compofés que
d'une infinité de ces parties or-
ganiques vivantes , on doit re-
trouver ces mêmes parties dans
leur femence. La femence n'é-
tant que l'extrait de tout ce
qu'il y a de plus analogue à
l'individu , elle doit contenir
un très-grand nombre de mo-
lécules organiques. On pouvoir
donc croire que ces animalcu-
/^£5 INDIVIDUS. 77

les qu'on voit danslafemence,


n'étoient autre chofeque cet
molécules, ou du moins leur
premier réunion leur pre- &
mière afTemblage. Mais fi cela
étoit , il falloir retrouver les
mêmes molécules chez les fe*
mclles: Se puifque ces parties
organiques vivantes, font ^omr
munes ôc aux animaux Se aux
végétaux, on doit les retrou-

ver encore dans les femences


des plantes, dans les écamines
des fleurs, &c. *

Les corps blanchâtres , que


Ton découvre dans les envi*
rons de la matrice , &c qui con^
tiennent des véficules rondes t
ne pouvant plus être pris pour
>8 DE LA REPRODUCTION

des œufsi on étoit tenté de


croire qu'ils faifoient les mê-
mes fondrions chez les femel-
les, que les réfervoirs fémî-
naux chez les hommes ; &
qu'ils pouvoient bien contenir
une liqueur féminale , qui eût
les mêmes corps mouvants que
celle des mâles. M. de Buffon ,

fur ce foupçon , fit des expé-


riences, & trouva dans la ca-

vité d'un corps glanduleux


attaché fur les tefticules d'une
chienne qui étoit en chaleur,
une grande quantité de ces
corps mouvants qui avoient des
queues , dont la refTemblance
approchoic beaucoup de ceux
DES INDIVIDUS^ 7%

de la liqueur féminale d'un


chien. D'autres expériences
fur différentes femelles, offri-
rent toujours les mêmes phé-
nomènes.
Ainfi , dans les femelles ovi-
pares, ces œufs qui contien-
nent une petite goutte de li-

queur, peuvent être regardés


comme des matrices portatives,
que l'animal jette au-dehors.
Si la femelle n'a pas eu de
communication avec le mâle,
cette goutte de liqueur fe raf-
femble dans l'œuf fous la figu-
re d'une Môle; mais fi la li-
queur proHfique de la femelle
â été pénétrée par celle du mâ-
G iv
ta DE LA REPRODUCTION

le, elle produit un petit être


organifé qui tire fa nourriture
des fucs de cette matrice , dans
laquelle il cft contenu. Par
conféquent , les œufs font chez
les femelles ovipares, ce que
font les matrices chez les fe-
melles vivipares : elles ne fer-

vent dans la génération , que


comme parties paflBves & ac-
cidentelles.
Ainficesœufs, au lieu d'être
des êtres exiftans de tout temps,
renfermés à Tinfini les uns dans
les autres , &
contenant des
millions de fœtus mâles 8c fe-
melles; ces œufs, dis -je, ne
font formés que du fuperflu
DES INDIVIDUS. Si

d'une nourriture plus groflîere


& moins organique, que celle
qui produit le fœtus : ils fe for-
ment dans les femelles ovipa-
res, fans le concours du mâle:
ils exigent néceffaireraent &
indépendamment de Tafte de
la génération , ce font plufieurs
'matrices qui fe reproduifent
fuccefïîvement.
Il eft aufïî très - probable,
que cette liqueur que les fem-
mes répandent quand elles ex-
citent les parties de la géné-
ration , ou quand elles font
ufage des hommes, eft la mê-
me que celle qui fe trouve
dans les prétendus geufs ^ 6s
t2 DE LA REPRODUCTION

que par conféquent c'eil de la


liqueur féminale : d'où Ton fe-
que les
xoit porté à conclure ,

femmes qui ont beaucoup de


tempérament &
qui fe livrent
trop au plaifir, doivent être
peu fécondes, parce qu'alors
elles répandent au-dehors une

liqueur qui étoit deftinée à la


formation du fœtus. Auffi les
femmes publiques n'ont point
ordinairement d'enfans, ou du
moins en font plus rare-
elles

ment que les autres ; &c dans


les Pays chauds, où fem- les

mes ont encore plus de tem-


pérament , elles doivent aufïï
moins produire ; &
c'eft ce

que confirme Texpérience. *


DES INDIVIDUS. Z^

Ces parties organiques vî-


yantes de la nourriture , fe trou-
vent non - feulement dans les
liqueurs féminales des deux
fexcs, mais auflî dans le réfî-

du de la nourriture qui s'atta-


che aux dents, dans les excré*
ments & dans le chyle. L'il-
luflre ohkrvditeur Letizvenkock^
les rencontra dans les excré-
ments de plufieurs animaux;
& même dans les fîens , lorf»
qu'ils étoient liquides ; ce qui
s'accorde parfaitement avéc les
explications précédentes; car
lorfque Teftomac fait bien fes
foncftions, les parties les plus
fubftantieiles ôc les plus orga»
«4 DE LA REPRODUCTION
«I I I . - .. . .1 - . I I IB »

niques de la nourriture doî*


vent venir fe mouler, & ce
qui eftrenvoyé par les voies
excrétoires , ne font que les
parties brutes des aliments.
Mais fi la trituration fe fait
mal , les aliments paflent fans
avoir été moulés ; & on doit
j-etrouver dans les excréments,
les mêmes molécules organi-
ques qui palTent par les voies
excrétoires , avec les parties
brutes : d'où Ton peut conclu-
re, que les gens qui digèrent
mal , ont moins de liqueur fé-
diinale que les autres ; &: que
ceux au contraire dont les cx-
«;réments font moulés , font
tu un
I II II i liii iiiiiw* Wwiiwii*if«"MMrtiit*iit>Mii-MMawwiiatWMMiiiiMit
DES INDIVIDUS, II,
S5
—— I . , ,

plus vigoureux Se plus propres


à la génération.
Les prétendus vers de la fe-
mence, ne font donc que des
efpèces de machines naturel-
les , des corps d'une organifa-
tion plus fimple que le corps
de l'animal , des êtres enfin qui
ne font que le premier affem-
blage qui réfulte des molécu-
les organiques , ou peut-être
enfin les parties organiques el-
les-mêmes qui conflituent les

corps organifés des animaux.


Les animaux fpcrmatiques
du Calmar , que M. Néeàham
découvrit , ont trois ou quatre
lignes de longueur \ à Toeil
26 DE LA REPRODUCTION

fimple , il eft très - aifé d'en


voir toute Torganifation &c
toutes les parties ; on recon-
noît facilement que ce ne font
pas de petits Calmars y mais
de petites machines naturelles
qui ont du mouvement; Se ces
petites machines ne doivent
être regardées, que comme le
premier produit de la réunion
des parties organiques en mou-
v^ement.
C'étoit déjà un pas bien har-
di vers la vérité,que de foup-
çonner que ces animaux des
femences n'étoient pas ce qu'on
prétendoit; &c c'en étoit enco-
re un auffi grand , que de
DES INDIVIDUS. 87

prouver qu'ils n'^toient que de


fimples machines naturelles.
Pour s'afTurer encore d'a-
vantage fi ces prétendus ani-
maux ne font que des molécu-
les organiques vivantes, il fal-

loit reconnoître fi toutes les


parties des animaux & tous les
germ.es des végétaux conte-
noient ces mêmes parties orga-
niques vivantes.
Toutes les infufions de la

chair des différents animaux,


les différentes efpèces de grai-
nes, les diverfes plantes offri-
rent toujours ces mêmes par-
ties organiques en mouvement,
dont les unes paroiffent plutôt.
88 DE LA REPRODUCTION

les autres plus tard. Elles con-


fervoient leurs mouvements
dans des temps très-inégaux:
quelques-unes produifirent de
gros globules en mouvement,
qu'on auroit pris d'abord pour
des animaux , & qui chan-
geoient de figure , fe féparoient

& devenoient fuccefïîvement


plus petits. Les autres ne pro-
duifirent que de petits globu-
les fiDrt adhfs , & dont les mou-
vements étoient très -rapides;
les autres des filaments qui
s'allongeoient & fembloient
végéter , & qui enfuite fe gon-
floient & laifîbient fortir des
millions de globules en mou-
DBS INDIVIDUS. ^
vement. Ce qui prouve encore
inconteftablement que ces vers
fpermatiques ne font pas de
vraisanimaux, maisfeulemetit
de fîmples machines naturel-
les , ce font les expériences
que M. Néedkam a faites fur
des viandes rôties: il foupçon-
na que , puifque ces corps vi-
vants ne font pas de vrais ani-
maux, Faction du feu qui dé-
truit tous les êtres organifés,
ne doit point changer la forme
de ces m.olécules organiques;
6c qu'on devoit les retrouver
dans les viandes rôties , comme
dans la viande crue. Sur ce
foupçon , il examina au nii-

H
50 DE LA REPRODUCTION

crofcope des infufions de la ge*


lée de veau &: d'autres viandes
rôties 8c grillées , & il eût la
fatisfailion d^ voir des corps
en mouvement, femblables à
ceux qu'on voit dans les li-
queurs féminales de rhomme,
du chien & de la chienne , Sec.
On pourroit être furpris que
ces parties organiques de la
femence , ayant du mouve-
ment , M. de Buffbn leur refufe
le nom d'animal , tandis que
tous les autres Obfervateurs fe
font accordés à le leur donner:
car enfin ,
qu'efl: - ce que ces
parties organiques vivantes l

Sont- ce des animalcules ? Mais


DES INDIVIDUS. 91

alors, chaque animal efl donc


un compofé d'animalcules , Se
rhomme ne fera qu'un com-
pofé de petits hommes? Nous
avions vu cependant , que ce
n'eft point Tidée de l'Auteur,
quoique cela foit vrai , à Tégard
du Polype , des Ormes Se des
Sels : il faut bien cependant,
que ces corps mouvants refTor-
tiflent de l'un ou de l'autre
régne, foit animal, foit végé-
tal : car fuivant l'opinion com-
mune, tous les êtres matériels
doivent être rangés dans la
grande divifion des produc-
tions de la nature, en Animaux,
Végétaux Se Mmér aux; cepen-
Hij
am
5a DE LA REPRODUCTION

dant M. de Buffon , qui a ob-


fervé la nature en Philofophe,
la trouve ici encore bien dif-
férente du canevas de nos idées;
& QQS mots généraux , qui font
formés des idées paniculieres
qu'on s'eft faites de quelques
animaux particuliers, ne font
point des lignes de féparation
qu'on peut tirer entre les pro-
ductions de la nature ; enforte
que tout ce qui eft au - defTus
de cette ligne , eft en effet ani-
mal ; & que tout ce qui eft au-
deffous, eft végétal de même :

ce mot végétal , n'cft point


une ligne de féparation entre
les corps organifés 6c les corps
DES INDIVIDUS. 95

brutes. Pour ranger les êtres

matériels dans chaque clafle,


il faudroit connoître exacte-
ment les différences qui fépa-
rent l'animal du végétal, ainQ
que celles qui réparent le mi-
néral du végétal; &c ces difïë-
rences pour être exactes, de-
vroient être générales. La fa-

culté de fe mouvoir & de chan-


ger de lieu, dont les animaux
font doués, 6c qui n'efl: pas
donnée aux végétaux, femble
établir d'abord une difiërence
entre les animaux Se les végé-
taux , mais cette différence nVll
qu'apparente; car nous voyons
plulîeurs animaux, tels que les
^4 DE LA REPRODUCTION

Huitres , les Galles - Infecfkes


&c. auxquels le mouvement
progreffif paroît avoir été re-
fufé.
Une différence plus eflen-
tielle pourroit fe tirer de la
faculté de l'entir , qu'on ne peut
guères refufer aux animaux.
Mais fi, par fentir, on entend
faire une de mouve-
acftion

ment , à l'occafion d'un choc


ou d'une réfîftance , on trou-
vera que la plante appellée Sen-
fitive, efl douée de ce lenti-
ment. Si on veut que fentir,
fignifie appercevoir & compa-
rer des perceptions, on n'efl:

point afluré que tous les ani-

'Pwc,- Je- II. c^ii -n.n.c^ f


^'e>'i=^ U J
^^^^^
DES INDIVIDUS. 95
W < I I I I

maux aient cette efpèce de fa-

culté j 8c fi on raccorde aux


Chiens, aux Eléphans , dont
\ts actions fcmblent avoir les

mêmes caufes que les nôtres


on la refufera à une infinité

d'autres efpèces d'animaux, &


fiir-tout à ceux qui paroiffènt
être immobiles 6c fans aélion:
ou bien fi Ton vouloit l'accor-
der à tous les animaux, il fau-
droit concevoir cette qualité
moindre dans dans
l'un que
l'autre ; ce qui dépendroit de
l'arrangement des molécules
organiques , conftituantes de
chaque être : on fe vertoit obli-

gé d'accorder , par dégrés , ce


$6 nE LA REPRODUCTION
"
"

" »ii<

même fentiment aux végétaux,


mais dans un degré audeflTous.
La différence feroic- elle dans
ia manière de fe nourrir ? Les
animaux , par le moyen de
quelques organes extérieurs,
faififfent les chofes qui leur
conviennent. Ils vont chercher
' leur pâture , choififlent leurs
aliments; les plantes au con-
traire, paroiflTent être réduites

, à recevoir la nourriture que la

terre veut bien leur donner.


Cette nourriture femble être
toujours la même; aucune di«

verfité dans la manière de fêla


procurer , aucun choix dans
refpèce, rhumidité de la terre

eft
DES INDIVIDUS. 97

efl: leur feul aliment ; cependant


li Ton exan 'ne Torganifation
des planCvS, Taclion des raci-
nes &: des feuilles, on verra
que ce font là les organes ex-
térieurs dont ils fe fervent pour
pomper leur nourriture : les

racines fe détournent d'un obf-


tacle ou d'une veine de mau-
vais terrein, pour aller cher-
cher la bonne terre ces mê- :

mes racines fe divifent , fe mul-


tiplient, & vont jufqu'à chan-
ger de forme pour procurer de
la nourriture à la plante. Cela
conduit à croire qu'il n'y a au-
cune différence elTentielle &
générale entre les animaux &
I
58 DE LA REPRODUCTION

les végétaux. La nature def-


cend par dégrés d'un animal
qui nous paroît le plus parfait,
à celui qui l'efl: moins, & de
celui-ci au végétal. Le Polype
peut pafler pour un des der-
niers des animaux & la pre-
mière des plantes. •

Ces lignes de réparation qu'on


av©it imaginées , entre les ani-
maux & les végétaux , entre
ces derniers Se les corps bru-
tes, n'exiftent donc point dans
la nature 5 & tel être matériel
étant donné, on ne peut pas
dire , il eft du genre animal ou ,

végétal, ou minéral: aufîiril-


luftre Trembley^ qui découvrit
I 11 >l

DES INDIVIDUS, 99

le premier ces animaux , qui fe


multiplient par chacune de
leurs parties détachées : quand
Trembley ^ dis- je, obfervapour
la première fois le Polype de

combien n'em-
la lentille d'eau,

ploya- 1- il pas de temps pour


reconnoître fi c'étoit un ani-
mal, ou un végétal? Il n'étoit,
en effet, ni Fun ni Tautre;
mais il eft un terme intermé-
diaire entre l'animal Se le vé-
gétal. ,Si on obferve la na-
ture fans préjugés , on verra
qu'il y a une grande quantité
d'êtres organifés qui ne font ni
l'un ni l'autre. .Tous ces corps
par exemple, que l'on trouve
100 DE LA REPRODUCTION

dans les liqueurs féminales,


dans la chair infufée des ani-
maux , dans les graines & les
autres parties des plantes , font
de cette efpèce. On ne peut
pas dire que ce font des ani-
maux j on ne peut pas dire non
plus , que ce font des végétaux ;

& afTurément on dira encore


moins que ce font des miné-
raux ; mais on pourra dire que
ce font des êtres plus fimples
& moins organifés que les ani-

maux : ainfî en examinant de


près 4a nature, on eft parvenu
à découvrir des êtres intermé-
diaires , des corps organifés,
qui, fans avoir la puifTance de
DES INDIVIDUS. lOi

fe reproduire comme les ani-

maux & les végétaux, ont ce-


pendant une efpèce de vie &
de mouvement; des êtres enfin,
qui , fans être des animaux ou
des végétaux, font des parties
organiques qui entrent dans la
conftitution des uns & des au-
tres , &: qui ne font que le pre-
mier afTemblage des molécules
organiques.
• Les œufs de poule & des
autres oifeaux femelles , pour-
roient former une clafTe à part
dans ce genre d^efpèces d'êtres
qui n'appartiendroit ni à Ta-

nimal , ni au végétal ; un car
œuf détaché de la bourfe com-
I iij
102 DE LA REPRODUCTION

mune qui le contenoit , s^ap*


proprie la lymphe dont la ma-
trice de la poule cft chargée;
& en s'appropriant cette li-

queur, il forme le blanc, les


membranes , & enfin la co-
quille. Un œuf a donc une ef-

pèce de vie &: d'organifation ,

un accroifTement , un dévelop-
pement &
une forme qu^il
prend de lui-même, & parfes
propres forces v il ne vit pas
comme animal ; il ne végète
pas comme la plante il ne fe j

reproduit pas comme Tun &


l'autre : cependant il croît , il

agit à l'extérieur, & il s'orga-


nife ; fécondé ou non > par Tap-
DES INDIVIDUS^ i6j

proche du coq, il s'organife


toujours de la même façon,
tant pour fa forme intérieure^
qu'extérieure.
De même, les œufs que la
femelle du poifibn répand dans
Teau, ne font que des ébau-
ches d'êtres vivants : cependant
ces parties féparées du corps
de la mère , s'approprient la
fubftance qui leur eft néceffaî-

re : elles acquérent d'elles-mê-


mes des membranes & du
blanc, dans Peau où elles font
plongées ; 6c foit que les mâles
les fécondent, en répandant
defTus la liqueur de la Laite, foit
qu'elles demeurent infécondes
liv
104 DE LA REPRODUCTION

faute d'avoir été arrofées de


cette liqueur , elles ne parvien-
nent pas néanmoins une en- à
tière perfedlion. Mais pour fe
convaincre que ces animalcu*
les de femence ne font pas
la

de vrais animaux, il fufEroit


de les comparer , quant à leur
forme &: à leurs mouvements,
aux autres animaux. Un ani»
mal va quelquefois lentement,
quelquefois vite : il s'arrête ou
fe repofe > mais ces molécules
organiques au contraire, fui-

vent toujours leur première


diredl:ion dans le même temps :
elles fe meuvent progrellîve-
ment , fans jamais fe repofer i
fmmmÊmmmmÊÊÊÊmmmaÊÊtÊmÊ^ÊmÊmÊmÊÊimmmmmmmmmmÊmam

DES INDIVIDUS.
«a—ii^— '^•^—••^ ^p»^— —
105

& fi elles s'arrêtent une fois^


c'eft pour toujours. La vitefTe
avec laquelle ces molécules fe
meuvent, eft fi grande,, qu'il
n'y a point d'animaux fur la
terre qui ait de force
aflez
pour fe mouvoir ainfi pendant
une heure , fur - tout fi Ton
confîdére la réfiftance qui pro-
vient, tant de la denfité, que
de la ténacité de la liqueur
dans laquelle ces prétendus
animaux fe meuvent. Cette ef-

pèce de mouvement convient


au contraire à des parties or-
ganiques , qui , comme des ma-
chines artificielles, produifent
dans un même temps leur efFes
mÊmatÊÊÊÊÊÊÊÊÊÈ

io6 DE LA REPRODUCTION

d^une manière continue , &


qui s'arrêtent enfuite lorfque
cet effet eft produit.
Tout anifnal d'ailleurs doit
avoir une forme confiante , des
membres diftindls ; mais ces
corps mouvants changent de
forme à tout indantj ils n'ont
aucun membre diftincftif; leur
queue eft une partie étrangère
à leur individu. Dans les li-
queurs on voit des filaments
qui s'allongent & femblent vé-
géter. gonflent enfuite 8c
Ils fe

produifent de ces corps mou«


vants. Ces prétendus animal-
cules fe trouvent par tout dans
la chair des animaux » dans la
DES INDIVIDUS. 1C7;
> »

fubftance des végétaux, dans


les femences des animaux mâ-
les & femelles. N'eft-il donc
pas naturel de les regarder
comme des parties organiques
vivantes qui compofent Tanr-
mal & le végétal, comme des
parties qui , ayant du mouve-
ment & une efpèce de vie,
doivent produire par leur af-

femblage des êtres vivans , for-


mer enfin des animaux Se des
végétaux? .

Tous les êtres matériels qui


exiftent dans lane nature ,

forment donc qu'une longue


chaîne, dont le premier chaî-
non efl rhomme , fi on le coi>
108 DE LA REPRODUCTION

lîdére indépendamment de Fim-


matérialité de fon ame , le fé-

cond le fînge ; ainfi de fuite 5

jufqu'à Tortie de mer, ou le


Polype qui fera un des termes
extrêmes du chaînon des ani-
maux. Les œufs , les molécules
organiques feront , fi Ton veut
les derniers des animaux & les
premières des plantes , dont
une des plus organifée feroit
la fenfitive ; Se en defcendant
ainfi par degrés, on iroit du
végétal au minéral. Cette lon-
gue chaîne que fuppofe la Phi»
lofophie expérimentale , ne
fçauroit être interrompue , fans
apporter des obllacles invinci-
DES INDIVIDUS. 109

bles à Texplication de ces phé-


nomènes. Tous les individus
qui compofent ce petit globe
ne font probablement que des
modifications d'une feule &
même opération. „Ilfemble*'
que la nature , dit M, Dide- '*

rot ^ fe foitplùà varier le me- "


me méchanifme d'une infi- *'
*'
nité de manières différentes,
Elle n'abandonne un genre, *'

*'
qu'après en avoir multiplié
les individus fous toutes les *'

faces poffibles. Quand on *«

*'
confîdére le régne animal ,

& qu'on s'apperçoit que *'

parmi les quadrupèdes il n'y "


tn a pas un qui n'ait fesfonc- "
îio DE LA REPE.ODUCTION

>, tions & fes parties, fur- tout


9, intérieures, entièrement fem-
,9 blables à celles d'un autre
9, quadrupède ne croit-on pas
5

9> volontiers qu'il n'y a jamais


^, eu qu'un premier animal,
9, prototype de tous les ani-

9, maux , dont la nature n'a


9, fait qu'alonger , racourcir,
9, transformer, multiplier, ob-
'^
9, litérer certains organes ?

Que Ton compare les planches


anatomiques de THifloire na-
turelle 5 les fquelettes de tous
les quadrupèdes font à peu près
femblables. .On trouve dans
tout le régne animal, des par-
ties communes qui fe confer-
^—
DES INDIVIDUS. .
m
vent depuis Thomme jufqu'aux
plus petits infecles : l'envelop-
pe, dont tout animal efl revê-
tu, varie à la vérité les for-
mes extérieures. Le climat, la

nourriture & le temps , ont


apporté bien des changements
qui ont obligé les Naturaliftes
à établir des genres dans une
même efpèce, quoique dans la
nature il n'y a ni genres ni ef-
pèces , &: que tout y foit indi-
vidu. Il importe de bien établir
cette chaîne qui lie tous les
êtres, &: de n'eii point rompre
le fil ; car on en peut tirer

une nouvelle démonitration de


Texiftence de Dieu, plus frap-
ÏÎ2 DE LA REPRODUCTION

pante que toutes celles que les

Philofophes en ont donné juf-


qu'à préfent. •

Il femble que tous les hom-


mes devroient avoir une con-
viél:ion intime de Texiflence
de TEcre ruprême. C'eft de
toutes les vérités la plus im-
portante : gravée profondé-
ment dans nos cœurs dès no-
tre plus tendre jeuneffe, il n'y
a que rétude & la méditation
qui aient porté les hommes à
douter de leur Créateur: mais
fî quelques Philofophes fe font
égarés dans cette recherche &
ont méconnu les voies facrées
de la vérité, le flambeau lu-
DES INDIVIDUS. n

mineux de la Philofophie a
auffi forcé quelques efprits ré-
belles à reconnoîcre le Dieu
qJils méconnoifToient. .Sai>s
entrer dans Texamen de tou-
tes les preuves que Ton a don-
nées de fon exiftence ( ce qui
appartiendroit plutôt à un Trai-
té de Métaphifique, qu'à un
ouvrage de cette nature ) il
n'efl point inutile de remar-
quer que les uns, par trop de
zèle, les ont recherchées dans
les chofes les plus baffes & les
plus communes; d'autres plus
laifonnables reconnoiffent la
main du Créateur dans Torga-
nifation des infeéles , dans leur
K
i*««aaMlI*>s<«MMttfe)HMDMiiifeitiMMI«hMliM

114 DE LA REPR0DUCTI0I7

prétendue intelligence , dans la


manière de fe loger, de pour-
voir à leur fubfiftance. Sec.
De très -grands Philofophes
ont fenti toute la foiblelTè de
ce genre de preuve ; & éle-

vant leurs vues au-defTus de


ce globe , ils ont cru le recon-
noître dans l'uniformité des
loix de la nature , dans le cours
régulier & péiiodique de ces
aftres qui tournent autour d'un
centre commun. Mais outre le
délavantage de cette preuve,
qui ne frappe pas également
tous les efprits, parce qu'elle
eft au-defïus de leur fphère,
les Cartéfiens (Se(5le qui à la
DES INDIVIDUS, 115

vérité n^exifle plus aujour-


d'hui) croyoienc expliquer la
régularité de ces mouvements
par les feuls principes mécha-
niques. On fent par confé-
quent qu'il efl nécefTaire de rs*
chercher de nouvelles preuves
quiporrentlaperfuafiondansie
cœur des Athées les plus dé-
terminés ; &c cela eft d'autant
plus nécefTaire que dans le
,

fîécleoùnous vivons, T Athéis-


me a encore beaucoup de par-
tifans. Le Père Mcrjenm , en
comptoit de fon temps jufqu'à
cinquante mille dans Pans. Ce SO, c

nombre peut paroître fort exa-


géré, pour le temps où il vi-
Kij
ii6 DE LA REPRODUCTION

voie ; mais je le croirois bien


tel de nos jours , fi Ton confî-
dére que le Matérialifme a fait

de très-grands progrès, &que


de-Ià il n'eft qu'un pas à TA-
théïfme.
Ce n'eft qu'en examinant
Tordre & l'uniformité qui ré-
gne dans la nature, que nous
pouvons avoir des preuves de
Texilience de Dieu. Si le dé-
fordre régnoit dans TUnivers
Phyfique ; fî ces globes qui
roulent fur nos têtes, n'étoient
pas afTujettis à un cours réglé;
fî tous les êtres animés qui
compofent notre petite terre,
n'avoient entr'eux aucun rap-
DES INDIVIDUS, 117

port; fî toutes les productions

de la nature, étoient tellement


variées, qu'elles ne confervaf-
fent entr'elles aucune refTem-
blance; on pourroit croire que
cet Univers efl le produit du
hazard. Mais
nous obfer-
fi

vons de Tordre dans la nature;


fî les aftres font afTujettis à des

loix ; fi tous les phénomènes


font liés les uns avec les autres
nous devons être perfuadés de
Fexiftence d'un Etre fuprême,
quoique nous ne puiflîons par-
venir à dire ce qu'il eft. . C'efl
ainfi que les Philofophes &
les Géomètres reconnoiffent
dans rUnivers des loix conf-
3 1 8 DE LA REPROD UCTION

tantes, qui règlent le mouve-


ment des corps. Toutes ces
forces , à la vérité , ne leur
font connues que par les effets j

leur nature ell cachée, mais


ils ne font pas moins perfuadés
pour cela de leur exiftence. De
même , quoique nous ne puif-
fions pas dire ce que e^eft que
TEtre fuprême , nous jugeons
qu'il exifte , & nous en avons
une convi(?tion intime, en re-

cueillant &
en comparant les

faits & les obfervations.


Sans
prétendre infirmer aucune des
preuves que l'on donne de
Texiftence de Dieu, je crois

qu'on peut les réduire à deux


DES !.
INDIVIDUS.
» ^ ——iif
^M^^P^i—— ^l» I — Il I

^^

pour les Philofophes : la pre-


mière, à cette régularité conf-
tante Se uniforme à laquelle
font aiTujetrics les Planètes,

qui fe meuvent toutes dans le

même fens , prefque dans le


plan & dans des orbites à peu
près femblables. On fentira
toute la force de cette preuve,
fi Ton fait attention qu'elle fut
fufEfante pour perfuader le
grand Nezvton» . La féconde
plus frappante & plus généra-
le, eft celle que Ton donne ici.
Pour en fentir clairement
toute la folidité , il faut faire
attention, que puifque tous les
êtres ne compofent qu^une Ion*
Î20 DE LA REPRODUCTION

gue chaîne qui defcend par


dégrés de Tanimal le plus com-
pofé à celui qui Tefl moins, de
un autre qui Tefl en-
celui-ci à

core moins &


ainfi de fuite;

(car les individus qui fe fuivenc


dans cette chaîne, n'ont en-
trVux que quelques légères
différences } les parties efTen-
tielles à la vie fe confervent
d'un bout de la chaîne à l'au-
tre i Ôc , ce qu'il faut bien re-
marquer , que ces parties
c'eft

communes fontfemblablement
pofées dans cette fuite d'indi-
vidus. Dans les animaux qui
ont de la chair & du fang,
ces parties font le cœur , les
inteilins
DES INDIVIDUS. ii%

înteftins , les poumons, &c»


&: elles occupent relative-
ment la même place dans
chaque animal. Il y a encore
d'autres parties aulîî eflentiel-
les ; ce font les grofTes parties
du fquelette qui fe confervent,
quoique différemment modi-
fiées depuis rhomme , juf-
qu'aux plus petits infectes. Les
côtes, par exemple, fe trou-
vent dans tous les quadrupè-
des , dans les oifeaux , dans les
poifTons , & on en fuit les

vertiges jufques dans la tortue


où elles paroifTent encore def-
finées fous les filions qui font
fous fon écaille. L'homme ma-
L
1^2 DE LA REPRODUCTION

tériel a du rapport avec le


fingc, celui-ci avec un autre
animal , & ainfi Les
de fuite.

moyens de développement Se
de réprodu(ftion font généraux.
La dernière des plantes fe
nourrit & fe réproduit comme
le premier des animaux. La
fubftance eft commune ; la plan-
te eft un compofé de molécu-
les organiques comme l'ani-

mal : ne différent que par


ils

la difpofuion &
l'arrangement
de ces molécules , qui produit
différents degrés dans la vie
de ranimai de & la plante. Le
moule intérieur, c'eft- à-dire ,

la forme du corps, varie, tant


DES INDIVIDUS. ïij

à Tintérieur qu'à l'extérieur ;

mais cette variation n'eft point


fi confidérable, que l'ouvrier
n'ait laifTé appercevoirentr'eux
quelque reflemblance. Que l'on
compare un Rat à l'Homme,
on obfervera quelques rapports
entre leurs parties , tant inter-
nes qu'externes : l'un & l'au-
cre font compofés
de parties
folides, qui ont entr'elles beau-
coup d'analogie. Le fquelette
du rat, n'eft que celui de l'Hom-
me , qui a palTé par des varia-
tions Se des changemens fuc-
cefïîfs. L'un &c l'autre ont un
cœur 8c des poumons , des
veines, des artères, des nerfs.
L ij
tÊSÊÊÊmÊÊÊÊmÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊmmnrà-wt ^mmé—an
*24 DE LA REPRODUCTION

Toutes ces parties font fem-


blablement placées dans cha-
que animal. Si Ton compare
les parties extérieures, on y
découvrira d'autres rapports:
qu'on compare Thomme au
plus petit infedl:e,ces rapports
feront moins fenfibles ; parce
que ce dernier , dans la chaîne
des individus, eft trës-éloigné
de Thomme.
Les difFérences pofées entre
l'animal &c le végétal font fi

légères , que les plantes les

plus organifées font très près


des moindres animaux. Les,
plantes pour la plupart , ne
différent des animaux que par-
DES INDIVIDUS. i%%

ce qu'elles font deftituées de


fentiment & de mouvement;
mais ces difFérences ne font
pas fi complétées, que Ton ne
trouve des plantes qui aient
une apparence de fentiment,
comme la fenfitive j & même -

des animaux qui paroiflent ina-


nimés, comme les Zoophytes, *

Cette perfeé^ion des plantes


décroit par une infinité de dé-
grés inobfervables ; de manière
qu'on ne fçauroit afligner les
limites d'une eipèce qui diffère
toujours infiniment peu de cel-
le qui la fuit ou la précède.
Les bornes qui féparent le ré-

gne végétal , du régne minéral,


Liij
<3Ei6 DE LA REPRODUCTION

t:3ïe font pas plus marquées : il

y a des plantes d'une fi petite


organifation , qu'elles attei-
gnent prefque les principales^
efpèces des matières inanimées ,
comme les prennent
Sels qui
une forme régulière des &
angles conflans. Les minéraux
auffipour la plupart , ne diflfé-
rent des végétaux , que parce
qu'ils manquent de mouvement y

&c de vie.
« De-là on tire naturellement
& fans effort , une preuve de
l'exiftence de Dieu ^ car tous
nous environnent^
les êtres qui
forment une longue chaîne qui
filefcend par dégrès , de l'animal
DES INDIVIDUS. 117

le plus compofé , à celui qui


Feft moins. Cette chaîne, dis-
je', qui forme un tout régulier
& confiant, ne fçauroit être
le produitdu concours aveugle
des atomes , ou l'effet de quel-
ques forces motrices , ou , pour
le en général , elle ne
dire
fçauroit être VtSkt duhazard;
car la méchanique du hazard
^fl aveugle. Les métamorpho-
fes contmuelles qu'il produi-
•roit ( fuppofé qu'il fût Créateur
de r Univers ) fe montreroienc
fous mille formes différentes,
qui n'auroient entr'elles aucu-
ne analogie , ni rien de com-
mun. Mais dans cette chaii^ey
L i^
128 DE LA REPRODUCTION

tous les individus ont entr'eux


quelque reffemblance ils con- :

fervent d'un bout à l'autre,


d'une manière caraélériftique ,

des parties communes qui les


• lient les uns avec les autres.
» Elle ne fçauroit donc être que
* l'efFet d'une Intelligence fuprê-
me : intelligence qui a crée la
matière & le fond des molé-
cules organiques , dont elle a
formé un premier modèle. De
ce modèle, elle en a tiré les
deux premiers de chaque efpë-
ce d'animaux ; Se fe variant
d'une infinité de manières dif-
férentes , elle en a tiré fuccefr

fivement deux de toutes le^.


DES INDIVIDUS. 12.9

efpèces d'animaux que nous ob-


fervons dans la nature. L'hom-
me, qui ne fut que la dernière
modification de ce premier
defTein , fut choifi par fon
Créateur pour commander à
tous les animaux. II mit en lui
une ame immortelle , que tout
raifonneur qui neft point né
pervers, peut reconnoîrrequand
il rentre profondément en lui-
même ; quand , étouffant fe$
préjugés & {ts paflîons , il

écoute la voix de ion cœur Se


les reproches de fa confcience*
Quoique nous difons que
tous les animaux fortent d'un
premier modèle , la forme de ce
Î30 i?i? LA REPRODUCTION

modèle a été un peu différente


pourlesdeuxpremiers animaux
de chaque nouvelle efpëce ; &
ces différences infenfibles , ont
dû fe conferver conftamment
dans la fuite des liécles ; car
toutes les combinaifons ayant
été faites à Tinflant , il n'a point
dû former depuis de nou-
s'tn
velles, ou du moins très-peu:
C'eft pourquoi on ne doit point
être furpris , qu'en mêlant en-
femble desefpèces différentes^
il n'en réfulte que des individus

viciés & flériles. On voit par-


là que , quand on a l'efprit un
peu tourné à la Philofophie,
on peut concilier les idées qui
DES INDIVIDUS^ ip

paroifTent d'abord les plus har-


dies , avec le plus profond reC»
peft pour la Religion , que
tout homme qui penfe , doit
connoître, aimer & refpecler»
On doit fçavoir gré à M. de
Buffon , d'avoir bien établi
cette chaîne dans fon ouvrage 9
puifqu on en tire la preuve la
plus éclatante, de la plus im*
portante de toutes les vérités.

Quels regrets doivent avoir


ceux qui n'ont cherché dans
ion livre que Tathéifoie , &
qui ont cru Vy découvrir I ^

Quand on n'entend point ua


Auteur» &
qu'on eft jaloux
de fa réputation, il efl aifé de
x^i DE LA REPRODUCTION^

lui faire tenir un langage étran-


ger ; & ceux qui regardent
fon ouvrage comme contraire
à la révélation , fe trompent
également, s'ils prétendent ti.

rer quelques conféquences de


ce que Thomme eft le premier
chaînon des animaux , car il
n'efl ici queflion que de Thom-
jne matérieL
Reprenons le fyflême de M.
de Buffon. Les expériences pré-
cédentes prouvent que tous
,

les animaux &


les végétaux

contiennent dans toutes leurs


parties, une infinité de molé-
cules organiques vivantes , qui
prennent fucceflîvement des.
tmÊÊÊÊmÊHÊÊÊmÊÊÊÊÊÊÊÊÊÉÊmÊÊmÊimmÊÊiÊmÊÊÊmmÊmÊÊÊÊÊaÊià

DES INDIVIDUS. 135


lil I I !

formes différentes , & différens


dégrés d'adlivité & de mou-
vement , fuivant les circonftan-
ces. Les liqueurs féminales de
Tun & l'autre fexe , les ger-
mes des un
plantes renferment
plus grand nombre de ces mo-
lécules elles y lont accumu-
:

lées fous la forme de ces corps


mouvans. Cette matière nutri-
tive, quieflla nourriture com-
mune de ranimai & du végé-
tal , eft toujouts vivante , tou-
jours aftive , & tend conti-
nuellement à former des êtres
Organifés, ou à les dévelop-
per : mais lorfque cette matiè-
re aélive fe trouve raffemblée
mam
ÎJ4 DE LA REPRODUCTION

€n grande abondance dans des


«ndroits convenables, elle pro-
duit des vers & des petits corps
organifés de différentes efpè-
ccs, fuivant les lieux où elle fe

trouve. Le Ténia, les Afcarides^


les vers qu'on trouve dans les

veines, dans les fînus du cer-


veau, dans le foie, ne doivent
probablement leur exiftence
qu'^à Taflemblage fortuit de ces

molécules organiques. Ils ne


font point produits comme les
autres individus , par uhq gé-
nération fucceffive , mais par
cette matière orgaiiique, lorf-
qu'tlle n'eft pas pompée par
les vailïèaux qui fervent à la
DES INDIVIDUS, 135

nutrition du corps de ranimai.


^ C'eft encore ici un moyen
particulier de réprodudlion ;

l'animal n'efl plus produit par


fon femblable , mais par une
efpècc de génération fponta-
née ; car , de même que les

* Pour lire quelque chofe de fatisfaîfant


fur ce fujet un très-beau Mé-
,» il faut voir
moire de la colleôion académique , qui
précède l'Hifloire naturelle des Infeétes de
Swamerdam ; on y démontre par le fait
& parleraifonnement, non-feulement que
la génération fpontanée n'eft point impof^
fible , mais qu'elle a lieu tous les jours
dans la nature , &
que fi les réfultats de
la combinaiibn de ces molécules organi-
ques ne produllônî que des animaux de
la plus fimple ciganifation , c'eft que nous
interrompons continuellement Tadlion de
la nature par nos travaux, que d'ailleurs&
prefque toutes les molécules organiques
font employées au développement des ani-
maux, ôcc. , ^, , . . .
fS36 DE LA REPRODUCTION
" '
'
'

« M
particules matérielles des Sels,
des Cryllaux, des Minéraux,
forment par leurs réunions,
des corps qui onc une forme
déterminée, &
qui participent
a la nature de Lui s éîémens,
feroit il impoffible que des mo-
lécules vivantes puHent, par
df»s combinaifons fpoi;tanées
produire des corps vivans ?

Nous ne fommcs point éton-


nés, que la matière brute ait

la puifTance de fe réunir avec


ordre, pour former des maffes
qui aient une forme Se des an-
gles conftans 5 &c nous ferions
furpris que la matière vivante,
ait cette faculté ,
qui doit ce-
DES INDIVIDUS, \yf

pendant lui appartenir ; car


Tordre &
l'arrangement doi-
vent plutôt fe trouver dans le
vivant , que dans le mort A uf- !

fi voit-on des animalcules naî-


tre des matières diflbutes par
la corruption ; & leur multi-
plication efl toujours promp-
fi

te & fi abondante, qu'on ne


pourroit guéie foupçonner
qu'ils dufTent leur ongiiie au
développement des germes
préexiftans germes qui au-
:

roient dû contenir le deircin


de leur forme, &
Tordre de
leur développement. On doit
croire , &
Toblervanon nous
Vaiïure, que les molécules conf-

M
^38 DE LA REPRODUCTION

tituantes de Tanimal , dégagées


par Teffet de la pourriture &
de la corruption , fe récombi-
nent fur le champ , pour pro-
duire de nouvelles formes»
G'eft de cette manière que fe
produifent toutes les parties vi-

vantes qu'on découvre dans


les femences fécondes des ani-
maux : il y a même des clafTes
de plantes entières, qui n'ont
point d'autre origine.
La fermentation des liqueurs
peut auflî s'expliquer, par l'ac-

tion & le mouvement de ces


molécules : le venin même de
la vipère , les poifons les plus
fubtils , pourroient bien n'être
DES INDIVIDUS. 139

que cette matière acîtive, trop


exaltée i & ce qui femble le
prouver, c'efl: quelesinfufîons
de certaines drogues qu'on em-
ploie dans la Médecine, four-
millent de ces molécules vi*
vantes. Une trop longue dé-
compofition de la chair des
animaux , des germes des plan-
tes, diminue fenfiblement le
volume de ces prétendus ani-
malcules, en même-temps qu'el-
le en augmente le mouvement
progrefïif. Cette matière peut
alors devenir un poifon, com-
me celui de la dent de vipère,
où M. Méad a vu une infinité
de petits corps pointus , qu'il

Mij
:ï4o de la reproduction

a pris pour des Sels, & couine


font cependant que ces mêmes
parties organiques, dans leur
plus grande aélivité. Le pus
qui fort des plaies, fourmille
auflî de ces corps mouvans :

il pourroit même arriver que


ce pus, prît un tel degré de
corruption , qu'il deviendroit

un poifon très-dangéreux. Les


vers qui mettent quelquefois
en fi grand danger la vie des
enfans , n'ont point d'autre
origine que la réunion de ces
molécules organiques. Le lait,

dont les enfans fe nourriffent,


eftune matière très - dépurée ,

une efpèce de chyle qui con-


tient beaucoup de cette matière
D£S INDIVIDUS. 14J

nutritive & organique , 8c quî^.


lorfqu^elle n^efl pas bien digéf
rée par Teftomac, prend diffé-
rentes routes , Se vient former
dans des endroits convenable»
des êtres vivans. Ainfî, quoi-
que la matière nutritive, qui
fert à la réproduélion & à la
nutrition des animaux 6c des
végétaux foit la même , cepen-
dant la manière dont la nature
remploie , efl très-variée. ,

En réfumant ce que nous


venons de dire, on voit que
les moyens de réprodudïion &c
de nutrition, font à - peu - près
les mêmes pour tous les êtres ;

car, fi Ton en excepte quel*


r42 DE LA REPRODUCTION
Ml m il I I
I
I I I ••^mamm

ques efpëces qui fe réproduî-


fent d'une manière particulière,
comme Polypes qui fem-
les

blent n'être compofésquedepe-


tits Polypes , tous femblables
aux grands, & dont toutes les
parties féparées font autant d'a-
nimaux femblables ; fi Ton en
excepte encore la plupart des
Vers ; le Ténia, les Afcarides,
&c. & même tous les animaux
microfcopiques , qui ne font
produits que par TafTemblage
& la combinaifon de la matiè-

re vivante , dilToute par TcfFet


de la corruption & de la pour-
riture , on peut afTurer que
tous les animaux 6c toutes les
DES INDIVIDUS. î4|

plantes , fe reproduifent de la
même façon.
L'animal eft le produit dia
mélange de deux liqueurs fé-
minales ces deux liqueurs font
:

les extraits de Tun de l'autre &


individu Elles fe rencontrent
dans la matrice , pour former
un petit animal femblablc.
Dans les animaux ovipares 9
comme dans la poule, les œufs
font des matrices portatives
qu'elle jette au dehors. Le pe-
tit poulet eft dans cette matri-
ce : il eft également produit
par Taflemblage de tous les
extraits de la poule , pénétrés
par ceux du coq.
XH4; DE LA REPRODUCTION
" Parmi les Infeéles, le ver
qui produit la mouche, vient
d'un œuf dans lequel il étoic
contenu en petit. Cet œuf eft
le produit de la copulation de
- la mouche mâle de la mou- &
- che femelle. Parmi les plantes,
c'^efltoujoursles mêmes moyens
de réprodudiion : la plante eft

contenue en petit dans la grai-

ne ; cette petite plante eft le


produit de la réunion de tous
' les extraits de la grande ; &
Fenvcloppe de la graine , n'eft

que le fuperflu de ces extraits.

On peut dire que les graines


"
dans leur étui , font à la plan-

te, ce que les œufs attachés à


ieu
,
DES INDIVIDUS. 14^

leur pédicule commun, font à


la poule. En effet,
Ton com- fi

pare un noyau à un œuf, Tun


'

& l'autre ont une première


écorce , des membranes , &
une fubflance qui fert de nour-
riture au petit individu , aninval
ou plante, qu'elles renferment :

& de même que la cicatricule


d'un œuf fécond, efl le produit
de l'afFemblage de toutes les
parties de la femelle , pénétrées
par celles du mâle; la petite
plante contenue dans la grai-
ne , efl le produit de i'afîem-
blage de toutes les parties de
la grande plante comme
: &
dans la poule, plufieurs œufs
N
•«MiaaiMiMBaHMHHti
146 DE LA REPRODUCTION

font attachés à un pédicule


commun , de même dans la
plante, plufieurs graines font
renfermées dans un étui com-
mun. V
* Ces Vers de femence la
qu'ion regarde comme de pe-

tits animaux dans un état de

cryfalide , font l'extrait de tou-


tes les parties du corps de l'a-

nimal. On trouve ces préten-


dus Vers dans les femences
des animaux mâles & femel-
les , dans toutes les parties du
corps de Tun & de l'autre ; ou
plutôt, l'animal & le végétal

en font compofés: ou les trou-

ve dans les infufîons des grai-


DES INDIVIDUS. 147

nés de toutes les plantes, dans


les viandes rôties , Ôcc. Ces
Vers , qu'on nomme molécules
organiques , font la matière
commune de Tanimal & du
végétal. Cette matière fe mou-
le dans le corps de Tun & de
l'autre , & en forme le déve-
loppement. Quand Tanimal Se
la plante ont pris un certain

accroiffement, le fuperflu de
la nourriture renvoyé de
efl

toutes les parties du corps


dans un endroit commun où il

forme un petit individu fem-


blable au premier. »

Dans tout ce fyflême , la


méthode de comparaifon efl

N ij
mS de la reproduction

employée avec beaucoup d'art ;

les faits & robfervation fer-


vent de bafe aux principes ^
l'explication de tous les phé-
nomènes s'en déduit avec une
grande facilité r les conféquen-
ces qu'on en tire, font natu-
relles ; & je fuis perfuadé
que celui qui le lira fans pré.
vention, que. celui, dis - je ,
qui réfléchira fur le dévelop-
pement de l'animal & de la

plante; fur cette puiffance qu'a


la nature de produire des êtres
organifés ; fur cette femence
univerfelle répandue par-tout,
qui eft la compofition commu-
ne de" l'animal & du végétal;
DES INDIVIDUS. 149

fur les moyens de nutrition &


de réprodu6lion qui font les
mêmes; fur la fimplicité des
moyens , ne fçauroit douter
que cette théorie des êtres, ne
foit la vraie 8c celle de la na-
ture. »

Quoi de plus fimpleauffi, &


de plus digne de mériter notre
admiration , que de concevoir
que la nutrition, le dévelop-
pement & la reproduction,
s'opèrent par un feul moyen ;
que ranimai &
le végétal font

formés de parties communes,


vivantes? Cette idée n'entre-
t-elle pas dans les vues de la
fuprême Intelligence, qui, dans
Niij _
lyo DE LA REPRODUCTION

la variété des efFets de la na-

ture , emploie toujours la plus

grande économie le plus pe- &


tit nombre de principes? M.

de Buffon s'eft expliqué fi clai-

rement fur la diftindtion de


Tame & du corps , que je ne
crois pas qu'on puiffe trouver
dans fon livre la moindre tein-
te de Matérialifme. Si l'on avoit
à y chercher quelque chofe^
ceferoit plutôt le Spiritualirme;
car il dit , avec raifon, que
pour quiconque raifonne fans
préjugés , l'exiftence des corps

n'eft pas prouvée. En effet,

nous n'avons de preuve direc-


te, de femimem profond, de
DES INDIVIDUS. 151

confcience intime , que de no-


tre exiftence j
* nous ne con-
noiffbns pas immédiatement les
objets extérieurs 5 nous com-
muniquons avec eux au moyen
de nos fens , qui font le milieu
à travers duquel pafTent les
images des chofes : mais ce
milieu , interpofé entre notre
ame &: les objets , ne nous
rend prefque jamais la vérité

aulîî pure qu^elle efl. Nos fens

* Voyez ce fujet un très-beau dif^


fur
cours, qui trouve à la tête d'un des vo-
fe
lumes de la Colleftion Académique. Ce
difcours eft fi bien écrit &
fi fortemerxt

penfé , qu'on le croiroit de M. de Buffon :


je le crois au moins de quelqu'un de (à
famille , car le génie appartient comme en
propre à cette Maiforu >

Niv
sï5a DE LA REPRODUCTION

^(()pt des lémoins infidèles de


ce qui fe pafTe dans la nature ;

c'^efl: pourquoi nous neconnoî-


trons jamais la nature intime
& Teflence réelle de toute exif-
tence. •

Comment a-t-on pu accufer


d'irréligion, celui qui a pré-
tendu expliquer les adiions &
les mouvemens des animaux,
par des réfultats méchaniques ?
S'il a comparé l'homme aux
animaux , c'efl qu'il a effecti-
vement des rapports avec eux :

mais dans cette comparaifon


on ne confidére, fans doute,
que l'homme matériel , par
rapport à fon organifation ^
DES INDIVIDUS. 153

tant intérieure qu'extérieure,


& indépendamment de cette
lumière vive 8c immortelle qui
parle au dedans de lui , &c éle-
vé fon être fi fort au delTus de
tous les animaux.
Il n'efl pas étonnant , dit
M. que Thomme
de Buffon ,

quife connoîtfi peu lui-même,


qui confond fi fouvent fes fen-
fations & ks idées, qui dif-
tingue fi peu le produit de foa
ame, de celui de fon cerveau,
fe compare aux animaux, &
n'admette entr'eux & lui ,

qu une nuance dépendante d'un


peu plus ou d'un peu moins de
perfection dans les organes: .
154 DE LA REPRODUCTION
«
il n'eft pas étonnant qu'il les
fafle raifonner, s'entendre &
fe déterminer comme lui; Sc
qu'il leur attribue , non-feule-
ment les qualités qu'il a , maïs
encore celles qui lui manquent.
Mais que Thomme s'examine,
s'analyfe, s'approfondifTe , il

reconnoîtra bientôt la noblefle


de fon être; il fentira^ Texif-
tence de fon ame; il cefTera
de s'avilir, & verra d'un coup
d'œil, la diftance infinie que
l'Etre fuprême a mife entre
les bêtes & lui, <

On a prétendu que M. de
Buffon avoit puifé fon fyftême
chez les Anciens, parce qu'ils
DES INDIVIDUS, lyç

ont dit, avant lui, que les ani-


maux mâles & femelles avoient
leur liqueur , qui n'eft que l'ex-
trait de toutes les parties de
l'un &: de l'autre. De toutes
ces accufations, c'efl bien la
plus grave & la plus fenfible

pour rhomme de génie. On


va jufqu'à trouver de la ref-
femhlance entre fon moule &c
les formes plaftiques des An-
ciens. On ne s'apper çoit pas que
la première de ces idées eft une
vérité jettée au hazard dans
leursouvrages;aulieu que dans
le fyftême moderne, c'efl: une
vérité appuyée fur les faits &:
l'obfervaiion. C'efl comme fi
156 DE LA REPRODUCTION

Ton vouloit ôter à Newton la


gloire d'avoir découvert la gra-
vitation univerfelle , parce que
Ton en trouve première idée
la

dans quelques ouvrages impri-


més avant lui. D'ailleurs la mé-
thode que fuivoicnt les anciens,
nedevoitpasbeaucoup les éclai-

rer. Ils s'étoient attachés parti-


culièrement à la génération
des animaux , & avoient né-
gligé d'obferver les généra-
tions particulières que la na-
ture nous offre. Ils manquoienc
parconféquent defujets de com-
paraifon , d'où ils puiTent tirer
quelque idée générale fur la

réproduéïion, ^ En obfervanc
DES INDIVIDUS. 157

nous voyons que les Sels font


compofés de petits fels fem-
blables; TOrme un compofé
de petits ormes, le Poly- &
pe un compofé de petits po-
lypes tous femblables au pre-
mier. Ce fait nous paroit fin-

gulier , parce qu'il efl: nouveau.


En le généralifant , n'en pour-
roic-on pas conclure, que la
ftruélure de tout animal n'eft
qu'un compofé d'animaux fem-
blables? ^ Les veines feront
des tuyaux faits d'une infinité
de petits animaux, les artères
de même; les vifcères encore;
les nerfs , les tendons , les
* Objeâiion de l'Auteur des Lettres Amé-
^

ricaines.
imÊiitÊÊmméÊàÊtiÊiiÊÊmÊiÊtkmÊÊÊitmammÊÊÊÊ^imÊÊmÊÊÊÊÊÊmÊmmÊÊÊmmiit

158 DE LA REPRODUCTION

chairs , les membranes , les os


la peau: chacun de ces diffë-
rens organes réfultera de Taf-
femblage d'une infinité de pe-
tits animaux femblables, com-
me le Polype réfulte de Taf-

femblage d'une infinité de pe-


tits polypes femblables. Ne
pourroit-on pas encore compa-
rer la ftrudlure d'un animal à
celle d'une montre qui feroit
compofée d'une infinité de
montres infenfîbles, dont les
roues, la chaîne, les refibrs,

coq, le balancier
les pivots, le
&c. feroient chacun un aflem»
blage de petites montres in-
fenfibles &c femblables ? Cha-
DES INDIVIDUS, 159

que partie qui entre dans la


compofition d'un animal, fe-

roit un petit animal femblable


au grand. C'eft ainfi qu'en gé-
néralifant les conféquences au-
delà de robfervation & de l'a-

nalogie, on tombe dans l'er-

reur. Il n'eft pas vrai qu'on


puifle dire que les animaux ne
font compofés que d'autres pe-
tits animaux femblables. Cela
efl vrai à l'égard du Polype,
de rOrme & des Sels. C'eft
un moyen particulier de re-
production dont la nature fe
fert dans certains cas , mais
qui n'eft pas général. Les mo-
lécules vivantes qui font la
îoo DE LA REPRODUCTION

compofitîon de Tanimal, ne
font point de petits animaux
mais quelque chofe detiës-fim-
ple qui entre dans la compofi-
tion de Tanimal. La matière
qui fert de développement, eft

une lubftance commune à Ta-


nimal & au végétal : les corps
mouvans qui fe trouvent être
prefque les mêmes dans toutes
les liqueurs, en font les par-

' ties conftitutives 6c élémentai-


res. L'affemblage de ces molé-
cules organiques vivantes, for.
me dans le fein de la femelle,
un petit être organifé fembla-
ble au grand; mais on ne peut
pas dire que tous les animaux.
DES INDiriDUS^ i6i

comme le cheval , le chien &c.


ne font compofés que de petits
chevaux, de petits chiens, .

On fe prête difficilement à

cette idée, qu'un Arbre ne foie


qu'un compofé de petits ar-
bres; un Polype, un compofé
de petits polypes. Ce moyen
fort fimple dans Tordre de la
nature , paroit fort compofé
pour Tordre & la liaifon de
nos idées. Le fimple eft pour
rtous tout ce qui fe rapporte à
des définitions géométriques
ou à des principes métaphyfî-
ques. Un cercle, un triangle,
un cube , font fuivant notre
manière de juger, des chofes
O
i62 DE LA REPRODUCTION

fîmples : nous appelions corn-


pofé tout ce qui ne peut pas
sY réduire aifément, comme
une plante, un animal. Nous
ne faifons pas attention que
ces lignes , ces furfaces , ces fo-
lides, font des êtres abflraits
qui n'exiftent que dans notre
entendement; qu'ils n'ont été
imaginés, que pour fuppléer à
Timperfedlion de nos orga-
nes, & foutenir notre juge-
ment; que les figures fimples
d'un cercle & d'un triangle
cxafls, font plus rares à trou-
ver dans la nature , que les
formes compofées d'une plan-
te ou d'un animal ; qu'il efl:
DES INDIVIDUS. idj

probable que ce que nous ap-


pelions le fimple, eft le com-
pofé de la nature ; & au con-
traire. En animaux
effet, les
qui, félon notre manière de
juger, nous paroifTent ce qu'il
y a de plus compofé, pour-
roient bien être ce qu'il y a
de plus fîmple , puifque le
nombre de leurs efpèces, ex-
cède de beaucoup celui des ef-

pèces de plantes & de miné-


raux. On
ne fçauroit donc ap-
pliquer avec juflefTe , les idées
que nous avons du fimple &
du compofé , aux ouvrages de
la Nature. Vouloir réduire les
êtres à des élémens de figures
Oij
i64 DE LA REPRODUCTION
régulières, prifmatiques, glo-
buleufes, c'eft mettre les ob-
jets métaphyfîques à la place

des objets phyfiques &c réels.


Nous ne pouvons nous ap-
puyer dans cette recherche ^
que de Tobfervation. Il faut
recueillir les faits , pour fe don-
ner des idées; &
comme on
s'afTure par la cryftallifation
qu'un Cube de fel marin , n'eft

qu'un afTemblage de petits cu-

bes , on s'afTure même, par


de
la divifion , qu'un Orme n'eft
qu'un compofé de petits or-
mes, & que le Polype n'eft
qu'un afTembage de petits po-

lypes femblables. De même


DES INDIVIDUS. \6%

que Géomètres confidérenc


les

des étendues fans profondeur


& fans largeur, ne peut -on
pas confidérer le corps de Ta-
nimal ou de la plante comme
une efpèce de moule ? N'eft-on
pas de même obligé de le con
fidérer de cette manière , fi l'on
veut avoir une idée nette du
développement de Tun & de
Tautre? Les molécules organi-
ques que l'animal reçoit par
la nourriture , & que la plan-
te tire par fes racines ou par
its feuilles , font la matière du
développement : mais qui peut
contraindre cette matière à s'ar-
ranger de manière que l'ani-
j66 de la reproduction

mal ou la plante fe dévelop-


pent dans un certain ordre,
que toutes leurs parties aug-
mentent de volume de maf- &
fe en même -temps, qu'il &
n'arrive pas plus de fubftance
à Tune des parties, qu'à l'au-
tre?
Ce n'eft pas une fîmple ap-
plication des molécules orga-
niques qui puifle former le dé-
veloppement, il faut que ces
molécules pénètrent dans tous
les fens , dans toutes les dimen-
lions ; car fi une partie en re-
cevoit plus que l'autre , la for-
me du corps feroit altérée. La
plante ou l'animal , comme oa
DES INDIVIDUS. 167

fçait, fe développe fans qu'il


arrive aucun changement à For»
dre & à la proportion de Fen-
femble : comment donc con-
cevoir que cela arrive, fi ce
n''eft en confidérant le corps
de ranimai ou de la plante»
comme une forte de moule qui
contraint les molécules orga-
niques de s'arranger dans un
ordre convenable ? Mais ce
moule efl-il un être abfolu^
exiflant dans le corps de Tani-
mal ou de la plante , &: abfo-
lument diftindl du corps de
l'un ou de l'autre ? Peut-on le
confîdérer comme les Arifto-

teliciens qui croyoient que k


i6S DE LA REPRODUCTION

forme de la matière, exiftoit


féparée d'elle ? Non : ce mou-
du corps
le n'eft point différent
de l'animal l'homme eft le
:

moule la fubftance du moule


;

eft toute la fubftance de l'ani»

mal; il naît avec lui, fe déve-


loppe avec lui, & périt avec
lui. Ce n'eft ici qu'une manière
de confidérer le développe-
ment & la reproduction : mais
encore ce moule que nous con-
fidérons refTemble-t-il à ceux
de l'art? Non , puifque ceux-ci
ne rendent que des furfaccs , &
que le premier rend les for-
mes intérieures & extérieures,
& qu'il fert à former le tiflu

de
lui 1 I iiJBMttJÉiihMBiMÉiëaMÉÉlMÉtiiÉiMiiilÉMMaÉ

DES INDIVIDUS. 163»

de la peau, les veines, les ar-


tères, les nerfs, les tendons,
les mufcles, &c. -

Non-feulement le corps en-


tier de ranimai ou de la plan-
te doit être confîdéré comme
un moule total, mais chaque
partie prife féparément efl une
efpece de moule ; car toute la
matière acceflbire eft travaillée

& difpofée dans chacune des


comme dans le tout.
parties,
On nomme ce moule, intérieur,
parce qu'il agit fur - tout inté-
rieurement. Il efl: du nombre
de ces propriétés générales de
la matière , dont les effets font
connus , & les caufes cachées.
V
170 DE LA REPRODUCTION

Il n'eft pas plus poffible d'a-


voir des idées complettes de ce
moule , que de la force qui
oblige les corps à defcendre
vers le centre de la terre. On
fçait par Texpérience , que cette
force exifte; qu'elle agît pro-
portionnellement aux mafïès;
qu'elle pénétre les corps dans
leurs parties les plus intimes :

mais on ne fçait pas qu'elle eft

cette force. Nous fçavons de


même que la matière vivante
qui fert dedévoppement, n'efi:

pas une fimple application de


fbrfaces, qu'il faut quelle pé-
nétre toutes les parties du corps
dans toutes les dimenfionsi
DES INDIVIDUS^ 17%

qu'il faut que cette pénétration


fe fafle dans un certain ordre,
pour que toutes les parties fe
développent en même-temps.
Nous appelions moule inté-
rieur, ce qui contraint la ma-
tière à s'arranger de cette ma-
nière, & il feroit abfurde de
vouloir décider de la nature
de ce moule , d'autant plus que
nos yeux ne font pas confor-
més de façon à voir l'intérieur
des corps. Nous n'appercevons
tout au plus , que les furfaces
des objets , ou plutôt les ima-
ges qu'ils nous réfléchiflTent.

N'efl-il pas ridicule, après ce

que nous venons de dire, de


Pij
,iimmÊÊÊÊÊ^tiÊàtsmimm»mumm
!i7* DE LA REPRODUCTION

comparer ce moule à un bas


tricoté , ^ dont le fil eft creux
& où on inje(5le une matière
qui s'y eft congelée. On con-
çoit que fi elle pénétre de-
puis le bout du fil où on a
commencé le bas, jufqu'à Tex-
trêmité par où on Ta fini , cette
matière donnera un bas dans
le moule, femblable en tout
au premier : il s'y trouvera au-
tant de mailles, & dans un
pareil arrangement. Comment
tirer la matière ^ du moule ?
Mais fuppofons que cela pût
fe faire , le bas qu'on tireroit

* Objeftion de l'Auteur des Lettres Amé-


lîcaines, •
DES INDIVIDUS, 173

du moule, feroit un bas dont


les fils feroit folides, & qui
parconféquent nepourroitplus
fervir de nouveau moule. Il
faudroit donc, à chaque géné-
ration , que la nature en fit de
nouveaux. ^^

lime feroit aifé de prouver,


que M\ de Buffon a donné l'idée
du moule intérieur dans le mê-
me fens que je viens d'expofer j

car il dit que le corps de Tanimal


eft une ej^ece de moule intérieur
,
dans lequel la matière qui fert à *

l'accroiffement, fe modèle Se '

s'aflîmile au total Non-feule-


ment le corps de l'animal, mais
même chacune des parties qui
Piij
—— m
^74 DE LA REPRODUCTION:

doivent fe développer, doivent


être confidérés comme autant
de moules intérieurs, qui ne re-
çoivent la matière accefToire ^

que dans Tordre qui réfulte de


la pofition de toutes les par-
ties : & de même que la force
de la pefanteur pénétre Tinté-
rieur de toute la matière , de
même la force qui pouffe ou
qui attire les parties organi-
ques de la nourriture, pénétre
aufîî dans Tintérieur des corps
organifés. Scies y fait entrer par
fon acftion : &: comme ces corps
ont une certaine/orw^ que nous,
avons appellée le moule inté-

rieur, les parties organiques


DES INDIVIDUS. 175

de la nourriture ne peuveni: y
entrer que dans un certain or-
dre relatif à cette forme; ce
qui ne peut changer , mais
les

feulement en augmenter toutes


les dimenfions tanc extérieures
qu'intérieures. On voit par ces
paroles de M. que
de Buffon^
ce moule n'eft pas difiérent de
la fubflance de Fanimal ou du
végétal, qu'il n'exifte point ié-

paré de la matière, mais ^u'il


eft la forme & la manière dont
les parties organiques vivantes
s'arrangent pour prendre une
forme confiante & uniforme. ,

„ M de Buffon fait profef- "


liondecroire leslivres Saints, 'î

Piv
^76 DE LA REPRODUCTION

9, dit TAuteur des Lettres ; il


5, eft donc perfuadé que tous
9, les hommes font nés d'un
9, feul homme & d'une feule
9, femme. Rapprochons de cet
9, article fa doftrine. Le corps
9, d'Adam, celui d'Eve, étoient

9, formés de petits corps hu-


„ mains infenfibles : mais quel-
9, que prodigieux que fut le

9, nombre de ces petits corps

9, humains que l'Auteur vou-


9, lut prendre pour compofer

9, le corps d'Adam, en peut il

9, réfulter affez pour fournir

9, aux corps de tant de millions


^9 d'hommes qui font fortis de
^ lui , ôc qui , étant à peu prèa
-
DES INDIVIDUS. \ff^

grandeur &: de fa grof- *^


de fa
feur , ont dû chacun être com- **

pofés d'autant de petits corps *^

humains, qu'il en contenoic ^*

lui-même? '^
Voilà, en effet, une objeD»
tion fort plaifante. Adam &
Eve étoient des compofés de
petits individus femblabies , &
ils contenoient originairement
toutes les parties qui ont dû
entrer dans la compofition du
corps des autres hommes qui
leur ont fuccédé il eft mutile
de nous arrêter à réfuter la pre-
mière partie de cette objec-
tion j nous Tavons fuffifam-
snent fait par ce que nous avortô.
^1DE LA REPRODUCTION
178
II. , 1

dit précédemment la féconde :

étant immédiatement liée à la


première, fe détruit d'elle-mê-

me. Mais fuppofons que cela


foit: croit-on, parce- <jue le
Polype , rOrrne , le Sel marin ,
font compofés de parties fem-
blables, que ces corps renfer-
moient au moment de leur
création toutes les parties qui
ont dû former dans la fuccef-
fion des temps , tous les Poly-
pes , tous les Ormes , &c ? C'eft
ici rentrer dans l'opinion de
de la matière juf-
la divifibilité
qu'à Tinfini: opinion contre la-
quelle M. de Buffon s'élève
avec beaucoup de raifon. Et
DES INDIVIDUS. ijf

d'ailleurs ne dit-il pas exprefTe-


ment, quMl exifle dans la nature
une matière organique qui a
fervi & fert encore k la corn-

pofirion des corps animés. Le


Créateur en formant Adam Se
Eve , a compofé leurs corps de
cette organique ; &c
matière
Textenfion aéluelle de tous les
corps animés, ne fe fait que
par Tailîmilation ou la péné-
tration la plus intime de cette
fubftance, dans toutes les par-
ties du corps. Quand on fait
dire à un Auteur ce qu'il n'a
point penfé, il e(l ailé de le
trouver en contradidlion avec
les Livres facrés, *
iSo DE LA REPRODUCTION

On a traduit en différentes lan-


gues THiftoire naturelle ; on &
trouve à la tête du fécond volu-
me d'une traduélion Alleman*
de, une Préface deM^Haller^
où|il critique ce Naturalifte, Ce
n'ert point par des injures qu'il
prétend le combattre, mais avec
des raifons & des faits; feules
armes qu'il eft permis d'em-
ployer, quand on veut fe ren-
fermer dans les bornes d'un
critique févere &c honnête. Je
vais rapporter fes objections,
& j'efpère que M. Haller ne
trouvera pas mauvais que j'y
joigne mes réflexions.
L'enfant étant formé des
DES INDIVIDUS, i8î

parties femblables du père &


de la mère, doit être, tant par
la ftructure intérieure, qu'ex-

térieure,un modèle de fes pa-


rents. Cependant, outre le
grand nombre d'enfans qui
n'ont eu ni traits ni refTem-
blance avec leurs pères , il n'y
a point d'homme qui par la
ftruéture intérieure de fon
corps relTemble à un autre. Il

n'y a jamais eu deux hommes


dont tous les nerfs, toutes les

artères , toutes les veines , &


même tous les mufcles & les

os , n'aient été infiniment dif-


férents de cinquante defcrip-
:

tions des artères du bras , de


s82 DE LA REPRODUCTION

la tête ou du cœur, on les


trouve entièrement difFéren»
tes. Cette variété eft fur tout
fi grande & fi infinie dans les
nerfs & dans les veines, qu'il
efl: prefqu'impoiTible d'en faire
unedefcription. On trouve une
différence confiante dans la

grandeur des branches, dans


leurs angles, dans leurs fitua-
tions, dans leurs divifions,
dans les places des valvules ,

dans les extrémités des petits


rameaux : les grandes branches
varient fou vent, les médiocres
toujours, & dans les petites,

cette variété s'étend conftam-


ment fur les deux côtés égaux
mm
DES INDIVIDUS. 183

du même corps L'enfant n'^eft


donc pas Timage de fon père. *

S'il rétoit, pourroit-il avoir


des parties dont fon père eft

privée II eil confiant chez les


Anatomifles que mille
,
& mille
millions de vaiffeaux fe trou-
vent encore dans le fœtus , qui
ne font plus dans les perfon-
nes adultes & nubiles. Voilà
une des principales objections
qu'on ait faites au fyftême de
M, de Buffon: je Tai expofée
dans tout fon jour, & me fuis
même fervi des propres expref»
fion de M, Haller, afin que
Ton ne fe perfuadàt point que
j'aie cherché à TafFoiblir. ^
II
JMiaÉ—ai
'

S84 DE LA REPRODUCTION

Pourquoi erre furpris que


Fenfanc ne fôit pas un modèle
exafb de fes parents? On de-
vroit rêtre davantage s'il lui

refTembloit exactement. Ju-


geons-en parce que nousfom-
mes en état de faire. Le Sculp-
teur le plus habile ne fçauroit
former deux figures qui fe
reffemblairent parfaitement.
Qu'un Philofophe auflî clair-
voyant que M. Haller^ les exa-
mine, il trouvera de la diffé-

rence dans les traits, dans la


pofiiion des parties, dans les
emboîtements, dans lî gran-

deur des angles. De cent figu-


res jettées dans un même mou-
DES INDIVIDUS. i^j

le & comparées enfemble, on


n^en trouvera point deux où
Ton ne rencontre des différen-
ces encore confidérables. Dans
Tune il y aura du plus; dans
l'autre du moins: ici une mon-
ticule, là un enfoncement. II
n'eft cependant ici queftion que
de repréfenter des furfaces:
par conféquent rien ne doit
moins nous étonner que ces
changements que Ton trouve
de la conflrucftion de Tenfant -

à celle de fon père. L'art infî-

ni avec lequel notre corps eft


compofé, ne nous en exempte
point; &
plus 4a machine eft
compliquée , plus il femble que
Q
286 DE LA REPRODUCTION

ces variations doivent être con*


fîdérables. De tant de mille
millions de vaifTeaux qui en-
trent dans la ftrucflure de Thom-
me, eft-il étonnant en qu'il
manque quelques uns , &; que
quelques branches , quelques
bouts d'artères foient un
peu changés de pofition ? Les
grofles parties doivent nuire
quelquefois aux petites, les

déranger dans leur aétion &


ks intercepter. Dans le pre-
mier inftant de la formation ,.
cette foule de molécules orga*
niques cherche à fe rallier.

Uacfkivité des plus grofles mo-


lécules doit nuire à celle des
DES INDIVIDUS. 1S7

plus petites; & celles-ci n'é-


tant employées qu'à la conf-
truftion des parties les moins
eflenrielles, la réfiftance qu'el-
les éprouvent de la part des
plus fortes , empêche qu'elles
ne rencontrent leurs molécu-
les femblables. Le fœtus ref-
femble dans la totalité à fes
parens, il en a toutes les parties
caradlériftiques & principales;
cela luffit. Mais le fœtus, dira
M. Huiler , a quantité de par-
ties dont fes parents font pri*
vés. lia deux artères omblica-
les,une veine du même nom
un ouraque, untimus, un trou •

ovale ôcc. Ces parties n'exif^


i88 DE LA REPRODUCTION

tant point dans les parents,


comment peuvent-elles fe trou-

ver dans le fœtus? A cela je


réponds, que l'enfant dans le
fein de fa mère, étant obligé
à des foncftions diftérentes de
celles qu'il doit faire un jour ^
laNature a pourvu à fes befoins
dans cet état, en lui procurant
des organes qui lui font nécef-
faires ; & ces organes font for-
més du fuperflu des molécules
organiques, comme il eft cer*
tain que les membranes qui
enveloppent Tenfant, le font-

La Nature eft une ouvrière in-


telligente qui proportionne fes
«ffets à nos befoins. Qu'on ne
DES INDlVIDUS^ 1S9

m'objecte pas que ces molécu-


les fuperflues ne doivent pas
toujours former les mêmes par*
des, je dis que cela doit être
car les mêmes caufes produis
fent toujours les mêmes effets:;

or, la ftru(îture de lenfant étant


la même, doit contraindre ce
fuperflu de molécules à s'ar-
ranger toujours de la même
jnanière.
Mais, continuera Af. Hallery
confîdérons un Hottentot qui
n'a plus qu'un tefticule, un
Suifle auquel, pour les defcen-
tes , fi communes chez ce Peu-
ple laborieux, l'on a coupé dans
la jeunefle l'un des tefÛculesi
ï^o DE LA REPRODUCTION

un homme qui a une


perdu;
main, une jambe, un œil, ne
laifTe pas dVngendrer des en-

fans accomplis. Tous les jours


des pères boiteux, difformes,
engendrent des enfants bien
faits. Ne peut-on pas répondre

à ces objeélions, qu'il eft très-


commun de voir un père ou
une mère difforme, engendrer
des enfans qui le font? Ce qui
prouve déjà beaucoup en fa-
veur de M, de Buffon. On ré-
pondra peut-être, qu'ils ne le

font que par accidents ; car fi

Ton vouloir remonter à la gé-


nération des hommes, on ver-
roit que le premier bofTu ou boi*
DES INDIVIDUS, 19»

teux , ne l'a été , que par quel-


ques dérangemens , foit lort
qu'il vivoic dans le fein de fa
mère, ou lorfqu'il étoit parmi
fes femblables ; du refte il eft

fort aifé d'expliquer comment


un père ou une mère difforme
engendrent des enfansbiencon-
formés. Du mélange des dou-
bles molécules organiques qui
fe rencontre dans le fein de la
femelle, dont les unes font
des molécules moulées fur un
corps difforme, & les autres fur
le corps fain , il me femble que
la conflrudlion de l'enfant,
étant arbitraire, il ne peut que
naître ou droit ou difforme:.
19^ DE LA REPRODUCTION

Si les molécules qui ont été


moulées fur le corps défec*
tutuxy font plus fortes que les
autres , elles en déterminent la
pofîtion, en fe les alTimilant,
& l'enfant naîtra ou boiteux
ou bofTu , comme fon père ou
fa mère. Si au contraire les

molécules vivantes qui vien-


nent du moule défe<5^ueux,
font plus foibles que les au-
tres, ces dernières donneront
la conilruélion de l'enfant qui
n'aura aucune défedluofité.
Quant aux parties qui man-
quent deux , comme
à l'un des
un bras, une jambe, un œil,
on conçoit aifément qu'elles

peuvent
DES INDIVIDUS. 193

peuvent être fournies par Tau-


tre. Mais le tefticule , dira A/.
Haller , n'eft point au pouvoir
de la mère; d'accord , mais les
molécules organiques qui pro-
viennent de Tautre teflicule &
qui nagent dans la femence,
ayant formé un des tefticules
de Tenfant, les parties luper-
flues trouvant un endroit pro-
pre à venir fe placer, doivent
compléter ces parties; & ceci
efl d'autant mieux fondé, que
Tenfant ne renaît pas toujours
avec fes deux tefticules, parce
que alors il n'y a eu dans le
mélange des femences , que ce
qu'il falloir précifément pour

R
194 DE LA REPRODUCTION

tn former un. Quelquefois


auffi la matière de ces parties
eft abondante, que Tenfant
fi

• naît avec trois. Mais , dira en-


core M. Hallefj on voit tous
les jours des chiennes bien en-
fermées avec un feul mâle, &c
qui font aulïî bien que lui pri-
vées d'oreilles, faire des petits
* avec des oreilles complètes.
Pour que cette objecffcion fût

folide, il faudroit s'afTurer par


beaucoup d'expériences, fi les
efpèces à qui Ton coupcroit
quelques parties à chaque gé-
nération , reproduiroient des
petits avec la même partie re-
tranchée. Or , je croib qu'il y a
DES INDIVIDUS. 19c

dans la nature des phénomè-


nes qui détruifent cette objec-
tion La feule famille de Ber-
lin qui fe perpétue dans les
deux fexes, avec fix doigts,
femble prouver» que puifque
les parties fuperflues fe confer-
vent, les parties retranchées fe
perdroient infailliblement •

Mais, dira enfin M, HaU


1er, je fuppofe que les molé-
cules moulées fur toutes les
parties du corps de Tun & de
l'autre parents , foient rafTem-
blées dans la fem^nce, M. rie

Buffon n'a point fait connoî-


tre la caufe qui les met en or-
dre s qui joint les particules de
R ij
156 DE LA REPRODUCTION

l'œil du père avec les particu-


' les de l'œil de la mère, les
* droites, avec les droites, &c
• celles du côté gauche, avec
celles du côté gauche ; qui pla-
ce les particules
1.
de Toreille en
leur lieu &c dans leur diftance
convenable ; qui mefure , avec
cxacftitude, la fituation &c la
proportion de toutes les par-

ties ; qui ajufte mille &c mille


moitiés féparées d'artères. Je
ne fçaurois m'imaginer, con-
tinue-t-il ,
quM puilTe y avoir
entre les particules organifées
de la liqueur féminale, une
différence , une forme qui les

^ diftingue les unes des autres,


DES INDIVIDUS. 197

& qui fépare les éléments du


pied, des éléments de Toeil:
& quand même je fuppoferois
que des veines & des nerfs mi-
crofcopiques nageafTent dans
la liqueur féminale, je ne trou-
verois cependant point de for-
ce dans la nature ,
qui pût join-
dre, félon un plan tracé de
toute éternité, les parties fépa-
rées du corps , ces mille &: mil-
le millions de veines , de nerfs
de fibrts & d'os. M. de Buffon
2l befoin ici, d'une force qui
ait des yeux, qui faffc unchoix^

qui fe propole un but, qui


contre les loix d'une combi-
nailon aveugle, amené toutes-
R iij
^98 DE LA REPRODUCTION

fois &
immanquablement le
même coup. Car la plupart des
animaux conçoivent dans le
premier accouplement , & font
• toujours des animaux régu-
liers; en comparaifon desquels
• le nombre des monflres ell fî

rare, qu'il s'évanouit quand on



l'examine fuivant les régies du
calcul. Je croyois que M. ds
Buffon avoit fuffifamment ex-
pliqué la conftruélion de l'en-
fant, cependant, comme iW.
Haller y trouve de la difficul-
té, je vais tâcher d'y répon-
dre : je ne ferai que rappro-
cher les idées de M de Buffon.
Toutes les molécules orga-
DES INDIVIDUS. 19J

niques qui nagent dans la fe»


mence y font à la vérité pêle-
mêle; des parties du nez fe
trouvent avec celles du pied,
& celles-ci avec d'autres. Tout
eft dans une forte de confu-
fîon.Cependant il faut faire at-
tention , que ces molécules or-
ganiques font vivantes; qu'elles
ont été moulées fur le corps
de l'animal dont elles confer-
vent l'empreinte: ces parties
nagent lans ceiie dans la fe-

mence, jufqu'au moment oii


elles trouvent un point d'ap-

pui , à l'entour duquel elles

viennent fe ranger. Ce point


d'appui eft probablement les

R ir
ioo DE LA REPRODUCTION

parties fexuelles de Tun ou de


l'autre animal; car tant que
ces molécules organiques font
feules de leur elpèce, comme
elles le font dans la liqueur
féminale de chaque individu,
^ leur aéïion ne produit aucun
" effet, puifqu'^elle eft fans réac-
tion. Ces molécules font en
mouvement continuel les unes
à l'égard des autres, & il n'y
a rien qui puifle fixer leur ac-
rivité, puifqu'elles font toutes
également animées , également
actives: ainll il ne ptut fe fai*

re aucune réunion de ces mo-


* lécules qui font femblales à Ta-
nimaU ni dans Tune ni dans
DES INDIVIDUS. 201

l'autre des liqueurs féminales


des deux fexes; parce qu'il

n'y a ni dans Tune, ni dans


l'autre aucune partie diffem-
blable, aucune partie qui puiC*
fe fervir d'appui ou de bafe à
l'acbion de ces molécules en
mouvement. Mais lorlque ces
liqueurs font mêlées, alors iî

y a des parties dilTemblables,


& ces parties font les molécu-
les qui proviennent des parties
fexueiles. Ce font cellcS-Ia qui
fervent de bafe & de pomt
d'appui aux autres molécules
& qui en fixent Taftivité; ces
parties étant les feules qui foient
tèiiFérences des autres j^ il n'y a
ao2 DE LA REPRODUCTION

qu'elles feules qui puiffent avoir


un effet différent , réagir con-
tre les autres &c arrêter leur
mouvement. •

La formation de Penfant fe
fait par la réunion des molécu-
les organiques contenues dans
le mélange qui vient de fe fai-

re des liqueurs féminales des


deux individus. Cette réunion
produit létablifTement local
des parties, parce qu'elle fe
fait félon les loix d'affinité , qui
font entre ces différentes par-
ties, & qui déterminent les

molécules à fe placer comme


elles rétoient dans les indivi-

dus qui les ont fournies: ea


DES INDIVIDUS. loj

Ibrte que les molécules qui pro-


viennent de la tête & qui doi-
vent la former, ne peuvent^
en vertu de ces loix , fe placer
ailleurs, qu^auprès de celïes
qui doivent former le col ; &
qu'elles nuiront pas fe placer
auprès de celles qui doivent
former les jambes. Toutes ces
molécules doivent être en mou-
vement lorfqu'elles fe réunit-
fent & dans un mouvement
qui doit les faire tendre à une
efpëce de centre, auiour du-
quel fe fait la réunion. On peut
croire que ce centre ou point
d^appui qui eft néceflTaire à la

réunion des molécules , & qm


204 DE LA REPRODUCTION

par fa réadlion &: fon inertie,


en fixe Taftivité Se en détruit
le nmouvement, eft une partie
différente de toutes les autres
& c'eft probablement le pre-
mier afTemblage des molécules
qui proviennent des parties
fexuelles ,qui, dans ce mélan-
ge font les léules qui ne foient
pas abfolument communes aux
deux individus. »

On peut donc concevoir que


dans ce mélange des deux li-
queurs, les molécules organi*
ques qui proviennent des par-
ties fexuelles du mâle, fe fi-
xent d'elles-même les premiè-
res, 6c fans pouvoir fe mêler
DES INDIVIDUS. 205

avec les molécules qui pro-


viennent des parties fexuelles
de la femelle; parce qu'en ef-
fet elles en font différentes, &
que ces parties fc reATt-mblenc
beaucoup mcins, quefœil, le
bras ou toute autre partie d'un
homme, ne reffemble a l'œil
au bras ou à toute autre par-
tie d'une femme. Au tour de
cette efpèce de point d'appui
ou de centre de réunion, les

autres molécules organiques


s'arrangent fucceffîvement &c
dans le même ordre où elles

étoieiit dans le corps de l'indi-

vidu.
On fçait auffi parce que nous
âo6 DE LA REPRODUCTION

avons dit précédemment, que


pour concevoir le développe*
ment de tout animal , il falloir
confidérer fon corps comme
une efpèce de moule intérieur,
où toutes les parties organi-
ques de la nourriture viennent
prendre forme. De quelque
manière que Ton conçoive ce
développement, il me femble
que la conftrucftion du petit

animal eft plus aifée à conce-


voir; car alors les parties fu-

pevflues de la nourriture ont


été m.^ulées fur le corps du
grand animal , Se elles ont donc
une forine conRante. Il n'y a
par conféqucnt que les paruwS
DES INDIVIDUS^ 207

qui ont été formées fur un


même moule, fur le nez, par
exemple, qui puifTe fe conve-
nir 11 n'eft pas befoin ici, d'u-

ne force qui ait des yeux , qui


fafle un choix ; il ne faut que

la combinaifon de quelques
loix du mouvement. D'ailleurs
l'organique étant l'ouvrage le
plus ordinaire de la nature &
probablement celui qui lui coû-
te le moins, on pourroit re-
garder, pour ainfi dire, 1 or-
ganifation comme une pro-
priété générale de toute la ma-
tière.

Il ne manqne aux parties


vivantes de la femence qu'un
2o8 DE LA REPRODUCTION

point d'appui , qui , étant une


fois déterminé ou fixé, toutes
Its autres molécules s'arran-
gent à l'entour, & cet arran-
* gtoient ne peut fe faire, que
par la léunion des mêmes par-
- ties. une molécule du
Ainfi
pied ne fçauroit s'allier à une
- du nez parce que la forme de
j

Tune eft réellement différente


de celle dt l'autre II n'y a que
les molécules femblables qui
puifTent s'engrener , fi l'on p t

fe (ervir de ce terme,' Se elles

s^engrenent effeéliv' ement pour


former un animal en petit,
com-me elles le formoient en
grand. .
DES INDIVIDUS. Î09

On fçait qu'il exifle aufïî

dans la nature, des forces,


comme celles de lapefanteur,
qui font relatives à l'intérieur
de la matière, & qui n'ont
aucun rapport avec les quali-
tés extérieures des corps, mais
quiagiffent fur lespartieslesplus
intimes, ôc qui les pénétrent
dans tous les points. Nous ne
pouvons pas voir ces forces,
parce que nos yeux ne font pas
conformés de façon à voir Tin-
térieur des corps. C'efl par le ur
moyen que fe produit ia plus
grande partie des eftcts de la

nature, &c qu'on doit leui at-

tribuer, en particulier , Teifet


S
s,io DE LA REPROD UCTION

de la nutrition & du dévelop-


pement. La force qui pouffe ou
qui attire les parties organi-
ques de la nourriture, pénétre
audî dans Tintérieur des corps
organifés & les y fait entrer
par fon a6i:ion ; & comme les
corps ont une certaine forme
que nous avons appellée le mou-
le intérieur, les molécules or-
ganiques Ibumifes à radl:ion de
€es forces ,
pénétrent toutes les
parties du corps organifé, &
cette pénétration fe fait dar»
un ordre relatif à la forme qu'a
le corps j de forte qu'il aug-
mente de volume & de mafle
tn même-temps. Ce font ces
DES INDIVIDUS. aia

mêmes forces qui agiffent en-


fuite pour rechafler les molé-
cules organiques fupcrflues du
corps de l'animal C'eft enco-
re par des forces femblables
que les molécules fe réuniffent

dans le fein de la femelle. Se


forment , par leur réunion , un
petit corps organifé femblable^
au grand.
Defcartes qui n'admettoiten
phyfique qu'un petit nombre
de principes méchaniques , pré-
tendoit bien expliquer la for-
mation d'un être vivant & or-
ganifé, par les feules loix du
mouvement. un projet
C'étoit
bien conçu, mais mal fondé;

Sij
212 DE LA REPRODUCTION

car fi Ton peut , par moyen


ce
expliquer quelques phénomë*
nés , il y en a mille qui ne fçau-^

roient s'y réduire. Nous ne


connoiilons pas afTez la matiè-
re pour afTurer que ces quali-
tés générales , l'étendue , Tim-
pénétrabilité , le mouvement-,,
îoient les feules qu'elle ait en
La péfanteur eft à préfent
elFet.

reconnue pour une qualité gé-


nérale de la matière, & on
ne tardera pas à convenir gé-
néralement , que la force qui
attire ou qui pouffe les parties
organiques vivantes dans un
corps organifé, font en effet
des qualités générales de la
DES INDIVIDUS. ilîj

matière vivante. ,,Ces forces, "


ces , M. de Maupertuis , „ tou- "
tes incompréhenfibles qu'el- *^
femblent avoir pé- **
les font ,

nétrées jufques dans FAca- "


demie des bciences de Pa- "
ris , où Ton pefe tant les nou- **

velles opinions, avant que**


de les admettre. Un des plus "
Membres de cette
illoftres ^*

Compagnie ( M. Geoffroy } **

dont nos Sciences regrette- "


ront long-temps la perte, un "
de ceux qui avoient pénétré **
le plus avant dans le fecret **

de la nature, avoir fenti la"


difficulté d'en réduire les opé- **

rations aux loix communes "


a 14 DE LA REPROD &CTWN

99 du mouvement ; & avoit été


9, obligé d'avoir recours à des
'jj forces qu'il crut qu'on rece-
^ vroit plus favorablement fous

j^ le nom de rapports ; mais rap-


„ ports qui font , que toutes
i, les fois que deux lubftances
9, qui ont quelque difpofition
„ à fe joindre Tune avec Tau-
i, tre , fe trouvent unie s enfem-
9, ble. S'il enfurvient une troi-

99 fiéme qui ait plus de rapport


avec Tune des deux, elle s'y

9% unit en faifant lâcher prife à


,,fautre« »

F IN.
i
1
m

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