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Annales de chimie et de

physique

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Annales de chimie et de physique. 1913.

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P. 42
ANNALES
DE

CHIMIE ET DE PHYSIQUE.

HUITIÈME SÉRIE.
1913.
l'ARIS. — IMPRIMERIE GAUTHIER- VILLA R S ,
50734 Quai des Grands-Augustins, 55.
ANNALES
DE

CHIMIE ET DE PHYSIQUE,

PAR MM.

HALLER, LIPPMANN, BOUTY.

MASSON ET C'E, ÉDITEURS,


Boulevard Saint-Germain, 120.

IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS
Quai des Grands-Augustins, 55.

1913
ANNALES
DE

CHIMIE ET DE PHYSIQUE.

RECHERCHES SUR LE RAYONNEMENT ;

PAR M. E. BAUER.

INTRODUCTION.

Depuis les recherches fondamentales de Kirchhoff, on


sait que l'émission de chaleur et de lumière par la matière
peut se faire par deux mécanismes différents : par rayonne-
ment purement thermique ou par effet de luminescence.
Dans le premier cas, l'énergie de rayonnement est emprun-
tée tout entière à l'énergie interne de la matière en équi-
libre thermique; dans le second, il y a transformation
directe, irréversible en général, d'autres formes d'énergie,
chimique ou électrique par exemple, en énergie électro-
magnétique.
Kirchhoff a montré en outre que le problème du rayon-
nement purement thermique se réduit au fond à une seule
question d'ordre universel, qui ne met en jeu que les pro-
priétés générales de la matière et de l'éther. Voici, en effet,
en quels termes il s'exprime :
« Lorsqu'une enceinte est formée par des corps à la
même température, et lorsque aucune radiation ne peut les
traverser, chaque faisceau de rayons, à l'intérieur de
l'enceinte, est constitué en qualité et en intensité comme
s'il venait d'un corps absolument noir de même tempéra-
ture ; il est donc indépendant de la nature et de la forme
des corps et n'est fonction que de la température (1). »
Ce rayonnement qui s'établit à l'intérieur d'une enceinte
isotherme est ce qu'on a appelé le rayonnement du corps
noir. L'intensité d'une radiation monochromatique dans
le spectre du corps noir est « une fonction de la longueur
d'onde et de la température dont la recherche est du plus
grand intérêt. De grandes difficultés s'opposent à sa déter-
mination expérimentale qu'il est permis cependant de
croire possible, car elle est sans doute de forme simple,
comme toutes les fonctions qui ne dépendent pas des pro-
priétés de corps particuliers (2) ».
On peut ajouter pour les mêmes raisons qu'il doit être
possible de trouver ou d'expliquer la forme de cette fonc-
tion par des considérations théoriques.
Si cette question fondamentale est résolue, les lois de
Kirchhoff permettent de réduire tous les problèmes
d'émission purement thermique à des problèmes d'absorp-
tion, et réciproquement.
Au contraire, lorsqu'un corps rayonne par lumines-
cence, il est impossible de rien affirmer a priori sur la
nature de son émission. Le mot luminescence ne fait qu'é-
carter une possibilité. Seule une étude directe, très com-
pliquée en général, peut nous faire connaître les éner-
gies nouvelles qui entrent en jeu et le mécanisme de leur
transformation en énergie électromagnétique. Cette
recherche n'a guère été ébauchée que dans un très petit
nombre de cas, sans résultats bien nets (3). Il est même
souvent difficile, comme on le verra, d'être bien sûr qu'on
a affaire à un phénomène de luminescence.

(1) KIRCHHOFF, Ostwaids Klassiker, n° 100, Abh. Berl. Akad., 1861.


(2) Pogg. Ann., t. CIX, 1860, p. 292.
(3) Un des phénomènes de luminescence les mieux connus est la
phosphorescence, grâce aux travaux de Lenard et de son école.
Le problème du rayonnement se subdivise donc en
deux questions distinctes. Ce Mémoire comprend deux
Parties correspondant chacune à un des aspects du
problème. La première est consacrée au rayonnement du
corps noir, la seconde à l'émission et à l'absorption des
flammes et des gaz incandescents.

J'essaierai d'abord de résumer et de discuter briève-


ment les efforts faits pour déterminer a priori la fonction
de la température et de la longueur d'onde, dont Kirchhofï
a démontré l'existence, et pour mettre les résultats théo-
riques en accord avec l'expérience.
Comme on le verra, les travaux de Lord Rayleigh,
Lorentz, Jeans, Sir J.-J. Thomson, Einstein et surtout
de Max Planck, nous ont mis sur la voie d'une solution.
Mais la question n'en reste pas moins une des plus obscures,
et par là même des plus importantes de la Physique
actuelle.
La seconde Partie de ce travail est consacrée à des
expériences sur le rayonnement des flammes. Mes re-
cherches ont démontré que la loi de Kirchhoff s'applique
à toutes les raies et bandes que j'ai étudiées et qui occu-
pent une grande étendue du spectre des flammes, depuis
le violet jusqu'à l'extrême infrarouge p, = 24µ). Il
semble donc, contrairement aux théories de Pringslieim
et d'autres physiciens, que les effets de luminescence ne
jouent qu'un rôle négligeable dans les phénomènes d'é-
mission et d'absorption par les flammes et les vapeurs
métalliques incandescentes. D'ailleurs, une discussion
directe montrera, je crois, que la théorie de la lumines-
cence est en contradiction avec les expériences de
M. Pringsheim lui-même.
Cependant, là où se produisent des réactions chimiques
intenses, à l'intérieur des ondes explosives telles que celle
qui forme le cône bleu des flammes de bec Bunsen, il se
produit des phénomènes de luminescence, qui sont assez
difficiles à mettre en évidence lorsque la température finale
des gaz est très élevée, car ils sont masqués en partie
par l'effet de température. Leur existence est indubitable
cependant, et je suis arrivé à évaluer directement leur
importance.

PREMIÈRE PARTIE.

Les théories du rayonnement du corps noir.

CHAPITRE l.
LES LOIS THERMODYNAMIQUES DU RAYONNEMENT.

1. Définitions et notations. — Rappelons d'abord


quelques notions fondamentales et posons les notations
dont nous nous servirons constamment au cours de ce
travail. Nous nous rapprocherons autant que possible
des notations classiques, en particulier de celles des admi-
rables leçons de Planck (1).
i° Soit un milieu quelconque, matériel ou vide, parcouru
par des perturbations électromagnétiques qui se propagent
en ligne droite dans les diverses directions de l'espace (2).
Considérons, parmi les rayons qui passent à travers un
élément de surface dS, ceux qui sont compris dans un cône
infiniment petit d'ouverture dU perpendiculaire à dS.
Pendant un temps dt, il passera le long de ces rayons, à
travers l'élément dS, une quantité d'énergie
(i) e) dS dQ dt.

(1) Max PLANCK, Vorlesungen über die Theorie der Wärme Strah-
i
lung, Leipzig, J.-A. Barth, go6.
(2) En faisant abstraction des phénomènes de diffraction.
3s'appelle l'intensité spécifique totale du rayonnement
considéré, et correspond à l'éclat en photométrie. Cette
grandeur est une fonction quelconque des coordonnées
de la direction dù et du temps.
Le théorème de Fourier permet de décomposer le rayon-
nement total, en un spectre de longueurs d'ondes X ou de
fréquences v; et v étant reliées par l'équation

V étant la vitesse de propagation des ondes dans le milieu


considéré.

(3)
On peut alors poser
fI Id = fI d = 3.
1" etsont les intensités spécifiques du rayonnement
Ix
monochromatique caractérisé par la fréquence v ou la lon-
gueur d'onde .
Les relations (2) et (3) donnent

Enfin, pour tenir compte avec Kirchhoff des phéno-


mènes de polarisation, on peut décomposer le vecteur.
lumineux suivant deux directions perpendiculaires entre
elles et normales au rayon. L'intensité Iv est à chaque
instant égale à la somme des intensités relatives aux
deux composantes; Kv et
(5) Iv = K+ K'.
Lorsque le rayon n'est pas polarisé, on a

j
I
y —
K.
2° La densité de l'énergie u au point considéré,c'est-à-dire
la quantité d'énergie qui se trouve à un instant déterminé
dans l'unité de volume, est donnée par l'expression

La densité en volume de la radiation monochromatique


v sera

En effet, considérons, autour du point 0 où nous voulons déter-


(1)
miner la densité, une petite sphère de rayon r, et parmi les rayons
qui traversent cette sphère, ceux qui se propagent dans une direction
déterminée OV.

L'énergie qui traverse la sphère pendant l'unité de temps, le long


de ces rayons, est
dE = -1 dS dQ. = 7:r2J dQ..
Cette énergie est contenue dans le cylindre de hauteur V et de
base Tzr2. La densité de l'énergie transportée par ces rayons est
donc, au voisinage du point 0,

Lorsqu'on tient compte des rayons qui se propagent dans toutes


les directions
On a d'ailleurs comme pour l'intensité spécifique [éq. (4)]

Lorsque la radiation est parfaitement diffusée, c'est-à-


dire uniformément répartie entre les diverses directions
de l'espace et non polarisée, on a, en intégrant les équations
(6) et (7),

Lorsque le milieu considéré est le vide, V est égal à la


vitesse de la lumière c 3 X 1010 C.G.S.

3° Dans un milieu matériel, V est, en général, fonction
de la longueur d'onde. De plus, il peut y avoir émission,
absorption et diffusion de l'énergie rayonnante.
Bornons-nous aux milieux isotropes et faisons abstrac-
tion de la polarisation. Un élément de volume émettra d
pendant le temps dt, dans un angle solide dQ, une énergie
de rayonnement dont la portion comprise entre les fré-
quences v et v + d'l sera
ev d't dQ dv dt.
s'appelle le coefficient d'émission du milieu pour la
E,
fréquence v; c'est une fonction de l'état du milieu, de sa
température, etc.
Soit, d'autre part, dl la longueur interceptée par dx sur
les rayons considérés. Une partie de l'énergie rayonnante
qui vient des autres régions de l'espace pour entrer dans
l'élément d, le long des rayons considérés, disparaît
sur le trajet dl par absorption et diffusion. La fraction
perdue le long de dl s'écrit

av
() + dl.
est le coefficient d'absorption, ^vle coefficient de diffusion.
4° Examinons enfin le cas d'un corps de dimensions finies,
limité par une surface S qui peut posséder un pouvoir
réflecteur. Considérons les rayons de fréquence v qui sor-
tent d'un élément dS de cette surface et qui sont compris
à l'intérieur d'un cône d'angle solide dQ.
Une partie de l'énergie rayonnante, qui s'échappe de
dS en une seconde le long de ces rayons, a pris naissance
à l'intérieur de S, soit Ev dS dU dv sa valeur, le reste vient
des corps extérieurs à S, mais s'est affaibli en route par
réflexion sur les surfaces de discontinuité, diffusion et
absorption. Ne nous occupons que des pertes par absorp-
tion (transformation de l'énergie rayonnante en une autre
énergie). Ces pertes constituent une fraction Av de l'éner-
gie qui a pénétré à l'intérieur du corps considéré; Ev s'ap-
pelle le pouvoir émissif du corps par unité de surface et
d'angle solide, Av son pouvoir absorbant pour les rayons
étudiés (1).
Si, au lieu d'un élément de surface dS et d'un cône
infiniment petit dO, nous considérons une surface d'émis-
sion S et un faisceau de rayons d'ouverture finie 0, le
pouvoir émissif total aura pour valeur / / Ev dS dQ,
et le pouvoir absorbant sera une moyenne entre les
valeurs de Av relatives aux divers faisceaux élémen-
taires (2).
(M I
Soit dS dQ dv l'énergie incidente. Lorsqu'il n'y a ni réflexion
ni diffusion, l'énergie totale qui sort de dS est
[I,(i —Av) + E] dS dd.
Dans les autres cas, on petit former aisément une expression du
même genre où entrent les pouvoirs réflecteur, diffusant et absor-
bant qu'il faut connaître chacun. Les deux seuls cas où les mesures
se font aisément est celui où il n'y a ni réflexion ni diffusion, et
celui où le corps considéré est opaque, c'est-à-dire absorbe ou réflé-
chit toute Pénergie incidente.
(2) Comme on le voit, il est nécessaire lorsqu'on fait une mesure
d'émission ou d'absorption, de bien définir le champ, c'est-à-dire
2. Les lois de Kirchhoff (1). — Considérons une en-
ceinte fermée imperméable à la chaleur (2), contenant
en son intérieur un nombre quelconque de corps en équi-
libre thermique à la température absolue T. Supposons
réalisé l'état d'équilibre thermodynamique pour lequel
l'entropie a sa valeur maximum. Le principe de Carnot
permet alors de démontrer d'une façon absolument
rigoureuse les lois suivantes :
1° Loi de Lambert (établie en toute rigueur par Fou-
rier) :

En chaque point, l'énergie rayonnante est répartie unifor-


mément entre les différentes directions de l'espace.
En d'autres termes, le rayonnement est parfaitement
diffusé. Cette loi est vraie, non seulement pour le rayonne-
ment total, mais pour chaque longueur d'onde (Kirchhoff).
2° L'intensité spécifique I,, d'une radiation monochroma-
tique de fréquence v est en chaque point en raison inverse
du carré de sa vitesse de propagation V. Elle ne dépend pas

la portion de matière qu'on étudie, et l'ouverture des faisceaux qui


viennent des divers points de ce champ. Il faut pour cela choisir
deux diaphragmes, un diaphragme de champ et un diaphragme
d'ouverture ou iris (C/. DRUDE, Précis d'Optique, adapté par M.'Bol!,
t. 1, p. 61 ; WINKELMANN, Handb. d. Phys., t. VI, p. 212). La
profondeur du champ est limitée en général par des surfaces sur
lesquelles la température ou les coefficients d'émission et d'absorp-
tion subissent des discontinuités.
(1) KIRCHHOFF, Berl. Ber., 1859, p. 216; Pogg. Ann., t. CLXIX,
1860, p. 275-3oi. La démonstration de Kirchhoff est assez compliquée.
Outre les Mémoires de Kirchhoff, on pourra consulter les traités clas-
siques : Planck, Bouasse, Drude, etc. Une démonstration très simple
se trouve dans PRINGSHEIM, Rapports au Congrès de Physique de
1900, t. II, p. 100.
(2) On peut supposer les parois parfaitement réfléchissantes et
non conductrices de la chaleur. En pratique, il suffit qu'elles soient
opaques et maintenues à une température uniforme.
des autres propriétés du milieu, ni de la forme, ni des dimen-
sions de l'enceinte. Le produit Iv X V2 est donc parfaitement
déterminé, lorsqu'on se donne la température T et la fré-
quence v.
On peut écrire

En particulier, dans le vide, V = c, la répartition de


l'énergie entre les fréquences n'est fonction que de la
température. Si l'on considère deux points de l'enceinte
où les indices de réfraction ont les valeurs n et n', les in-
I
tensités spécifiques Iv et des radiations de fréquence v
en ces deux points sont entre elles comme le carré des
indices

Cette équation classique est une conséquence immé-


diate de la relation (10).
Si l'on perce dans la paroi isotherme un trou assez petit
par rapport aux dimensions de l'enceinte pour que le flux
d'énergie qui s'en écoule ne modifie pas sensiblement
l'équilibre, il en sortira, par unité de surface et d'angle
solide, dans l'intervalle de fréquence compris entre v et
v + d, une énergie rayonnante égale à Iv d. C'est pour
cette raison qu'on appelle en général Iv le pouvoir émissif
du corps noir, à la température T, pour la radiation v.
Cette quantité est, comme on le sait, susceptible de me-
sure expérimentale (1).
3° Le rapport coefficients d'émission et d'absorp-
~ des
tion d'un milieu quelconque à la température T, pour les

(1) W. WIEN et O. LUMMER, Wicd. Ann., t. LVI, 1895, p. 45I.



Voir les travaux de Lummer et Pringsheim, Paschen, etc.
radiations de fréquence v, ou encore le rapport des pou- ~
voirs émissif et absorbant d'un corps quelconque en équi-
libre thermique est égal au pouvoir émissif du corps noir
à la même température T et pour la même fréquence

Cette équation est la forme la plus condensée qu'on


puisse donner aux lois de Kirchhoff.
Elle est encore vraie si le corps considéré n'est pas à
l'intérieur d'une enceinte isotherme, à la condition que
l'équilibre thermodynamique soit complètement établi.
Pour un faisceau d'ouverture finie Q et une surface
d'émission S, on a évidemment

L'équation (10) peut encore s'écrire, en tenant compte


de (9),

étant encore une fonction universelle.


En remarquant que ~ et que ~,on
peut dire avec Planck : dans l'équilibre thermodynamique,
l'énergie d'un rayonnement monochromatique, contenue
dans un cube ayant un côté égal à la longueur d'onde,
est la même pour tous les corps. C'est une fonction de la
température et de la fréquence seulement (1).

Température du rayonnement (définition provisoire). —


Les lois de Kirchhoff montrent donc que le rayonnement

(1) On peut remarquer l'analogie de cet énoncé et du théorème


de l'équipartition de l'énergie entre les degrés de liberté (CI. Chap. II,
P. 45.
du corps noir dans le vide (ou pratiquement dans l'air)
est une fonction universelle de la température et de la
fréquence, mais ne nous donnent aucun renseignement sur
sa forme. On appelle, pour abréger, le rayonnement qui
s'établit dans une enceinte en équilibre thermique, rayon-
nement noir (Schwarze Strahlung), et la température T de
l'enceinte, température de ce rayonnement. Cette défini-
tion vaut, soit pour le rayonnement total, soit pour le
rayonnement monochromatique. On peut donc appeler
température d'un faisceau monochromatique d'intensité Iv, la
température d'un corps noir à l'intérieur duquel l'intensité
spécifique des rayons de fréquence v est égale à Iv (1).
Comme on le verra, la loi de Wien permet de démontrer
que la température ainsi définie provisoirement se confond
avec la température thermodynamique.
L'intensité spécifique Iv se conserve pendant la propa-
gation libre. C'est un théorème classique de photométrie.
En particulier, si l'on place un système quelconque de
miroirs et de lentilles sur le trajet des ondes de manière
à les faire converger, l'éclat de l'image est égal à l'éclat
de l'objet. La température se conserve également pendant
la propagation, et la température d'une image du Soleil
est égale à la température du Soleil, aux pertes près
par réflexion, absorption, etc.
La température est donc une grandeur caractéristique
d'un faisceau monochromatique, tant qu'il n'y a ni émis-
sion, ni absorption, ni diffusion sur le trajet des rayons.
Cette température est facile à déterminer parla simple me-
sure spectrophotométrique de l'éclat d'une image. C'est
le principe des pyromètres optiques qu'on étalonne en
général sur un corps noir.
Dans une enceinte isotherme, les températures de tous

(1) On emploie souvent la désignation plus compliquée de tem-


pérature noire du faisceau.
les faisceaux sont les mêmes. Il y a équilibre thermique
entre les diverses couleurs et les différentes directions de
l'espace.
Pour aller plus loin, et pour préciser la notion de tem-
pérature, il faut faire intervenir le travail de la pression de
radiation (Boltzmann) et l'effet Doppler (Wien).

3. La pression de radiation. — Maxwell a montré le


premier que la lumière exerce des actions mécaniques
sur la matière (1). La théorie des tensions et pressions à
laquelle est due cette découverte est un peu particulière.
Mais on retrouve les mêmes résultats d'une façon tout à
fait générale dans la théorie de Lorentz (2). On peut se
rendre compte du mécanisme du phénomène en consi-
dérant l'action d'une onde électromagnétique sur un plan
métallique parfaitement conducteur et réfléchissant (3),
ou plus simplement encore sur un électron libre ( ). 1

On sait que, dans toute onde électromagnétique, le

champ électrique h et le champ magnétique H sont per-


pendiculaires entre eux et à la direction de propagation C
(fig. 2). A chaque instant, les valeurs des énergies élec-
trique et magnétique sont égales ; par exemple, si les
ondes sont périodiques, les deux champs sont toujours en
concordance de phase. Lorsqu'une perturbation électro-
magnétique vient rencontrer un électron, celui-ci est
entraîné par le champ électrique et donne naissance à un
élément de courant qui a même direction et même sens
que le vecteur h. Le champ magnétique agit à son tour,

(1) MAXWELL, Traité d'Électricité et de Magnétisme, t. II, p. 495.


(2) LORENTZ, Versuch einer Theorie, etc., Leyde, I8Q5. Ions,
electrons et corpuscules, p. 45o. —M. ABRAHAM, Ann. de Phys.,
t. XIV, 1904, p. 236.
(3) M. PLANCK, Wärmestrahlung, p. 719.
(4) LANGEVIN, Cours au Collège de France, 1905-1906.
sur le courant ainsi créé, et, d'après la règle des trois
f
doigts, la force résultante est dirigée dans le sens de
propagation de l'onde.

Une portion de matière quelconque, contenant en son


intérieur un grand nombre d'électrons, un miroir conduc-
teur par exemple, sera donc repoussé par un rayon lumi-
neux d'autant plus que ces électrons seront plus mobiles.
Les phénomènes ne dépendent que de l'existence simulta-
née des champs électrique et magnétique dans l'éther. Ils
ont lieu pendant l'émission comme pendant la réflexion
et l'absorption, et produisent dans ce cas une sorte d'effet
de recul.
On peut calculer d'une façon tout à fait générale les pres-
sions de radiation, en introduisant avec Lorentz, Poincaré,
Abraham, la quantité de mouvement électromagnétique. Les
actions d'un champ électromagnétique sur la matière en
mouvement ne satisfont pas au principe de l'égalité
de l'action et de la réaction. Cependant, on peut laisser
aux lois du mouvement la forme des équations de la
mécanique, en admettant l'existence d'une quantité de
mouvement d'origine électromagnétique Ge présente dans
>
l'éther en tous les points où se trouvent simultanément
un champ électrique et un champ magnétique. Cette
quantité a pour valeur

~P étant le vecteur de Poynting (l), l'intégrale étant


étendue au volume entier t, où les champs ne sont pas
nuls. Pour équilibrer les impulsions dues aux variations
de cette quantité de mouvement, il faut faire agir, sur
les corps matériels qui limitent la région considérée de
l'éther, une force

Considérons, en particulier, une onde plane se propa-


geant librement. Prenons l'axe des x dans la direction
du rayon nous aurons, en orientant convenablement
•,

les deux autres axes de coordonnées,

L'énergie par unité de volume sera

la quantité de mouvement par unité de volume sera


dirigée suivant l'axe des x et aura pour valeur

La quantité de mouvement, transportée en une seconde


par les ondes considérées à travers l'unité de surface nor-

^
(1) Le symbole h H représente le produit vectoriel des deux
x
vecteurs. La flèche recourbée caractérise un vecteur axial.
E
maie à la direction de propagation, sera donc égale à — r
E étant le flux d'énergie qu'elles font passer chaque se-
conde à travers la même surface.
Si ces ondes tombent sur une surface parfaitement absor-
bante, il disparaît par unité de temps une quantité de
Ë Il faudra
mouvement ~. donc, pour maintenir l'équilibre,
faire agir sur cette surface une pression dirigée vers la
normale extérieure et égale à

Si la normale à la surface considérée fait avec le rayon


un angle 6, la quantité de mouvement absorbée en une
seconde par unité de surface est E cos 9. L'impulsion
résultante est équilibrée par une pression normale

et une pression tangenticlle

Cas le plus général. — S'il y a réflexion, absorption et


émission, on a, en appelant Ei le flux d'énergie incidente,
ai l'angle d'incidence, Er Je flux réfléchi, ar l'angle de
réflexion, Ee le flux émis, 6e l'angle correspondant

Nous n'écrirons pas la pression tangentielle.


Si les rayons, au lieu d'être parallèles, forment un
faisceau divergent, on peut écrire
E = J dQ,
étant l'intensité spécifique totale, et l'on a, dans un
milieu où la vitesse de propagation des ondes est V,

l'intégration étant étendue à l'angle solide 2 7Z.


Si le rayonnement est parfaitement diffusé (corps noir)

i+ R ==* con ST. =

le facteur 2 s'introduit du fait que deux rayons inverses


se propagent dans chaque direction. D'où

u étant la densité totale de l'énergie rayonnante au


voisinage de la surface.
Les prévisions de Maxwell ont été entièrement vérifiées
par les travaux admirables de P. Lebedew (1), Nichols et
Hull (2), Poynting (3).
Malgré les grandes difficultés des mesures, l'accord entre
la théorie et l'expérience est aussi parfait que possible.
Les divergences ne sont plus aujourd'hui que de l'ordre
du centième.
L'existence de la pression de radiation ne fait donc
aucun doute. D'ailleurs, dès 1883, A. Bartoli a montré
qu'elle est une conséquence nécessaire des phénomènes
du rayonnement et des principes de la Thermodyna
mi que (1).

(1) P. LEBEDEW, Rapports au Congrès international de Physique


t. II, 1900, p. i33.
(2) NICHOLS et HULL, Proc. American Academy, t. XXVIII,
1903, p. 55g. -Drudes Ann., t. XII, igo3, p. 225.
(3) POYNTING, Phil. Mag., t. IX, 1905, p. 169; Bulletin de la Soc.
franç. de Phys., 1910, p. 5.
(4) A. BARTOLI, Nuovo Cimento, t. XV, 1883, p. 195.
4. Loi de Stefan-Boltzmann. — L. Boltzmann (1), en
1884, a rendu plus exactes les déductions de Bartoli. En
appliquant d'une façon rigoureuse au rayonnement du
corps noir les lois de la Thermodynamique, et en tenant
compte du travail de la pression de radiation, il a retrouvé
une loi découverte expérimentalement par Stefan (2)
et qui s'énonce :
Le pouvoir émissif total du corps noir est proportionnel
à la quatrième puissance de la température absolue :

Cette loi a été vérifiée maintes fois avec toute la préci-


sion désirable. C'est une des mieux établies de la Physique.
D'après Kurlbaum (3), on a

D'après M. Féry (4),

(I) BOLTZMANN, Wied. Ann., t. LXV, 1884, p. 291.


(2) J. STEFAN, Wien.Ber., t. LXXIX, 1879, p. 3gi. Les expériences
de Tyndall, Dulong et Petit, etc., sur lesquelles s'appuie Stefan, ont
porté sur des corps non noirs. C'est donc à un hasard heureux et
à l'imprécision des mesures qu'est due la découverte de cette loi.
(3) KURLBAUM, Wicd. Ann., t. LXV, 1898, p. 746.
et MOULIN, Journal de Physique, 1910.
- Cf. BAUER

(r.) FÉRy,"Ann. Chim. phys., t. XVII, 1909, p. 267.


Voici, en quelques mots, la démonstration de Boltzmann.
Soit une enceinte de volume T, formant corps noir à la
température absolue T; une de ses parois est constituée
par un piston mobile parfaitement réfléchissant, au voisi-
nage duquel ne se trouve pas de matière, et qui permet de
comprimer et de dilater le rayonnement comme on ferait
la
d'un gaz. D'après la loi de Kirchhoff, densité de l'énergie
rayonnante u n'est fonction que de T. L'état du sys-
tème dépend donc de T et de T seulement.
A une variation infiniment petite dT et dz des para-
mètres, correspondra d'après (i5) un travail de la pression
de radiation

une variation d'énergie

et une variation d'entropie

Écrivons que cette expression est une différentielle


exacte

La loi de Stefan permet de définir rigoureusement la


température du rayonnement total.
Elle fournit également une première condition qui limite
la généralité de la fonction 0 (v, T).

5. Loi de Wien. — Pour connaître plus exactement la


fonction de Kirchhoff et définir, d'une façon précise, la
température du rayonnement monochromatique, il faut,
avec M. Wien (1), faire intervenir le principe de Doppler-
Fizeau.
Considérons d'abord une enceinte absolument vide de
matière, dont toutes les parois sont constituées par des
miroirs parfaits, et qui contient en son intérieur une cer-
taine quantité d'énergie rayonnante. La distribution ini-
tiale de cette énergie entre les diverses fréquences est
absolument arbitraire et se conserve indéfiniment, car
il n'y a dans l'éther, tel que nous le révèle la théorie
électromagnétique de la lumière, aucun mécanisme capable
de produire des échanges entre les différentes régions du
spectre. Il n'y a aucune évolution vers un état déterminé ;
chaque train d'ondes monochromatiques se propage pour
son compte indépendamment des autres.
Mais, si l'on introduit dans l'enceinte une portion de ma-
tière (une parcelle de charbon, par exemple), capable
d'absorber et d'émettre des radiations, il se produit aussi-
tôt un échange irréversible d'énergie entre les radiations de
diverses fréquences dont les températures s'égalisent.
D'après la loi de Kirchhoff, une fois l'équilibre établi, la
distribution de l'énergie dans le spectre est parfaitement
déterminée par la température finale T de la matière
introduite.
Il s'est établi dans l'enceinte le rayonnement d'un corps
noir à la température T.
Ce moyen n'est pas le seul qui permette de modifier la
répartition de l'énergie entre les longueurs d'onde à l'in-
térieur d'une enceinte absolument vide et parfaitement
réfléchissante. En effet, supposons qu'une des parois soit
constituée par un piston mobile dans une direction perpen-
diculaire à son plan. Lorsqu'on déplace celui-ci, la longueur

(1) W. WIEN, Berl.Ber.. 1893; Wied. Ann., t. LII, 1894, p. I32.


d'onde des rayons qui viennent s'y réfléchir change par
suite de l'effet Dôppler-Fizeau ; en même temps est mis
en jeu un certain travail de la pression de radiation. Ce
double phénomène produit une nouvelle distribution de
1 énergie dans le
spectre de l'enceinte.
Une telle transformation adiabatique peut s'effectuer
d une façon réversible, lorsque le mouvement du piston
est infiniment lent, car le phénomène de Doppler change
alors de signe avec le sens du mouvement du miroir. De
plus, les effets produits au voisinage du miroir mobile
peuvent se propager dans tout le volume de l'enceinte et
s 'y répartir uniformément avant que le piston ait bougé
d'une façon notable. Si le rayonnement est parfaitement
diffusé au début de la transformation et reste tel pendant
toute sa durée (1), la pression de radiation, qui ne dépend
jamais de la distribution spectrale du rayonnement, mais
seulement de son intensité totale et de sa répartition dans
1
'espace, est entièrement déterminée par le volume t de
l'enceinte. Son travail ne dépend que des volumes initial
et final.
le
Delà va résulter lemmefondamental de laloi de Wien:
si le rayonnement, à l'intérieur d'une enceinte parfaitement
réfléchissante et absolument vide, est primitivement noir,
une transformation adiabatique lui conserve ce caractère.
En effet, diminuons le volume de l'enceinte d'une façon
réversible. Nous effectuons un certain travail G. Si le
rayonnement n'est pas noir après la compression, nous
pouvons introduire à l'intérieur de l'enceinte une parcelle

(1) Le phénomène de Doppler modifie la distribution du rayon-


nement dans l'espace. Lorsque le miroir fuit devant les ondes, l'é-
nergie réfléchie se concentre vers les grandes incidences. Pour que le
rayonnement reste parfaitement diffusé, il est donc nécessaire que
les réflexions successives
sur les autres parois rétablissent l'isotropie.
C est ce qui lieu
a en général, sauf lorsque l'enceinte est un parallé-
lépipède rectangle parfait.
de charbon infiniment petite qui rétablit l'équilibre
thermodynamique par un phénomène irréversible. D'ail-
leurs, l'introduction de cette parcelle peut se faire sans
dépenser de travail, et, comme elle est infiniment petite,
sans apporter d'énergie de l'extérieur. La densité totale de
l'énergie reste donc constante pendant cette transforma-
tion, sa distribution spectrale varie seule. Retirons alors
le morceau de charbon et ramenons l'enceinte à son volume
initial par une compression adiabatique réversible. Le
travail mis en jeu est— ~. Si le rayonnement n'est pas
noir après la compression, nous pouvons réintroduire la
parcelle de charbon et revenir à l'état initial par une
nouvelle transformation irréversible ayant les mêmes
caractères que la première. Au total, nous aurons parcouru
un cycle fermé irréversible, sans échange de travail ni de
chaleur avec l'extérieur, ce qui est impossible. La proposi-
tion est donc démontrée.
L'équation des transformations adiabatiques réver-
sibles s'établit en écrivant dS = o et u aT4 dans

l'équation (16).
On obtient

Une fois ce point acquis, il suffit de faire une étude plus


serrée de la réflexion sur un miroir mobile pour obtenir la
loi de Wien.
La démonstration que Wien en a donnée manque de
rigueur et, par suite, de clarté (1).
Celle que nous allons rappeler ici brièvement est due
à Planck (2). Elle semble tout à fait correcte. Un autre
raisonnement très intéressant, plus suggestif que celui de

(1) W. WIEN, Wied. Ann., t. LII, 1894, p. 132.


Lehrbuch der Optik,
- Ci. DRUDE,

(2) PLANCK, Loc. cit., p. 68.


Planck, a été publié par Max Abraham (1); il met bien
nettement en évidence le sens thermodynamique de l'ex-
pression : température d'un rayonnement monochroma-
tique. Malheureusement, il est critiquable parce qu'il
s appuie sur la notion de température qu'il doit justifier.

1. Considérons un miroir plan parfaitement réfléchis-


sant, fuyant devant les ondes incidentes avec une vitesse
v = c,c étant la vitesse de la lumière. Nous négligerons
les termes en [32, car la transformation est réversible,
c est-à-dire infiniment lente. Isolons, parmi les rayons qui
tombent sur le miroir, ceux dont la fréquence est com-
prise entre v et v + d, et l'angle d'incidence entre 9 et
+d.
Ils forment un faisceau d'angle solide
dQ == 27t sin 0 d.
Soit son intensité spécifique.
Iv
Les rayons ainsi définis font passer en une seconde,
à travers l'unité de surface d'un plan immobile parallèle
au plan du miroir, une énergie
Iv dv di2 cos .
Après réflexion sur le miroir mobile, les fréquences, les
angles, les énergies ont changé ; le faisceau transformé fait
passer chaque seconde, à travers l'unité de surface du
même plan, l'énergie
Iy dv' dQ' cosô'.

On démontre aisément les relations suivantes (2) :

(1) M. ABRAHAM, Dru des Ann., t. XIV, 1904, p. 236.


(2) Voir PLANCK et Max ABRAHAM, loc. cit. Ces relations se
et

L'intensité ~ est plus petite que 1, pour deux raisons :


Io L'énergie Idd cos qui se réfléchirait en une
seconde sur l'unité de surface du miroir, s'il était
immobile, se divise en deux portions : l'une E, qui vient
frapper le miroir; l'autre, qui remplit l'espace que
celui-ci balaie pendant son déplacement, c'est-à-dire le
parallélogramme ABCD (fig. 3). Cette dernière est égale
à 1,
c
X volume ABCD = Id
1
dQt

On a donc
(21) E = 1, d(cos - ).
De même l'énergie renvoyée par le miroir en une
seconde est égale à
(xi') E' = '
~ d' dQ.'( cos + P) ;

démontrent par une simple construction d'Huyghens. Les formules


n'ont la forme indiquée dans le texte que si l'on garde seulement les
termes du premier ordre en [3.
La pression de radiation des faisceaux incident et
20
réfléchi est respectivement

Le travail effectué en une seconde sera

S = ( E cos9 -+- E' cosO').


Mais, d'après le principe de la conservation de l'énergie,
ce travail est égal à l'énergie perdue par les rayons. Donc

G = E — E' = (E cos e + E' cos 0' )


et

D'où l'on tire finalement, à l'aide des relations (21) et


(2

On voit que les rapports des différentes grandeurs carac-


téristiques du faisceau transformé à celles relatives du
faisceau primitif ne dépendent ni de sa fréquence, ni de
son intensité, mais seulement de la grandeur purement
cinématique (r — 2 j3 cos 9).
II. Pour calculer la modification totale du rayonne-
ment de l'enceinte, supposé primitivement noir, il ne
reste plus qu'à prendre des moyennes. Ce calcul ne fait
intervenir que des intégrations purement géométriques.
Considérons les radiations comprises entre les fréquences
v et v + dv. L'équation (21) montre que, pendant le
temps S t, la réflexion sur le miroir fera sortir du domaine
dv une énergie

D'autre part, lorsque des rayons d'incidence 0 et de


fréquences comprises entre

viennent frapper le miroir, les fréquences des rayons


réfléchis sont comprises dans le domaine dv.
Soit IVi, l'intensité spécifique des rayons incidents.
La formule de Taylor nous permet d'écrire

L'énergie qui sort du domaine d1, par réflexion sur le


miroir pendant le temps t,
a pour valeur, d'après (21)
et l'équation ci-dessus,

L'énergie réfléchie qui, d'après la valeur choisie pour


VI et dv,, est comprise dans le domaine de
fréquences c£v,
sera, d'après (22), égale à l'expression précédente multi-
pliée par (1 — 2 cos ), c'est-à-dire à

En intégrant comme tout à l'heure entre 0 = o et


~,
on obtient comme expression de l'énergie qui a
pénétré dans le domaine dv pendant le temps út

La différence des expressions (25) et (24)

représente l'accroissement total de l'énergie comprise


entre les fréquences v et v + d à l'intérieur de l'enceinte.
Cette énergie avait primitivement pour valeur
t étant le volume de l'enceinte. Pendant le temps Õt,
augmente de u et t de * = çùt.
On peut donc écrire, en remarquant que ~ et
que ~,

Cette équation est valable quelle que soit la distribution


initiale de l'énergie entre les fréquences.
Si le rayonnement est primitivement noir, on a,
d'après (17),

et l'équation devient

D'après le lemme fondamental on peut remplacer 1

par la dérivée partielle~ de la fonction de Kirchhoff,


et l'on obtient finalement
L'intégrale générale de cette équation est

La loi de Wien peut donc s'exprimer par les trois relations


équivalentes

la fonction F ne dépendant que d'une seule variable indé-


T X T
pendante
,
— ou
li c

Déplacement du maximum d'énergie. — Si l'on cherche


la position du maximum d'énergie dans le spectre, il faut
écrire

Cette équation a pour solution une valeur déterminée


du produit T d'où la loi bien connue
T = b — const.
Les expériences de Lummer et Pringsheim ont montré
que
b = 0,294 cm :
degré.
Enfin, il est facile de vérifier que la fonction (25) satis-
fait bien à la loi de Stefan Boltzmann.

6. Température de la radiation. — Définition thermo-


dynamique. — La deuxième équation (25) peut s'écrire
Cette relation définit la température d'une radiation
monochromatique dont on connaît l'intensité spécifique.
Pour démontrer que la température T ainsi définie se
confond avec la température thermodynamique,cherchons
la variation de température que subit un faisceau lumi-
neux monochromatique pendant la détente adiabatique
-du corps noir.
Nous avons, d'après (18) et (23),

L'équation (22) nous donne alors

E et E' représentant les énergies des faisceaux avant et


après la transformation. On reconnaît dans cette équation
une des formes du principe de Carnot) précisément celle
qui conduit à la notion de température absolue. La défini-
tion qui a été donnée de la température d'un rayonnement
monochromatique est donc bien conforme aux principes de
la Thermodynamique et tout à fait correcte. On peut cal-
culer le travail maximum que produirait la transforma-
tion d'une radiation donnée, comme on calcule l'énergie
disponible d'un système matériel (1).

(1) La température de la radiation intervient dans les phénomènes


de fluorescence, de phosphorescence, les effets photochimiques, etc.
Voici, par exemple, un théorème relatif à la fluorescence : la tempé-
rature de la radiation fluorescente est nécessairement inférieure à
celle du rayonnement incident. Ce théorème est l'expression rigou-
reuse de la loi devinée par Stokes. Un grand nombre de propositions
analogues ont été établies par Wien (loc. cit.), par Planck, etc. En
général, ces auteurs raisonnent sur l'entropie du rayonnement. Nous
n'emploierons pas ici cette expression, car à tout théorème relatif à
l'entropie correspond un théorème analogue relatif à la température.
7. En résumé, les lois générales de la thermodynamique
et de l'électromagnétisme ont permis, par une série de
déductions à peu près certaines, de réduire le problème du
rayonnement noir à la recherche de la fonction F d'une
seule variable indépendante.
Parmi les hypothèses mises en œuvre dans les démonstra-
tions, la seule qui peut sembler arbitraire est celle du
miroir parfait. En effet, si les métaux doivent leur pouvoir
réflecteur à des électrons de dimensions et de masse finies,
un miroir parfait pour toutes les longueurs d'onde est une
impossibilité physique. Déjà, dans tout le spectre visible,.
le pouvoir réflecteur des métaux est notablement inférieur
à l'unité ; ils sont parfois transparents dans l'ultraviolet.
Cependant, il semble légitime de se servir de l'idée abs-
traite de miroir parfait, comme on se sert de celle de paroi
hémiperméable en dynamique chimique, d'autant plus
que l'expérience ne semble pas infirmer les prévisions
théoriques.
Il paraît impossible d'aller plus loin et de trouver la
forme exacte de la fonction de Wien par de simples consi-
dérations thermodynamiques sans faire intervenir d'hy-
pothèses sur la structure de la matière. On sait, en effet,
qu'un faisceau lumineux, même monochromatique, est
quelque chose d'essentiellement irrégulier. Deux rayons
de même fréquence émanés d'une même source, mais
ayant une différence de marche supérieure à 106 longueurs
d'onde environ (1) ne peuvent plus interférer. De plus, la
lumière naturelle ne présente jamais de polarisation appré-
ciable. Un pinceau lumineux monochromatique et, à plus
forte raison, un faisceau complexe tel que ceux qui sortent
d'un corps noir sont loin d'être constitués par un ensemble

(1) 750000 d'après Pérot et Fabry (Ann. Chim. Phys., t. XII,


1897, p. 459). — 2 5oo 000 d'après Lummer et Gehrcke (Ann. de
Phys., t. X, 1903, p. 457).
de trains d'ondes réguliers, mais consistent bien plutôt en
une série de pulsations de forme extrêmement variable (').
Ils racontent, en somme, l'histoire des centres qui les ont
émis, et participent du désordre moléculaire. De même
qu'il a fallu introduire en Physique la notion de probabilité
et créer la théorie cinétique de la matière pour découvrir
des lois naturelles que la Thermodynamique laissait
cachées, de même la théorie cinétique et statistique du
rayonnement semble seule pouvoir donner la solution du
problème posé par Kirchhoff. Malheureusement, de
graves difficultés se sont présentées qui ne sont pas encore
entièrement résolues.
Mais, avant d'exposer les résultats acquis, il est néces-
saire de rappeler quelques théorèmes essentiels de la
mécanique statistique.
Ces théorèmes sont dus aux fondateurs de la théorie
cinétique des gaz, Boltzmann, Maxwell, Gibbs (2). C'est
à M. Langevin que je dois d'en avoir compris la portée.
Dans les paragraphes qui suivent, je me suis souvent ins-
piré de son cours au Collège de France de l'année 1907-
1908.

CHAPITRE Il.
QUELQUES THÉORÈMES FONDAMENTAUX
DE LA MÉCANIQUE STATISTIQUE.

1. Degrés de liberté. Extension en phases. — Consi-


dérons un système matériel possédant n degrés de liberté,

(1) Cf. GOUY, Journ. de Phys., 2e série, t. V, 1886, p. 354;


Comptes rendus, t. CXXX, 1900, p. 241 et 56o. Voir également les
travaux de SCHUSTER, Theorieal Optics, et surtout Max PLANCK,
Ann. d. Phys., t. VII, 1902, p. 392.
(2) BOLTZMANN, Leçons sur la théorie des gaz, Traduction française,
t. II, Chap. III, p. 60. — W. GIBBS, Elementary principles in
Statistical Mechanics.
c'est-à-dire dont l'état à un instant donné est entièrement
déterminé par la valeur des n paramètres ql, q2, ..., qll
(coordonnées cartésiennes, angles, etc.) et des n vitesses
correspondantes, ql, q2,
..., ~.
L'énergie potentielle du système Wq ne dépendra que
des paramètres q \ l'énergie cinétique sera une fonction
quadratique et homogène des vitesses q dont les coeffi-
cients peuvent être fonction des q. Si le système subit des
actions extérieures, leur travail pendant une déformation
infiniment petite a pour valeur
~d = F i dq1 +F 2
dq2 2—1~~

+F n
dç n,
F,,
F2,
..., Fn sont les forces généralisées.
Au lieu des vitesses qi, introduisons avec Hamilton les
moments pi définis par les relations linéaires

l'énergie cinétique devient une fonction homogène et du


second degré des moments Wp et les équations générales
du mouvement du système s'écrivent (1 )

où W = Wp + représente l'énergie totale du sys-


tème.
Les intégrales de ces 2 n équations du premier ordre
dépendent de 2 n constantes arbitraires, les valeurs ini-
tiales Qo Q2, Qn, P,, Pu des coordonnées et des
...,
moments.
On peut représenter l'état d'un système à n degrés de
liberté par un point dans l'espace à 2n dimensions,

(1) Cf. APPELL, Mécanique rationnelle, t. II, p. 397.


chaque dimension correspondant à un paramètre ou à un
moment. Lorsque le système évolue, le point représentatif
décrit une trajectoire dont les équations (26) déterminent
la forme. Lorsqu'on change les conditions initiales d'une
manière continue, la trajectoire varie également d'une ma-
nière continue. On a ainsi une famille de courbes à 2 n
paramètres, analogue aux filets liquides en hydrodyna-
mique.
Un système de valeurs q,, ...,qn, p1, ...,pn, c'est-à-dire
une configuration donnée du système, est ce que Gibbs
appelle une phase. Une portion de l'espace à 2n dimensions
dq1 dq2 dqn dp, dpn s'appelle extension phase.
... -" en

En mécanique rationnelle, on étudie le mouvement


d'un système dont les conditions initiales sont données.
En mécanique statistique, les lois du mouvement des
systèmes considérés, c'est-à-dire les équations (26) sont
encore supposées parfaitement connues, mais les condi-
tions initiales sont indéterminées. Dans un gaz par exemple,
les forces extérieures (pesanteur, etc.), les actions molé-
culaires, la masse des molécules, et l'énergie interne sont
données. Mais on ne sait rien ni sur la position ni sur la
vitesse des diverses molécules à un instant donné.
Les problèmes se présentent alors sous une forme nou-
velle. Pour savoir comment évoluera un système dont on
ignore les conditions initiales, on étudiera le mouvement
d'un très grand nombre M de systèmes identiques, distri-
bués en phase d'une façon quelconque. En général, on
prendra M assez grand pour que la distribution en phase
puisse être regardée comme continue ; le nombre des
systèmes compris à l'intérieur de l'élément d'extension en
phase d = dq ... dpn sera alors
/(qxq2. qn Pi pn) dqx dq2...dqn dp1...dpn,
- • • •

f est la densité en phase.


On cherchera comment varie au cours du temps la den-
sité en phase aux différents points de l'espace à 2 n dimen-
sions, on verra quelles sont les répartitions en phases
stationnaires qui correspondent à un équilibre statis-
tique ; enfin, parmi celles-ci, quelles sont les plus probables.
Ce sont ces dernières qu'on trouvera le plus souvent dans
la nature, et qui correspondront à l'équilibre thermo-
dynamique.
Lorsqu'on veut appliquer les théorèmes de la mécanique
statistique à des systèmes physiques concrets, en parti-
culier à des systèmes constitués par des molécules, on peut
se servir de deux méthodes différentes :
la On peut, avec Boltzmann, considérer chaque molé-
cule comme un système. Un corps matériel, un gaz par
exemple, contenant au total M molécules identiques, forme
alors l'ensemble des M systèmes qu'on étudie. Lorsque M
est très grand, les différences de probabilités sont si consi-
dérables que la plus grande probabilité équivaut à une
certitude.
20 Ou bien, on peut, avec Gibbs, isoler un morceau quel-
conque du monde extérieur et le considérer comme un
système. On imagine ensuite un ensemble constitué par
M systèmes identiques au premier, soumis aux mêmes lois,
mais dont les conditions initiales ne sont pas les mêmes.
Dans ce cas, lorsque les systèmes étudiés sont très com-
plexes et possèdent un grand nombre de paramètres
équivalents (1) (coordonnées des molécules de même espèce),
ils ne s'écartent que très peu d'un type [moyen; les gran-
deurs mesurables sont données par la moyenne des valeurs
relatives à un système, et la probabilité équivaut encore
à une certitude.

(1)Ci. GIBUS, Statistical Mechanics, Chap. IV. Gibbs distingue les


phases spécifiques et les phases génériques. Une phase générique
comprend toutes les phases spécifiques obtenues en permutant deux
.
paramètres équivalents.
2. Théorème de Liouville.
— Un théorème essentiel
domine toute la mécanique statistique et permet de définir
la probabilité d'une répartition donnée des systèmes :
c'est un théorème dû à Liouville, et que Gibbs appelle
le principe de la conservation de l'extension en phase (').
Considérons les fd
systèmes qui se trouvent à un
instant donné à l'intérieur de l'élément d'extension en
phase ds, et suivons-les dans leur évolution. L'élément d
se déplacera et se déformera dans l'espace en 2 n dimen-
sions, mais il gardera un volume constant, et la densité en
phase / ne variera pas, à condition que les forces exté-
rieures soient fonctions seulement des coordonnées et du
temps et non des moments (2).
Donc, « lorsque les phases limitant une certaine exten-
sion en phase varient au cours du temps, d'après les lois
de la dynamique d'un système soumis à des: forces fonc-
tion seulement des coordonnées et du temps, la valeur de
l'extension en phase qu'elles limitent est constante (2) ».
L'ensemble des phases se meut dans l'espace 2n à
dimensions comme un fluide incompressible (3).
Ce théorème établit un point essentiel : lorsqu'on veut
calculer la probabilité d'une configuration donnée d'un
système, il faut considérer comme équivalents deux élé-
ments quelconques d'extension en phase, à condition
qu'ils aient même grandeur. On peut faire passer dans l'un
d'eux les systèmes contenus dans l'autre en agissant sur

(1)Ci. BOLTZMANN, Théorie cinétique, t. II, p. 64 et 74. —


W. GIBBS, Statistical Mechanics, Chap. I.
(2) GIBBS, loc. cit., p. 10. Les forces peuvent également être fonc-

tions des vitesses, mais a condition que ~


Les forces électromagnétiques satisfont à cette relation.
.
(3) La démonstration du théorème de Liouville est tout à fait
analogue à celle de l'équation de continuité en hydrodynamique.
tous de la même façon. Rien ne différencie donc les divers
éléments de les uns des autres : le point représentatif d'un
système pris au hasard pourra se trouver avec des chances
égales dans n'importe lequel d'entre eux, et la probabilité
pour qu'il soit situé à l'intérieur d'une extension en phase-
finie est mesurée par la grandeur de cette extension en
phase (').

3. Répartition la plus probable. Température. — Consi-


dérons un ensemble de M systèmes identiques. Si nous
n'attachons aucune importance à leur individualité
propre et regardons comme équivalentes deux réparti-
tions en phase où les mèmes régions de l'espace à 2n
dimensions sont occupées par le même nombre de systèmes
la probabilité d'une distribution en phase donnée sera me-
surée par le nombre des combinaisons possibles qui per-
mettront dela réaliser. Divisons l'espace en r éléments d'ex-
tension en phase d1, d2, ..., dr
et considérons une
configuration telle qu'ils contiennent chacun

f1d1, f2d2, ..., frdr


systèmes, sans préciser quels sont les systèmes contenus
dans chaque élément d or. La probabilité correspondante
sera (2)

Pour connaître la répartition la plus probable, il faut


s'imposer des liaisons :

1° Dans tous les cas, le nombre des systèmes est fixé. :

(1) LANGEVIN, Cours au Collège de France, 1907.


(2) Ci. BOLTZMANN, loc. cit., t. I, p. 37 et 199.
D'où la première équation de liaison

(6) =
M fd.
Si l'on ne s'impose aucune autre condition, il est évi-
dent, sans calcul, que la répartition la plus probable est
une distribution uniforme des systèmes dans l'espace à
2 n dimensions.
2° Il peut arriver que les points représentatifs des sys-
tèmes ne puissent pas pénétrer dans certaines régions de
l'espace à 2 n dimensions, soit qu'on s'impose certaines
liaisons rigides, soit que certaines lois physiques s'y op-
posent. Dans ce cas, la répartition la plus probable est
encore une distribution uniforme dans tout l'espace situé
en dehors des régions interdites. C'est ainsi, par exemple,
que les molécules d'un gaz renfermé dans un volume donné
et soustrait à toute action extérieure se répartissent uni-
formément dans ce volume.
Comme on le verra, la théorie de Planck introduit des
liaisons de ce genre : les systèmes rayonnants ne peuvent
se trouver que sur certaines surfaces d'énergie constante.
3° Si l'on suppose en outre que tous les systèmes ont la

-
même énergie, c'est-à-dire que les phases correspondantes
sont toutes situées sur la surface à (2n 1) dimensions
W == const., la répartition la plus probable sera encore une
distribution uniforme sur la surface considérée. Une telle
répartition a été appelée ergodique par Boltzmann (1) et
microcanonique par W. Gibbs (2). Comme exemple d'en-
semble microcanonique, on peut donner les différentes
phases par lesquelles un système isolé passe au cours du
temps (time-ensemble de Gibbs).
4° On peut supposer enfin que l'énergie totale des M

(1) BOLTZMANN, loc. cit..,t. II, p. 88.


"(2) GIBBS, loc. cit., Chap. X.
systèmes est fixée et que cette énergie est, à des infini-
ment petits près, la somme des énergies partielles de chaque
système (1)
(c) U = 2W = Wfd.
W ne dépend, comme f, que des ql, q2,...,qn, PI, pn.
Un calcul classique (2) montre alors que le logarithme de
la probabilité est donné par l'équation

10gP = const.—
flogfd.
La répartition la plus probable s'obtient en annulant
la variation de log P pour toute variation de / compatible
avec les liaisons
ÕlogP =
(log f+ i) fd = o.

Les conditions de liaison (b) et (c) donnent

aN =
f af d = o,
*

U =f W fd = o.

Multiplions ces deux équations par les coefficients indé-

(1) On a toujours le droit de faire cette dernière hypothèse.


En effet, lorsque les actions mutuelles entre 'deux systèmes ne sont
pas négligeables, il suffit de prendre pour nouveau système l'en-
semble des deux systèmes primitifs. C'est ainsi qu'on peut appliquer
la méthode de Boltzmann et Gibbs, soit aux molécules gazeuses,
lorsqu'on néglige l'énergie mutuelle des molécules (gaz très dilué),
soit au gaz total considéré comme système unique. Dans ce dernier
cas, les M systèmes étudiés sont M gaz identiques dont on cherche
les propriétés moyennes.
(2) BOLTZMANN, loc. cit., p. 39. On prend le logarithme de P,
donné par l'équation (a) (p. 40), l'on applique la formule de
Stirling à la relation ainsi obtenue. On substitue finalement des inté-
grations aux sommations discontinues.
terminés et , et introduisons-les dans la première
f1
(log +
+ pW) of di = o.
f
oc

Comme estabsolument arbitraire


maintenant, l'ex-
pression entre parenthèses est constamment nulle et l'on a
f
log =—1— — pw.
D'où
(27) / = Ce-W,
en posant
C = e-1-,
dépend des conditions de liaison.
Les ensembles dont la répartition est donnée par la rela-
tion (27) ont été appelés par Gibbs ensembles canoniques.
Leur importance est très grande en thermodynamique, car
ils représentent un groupe de corps identiques en équilibre
de température. On peut considérer par exemple l'ensemble
canonique formé par les N molécules d'une molécule-gramme
d'un gaz parfait à la température absolue T (1). Dans ce cas,
l'équation (27) représente la loi de répartition des vitesses
de Maxwell.
On a

U étant l'énergie potentielle et p la vitesse d'une molé-


cule de masse m. La force vive moyenne d'une molécule est

(1) Nous appellerons N la constante d'Avogadro, N = 68.1022


d'après M. Perrîn.
On sait que

R est la constante des gaz parfaits 831.105 ~ -


On a
donc

50 Au lieu d'un seul ensemble de systèmes tous iden-


tiques, on peut considérer un ensemble complexe formé par
M, systèmes d'un premier type, M2 d'un second, etc., et
dont l'énergie totale est donnée. Ce cas se présente dans
l'étude des mélanges gazeux, des équilibres entre gaz et
liquide ou gaz et solide, dans la théorie électronique des
métaux; on en trouvera des exemples dans la théorie du
rayonnement. Les calculs sont tout à fait analogues à
ceux qui viennent d'être faits (1) et aboutissent aux résul-
tats suivants :
Lorsque l'état le plus probable est réalisé, chaque
ensemble partiel de systèmes identiques constitue un
ensemble canonique.
Le coefficient a la même valeur pour tous ces ensembles.
Si l'un d'entre eux est formé par un gaz à la tempé-
rature T, on aura partout

Les systèmes de l'un des ensembles partiels peuvent


être constitués par une seule molécule, ceux des autres
par des corps dont la complexité et les dimensions sont
aussi grandes qu'on veut. Ainsi se rejoignent les deux

(x) Un exemple de ces calculs se trouve au Chapitre V.


méthodes de Boltzmann et de Gibbs, qui sont équivalentes.
On choisira celle qui convient le mieux à chaque cas parti-
culier. Le coefficient est toujours relié à la température
par l'équation (29).
Les ensembles canoniques représentent donc des sys-
tèmes en équilibre thermique, le coeflicient [3 étant
caractéristique de la température.
Un théorème important, qu'on peut considérer comme
un cas particulier du précédent, a été démontré par Gibbs :
« Lorsqu'un système possédant un grand nombre de degrés
de liberté est distribué microcanoniquement en phase,
une portion très petite de ce système est distribuée cano-
niquement (1). » En d'autres termes, une petite région
(thermomètre) d'un système isolé de très grandes dimen-
sions passe par une série d'états formant un ensemble
-canonique.
Comme on le voit, la mécanique statistique permet de
constituer un 'système complet d'analogies thermodyna-
miques, où se retrouvent en particulier toutes les lois de
la thermométrie. Gibbs est même allé -plus loin : par la
considération des grands ensembles de systèmes, différant,
non seulement par leur phase, mais encore par le nombre
de particules de diverses sortes qu'ils contiennent, il a
retrouvé l'analogue du potentiel chimique et des lois de
la mécanique chimique (2).

4. Équipartition de l'énergie. — L'équation (28) montre


que l'énergie cinétique moyenne de toutes les molécules
d'un gaz en équilibre thermique est égale à ~.

Ce théorème peut se généraliser (Boltzmann, Maxwell).


L'énergie cinétique d'un système quelconque est une

(1) GIBBS, loc. cit., p. 180 et suiv.


(2) GIBBS, loc. cit., p. 189.
fonction quadratique homogène des moments

On peut toujours effectuer le changement de variables


linéaire
rI
........................
bnnpn,
rn = bn1p1

de manière à satisfaire aux deux conditions :

1° L'énergie se présente comme une somme de carrés,

2° L'élément d'extension en phase dans l'espace des q, p


est égal à l'élément correspondant dans l'espace des q, r
dp,... dpn = dr¡... drn.
Les variables r sont ce que Boltzmann appelle les mo-
mentoïdes.
On démontre aisément que, soit dans un ensemble micro-
canonique (1), soit dans un ensemble canonique (2), il y a
équipartition de l'énergie cinétique entre les divers momen-
toïdes. En d'autres termes, les valeurs moyennes des ex-
pressions ai r] sont toutes égales.
En particulier, dans un ensemble canonique

Lorsque l'énergie potentielle se présente sous la forme

(1) BOLTZMANN, loc.cit., t. II, p. 92.


(2) Id., p. 117. — GIBBS, loc. cit., p. 52. La démonstration se fait
par simple intégration, comme pour l'équation (28).
(3) Dans l'équation (28) rentre le facteur 3, car une molécule
possède trois degrés de liberté.
le même théorème s'applique, et l'on a

5. Entropie et probabilité. — On a vu plus haut que


l'équilibre thermodynamique est atteint, c'est-à-dire que
l'entropie est aussi grande que possible, lorsque la proba-
bilité est maximum. Il y a donc corrélation entre la proba-
bilité et l'entropie. Boltzmann (1) a montré que pour tout
ensemble canonique dont la température est T =
P
1 entropie est donnée
par la relation

qui est équivalente à l'équation (29) définissant la tempé-


rature.
Mais l'équation (31) peut se démontrer directement à
l'aide de la simple hypothèse que :
L'entropie est une fonction universelle de la probabilité
seule (2)
S=f(P).
En effet, si l'on considère deux systèmes indépendants
qu'on réunit en un seul, l'entropie est la somme des entro-
pies partielles et la probabilité le produit des probabilités
individuelles.
On a donc
f(P1,P2) = /(Pi)+/(P2).
En dérivant cette relation par rapport à Pt, puis à P2, on
obtient l'équation différentielle
f'(P1,P2) + P1P2f"(P1,P2) = o
ou
j'(P) + Pf"(P) = o,

(1) Loc. cit., t. 1, p. 5i et suiv.


(2) PLANCK, loc. cit., p. i36.
dont l'intégrale est
/( P) = S = k 10gP const.
Lorsqu'on connaît l'entropie et l'énergie, la tempéra-
ture est définie par la relation générale (1)

Planck a établi toute sa théorie du rayonnement à


l'aide de ces équations. Nous nous servirons plutôt de la
méthode directe de Boltzmann qui est équivalente et qui
met mieux en relief les hypothèses physiques.

CHAPITRE III.
LES DIFFICULTÉS DE LA THÉORIE CLASSIQUE.
LA THÉORIE DE LORD RAYLEIGH-JEANS.

1. La difficulté essentielle àlaquelle se heurte la théorie


du rayonnement peut se faire comprendre en peu de mots.
L'éther de Fresnel et de Maxwell se comporte comme un
fluide continu indéfiniment divisible. Il en résulte qu'un
corps noir, une enceinte quelconque contenant de l'éther
et de la matière réagissant l'un sur l'autre, constituent un
système possédant un nombre infini de degrés de liberté.
Plus précisément, les lois de l'électromagnétisme, qui
sont tout ce que nous connaissons de l'éther, sont expri-
mées par des équations aux dérivées partielles, dont l'inté-
grale dépend d'un certain nombre de fonctions arbitraires;
celles-ci définissent par exemple la distribution des champs
électrique et magnétique dans l'espace à l'instant initial,
et leur forme est modifiable à l'infini, à la condition de
satisfaire aux équations de Poisson (champ électrique) et
de Laplace (champ magnétique).
Du point de vue de la théorie du rayonnement, il est

(1 ) Cette équation n'a de sens que pour un système en équilibre.


,commode de développer ces fonctions arbitraires en séries
de Fourier. Les phases des arguments et les coefficients de
ces séries sont en nombre infini et peuvent prendre des
valeurs quelconques.
Les degrés de liberté correspondent aux fréquences
des divers trains d'ondes que l'éther peut transmettre.
Si les équations de Maxwell-Lorentz sont valables, les
fréquences peuvent prendre toute valeur comprise entre
zéro et + 00, et forment un ensemble infini comparable à
l'ensemble des nombres. Lorsqu'il existe, en outre, de la
matière ou des charges électriques à l'intérieur de l'espace
considéré, les degrés de liberté qui définissent la position
des atomes et des électrons, et qui sont en nombre fini,
viennent simplement s'ajouter à ceux dont dépend l'état
de l'éther.
Considérons donc un système possédant un nombre
infini de degrés de liberté, et appliquons-lui brutalement
le théorème de l'équipartition de l'énergie. Comme l'éner-
gie totale du système est limitée, on voit immédiatement
qu'on ne peut attribuer à chaque degré de liberté qu'une
énergie infiniment petite. La force vive des molécules
matérielles et des électrons se communiquera en entier
à l'éther, et chaque intervalle déterminé de fréquences
étant infiniment petit par rapport à l'intervalle (o, + ),
possédera une énergie nulle.
D'une façon plus rigoureuse, à mesure que le nombre de
degrés de liberté augmente, l'équilibre se déplace ; à la
limite, lorsque ce nombre tend vers l'infini, on ne peut plus
atteindre d'état stationnaire. Il y a donc dans un corps noir
dissémination d'énergie vers des longueurs d'onde de plus
en plus courtes (1).
(1)Dans un liquide continu, il y a également tendance vers une
décoordination indéfinie du mouvement, qui se désagrège en mou-
vements locaux intéressant des régions de plus en plus petites
(GIBBS, loc. cit., p. 146).
Mais ceci est contraire à l'expérience ; il existe dans le
spectre du corps noir à une température donnée, une dis-
tribution parfaitement déterminée de l'énergie. La courbe
de répartition possède un maximum dont la position est
réglée par la loi de Wien.
La conclusion suivante semble donc s'imposer :
Les deux théories les plus fécondes de la Physique
moderne, l'électromagnétisme de Maxwell et la théorie
statistique de la chaleur, aboutissent, au moment où
elles se rencontrent, à des résultats contraires à l'expé-
rience et presque absurdes.
La cause en est-elle le peu de rigueur des raisonnements?
ou bien faut-il décidément abandonner l'un ou l'autre des
principes d'où l'on est parti, et introduire de nouvelles
conceptions en Physique ? Il semble qu'on peut raisonner
de la manière suivante :
Dans un liquide réel, la décoordination du mouvement
ne continue pas indéfiniment, mais s'arrête au stade cor-
respondant au mouvement brownien. Ce fait d'expérience
ne peut s'expliquer que par la structure discontinue de la
matière (J. Perrin). De même, si l'énergie des molécules ne
tend pas à se communiquer tout entière à l'éther et à se
perdre en des régions de plus en plus lointaines du spectre
ultraviolet, c'est qu'il existe quelque part une discon-
tinuité qui arrête la dissémination de l'énergie. Faut-il
donc tenter une théorie moléculaire de l'étlier? ou bien
admettre que l'énergie rayonnante elle-même possède une
structure atomique, ou encore que les échanges d'énergie
entre l'éther et la matière ne peuvent se faire que par bonds,
par quantités finies? Ce sont ces deux dernières solutions
qui, jusqu'à présent; et depuis les recherches hardies de
Planck (1900), ont donné les meilleurs résultats.
Mais avant de discuter ces idées, nous allons examiner
de plus près le paradoxe qui vient d'être signalé. Nous
suivrons la voie indiquée par H. A. Lorentz (1) pour expo-
ser une théorie esquissée par Lord Rayleigh (2) et déve-
loppée surtout par Jeans (3).

2. Théorie de Jeans. — Principes généraux. — Consi:-


dérÓns une enceinte parallélépipède rectangle à l'intérieur
de laquelle se trouvent de l'éther et de la matière repré-
sentée par un certain nombre de molécules et d'électrons
libres ou liés.
Les parois sont supposées parfaitement réfléchissantes,
rigides et imperméables à la chaleur. Le système ainsi
formé est isolé; s'il part d'un état arbitraire, il tendra
vers un régime stationnaire d'entropie maximum. Afin de
définir correctement la probabilité, cherchons de quels
paramètres dépend son état, et comment s'écrivent les lois
qui règlent leur changement dans le temps. On verra que
ces lois peuvent se mettre sous la forme des équations
de Hamilton,les énergies s'exprimant en sommes de carrés.
Lorsque notre système aura atteint un régime stationnaire,
les divers états par lesquels il passera formeront un en-
semble microcanonique auquel on pourra appliquer le
théorème de l'équipartition de l'énergie.
Les équations qui déterminent l'état de notre système
sont les équations de l'électromagnétisme :

(1) Il. A. Rapports au Congrès des Mathématiciens,


LORENTZ,
Rome 1908 (Revue générale des Sciences, t. XX, 14 janvier 1909,
p. i4).
(2) Lord RAYLEIGH, Upon the law of complete radiation (Phil. Mag.
t. IL, 1900, p. 359).
(3) JEANS, Phil. Mag., t. X, 1905, p. 91.
et

h étant le champ électrique, Ko le pouvoir inducteur

spécifique du vide, H le champ magnétique, la perméa-


bilité du vide, p la densité électrique, —v la vitesse de
translation des charges électriques.
L'énergie électrique s'écrit

et l'énergie magnétique

Conditions aux limites : h est perpendiculaire et H tan-


gent aux parois (miroirs parfaits absolument conducteurs
de l'électricité).
Il existera de plus une énergie potentielle U et une
énergie cinétique T d'origine non électrique.
Maxwell a montré le premier que les équations de l'in-
duction dans les conducteurs peuvent se mettre sous la
forme des équations de Lagrange, à condition de consi-
dérer l'énergie magnétique comme cinétique et l'énergie
électrique comme potentielle (1).
Plus tard, Larmor (2) a trouvé un principe général qui
régit les phénomènes électromagnétiques et qui est ana-
logue au principe de Hamilton.

(1) MAXWELL, Electricité et Magnétisme, t. II, p. 282.


( ) J. LARMOR, Aether and Matter, Chap. VI. Ions, électrons et
corpuscules, p. 336.
On sait que le mouvement d'un système mécanique
entre deux configurations données aux instants tt et t2 est
déterminé par la condition

pour toute variation virtuelle compatible avec ces liaisons.


Le principe découvert par Larmor s'énonce de même :
L'évolution d'un système électromagnétique entre deux
configurations données aux instants ti et t2 est déterminée
par la condition

La relation (38) peut se déduire des équations de Max-


well. Réciproquement, si on l'admet a priori ainsi que
l'équation (33), on retrouve la loi de l'induction (32).
Elle comprend comme cas particulier le principe de
Hamilton, si l'on admet la théorie électromagnétique de
la Mécanique. Sinon, pour un système mécanique, soumis
à des actions électromagnétiques,il suffit d'écrire

On sait que les équations de Lagrange et celles de Ha-


milton sont une conséquence nécessaire du principe de
Hamilton et de la forme quadratique de l'énergie cinétique
en fonction des moments.
De même, quoique les lois de l'électromagnétisme se
présentent sous une forme inusitée, il semble dès l'abord
possible de les exprimer, grâce au principe de Larmor, sous
la forme d'une infinité d'équations de Hamilton (1), car

(1)On sait que les équations de l'hydrodynamique peuvent se


mettre sous la forme d'une infinité d'équations de Lagrange (voir
P. APPELL, Mécanique rationnelle, t. III, p. 34o).
les énergies sont des fonctions quadratiques des champs.
Pour démontrer ceci d'une façon rigoureuse, il va falloir
définir les paramètres indépendants dont la valeur déter-
mine l'état de notre enceinte parallélépipédique.
Ceux-ci sont de trois sortes :
1° Lespremiers définiront la position et l'orien-
tation des atomes non chargés d'électricité;
2° Les seconds q2 donneront la position des électrons
négatifs et des ions positifs. C'est par l'intermédiaire de
ces derniers que se feront les échanges d'énergie entre
l'éther et la matière;
3° En ce qui concerne l'éther, le champ électrique peut
être décomposé en deux parties : la première comprend
—.
le champ statique h2 qui existerait si les électrons se
trouvaient au repos dans les positions indiquées parles q2,
et qui est parfaitement déterminé par ces paramètres.
On a, en effet,

p étant la densité électrique; qui ne dépend que des q2.


La seconde partie comprend le champ de rayonnement
h2, dont la divergence est toujours nulle. Ce champ est lié
•—

aux accélérations qu'ont subies les électrons depuis


l'instant initial, et au rayonnement qu'on a laissé pénétrer
d ans l'enceinte. C'est pour l'exprimer qu'il faut introduire
la troisième espèce de paramètres q;¡.
Quant au champ magnétique, il n'y a pas lieu de lui
attribuer de variables indépendantes, car il est entière-
ment déterminé par les relations (33) et (35) et les condi-
tions aux limites, lorsqu'on connaît le mouvement des
électrons,ladistribution du champ électrique dans l'espace,
et sa variation en chaque point en fonction du temps. Les
paramètres dont dépend le champ magnétique de rayon-
nement sont, comme on le verra, les vitesses q3 ou les
moments correspondants.

3. Vibrations propres du parallélépipède. — Prenons


des axes de coordonnées x) y, z, parallèles aux trois
arêtes du parallélépipède dont les longueurs sont l1,l2,l3.
'On peut développer le champ h2 à un instant donné en
série de Fourier en fonction de x, y, z, et, comme il est
constamment normal aux parois, il faut écrire, en dési-
gnant ses composantes par hx, hy, hz,

n et p sont des nombres entiers positifs quelconques,


ai, a2, a3 des fonctions du temps reliées par l'identité de
Laplace

qui ne peut être vérifiée que si l'on a

quels que soient les trois nombres entiers m, n, p.


ai, a:2, a3 sont donc les composantes d'un vecteur situé
dans un plan P perpendiculaire à l'une des trois direc-
tions dont les cosinus directeurs sont

Ce vecteur est déterminé par deux paramètres : sa gran-


deur et sa direction dans le plan P, ou plutôt ses projec-

culaires entre eux. Soient a, ,


tions q3 et q3 sur deux axes pris dans ce plan et perpendi-

directeurs de ces deux axes. On a


y et ', ',y' les cosinus

avec les relations

Voici le sens physique des équations (4o) :

Soit un rayon lumineux AB que nous supposerons,pour


simplifier, parallèle à l'une des faces du parallélépipède.
On voit sur la figure (4) qu'il donne naissance aux rayons
réfléchis BC, puis CD qui est parallèle à AB, mais peut être
de sens contraire, et ainsi de suite. Si donc nous considé-

rons un train d'ondes planes, régulier et indéfini, perpen-


diculaire à l'une des faces du parallélépipède, il se propage
suivant quatre directions de l'espace. Lorsqu'il est oblique
sur les trois faces, il y a six directions de propagation, ou
plutôt trois directions parcourues dans les deux sens.
Chaque terme du développement (40) représente la
figure d'interférences, le système de plans nodaux corres-
pondant à l'un de ces trains d'onde.
On démontre aisément, surtout dans le problème à deux
dimensions (1), que les cosinus directeurs des six direc-

(1) Il suffit de voir ce qui se produit au voisinage de l'une des


faces du parallélépipède. La démonstration est longue, mais facile.
Plaçons-nous dans le cas du problème à 2 dimensions (fig. 4). Soient
À la longueur des
ondes incidentes et 0 l'angle que fait l'un des
rayons avec la trace Ox de l'une des faces du parallélépipède. On

'
démontre aisément que le champ h2 est nul sur tous les plans
parallèles à cette face, situés à une distance ~
2 sm6
les uns
des autres. Le champ est nul également sur des plans nodaux paral-
lèles à Oy, dont la distance mutuelle est~ .
Comme le parallélépipède doit contenir un nombre entier d'inter-
tions de propagation sont précisément données par les
relations (39) et que la longueur des ondes considérées est

On peut remarquer que la troisième équation (41)


n'exprime pas autre chose que la transversalité des vibra-
tions de l'éther sans faire intervenir d'autre équation que

De même que pour le champ électrique, on peut écrire


pour le champ magnétique de rayonnement tangent aux
parois

L'équation de Laplace div H2 = o donne, comme pour


le champ électrique,

De plus, b1, b2, b3 sont reliés aux composantes du

nœuds, on a

Dans le problème général à trois dimensions, on a trois systèmes


de plans nodaux, parallèles aux trois faces du parallélépipède. Les
formules (39) et (40) s'obtiennent par une généralisation évidente
de celles-ci.
champ électrique par l'équation (33) de Maxwell, qui
s'écrit

ou encore en identifiant terme à terme dans les séries de


Fourier

Ces trois équations (dont le déterminant est nul) et


-11

l'équation div. H2 =o donnent, par simple élimination,

et deux expressions analogues pour b2 et b3.


En résumé, l'état du champ de rayonnement à un ins-
tant donné est entièrement déterminé si l'on se donne les
valeurs des q3} q3, q'3 et q'3 qui sont relatives à tous les
groupes de 3 nombres entiers positifs m, n, p, c'est-à-
dire à tous les trains d'ondes réguliers capables de diviser
le parallélépipède en un nombre entier d'internoeuds,
Calculons maintenant les énergies We et Wm.

4. Valeurs de l'énergie. Expressions finales du champ


électrique. — I. Énergie électrique. — Le champ électrique

est déterminé par


1° Le premier terme n'est fonction que des q2 ;
2° D'autre part (1)

+ deux termes analogues relatifs aux composantes


suivant les axes des y et des z.
L'intégration est immédiate et l'on a

3° Calculons

ht dérive d'un potentiel V qui a une valeur V0 constante


aux parois.
On a donc, en appelant h2x, h2y, h2z les trois compo-
~—y
santes de h2

L'intégrale de surface et l'intégrale de volume sont


nulles toutes deux, car div. h2 = o dans tout l'espace et

(1) Les termes en t

des théorèmes classiques.


cos —;— cos ~ dx sont nuls d après
On peut donc écrire, dans l'expression (38 bis) du prin-
cipe de Larmor,

Uo ne dépendant que des q, et des q2.

II. Énergie magnétique. — Le champ magnétique s'écrit

~H,
est déterminé par les deux équations

~
qui montrent que est fonction linéaire et homogène
des q2 (1).
L'énergie magnétique

se compose donc de trois termes, dont le premier est une


forme quadratique des q2.
Le second terme, par un calcul analogue à celui de
l'énergie électrique de rayonnement et en tenant compte
de (4o bis) et (43), donne

(1) En effet, v est une vitesse fonction linéaire des 12 et l'on a

dh1
ne dépendant pas des q2.
)
Enfin, le troisième terme s'écrit (1)
Lijq2iq3j,
la SS étant étendue à toutes les valeurs possibles de i
et de j.
Lij ne dépend pas des vitesses q.
On a donc au total

To étant une forme quadratique des q1 et q2.


(T + WOT) est donc une fonction homogène et. du second
degré des vitesses (j.
Il résulte de ce théorème qu'en suivant la marche em-
ployée en mécanique ordinaire, on peut déduire du prin-
cipe de minimum (38 bis) les équations de Lagrange,
puis celles de Hamilton relatives aux divers paramètres
et en particulier aux q3. Nous renvoyons à ce sujet au
Mémoire de Lorentz.
Sans passer par l'intermédiaire des équations de
Lagrange, nous pouvons développer les q, et q'3, en fonc-
tion du temps en intégrales de Fourier

(1) Ce troisième termen'est plus nul, car le champ magnétique


ne dérive pas d'un potentiel uniforme et constant sur la paroi.
"Jy ', e, e', o, y' sont fonction de v seulement et non pas
de t.
Nous avons ainsi décomposé le rayonnement à l'intérieur
de l'enceinte en une infinité d'ondes stationnaires ayant
toutes les longueurs d'onde compatibles avec ses dimen-
sions et se propageant avec toutes les vitesses possibles.
Mais nous savons que les perturbations de l'éther se

longueur d'onde ~
propagent toutes avec la même vitesse c. Comme la
(1) est parfaitement déterminée
par les trois nombres m) n, p [équation (42)], tous les élé-
ments des intégrales ci-dessus sont nuls sauf un, et l'on a
finalement

On voit qu'à tout groupe de trois nombres entiers cor-


respondent une fréquence v et 2 degrés de liberté : les
vecteurs e et e' (2).

(1) M. Lorentz retrouve cette relation par les équations de La-


grange.
(2) Les phases tp et ne correspondent, pas à des degrés de liberté
e et déterminent l'élongation et !a vitesse (coordonnée et moment).
5. Application du théorème de l'équipartition de
l'énergie. Loi de Lord Rayleigh. — Considérons l'in-
tervalle de fréquences limité par les valeurs v et v + dv,
et cherchons d'après (48) à combien de groupes possibles
de trois nombres entiers, m, n, p, correspondent les fré-
quences comprises dans cet intervalle.
On a

Si l'on mène trois axes de coordonnées rectangulaires et


si l'on pose

Les points x, y, z seront situés aux sommets d'un réseau


parallélépipède rectangle dont les trois paramètres sont
1

II' l2
1
~
+\ 1

La condition
. ci-dessus signifie qu'à tous les sommets
(v + dv)
contenus entre 1es deux sphères
, de
i 2V
rayons — et 2

correspond une fréquence comprise entre v et v + dv.


Si v et dsont assez grands par rapport à
~ , c'est-
à-dire si les longueurs d'ondes considérées sont petites
vÍs-à-vis des dimensions du parallélépipède, le nombre
des sommets cherchés est simplement égal au volume
~
d'un octant compris entre les deux sphères :
divisé par le volume d'un des éléments du réseau
c'est-à-dire à
~ v2 dv,

Comme à chacun de ces sommets (m; n, p) correspondent


deux degrés de liberté, leur nombre est égal à
Imaginons dans l'éther des liaisons qui excluent toute
fréquence v > v0. Notre système ainsi limité aura un
nombre fini de degrés de liberté. Il passera par une série
d'états qui formeront un ensemble microcanonique
lorsque l'équilibre statistique sera établi; soit T la tempé-
rature de la matière à ce moment, le théorème de l'équi-
partition de l'énergie s'appliquera :
1° A l'énergie cinétique des molécules matérielles;
2° A l'énergie électrostatique de rayonnement [second
terme de (45)] qui se présente comme une somme de carrés.
On a donc pour chaque degré de liberté q une énergie
électrostatique moyenne

et pour les fréquences comprises entre v et v + dv une


énergie électrique totale

répartie dans le volume ll, l2, l3 du récipient. La densité


de l'énergie électrique est par conséquent

Et, comme l'énergie magnétique est égale à chaque


instant à l'énergie électrique, la densité de l'énergie
rayonnante est le double de la valeur précédente

ou encore

Nous pouvons maintenant faire tendre la fréquence


limite v0 vers l'infini. Les formules (5o) et (5o bis) restent
toujours valables. Mais, ainsi qu'on l'a remarqué, l'énergie
totale du rayonnement

devient infinie à moins que T ne tende vers zéro.


L'équilibre statistique ne s'établit donc qu'au moment
où les molécules, atomes et électrons, sont devenus abso-
lument immobiles.
L'énergie interne de la matière s'est transformée tout
entière en rayonnement de très courte longueur d'onde,
et a pris ainsi sa forme la plus dégradée. Dans l'éther, le
déplacement de l'énergie vers des longueurs d'onde de
plus en plus courtes continue indéfiniment, et les phéno-
mènes échappent bientôt à l'observation humaine.
Nous retrouvons donc d'une façon précise le paradoxe
que nous avions signalé tout à l'heure. La théorie est en
contradiction absolue avec l'expérience.
Il faut remarquer cependant que la loi de Lord Rayleigh
(5o) est conforme à la loi de Wien (25). La fonction F (XT)
est de la forme simple const. X ÀT, représentée par une
droite passant par l'origine.
6. Sur l'application de la théorie cinétique des métaux
à la théorie du rayonnement. — Les théories cinétiques
des gaz et des métaux sont fondées sur les principes géné-
raux de la mécanique statistique et n'apportent rien d'autre
qu'une image concrète. Il est donc évident que toute
théorie cinétique du rayonnement logiquement conduite
doit aboutir à la loi de Lord Rayleigh.
M. Lorentz a publié en igo3 un travail très remar-
quable (1) sur l'émission et l'absorption, par les métaux,

(1) LORENTZ, Amsterdam Proceedings, 1903, p. 666 ;


Ions, élec-
trons et corpuscules, t. 1, p. 5oo.
des rayons calorifiques de grandes longueurs d'onde.
Lorsque la fréquence des ondes électromagnétiques est
assez faible pour que le pouvoir réflecteur et absorbant des
métaux soit donné par leur conductibilité électrique
(c'est ce qui a lieu, en général, pour X >8µ) (1 ), les
calculs peuvent se faire complètement et sans hypothèse
arbitraire. On retrouve la loi de Lord Rayleigh. Comme les
hypothèses fondamentales de la théorie de Lorentz
ne s'écartent pas de celles de Drude qui sont en partie
vérifiées par l'expérience, on peut admettre comme pro-
bable que la formule (5o bis) est vraie pour les grandes
longueurs d'onde. Ceci est, comme on le verra, conforme
à l'expérience.
Sir J.-J. Thomson a publié, de 1907 à 19II, une série de
Mémoires sur l'émission et l'absorption des ondes de lon-
gueur quelconque par les métaux (2). En voici les résultats
essentiels :

1° Le pouvoir émissif du corps noir dépend de la loi


d'action mutuelle entre molécules et électrons en fonction
de la distance;
20 Lorsqu'on admet une répulsion en raison inverse du
cube de la distance, on trouve une formule de la forme

K, étant une fonction deBessel dont la valeur est donnée


par des tables, h une constante nouvelle égale à t m u., m

~.
étant la masse d'un électron et p- le coefficient de la loi de
répulsion

(1) HAGEN et RUBENS, Ann. der Phys., 1. XI, 1903, p. 873.


(2) J.-J. THOMSON, On the electrical origin of the radiation from
hot bodies (Phil. Mag., t. XIV, 1907, p. 217 et t. XX, lyio, p. 238).
Cette formule est à peu près conforme à l'expérience.
Malheureusement, il semble que les raisonnements de
Sir J.-J. Thomson manquent de rigueur. Il paraît étrange,
en effet, que la loi d'action qu'on adopte pour les chocs
entre électrons et molécules se retrouve dans l'expression
d'une fonction universelle. D'ailleurs, nous ne sommes
plus habitués depuis longtemps à donner une importance
prépondérante à des forces s'exerçant suivant une loi
donnée, en raison inverse du carré ou du cube de la dis-
tance. S'il est permis de mettre en doute la valeur de la
théorie de Sir J.-J. Thomson, c'est qu'il existe, je crois,
entre deux des hypothèses qui lui servent de base, une
contradiction interne fondamentale. En effet, pour évaluer
l'énergie émise et l'énergie absorbée, il suppose deux
mécanismes différents pour les chocs :
1° L'émission se fait pendant que les électrons subissent
des accélérations sous l'influence des molécules voisines,
c'est-à-dire pendant des chocs qui durent un temps fini;
2° L'absorption est due aux mêmes chocs. Les électrons
communiquent aux molécules l'énergie qu'ils ont empruntée
au champ électrique, pendant leur libre parcours. Mais,
pour calculer le pouvoir absorbant, Sir J.-J. Thomson
suppose la durée des chocs négligeable par rapport à la
période des vibrations électromagnétiques. Ceci n'est
possible que si les chocs sont instantanés.
La théorie de l'émission est donc tout à fait correcte,
mais il n'en est pas de même de celle de l'absorption.
Comme les chocs pendant lesquels se produit l'émission
et l'absorption sont de même nature, il est probable que la
loi d'action doit disparaître, lorsqu'on fait le rapport du
pouvoir émissif au pouvoir absorbant. D'ailleurs,la théorie
de l'absorption, du passage de l'énergie rayonnante pério-
dique à une forme non périodique, ou simplement du
changement de période du rayonnement, est encore très
imparfaite. Elle n'est même pas ébauchée dans la théorie
de Planck.
J.-H. Jeans, qui a repris la question de l'émission et de
l'absorption de la lumière par les électrons, est arrivé
finalement à la formule de Lord Rayleigh.
(A suivre.)

LA CHARGE ÉLÉMENTAIRE DE L'ÉLECTRON.


RECHERCHES SUR LA LOI DE STOKES;

PAR M. JULES ROUX.

L'étude des phénomènes électrolytiques montre que


les quantités d'électricité libre que peuvent prendre les
ions sont aussi invariables que les masses atomiques
des éléments chimiques. L'interprétation la plus simple
et la plus intuitive est d'admettre que l'électricité possède
une structure discontinue, une structure atomique, ce
qui revient à supposer l'existence de particules élémen-
taires des deux signes.
Nous ne pourrions pas expliquer les lois des propor-
tions définies et des proportions multiples sans la con-
ception atomistique de la matière ; de même sans la
conception atomistique de l'électricité, nous ne pourrions
pas comprendre l'existence d'ions, c'est-à-dire d'atomes
ou radicaux pouvant prendre des charges électriques
multiples d'une quantité déterminée d'électricité, appelée
électron d'après Helinholtz, qui le premier fit cette hypo-
thèse.
La détermination de la charge élémentaire d'électri-
cité, qu'on désigne par e, ou des quantités qui s'y rat-
tachent directement, a été tentée par beaucoup de
savants, à l'aide de méthodes très différentes les unes
des autres. Non seulement elle permet de vérifier l'hypo-
thèse d'Helmholtz et toutes les conséquences qui en
furent tirées, mais, grâce à certaines relations, elle permet
d'arriver aux diverses grandeurs moléculaires ; elle apporte
une contribution à la théorie cinétique des gaz et à la
réalité objective des molécules.
D'ailleurs la liste des travaux se rattachant à cette
détermination montre qu'elle est d'un puissant intérêt.

INTRODUCTION.

1.Appelons, suivant l'usage, nombre d'Avogadro, le


nombre N de molécules contenues dans une molécule-
gramme d'un corps, et Faraday la quantité F d'électricité
(96.550 coulombs) que laisse passer, en se décomposant,
une molécule-gramme d'acide chlorhydrique, par exemple.
Puisque, à l'état d'ions, l'atome-gramme d'hydrogène
(N atomes d'hydrogène) transporte un faraday, on a la
relation
Ne= F.
Désignons par la constante d'énergie moléculaire;
la théorie cinétique montre que

R étant la constante des gaz parfaits (83,2. 106 unités


C.G.S).
La détermination de l'une quelconque des constantes e
N, ou permettra de calculer les deux autres.
Connaissant ainsi N, on en déduira facilement la masse
d'une molécule ou d'un atome quelconque. A l'aide de
l'équation de Clausius-Maxwell

(où L est le libre parcours moyen du gaz considéré, n le


nombre de molécules par centimètre cube, nombre calculé
d'après N), on aura D diamètre de la molécule du gaz,
si l'on connaît L.
On aura un ordre de grandeur de N si, connaissant
le diamètre d'une molécule, on admet qu'à l'état liquide
ces molécules sont empilées à la façon d'une pile de
boulets. On peut de diverses façons arriver à calculer le
diamètre d'une molécule.

2. Thomas Young (1), en i8o5, est le premier qui ait


cherché à faire le calcul. Il trouva, comme expression
du diamètre d de la sphère d'action des forces molécu-
laires, la valeur 3;
(K et H étant les deux constantes
de la théorie de Laplace sur la capillarité, K le terme
indépendant de la courbure, H le terme proportionnel à
la courbure dans la tension capillaire). Young calcule H
d'après l'ascension de l'eau dans les tubes capillaires et il
estime, sans en donner la raison, K à 23.000atm. Il trouve,
l'eau, d anglais (environ cm).
pour pouce

On peut calculer K par la chaleur de vaporisation
(comme l'a fait Dupré), par la constante a de la formule
de Van der Waals ; on peut prendre K approximative-
ment égal au coefficient de rupture des matières solides
(Boltzmann).
Par un autre procédé, Young arriva au diamètre de la

(1) Phil. Trans., Londres, i8o5, p. 95.


molécule : au moyen de l'hypothèse que les molécules
se touchent dans l'état liquide, et que la condensation
de la vapeur commence dès que la distance des centres
de deux molécules voisines est égale à leur distance
d'action (conception qui ne répond plus à nos idées
actuelles), Young a trouvé d == 2,5.10-10 cm, nombre
trop petit, mais qui ne diffère pas énormément de l'ordre
de grandeur adopté aujourd'hui.
Reinold et Rucker (1), dans leurs recherches sur la
lame noire des bulles de savon, trouvèrent comme dia-
mètre des molécules 6.10-7 cm, valeur certainement par
excès; Drude (2), parla même méthode obtint 17.10-1 cm;
Johonnot (3), par le même procédé, a pu obtenir des lames
de l'ordre de 6,2.10-7 cm.
Faraday a préparé des lames d'or dont l'épaisseur était
inférieure à 0,5.10-7 cm.
Röntgen (4) et, indépendamment de lui, Lord Ray-
leigh (5) produisirent, à la surface de l'eau, des pelli-
cules d'huile dont l'épaisseur variait de 10,6.10-8 à
5,6.10-10 cm. Tout récemment, Devaux put obtenir des
pellicules d'huile de 1,13.10-8 cm. Toutes ces valeurs
sont des limites supérieures du diamètre des molécules.

3. La première détermination plus exacte des dimensions


moléculaires fut faite par F. Loschmidt (6 ), en s'appuyant
sur la théorie cinétique des gaz. On sait, d'après Clausius-
Maxwell, que, si L désigne le libre parcours moyen d'une

(1) REINOLD et RUCKER, Phil. Trans., London, t. CLXXIV, 1883,


p. 645; Proc. Roy. Soc. London, t. XL, 1886, p. 441 -
(2) Ann. Phys. und Chemie, t. XLIII, 1891, p. 158.
(3) JOHONNOT, Phil. Mag., t. V, 1899, p. 501.
(4) Ann. Phys. und Chemie, t. XLI, 1890, p. 321.
(5) Proc. Roy. Soc. Lond., t. XLVII, 1899, p. 364; Papers, t. Ill,
Cambridge, 1903, p. 347.
(6) Sitzungsberichte Akad. Wien, t. LII, II, i865, p. 395.
molécule de diamètre D, n le nombre de molécules par
centimètre cube, on a la relation

les molécules étant supposées sphériques, ce qui est vrai-


semblablement le cas pour les gaz monoatomiques comme
l'argon.
L peut se calculer à l'aide du frottement intérieur, du
coefficient de diffusion ou du coefficient de conductibilité
thermique, comme l'ont montré les travaux de Maxwell,
Clausius, Stefan, etc.
Loschmidt obtint une deuxième relation entre n et D
en tirant des recherches de Kopp sur le volume molécu-
laire des liquides en ébullition, une conséquence au sujet

de volume. Comme le volume est


6
~,
du volume réel occupé par les molécules dans l'unité
on a ainsi
deux relations entre n et D. Loschmidt en tire D == i 0-7 cm
et n= 1021pour l'azote liquide (ce qui donne N = 200. 1022).
W. Thomson (1) se sert de l'argon (gaz monoatomique
dont les molécules sont probablement sphériques), et
il admet que le volume de l'argon liquide est égal au
volume D3n que les molécules occuperaient si leurs
centres étaient aux sommets de cubes, dont les côtés
seraient qD (q étant un nombre peu différent de l'unité).
Thomson calcule le libre parcours moyen de l'argon
~ en utilisant la relation qui lie L au
coefficient de diffusion. Il trouve, pour l'argon liquide,

n = 8,9. io'9
(ce qui donne N = 20.1022).
(1) W. THOMSON, Lond. Phil. Mag., 6e série, t. IV, 1902, p. 197.
Si l'on suppose un arrangement différent des molécules,
on a un nombre différent. En admettant, par exemple, que
les molécules d'argon sont empilées à la façon d'une pile
de boulets, on obtient
N = 28. 1022.
Van der Waals (1) obtient une deuxième relation entre
n et D en remarquant que le terme b de la formule

représente, d'après Maxwell, le quart du volume vrai d'une


molécule-gramme

On peut déterminer b de différentes façons : par


exemple, en mesurant l'écart que présente le gaz avec la
loi des gaz parfaits, ou bien en appliquant la relation

où 0 et 90 sont la pression et la température critique.


Le calcul donna à Van der Waals pour l'air

ce qui entraîne
N = 60. 022.
Tout récemment, Ghose (2) appliqua la formule de
Van der Waals à l'hélium, en se servant des mesures
fait es par Kammerlingh-Onnes (qui trouve pour b la
valeur 7 10-4). Au lieu de la relation de Maxwell b = 4 u,

(1) VAN DER WAALP, De continuiteit van den vloeibaren en gasför-


migen teestand, Leyde, 1873.
(2) Nature, t. LXXX, 1909,
p. 39.
il emploie la relation établie expérimentalement par
Holborn

ce qui lui donne pour diamètre de la molécule d'hélium


la valeur
o,5. 10-8,
par &uite
N = 62. io22.
Franz Exner (1) utilisa, comme deuxième relation, 'a
formule de Clausius-Mosotti sur la constante diélectrique

En réalité, cette formule devrait s'écrire

car le volume vrai des n molécules est supérieur au volume


des n sphères conductrices qu'on pourrait substituer aux
molécules sans changer la constante diélectrique K du
milieu. On peut mesurer K expérimentalement ; on peut
aussi le calculer à partir de mesures d'optique, en remar-
quant qu'il est sensiblement égal au carré de l'indice
de réfraction, d'après Maxwell. La valeur calculée pour N
est 200. 1022.
Kolilrausch (2) déduit une deuxième relation en s'aidant
de considérations sur la force électromotrice que donnent
de très minces couches de gaz sur les métaux. Berns-
tein (3), par des recherches d'électrocapillarité, Gerts-
mann (i), par comparaison entre la chaleur de dissolu-

(1) Sitz. Akad. Wien, t. XCI, II, i885, p. 85o.


(2) Nach. Ges., Göttingen, 1872, p. 453.
(3) Annalen der Phys., t. XIV, 1904, p. 172.
(4) Verh. der deutsch. phys. Ges., t. I, 1899, p. 194.
tion de la poudre de sucre et du sucre massif, tirèrent
également des valeurs grossièrement approchées du dia-
mètre des molécules (Kohlrausch trouve 0,5.10-7,
Bernstein 1,58.10-7).

4. Lord Rayleigh (1) montra que la coloration bleue du


ciel pouvait s'expliquer par un phénomène de diffraction
produit par les molécules de l'air sur la lumière solaire.
Soumettant la question au calcul, en s'aidant de la
théorie élastique de la lumière, il trouva une formule où
entrent la constante d'Avogadro et des grandeurs mesu-
rables. Il retrouva ensuite la même formule en partant
de la théorie électromagnétique de la lumière telle que
l'a formulée Maxwell. Langevin (2) montra que l'intro-
duction des électrons dans la théorie électromagnétique
permet de simplifier beaucoup l'analyse de Rayleigh
sans en changer les résultats. Des recherches faites par
Sella au mont Rose donnèrent, pour N, go.1022.
Bauer et Moulin (3), au mont Blanc, trouvèrent N
compris entre 3o et 70.1022.
Je ne crois pas que les recherches basées sur cette
remarquable théorie puissent donner une valeur appro-
chée pour N, par suite pour e, à cause de l'incertitude trop
grande sur la connaissance du pouvoir réflecteur du sol.

5. Jean Perrin (4), dans son travail sur le mouvement


brownien, a donné une méthode susceptible de grande pré-
cision permettant de calculer la valeur de N, par suite de e.

(I) Lond., Edinb., Dublin, Phil. Mag., 4e serie, t. XLI, 1871, p. 107
et p. 274; Papers Cambridge, t. I, p. 87.
(2) LANGEVIN, Cours (non publié) professé au Collège de France

en 1907-1908.
(3) BAUER et MOULIN, Le Radium, 1910, p. 372.
(4) PERRIN, Ann. de Chim. et de Phys., 8e série, t. XVIII, 1909;
Comptes rendus, 1908-1910, etc.
Disons de suite que pour N il trouve la valeur 68,5. io22,
ce qui donne pour e : 4,2.10-1 °. Cherchant si le mouve-
ment brownien peut s'expliquer par la théorie ciné-
tique, il fut amené à appliquer le théorème de l'équi-
partition de l'énergie (dû aux travaux de Maxwell, Gibbs,
Boltzmann, Langevin) aux granules perceptibles au
microscope. Il calcula, à partir de grandeurs accessibles
aux mesures, l'énergie moyenne de translation des gra-
nules d'une émulsion, montra qu'elle était indépendante
de la grosseur des grains et de leur nature. Ayant l'énergie
moyenne, il en déduisit la constante d'énergie molécu-
laire a, par suite N, comme nous l'avons vu plus haut.
Pour arriver à la constante d'énergie moléculaire,
Perrin mesura ou bien la répartition en hauteur des grains
d'une émulsion uniforme, ou bien le déplacement moyen
en un temps donné.
Les résultats furent confirmés par la mesure de la rota-
tion des grains, en appliquant une formule déduite par
Einstein, de la théorie cinétique.
La méthode de Perrin est, comme nous l'avons dit,
susceptible d'une grande précision : il suffit de faire
porter les calculs sur un nombre suffisamment grand de
granules.
Einstein (1) a indiqué une formule permettant de cal-
culer la viscosité K' d'une émulsion, si l'on connaît la
viscosité K du liquide intergranulaire et le volume cp des
granules. Il applique lui-même cette formule aux molécules
de sucre, d'après la différence entre les viscosités de l'eau
pure et de la solution. Il trouve, pour N, la valeur 4o. io22.
Bancelin (2), se servant d'émulsions de gomme gutte
dans l'eau, trouva, par le même procédé, c'est-à-dire par
des mesures de viscosité, 75.1022.

(1) Annalen der Physik, t. XIX, 1906, p. 289.


(2; Comptes rendus, t. CLII, 1911, p. 1382.
Einstein, toujours par application de la théorie ciné-
tique des gaz, a trouvé pour expression du coefficient
de diffusion de granules sphériques

Léon Brillouin, tout récemment, chercha le coefficient de


diffusion de la gomme gutte dans la glycérine. Il trouva
N = 69. 1022 (d'où e = 4,20.1 0-10).
Nous verrons plus loin que l'étude du mouvement
brownien a permis à Perrin d'établir que la loi de Stokes
était applicable à des granules microscopiques.
Pellat avait supposé, pour arriver aux grandeurs molé-
-
culaires, que la loi de Stokes pouvait s'étendre aux ions :
cette extension hardie de la loi de Stokes n'est peut-être
pas légitime. En tout cas, voici le raisonnement de
Pellat : Soit u la vitesse moyenne du transport électrique
d'un ion monovalent de rayon a, de charge e dans un
champ électrique H. On a
6 au = H e.

En multipliant les deux membres de cette égalité


par N, et remarquant que N e est justement égal à un
faraday, on a

D'autre part, on peut calculer le volume de l'ion, ou


tout au moins en avoir un ordre de grandeur, à partir du
volume $ de l'atome-gramme à l'état solide

Ces deux relations entre a et N permettent de cal-


culer ces valeurs. On trouve que
N est compris entre 63. 1022 et 108. 1022.
La valeur ainsi obtenue pour N est bien de l'ordre
de grandeur cherché.

6. Une méthode tout à fait différente a conduit Lorentz


et Planck aux dimensions moléculaires. Lorentz
étudiant le rayonnement d'un corps noir, explique ce
rayonnement par le mouvement des corpuscules, mou-
vement étudié par Drude et J.-J. Thomson dans leur
théorie cinétique des métaux; Lorentz calcule quelle
relation existe entre l'énergie de radiation correspondant
aux longueurs d'onde comprises entre À et X + et d,
l'énergie corpusculaire .
Appliquant à sa théorie les résultats expérimentaux
obtenus par Lummer et Pringsheim, il en tire pour N
la valeur 77. io22.
M. Planck (2), par une théorie électromagnétique du
rayonnement, était arrivé à la même formule que Lorentz.
On. trouve par cette théorie, en tenant compte des me-
sures les plus récentes, N = 64. 1022 (à ± 4 pour 100 près).
7. Méthodes électriques. — Une belle méthode de déter-
mination de la charge de l'électron a été employée par
Regener, puis par Rutherford. Crookes (3), puis Elster
et Geitel (4) avaient admis qu'on peut compter le nombre
des particules a émises par une substance radioactive, en
comptant les scintillations produites sur un écran phos-
phorescent. Regener (5), admettant que chaque scintilla-
tion correspond à un projectile a, tire de là, le premier,
une valeur approchée de e. Il mesura, utilisant certains
résultats de Rutherford, la charge transportée par un

(1) Ions, Electrons, Corpuscules, t. I, Paris, 1905, p. 509.


(2) Annalen der Phys., t. IV, 1901, p. 564.
(3) CROOKES, Proc. Roy. Soc., t. LXXXI, 1903, p. 4o5.
(4) ELSTER et GEITEL, Phys. Zeits., t. V, 1903, p. 437-
(5) REGENER, Verh. der deutsch. phys. Gesells., t. X, 1908, p. 78.
nombre connu de projectiles : le quotient de cette charge
par le nombre des particules donne e.
Très peu de temps après, Rutherford (1) montra que
l'hypothèse de Regener était justifiée, en dénombrant
d'une autre manière le nombre de particules a émises
dans le même temps par la même quantité de radium :
il compta ces particules d'une part par le nombre de
scintillations, d'autre part par le nombre des déviations
balistiques d'un électromètre qui reçoit ces particules,
et il trouva, par les deux procédés, des nombres concor-
dants à moins de 2 pour 100 près. En collaboration avec
Geiger, il reprit avec plus de précision les mesures de
Regener. Mesurant la charge totale rayonnée par un
atome-gramme de radium C et le nombre de projectiles a
émis pendant une seconde par la même quantité de
radium, une simple division donne la charge portée
par une particule a. Ils trouvèrent ainsi des nombres
variant de 8,3 à 10.10-10 U.E.S (chaque particule a
est un ion bivalent).
Rutherford calcula, d'une autre manière, la charge
totale rayonnée par un atome-gramme de radium, à
partir des données de Boltwood (2) sur la durée de vie
du radium, en admettant que chaque atome de radium
qui se détruit donne naissance à un projectile a. Il (3)
trouve ainsi pour e la valeur 4,1 . io-10.
Un troisième procédé permet d'avoir la charge totale;
il suffit de mesurer le débit d'hélium résultant de la trans-
mutation d'une quantité connue de radium ; chaque atome
d'hélium correspond à un projectile a. Ce débit, très
soigneusement mesuré par Dewar (1), puis par Boltwood

(1) RUTHERFORD, Proc. Roy. Soc., t. LXXXI, 1908, p. 174; Le


Radium, t. V, 1908, p. 257-
(2) BOLTWOOD, Proc. of Manch. philos. Soc., t. LIV, 1909.
(3) RUTHERFORD.
(4) DEWAR, Proc. Roy. Soc., t. LXXXI, 1908, p. 280.
N
Rutherford, conduit à la valeur e = 4,7.10-10, d'où
= 62.
Une mesure plus récente de Mme Curie et Debierne
sur l'hélium engendré par l'actinium (dénombrement
électrométrique par enregistrement photographique)
donne (chiffre provisoire) e = 4,4.10-10.

8. Mesures directes de la charge de l'électron. — C.-T.-R.


Wils on (1) établi que, dans un gaz humide, soigneuse-
a
ment débarrassé de poussières et brusquement sursaturé
par refroidissement, les gouttelettes d'eau se forment
autour des ions produits dans le gaz. Voici comment
J.-J. Thomson (2) se servit de ce résultat pour arriver
à la charge élémentaire ; il maintient un gaz dans un état
d'ionisation constante (il utilisa d'abord les rayons
Rontgen, puis le radium).
Il détermine la charge E, sous forme d'ions, dans le gaz
en mesurant le courant qui passe à travers le gaz; s'il y
a n ions et si la charge est uniforme,
E = ne',
e' étant la quantité cherchée.
On détend adiabatiquement et brusquement le gaz,
et l'on mesure la vitesse de chute du brouillard formé
par la détente, sous l'action de la pesanteur, ce qui permet,
grâce à la loi de Stokes, d'avoir le rayon, par suite le
volume ç de chaque gouttelette. L'application des lois
de la Thermodynamique donne la masse m d'eau con-
densée par la détente, par suite le nombre n = nt d'ions
préexistant dans le gaz, par suite e'.

(1) London Phil. Mag., 5e série, t. XLVI, 1904, p. 681.


(2) Phil. Mag., 5e série, t. XLVI, 1898, p. 528, et 5e série, t. XLYIII,
1899, p. 547.
J.-J. Thomson trouva d'abord 6,5.10-10 puis 3,4.10-10
(dernière valeur plus probable d'après Thomson).
Cette méthode comporte plusieurs causes d'erreur :
on suppose, en effet, que chaque ion a servi de germe à
une gouttelette, que chaque ion ne contient qu'un électron,
que toute l'eau s'est condensée, que la loi de Stokes est
applicable dans ce cas.
H.-A. Wilson (1) perfectionna beaucoup ce procédé
en déterminant le rapport des vitesses du brouillard
sous l'action de la pesanteur seule et sous l'action com-
binée de la pesanteur et d'un champ électrique.
Wilson produit les gouttelettes par détente adiabatique.
Soient a le rayon, vK la vitesse sous l'action de la pesanteur,
Ç2 la vitesse sous l'action
combinée du champ terrestre
et du champ électrique H. On a la relation

a étant toujours donné, comme dans les mesures de


J.-J. Thomson, par application de la loi de Stokes.
H.-A. Wilson trouva que, sous l'action du champ, le
brouillard se divisait en deux ou trois nuages, correspon-
dant exactement à des charges électriques dans les rap-
ports de i à 2 et i à 3, pour chaque expérience.
Les valeurs trouvées pour e variaient d'ailleurs d'une
expérience à l'autre. La valeur moyenne (à 3o pour ioo
près) donnée par Wilson est 3,1.10-10.
Les résultats donnés par Wilson sont assez peu précis ;
il n'a pas tenu compte de l'évaporation des gouttelettes
pendant leur chute ; il applique la loi de Stokes à des
gouttelettes petites et à un brouillard, ce qui constitue

(1) Phil. Mag., 6e série, t. V, 1903, p. 429.


deux causes d'erreur, comme nous le verrons plus loin.
De plus, l'air du condensateur n'est peut-être pas.à une.
température constante ; par suite, la viscosité doit varier,
donc le rayon calculé n'est peut-être pas exact. Enfin
il est très difficile d'observer la vitesse d'un brouillard.
Des premières expériences faites par Millikan et Be-
geman (1) selon le même dispositif, paraissent comporter
une précision plus grande : ils ont trouvé

e = 4,o5. io-10.
Begeman (2) a repris ensuite seul les mesures ; le dis-
positif expérimental est le même dans les grandes lignes;
certains perfectionnements ont été apportés en ce qui
concerne : l'uniformité de température de la chambre de
condensation, l'observation de la durée de chute du
brouillard et de l'évaporation des gouttelettes pendant
leur chute. Il trouva ainsi

e = 4,668. 10-10 U. E. S (3).

Ses expériences présentent en outre l'intérêt de mettre


en évidence la polyatomicité de l'électricité; ses nuages
se divisaient, en effet, en trois parties distinctes, dont les
charges respectives étaient, pour les différentes gout-
telettes, e, 2 e, 3 e.
D'après ce que nous verrons plus loin, cette valeur de e
(4,668.io-10) doit être abaissée; Begeman ne tient pas
compte de la correction 'qu'on doit apporter à la loi
de Stokes quand la goutte considérée a un diamètre

(1) MILLIKAN et BEGEMAN, Phys. Review, 1908.


(2) BEGEMAN, Phys. Review, I. XXXI. 1910, p. 41.
(3)En fait, la valeur de e déduite (après corrections faites, comme
nous le verrons) des expériences de Begeman doit être regardée
comme comprise entre 4,25 et 4,5.
de l'ordre de grandeur du libre parcours moyen du
milieu.

9. Ehrenhaft (1) et de Broglie (2), presque simultané-


ment, ont modifié d'une façon particulièrement heureuse
la méthode de H.-A. Wilson, en observant non plus un
nuage, un brouillard, mais des particules séparées sur
lesquelles ils faisaient des moyennes. Dans les expériences
de de Broglie, par exemple, on met de la fumée de tabac
dans une cuve, et l'on observe, à l'aide d'un microscope,
les grains fortement éclairés par un faisceau convergent.
L'application de la loi de Stokes permet d'avoir le diamètre
moyen des grains. En mesurant la vitesse moyenne de
déplacement horizontal de ces grains sous l'action d'un
champ électrique à lignes de force horizontales, on a une
seconde équation qui permet de calculer e.
Les particules de de Broglie et de Ehrenhaft sont très
petites et sont, par conséquent, animées d'un mouvement
brownien très rapide qui gêne pour l'observation. De
plus, il y a une incertitude sur la densité des particules.
Ehrenhaft, dans un premier Mémoire, donne 4,5.10-10,
de Broglie (3) 10-10 et Przibram (1) trouve le même
nombre en opérant par la même méthode sur la fumée
de phosphore dont il prend d'ailleurs la densité égale
à i, on ne sait pourquoi.

(1) EHRENHAFT, Phys. Zeit., t. X, 1908-1909, p. 3o8.


(2) DE BROGLIE, Comptes rendus, t. CXLVIII, 1909, p. 1163-1315 ;
Le Radium, t. VI, 1909, p. 2o3.
(3) DE BROGLIE, en réalité, n'a pas déterminé e. Il a mesuré—»

le coefficient de diffusion la formule eta


~(de

vérifié que le produit N e a la même valeur que le faraday. Pour


avoir e, il suppose N connu.
(4) PRZIBRAM, Phys. Zeit.
10. Millikan (1) a beaucoup amélioré le dispositif de
ces auteurs, par les perfectionnements suivants :
1°Substitution d'une substance non volatile (huile,
mercure) aux liquides (eau, alcool) employés jusqu'alors
(élimination de la cause d'erreur due à l'évaporation) ;
2° Manière nouvelle d'introduire des gouttes chargées
dans le condensateur, manière qui permet de n'avoir
dans le champ qu'une seule goutte de densité bien
connue ;
3° Condensateur construit de façon à bien connaître
les constantes du milieu dans lequel on observe la goutte;
4° Emploi d'une source ionisante permettant de faire
varier la charge de la goutte ;
5° Mesure précise de la vitesse de la goutte.
Voici comment opérait Millikan : une goutte prove-
nant de la pulvérisation d'un liquide (elle est générale-
ment chargée) est introduite, par un trou très fin, dans
un condensateur à plateaux horizontaux. On observe
sa chute et l'on mesure sa vitesse à l'aide d'une lunette
à court foyer, munie d'un oculaire micrométrique. Pen-
dant la chute libre, on superpose au champ terrestre
un champ électrique d'intensité et de sens tels que la
goutte remonte dans le condensateur : on mesure la
vitesse de la goutte; on supprime le champ électrique :
la goutte tombe, on le rétablit, la goutte remonte et ainsi
de suite.
Tout en maintenant, grâce au champ électrique, la
goutte dans le condensateur, on ionise l'air du conden-
sateur, soit par des rayons Rontgen, soit par une substance
radioactive. La charge de la gouttelette augmente ou
diminue, ce dont on s'aperçoit à la variation de la vitesse

(1) MILLIKAN,Phys. Rev.,décembre 1909; Phil. Mag.t t. XIX-


p. 209, février 1910. — Pour plus de détails, voir le Mémoire d'en,
semble publié dans Phys. Rev., t. XXXII, n° 4, avril 1911.
prise par la goutte, sous l'action du champ électrique.
Un calcul très simple donne la charge El, avant ionisation,
la charge E2 après. Le plus grand commun diviseur aux
nombres E, et E2 donne la valeur de l'électron. Millikan
trouve ainsi
e = 4,891. 10-10 U. E. S.

précision [Millikan donne le ~


On conçoit combien cette méthode peut comporter de
comme erreur possible,
précision que nous discuterons (')]. De plus, elle permet
de montrer (Millikan ne l'a peut-être pas assez fait res-
sortir, et cependant cela découle tout naturellement de
ses belles recherches) combien est tangible la structure
discontinue de l'électricité; en effet, la différence Et — E,
est toujours très petite, et la valeur trouvée pour e (comme
diviseur commun à E, et E2) est contenue une, deux ou
trois fois dans Et — E2. Il en résulte que la charge gagnée
par ionisation est de un, deux ou trois électrons.
Nous verrons tout à l'heure quelques critiques à
apporter aux mesures de Millikan.
En même temps que Millikan, Ehrenhaft (2) a appliqué
la même méthode ; mais au lieu d'opérer sur des gouttes
liquides, il a employé des particules colloïdales d'or et
d'argent, obtenues par pulvérisation d'un arc électrique
jaillissant entre électrodes de ces métaux. Les résultats
obtenus sont curieux : les valeurs calculées pour e X io-10
unités C.G. S. électrostatiques varient entre r,5 et 10 et ne
paraissent pas avoir de partie aliquote. Il semblerait, d'après
ces expériences, que la valeur généralement adoptée
pour e ne serait pas la plus petite quantité d'électricité.

(1 ) Pendant l'impression de ce Mémoire, Millikan vient de donner


une seconde détermination (e=4,777) [Phys. Zeit., t. XIII,
Ier déc. 1912, p. 1162] qui diffère de 2 pour 100 de la précédente
et dont il estime la précision à
(2) Phys. Zcit., t. X, 1909,
~.
p. 3o8; t. XII, 1911, p. 98.
Mais parmi les causes qui faussent les résultats de
Ehrenhaft, deux surtout sont importantes : la non sphé-
ricité des grains et l'ignorance de leur densité. Ehrenhaft
dit, en effet, dans son Mémoire, que les grains observés ont
un mouvement brownien faible ; or, si les grains étaient
sphériques et que leur rayon soit celui observé par
Ehrenhaft, obtenu par application de la loi de Stokes,
le mouvement brownien serait considérable, et il serait
pour ainsi dire impossible de mesurer la vitesse de chute
de ces grains. Comme l'a fait remarquer J. Perrin, les
grains d'Ehrenhaft ont probablement une constitution
spongieuse. De plus, ils ne sont pas constitués par de l'or
ou de l'argent pur : on sait, en effet, que dans un arc entre
électrodes de ces métaux, il se forme des oxydes d'azote
et de l'ozone ; il est vraisemblable que, à la température
de l'arc, le métal et ces gaz réagissent ensemble et donnent
une combinaison qui constitue les particules observées,
eombinaison dont on ne connaît évidemment pas la den-
sité. Et voici l'influence de cette densité : si au lieu de
prendre pour les particules d'argent colloïdal d = 8
=
on prend d i, le calcul donne le nombre 8.10-10 au
lieu du nombre i,4.io-10 trouvé par Ehrenhaft.
Il y a d'autres causes d'erreur, mais les deux précédentes
suffisent pour faire rejeter ces résultats d'Ehrenhaft.

11. Réunissons en un Tableau les valeurs de eX io'°


obtenues par les méthodes qui paraissent comporter
la plus grande précision :
Charge totale rayonnée ..
i 4,68
Émission Constante de temps du Ra.
1 4,12
de projectiles(X
Hélium produit par Ra...
I 4,08
' Hélium produit
par Ac... 4,4
Rayonnement noir 4,5 ± 4 pour too
Mouvement brownien (J. Perrin 4,25 ::t:3pour100
Mesure directe de la charge (Millikan)..... 4,891 ± 251oo
On voit par ce Tableau que les valeurs de e diffèrent
de 20 pour 100.
Prenons, par exemple, les chiffres de Jean Perrin et
de Millikan.
Le nombre 4,25 de Jean Perrin est donné avec une
approximation de 3 pour ioo. Millikan donne le nombre
4,891 avec une approximation qu'il dit être égale à
D'où peut provenir une telle divergence entre deux
~.
résultats qui paraissent comporter une grande pré-
cision ?

12. En étudiant soigneusement les deux méthodes em-


ployées et cherchant quelles causes d'erreur elles com-
portent, j'ai été amené sur le conseil de Jean Perrin à
refaire les expériences de Millikan, en y apportant
quelques modifications.
J'avais d'abord pensé que Millikan n'avait peut-être
pas le droit d'appliquer la loi de Stokes, établie dans
le cas des sphères solides, à des gouttes liquides.
En fait la correction à apporter de ce chef paraît
négligeable. Incidemment, il m'a paru intéressant d'étu-
dier comment doit être corrigée la loi de Stokes dans le
cas de sphères liquides tombant dans un liquide.
Puis j'ai essayé de déterminer expérimentalement
comment on doit tenir compte du rayon de la gouttelette et
corriger la loi de Stokes, lorsque ce rayon est de l'ordre
de grandeur du libre parcours moyen des molécules du
fluide (et c'est cela qui s'est trouvé important). Enfin,
j'ai repris les expériences de Millikan, en employant des
sphérules solides, à la place des gouttelettes liquides.
Ce travail se compose donc de deux parties :

Recherches expérimentales sur la loi de Stokes.


Détermination de la charge de l'électron.
I.

RECHERCHES SUR LA LOI DE STOKES.

13. Dans une série de Mémoires très intéressants,


Sir G. Stokes a étudié l'effet de la viscosité des fluides
sur le mouvement des pendules (1).
Incidemment, il a appliqué la théorie du frottement
interne à des problèmes d'un grand intérêt, mais qui ne
se rapportent au pendule qu'indirectement. L'un de ces
problèmes est relatif au mouvement uniforme que prend
une sphère tombant dans un fluide indéfini, lorsqu'on
peut négliger le carré de la vitesse devant la vitesse.
Stokes a trouvé que la résistance au mouvement de cette
sphère est proportionnelle, pour un fluide et une vitesse
donnée, non à la surface, mais au rayon de la sphère.
X étant la résistance au mouvement, V la vitesse de
la sphère, µ le coefficient de frottement interne du milieu,
A la densité de la sphère, o celle du milieu, a le rayon
de la sphère, Stokes a trouvé la relation
X = 6µa V a.
Le produit µ
est ce qu'on appelle la viscosité du fluide,
que nous désignerons par 71.
En sorte qu'une sphère tombant sous l'action de la
pesanteur dans un fluide indéfini aura une vitesse uni-
forme donnée par la relation

Dans son Mémoire, Stokes suppose que la sphère est


solide et qu'elle a des dimensions finies.

(1) STOKES, Math, and Phys. Papers, Cambridge, t. Ill, p. 55.


Stokes a vérifié lui-même l'exactitude de cette loi en
l'appliquant aux résultats expérimentaux de Coulomb,
Bessel et Baily. De nombreuses vérifications expérimen-
tales de cette loi furent faites depuis par Allen (1),
Arnold (2), etc.
Les mesures de Jean Perrin (3) ont montré que dans les
liquides la loi de Stokes s'appliquait rigoureusement aux
sphères microscopiques, même animées de mouvement
brownien intense, bien que le mouvement de ces sphères
ne soit pas uniforme, comme le supposait Stokes. Et
Perrin pense que la loi est encore valable même pour les
grains ultramicroscopiques des colloïdes.
La loi de Stokes s'applique même aux grosses molé-
cules, dans les liquides, aux molécules de sucre, en par-
ticulier, comme cela résulte des calculs d'Einstein, mo-
difiés après les expériences de Bancelin, comme nous
l'avons vu (n° 5).
Nous voilà donc en possession d'une loi qui permet,
par exemple, de calculer facilement le rayon d'une par-
ticule sphérique, en étudiant la chute de cette particule.
Nous avons vu précédemment quelles nombreuses
applications en furent faites dans la détermination de la
charge élémentaire de l'électron par H.-A. Wilson, J.-J.
Thomson, Millikan, etc.
Tous ces auteurs ont opéré sur des sphères liquides
(eau, alcool, huile, mercure) et sur des sphères dont le
diamètre est de l'ordre de grandeur du libre parcours
moyen dans le gaz. Mais la loi de Stokes était-elle rigou-
reusement applicable dans ces deux cas ?

14. Cas d'une sphère fluide. — Quand une goutte liquide

(1) ALLEN, Phil. Mag., 1900, p. 323.


(2) ARNOLD, Phil. Mag., t. CXXXI, 1911,
p. 756.
(3) J. PERRIN, Ann. de Chim. et de Phys., septembre 1909.
tombe dans un milieu visqueux, il doit se produire à
l'intérieur une circulation de liquide qui doit remplacer
le frottement de glissement par un frottement de roule-
ment, et, par suite, modifier la vitesse de chute, en l'aug-
mentant. Stokes, dans son Mémoire, a examiné le cas
d'une sphère liquide : il dit qu'il faut tenir compte du
mouvement relatif des particules formant la sphère,
mais, pour traiter le problème, il suppose que la sphère
est préservée, dans une couche strictement sphérique,
par l'attraction capillaire : avec cette hypothèse, il arrive
naturellement au même résultat que si la sphère était
solide. Il reconnaît cependant que cette hypothèse n'est
plus admissible dans le cas d'une bulle de gaz 'se déplaçant
dans un fluide et qu'il est impossible de considérer cette
bulle comme une sphère solide.
Rybczynski (1) et, postérieurement et indépendam-
ment de lui, Hadamard (2) ont repris le calcul de Stokes
dans le cas d'une sphère liquide. Ils trouvent, pour équa-
tion donnant la vitesse limite d'une sphère de densité A,
de viscosité 71, dans un fluide de densité A et de viscosité 1,
l'équation

En appliquant le calcul précédent au cas de gouttes


(
d'eau = 1057. 10-5) tombant dans l'air (11 = 18. 10-5),
on trouve que la vitesse donnée par la loi de Stokes doit
être multipliée par

(Nous verrons que la vitesse entre par la puissance f

(1) RYBCZYNSKI, Ac. R. des Se. de Cracovie, 9 janvier 1911.


(2) HADAMARD, Comptes rendus, mai 1911.
dans l'expression de e, la correction à apporter, d'après
Hadamard, serait donc seulement de environ).
J'ai essayé d'étudier par l'expérience la chute de sphères
liquides. L'étude directe présente certaines difficultés;
dans l'équation

v doit être tel qu'on puisse négliger son carré; on voit


immédiatement que, pour cela, il faut faire A — o petit
ou bien a petit, ou bien grand.
Il est difficile de faire a très petit, car a est la quantité
la plus difficile à mesurer directement avec précision, et
de plus entre par son carré dans l'équation. La mesure
de est facile au contraire. Quant à la mesure de A — 8,
la précision dépend de la différence des densités.
Il y a donc intérêt, au point de vue précision, à ne pas
faire (1 — o) trop petit.
J'ai essayé, par exemple, la chute de gouttes d'ani-
line dans l'eau (préalablement saturée d'aniline). Je
photographiais, sur la même plaque, la goutte à deux
instants donnés, séparés par un intervalle de temps
connu.
J'attendais, avant de découvrir l'objectif, la première
fois, que le régime permanent fût établi (c'est-à-dire que
la vitesse de chute fût uniforme).
Ces mesures ne m'ont pas donné :de résultats concor-
dants, à cause de la difficulté presque insurmontable de
mesurer exactement le diamètre de la goutte sur le cliché
(il fallait prendre des plaques très rapides, et la grosseur
du grain est telle qu'on ne peut pas distinguer les bords
de la goutte). Il était impossible de peser la goutte par
différence dans le tube à l'extrémité duquel on la formait,
car il fallait nécessairement, pour qu'elle fût petite, la
former à l'intérieur même du liquide : le tube eût été
mouillé et n'aurait pas donné de bons résultats à la
pesée (1).
J'ai alors cherché à faire des gouttes d'huile dans l'eau.
Là encore, difficulté très grande dans la mesure du dia-
mètre de la goutte.

15. Voici à quoi je me suis arrêté. Dans une éprouvette


portant des repères, je mettais de l'huile de ricin (très
visqueuse); je laissais longtemps cette éprouvette dans
une cave (salle de thermochimie du Laboratoire de
Chimie générale de la Sorbonne), où la température ne
variait pas de tu de degré par jour. Dans une série de
petits tubes effilés, j'introduisais du mercure. Quand la
température était bien fixe, je faisais tomber le mercure
sur l'huile, de façon à n'avoir qu'une goutte par tube.
La goutte ainsi formée entrait dans l'huile et tombait
lentement. Quand la vitesse était uniforme, je la mesurais.
La pesée des tubes vides, avant et après l'expérience,
me donnait le poids des gouttes, par suite leur rayon.
La densité de l'huile, à la température de l'expérience,
était prise au pycnomètre (0,965 à 14°,1).

(1) En formant de grosses gouttes d'aniline, qui tombent vite,


on les voit se déformer et s'aplatir. On peut facilement observer les

mouvements à l'intérieur de la goutte quand il y a une petite bulle


d'air. On voit cette bulle se mouvoir dans le sens de la flèche (fig. 1).
La viscosité de l'huile de ricin fut déterminée de deux
façons : d'abord à l'aide de l'appareil d'Ostwald, fondé
sur la loi de Poiseuille et qui permet la comparaison de
deux fluides : ceci donna 21,23 pour 14°, 1; puis par appli-
cation de la loi de Stokes à de petites sphères d'acier
trempé, parfaitement sphériques. La loi de Stokes donne
en effet

J'ai employé des billes de bicyclette (diamètre 2mm;


densité 7,926).
J'ai trouvé
= 21,18.
14°,1
Les valeurs de rj sont donc concordantes.
Le Tableau ci-dessous donne les résultats obtenus :
v calculé v calculé
a v mesuré d'après Stokes vm d'après
en Il. en cm : sec. en cm : sec. ve Hadamard.
618.... 0,526 0,4g5 1,06 0,743
648.... 0,581 o,54 7 1,06 0,820
669.... o,633 0,580 1,09 0,870
671.... o,638 o,584 1,09 0,875
699.... o,695 o,633 1)09 0,950
711.... 0,725 o,655 1,10 0,982
715.... 0,735 o,663 1,10 o,996
872, ... ,
1 110 0,986 1,12 1,48
905.... 1,220 I,ro
li107 1,64
On voit que l'erreur sur v peut atteindre le ~, quand on
applique la loi de Stokes. La divergence avec la formule
de Rybczinsky-Hadamard vient peut-être de l'extraor-
dinaire viscosité de l'huile de ricin.
16. Cas où la sphère considérée a un diamètre de l'ordre
de grandeur du libre parcours moyen des molécules du fluide
dans lequel elle se meut. — Des expériences de Zeleny ( ) *

(1) ZELENY, British Association, 1909; Nature, décembre 1909.


avec des spores, puis avec des particules sphériques très
petites ayant montré que la loi de Stokes n'était pas
rigoureusement applicable, Cunningham (1 ) chercha si,
par des considérations cinétiques, on ne pouvait pas
arriver à avoir une formule de correction répondant
aux résultats expérimentaux.
Lorsque la sphère est très petite, le nombre de chocs
de cette sphère avec les molécules du gaz diminue, par
suite la résistance au mouvement devient plus petite et
la sphère doit tomber plus vite.
En s'aidant d'une formule générale donnée par Lan-
gevin (2) sur la diffusion, formule dont Langevin s'est
servi pour étudier la mobilité des ions, et en l'appliquant
au cas d'une seule particule, Cunningham trouva que la
résistance au mouvement de la particule est

l désignant le libre parcours moyen.


Pour arriver à ce résultat, Cunningham a fait l'hypo-
thèse que le choc entre la particule et une molécule du gaz
est un choc élastique (c'est-à-dire de la même nature que.
le choc entre deux sphères élastiques : les vitesses de la
molécule avant et après le choc sont identiques).
Si l'on suppose qu'il n'y a aucune corrélation entre la
vitesse avant le choc et la vitesse après, la formule ci-
dessus doit être modifiée de la façon suivante : / désignant

(1) CUNNINGHAM, Proceedings of the Royal Society, t. LXXXIII,


1910, p. 357.
(2) LANGEVIN, Ann. de Chim. et de Phys., t. V, 1905, p. 265.
d'après Maxwell la 'fraction des molécules produisant
des chocs élastiques, le coefficient A doit être égal à

Maxwell déduit des expériences de Kundt et Warburg


que pour les chocs entre les molécules d'air et le verre,
f doit être pris égal à t. Si aucune molécule ne subit de
choc élastique, / doit être pris égal à zéro.
La connaissance de f est très importante. En effet,
suivant qu'on prend pour / les valeurs o ou i, le coeffi-
cient A varie de 0,815 à 1,63.
Prenons par exemple le cas d'une sphère de rayon
l
I
tombant dans l'air : = 9,5.10-6 cm. Le coefficient k
est égal à

Le rapport des vitesses, calculées pour ces valeurs de 1,


est

Théoriquement, on n'a aucune donnée précise sur /.


Il fallait donc chercher expérimentalement.
Millikan, dans son travail sur la détermination de la
charge élémentaire d'électricité, a été amené, par des
considérations expérimentales, au résultat que f devait
être pris égal à zéro, dans le cas de sphères d'huile.
Il construit la courbe donnant les valeurs de e en fonc-
tion du rayon des gouttelettes, rayon calculé par la
formule de Stokes. De l'examen de cette courbe, il déduit
d'une part la valeur de e, comme valeur limite, et d'autre
part la correction à apporter à la loi de Stokes.
La valeur / = o signifie que tous les chocs seraient
comme subis par une surface rugueuse : une molécule
heurtant la goutte serait (si / == o) renvoyée suivant une
direction sans rapport aucun avec la direction d'incidence.
Cela semble, à première vue, bien étrange.
L.-W. Mac Keehan (1) a cherché à étudier directement
la chute .de petites sphères. Il a repris le dispositif de
Zeleny, mais a substitué, aux spores de lycopode em-
ployées par cet auteur, de petites sphères de cire, obtenues
par pulvérisation. Le diamètre de ces sphères était mesuré
au microscope (ce qui introduit, je crois, une cause
d'erreur, à cause des phénomènes de diffraction qui se
produisent au bord).
La densité des petites sphères était prise égale à celle de
la cire en masse, ce qui n'est peut être pas rigoureusement
exact. On mesurait le temps de chute dans un tube
d'environ 30cm de hauteur (dans lequel, à mon avis, il
est impossible d'éviter les courants de convection, car
la température n'y est pas uniforme). Néanmoins, l'en-
semble de ses résultats a conduit Mac Keehan à attribuer,
au coefficient A de la formule de Cunningham, la valeur
i ± o,oo3,
ce qui donne pour / la valeur 0,37.
M. Knudsen et S. Weber (2) ont repris le même problème
par une méthode toute différente et très élégante. Au lieu
de diminuer le rayon de la sphère pour l'amener à être
de l'ordre de grandeur du libre parcours moyen, ils ont
augmenté ce libre parcours en opérant dans le vide. Au
lieu d'étudier la chute d'une sphère, ils ont étudié l'oscil-
lation d'un pendule constitué par deux sphères de verre
(d = ocm,78) fixées aux extrémités d'une tige de platine

(1) Phys. Zeits., t. XII, 1911, p. 707.


(2) Ann. der Phys., t. XXXVI, 1911, p. 981.
suspendue en son milieu à une potence. Le tout est enfermé
dans un récipient où l'on peut faire le vide. Une petite
tige de fer fixée à l'axe vertical permet, grâce à un aimanta
de faire osciller le système des sphères de l'extérieur,
quand l'équilibre est atteint à l'intérieur du récipient.
L'ensemble de leurs résultats expérimentaux a conduit
ces auteurs à la formule empirique

En fait, pour les rayons des gouttes de Millikan, cette for-


mule donnerait bien f = o (choc rugueux).
Knudsen fait remarquer que, d'après cette formule, la
quantité A de Cunningham ne doit pas être considérée
comme une constante, elle varie en effet avec la pression
(puisqu'elle est fonction de l) et avec le rayon.
Ce résultat paraît assez surprenant : a priori on ne
voit pas pourquoi, pour un rayon de grandeur donnée,
la plus ou moins grande valeur du libre parcours moyen
pourrait modifier la nature des chocs entre la sphère et
les molécules du gaz, ou pourquoi la grandeur du rayon,
pour un libre parcours moyen donné, aurait une influence
sur ces chocs.
Il semble au contraire plus naturel de supposer a priori
que pour une sphère de nature déterminée, la fraction f
de Maxwell doit toujours être la même, quel que soit le
^
rapport

17. Étude expérimentale et directe. — Un procédé qui m'a


paru commode pour cette étude est le suivant : mesurer
la vitesse de chute d'une sphère dans le gaz et déter-
miner, par application trigoureuse de la loi de Stokes, le
rayon de cette même sphère par sa chute dans un liquide.
Soient .1 la densité dela sphère, A, celle du gaz, .12 celle
du liquide, 1 la viscosité absolue du gaz, 2 celle du
liquide, a le rayon de la sphère, v, la vitesse théorique
(d'après Stokes) dans le gaz, 2 dans le liquide, enfin ut
et U2 les vitesses vraies dan3 le gaz et dans le liquide.
On a les relations

Il est hors de doute qu'on a

- 2.
La mesure de U2 (avec les mesures accessoires de A,,
2) donnera a.
En portant dans (i) la valeur ainsi obtenue pour a, on
aura vK.
La comparaison des valeurs u, et donnera la correc-
tion à apporter à la loi de Stokes.
Difficultés. — Cette méthode, simple théoriquement,
n'est pas sans difficultés dans l'application. Les principales
sont les suivantes :
a. Obtenir des sphères solides de faible diamètre (de
l'ordre du µ) et trouver un liquide dans lequel, d'une part,
la sphère soit pratiquement insoluble, d'autre part, la
sphère veuille bien entrer et tomber.
b. Eviter les courants de convection dans le gaz et dans
le liquide.
c. Observer et mesurer la chute des sphères.
Voici, après bien des tâtonnements, le dispositif auquel
je me suis arrêté.

18. Appareil producteur de sphérules. — Rien n'est plus


facile que de produire des gouttelettes liquides aussi
petites qu'on le désire : il suffit de pulvériser, à l'extré-
mité d'un tube capillaire suffisamment fin, avec un cou-
rant d'air suffisamment intense, le liquide en question.
Si le liquide est visqueux, il faut un courant d'air plus
fort que si le liquide est mobile. Pour le mercure, un
moyen commode pour avoir de très fines gouttelettes
est le suivant : dans un ballon (fig. 2), on fait bouillir
du mercure; un tube muni d'un robinet, en communi-

cation avec une canalisation d'air comprimé, plonge dans


l'atmosphère du ballon. Lorsqu'on ouvre le robinet, l'air
entraîne avec lui, par une tubulure latérale, de la
vapeur de mercure, qui se condense en de très fines
gouttelettes.
Il est un peu plus difficile d'obtenir des sphérules solides,
homogènes. Il faut choisir un corps dont la température
de fusion soit assez basse et qui soit inoxydable dans le
voisinage de cette température (sinon, il faudrait opérer
dans une atmosphère inerte, ce qui serait une complication).
Il faut également que le corps, amorphe à la température
•de fusion, ne cristallise pas par refroidissement : autre-
ment les gouttelettes ne resteraient pas sphériques, ne
seraient pas homogènes, et l'on n'en connaîtrait pas la
densité (par exemple la paraffine est à rejeter).
J'ai choisi le soufre. On sait que le soufre fond à 110°
pour donner un liquide de viscosité faible ; quand on
élève la température, le liquide devient pâteux, puis
redevient fluide vers a5o°. Pulvérisé à cette dernière tem-
pérature, il donne des gouttelettes sphériques de la con-
sistance d'un verre, transparentes et ne laissant pas

passer la lumière entre niçois croisés. Au bout de plu-


sieurs heures, le soufre cristallise et alors la lumière passe
entre niçois croisés.
L. pulvérisation se fait bien de la façon suivante : dans
une capsule (fig. 3), on fond du soufre ; dans le soufre
plonge un tube de cuivre rouge (3mm diamètre intérieur)
dont l'extrémité supérieure a été travaillée de façon à
réduire le diamètre du trou à imm environ. C'est le tube
par lequel le soufre montera; il sera pulvérisé par l'air
sous pression arrivant par un tube long, en cuivre rouge
et chauffé. Le courant d'air nécessaire à la pulvérisation
ne refroidit pas ainsi exagérément le tube qui plonge dans
le soufre ; par suite, le soufre ne se solidifie pas dans le tube.
Les granules ainsi formés sont dirigés dans une boîte,
dont la base est percée d'un trou d'aiguire.
La grosseur des granules varie, évidemment, avec la
vitesse du courant d'air et avec la température à laquelle
se fait la pulvérisation.
19. Choix du liquide. — Il fallait un liquide de densité
l
inférieure à 2, de faible tension superficielle et dans lequel
le soufre fût pratiquement insoluble.
L'eau est à rejeter, parce qu'elle retient à sa surface une
grande partie des grains ; il est extrêmement difficile,
presque impossible, d'avoir une surface d'eau propre : il y
a toujours de l'huile à la surface. J'avais pensé au pétrole :
la surface en est propre et des essais m'ont montré que
les granules en traversaient très facilement la surface.
Mais le pétrole, même le plus raffiné qu'on puisse trouver,
contient toujours des particules en suspension qu'il est
impossible d'enlever. De plus, sa belle fluorescence gêne
pour l'observation, et je n'ai pu arriver à éliminer les cou-
rants de convection.
J'ai trouvé que le xylol convenait parfaitement : sa
surface est propre, sa tension superficielle est faible, et
une sphère qui touche la surface tombe immédiatement
dans le liquide.
Le soufre est bien un peu soluble dans le xylol (environ
3 pour 100), mais ce n'est pas très gênant; on fait une solu-
tion saturée de soufre dans le xylol en agitant de la fleur
de soufre dans du xylol et en l'abandonnant au repos, pen-
dant plusieurs jours, à la température à laquelle on doit
faire des mesures. Le liquide, décanté, ne paraît pas
contenir de particules ultramicroscopiques en suspen-
sion.

20. Courants de convection. — Le xylol est placé dans une


cuve à faces parallèles (3mm de côté à l'intérieur, 2cm de
hauteur). Pour éviter les courants de convection, il faut
maintenir uniforme la température du liquide, et pour cela
isoler thermiquement cette cuve. On la met à l'intérieur
d'une cavité creusée dans un gros bloc cylindrique en
cuivre rouge. Trois ouvertures latérales D, E, F sont faites
dans ce bloc et sont fermées par des glaces a et b, jouant
un rôle analogue à ces doubles fenêtres qui garantissent
l'intérieur des maisons contre les changements brusques
de température extérieure.
L'ouverture D sert pour l'entrée de la lumière, l'ouver-
ture E pour la sortie, l'ouverture F pour l'observation.

Un couvercle H en cuivre rouge, percé d'un petit trou


d'aiguille l, s'emboîte exactement sur le bloc.
L'ensemble est porté par un support L qu'on peut dé-
placer verticalement à l'aide d'une bonne crémaillère.
La lumière produite par un arc électrique est concentrée
par une lentille, de façon que l'image des charbons se forme
sur l'axe du bloc. Pour arrêter, autant que possible, les
rayons calorifiques qui pourraient introduire des varia-
tions de température dans la cuve, le faisceau lumineux
traverse d'abord une cuve contenant du pétrole, puis une
longue colonne de 50cm d'eau, ou mieux, d'une solution d'acé-
tate de cuivre (qui, d'après Féry, arrête beaucoup mieux
les rayons calorifiques que le sulfate de cuivre couram-
ment employé).
21. Observation des gouttes. — L'instrument qui sert à
observer les gouttes est un microscope muni d'un objectif
a2 Zeiss (distance frontale 3cm,4) et d'un oculaire 6 dans
lequel est un micromètre oculaire. (La mise au point
sur une lame portant une graduation micrométrique
montre que les 5o divisions du micromètre oculaire valent
imm,88.)
Lorsqu'une goutte produite par le pulvérisateur entre
dans l'appareil par l'ouverture l, elle apparaît dans le
champ du microscope comme un point brillant sur fond
sombre. On mesure le temps qu'elle met pour parcourir
tout le micromètre oculaire. Puis, à l'aide de la crémaillère
du support on élève l'appareil et l'on mesure à nouveau le
,
temps de chute de la goutte. Puis on élève encore l'appareil
de façon à avoir, dans le champ, le ménisque de xylol. A ce
moment, on déplace un peu la mise au point du microscope
d'une quantité correspondant aux épaisseurs de verre
et de xylol traversées (avec un peu d'habitude, cette opé-
ration se fait rapidement, sans perdre de vue, un seul
instant, la sphère. On voit alors la sphère entrer dans le
liquide. On attend un petit instant que la chute soit de-
venue uniforme, puis on mesure le temps mis pour par-
courir une fraction du micromètre. On vérifie qu'il n'y a
pas de mouvement de confection en constatant que la
vitesse de chute dans le liquide est uniforme.

22. Mesures accessoires : Mesure de A— La densité


du soufre à l'état solide, amorphe, est donnée par les
Tables. J'ai d'ailleurs contrôlé cette densité par l'emploi
de la méthode du flottement de Retgers, en prenant
comme liquide du chlorure de zinc.
Mesure de A2. — La densité du xylol a été déterminée
à l'aide du pycnomètre. J'ai trouvé
112 = o,863.
Mesure de 1. — La viscosité du xylol saturé de soufre
a été déterminée par comparaison avec celle de l'eau, à
l aide du viscosimètre d'Ostwald.
J'ai trouvé
18°, 5 = 0,00595 (unités absolues C. G. S.).

Mesure de 2.—Le xylol étant volatil, j'ai admis que l'air


placé au-dessus de la cuve et dans lequel on étudie le mouve-
ment des gouttes, est saturé de xylol. La viscosité en a été
comparée à celle de l'air pur et sec à la même température,
par une méthode très simple due à Rankine, basée sur la
loi de Poiseuille, que je me permets de décrire assez lon-
guement, car je crois qu'elle pourra être très utile aux
chercheurs dans bien des cas.

23. MÉTHODE DE RANKiNE.— Un tube capillaire fin AB


(d mm) est soudé à ses extrémités à un autre capil-

laire (d = 2mm à 3mm) AC DB, muni de deux robinets R, R,
comme l'indique la figure. Un index de mercure est intro-
duit dans le deuxième capillaire, sur lequel on a marquédeux
repères C et D tels que le volume AC est égal au volume BD.
Les deux robinets servent pour le nettoyage du tube et
pour l'introduction du gaz.
Supposons le tube vertical : le gaz au-dessus de l'index
est à une pression p4, le gaz au-dessous à une pression P2,
et entre pl et P2 on a la relation

P2 = P—PU
p étant le poids de l'index.
L'index de mercure tombera d'un mouvement uniforme, en
forçant le gaz au-dessous de lui à passer par le fin capil-
laire.
La vitesse de chute de l'index est inversement propor-
tionnelle à la viscosité du gaz, pour une masse de mercure
donnée. On mesurera cette vitesse par le temps de chute
de l'index entre les deux repères C et D.*
D'où le procédé suivant pour obtenir le rapport des vis-
cosités de deux gaz (l'air sec et l'air chargé de xylol, par
exemple).
On remplit le tube d'air sec (viscosité absolue 1); on

mesure le temps de chute tt pour une masse de mercure


donnée.
On chasse l'air sec qu'on remplace par de l'air saturé
de xylol par barbotage. On mesure à nouveau le temps
de chute t2.
On a l'équation .
qui donne la viscosité absolue de l'air chargé de xylol, si
l on connaît la viscosité absolue de l'air
sec (1).
L'appareil de Rankine peut servir à la détermination des
viscosités en valeur absolue, à la condition d'avoir un tube
capillaire bien calibré.
On démontre très facilement, d'après la loi de Poi-
seuille, que la viscosité
mation très suffisante ~ est donnée avec une approxi-
environ), par la formule

R, rayon du petit capillaire ;


l, longueur du petit capillaire;
A, section du gros capillaire;
ç, volume entre les repères ;
g, accélération de la pesanteur;
G, libre parcours moyen dans le gaz ;
b, quantité définie de la façon suivante :
On démontre et vérifie par l'expérience que la masse m
de mercure est liée au temps de chute par la relation

En déterminant le temps de chute pour trois masses


différentes de mercure, portant en ordonnées les masses,
en abscisses les inverses des temps, on a trois points en
ligne droite. Le coefficient angulaire de cette droite donne b.
Dans la relation (i), le terme 4 G est un terme correctif
qu'on pourra négliger si l'on veut une approximation
du
~ seulement.

(1) Par exemple C02 et air à i5° donnent ~ identique


7j air
au rapport calculé par d'autres méthodes.
Les mesures se font très rapidement. De plus, les dimen-
sions intérieures de l'appareil étant très faibles (quelques
centimètres cubes), cet .appareil pourra servir à la déter-
mination des viscosités des gaz rares (c'est d'ailleurs en
vue de cet usage qu'il a été imaginé).
A la température de 20°,5 j'ai trouvé

(comme moyenne de 20 mesures environ).


On peut donc prendre pour viscosité de l'air chargé de
xylol, la viscosité de l'air sec.

24. Résultats des mesures. — Les mesures faites avec


des gouttes de mercure m'ont donné des résultats moins
concordants que celles faites avec des gouttes de soufre;
cela tient à la grande densité de ce liquide, les gouttes
tombent très vite (6 fois plus vite dans l'air que des
gouttes de soufre de même diamètre, r0 fois plus vite dans
le xylol). La précision diminue d'autant, et je ne puis rien
dire de certain sur la valeur de A qui peut aussi bien être
0,8 que 2 d'après le expériences faites.
l_
t, tv a. a t2. A.
IL
98 2,4 0,67 0,142 2,7 o,84
95 1,8 0,74 0,1 -28 2,07 1Y17
i65 2,8 o,56 0,17 3,6 1,65
:).50 4,2 0,45 0,21 5,3 1,25
Moyenne... 1,23

ti est le temps de chute observé dans le xylol;


t2 est le temps de chute observé dans l'air ;
T2 est le temps de chute calculé dans l'air;
a es t le rayon en microns.
La correction à la loi de Stokes, donnée par Rybczinsky
et Hadamard, aurait pour effet de diminuer des ~ la
vitesse calculée, par suite d'augmenter de la valeur "2
calculée, ce qui augmenterait les valeurs trouvées de A
dans le rapport ~
et donnerait A = 1,38. Comme il est
dit plus haut, la précision n'est pas suffisamment grande
pour que je puisse voir dans ces mesures autre chose
qu'une Indication.
En voici de meilleures.

EXPÉRIENCES AVEC LE SOUFRE.

Le Tableau suivant donne les résultats obtenus :

£
tl t2. a. a r2. A.

9 o
1
3, ,l i,46 o, 06 5 3,6 1,8
35o 5,2 1,13 0,084 6 1,7
250 3,8 1,31 0,077. 4,25 1,6
300 3,4 1,22 0,078 5,1 1,5
255 3,1 1,41 0,067 3,45 1,6

Moyenne... 1,64

Je n'ai pas pu observer de grains plus petits, ce qui eût


été souhaitable, car la précision eût été augmentée, la
quantité la plus difficile à mesurer étant mais lorsque
les gouttes sont plus petites, je ne les voyais plus dans le
xylol avec le microscope.
Le résultat brut est que les chocs doivent être considérés
comme élastiques, au moins pour des molécules d'air sur
une paroi de soufre, et probablement dès lors dans beau-
coup d'autres cas (1).

(1) Au surplus, il n'y a peut-être aucune contradiction entre


mes résultats et ceux de Knudsen : le verre des sphères de Knudsen
peut fort bien être beaucoup plus rugueux que ma paroi de soufre
surfondu.
Il.

RECHERCHES SUR LA CHARGE DE L'ÉLECTRON.

25. La méthode employée est celle de Millikan : une sphère


chargée est introduite dans un condensateur; elle tombe
sous l'action de la pesanteur ; à l'aide d'un champ élec-
trique convenable, on la fait remonter ; elle tombe à
nouveau quand on coupe le champ électrique, et ainsi de
suite.

DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL. — L'appareil dont je me


suis servi se compose essentiellement :

1° D'un producteur de sphères;


2° D'un condensateur;
3° D'un système éclairant;
4° D'un instrument d'observationet de mesure.

26. Producteur de sphères. — Nous avons vu précé-


demment, dans l'étude de la loi de Stokes, comment on
produisait des sphérules liquides, ou solides, par pulvéri-
sation. Ces granules ainsi produits sont pour la plupart
chargés, les uns positivement, les autres négativement.
J'ai remarqué que la vitesse du courant d'air influait un
peu sur la charge.
Par quel mécanisme les gouttelettes sont-elles chargées ?
On n'en sait rien.
Les granules ainsi produits sont dirigés dans une boîte
placée au-dessus du condensateur, et percée d'un trou
à sa partie inférieure. L'air servant à la pulvérisation est
débarrassé de ses poussières par le passage dans un filtre
de coton de verre; il est de plus desséché par passage à
travers une longue colonne de ponce sulfurique.
27. Condensateur. — Un premier condensateur employé
est formé de deux blocs cylindriques de laiton (d = 3cm,
h = icm), dont les faces en regard ont été soigneusement

rendues planes par rodage; elles adhèrent très bien par


simple contact. Des bornes soudées à ces blocs permettent de
les réunir aux deux pôles d'une batterie d'accumulateurs.
Le plateau supérieur est percé, suivant son axe, d'un trou
très fin (à l'aide d'une pointe d'aiguille) et, à environ Icm de
l'axe, d'un trou de 2mm de rayon, permettant le passage
soit d'un thermomètre au de degré, soit d'une pince d'un
couple thermo-électrique.
Les deux plateaux sont séparés par une lame carrée
(de 3amm de côté) d'ébonite à faces bien parallèles (épais-
seur 3mm), percée d'un trou circulaire de i4mm de rayon.
Cette lame est percée, au centre de trois des côtés, de
trous de 2mm de diamètre, fermés par des morceaux de
couvre-objets, collés au baume de Canada. La cuve ainsi
formée est étanche; on s'en assure à ce que un grain reste
dans l'axe du condensateur pendant plusieurs heures sans
subir de déplacements notables ; il n'y a donc pas de mou-
vements de convection dans la cuve, mouvements inévi-
tables si le condensateur n'est pas bien fermé.
L'épaisseur de la lame d'ébonite a été mesurée avec un
compas d'épaisseur donnant le ~ de millimètre.
Un deuxième condensateur,plus grand, employé plus tard
pour l'observation de grains plus gros, est formé par deux
lames de laiton (4cm de diamètre), également très bien tra-
vaillées sur les faces en regard; trois cales en quartz sont

placées sur le plateau inférieur : sur ces cales, on pose


doucement le plateau supérieur. Ces cales ont 4mm de hau-
teur (au de millimètre près).
Sur le pourtour est disposée une couronne cylindrique
d'ébonite, dans laquelle le condensateur s'emboîte très
exactement, à frottements doux. Cette couronne, qui sert
de fermeture au condensateur, est percée de trois ouver-
tures, deux diamétralement opposées, l'autre à égale
distance des deux précédentes, et fermées par des lamelles
-couvre-objets.
Chacun des plateaux porte une borne permettant de le
réunir électriquement à un pôle d'une batterie.
Dans les deux cas, le condensateur est placé sur un pla-
teau isolant porté par un support très stable. Le conden-
sateur est posé horizontalement. On se rend compte à la
fois : du parallélisme des plateaux, de leur horizontalité
et de l'absence des courants de convection à ce que, pen-
dant plusieurs heures, on peut, sans changer la mise au
point de l'appareil d'observation, conserver au point, sui-
vant la même verticale, le même grain, malgré ses mouve-
ments de chute et d'ascension dans le condensateur (').
Dans les deux cas, un tube vertical, qu'on peut obturer,
•est placé au-dessus et dans l'axe du condensateur et le met
«n communication avec la boîte où sont envoyées les
gouttelettes formées par le pulvérisateur.
Connexions. — Les plateaux sont réunis, par des fils bien
isolés, à un interrupteur à godets, relié lui-même à une
batterie d'accumulateurs (2), par l'intermédiaire d'un
inverseur. On peut ainsi soit mettre les plateaux du con-
densateur en court circuit, soit établir entre les plateaux
un champ électrique, d'un sens ou de l'autre. La boîte
d'accumulateurs employée permet d'avoir r800 volts, ce
qui donne un champ de 6000 volts : cm pour le premier
condensateur, soit de 45oo volts : cm pour le deuxième.

(1) Au grossissement employé, le mouvement brownien ne pro-


duit pas de déplacement appréciable.
(2) Les accumulateurs étaient du type Butaud, à électrodes super-
posées.
La différence de potentiel est mesurée au moyen d'un
voltmètre Carpentier de précision (o,i5o volt) ; on mesure
séparément le voltage de chaque boîte d'accumulateurs

avant et après chaque expérience, comme contrôle. Le


voltage ne change d'ailleurs pas d'une façon mesurable
pendant la mesure.

28. Éclairement. — La lumière employée est celle d'une


lampe à arc à régulateur.
Pour éviter tout échauffement dû à des rayons calori-
fiques, échauffement qui amènerait des courants de con-
vection dans le condensateur, la lumière traverse une co-
lonne d'eau de 60cm de longueur. Au sortir de cette colonne
d'eau, le faisceau est concentré, à l'aide d'une lentille à court.
foyer, sur l'axe du condensateur : il entre dans le conden-
sateur par l'une des fenêtres et sort par la fenêtre opposée.
La lentille servant à la condensation de la lumière est un
objectif de microscope (aa Zeiss dans le premier cas,
a2 Zeiss dans le deuxième cas).

29. Visée. — L'appareil d'observationest un microscope


Zeiss dont l'axe est rendu horizontal et placé à angle droit
du faisceau lumineux. Les granules tombant sont vus
comme des points brillants sur fond noir.
Le microscope était muni, dans le premier cas, d'un
objectif aa, et d'un oculaire 12 dans lequel est disposé
un micromètre oculaire portant 5o divisions. La valeur
d une division était déterminée par comparaison avec
une graduation tracée sur un porte-objet (cellule à compter
les globules du sang).
Dans le deuxième cas, l'objectif aa ne peut plus con-
venir, ayant une distance frontale trop faible. Il a été
remplacé par un objectif a2 et l'oculaire 12 par l'oculaire 6
(les 5o divisions valent 1mm,88).
Les temps étaient mesurés avec un chronomètre don-
nant le 4- de seconde. (Incidemment je ferai remarquer
que Millikan dit dans son Mémoire, mesurer le temps
au ~ de seconde près, ce qui paraît bien exagéré.)
30. Marche d'une expérience. — Les mesures furent faites
avec du soufre et avec diverses huiles. On pulvérise le corps
étudié et l'on envoie les sphères dans la chambre au-dessus
du condensateur. On ouvre la communication entre la
chambre et le condensateur et l'on attend qu'un grain
chargé tombe dans le condensateur. On ferme la commu-
nication et l'on maintient la sphère dans le champ du
microscope à l'aide d'un champ électrique convenable.
On mesure la vitesse de chute sans champ électrique, puis
la vitesse avec le champ électrique. On opère ainsi pendant
longtemps. Il arrive souvent (1) que la charge du grain varie
spontanément, ce dont on s'aperçoit à la variation de vitesse
sous l'action du champ électrique. On mesure la nouvelle
vitesse.
Nous verrons tout à l'heure ce qu'on peut en déduire
pour la charge élémentaire.
(1)Cela tient sans doute à ce que des corps radioactifs avaient
été maniés jadis dans le laboratoire.
Il est inutile, a priori, d'étudier la chute de grains très
chargés (portant 100 électrons et plus, comme pour cer-
taines gouttes d'huile de Millikan, car on n'en peut rien
tirer de précis pour la charge élémentaire). Or, on peut
facilement calculer, approximativement, pour une goutte
de rayon donné (d'après la vitesse de chute libre), quel
potentiel est nécessaire pour que la goutte ne possédant
qu'un petit nombre d'électrons, reste immobile ou avec
une vitesse faible quand elle est soumise à la fois au champ
électrique et au champ de gravitation. On rejettera cette
goutte, si elle est trop chargée, c'est-à-dire si le champ
électrique nécessaire est bien inférieur au champ calculé
précédemment.
On mesurera la température avec soin pour avoir, d'une
part, la densité de la matière employée, d'autre part, et
surtout, la viscosité du gaz. On déterminera également,
comme nous l'avons dit plus haut, la différence de poten-
tiel avant et après la mesure.
31. Calcul d'une expérience.—Voyons comment, des me-
sures précédentes, on peut déduire la charge élémentaire e
de l'électron.
Supposons d'abord que la loi de Stokes soit rigoureuse-
ment applicable aux sphères considérées.
Soient Et la charge du grain, H le champ électrique, la
vitesse en chute libre, Ç2 la vitesse sous l'action combinée
du champ de gravitation et du champ électrique, m la
masse apparente de la sphère; on a entre les vitesses VI
et V2 la relation

Si a est le rayon du grain de densité A, tombant dans


un milieu de densité o, on a
Soit la viscosité de l'air à la température du conden-
ri
sateur. La loi de Stokes appliquée à la sphère donne le
rayon

L'élimination de m et de a entre les équations (i), (2)


et (3) donne la charge E

équation où tout est donné par l'expérience, sauf E.


Si dans cette équation on exprime g, 1, Ç2, dans le
système C.G.S., H en unités électrostatiques, la charge E
sera donnée en unités électrostatiques C.G.S.
Si l'on admet la structure atomique de l'électricité,
la charge électrique sera donnée par le quotient de E par
un nombre entier. Reste à prouver la structure atomique et
à choisir le quotient.
Supposons que la charge du grain varie : soient E' la nou-
velle charge et v2 la nouvelle vitesse sous l'action du
champ électrique. L'équation (r) devient

L'élimination de m entre les relations (r) et (5) donne '

Si, par l' expérience, on trouve que le rapport ^


^
est toujours un rapport simple (quotient de deux nombres
entiers n et n'), on aura, par là même, la preuve expéri-
mentale de la structure atomique de l'électricité.
Et la charge élémentaire sera .11
Cette relation n'aura de valeur réelle et probante que
si les nombres n et n' sont petits (x).

Dans le calcul précédent, nous avons admis que la loi


de Stokes s'appliquait rigoureusement, ce qui revient,
d'après ce que nous avons vu dans l'étude de cette loi,
à supposer que les granules employés sont rigides et que leur
rayon est grand par rapport au libre parcours moyen.
Il serait désirable de pouvoir opérer dans ces conditions;
nous avons éliminé la cause d'erreur provenant de la non
rigidité des sphères, en employant des sphères solides.
Malheureusement il est impossible d'opérer sur des sphères
dont le rayon est grand par rapport au libre parcours
moyen, non pas à cause de la difficulté d'obtenir de grosses
sphères chargées, mais à cause de la. vitesse trop grande
avec laquelle elles tombent.
Le libre parcours moyen dans l'air, à la pression atmo-
sphérique et à la température de 20°, est
1 = 9,5. io-6 = o, 095.
Pour qu'on puisse appliquer la loi de Stokes non cor-
rigée, eu égard aux erreurs faites sur les différentes me-
sures nécessaires, il faudrait que le rapport —fût de l'ordre
~
de Il faudrait donc que le rayon de la goutte considérée
soit de l'ordre de grandeur de 10. Or, en supposant que
sa densité soit r, une pareille goutte tombe, sous l'action
de la pesanteur, dans l'air, avec une vitesse de 1cm,2 par
seconde, beaucoup trop grande pour être mesurée au

(1) Je ne crois pas, par exemple, qu'on puisse tirer de résultats


de la goutte n° 32 de Millikan (Phys. Rev., p. 374), goutte qui possède
123 électrons, et qui perd brusquement 19 électrons.
De même les deux gouttes de mercure données par Millikan
(Tableaux XVI et XVII) sont à éliminer : la première, parce qu'on
ne sait pas si l'on doit prendre 6 ou 7 comme nombre d'électrons;
la deuxième, parce qu'elle donne aussi bien 5,40 que 5,07 pour e.
microscope. On pourrait, il est vrai, prendre l petit, ce
qui reviendrait à opérer sous forte pression. Les diffi-
cultés ne paraissent pas insurmontables.
Il faut donc tenir compte de la loi de Stokes et de la
correction à y apporter. Nous avons vu que la vitesse v1
,
d'une sphère de rayon a dans un gaz de viscosité à une
température et une pression telles que le libre parcours
moyen est l, est donnée par la relation

A étant justement le coefficient 1,6, prévu par la théorie


lorsqu'on suppose les chocs élastiques.
Cette équation permet de calculer a (elle est du
deuxième degré en a) :

Portant cette valeur de a dans l'expression

32. Résultats. — Parmi les nombreuses mesures faites sur


des gouttes de soufre, je ne donnerai que celles qui per-
mettent de calculer e sans ambiguïté, soit que la charge
totale ait été d'un très petit nombre d'électrons (5 au
maximum), soit que la charge ait varié d'un ou deux élec-
trons.
Le rayon sera exprimé en microns, l'indice o indiquera
les calculs faits en supposant rigoureuse la loi de Stokes,
l'indice i ceux faits en appliquant la correction avec chocs
mous, l'indice 2 ceux faits en appliquant la correction
avec chocs élastiques.
Le Tableau suivant donne l'ensemble des résultats.
Soufre.

d'ordre. /•„. e,. rr ev r2. e2-
t*
1.. 0,391 7,9 o,353 5,47 o,32i 4, \rL
2.. 0,422 7 0,387 5,35 o,354 4,08
3.. o,655 5,16 0,627 4,82 0,592 4,09
4.. 0,815 5,2 0,774 4,61 0,740 4,03
5.. 1,092 5,3 1,050 4,80 1,016 4,33
6.. 1,115 5,2 11071 4,71 1,035 4,25
!.. 1,135 5,1 [,097 4,64 1,061 4,25
8.. i,33o 4,8 1,26 4,21
Moyenne... 5,71 4,91 4,17

La goutte n° 1 possédait 2 charges


1)
2 » 1 »

» 3 » 1 1,

» 4 » 7 » et en a perdu 1 spontanément.
» 5 » 5 » »
» 6 » 5 JJ »

»
7 » Il » 3
» 8 » 14 » et en a gagné 2 spontanément.

J'ai fait également des mesures avec de l'huile de paraf-


fine et avec de l'huile de ricin.
Voici les résultats (') :

Huile de paraffine (d = 0,876).

rr er r2. e2.
0,726 5,04 0,690 4,33
o,8i3 4,66 0,777 4,07
0,977 4,85 0,941 4,32
Moyenne... 4,85 4,24

(1) La correction /=
o, appliquée aux gouttes de Millikan donne-
rait e = 4,5.10-10. Il y a là, avec mes résultats, un désaccord dont je
De vois pas l'origine.
Huile de ricin.
rI" e,. r2.
0,489 4,91 0,455 4,02
0,527 4,85 0,492 4,11
Moyenne... 4,88 4,07

On voit que l'application de la loi de Stokes (avec / = 1),


en supposant les chocs élastiques, comme nous l'avons
montré, conduit pour e à la valeur
e = 4,17. io-10 U.E. S.,
ce qui donne pour N la valeur
N = 69,5. io22.
33. Voyons la précision qu'on peut attendre des mesures
précédentes. La formule qui donne E

peut s'écrire

K étant une constante.


L'erreur relative sur E est

La température est connue au ~ de degré près; le


coefficient de variation de viscosité de l'air avec la tem-
pérature est 0,00276; il en résulte
La densité est connue au ' près

Le temps est mesuré au ~ de seconde près

Le champ électrique est connu au volt près, ce qui fait


une erreur de ~
Il en résulte

Il faut ajouter à cette erreur celle commise sur la valeur


de t, connue au près, et qui entre dans le terme cor-
rectif 1 + Il en résulte une erreur du ~
à ajouter
à la précédente.
Au total, l'erreur relative sur E est

La valeur donnée plus haut pour e : 4^7 .10 -10 est donc
approchée à 5 pour 100 près, ce qui donne e compris entre
4,10-10 et 4 4
?
-10 -10

et N compris entre
66.1022 et 72,5. io-10.
CONCLUSION.

Dans ce travail, après un exposé sommaire et critique


des diverses méthodes employées pour la mesure de la
charge élémentaire de l'électron (ou des quantités qui s'y
rattachent directement, comme le nombre d'Avogadro et
la constante d'énergie moléculaire), j'ai étudié comment il
fallait corriger la loi de Stokes dans le cas de sphères
liquides et dans le cas de sphères très petites. J'ai montré
expérimentalement que dans le cas de sphères solides,
dont le rayon est de l'ordre de grandeur du libre parcours
moyen du fluide, il fallait admettre que les chocs des
molécules du fluide contre la sphère étaient élastiques.
J'ai montré, dans le cas de sphères liquides en mouve-
ment dans un autre liquide, que la correction à apporter
à la loi de Stokes est de l'ordre du
Puis j'ai appliqué la méthode de Millikan à des sphères
solides. Et j'ai ainsi trouvé, pour charge élémentaire d'élec-
tricité, la valeur

e = 4,17. io-10 U. E. S.
inférieure d'environ i5 pour 100 à celle donnée par Mil-
likan, et qui se trouve en complet accord avec celle
(4,25.1 0) qu'a donnée l'étude du mouvement brownien.
La valeur 4,2. io-10, faisant le nombre N d'Avogadro
égal à 69.1022, paraît pouvoir être admise.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES SOLUTIONS CONCENTRÉES

(DEUXIÈME MÉMOIRE);

PAR M. ÉMILE BAUD.

Dans un précédent fascicule des Annales (1), j'ai fait


une étude théorique des courbes de solubilité (ou de
cristallisation commençante) des mélanges binaires et j'ai
décrit un certain nombre, de vérifications expérimentales.
Lorsque les deux constituants liquides A et B ne réagissent
pas chimiquement et ne produisent par leur mélange
' qu'un effet thermique négligeable, la loi de solubilité est
donnée par l'expression

x est la fraction de molécule du corps qui cristallise (A)


pour une molécule totale du mélange.
Si l'on a pris N molécules de A et N' molécules de B,

xest égal à
T2 est le point de cristallisation du mélange, T4 celui
du liquide A pur et Q la chaleur moléculaire de solidifi-
cation de A. T2 étant donné par l'expérience, on pourra
tirer x de l'équation (a) et calculer le poids moléculaire
de l'un des corps, celui de l'autre étant connu.
Si deux corps, se mélangeant sans effet thermique,
n'obéissent pas à la règle précédente, il y aura lieu de
présumer que les cristaux ne sont pas formés du corps A
pur et qu'il y a, par exemple, formation de cristaux mixtes.

(1) Ann. de Chim, et de Phys., 8. série, t. XXVII, 19x2, p. 89.


Lorsque le mélange se fait avec absorption ou dégage-
ment de chaleur, il faut faire intervenir la chaleur de
dilution. Dans une première approximation, j'ai supposé
que cette chaleur de dilution ne variait que très lentement
avec la température, ce qui m'a conduit à l'équation

ou, en résolvant par rapport à T2,

Je vais reprendre le raisonnement en tenant compte,


autant que possible, de l'influence de la température sur
la chaleur de dilution.
L'équation de Clapeyron appliquée au solide et à la
vapeur m'avait donné

S
y
étant le rapport des tensions du solide pur et du liquide
pur.
A la température de cristallisation TI, ce rapport est
égal à i.
A T2, la tension de vapeur s des cristaux est égale à la
tension partielle Zf de la solution pour le corps A,

Or, ~ est donné, pour un mélange déterminé, par


l'équation différentielle de Kirchhoff
Pour intégrer cette équation, il faudrait connaître la
relation
q=f T) (
entre la chaleur de dilution et la température. On sait
que la chaleur de mélange est donnée approximativement
en fonction de T par
CT = Co - -
K(T 0)

en appelant Co la chaleur de mélange mesurée à la tempé-


rature absolue 9, et K la différence entre la capacité
calorifique du mélange et celle des constituants séparés.
Cette expression ne peut être exacte que pour un petit
intervalle de température, car elle suppose K constant,
tandis que cette grandeur varie aussi avec T.
Pour la chaleur de dilution on a, évidemment, une
expression analogue
(/) ?T= q-k(T - 6),
k étant la variation de capacité calorifique résultant de
l'addition d'une molécule du dissolvant à une grande
masse du mélange.
Cette relation, bien qu'imparfaite, donnera cependant
une approximation plus grande que si l'on supposait la
chaleur de dilution constante.
Portons donc cette valeur dans l'équation de Kirch-
hoff (e), il vient

Intégrons depuis la température de congélation T2


jusqu'à une température T' telle que la chaleur de dilu-
tion s'annule d'après l'équation (t), c'est-à-dire telle que
On a

Mais à T' la chaleur de dilution est nulle et le mélange


est normal ; on a donc

Cette égalité, jointe à (d), donne

D'après ce raisonnement, x est la concentration à une


température pour laquelle la chaleur de mélange est nulle.
S'il n'y a eu) dans les conditions des expériences, ni
dépolymérisation, ni combinaison, les choses se passent
comme s'il en était de même entre les limites de l'inté-
gration, et la valeur trouvée pour x est exacte.
Si l'équation (b) s'est vérifiée pour l'acide acétique
(C2H402)2, c'est que ce corps s'est dissous sans dépolymé-
risation aux températures des expériences.
S'il y a eu phénomène chimique au moment de la disso-
lution, la valeur de x qui intervient dans l'équation corres-
pond aux molécules supposées non combinées. La chaleur
de dilution doit aussi correspondre au mélange physique
et ne doit pas comprendre la réaction chimique.
Cette quantité n'est pas accessible à l'expérience.
Tout ce qu'on peut dire, c'est que si l'équation se trouve
en défaut et s'il n'y a pas à envisager d'autres causes
perturbatrices, telles que la formation de solution solide,
il y aura lieu de prévoir l'existence d'une combinaison
à l'état liquide qui modifie la chaleur de dilution. L'équa-
tion obtenue n'est qu'approchée et pour faire un calcul
plus rigoureux, il faudrait connaître la loi exacte de varia-
tion de la chaleur de dilution, en fonction de la tem-
pérature.
L'équation (g) est assez compliquée et nécessite de
nombreuses et précises mesures de chaleurs spécifiques.
J'ai constaté qu'on arrivait à des résultats plus
voisins de ceux de l'expérience et d'une façon plus simple
en supposant que les chaleurs de dilution varient en raison
inverse de la température absolue, et qu'on a

Cette relation est certainement fausse aux basses tempé-


ratures puisqu'elle conduirait, au zéro absolu, à une
chaleur de dilution infinie, mais elle semble plus exacte
que la précédente aux températures qui nous intéressent.
Nous écrirons donc

et nous porterons cette valeur dans l'équation de Kirch-


hoff (e)

En intégrant de T2 à oo et en remarquant qu'à tempé-


rature infinie

il vient
et, en combinant avec l'équation (d),

Mélanges de cyclohexane et de bromure d'éthylène. — Le


cyclohexane employé préparé par catalyse distillait à
80°,5 sous 760mm et cristallisait à 6°,3. Sa densité à i5°
par rapport à l'eau à 4° était 0,784 (M. Sabatier indique
D13,s= 0,7843 )•
Sa chaleur spécifique entre 200 et 4o° était 0,4496.
Le bromure d'éthylène avait pour densité à 15° : 2,190.
Sa chaleur spécifique entre 20° et 4o° était 0,176.
J ai mesuré les chaleurs de mélange des deux liquides
en diverses proportions et construit la courbe.

Dans le Tableau suivant, n est le nombre de molécules


de bromure d'éthylène ajoutées à une molécule de cyclo-
hexane et C la quantité de chaleur absorbée.
n. C.
Cal
o,3t2 0,34g
0,623 0,484
0,704
i,o56
............................ 0,517
o,665
1,247 ............................ 0,¡30
1,256 0,733
1,408 0,784
............................
2,253.
3,260............................
0,909
l,010
Le tracé des tangentes à la courbe en différents points
m'a permis d'obtenir les chaleurs de dilution — •
J'ai mesuré ensuite les chaleurs spécifiques des liquides
purs et des mélanges entre 20° et 40°.
Le liquide était placé dans une fiole en laiton doré
munie d'un bouchon et d'un thermomètre au de degré.
La valeur en eau de la fiole et des accessoires était
déterminée par un essai préalable.
La fiole contenant environ i3ocm3 du liquide à étudier
-était introduite dans un tube de verre de diamètre à peine
supérieur et l'ensemble était placé dans un thermostat
à 4o°. L'équilibre de température atteint, on approchait
le manchon de verre et son contenu de l'enceinte calori-
métrique et l'on plongeait rapidement, dans l'eau du calo-
rimètre, la fiole supportée par son thermomètre.
Si l'on a soin de mettre dans le calorimètre de l'eau
refroidie, de façon que la température finale soit très
voisine de celle du laboratoire, la correction du refroidis-
sement est très faible et l'on peut arriver à obtenir les
chaleurs spécifiques à près.
La précision est encore augmentée si l'on prend la
moyenne de plusieurs expériences concordantes. Cette
précision est nécessaire, car la différence à mesurer est,
en général, très faible.
Pour chaque mélange, j'ai calculé la capacité calori-
fique totale pour C6 H12 + n C2 H4 Br2 et la capacité
des constituants séparés
La différence K a été portée en ordonnées et n en
abscisses.
En traçant la tangente à la courbe au point correspon-
dant à la composition considérée, j'ai déterminé le coeffi-
cient angulaire

Chaleur spécifique
des du mélange
n. constituants. C6 H12+ nC2 H4 Br2. K.
Cal Cal Cal
o,31o.... 48,023 47,592 0;431
0,678.... 60,200 59,340 0,860
0,950.... 69,200 68,135 i,o65
1,220.... 78,133 76,923 1,210
1,632",. 91,766 90,356 1,410
2,35o.... 115,520 113,840 1,680
Cette courbe a la même allure que celle des chaleurs
de mélange.
J'ai déterminé ensuite les points de cristallisation de
divers mélanges :
Constituant
C2H4Br2. C6H12. T,. 1". qui cristallise.
0,908 0,092 282,7 278,1 C2H4Br2
0,821 0,179 »
274,3 »
0,765 o,235 » 272,4 »
0,696 0,304 » 270,6 »
0,695 o,3o5 » 270,5 »
0,550 0,450 » 266,5 »
0,539 0,461 » 265,9 »
0,4)05 o,5495 » 263,4 »
0,381 0,619 » 261,1 »
0,178 0,822 » 249,6 »
0,108 0,892 279,3 258,2 C6 111-2

0,076 0,924 »
264,2 »
0,058 0,942 » 267,5 »
La branche correspondant à la cristallisation du¡cyclo-
hexane descend très rapidement car la chaleur de fusion
de ce corps est très faible et l'abaissement moléculaire
par suite très grand.

La chaleur moléculaire de fusion serait oCal,690 et la


constante cryoscopique 190.
La branche correspondant à la cristallisation du bro-
mure d'éthylène présente une inflexion. Voici, à titre
d'exemple, pour trois mélanges, les résultats du calcul de
la concentration x
au moyen des équations (g) et (h) avec
les-données fournies
par les courbes.
C2 H4 Br2. CGHI2, T,. T,. k. qo' xh.
mol mol 0 0 Cal Cal
3*_
o,33 0,67 282,7 258,8 1,1 -0,54 o,39 o,364
Ï'.%
........ 0,50 0,50 » 265 o,63 -o,325 0,549 o,52>
z. "
.... °J67 o,33 » 271,4 o,35 -0,150 0 ,709 0,689

L'expérience s'accorde mieux avec le résultat fourni par


l'équation (h).

Mélange de cyclohexane et d'acide acétique. — L'acide


acétique purifié par cristallisation se solidifiait à 16^7.
Sa chaleur spécifique entre 20° et 40° était de 0,492.
Voici les chaleurs de mélange de n molécules (C2H4O2)2
avec une molécule C6 H12 :
n. C.
Cal
0,320 .
0,402
0,715. o,63o
1,175 o,845
1,800 1,020
2,35O 1,151
3,390
1,710
............................ 1,295
i,48o

Le Tableau suivant contient les températures de cris-


tallisation :
Corps
(C>W02)2, C6HI2, T,. T2. qui cristallise.
1,000 0,000 289,7 »
(C2H402)2
0,904 0,°96 » 287,2 «

0,729 0,271 » 284,9 »


0,611 o,389 »
284,15 »
0,540 0,460 » 283,9 »
0,525 0,475 » 284,05 »
0,461 0,539 » 283,90 »
0,415 0,585 » 283,90 »
Corps
(C2H405)2. CIIl12. T,. T2. qui cristallise-
o, 32o 0,680 » 283,70 (C2H"02)2
0,191 0,809 » 282,8o »
0,086 0,914 » 278,60 »
0,057 0,943 »
274,6 »
0,0385 0,9615 279,3 271,95 CÀ6HIZ

0,019 0,981 »
275,3 »
o,000 1,000 » 279,3 »
La courbe présente une inflexion plus prononcée encore
que la précédente.
Voici les concentrations calculées par l'équation (h)
pour trois mélanges, l'un correspondant au point d'in-
flexion, les deux autres à des parties situées respective-
ment avant et après ce point :
x x
[en (CSH4 02)2J. T2. q, calculé.
Cal
0,73 284,8 — 0,160 0,733
0,50 283,9 — 0,440 o,553
0,20 282,9 — 1,400 9,2i65

Mélanges de benzène et de tétrachlorure de carbone.



Le tétrachlorure de carbone avait pour chaleur spécifique
0,200 à i5°.
Les chaleurs de mélange de n molécules C6 H6 avec
une molécule CCI4 ont été :
n. C.
Cal
o,31o 0,0225
0,572 0,0367
o,858 0,0472
0,972 o,o523
1,258 0,0598
2,900 ..........................
29 3oo ..........................
0,0875
0,916
,

Voici les points de congélation observés :


Constituant
C6H6. CC)'. TI. T2. qui cristallise.
M M
0,918 0,182 278,5 272,8 C6H6
0,813 0,187 » 265,5 »
0,721 0,279 » 258,8 »
0,600 0,400 » 249,1 »
0,580 0,420 » 247 »
0,514 0,486 » 242 »
0,480 0,520 » 239 »
Constituant
C6H6. CCI4. T.. Tr qui cristallise.
M M
0,469 o,53i » 238,5 C6H6
0,409 o,591 » 238 »
0,382 0,618 »
237 »
o,35i 0,649 »
235,6 »
0,280 0,720 » 23o,5 »
0,214 0,786 D
227,5 »
0,200 0,800 218,8 230,2 CCI.
01]79 0,821 » 230,8 »
0,150 0,850 » 233,5 »

0,110 0,890 » 236,5 »


0,088 0,912 » 238,o »
0,060 0,940 » 241,5 »
o,o3o 0,97 248,8 245,5 »
La courbe de congélation du benzène présente une partie
à peu près droite jusqu'à la concentration x == o,5.
Jusqu'en ce point, la température de cristallisation
observée concorde très bien avec la température calculée
d'après l'équation ( b). Ainsi, pour la concentration o,5,
on a
q = — oCal, o3i, T2 cal.
=
T2 obs. = 24 1
-

Mais ensuite, la courbe présente un changement


brusque de direction et les différences entre le calcul et
l'expérience sont de plus en plus grandes jusqu'au point
d'eutexie et les températures calculées se trouvent à peu
près sur le prolongement de la première partie de la courbe.
On pourrait être tenté de croire que le changement
brusque de direction est dû à une erreur de mesure de la
température et qu'il s'agit seulement d'une inflexion
comme dans le cas du système cyclohexane-acide acé-
tique.
Mais, tandis que ces derniers mélanges se font avec une
absorption de chaleur relativement très grande, la chaleur
de dilution des mélanges de tétrachlorure de carbone et de
benzène est très faible, plus faible que pour l'acide
acétique et le benzène, et [ne pourrait expliquer une
inflexion aussi forte.
Il faut donc que les cristaux qui se séparent ne soient
pas formés de benzène pur, mais d'une combinaison ou
d'une solution solide.
Pour recueillir les cristaux je plaçais, au fond du tube
cryoscopique, une passoire en toile de platine, ayant à peu
près le diamètre intérieur du tube. Cette passoire était
fixée à une tige de verre passant à frottement à travers le
bouchon du tube.
Le mélange liquide (contenant un peu moins de om,5 de
benzène) était introduit et je provoquais sa cristallisation.
La passoire était soulevée par sa tige, maintenue quelques
minutes au-dessus du liquide et secouée pour égoutter les
cristaux, puis sortie rapidement et portée dans un autre
tube, où les cristaux fondaient. Le point de congélation
du liquide provenant de cette fusion indiquait la compo-
sition. Ce point était supérieur de 1° à 20 à celui du liquide
primitif : —34°, par exemple, au lieu de —35°, pour le
mélange o,4 CG H6 + 0,6CCl4.
Les cristaux n'étaient donc certainement pas formés
de benzène pur.
La difficulté d'essorer complètement les cristaux vers
— 40° rend un peu incertaine leur analyse exacte et il est
difficile de savoir si la composition de ces cristaux varie
régulièrement avec celle de la solution ou si, au contraire,
elle est constante.
Je pencherais plutôt pour une composition constante,
car la partie de la courbe dont il s'agit passe par un
maximum pour x — 0,5, c'est-à-dire pour la composition
CCl4+C6H6.
Il est fort probable que cette combinaison n'existe
qu'à l'état solide et non en solution et qu'il s'agit simple-
ment de l'interposition des deux réseaux cristallins.
Ce qui tend à le faire croire, c'est que la première partie
de la courbe concorde absolument avec l'équation et
n'est pas modifiée comme elle devrait l'être si la solution
contenait un complexe moléculaire.

Cas des liquides partiellement, miscibles. — Une équation


générale de la solubilité doit comprendre le cas des liquides
qui ne se mélangent pas en toutes proportions.
Je vais raisonner sur l'équation la plus simple
Mais un raisonnement analogue pourrait être fait avec
une équation plus rigoureuse. Le dénominateur de la
fraction ci-dessus est toujours plus grand que i, logx étant
négatif.
Le numérateur est aussi plus grand que l'unité si la
chaleur de dilution <yest négative, comme dans les exemples
précédents.
Mais la fraction elle-même doit rester inférieure à i, car
la température de cristallisation de la solution ne peut
être supérieure à celle du dissolvant pur.
Il faut donc qu'on ait

Mais s'il en était ainsi les solutions saturées d'un liquide


partiellement miscible devraient cristalliser à la même
température que le dissolvant pur.
L'eau saturée d'éther devrait cristalliser à oO et non
à — 2°,3.
La condition ci-dessus ne donne qu'une limite supé-
rleure.
En fait, la miscibilité cesse avant. Reportons-nous aux
courbes de cristallisation commençante.
Lorsqu il n'y a ni réaction chimique, ni formation de
cristaux mixtes, deux cas peuvent se présenter :
1° La chaleur de dilution est négligeable. C'est ce qui
a lieu, par exemple, pour les mélanges de benzène et de
bromure d'éthylène, de bromure d'éthylène et de toluène,
de bromoforme et de toluène, etc. Le diagramme se com-
pose de deux courbes se rencontrant au point d'eutexie.
La courbe représentant la cristallisation du corps A tourne
sa concavité vers l'axe des abscisses, du côté des concen-
trations croissantes pour le corps considéré.
2° La chaleur de dilution n'est pas négligeable et, de
plus, elle est négative. L'introduction de cette quantité,
dans l'expression analytique de la courbe a pour effet
de diminuer l'abaissement du point de congélation et,
par suite, la courbure. Il peut arriver que, sur une assez
grande longueur, la courbe se rapproche plus ou moins
d'une droite. Si la chaleur de dilution est assez grande,
la courbure change de sens vers l'origine, pour reprendre
ensuite sa direction habituelle vers les basses températures.
Il se produit alors une inflexion. Cette inflexion était
très faible pour la cristallisation du benzène dans l'acide
acétique ; elle est plus prononcée pour le bromure d'éthy-
lène dans le cyclohexane et, enfin, pour l'acide acétique
dans le cyclohexane, la tangente au point d'inflexion est
presque horizontale. Ce phénomène s'exagérant, on pour-

rait concevoir une courbe ayant la forme représentée


par la figure 5.
Mais un tel diagramme ne peut être réalisé expérimen-
talement.
La ligne représentative ne peut suivre une marche ascen-
dante, le point de congélation ne peut s'élever par addi-
tion d'une nouvelle quantité du corps dissous (B).
Cette addition ne peut qu'abaisser la tension due à A
et, par suite, le point de cristallisation commençante.
Si le mélange liquide restait homogène, le système serait
monovariant et, pour une température donnée, la compo-
sition du Jiquide et celle de la vapeur en équilibre avec les
cristaux seraient déterminées.
Il ne peut pas y avoir deux liquides de composition
différente cristallisant à la même température, en donnant
les mêmes cristaux.
Lorsque la concentration correspondant au point m a
été atteinte, la dissolution de B ne se fait plus. La misci-
bilité cesse d'être complète et le système comprend une
phase de plus.
En p, la courbe recommence à baisser et le mélange
redevient homogène.
Dans l'intervalle mp, la température de cristallisation
du corps A reste constante puisque la composition de la
phase considérée ne varie pas.
C'est l'allure que présente la courbe de solubilité de
l'acide isobutyrique dans l'eau (1).
L'étude des mélanges de cyclohexane et d'acide acé-
tique paraît assez instructive.
Il ressort de l'examen de la courbe que ces mélanges,
qui sont encore tous homogènes, sont dans un état très
voisin de la miscibilité incomplète.
Il suffit, en effet, d'ajouter au mélange équimoléculaire
de son volume d'eau pour provoquer la séparation
en deux couches. Il peut paraître étonnant que des
liquides, comme l'eau et l'éther, qui se mélangent avec
dégagement de chaleur, ne le fassent pas en toutes pro-
portions.

(') FAUCON, Ann. de Chim, et de Phys., 81 série, t. XIX, 1910,


p. 98.
Cela peut s'expliquer par une réaction chimique exo-
thermique, telle que la formation d'un hydrate.
Nous venons de voir que la miscibilité cesse lorsque la
température de congélation ou la tension de vapeur par-
tielle du corps qui cristallise ne diminuent plus par l'addi-
tion de l'autre constituant.
Pour déterminer les conditions de la miscibilité par-
tielle, on peut raisonner, soit avec l'équation de Kirchhoff
relative aux tensions de vapeur, soit sur l'équation des
courbes de congélation qui en dérive.
En admettant, comme loi de variation de la chaleur de
dilution en fonction de la température,

l'équation de Kirchhoff devient, comme je l'ai montré


plus haut,

Soit q=f(x) la relation entre la chaleur de dilution et


la concentration à température constante 9, on a :

Le minimum de Z'} tension de vapeur partielle du liquide,


aura lieu en même temps que celui de y ou de Log ' j
La condition cherchée sera donnée par

Si on laisse de côté les liquides réagissant chimiquement,


on peut dire que la miscibilité partielle a lieu lorsque la
chaleur de dilution négative atteint une certaine valeur
donnée approximativement par l'équation ci-dessus.
Par contre, les liquides ne donnant lieu, par leur
mélange, qu'à un effet thermique négligeable, ce qui est
généralement le cas des corps de constitution chimique
analogue, comme les composés organiques d'une même
série homologue, comme les corps gras, comme les métaux
d'une même famille, etc.,, se dissolvent mutuellement en
toutes proportions.

SÉPARATION DES EFFETS LUMINEUX ET CALORIFIQUES


PRODUITS PAR UNE SOURCE DE LUMIÈRE;

PAR M. DUSSAUD.

Chacun sait que la lumière des sources lumineuses est


malheureusement accompagnée d'une énorme quantité
de chaleur, à la fois coûteuse et gênante. Cette chaleur
est absorbée en très notable proportion par les substances
transparentes des systèmes optiques de concentration,
dans tous les appareils d'optique; c'est à la fois un avan-
tage et un inconvénient. C'est un avantage dans les pre-
miers instants d'un éclairement, car, si la matière du
système condensateur laissait passer la chaleur aussi
facilement
que la lumière, l'objet sur lequel se ferait la
concentration, cliché par exemple, serait presque instan-
tanément brûlé; c'est, d'autre part, un inconvénient,
après les premiers instants de l'éclairement, car la matière
absorbante peut éclater par son propre échauffement
et son rayonnement calorifique propre devient à son
tour dangereux.
Je suis parvenu à supprimer l'inconvénient en conser-
vant l'avantage, et la suppression de l'inconvénient
a exalté l'avantage.
La source., arc électrique si l'on veut, est fixe. J'emploie
pour la concentration un groupe de systèmes optiques
qui se succèdent automatiquement, en prenant exacte-
ment une même place fixée par un réglage. Chacun d'eux
ne travaille que pendant un temps assez réduit pour ne
s'échauffer que très peu. Par son déplacement, il se re-
froidit complètement pendant l'intervalle où il reste
inactif. La diminution considérable de réchauffement
d'un condensateur permet de le disposer à une distance
de la source beaucoup plus faible qu'à l'ordinaire. En
rendant la distance focale deux fois plus courte, je par-
viens à faire usage de sources lumineuses moins étendues
et parfois dix fois moins coûteuses.
J'ajoute que l'arc est emprisonné entre un condensateur
optique à l'avant et un miroir concave à l'arrière; tous
les deux sont mobiles, tous les deux sont à foyer deux fois
plus court que les foyers habituels. La lumière utilisée est
aussi peu chaude que cela est nécessaire et le peu de cha-
leur qui est communiqué au système optique est dispersé
pendant son déplacement dans le milieu environnant,
en dehors de l'objet éclairé.
Cette lumière, rendue pratiquement froide par la sépa-
ration de l'effet lumineux et de l'effet calorifique, apporte
une grande simplification à de nombreux modes d'éclai-
rage : projections, phares, cinématographes (clichés en
celluloïd), microscopes (projection des préparations micro-
scopiques les plus délicates), télégraphie optique.
J'ai appliqué ma méthode à des sources chaudes, riches
en rayons ultraviolets, avec des systèmes optiques trans-
parents pour l'ultraviolet.
SYMHÈSE DES GLUCOSIDES D'ALCOOLS A L'AIDE DE L'ÉMULSINE

ET RÉVERSIBILITÉ DES ACTIONS FERMENTAMES;

PAR MM. EM. BOURQUELOT ET M. BRIDEL.

INTRODUCTION.
J'ai établi, par de nombreuses recherches dont les plus
anciennes remontent à plus de 20 ans, que les plantes
éprouvent, pendant leur dessiccation à l'air, des modifi-
cations plus ou moins importantes dans leur composition
chimique. Comme il était nécessaire de connaître exac-
tement ces modifications pour savoir dans quels cas il
y aurait intérêt à remplacer les médicaments galéniques
préparés avec des plantes desséchées (teintures, extraits)
par des médicaments préparés avec les plantes fraîches,
j'ai fait ou fait faire, dans mon laboratoire, de multiples
expériences comparatives sur ce sujet. Et c'est au cours
de ces expériences qu'on a fait certaines observations
qui nous ont amenés à entreprendre les travaux qui font
l'objet de ce Mémoire. Je citerai seulement quelques-unes
de ces observations.
M. Lesueur, dans un but qu'on trouvera exposé dans
sa thèse (1), avait partagé un lot de feuilles de laurier-
cerise, desséchées à l'air, en deux portions d'égal poids.
Il traita l'une par l'alcool bouillant et mit l'autre à macérer
dans l'alcool froid pendant 10 jours, suivant les indica-
tions qui sont données dans la Pharmacopée française
pour la préparation des teintures alcooliques.

(1) Influence du mode de préparation sur la composition et la


stabilité des alcoolatures et des teintures alcooliques. Stérilisation par
V alcool bouillant (Thèse de doctorat universitaire : Pharmacie, Paris,

9 juillet 1910).
Les liqueurs alcooliques ayant été distillées, les extraits
obtenus furent repris par la même quantité d'eau; après
quoi,. on dosa le sucre réducteur contenu dans chaque
solution. Tandis que la première ne renfermait que des
traces de ce sucre, la seconde en contenait une notable
quantité. Avec d'autres plantes (feuilles de digitale,
racine d'aconit, bulbe de colchique, racine de valériane),
il fut constaté que la proportion de sucre réducteur
était également plus forte dans la seconde teinture que
dans la première.
On ne pouvait expliquer ces résultats qu'en admettant
que les enzymes qu'on savait, par ailleurs, exister dans
ces parties de plantes, et que le traitement par l'alcool
bouillant avait détruits dans la première portion, pouvaient
exercer leur action hydrolysante en milieu alcoolique,
ce qui était contraire à l'opinion courante.
L'année suivante, M. Bridel (1) eut à effectuer une opé-
ration analogue sur la racine de gentiane jaune desséchée
à l'air. Voulant pousser plus loin la comparaison, il
épuisa les deux extraits par l'éther acétique de façon à
dissoudre toute la gentiopicrine contenue dans ces
racines et à la séparer des hydrates de carbone (glucose,
saccharose, gentianose) que ne dissout pas sensiblement
ce véhicule. Les solutions éthéro-acétiques ayant été
distillées à sec, il fit dissoudre les résidus dans parties
égales d'eau et ajouta à chaque solution, pour y doser la
gentiopicrine, une même quantité d'émulsine. Il se trouva
que le résidu provenant de la portion de racines traitée
par l'alcool froid renfermait beaucoup moins de gluco-
side que l'autre résidu.

(1) Application de la méthode biochimique ci une nouvelle étude


des préparations galéniques de la racine de gentiane (Thèse de doc-
torat universitaire, Pharmacie, Paris, 26 décembre 1911); voir aussi
Journ, de Pharm. et de Chim., 7e série, t. III, Ier juin 1911.
Corrélativement, la partie insoluble dans l'éther acé-
tique correspondante renfermait plus de sucre réducteur
que l'autre. L'expérience répétée donna les mêmes
résultats.
Il y avait donc eu, pendant la macération prolongée
dans l'alcool, hydrolyse de la gentiopicrine avec produc-
tion de glucose, et cette hydrolyse ne pouvait être rap-
portée qu'à l'émulsine qui, comme l'ont établi MM. Em.
Bourquelot et H. Hérissey (1), existe naturellement dans
la racine de gentiane.
C'est ainsi que nous avons été amenés à étudier d'abord
la question de l'activité de l'émulsine milieu alcoolique,
en
ce qui, comme on le verra, nous a conduits ensuite à la
découverte de la synthèse biochimique des glucosides et
des galactosides d'alcools.
Em. BOURQUELOT.
Octobre 1912.

PREMIÈRE PARTIE.
ÉTUDE DE L'ACTION HYDROLYSANTE DE L'ÉMULSINE DANS
L'ALCOOL ÉTHYLIQUE ET DANS QUELQUES AUTRES
MILIEUX LIQUIDES.

On a admis jusqu'ici que de faibles quantités d'alcool


ordinaire suffisent pour annihiler complètement l'activité
de certains enzymes, et spécialement de l'émulsine. En ce
qui concerne ce dernier ferment, cette manière de voir
s'appuie sur une expérience de Bougarel (2) qui aurait
constaté qu'il suffisait d'ajouter 1cm3 à 2cm3 d'alcool
à un mélange obtenu en délayant 1g de tourteau
d'amandes dans 30g d'eau pour empêcher ce mélange d'agir

(1) Recherches sur le gentianose (Ann. Chim. Phys., 7e série,


t. XXVII, 1902, p. 397).
(2) De l'amygdaline (Thè3e inaugurale de Pharmacie, Paris, 1877,
P- 5o).
sur l'amygdaline. On a vu plus haut que diverses obser-
vations nous avaient permis de penser qu'il en était
autrement, et que tout au moins l'émulsine contenue dans
la racine de gentiane pouvait encore hydrolyser la gentio-
picrine de cette racine dans l'alcool à 60°. Un essai effectué
dans cet alcool, sur de la gentiopicrine, avec de l'émulsine
des amandes, ayant donné les mêmes résultats (1),la
question de l'activité hydrolysante de cet enzyme en
milieu alcoolique était à reprendre tout entière. Il y avait
lieu, non seulement de s'assurer que, dans l'alcool à 600,
l'action hydrolysante de l'émulsine sur un quelconque des
glucosides qu'elle hydrolyse en milieu aqueux n'est pas
empêchée, mais encore d'étudier l'influence de la concen-
tration de l'alcool sur la réaction hydrolytique. Il y avait
lieu, en outre, d'entreprendre des recherches analogues
avec des alcools autres que l'alcool éthylique et même
avec d'autres dissolvants neutres. Nous nous sommes
trouvés ainsi conduits à faire diverses séries d'essais avec
l'alcool éthylique, l'alcool méthylique, l'acétone et l'éther
acétique. Voici d'abord quelques renseignements sur
l'émulsine et les glucosides (gentiopicrine, salicine et
arbutine) que nous avons employés.

Émulsine. — L'émulsine employée dans ces expériences


a été préparée avec des amandes douces par le procédé
Robiquet perfectionné par M. Hérissey (2). Les amandes
mondées sont écrasées, puis mises à macérer pendant
24 heures dans 2 parties d'eau chloroformée. On passe
à travers un linge, on exprime et, dans la liqueur laiteuse,
On ajoute goutte à goutte, en agitant, de l'acide acétique,

(1) M. BRIDEL, Société de Pharmacie de Paris. Procès-verbal de


la séance du 5 août 191 x (Journ. de Pharm. et de Chim., 2e série,
t. III, 19II, p. 415).
Recherches sur l'émulsine (Thèse de doctorat universitaire;
(8)
Pharmacie, Paris, 1899).
de façon à précipiter la caséine. On filtre et l'on précipite
l'émulsine par addition de 4vol d'alcool à 90°. Le ferment
est recueilli sur un filtre, lavé à l'alcool, agité dans un
flacon avec un mélange à volumes égaux d'alcool et
d'éther et, enfin, essoré à la trompe. On fait sécher dans
le vide sulfurique et l'on réduit en poudre.
Rappelons qu'on admet que cette émulsine n'est pas
un ferment unique (1) et qu'elle renferme : 10 de l'émulsine
proprement dite qui hydrolyse un grand nombre de glu-
cosides, comme la salicine,la gentiopicrine,l'arbutine,etc. ;
20 de la lactase qui hydrolyse le lactose ; 3° de la gentio-
biase qui dédouble le gentiobiose; 4° le ferment qu'on'
a appelé amygdalase parce qu'il dédouble un hexobiose
hypothétique qu'on suppose représenter les 2mol de glu-
cose de l'amygdaline; 5° souvent des traces d'invertine
provenant vraisemblablement d'amandes attaquées par
des moisissures qui échappent à l'attention.
Dans ce Mémoire, il ne s'agit que de l'émulsine pro-
prement dite. Par suite des conditions dans lesquelles
les expériences ont été faites, c'est cet enzyme seul qui
est intervenu.
Ceux qui s'occupent de l'étude des ferments solubles
savent que les produits obtenus dans diverses préparations,
quelque soin qu'on prenne, ne sont jamais absolument
identiques, différant plus ou moins par leur activité.
Aussi, nous sommes-nous astreints à n'employer, pour
toutes les expériences relatives à une question, que de
l'émulsine provenant d'une même préparation. Tous les
résultats de ces expériences sont ainsi comparables les
Uns avec les autres.

Gentiopicrine. — Ce glucoside a été préparé par

(1) Em. BOURQUELOT et H. HÉRISSEY, L'émulsine telle qu'on


l'obtient avec les amandes est un mélange de plusieurs ferments
(Société de Biologie, 11e série, t. V, 1903, p. 219).
MM. Bourquelot et Hérissey, à l'occasion d'un travail
publié en 1900 (1). Comme ce produit avait légèrement
jauni depuis sa préparation, on l'a fait recristalliser,.
dans de l'éther acétique, contenant à d'eau.
On a ainsi obtenu des cristaux renfermant une demi-
molécule d'eau de cristallisation, fondant à + 121°-122°
et possédant un pouvoir rotatoire de — 196°.
Rappelons que, sous l'action de l'émulsine, la gentio-
picrine en solution aqueuse est hydrolysée en donnant
du glucose et de la gentiogénine.
Salicine. — La salicine, achetée comme salicine pure,
a été néanmoins purifiée par cristallisation dans l'alcool
à 95° bouillant, ce qui nous a donné un produit possédant,
dans l'eau à 170, un pouvoir rotatoire de —65°,15.
Au cours de nos recherches, nous avons dû déterminer
le pouvoir rotatoire de cette salicine en solution alcoo-
lique. Nous avons trouvé dans l'alcool à 40° : =—53°, i4 ~
l
(p =1,004 = 100; =2; 2 = -1°4')

-
>

et dans l'alcool à 85° :


~= 490, 82
(p = 0,9700; =100; 1
= 2; a. = —58').
Le pouvoir rotatoire de la salicine diminue donc à
mesure que le titre alcoolique de la solution augmente.
La salicine, en solution aqueuse, est dédoublée par
l'émulsine en glucose et en saligénine.
Arbutine. — L'arbutine dont nous nous sommes servis.
était de l'arbutine vraie, retirée par M. Bourquelot et
Mlle Fichtenholz, des feuilles de poirier sauvage (2)

(1) Sur la préparation de la gentiopicrine, glucoside de la racine


fraîche de gentiane (Comptes rendus 4c. des Sciences, t. CXXXI,
1900, p. II5).
(2) Sur le glucoside des feuilles de poirier (Journ. de Pharm. et de
Chim., Je série, t. IV, 1911, p. 198).
C'était de l'arbutine renfermant Imol d'eau de cristalli-
sation. Point de fusion : 194°-195° (non corr. ; après cor-
rection : 199°-200°); pouvoir rotatoire : ~ = — 590,86.
En solution aqueuse, l'arbutine est hydrolysée par
l'émulsine en donnant du glucose et de l'hydroquinone.

Mode opératoire. — Pour chaque glucoside employé


dans nos recherches, de même que pour chaque dissol-
vant, on a fait deux séries d'essais. Dans l'une, on a
ajouté à la solution du glucoside dans le dissolvant plus
ou moins étendu d'eau, l'émulsine pulvérisée, en ayant
soin d'agiter de temps en temps. Dans l'autre, on a fait
d'abord macérer la même quantité d'émulsine, pendant
8 jours, dans le dissolvant; on a filtré, et dans le liquide
filtré on a ajouté la même proportion de glucoside que
dans les essais correspondants de la première série. Dans
celle-ci, le glucoside se trouvait au contact de l'émulsine
totale, soluble ou non, tandis que dans l'autre, il n'était
en contact qu'avec la partie soluble. On se proposait de
rechercher ainsi si l'action fermentaire serait proportion-
nelle au produit dissous. On verra que ces essais compa-
ratifs ont révélé, à côté de faits intéressant directement
la question, ce résultat inattendu que l'action spécifique
de l'émulsine pulvérisée peut s'exercer dans des liquides
qui ne la dissolvent pas.

1° Action de l'émulsine sur la gentiopicrine


en solution dans l'alcool éthylique (1 ).
Emploi de l'émulsine en poudre. — Ces essais ont été
faits avec des alcools à 6oO, 8oO, 850, 900 et 950. Pour
chaque essai, on a ajouté, à 100cm3 d'une solution alcoo-

(1) Journal de Pharm. et de Chim., 7e série, t. IV, Ier no-


vembre 1911, p. 385.
lique de gentiopicrine à i pour 100, Og,20 d'émulsine et
l'on a abandonné les mélanges à la température du labo-
ratoire (+ 160 à + 180), en prenant soin d'agiter de
temps en temps. Au départ, la rotation était pour tous
les mélanges — 4°.
«
Le Tableau suivant donne, pour chaque essai, la durée
approximative de la réaction (1), la rotation finale obser-
vée pour = l2
et le mouvement vers la droite de la
rotation :
Durée Rotation Mouvement
Degrés approximative à l'arrêt à droite
de l'alcool. de la réaction. de la réaction. de la rotation.
C jours o o i
60
........... 37 — 3of 3.3o
3o 69 — 3o 3.3o
85 69 — 52 3.8
00 50 -1.48 2.12
95
........... 18 —3.42 o. 8
Dans tous les essais, la rotation gauche a donc diminué,
et comme, ainsi que nous nous en sommes assurés, les
liquides étaient devenus réducteurs, on voit que l'émulsine
a exercé son action hydrolysante sur la gentiopicrine
même dans les liquides les plus fortement alcooliques.
L'hydrolyse qui, si l'on s'en rapporte aux changements
optiques observés (2), a atteint d'autant plus de gentio-
picrine que le liquide était moins alcoolique, s'est d'ailleurs
arrêtée dans tous les cas, après un temps qui a varié
aussi avec le degré de l'alcool.

(1) Les examens polarimétriques ont été faits d'abord tous les
jours, puis à de plus longs intervalles. On a jugé la réaction arrêtée
lorsque deux examens successifs ont donné la même rotation. Les
chiffres exprimant la durée de la réaction ont été calculés en pre-
nant la moyenne entre les temps après lesquels ont été faites [les
deux observations précédant la dernière. Ces chiffres ne sont donc
qu'approximatifs.
(2) Pour l'interprétation exacte de la réaction, voir la deuxième
Partie.
Dans l'alcool à 950, l'hydrolyse a été presque nulle,
et elle s'est arrêtée vers le dix-huitième jour.
Dans l'alcool à 90°, l'hydrolyse est allée beaucoup plus
loin, pour s'arrêter vers le cinquantièmejour seulement.
Dans les alcools à 600 et à 8oO, l'émulsine a cessé d'agir
après avoir hydrolysé, semble-t-il, la même proportion
de gentiopicrine dans les deux cas; mais, avec l'alcool
le plus faible, il n'a fallu que 37 jours, tandis qu'il en a
fallu 69 avec l'autre.
Nous avions d'abord pensé, selon les idées régnantes,
que l'arrêt de la réaction devait être rapporté à une des-
truction lente de l'émulsine par l'alcool. Il n'en est rien;
l'émulsine n'est pas détruite et la réaction s'arrête parce
qu'elle atteint une limite qui ne peut être dépassée dans les
conditions de l'expérience. C'est ce que démontrent les
faits suivants :
1° On a recueilli l'émulsine qui était restée en contact,
pendant 48 jours, avec la solution de gentiopicrine dans
l'alcool à 6oO; on l'a lavée avec de l'alcool de même titre
et on l'a ajoutée de nouveau à 100cm3 d'une solution de
gentiopicrine à 1 pour 100 dans l'alcool à 6oO. La rotation
initiale, -4°, a passé en 10 jours à —2°56' et en 20 jours
à — 20. On n'a pas poursuivi l'expérience.
20 On a recueilli de même l'émulsine qui était restée,
pendant 90 jours, en contact avec la solution de gentio-
picrine dans l'alcool à 80°; on l'a lavée à l'alcool et on l'a
ajoutée à 100cm3 d'une solution de gentiopicrine à 1 pour
100 dans l'alcool à 6oO. La rotation initiale, — 40, a passé
en 4o jours à — 20 I4f, puis l'action s'est arrêtée.
Dans aucun cas, l'émulsine n'a donc été tuée puisqu'elle
a pu hydrolyser encore de la gentiopicrine en milieu
alcoolique. Il a suffi pour qu'elle pût exercer son action
spécifique, de la faire agir en l'absence des produits de
la réaction.
Toutefois, l'activité de l'enzyme s'est trouvée affaiblie
par son contact avec l'alcool, car la rotation avait passé,
dans les essais relatés plus haut, avec l'alcool à 600,
de — 40 à — 58f en 20 jours, et dans l'alcool à 80°, de
— 4° à — 48' en 4o jours.
Emploi d'une macération d'émulsine. — On a mis à
macérer, à la température du laboratoire (+ 160 à + 180),
Og,20 d'émulsine dans 100cm3 d'alcool à huit titres
différents : 10°, 20°, 3oo, 40°, 50°, 6oO, 800 et 900. Après
8 jours de macération, on a filtré de façon à obtenir des
liquides parfaitement limpides. Dans 5ocm3 de chacun de
ces liquides, on a ajouté og, 5o de gentiopicrine et l'on
a examiné au polarimètre sitôt après dissolution complète,
c'est-à-dire après environ i5 minutes. Pendant ce court
espace de temps, une certaine proportion de gentiopicrine
a été hydrolysée, proportion variable avec l'activité de
la solution fermentaire. C'est pourquoi les premières
rotations, bien qu'ayant été déterminées toutes les i5 mi-
nutes après l'addition de la gentiopicrine, ne sont pas
identiques, ainsi qu'on peut s'en assurer en examinant le
Tableau suivànt qui résume les résultats de ces essais :
Hotation
Première Durée à l'arrêt Mouvement
Degré observation approximative de la vers
de l'alcool. 1=2. de la réaction. réaction. la droite.
C o jours o , o ,
IO —3.3o /
2 + 22 4.22
20 —3.32 4 -1- 22 4.22
3o -3.46 5 -+- 2 4.-2
40 —3.46 5 -1.58 2. 'l
5o —3.54 5 —3.36 24
60 -4 pas d'action -4 0
80 -4 id. -4 o
id.
go ..... —4 —4 0

On voit d'abord que la gentiopicrine contenue dans les


alcools à 6oo, 8o° et 900 est restée inattaquée : l'émulsine
ne passe donc pas en dissolution dans ces différents alcools.
Elle commence seulement à
se dissoudre dans l'alcool
a 500 et il n'en passe encore en dissolution qu'une faible
quantité, puisque son action n'a amené qu'un mouvement
a droite de tandis que dans les alcools à 100 et à 200,
}
ce mouvement s'est élevé à 4022f, la réaction paraissant
avoir atteint la prësque totalité du glucoside comme s'il
s'était agi d'une hydrolyse en milieu aqueux.
On remarquera aussi que, dans tous les mélanges où
l'action de l'émulsine s'est manifestée, la réaction s'est
arrêtée en moins de 7 jours. C'est là un fait intéressant
a signaler, étant donné que, lorsqu'on fait agir l'émulsine
en poudre dans des alcools plus forts, la réaction, beaucoup
plus lente, se continue plusieurs mois et finit par atteindre
d'assez fortes proportions de glucoside.
En résumé, contrairement à l'opinion admise, l'émul-
sine en poudre hydrolyse la gentiopicrine en solution
dans de l'alcool très concentré (950). Pour les alcools forts,
a partir de 6oO, il faut admettre que la réaction se fait
par simple contact, puisque, comme le montre la deuxième
série d'essais, ces alcools ne dissolvent pas d'émulsine.
L'hydrolyse en milieu alcoolique s'arrête quand une
certaine proportion de glucoside est décomposée, sans pour
cela que le ferment soit détruit, même par un séjour de
3 mois dans l'alcool à 800. La proportion de glucoside
hydrolysé, lorsqu'on a atteint cette sorte de limite, paraît
être d'autant plus faible que l'alcool est plus fort. C'est
là un point qui sera examiné de plus près dans la deuxième
Partie de ce Mémoire.

Action de l'émulsine sur la salicine en solution


2"
dans l'alcool éthylique (1).
Emploi de l'émulsine en poudre. — On a préparé, avec
des alcools à 40°, 50°, 6oo, 8o°, 85° et 900, des solutions

(1) Comptes rendus, séance du 9 avril 1912, p. 944.


renfermant, pour 100cm3, 1g de salicine et l'on a ajouté
à I00cm3 de chacune de ces solutions, 0g,20 d'émulsine
en poudre. On a abandonné ensuite ces ¡mélanges à la
température du laboratoire (+ 17° à + 180) en ayant
soin d'agiter de temps en temps.
Le Tableau ci-dessous donne, pour chaque essai, la
rotation des solutions avant l'addition de l'émulsine, la
durée approximative de la réaction, la rotation à l'arrêt
de la réaction et le mouvement de la rotation vers la droite.
Rotation Durée Mouvement
Degré initiale. approximative Rotation à droite
de l'alcool. I — 2. de la réaction, à l'arrêt, de la rotation.

4o
5o
C
-—1.2
12
o ,
8
12
jours
-4-16
—t— 14
,
I

1
0

.
.
,
18
16
60...... —1.2 t3 + 4 1

6
8o — 58 i3 — G 52
85 — 58 35 -14 44
90 — 58 44 -22 36
95 (1 ).. — 28 —28 o

Toutes les solutions, excepté la dernière, étaient deve-


nues réductrices.
Ces résultats établissent que l'action de l'émulsine sur
la salicine n'est arrêtée par l'alcool que lorsque celui-ci
atteint la proportion de 95 pour 100 en volume. C'est ce
que nous avions observé pour la gentiopicrine avec cette
différence que ce dernier glucoside a été partiellement
hydrolysé même dans l'alcool à 950, que l'action s'est
poursuivie plus longtemps (2), et que, dans les essais

(1) La salicine n'étant pas soluble à 1 pour ioo dam l'alcool à


95°, on a opéré, pour cet alcool, sur une solution saturée à la tem-
pérature du laboratoire. Cette solution, étant donné le pouvoir
rotatoire de la salicine dans l'alcool fort, renfermait, d'après la
rotation, de og,45 à og,50 de ce glucoside pour 100cm3.
(2) Ce qui peut tenir à une différence d activité entre les émul-
sines employées.
comparables, il y aurait eu, si l'on s'en rapporte aux chan-
gements optiques, plus de glucoside hydrolyse.
Emploi d'une macération d'émulsine.
— Nos recherches
antérieures ayant établi (voir plus haut : gentiopicrine)
que l'émulsine est insoluble dans l'alcool à 600 et dans les
alcools plus concentrés, on n'a fait porter cette deuxième
série d'essais que sur des alcools à 10°, 20°, 3oo, 400
et 5o°. On a mis à macérer, pendant 8 jours, Og,20 d'é-
mulsine dans 100cm3 de chacun de ces alcools; après
quoi, on a filtré de façon à obtenir des solutions limpides.
A 50c de chacun de ces liquides, on a ajouté og,50
3

de salicine. La première observation polarimétrique


ne
pouvant se faire qu'après dissolution complète, et la
dissolution de la salicine s'effectuant plus lentement que
celle de la gentiopicrine, cette observation s'est trouvée
reportée après la première heure pour l'alcool à 10° eu,
après la douzième, pour les autres alcools. Pendant ce
temps d'attente, une certaine quantité de glucoside, plus
ou moins forte suivant l'activité de la solution fermentaire,
avait été hydrolysée. Comme dans les essais précédents,
a été prolongée jusqu'à l'arrêt de la réac-
^ expérience

tion. Température du laboratoire : + 170 à + 180. Voici


les résultats de
ces essais :
Durée
Rotation approxi- Rotation Mouvement
Degré initiale Première mative à l'arrêt à droite
de calculée rotation de la de la de la
' alcoof. observée. réaction. réaction. réaction.
1
= 2.
0 jours 0
ÎO... ,
l8 /
+26 1
1.38 1

20...
3o...
.-1.Io
— I.I-2
1

-1-6
28
2
10 +'26 1.36
l1.8
40.'. —1.
7
2

— 56
20
34
-1-20
-4- 6
,27

30... —I. 2 —I. 4 40 10 02


Sil'on compare les résultats des deux derniers essais
avec ceux qui leur correspondent dans la série précé-
dente (alcools à 400 et à 50°), on voit que, avec l'émulsine
en poudre, la réaction s'est arrêtée au bout de 8 jours dans
l'alcool à 40°, et au bout de 12 jours dans l'alcool à 5oO,
tandis que cet arrêt s'est produit avec la solution d'émul-
sine après 34 et 4o jours. De plus, les changements de
rotation beaucoup plus forts dans la première série que
dans la deuxième indiquent que la réaction a atteint dans
celle-là une plus grande proportion de glucoside.
Ces différences tiennent à ce que l'émulsine ne se dissout
que faiblement dans les alcools à 400 et à 50°, et que, par
conséquent, les liqueurs n'en renferment que de minimes
quantités.
On voit, d'autre part, que la proportion de glucoside
attaqué, augmente au fur et à mesure que l'alcool est
plus faible.
Nous retrouvons donc, avec la salicine, les mêmes faits
qu'avec la gentiopicrine. A la température ordinaire,
l'alcool, même très concentré, n'empêcbepas l'action hydro-
lysante de l'émulsine. Mais, dans aucun cas, on n'aboutit
à une hydrolyse complète. On arrive à une sorte d'équi-
libre qui ne peut être ensuite dépassé. Cet état d'équi-
libre est, si l'on s'en rapporte aux changements de rota-
tion, atteint pour des quantités d'autant plus faibles de
glucoside hydrolysé que l'alcool est plus concentré.
Il s'ensuit que, en solution aqueuse, on doit se rappro-
cher de l'hydrolyse totale. On y arrive sensiblement,
comme nous l'avons constaté dans d'autres expériences,
avec la gentiopicrine, à condition d'opérer en solution
peu concentrée. Mais avec la salicine, même en solution
à i pour 100, l'hydrolyse n'est pas tout à fait complète.
Et, dans un essai particulier pour lequel nous avons fait
agir O", 20 d'émulsine en poudre sur 100cm3 d'une solution
aqueuse de salicine au centième, l'arrêt s'est produit
lorsque 94^7 centièmes du glucoside étaient hydrolysés,
résultats à peu près identiques à ceux qu'ont obtenus,
il y a plusieurs années, G. Tamman (1), puis A.-W.
Visser (2).

3° Action de l'émulsine sur l'arbutine en solution


dans l'alcool éthylique.
Emploi de V'émulsine en poudre. — Même mode opéra-
toire que pour la salicine [voir plus haut, p. 155). Au départ,
avant l'addition de l'émulsine, la rotation de tous les
— 1°8'; température : + 16°
liquides était, pour l = 2,
à + 180.
Le Tableau ci-dessous donne, pour chaque essai, le
degré de l'alcool, la durée approximative de la réaction,
la rotation à l'arrêt et le mouvement à droite de la rotation.

Durée Rotation
Degré approximative à l'arrêt Mouvement
de l'alcool. de la réaction. de la réaction. de la rotation.

4o
C

5o......
jours
i5
i5
+7 o

3
r 0
1. 15
j.tf
,


60
»
17 — 5 t.3
8o 16 — 12 56
85 16 — 24 44
90 ...... 15 — 44 24
g5
...... i5 -1.2 6

Par suite de l'oxydation de l'hydroquinone provenant


de l'hydrolyse de l'arbutine, les liquides se sont colorés
peu à peu en rose. Aussi a-t-on été obligé, pour les
dernières observations, de déféquer.
La réaction s'est arrêtée après un temps plus court et est
allée moins loin que pour les autres glucosides. On remar-

(1) Die Reactionen der ungeformten Fermente (Zetschr. /. physiol.


Chetnt. XVI, 1892, p. 271).
(2) Reaktionsgeschwindigkeit und chemisches Gleichgewicht in
homogenen Systemen und deren Anwendung auf Enzymwirkungen
(Ztschr, /. physikal. Chem., t. LII, 1905,
p. 258).
quera que le temps pendant lequel s'est poursuivie la
réaction est à.peu près le même pour tous les essais.

Emploi d'une macération d'émulsine. — Dans cette


seconde série d'essais, on a opéré aussi comme pour la
salicine. Mais la dissolution de l'arbutinc dans les alcools
s'est faite ici en quelques instants.
Durée
Degré Rotation approximative Rotation Mouvement
de l'alcool, initiale ('). de la réaction. à l'arrêt, de la rotation.
C o jour.; « «
io —i. 16 f
5 -!- 3o i i. 46 r

20 — 1.1G -+- 29 1.45


3o -1.14 58
40,....., -1.10 15 — 56 14
5o -1.10 15 -1.2 8

Les résultais sont du même ordre que ceux que nous


avons relevés avec la salicine. Il ressort manifestement
des résultats qui se rapportent aux alcools à 400 et à 500
que, si l'émulsine en poudre agit plus fortement que la
macération, c'est que, dans le premier cas, interviennent
à la fois la partie soluble et la partie insoluble du ferment,
tandis que, dans le second, n'intervient que la partie
soluble.

4" Action de l'émulsine sur la gentiopicrine en solution


dans l'alcool méthylique (2).
Les recherches précédentes ayant établi que l'émulsine
agit sur la gentiopicrine, sur la salicine et sur l'arbutine
en solution dans de l'alcool éthylique, même fortement

(1) La rotation est ici un peu plus élevée à cause de la dissolution


d'une certaine quantité d'émulsine, celle-ci étant, comme l'on sait,
lévogyre.
(2) Société de Pharmacie de Paris, séance du Ier mai 1912 (Journ.
de Pharm. et de Chim., 7e série, t.V, p. 511 ).
concentré, on devait se demander s'il en serait de même
dans un autre alcool. Nous avons choisi, pour étudier
cette nouvelle question, l'alcool le plus connu après
l'alcool éthylique, l'alcool méthylique, et nous avons fait
avec lui des essais analogues à ceux que nous venons de
décrire, nous bornant à opérer sur un seul glucoside,
la gentiopicrine.

Emploi de l'émulsine en poudre. — Même mode opéra-


toire que pour l'alcool éthylique. Au départ, et avant
l'addition de l'émulsine, la rotation de tous les liquides
était, pour 1= 2, -3° 56'. Température du laboratoire
à
pendant les essais : + 17° + 20°. Voici les résultats
de ces essais qui ont porté sur 10 alcools méthyliques
de titres différents.

Composition
en poids du liquide. Durée Rotation Mouvement

approximative à l'arrêt de la rotation
Alcool de la de la vers la
méthylique. Eau. réaction. réaction. droite.
jours 0 0
10 90 5 + 18 1 4.14 t

20 80 6 o 3.56
3o 70 i5 o 3.56
40 60 23 — 2 3.54
5o 5o 23 — 8 3..'18
60 40 — 16 3.40
70 3o 27 — 24 3.32
80 20 44 -1.10 2.46
go 10 37 -3.12 0.44
100 o pas d'action -3.56 o

Ainsi, dans l'alcool méthylique pur, l'émulsine est


sans action. Dans tous les autres liquides, il y a eu hydro-
lyse, ces liquides étant devenus réducteurs et des chan-
gements s'étant produits dans la rotation, changements
d'autant plus rapides et plus importants que l'alcool mé-
thylique était plus dilué. C'est ce que nous avions constaté
avec l'alcool ordinaire. Quant à la nature exacte de la
réaction, nous y reviendrons dans la deuxième Partie
de ce Mémoire.
Emploi d'une macération d'émulsine. — On a fait
macérer, pendant 8 jours, de l'émulsine dans chacun des
différents liquides alcooliques dont nous avons donné
plus haut la composition (0g,20 de ferment pour 100cm3).
On a filtré, et, à 100cm3 de chaque liquide filtré, on a
ajouté i8 de gentiopicrine. Au départ, la rotation cal-
culée de chaque mélange était de — 4°.
Il n'y a eu aucune action dans les six derniers liquides,
ce qui démontre que l'alcool méthylique pur et l'alcool
méthylique dilué renfermant 5o pour 100 d'alcool ou
davantage ne dissolvent pas de ferment. Sans quoi,
comme dans la première série, il y eût eu hydrolyse dans
les alcools renfermant 5o, 40Y 30, 20 et 10 parties d'eau
pour 100. Avec les autres liquides, une partie du glucoside
a été hydrolysée, comme l'indique le Tableau suivant :
Composition
en poids du liquide. Durée Rotation Mouvement
—^1— approximative à l'arrêt
la réaction
à droite
Alcool de la de de la
méthylique Eau. réaction. (Z=a). rotation.
jours 0 0
IO (JO 7 -+- 16 1
4. l6,
20 80 18 — 2 3.58
3o 3~ 3.5o
40\
70
60 32

-3. q
10
46

Les résultats de ces quatre derniers essais vont, comme


on le voit, dans le même sens que ceux qui leur corres-
pondent dans la première série, modifiés seulement par
le fait que la réaction dépend à la fois de la composition
des alcools et de la quantité de ferment entrée en disso-
lution.
Somme toute, les choses se passent avec l'alcool méthy-
lique comme avec l'alcool éthylique.
5° Action de l'émulsine sur la gentiopicrine en solution
dans l'acétone (1).
Parmi les faits nouveaux mentionnés jusqu'ici, il en est
un qui a attiré plus particulièrement notre attention,
en ce sens qu'il va à l'encontre de l'idée qu'on se fait
généralement d'un ferment dit soluble. C'est le fait que
l'émulsine ajoutée à la solution d'un glucoside (gentio-
picrine, salicine ou arbutine) dans un alcool (éthylique
ou méthylique) peut exercer son action hydrolysante
non seulement lorsque l'alcool est assez étendu d'eau pour
dissoudre le ferment, mais encore lorsque l'alcool, plus
concentré, n'en dissout pas la moindre trace.
Il résulte de là que la réaction fermentaire peut avoir
lieu par simple contact, sans qu'une dissolution de l'en-
zyme soit nécessaire. Aussi, avons-nous pensé que l'hy-
drolyse des glucosides par l'émulsine pourrait être obtenue
dans des liquides neutres, autres que l'eau et les alcools,
à la seule condition que le glucoside pût s'y dissoudre et
que le dissolvant renfermât la quantité d'eau indispen-
sable à la réaction.
C'est ce que démontrent les recherches suivantes dans
lesquelles nous avons employé, comme glucoside, la gen-
tiopicrine et, comme dissolvants, deux liquides assez
dissemblables au point de vue qui nous occupe : l'un,
l'acétone, qui est miscible à l'eau, et qui ne dissout l'émul-
sine que lorsqu'il est fortement dilué; l'autre, l'éther
acétique, qui n'est pas miscible à l'eau dont il peut dis-
soudre seulement de faibles proportions (~ environ à
froid et à saturation) et qui, même saturé d'eau, ne dissout
pas le ferment.
En ce qui concerne l'acétone, un essai a été fait avec
de l'acétone pure et sèche, et les autres avec des acétones

(1) Société de Pharmacie de Paris, Ier mai 1912.


renfermant des proportions d'eau de plus en plus élevées,
jusqu'à un liquide composé en poids de 10 parties d'acé-
tone et de go parties d'eau.
De même que dans nos recherches antérieures, nous
avons fait deux séries d'essais : les uns avec l'émulsine
en poudre, les autres avec une macération d'émulsine,
dans les liquides acétoniques.
Emploi de l'émulsine en poudre. — Pour chaque essai,
on a fait dissoudre, dans 100cm3 de liquide acétonique,
is de gentiopicrine cristallisée; on a ajouté Og,20 d'émul-
sine d'amandes pulvérisée et l'on a abandonné le mélange
à la température du laboratoire (+ 170 à + 200).
Avant l'addition de l'émulsine, toutes ces solutions
accusaient, au tube de 2dm, une rotation de +3° 56'.
Après hydrolyse complète du glucoside, les mêmes
solutions auraient dû accuser une rotation de + 3o'
environ.
Dans le Tableau ci-dessous se trouvent résumés les
résultats de ces essais.
Composition
en poids du liquide. Durée Rotation
----...---
Acétone Eau.
approximative à l'arrêt.
de la réaction. de la réaction.
jours 0
10 go 2 -4- 3o t
20 80 3 -t- 3o
3o 70 5 -+- 3o
40 60 12 -4- 3o
5o 5o 21 -4- 3o
60 40 3i + 3o
70 3o 40 -+- to
80 36 —i.
-3.24
20 4
go 10 i5
100 o pas d'action -3.56
On voit que, dans l'acétone pure, il n'y a pas eu d'action
fermentaire; que, dans les acétones à go, 80 et 70 pour 100
l'hydrolyse, de plus en plus forte, n'a pas atteint pourtant
la totalité du glucoside ; et que, pour tous les autres essais,
à en juger par la rotation finale, on a abouti à l'hydrolyse
totale, laquelle n'avait été obtenue, en apparence du
moins, pour aucun des essais effectués avec les alcools
éthylique et. méthylique.
En outre, un fait particulier nous a frappés : dans tous
les essais où la rotation est allée jusqu'à + 3o', on a vu
la gentiogénine, l'un des deux produits d'hydrolyse de la
gentiopicrine, cristalliser abondamment. Ce composé, qui
est presque insoluble dans l'acétone étendue, s'élimine
donc au fur et à mesure de sa formation. Nous reviendrons
sur ce point après avoir exposé nos recherches avec
l'éther acétique, recherches dans lesquelles nous avons
observé un fait analogue.

Emploi d'une macération d'émulsine. — On a fait macérer


pendant 8 jours, de l'émulsine dans les différents liquides
acétoniques (og,20 de ferment pour 100cm3). On a filtré
et, à 100cm3 de chacun des liquides filtrés, on a ajouté
is de gentiopicrine ; après quoi, on a abandonné les
mélanges à la température du laboratoire (+ 17°à 200). +
Il n'y a pas eu d'hydrolyse dans les liquides renfermant
100, go, 80, 70, 60, 5o pour 100 d'acétone, ce qui démontre
que ces liquides n'ont pas dissous de ferment, sans quoi,
comme dans la première série, il y eût eu dédoublement
du glucoside, sauf dans l'acétone pure.
Avec les autres liquides, il y a eu hydrolyse partielle,
comme l'indique le Tableau suivant :
Composition
en poids du liquide. Durée Rotation
———- approximative à l'arrêt
Acétone. Eau. de la réaction. de la réaction.
jours 0
10 go 2 + 24 ,
20 80 7 20
3o 70 10 —1.24
40 60 11 -3
L'émulsine a donc passé en solution dans les liqueurs
acétoniques renfermant 60, 70, 80 et go pour 100 d'eau;
mais la réaction n'a atteint, dans aucun de ces liquides,
la totalité du glucoside, ce qui tient sans nul doute à ce
que ces liquides, même les plus pauvres en acétone, ne
peuvent dissoudre que de minimes proportions de ferment.

6° Action de l'émulsine sur la gentiopicrine en solution


dans l'éther acétique (1).

On a employé, pour ces recherches, de l'éther acétique


aussi complètement desséché que possible (2), de l'éther
acétique saturé d'eau à froid, renfermant, par conséquent,
un peu plus de 3 pour 100 d'eau, et des mélanges à pro-
portions variées de ces deux éthers. Comme dans toutes
nos recherches antérieures, on a institué deux séries
d'essais : les uns avec l'émulsine en poudre, les autres
avec une macération de ferment dans les divers éthers
acétiques.

Emploi de l'émulsine en poudre. — Pour chaque essai,


on a fait dissoudre og, 5o de gentiopicrine (3) dans 100cm3
de liquide; on a ajouté og,io d'émulsine et l'on a aban-
donné les mélanges à la température du laboratoire
(+ 170 à + 200). Voici les résultats de ces essais. Rotation
au départ : — 20 pour l == 2 :

(1) Société de Pharmacie de Paris, séance du Ier mai 1912.


Après avoir lavé l'éther acétique avec la moitié de son poids
(2)
d'eau distillée, saturée de chlorure de sodium, on le met en contact,
pendant 24 heures, avec le dixième de son poids de carbonate de
potassium desséché, on décante et l'on distille au bain-marie. On
répète la dessiccation sur le carbonate de potassium et l'on distille
de nouveau.
(3) Et non pas ig comme avec 1 acétone, à cause de la trop faible
solubilité de la gentiopicrine dans l'éther acétique.
Composition Durée Rotation
en poids du liquide. approximative à l'arrêt
——— de la de la
Éther sec. Éther hydraté. réaction. réaction.

100 o pas d'action -2 O

o 100 2 j o u rs o
80 20 10 o
60 40 6 0
5o 5o 4 0
4o 60 4 0
20 80 3 o

Comme on pouvait s'y attendre, il n'y a eu aucune


action de l'émulsine dans l'éther acétique desséché;
mais, dans tous les autres liquides, il y a eu dédoublement
du glucoside et, de plus, ce qui nous avait tout d'abord
surpris, la rotation s'est arrêtée à 00. Ce résultat s'explique
par le fait que le glucose qui est, pour ainsi dire, insoluble
dans l'éther acétique, se précipite et se mélange au dépôt
d'émulsine dans lequel nous l'avons retrouvé. La rotation
indique donc que, dans la solution, il n'y a plus de subs-
tance active sur la lumière polarisée et que,par conséquent,
l'hydrolyse est complète. Ici, à l'inverse de ce que nous
avons vu avec l'acétone, c'est le produit de la réaction
actif sur la lumière polarisée, le glucose, qui s'élimine
de la solution.

Emploi d'une macération d'émulsine. — Les macérations


d'émulsine dans les différents éthers acétiques ont été
faites comme les macérations dans les acétones. Mais,
avec aucune d'elles, on n'a obtenu d'hydrolyse de la
gentiopicrine, ce qui montre bien que l'émulsine est inso-
luble dans l'éther acétique, même si celui-ci est saturé
d'eau.

REMARQUES SUR L'ENSEMBLE DES RECHERCHES EXPO-


SÉES DANS LA PREMIÈRE PARTIE. -
Si l'on compare
les réactions hydrolytiques obtenues dans les alcools éthy-
lique et, méthylique d'une part, et dans l'acétone et
l'éther acétique d'autre part, on y découvre une diffé-
rence essentielle. Dans les premières; on n'est jamais
parvenu à une hydrolyse complète, du moins, les rotations
finales ne correspondent pas à une hydrolyse complète;
alors que, dans les secondes, lorsqu'on a expérimenté
avec la poudre d'émulsine, la totalité du glucoside a été
le plus souvent dédoublée. L'explication nous paraît
être, pour l'instant, la suivante :
Tandis que, avec les alcools, les produits de dédouble-
ment sont. restés en solution, contribuant à l'établis-
sement de cet état d'équilibre dont nous avons déjà dit
quelques mots et sur lequel nous allons revenir, avec les
deux autres liquides, l'un de ces produits s'est éliminé :
la gentiogénine dans l'acétone aqueuse, le glucose dans
l'éther acétique, permettant ainsi;à la réaction de se pour-
suivre jusqu'au bout.
Lorsqu'on a employé une macération d'émulsine, on
n'a obtenu d'hydrolyse complète dans aucun cas. Mais
ce que nous venons de dire de la réaction dans l'acétone
et l'éther acétique permet de croire que l'arrêt, ici, n'est
pas dû à l'établissement d'un équilibre. Il est dû à l'insuf-
fisance de la quantité de ferment entré en. dissolution, ce
qui montre une fois de plus que l'activité fermentaire
est loin d'être indéfinie.

DEUXIÈME PARTIE.
ACTION SYNTHÉTISANTE nE L'ÉMULSINE.

Nous venons, dans les remarques précédentes, d'appeler


spécialement l'attention sur ce fait que, si l'émulsine peut
exercer son action hydrolysante spécifique sui* des gluco-
.sides en solution dans les alcools éthylique ou méthylique
même très concentrés, cette action paraît s'arrêter avant
que les glucosides soient hydrolysés en totalité. La réaction
tendrait vers une limite qui est toujours la même pour des
conditions expérimentales identiques, mais qui varie
fortement, par exemple, avec la concentration de l'alcool.
C'est, du moins, ce qu'on peut induire, au point où nOU3
en sommes, des rotations finales observées dans les diffé-
rents essais^1).
Il y a déjà longtemps que des faits analogues ont été
constatés pour l'hydrolyse fermentaire en solution
aqueuse. C'est ainsi que, en ce qui concerne la salicine,
G. Tamman annonçait déjà en 1889 que, lorsqu'on fait
agir l'émulsine sur ce glucoside, l'action s'arrête avant
que celui-ci soit entièrement hydrolysé (2). Il a trouvé
que, pour une solution aqueuse de salicine à 2,5 pour 100,
on n'arrivait, avec l'émulsine, à hydrolyser que 94,5
pour 100 du glucoside. Plus tard, A.-W. Wisser, dans une
expérience où il a fait agir, à 950, de l'émulsine sur de la
salicine en solution aqueuse à 1,8 pour 100, constata que
la réaction s'arrêtait après hydrolyse de 95,4 pour 100 (3).
Et :nous-mêmes (voir plus haut), dans une expérience
faite incidemment à la température du laboratoire
(170 à 200),
nous avons observé, pour une solution aqueuse
renfermant ig de salicine et Og,20 'd'émulsine pour 100,
que la réaction s'est arrêtée après hydrolyse de 94,87
pour 100 de la salicine.
Si cet arrêt se produit, c'est, selon Tamman, que, pen-
dant la réaction fermentaire, l'enzyme se change en une

(1) On verra plus loin que la réaction est plu; complexe et qu'il
faut interpréter autrement l'équilibre auquel elle aboutit.
(2) Ueber die Wirkung der Fermente (Zlschr. I. physikal. Chem.,
t' III, 1889, p. 27).
(3) Reaktionsgeschwindigkeit und chemisches Gleichgewicht in
homjgenen Systemen und deren Anwendung atil Enzymwirkungen
(Ztschr. t. physikal. Chern., t. LII, 1905, 258).
p.
modification inactive, lequel changement étant, dans
la règle, terminé avant ladite réaction, celle-ci ne peut
aller jusqu'au bout. Ce sont les produits de la réaction
qui détermineraient cette transformation : les enlève-t-on,
le ferment redevient actif.
Pour d'autres, et c'est là l'opinion la plus généralement
adoptée, l'hydrolyse par les ferments est comparable
à la saponification des éthers par l'eau, où l'hydrolyse est
limitée par la réaction inverse, c'est-à-dire par l'éthéri-
fication de l'acide et de l'alcool mis en liberté. La réaction
inverse serait ici la reconstitution, à l'aide de ses compo-
sants, du corps hydrolysé. Ce sont là des réactions dites
réversibles, et le ferment aurait en quelque sorte deux
propriétés opposées, s'exerçant suivant les conditions
de milieu : une propriété hydrolysante et une propriété
synthétisante.
S'il en est ainsi, on doit pouvoir, par exemple, pour la
salicine, reproduire celle-ci en traitant par l'émulsine un
mélange de glucose et de saligénine. C'est ce qu'a essayé
Visser, qui pense avoir démontré, par son expérience, que
le dédoublement de la salicine par l'émulsine est presque
sûrement (fast sicher) réversible (1).
Il a fait agir, à + 250, de l'émulsine sur une solution
aqueuse renfermant, pour 100cm3, 1g,125 de glucose et
oe,775 de saligénine. Après i5 jours, la rotation primitive
avait passé de + 1°,18 à + 1°,03 (l == 2). Il se serait
donc formé, dans l'hypothèse de la réversibilité, Og,0829
de salicine pour 100cm3.
Après avoir enlevé la saligénine par l'éther et détruit
le glucose par la levure, il a évaporé et obtenu un résidu
amorphe, se colorant en rouge par l'acide sulfurique,
qu'il estime, à cause de cette seule réaction, être de
la salicine.

(1) Loc. cit.


S'il s'était réellement formé de la salicine, ce qui reste
douteux, il faut admettre que la quantité formée, ou du
moins la quantité restant à la suite des traitements que
l'auteur a fait subir à la solution soumise à l'essai, a été
presque nulle, sans quoi il n'eût pas manqué d'essayer da
pousser plus loin sa démonstration en faisant cristalliser
la prétendue salicine pour vérifier
ses constantes phy-
siques : point de fusion, pouvoir rotatoire, etc.
Dans nos recherches, où l'on a fait agir l'émulsine sur
la salicine
en solution alcoolique, la rotation atteinte,
dans les alcools forts, au moment de l'arrêt de la réaction,
paraissait correspondre à une hydrolyse bien moins
avancée qu'en solution aqueuse.
Ainsi, dans l'alcool à 850, la rotation finale, — 14%
correspond, dans la supposition d'une hydrolyse régulière,
à un dédoublement de 45,3 pour ioo de salicine. De sorte
que, si la réaction était réversible, on devrait pouvoir, en
ajoutant de l'émulsine à de l'alcool à 85°, tenant en solu-
tion des proportions convenables de glucose et de sali-
génine, déterminer la combinaison de 54,7 pour ioo de
ces composants de la salicine.
Ce sont ces déductions qui nous ont amenés à répéter
l'expérience de Visser en milieu alcoolique, estimant qu'on
serait ainsi, dans des conditions bien plus favorables
pour obtenir un bon rendement en glucoside synthétique.
On a vu d'ailleurs, plus haut, que l'émulsine, restée en
contact avec de l'alcool à 85D, pendant plusieurs mois,
avait conservé en grande partie ses propriétés hydroly-
santes ; il était donc permis de penser que l'alcool ne nuirait
pas à ses propriétés inverses si elle les possédait.

ESSAI DE SYNTHÈSE, PAR L'ÉMULSINE, DE LA SALICINE


DANS L'ALCOOL ÉTHYLIQUE ET OBTENTION D'ÉTHYL-
GLUCOSIDE
de l'alcool
.— L'expérience a été faite en employant
à 85°. Dans 200cmJ de cet alcool, on a fait
dissoudre Ig,25 de glucose anhydre et 0^875 de sali-
génine; on a ajouté og,4o d'émulsine et l'on a abandonné
le mélange à la température du laboratoire en ayant
soin d'agiter fréquemment. On avait donc simplement
remplacé la salicine de l'expérience rapportée à la page i56
par ses composants : glucose et saligénine.
La rotation primitive du mélange était, pour l 2, de

+ 37'. Dans l'hypothèse de la réversibilité, elle devait
passer à gauche et s'arrêter, comme dans l'expérience que
nous venons de rappeler, vers — 14' ou — 16', ce qui
correspond à la formation d'environ Ig,IO de salicine
pour 100cm3, soit 55 pour 100.
Dès le premier jour, l'action synthétisante de l'émulsine
s'est manifestée par la diminution de la rotation droite et
du pouvoir réducteur de la liqueur. Voici les rotations
qui ont été observées jusqu'à l'arrêt de la réaction qui
s'est produit du quatorzième au vingt-quatrième jour.
Durée Rotation
de la réaction. (l= 2).
1 jour +32 r
4 +18
8 -4- 4
... ..
14 -10
24
....................................... — 14
Ainsi, les changements optiques survenus dans la solu-
tion et, en particulier, sa rotation finale concordaient avec
l'hypothèse de la réversibilité, et il semblait qu'on fût
autorisé à conclure à la formation de salicine. Mais il
importait de s'assurer, en l'isolant, que ce glucoside avait
réellement pris naissance dans la réaction.
On a filtré pour séparer l'émulsine qui était en suspen-
sion dans la solution alcoolique; on a distillé à sec, sous
pression réduite, le liquide filtré; on a dissous le résidu
dans 50cm3 d'eau, puis agité la solution à six reprises, avec
de l'éther ordinaire, en employant chaque fois 6ocm3 de ce
dissolvant. Toute la saligénine ayant été ainsi enlevée, on
a distillé à sec la solution aqueuse sous pression réduite;
après quoi, on a traité le résidu à l'ébullition par 75cm3
d'éther acétique additionnés de 2cm3 d'eau.
Si le résidu' avait renfermé la salicine 'prévue, celle-ci
eût cristallisé, dans les 24 heures, de la solutian éthéro-
acétique refroidie et décantée. Mais l'éther acétique n'a
Point extrait de salicine; il a extrait un autre produit qui,
par évaporation de la solution, s'est séparé sous la forme
d'un sirop incolore. On a redissous ce sirop dans l'alcool
a 96° froid, et l'on a abandonné la solution dans le vide
sulfurique jusqu'à dessiccation complète.
Le produit ainsi obtenu était dur, transparent, sans
trace de cristallisation, très soluble dans l'eau, lévogyre
avec un pouvoir rotatoire égal à — 300,02
(p = 0,3192;
= 25; 1 = 2; = — 46' ou 0°,766).
p (X
-
Sa solution aqueuse, traitée par la liqueur cupro-
potassique n'a donné que des traces d'oxydule de cuivre.
Soumis dans l'eau à l'action de l'émulsine, il a été hydro-
lys é rapidement : la solution est devenue dextrogyre et
fortement réductrice, mais il ne s'est pas formé de sali-
génine. Ce produit n'est donc ni de la salicine, ni un autre
dérivé de la saligénine.
Nous avons supposé immédiatement que ce composé
pourrait être l'éthylglucoside [3 de W. Kœnigset Knorr (1)
que ces chimistes n'ont pu obtenir qu'à l'état amorphe,
qui est lévogyre au même degré (D) = —30°,5) et qui
est aussi hydrolysé par l'émulsine.
Dans ce cas, il était permis de penser que la réaction
synthétisante produite par l'émulsine en milieu alcoolique,
et que nous venions de découvrir, se produirait également

(1) Ueber einige Derivate des Traubenzuckers und der Galactose


(Ber. chem., Gesells., t. XXXIV, 1901, p. 157).
bien en l'absence de saligénine, c'est-à-dire dans une simple
solution alcoolique de glucose.
La question présentait le plus grand intérêt, car si elle
était résolue par l'affirmative, on se trouverait fondé à
prévoir la possibilité de nombreuses reproductions syn-
thétiques analogues, non seulement avec l'émulsine,
mais encore avec les autres ferments. Aussi avons-nous
répété immédiatement l'expérience décrite ci-dessus, mais
avec du glucose seulement.
Cette nouvelle expérience a porté sur 2g,50 de glucose
pur anhydre en solution dans une quantité d'alcool à 850
suffisante pour faire 25ocm3. On a ajouté og,50 d'émulsine
et abandonné le mélange à la température du laboratoire
(170 à 200). Rotation initiale pour l = 2 : + 6o'.
Comme dans l'expérience précédente, la rotation a
diminué, puis passé à gauche. Lorsqu'elle a eu atteint
— 19', ce qui a demandé 20 jours environ, la réaction
s'est arrêtée. Elle correspondait, dans l'hypothèse de la
formation d'éthylglucoside [3 et en admettant que le pou-
voir rotatoire de ce composé qui est, comme on le verra
plus loin, de —33°,38', est le même, dans l'alcool à 8501,
à une synthèse s'élevant à 74'75 pour 100 de la synthèse
totale (1) : soit à environ 2g,10 de glucoside.
Celui-ci a été séparé et purifié comme plus haut; il
pesait près de 2g et présentait les propriétés du produit
obtenu en présence de saligénine, possédant un pouvoir
rotatoire de —31°,4
(p = 0g,5720; f= 15 ; 1
= 2; =—2°24'; t= 18").
Ainsi donc, que l'action de l'émulsine sur le glucose en

(1)Dan, les premières Notes que nous avons publiées sur ce sujet
(Comptes rendus et Journ. de Pharm. et de Chim.), nous avons
indiqué 77,8 pour 100 au lieu de 74, le calcul ayant été fait en partant
de — 30°,02 comme pouvoir rotatoire de l'éthylglucoside au lieu
de— 33°, 38.
solution dans l'alcool éthylique à 850 s'exerce en présence
de la saligénine ou en l'absence de ce composé, les produits
obtenus sont identiques, et ils possèdent les propriétés de
l'éthylglucoside J3. Les expériences suivantes les identifient
avec ce glucoside.
Alberda van Ekenstein a établi que le méthylglucoside (3,
composé lévogyre (D = 320,25) est transformé en
son stéréoisomère ,
qui est dextrogyre (D = + 1580,2),
au contact de l'acide chlorhydrique en dissolution dans
l'alcool méthylique ('). Une semblable isomérisation n'a
Pas été, à notre connaissance, observée pour l'éthyl-
glucoside , mais il apparaissait comme infiniment
probable qu'elle se produirait dans des conditions ana-
logues d'expérience. Nous avons donc préparé une solu-
tion de gaz chlorhydrique dans de l'alcool à 950, renfer-
Mant 22 pour ioo de HC1. Dans I5cm3 de ce liquide, nous
avons fait dissoudre à froid, d'une part, environ og,45
du glucoside obtenu en présence de la saligénine, d'autre
part, environ og,55 de celui qui s'était formé en l'ab-
sence de ce composé (2), puis abandonné les solutions
à la température du laboratoire (+ 180 à + 200).
L'isomérisation s'est effectuée en quelques jours et de la
même façon pour les deux produits. Avec la première
solution qui accusait, immédiatement après sa prépara-
tion, —1°46' (l 2), la rotation était en dernier lieu de

+ 60 38'. Avec la seconde, la rotation a passé de — 2016'
à + 8° 16'. Ces produits étaient donc bien de l'éthyl-
glucoside .
Au surplus, on a étendu d'eau la seconde solution; on
l'a neutralisée exactement avec de la lessive de soude

(1) Sur le second méthylglucoside (Rec. des. Trav. chim. des Pays-
Bas, t. XIII, 1894, p. 183).
(2) Le glucoside n'ayant encore été obtenu, à l'époque de ces
expériences, qu'à l'état de produit sirupeux, on conçoit que nous
n' ayons pas opéré sur des quantités égales de matière.
diluée; on l'a distillée à sec sous pression réduite et l'on a
repris le résidu par l'éther acétique bouillant. On a dissous
ainsi l'isomère formé et la petite quantité du glucoside
qui n'avait pas été isomérisée. On a distillé pour retirer
l'éther acétique et, au résidu dissous dans l'eau, on a
ajouté quelques centigrammes d'émulsine qui ont détruit
le reste de l'isomère J3. On a distillé de nouveau, repris
encore le résidu par l'éther acétique qui, cette fois,
ne devait plus dissoudre que le dérivé a. Et, en effet, en
distillant à sec la solution éthéro-acétique, on a obtenu un
produit sur lequel l'émulsine était sans action. Par contre,
l'extrait de levure basse desséchée qui, d'après Em.
,
Fischer, agit sur les glucosides l'a hydrolysérapidement :
il a suffi d'ajouter quelques décigrammes de cet extrait
à une solution aqueuse du produit, pour qu'en deux jours,
celui-ci fût presque entièrement hydrolysé.
Enfin, on a répété l'expérience de synthèse sur une
plus grande quantité de matière, ce qui a permis d'iso-
mériser une dizaine de grammes de glucoside synthétique.
La réaction isomérisante terminée, on a isolé et purifié
le produit, qui en provenait, en opérant comme on vient
de l'indiquer, puis on l'a traité à l'ébullition par 20 parties
d'acétone anhydre. La cristallisation n'a pas tardé à se
produire. Les cristaux lavés et desséchés présentaient un
pouvoir rotatoire de + 1490,3. C'était donc bien de
l'éthylglu coside (d'après Fischer, D =+150°, 6 ) et le
glucoside de synthèse ne pouvait être que l'éthylglu-
coside j3.

ACTION SYNTHÉTISANTE DE L'ÉMULSINE SUR LE GLUCOSE


EN SOLUTION DANS L'ALCOOL MÉTHYLIQUE ET OBTENTION
DU MÉTHYLGLUCOSIDE 3. — Ainsi, il est démontré par ce
qui précède que l'émulsine possède à un haut degré la
propriété de combiner le glucose avec l'alcool ordinaire
pour donner naissance à l'éthylglucoside .
On a vu, dans la première Partie de ce Mémoire, que,
au point de vue de ses propriétés hydrolysantes, le ferment
se conduit dans l'alcool méthylique comme dans l'alcool
éthylique. Nous en avons conclu que, vraisemblablement,
l'émulsine pourrait pareillement provoquer l'union du
glucose et de l'alcool méthylique pour former du méthyl-
glucoside .
L'expérience a été faite comme il suit.
Dans' 500cm3 d'alcool méthylique, composé en poids de
85 parties d'alcool méthylique pur et de i5 parties d'eau,
on a fait dissoudre 5g de glucose, puis on a ajouté ig
d'émulsine et abandonné le tout à la température du labo-
ratoire (+ I70 à + 200).
La rotation, qui était au départ de + Io 8' (1 = 2),
a d'abord diminué ; elle a ensuite passé à gauche et, lorsque
la réaction s'est arrêtée, le trente-quatrième jour, elle
-
s'élevait à 16'.
Pour extraire le produit formé, on a filtré, distillé
au bain-marie le liquide filtré, de façon à retirer l'alcool,
achevé la distillation sous pression réduite et repris le
résidu sec par de l'éther acétique bouillant. Par refroi-
dissement et repos, le produit a cristallisé.
Les cristaux se présentaient au microscope sous forme
de lamelles quadratiques très régulières; ils fondaient
à + IO2°-IO4° (non corr.), et possédaient un pouvoir
rotatoire égal à — 320,06. C'était donc bien du mé thyl-
glucoside ,
car Alberda van Ekenstein qui, le premier,
a préparé ce glucoside (1), lui attribue comme point de
fusion + 104°, et comme pouvoir rotatoire 320,25. -
D'après le calcul, il devait s'en être fait une quantité
correspondant à 79,2 pour 100 du glucose employé.
On en a obtenu un peu plus de 3«,5o.

NOUVELLE EXPLICATION DE LA RÉACTION DE L'ÉMUL-

(1) Loc. cit.


ALCOOLIQUE (ÉTHYLIQUE OU MÉTHYLIQUE). -
SINE SUR LA SALICINE OU LA GENTIOPICRINE EN MILIEU
1° ALCOOL
ÉTHYLIQUE ET SALICINE. — La production synthétique,
par l'émulsine, d'éthylglucoside dans de l'alcool, même
renfermant de la saligénine à côté du glucose, devait
ramener notre attention sur l'action hydrolysante de ce
ferment dans le même alcool.
Lorsque l'émulsine exerce son action hydrolysante sur
un glucoside, la salicine, par exemple, en milieu alcoolique,
le glucose qui est mis peu à peu en liberté se trouve dans
les conditions de la première expérience de synthèse que

en partie, à l'état d'éthylglucoside ,


nous avons exposée, de sorte qu'il doit passer, au moins
les choses se pour-
suivant à peu près, pour prendre une comparaison dans
les réactions connues, comme avec un sel dont l'acide
serait peu à peu déplacé par un autre acide (ici l'alcool
éthylique prend la place de l'alcool salicylique). Il s'en-
suit que les changements de rotation, pas plus d'ailleurs,
que les dosages du glucose formé dans les liqueurs, ne
peuvent servir qu'à donner des indications sur la conti-
nuation ou l'arrêt de la réaction; ils ne suffisent pas pour
mesurer celle-ci. Les expériences qui suivent montrent
qu'il en est réellement ainsi.
Dans ces expériences, on a étudié, en notant les chan-
gements de rotation et en dosant le glucose existant à
l'arrêt de la réaction, l'hydrolyse de la salicine par l'émul-
sine : A, dans de l'alcool à 850, et B dans de l'alcool à 40°.

A. Hydrolyse dans l'alcool éthylique à 85° :

Salicine
Alcool à 85°, (q. s. p.) 2oocm3
Émulsine pulvérisée finement ............. 0g,40

On a abandonné ce mélange à la température du labo-


à
ratoire (+ 170 + 200), en ayant soin d'agiter de temps
en temps. Avant l'addition de l'émulsine, la rotation de la
solution était de-1°. La réaction s'est arrêtée vers le tren-
tième jour, alors que la rotation n'était plus que de —12',
et que le liquide renfermait 0g,194 de glucose pour 100.
B. Hydrolyse dans l'alcool éthylique à 4oO.
— Même mode
opératoire. La réaction s'est arrêtée vers le quinzième jour,
alors que la rotation, qui était avant l'addition de l'émul-
sine de — io 10' (1), avait passé à + 14', et que la liqueur
renfermait os,444 de glucose pour 100.
Examinons ces résultats. — Dans une hydrolyse nor-
male de salicine par l'émulsine, l'indice de réduction
enzymolytique (poids en milligrammes du sucre réduc-
teur formé dans 100cm3 de liquide pour un changement
de rotation de 1°, mesuré au tube de 2dm) serait de 38o
pour l'alcool à 850, et de 365 pour l'alcool à 4o°. Si, dans
les expériences précédentes, il s'est fait,
, comme nous
l'avons admis, de l'éthylglucoside une partie du glucose
mis en liberté, entrant ainsi dans une combinaison non
réductrice et, de plus, lévogyre comme la salicine, les
indices auront dû baisser doublement. Or, le calcul de
ces indices, d'après les données expérimentales ci-dessus,
conduit à 242 pour l'alcool à 85°, et à 317 pour l'alcool
a 4oO, résultats qui concordent avec notre manière de
Voir.
Ces faits établis, et le pouvoir rotatoire de l'éthylglu.
coside (3 étant connu (aD = —33°,38) (2), il devient
possible de savoir approximativement si, après l'arrêt
de la réaction produite par l'émulsine, il reste encore
de la salicine non attaquée.

(1) La rotation initiale est ici plus élevée que dans l'expérience A
Parce que, comme on l'a vu plus haut (p. i5o), le pouvoir rotatoire
de la salicine, plus élevé dans l'eau que dans l'alcool, augmente
avec la teneur en eau des liquides alcooliques.
(') Voir troisième Partie, page Ig0.
Supposons que, dans l'alcool à 850, toute la salicine
ait été hydrolysée : il a dû se former, pour is de glucoside,
et pour 100cm3, og,629 de glucose, et puisque la liqueur
en contient encore 0g,194, c'est que og,435 de ce sucre
ont passé à l'état d'éthylglucoside pour en former 0g,502;
de sorte que la liqueur devra présenter une rotation de

au lieu de — 12' que nous avons trouvé.


Le même calcul appliqué à l'alcool à 4o° donne

au lieu de + 14, rotation qui a été observée.


Il ressort de là que la salicine non hydrolysée ne peut
être qu'en quantité extrêmement faible, surtout dans la
deuxième expérience, pour laquelle les rotations trouvées
et calculées sont presque identiques. En tous cas, l'hydro-
lyse de la salicine dans ces milieux alcooliques va beau-
coup plus loin que les observations polarimétriques ou
les dosages de glucose ne permettaient de le penser, et
beaucoup plus loin, par conséquent, que nous ne l'avons
admis provisoirement dans la première Partie de ce
Mémoire.
Nous allons retrouver des faits du même ordre, mais
un peu différents pour l'hydrolyse de la gentiopicrine
en solution dans l'alcool méthylique.

20 ALCOOL MÉTHYLIQUE ET GENTIOPICRINE. -


Comme
avec l'alcool éthylique. on a fait deux nouveaux essais
d'hydrolyse, dans lesquels on a noté les changements
de rotation et dosé le glucose existant au moment de
l'arrêt de la réaction. Pour l'un, on a opéré dans de
l'alcool méthylique renfermant en poids 85 pour 100
d'alcool pur et i5 pour 100 d'eau, et pour l'autre, dans
de l'alcool méthylique renfermant 40 pour 100 d'alcool
pur et 60 pour 100 d'eau.

A. Hydrolyse dans l'alcool méthylique à 85 pour 100.

Gentiopicrine is
Alcool méthylique à 85 pour 100 (q. s. p.).. 100cm3
Émulsine
................................ 09, 20

On a abandonné ce mélange à la température du labo-


ratoire (+ 170 à + 200), en ayant soin d'agiter de temps
en temps. Avant l'addition de l'émulsine, la rotation de
la solution était de
— 3° 56. La réaction s'est. arrêtée vers
Ie quarantième jour, alors
que la rotation n'était plus que
de -— io 20'. Le liquide renfermait alors og,138 de glucose.

B. Hydrolyse dans l'alcool méthylique à 4o pour 100.



Même mode opératoire. La réaction s'est arrêtée
vers le
Vingtième jour, la rotation ayant passé de -3056' à — 2'.
La solution renfermait à
ce moment og,256 de glucose.
Dan3 une hydrolyse normale de gentiopicrine, l'indice
de réduction enzymolytique est de 111; il est beaucoup
plus faible dans ces deux expériences : 52 dans l'expé-
rience A et 64 dans l'expérience B, ce qui s'explique par la
combinaison d'une partie du glucose résultant de l'hydro-
lyse
avec l'alcool méthylique pour former du méthyl-
glucoside .
Ces données permettent de rechercher, comme nous
1
avons fait pour la salicine dans l'alcool éthylique, s'il
reste encore, après arrêt de la réaction, de la gentiopi-
crine non hydrolysée.
Dans le cas d'hydrolyse complète, la solution A devrait
Présenter une rotation de '
et la solution B

On a trouvé, pour A, -10 20' et, pour B, — 2'.


L'hydrolyse de la gentiopicrine est allée, ici aussi, plus
loin que nous ne l'avons admis; mais,tout au moins dans
l'alcool méthylique à 85 pour 100, il est resté une quan-
tité notable de gentiopicrine non attaquée.

REMARQUES SUR L'ENSEMBLE DES RECHERCHES EXPO-


SÉES DANS LA DEUXIÈME PARTIE. — L'émulsine, ajoutée
à une solution de glucose dans l'alcool éthylique, même
concentré (à 850), détermine directement la combinaison
de ces deux composés pour donner naissance à l'éthyl-
glucoside qu'elle hydrolyse en milieu aqueux. De même,
avec le glucose et l'alcool méthylique, elle donne naissance
au méthylglucoside .
Cette propriété synthétisante vient compliquer l'action
qu'exerce l'émulsine ajoutée à la solution d'un glucoside
(salicine, gentiopicrine, arbutine) dans un de ces alcools :
il y a d'abord hydrolyse du glucoside, puis le glucose
mis en liberté se combine avec l'alcool pour former un
alcoolglucoside .
On pourrait croire, d'après cela, que la première réac-
tion doit toujours être complète, l'un des composants
du glucoside hydrolysé passant dans une combinaison
nouvelle. C'est, en effet, ce qui paraît se produire pour la
salicine dans l'alcool éthylique, et l'état d'équilibre
auquel on aboutit, concerne la deuxième réaction, for-
mation d'éthylglucoside ; il est défini par la quantité de
glucoside formé et celle de glucose resté en liberté.
Mais il en est autrement pour la gentiopicrine, au
moins dans l'expérience A, où deux états d'équilibre pa-
raissent avoir été atteints : l'un concernant l'hydrolyse
de ce glucoside, qui n'est pas complète; l'autre concer-
nant la synthèse du méthylglucoside qui ne l'est pas
davantage, car il reste du glucose en liberté (1). On voit
ainsi, en tout cas, que, pour étudier avec profit la réver-
sibilité de l'action de l'émulsine sur un glucoside dans
un alcool, il est de toute façon préférable d'opérer avec
le glucoside de cet alcool, le problème se trouvant ainsi
particulièrement simplifié. C'est ce que nous ferons dans
la quatrième Partie de ce Mémoire. Auparavant, il nous
faut revenir encore sur la propriété synthétisante de
l'émulsine pour exposer le procédé général de synthèse
des glucosides d'alcools (série ),
que nous avons basé
sur cette propriété, et décrire les différents glucosides
que nous avons obtenus en l'appliquant.

TROISIÈME PARTIE.

APPLICATION DES PROPRIÉTÉS SYNTIIÉTISANTES DE L'ÉMULSINE


A LA SYNTHÈSE DES GLUCOSIDES
D'ALCOOLS.

MÉTHODES CHIMIQUES DE PRÉPARATION DES GLUCO-


SIDES D'ALCOOLS. — Émile Fischer, le premier, a donné
une méthode générale de préparation des glucosides
d'alcools (2). Cette méthode consistait primitivement
à faire dissoudre du glucose dans l'alcool saturé de gaz
chlorhydrique. Le mélange, abandonné à la tempéra-

(1) On peut cependant encore se demander si, dans l'expé-


rience A, l'arrêt n'est pas dû à une insuffisance d'émulsine,
celle-ci pouvant être usée plus rapidement dans l'alcool méthy-
lique que dans l'alcool éthylique. C'est là un point que nous
n'avons pas songé à examiner au moment de l'expérience, mais
qui devra l'être ultérieurement.
(2) Ueber die Glucoside der Alkohole (Ber. ehem. Gesells., t. XXVI,
1893, p. 2400).
ture ordinaire, perd peu à peu ses propriétés réductrices
par suite de la formation du glucoside qui n'est pas
réducteur, et, la réaction terminée, on sépare celui-ci
par des moyens appropriés.
Plus tard (1), Fischer a perfectionné cette méthode
en ce sens que, au lieu d'alcool très chargé en acide chlor-
hydrique, il a employé de l'alcool n'en renfermant que
0, 25 pour ioo, le mélange étant, par contre, chauffé
pendant 5o heures à 100°.
Par cette méthode, on obtient toujours un mélange
de deux alcoolglucosides stéréoisomères qu'on désigne,
,
d'après Fischer, par les lettres grecques et et qu'on
peut, selon lui, représenter par les formules suivantes, qui
ne diffèrent l'une de l'autre que par la position du radical
autour du carbone aldéhydique devenu asymétrique.

Pour d'autres, l'isomérie porterait sur le glucose qui


serait dans un cas du glucose à pouvoir rotatoire élevé
(D= + 106°), et dans l'autre du glucose à faible pouvoir
rotatoire (D= + 22°,6).
Ces isomères sont définis par la propriété que possèdent
les uns (a), d'être hydrolysés par un enzyme existant dans
la levure de bière basse, desséchée à l'air, et de résister
à l'action de l'émulsine; les autres (), d'être hydrolysés

(1)Ueber die Verbindungen der Zucker mit den Alkoholen und


Ketonen (Ber. ehem. Gesells., t. XXVIII, 1895, p. 1145).
par l'émulsine et de résister au ferment de la levura
basse (1). Les premiers sont dextrogyres, les seconds
lévogyres.
En 1901, W. Kœnigs et Ed. Knorr (2) ont appliqué,
à la synthèse des alcoolglucosides, la méthode imaginée
en 1879 par Art h. Michaël (3), pour effectuer la synthèse
des phénolglucosides, mais en employant l'acétobromo-
glucose au lieu de l'acétochloroglucose. Ils ont fait agir
l'alcool sur l'acétobromoglucose, CG H7Br (C2 H3 0)4 05
en présence de carbonate d'argent. Il se forme du
tétracétyl-alcool-glucoside, C6 H1 R (C2 E3 0)406. En
saponifiant par un alcali, on a l'alcoolglucoside corres-
pondant.
En réalité, si l'on a appliqué ces méthodes à la plupart
des alcools connus, on n'a jusqu'ici préparé que quatre
alcoolglucosides à l'état de composés bien définis, à
savoir : méthylglucosides a. et
encore ce dernier, l'éthylglucoside
,,
éthylglucosides a. et
n'a-t-il été obtenu
;
que sous forme de produit sirupeux. Aucun des autres
(1) La macération de levure de bière dont on se sert n'hydrolyse
Pas seulement les glucosides , elle hydrolyse encore le saccharose,
le maltose, ainsi que l'hexobiose qui fait partie constitutive de
1 amygdaline,
sucres qu'il paraît difficile d'assimiler à des gluco-
sides. Ces multiples propriétés ne sont pas sans apporter une cer-
taine confusion dam cette question. Mais la confusion disparaît
si l'on admet, ce qui semble conforme à la réalité, que la levure de
bière baise renferme quatre ferments différents : glucosidase oc,
invertiue, maltase, amygdalase, dont on ne doit envisager ici que le
premier.
Même observation pour l'émulsine qui, comme l'ont établi Em.
Bourquslot et Il. IIérissey, renferme au moins quatre enzymes
différents (Comptes rendus Soc. biol., IIe série, t. V, 1903, p. 219),
dont l'émulsine proprement dite est ici seule en question.
(2) Ueber einige Derivate des Traubenzuckers und der Galactose
(Ber. ehem. Gesells., t. XXXIV, 1901, p. 957).
(3) On the synthesis of helicin and phenolglucoside (Amer. Chem.
Journ., t. I, 1879, p. 3o5).
alcoolglucosides considérés comme existant n'a été isolé
à l'état de pureté, et il est probable que, dans toutes les
tentatives qui ont été faites, on n'est arrivé à obtenir,
comme les auteurs le reconnaissent, que des mélanges,
constitués par les deux stéréoisomères et [3 et diverses
impuretés. On peut donc dire qu'on en est resté sur ce
point où l'on en était en 1895, dès après les intéressantes
recherches de E. Fischer.
Les propriétés synthétisantes de l'émulsine, que nous
avons découvertes, nous permettent d'apporter une
contribution importante à l'étude de cette question.

PROCÉDÉ BIOCHIMIQUE DE PRÉPARATION DES GLUCO-


SIDES D'ALCOOL : SES AVANTAGES. — On a vu que l'émul-
sine (produit tel qu'on le retire des amandes), employée
dans des conditions déterminées, possède la remarquable
propriété de provoquer la combinaison du glucose avec
les alcools. A cet égard, elle présente de précieux avan-
tages sur les réactifs chimiques.

isomère, le stéréoisomère ,
Ainsi, elle ne donne naissance qu'à un seul stéréo-
celui qu'elle hydrolyse en
solution aqueuse. De plus, son emploi n'exige l'interven-
tion d'aucune matière étrangère, ni même celle de la
chaleur. Aussi ne se forme-t-il aucun de ces produits d'alté-
ration qu'on voit si souvent se former dans les réactions
chimiques ordinaires ; la réaction terminée, le ferment,
qui est à l'état de poudre insoluble, étant séparé par
filtration, on a une solution parfaitement limpide et
incolore, renfermant seulement le glucoside formé et le
glucose qui a échappé à la combinaison.
On conçoit que, dans de telles conditions, on puisse
obtenir des glucosides purs, dont il est relativement facile
de déterminer la cristallisation.
Nous avons appliqué notre procédé aux alcools les plus
divers, à tous ceux que nous avons pu nous procurer:
la réaction synthésisante de l'émulsine s'est exercée dans
tous les cas, ce qui montre qu'elle est générale, et, avec
tous les alcools dont il est question dans ce Mémoire, nous
avons obtenu le glucoside cristallisé.

Glucosides d'alcools monovalents saturés


(série acyclique).
I. MÉTHYLGLUCOSIDE[3. — C6H11O6.CH3. - Ce gluco-
side a été préparé pour la première fois, en 1894, par
W. Alberda van Ekenstein (1), qui l'a retiré des liqueurs
mères provenant de la préparation du méthylglucoside
à l'aide du procédé primitif de Fischer, et a réussi à
l'obtenir cristallisé. L'année suivante, Fischer le retirait
à son tour des liqueurs mères de la préparation du même
glucoside à l'aide de son procédé modifié (2). Le rende-
ment, très faible, avait atteint 10 pour 100 seulement
du glucose employé.
Enfin, en 1901, W. Kœnigs et Ed. Knorr l'ont préparé
en partant de l'acétobromoglucose (3).

rience de synthèse du méthylglucoside ,


Préparation. — Nous avons décrit plus haut une expé-
portant sur 5g
de glucose en dissolution dans 5ooca'3 d'alcool méthylique
à 85 pour 100, additionnés de ig d'émulsine. Le mélange
avait été abandonné à la température du laboratoire et
la réaction s'était prolongée pendant 34 jours environ.
Comme dans de l'alcool méthylique à cette concentration,
le ferment est à l'état de poudre insoluble, il est de toute
évidence qu'une agitation continuelle, renouvelant sans
cesse les contacts, doit accélérer la réaction. C'est ainsi

(1) Loc. cit., voir p. 177.


(2) Ueber die Verbindungen der Zucker mit den Alkoholen und
t.
Ketonen (Ber. ehem. Gesells.,
(3) Loc. cit., voir p. i85.
XXVIII, 1895, p. 1145).
que pour effectuer la synthèse du méthylglucoside et
celle d'autres alcoolglucosides, nous avons été amenés
,
à disposer les flacons sur une machine à agiter, actionnée
par un courant d'eau, ce qui a réduit notablement la durée
des expériences.
Une deuxième expérience de synthèse a été faite à la
température du laboratoire avec :
Alcool méthylique à 85 pour ioo en poids. 1000cm3
Glucose pur anhydre
Emulsine.
.................... 10g
2g

La dissolution du glucose a été effectuée à l'ébullition


et l'émulsine ajoutée après refroidissement. La réaction,
favorisée par agitation à la machine, était terminée en
25 jours, et la rotation (1 = 2) de la solution avait passé
de + 10 10' à — 16', ce qui correspond à la transforma-
tion en méthylglucoside d'environ 81,1 pour 100 du glucose
mis en œuvre. Après filtration et distillation, on a repris
le résidu par l'éther acétique bouillant. Par le repos, il
s'est fait une très belle cristallisation du glucoside en
lamelles quadratiques dont quelques-unes avaient l'appa-
rence et les dimensions des lamelles de microscope.
Une troisième expérience a été effectuée pour re-
chercher dans quelle mesure les résultats seraient mo-
difiés si l'on augmentait la proportion de glucose dissous
sans changer d'abord celle du ferment.
Alcool méthylique à 85 pour 100 en poids. 100cm3
Glucose pur anhydre ....................
Émulsine .............................. 0,20
Même mode opératoire que ci-dessus. La rotation qui
était à l'origine de + 20 avait passé, en 40 jours,
,
à +10'; soit un mouvement de 134' contre 86' dans
l'expérience précédente.
On a ajouté alors Og,20 d'émulsine : la réaction qui s'était
ralentie, a repris avec plus d'intensité, et la rotation a
passé en 12 jours de + 10' à — 46'.

Propriétés. — Nous avons retrouvé, pour notre gluco-


side, les propriétés connues du méthylglucoside : cris-
taux en lamelles quadratiques; odeur nulle, saveur
d'abord sucrée, puis légèrement amère ; point de fusion :
+ 1020 à + 104°; pouvoir rotatoire D = — 32°,06 pour
une concentration de Ig,68g3 pour 100cm3.
La solution aqueuse employée à la détermination du
pouvoir rotatoire (ig,6893 pour 100cm3), ne réduisait pas la
liqueur cupro-potassique. On l'a additionnée de og,30
d'émulsine et, en 2 jours, à la température du laboratoire
(+ 170 à + 200), la rotation a passé de — 10 5; à + 1° 31'
en même temps qu'il s'était formé Ig,486 de glucose
pour 100cm3, ce qui correspond à une hydrolyse presque
complète.

II. ÉTHYLGLUCOSIDE [3.


— Cfi H11O6. C2 H5. -Ce glu-
coside n'a été obtenu jusqu'ici que par W. Kœnigs et
Ed. Knorr (1). Malgré des essais répétés, ces chimistes
n'ont pas réussi à l'amener à l'état cristallisé. Leur pro-
duit, hydrolysable par l'émulsine, était sous la forme
d'un sirop incolore, ayant comme pouvoir rotatoire :
-
D = 30°,5.C'est avec ces propriétés que nous l'avons
obtenu nous-mêmes dans nos premières expériences de
synthèse avec l'émulsine (voir p. 273). Mais, comme nous
le faisons remarquer plus haut, l'absence, dans les
liqueurs, de tout produit d'altération et même de tout
produit secondaire permettait d'espérer arriver bientôt
à l'obtention du glucoside cristallisé.
Nous y sommes parvenus, en effet, sans difficultés, en
opérant ainsi qu'il suit.

(1) Loc. cit., voir plus haut.


Préparation. — Le produit sirupeux provenant d'une
expérience de synthèse effectuée sur 20g de glucose, et
qui pesait environ 166, a été repris par 4oCm3 d'acétone
pur, anhydre et froid. Ce produit s'est; dissous en totalité et,
presque aussitôt, la cristallisation a commencé, la solution
se remplissant peu à peu de cristaux en aiguilles. Après
moins de 24 heures, le liquide s'est pris en masse. On a
essoré rapidement les cristaux à la trompe et, après les
avoir lavés, en essorant, avec un peu d'acétone anhydre,
on les a portés dans le vide sulfurique.

Propriétés. — Une fois desséché, l'éthylglucoside se


présente sous la forme d'une masse cristalline blanche,
d'apparence feutrée; odeur nulle; saveur d'abord légère-
ment sucrée, puis amère; point de fusion : + 730; pouvoir
rotatoire : aD -
= 33°, 38
(p = 2,1466; v — 100 ; 1 — 2 a = — 1°26' t — 18").
] \

Comme on le voit, et comme l'on pouvait s'y attendre, le


pouvoir rotatoire de l'éthylglucoside cristallisé est un peu
plus élevé que ceux qui ont été obtenus antérieurement
avec des produits amorphes, incomplètement purifiés.
L'éthylglucoside tâ, tel que nous l'avons obtenu, est très
hygroscopique : exposé à l'air, il se liquéfie en absorbant
de l'eau (jusqu'à 25 pour 100 de son poids).
La solution aqueuse employée à la détermination du
pouvoir rotatoire ne réduisait pas la liqueur cupro-
potassique. On l'a additionnée de og,50 d'émulsine et,
en deux jours, la rotation a passé de — 1° 26' à + 10 5i',
en même temps qu'il s'était formé, pour 100cm3, Ig,84g
de glucose, ce qui correspond à une hydrolyse à peu près
complète.

III. — C<- H11 06. C3 H7.


PROPYLGLUCOSIDE [j. Les
seules données que nous ayons sur l'existence d'un glu-
-
coside de l'alcool propylique normal CH3. CH2. CH20H,
ont été publiées, en 1894, par Em. Fischer et L. Beensch (1).
Ces auteurs, en appliquant à l'alcool propylique le pro-
cédé primitif de Em. Fischer, ont obtenu un produit qu'ils
décrivent, sans rien ajouter, « comme une masse incolore,
dure, amorphe, très hygroscopique, réduisant à peine
la solution de Fehling ».
Il est vraisemblable que ce produit était un mélange
des propylglucosides a et [3; en tout cas, nous avons
réussi facilement à préparer le propylglucoside j3 à l'état
cristallisé en opérant comme pour les méthyl- et éthyl-
glucosides .
Préparation. — On s'est servi d'un alcool composé,
en poids, d'alcool propylique normal pur : 85 parties, et
d'eau distillée i5 parties. On a dissous 59 de glucose pur
:

et anhydre dans une quantité de cet alcool suffisante


pour faire 500cm3; on a ajouté 2g d'émulsine et disposé
le flacon renfermant le mélange sur une machine à agiter
qu'on a fait marcher seulement pendant la journée (12
à 14 heures par jour). Température : + 180 à + 21°.
La rotation du liquide était au départ de + 108' pour
l = 2 ; elle a baissé peu à peu, puis passé à gauche, et,
lorsque, la réaction s'est arrêtée, c'est-à-dire au bout de
10 jours, elle était de — 14'.
On a filtré pour séparer l'émulsine ; on a distillé au
bain-marie, sous pression réduite, en recueillant l'alcool
dans un récipient entouré d'un mélange de glace et de sel
marin, de façon à récupérer, autant que possible, la tota-
lité de ce liquide, qui a pu ainsi être employé dans une
autre opération.
On a traité le résidu par 400cm3 d'éther acétique bouil-

(1) Ueber einige synthetische glucoside [Ber. ehem. Gesells., t.XXVI,


1894, p. 2478).
lant et laissé reposer la solution pendant 48 heures. La
petite quantité de glucose dissoute à chaud s'est déposée.
On a décanté, filtré et concentré le liquide au dixième de
son volume.
Le propylglucoside ~ s'est déposé, en moins de 48 heures,
sous forme d'aiguilles rassemblées en grosses houppes
soyeuses, à peine adhérentes aux parois du vase. On a
essoré, lavé avec un peu d'éther acétique, après quoi, le
produit a été desséché dans le vide sulfurique.
Pour le purifier, on l'a dissous à l'ébullition dans
i5 parties d'acétone pur anhydre. Le produit s'est déposé
en quelques jours sous forme de cristaux en aiguilles,
qu'on a essorés, lavés avec de l'acétone et mis à sécher
dans le vide sulfurique.
Dans un essai effectué sur une quantité de matière dix
fois moindre, sans recourir à l'agitation mécanique, en
agitant simplement de temps en temps, la réaction s'est
prolongée pendant 3o jours, et la rotation a atteint — 16'.
Dans un troisième essai effectué comme le deuxième,
mais en employant de l'alcool propylique à go pour 100,
la réaction s'est arrêtée vers le trente-quatrième jour, la
rotation étant de — 18'.
Propriétés. — Le propylglucoside [3 est un produit
blanc, non hygroscopique quand il est pur ( ' ) ; son odeur
est nulle. Sa saveur est franchement amère. Chauffé dans

l1) Le propylglucoside 3 obtenu dans nos premiers essais, était


hygroscopique (Voir Journal de Pharm. et de Chim., numéro du
Ier août 1912), probablement par suite de la présence de traces
d'impuretés qu'une seule cristallisation n'avait pas suffi à enlever.
La préparation ultérieure de quantités notables de ce produit nous
a permis de pousser plus loin sa purification. Le glucoside purifié
n'était plus hygroscopique et, comme nous l'avions présumé, il
présentait un point de fusion et un pouvoir rotatoire un peu plus
élevé. Mêmes observations pour l'isobutylglucoside ~ et l'allyglu-
coside p.
un tube effilé, il fond à + io3° (corr.). Son pouvoir rota-
toire en solution aqueuse est plus élevé que celui des
glucosides précédents. On a trouvé pour une concentration
de 2g,0680
pour 100 : aD =—38°,68.
A 5ocm3 d'une solution renfermant 1g,0983 du produit
non purifié par cristallisation dans l'acétone, on a ajouté
0g,20 d'émulsine. En 2 jours, à la température ordinaire,
la rotation passé de —1°32' à + 1°48', et il s'était
a
fait, pour 100cm3 de la solution, Ig,762 de glucose, ce qui
correspond à une hydrolyse complète du glucoside, à
quelques milligrammes de glucose près (calculé : 18,776).

IV. ISOPROPYLGLUCOSIDE .
— Em. Fischer, dans son
Mémoire sur les glucosides d'alcools (1), signale simple-
ment l'alcool isopropylique, CH3.CH (OH). CH3 comme
Un des alcools dont on a vérifié qu'ils se combinent avec
le glucose en présence de l'acide chlorhydrique. Aucun
glucoside de cet alcool n'a été isolé. Nous avons obtenu
facilement le glucoside 3 par voie biochimique.

Préparation. — Une partie de l'alcool isopropylique


qui nous a servi a été achetée dans le commerce ; le reste
nous a été donné obligeamment par M. le professeur
Jungfleisch, à qui nous adressons ici nos meilleurs remer-
ciements. Ces alcools ont été préalablement redistillés,
et l'on n'en a retenu que la partie passant de + 810 à
840 (la presque totalité).
Un premier essai a été tenté avec loog d'alcool com-
posé de : alcool isopropylique, 85s et eau i5g. On y a fait
dissoudre is de glucose anhydre et, après 24 heures,
solution accusant, au tube de 2dm, une rotation de + 1° 8*
on a ajouté og,5o d'émulsine. On a abandonné à la tem
pérature du laboratoire (+ 170 à + 23°).
I1)Ueber die Glucoside der Alkohole (Ber. ehem. Gesells., t. XXVI,
1893, p. 2400).
La réaction s'est arrêtée vers le cinquantième jour,
alors que la rotation était devenue + 12'.
Dans un deuxième essai, on a opéré sur io5cm9 du
même alcool, dans lequel on a fait dissoudre une propor-
tion double de glucose (2g,IO) ; 24 heures après, la rotation
étant + 20 8', on a ajouté ig d'émulsine, puis abandonné
à la température du laboratoire.
La réaction s'est arrêtée vers le quarantième jour, la
rotation étant devenue + 36'.
Enfin, dans un troisième essai, effectué comme le pré-
cédent, mais portant sur i5ocm3 du même alcool, la rota-
tion a passé de + 20 8' à + 1° 4'.
Après avoir filtré les trois liquides rassemblés, on les a
distillés à sec, en ayant soin de recueillir l'alcool dans un
récipient refroidi avec un mélange de glace et de sel. On
a traité le résidu à trois reprises à l'ébullition par de
l'éther acétique anhydre, en employant chaque fois 250cm3
de ce dissolvant. On a laissé reposer les liqueurs éthéro-
acétiques pendant deux jours pour permettre à la petite
quantité de glucose entraînée de se déposer; on a distillé
jusqu'à réduction à 3o environ et laissé refroidir. La
cristallisation a commencé aussitôt. En quelques heures,
le liquide s'est pris en une masse de cristaux en aiguilles,
qu'on a essorés, lavés à l'éther acétique et fait sécher
dans le vide sulfurique. Il y en avait 19,35 environ.

Propriétés. — Glucoside inodore, amer; légèrement

-
hygroscopique, se distinguant de son isomère par son
point de fusion plus élevé : + 1220 1230, au lieu de
+ io3°; très soluble dans l'alcool et l'eau, moins soluble
dans l'éther acétique.
Son pouvoir rotatoire a été trouvé égal à — 36°, 29 pour
une concentration de 2,0666 pour 100.
Il réduisait légèrement la liqueur cupro-potassique.
Cette réduction correspondait à 2g,70 pour 100 de
glucose. En admettant que le glucoside ne soit pas réduc-
teur, son pouvoir rotatoire véritable devient ainsi — 38°, 7.
L'émulsine l'hydrolyse très facilement en solution
aqueuse. En 24 heures, à + 330, une solution à 2g,3093
pour 100, dont la rotation était de — 10 4o' (1 = 2),
additionnée de og,30 d'émulsine, accusait + 1048'. Elle
renfermait Ig,7884 pour 100 de glucose.

V. BUTYLGLUCOSIDE .
jusqu'ici,
= C6 H11 O6. Ci H9. — On n'a
à l'alcool butylique normal,
pas appliqué
CH3. CH2. CH2. CH2. OH, les procédés chimiques da
synthèse des glucosides d'alcools; du moins, nous n'avons
rien trouvé, concernant ce point, dans les publications
scientifiques. Par voie biochimique, c'est-à-dire avec
l'émulsine, la synthèse du glucoside de cet alcool se fait
aisément.
Préparation. — L'alcool butylique, même saturé d'eau,
ne dissolvant que og,85 environ de glucose pour 100cm3
nous avons été amenés à essayer l'addition d'un excès de
ce sucre par rapport à sa solubilité, dans la pensée que
l'alcool pouvant ainsi rester saturé, la réaction atteindrait
une plus grande quantité de glucose. Il en a été ainsi, en
effet, non seulement pour l'alcool butylique, mais encore
pour l'alcool isobutylique et pour d'autres alcools dont
il sera question plus loin, de sorte qu'on a pu obtenir par-
fois des rendements relativement forts avec de petites
quantités d'un alcool, ce qui est un avantage appréciable
lorsqu'on prépare les glucosides des alcools qui, comme
l'alcool butylique, sont d'un prix très élevé.
Un premier essai a été tenté avec la solution suivan.e :
Alcool butylique normal à 10 pour 100 d'eau environ
(saturé) 50cm3
Glucose .................................. en excès
On agite de temps en temps, de façon à sature- l'ai 1,
et, après 2 jours, on filtre. La liqueur filtrée accusait,
pour 1 = 2, une rota Lion de + 54', ce qui correspond à la
dissolution de c 3,425 de glucose environ. On a ajouté
ûg,20 d'émulsire et l'on a abandonné à la température
o; ^ ~toire (+ 180 à + 220), en ayant soin d'agiter
ir quemment. Voici les rotations observées successive-
m nt :

Rotation initiale +54 1

Après 2. jours +24


7 ............................. +46
»
»

»
12
16
»
»

»
--16
» 21 » -16
La réaction s'est donc arrêtée vers le seizième jour,
alors que la rotation, devenue gauche, était de — 16'.
Une deuxième opération a été faite avec 60 du même
alcool butylique auxquels on a ajouté un grand excès
de glucose (ios) et une plus grande quantité d'émulsine
(2g) que dans la première.
La réaction s'est arrêtée vers le sixième jour. Mais la
rotation était alors de — 56', ce qui correspond, en tenant
compte de ce que la liqueur reste saturée de glucose, à un
mouvement vers la gauche de 164', supérieur, par consé-
quent, de 94' à celui du premier essai. Ce résultat est loin,
cependant, d'être proportionnel à la quantité d'émulsine
ajoutée.
On a filtré et réuni les deux liquides ; on les a distillés
à sec sous pression réduite, en recueillant le distillat dans
un récipient entouré d'un mélange de glace et de sel
marin. On a repris le résidu par 50cm3 d'éther acétique
bouillant ; on a laissé réposer pendant 2 jours, de façon à
permettre au glucose dissous à chaud de se déposer;
après quoi on a décanté et abandonné la solution dans le
vide sulfurique. La concentration s'est faite lentement,
et lorsqu'il ne restait plus que quelques centimètres cubes
•de liquide, celui-ci s'est pris en une masse compacte de
cristaux en aiguilles. On a lavé ceux-ci en les triturant
avec de l'éther ordinaire pour enlever les dernières traces
d'alcool butylique et, finalement, on a remis le produit
dans le vide sulfurique jusqu'à dessiccation complète. Il
pesait alors un peu plus de 1g.
Propriétés. — Le butylglucoside ,3 cristallise en aiguilles ;
il n'est pas hygroscopique. Il n'a pas d'odeur, il possède
une saveur amère; il est très soluble dans l'eau et dans
l'alcool, assez soluble dans l'éther acétique.
Son pouvoir rotatoire, en solution aqueuse, a été trouvé
-égal à — 35,4 pour une concentration de 2,117 pour 100

(p = o,3176 ; v = i5; 1 = x = — i°3o'; t = +

Il réduisait très légèrement la liqueur cupro-potassique,


ce qui peut tenir à ce que, en raison de la petite quantité
-de produit obtenu, on n'a pu le purifier complètement, et,
par conséquent, le débarrasser de traces de glucose entraî-
nées. Dans ce cas, le pouvoir rotatoire trouvé serait un
peu faible.
En solution aqueuse, il est rapidement hydrolysé par
l'émulsine. On a ajouté de l'émulsine (og,o5) à la solution
ci-dessus. En 2 jours, la rotation avait passé de — 1° 3o
à + Io 24', ce qui correspond à une hydrolyse de du
glucoside environ.
En se basant sur le pouvoir ro tatoire du butylglucoside [3,
on peut calculer que, dans le premier essai, la réaction a
atteint 69,3 pour 100 du glucose employé.

VI. ISOBUTYLGLUCOSIDE — On n'a pas appliqué


non plus jusqu'ici à l'alcool isobutylique (CH3)2 = CH.
CH2. OH les procédés chimiques de synthèse des gluco-
sides d'alcool.
Préparation. — La synthèse de l'isobutylglucoside (3
a été réalisée, par voie biochimique, en opérant avec le.
mélange suivant :

g
Alcool isobutylique 800
Eau distillée 80
Glucose 15
Emulsine
................................... 4

Le glucose est ici en grand excès, la totalité du mélange-


liquide (un peu plus d'un litre) ne pouvant en dissoudre
que 4g environ. Il en reste donc 11g à l'état de poudre,
dont une partie passera en dissolution pour remplacer
le glucose dissous au fur et à mesure de sa combinaison avec
l'alcool.
Au départ, la rotation (pour 1= 2) de la solution filtrée
était de + 24'. La réaction, favorisée par agitation à la
machine, s'étant fortement ralentie du huitième au
douzième jour, et la rotation étant en dernier lieu de
— 24', on n'a pas jugé utile de prolonger l'expérience,
et l'on a procédé à l'extraction du glucoside. On a opéré
comme pour le précédent, sauf qu'après avoir repris le
résidu sec par 400cm3 d'éther acétique bouillant, et après
avoir laissé reposer pendant 2 jours, on a simplement
décanté et concentré, par distillation, à 25cm3, la solution
éthéro-acétique.
La cristallisation a commencé presque aussitôt et, en
quelques heures, la solution était prise en masse. On a
essoré les cristaux à la trompe ; on les a lavés, en essorant
avec un peu d'éther acétique additionné de son volume
d'éther ordinaire, puis on les a portés dans le vide sulfu-
rique. Après dessiccation, le produit pesait 7g,50 environ.
Pour le purifier, on l'a fait dissoudre, à chaud, dans la
plus petite quantité possible d'un mélange à volumes
égaux d'acétone et d'éther ordinaire. On a opéré pour cela
dans un petit ballon muni d'un réfrigérant à reflux et
plongé dans de l'eau préalablement portée à 400 environ.
Par refroidissement et repos, la cristallisation s'est faite
rapidement.
Le produit essoré, puis desséché dans le vide sulfu-
rique a été soumis à une dernière cristallisation dans.
i5 parties d'acétone bouillant.
Dans un petit essai portant sur 50cms d'alcool isobu-
tylique à go pour 100, effectué avec 2b de glucose et
Og,40 d'émulsine, essai qu'on a laissé se prolonger jusqu'à
l'arrêt de la réaction, ce qui a demandé 10 à 12 jours, la
rotation gauche a atteint 32'. -
Propriétés. — L'isobutylglucoside se présente sous
la forme d'aiguilles incolores; il est inodore et possède
une saveur très amère ; il n'est pas hygroscopique ; chauffé
dans un tube capillaire ouvert par un bout, il fond à
113°, 5 (corr.). Il est très soluble dans l'eau et dans
l'alcool, assez soluble dans l'acétone et l'éther acétique;
très peu soluble dans l'éther ordinaire.
Le pouvoir rotatoire du glucoside pur a été trouvé égal
à -390, 18 pour une concentration de 2,1693 pour I00cm3.
Sa solution aqueuse ne réduisait pas la liqueur cupro-
potassique. La rotation d'une solution additionnée
d'émulsine a passé, en 2 jours, de —1° 52' à +2°6'. La
liqueur présentait alors l'odeur de l'alcool isobutylique
et renfermait 1g, 987 de glucose pour loocms, ce qui cor-
respond à une hydrolyse presque complète.

.
VII. ISOAMYLIGLUCOSIDE — Em. Fischer a mentionné
un alcool amylique comme se combinant avec le glucose
sous l'influence de l'acide chlorhydrique (1).
Préparation. — L'alcool dont nous nous sommes servis
n'était pas l'alcool normal, mais l'alcool isoamylique, et
nous devons ajouter qu'il n'était pas complètement

(1) Loc. cil., voir p. 193.


inactif, présentant un pouvoir rotatoire de —i°, 12. Avant
de l'employer, on l'a additionné de 5 pour 100 d'eau.
Un premier essai a été fait sur 70cm3 de cet alcool
auxquels on a ajouté ig,5o de glucose. Il ne s'est dissous
qu'une très faible quantité de ce sucre, et la solution accu-
sait une rotation de — 1° 44' (1 — 2). On a- ajouté og,5o
d'émulsine et la rotation a passé en 12 jours à — 20 14,
soit un mouvement de 3o'.
Un second essai a été fait sur 600cm3 d'alcool isoamy-
lique à 95 pour 100 qu'on a additionnés de log de glucose
et de 2g d'émulsine. Le mélange a été, comme le précédent,
abandonné à la température du laboratoire (+ 170 à
+ 200) (1). La rotation a passé également de —1°44'
à — 20 14', mais en 3o jours environ.
On a réuni les deux liquides, on les a filtrés, puis dis-
tillés à sec au bain-marie, sous pression réduite, en ayant
soin de recueillir l'alcool dans un récipient plongé dans
un mélange de glace et de sel marin.
On a d'abord lavé le résidu avec de l'éther ordinaire
pour enlever les dernières traces d'alcool isoamylique;
puis on l'a traité à l'ébullition par 25ocm3 d'éther acétique
anhydre.
On a laissé reposer le liquide éthéro-acétique pendant
deux jours, pour permettre à la petite quantité de glucose
dissoute à chaud de se déposer; après quoi, on a distillé
jusqu'à réduction à 20cm3. La cristallisation s'est faite
aussitôt. Les cristaux ont été essorés, lavés à l'éther acé-
tique et mis à sécher dans le vide sulfurique (rendement:
49,25 environ).
Propriétés. — Glucoside cristallisé en aiguilles, inodore,
possédant une amertume désagréable, non hygroscopique,
fondant de + 990 à + 100°, lévogyre, ayant un pouvoir

(1) Sauf, pour le deuxième essai, dan3 les cinq derniers jours, où
il a été mis à l'étuve à 33°.
rotatoire aD = — 36°, 40 pour une concentration de
2,1973 pour I00cm3.
Il ne réduisait pas la liqueur cupro-potassique. 15cm3
d'une solution renfermant Og,3296 de produit ont été
additionnés de og,05 d'émulsine et placés dans une étuve
réglée à + 33°. Déjà, après 2 heures, on percevait net-
tement l'odeur de l'alcool isoamylique ; et, après heures,
la rotation avait passé de —1°36' à + 1°40'. Il s'était
formé Ig,576 de glucose pour loocm3. L'hydrolyse était
donc presque complète, celle-ci devant correspondre à
une rotation de + 1040' et à une proportion de glucose
de 1g,582.

Glucosides d'alcools monovalents non saturés


(série acyclique).
C6 H11 O6. C3 H5.

VIII. ALLYLGLUCOSIDE L'alcool allylique,


p.
CH2 = —
CH. CH2. OH, est simplement cité par Em. Fis-
cher (1) comme pouvant se combiner avec le glucose en
présence de l'acide chlorhydrique. La préparation d'un
glucoside [3 ou a de cet alcool ne paraît pas avoir été
tentée (2).
Préparation. — La synthèse biochimique de l'allylgluco-
side ^ a été réalisée sans difficulté avec le mélange suivant :
Alcool allylique renfermant i5 pour 100
d'eau en poids 115cm3
Glucose 1g, 15
Emulsine ............................... 09, 5o

(1) Ueber die Glucoside der Alkohole (Ber. ehem. Gesells., t. XXVI,
1893, p. 2400)
( ) Depuis
nos premières publications sur ce glucoside (Société
de Pharmacie de Paris, séance du 31 juillet 1912, et Comptes rendus
de l'Académie des Sciences, séance du 12 août,
p. 437), M. J. Severin
a préparé le glucoside P en employant la méthode de Kœnigs et
Knorr (Ber.chem. Gesells., n° du 28 septembre 1912, p. 2474).
On a fait dissoudre au bain-marie le glucose dans l'alcool
avant d'ajouter l'émulsine. Le mélange, abandonné à la
température du laboratoire (+ 18° à + 200), était agité
fréquemment :

Rotation initiale 0 '


-+-i ()
Après 5 jours + 4
» 10 » — 14
» i5 »
(arrêt de la réaction) ........ — 22

Dans une deuxième opération, effectuée de même, mais


avec le double de glucose, la rotation a passé en six jours
de +2°8' à + 24' pour atteindre, à l'arrêt de la réaction,
vers le seizième jour, — 32', ce qui fait un mouvement
à gauche de 160', presque double de celui du premier
essai (88').
Ces deux mélanges étant réunis, on a filtré, puis distillé
à sec, sous pression réduite. Le résidu a été traité à l'ébul-
lition, à deux reprises, par l'éther acétique, en employant
chaque fois 25ocm3 de ce dissolvant. Après un repos de
48 heures, on a décanté la solution éthéro-acétique, on
l'a distillée à sec sous pression réduite et, enfin, on a repris
le nouveau résidu par de l'acétone bouillant en quantité
exactement suffisante pour le dissoudre.
Par refroidissement, l'allylglucoside s'est déposé sous
forme de cristaux en aiguilles, qu'on a essorés, lavés à
l'éther ordinaire et fait sécher dans le vide sulfurique.
Le produit, qui était hygroscopique et renfermaite ncore
des traces de glucose, a été finalement purifié par une
nouvelle cristallisation dans l'acétone, en employant
i5 parties d'acétone bouillant.

Propriétés. — Glucoside incolore, inodore, à saveur


amère, non hygroscopique. Chauffé dans un tube capillaire
fermé aux deux bouts, il fond nettement à + 970 (corr.).
Il est très soluble dans l'eau et dans l'alcool, notablement
soluble dans l'acétone et dans l'éther acétique, un peu
soluble dans l'éther ordinaire.
-
Son pouvoir rotatoire a été trouvé égal à 42°,18 pour
une concentration de 1,9946 pour 100.
Il ne réduisait pas la liqueur cupropotassique.
En solution aqueuse, il a été rapidement hydrolyse
par l'émulsine. Ainsi, I5cm3 d'une solution renfermant
0g, 3718 d'allylglucoside hygroscopique (aD =-
400,34)
ayant été additionnés de og,05 d'émulsine, la rotation a
passé en 3 jours de — 20 à+ 1° 52',et la solution renfermait
Ig,880 de glucose pour 100cm3, alors qu'une hydrolyse com-
plète en aurait donné 2^,0279. L'hydrolyse était donc
assez avancée. A la suite de l'hydrolyse, la solution
exhalait l'odeur piquante très caractéristique de l'alcool
allylique.

Glucosides d'alcools de la série cyclique.


IX. BENZYLGLUCOSIDE .—C6H1106.C7H70H2.— En
appliquant il l'alcool benzylique son procédé primitif
de préparation des glucosides d'alcools (x), Em. Fischer
a obtenu un produit amorphe qui est, dit-il (2), vraisem-
blablement un mélange des combinaisons a et (3. Ce pro-
duit, d'une amertume persistante, réduisait légèrement
la liqueur de Fehling et était incomplètement dédoublé
par l'invertine (3).
La préparation synthétique du benzylglucoside à ,
(l) Loc. cil., voir plus haut, p. 193.
(2) Einfluss der Konfiguration auf die Wirkung der Enzyme I
(Ber. ehem. Gesells., t. XXVII, 1894, p. 2985).
(3) Em. FISCHER, désignait alors sous le nom d invertine, 1 extrait
aqueux liquide préparé à froid de la levure de bière desséchée à
1 air,
et qui renferme comme on l'a vu plus haut (p. 185), quatre
ferments : glucosidase u, invertine, maltase, amygdalase. C'est au
premier de ces ferments qu'il faut rapporter l'action observée par
le chimiste allemand.
l'aide de l'émulsine, est aussi facile à effectuer que celle
des alcoolglucosidea qui précèdent. Mais il faut, pour
le séparer et le purifier, opérer autrement que nous ne
l'avons fait pour ces derniars, et cela en raison de la pro-
priété que possède l'alcool benzylique de ne distiller
qu'à une température élevée.
Nous avons employé de l'alcool benzylique à peu près
saturé d'eau (5 à 8 pour 100 d'eau environ) et comme,
même dans ces conditions, il ne dissout que très peu de
glucose, nous avons toujours ajouté un excès de ce sucre.

Préparation. — Une première opération a été faite


avec le mélange suivant :
Alcool benzylique 50cm3
Glucose 2g
Emulsine ................................ 09, 20

Ce mélange accusait au départ + 6' pour l=2. On


l'a abandonné à la température du laboratoire (+ 180
à + 24°) en ayant soin d'agiter fréquemment. La réaction
s'est prolongée pendant 5o jours environ et, lorsqu'elle
c'est arrêtée, la rotation du liquide était devenue — 1
Le glucose dissous se combine à l'alcool pour former le
benzylglucoside lévogyre qui reste en solution ; puis,
l'autre glucose vient remplacer celui qui a disparu, pour
se combiner à son tour et ainsi de suite.
Dans une autre opération, on a employé 2oocm3 d'alcool
benzylique, 48 de glucose et is d'émulsine. On a laissé
marcher la réaction jusqu'à ce que la rotation eût atteint
— 106'.
On a mélangé les deux liquides et l'on a filtré pour
séparer le glucose en excès ainsi que l'émulsine, laquelle
n'est pas soluble dans l'alcool benzylique.
On a agité la solution benzylique à quatre reprises
avec de l'eau distillée, en employant chaque fois 200cms
d'eau qu'on soutirait après séparation des deux liquides
non miscibles. Les solutions aqueuses étant réunies, on les
a r duites, par distillation dans le vide partiel, à i5ocmS
environ. On a agité ce résidu avec de l'éther pour enlever
l'alcool benzylique entraîné, puis on a achevé la distil-
lation sous pression réduite.
On a alors traité l'extrait sec, à l'ébullition, et à deux
reprises, par 3oocm' d'éther acétique anhydre.
Après 24 heures de repos, on a décanté la solution
éthéro-acétique, puis on l'a distillée jusqu'à réduction à
3ocm3 environ. Le glucoside
a commencé à cristalliser
sitôt après refroidissement du liquide. On l'a recueilli, en
deux fois, dans les 24 heures. Les deux portions ont été
essorées séparément à la trompe, lavées avec un peu
d'éther acétique additionné d'éther ordinaire et, finale-
ment, abandonnées à la dessiccation à l'air; on en a obtenu
en tout 2g,25.
Propriétés. — Ce glucoside cristallise en aiguilles; il
n'a pas d'odeur; il a une saveur très amère, désagréable
et persistante ; il n'est pas hygroscopique; il fond à + 106°
(non corr.). Il est très soluble dans l'eau et dans l'alcool,
assez soluble dans l'éther acétique, presque insoluble dans
l'éther ordinaire.
Il est lévogyre et possède en solution aqueuse, pour une
concentration de i,255 pour 100, un pouvoir rotatoire de
-530,69.
Il ne réduit pas la liqueur cupro-potassique (1).
A 15cm3 d'une solution aqueuse renfermant 29,745
de glucoside pour 100, on a ajouté og, o5 d'émulsine. La
rotation a passé, en 2 jours, de — 2° 42' à + 1° 46' et la
solution renfermait i8,8224 de glucose pour 100, ce qui

i1)Essai fait sur la portion recueillie en second lieu. L'autre por-


tion qui avait sans doute entraînée les traces de glucose restant,
déduisait très légèrement.
correspond à une hydrolyse presque complète (cal-
culée pour l'hydrolyse complète : 1g,8302). Déjà, après
24 heures, on pouvait percevoir l'odeur très nette
d'alcool benzylique.

REMARQUES SUR LES RECHERCHES EXPOSÉES DANS LA


TROISIÈME PARTIE. — Il ne nous a pas échappé que bon
nombre d'expériences restent à faire pour compléter les
recherches qui viennent d'être exposées, expériences qui,
pourtant, ne les intéressent pas dans leur ensemble. Ainsi,
dans aucun cas, sauf dans la synthèse de l'isoamylgluco-
side , on n'a fait intervenir la chaleur. Tous nos essais
ont été effectués à la température du laboratoire (+ 170
à + 240). Nous l'avons fait avec l'intention de nous rendre
compte, dans des conditions aussi semblables que possible,
de la résistance individuelle de chaque alcool à la glucosi-
dification par l'émulsine. Il nous a paru, par exemple,
que l'alcool méthylique se combine au glucose moins
vite que l'alcool éthylique, l'alcool allylique plus vite que
tous les autres. Et surtout, nous avons constaté que les
alcools secondaires vont moins loin dans la réaction que
les alcools primaires et les tertiaires que les secondaires,
ce qui rapproche les glucosides des éthers.
Il est bien évident qu'on doit s'attendre à voir, comme
nous l'avons vu d'ailleurs dans quelques expériences
particulières, une élévation modérée de température favo-
riser le processus synthétique. Il y a là l'indication d'expé-
riences minutieuses qui pourront être ultérieurement
entreprises.
On a vu aussi que deux de nos glucosides d'alcools
réduisaient encore légèrement la liqueur cupro-potassique.
Nous pensons que cette réduction, ne provient pas du
glucoside lui-même, mais de traces de glucose qu'on n'a
pu éliminer dans des purifications portant sur 29 à 49 de
matière, purifications rendues plus difficiles par l'hygros-
copicité des produits. C'est ce que nous avons pu cons-
tater déjà, depuis nos premières publications sur ce sujet,
pour le propylglucoside ~, l'isobutylglucoside ~ et l'allyl-
glucoside ~, glucosides dont nous avons fait de nouvelles
préparations, ce qui nous a permis de les purifier plus
complètement.
Enfin, il n'a été question qu'en passant de la transfor-
mation des alcoolglucosides ~ en glucosides a par l'acide
chlorhydrique. C est là une question que nous nous propo-
sons de reprendre dès que nous aurons à notre disposition
Une quantité suffisante des premiers de ces composés.

QUATRIÈME PARTIE.
RÉVERSIBILITÉ DES ACTIONS FERMENTAIRES.

Comme nous l'avons rappelé au commencement de la


deuxième Partie de ce Mémoire, on sait depuis longtemps
que la réaction hydrolytique produite par un enzyme sur
Un composé déterminé (hydrate de carbone, glucoside,
matière albuminoïde) s'arrête avant que ce composé soit
hydrolysé en totalité.
De nombreuses recherches ont été entreprises dans le
but d'arriver à expliquer cet arrêt. L'opinion la plus
généralement adoptée, avons-nous dit, est que toute
action hydrolysante d'origine fermentaire est réversible,
ce qui permet de concevoir que tout processus enzymo-
lytique tend, comme tout processus de saponification des
éthers par Peau, vers une limite qui peut d'ailleurs varier
avec les conditions de l'expérience.
Le meilleur argument à l'appui de la thèse de la réver-
sibilité eût été d'obtenir, avec un ferment hydrolysant,
la réaction inverse de celle qui le caractérise, c'est-à-dire
la reconstitution d'un composé à l'aide des principes que
le ferment sépare
en hydrolysant celui-ci; d'obtenir, pour
prendre l'exemple le plus connu, avec l'invertine, la
reconstitution du saccharose en la faisant agir sur un mé-
lange de glucose et de lévulose.
Arthur Croft Hill le premier et, après lui, d'autres
expérimentateurs ont effectué dans cet ordre d'idées des
recherches variées, parmi lesquelles nous allons passer en
revue celles qui sont du domaine des disaccharides et
des glucosides. On verra que ces recherches, pour si inté-
ressantes qu'elles soient, n'ont pas conduit d'une façon
certaine à la reconstitution synthétique, par un ferment
d'un composé hydrolysable par celui-ci, et n'ont, par
conséquent, pas apporté la preuve cherchée de la réver-
sibilité.
Croft Hill, en 1898, a essayé de reproduire le maltose
en faisant agir à 30° sur une solution concentrée de glu-
cose (à 4o pour 100), un extrait préparé à froid, de levure
basse desséchée dans le vide. Cet extrait qui, nous le
savons, renferme de la maltase, avait été essayé sur une
solution de maltose à 4o pour 100, et la réaction s'était
arrêtée après hydrolyse de — du disaccharide. On pou-
vait donc espérer dans l'expérience tentée, transformer
en maltose ^ du glucose traité.
Il se produisit une augmentation notable du pouvoir
rotatoire en même temps qu'une diminution importante
du pouvoir réducteur du mélange, ce qui s'accordait
avec l'hypothèse de la réversibilité, puisque le maltose a
un pouvoir rotatoire plus élevé et un pouvoir réducteur
plus faible que le glucose.
Mais le savant anglais ne put séparer, dans ces pre-
mières recherches (1) qu'un produit insuffisamment carac-
térisé. Plus tard (2) par contre, ayant renouvelé ses ten-

(1) ReversibleZymohydrolysis (Journ. of the chem. Soc. of London,


t. LXXIII, 1898, p. 634).
(2) Reversibility of Enzyme or Ferment action (Journ. of the chem.
Soc. of London, t. LXXXIII, 1903, p. 578).
tatives, il réussit à isoler, non pas du maltose, mais un
sucre nouveau, cristallisé, qu'il appela rèvertose.
En 1901, 0. Emmerling (1) a répété les expériences de
Croft Hill en se conformant au mode opératoire décrit
par ce dernier. Comme lui, il a fait agir à + 3oo, sur une
solution de glucose à 40 pour 100, un extrait de levure
basse, riche en maltase. Il constata également l'aug-
mentation du pouvoir rotatoire de la solution et la dimi-
nution de son pouvoir réducteur, mais il ne put réussir
à déceler la production de maltose. Il se serait formé,
selon lui, des dextrines et de l'isomaltose. Et encore ce
dernier composé n a-t-il pas été isolé; il a été seulement
caractérisé par le point de fusion de son osazone.
Un peu plus tard, Ém. Fischer et E. Frankland Arms-
trong (2) ont fait agir un extrait aqueux, préparé à froid,
de grains de képhir sur un mélange de glucose et de galac-
tose en solution concentrée. Cet extrait possédant la pro-
priété d'hydrolyser le lactose en ces deux hexoses, ils pen-
saient devoir en faire ainsi la synthèse. Mais ils n'obtinrent
qu'un isomère du lactose, l'isolactose, qu'ils ne réussirent
pas d'ailleurs à séparer à l'état cristallisé.
La préparation synthétique du sucre de canne, en
faisant agir l'invertine sur poids égaux de glucose et de
lévulose en solution dans l'eau a été également tentée :
par Wroblewski (3) d'abord, et ensuite par A.-W. Visser (4).
Tous deux pensent avoir constaté une action synthéti-
sante du ferment sur le mélange des deux sucres; mais
nous n'avons pas de données précises sur les expériences

(1) Synthetische Wirkung der Hefenmaltase (Ber. ehem. Gesells.,


t. XXXIV, 1901, p. 600).

1902, p. 3144).
t.
(2) Synthese einiger neuerDisaeeharide (Ber.ehem. Gesells., XXXV,

(3) Bull. Acad. des Sciences de Cracovie, février 1901; d'après


A.-W. Visser.
(4) Loc. cit., voir plus haut, p. 169.
du premier, et le second n'a fait qu'observer une dimi-
nution de quelques minutes (10 minutes) dans la rotation
(l = 2) d'une solution de sucre interverti accusant, avant
l'addition d'invertine, — 12°,46; il n'a pas essayé
d'extraire le sucre de canne qui, d'après lui, a dû se
former.
En ce qui concerne les glucosides, nous n'avons à citer
que les recherches d'Emmerling (1), et celles de Visser (2).
Le premier a essayé de réaliser la synthèse partielle
de l'amygdaline en faisant agir, pendant trois mois,
à + 35°, un extrait liquide de levure desséchée (50cm3)
sur un mélange de 30g d'amygdonitrile glucoside et
de i8g, 5 de glucose. Il a obtenu, dans un essai, og, 5o, et,
dans un autre, og,35 d'un produit qu'il pense être de
l'amygdaline, se basant seulement sur son point de fusion,
+1990 et sur ce qu'il répandait, sous l'influence de l'émul-
sine, l'odeur d'essence d'amande amère; caractères suffi-
sants d'ailleurs, s'il n'y avait pas désaccord sur le point
de fusion de l'amygdaline, et s'il était bien prouvé que
ces faibles résidus n'avaient pas retenu un peu d'amygdo-
nitrileglucoside non éliminé.
De même, dans la tentative dont nous avons déjà parlé
(voir p. 169), que fit Visser pour reproduire la salicine en
ajoutant de l'émulsine à une solution aqueuse de glucose
et de saligénine, on peut se demander si le produit amorphe
séparé par lui en petite quantité était réellement de la
salicine.
Enfin, W. M. Bayliss, dans des recherches récentes
dont nous avons eu connaissance au cours de ce travail,
a fait agir de l'émulsine sur une solution de glucose et
d'hydroquinone dans la glycérine. Cet auteur qui a

Wirkung der Hefenmaltase (Ber. ehem. Gesells.,


(l) Synthetische
t. XXXIV, 1901, p. 38io).
(2) Loc. cit.
constaté, lui aussi, une diminution de la rotation, avait
d'abord pensé avoir obtenu ainsi la synthèse de l'arbu-
dine (1). Ultérieuremnnt, il est revenu sur cette manière
de voir et a émis l'opinion qu'il avait dû se former un
glucoside de la glycerine qu'il n'a d'ailleurs pas cherché à
isoler (2).
Ainsi donc, dans ces expériences, ou bien on a obtenu
un ou plusieurs composés différents de celui qu'on pensait
devoir obtenir (révertose au lieu de maltose, isomaltose
et dextrines au lieu de maltose; isolactose au lieu de
lactose), ou bien le produit synthétique supposé formé
n'a pas été séparé (saccharose), ou encore le produit séparé
n'a pas été suffisamment caractérisé (amygdaline, salicine).
Et, dans tous les cas, les rendements ont été insignifiants.
Les premiers de ces résultats démontraient assuré-
ment que les produits fermentaires employés étaient
susceptibles d'exercer une ou plusieurs actions synthé-
tisantes, puisque, en partant d'hexoses, on a obtenu des
hexobioses et même des hydrates de carbone plus con-
densés, mais il paraissait difficile, sinon impossible de les
accorder avec l'hypothèse de la réversibilité.
Croft Hill s'y est efforcé cependant; son opinion, qui
nous paraît acceptable, est qu'il faut rapporter la cause
de ces insuccès à ce qu'on ne peut avoir, à sa disposition,
de ferments purs; on n'a que des mélanges de ferments
divers qui, agissant chacun pour son compte, donnent
naissance à un ensemble de composés différents, capables
de masquer la réaction du ferment considéré. Si, par
exemple, l'extrait de levure est surtout riche en révertase
ou en isomaltase, la réaction synthétisante se fera surtout
dans le sens du révertose ou de l'isomaltose.
.

(1) The Journal of Physiology, t. XLIII, n°6, 27f6vrier 1912, p. 455


et XL.
(2) Id., t. XLIV, 11° 3, 6 mai 1912, p. ix.
Les résultats de nos expériences sont tout autres que
ceux des expériences que nous venons de rappeler. Nous
avons réalisé, à l'aide de l'émulsine, avec un rendement
élevé, la synthèse de neuf glucosides d'alcools qui ont été
isolés à l'état cristallisé et pur, glucosides que cette
même émulsine hydrolyse facilement.
Cependant l'émulsine est aussi un produit complexe,
renfermant au moins quatre enzymes (1).
Comment alors expliquer la simplicité de la réaction?
Elle tient, à notre avis, à ce que, pour chaque alcool, il
n'existe qu'un seul glucoside de cet alcool, hydrolysable
par l'émulsine proprement dite, ce qui fait qu'un seul fer-
ment peut entrer en action pour unir le glucose et l'alcool,
et que, d'autre part, la masse de l'alcool, l'un des com-
posants, énorme par rapport à celle du glucose, l'autre
composant, empêche ou réduit à peu de chose toute
condensation de celui-ci, qui pourrait se produire par
l'intermédiaire des autres ferments.
En tout cas, nous avons obtenu, avec l'émulsine, la
synthèse de toute une série de glucosides, qui sont hydro-
lysables par ce ferment. La réversibilité doit donc être
considérée ici comme démontrée.
Cependant, on peut encore objecter que l'hydrolyse
et la synthèse de ces glucosides sont produites par deux
ferments différents, en quelque sorte antipodes l'un de
l'autre, existant tous deux dans l'émulsine des amandes.
C'est pour examiner cette objection que nous avons
fait, dans les alcools à 85° et à 6oo, avec l'éthylgluco-
side (2), et avec le glucose, les expériences d'hydrolyse
et de synthèse qui suivent.
(1) Ém. BOURQUELOT et H. HÉRISSEY, L'émulsine, telle qu'on
l'obtient avec les amandes, est un mélange de plusieurs ferments
(Soc. de Biologie, IIe série, t. V, Ig03, p. 219).
(2) Cet éthylglucoside, pur et cristallisé, a été préparé par nous,
synthétiquement, avec l'émulsine.
EXPÉRIENCE AI. — Hydrolyse.
Éthylglucoside . og, 5816
Alcool à 85°, q. s. p ..................... 50cms

EXPÉRIENCE A2. — Synthèse.


Glucose og, 5o33
Alcool à 85°, q. s. p 50cm3

EXPÉRIENCE Bi. — Hydrolyse.


Éthylglucoside p og,58o7
Alcool à 6o°, q. s. p 50cm3

EXPÉRIENCE B2. — Synthèse.


Glucose og, 5o25
Alcool à 60°, q. s. p 50cm3

Comme on le voit, les proportions de glucose étaient,


dans A2 et Ba, respectivement égales à celles qui entraient
dans la composition du glucoside de A, et de B,.
On a ajouté à chacune des solutions 0g,20 d'émulsine
et on les a abandonnées à la température du laboratoire
(+ 180 à + 240), en ayant soin d'agiter matin et soir.
Si l'hypo thèse de la réversibilité est conforme à la réalité,
qu'on parte du glucoside (A,, B<) ou de la quantité cor-
respondante de glucose (A2' B2), il est évident qu'on
devra, pour chacun des deux alcools, aboutir à un même
équilibre.
Or : 1° le liquide de l'expérience A, accusait au départ
une rotation (l = 2) de — 48' (')et celui de l'expérience A2,
une rotation de + 64'; et lorsque la réaction s'est arrêtée,
après 21 jours environ pour A, et 16 jours environ (2)
(1) Le pouvoir rotatoire de l'éthylglucoside est un peu plus
élevé dans l'alcool que dans l'eau. Nous avons trouvé dans l'alcool
à 85° : a. = — 35°, 32,
(p = 0,4105; v=15; 1 = 2; a = — i°56'; t = -1- 20°).
(2)Les examens polarimétriques ayant été faits tous les quatre
ou cinq jours, ces chiffres ne peuvent être qu'approximatifs,
pour A2, les deux liquides accusaient exactement la même
l
rotation : — 20' pour =2.
20 De même, lorsque la réaction s'est arrêtée dans les
expériences B, et B2, après 16 jours environ pour la pre-
mière et 19 jours environ pour la seconde, la rotation des
deux liquides était de + 10'.
Un nouvel examen polarimétrique a été fait dix jours
après que l'arrêt des réactions eût été constaté, et l'on a
trouvé encore — 20' pour A, et A, et + 10' pour B, et B2.
Ce n'est pas tout : on a dosé le glucose existant dans les
liqueurs après l'arrêt des réactions, et l'on a trouvé
exactement la même quantité de ce produit pour chacune
des deux séries d'expériences, à savoir : og,150 dans 5ocm3
de chacun des liquides A, et A2 et 0g,276 dans 50cm3 des
liquides B, et B2.
Ces expériences sont donc aussi d'accord avec la doc-
trine de la réversibilité si énergiquement défendue par
Croft Hill.
Elles montrent en outre que la limite commune aux
deux actions hydrolysante et synthétisante varie avec
la concentration de l'alcool, l'un des composants du gluco-
side.
Pour mettre mieux en évidence le sens de cette varia-
tion, nous avons fait une nouvelle série d'expériences
de synthèse avec des alcools de plus en plus dilués, à
partir de l'alcool absolu jusqu'à l'alcool à 100, en em-
ployant dans tous les cas, pour 100cm3, is de glucose et
og,4o d'émulsine, sauf pour l'alcool absolu qui dissout
moins de i pour 100 de glucose, et qu'on a simplement
saturé avec ce sucre, puis additionné de os, 4o d'émulsine.
Les résultats de ces expériences qui ont été effectuées à
la température du laboratoire (+180 à +24°) sont
résumés dans le Tableau ci-après :
Rotation Glucose
Alcool Durée à l'arrêt pour 100
à de la réaction. de la réaction, à l'arrêt.
O
ioo.... pas d'action ,
95.... 55 à 58 jours —38 0,140
90.... 3o à 35 » -30 0,203
85.... 20 à 25 » -20 o,3oo
80.... zo à i5 » -12 0,345
60.... io à r 5 » +12 o,553
5o.... 10 à i5 » +20 0,648
4o.... 5 à 10 » +30 0,691
3o.... 5 à 10 » +40 0,767
20.... moins de 5 jours +50 o,844
10.... » +54 0,894
Deux expériences témoins ont été effectuées en même
temps en employant de l'émulsine préalablement portée
a l'ébullition pendant 20 minutes dans de l'alcool à 6oo.
On n'a obtenu ni synthèse, ni hydrolyse d'éthylglu-
coside avec cette émulsine.
On voit, si l'on fait abstraction de l'alcool absolu, dans
lequel il n'y a pas eu de réaction appréciable, que c'est
dans l'alcool le plus concentré, l'alcool à 95°, qu'il s'est
fait le plus de glucoside. La réaction s'y est poursuivie
d'ailleurs très lentement, presque nulle dans les 5 pre-
miers jours (la rotation a passé de +104' à +1°2'), puis
plus rapide, pour se ralentir à nouveau, et enfin s'arrêter
après plus de 5o jours, lorsque du glucose se trou-
vaient transformés en éthylglucoside. Pratiquement, tou-
tefois, il y a avantage pour préparer en grand ce glucoside,
à employer un alcool un peu plus faible, par exemple, de
l'alcool à 90° ou de l'alcool à 850 comme nous l'avons
fait dans nos essais de synthèse, la réaction s'y faisant
beaucoup plus rapidement et le rendement étant encore
d'au moins 70 pour 100.
Mais ce qui ressort de ces chiffres avec évidence, c'est
que la limite qu'on peut atteindre et qui est, comme
nous l'avons dit, commune aux deux actions hydroly-
sante et synthétisante, correspond à une hydrolyse plus
forte et à une synthèse moindre au fur et à mesure que
l'alcool est plus dilué. De sorte qu'en diminuant de plus
en plus la teneur du liquide en alcool, on tendra vers
l'hydrolyse complète, sans pouvoir l'atteindre cependant,
puisque la réaction fournit elle-même de l'alcool. De
même, si l'alcool fort n'exerçait pas une action nocive sur
le ferment, ce que paraît indiquer la lenteur de l'action
synthétique, on tendrait vers une synthèse complète.
Il en ressort, en outre, que le ralentissement et l'arrêt
de la réaction hydrolysante dépendent de l'accumula-
tion, dans la solution du glucoside, du produit combiné
au glucose, c'est-à-dire de l'alcool, comme le ralentisse-
ment de l'hydrolyse fermentaire de l'arbutine en solution
aqueuse est dû à l'hydroquinone mis en liberté dans cette
hydrolyse (1).
CONCLUSIONS.

1. L'émulsine hydrolyse les glucosides (salicine, gen-


tiopicrine, arbutine), en solution dans les alcools éthy-
lique et méthylique même très concentrés (jusqu'à
95 pour 100, en volume pour l'alcool éthylique, et
go pour 100 en poids pour l'alcool méthylique).
Dans ces alcools concentrés, de 60 à 95 pour 100,
l'émulsine est à l'état de poudre insoluble : la réaction
s'y fait donc par simple contact.
Dans les alcools plus faibles, une partie de l'émulsine
entre en solution et la réaction est produite à la fois par
cette partie dissoute et par la partie non dissoute.
L'action hydrolysante est suivie d'une action synthé-
tisante représentée par la combinaison du glucose mis en
liberté avec l'alcool méthylique ou l'alcool éthylique.
Suivant le véhicule, il se forme un méthyl ou un éthyl-
glucoside.

(1)A. FICHTENHOLTZ, Recherches relatives à l'action retardatrice


de quelques composés sur l'hydrolyse des glucosides par l'émulsine
Journ. de Pharm. et de Chim., 6e série, t. XXX, 1909, p. 199),
Dans certains cas (la proportion de glucoside étant de
1 pour 100), l'hydrolyse de celui-ci est, pour ainsi dire
complète, tandis que la synthèse qui lui succède s'arrête
alors qu'il reste encore du glucose libre en solution (sali-
cine).
Dans d'autres cas, l'hydrolyse du glucoside reste incom-
plète ainsi que la synthèse qui lui succède. On atteint
ainsi deux états d'équilibre : l'un concernant l'hydro-
lyse qui représente la première phase de la réaction, l'autre
concernant la synthèse du glucoside d'alcool (gentio-
picrine).

II. L'émulsine exerce son action hydrolysante sur la


gentiopicrine en solution dans l'acétone même concentrée
(jusqu'à go pour 100 en poids). Dans les acétones ren-
fermant de 5o à go-pour 100 d'acétone pure, le ferment
est insoluble; la réaction se fait donc par contact.
Jusqu'à 60 pour 100, l'hydrolyse est complète, la gen-
tiogénine formée étant précipitée 'et ne pouvant, par
conséquent, intervenir pour arrêter l'action du ferment.
Il ne se produit aucune réaction synthétisante.

III. L'émulsine hydrolyse la gentiopicrine en solution


dans l'éther acétique, pourvu que ce liquide renferme une
proportion très minime d'eau. Ce ferment étant inso-
luble, la réaction se fait par simple contact. Elle va
d'ailleurs jusqu'au bout par suite de la précipitation
du glucose formé. Il n'y a pas d'action synthétisante.

IV. L'action synthétisante de l'émulsine ne s'exerce


pas seulement dans les alcools méthylique et éthylique;
elle s'exerce aussi dans tous les autres alcools. On a pu
baser sur cette propriété une méthode générale de synthèse
des glucosides d'alcools, et l'on a obtenu à l'état cristal-
lisé et étudié les glucosides suivants, qui, étant tous
hydrolysables en solution aqueuse par l'émulsine, appar
tiennent à la série :
Méthylglucoside 6;
Éthylglucoside [3;
Propylglucoside (3;

;
Isopropylglucoside [3;
Butylglucoside
Isobutylglucoside (3;
Isoamylglucoside
Allylglucoside ; ;
Benzylglucoside [3;
Pour les alcools, la glucosidification par l'émulsine est
comparable à l'éthérification. Elle va, en effet, plus loin
avec les alcools primaires qu'avec les secondaires, et avec
ceux-ci qu'avec les tertiaires.
V. L'étude comparée de l'action synthétisante et de
l'action hydrolysante de l'émulsine sur un glucoside
d'alcool, en solution dans cet alcool, montre que ces
actions sont réversibles.

RECIIERCIIES MIGNÉTOCHIMIQUES;
(THOlSIÈME MÉMOIRE);

PAR M. PAUL PASCAL,


Maître de conférences à la Faculté des Sciences de Lille.

Dans mes deux précédents Mémoires publiés ici même (1)


sur la magnétochimie des composés organiques, j'ai tou-
jours laissé systématiquement de côté les quelques com-
posés acétyléniques ou allyliques que j'avais pu préparer.

(1) Ann. de Chim. et de Phys., 8e série, t. XIX, p. 5, et t. XXV,


p. 289.
Grâce à l'obligeance de MM. Moureu, Dupont et Viguier,
il m'a été possible d'étudier outre, dans la série acétylé-
en
nique, de nombreux dérivés oxygénés aromatiques et beau-
coup de glycols bisecondaires ou bitertiaires. Possédant
ainsi des renseignements précis sur plus de trente corps
très purs, je puis fixer avec une grande probabilité d'exac-
titude le mode de calcul des propriétés magnétiques de
cette intéressante série.
Je dirai tout de suite que mes mesures relatives ont été
rapportées à l'eau, prise pour corps étalon diamagnétique.
La susceptibilité spécifique de ce corps été déterminée,
a
de façon sans doute définitive par P. Sève, qui fixe sa
valeur à
Xs= — 7,2. 10-7,
nombre que retrouvent MM. Weiss et Piccard.
Cependant, et pour rendre les résultats qui vont suivre
directement comparables à ceux de mes précédents Mé-
moires, je conserverai cette fois encore la valeur :
s=- 7,5.10-7,
que j'avais choisie un peu arbitrairement jusqu'ici.
C'est donc sur cette base que nous déterminerons de
proche en proche la valeur des modules constitutifs À figu-
rant dans la formule
m—
grâce à laquelle on calcule la susceptibilité moléculaire en
fonction des susceptibilités atomiques. Dans la solution de
ce problème d'apparence indéterminée, nous devrons nous
inspirer des résultats déjà trouvés dans l'étude des autres
composés non saturés.

Rôle magnétique de la triple liaison.


Pour observer cette influence sans perturbation supplé-
mentaire due à d'autres particularités de structure, nous
devrons d'abord laisser de côté les acétyléniques vrais,
dont les propriétés acides peuvent faire craindre un relè-
vement du diamagnétisme (1). De même, il faudra exclure
les dérivés possédant une fonction oxygénée voisinant
immédiatement avec la triple liaison; ce que nous savons
des dérivés éthyléniques oxygénés (2) fait supposer l'exis-
tence probable d'une perturbation semblable à la précé-
dente. Enfin, pour une raison analogue, nous négligerons
pour le moment les dérivés où la liaison acétylénique est'
conjuguée avec un noyau aromatique.
Ainsi se trouvent récusés la plupart des corps que nous
avions entre les mains, et la discussion se localise autour
de l'heptine-2, les acétals tétrolique et diformalacéty-
lénique, et enfin la dibromhydrine de la pinacone acéty-
lénique.
Examinons successivement ces divers composés :
10L'heptine-2, CH3(CH2)3 C = C — CH3 ou C7H12, a
pour susceptibilité moléculaire
—795.10-7.

Comme la somme des susceptibilités atomiques des


constituants est :

(C7) -7 x62,5.10-7
(H12) ..................... +12 x30,5. /0-7
—803,5.10-7

le module X relatif à la triple liaison est sensiblement


égal à
X
= [— 795 -t- 8o3,5J. 10-7 = + 8,5.10-7.
20 Nous avons déjà vu (3) que le module d'une liaison
multiple était toujours diminué par le voisinage d'une

(1) PASCAL, Ann. de Chim. et de Phys., 8E série, t. XIX, 1910,


p. 68.
(2) PASCAL, Ann. de Chim. et de Phys., 8E série, t. XIX, 1910,
p. 48.
(3) PASCAL, Ann. de Chim. et de Phys., 86 série, t, XXV, 1912,
p. 331.
fonction oxygénée, et que sa dépréciation était à peu près
proportionnelle, toutes choses égales d'ailleurs, à sa valeur
elle-même. La faiblesse du facteur de correction X relatif
à la liaison acétylénique nous donne à penser qu'il subira
de la part de l'oxygène une influence peu marquée, sur-
tout si la triple liaison est en position par rapport au
groupement fonctionnel oxygéné.
Si, dans cet ordre d'idées, nous examinons l'acétal
tétrolique

et l'acétal diformalacétylénique
(C2 Hs 0)2 = CH - C = C — CH = (0 C2 H5)2,
et si nous supposons pratiquement nulle l'influence mu-
tuelle de l'oxygène et de la triple liaison, nous obtenons
les résultats suivants :
-10-1'X.",. 10-1 EZ.. d'où 10-1 X.
Acétal tétrolique 1018 1023 5
» diformalacétylénique.. 1602 1613 -)-i!
Ces deux valeurs de obtenues par différence ne sont
À

pas trop discordantes, étant donnée la précision de la


méthode indirecte qui les fournit; leur moyenne est
égale à
À +8 .
10-- ?

valeur presque identique à la précédente et qui justifie a


posteriori nos présomptions.
30 Il nous reste alors à examiner la dibromhydrine de
la pinacone acétylénique :

Rappelons-nous à ce sujet que, dans les dérivés mono-


bromés, on doit s'attendre à une dépréciation du diama-
gnétisme sur laquelle nous avons déjà maintes fois in-
sisté (1). De plus, des considérations d'ordre plus purement
chimique (que nous vérifierons bientôt quantitativement)
amènent à penser que la triple liaison établit une indé-
pendance presque absolue entre les deux tronçons de la
molécule qu'elle sépare.
La présence de deux atomes de brome dans la dibrom-
hydrine semble donc devoir provoquer une déprécia-
tion A, du diamagnétisme, double de celle qu'on observe
dans les dérivés monobromés, (At = 2 X42,5.10-7) et
non pas égale à celle qui caractérise les dérivés dibromés
ordinaires (2 = 60.10-7).
La susceptibilité moléculaire se calcule alors de la façon
suivante :
8C — 5oo . 10-7
12 H — 366 »
2 Br — 638,5 »
At + 85 »
[C == C]
.................. X
»

— 1419,5
( -+- À) 10-7.

L'expérience donnant la valeur —1412.10-7 on en


déduit
X = -+- 7,5. 10-7.
Tous ces résultats très concordants permettent main-
tenant de fixer à la valeur moyenne :
X
= + 8. 10-7 (2)
le module qui représente le rôle magnétique moléculaire
de la liaison acétylénique pure.
La faiblesse de la dépréciation du diamagnétisme due
à la liaison acétylénique peut surprendre à première vue.

(l) PASCAL,Ann. de Chim. et de Phys., 8e série, t. XIX, 1910,


p. 62; Bull. Soc. chim., 4e série, t. XI, 1912, p. 117.
(2) L'application de considérations électroniques, indiquées som-
mairement ailleurs (Bull. Soc. chim., 4e série, t. XI, p. 204) sur la
nature des liaisons multiples, donne pour valeur théorique de X le
chiffre : — 7,92.10-7.
On s'habitue souvent à considérer comme formant une
progression ascendante les perturbations physico-chimi-
ques correspondant aux liaisons multiples de complica-
tion croissante; il n'est pas inutile de rappeler que cette
manière de voir n'est pas toujours absolument correcte.
Tout d'abord, au point de vue magnétochimique, la
complication des liaisons multiples ne fait que diminuer
en général la dépréciation du diamagnétisme correspon-
dant à la plus simple d'entre elles.
C'est ainsi qu'on trouve les modules suivants :
Liaisons. 10-7.
[C = AzJ des oximes et azométhines 85
lC == Az] des nitriles 8
[C = Az] des carbylamines
............... 4

Ici, même, la triple liaison des nitriles est relativement


encore moins visible dans le champ magnétique que celle
des acétyléniques, puisqu'on a
10-7.
[C == C] des éthyléniques disubstitués 57
[G == C] des acétyléniques disubstitués .... 8

C'est cette remarque qui nous avait fait prendre


confiance dans les premiers résultats, assez inattendus,
obtenus jadis au début de notre étude des dérivés acé-
tyléniques.
D'autres faits d'ordre chimique ou physico-chimique
mettent aussi en évidence l'influence quelquefois dépréciée
de la triple liaison par rapport à celle de la liaison éthylé-
nique, ou, tout au moins, montrent qu'on ne peut pas
toujours considérer le groupement C = C — comme un
accident structural correspondant à une non saturation
double de celle du groupe > C = C < (1).
Ainsi, Stobbe et Erich (2) étudiant le pouvoir absorbant

(1) Le brome et l'iode, par exemple, ne saturent souvent que la


moitié des valences du groupe — C = C —.
(2) STOBBE et ERICH, Berichte der deutschen chemischen Gesell-
schaft, t. XLIV, 1911, p. 1289.
pour l'ultraviolet de divers composés aromatiques, et
plus particulièrement de l'éthylbenzène, du styrolène, du
phénylacétylène ; comme aussi du diphényléthane, du stil-
bène, du tolane, etc., ont montré que l'absorption générale
de l'ultraviolet avait une intensité maxima pour le
dérivé éthylénique, tandis que le composé acétylénique
était à peine plus absorbant que le carbure saturé.
Quelque temps auparavant, Hilditch (1) avait étudié
les relations existant entre le pouvoir rotatoire naturel et
la non saturation de la molécule en dehors du radical à
carbone asymétrique. L'étude des phénylpropionates, des
cinnamates, des phénylpropiolates de menthyle et de
bornyle dans divers dissolvants lui montrait que le pou-
voir rotatoire des phénylpropionates subissait des varia-
tions de signe contraire suivant qu'on introduisait dans la
molécule une double ou une triple liaison, en passant au
cinnamate ou au phénylpropiolate.
C'est seulement quand on s'adresse au pouvoir ré-
fringent moléculaire et au pouvoir rotatoire magnétique,
ou encore aux constantes thermochimiques, qu'on voit.
l'exaltation des propriétés, provoquée par une liaison
éthylénique, se renforcer encore par l'apparition d'une
triple liaison.
Il suffit en particulier de se rappeler, d'une part, les
déterminations de M. Moureu (2) sur la série acétylénique
et de les comparer aux travaux de Brühl (3), Perkin (4) et
tant d'autres sur les corps éthyléniques ; enfin, il con-

(1) HILDITCH, Transactions of the chemical Society, t. XCIII,


1908, p. 1.
(2) MOUREU, Ann. de Chim. et de Phys., 8E série, t. VII, Ig06,

p. 536.
(3) BRÜHL, Annalen der Chemie, t. CC, 1879, p. 139; t. CCXXXV,
1886, p. 82; Zeitschrift für physikalische Chemie, t. I, 1887, p. 6;
t. VII, 1891, p. 2 et 19I.
(4) PERKIN, Transactions of the chemical Society, t. XCI, Ig07,

p. 835.
viendra d'évoquer les recherches de Perkin (1) sur le
pouvoir rotatoire magnétique, pour reconnaître aussitôt
le mode de classement tout différent de
ces deux particu-
larités structurales.
Quoi qu'il en soit, et sans nous attarder aux regrets que
Peut suggérer ce manque de cohésion des méthodes phy-
sicochimiques, nous pouvons remarquer que la magnéto-
chimie fournit un moyen assez sûr de distinguer nettement
entre la structure acétylénique et la structure diéthy-
lénique isomère.
La première introduit dans le calcul des susceptibilités
un module égal à +8.10-7, tandis qu'à la seconde
correspond le chiffre + 110.10--7.
L'écart entre ces deux nombres, soit : + 102.10-7 atteint
au moins le de la valeur de la susceptibilité molé-
culaire pour un composé de poids moléculaire moyen. Il
est donc impossible d'hésiter un instant, même avec un
corps légèrement impur, même après une mesure rapide.

Fonction acide et « conjugaison ».

Nous avions indiqué plus haut que la fonction acide des


acétyléniques vrais devait relever le diamagnétisme. Cet
effet a été constaté sur l'heptine-1 (CH3 CH2)4 C = CH,
le seul
éorps de cette espèce dont nous ayons pu dis-
poser, et où n'intervienne pas d'autre accident de structure.
Quand on compare ce carbure à son isomère disubsti-
=
tué, l'heptine-2 CH3(CH2)3C C— CH3, on lui trouve,
en effet un diamagnétisme plus accentué, comme l'indi-
quent les nombres suivants :
-101 X™- Calculé.
lIeptine-1 808 795)5 À +
lIeptine-2 ............... 7~)5 795,5

(') PERKIN, Transactions of the chemical Society, t. XLV, 1884,


P. 561; t. XLIX, 1886, p. 2o5; t. LXVII, 1895, p. 261; t. XCI,
1907, p. 835.
Le rôle d'un hydrogène acétylénique acide est donc
d'accroître le diamagnétisme moléculaire de —12,5.10-7
environ.
C'est ce résultat, appliqué à l'étude du phénylacé-
tylène qui nous fit découvrir l'influence magnétique de
la conjugaison du noyau aromatique et de la triple liaison.
On sait ce qu'on appelle conjugaison de deux liaisons
multiples, depuis les recherches purement chimiques de
Thiele (1). Cette notion qui intéresse, entre autres, les
composés contenant un groupement d'atomes du type :

s'applique naturellement aux dérivés aromatiques à


chaîne latérale non saturée du type
Ar — CH = CH — R,
quand on admet pour le noyau Ar un schéma développé à
liaisons éthyléniques du type Kékulé.
La conjugaison a toujours un retentissement marqué
sur les propriétés optiques du corps ; elle entraîne une
exaltation du pouvoir réfringent moléculaire (2) ou du
pouvoir rotatoire magnétique (3), mais l'importance de la
perturbation est toujours irrégulière, et il est même sou-
vent bien difficile d'en prévoir l'ordre de grandeur.
Depuis longtemps j'avais cherché en vain ce phéno-

THIELE, Annalen der Chemie, t. CCCVI, 1899, p. 89; t. CCCXI,


1900, p. 248; t. CCCXIX, 1901, p. 129.
(2) BRÜHL, Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft, t. XI,

1907, p. 881. — AuwERs, Berichte der deutschen chemischen Gesell-


schaft, t. XXXIX, 1906, p. 3748. - AUWERS et EISENLOHR, Journal
für praktische Chemie, t. LXXXII, 19lO, p. 65'et t. LXXXIV, IgII.
MULLER et BAUER, Journal de Chimie physique, t. I, 1903,

p. 190. — HALLER, Comptes rendus, t. CXXVIII, 1899, p. 137°.-
MOUREU, Ann. de Chim. et de Phys., 8e ,;érie, t. VII, 1906, p. 536, etc.
(3) PERKIN, Transactions of the chemical Society, t. LXXXIX,
1906, p. 854, et t. XCI, 1907, p. 806.
mène dans l'étude du diamagnétisme moléculaire. La
question d'une influence magnétique de la conjugaison
des liaisons éthyléniques semblait devoir être tranchée
Par la négative presque absolue, lorsque la série acéty-
lénique me la fit rencontrer de deux côtés bien différents.
Quand on se borne à l'étude des composés aromatiques,
le phénomène est d'ailleurs inversé en quelque sorte par
rapport à l'aspect qu'il présente dans les phénomènes
optiques.
On sait en effet que la conjugaison exalte le pouvoir
réfringent ou le pouvoir rotatoire magnétique, c'est-à-dire
agit dans le sens même des liaisons multiples en jeu;
nous dirons qu'elle agit alors dans le sens normal. Au con-
traire, la conjugaison d'un noyau et d'une liaison acéty-
lénique accroît le diamagnétisme que cette dernière tendait
à diminuer; et, une fois de plus, la magnétochimie se
sépare de la spectrochimie.
Calculons maintenant l'ordre de grandeur de cette
exaltation du diamagnétisme.
10 =
L'iodophénylacétylèneC6H5 —C CI présente la con-
jugaison sans autre phénomène. Sa susceptibilité molé-
culaire est :
— 1146. io-7,

alors que la somme des susceptibilités atomiques et des


modules constitutifs est égal à
—(8X62,5 + 5x3o,5 -+- 465 + 15 — 8). /0-7 = — 11 24,5.10-7.
La conjugaison compte donc pour
X
= — 21,5. 10-7.
20 Dans le cas du phénylacétylèneC6H' — C =
CH qui
contient un atome d'hydrogène acide, la valeur expéri-
mentale de la susceptibilité moléculaire est —715.10-7
tandis que la valeur théorique est
— (690 +12,5 +
X). 10-7,
on en déduit pour la valeur
X
= — 13.10
3° Le tolane C6 H5 — C C =
— C6H5 présente une double
conjugaison. Sa susceptibilité moléculaire est égale
à —1237.10-7, et elle donne, pour l'influence de la conju-
gaison double, un module correctif
X
=— x 17.5.1 o -7.

Le voisinage de deux noyaux semble donc produire un


effet double de celui qui correspond à la présence d'un
seul.
40 Enfin, pour le diphényldiacélylène
C6 115- C = C — C = C — C6 H5,
la susceptibilité expérimentale : —1347.10-7 donne un
résultat tout à fait comparable, traduit par le module
X
= — 2X14 "10-7.
Il est à remarquer ainsi que, dans ce dernier cas, il ne
semble pas y avoir de réaction spéciale bien nette entre
les deux triples liaisons conjuguées pour le spectro-
chimiste, tout se bornant quantitativement à une double
conjugaison comme dans le cas du tolane.
On peut d'ailleurs accentuer cette presque certitude en
se reportant aux propriétés optiques correspondantes.
Dans le styrolène et le phénylacétylène, les exaltations
du pouvoir réfringent (formule en n2) pour la raie Ha
sont sensiblement les mêmes, savoir :
Styrolène (') C6H5 Cil = C[12 -
Phénylacétylène (2) C6H5- C = CH
0,90
0,93
....
Dans le diphénylbutadiène (2) et le diphényldiacétylène,

(l) Brühl, Zeitschrift für physikalische Chemie, t. VII, 1891, p. 181.


(2) MOUREU, loe. cit.
au contraire, on trouve respectivement :

Diphénylbutadiène
C6 Hs— CH= CH —
Diphényldiacétylène
(')
CH = CH - C6 HI
.............. 14,9

C6 H5— C
= C — C = C = CI, H* '...."" .,......
La baisse considérable de l'exaltation constatée dans le
10,0

dérivé diacétylénique semble donc bien due à l'indépen-


dance des deux triples liaisons, qui ne sont plus vérita-
blement conjuguées comme le sont les deux liaisons éthy-
léniques du diphénylbutadiène.
Si nous revenons alors aux données magnéto chimiques
pour les comparer entre elles et aux exaltations corres-
pondantes de la réfringence, nous devons remarquer
qu'elles sont plus régulières que les données optiques. On
restera même dans la limite des erreurs possibles en sup-
posant un rôle constant à la conjugaison, qui aura dès
lors pour effet d'augmenter le diamagnétisme moléculaire
des composés aromatiques d'une quantité égale à
—16.10-7.

C'est cette valeur que nous adopterons dans tous les


calculs, qui vont suivre.

Acétyléniques oxygénés.
A la dépréciation du diamagnétisme provoquée par une
liaison éthylénique se superpose toujours un renforce-
ment antagoniste lorsqu'une fonction oxygénée se trouve
dans son voisinage (2).
Nous avons retrouvé des phénomènes analogues parti-
culièrement nets dans l'étude des glycols acétyléniques
obtenus en faisant réagir une aldéhyde ou une cétone sur

(I) SMEDLEY, Transactions ol the chemical Society, t. XCIII, 1908,


P- 376.
(2) PASCAL, Ann. de Chim. et de Phys., Se série, t. XXV, 1912,
P. 332.
le magnésien de l'acétylène (1), et qui contiennent, par
suite, deux groupements OH en position par rapport à la
triple liaison.
Le plus simple d'entre eux est le diéthanal-acétylène
CH3— CH OH — c=g —
CH oii — CH3,
dont la susceptibilité moléculaire est égale à : —785.10-7.
En faisant la somme des susceptibilités atomiques et du
module de la triple liaison, on trouve la valeur théorique

— (6 x 62,5 + 10× 3o,5 + 2 x 48 — 8). 10 " = — 768. 10-7.


La différence
X
= — 17. 10-7,
représente approximativement l'effet de la triple liaison
sur les deux fonctions alcooliques en position a.
C'est ici qu'intervient une remarque intéressante sur le
rôle structural de la triple liaison.
La pinacone acétylénique

et le dicyclohexanone-acétylène

présentent, en outre du glycol précédent, la particularité.


de contenir deux atomes de carbone tertiaires en posi-
tion y (à travers la triple liaison) par rapport à chaque
fonction alcoolique.
Si cette particularité stérique jouait le même rôle que
dans les composés non acétyléniques, il en résulterait un
relèvement du diamagnétisme de : -2
X 13,5.10-7, de
sorte que les valeurs théoriques de susceptibilités se-

(1) DUPONT, Comptes rendus, t. CLII, 1911, p. 197 et 1486;


t. CLV, 1912, p. 276.
raient
— (1042 + 2x 13,5 + 17). io-7 = — 1086. 10-7
et
— ( 1553 -t- -2 x 13,5 +17). io~7 = — 1597.10-7.
Un calcul tout à fait comparable donnerait pour le
diisopaléral-acétylène et pour le dibenzopliénone-acétylène
les valeurs
:

— 1333.10-7 et —2640.10-7.

L'étude expérimentale des glycols acétyléniques donne


lieu dès lors aux comparaisons suivantes :
-10'x™
calculé. Observé. Différence.
Pinacone acétylénique T08fi toy2 14
Dicyclohexanone-acétylène. 1597 1578 19
Diisovaléral-acétylène 1333 1309 24
Dibenzophénone-acétylène. 2640 2597 43

Les nombres calculés dans l'hypothèse précédente sont


tous notablement trop forts, et leur excès atteint sou-
Vent la part contributive :

— 2×13,5. io-7
qu'on avait fait apporter aux influences stériques s'exer-
çant au travers de la triple liaison.
On doit en conclure qu'au degré de précision des expé-
riences, la triple liaison forme écran magnétique entre les
deux portions de la molécule qu'elle sépare, de même qu'un
noyau aromatique établit l'indépendance magnétique la
plus parfaite entre les diverses branches latérales de la
molécule.
En portant alors cette condition dans le calcul des sus-

Valeur calculée en notant (PASCAL, loc. cil., p. 337) que


(1)
symétrie de la benzophénone annule l'influence perturbatrice des
deux noyaux sur l'oxygène qu'ils enserrent.
ceptibilités moléculaires, on constate facilement que, dans
les corps précédents, la répercussion du voisinage de la
triple liaison et de deux fonctions alcooliques en a se
traduit par un apport diamagnétique respectivement égal
à
— 17.10-7 —30.10-7, —25.10-7 , —20.10-7, —1.10-7.

En laissant de côté le dernier chiffre, relatif à un corps


de poids moléculaire considérable, et par conséquent
douteux, on trouve pour moyenne la valeur
— 23.10-7,
chiffre notablement inférieur, en valeur absolue, au mo-
dule
»
— 37.10-7
qu'aurait introduit la substitution d'une liaison éthylé-
nique à la place d'une liaison acétylénique (1).
Revenons maintenant au rôle d'écran joué par la triple
liaison, et que nous avait déjà fait admettre l'étude de la
dibromhydrine de la pinacone acétylénique.
Ce phénomène trouve sa traduction stéréo chimique.
En modifiant légèrement la théorie des tensions de
Baeyer, nous avons expliqué l'influence perturbatrice des
carbones tertiaires ou quaternaires sur les propriétés
magnétiques de l'oxygène en admettant un enroulement
de la chaîne carbonée suivant une spirale amenant cer-
tains des atomes de carbone en position privilégiée par
rapport à la fonction oxygénée perturbée (2).
(1) A noter en passant le renforcement considérable cl u diama-
gnétisme provoqué par deux liaisons triples voisinant avec une
fonction alcoolique, dans l'alcool diacétylénique
CIP— C - C— CH OH — C -
— CH3 C

dont le diamagnétisme moléculaire : 760.10 7 diffère en trop de :


46,5.10-7 de la somme de; diamagnétismes atomiques.
(2) PASCAL, Ann. de Chim. et de Phys., 8E série, t. XIX, 1910,
P. 47.
D'après ce qui précède, la fonction acétylénique s'oppo-
serait alors au rapprochement de deux groupements situés
dans la molécule de part et d'autre de sa propre position et
assurerait ainsi l'indépendance complète des deux moitiés
de la molécule qu'elle sépare. Conformément à l'anthro-
pomorphisme habituel des schémas tétraédriques, la
triple liaison jouerait donc le rôle d'une véritable ankylose
de la chaîne carbonée.
Ce mode de représentation des phénomènes magnéti-
ques dans la série acétylénique est en accord complet avec
bien des faits d'ordre purement chimique.
On connaît en particulier l'impossibilité actuelle de
faire la synthèse de chaînes fermées acétyléniques, même
hétérocycliques.
En particulier, MM. Lespieau et Viguier ont montré
que l'alcool propargylique CH2OH — C = CH réagit par-
faitement sur les organomagnésiens comme un carbure
acétylénique, sans perturbation sensible de la fonction
alcoolique (1). Ils en font dériver l'acide y-oxytétro-
= — C02 qui ne donne pas de lac-
lique CH20H C C

tone, malgré la situation en apparence privilégiée des
deux fonctions alcoolique et acide, en y l'une par rapport
à l'autre.
C'est seulement après bromuration et retour à la
structure éthylénique qu'ils peuvent en tirer un peu de
lactone dibromée.

Dans le même ordre d'idées, M. Dupont (2) n'a pu trans-


former la pinacone acétylénique en pinacoline correspon-

(1) LESPIEAU et VIGUIER, Comptes rendus, t. CXLVI, 1908,


p. 294.
(2) DUPONT, Comptes rendus, t. CLII, 1911, p. 197 et p. i486.
dante ; la déshydratation ne lui a pas permis non plus d'en
tirer un éther-oxyde interne, mais elle a affecté l'une après
l'autre les deux fonctions alcooliques tertiaires situées
sur les deux moitiés indépendantes de la molécule, pour
aboutir à l'apparition de la fonction carbure éthylénique.
D'une façon ou d'une autre, par voie chimique ou
physico-chimique, on est donc forcé de conclure à l'indé-
pendance de:; radicaux reliés par le groupement biva-
lent — C = C —.

Influence des radicaux CO et C02.


Avant d'étudier les dérivés oxydiques précédents, nous
avions eu entre les mains un certain nombre d'acides,
d'éthers-sels, d'amides et de cétones acétyléniques du
type général
R - C =C - - R'
CO ou R - C
= C — C02 R'
préparés la plupart par M. Moureu, et qui présentaient
un déficit notable du diamagnétisme par rapport à la
valeur calculée par additivité pure et simple.
Après avoir attribué un certain temps cette perturba-
tion à l'influence propre de la triple liaison, nous avons dû
abandonner cette idée, à la suite des mesures relatées
plus haut, et qui démontrent la petitesse de la dépression
du diamagnétisme provoquée par la fonction carbure
acétylénique.
Il nous fallut donc mettre sur le compte du voisinage
de la triple liaison C C- et de la liaison double > C = 0
=
cette exaltation de l'effet propre à chacune de ces particu-
larités de structure; et ainsi, pour la première fois en ma -
gnétochimie, la perturbation magnétique due à une liaison
multiple était renforcée par une fonction oxygénée
voisine.
Pour obtenir le module y propre à cette influence des
radicaux CO et CO2, il suffit de comparer les valeurs expé-.
rimentales des susceptibilités aux valeurs théoriques cal-
culées en tenant compte des résultats précédemment
trouvés.
On obtient ainsi les chiffres suivants :

lUy1proplOlate .
GsHH^GsG_C0«GMI5
d'éthyle
-10, y
1173 1
Ca)<-..)c.

188 -4- X
-4—

i5
10? À.

e^ylpropiolate d'éthyle
HG6Hi3__ G_G_ C02C2H5
e*ylpropiolate de propyle
1299 1311,5 + X 12,5
G6 H13—
G == G
-
C02C3H7
Phé,,Ylpropiolate de méthyle
1425 1435 +X 10

G6H5_g C C02CH3
_ -
hénylpropiolate d'éthyle
956 962 -t- X 6

C==C— C02C2115 1085 1090,5-t-X 5,5


Itrophénylpropiolate d'éthyle
G61|4 (az Q2)
(— c = G — G02C8 H5 ).. 1146 1142,5 + X 3,5
"'3 --
e*ylpropiolamide
C COAz
p *^nyIpropiolamide
112 1080 1086 +X 6

Ac
GesG~G0AzH2 867 873 +X 6
CB3 y1phénylacétylèlle
p^'-CO-GsC-C'H» 869 875 +X G
pP'°nylphénylacétylène
H8~~GO-GsC-C#H3 990 998,5 +X 8,5
But
y'y Iphénylacétylène
V
a
^7"—CO C C
- = -
''y'phénylacétytène
G6 115 no() 1122 +X i3

gG4H9-GU - C = -
Caproylphén-,-Iacétylène
C6115
C 1239 1245,5 4-X 6,5
-
Ci;IfIl CO —C
—C-'Hs +
== C ........ 1356 1369 X 13

Bien que les plus fortes valeurs de À soient presque


toutes relatives aux éthers-sels gras, il ne paraît pas
utile pour le moment de faire une distinction entre l'in-
fluence de la triple liaison
sur le groupe CO ou sur le
groupe CO2. Leur moyenne est alors égale à
X =+ 8,5.10-7.
Cette dépréciation du diamagnétisme moléculaire peut
être mise sur le compte de la conjugaison des deux groupes
— C = C
— et C = 0, qu'on rencontre dans tous les com-
posés précédents, et qui pris individuellement, causaient
déjà une baisse marquée du diamagnétisme. A l'opposé de
ce qui se passe dans le cas analogue des acétyléniques aro-
matiques conjugués, nous observons donc ici une conju-
gaison agissant dans le sens « normal », au sens réfracto-
métrique du mot.
Un pareil phénomène avait d'ailleurs été déjà ren-
contré dans l'étude du premier terme de la déshydratation
de la pinacone acétylénique, l'alcool tertiaire à la fois
allylique et acétylénique

qui contient deux liaisons multiples entre atomes de


carbone, dans la position de conjugaison. Sa susceptibilité
moléculaire : — 848.10 diffère en effet de la valeur
théorique : — 867,5.io-7 d'une quantité comparable au
précédent module.
Il faut enfin signaler le fait qu'une triple liaison conju-
guée à la fois avec un noyau et un groupe CO ou C02
donne lieu à une perturbation globale égale à la somme des
perturbations individuelles prises ioslément. C'est là une
indication toute en faveur d'une différence essentielle dans
les deux sortes de conjugaisons ; car, jusqu'ici, nous
avons toujours constaté (1) que deux accidents de struc-
ture analogues donnaient lieu à une perturbation totale
inférieure à la somme des deux perturbations partielles.
Nous aboutissons donc à cette idée que pour le magnéto-
chimiste il y a deux sortes de conjugaisons dans la série
acétylénique. La première met en rapport une liaison
(') PASCAL, Ann. de Chim. et de Phys., 8e série, t. XXV, 1912,
p. 316.
acétylénique avec une liaison étylénique ou double, de
caractère certain; elle accentue la dépréciation du diama-
gnétisme due à chacune d'elles.
La deuxième met en rapport la triple liaison avec un
noyau aromatique, et provoque un relèvement du diama-
gnétisme déjà amorcé par la structure nucléaire.
Nous trouvons donc ici un nouvel argument en faveur
des formules diagonales de Clauss, qui excluent, dans les
noyaux aromatiques, la possibilité de liaisons éthyléniques.
Il nous restera dès lors, pour être complet, à signaler
un léger renforcement du diamagnétisme, non prévu par
les règles précédentes, et que présentent certains corps où
s'accumulent côte à côte de nombreux radicaux négatifs.
Déjà pressenti dans nos précédents Mémoires, ce phéno-
mène affecte un certain nombre de dérivés acétyléniques
(en particulier les acétyléniques vrais et les aromatiques);
il paraît d'ailleurs assez général, car on le retrouve même
dans certains corps presque étrangers à la chimie orga-
nique, comme le tétranitrométhane.
Voici quelques nouveaux exemples de cette anomalie :

Propiolate d'éthyle
—Calculé. Différence.

CH = C — CO'- C2 115
Nitrile amylpropiolique
599 574 25

Acide
C^H11
— = C
C
— C = Az.
hexylpropiolique
- 900 877,5 22,5

C5 HIl — G
= C — C02H... 1066 I05G 10

Ainsi donc, e.t. à l'exception d'un petit nombre seule-


ment de corps très particuliers, les propriétés magné-
tiques de la série acétylénique se laissent très régulière-
ment calculer à l'aidé de règles simples que l'on pourra
mettre à l'épreuve par la lecture du Tableau suivant (1) :
(l) Les corps marqués (M), (D), (V) m'ont été respectivement
prêtés par MM. Moureu, Dupent et Viguier. Ceux marqués (P) ont
été préparés par moi-même.
calculé.
- 10/,..
807,^
(M) (P) Heptine-ICH3 (CH2)4—C —CH 808
( P) Heptine-a CH3(CH*)3
- G = G
(M)(P) Pliénylacétylène C6 115-C ==: CH
CH3 - 795
715
î95,5
71^'"?
(P) Iodophénylacétylène C6 H5—C=CI 1146 11401,
(P) Tolane CIH5 -C
= C — C6115 1-237 i?34
(P) Diphényldiacétylène C6H5 ::=::
-C
C C = C — C6H5. - 1347 351
;88
(M) Nitrile phénylpropiolique C''Hs—C == C — CAz.... ,8').
(D) Diéthanal-acétylène
-
CH3CII OH =
(D) Pinacone acétylénique
- - G G CH OH CH3 785
788,5

(CH3)'lC(OH) - = C(OH)(CH3)2 C C
— 1072
io64
(D) bromhydrine (CH3)2CBr— =
Sa CBr(CH3)2. C C— 1412 1409,J
(D) Diisovaléral-acétylène
1309,5
(CH3)2 CH — CH OH —G = C

CH OH — CH (CH3)2. 1309
(D) Dicyclohexanone-acétylène

H2/
H2
\Z_c = G——^ ^>H2.
H2
OH OH H2
1378
1573,5

H2 H2 H2 H2
(V) Acétal tétrolique CIJ3-C = C — CH(OC2H5)2 1018 106
(M) Diacétal (C2H«0)2GH = — C C

CH (OCsH5)2... 1602 1605
( M) Arnylpropiolated'éthyleC51I11-C='= = C — C02C2JJ5. 1173
(M) Hexylpropiolate d'éthyle
C6 1113- C C — Co2- C2H5 13o3
= 1299
(M) Hexylpropiolate de propyle

(M)
G6 H13
- =
Phénylpropiolate
-
C - C GO2
de méthyle
C3H7 1425 i^6'"

-
C6 H5 C = C — C02- CH3 956 961

C6H5-C = -C02C2
(M) (P) Phénylpropiolate d'éthyle
C io85 logO
(P) Nitrophénylpropiolate d'éthyle
CcH4(Az02)(— C = C — C02C2Hs)
( M ) Acétylphénylacétylène C6 H5 C==C CO — CH3..
(M) Propionylphénylacétylène
- - 1146
869 855,3

-
CG = - -
H5 C G CO G2 H5 990 989
IlI2,J.
(M) Butyryiphény)acétyIèneC6H5 = C C — Co C3H7.
(M) Valéi,yll)liénylacétylène C6 H6—C =

C


-
CO CIH9.
1109
ia39 1236
(M) Caproylphénylacétylène
C — CO — CâH11 1359,
C6H5 — C = 1356
(M) Hexylpropiolamide C61111 -C = C

CO -AzIJ:!.. 1080
86-ir
(,NI) PhénylpropiolamideC6 Ils — C = C — (,'O
— Az112.. 867
Dérivés allyliques.
Nous avons rattaché à cette étude l'examen des dérivés
allyliques parce qu'au point de vue magnétique leur non-
saturation se place entre celles des dérivés éthyléniques
disubstitués et celle des acétyléniques.
Quand on calcule la somme des susceptibilités atomi-
ques pour la comparer à la susceptibilité moléculaire
expérimentale, on trouve en effet les valeurs suivantes du
module propre à la double liaison allylique :
-1Q'x..,.. Calculé. 101 a.
p.
Cionam'Ir,ene
H5—GH = CH2
G6 710 759 +49
'PbëQylethylèae (C6H5?
ret C= CH2
hylcinnarnène C6H5C(CHS) CH9
1228 1271 +43
= 834 882,5 +48,5
tr Ure d'allyle C3H5 758 8o5 -1-47
roxnure d'allyle C3 H5 Br 611 659 +48
d'allyle C3H5CI •.... 498 549,5 +5i,5
A.11
-ylainine C3H5Az H2 418. 459 +41
^ •^croléine-acétylène
Cli2
= GH—GHOH—G=G—CHOH—CH = CH2. 893 91 5,5 +2x11,25
lcool allylique C3H50H
..................... 420 418,5 — 1,5
En laissant de côté l'alcool allylique et le glycol à la
fois allylique et acétylénique, on voit qu'en moyenne la
double liaison allylique compte pour
\ = + 47. 10-7,
tandis que la liaison éthylénique ordinaire a pour module
+ 57.10-7.
On peut dire encore qu'au point de vue magnétique,
la double liaison est atténuée des de sa valeur dans ces
dérivés, et que cette atténuation atteint son maximum
dans l'alcool allylique et dans le diacroléine-acétylène,
.
où la double liaison, en a par rapport à la fonction alcoo-
lique, paraît absolument masquée.
y
On pourrait être tenté de voir là, au moins pour les
composés aromatiques, un effet de la conjugaison du
noyau et de la double liaison; mais il faut avouer que
rien n'est moins sûr pour le moment.
Contre cette opinion, on peut citer le cas de l'a-p-di-
méthylcinnamène C6H5C(CH3) = CHCH3) non allylique,
qui est tout à fait régulier = 945.10-7). En sa faveur,
on peut invoquer le stilbène C°H5CH = CHC6H5, d'ail-
leurs non allylique, qui présente, au contraire, une atténua-
tion très marquée de la double liaison (y = — 1236.10-7).
m
Faute de résultats en nombre suffisant, il est impossible
d'avoir une opinion bien nette.
Il n'est pas sans intérêt de rappeler encore ici un certain
nombre de faits propres à montrer que cette tenue parti-
culière des dérivés allyliques n'est pas un phénomène
isolé.
Au point de vue réfractométrique, la double liaison mo-
nosubstituée ne compte souvent pas autant que la liaison
éthylénique, non allylique et sa dépréciation est même de
l'ordre de grandeur de celle qu'indique la magnéto chimie
Eykmann (1), en particulier, a comparé entre eux beau-
coup de dérivés saturés et non saturés correspondants : la
différence moyenne des pouvoirs réfringents molécu-
laires de ces couples de composés, toujours en faveur du
corps saturé, s'est trouvée répondre au Tableau suivant,
relatif à la raie H (formule en n2) :
Double liaison. Différence.
Non substituée CH2= Cil2 0,61
Monosubstituéc 0112 = ....
CHR 0,52
Oisubstituée CHR = CHR' 0,37
Trisubstituée CHR = CR'R" 0,24
Tétrasubstituée CRR' = CR"R"' ....... 0,20
La réfringence moléculaire croît donc encore avec le

(I) EYKMANN, Chem. tVeeklelad, t. Ill, 1906, p. 706.


nombre de radicaux substilués, et la dépréciation optique
de la double liaison allylique par rapport à la liaison éthy-
lénique disubstituée est alors égale à
0,52 — 0,37 = o, 15,
soit à peu près le de sa valeur propre.
D'accord avec l'analyse magné to chimique, l'étude
optique trouve cette dépréciation de la double liaison
encore plus accentuée dans le cas de l'alcool allylique, qui
est d'ailleurs un corps exceptionnel à bien d'autres points
de vue. Citons, entre autres, le fait que M. Sabatier n'a
pu réussir à l'hydrogéner en présence de cuivre, malgré
sa double liaison, et rappelons enfin que son point d'ébul-
lition lui-même échappe aux règles ordinaires, puisqu'il
se confond avec celui de l'alcool propylique, alors qu'on
aurait dû s'attendre à le trouver notablement relevé par
la présence de la liaison éthylénique.

Nous voici arrivés au terme de la première étape que


nous nous étions imposée, lorsque nous avons commencé
l'étude magnétochimique des composés organiques et
minéraux pour chercher, en accord avec les formules
développées actuelles, une loi d'additivité plus ou moins
compliquée par les influences constitutives.
Ceux qui veulent bien se rappeler nos précédents Mé-
moires n'auront pas de peine à retrouver dans le dévelop-
pement de nos Recherches magnétochimiques l'histoire en
raccourci de toutes les lois d'additivité étudiées jusqu'ici.
Établies d'abord par l'étude de séries homologues isolées
où, presque toujours, l'additivité s'impose, pour ainsi dire,
par définition; généralisées ensuite à un ensemble de
séries distinctes, ces lois ont dû bientôt subir des retouches
nombreuses pour s'accorder avec de nouvelles expériences
plus précises.
C'est alors que sont intervenus les termes correctifs
destinés à tenir compte des influences constitutives ou
stéréo chimiques et qui, il faut bien l'avouer, n'ont souvent
pas réussi longtemps à maintenir complètement intact le
principe de l'additivité, tous les jours menacé par de
nouvelles déterminations.
Il faut dire cependant que cette insuffisance de nos lois
physioo-chimiques provient un peu de ce que les règles
d'additivité valent souvent ce que valent nos formules
développées, dont certains types, esclaves d'une notion
trop peu élastique dev la valence, ne possèdent même pas,
pour le chimiste la souplesse nécessaire pour représenter
graphiquement toutes les réactions observées.
Dans ces conditions, il faudra un jour, ou bien renoncer
à toute loi d'additivité, ou remanier nos schémas repré-
sentatifs en faisant intervenir dans leur figure les rela-
tions d'atomes à atomes éloignés, comme n'hésitent pas
à le faire déjà les partisans des valences partielles ou des
valences supplémentaires. Nous avons ailleurs signalé la
vraisemblance de leur influence dans les dérivés halo-
génés, et nous y serons ramenés bientôt par l'examen des
organo - métalliques.
En tout cas, pour ce qui nous concerne, il sera légitime,
comme conclusion, d'attirer l'attention sur un certain
nombre de résultats qui paraissent définitivement établis,
et qui, plus tard, pourraient être utilisés pour l'édifica-
tion d'une théorie magnétique de la matière.

1° Ainsi, en nous bornant au cas de la chimie organique,


il apparaît comme démontré par mes travaux que les élé-
ments diamagnétiques apportent en combinaison de struc-
ture simple leurs propriétés naturelles presque inchangées ;
les travaux de MM. Kamerlingh Onnes et Owen ont tout
récemment étendu et vérifié mes présomptions dans le cas
de l'hydrogène et du diamant pour lesquels je n'avais pas
fait de détermination directe (1).
20 La présence de noyaux aromatiques (2) provoque
toujours un relèvement du diamagnétisme; il en est de
même des carbones tertiaires et quaternaires, surtout
dans les corps oxygénés. Nous avons voulu voir dans ce
phénomène un argument en faveur des formules à liaisons
diagonales de Clauss et Bamberger, comme aussi de la
théorie stéréo chimique des tensions de Bæyer.
30 Inversement d'ailleurs, la non-saturation a toujours
pour effet d'abaisser le diamagnétisme, à tel point que cet
accident magnétique peut constituer un critérium de
l'existence de liaisons multiples dans une molécule. Véri-
fiée dans le cas des corps éthyléniques, des azines, des
azométhines, etc., etc., cette singularité s'observe même
dans les dérivés des éléments à valence multiple, où joue
seulement la valence de rang inférieur, comme dans les
phosphines, par exemple.

Il est fort possible que l'examen de nouvelles séries


mette en défaut certaines des règles particulières que nous
avons données pour le calcul des susceptibilités molécu-
laires. Suivant les circonstances, les uns incrimineront ces
règles elles-mêmes, les autres y verront un argument en
faveur d'une retouche de nos formules développées. Pour
nous, nous formulerons seulement le vœu dé voir long-
temps défendables les remarques générales précédentes,
qui nous servent actuellement de guide dans l'étude des
dérivés halogénés, organo-métalliques et minéraux.

(1) Comptes rendus, t. CLVI, 1913, p. 324.


( ) Bien entendu dans les composés organiques purs et non les
organo-métalliques.
RECHERCHES SUR LE RAYONNEMENT ;
;
(suite)
PAR M. E. BAUER (').

CHAPITRE IV.
LES RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX.

1. Le rayonnement du corps noir. — Avant de pousser


plus loin la discussion théorique, il nous est nécessaire de
comparer les conclusions du chapitre précédent avec les
résultats expérimentaux sur le rayonnement du corps noir.
Les expériences peuvent se faire par deux méthodes
différentes (2) :
1° On détermine la distribution de l'énergie dans le
spectre du corps noir, à une température donnée. On ob-
tient ainsi les courbes isothermes de l'émission du corps noir.
Cette méthode a été utilisée par Lummer et Pring-
sheim (3). Sur la figure 5 ci-contre, se trouvent quelques-
uns de leurs résultats. Les courbes présentent, comme on
le voit, un maximum qui suit la loi de Wien,
mT = 0,294 cm : degré,
et qui est d'autant plus marqué que la température est
plus élevée.
Cependant, les expériences sur la distribution de l'énergie
dans le spectre à une température donnée ne peuvent pas
être très exactes, car le pouvoir absorbant des récepteurs
(1) Voir p. 5 de ce Volume.
(2) Ces méthodes ne donnent pas les énergies en valeur absolue.
On ne connaît que la valeur absolue de l'émission totale, c'est-à-dire
du coefficient de la loi de Stefan.
(3) LUMMER et PRINGSHEIM, Verh. d. deutsch. phys. Ges., t. 1
1899, p. 123, et t. II, 1900, p. i63. — LUMMER, Rapp. au Congrès
de Physique. t. II. 1900.
utilisés (noir de platine et noir de fumée) est toujours
variable avec la longueur d'onde; il en est de même de
l'absorption dans le spectromètre. D'où des mesures
compliquées et des causes d'erreur multiples.

2° Il vaut mieux chercher comment varie, en fonction


de la température, l'énergie émise par le corps noir dans
une région étroite du spectre située au voisinage d'une
longueur d'onde X. Si l'on porte en abscisses les tempéra-
tures et en ordonnées les énergies, on obtient des courbes
isochromatiques.
Ces mesures peuvent se faire avec plus de précision que
les précédentes : le pouvoir absorbant du récepteur n'in-
tervient pas ; la seule difficulté est de connaître la tempéra-
ture. Les courbes isochromatiques représentent la fonc-
tion de Wien, car le facteur reste constant, tandis que
XT varie proportionnellement à T. Cette méthode permet
donc d'interpréter directement les faits d'expérience.
C'est elle qui a fourni les résultats les plus nets, surtout
dans les belles recherches de Rubens et Kurlhaum sur
l'émission des rayons de grande longueur d'onde par le

corps noir. La figure 6 représente la courbe isochro-


matique relative aux rayons restants du sel gemme
(= 61µ,5).
Comme on le voit, cette courbe est une droite à partir
d'une certaine valeur du produit A T. C'est ainsi que pour
les rayons du sel gemme le pouvoir émissif varie en fonc-
tion linéaire de la température à partir de 100° environ
(T = 373, T = 2,5). Il en est de même pour les rayons
de la fluorine à partir de T = 1000° (T= 2,5). Donc, à
mesure que la température s'élève, la loi de variation de
l'énergie avec la température tend à prendre la forme (5o),
const. X XT. Mais pour les faibles valeurs du produit XT
elle est toute différente.
C'est ainsi que pour À = 0µ,5, dans le spectre visible,
la loi de Lord Rayleigh n'est valable qu'au-dessus de
T = ~5.10-5 =50000°. Vers i5oo°, elle ne se vérifie qu'à
7

partir de X = = 14µ. A la même température, dans


toute l'étendue du spectre visible, la densité réelle de
l'énergie est de un à dix millions de fois plus petite que
celle que prévoit la formule (5o). Les phénomènes sont
donc d'un tout autre ordre de grandeur, et la loi théorique
n'est pas même grossièrement approchée.

2. Formules proposées. — Les deux courbes ci-après,


l'une en coordonnées ordinaires ( fig. 7 ), l'autre en
coordonnées logarithmiques (ftg. 8) représentent, à côté de
la forme théorique des courbes isochromatiques (Rayleigh),
leur forme réelle (Planck) d'après la formule qui rend le
mieux compte des résultats expérimentaux. Quant à la
courbe inférieure, elle a été tracée d'après une loi qui semble
valable rigoureusement pour les faibles valeurs du
produit XT et qui a été découverte en 1889 par W. Wien.
Cette loi est de la forme

ou bien, si l'on représente par Ed le pouvoir émissif du


corps noir, pour les longueurs d'onde comprises entre À
et + dÀ,

A, B, a et x sont des constantes. Les expériences de


Paschen, Lummer et Pringsheim, Wanner; celles, plus
récentes, de Warburg et Leithauser, et de Baisch (1)

( spectre ultraviolet ) ont montré que cette loi est parfai-

WAHBUHG
(1) et LEITIIAUSER, Sitzber. der Bcrl. Ahad., 1910. —
BAISCH, Arm. cl. Phys., t. XXXV, 1911, p. 543.
tement conforme à l'expérience dans l'ultraviolet, le visible
et le début de l'infrarouge. C'est ainsi que, pour ). == i ~-s-'

l'erreur de la formule de Wien n'atteint que vers 4000°.


La valeur admise actuellement pour x est 1,45 cm : degré.
Les formules (5i) et (5i bis) s'écartent cependant bient ~et
de la réalité, et la courbe expérimentale se rapproche peu
à peu de la droite de Lord Rayleigh. La relation de Wien
a d'ailleurs un grave défaut : l'énergie d'une couleur don-
née ne croît pas indéfiniment avec la température, mais
tend vers une valeur limite (fig. 7), ce qui est peu raison-
nable.
Une loi qui est presque entièrement d'accord avec toutes
les expériences actuelles a été découverte par Planck.
Sa forme est la suivante :

k représente la constante dénergie moléculaire [équa-


tion (3o)], h une nouvelle constante. On a également

Si l'on compare les formules (5o) et (52), on voit que


l'énergie d'un degré de liberté de l'éther est égale à l'é-
nergie d'équipartition multipliée par un facteur qui tend
asymptotiquementvers o au zéro absolu et qui tend vers 1
pour les grandes valeurs de XT. La loi de Planck est
identique à celle de Wien pour XT petit et à celle de
Lord Rayleigh lorsque T est assez grand. Malheu-
reusement, dans la région intermédiaire, les expériences
ne présentent pas toute la précision désirable.
La courbe expérimentale obtenues par Rubens et Kurl-
baum à l'aide des rayons restants du quartz (X = 8µ,85)
ne coïncide pas avec la courbe théorique, comme le montre
le Tableau suivant :
E
ralculé Différence
Température. observé. (Planck). pour 100.

-
— -3
0
173
* —

1,6 —

1,41
,3i
— 8, j
— 8
, )
1 1

+ 20 o o o
-+- IOO -+- 3,4 -+- 3,0 +13
-+- 227 + 13,5 +12,4 + 9
+ 527 33 DO 3 -t- (i. 5
827 +102
7

+99,R 3

iooo
-+-
-+-
+154,6
1
32 +132
h-i54,6
-f- 2,2

+
0
-1-1127 ......... +212,5 +213,5
0,2
0,5
-4-1427 ......... •+-

Les différences sont-elles dues au manque d'homogénéité


des rayons, à des erreurs sur la mesure de la température,
ou bien à une imperfection de la formule de Planck ? On ne
peut rien affirmer à ce sujet avant que de nouvelles
expériences aient été faites.
La nécessité de mesures plus précises se fait sentir d'au-
tant plus que les températures données par Lummer et
Pringsheim dans leurs Mémoires sont probablement
fausses de près de 5o° (').
Remarquons pour terminer que la valeur du produit ),T
correspondant au maximum d'énergie dans le spectre
est, d'après la formule de Wien,

et, d'après celle de Planck,

(1) HOLBORN et VALENTINER, Anri. d. Phys., t. XXII, 1907, p. 1.


Ces auteurs obtiennent pour la constante x la valeur 1,42, d'où

mT = 0,0287.
ce qui est bien conforme au résultat de Lummer et Pring-
sheim. Par la formule de J.-J. Thomson, on obtient

ce qui également est en accord suffisant avec l'expérience.

Il existe encore d'autres faits qui apportent des argu-


ments sérieux en faveur de la formule de Planck : ce sont
les lois des chaleurs spécifiques des solides déduites par
Einstein de la théorie de Planck et vérifiées par les expé-
riences de Nernst et de ses élèves. Il est nécessaire de les
rappeler brièvement.

3. Chaleurs spécifiques. — Le théorème de l'équipar-


tition de l'énergie qui ne donne, en ce qui concerne le
rayonnement, qu'une loi limite valable pour les tempéra-
tures très élevées, a permis de découvrir des règles impor-
tantes relatives aux chaleurs spécifiques des gaz et des
corps solides. Mais ces règles ne sont pas entièrement
d'accord avec l'expérience; elles doivent être remplacées
par des lois analogues à la formule de Planck.
Considérons d'abord les molécules des gaz monoato-
miques. On peut admettre que ce sont des sphères par-
faites, assimilables à des points matériels. Une molécule-
gramme possédera donc 3 N degrés de liberté. Son énergie
interne aura pour expression

(si, conformément à la théorie cinétique, on néglige


l'énergie potentielle).
La chaleur moléculaire correspondante sera donc
Cette première conséquence de la théorie se trouve extra-
ordinairement bien vérifiée par l'expérience. C'est ainsi
que la chaleur moléculaire de l'argon est constante et
égale à 2,97 entre o° et 25000.
Mais les lois analogues qui ont été trouvées pour les gaz
Polyatomiques ne fournissent pas des données aussi
exactes à la température ordinaire et sont en désaccord
complet avec l'expérience à partir de 200° C. On trouvera
leur discussion dans les Leçons sur la théorie des
gaz de
Boltzmann. Il semble que le théorème de l'équipartition
8 applique rigoureusement aux mouvements de translation,
mais n'est plus entièrement valable pour les rotations et
les oscillations.
Ces faits, connus déjà depuis vingt ans, ont beaucoup
préoccupé les physiciens. Mais c'est seulement depuis
quatre ans que l'on commence à les comprendre, grâce à
Une théorie d'Einstein (1907), et aux recherches systéma-
tiques de Nernst et de ses élèves sur les chaleurs spéci-
fiques des solides aux basses températures (1909-1911).
Ces travaux ont montré
que les lois des chaleurs spécifiques
sont parallèles aux lois du rayonnement noir. Dès qu'il
ne s'agit plus de translations pures, le théorème de l'équi-
partition n'est qu'une loi limite, dont on ne se rapproche
que peu à peu à mesure que la température s'élève.
Considérons, par exemple, un corps simple cristallisé.
Les atomes
ne peuvent effectuer d'autres mouvements
que de petites oscillations autour de leur position d'équi-
libre. Tant
que les déplacements ne sont pas trop grands,
les forces élastiques sont proportionnelles
aux élongations.
Si l'on assimile les atomes à des points matériels,
1 énergie
de l'un d'entre eux est de la forme

D'après le théorème de l'équipartition, qui s'applique


ici à l'énergie potentielle comme à l'énergie cinétique, la
chaleur atomique d'un élément solide est indépendante de
la température et égale à

On retrouve la loi de Dulong et Petit (1). Cette loi est


vraie, comme on sait, dans un intervalle étroit de tempé-
rature, qui, par un hasard heureux, se trouve être voisin
de oO centigrade pour tous les éléments solides, sauf le
carbone, le silicium et le bore. Mais, aux basses tempéra-
tures, les chaleurs atomiques descendent toutes au-dessous
de leur valeur théorique et tendent asymptotiquement
vers o au zéro absolu.

4. Les résultats de Nernst. Formule d'Einstein.


Les courbes expérimentales qui représentent la varia-
-
tion des chaleurs atomiques en fonction de la tempéra-
ture sont reproduites en traits pleins sur la figure 9, em-
pruntée à un travail de Nernst.
En dérivant par rapport à la température la formule (52),
on obtient, pour la chaleur spécifique monochromatique
du vide, une équation dont la courbe (pour v constant) est
tout à fait semblable à celles de la figure 9.
Il y a donc une analogie étroite entre l'accumulation
de l'énergie dans l'éther et à l'intérieur des solides.
Cette analogie a été devinée par Einstein en 1904.
Voici comment on peut raisonner :
Assimilons les atomes vibrants à des oscillateurs élec-
triques.
Soit E l'énergie moyenne d'un vibrateur électrique,
capable d'osciller en tous sens avec une fréquence v.
Supposons qu'il est en équilibre avec un rayonnement

(1) Il faut noter qu'on a négligé l'énergie de rotation des atonies.


stationnaire, dont la densité d'énergie comprise entre v et
v + d'i est uvdv.

On peut déduire, des équations de Maxwell, la relation

Si l'onadmet a priori la formule çle Planck (52) et si


l'on remplace uv par sa valeur dans l'équation précé-
dente, on trouve
L'énergie interne des N vibrateurs qui constituent un
atome-gramme solide est

et la chaleur atomique a pour valeur

Les courbes en traits fins de la figure 9 sont calculées


d'après cette relation. On a choisi pour chaque élément
deux valeurs de y, de façon à obtenir deux courbes qui
encadrent la courbe réelle.
Comme on le voit sur la figure, il y a désaccord systéma-
tique avec l'expérience. Nernst et Lindemann ont découvert
empiriquement une loi qui représente avec toute l'exacti-
tude désirable les résultats de leurs mesures. Il leur a suffi
d'ajouter à l'équation (55) un terme correctif qui correspond
à l'octave inférieure - de v :
1

En réalité, ce qui est donné par l'expérience, ce sont les


formules (55) et (55 bis). La relation (53) est déduite de la
théorie de Maxwell qui n'est pas applicable.
Si l' on part de la loi d'Einstein (55) comme d'une loi
empirique, on trouve, en intégrant,
c étant une constante arbitraire qui représente l'énergie
interne du solide au zéro absolu.
Einstein pose <p = o, ce qui est raisonnable. Mais, dans
un Mémoire récente Planck admet pour cp la valeur - -

D'où

Nous discuterons ses raisons plus tard.


Le paramètre v, qui rentre dans les formules (55) et (56),
représente la fréquence des, vibrations atomiques dans le
solide. Cette fréquence est inconnue en général pour les
corps, simples. Dans le cas des métaux, les effets continus
dus aux électrons libres masquent les phénomènes sélec-
tifs ; pour le carbone, les atomes vibrants ne sont pas
chargés d'électricité, et leur présence ne se traduit pas
dans les propriétés optiques.
Cependant, M. Nernst a montré que la formule (55 bis)
s applique aux composés cristallisés, comme la sylvine, le
sel gemme, le bromure de potassium, qui possèdent des
bandes de réflexion métallique dans l'infrarouge. Les
fréquences
v, qui déterminent l'allure des courbes des
chaleurs spécifiques, sont précisément égales à celles qui
ont été mesurées par la méthode des rayons restants (Ru-
bens). C'est peut-être la confirmation la plus éclatante de
la théorie.
D'ailleurs, Lindemann et Einstein ont calculé indirec-
tement les fréquences v, à l'aide des constantes physiques,
Point de fusion, coefficient d'élasticité des corps étudiés,
les valeurs obtenues coïncident à peu près avec celles
que l'on peut tirer de la loi de variation des chaleurs
spécifiques, avec la température.
La formule d'Einstein est probablement applicable aux
mouvements internes des molécules gazeuses. Pendant
longtemps, il a semblé extraordinaire que les degrés de
liberté correspondant à ces fréquences n'interviennent
en rien dans les chaleurs spécifiques; et pourtant il est
certain que leur nombre est immense, étant donnée la
structure complexe des spectres de raies et de bandes.
Beaucoup d'entre eux se manifestent d'ailleurs, dès la
température ordinaire, dans les spectres d'absorption.
Ces faits n'ont plus rien d'étonnant, si l'on admet que-la
formule (54) représente l'énergie de l'un de ces degrés de
liberté. Les fréquences des spectres visible et infra-rouge
ordinaire sont très grandes. L'énergie correspondante est
donc négligeable, tant que la température n'est pas très
élevée. Nernst et Bjerrum ont expliqué dans ce sens la va-
riation des chaleurs spécifiques des gaz avec la tempéra-
ture.
On peut donc admettre, comme démontré par l'expé-
rience, que l'énergie d'un oscillateur matériel de fréquence Y,
qu'il soit constitué par un atome tout entier, ou un élec-
tron dans l'atome, est donnée par une formule du type
d'Einstein. En d'autres termes, tous les phénomènes
vibratoires, quels qu'ils soient, peut-être même tous les
mouvements qui ne sont pas des translations pures, obéis-
sent à des lois analogues à celle de Planck. Il faut remar-
quer, cependant que les expériences de Nernst et de ses
élèves, pas plus que celles de Rubens et Kurlbaum, ne véri-
fient entièrement les formules de Planck ou d'Einstein.
Dans les deux cas, les différences entre les nombres réels
et les nombres théoriques sont de même sens.
Ces différences sont certainement dues à la même cause :

est-ce la multiplicité des fréquences caractéristiques


d'une même substance (1), est-ce une imperfection fonda-
mentale de la formule- de Planck ? On ne peut encore
rien affirmer à ce sujet.

(1) Les rayons restants du quartz ne sont pas homogènes.


CHAPITRE V.

LA THÉORIE DE PLANCK.

1. Dans quel sens faut-il modifier les théories statis-


tiques actuelles ? — Le point essentiel est le suivant :
Les degrés de liberté correspondant à des mouvements
périodiques, au lieu d'entrer en jeu dès le zéro absolu et
tous d'une façon équivalente, n'acquièrent d'abord qu'une
énergie infiniment petite. Leur chaleur spécifique est
nulle au zéro absolu. Bientôt, leur énergie augmente
rapidement, puis ténd asymptotiquement vers la valeur
d'équipartition, mais, comme l'exige la loi de Wien,
d'autant plus tard que la période du mouvement est plus
courte.
Tous ces faits sont en contradiction avec les théories
classiques.
On peut essayer de tourner la difficulté par trois voies
différentes :
1° D'après Jeans (1), la loi de Lord Rayleigh repré-
senterait bien les phénomènes, si l'on pouvait observer
un état d'équilibre réel à l'intérieur d'une enceinte. Mais
c'est une conséquence de la théorie de Lorentz, que les
échanges d'énergie entre la matière et l'éther sont d'autant
moins rapides et moins intenses que la période des vibra-
tions est plus courte. Il s'ensuit que les radiations de
courte longueur d'onde passent au travers de toutes les
parois matérielles avec une grande facilité; d'autre part,
elles ne sont émises par les électrons qu'avec une lenteur
extrême qui s'accroît de plus en plus avec la fréquence.
A partir d'une certaine longueur d'onde, les pertes

(1) JEANS, Phil. Mag., t. X, 1905, p. 91.


à travers les parois ne sont plus compensées par l'émission,
et la densité finale de l'énergie dans l'éther devient infé-
rieure à la densité d'équilibre normale. Ainsi s'explique
l'existence d'un maximum d'énergie dans le spectre.
Une explication analogue avait été donnée par Boltz-
9
mann, à propos des chaleurs spécifiques des gaz (i).
Il est cependant évident que cet expédient de Jeans est
tout à fait insuffisant. Les écarts à la loi de Lord Rayleigh
sont déjà notables pour les rayons restants de là fluo-
rine entre 100° et iooo°C., et l'on ne peut pas invoquer pour
les expliquer les propriétés des rayons ultraviolets ou
même des rayons de Rontgen. De plus, comme nous
l'avons vu, la loi de Lord Rayleigh ne correspond pas à un
état d'équilibre réel.
Enfin, si la théorie de Jeans était exacte, l'état final
devrait dépendre de la nature des parois du corps noir;
il semblerait étrange aussi que la mesure du rapport
du pouvoir émissif au pouvoir absorbant d'un radiateur
quelconque donne pour le pouvoir émissif du corps noir les
mêmes nombres que les mesures directes. Il suffit de faire
quelques expériences sur le rayonnement pour acquérir la
conviction que les propriétés du corps noir sont d'une
constance absolue et sont l'expression de lois fondamen-
tales.
- Il faut donc modifier d'une façon essentielle les
20
bases de la théorie de Lord Rayleigh et Jeans.
On pourrait essayer de sauvegarder le théorème de
l'équipartition, en supposant que la formule (49) ne donne
pas le nombre réel des degrés de liberté, soit que l'éther
ait une structure discontinue et qu'il soit incapable de
transmettre certaines fréquences, soit qu'il existe à l'in-
térieur des centres d'émission une sorte de liaison rigide

(1) Théorie des gaz, t. II, p. 126.


entre diverses fréquences, de manière à diminuer le nombre
des degrés de liberté (1).
Mais il est facile de voir que, si l'on ne veut pas écarter
en même temps la loi thermodynamique de Wien, cette
hypothèse conduit à admettre que le nombre de degrés
de liberté augmente avec la température. La structure de
l'éther ou des centres d'émission dépendrait alors de la
température, et l'on retomberait sur la même difficulté.
En effet, supposons que dans une enceinte de forme et de
volume déterminés, le nombre de degrés de liberté corres-
pondant aux fréquences comprises entre v et v+ -dv
ne dépende pas de la température,mais de v seulement;
soit (v)dv sa valeur par unité de volume. La loi de Lord
Rayleigh sera alors une conséquence nécessaire du théo-
rème de l'équipartition et de la loi de Wien :
La densité de l'énergie comprise entre v et v + dv
sera, d'après le théorème de l'équipartition,
dv = KT <o(v) dv.

La loi de Wien exige que l'on ait

et
uv= const. v2T.
On aboutit donc à la loi de Lord Rayleigh.
3° Par conséquent, si l'on veut éviter des hypothèses
compliquées, il est nécessaire d'abandonner le théorème

Une explication de ce genre pourrait être suggérée par l'exis-


(1)
tence des séries de raies et par les phénomènes de résonance op-
tique.
de l'équipartition de l'énergie et les principes de la méca-
nique statistique qui en sont la base.
M. Planck, par une intuition de génie, a découvert une
hypothèse simple de probabilité qui a pour conséquence
la formule (52). Cependant, comme cette hypothèse est
tout à fait contraire à nos habitudes actuelles, et que rien
ne semble la justifier a priori, nous ne l'introduirons que
plus tard.

2. Théorie de M. Ehrenfest. — Nous allons d'abord,


suivant une méthode remarquable indiquée récemment
par M. P. Ehrenfest (1), chercher dans quel sens on est
forcé de modifier les lois de probabilité de la mécanique
statistique, si l'on veut trouver une répartition de l'énergie
entre les degrés de liberté qui satisfasse aux conditions
suivantes :

10 La densité du rayonnement monochromatique à l'in-


térieur d'un corps noir est représentée par une fonction
d'une seule variable indépendante, conformément à la
loi de Wien,

2° La densité de l'énergie rayonnante à l'intérieur d'une

(1) P. ERHENFEST, Welche Züge der Lichtquantenhypothese spielen


in der Theorie der Strahlung eine wesentliche Rolle (Aiin. der Phys.,
t. XXXVI, p. 91).
La méthode de démonstration que nous avons suivie ici n'est
pas tout à fait celle de M. Ehrenfest; elle permet, je crois, de sim-
plifier les calculs.
Ce Chapitre était déjà écrit, lorsque parut un Mémoire important
de M. Poincaré dans le Journal de Physique (5e série, t. II, 1912,
p. 5). Le travail de M. Poincaré se rapproche en partie de celui
de M. Ehrenfest. Nous nous en sommes servis pour compléter
en un point la suite des raisonnements.
enceinte de température T,

reste finie. Cette condition entraîne la suivante :


Pour v = 00, F(v) doit être d'un ordre de grandeur
inférieur à ~(i) 4 c'est-à-dire
,

30 Les équations de Maxwell-Lorentz sont valables


pour la propagation de l'énergie rayonnante dans le vide.
Il s'ensuit que le nombre des vibrations propres comprises
entre v et v + dv, à l'intérieur du parallélépipède de Jeans,
est donné par la relation

Considérons, comme au Chapitre II, un grand nombre


de systèmes physiques identiques; l'état de chacun d'eux
est déterminé par les coordonnées q., q2, qll et les mo-
ments p1,p2, ..., pn, c'est-à-dire par un point dans l'espace
à 2 n dimensions. Lorsque les lois de la Mécanique sont
valables, la probabilité pour qu'un des systèmes se trouve
à l'intérieur d'un élément de volume d de l'espace à 2 n
dimensions est, comme on le sait, proportionnelle à d.
Lorsque les systèmes n'obéissent pas aux lois de la Méca-
nique, ce théorème n'est plus exact, et la probabilité est
de la forme ? (ql q2
... qnp1 . . .
d;
pn) o est ce qu'on peut
appeler le coefficient de probabilité, qui reste indéterminé
lorsqu'on ignore les lois physiques qui déterminent l'évo-
lution des systèmes considérés.
Appliquons ceci au parallélépipède de Jeans. D'après
les équations de Maxwell et le théorème de la superposi-
tion des petits mouvements, l'énergie totale du système
est égale à la somme des énergies correspondant à chaque
degré de liberté; les probabilités relatives aux divers
trains d'ondes stationnaires qui sillonnent l'espace sont
donc indépendantes; nous pouvons isoler l'un d'eux et
en former un système individuel. Soit v la fréquence
correspondante. L'état d'un tel système est déterminé,
lorsqu'on connaît l'élongation (champ électrique) et la
vitesse correspondante en un point et à un instant donné.
Il est plus commode de prendre comme variables indé-
pendantes l'énergie E et la phase du mouvement en un
point (1). Toutes les phases sont évidemment équivalentes.
La probabilité pour que l'énergie du degré de liberté
considéré soit comprise entre E et E + dE est donc de
la forme (57) y (v,E) dE.
(
Cela posé, imaginons qu'il existe à l'intérieur de l'en-
ceinte du parallélépipède un certain nombre de molécules
gazeuses. Comme le mouvement de ces molécules est
conforme aux lois de la Mécanique, les règles de probabi-
lité de la mécanique statistique leur sont applicables (2).
Soit W l'énergie totale comprise à l'intérieur de l'en-
ceinte, et w l'énergie cinétique d'une molécule.
Cherchons la probabilité P d'un état défini comme il
suit : parmi les N (v) dv vibrations propres de l'enceinte,
il y en a a (v, E) dv dE dont l'énergie est comprise entre
E et E + d E, et, parmi les No molécules, il y en a fd
dont le point représentatif est situé dans l'extension en
phase
da = dx dy dz dx dy dz.

(1) Il n'y a plus aucun intérêt à prendre les coordonnées et les


moments lorsque le théorème de Liouville n'est plus applicable.
(2) Si les échanges d'énergie entre la matière et l'éther n'obéissent

pas aux lois de la Mécanique, il faut supposer les molécules assez


' nombreuses pour que leurs chocs mutuels rétablissent à chaque
instant la loi de répartition de Maxwell.
On trouve aisément, par un calcul analogue à celui que
fait Boltzmann à propos de la loi de répartition de Maxwell,

(1) BOLTZMANN, Théorie des


gaz, t. I, p. 37.
Au point de vue des probabilités, le problème est identique au
suivant :
Prenons au hasard N boules dans une urne qui contient pi boules
noires, p2 blanches, P3 rouges, etc., pi, p2, P3 étant très grands par
rapport à N, de sorte qu'à chaque instant on ait pi chances de tirer
de l'urne une boule d'espèce i déterminée. Cherchons quelle est
la probabilité pour que, parmi N boules, il y ait ai boules noires,
a2 blanches, etc. Supposons d'abord qu'on tienne compte de
l ordre dans lequel se tirent les boules. Une série déterminée, où se
trouvent ai, a2, boules des diverses couleurs, mais où chacune a
...
sa place marquée, aura une probabilité égale à pi1 p"2....
D'autre part, le nombre total de ces séries sera égal au nombre
de permutations de N objets distincts, divisé par le produit des
permutations de ai, a2, (car, parmi les N objets, il y en a
... objets
al, a2, ... qui sont identiques)

1
La probabilité totale sera donc

Lorsqu'il s'agit des fréquences propres de l'enceinte de Jeans, les


probabilités pi, p2, sont égales respectivement,à
... «

Y(v, E1)dE1, (v, E2) dE2,


...
et la probabilité a pour expression '

Le calcul s'achève en appliquant la formule de Stirling


L'équilibre thermodynamique qui correspond à la répar-
tition la plus probable sera atteint, lorsque log P sera aussi
grand que possible.
On a donc

ot, 3a étant les variations des fonctions de répartition


a et f qui satisfont aux conditions suivantes :
10 Le nombre des fréquences propres comprises entre v
et v + dv est déterminé

20 Le nombre total des molécules est


f fda = N 0; d'où
J 8f d — o;

3° L'énergie totale est invariable

Par la méthode connue des coefficients indéterminés


de Lagrange, nous obtenons
~f( log/+ 1+ ii + p w) dcr
a a
~dv dE (log log y -t- 2 -t- ' -+- E) = o.
Les coefficients de 8/ et de a doivent s'annuler iden-
tiquement. Donc

f = Ke-w,
a = A(v) y(E, v)e~PE, 1

A étant fonction de seulement.


v
Lorsque l'équilibre est établi, le gaz est à la tempéra-
ture absolue T, et l'on a, d'après (29),

N étant le nombre d'Avogadro, R la constante des gaz


parfaits.
Enfin, si nous portons la valeur trouvée de a dans l'é-
quation (58), nous obtenons

La densité de l'énergie rayonnante wv dv comprise entre


v + dv dans le parallélépipède est,
les fréquences et
v
en remplaçant a et N(v) par leurs valeurs,

3. Cette expression doit satisfaire à la loi de Wien.


On peut écrire, en posant E = q,
- "
Si nous posons ~;f = , il faut que

Comme y (q,v) et r (t) sont essentiellement positifs, cette


identité ne peut se vérifier que si v disparaît du premier
membre (1). Ceci n'est possible que si
(v, q) = G(q)g(v),
et l'on a

4. A quelle condition doit satisfaire la fonction de répar-


tition afin que l'énergie totale du spectre soit finie?
Il faut, comme nous l'avons vu, que

Faisons d'abord quelques remarques préliminaires.


10 Lorsque est très grand (dans l'ultraviolet), le
facteur e - U
N
est très petit, sauf lorsque q est voisin
~<jt

de zéro; les éléments dqs intégrales qui sont relatifs aux


«
très petites valeurs de q nous intéresseront seuls.

(') En effet, donnons à v une valeur constante v0; d'après un


théorème de M. Poincaré (p. 275), la fonction (q, v0) est alors
.
entièrement déterminée lorsque F (cr) est donnée. Elle ne peut donc
pas dépendre de v.
2° Si la fonction G (q) est telle que l'une des intégrales
de l'expression (58) ou toutes deux soient infinies, F (<r)
est nul, indéterminé ou infini. Il est aisé de s'en rendre
compte en étudiant les divers cas particuliers possibles.
Or, F (), dont le produit par v3 ou or3 T3 représente la
densité de l'énergie dans le spectre, ne peut être infini
que pour a- = o et nul que pour = 00 (r)
Il faut donc que ces deux intégrales soient convergentes
pour o a- < oo. G(q) ne peut donc être infini que pour
certaines valeurs de q isolées et séparées les unes des
autres par des intervalles finis.
3° Si G (q) reste fini pour q — o, il est impossible de
satisfaire à l'équation (56). En effet, supposons que G (q)
reste fini pour toute valeur de q comprise entre o et
Nous pouvons écrire,
.
Considérons d'abord la dernière intégrale. On peut
écrire

0 étant une quantité fixe positive quelconque. La limite


de cette dernière expression pour = 00 est évidemment
Zéro, car nous avons supposé l'intégrale convergente.
Posons, d'autre part, Gq — ç; nous avons

o étant compris entre o et i.

(') C'est ce qui a lieu eIrectivemenl, car la loi de Lord Rayleigh


se vérifie pour v — o.
En faisant un calcul analogue pour le dénominateur, et
en passant à la limite, on trouve

M étant un nombre positif fixe, ce qui est incompatible


avec (56).
Il faut donc que G (q) tende vers l'infini pour q= o, mais
de façon à conserver un sens aux deux intégrales de (59).
Il est facile de voir que, même dans ce cas, il est impossible
de satisfaire à la condition d'énergie finie (56) si G (q) est con-
tinu au voisinage de zéro.
En effet, comme la fonction G, qui représente une pro-
babilité, est toujours positive, l'intégrale

diminue lorsque a- augmente. Elle peut être infinie


pour cr = o, mais elle reste nécessairement finie à partir
,
d'une certaine valeur 0 de car, sinon, F () et uv seraient
nuls dans tout le spectre.
On doit donc avoir

pour cr >» 0, M étant un nombre fixe.


D'autre part, comme tous les éléments des intégrales
sont positifs

Comme, par hypothèse, G (q) tend vers l'infini lorsque


/
q tend vers zéro, nous pouvons choisir pour L un nombre
tel que G (q) reste constamment plus grand que i entre o
et L,

R2
qui tend vers quand augmente indéfiniment.
~cr2
On a donc

ce qui est incompatible avec (56).


Cette conclusion n'est plus valable si L = o, c'est-à-dire
si G (q) passe subitement de l'infini pour q= o à une valeur
plus petite que i. En d'autres termes, l'origine doit être
un point de discontinuité de la fonction G. La probabilité
d'énergie nulle pour les fréquences propres de l'éther est donc
finie et égale à P0, quoique l'extension en phase correspon-
dante soit infiniment petite. Cette conclusion, qui est abso-
lument contraire à toute prévision, est inévitable, si l'on
veut que l'énergie totale du spectre reste finie.

o. Onpeut encore aller plus loin, et trouver l'allure de


la fonction G
au voisinage de l'origine.
Comme P0, qui correspond au point q = o, n'entre pas au
numérateur, on a

G (q) étant maintenant une fonction qui ne tend plus vers


1 infini pour q = o.
D'après la remarque 3° de la page 2C9, le dénominateur
est égal à P0 pour = 00, et le numérateur a pour valeur

Cette expression ne peut être nulle que si lim0-2 G (o)=o


pour 0- = oc, c'est-à-dire si G (q) est infiniment petit par
rapport à q2 lorsque q est très petit.
.}
La distribution des probabilités des diverses valeurs
de l'énergie rayonnante est donc tout à fait discontinue :
à la valeur zéro correspond une probabilité finie; les valeurs
voisines au contraire ont une probabilité infiniment petite
d'un ordre inférieur au second. D'ailleurs, comme q — ^
l'étendue du domaine de probabilité infiniment petite est
proportionnelle à v. Cette distribution est extraordinaire
et semble difficile à interpréter physiquement. Lorsqu'un
système physique peut évoluer d'une manière continue
et passer par une infinité d'états, il semble évident que les
chances de réalisation d'un état déterminé sont infiniment
petites. Une probabilité finie ne correspond d'habitude
qu'à une extension en phase finie. D'autre part, il est
étrange que les valeurs très petites de l'énergie soient
exclues du domaine possible.
Les degrés de liberté périodique, comme les organes des
sens humains, ne sont excités qu'à partir d'un certain
seuil (1). Ils restent au repos tant que l'énergie excitatrice
ne dépasse pas une certaine valeur. A ce moment, il
acquièrent instantanément une énergie finie. Tout se
passe donc comme si les échanges d'énergie entre la matière et
l'éther se faisaient d'une manière discontinue, du moins au

I1) Pi-ANCK, Verh. 'd. deutsch. phys. Ces., t. XIII, 1911, p. 142.
Cite par Ehrenfest.
moment où l'éther commence à emmagasiner de l'énergie.
La discontinuité, la grandeur du seuil sont proportionnelles
à la fréquence.
6. Si l'on admet que la formule de Wien (51) est valable
pour les grandes valeurs de ^5 on peut compléter les con-
clusions du paragraphe précédent.
En effet, d' après cette hypothèse, F ~^^est très voisin
V
de Ke r à partir d'une certaine valeur de ce qu'on
T
peut écrire

Comme le remarque M. Ehrenfest, cette équation dépasse


infiniment toute expérience, car les mesures n'ont jamais
été faites que pour des valeurs finies de ,
et d'une façon
~-T"

approchée. Cependant, elle semble à peu près exacte et


nous pouvons admettre sa validité sous réserves.
Nous avons

Mais, pour
q <h,
~N,
a
e tend vers 1 infini avec 7.
Pour que la condition (60) soit vérifiée, il faut donc que
G (q), qui ne dépend pas de ,
soit rigoureusement nul.
pour toute valeur de q comprise entre o et h.
De plus,, on voit aisément que
si G (q) reste fini lorsque q tend vers h, ou même reste
seulement continu au voisinage de q = h (1).
Il faut donc que le point q = h soit un deuxième point
singulier de la fonction G, que la probabilité d'énergie
E = hv soit finie. Au-dessus de cette valeur, et en son
voisinage immédiat, des probabilités finies peuvent cor-
respondre comme d'habitude à des extensions en phase
finies.
Par conséquent, si l'on considère la formule de Wien
comme donnée par l'expérience pour les faibles valeurs
T
de — on est obligé d'admettre que l' énergie rayonnante
>

de fréquence v ne peut admettre que les valeurs zéro et hv ou


des valeurs supérieures à cette dernière. La probabilité des
valeurs zéro et hv est finie, celle des valeurs intermédiaires
est nulle, l'éther ne se met donc en branle que de façon
discontinue par un bond de grandeur hv (2).
Tout ce qui a été dit ici à propos des degrés de liberté
de l'éther s'applique entièrement aux résonateurs de
Planck et aux oscillateurs que forment les atomes des
corps solides, si l'on admet, conformément aux expériences
de Nernst, que l'énergie moyenne d'un oscillateur de fré-
quence v est proportionnelle à la densité de l'énergie de
même fréquence dans le rayonnement du corps noir.
Il est vrai que ni la condition (56) ni la loi de Wien (25)
ne s'appliquent nécessairement dans ce cas. Cependant, la
forme des courbes de Nernst et l'équation (54) qui les
interprète semblent bien indiquer un parallélisme complet

(1) Les calculs sont du même genre que tous ceux de ce Chapitre,
et se font aisément.
(2) Einstein a déjà montré, en igo5, que d'après la formule de
Wien, la probabilité qui détermine la répartition de l'énergie
rayonnante dans un volume donné est 'la même que si l'énergie
était constituée par des éléments finis de.grandeur ? ex
étant
le coefficient de la loi de Wien (Ann. der Phys., t. XVII, 1905, p. 132).
entre les vibrations de l'éther et les vibrations des corps
solides.
Il est donc très problable que les oscillateurs constitués
par les atomes matériels ne peuvent se mettre en branle
que d'une façon discontinue, lorsque l'énergie excitatrice
dépasse une certaine valeur.

— Mais la condition
7. Théorème de M. Poincaré.
d'énergie finie, la validité de 1la formule de Wien pour
les grandes fréquences et de la formule de Rayleigh dans
l'extrême infrarouge n'épuisent pas le problème.
Les expériences, supposées bien faites, nous donnent la
forme de la fonction F (a-) depuis =
Si l'on suppose que
0
jusqu'à 7 — oc.
cette fonction est entièrement
connue,
on peut en déduire la valeur du coefficient de probabilité
et, par suite, les hypothèses qui doivent être la base de la
théorie.
En ejïet, considérons l'équation fonctionnelle (59) qui
peut s'écrire

D'après M. Poincaré, cette équation détermine entière-


ment la fonction G lorsque F (a-) ou $ (0-) sont connues (1).
Par conséquent, les hypothèses dont est parti Planck sont
les seules qui aboutissent à la formule (52). Elles sont
nécessaires si celle-ci est exacte. Il nous faut donc reprendre
rapidement la question en sens inverse, nous donner
a priori la fonction G, c'est-à-dire la probabilité des
diverses valeurs de l'énergie et en déduire la formule du
rayonnement.
(1) POINCARÉ, loc. cit., p. 23. La démonstration se fait à l'aide
des intégrales de Fourier.
8. Hypothèses de Planck. — 1° L'énergie d'un oscil-
lateur matériel ou d'un degré de liberté de l'éther, dont
la fréquence est v, ne peut être qu'un multiple entier d'un
quantum fini e.
2° Aux différentes valeurs de l'énergie 0, E, 2 E..., n ...,
correspondent des probabilités égales.
Considérons, comme à la page 262, un parallélépipède de
Jeans, de dimensions l2, l3 contenant No molécules, Ni
résonateuis de fréquence v et de l'éther. Conservons les
notations que nous avons employées.
Parmi les N (v)dv degrés de liberté de l'éther dont la
fréquence est comprise entre v et v + dv, soient
aovdv, a1vdv, am dv,
le nombre de ceux dont l'énergie est respectivement
égale à
o, e, ..., ne, ....
De même, soient A0, A,,..., Art, les
nombres de réso-
nateurs qui contiennent 1, 2, ..., n quanta d'énergie E.
Par un raisonnement tout à fait analogue à celui de la
page 88, on trouve pour la probabilité P d'une répartition
donnée de l'énergie à l'intérieur de l'enceinte l'équation

Les conditions de liaison sont

ou
An = o, J* af da anv= o.
= o,
Comme l'énergie totale est invariable, on a de même
Écrivons S log P =o et introduisons les équations de
liaison

D'où
y = const. e-w,
Ail = const. e-n,
anv = const. e-n.
En tenant compte des conditions de liaison et de la
relation == N on trouve finalement
~K1

L'énergie totale des N, résonateurs v est

De même l'énergie totale des N(v) degrés de liberté de


l éther est

en remplaçant N(v) par sa valeur (49).


La densité de l'énergie s'écrit

Cette expression doit satisfaire àla loi de Wien, uv= ~vF _


Ceci n'est possible que si
(62) e = hv ;
d'où

C'est la formule de Planck.


Comme on le voit, la constante universelle h s'introduit
lorsqu'il s'agit de mettre l'hypothèse des quanta en accord
avec la loi de Wien.

Calcul de la constante d'Avogadro. — La formule de


Planck permet de calculer avec une assez grande précision
le nombre N de molécules par molécule-gramme d'un gaz
parfait. C'est là un des arguments principaux de la théorie
des quanta.
On a

La valeur de a est connue par les expériences sur le pou-


voir émissif total du corps noir. Sa valeur la plus probable
est (c/. p. 22)
a = 7,06. io-15.
D'autre part, nous avons vu, à propos des formules de
Wien et Planck (p. 249 et 25o), que l'on a

Enfin, on sait que


R = 83. io6.
Les deux équations (63) et (64) ne contiennent plus
que deux inconnues h et N. On en tire, par utilisation des
mesures actuellement les plus sûres (1),
(65) h = 6,4.10-27,
\ = 63. io22.
Or, les meilleures mesures de N se placent actuellement
entre
59. io22 (Millikan) et 68,5. 1022 ( Perrin ).
On voit que l'accord est excellent.
Lorsque les expériences sur le rayonnement, ainsi que
les mesures directes de N auront atteint
une précision
suffisante, la comparaison des valeurs obtenues par les
diverses méthodes pour la constante d'Avogadro permettra
d éprouver la valeur des hypothèses de Planck.

Calculons, à l'aide de la valeur (65) de h, la grandeur


d "un élément d'énergie du spectre visible (À
= oµ,5)

nombre est près de 100 fois plus grand que l'énergie


Ce
d'une molécule gazeuse à 0°
W0= 4,7- 10-14.
Ce fait n'est pas
une des conséquences les moins étranges
de la formule de Planck.
Rappelons, pour terminer, que si dans la formule (61)
on remplace e par hv, on retrouve la loi des chaleurs
spécifiques d'Einstein (cf. Chap. IV, p. 253).

Remarques.- I. Planck a présenté sa théorie sous une


M.
forme différente de celle qui a été choisie ici. Elle com-
prend deux parties distinctes. La première partie s'appuie

(1) En 1909, d'après les mesures alors faites, Planck avait obtenu
N == 61 ,6.1022.
sur les équations de Maxwell et aboutit à la relation

qui relie l'énergie moyenne E d'un vibrateur électrique


rectiligne de fréquence v à la densité du rayonnement de
même fréquence en présence duquel il est en équilibre
stationnaire.
Dans la deuxième Partie, au lieu de chercher comme on
l'a fait ici la distribution la plus probable des NI oscilla-
teurs de fréquence v et des N(v) degrés de liberté de l'éther
dans les différentes extensions en phase ou extensions
d'énergie, M. Planck se demande quelle est la probabilité
d'une répartition donnée de l'énergie W entre NI oscilla-
teurs.
Pour simplifier les calculs, il suppose l'énergie consti-
tuée par un grand nombre d'éléments égaux, mais de
grandeur arbitraire e.
De la probabilité, il déduit l'entropie par la relation de
Boltzmann
S' = k logP,
et de l'entropie la température à l'aide de l'équation

On obtient ainsi une distribution donnée de l'énergie


dans le spectre à une température T.
Mais, si l'on veut passer à la limite et supposer que les
éléments d'énergie sont infiniment petits, on retombe sur
la loi de Rayleigh. Au contraire, s'ils sont finis, on aboutit
à la loi de Planck qui est à peu près conforme à l'expé-
rience.
Comme on le voit, c'est peut-être par un hasard heureux
que M. Planck a été conduit à l'hypothèse des quanta.
Mais il ne faut pas oublier que son Mémoire a paru peu de
temps après les travaux de Rubens et Kurlbaum. C'est
en se laissant guider par les résultats expérimentaux
qu'il s'est trouvé pour ainsi dire obligé d'abandonner le
théorème de l'équipartition.

Il. Evidemment, la théorie de Planck,sous sa forme pri-


mitive, n'est pas rigoureuse. Il y a contradiction absolue
entre la première partie fondée sur les équations de
l'électrodynamique et la seconde partie où s'introduit une
discontinuité incompatible avec ces équations.
Mais nous avons vu qu'on peut conserver les équations
de Maxwell pour la propagation libre de l'énergie dans le
vide. Les réactions entre l'éther et la matière ou les élec-
trons sont seules exprimées par des lois inconnues que
recouvre l'hypothèse des quanta.

9. Deuxième théorie de Planck. — Cependant, pour


éviter cette contradiction, M. Planck a récemment publié
une théorie nouvelle (1) qui est fondée sur des hypothèses
un peu différentes :
io L'absorption du rayonnement est un phénomène
absolument continu qu'on peut calculer d'après les lois
de l'électrodynamique de Maxwell ;
20 L'émission du rayonnement par un oscillateur de
fréquence v se fait par quanta finis de grandeur e. L'énergie
interne d'un tel oscillateur n'est donc plus un multiple
entier de e:, mais peut s'écrire

E = nE + p,
n étant un nombre entier et p < t.
3° La probabilité pour qu'un oscillateur rayonne un

(') PLANCK, Verh. d. deutsch. phys. Ges., 1911, p. 142.


quantum d'énergie pendant le temps dt est proportionnelle
au nombre n de quanta qu'il contient. Elle s'écrit donc
n dt.
D'après la première hypothèse, lorsqu'un oscillateur
de fréquence v est soumis à un rayonnement stationnaire
d'intensité Iv, l'énergie absorbée pendant un temps dt
est en moyenne

où rj représente le décrément logarithmique des vibrations


de l'oscillateur.
Il y a équilibre stationnaire entre l'émission et l'absorp-
tion, lorsque les valeurs moyennes n, E et p sont données
par

Comme l'énergie absorbée augmente constamment, on a

D'après la loi de Lord Rayleigh, les équations de Maxwell


sont valables lorsque E est assez grand pour que e soit
négligeable, et l'on a (66)

Pour déterminer la température, M. Planck cherche:


comme dans sa première théorie, la probabilité d'une
répartition quelconque d'une énergie donnée très grande,
entre N résonateurs identiques.
« L'énergie E d'un oscillateur au temps t est déterminée
entièrement par son énergie E0 au temps t = o, et l'énergie
qu'il a absorbée est émise pendant le temps t. Si t est assez
grand, E0 n'intervient plus dans la probabilité de E et l'on
peut lui attribuer une valeur quelconque invariable.
De même, l'énergie absorbée a une valeur parfaitement
déterminée par (a) et qui est la même pour les N oscilla-
teurs placés dans le champ du rayonnement noir. Les con-
sidérations de probabilité ne s'appliquent donc qu'à l'é-
nergie émise et celle-ci est, d'après notre hypothèse, un
multiple de e. Par conséquent, dans les expressions de
l'énergie des oscillateurs
El
= nt + pj ,
E E2 = n2 + P2,
E

ce sont seulement les nombres entiers ni, n2, ... auxquels


il faut appliquer les considérations de probabilité. »

On est ramené au même problème que dans la première


théorie, et l'on trouve

D'où l'on déduit la formule de Planck en remplaçant E


par sa valeur dans (b).
La loi des chaleurs spécifiques d'Einstein se déduit par
simple dérivation de la formule (c).
Les résultats sensibles sont donc les mêmes que ceux
de la première théorie de Planck, mais les hypothèses
semblent critiquables à plusieurs points de vue. D'abord,la
formule (a) est une conséquence des équations de Maxwell,
le coefficient 7 n'a même de sens que si l'on admet une
émission continue. Si le rayonnement se fait par quanta,
les oscillations ne s'éteignent pas suivant une loi exponen-
tielle et leur décrément logarithmique n'existe pas. On
retombe donc sur la contradiction qu'il s'agissait d'éviter.
On pourrait admettre, il est vrai, que l'énergie absorbée
pendant le temps dt est de la forme alvdt, mais cette
hypothèse ne s'impose ni plus ni moins que celle de l'ab-
sorption discontinue. Au contraire, il semble étrange
qu'il n'y ait pas réciprocité entière entre les phénomènes
d'émission et d'absorption. On introduit une dissymétrie
nouvelle qui complique certainement les hypothèses.
D'autre part, M. Planck suppose ses oscillateurs immo-
biles, isolés et soumis au seul rayonnement. Il s'interdit
ainsi d'expliquer comment peut se faire la transformation
de l'énergie translatoire des molécules en énergie de vi-
bration, et même de l'énergie rayonnante d'une fréquence
donnée en énergie d'une autre fréquence. La probabilité
de l'état d'un oscillateur dépend non seulement de l'éner-
gie émise et absorbée par rayonnement, mais encore d'e
celle qui est échangée par chocs. Si ces derniers échanges
sont discontinus, on ne comprend pas pourquoi l'absorp-
tion du rayonnement serait seule continue ; s'ils sont conti-
nus, les hypothèses de probabilité doivent être modifiées.
Enfin, le raisonnement très hâtif par lequel Planck éta-
blit p = e n'est guère convaincant. La discussion qui
~2-

suit ne portera donc que sur la première théorie de


Planck (1).

(1) a
Dans un Mémoire qui déjà été cité, M. Poincaré démontre d'une
façon rigoureuse que la formule (c) implique l'hypothèse suivante :
Av
l'énergie d'un oscillateur ne peut être qu'un multiple impair de~2"
Il est donc impossible que l'absorption soit un phénomène continu
[Journal de Phys., t. VII, 1912, p. 3o).
10. La signification physique de l'hypothèse de Planck.
'— L'hypothèse des quanta se présente avant tout comme
une hypothèse de probabilité. Pour lui donner plus de
précision, revenons à la représentation classique de l'état
d 'un oscillateur ou d'un degré de liberté de l'éther par
un point dont les coordonnées sont l'élongation q et le
moment cinétique correspondant p. D'après la méca-
nique statistique classique, la probabilité pour que
l'énergie soit comprise entre E et E A E est égale à la
surface qui sépare les deux courbes caractérisées par les
valeurs constantes E et E + A E de l'énergie.
On sait que, pour un oscillateur ou un degré de liberté
de l'éther,

Les courbes E const. sont des ellipses dont les demi-


axes sont
V—
et ~y/2 E
et dont la surface a pour valeur
a

La surface annulaire comprise entre les deux ellipses E


et E + A E a donc pour valeur

Si A E = Av, on a
AS = h.
Cela posé, on peut exprimer l'hypothèse de Planck
de la façon suivante :
Traçons sur le plan les ellipses E = nhv (n étant un
nombre entier quelconque), qui sont séparées les unes
des autres par des éléments de surface égaux à h.
Le point qui représente l'état d'un oscillateur de
fréquence v ne peut se trouver que sur ces courbes et avec
une égale probabilité sur chacune d'entre elles; il saute
brusquement de l'une à l'autre lorsque l'énergie varie.
En d'autres termes, toutes les chances qui se trouve-
raient réparties uniformément à l'intérieur d'un des élé-
ments de surface qui séparent deux ellipses consécutives
E = nhv et E = (n + i) hv, si les lois de la mécanique
étaient valables, se trouvent concentrées sur la courbe
E = nhv. M. Planck exprime cette hypothèse sous une
forme plus générale mais plus obscure :
« Le domaine élémentaire de probabilité, au lieu d'être
infiniment petit, comme dans la mécanique statistique
classique, est fini et égal à h (1). »
Cet énoncé correspond plutôt à la deuxième théorie
de Planck où le point représentatif peut se trouver effec-
tivement à l'intérieur des surfaces annulaires séparant
les diverses ellipses, mais où la probabilité varie d'une
façon discontinue de l'une à l'autre (2).

11. Interprétations de l'hypothèse de Planck. — Évi-


demment une loi de probabilités ne fait que traduire
abstraitement les phénomènes réels.
Les lois physiques que recouvre l'hypothèse de Planck
sont encore à trouver.
Jus qu'à présent, on n'a pas encore imaginé de mécanisme
capable d'emmagasiner l'énergie d'une façon discontinue
à la façon des oscillateurs.
Cependant, on a cherché de diverses manières à donner

(1) Theorie der Strahlung, p. i36.


(2) M. Sommerfeld en a tiré directement la deuxième formulè
de Planck (Phys. Zeitschr., t. XII, , 1911, p. i657).
'un sens plus tangible à la théorie, et en même temps à
1 étendre à d'autres phénomènes. Ces essais
ont abouti à
deux hypothèses : celle des éléments d'énergie et celle
des éléments d'action.

Hypothèse des éléments d'énergie ou des quanta de lu-


mière (Einstein-Stark) (1).
— Il s'agit, en somme, d'expli-
quer pourquoi les oscillateurs et l'éther ne peuvent ac-
quérir ou perdre de l'énergie que par quantiés finies dont
la grandeur est bien déterminée.
L'interprétation la plus simple est de supposer que
l'énergie correspondant à un phénomène périodique de
fréquence Y, soit qu'elle se trouve à l'intérieur des oscilla-
teurs, soit qu'elle se propage dans l'espace, est constituée
par des éléments finis, de grandeur hv. Le phénomène de
rayonnement est alors analogue à une émission de cor-
puscules telle que l'imaginait la théorie de Newton.
Ces idées se rattachent au principe de relativité, d'après
lequel l'énergie rayonnante libre serait douée d'inertie. La
masse d'un corps rayonnant diminue constamment en
même temps que son énergie interne; mais, comme l'énergie
totale, la masse totale se conserve pendant le phéno-
mène d'émission.
Il est donc naturel de supposer que le rayonnement
possède une structure discontinue comme la matière.
Peut-être même existe-t-il une connexion profonde entre
la matière et le rayonnement, la constitution atomique de
l'une étant une conséquence de la structure discontinue de
l'autre. Il ne reste plus qu'à abandonner l'hypothèse de
l'éther comme une hypothèse inutile et vieillie [ein über-
wundener Standpunkt (Einstein)]. Voici l'argument le plus
sérieux apporté par Einstein :
Considérons une enceinte parfaitement réfléchissante

(*) EINSTEIN, Beritche der deutsch. phys. Ges., 1909, p. 482.


contenant du rayonnement en équilibre. Une portion dS
de la paroi est soumise à la poussée de la pression de radia-
tion, mais cette poussée n'est pas constante. Elle subit des
variations irrégulières que la formule de Planck permet de
calculer. Chaque fréquence contribue pour son propre
compte au phénomène. On trouve finalement que le carré
moyen des fluctuations de la poussée subie par le miroir
pendant le temps dt a pour valeur

Cette expression se présente comme une somme de


deux termes indépendants.
Le premier s'explique par les interférences des divers
trains d'ondes de même fréquence v, et peut se calculer
aisément dans le cas du parallélépipède de Jeans. Il
existerait seul, si la loi de Rayleigh était vraie.
Le second est prépondérant lorsque v est assez grand
pour que la formule de Wien s'applique. Il exprime que
les impulsions irrégulières que reçoit le miroir sont les
mêmes que si le rayonnement était constitué par des élé-
ments d'énergie de peu d'étendue et de grandeur hv qui
se propageraient et se réfléchiraient indépendamment les
uns des autres. Tout se passe donc bien comme si les
quanta de lumière avaient une existence réelle.
D'autres arguments sont tirés de la production des
rayons cathodiques secondaires par les rayons de Rontgen :
il apparaît en un instant donné en certains points de la
matière soumise aux rayons de Rontgen une quantité
d'énergie finie (la force vive d'un corpuscule), comme si le
phénomène élémentaire d'émission était dirigé et si la
propagation ne se faisait pas par ondes sphériques.
Enfin, la théorie des quanta de lumière a permis à
Einstein d'interpréter l'effet photoélectrique, ou émission
de corpuscules cathodiques par les métaux sous l 'in-
fluence -de la lumière, et même de découvrir une loi qui
s est trouvée vérifiée plus tard dans certains cas :
lorsqu'un métal est exposé à la lumière, il subit en
quelque sorte un bombardement de quanta. M. Einstein
suppose que chacun des éléments d'énergie se communique
tout entier à un électron, qui acquiert à l'intérieur du
métal une force vive hv, v étant la fréquence des ondes
incidentes. Si nous appelons S le travail de cohésion
qu'effectue l'électron pour sortir du métal et w son
énergie cinétique lorsqu'il l'a quitté, on a
Av = w -H S.
Les électrons s'éloigneront du métal, emportant leur
charge négative, et lui laissant un excès d'électricité
positive, jusqu'à ce que le champ électrique ainsi créé soit
capable de les arrêter. Soient Vie potentiel du métal lorsque
l'équilibre final est établi, e la charge d'un électron ; on a

Si E est constant, V est une fonction linéaire de v. C'est


Ce qu'a trouvé Ladenburg (1) pour le platine.
D'ailleurs, en posant
A = 6,4.10-2;, v=15.1013 (
= olA, 2),
1

on trouve
-

Les potentiels observés par Ladenburg sont bien de cet


ordre, par exemple de 1,86 volt pour 0^,201. =
Objections. —- Evidemment, la plus grosse difficulté de
la théorie des quanta de lumière est d'expliquer les phéno-
mènes classiques de l'optique ondulatoire, interférences,
diffraction, surtout les interférences à grande différence

(1) Phys. Zeitsehr., t. VIII, 1907, p. 5g0; t. IX, 1908, p. 821.


de marche. On pourrait s'en tirer en donnant aux quanta
une structure complexe et les supposant reliés les uns
aux autres (Stark), mais la théorie perdrait sa simplicité
primitive. D'autre part, nous avons de fortes raisons de ne
pas renoncer aux théories optiques et électromagnétiques
classiques, qui rendent compte d'une façon très cohérente
d'un nombre énorme de faits, et justement de ceux qui
restent inexplicables dans la théorie d'Einstein. D'ailleurs,
les arguments apportés par Einstein ont moins de valeur
qu'il semble au premier abord. En effet :
io Les impulsions reçues par un miroir matériel, même
supposé parfait, ne nous renseignent en rien sur la consti-
tution du rayonnement, tant que nous ignorons quelles sont
les actions mutuelles élémentaires en Ire la matière et l'éther,
dont nous ne connaissons que les valeurs moyennes (').
On retrouve exactement l'expression obtenue par Einstein
pour les fluctuations des impulsions reçues par le miroir,
en admettant que le rayonnement libre a une structure
continue, mais que les échanges d'énergie entre la matière
et l'éther sont discontinus et se font par quanta. D'ailleurs
le miroir parfait n'est qu'une abstraction, dont il faut user
a,vec beaucoup de prudence. On sait que déjà la lumière
violette n'est plus réfléchie que très partiellement par les
métaux.
2° M. Sommerfeld (2) a montré récemment que lorsque
la vitesse d'un électron varie très rapidement, les ondes
d'accélération que prévoit la théorie de Lorentz ne sont
plus sphériques, mais se concentrent en certaines direc-
tions privilégiées. Ainsi, lorsqu'un corpuscule cathodique
est arrêté par une anticathode, les rayons de Rôntgen
qu'il émet dans l'espace forment un faisceau conique
centré sur la direction de la vitesse du corpuscule, d'au-

(I.) PL\;\;CJ';, PIIIJ.S. Zeilschr., L X, iyoij, 1). 82j.


(2) POMMERFELD,ISiizber. der k. Bayer. Ahad., 1911.
tant plus étroit et plus rapproché de son axe que la vitesse
initiale est plus grande. Le phénomène élémentaire est
donc dirigé, comme le veut M. Einstein., et la théorie clas-
sique explique certains faits pour lesquels l'hypothèse
des éléments d'énergie a été imaginée.
On est donc conduit tout naturellement à n'introduire
la discontinuité que dans les transformations de l'énergie
et non dans sa structure même.
12. Théorie des éléments d'action.
— La constante
universelle de la formule de Planck h = se (9 étant
- — v x

la période) a les mêmes dimensions qu'une énergie


multipliée par un temps, c'est-à-dire d'une action, au sens
du principe de moindre action. La théorie de Planck peut
donc être caractérisée par l'existence d'une unité inva-
riable d'action
h = 6,4- io-27 erg. sec.
Il est vrai que l'action nous semble actuellement une
grandeur abstraite dont le sens physique est difficile à
imaginer, mais sa signification profonde semble résulter
du principe de relativité : en effet, lorsque deux groupes
d'observateurs, en mouvement l'un par rapport à l'autre,
examinent un même système matériel, ils attribuent
nécessairement des valeurs différentes à la plupart des
grandeurs mécaniques et géométriques relatives à la même
portion de matière : aux longueurs, aux masses, à l'énergie ;
mais ils évaluent de la même façon l'action, qui est un inva-
riant du groupe de transformations de Lorentz.
On peut donc considérer l'hypothèse de Planck comme
étant essentiellement une hypothèse d'action. Par une
généralisation hardie, M. Sommerfeld l'a appliquée aux
phénomènes non périodiques. Appelons T l'énergie ciné-
tique, U l'énergie potentielle, et posons H = T — U. j
L'action mise en jeu pendant une transformation, qui
a lieu du temps t0 au temps t1, a pour valeur

Cela posé, voici comment s'exprime l'hypothèse de


M Sommerfeld :
Dans tout phénomène moléculaire élémentaire) l'action
absorbée ou perdue par une molécule a une valeur parfaite-
ment déterminée et égale à

Cet énoncé présente quelque obscurité. En effet, la


définition même du phénomène moléculaire et de sa durée
ne peut pas être faite rigoureusement. Tant qu'il ne s'agit
pas de phénomènes très intenses et tout à fait exception-
nels, comme l'arrêt d'une particule cathodique, ou l'émis-
sion d'un électron et d'un rayon y par la matière radioactive,
le choix des limites to et t1 de l'intégrale est arbitraire, ou
tout au moins très difficile.
Néanmoins, en superposant simplement l'équation (67)
aux équations classiques, de manière à les compléter et
à obtenir une donnée nouvelle, M Sommerfeld a pu décou-
vrir des relations numériques intéressantes entre la vitesse
des rayons cathodiques et la pénétration des rayons de
Rontgen produits par leur arrêt brusque, ou encore entre
la pénétration des rayons et des rayons y qui les ac-
compagnent.
Même si l'on met en doute la validité de l'équation (67),
l'hypothèse de Planck telle qu'elle a été énoncée page 276
s'interprète d'une façon raisonnable, en admettant que les
échanges d'énergie se font par quanta, au moins dans le
cas de phénomènes périodiques. Cette règle s'applique
aux chocs entre oscillateurs et molécules, aussi bien qu'aux
échanges d'énergie entre la matière et l'éther.
En effet, si l'on admet que les lois de la Mécanique sont
valables pour les chocs entre résonateurs et molécules, et
que l'émission du ràyonnement se fait seule par quanta, on
obtient la loi de distribution de l'énergie dans le spectre
du corps noir, mais non pas la loi des chaleurs spécifiques
d'Einstein. Pour retrouver celle-ci, il faudrait supposer
que les échanges d'énergie entre résonateurs ne se font
que par l'intermédiaire de l'éther, ce qui, aux basses tem-
pératures du moins, est incompatible avec nos idées
actuelles sur le rayonnement.
Si la discontinuité ne se produisait qu'au moment des
chocs, les phénomènes de rayonnement étant continus, on
retrouverait la formule de Planck et la loi d'Einstein, à
condition que les résonateurs ne réagissent que sur des-
ondes ayant une fréquence très voisine de la leur propre.
Mais il n'en est rien, l'effet Doppler seul suffit à produire
des échanges d'énergie entre les diverses régions du spectre.
En effet, comme l'ont montré MM. Einstein et Hopf
(Ann. de Physique, t. XXXIII, 1909, p. no5), si l'on
admet que les échanges entre les oscillateurs et l'éther
sont continus, il suffit d'appliquer le théorème de l'équi-
partition à l'énergie de translation des résonateurs de
Planck, pour retrouver la loi de Lord Rayleigh. Ce sont
les mouvements irréguliers des résonateurs dans le champ
du rayonnement qui déterminent, par suite de l'effet
Doppler, la répartition de l'énergie dans le spectre.
Le pouvoir d'explication de l'hypothèse des échanges
discontinus d'énergie est au moins égal à celui de la théorie
des éléments d'énergie.
Elle permet, par exemple, de comprendre d'une façon
plus intuitive et de compléter les hypothèses fondamen-
tales de la théorie des phénomènes photo-électriques.
M. Sommerfeld (1) a appliqué l'équation (67) à ces 'phéno-

(1) Phys. Zeitschr., t. XII, 1911, p. 1057.


mènes et a trouvé des lois qui diffèrent notablement de
celles d'Einstein et qui mettent en évidence l'influence
des propriétés sélectives du métal étudié. Les expériences
de Wright et Millikan semblent vérifier ses prévisions.

13. Quelques relations numériques. — La théorie des


quanta a reçu encore d'autres applications qui sont
loin d'être rigoureuses, mais qui ont fait découvrir
quelques résultats intéressants.. C'est ainsi que Kammer-
lingh Onnes a expliqué qualitativement la variation de
conductibilité des métaux aux très basses températures, en
admettant que l'énergie cinétique de sélectrons libres varie,
non pas proportionnellement à la température absolue,
.mais suivant une loi analogue à la formule de Planck.
Haber (1) a récemment essayé d'évaluer la chaleur de
combinaison Q de deux éléments solides, Na et CI par
exemple, à l'aide de l'équation
Q = h( EvNa— vCl),

vNaCl étant une des périodes propres de vibration de la


molécule NaCl, (évidemment, les périodes ultraviolettes
ont une importance prépondérante). L'accord avec l'expé-
rience est bon dans certains cas.
Enfin une remarque intéressante a été faite par
M. Haas (2).
Considérons un atome formé, comme l'imagine Sir J.-J.
Thomson, par une sphère d'électricité positive de densité
uniforme p, de rayon R et renfermant des électrons. Sous
l'influence de l'attraction de la sphère et de leur
répulsion mutuelle, ces électrons occupent certaines
positions d'équilibre autour desquelles ils peuvent
vibrer. Plaçons-nous dans le cas le plus simple où il
n'existe dans l'atome qu'un seul électron, dont la position

(1) I,
Berichte der deutsch, phys. Ges, 191 p. 1120.
(2) Jahrbuch der Radioaktivität, t. VII, 1910, p. 261.
d équilibre est évidemment au centre. Lorsque cet électron
est à une distance <R r du
centre de l'atome, il est soumis
à une force égale à -

e étant sa charge.
La fréquence de ses vibrations est

m étant sa masse.
Mais la charge totale de la sphère positive neutralise
exactement la charge de l'électron, donc

D'autre part, lorsque l'amplitude des vibrations est


égale à R, c'est-à-dire lorsque l'électron est prêt à sortir
de l'atome, son énergie a pour valeur

Faisons le quotient

Toutes les grandeurs du second membre sont connues,


au moins à peu près. ,
Prenons par exemple le cas des,gaz monoatomiques (1).

Argon 1,6.10-8 5,6.10-27.


Mercure.. 1,7.10-8 5,7.10-27
(1) J'ai choisi
les nombres donnés par M. Perrin (Mouvement
brownien et réalité moléculaire, p. 66), corrigés d'après les données
de Planck, pour permettre une comparaison exacte.
On retrouve des nombres voisins de 6,4.10-27.
L'accord n'est pas parfait, mais il est néanmoins remar-
quable.
Si l'atome possède plus d'un électron, la théorie est plus
compliquée. Dans le cas de deux électrons, on trouve
pour la période fondamentale des vibrations la même
fréquence

et. pour. le travail de séparation d'un électron la même


valeur e2 Il est donc probable que, dans tous les cas,
l'ordre de grandeur reste le même, mais il y a malheu-
reusement des harmoniques supérieurs. M. Haas a cru
trouver dans cette coïncidence l'explication de l'hypo-
thèse de Planck : l'énergie d'un électron ne pourrait se
communiquer à l'extérieur qu'à partir du moment où il
sort ,de l'atome; et réciproquement, un atome ne pourrait
emmagasiner d'énergie que lorsqu'il absorbe un électron.
L'énergie des électrons intérieurs à l'atome ne compterait
pas.
Les choses ne sont pas aussi simples.
D'àbord le calcul de Haas n'explique pas en quoi les
équations dela Mécanique et de l'Électrodynamique sont
insuffisantes. De plus il ne s'applique qu'aux vibrations
des électrons et non pas aux vibrations des atomes qui
déterminent la courbe des chaleurs spécifiques. Enfin
la théorie de Planck exigè que l'atome puisse emmaga-
siner plusieurs éléments d'énergie; dans l'hypothèse de
Haas au contraire, les conditions sont entièrement chan-
gées à chaque nouveau quantum absorbé ou émis.
Cependant, si dans la formule

on fait E =hv, c'est-à-dire si l'on admet que l'énergie çles


oscillateurs est en moyenne hv, on trouve
1

Par conséquent, lorsque les oscillateurs ont une énergie


moyenne égale à un quantum, l'erreur de la loi d'équi-
partition n'est déjà plus que de 3o pour 100. De plus la
figure 7 montre que la courbe de la fonction de Wien est
déjà presque rectiligne à partir de XT ='2,1. Il est donc
certain que l'hypothèse de Planck n'est pas la seule qui
conduise à une formule à peu près d'accord avec l'expé-
rience. Ce n'est que la plus systématique.
Comme on l'a vu aux paragraphes 5 et 6 de ce Chapitre,
la fonction Gff E J\ qui représente le coefficient de proba-

bilité de l'état d'un oscillateur doit nécessairement pré-
senter au voisinage de l'origine des discontinuités ana-
logues à celles que suppose Planck. Mais ce sont les
E E
premiers points singuliers, en particulier — = o et — = h,
qui déterminent entièrement l'allure des phénomènes
mesurables par l'expérience.
Aussi M. Ehrenfest a-t-il essayé de substituer à l'hypo-
thèse de Planck une hypothèse qui peut être rapprochée
de celle de Haas. L'énergie d'un oscillateur v ne pourrait
prendre aucune valeur comprise entre o et hv. Pour E > hv
les lois de la Mécanique statistique seraient valables.
D'autre part, toutes les chances qui seraient réparties
uniformément entre o et hv, si la Mécanique classique
s'appliquait au résonateur, se trouvent condensées au
point E = o.
On obtient ainsi
et lorsque v est grand

Or, cette formule avait été déjà proposée par Lord


Rayleigh (à titre empirique), et, en fait, elle est contraire
à l'expérience (Rubens et Kurlbaum).
(A suivre.)

INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE
SUR LA TENSION SUPERFICIELLE DU MERCURE DANS LE VIDE;

PAR M. R. CENAC.

1. LOI DE TATE. —Si l'on gonfle lentement une goutte


de liquide à l'extrémité inférieure d'un tube vertical, on
la voit s'étrangler, puis se scinder à l'étranglement. Le
poids de la partie qui tombe, d'après Tate, serait pro-
portionnel au diamètre du tube et à la tension superficielle
du liquide.
Cette loi empirique a servi à des mesures assez nom-
breuses; les nombres ainsi obtenus, comme le montrent
Guye et Perrot (1), ne sont pas très sûrs.

2. THÉORIE DE LOHNSTEIN (2). — Lohnstein a étudié


la question au point de vue théorique. Il est parti de
l'équation connue des méridiennes de la surface de sépa-
ration, supposée de révolution, d'un liquide en équilibre.
(1) Archives des Sciences physiques et naturelles, t. XI, 1901 ; t. XV,
1903.
Il faut citer aussi : DUCLAUX, Ann. de Chim. et de Phys., t. XXI,
1870; t. XIII. 1878. — LEDUC et SACERDOTE, Journ. de Phys., t. I,
1902. — Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. XCVI, 1902.
C) Annalen der Physik, 4" serie, t. XX, 1906, p. 237 et 5o6; t. XXI,
igo6, p. io3o; t. XXII, 1907, p. 737.
Il en déduit, pour un liquide donné, le volume des gouttes
qui peuvent rester accrochées à l'orifice d'un tube de
rayon donné. Pour une certaine goutte, ce volume est
maximum. Lohnstein admet :
10 Que la goutte atteint ce volume maximum et se
sépare dès qu'on cherche à la gonfler davantage ;
20 Que la partie de la goutte qui reste accrochée au
tube admet à l'orifice mêmes plans tangents que la goutte
maximum (fig. 1). Cette dernière hypothèse paraît être
la seule partie contestable de la théorie.

Lohnstein trouve que le poids d'une goutte peut -se


mettre sous la forme

p, poids de la goutte, r rayon du tube, A tension super-


ficielle, et a=
^ d désignant la densité et g l'accélé-
>

ration de la pesanteur.
La fonction 2TCf remplace la constante de Tate.
On remarquera qu'elle ne dépend que d'une seule va-
riable — •
a
3. THÉORIE ET MESURES DE LORD RAYLEIGH (1).—
Antérieurement, Lord Rayleigh était arrivé très simple-

(1) Investigations in Capillarity (Phil. Mag., oct. 1899).


ment à la même forme de correction en considérant comme
Dupré dans sa théorie mécanique de la chaleur, les
formules de dimension des grandeurs qui interviennent
dans le phénomène. Il avait alors déduit une série de
valeurs de la fonction / de mesures faites sur un seul
liquide : l'eau, mais avec des tubes de différents diamètres.
Les courbes ci-dessous (fig. a) ont. été construites en

prenant pour abscisses ^ et pour ordonnées 2f~


d'après Lohnstein et Rayleigh. Elles coïncident presque (2),
dans les parties auxquelles se rapportent mes mesures.
La fonction / varie de manière très appréciable, de 1
à 0,6 environ.

(1) Théorie mécanique de la chaleur, Paris, Gauthier-Villars, 1869.


(2) F. KOHLRAUSCH, Ann. de Phys., t. XX, 1906, p. 798.
4. TRAVAUX DE MM. MORGAN ET STEVENSON (1).
MM. Morgan
et Stevenson ont effectué de nombreuses
-
Mesures sur des liquides organiques. Ils ne tiennent pas
compte des travaux de Rayleigh et de Lohnstein qu'ils
mentionnent cependant dans leur bibliographie. Ils ont
appliqué à leurs mesures la loi de Tate, en faisant remar-
quer que cette loi correctement exprimée est
p = k r A,
où k est une constante différente de 2,
et ils ont entre-
Pris de démontrer expérimentalement que la loi est
rigoureuse. La valeur de la constante k qu'ils n'indiquent
Pas explicitement, mais telle qu'on peut la déduire de
leurs nombres est 3,87 c'est précisément la valeur moyenne
;
indiquée par Rayleigh pour des diamètres de l'ordre de
ceux qu'ils employèrent (4mm à 6mm).

£>. PARTIE EXPÉRIMENTALE. — Sur les conseils de


M. Jean Perrin. j'ai entrepris de
mesurer la tension super-
ficielle du mercure par la méthode de Tate, comme l'ont
fait autrefois Hagen (2), Quincke (3) et Dupré (4) à la
température ordinaire et dans l'air. Mon but était de
réaliser des mesures à deux températures différentes, afin
de voir ce que donnerait l'application des lois d'EÕtvos
à ce liquide métallique.
Stockle (5), en déterminant pour des gouttes de moyenne
grosseur le rayon de courbure au sommet, a trouvé que
dans l'air, la. tension superficielle du mercure baisse à
partir de 480 dynes environ pour des surfaces fraîche-

(') MORGAN et STEVENSON, Zeitschrift für phys. Chem., t. LXIII,


P- 151. — MORGAN, Livingston et HIGGINS, t. LXIV, p. 1')0.
(2) HAGEN, Abh. Berl. AkacJ., 1846.
(3) QUINCKE, Annalen der Physik, 1868, p. ia5.
(4) DUPRÉ, Théorie mécanique de la chaleur, Paris, Gaulhier-
Villars, 1869.
(') STÖCKLE, WiedemannAnnalen, t. LXVI, 1898, p. 499. — G. MEYER,
Ibid, p. 523.
ment formées jusqu'à une certaine limite qui est atteinte
au bout de 3o minutes environ ; cette valeur limite serait
voisine de la valeur qu'il a trouvée dans le vide : 435 dynes 5,
et qui elle, au contraire, reste constante.
On pouvait espérer qu'on obtiendrait dans l'air des
nombres assez constants en se servant de la méthode de
Tate avec toutes les précautions prises par MM. Morgan
et Stevenson, puisque la surface du mercure se renouvelle
au fur et à mesure que la goutte s'accroît. Ce travail
présente, en tout cas, l'intérêt d'être aussi une application
de la méthode de Tate au mercure dans le vide.

6. PREMIÈRES EXPÉRIENCES DANS L'AIR. — Des-


cription de l'appareil. — L'appareil dont je me suis servi
est, à peu de chose près, celui de MM. Morgan et Stevenson i
le poids des gouttes est déterminé volumétriquement. Un
tube deux fois recourbé T (fig. 3), dont l'extrémité rodée E
a été étudiée au microscope, est soudé au tube capillaire
gradué V servant aux mesures de volume. Le tube V a
été calibré. Sur la branche terminale du tube T est soudée
en soii centre une pièce C formant couvercle sur un réci-
pient R où se rassemblent les gouttes. Au moment de
plonger l'appareil dans un thermostat rempli d'eau, on
applique le bord rodé de R contre celui de C et l'on verse
du mercure dans l'espace annulaire entre C et une bague
fixée extérieurement sur R. On obtient. ainsi une ferme-
ture hermétique et sans graisse. L'appareil était lavé à
l'acide azotique, au mélange chromique, à l'eau distillée,
à l'alcool, à l'éther, puis séché par un courant d'air sec.
Le mercure qui devait servir aux mesures était lavé à
l'acide nitrique, à l'eau, décanté, puis distillé dans le vide
dans un petit appareil bien nettoyé. On remplissait le
tube ET G par l'extrémité E, en aspirant en A du mer-
cure jusqu'en G. On refoulait ensuite graduellement le
liquide par un appareil simple de compression à mer-
*

cure Ma pour former les gouttes en E ; c'est en serrant avec


une vis une poire P, un peu avant la chute, qu'on achevait
de gonfler la goutte. On mesurait le déplacement dans le

tube capillaire entre deux gouttes. L'expérience a montré


qu'il était nécessaire de procéder très graduellement
afin d'éviter des vibrations et une chute prématurée de
la goutte.
Une détermination durait une vingtaine de minutes.
Un niveau à bulle d'air N permettait de fixer la position
de l'appareil pour laquelle l'orifice B était horizontal.

Données. — Diamètre de l'orifice mesuré à l'aide d'une


:
Machine à diviser 3mm,56 (varie entre 3mm. 56 et 3mm; 57);
volume moyen d'une division du tube capillaire :

0mm3,3400.

7. RÉSULTAIS A 0°.
Volumes mesurés pour une goutte en divisions
du tube capillaire. 1

lre expérience. 2" expérience.


68± 68,5 69,5 68,5 69,5
68i 68,5 67,5 70 67.5
Poids moyen d'une goutte, toutes corrections faites :
317mg poids.
Calcul des expérience's d'après les Tables de Lohnstein :
Pour un corps
dont les constantes sont: Les Tables donnent :

d. A en mg poids. f. p en mg poids.
13,59 44 0,637 313
Id. 45 0,637 320
Id. 46 0,637 3^8
Donc à 3I7mg poids correspond d'après Lohnstein
A = 44>5.
Valeurs de A, en dynes,
calculées d'aprè les Tables de :
—— Avec la constante
Lohnstein. Rayleigh. de Morgan.
437 445 (451)
-8. MESURES A 30°. — Le-volume de la goutte entre 0°
et 3o° a varié environ d'une division du tube capillaire,
variation trop faible pour pouvoir être mesurée avec
quelque précision.
Pour utiliser un intervalle de température notablement
supérieur, j'ai procédé à des mesures dans le vide. Les
t
mesures effectuées dans l'air par la méthode de Tate
me donnent toutefois un nombre qu'il est intéressant de
comparer à ceux que différents expérimentateurs ont
obtenus par la même méthode ou par d'autres méthodes
et qui sont reproduits-dans le Tableau ci-contre.
Méthodes. A en dynes.
Méthode de Tate 403 0)
\ 3g.>.-4'28 lentement.
/ 419 à 559 vite (2)
» 48-2(3)
445 (4)
Hauteur de larges gouttes 432 (5 )
ld. 434 (1)

Id.
Petites gouttes
'.....'..
Id. 2o" 45-7 (7)
20" 521 (8)
334 (9)
Rayon de courbure 450(1°)
Larges gouttes * 470 (11)
Gouttes vibrantes 2.0" 462 (12)
Hauteur de grosses gouttes 20" 456 (13)
Ondes capillaires 20° 487 (14)
Vibrations d'une veine liquide 491 (15)
Ondes capillaires 18° 5-29 (16)
Pression dans les gouttes et les bulles 45o (17)
Dépression dans les tubes capillaires.
et angle de raccordement 547 (18)
Rayon de courbure 429 (19)
Id. 444 (20)
Id. 17o 479 ( val. init.) (21 )
Vibrations d'une veine liquide J 8n505(22)
j 46r'122;(9'1)-'
Ondes capillaires
................... 18" 49192 àa

(') HÄGEN, Abk., Berlin Ahad., iSA'i.


(2) QurNCKE, Posg. Ann., 1868, p. 135.
(s) DUPRÉ, Théorie mécanique de la chaleur, 1869.
( ') D'après mes mesures et la Table de Hayleigh.
(0 ) LAPLACE, Mécanique céleste, 1806.
( ) POISSON-GAY-LUSSAC,Nouvelle théorie des actions capillaires, 1831.
( ) DESAINS, Annales de Chimie et de Physique, 1857, p. 5t.
(8) QUINCKE, Pogg. Annalen, 1858, p. io5.
(9) BASIIFORTII,,itattempt to test the theory of capillary action, 1883
(lü) MAGIE, Wied. Annalen, 1885, p. 25.
(11 ) LIPPMANN, 1886.
(12) LENARD, Wied. Annalen, 1887, p. 3o.
C3) SIEG, Diss. Berlin, 1887.
(u) MATHIESSEN, Wied. Annalen, 1889, p. 38.
(l") PICARD, Arch. de Genève, 18go, p. 24.
(lG) MICHIK SMITH. Proc. Roy. Society. Edimb., 1890, p. 17.
(1.) CANTOH, Wied. Annalen, 1802, p. 47-
C8) QUINCKE, Ibid., 1894, p. 52.
(19) G. MEYER-LOHNSTEIN, Ibid., 1895, p. 54-
( ) SIEDENTOPF, Diss. Göttingen, 1897,
(21) STÜCKLE, Wied. Annalen. 1898, p. 66.
("2) G. MEYKR,lbid.. 1898.
(n) GRUMMACH, Ibid., 1900, p. 3.
9. MESURES DANS LE VIDE. — Quelques modifications
ont été apportées à l'appareil. Le récipient R dans lequel
pénètre en S le tube T (fig. 4) est un petit ballon auquel

est soudé à la partie inférieure un tube effilé. Le petit


appareil à distiller le mercure qui doit servir aux me-
sures, est soudé en D au tube capillaire gradué. Après
nettoyage par l'acide azotique et le mélange chromique,
et lavage à l'eau distillée, on sèche l'appareil dans le vide
sec d'une trompe à mercure. Puis, on introduit du mer-
cure dans le ballon B; on refait le vide et l'on chauffe le
ballon. Le mercure distille lentement et se rassemble
dans le coude D d'où il passe par siphonage dans le reste
de l'appareil, quand une quantité suffisante a distillé. Le
tube T se remplit complètement et sûrement si le tube
capillaire gradué est rectiligne. Pour produire les gouttes,
j'introduisais lentement de l'air dans la partie B de l'appa-
reil. A cet effet, j'employais un dispositif connu : deux
tubes soudés à la partie B étaient fermés dans le bas par
des bouchons poreux en plâtre P, P'. Lorsque ces tubes
plongeaient dans des godets contenant du mercure, les
bouchons formaient une fermeture hermétique; lorsqu'ils
étaient découverts, ils laissaient filtrer l'air avec des vitesses
différentes. On pouvait d'ailleurs laisser constamment
découvert le moins poreux des deux : P'. Après la chute de
la goutte,
par suite du changement de courbure à l'orifice,
le mercure s'arrêtait pendant quelques instants dans le
tube capillaire; on pouvait à loisir faire une lecture. La
température en T était réglée soit en entourant le réci-
pient R de glace, soit en le coiffant d'un appareil de
chauffage à point fixe.
Données expérimentales. — Diamètre moyen de l'ori-
fice : 2mm,09.
Le remplissage se faisant par la partie capillaire, il
n'était malheureusement pas possible d'employer un dia-
mètre voisin de celui qui avait servi aux mesures effec-
tuées dans l'air.
Volume moyen d'une division du tube capillaire
gradué : omm3,o96i.

10. MESURES A 0°.


Volumes mesurés pour une goutte en divisions
du tube capillaire.
1re expérience. 2" expérience. 3" expérience.
162 ; 161 et 161 i 161

Poids moyen d'une goutte, toutes corrections faites :


209mg,7 poids.
Valeurs de A, en dynes,
calculées d'après les Tables de:
- Lohnslein.
^———
Hayleigh.
Avec la constante
de Morgan.
460 467 (âog),
Les résultats calculés d'après les Tables de Lohnstein
et de Rayleigh diffèrent plus que précédemment de ceux
calculés avec la constante de la loi de Tate déduite des
expériences de Morgan. Ils se rapprochent davantage
des résultats trouvés par StÕckle dans le vide : 435 dynes 5
à 150. Toutefois, ils sont supérieurs de 5 pour 100 aux
résultats obtenus dans l'air. Cet écart peut-il être attribué
dans une certaine mesure au changement du tube? Je n'ai
pu refaire des expériences dans l'air avec le tube qui m'a
servi aux mesures dans le vide. Mais si la théorie de
Lohnstein s'appuie en partie sur une hypothèse contes-
table. on peut du moins avoir confiance dans les consi-
dérations théoriques de Rayleigh et dans les Tables qu'il
a établies d'après des résultats expérimentaux.

11. MESURES A —Afin de diminuer autant que


1000.
possible l'espace vide où par suite d'une inégalité de tem-
pérature pouvait se produire une distillation, on prenait
soin que le niveau du mercure dans le récipient R fût
très proche de l'extrémité du tube T ; à cet effet, on faisait
passer dans R une quantité déterminée de liquide. Pour
la même raison, on gonflait la goutte en produisant tout
d'abord une rentrée rapide d'air en P et l'on achevait
de la gonfler au moyen d'une rentrée lente en P'. On
peut évaluer le temps total à un quart de minute environ.
Le volume lu était par suite de cette manière rapide
d'opérer, celui de la goutte à 100°.
Volume d'une goutte.
In expérience. 2° expérience. 3e expérience.
i55 154 154,5
Poids moyen d'une goutte, toutes corrections faites :
i98mg,2 poids.

Valeurs de A, en dynes,
calculées d'après les Tabte& de :

—i— ^ --
Avec la constante.
Lohnstein. Rayleigh. de Morgan.
437 443 (481)
12. MESURES A 1800. —Le tube est chauffé à la vapeur
d'aniline. Il faut au début du chauffage faire en sorte que
la goutte qui se trouve à l'orifice du tube T soit très
petite, autrement la colonne de mercure suspendue dans
la branche descendante du tube T se détache au cours du
chauffage.
Volume d'une goutte.
l,e expérience. 2° expérience.
150 i5o
Poids moyen d'une goutte :
189mg, 7 poids.
Valeurs de A, en dynes,
calculées d'après les Tables de:

Lohnstein.
-- Rayleigli.
Avec la constante
de Morgan.
-

ItI9 425 (46o)


En résumé, des mesures faites, résultent les valeurs
suivantes pour la tension superficielle du mercure dans
le vide, qui diffèrent un peu suivant que l'on choisit les
théories de Lohnstein et de Rayleigh, ou celle plus con-
testable de Morgan pour calculer les expériences.
A calculé en dynes
d'après les Tables de :
Températures.
—i———
Lohnstcin. Hayleigh.
Avec la constante
de Morgan.
o
o 4C0 467 (5og)
100 437 443 (481)
180 4i9 425 (46o)
L'erreur sur A, qui provient de la mesure du diamètre
de l'orifice et du volume de la goutte, peut atteindre ~3^5.

Application des lois d'Eôtvôs aux résultats.


13. APPLICATION DE LA PREMIÈRE LOI. —Soient A la
tension superficielle d'un liquide et v le volume d'une
masse arbitraire de ce liquide, d'après la première loi
d'Eötvös : la quantité ~Aç4
2
varie proportionnellement à la
température.
Choisissons la masse atomique ; le volume v est alors le
--la
volume atomique à l'état liquide. Nos mesures nous
donnent :
D'après les Tables de : Avec
constante
Lohnslein. Rayleigh. de Morgan.
En lie o ct. ioo"

K =
j>


100
1
Aïon^ioo-1
i t,ob '
t, n / i 33)
Entre ioo et i8o,
2 2
K = Aton V 100 3 -A180V180:1
80 1,06 1,06 (1 26)
Entre
K
o et t8o°

= i\()vi) 3—A
^ 8o ^ 8o
- ',ob..

Les variations de K ne s'élèvent pas jusqu'à la va-


1,09 (1,30)

leur — que faisaient prévoir les erreurs expérimentales


possibles.

14. TEMPÉRATURE CRITIQUE. — Adoptons les valeurs


calculées d'après les Tables de Rayleigh,
A0 = 467 et K = r,
Nous en déduisons comme valeur approchée de la tem-
pérature critique

Avec une erreur possible de 25oO qui correspond à


l'erreur sur K. La valeur de 0 serait donc comprise entre
25oo° et 3000°.
15. APPLICATION DE LA DEUXIÈME D'EÖTVÖS.
ATOMICITÉ DU MERCURE LIQUIDE. Si
rapport des variations
volume moléculaire à l'état liquide, le
- LOI
V représente le

2
de la quantité AV3 (énergie superficielle moléculaire) aux
variations correspondantes de latempérature, est une constante
universelle égale à 2, i.
Cette deuxième loi nous permet de calculer l'atomicité.
En effet, si le volume moléculaire V vaut n fois le vo-
lume atomique, n doit être tel que

Or -a
i !_
la valeur
les Tables de Rayleigh.
0
* Donc
i, i calculée plus haut avec

[Si
nous prenions pour K la valeur 1,3 calculée avec la
3

constante de Morgan, nous trouverions


L'erreur sur K peut atteindre io pour ioo; l'erreur
sur le coefficient 2,1 : 10 pour 100; donc, l'erreur sur n
peut atteindre 30 pour 100.
On peut inversement calculer d'après mes mesures, le
2
coefficient de variation de AV3 en supposant successive-
ment n = l, n = 2 et n = 3. On trouv-e
Rayleigh, Lohnstein. Morgan.
n = 1 1,1 X 1 =1
;
1 1,3x1 =1,3
1 1
n = 2 ...... I,i x 23 = t,7 1.3 x 2 3 = -2,1
N — 3 171 x 3'=Î,3
2
13 x 3 3 = 2,7
2

Quand on calcule avec la constante de Morgan, c'est


donc l'hypothèse de la biatomicité de la molécule qui
conduit au nombre le plus voisin de 2,1 ; quand on calcule
avec les Tables de Lohnstein et de Rayleigh, c'est plutôt
celle de la triatomicité.
En résumé, mes mesures conduisent, avec des écarts
possibles de 3o pour 100 sur le poids moléculaire à l'état
liquide, à l'hypothèse d'une association intermédiaire
entre la biatomicité et la triatomicité ; le poids molécu-
laire le plus probable se rapproche plutôt de celui qui cor-
respond à l'hypothèse de la triatomicité.
Remarque. — On peut comme Ramsay calculer la
température critique au moyen de la tension superfi-
cielle et du volume moléculaire correspondant à une
seule température, en appliquant la deuxième loi d'Eöitvös.
La valeur qu'on tirerait pour 0 serait ici de 1300°
environ si le mercure était monatomique.

15. VALEUR DU COEFFICIENT DE TEMPÉRATURE E DÉFINI


PAR LA RELATION A = A0 ( I Et).
0,0014 entre 13 et 96" (1),
0,00013 (2),
o,ooo5 entre 16 et 8811 (3),
o,ooo5 entre 16 et 76" (en présence de l'air) (4),
o,ooo35 entre 16 et r57°,6 (en présence de C02) (4).
D'après mes mesures dans le vide entre o et 100 ou o
et 180 (que je calcule avec les Tables de Lohnstein et de
Rayleigh, ou avec la constante de Morgan) — o,ooo5.
C'est le nombre même trouvé par Cantor et par Sie-
dentopf entre 160 et 750 par des méthodes très diffé-
rentes.
Siedentopf a d'ailleurs indiqué dans son travail, cité
plus haut, sur les constantes capillaires du mercure et du
bismuth, du plomb, du cadmium et du zinc fondus que
pour ces cinq métaux à l'état liquide, il y a association
des molécules.

(') FRANKENHEIM, Pogg. Ann., 1847, p. 72.


(') JÄ&ER, Wied. Bericht, 1892, p. 101.
(3) CANTOR, Wied. Annalen, 1894, p. 423.
(4) SIEDENTOPF, Diss. Göttingen, 1897.
SYNTHÈSES AU MOYEN DE L'AMIDURE DE SODIUM
(DEUXIÈME MÉMOIRE);

PAR MM. ALBIN HALLER ET EDOUARD BAUER.

Alcoylation des cétones aliphatiques.


Dans notre Mémoire (') sur les cétones mixtes aroma-
tiques du type acétophénone, nous avons montré qu'il
était possible de remplacer successivement les 3 atomes
d'hydrogène du radical méthyle par des radicaux alcoo-
liques semblables ou différents, saturés ou non saturés,
etc., de façon à obtenir des composés de la forme
Co H5COCRR1 R2.
Dans l'acétophénone et ses analogues, l'atome de car-
bone du noyau benzénique uni au groupement cétonique
Peut être considéré comme un atome tertiaire, de telle
sorte que la substitution d'un radical alcoolique par l'in-
termédiaire d'amidure de sodium ne peut s'effectuer que
sur le groupement aliphatique.
Aussi, avant d'aborder l'étude des produits de sub-
stitution des cétones aliphatiques à chaîne linéaire
CH3.(CH2)n CO(CH2)p—CH3, avons-nous cru devoir

Commencer celle des dérivés de la pinacoline, dans laquelle
Un des radicaux unis au carbonyle CO est un radical
tertiaire. Au point de vue des aptitudes réactionnelles,
cette triméthylacétone devait en effet se rapprocher
de l'acétophénone. Nous verrons, par les résultats obte-
nus, que nos prévisions étaient justifiées.

Ann. de Chim. et de Phys., 8° série, t. XXVIII, p.


(1 ) 372. Voir aussi
Comptes rendus, t. CL, p. 582 et 661.
ACTION DE L'AMIDURE DE SODIUM SUR LA PINACOLINE.

La pinacoline (1mol) traitée, au sein de l'éther anhydre


(3 fois son volume), par une molécule d'amidure de
sodium, donne un dérivé sodé, soluble dans le dissolvant,
avec dégagement d'une molécule d'ammoniaque. La réac-
tion, qui commence déjà à froid, est plus rapide à l'ébul-
lition et, suivant l'état de finesse de l'amidure employé,
on obtient une dissolution complète au bout de i à 3 heures.
Pour nous assurer que l'amidure de sodium n'exerce
pas d'action perturbatrice sur la pinacoline, nous avons
décomposé une partie aliquote du dérivé sodé par l'eau,
décanté la liqueur éthérée, chassé l'éther et distillé le
résidu. Celui-ci était intégralement constitué par de la
cétone primitive et non altérée.
La partie de pinacoline sodée non décomposée par l'eau
se comporte à l'égard des iodures alcooliques comme
l'acétophénone sodée et fournit successivement la mono-
alcoyl-, la dialcoyl- et enfin la trialcoyl-pinacoline. Cette
dernière représente le terme ultime de l'alcoylation de
l'acétone et peut être considérée comme de la triméthyl-
trialcoylacétone (CH3)3.C.CO.C(R.R, R2).

ACTION DE L'IODURE DE MÉTHYLE SUR LA PINACOLINE SODÉE.

A une molécule de pinacoline, sodée comme nous


venons de l'indiquer, on ajoute peu à peu, à l'aide d'un
entonnoir à robinet, une molécule plus d'iodure de mé-
thyle. Au début la réaction est assez vive pour provoquer
l'ébullition de l'éther en même temps qu'il se préci-
pite de l'iodure de sodium. Quand tout l'iodure alcoolique
est introduit, on chauffe encore environ heure, puis on
1

ajoute lentement de l'eau.


On décante, et la liqueur éthérée, après avoir été lavée
à l'eau acidulée au moyen de l'acide sulfurique, est
séchée et distillée à la pression ordinaire, dans un appa-
reil à colonne de Vigreux. On obtient ainsi un liquide
bouillant de 105° à 135° et qui est constitué par un mélange
de pinacoline, de monométhyl- et de diméthylpinacoline.
Après plusieurs fractionnements on arrive à isoler une
portion passant de 124 à 126 et qui possède la composi-
tion de la
Monométhylpinacoline ou diméthyl-2.2-pentanone-3

Cette cétone, déjà préparée par Wischnegradsky (1)


en faisant agir le chlorure de pivalyle sur le zinc-éthyle,
se présente sous la forme d'un liquide mobile, à odeur
spéciale rappelant celle de la pinacoline et passant de
1240 à 1260 à la pression normale.
;
Analyse.— Substance, og, 1370; G02 = 0g,3699 H20 = 0g,1533.
Calculé
Trouvé
pour 100. pour CH140.
G 73,65 73,68
II ..................... 12,43 12,28
L'oxime C7H15NO prend naissance en chauffant la
cétone avec du chlorhydrate d'hydroxylamine et du car-
bonate de soude en milieu hydroalcoolique. Elle cristallise
dans l'alcool en magnifiques losanges fondant à 79°-80°.
Analyse. — Substance, og, 1713; CO2 = og,4086; H20 = og, 1826.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CIl,5ON.
C
H
...................... 65, o5
11,8
65,1
11,6
Les portions du produit brut passant de io5° à 1350,
desquelles on a retiré la majeure partie de la monomé-

(') Wischneoradsky, Lieb. Ann., t. 178, p. 104.


thylpinacoline, distillant à 124°-125°, sont constituées
par un mélange de pinacoline primitive, de monométhyl-
pinacoline non séparée par le fractionnement, et d'un peu
de diméthylpinacoline.
Pour transformer la totalité de ce produit en penta-
méthylacétone, il est nécessaire de leméthyleren plusieurs
fois.
A cet effet on traite le liquide, dissous dans l'éther
anhydre, par environ le tiers de la quantité moléculaire
d'amidure de sodium nécessaire pour le soder totalement,
puis, après dégagement de l'ammoniaque, on ajoute la
quantité correspondante d'iodure de méthyle. Quand la
réaction est terminée, le produit est additionné d'une
nouvelle quantité d'amidure et, le dérivé sodé formé, du
poids correspondant d'iodure de méthyle.
On peut même répéter cette opération une troisième
fois, jusqu'à épuisement de l'action de l'amidure de
sodium et de l'iodure de méthyle, la pentaméthylacétone
constituant le produit ultime de la méthylation de la
pinacoline au sein de l'éther, lorsque la solution est suffi-
samment diluée.
Il en résulte que les rendements en diméthylpinacoline
peuvent être, pour ainsi dire, quantitatifs si l'on a soin,
après rectification, de méthyler les produits de tête, s'il
y en a.
Dans le cas où l'on se propose de préparer directement
le dérivé bisubstitué de la pinacoline, il va sans dire,
qu'il suffirait de méthyler successivement la cétone, sans
s'astreindre à isoler le produit monométhylé, et à élimi-
ner le dissolvant.
La pentaméthylacétone ou diméthylpinacoline
(CH3)3.C.CO.CH(CH3 )2.
ou triméthyl-2.2.4-pentanone-3 est un liquide mobile, à
odeur camphrée et qui bout à 133°-1350. Elle a déjà été
obtenue par Nef (') en méthylant l'acétone, en tube
scellé, au moyen de la potasse et de l'iodure de méthyle.
Son oxime, également préparée par le savant améri-
cain, fond à 1410. Nous avons mesuré la réfraction molé-
culaire de cette cétone à 250; d\3 = o,8o536.
Réfraction
Indice. spécifique. moléculaire. calculée. Différence.
s i,4o3o4 o,3o3o3 38,79 38,89 --0,11
D1,40513 0,3044r 38,96 39,11 —o,i5
P 1,41020 0,30776 39,39
Y 1,41429 o,31046 39,74 39,87 —o,i3
Dispersion moléculaire 0,95 -0,02
...... 0,97
Alcool pentaméthylisopropylique ou 2.2.4-triméthylpen-
tanol-S

Cet alcool prend naissance en versant, en une fois, la


cétone, dissoute dans 3 ou 4 fois son volume d'alcool
absolu, sur 2 à 3 fois la quantité théorique de sodium.
Quand tout le sodium a disparu on étend d'eau, on reprend
par l'éther l'huile surnageante) et l'on distille.
L'alcool pentaméthyl-isopropylique se présente sous la
forme d'un liquide assez volatile et qui possède une
forte odeur de bornéol. Il distille à 145°-148° à la pression
ordinaire.
Analyse. — Substance, og, 1010 ; GO2 = 0g,2729 ; 112 0
Trouvé Calculé
= og,1253.
pour 100. pour C8HI8o.
C 73,68 73,84
H 13,78 13,84
.

Sa phénylurêthane (CH3 )3
^ ^ est
peu soluble dans l'éther de pétrole et fond à 790.

(1) Liebig's Annalen, t. 360, p. 3a3.


Analyse. — Substance, 0g,1932 ; C02 = 0g,51 16; H20 == os, 1610.

Trouvé Calculé
pour 100. pour CI;, HS3NOî.
G 72,22 72,3)
H 9,20
... 9, ~26
-
Hexaméthylacétone ou 2.2.4.4 tétraméthylpentanone- 3
(CH3)3 — C.CO.C(CH3)3.
Ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, la
pentaméthylacétone représente le produit ultime de la
méthylation delà pinacoline par l'intermédiaire de NH2Na,
quand on opère au sein de l'éther et à la pression ordinaire.
On a, en effet, beau chauffer cette cétone avec de l'amidure
en suspension dans l'éther, on n'observe aucune réaction
ni aucun dégagement d'ammoniaque.
Si l'on opère, par contre, au sein du benzène bouillant,
l'amidure attaque la pentaméthylacétone avec dégage-
ment d'ammoniaque et formation d'un dérivé sodé,
insoluble dans la benzine. Au bout de 2 heures d'ébul-
lition, on peut considérer que tout l'amidure est décom-
posé si l'on s'est borné à ne prendre que la quantité
équimoléculaire de la pentaméthylacétone mise en
œuvre. On ajoute alors une molécule d'iodure de méthyle.
Il se déclare une vive réaction et le précipité gélatineux
de dérivé sodé se transforme peu à peu en un précipité
dense, jaune pâle, d'iodure de sodium. On chauffe encore
3o minutes et l'on décompose par de l'eau.
La solution benzénique est lavée avec de l'eau acidu-
lée, puis avec de l'eau distillée, séchée et distillée. Ce
n'est qu'après plusieurs rectifications qu'on arrive à
obtenir une portion (10 à i5 pour 100) passant de i35a
à i49° et une autre plus importante (85 pour 100) distil-
lant à 150°-151°. Les premières portions retraitées par
de l'amidure de sodium et de l'iodure de méthyle, au sein
du benzène, peuvent fournir une nouvelle quantité du
produit passant à 150°-151° et qui est constituée par de
l'hexaméthylacétone.
Cette cétone se présente sous la forme d'un liquide
mobile, d'une odeur camphrée, dont l'analyse répond
au corps cherché.
Analyse. — Substance, 0g,1896 ; CO2 = 0g,5283 ; H20 = OS,2I7?

Trouvé CALCULÉ

pour 100. pour C9H180.


G 75,99 76,o5
H
...................... 12,72 12,67

La réfraction moléculaire de ce composé prise à 250


répond également à celle d'une molécule saturée.
d:5 = 0.81992.
Réfraction
Indice. spécifique. MOLÉCULAIRE, calculée. DIFFÉRENCE,

ci 1,4* 485 o,3o53o 43,35 43,47 -0,11


D 1,41702 0,30671 43,55 43,71 --°,16
P 1,42224 0,31007 44,°3
7 1,42643 0,31276 44,41 44,55 -0.r4
Dispersion y — a... 1,06 1,08 -0,°2
Si l'on considère les points d'ébullition de la pinacoline
et de ses dérivés mono, di et triméthylés, on constate
qu'il y a une différence de 20 degrés entre le point d'ébul-
lition de la pinacoline et celui de la méthylpinacolinc,
puis un écart moindre (90) entre le point d'ébullition
de ce dernier dérivé et celui de la diméthylpinacoline,
écart qui augmente ensuite brusquement (160) quand
on passe à la triméthylpinacoline.
Points
d'ébullition. Différence.
106o
(CH3)3.C.COCH3
(CH3)3.C.CO.CH2.CH3... 126 20
(CH9)3.C.CO CH.(CHs)!.. 135 9
(CHs)3.C.COC(CH3)3 .... 151 r6
L'hexaméthylacétone ne forme ni oxime, ni semi-
carbazone, ni hydrazone. Nous avions déjà remarqué
qu'au fur et à mesure de l'introduction de radicaux mé-
thyliques dans le groupe CH3 de la pinacoline, l'aptitude
réactionnelle des cétones obtenues vis-à-vis des réactifs
hydroxylamine, semicarbazide et phénylhydrazine allait
en diminuant.
La même observation a été faite plus tard par M. Zerner
avec l'hexaéthylacétone.
Alcool hexaméthylisopropylique ou tétraméthyl-2.2.4.4-
pentanol-3 ( CH3 ) C. CH OH. C ( CH,3 )3. — La fonction
cétonique de l'hexaméthylacétone peut néanmoins se
mettre en évidence par la facilité avec laquelle elle peut
être transformée en fonction alcool secondaire.
Réduite dans les mêmes conditions que la pentamé-
thylacétone, le dérivé hexaméthylé donne naissance à un
alcool extrêmement volatil, fondant à 5o° et distillant
à 165°-166°. Au cours dela rectification, le récipient rece-
vant le liquide distillé se tapisse de larges lamelles blan-
ches et miroitantes, cloisonnant parfois le ballon dans
toute sa largeur. Cet alcool possède une odeur de bor-
néol très poivrée et montant au nez.
Analyse.— Substance, 0g,1887; C02 = og,5172; H2O = os,2357.
Trouvé Calculé
pour 100. pourCI11«110.
C 74,75 '75,00
II
..................... 13,98 13.89
/OCONHC6H5
La phényluréthane (CH3)3.C.CH — C(CH3)3 fond
à 118°-190°.
Analyse. — Substance, os, 1436;C02 = 0,3842; H20 = 0,1257'
Trouvé Calculé
pour 100. pour Cl6H25NOJ.
C
11
...................... 72,96
9172
73,00
9,50
Formiate de l'alcool hexaméthylisopropylique

Cet éther se forme, lentement à froid, mais très rapi-


dement à chaud (i à 2 heures à l'ébullition) quand on
traite l'alcool par un excès d'acide formique concentré.
Par distillation et rectification répétée du mélange, on
obtient finalement une fraction passant à 1850, à la pres-
sion ordinaire, et qui est constituée par l'éther formique
cherché, comme le montre l'analyse suivante :
Analyse. — Substance, og, 1706; GO2 = og,4355 ; H2 0 = og, i8o5.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CIoH2002.
G
H
..................... 69,62
11,68
69,81
11,62

Saponifié, ce formiate régénère l'alcool avec ses pro-


priétés premières. C'est un liquide moins mobile que
l'acétone à laquelle il se rattache. Il possède en outre
une odeur particulière rappelant un peu celle des carbures.
Diméthyléthylpinacoline) pentaméthyléthylacétoneou tétra-
méthyl-2.2.4.4.-hexanone-3

En faisant agir sur la pentaméthylacétone sodée au


sein du benzène, dans les conditions indiquées par la
préparation de l'hexaméthylacétone, de l'iodure ou du
bromure d'éthyle, on obtient, après une ébullition de
10 heures et décomposition subséquente par l'eau, un
liquide qui, rectifié soigneusement, fournit une pre-
mière fraction (10 à 20 pour 100) passant de i34° à 170° et
Une portion principale (80 à go pour 100) distillant de
170° à 174°.
Les premières portions, éthylées à leur tour dans les
mêmes conditions, donnent presque intégralement la
cétone passant à i70°-i74°.
Une seconde rectification de la totalité du produit
permet d'isoler un liquide passant finalement dans les
limites de 1720 à 174°. Ce corps est constitué par la penta-
méthyléthylacétone, ainsi que le montre l'analyse sui-
vante :
Analyse. — Substance, 0g,1876 ; C02 = 0g,5290 ; H2O = 0g,2168.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CIOH20O.
G
H
................... 76, 95
12,84
76,9>
12,82

Comme son homologue inférieure l'hexaméthylacétone,


cette cétone ne se combine ni à l'hydroxylamine, ni à la
semicarbazide, ni à la phénylhydrazine.
Elle peut toutefois être réduite quantitativement, au
sein de l'alcool absolu, par du sodium, pour donner nais-
sance à l'alcool pentaméthyléthylisopropylique ou tétramé-
thyl-2.2.4.4.-hexanol-3

alcool qui se présente sous la forme d'un liquide à forte


odeur de bornéol, bouillant à 1870-1880 à la pression
ordinaire.
Analyse.— Substance, ;
0g,1514 CO2= os,4223;
Trouvé
H2 0 = 0g,1903.
Calculé
pour 100. pour C10 IP2o.
C 76,0(5 75, g'l.
II
..................... 13.96 I3,92
La phényluréthane de cet alcool cristallise au sein de
l'éther de pétrole, dans lequel elle est soluble à chaud,
en fines aiguilles fondant à 94°-95°.
Analyse. — Substance, og,13g6; C02 = 0g,3759 ; H20 = 0g,1218.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CI' 1111 XO*.
G 73,44 73,64
il ...................... 9,67 9,75
Monoéthylpinacoline ou diméthyl-2.2-hexanone-3

Nous venons de voir le mécanisme de la méthylation


de la pinacoline. L'éthylation de cette cétone se fait
absolument dans les mêmes conditions et les rende-
ments sont également quantitatifs, sans produits de
queue.
La pinacoline (1mol), dissoute dans de l'éther anhydre,
est sodée, de la façon habituelle, par une molécule d'ami-
dure et, après dissolution de NH2Na et départ de l'ammo-
niaque, on ajoute une molécule d'iodure ou de bromure
d'éthyle.
La réaction est moins vive qu'avec l'iodure de mé-
thyle, surtout quand on emploie l'éther bromhydrique.
On termine l'opération en chauffant le mélange, dans un
appareil à reflux, pendant une dizaine d'heures, et l'on
isole les produits formés, à la manière habituelle.
Après une série de fractionnements, on réussit à isoler :
1° Une portion de tête passant de 105° à 146°;
2° Une fraction importante distillant à 146°-148°;
3° Une fraction passant de i48° à 174°;
40 Une portion notable distillant entre 1740 et 176°.

On n'obtient pas de produit de queue ni de goudron.


La fraction 105°-146°, éthylée une seconde fois, fournit
un liquide passant de 145° à 176°, qu'on arrive à scinder
de nouveau en une partie distillant de 1460 à 1480 et en
une portion passant de 1740 à 176°, avec une fraction
intermédiaire 148°-174°.
Cette dernière, ajoutée à la portion primitive passant
de i48 à 174, éthylée encore une fois, donne finalement
un liquide passant intégralement entre 174 et 176.
En résumé, on voit qu'en opérant judicieusement et
avec méthode, on réussit à transformer la totalité de la
pinacoline en les deux dérivés de points d'ébullition
146-148 et 174-176.
La fraction 146-148 est constituée par de la mono-
éthylpinacoline. C'est un liquide mobile, à odeur camphrée
un peu plus fraîche que celle de l'hexaméthylacétone.
Sa réfraction moléculaire, prise à la température de 250
= 0:81 o55), ainsi que sa composition, révélée par
l'analyse, montrent bien qu'il correspond à la for-
mule Cs H16 0.

Réfraction moléculaire.
Indice
de
réfraction.
——— Réfraction

spécifique. moléculaire.
-
calculée. Différence.
a. 1,40740 o,3o395 38,91 38,89 -ro,o?
D. 1,40952 o,3o534 39,08 39, Il —o,o3
p. 1,41465 0,30870 39,51
y. 1,41888 o,31146 39,87 39,87 --0,00
Dispersion y—a : trouvé 0,96 calculé 0,97 -0,01

» II. — ;
Analyse I.— Subst., 0^,2576; C02 = og,7062; H20 = 0^2918.
Subst., 0g,2102 GO2 = og,5783 ;
1120 = og, 2374.
Trouvé pour 100.
Calculé
I. II. pour CsH160.
75,03 75,00
G
II
.............. 74,77
12,58 12,55 12,50

Oxime H'7 NO. — En milieu hydroalcoolique, le


C8
chlorhydrate d'hydroxylamine, même en l'absence d'alcali,
donne, après quelques heures d'ébullition, avec cette cétone
Une oxime qui, par refroidissement de sa solution alcoo-
lique, se dépose
sous la forme d'aiguilles fusibles à 760_770.
Analyse. — Subst., ;
og, 1653 CO2 =0g,4075
Trouvé
; H20 = 0g,1772.
Calculé
pour 100. pour CRHI' KO.
C
..................... 67.23 67,13
H
..................... 11 191 11, 8o

Diméthyl-2. 9 -hexanol-3

Cet alcool, préparé dans les mêmes conditions que ses


homologues, au moyen de l'alcool absolu, du sodium et
de l'éthylpinacoline, constitue un liquide moins fluide
que la cétone, possédant une odeur poivrée de bornéol
et bouillant à 155°-157° à la pression ordinaire.
Analyse. — Substance, 0g,1925 ; ; CO2 = 0g,5204 ; H2O = og,243o.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CH180.
G
H
.................. 73,73
14,01
73,85
t3,85
La phényluréthane de cet alcool fond à 70°-71°.
Analyse. — Substance, 0g, 1700 ; GO2 = os, 4490 H2 0 = os, 410.
:

Trouvé Calculé
pour 100. pour CI5HZ302N.
C 72,03 72,3
II .................. 9,22 9,2
Diéthylpinacoline ou diméthyl-2.2-éthyl-4-hexanone-3

La fraction 174-176 obtenue dans l'éthylation de la pina-


coline au sein de l'éther, n'est autre chose que la diéthyl-
pinacoline. Ce composé peut d'ailleurs s'obtenir en épui-
sant l'éthylation de la pinacoline en milieu éthérée. Deux
à trois opérations suffisent pour arriver à ce résultat.
La cétone pure constitue un liquide mobile, dont
l'odeur rappelle celle de la monoéthylpinacoline. Sa
réfraction moléculaire à 250, de même que l'analyse,
cadrent bien avec la formule C10H20O. D25 = 0,82521.
Réfraction

Indice. spécifique, moléculaire, calculée. Différence.


a... 1,42007 0,30669 47,84 48,04 —0,19
D... 1,42227 0,30810 48,06 48,3i -0,25
[3... 1,42738 0,3[13G 48,J7
j... 1,43173 0,31!¡1'A .Í9,00 ig,23 -0,23
:
Analyse. -
Dispersion y — 0( trouvé 1,16 calculé 1,19 —o,o3
Substance, 08,1788; C02 = Og,5028; H20 = 08,2099.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CIOH2°!J.
C
H
................... 76,73
t3,04
76,92
r»,82
Cette cétone ne se combine ni à l'hydroxylamine, ni
à la semicarbazide, quelles que soient les conditions dans
lesquelles on essaie de faire agir ces réactifs.
Réduite par l'alcool absolu et le sodium, elle donne
naissance au diméthyl-2.2-éthyl-4-hexanol-3, liquide pas-
sant à 1870 et possédant comme ses homologues infé-
rieurs une odeur de bornéol.
;
Analyse. — Substance, 0g,1630 CO2 = oe,4524; H20 = 0g,2031.
Trouvé Calculé
pour 100. pour 0°HnO.
C
H
................... 7,3169
13,84
75,94
13,92

La phényluréthane de cet alcool cristallise avec une


demi-molécule d'eau qu'elle ne perd pas dans le vide.
Elle fond à 107°.

Analyses.
I. Substance, og, 1334 ; CO2 = og, 3495 ; H20= og,
1185.
H. » og, 1515 ; CO2 = o6, 3961 ; Jl20 = 0g,1324.

Trouvé pour 100. Calculé


polii,
I. Il. CI'H2'N02+ü,5 H20.
C
............ 71,2 71,3G 71,33
H 9,83 9,71 9,78

T riéthylpinacoline ou diméthyl-2.9-diéthyl-4.4-hexanone-3.

Pas plus que la diméthylpinacoline, la diéthylpinacoline


ne se combine au sodium quand on la traite, en milieu
éthéré, par l'amidure ;de sodium. Pour obtenir un dérivé
sodé il faut opérer au sein du benzène ou mieux, en milieu
toluénique. Dans ce dernier cas, la réaction du bromure
ou de l'iodure d'éthyle sur la cétone sodée est plus com-
plète, tout en durant encore une dizaine d'heures. Quand
elle n'est pas totale, il suffit d'ailleurs de reprendre la
,
portion de diéthylpinacoline restée intacte et de la sou-
mettre à une nouvelle éthylation.
On isole le produit cherché par les procédés habituels.
La triéthylpinacoline constitue un liquide mobile, à
odeur fraîche et camphrée qui bout à 214°-216°. Elle ne
fournit ni oxime, ni semicarbazone.
Analyse. — Substance, og,i628; C02 = og,4662; H20 = og,i835.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CI2H24O.
C 78,08 78,3
il ................... 12,9) 13, 00
Réduite par le sodium au sein de l'alcool absolu, elle
est convertie en diméthyl-2.2-diéthyl-4.4-hexanol-3

liquide épais bouillant à 226°-2280.


Analyse.— Substance, og,1870; C02 = og,528o; H2 0 = 0g,2365.
Trouvé Calculé
pour 100. pour Cl2H260.
G
H
................... 77,03
14, o3
77,4I
13,97

Sa phényluréthane fond à 110°.

Analyse.— Substance, 0g,1288; C02 = os,3535; H2O=0g, 1181.


Dosage de l'azote : substance, 0g, 564 ; N = 6cm3 35. II = 765mm ;
1

t°= 18°, 5.
Trouvé. Calculé
pour 100. pour C19H31N02.
G 74,8» 74,78
H 10, 20 FO, iG
N 4,78 4,59

Méthyléthylpinacoline ou triméthyl-2.2.4-hexanone-3

Cet isomère de l'hexaméthylacétone a été préparé


par méthylation de l'éthylpinacoline au sein de l'éther
en suivant le processus habituel. On recueille un produit
qui passe, sans arrêt bien marqué, de 1480 à i56°, et qui
est constitué par un mélange d'éthylpinacoline primitive
et de méthyléthylpinacoline.
Comme, avec les quantités mises en traitement, il était
pour ainsi dire impossible de séparer les deux dérivés par
distillation, nous avons traité le mélange par du chlorhy-
drate d'hydroxylamine en solution dans l'alcool. Dans
ces conditions, seule l'éthylpinacoline fournit une oxime,
à la condition qu'on chauffe le liquide pendant une jour-
née. On verse ensuite dans l'eau et l'on extrait à l'éther.
Par évaporation de ce dissolvant la majeure partie de
l'oxime se dépose sous la forme d'aiguilles fondant à
76°-77°. On essore les cristaux, et les eaux mères sont
distillées. Le liquide, qui passe de 150° à 160°, est dissous
dans l'éther de pétrole et additionné d'isocyanate de phé-
nyle. Au bout de deux jours l'oxime, retenue par la mé-
thyléthylpinacoline, est transformée en carbanilidoxime.
On chasse alors l'éther de pétrole et le résidu est distillé
au bain-marie, sous pression réduite, et recueilli dans un
récipient bien refroidi.
Il reste au fond du ballon une poudre blanche de carba-
nilidoxime, tandis que le liquide est constitué par de la
méthyléthylpinacoline mélangée d'isocyanate de phényle.
On le traite par l'eau, pour transformer ce dernier en
diphénylurée, et le tout est repris par de l'éther qui ne
dissout que la pinacoline substituée. Après avoir chassé
l'éther, on rectifie le résidu qui passe en entier à 155°-156°.
La triméthyl-2.2.4-hexanone-3 ainsi obtenue constitue
un liquide mobile dont le point d'ébullition i55°-i56° est
supérieur à celui de son isomère, l'hexaméthylacétone,
qui est à 1510.
Analyse.- Substance, o8,2134 ; GO2 = og,5944 ; H20 = 0g,2445.
Trouvé. Calculé
pour 100. pour CIOH20O.
G 75,97 76,05
II
................... 12,73 12,67
Comme nous l'avons fait remarquer, cette cétone ne
se combine pas à l'hydroxylamine dans les conditions
où nous avons fait l'essai.
Triméthyl-2.2.4-hexanol-3

Obtenu par réduction de la cétone par du sodium et de


l'alcool absolu, ce carbinol se présente sous la forme d'un
liquide bouillant à 1690 et ne cristallisant pas.
Analyse.— Substance, 0g,1829 ; C02 = os,5oi4; H20 = og,2320-
Trouvé Calculé
pour 100. pour CIO(F20.
G
H
................... 74 77
14,09
>
75 ,00
13,89
La phényluréthane de cet alcool fond à 78°, tandis que
celle de son isomère, l'alcool hexaméthylisopropylique,
fond à 1 8o-i Igo.
Analyse.— Substance, og. 1870; C02 = og,5o27; HsO = 0g,1625.
Trouvé. Calculé
pour 100. pour CI6lpÓ1\01.
C 73,31 73,o4
H.... 9,65 9,56
Isopropylpinacoline ou triméthyl-2.2.5-hexanone-3

Ce second isomère de l'hexaméthylacétone a été obtenu


dans les conditions habituelles, au sein du benzène. Sa
préparation n'a rien présenté de particulier.
Nef (1) avait déjà tenté de produire cette cétone en
faisant agir l'iodure d'isopropyle sur la pinacoline en
présence de potasse, mais il était arrivé au but avec un
rendement tellement faible qu'il n'a guère pu étudier le
composé obtenu.

(1) Ann. Liebig, t. 318, p. 1H7.


Dans notre réaction il s'est formé, comme toujours,
un mélange de dérivés mono, bi et trisubstitués qu'on
n'a pas tous isolés. La distillation méthodique a en effet
fourni :
1° De 100° à 110°, sous pression ordinaire, de la pina-
coline inaltérée ;
20 De 150° à 1600, environ la moitié du produit de la
réaction.
30 De 2050 à 215°, encore une certaine quantité de
matière;
4° De 2300 à 240°, quelques gouttes de liquide.
Nous nous sommes attachés à bien caractériser la
deuxième portion que nous avons soumise à un second
fractionnement.
En partant de 20g de pinacoline, nous avons pu
recueillir environ une dizaine de grammes d'un liquide
à odeur agréable, passant à 157°,5-158°,5 et formé d'iso-
propylpinacoline.
Analyse.- Substance, o«,i866; C02 = og,52o5; H2O = 0^,2107.
Trouvé Calculé
pour 100. pour C9H180.
C 75,98 76,03
H
................ 12,54 12,67

Oxime (CIP)3. C.C.CH2 — CH(CH3)2.— Obtenue en


II

NOH
milieu alcoolique avec du chlorhydrate d'hydroxylamine
et de l'oxyde de zinc, cette oxime fond à 770-780 (').
Elle est très, soluble dans l'éther et l'éther de pétrole
ainsi que dans l'alcool.

(1) Nef indique, comme point de fusion de l'oxime qu'il a obtenue,


66°-70°. Il avait probablement affaire à une oxime impure. Un mélange
d'oxime de la pinacoline ( F. 76, ) et de notre oxime fond vers 65*. (Ann.
Liebig, t. 318, p. 167).
Analyse.— Substance, 0g,2043 ; G02 = 0g,5150; H2 O = Og,2223.
Trouvé Calculé
pour 100. pour C91I19NO.
C 68,69 68,78
II
................ 1'25°9 1'2,10
ALLYLPINACOLINES. - Alors que l'iodure d'allyle ne
donne avec l'acétophénone sodée que des produits résineux
provenant de condensations complexes, il réagit norma-
lement sur de la pinacoline sodée en donnant des allyl-
pinacolines.
On sode la pinacoline au sein de l'éther anhydre et,
après départ de l'ammoniaque, on fait couler lentement,
dans le ballon préalablement refroidi, la quantité molé-
culaire d'iodure d'allyle. La réaction est vive et l'iodure
de sodium se dépose au bout de peu d'instants. On chauffe
encore pendant 1 heure et l'on décompose par l'eau. La
solution surnageante est lavée avec un peu d'hyposul-
fite de soude, puis avec de l'eau et finalement distillée à
la pression ordinaire.
Il passe d'abord de la pinacoline inaltérée, puis le ther-
momètre monte rapidement. A ce moment on poursuit
la distillation sous pression réduite.

;
Une première portion (~) passe de 610 à 640 sous
14mm on recueille ensuite un autre tiers, entre 83°-86°,
sous la même pression. Il ne reste pas de résidu dans le
ballon à fractionnement.
La première fraction est constituée par de la monoallyl-
pinacoline ou diméthyl-2.2-heptène-6-one-3.C'est un liquide
mobile à odeur assez agréable, mais conservant toujours un
peu celle de l'iodure d'allyle. Il décolore l'eau de brome.
Analyse. — Substance, 0g,1300 ; CO2
Trouvé
= og, 3693; H20 = og, i362.
Calculé
pour 100. pour C9H16o.
C
H
................ 77, t l
11,64
77,10
11,43
La seconde fraction, qui bout à 83°-86°, est consti-
tuée par de la diallylpinacoline ou diméthyl-2.2-allyl-4-
heptène-6-one-3

C'est un liquide moins mobile que le précédent et pos-


sédant une odeur moins intense. Il décolore également
l'eau de brome.

Analyse. - Substance, os, 1297; C02 = og,3793; H20 = 0g,1737.


Trouvé
pour 100. Calculé.
C
H
................ 79)76
1 [1 19
80,00
11,10

Benzyldiéthylpinacoline ou diméthyl-2.2.-éthyl-4 ben-


zyle-4-hexanone-3

Cette cétone, qui appartient encore au type des hexa-


alcoylacétones, se prépare facilement en faisant bouillir
la diéthylpinaeoline, sodée au moyen de l'amidure, en
milieu toluénique, avec la quantité théorique de chlorure
de benzyle. Au bout de 2 à 3 heures on décompose par-
de l'eau, on décante, on lave et l'on distille. La majeure
partie du produit passe à 152-154, sous 15mm, et est
constituée par une huile qui, à l'analyse, donne des
nombres correspondant au produit cherché.
Analyses. — Substance, os, 1701 ; C02 = os,5176 ; H2 0 = 01;, 1627.
Trouvé. Calculé,
pour 100. pour CnH-Gf).
C 8 ,98 82,93
10,62
H
......... 10,57
Comme toutes les hexaalcoylacétones, la benzyldi-
éthylpinacoline n'est pas susceptible de se combiner à
i'hydroxylamine ni à la semicarbazide.
Toutes les cétones que nous venons d'étudier ont une
origine commune qui est la pinacoline. Ainsi que nous
l'avons fait remarquer au début de notre Mémoire, ce
composé, en raison de sa structure, peut être assimilé à
l'acétophénone. Son alcoylation a, en effet, pu être réalisée
comme celle de la méthylphénylcétone, et les dérivés
obtenus, tout en marquant des différences notables vis-
à-vis de certains réactifs, ont quelques ressemblances avec
ceux préparés avec l'acétophénone.
Les recherches qui suivent ont pour but de montrer
que des cétones normales, ne renfermant pas d'atomes
de carbone tertiaire unis au groupement CO, se prêtent
également à l'alcoylation et qu'on peut ainsi obtenir des
dérivés mono, bi, tri et tétraalcoylés, la substitution
atteignant les atomes de carbone secondaire situés des
deux côtés de la fonction cétone.
L'un de nous a montré depuis longtemps (') qu'il en
est également ainsi des cétones cycliques, comme la
^-méthylcyclohexanone, qui, toujours dans les mêmes
conditions expérimentales, est susceptible de fournir un
dérivé tétrasubstitué, terme ultime de l'alcoylation qui a
pour formule

(1) A. HALLER, C. R. Acad. Se., t. CXXVII, igo5, p. 127.


A la fin de notre Mémoire (1) sur les trialcoylacéto-
phénones, nous avons également fait voir que la dibenzyl-
acétone symétrique C6H6.CH2.CH2.CO.CH2.CH2C5H5se
comporte comme la (3-méthylcyclohexanone et donne nais-
sance à un dérivé tétra substitué

dans lequel les radicaux introduits remplacent les quatre


atomes d'hydrogène liés aux deux atomes de carbone
en relation immédiate avec le groupement cétonique.
Pour effectuer ces. recherches nous nous sommes
adressés à la diéthylcétone CH3. CH3. CO. CH2 CH3.

Méthylation de la diéthylcétone. - La diéthylcétone


réagit très énergiquement sur l'amidure de sodium en
donnant lieu à un vif dégagement d'ammoniaque.
Aussi, pour préparer le dérivé sodé, faut-il avoir soin
de verser progressivement la cétone, au moyen d'un
entonnoir à robinet, dans de l'éther anhydre tenant en
suspension de l'amidure finement pulvérisé. Quand le
dégagement d'ammoniaque est terminé, on ajoute l'io-
dure de méthyle. Le dépôt d'iodure est immédiat. Après
1 heure d'ébullition on introduit dans le ballon, par
petites portions, une nouvelle molécule d'amidure. La
réaction est encore très vive et, lorsqu'elle touche à sa
fin et que tout l'ammoniaque est éliminé, on additionne
la solution d'une seconde molécule d'iodure.
Le tout est chauffé à l'ébullition pendant i à 2 heures
-et, après refroidissement, décomposé par l'eau.
On termine l'opération de la façon habituelle.

de
(1 ) A. HALLERetED. BAUER, Ann. Chim. et de Phys., 8, série,
t. XXVIII, 1913, p. 373.
Le fractionnement des cétones obtenues est assez
laborieux.
On isole successivement une fraction passant de n5°
à 119°, une autre distillant de 119° à 1230, une troisième
à
assez importante de 1230 124°,5. Le thermomètre monte
ensuite assez rapidement à i5o° sans qu'on puisse isoler
de fraction semblant correspondre à un produit pur.
On continue alors la distillation dans le vide de Ismm
et l'on remarque que le thermomètre monte assez rapide-
ment à 1450, température à laquelle commence à passer
un produit qui distille jusqu'à i55°. Il ne reste qu'un
faible résidu goudronneux dans le ballon.
La fraction 115-119, redistillée, est constituée par de
l' éthylisopropylcétone ou méthyl-2-butanone-3

presque pure. Une analyse faite avec ce produit a donné


les nombres suivants :
Analyse.— Substance, og, 1932; CO2 = oK,6og5; H20 = 0^,2079.
Trouvé Calculé
pour 100. pour C6H120.
G 71,89 72,00
H
................ u,95 12,00
La fraction 123-124,5 qui est de beaucoup la plus im-
portante est formée par la diisopropylcétone ou dimé-
-
thyl-2.4 butanone-3

comme le témoigne l'analyse ci-après :


Analyse.— Substance, og,i5o8; C02=o8,4o66; H20 = 0g,1685.
Trouvé Calculé
pour 100. pour CH'-'O.
C 73,54 73,68
H
................ 12,41 12,28
Cette cétone avait d'ailleurs déjà été obtenue par
d'autres voies, par Poletayew (1), par Nef (2) et par
Senderens (3).
La semicarbazone, préparée par l'action de la semicar-
bazide sur une solution acétique de la cétone, fond à
143°-144°. Elle est assez soluble dans l'alcool bouillant,
d'où elle cristallise en lamelles, par refroidissement. Elle est
moins soluble dans l'éther et peu dans l'éther de pétrole.
; ;
Analyse.- Substance, 0g,1530 C02 = 0g,3136 112 0 = OS, t36o.
Calculé
Trouvé
pour 100. pour C8Hl'NO.
C
................ 55,89 56,14
H
................ 9,87 9,94
La portion 119°-123°, intermédiaire entre l'isopropyl-
éthylcétone et la diisopropylcétone ne peut être consti-
tuée que par un mélange de ces deux cétones. Des essais
tentés pour les séparer par l'intermédiaire de leurs semi-
carbazones n'ont pas donné de résultats appréciables.
Enfin la fraction bouillant à 148°-152° sous 18mm, grâce
a son point d'ébullition très élevée, ne semble pas être
Un simple homologue des autres cétones formées dans la
même réaction, et paraît plutôt pouvoir être envisagée
comme une isophorone de la diéthylcétone. A l'analyse
elle a donné les chiffres suivants :
Analyse. — Substance, 0g,1571 ; C02 = og,467o;
Trouvé
112 0 = 0g,1682.
Calculé
pour 100. pour C151p60.
C
II
................ 81,08
11190
81,08
11,73
Le corps décolore le brome, mais ne se combine pas à
1 hydroxylamine. On pourrait le considérer comme un
(') Deut. ehem. Ges., t. XXIV, p. dog.
POLETAYEW,
(2) NEF, Annalen der Chemie, t. CCCX, p. 32j.
(3) SENDERENS, C. R. Acad. SC., t. CXLVII1, p. 929.
produit de condensation de la diéthylcétone sur elle-
même et lui attribuer la formule d'une diméthyl-4.6-dié-
thyl-3.7 -nonadiène-3.6-one-5

La diisopropylcétone que nous venons de décrire nous


a servi pour préparer d'autres cétones, notamment la
monoéthyldiisopropylcétone, isomère de l'hexaméthylacé-
tone et la diéthyldiisopropylcétone.

Monoéthyldiisopropylcétoneou triméthyl-2.4.4-hexanone-3

Pour préparer cette cétone nous nous sommes servis


d'une diisopropylcétone pure, isolée de sa semicarbazone,
sur laquelle nous avons fait réagir le poids théorique
d'amidure de sodium au sein de l'éther anhydre. Après
dégagement de l'ammoniaque, nous avons ajoutél'iodure
de méthyle et avons chauffé le mélange pendant 2 à
3 heures.
A la suite du traitement habituel, on arrive à séparer
une notable quantité (289 sur 35g de disopropylcétone
employée) d'un liquide passant de i58°à 1610 qui possède
la composition du corps cherché.

Analyse.- Substance, og, 1659; CO2

Trouvé
;
v

= 0g,4617 H20 = 0g,1918.


Calculé
pour 100. pour C°l}l80.
C
H
................ 75,86
l'l,70
7(j,05
12,67

Remarquons que le point d'ébullition de cette cétone


est encore plus élevé que celui de l'hexaméthylacétone
(1 51°) et dépasse également de quelques degrés celui de la
méthyléthylpinacoline (155°-156°), autre isomère de la
même hexaméthylacétone.
La triméthyl-2.4.4-hexanone-3 ne se combine ni à
l'hydroxylamine ni à la semicarbazide.
Réduite au sein de l'alcool absolu par du sodium, elle
donne le triméthyl-2.4.4-hexanol-3

alcool qui se présente sous la forme d'un liquide peu


Mobile, bouillant de 1700 à 1710 et possédant une odeur
de bornéol moins piquante que celle de son isomère
l alcool hexaméthylisopropylique.

Analyse.— Substance, og,igi2; C02 = og,5245; H20 = og,2398.


Trouvé Calculé
pour 100. pour C9H:oO.
C
H
................ 74 ,81
13,93
75,00
i3,88
La phényluréthane fond à 64° et est très soluble dans
l'éther de pétrole, ainsi que dans l'alcool et l'éther.
Analyse.— Substance, og,1334; C02 = og,55oo; H20 = og, 1145.
Trouvé Calculé
pour 100. pour C16H25N02.
C
H
................. 72,57
9,57
73,00
9,5
Diéthyldiisopropylcétone ou tétraméthyl-3. 3.5.5-hepta-
none-4

Cette cétone prend naissance en faisant agir l'iodure


d'éthyle sur l'éthyldiisopropylcétone sodée en milieu
benzénique. En fractionnant le produit de la réaction, on
réussit à isoler une portion importante passant entre
Ig6° et Ig8° et qui est constituée par la cétone cherchée.
Le liquide qui distille avant cette température peut
être sodé et traité une seconde fois par l'iodure d'éthyle.
On obtient ainsi une seconde portion du dérivé hexa-
substitué de l'acétone.
La tétraméthyl-3.3.5.5-heptanone-4 est un liquide mo-
bile à odeur camphrée assez agréable, ne donnant ni
oxime ni semicarbazone, comme toutes les hexalcoyl-
acétones.
Analyse. — Substance, os, i554 ; GO2 = og,44i4 ; H2 O == og, 1809.
Trouvé Calculé
pour 100. pour Cl1H22O.
c ................. 77,40 77,64
H 12,93 12,94

Réduite en milieu alcool absolu au moyen du sodium,


elle est convertie en alcool tétraméthyldiéthylisopropylique
ou tétraméthyl-3.3.5.5-heptanol-4

C'est un liquide, moins mobile que la cétone dont il


dérive, possédant toujours l'odeur de bornéol, caracté-
ristique à cette classe d'alcools, et distillant à 210°-212°.
Analyse. - Substance, og, 1625;
Trouvé
C02 = og,45GI; H2O = 0g,2047.
Calculé
pour 100. pOlirC1lH24o.
C
H
................ 76,55
14 ,oo
76,74
13 ,95

Sa phényluréthane, cristallisée dans l'éther de pétrole,


fond à 62°-63°. Elle est beaucoup moins soluble dans ce
dissolvant que la phényluréthane de l'alcool précédent,
qui fond à peu près à la même température (64°).
Analyse. — Substance, 0g,2000 ; GO2 = 0g,541 8 ; H20 = og, 1800.
Trouvé Calcule
pour 100. pour CI8H29N02.
G
H
................ 73,88
10,00
74322
9,96
Dérivés méthylés de l'isovalérone
(CI13)2.CH.CII2.CO.CH2.CH (CH3)2.
L'isovalérone qui a servi à nos recherches nous a été
gracieusement offerte par M. Senderens. Ce savant l'a
obtenue en faisant passer des vapeurs d'acide isovalé-
rique sur de la zircone ou de la thorine chauffée à 4200 (' ).
Le produit mis à notre disposition distillait à 162°164°
à la pression ordinaire.
La méthylation a été faite au sein du benzène en par-
tant de 70s. de cétone étendue de 350g. de dissolvant.
L'addition de 10g d'amidure de sodium ne détermi-
nant, à froid, qu'un faible dégagement d'ammoniaque,
on a dû chauffer la solution, pendant 1 heure et demie à
2 heures, pour amener la décomposition des de l'amidure. t
Au moment où il ne se dégage plus rien, on laisse refroidir
la solution qui a pris une teinte brunâtre et on l'additionne
peu à peu d'un peu plus de la quantité théorique d'iodure
de méthyle (Sog). La réaction est vive et l'iodure de
sodium se dépose presque immédiatement. On l'achève en
chauffant encore 1 heure 3o minutes, puis on verse le
tout dans l'eau. Après avoir lavé et séché la solution, on
élimine le benzène et l'on soumet le liquide restant à la
distillation. On recueille un produit passant, en majeure
partie, de 1600 à 2050. Il ne reste qu'un faible résidu
goudronneux au fond du ballon.

(') SENDERENS, Alln. de Chim. et de Phys., t. XXVII, p. 243.


Sans nous arrêter à isoler les différents produits de
méthylation ainsi obtenus, nous avons soumis le liquide
brut à un nouveau traitement à l'amidure de sodium et
l'iodure de méthyle, au sein du benzène anhydre, et avons
recueilli une portion passant de 1700 à 21 0° à la pression
ordinaire. De cette portion nous avons distrait celle qui
distille de 1700 à 1900 et l'avons méthylée une troisième
fois dans les mêmes conditions. Elle a fourni un liquide
passant de 1900 à 200°.
Les produits provenant de tous ces traitements ont
été réunis et soumis finalement à un fractionnement
méthodique sous une pression de 13mm.
Diméthylisovalérone symétrique ou diméthyldiisopro-
pylacétone sym. ou 2.3.5.6-tétraméthylheptanone-4

La partie, qui passe de 760 à 780 sous cette pression


constitue un liquide mobile, possède une odeur légère-
ment camphrée; elle répond à la formule C11 H22 0,
comme le montre les résultats de l'analyse.

Trouvé
;
Analyse.— Substance, og,igo3; CO2=0g,5436 H20 = Og,2233.
Calculé
pour 100. pour CHH220.
C
Il
..............., 77,9°
13,04
77,65
12,94
Comme l'expérience a prouvé que les méthylations
se font toujours symétriquement, nous nous trouvons
donc en présence de la 2.3.5.6-tétraméthylheptanone-4

Chauffé pendant 10 heures avec le chlorure de zinc


hydroxylamine, ce composé nous a donné, à la distilla-
tion, un liquide passant sensiblement au même point que
la cétone primitive; les dernières portions passaient
légèrement plus haut, mais n'ont pas cristallisé. Traitées
par l'isocyanate de phényle, elles ont fourni des cristaux
en quantité insuffisante pour pouvoir être analysés.
Il est donc probable que l'oxime se forme, mais assez
laborieusement.
Triméthylisovalérone ou triméthyldiisopropylacétone
ou 2.3.3.5.6-pentaméthylheptanone-4

Ce composé constitue la fraction distillant à 88°-89°


sous 13mm. L'analyse a en effet donné des nombres qui
conduisent à la formule C12H24 0.
Analyse.-Substance, 0g,1510; ;
CO2 = 0g,4314 H2O = 0g,1753.
Calculé
Trouvé
pour 100. pour C1211240.
G ;7,91 78,26
H
................ 12,9 13,05
C'est un liquide mobile, à odeur camphrée assez péné-
trante. Il ne fournit pas trace d'oxime quand on le chauffe
en solution alcoolique avec le réactif de Crismer.
L'amidure de sodium est sans action sur lui quand on
chauffe le mélange en milieu benzénique.

Tétraméthylisovalérone ou tétraméthyldiisopropylacétone
sym. ou 2.3.3.5.5.6-hexaméthylheptanone-4

Pour introduire le quatrième méthyle dans la trimé-


thylisovalérone, on est contraint d'opérer au sein du
toluène. En ajoutant la quantité moléculaire d'amidure
de sodium à cette cétone triméthylée, on constate, pen-
dant l'ébullition du carbure, un dégagement d'ammoniaque
correspondant aux f du poids qui devrait être éliminé.
On laisse refroidir le ballon, après avoir chauffé 2 heures
3o minutes, puis on introduit l'iodure de méthyle en
léger excès. (On a employé i5s de triméthylvalérone,
3g,3 d'amidure, 15g d'iodure de méthyle et 50g de toluène.)
Après plusieurs fractionnements on arrive finalement
à isoler 7g d'un produit qui passe à 107°-109° sous 14mm.
L'analyse assigne à ce composé la formule C13H26O,
qui répond bien à la tétraméthylisovalérone cherchée.
Analyse.—Substance, og, 1
:)3o; CO2 = og,4412; H2 O = 0g,1804.
Trouvé Calculé
pour 100. pour C13H260.
G 78,65 78,78
Il ................ 13,1 o 13,13

Liquide mobile, très volatil, à odeur pénétrante et


qui ne se combine ni à l'hydroxylamine, ni à la semi-
carbazide. Chauffé, au sein du toluène ou du xylène
bouillant, avec de l'amidure de sodium il ne donne pas
de dégagement d'ammoniaque et ne subit aucune rupture.
Après élimination des carbures, on le retrouve en effet
intact et avec toutes ses propriétés.
Il se comporte donc à l'égard de l'amidure de sodium
comme l'hexaéthylacétone de M. Zerner.
Alcool tétraméthyldiisopropylisopropylique sym. ou
2.3.3.55.6- hexaméthy lheptano l-4

La réduction a été faite par le sodium et l'alcool absolu


de la façon habituelle,
en employant le métal en quantité
triple de celle que la théorie exige.
Après dissolution dans l'eau, extraction à l'éther et dis-
tillation, on obtient d'abord quelques gouttes d'un liquide
mobile, à odeur de carbure non saturé et décolorant le
brome, puis un produit qui passe de 1150 à 1170 sous 13mm.
L'analyse assigne à ce produit la formule C13H28O qui
est bien celle de l'alcool qu'on avait l'intention de pré-
parer.
Analyse. — Substance, og, 1780; CO2 = 0g,5100 ; H2O = 0g,2269.
Trouvé Calculé
pour 100. pour C13H280.
C
..................
78,14 78,00
H
................ 14,16 14,00

L'hexaméthylheptanol constitue un liquide épais à


odeur de bornéol.
Traité par de l'isocyanate de phényle en solution dans
l'éther de pétrole il donne, au bout de 24 heures, un dépôt
cristallin qui, purifié par une nouvelle cristallisation au
sein de l'éther de pétrole, se présente sous la forme d'ai-
guilles fondant à 91°-92°.

Analyse. - Substance, Qs, 1660; CO2 = os,457o; H20 = og,1565


Trouvé Calculé
pour 100. pour CI' 1113N02.
G
................ 75,08 ,
75 2-
H 10,47 io,3

Les résultats montrent que l'on est bien en présence


de la phényluréthane de l'hexaméthylheptanol
CONCLUSIONS.

Des recherches qui font l'objet de ce Mémoire on peut


tirer les conclusions suivantes :
1° A partir de la pentanone-3, toutes les cétones alipha-
tiques saturées renfermant, dans le voisinage immédiat
du groupement fonctionnel CO, un ou deux restes, CH2
ou CHR, sont susceptibles d'être sodées par l'amidure et,
par suite, de fournir des produits de substitution alcoylés,
quand on traite le dérivé métallique par des iodures ou
des bromures alcooliques.
2° La substitution des radicaux hydrocarbonés est
progressive et s'arrête au terme ultime d'alcoylation qui
est celui des hexaalcoylacétones symétriques ou non symé-
triques
R2RI R.C.CO.CR.Ri R2, R2 R, RC.CO.GR3R4 R5.
30 Suivant le degré de substitution auquel on désire
s'arrêter, on effectue l'opération au sein de l'éther anhydre
ou au sein des carbures benzéniques.
Quand on opère en milieu éthéré, la substitution
s'arrête généralement au troisième stade, c'est-à-dire
aux composés
R2RI R.C.COCH.R3R4.

L'introduction dans la molécule, du quatrième radical,


nécessite, suivant la lourdeur de l'iodure alcoolique,
l'emploi des milieux benzénique, toluique ou xylénique
qui seuls favorisent la formation préalable du dérivé
sodé.
40 Dans toutes les substitutions auxquelles la pina-
coline a été soumise, cette cétone s'est comportée comme
l'acétophénone. On peut même ajouter que ses apti-
tudes réactionnelles sont plus étendues, puisqu'elle se
prête à la préparation des dérivés allylés, alors que l'acé-
tophénone ne se laisse pas allyler directement.
50 Les hexaalcoylacétones se refusent à réagir avec l'hy-
droxylamine, la semicarbazide et la phénylhydrazine et
de toutes les pentaalcoylacétones, seule la pentaméthyl-
acétone se combine à ces réactifs.
Ces combinaisons sont cependant des cétones saturées,
car elles possèdent le pouvoir réfringent moléculaire théo-
rique et sont facilement transformées en alcools secon-
daires.
Dans le Tableau suivant nous voyons en effet que ces
cétones, qu'elles soient des pinacolines mono, bi ou tri-
substituées, possèdent une réfraction et une dispersion
normales, les nombres trouvés, comparés aux nombres
calculés, différant fort peu.
Diméthylpinacoline AdC1)- %Y-a(').
(CH3)3 == C.CO.CH = (CH3)2 -0,15 0,02
Monoéthylpinacoline
(CH3)3= C.CO.C112 — C112 — C 1 13.... —o,o3 0,01
i
Diéthylpinacol ne
(CII3) æ: C.COCH = (CMI*)2 +0,25 0,03
T méthylpinacoline
.........
(CH3) = C.COC = (CH3)3
............ -0,16 0,02
6° Quelques-unes des cétones étudiées confirment,
quant à leurs points d'ébullition, les règles déjà observées
dans d'autres séries.
On sait en effet, depuis longtemps, qu'à fonction et à
poids moléculaire égaux, les combinaisons les plus rami-
fiées sont celles dont le point d'ébullition est le moins
élevé.
Le Tableau suivant, dans lequel nous avons relevé les

(1) Héfraction moléculaire calculée pour la raie D — réfraction molé-


culaire trouvée.
(2) Dispersion calculée — dispersion trouvée.
~
~
températures auxquelles bouillent quelques cétones iso-
mères en C9H18O, en est une preuve :

Cétones C9H180. P. E.
195°
CH3.CO.CH2.CH2.CH2.CH2—CH2— CH2— CH3 (1)..
~CH3.CH2.CO CH2 CH2.CH2 CH2.CH2.CH3 (2) 190
~CH3.CH2.CO.CH2.CH2CH2.CH~
(3) 183
/CIP
~CH3.CO.CH — CH2CH2CH2.CH2CH3 (*) 184

(®) 173-174

(6) 171-172
~^"33)>CH.GH2.GO.GH2-CII<(^3
C) .
164 166

G ~H3
~CH3"CH3/C -CO.CH2-CH"CH:I/CIP
(8) 158-159
CH3
CH3 - ~CH3-^C-GO.CH(^
CH2
; 158-159
XCI1 (1)
~CIf3
CIf3 /CH3
~GIP^C.CO.GH
— CJf2CIP (9)
155-136
CH3
CH3 CH3
~CH3-^C. CO.C^-CIl3 (9)
CH3 XiH3
............................ 150-151

(1) J. of chem. Soc., t. LXXXI, p. 1588 ; Ber. d. ch. Ges.,


t. XXXVI , p. 25'17; Chem. Centr. B., t. I, 1901, p. 5a5 et 1006; t. 1,
1902, p. 250; t. II, 1902, p. 1357; t. II, 1903, p. 654.
(2) WAGNER, Journ. praktische Chem20 serie, t. \LI\, p. 267.
(3) WAGNER, Ibid., l. XXVIII, p. 277; J. pr. Ch., 2" série, p. 355.
(1) H. LEES, J. of chem. Soc., t. LXXXI, p. 1595; Chem. Cent.,
t. I, 1903, p. i5 et 132.
(5) BURTIN, Am. chem. J., t. III, p. 35o.
(6) BLAISE, C. R. Acad. SC., t. CXXXII, p. 478.
C) NEF, Ann. Chem. Phys., t. CCCXVIII, p. 67 et 169. — SEN-
1

DERENS, Ann. de Chim. et de Phys., 8" série, t. XXVII, p. 243.


(8) A, HALLER et ED. BAUER, présent Mémoire, p. 33o.
(9) A. HALLER et ED. BAUER, présent Mémoire, p. 318, 328 et 338.
Nous voyons en effet qu'il existe une différence de plus
de 400 entre le point d'ébullition des deux cétones
C9H18O, à chaînes normales et le point d'ébullition de la
pivalone ou hexaméthylacétone.
La tension de vapeur de ces différentes cétones doit
également suivre une règle analogue, car les cétones arbo-
rescentes sont extrêmement volatiles.
Cette volatilité est encore plus accentuée chez leur
produit de réduction, les alcools secondaires.
Nous continuerons ces recherches et donnerons dans un
prochain Mémoire la préparation des acides trialcoylacé-
tiques et de certains de leurs dérivés.

suit L'EXISTENCE D'UNE VISCOSITÉ SUPERFICIELLE, DANS LA


MINCE COUCIIE DE TRANSITION SÉPARANT UN LIQUIDE D'UN
AUTRE FLUIDE CONTIGU;

PAR M. J. BOUSSINESQ.

I. Tous les physiciens savent qu'au contact soit de


deux liquides, soit d'un liquide et d'un gaz, il existe une
mince couche séparative, dite superficielle, autrement
constituée suivant son épaisseur que -suivant les direc-
tions parallèles à son plan tangent, couche qui ne saurait,
par conséquent, être fluide, c'est-à-dire isotrope à l'état
d'équilibre, comme l'est la matière voisine. En effet,
toute particule fluide est caractérisée par la propriété de
refaire sans cesse son isotropie, sa parité de constitution
en tous sens, à mesure qu'on lui imprime du dehors des
mouvements visibles la déformant. Car une impercep-
tible évolution des groupes moléculaires les uns autour
des autres, causée par l'agitation calorifique (toujours
notable aux températures suffisantes pour produire la
fusion), y égalise plus ou moins vite les distances molé-
culaires moyennes autour de chaque point, à peu près,
sans doute, comme se tasse rapidement une masse de
sable, dans un vase soumis à des secousses multipliées.
Or il est clair que la même évolution aura lieu, dans
la couche de transition séparant les deux fluides, autant
que le comportera sa figure à deux dimensions sensibles,
susceptible d'être confondue, en chaque endroit, avec
celle d'un mince feuillet plan; et que, tout autour d'une
normale au feuillet, elle y égalisera les distances molé-
culaires moyennes suivant les sens tangeritiels, amenant
ainsi et reconstituant sans cesse une isotropie non pas
absolue, mais de révolution autour de la normale. Par
suite, de même que l'isotropie complète, à l'intérieur
de chaque particule fluide, y assure la normalité et l'éga-
lité des pressions sur tous les éléments plans qui s'y
croisent, de même aussi l'isotropie, autour de chaque nor-
male, de la couche superficielle, avec symétrie de celle-ci
de part et d'autre de la coupe qu'y fera tout plan très
petit mené suivant la même normale, entraînera la per-
pendicularité, à ce plan, des deux tensions égales et
opposées, /, exercées par unité de longueur sur les deux
étroites faces de la coupe, ainsi que leur égalité pour les
coupes normales orientées dans tous les azimuts. Donc,
ces tensions normales et égales j, tangentes à la couche
superficielle, ne dépendront que des deux variables
(densité et température) définissant l'état physique dans
le voisinage, à l'intérieur du liquide.

II. D'ailleurs, à température constante et aux pres-


sions modérées où la densité p du liquide intérieur reste
peu supérieure à ce qu'elle est dans le vide, les actions
individuelles de molécule à molécule, les unes, répulsives,
les autres, attractives, qui constituent la pression élas-
tique sur tout élément plan intérieur, et qui y sont à
peu près aussi nombreuses qu'à l'état solide où la densité
se trouve du même ordre, ne doivent varier avec p que de
très petites fractions de leurs valeurs dans le vide, à
l'exception peut-être des répulsions exercées aux plus
petites distances et très rapidement croissantes par de
minimes rapprochements; en sorte que la pression élas-
tique y est la somme algébrique, relativement presque
nulle, d'énormes répulsions et d'énormes attractions,
constituant séparément deux très fortes sommes de signes
contraires.
Effectivement, la densité naturelle, dans le vide, du
liquide (supposé non volatil, pour fixer les idées), se
règle d'elle-même, abstraction faite du poids des parti-
cules, de manière à laisser en équilibre les éléments des
feuillets superposés qui composent la couche superficielle
libre, c'est-à-dire par la condition de donner, près de cette
surface (censée peu courbe), une pression nulle sur tous
les éléments plans qui lui sont parallèles et, par suite,
nulle aussi, à l'intérieur, sur les éléments plans de toute
orientation.
Sur les éléments plans menés dans la couche superfi-
cielle parallèlement à ses faces, la densité prend donc les
valeurs p nécessaires pour y amener partout la neutra-
lisation ou exacte (dans le vide), ou approchée (aux
pressions ordinaires), des attractions et des répulsions
exercées à travers ces éléments. Or on a ainsi autant
d'équations que d'éléments plans parallèles à la surface,
ou que d'inconnues p correspondantes; ce qui doit déter-
miner celles-ci. Dès lors, rien n'est disposé (ni ne reste
disponible) dans les feuillets de la couche superficielle
libre ou, de même, des autres couches analogues de tran-
sition, pour produire une neutralisation ou une quasi-
neutralisation pareilles des attractions et des répulsions,
à travers les autres éléments plans de ces couches, notam-
ment à travers les coupes normales considérées ci-dessus,
ou de part et d'autre desquelles il y a très sensiblement
symétrie à la fois géométrique et physique des couches
superficielles en question.
Ainsi s'expliquent les énormes valeurs, par unité d'aire,
de la tension superficielle, qui est sensible, égale à f,
sur l'unité de longueur d'une coupe, malgré sa largeur
et sa surface extrêmement faibles.

III. Mais ce qui précède ne concerne, en toute rigueur,


que les fluides parvenus, avec leurs couches de transition,
à l'état statique, après cessation de toute déformation
visible des particules. Or l'évolution interne qui y rétablit
alors soit l'isotropie en tous sens, soit l'isotropie autour
d'une normale, demande toujours pour se faire un certain
temps, très court chez les fluides peu visqueux, plus long
chez les autres. D'où il suit que, à l'état dynamique,
c'est-à-dire quand chaque particule est soumise sans
cesse, du dehors, à de nouvelles déformations visibles,
sa configuration interne diffère de ce qu'elle serait,
sous sa figure apparente actuelle, si l'isotropie s'y trouvait
rétablie.
Bornons-nous au cas de fluides assez peu visqueux, ou
soumis à des déformations visibles assez lentes, pour que
l'évolution productrice de l'isotropie y soit, à tout instant,
fort avancée. Alors les écarts existant entre la configu-
ration interne réelle de chaque particule et sa configu-
ration isotrope ou élastique pour ses densité et tempé-
rature effectives, sont, évidemment, d'autant plus faibles
qu'elle est en train de se déformer avec plus de lenteur;
et ils deviendraient négligeables, si la vitesse avec laquelle
s'y font les déformations visibles s'annulait. Or, les actions
moléculaires dépendant justement de la configuration
réelle, c'est dire que des éléments plans, bien définis
en situation dans une particule de l' intérieur, éprouveront,
outre la tension élastique (pression changée de signe),
"—p, normale et égale sur tous les éléments plans se croi-
sant en un même point, de petites composantes de pres-
sion, appelées maintenant forces de viscosité, fonctions
des trois vitesses de dilatation et des trois vitesses de glisse-
ment (bien connues de tous les géomètres) qui définissent
la rapidité actuelle de déformation de la particule.

IV. Les forces de viscosité pourront, dès lors, vu la


lenteur admise de déformation, en être supposées très
vraisemblablement fonctions linéaires et homogènes, ou
comprendront, au plus, six termes, proportionnels res-
pectivement aux six vitesses élémentaires mentionnées,
mais avec coefficients réductibles à ceux que laissera
subsister la parité de constitution en tous sens de la par-
ticule, dans l'état type, élastique, à partir duquel se
comptent ces petits termes.
En considérant spécialement, dans la particule, les
trois éléments plans principaux, rectangulaires, de part
et d'autre desquels les vitesses actuelles de déformation
se font symétriquement, celles-ci se réduiront, comme on
sait, aux trois vitesses (principales) de dilatation D,, D2,
Ds, qui exprimeront les rapidités de l'allongement relatif
des lignes matérielles respectivement normales à ces élé-
ments plans; et les tractions (par unité d'aire) sur les
mêmes éléments plans, tractions, P4, P2, P3, dès lors
de mêmes sens, ou normales, dites aussi forces (ou pres-
sions) principales, contiendront deux coefficients seule-
'.
'
ment de viscosité, que nous appellerons e et Car il est
visible que, dans P,, par exemple, D2 et D3 auront rôle
pareil ou seront affectés d'un même coefficient, e'. Si
donc on y appelle + 2 le coefficient de D,, les deux
Vitesses, D,, de dilatation linéaire, et D1 D2 D3,+ +
de dilatation cubique, entreront seules dans P4. Et l'on
aura, pour exprimer, dans la particule, les pressions
principales, dont on sait que dépendent toutes les com-
posantes de pression, la formule triple, familière aux
physiciens géomètres,
(i) (Pi, P2, Ps) =
V. Considérons
-p+ '
(D1+ D2+ Dj) 2(D1, D2, D3).
maintenant, à ce point de vue de la
viscosité, les couches de transition d'un liquide.
La condition de quasi-neutralisation des attractions
et des répulsions qui s'exercent aux distances impercep-
tibles, à travers tout élément plan parallèle aux feuillets
de ces couches, est imposée par des actions tellement
grandes, qu'elle doit se réaliser même durant le mouve-
ment ; et, comme elle détermine la densité de chacun des
feuillets, elle assure partout la conservation des volumes,
maintenant ainsi égale à zèro, pendant le mouvement,
la somme algébrique des trois vitesses de dilatation, en
chaque point, suivant trois axes rectangulaires quel-
conques, ou réduisant à cinq distinctes, même dans
l'épaisseur des couches de transition, les six variables qui
y définissent la vitesse de déformation. Ce seront, dès
lors, pour toute particule des feuillets, les vitesses res-
pectives de dilatation linéaire suivant deux directions
rectangulaires quelconques tangentes aux feuillets, plus
les trois vitesses de glissement, suivant ces directions
et leur normale prises deux à deux.
D'ailleurs, nous n'avons à compter, dans les tensions
superficielles à étudier ici, que les forces extrêmement
grandes par unité de surface, les autres s'y trouvant insi-
gnifiantes sur les étroites coupes, d'aire presque infini-
ment petite, qui les supportent.
Cela posé, les deux seules vitesses élémentaires de
déformation, d'une particule appartenant à un feuillet,
qui ne soient pas symétriques par rapport au plan du
feuillet, sont les deux vitesses de glissement relatives à
la normale à ce plan, ou mesurant les rapidités avec
lesquelles une file de molécules alignée suivant cette nor-
male, s'incline par rapport aux deux files tangentes ;
et elles sont, par suite, les seules qui puissent amener
soit, sur le feuillet, une composante tangentielle de pres-
sion suivant une droite du feuillet, soit, sur la coupe (du
feuillet) perpendiculaire à cette droite, une composante
suivant la normale au feuillet, composantes égales par unité
d'aire, en vertu du théorème de réciprocité des pressions.
Or de telles vitesses de glissement, ne changeant rien
aux densités p ou n'empêchant pas la quasi-neutralisation
des attractions et des répulsions entre feuillets, ne pro-
duiront, sur le feuillet considéré, que des actions de vis-
cosité modérées et, dès lors, sur la coupe normale qu'on y
a faite fictivement, que des actions insignifiantes suivant
la normale au feuillet, comparativement à celles qui s'y
exercent parallèlement à son plan.
Il suit de là que les tensions superficielles appliquées aux
coupes normales d'un feuillet, seront toujours tangentes
a celui-ci, ou symétriques par rapport à son plan; et
qu'elles dépendront linéairement des seules vitesses élé-
mentaires de déformation offrant pareille symétrie, ou
même des seules qui se produisent dans ce plan, savoir,
les vitesses de dilatation des deux files rectangulaires de
molécules du feuillet et leur vitesse de glissement mutuel.

VI. Il y a donc lieu de faire abstraction des deux


autres vitesses de glissement (relatives à la normale)
dans l'appréciation des très fortes actions moléculaires
qui ont à intervenir ici. Or on sait qu'à chaque instant,
dans tout élément superficiel de la couche, il existe,
suivant chaque normale à la couche, deux certaines coupes
rectangulaires (principales), de part et d'autre desquelles
l'extension ou la contraction des feuillets se font symétri-
quement dans le voisinage, et qui, par suite, supporteront
deux tensions superficielles (par unité de longueur), 1, j,
purement normales, ou principales aussi, et fonctions
linéaires des deux seules vitesses de déformation distinctes
subsistant alors. Ce sont, vu l'annulation du glissement
correspondant, les vitesses respectives de dilatation ~
~', dites égalements principales, des lignes matérielles
de la couche, orientées suivant i, §' et qui restent momen-
tanément perpendiculaires l'une à l'autre. De plus, la
parité de configuration, tout autour de la normale, de
l'état type ou élastique de la couche à partir duquel se
comptent les écarts de contexture produisant les forces
de viscosité, entraîne l'égalité respective, dans et ',
des coefficients de viscosité analogues.
Cela étant, appelons el, dans l'expression de , Ie
coefficient de d', et 2 e + el, celui de d, de manière à avoir
pour 5c la formule
ƒ+ e1(~ + d') -4- 2 e d.
Les deux tensions superficielles principales, à l'état dyna-
mique et par unité de longueur, de la couche de transition,

(2) , ')
se trouveront dès lors exprimées par la formule double
=ƒ+e1(~+~') + 2e(~, d').
Il y aura donc deux coefficients e, et de viscosité superfi-
cielle.

VII. Les physiciens n'ont guère fait porter, jusqu'ici,


leurs observations précises de capillarité ou de tensions
superficielles, que sur des phénomènes d'équilibre; et
voilà sans doute pourquoi ils n'avaient pas eu, ce me
semble, l'idée d'y introduire des forces de viscosité. Les
considérations précédentes montrent que ces forces sont
aussi naturelles dans l'étude de la couche superficielle
d'un liquide, que dans l'hydrodynamique des fluides
pris en masse.
Mon attention y a été appelée par les récentes expé-
nences d'un jeune docteur ès sciences physiques de la
Faculté des Sciences de Paris, -M. Jules Roux, touchant
la vitesse de chute de gouttes mercurielles, ayant moins
de imm de rayon, dans de l'huile de ricin très visqueuse (1)
et par la nécessité de mettre d'accord, avec les résultats
de ces observations,
une théorie ingénieuse, mais où
l'action capillaire était négligée, donnée en 1911., à Cra-
covie, par M. Rybczynski et, à Paris, par notre confrère
M. Hadamard. Il suffisait évidemment,
en remarquant
l'assez faible rayon des gouttes, d'avoir l'idée de mettre
en œuvre la tension superficielle à la surface séparative
du mercure et de l'huile, pour être conduit à la formule (2),
dans un problème où les forces de viscosité ont le rôle
principal.

APPLICATION DES FORMULES DE VISCOSITÉ SUPERFICIELLE A


LA SURFACE D'UNE GOUTTE LIQUIDE SPHÉRIQUE, TOMBANT
LENTEMENT, D'UN MOUVEMENT DEVENU UNIFORME, AU SEIN
D'UNE MASSE FLUIDE INDÉFINIE EN REPOS, D'UN POIDS SPÉ-
CIFIQUE MOINDRE;

PAR M. J. BOUSSINESQ.

I. Appliquons à la chute verticale uniforme (ou régu-


larisée) d'une petite goutte liquide sphérique, de rayon R,
dans une masse fluide indéfinie un peu moins lourde,,
l'expression (2), démontrée dans la Note précédente (2),
des deux tensions superficielles principales il que
supportent, en cet état de mouvement, deux certaines

(l) La charge de l'électron; recherches sur la loi de Stokes, par


M.Jules Roux; thèse pour le doctorat ès sciences physiques (Paris,.
Gauthier-Villars, 1912). Voir surtout le n° 15, p. a5 et 26.
(2) Voir ci-dessus, p. 349.
coupes normales de la mince couche séparant la goutte
du fluide ambiant.
Et d'abord, par raison de symétrie, la figure de la goutte
reste de révolution autour de son axe vertical, que nous
prendrons pour axe des x, à partir du centre actuel 0 de
la goutte et en le dirigeant vers le sens (ici descendant)
du mouvement. Nous considérerons spécialement, tant
dans la goutte que dans le fluide extérieur, un demi-plan
méridien, dans lequel nous mènerons, à partir du centre 0,
l'axe horizontal des y. Les vitesses des deux fluides s'y
trouveront contenues ou admettront les deux compo-
santes u, v, fonctions de x et de y indépendantes de
l'azimut de ce demi-plan méridien.
Nous aurons ici à les étudier sur le demi-cercle de
rayon R qui y constitue un méridien de la couche super-
ficielle. Chacun de ses points sera défini par l'angle X
(colatitude) qu'y fera la normale (extérieure) à la goutte
avec les x positifs, angle croissant de zéro à TZ quand on
suit ce méridien depuis le pôle x — R, qui sert de proue à
la goutte, jusqu'au pôle x ——R, qui lui sert de poupe.

II. Le calcul des vitesses u, v dans les deux fluides, soit


intérieur, soit extérieur, dont chacun est supposé con-
server ses volumes, fera l'objet d'une Note ultérieure.
Nous ne considérerons ici que la couche séparative des
deux, que l'on se donne sphérique et de figure perma-
nente; car, par hypothèse, le phénomène s'est régularisé,
ou se conserve pareil autour de cette surface géométrique
séparative, suivie dans son mouvement uniforme des-
cendant. La forme sphérique est d'ailleurs possible physi-
quement, en raison de la lenteur de la chute qui assure
la linéarité aux équations du mouvement et, permettant
de négliger les carrés des vitesses, supprime les causes
d'aplatissement (impulsion vive sur la proue, etc.). Donc,
à part la translation descendante de la surface sépa-
rative, qui ne modifie pas les distances mutuelles des
points de la couche superficielle la recouvrant, ceux-ci
ne pourront avoir, le long du méridien considéré, qu'une
vitesse G tangentielle, ou de glissement sur la surface
géométrique, vitesse fonction de À et d'ailleurs ascendante,
dirigée vers les colatitudes ). plus élevées; car le liquide
intérieur à la goutte, moins retardé dans sa chute que
celui de la couche superficielle par la résistance du fluide
extérieur, se porte vers le bas de la sphère séparative et
oblige la matière de la couche superficielle à s'accumuler
Vers le haut. Nous admettrons ici, sauf à prouver plus
tard l'exactitude de cette hypothèse, la proportionnalité
de G au sinus (sinÀ) de la colatitude, comme si cette petite
vitesse tangentielle G était partout la projection, sur la
tangente à l'arc élémentaire de méridien, d'une vitesse
verticale constante.

titude
élémentaires principales, ds HdX, ds'= (Rsin

)
points matériels, dirigées respectivement, par raison
de symétrie, l'une, ds = R dÀ, le long du méridien,
,
III. Que seront alors dans la couche, au point M de cola-
les vitesses d, d' de dilatation des deux files
de

l'autre, ds', le long du cercle parallèle (de rayon R sin),


où il sous-tend un angle au centre, w, infiniment petit,
pris du côté d'un troisième axe coordonné (des z positifs)
normal à ceux des x et des y ?
La vitesse G tangente au méridien déplace la molé-
cule M, durant un instant dt et le long de ds, de G dt,
réduisant ainsi de G dt sa distance à la seconde extré-
mité de ds, où se trouve un point matériel M' qui avance
aussi, et très sensiblement suivant la même direction,
de (G + dÀ) dt. Les deux points M, M' s'éloignent

donc de dG dXdt; et la dilatation principale correspon-


dante d dt est le rapport de cet éloignement à la longueur
primitive R d de MM' ; d'où résulte l'expression de d.
D'autre part, le chemin G dt, décrit par le point M
suivant l'arc ds incliné de l'angle par rapport aux y,
accroît de G dt cosX la distance de M à l'axe vertical

augmentant ainsi de (Gdtcos )


des x ou le rayon du parallèle sur lequel sera ce point,
sa distance au point

;
analogue p., situé à l'extrémité de ds'. On aura donc aussi,
comme valeur de d'dt, le rapport de cet accroissement
,
à ds' — (R sin) et de là résultera l'expression de a'.
En résumé, les deux vitesses principales d, d' de dila-
tation de la couche superficielle vaudront

les deux tensions superficielles principales j,


tion des vitesses G de glissement.
'
La double formule (2) de ma précédente Note en déduira
en fonc-

IV. Considérons maintenant un élément rectangulaire,


légèrement courbe, de la couche, compris entre l'élé-
ment MM' = ds du premier méridien, l'élément égal
(à colatitudes croissant aussi de A à X + dl) du méridien
'
voisin, et deux arcs de parallèles
M = ds' = (R sinÀ)w, R(sin -i- dsin),
en vue de chercher les composantes totales, suivant la
normale OMN à la sphère et suivant la tangente MT,
en M, à l'arc MM' = ds, des tensions superficielles exercées,
tangentiellement à cet élément sphérique, mais perpen-
diculairement à son contour, sur les quatre côtés du rec-
tangle.
La tension I ds' que supporte le côté M se compose
de forces dirigées, en chaque point de Mjx, à l'opposé du
méridien ds qui y passe. Or, les angles infiniment petits
de ces forces élémentaires avec la tangente en M à M'M
ont leurs plans, qui sont ceux de deux génératrices d'un
cône circonscrit voisines, presque tangents au cône en M
ou presque normaux au plan OMM' des xy; et, par suite,
les projections de ces angles sur le plan des
xy sont des
angles du second ordre de petitesse. En d'autres termes,
i
les forces élémentaires composant la tension ds' peuvent
être censées se projeter toutes, sur le plan des xy, à
l'opposé de la tangente MT à l'arc MM'. Dès lors, l'angle
de chacune d'elles avec toute droite du plan des xy émanée
du point où elle perce ce plan des xy, est la face hypo-
ténuse d'un trièdre rectangle, ou a pour cosinus le produit
des cosinus des deux autres faces, qui sont : d'une part,
l'angle de la force élémentaire avec sa projection; d'autre
part, l'angle de cette projection avec la droite considérée
du plan. Donc, ici où l'angle des forces élémentaires avec
leur projection est très petit et a son cosinus réductible
à i (sauf écarts du second ordre), les cosinus des angles
des forces élémentaires avec MN et avec MT seront ceux
mêmes des angles de leur projection (à l'opposé de MT)
avec MN et avec MT, c'est-à-dire zéro et —i. Ainsi,
pour le côté M, les deux composantes cherchées seront
zéro et — ds', ou
(2) o et
(
—R sin) .',
De même, sur le côté opposé M' où la colatitude
est + A, les tensions élémentaires se projetteront sur
le plan des xy suivant la tangente M'T' menée en M' à
l'arc MMf; et les cosinus de leurs angles avec MN et
avec MT seront ceux relatifs à M'T', savoir ~cos( ~~b^X^

et cos (dÀ), ou —d et i. Or cette force est if ds' accrue


de sa différentielle en X, savoir

Elle donnera donc, suivant MN et suivant MT, les deux


composantes respectives

Passons aux tensions que supportent les deux côtés MM'


et ou ds, contigus aux deux demi-plans méridiens.
Sur le premier, MM', la tension, e ds ou R' d, est
perpendiculaire au plan des xy et ne donne aucune com-

deuxième, ',
posante suivant les droites MN, MT de ce plan. Sur le
la tension (toute pareille), R'
perpendiculaire au demi-plan méridien voisin
d, est

Si on la transporte au centre 0 parallèlement à elle-


même, elle sera donc dans le plan de l'équateur, où elle
fera l'angle ^ + w avec l'axe des y positifs, à l'opposé
duquel elle se projettera sur le plan des xy. Donc ses
deux angles avec la normale OMN et avec la parallèle
à MT menée par le centre 0, seront les faces hypoténuses

pectivement, ~ ,;
de deux trièdres rectangles ayant tous deux ^ + (ù
pour seconde face (dans le plan de l'équateur) et, res-
X comme troisièmes faces. Les

cosinus correspondants des faces hypoténuses seront donc


— sin, — cos

(4) —R sinX)w dk et —R '


et l'on aura, suivant MN et sui-
vant MT, les composantes respectives
(' ( cos) dk.
Les composantes totales, suivant la normale à la
sphère et suivant le méridien, des tensions superficielles
exercées sur tout le contour du rectangle élémentaire dsds',
seront les deux sommes respectives des expressions (2),
(3) et (4). En y substituant à Rw dX le quotient de ds ds'
par R sin, il vient ainsi
V. Il faudra diviser ces forces par ds ds', afin de les
rapporter à l'unité d'aire de l'élément de couche; et,
comme cet élément a sa masse ou, par suite, son poids
et ses inerties, négligeables (même par unité d'aire), on
écrira qu'il est en équilibre sous leur action, jointe à celle
des tractions, que nous appellerons ~ suivant la normale,
S suivant le méridien, exercées par le fluide extérieur
sur la face convexe de la couche superficielle, et à celle
des tractions analogues, dont nous appellerons —~,
~' les composantes suivant les mêmes normale et
tangente au méridien, exercées par la matière de la goutte
sur la face concave de la couche, forces égales et contraires
aux actions ~', ~' de la couche elle-même sur le fluide

puis accrues respectivement de ~ — et de ~,


intérieur. Donc les expressions (5), divisées par ds ds',
~'
donneront sommes algébriques nulles. Et en effectuant,
dans la seconde (5), la différentiation de sinX, il viendra

Telles seront les deux conditions dynamiques imposées


aux pressions (X, S), (~', 5') s'exerçant respectivement
au dedans et au dehors de la couche superficielle, en outre
des deux relations de non-rupture de cette couche, qui
consisteront dans la parité des vitesses respectives u
et v sur les deux faces.

VI. Tenons finalement compte de la proportionnalité


de G à sin. Les relations (i) donnent alors d' d; et
=
il résulte de la double formule (2) de ma dernière Note
que l'on a

Donc les deux coefficients e) et de viscosité superficielle


se fondent ici en un seul 2(e+e1), que l'on peut
appeler o; et la couche superficielle sphérique reste, même
à l'état de mouvement, isotrope autour de chacune de ses
normales, dans une étendue infiniment petite.
La tension superficielle y a la valeur dynamique
pareille dans tous les azimuts.
Si l'on observe que la dérivée seconde de G en X égale
— G, les formules (6) deviennent

Ce sont celles que nous aurons à appliquer.

VITESSE DE LA CHUTE LENTE, DEVENUE UNIFORME, D'UNE


GOUTTE LIQUIDE SPHÉRIQUE, DANS UN FLUIDE VISQUEUX
DE POIDS SPÉCIFIQUE MOINDRE;

PAR M. J. BOUSSINESQ.

I. Comme ce problème, dans le cas extrême d'une goutte


de viscosité infinie, deviendrait celui de Stokes relatif
à la chute uniforme ou régularisée d'une sphère solide
dans un fluide visqueux, il est naturel de le traiter en
cherchant à y étendre la plus simple des méthodes qui
aient été indiquées pour ce problème de Stokes, savoir
celle qui m'a permis, au commencement de i885, de
résoudre la question du lent mouvement varié de la
sphère solide. Elle consiste à exprimer les trois compo-
santes, u, P, w de la vitesse au point quelconque (x, y, z)
du fluide considéré, tout en y vérifiant identiquement
l'équation de conservation des volumes, par les trois
formules

où la fonction auxiliaire ? ne dépend des coordonnées


y, z que par l'intermédiaire de la distance r du point
(x, y, z) au centre de la sphère, l'axe des x étant d'ailleurs
choisi dans le sens du mouvement de ce centre. Or, ici où
le mouvement tout autour de la sphère est censé devenu
permanent, u, v, W, cp seront indépendants du temps t,
si l'on prend comme origine le centre actuel de la sphère.
Et, de plus, les termes (non linéaires par rapport aux
vitesses) auxquels se réduiront les accélérations u', v', w',
étant rendus négligeables par la lenteur supposée du mou-
Vement, les équations indéfinies de Navier, bien connues,
exprimeront la neutralisation du poids p g de l'unité de
volume par les forces de viscosité : elles seront, hors de
la goutte, si p désigne la pression moyenne,

Nous y désignons par p et par s la densité et la viscosité


du fluide extérieur indéfini. Mais, dans la goutte même,
r
dont R exprimera le rayon donné, c'est-à-dire pour < R,
on aura des équations toutes pareilles, à cela près que p
et e s'y trouveront remplacés par la densité p, et la
viscosité du liquide intérieur; en sorte que o y sera une
fonction de r différente.

II. Les expressions (i) de u, v, W, portées dans (2),


changent celles-ci en
et la dérivation en y ou en z de la première (3) montre, vu

,
les deux dernières (3), que A2 A2cp ne peut pas dépendre de
y ni de z. Dès lors, A2 2 n'étant, comme rp, fonction que
de r = y X2 + y2 + Z2, sera tout aussi indépendant de x
et se réduira à une constante.
Ainsi, le produit r 22, dérivée quatrième de
en r, contient un seul terme, proportionnel à r. Quatre
r
intégrations immédiates donneront donc pour rcp un
polynome de troisième degré en r, accru d'un terme du
cinquième; et, par suite, cp, d'où l'on supprimera la partie
constante, étrangère aux expressions (i) de u, v, W, com-
prendra seulement, avec deux termes respectivement en
r2 et r4, deux autres termes en r±1.
Or, dans le fluide extérieur, où il est évident que doivent
s'évanouir, pour r infini, les vitesses u, v, w (dues seule-
ment à la présence de la goutte de rayon R), les deux
termes en r2 et en rIt donneraient dans (i), aux distances
infinies, le premier, une vitesse u constante, le second, des
vitesses infinies. Donc, ces deux termes y auront coeffi-
cients nuls. Au contraire, dans la goutte, ce sont les deux
termes en qui disparaîtront; car ils produiraient,
au centre r = o, des vitesses infinies respectivement
des premier et troisième ordres. Ainsi, les deux fonctions o
à considérer seront, avec quatre constantes A, B, C, D
en tout,

III. Portées dans les formules (i), en se souvenant que


les dérivées de r en x, y, z sont les trois rapports de x, y, z
à r, elles donneront comme composantes verticale et
horizontale des vitesses, aux divers points du plan méri-
dien des xy auquel on peut se borner (avec y > o) :

Sur la sphère de rayon r et, par conséquent (dans ce


demi-plan des xy) le long du demi-cercle méridien de
r
rayon r, nous poserons x = cos, y = r sin)" en appe-
lant À l'angle (colatitude) de la normale extérieure avec
les x positifs. Nous verrons alors que ces vitesses com-
prennent :

ID Une petite vitesse verticale descendante commune, U,


de tout le demi-cercle et, par suite, de toute la sphère
considérée,

et, 2°, un petit glissement tangentiel G (ascendant) des


molécules le long du demi-cercle,

En effet, les deux angles de la tangente (ascendante)


au demi-cercle avec les x et les y positifs sont 2 À et X,
7"

ou ont pour cosinus — sin X et cos X ; de sorte que les


deux projections de ce glissement valent bien, dans les
formules (5), le dernier terme de u et l'expression complète
de v. Ainsi, les couches sphériques concentriques à la surface
visible de la goutte conservent, durant un instant dt, leur
forme d'ensemble et leur rayon; mais elles s'abaissent
inégalement et, par suite, leur matière s'y distribue, aussi,
inégalement de bas en haut.
Sur chaque sphère, en particulier, le glissement G est
proportionnel au sinus de la colatitude X, conformément
à l'hypothèse faite pour la sphère r = R dans la Note pré-
cédente.
A cette surface visible r

R de la goutte, limite com-
mune aux deux fluides intérieur et extérieur, tant les
expressions (6) de U que celles (7) de G, doivent se con-
fondre, puisqu'il n'y a pas rupture de la couche superfi-
ficielle. Et, en appelant alors V la valeur de U commune,
il vient, entre cette vitesse V de chute de la goutte, qui est
l'inconnue cherchée, et les quatre constantes arbitraires
A, B, C, D, les trois équations du premier degré

IV. Occupons-nous actuellement des pressions subies


par chaque fluide et, d'abord, de la pression moyenne p.
Les formules (4) donnant respectivement

les équations (3), multipliées par dx, dy, dz et ajoutées,


s'intégreront immédiatement. Appelons c,, dans le liquide
de la goutte, c, dans le fluide extérieur, la constante qu'in-
troduit l'intégration; et il viendra

Nous pouvons maintenant évaluer trois des six pressions


principales relatives aux axes, pressions que j'écris Nx,
Ny, Nz, T-, T, Tz, savoir les trois, Nx, Ny, Tz, qui, aux
différents points du demi-cercle méridien considéré du
plan des xy, s'exercent dans ce plan, où elles sollicitent
les éléments de surface normaux aux x et aux y. Il suffira
de porter les valeurs (5) et (9) de u, v et p dans les for-
mules, bien connues,

A ces différents points du méridien demi-circulaire,


les deux composantes et py, suivant les x et les y,
px
de la pression exercée du dehors sur l'élément de la sphère
dont la normale a la colatitude X, recevront les expres-
sions usuelles N* cosX + T. sin, T- cos + 1 Nsin
et, enfin, les deux composantes ~, ~ de la même pression,
;
suivant la normale extérieure et suivant la tangente au
méridien (du côté des colatitudes croissantes), seront,
p
respectivement, px cos + sin, —px sin
+ py cos.
Les calculs n'offrent aucune autre difficulté que leur
longueur (probablement susceptible d'être réduite par
une méthode plus géométrique) ; et, en gardant les nota-
tions G pour r R, mais appelant ~,
G' les forces
analogues pour r < R, on trouve :

V. A la surface de la goutte, limite commune r — R


des deux fluides, ces forces vérifient, quel que soit À,
les deux équations (8) delà Note précédente (1), équations
où G vaut BR2sinX d'après la première (7) ci-dessus,
et où f, e sont respectivement, la tension statique de la
couche superficielle et un certain coefficient de sa viscosité.
De là, les trois conditions

(') Voir ci-dessus, p. 357. Le coefficient e exprime la combi-


La première permet de rattacher l'une à l'autre les
pressions moyennes p à l'intérieur et à l'extérieur de la

prend la forme simple (p, — gR2=6 )


goutte. La deuxième, en y éliminant B par la troisième,
Cet détermine
la constante C en fonction du poids spécifique apparent
(p,-p) g de la goutte dans le fluide extérieur. Après quoi,
la dernière (n), d'une part, la dernière (8) résolue par
rapport à C, d'autre part, font connaître les rapports
mutuels de B, D, C et, par suite, leurs expressions en
fonction de (pt —p) g. Enfin, la seconde (8) donne A, et
la première (8) rattache ces quatre constantes A, B, C, D
à la vitesse V de chute de la goutte. Il vient, finalement,
pour cette vitesse de chute, la formule cherchée,

Comme accélérations et inerties sont négligeables dans


la question, c'est la résistance du fluide extérieur au mou-
vement de la goutte qui neutralise le poids 1g~ de
celle-ci (dont j'appelle ro le volume). Or, en résolvant
(12) par rapport à pi g on trouve, pour ce poids ou cette
résistance, d'abord, la poussée hydrostatique, ou d'Archi-
mède, p g ~, et, en outre, une résistance dynamique,
égale au produit de celle qu'a donnée Stokes pour une
sphère solide, 6RV, par le rapport

inférieur à l'unité. C'est donc dans ce rapport qu'est abais-


sée la résistance par la plasticité de la couche superficielle
et du liquide intérieur.

naison 2(c+e1) des deux coefficients de viscosité superficielle e, et


figurant dans les formules finales (2) de .l'article reproduit plus
haut. -
VI. Pour une goutte de viscosité infinie, cas où e s'éva-
nouirait comparativement à 1 et à e, le dernier facteur
fractionnaire, dans (12), se réduit à l'unité; et la vitesse
de chute devient, comme on pouvait le prévoir, celle
que donne la formule de Stokes pour une sphère solide.
Si donc on appelle k le rapport de la vitesse de chute
effective à celle qu'on observerait si la goutte était rigide,
on aura

Ce rapport est sensiblement égal à 1 pour les gouttes


d'un rayon R très petit; ce qui signifie que la viscosité su-
perficielle produit sur les gouttes assez ténues le même effet
que la rigidité. Mais il grandit avec R et atteint à très peu
près, dans les grosses gouttes, la valeur qu'indi-
quait naturellement, pour tous les cas, la théorie de
MM. Rybczynski et Hadamard (où ne figurait pas), et
c
dont lé maximum, sensiblement réalisé par l'immersion
de la goutte dans un fluide beaucoup plus visqueux qu elle-
même, serait î. Ce maximum était presque atteint pour les
gouttes mercurielles tombant dans de l'huile de ricin, du
moins à la température où M. Jules Roux a fait ses obser-
vations ; mais, pour les rayons R expérimentés par lui et
qui allaient, à peu près, de omm, 62 à omm,go, le rapport k
a crû environ de 1,06 à 1,12 (1), variant bien dans le sens
indiqué par la formule (i4) (2).

(1) La charge élémentaire de l'électron ; recherches sur la loi de


Stokes. Thèse de M. ules Roux pour le doctorat ès Sciences physiques.
Voir page 94 de ce Volume.
(2) Il est intéressant d'appliquer les deux premières équations (5) à
une molécule liquide (x, y) considérée sans cesse dans la goutte
même, c'est-à-dire rapportée à des axes animés de la vitesse verticale V
dx dy
1
de son centre; ce qui permet d 'y remplacer u par V + — et v par •

Alors la seconde de ces équations, et la somme des deux (préalablement


RECIIERCIIES SUR LE RAYONNEMENT;
(suite) ;
PAR M. E. BAUER (1 ).

DEUXIÈME PARTIE.
Rayonnement des flammes et des vapeurs métalliques.

CHAPITRE I.
RAYONNEMENT PUREMENT THERMIQUE ET LUMINESCENCE.

1.Historique. — Tandis que le rayonnement du corps


noir ne participe que des propriétés les plus générales de
la matière, les spectres émis par les gaz et par certaines
substances diluées (solutions liquides et solides) tra-
duisent les propriétés individuelles des molécules ou Mes

x et par y), donnent, vu la première (8),


multipliées par

La seconde (ex) montre que le mouvement est centrifuge dans le bas


de la goutte (où x > o) et centripète dans le haut (où <0).En
éliminant ensuite Bx, il vient presque sans calcul, entre y et r, la
relation simple, à signification géométrique immédiate,

équation de trajectoires fermées du quatrième degré, symétriques par


rapport à l'équateur et s'approchant ou s'éloignant de l'axe vertical de
la goutte en même temps que de son centre. Enfin, la première (a), si
l'on y remplace x et puis r par leurs valeurs en y, s'intègre aisément
et donne t par une intégrale elliptique de première espèce.
Toutes les trajectoires, dans le demi-plan méridien, entourent le
point fixe

autour duquel tournoie le liquide.


(1) Voir pages 5 et 244 de ce Volume.
centres lumineux. Ces spectres sont en général discon-
tinus (1), constitués par des raies très étroites, et leur
structure est souvent extraordinairement compliquée
(raies satellites, spectres de bandes ).
Ils dépendent non seulement de la nature des gaz, mais
encore de leur mode d'excitation. On sait, par exemple,
que la plupart des éléments possèdent un spectre de
raies et un spectre de bandes qui apparaissent dans des
conditions différentes; l'hydrogène, même, semble pos-
séder deux spectres de raies (2). Rappelons également
la complication et la variété énormes des spectres observés
par Wood dans les vapeurs de sodium, d'iode, etc. (3).
Enfin, les raies d'un même spectre, d'une même série,
n'apparaissent pas toutes en même temps. Les unes se
trouvent dans les flammes à une température peu élevée,
les autres dans l'arc, dans l'étincelle ou dans les tubes
de Geissler.
Les solides et les liquides purs ont au contraire des
spectres simples, continus en général. Il semble donc
exister une différence essentielle entre les propriétés
optiques des gaz et celles des autres états de la matière :
la discontinuité et la variabilité des spectres. Le rayonne-
ment des gaz semble être de nature spéciale.

(1) Souvent les spectres de raies ou de bandes présentent un fond


continu, mais le phénomène principal est discontinu. Le fond est
généralement faible, et ne fait probablement que rendre manifeste
l'irrégularité du phénomène d'émission et les perturbations au
moment des chocs. Celles-ci transforment les trains d'ondes pério-
diques simples en spectres étendus représentés par des intégrales
de Fourier. Lorsque les chocs sont très nombreux, les spectres pa-
raissent entièrement continus, mais en diminuant la pression, on
voit en général apparaître des bandes. Voir KAYSER, Handbuch
der Spektroscopie, t. II, p. 283.
(2) Spectre du Soleil ou des tubes de Geissler et spectre de
~ Puppis (Pickering).
(31) WOOD, Physical Optics, Chap. XX, 1911.
Cependant on sait depuis longtemps que les molécules
solides et liquides possèdent des périodes propres d'oscil-
lation comme celles des gaz, et que leur spectre comprend
des discontinuités. Mais comme les actions mutuelles entre
molécules ont un rôle très important, leurs vibrations sont
toujours troublées et un spectre continu intense vient
se superposer au spectre propre des molécules.
Quoi qu'il en soit, les phénomènes paraissent infi-
niment plus variés et plus complexes dans les gaz.
C'est ce qui a conduit certains physiciens à penser que
les effets de luminescence y jouent un rôle essentiel,
bien plus, que le rayonnement des gaz n'est jamais pure-
ment thermique.
Cette idée a été développée surtout par Pringsheim.
On trouvera dans son Rapport au Congrès de Physique
de 1900 (x), un historique très complet de la question du
rayonnement des gaz.
Il est donc inutile de le refaire ici. Nous nous bornerons
à rappeler très brièvement quelques-uns des travaux les
plus récents relatifs aux flammes et aux gaz portés à de
hautes températures. Leur discussion plus détaillée trou-
vera sa place à propos de nos propres expériences.

I. Les fondateurs de la spectroscopie, Kirchhoff et


Bunsen, ont toujours admis que le rayonnement des
flammes et des gaz incandescents est purement ther-
mique, et cette opinion a prévalu pendant longtemps ;
mais à la suite d'une série de recherches très impor-
tantes (2), M. Pringsheim a émis l'idée que la production
des spectres de raies est toujours un phénomène de lumi-
nescence. Voici la conclusion de son Rapport de 19°0

(1) T. II, p. 100.


(2)PRINGSIIEIM, Wied. Ann., t. XLV, 1892, p. 1')8; L. XLIX,
1893, p. 347.
« Pour les températures atteintes jusqu'à présent dans
nos expériences, aucun gaz n'émet de lui-même un spectre
de raies. Cela n'a lieu
que sous l'action de phénomènes par-
ticuliers (chimiques, électriques) » (1).
En particulier, dans les flammes et les vapeurs mé-
talliques portées à une haute température, la lumines-
cence est d'origine chimique. Lorsque les réactions chi-
miques s'arrêtent, les phénomènes lumineux cessent
instantanément. Voici l'expérience essentielle sur laquelle
s appuie M. Pringsheim (2). On place un morceau de car-
bonate de sodium dans un tube de porcelaine non vernie.
On remplit le tube d'un gaz réducteur pur, d'hydrogène
par exemple, et l'on chauffe. Les raies D apparaissent
dans les spectres d'absorption et d'émission. Si l'on fait
brusquement passer le sel solide dans une région froide
du tube, elles disparaissent instantanément avant que
la vapeur saline ait eu raisonnablement le temps de se
dissiper. Les phénomènes lumineux cessent donc dès que
le solide est soustrait à l'action réductrice de l'hydro-
gène, c'est-à-dire dès que les phénomènes chimiques ont
cessé. La lumière est donc due à la réduction des sels mé-
talliques par la flamme. La même expérience peut se
faire avec des sels d'autres métaux.
Les recherches de M. Pringsheim représentent un effort
considérable et son opinion semble avoir prévalu.
Les auteurs des Traités d'Optique les plus importants
qui aient paru en ces dernières années, Drude (3),
Lummer ( ), Wood (5), adoptent entièrement les idées
'l

(1) Loc. cit., p. 127.


(2) Loc. cit. p. 12'2.
(3) DRUDE, Lehrbuch der Optik, 1906.
(4) LUMMER, t. II de MtrLLEn-PouiLLET, Lehrbuch der Physik,
1908-1909.
(5) WOOD, Physical Oplics, 1911. Wood ne trouve que deux excep-
tions à la loi de Pringsheim, et ce sont des spectres de bandes,
de Pringsheim. Pourtant Kayser les combat dans son
Traité de Spectroscopie (t. II, p. i5o).

II. M. Fredenhagen, qui, dans ces dernières années,


s'est beaucoup occupé de la question, a présenté une.
théorie un peu différente, tout en maintenant l'hypothèse
de la luminescence (1). Son point de départ expérimental
est le suivant : la flamme du chlore (chargé de vapeurs
salines) dans l'hydrogène ne donne pas les raies des mé-
taux alcalins. L'oxygène serait donc nécessaire à la pro-
duction dans les flammes des spectres de raies qui seraient
des spectres d'oxydation.

III. La théorie de la luminescence ne s'est pas répandue


en France comme à l'étranger. En 1903, M. Féry, dans
ses expériences de renversement de la raie D (-), admit sans
discussion la validité de la loi de Kirchhoff et déduisit de
ses mesures la température de certaines flammes, en par-
ticulier de la flamme du bec Bunsen qu'il évalua à 1872° C.
La raie rouge du lithium donna un nombre analogue.

IV. Quelques années plus tard, en 1906, MM. Kurl-


baum et Gunther Schulze ont fait paraître un Mémoire
Sur la température des flammes colorées par les sels métal-
liques (3). La méthode expérimentale est celle de Féry.
Ils trouvèrent que la température dépend essentiellement
de la substance et de la raie étudiées; ils en conclurent qu'il
y a luminescence.

En 1907, j'ai entrepris, sur le conseil de M. Langevin,


la mesure des pouvoirs émissif et absorbant des flammes
de bec Bunsen pour les rayons restants de la fluorine

(1) Ann. der Phys., t. XX, 1906, p. i33.


(2) FÉRY, Comptes rendus, t. CXXXVII, igo3, p. gog.
(3) Verh. der d. phys. Ges., t. VIII, 1906, p. 239.
(X 25^,5). Ces expériences ont été le point de départ
==
d'une série, de recherches systématiques sur le rayonne-
ment des flammes, qui vont être exposées ici, et qui
m'ont permis de discuter avec précision la théorie de la
luminescence.
A peu près à la même époque et d'une façon tout à fait
indépendante, M. Rubens fit faire à son laboratoire des
mesures du même genre dans la région des bandes d'émis-
sion et d'absorption de la vapeur d'eau et du gaz
carbonique (= 2,6 à = 4,6). Ces mesures ont été
effectuées par M. H. Schmidt qui détermina ensuite
directement la température des flammes dont il avait
étudié le rayonnement.
Avant d'exposer mes recherches et les conclusions
qui en découlent, il est nécessaire de définir nettement
ce qu'on entend par luminescence, et d'examiner les diffé-
rents cas qui peuvent se présenter.

2. Définitions. — Notons d'abord un point essentiel


qui ne semble pas toujours avoir été bien compris : la
luminescence est nécessairement un phénomène irréver-
sible. Le mot même a été inventé pour les cas où la loi de
Kirchhoff, c'est-à-dire le théorème de la conservation de
l'entropie, ne s'applique pas. Quelle que soit la com-
plexité des équilibres chimiques ou physiques dont il est
le siège, un système en équilibre ne peut rayonner que
d'une façon purement thermique (1).

(1) Il est évidemment nécessaire que l'équilibre soit complet,


c'est-à-dire relatif à tous les facteurs d'action possibles. Les expé-
riences sur la dissociation, par exemple, ne sont entièrement cor-
rectes que si les corps étudiés sont enfermés dans une enceinte
opaque en équilibre thermique avec eux et s'ils sont soumis au rayon-
nement noir qui s'y établit. Cependant comme les effets photochi-
miques d'un rayonnement noir à 2000° C. sont encore très petits;
certaines expériences faites dans des conditions incorrectes, comme
Pour qu'un effet de luminescence soit possible, il faut
donc que les conditions d'équilibre thermodynamique ne
soient pas réalisées. Deux cas peuvent alors se présenter :
1° Considérons en un point d'un système, quelconque
hors d'équilibre, d'un mélange gazeux par exemple, un
volume très petit, mais renfermant un grand nombre de
molécules. Supposons que la distribution des vitesses
de translation entre les molécules ne s'écarte pas nota-
blement de celle de Maxwell.
On peut alors définir la température du gaz au point
considéré et la mesurer, si l'on possède des instruments
suffisamment fins et précis. Mais rien ne prouve alors
que les mouvements périodiques des atomes et des élec-
trons à l'intérieur des molécules participent du même
équilibre statistique. Il faudra donc faire des expériences
particulières pour décider s'il y a rayonnement purement
thermique ou luminescence.
On mesurera les coefficients d'émission et d'absorption
du gaz au point considéré pour un rayonnement monochro-
matique de fréquence v déterminée; si la loi de Kirchhoff
est satisfaite, le rayonnement est purement thermique; au
contraire, si le rapport — est égal au pouvoir émissif 1,
~
d'un corps noir de température T' différente de la tempé-
rature T du gaz dans la région étudiée, il y a luminescence.
Pour abréger j'appellerai T' la température d'émission
du rayonnement v au point considéré (1).

celles de Haber, sur les équilibres dans les flammes, peuvent donner
des résultats à peu près exacts.
De même les propriétés optiques, pouvoir absorbant et émissif,
sont peu modifiées en général par la présence d'un rayonnement
de température relativement basse. Mais il est bon de vérifier ce
fait dans chaque cas particulier.
(1) La température d'émission et la température thermody-
namique du rayonnement, définie par la loi de Wien (p. 32),

On peut exprimer l'importance de la luminescence par
la différence T'
— T qui est nulle lorsque le rayonnement
est purement thermique. C'est la seule définition expéri-
mentale qu'on en puisse donner avec quelque rigueur.
2° Mais il n'est pas toujours possible de définir la tem-
pérature en chaque point du gaz; par exemple, lorsque
les mouvements des molécules gazeuses sont très tumul-
tueux, ou bien présentent une organisation, une aniso-
tropie notables, la notion de température perd toute
signification nette. Ainsi la température d'une lame de
platine placée dans un tube de Crookes dépend essen-
tiellement de son orientation par rapport aux lignes du
courant électrique.
Dans ce cas le rayonnement est nécessairement lumi-
nescent.
En réalité les expressions d'organisation moléculaire
et de mouvement tumultueux n'ont qu'un sens relatif.
La température n'a de signification précise que dans
l'état d'équilibre statistique, correspondant au maxi-
mum d'entropie et de probabilité (1). Entre les états
hors d'équilibre, il n'y a plus que des différences de degré.
D'ailleurs, au point de vue de la théorie cinétique,
les mouvements d'oscillation ont même valeur que les

sont absolument distinctes, sauf si la source est un corps noir dont


le pouvoir absorbant est égal à l'unité. En général, la première est
supérieure à la seconde, d'autant plus que le pouvoir absorbant
est plus faible. Ainsi, dans une flamme sodée, la température d'émis-
sion est, comme on le verra, la même dans le jaune très intense et
dans le rouge très faible, tandis que la température du rayonne-
ment des raies D peut être de 1000° supérieure à celle du rayonne-
ment rouge dans le spectre continu de la flamme, car elle ne dépend
que de l'intensité de la lumière émise.
(1) Un système quelconque possède toujours une entropie, donnée
par l'équation de Boltzmann S = k log P (p. 48), mais la relation
rp = — n'est valable que dans l'état d'équilibre thermodynamique.
-
translations. Dès qu'il y a luminescence, on peut définir
deux ou plusieurs températures en chaque point. Laquelle
est la vraie ? La question n'a pas de sens, et la réponse
ne peut être dictée que par des raisons de commodité.
Néanmoins, la distinction qui a été faite ici permet,
dans la pratique, de classer immédiatement certains phé-
nomènes parmi les effets de luminescence. C'est ainsi qu'il
est impossible d'attribuer une température à un faisceau
de rayons canaux, car la répartition des vitesses des par-
ticules qui le constituent se fait autour d'une direction
privilégiée. Leur rayonnement ne peut donc pas être
un phénomène purement thermique. C'est ce que montre
l'existence de l'effet Doppler.
Il en est probablement de même dans tous les cas de
décharges électriques aux basses pressions. Les vitesses
des centres positifs et négatifs sont distribuées d'une
façon anisotrope et leur énergie cinétique est supérieure
à celle des molécules neutres dans le gaz. La définition
de la température est donc impossible et le rayonnement
des tubes de Geissler est luminescent. C'est ce qu'ont
vérifié les belles expériences de R. Ladenburg (1).
Dans l'arc du mercure encore, M. Pérot a observé un
effet Doppler dans la direction des lignes de courant (2);
mais l'anisotropie des vitesses étant très faible, le cas est

(1)Verh. (1er deulschen phys. Ges., t. XII, 1910, p. 55o. M. Laden-


burg observe le renversement des raies de l'hydrogène dans un tube
rempli d'hydrogène sous une pression de 1mm,7, et parcouru par
des décharges électriques. La source renversante est un second
tube à hydrogène capillaire qui est parcouru par les mêmes dé-
charges et qui fournit un spectre continu au voisinage de la raie
rouge. On observe que le renversement ne se produit que sur les
E
bords de la raie et pas au centre. Le rapport — du pouvoir émissif
au pouvoir absorbant n'y est donc pas constant; il y a lumines-
cence.
(2) Pérot, Bulletin de la Société de Physique, 1910,
p. 74.
moins net. D'ailleurs, plus la durée du libre parcours
moyen des molécules est petite, plus on a de chances
d'avoir affaire à des phénomènes purement thermiques,
car les chocs entre molécules tendent à rétablir l'équi-
libre statistique. Les effets de luminescence seront
d'autant moins faciles à observer que la pression sera plus
forte et la température plus élevée.
A la limite, il est possible que certaines réactions chi-
miques ou certaine dépense d'énergie électrique soient
nécessaires à la production de lumière, mais que la loi de
Kirchhoff se trouve en même temps vérifiée. L'énergie
étrangère n'interviendrait alors qu'indirectement dans le
rayonnement, pour créer des centres d'émission qui se
mettraient aussitôt en équilibre avec le milieu environnant
et lui emprunteraientl'énergie qu'ils envoient dans l'espace.
Ce sont des cas de ce genre que certains physiciens classent
sous le nom de phénomènes d'équilibre entre le rayonne-
ment et la luminescence (1).

3. Principe des méthodes expérimentales. — Première


méthode. — Si l'on fait abstraction des cas douteux et des
difficultés pratiques, la distinction entre le rayonnement
purement thermique et la luminescence est très simple.
Quatre opérations seulement sont nécessaires :
1° Mesure de la température T du corps étudié;
2° Détermination de son pouvoir émissif Ev Av pour
les radiations comprises entre les fréquences v et v + Av (2) ;
3° Mesure de son pouvoir absorbant Av pour les mêmes
radiations ;

(1) Schmidt, Anll. d. Phys., t. XXIX, igog, p. 1027. — Ci.


PRINGSHEIM, Rapp. au Congrès de Physique, t. II, 1900. Comme on
le verra, il ne semble pas que l'on connaisse actuellement un seul
cas de ce genre.
(2) Av est nécessairement fini, mais peut en général être rendu
très petit.
4° Étalonnage de l'appareil radiométrique à l'aide d'un
corps noir de température connue..
Certaines précautions sont nécessaires pour que les
expériences soient correctes :
10 En général, lorsqu'on veut déterminer le pouvoir
émissif d'un corps quelconque, on place celui-ci derrière
un écran mobile qu'on écarte au moment de faire la me-
sure. La déviation D que subit alors l'appareil radiomé-
trique représente la différence entre l'énergie émise par
le radiateur étudié, et celle qui est rayonnée et réfléchie
par l'écran. Pour que cette dernière énergie soit bien
déterminée, il est bon d'enfermer l'appareil radiomé-
trique dans une enceinte noire isotherme dont fait partie
l'écran. Il faut donc maintenir constante et connaître avec
précision la température de celui-ci. D représente alors
la différence des énergies émises par le corps étudié et
par un corps noir de température 0,.
20 Lorsqu'on mesure le pouvoir absorbant, il est abso-
lument nécessaire d'avoir une source rayonnante exté-
rieure dont le spectre soit continu dans l'intervalle Av.
Car, si l'absorption est sélective, la valeur de Av dépend
essentiellement de la composition des radiations inci-
dentes (1) dans l'intervalle Av.
Lorsque ces deux conditions importantes sont réa-
lisées, le rapport est égal à la déviation A que subirait
l'appareil radiométrique sous l'influence des rayons de.
fréquence v émis par un corps noir, de température T'.
T' est la température d'émission du rayonnement étudié.
Soit, d'autre part, o la déviation observée pendant l'éta-

(1) Les expériences de M. Gouy sur l'absorption des flammes pour


les radiations émises par une flamme identique ne peuvent pas
servir à déterminer leur température (voir plus loin, p. 388) le cas
des rayons restants.
lonnage avec un corps noir de température connue 0.
Si o = A on a immédiatement T' = 0. Ce serait le pro-
cédé d'étalonnage le plus précis; mais il n'est pas toujours
praticable surtout si T' est très élevé. Dans ce cas on cal-
cule T' à l'aide de la formule de Planck.
On a

C étant une constante,

On a également

Deuxième méthode. — Souvent il est impossible de me-


surer effectivement la température en chaque point du
gaz, par exemple lorsqu'elle est trop élevée (^>2000°),
ou lorsque sa distribution dans l'espace est trop fine par
rapport aux dimensions de nos instruments.
En général on peut s'en tirer par une méthode indi-
recte : on mesure la température d'émission de plusieurs
raies ou bandes au point considéré. Il faut, autant que
possible, que ces raies ou bandes appartiennent à des
corps différents dont les réactions chimiques ou électriques
soient dissemblables. Si les températures d'émission sont
toutes égales, le rayonnement est purement thermique;
sinon il y a luminescence. Cette méthode est très impor-
tante, car les mesures d'émission et d'absorption sont
souvent plus précises et plus commodes que la mesure
directe de la température. C'est celle qu'a employée M. La-
denburg; c'est à elle aussi que je dois mes résultats les
plus nets. Cependant elle n'est applicable que si l'on peut
isoler le rayonnement d'une région assez petite pour que
la température y soit bien déterminée. Lorsque cette
condition n'est pas réalisée, on peut être amené à com-
mettre des erreurs. C'est ce que montrera la discussion
de certaines expériences de MM. Kurlbaum et G. Schulze.
Lorsque ces deux méthodes conduisent à des résultats
douteux, il est bon d'étudier de près les conditions
physico-chimiques des phénomènes observés ; mais,
jusqu'à ces dernières années, on a toujours abordé le
problème par cette voie détournée et obscure. C'est ce
qui explique la confusion extraordinaire et le vague des
théories proposées.

CHAPITRE II.
EMISSION ET ABSORPTION DES RAYONS RESTANTS PAR LA FLAMME
DU BEC BUNSEN.

1. Constitution dé la flamme du bec Bunsen. —


Avant de décrire les mesures d'absorption et d'émission
et pour en préciser le sens, il est nécessaire de rappeler
brièvement ce que nous savons de la constitution des
flammes de bec Bunsen et des réactions chimiques qui
s'y passent (1). Lorsque l'admission d'air est suffisante,
a flamme est une masse de gaz incandescents entourée
de tous côtés par une zone assez mince qui est la région
de combustion proprement dite.

(1) Voir un travail de IIABER et RICHARDT, Zeilsch. 1. anorg.


Chemie, t. XXXVIII, 1904, p. 5, ainsi que le Livre de F. HABER,
Thermodynamik technischer Gasreaktionen (Berlin et Munich, 1905),
dont je me suis inspiré.
A la sortie AB (fig. 10) d'un brûleur Bunsen, se produit
l'explosion du mélange de gaz et d'air. Cette explosion
est localisée au cône bleu verdâtre intérieur, ABC, qui
émet le spectre de Swan ou spectre du carbone.

Nous étudierons au Chapitre VI le rayonnement de


cette partie de la flamme et les phénomènes qui accom-
pagnent la réaction chimique. Notons dès à présent que
le cône bleu est comparable à un doigt de gant extrême-
ment mince, dont l'épaisseur est inférieure à ~ de milli-
mètre.
L'explosion produit un mélange de CO, C02, H2, H2 0
en équilibre chimique (dilué dans un excès d'azote), qui
constitue tout l'intérieur de la flamme et qui vient brûler
à l'air libre dans le cône extérieur ADB. L'analyse n'a
jamais révélé d'oxygène dans la partie médiane située
entre les deux cônes.
Haber a démontré un fait très remarquable : l'explo-
sion, qui dure un temps très court, aboutit exactement
à l'état d'équilibre chimique qui correspond à la tempé-
rature du mélange gazeux. Mais cet équilibre, une fois
réalisé, ne se déplace plus sensiblement lorsque les gaz se
refroidissent en s'élevant dans la flamme. Il ne se produit
donc aucune réaction chimique entre le cône bleu et le cône
extérieur de combustion.
La forme de ce dernier est déterminée par la vitesse
d'arrivée du mélange combustible sortant de la flamme
et la vitesse du courant d'air qui vient à sa rencontre pour
le brûler. Les réactions chimiques y sont moins intenses
que dans le cône bleu : c'est une combustion et non pas
une explosion. Son rayonnement est beaucoup plus faible

et de nature différente. Enfin, il n'est pas limité d'une


façon aussi nette.
Une expérience ingénieuse, due à Teclu (1) d'une part,
Smithells et Ingle (2) d'autre part, permet de séparer net-
tement ces trois parties de la flamme.
On prend un tube métallique M où pénètre un mélange
d'air et de gaz d'éclairage et dont l'extrémité supérieure
passe à travers un bouchon B ; celui-ci supporte un verre
de lampe ou un tube cylindrique quelconque V (fig. II).
Lorsque le mélange combustible contient relativement
peu d'air, le cône se forme en haut du tube V qui fonc-
tionne comme un bec Bunsen de large diamètre. Si l'on
fait croître peu à peu la proportion d'air, la vitesse de
propagation de l'explosion augmente ; à un moment donné,
le cône bleu rentre à l'intérieur du cylindre de verre,
descend lentement et vient se fixer en CI, à l'extrémité du
tube M, où il reste tant que la composition du mélange et
la vitesse du courant gazeux sont convenablement réglées.
Pendant ce temps, le cône extérieur C2 continue à brûler
dans l'air à la sortie du tube de verre. Celui-ci est rempli
entièrement d'un mélange de gaz à l'eau en équilibre
chimique. Le cône bleu est toujours parfaitement limité
et entouré d'une auréole peu lumineuse.
Dans mes expériences, je me suis servi d'un bec Meker
de grandes dimensions, dont l'orifice était un rectangle
de 3 X 5cm2 divisé en un grand nombre de petites ouvertures
carrées par un cloisonnement de nickel. Au-dessus de
chacune de ces ouvertures, se forme un petit cône bleu
dont la hauteur est environ de imm. Puis toutes les flammes
se réunissent en une seule flamme limitée par un cône
extérieur.
Les paragraphes suivants sont consacrés uniquement
au rayonnement de la région médiane et de la zone externe
de combustion.

(1) Teclu, Journ. für prakt. Chem., t. XLIV, 1891, p. 246.


(2) SMITHELLS et INGLE, t. LXI, 1892, p. 204.
2. Dispositif expérimental. — Les rayons restants,
obtenus par réflexions successives sur des surfaces de
fluorine, forment un groupe dont la longueur d'onde est
comprise entre 20 et 32, mais qu'on peut, en pratique,
considérer comme à peu près monochromatiques et de
longueur d'onde

25,5 (1). Les impuretés (lumière
visible et infrarouge ordinaire) capables de traverser
une lame de fluorine transparente ne constituent jamais,

après trois réflexions successives, plus de 2 pour ioo du


rayonnement total, quelle que soit la source employée,
si les angles d'incidence sont assez petits. J'ai d'ailleurs

(1) RUBENS et NICHOLS, Wied.Ann., t. LX, 1897, p. 4I8; t. LXIX,


1 899, p. 176. -
t. 11, 1900, p. 159).
RUBENS, Le spectre infrarouge (Rapp. Cong. Phys.,
contrôlé le fait avant chaque série de mesures, en plaçant
sur le trajet des rayons une lame transparente de fluo-
rine, qui laisse passer tout l'infrarouge ordinaire. Le
pouvoir absorbant de cette lame pour tous les rayons
obtenus était d'au moins 98 pour 100.
Le montage est représenté sur la figure 12.
Le rayonnement d'une source S traverse la flamme t,
passe par un trou de 2cm,4 de diamètre percé dans l'écran E3
à doubles parois, maintenu à une température constante
au moyen d'un courant d'eau froide, puis va se réfléchir
sur les surfaces de fluorine F,, F2. Le miroir concave M
à surface argentée le concentre, après une dernière ré-
flexion en F3, sur la soudure d'un microradiomètre R très
sensible, construit au laboratoire de M. Rubens (1).
La sensibilité de l'appareil était de 25cm de déviation
sur une échelle à 2m, pour une bougie à lm; la période
d'oscillation complète était de 15". Ces oscillations étaient
presque amorties; on déterminait l'élongation maxima
de l'image sur l'échelle, lorsqu'on déplaçait un des écrans
mobiles et qu'on faisait brusquement arriver sur la sou-
dure thermoélectrique le rayonnement à mesurer. Des
expériences de contrôle ont montré que ces déviations
étaient rigoureusement proportionnelles aux énergies.
Il a suffi pour cela de mesurer l'angle dont tournait le
cadre du microradiomètre, lorsqu'une même bougie était
placée à différentes distances de l'appareil.
El et E2 sont des écrans mobiles en zinc, refroidis éga-
lement par un courant d'eau et enduits de noir de fumée
sur la face qui est tournée dans le sens des rayons lumi-
neux (2). C est une cheminée qui conduit à l'extérieur

(1) On en trouvera la description dans le travail de Schmidt


(Ann. dtr Phys., t. XXIX, 1909, p. 100).
(2) Le noir de fumée est transparent pour les rayons restants.
Il vaudrait mieux prendre du noir de platine.
les gaz de la flamme ; les trois surfaces de fluorine étaient
des carrés de IOcm, 8cm et 3cm de côté. Enfin, A est une
grande caisse de bois noircie à l'intérieur, recouverte de
papier d'étain et percée d'un trou juste assez grand
(5cm de côté) pour laisser passer les rayons. Elle contient
des capsules remplies de chlorure de calcium, afin
d'éliminer aussi complètement que possible la vapeur
d'eau sur le chemin des rayons, entre la flamme et le
microradiomètre.
La flamme du bec Méker, qui a été décrit, était très
homogène et régulière. Les rayons émis par S passaient
en moyenne à 2cm,5 au-dessus du cloisonnage.
La source extérieure du rayonnement a été, soit une
lampe Nernst, soit plutôt le chauffeur en platine d'une
lampe Nernst sans filament, qui donne un rayonnement
notable et très constant pour une f. e. m. constante.

3. Résultats qualitatifs. — 1° Les flammes du gaz


d'éclairage ont un pouvoir émissif et absorbant considé-
rable pour les rayons restants de la fluorine. Une flamme
de 5cm de long absorbe 18 pour 100 des rayons émis par
une lampe Nernst. Dans des expériences préliminaires,
en me servant d'une série de becs Méker donnant une
flamme totale de 30cm à 40cm de long, j'ai observé des
absorptions bien plus considérables (5o à 60 pour 100).
20 Cette absorption et l'émission correspondante sont
dues à la vapeur d'eau. Ce fait avait déjà été observé
par MM Rubens et Aschkinass. En introduisant de la
vapeur d'eau bouillante dans le mélange gazeux alimen-
tant le bec Méker,, on peut doubler le pouvoir émissif de
la flamme, tout en abaissant sa température. A mesure
que le courant de vapeur devient plus rapide, l'émission
augmente, atteint un maximum, pour décroître ensuite
lorsque la flamme devient trop froide.
3° L'absorption de la flamme pour le groupe des rayons
restants est sélective. Une flamme qui n'absorbe que
11 pour 100 des rayons restants émis par un corps solide,
donnant un spectre continu, absorbe 28 pour 100 des
rayons d'une autre flamme identique, qui n'émet que les
rayons absorbables parla première. La bande d'absorption
et d'émission de la vapeur d'eau dans le domaine spectral
voisin de 25,5 a donc une structure discontinue et com-
plexe, analogue à celle des bandes d'absorption du gaz
carbonique et de la vapeur d'eau dans l'infrarouge ordi-
naire. Afin d'avoir une idée approchée de cette structure,
j'ai comparé l'absorption par une lame de chlorure d'ar-
gent des rayons restants venant d'une lampe Nernst avec
celle que subissent les rayons restants venant d'une
flamme. M. Rubens a montré que la filtration à travers
le chlorure d'argent ne laisse passer que les rayons de
courtes longueurs d'onde, formant un groupe voisin de
23,7. La lame de chlorure d'argent que j'ai employée
absorbait 46,6 pour 100 des rayons restants émis par la
flamme et 42,5 pour 100 des rayons de la lampe Nernst,
soit une différence de 4 pour 100. Cette différence nette,
mais assez faible, nous permet de conclure que la bande
discontinue d'émission de la vapeur d'eau dans la flamme
s'étend probablement sur presque tout le domaine des
rayons restants, mais avec un peu plus d'intensité vers
les courtes longueurs d'onde.

4. Résultats quantitatifs. — Les mesures précises de


l'absorption et de l'émission sont très délicates. En
effet, d'une part, l'expérience a montré que la source S
et l'écran E, réfléchissaient d'une manière diffuse une
portion sensible du rayonnement de la flamme ;
d'autre part, l'émission des rayons de grande longueur
d'onde croît très rapidement avec la température. Le
moindre échauffement des corps placés sur le trajet des
rayons (en particulier de l'écran E,) se fait sentir. J'ai
éliminé autant que possible ces causes d'erreurs en refroi-
dissant l'écran Et par un courant d'eau et en l'inclinant,
ainsi que la lampe Nernst S, sur la direction des rayons.
Cependant, pour avoir une précision suffisante, il a fallu
mesurer l'énergie due à la réflexion diffuse et à l'échauf-
fement des corps placés en arrière de la flamme et la faire
intervenir dans les calculs. Une autre cause possible
d'erreurs est l'absorption des rayons restants par la va-
peur d'eau présente dans l'atmosphère. Un raisonnement
très simple montre qu'une telle absorption n'intervient
pas lorsqu'elle est continue, mais peut fausser les résul-
tats si elle est sélective. C'est pourquoi le trajet des rayons,
de la flamme au microradiomètre, a été réduit au mini-
mum (75cm); de plus, la majeure partie de ce trajet se
faisait à l'intérieur de la caisse A contenant une grande
quantité de chlorure de calcium. L'atmosphère de cette
caisse était bien desséchée, car l'hydratation du chlorure
de calcium s'y faisait très lentement.
D'ailleurs, la constance des nombres obtenus pendant
une longue série d'expériences a montré que cette der-
nière cause d'erreurs était négligeable.
La principale difficulté provenait du fait que l'absorp-
tion A par la flamme était relativement petite (i3 à
i5 pour 100), malgré les grandes dimensions du brûleur.
Comme cette absorption s'évaluait par différence, il fal-
lait que chaque mesure fût très précise.
L'expérience consiste à déterminer :

1° L'énergie Of émise par la flamme seule;


20 L'énergie os de la lampe Nernst, la flamme étant
éteinte ;
3° L'énergie = s (1 — A) rayonnée par la lampe
Nernst et reçue par le microradiomètre, après avoir été
partiellement absorbée par la flamme. Pour faire cette
dernière mesure, on déplaçait l'écran E,, en laissant
levé l'écran E2. On peut opérer autrement : en soule-
vant E, et en supprimant E2, on obtient une déviation
02

f + os (1
— A) qui permet de calculer A. Les deux
méthodes donnent des résultats concordants.
Si l'on veut connaître A à ~près, il faut que les me-
sures de os et 8, soient exactes au Ceci est d'autant
plus facile que les déviations sont plus grandes. La pré-
cision des lectures brutes a toujours été plus que suffi-
sante. Chaque lecture se faisait au de millimètre, les
déviations variant entre 150mm et 250mm (1), et les diffé-
rences entre plusieurs observations successives d'une
même déviation (par exemple, au début et à la fin d'une
série de mesure) ne différaient jamais de plus d'un demi-
millimètre.
Malheureusement les corrections qu'il a fallu apporter
aux données brutes d'e l'expérience ont atteint 2 et même
3 pour ioo. Elles provinrent surtout du pouvoir réflec-
teur ou diffusif et de réchauffement des corps placés en
arrière de la flamme (écrans, lampe Nernst, etc.).
La mesure des termes correctifs a été difficile; elle a
fait l'objet de longues recherches qui ont permis d'évaluer
ces termes avec une exactitude suffisante, si bien que
l'erreur finale sur la valeur de A et du rapport — ne dé-
passe probablement pas 2 pour ioo.
Voici à titre d'exemples les données de deux séries
d'expériences (2).

(l) Les tangentes ont toujours été ramenées aux angles.


(2) Faites à plusieurs jours d'intervalle.
Expériences
I. II.
mm film
i" Pouvoir émissif de la flamme seule 'Of.." i65,o 169,0
2° Pouvoir émissif de la lampe Nernst seule OS' 79 8 243,6
116
1
?

I brut 206,0
3o >
0! = os
* (1
v
, — A)...7 Résultat
D,
corrige
. , '(1)
.
|
Pouvoir absorbant de la flamme A ( pour ioo ).
{
....--133,0 -
13,6
^
209, 3
13,75

2L
A * ....... 1200 123o

Les résultats, définitifs se trouvent dans le Tableau


suivant :
Tableau I.
Émission Épaisseur
de la flamme Absorption Rapport: de
en millimètres en émission flamme
de l'échelle. pour 100. absorption = A.
traversée.
164,9 13 ,6 1 21o 3
)65,o 13 ,9 IJ9° 3
169. 0 J3,75 I23O 3
165. 6 13,6 1215 3
161, 1 13,1 123o 3
221,3 18,9 1170 5
221,0 18,4 1200 5
221,8 18,2 1215 5
221. 7 1;,6 5
221,3 18,7 1180 5
Moyenne 1210
Erreur possible ........... 2 pour 100
La troisième colonne donne en millimètres de l'échelle
la déviation A que subirait le microradiomètre sous l'in-
fluence d'un corps noir, dont la température serait égale
à la température d'émission T' des rayons, et qu'on aurait
mis à la place de la flamme, devant le trou percé dans
l'écran E3.

Pour plus de netteté, on a fait porter toutes les corrections


(1)

sur un seul nombre.


5. Étalonnage du microradiomètre. — Si l'on veut
déduire cette température de la connaissance de A, il
est nécessaire d'étalonner l'appareil au moyen d'un corps
noir de température connue. Comme les dimensions de
l'ouverture placée devant la flamme étaient notables
(2cm,5 de côté) et comme la longueur d'onde des rayons
restants de la fluorine est très considérable, il a fallu
construire un appareil de grande dimension, et il a été
impossible d'utiliser le chauffage électrique qui permet
d'atteindre des températures élevées. Je me suis contenté
de faire l'étalonnage à l'aide d'un corps noir qu'on pouvait
chauffer jusqu'à 2000 C. Cet appareil, analogue à l'un des
modèles de Lummer et Pringsheim, était constitué par
un grand cylindre de laiton à doubles parois (fig. i3).

Le cylindre intérieur avait un diamètre de 15cm et une


profondeur de 20cm. Il était maintenu à une température
constante par la vapeur d'un liquide bouillant, circulant
librement entre les deux parois. L'appareil était muni
d'un réfrigérant à reflux. Deux thermomètres A permet-
taient de vérifier la constance de la température.
Pour faire les mesures, on met ce corps noir à la place de
la flamme / (fig. 12), de façon que l'ouverture a, de 3cm de
diamètre, se trouve exactement devant le trou percé dans
l'écran E3. Comme les températures 100° à 2000 ne sont
pas très élevées, il faut tenir compte de la température
des écrans E2 et E3 ainsi que de celle du mieroradiomètre.
J'ai toujours réglé l'intensité du courant d'eau qui tra-
versait E2 et E3 jusqu'à ce que leur température soit
égale à celle d'un thermomètre placé dans la caisse A,
à côté de l'appareil.
Dans ces conditions, les déviations étaient tout à fait
constantes. Ainsi, lorsque le liquide chauffant était de
l'eau distillée, bouillant à 100°,1, tandis que le microra-
diomètre et les écrans E2 et E3 étaient à 16°,2, la dévia-
tion était de 47mm,3; cinq déterminations successives
différant entre elles de moins de 0mm,2.
Les mesures faites avec de l'eau bouillante ont donc
donné des résultats très précis. Je les ai complétées ensuite
à l'aide du même corps noir chauffé à i63° et à 180°
(aniline bouillante). Malheureusement, un accident sur-
venu, pendant ces expériences m'a forcé à toucher au
montage des appareils, qui s'est trouvé légèrement mo-
difié, si bien qu'il a fallu refaire une mesure avec le corps
noir à 100°. La nouvelle déviation n'a pas été identique
à la première, mais ces expériences ont montré que la
formule de Planck se vérifie rigoureusement pour les
rayons restants de la fluorine entre i3° C. et i8o°C.
C'est ce que montre le Tableau suivant :

Tableau Il.
Température
du micro-
Température radiomètre Déviation
du et Déviation calculée
corps noir. de l'écran. observée. Planck.
o 0
J00 13, 5 5454 54,4
163 13,5 98,3 -
98,0
180 10,0 108,0 io8,3

Le premier nombre 54,4 a servi à calculer la constante


de l'appareil. Comme on le voit, l'accord est excellent :
les nombres observés et calculés coïncident à o,3 pour 100
de leur valeur. Si l'on rapproche ce résultat de ceux de
MM. Rubens et Kurlbaum, il semble légitime d'admettre
la validité de la formule de Planck et d'en faire une extra-
polation jusqu'à la température T' d'émission des rayons
restants par la flamme.

6. Température de la flamme. — Les éléments du


calcul sont les suivants :
1° En substituant un corps noir de 100°,1 à un corps
noir à 160,2 on obtient une déviation du microradiomètre

= 47
/ 47mm,3. ,3.

2° En substituant au corps noir à 160,2 un corps noir


dont la température est T', on obtient une déviation
= 1210mm (moyenne du Tableau I).
A

La formule (i) (p. 383) donne, en posant

Calcul des erreurs. — L'incertitude provenant des me-


sures mêmes est probablement de i à 2 pour 100. D'autre
part le coefficient x de la loi de Planck n'est pas connu
avec une précision absolue, et cette loi même peut être
inexacte. Les erreurs qui s'introduisent de ce fait sont
inconnues. Cependant une erreur totale supérieure à 3 ou
4 pour 100 est improbable.
D'après la formule de Planck, on a
E étant la déviation qui serait produite par un corps noir
à 160. Cette dernière quantité est négligeable.
Si l'on fait sur A une erreur égale à dA, l'erreur sur T'
a pour valeur

En posant
P = 5,72.I02, T'= 2000°,
on trouve

Comme nous l'avons vu — est probablement égal ou


inférieur à On a donc
dT£ 7°°.
La température moyenne d'émission des rayons res-
tants par la flamme du bec Méker, fonctionnant dans des
conditions normales, est donc de 1760°, à moins de 70°près.
Remarques. — L'émission des rayons restants de la
fluorine par la flamme est très probablement un phéno-
mène purement thermique. En effet les mêmes bandes
d'émission et d'absorption s'observent déjà dans la vapeur
d'eau à 100°, en dehors de toute réaction chimique;
de plus, la vapeur d'eau se trouve en équilibre chimique
à l'intérieur de la flamme. Enfin, M. Pringsheim lui-même
excepte de sa théorie les spectres de bandes infrarouges.
Il est donc vraisemblable que la température de 1760°
représente la température moyenne de la flamme du bec
Méker. Cependant, pour décider d'une façon rigoureuse si
l'émission des rayons restants est un effet de luminescence
ou un phénomène purement thermique, il faut mesurer la
température de la flamme. C'est ce qu'a fait M. Schmidt ;
mais une comparaison entre ses nombres et ceux que j'ai
obtenus est difficile à établir.
Pour ma part, j'ai employé la méthode indirecte exposée
à la page 383. J'ai mesuré la température d'émission
d'autres radiations, en particulier celle des raies et des
bandes du spectre visible auxquelles s'applique la théorie
de M. Pringsheim. J'ai pu ainsi aborder directement la
question de la luminescence et obtenir des résultats
d'une grande précision. Mais il est nécessaire, avant
d'aborder ce point, de dire quelques mots du travail de
M. Schmidt.

7. Les expériences de M. H. Schmidt comportent deux


groupes de mesures :
io Détermination de la température de la flamme
d'un bec Méker par une méthode thermométrique di-
recte :
2° Mesure de la température d'émission des bandes
infrarouges d'absorption du gaz carbonique par la même
flamme.

I. La méthode thermométrique employée a été ima-


ginée par Nernst et appliquée une première fois par un
de ses élèves, Berkenbusch (1). M. Schmidt l'a modifiée
d'une façon notable. En voici le principe : on place dans
la flamme un fil de platine où l'on fait passer un courant
électrique.
Lorsque le fil n'est pas en équilibre thermique avec les
gaz qui l'environnent, il leur fournit ou leur emprunte de
la chaleur par convection. Mais, au moment où sa tempé-
rature est égale à celle de la flamme, les échanges par
convection et conductibilité deviennent nuls (2), et
l'énergie apportée par le courant électrique se dissipe en

f1) Ann., t. LXVII, 1899, p. 649.


BERKENBUSCH, Wied.
(2) Les pertes par conductibilité dans le fil même sont négli-
geables.
entier par rayonnement. Donc, pour connaître la tempé-
rature de la flamme, il suffit de mesurer la température
du fil de platine au moment où l'énergie électrique dé-
pensée dans le fil est égale à l'énergie rayonnée.
Voici comment opère M. Schmidt :
1° Le fil de platine étant placé dans l'air, on l'échauffé
par un courant électrique ; on détermine sa température T
en le visant au pyromètre optique (t); en même temps
on mesure en valeur absolue l'énergie E, qu'il rayonne par
unité de longueur, à l'aide d'une pile thermo-électrique.
Cette pile avait été préalablement étalonnée en valeur
absolue à l'aide d'un corps noir de forme et de dimensions
bien définies. Le corps noir était constitué par un tube
de cuivre noirci, mis à la place du fil de platine et chauffé
à 100°.
Connaissant la constante de la loi de Stefan, le pouvoir
émissif du noir de fumée, et les dimensions du tube, on
peut calculer l'énergie qui correspond à une déviation
donnée de la pile, et par suite connaître E, en valeur
absolue. On trace alors la courbe
Ei=/(T) ;

2° Le fil étant placé dans la flamme et parcouru par


un courant électrique, on détermine sa température T
comme dans la première série d'expériences. La mesure
de sa résistance et de l'intensité du courant donne l'énergie
électrique E2 dépensée par unité de longueur:
On trace la courbe
E2 = f(T).

(1)On peut déduire des indications du pyromètre la température


vraie du fil, grâce aux travaux de Rubens et Hagen (Wied. Ann.,
t. VIII, 1902, p. 432), et de Ilolborn et Ilenning (Sitzber. der
Berl. Akad., igo5, p. 11 ), qui ont mesuré le pouvoir réflecteur du
platine aux diverses températures.
L'abscisse du point de rencontre des deux courbes est
égale à la température de la flamme.
La valeur moyenne obtenue est de 1640° C.

II. Dans la deuxième Partie de son travail, M. Schmidt


détermine la température d'émission des bandes d'absorp-
tion du gaz carbonique dans l'infrarouge (X = 3IL et 4^4)-
La méthode est analogue à celle qui a été décrite plus
haut.
La température obtenue est de 1670°, très voisine de
celle qui a été obtenue directement.
M. Schmidt en conclut que le rayonnement de la flamme
est à très peu près un rayonnement purement thermique.
Il se produit une espèce d'équilibre entre le rayonnement
thermique et la luminescence.
Les nombres publiés par M. Schmidt sont d'environ 100°
inférieurs à ceux que j'ai obtenus. Cette différence est
probablement due en grande partie à des erreurs d'expé-
rience, peut-être aussi à la différence de constitution
des mélanges gazeux qui alimentaient les brûleurs.
Enfin, les températures obtenues par M. Schmidt à
l'aide de son thermomètre à fil de platine doivent subir
une correction du fait que le platine n'obéit pas à la loi
de Lambert.
Comme j'ai eu l'occasion de mesurer la variation avec
l'incidence du pouvoir émissif du platine (1), j'ai pu cal-
culer la correction qu'il fallait apporter aux nombres de
M. Schmidt et qui est de + 30° environ.

(1) et MOULIN, Sur la constante de la loi de Stefan (Journ.


BAUER
de Phys., juin 1910).
CHAPITRE III.
ÉMISSION ET ABSORPTION DES RAIES ET BANDES MÉTALLIQUES
PAR LA FLAMME DU BEC BUNSEN.

1. L'émission des raies métalliques par les flammes


colorées se fait dans des conditions absolument différentes
de celle des rayons restants. Elle est due à une impureté
très diluée qu'on introduit dans la flamme, et non pas
à un des constituants essentiels du mélange gazeux qui y
est en équilibre. Les énergies chimiques mises en jeu dans
les chocs entre les atomes métalliques et les atomes
d'oxygène, ou bien entre les molécules d'un sel et les
molécules d'un gaz réducteur, n'ont certainement pas la
même valeur que celles qui interviennent dans l'équilibre
du gaz à l'eau. D'ailleurs les énergies chimiques diffèrent
énormément d'un métal ou d'un sel à l'autre. De plus les
centres d'émission ont des structures extrêmement va-
riables. Ce sont d'une part des molécules d'eau, d'autre
part des atomes ou des ions métalliques, des molécules
salines, même. Par conséquent si l'émission dans la flamme
était un phénomène de luminescence chimique, on devrait
s'attendre à trouver des températures d'émission très
différentes pour les diverses raies et bandes qu'on peut
étudier.
Une première expérience de contrôle était nécessaire.
Comme le rayonnement de la flamme est modifié par la
présence de sels métalliques, il est possible que sa tem-
pérature change en même temps d'une manière sensible.
C'est pourquoi j'ai examiné si les pouvoirs émissif et
absorbant de la flamme pour les rayons restants de la
fluorine varient, au moment où elle se colore.
Un procédé dû à MM. Hemsalech et de Watteville (x)

(1) Comptes rendus, t. CXLVII, 1907, p. 338.


permet d introduire instantanément dans la flamme des
vapeurs métalliques. Il consiste à faire passer le gaz
d'éclairage (ou l'air), alimentant le bec Bunsen, dans un
ballon où se trouvent deux électrodes métalliques, de
sodium ou de potassium par exemple, entre lesquelles
on fait jaillir des étincelles condensées. Le métal pulvérisé
est entraîné par le gaz et vient colorer la flamme.
J'ai pu constater ainsi que l'émission varie de moins
de de sa valeur, l'absorption de moins de au
moment où la flamme devient lumineuse. On obtient un
résultat analogue en plaçant simplement, sur le cloisonnage
du bec Méker, des petits morceaux de KCl,NaCI, CaCl2,
Ca Fl2, etc. (1), mais les mesures se font avec moins de
précision.
Par conséquent, lorsqu'on rend la flamme lumineuse
et conductrice de l'électricité, on ne fait varier d'une ma-
nière sensible ni son émission, ni son absorption, ni par
suite sa température.

2. Méthode du renversement des raies. — On peut


déterminer la température d'émission d'une raie par
une méthode très simple et très élégante due à M. Féry et
fondée sur le principe du renversement des raies.
L'expérience se réduit alors à une seule mesure spectro-
photométrique effectuée dans d'excellentes conditions.

Le dispositif qui m'a servi est représenté sur la figure 14.


La lentille L, (f— 25cm), projette à l'intérieur de la flamme
une image Il d'une source lumineuse S, dont on peut faire

(1)Les périodes propres de la molécule de CaF2 ne sont donc


probablement pas les mêmes à l'état gazeux et à l'état solide.
varier 1 'intensité. Une deuxième lentille L2 projette
l'image 12 de la source et de la flamme sur la fente d'un
spectroscope. Un écran D placé derrière le brûleur permet
de limiter le faisceau lumineux (1).
Lorsque l'intensité de la source S est faible, on voit
dans le spectroscope la raie émise par la flamme se
détacher en clair sur un spectre continu plus sombre.
Lorsqu'on augmente l'éclat de la source, il arrive un
moment où la raie disparaît, puis elle réapparaît en
sombre sur un fond clair.
L'explication de ce phénomène est immédiate. Soit il
l'intensité spécifique des rayons qui proviennent de la
source S et qui tombent sur la flamme après avoir tra-
versé la lentille L,. Comme la source est continue, ÍÀ est
constant dans une région assez étroite du spectre.
Appelons d'autre part E), l'intensité spécifique du rayon-
nement de la flamme, et A), son pouvoir absorbant.
Admettons, ce qui est en général conforme à la réalité,
que Ex et AI sont négligeables dès qu'on s'écarte de la
raie considérée, dont la longueur d'onde est
L'image de cette raie dans le spectroscope a un éclat
.
proportionnel à
(') H = h( I — + E= — A( i - l ),
en posant

l'éclat des régions voisines du spectre sera sensiblement i.


Si l'on a ix < lÀ, H est plus grand que i
et la raie
apparaît en clair sur le fond continu.
Si ix > lÀ, on a H < il, la raie est plus sombre que le
reste du spectre.
Le renversement se produit quand il = I, c'est-à-dire

(1) Cet écran est souvent inutile.


lorsque la température d'émission du rayonnement étudié
est égale à la température du rayonnement renversant.
Cette température s'obtient immédiatement en compa-
rant au spectrophotomètre l'éclat de l'image Il avec celui
d'un corps noir de température connue.
Dans mes expériences j'ai préféré mesurer cette tempé-
rature par un procédé indirect mais plus rapide et aussi
précis.
La source S était une lampe à incandescence à filament
de charbon assez gros pour que son image 12 soit plus
large que l'ouverture de la fente du spectroscope (cette
condition est tout à fait nécessaire). Je me suis assuré
d'abord par des mesures au spectrophotomètre que la
distribution de l'énergie dans le spectre visible du charbon
incandescent est la même que dans le spectre d'un corps
noir qui aurait le même éclat dans le rouge.
Ce point étant acquis, la température de l'image Il se
détermine aisément à l'aide d'un pyromètre optique qu'on
met à la place du spectroscope et qu'on pointe sur elle
après avoir supprimé la lentille L2. Une seule précaution
est nécessaire : c'est que le faisceau lumineux venant de
la source soit diaphragmé par l'objectif du pyromètre.
L'appareil qui a servi à ces expériences est un pyromètre
optique de M. Féry. J'en ai refait moi-même l'étalonnage
avec un corps noir dont la température était mesurée
par application de la loi de Stefan à l'aide d'un pyro-
mètre à radiation totale de Féry.
Sur le circuit de la lampe à incandescence se trouvait
un ampèremètre. Avant et après chaque série d'expé-
riences sur le renversement des raies, je déterminais la
température correspondant aux diverses intensités de
courant qui traversaient le filament.
Il suffisait de lire l'indication de l'ampèremètre au mo-
ment du renversement pour connaître immédiatement
la température.
Comme le montre la formule (i) le renversement est
d'autant plus net que le coefficient est plus grand
pour la longueur d'onde considérée et plus faible pour
les longueurs d'ondes voisines.
Il faut donc choisir une flamme de grandes dimensions
et aussi chargée en sel que possible. L'expérience est
facile pour la raie du sodium et la raie du lithium, beau-
coup plus difficile pour les autres raies, impossible pour les
bandes, du moins avec le spectroscope assez peu dispersif
que j'avais à ma disposition (1).

Précision de la méthode. — Lorsque le renversement


se fait d'une façon nette, pour les raies D par exemple,
la sensibilité et la précision de la méthode sont extrême-
ment grandes.
En effet, on se trouve dans des conditions aussi bonnes
que possible pour faire une mesure photométrique : les
raies du spectre sont fines et se détachent nettement sur
le fond continu.
Cependant après avoir fait un très grand nombre de
mesures spectrophotométriques, je doute qu'elles com-
portent jamais une précision supérieure à -2 pour 100
environ.
Admettons donc qu'on ne puisse apercevoir que des
différences d'éclat de cet ordre.
D'après la formule de Planck [cf. équat. (2), p. 398],
l'incertitude dT sur la température qu'entraînerait une
erreur relative 1
sur l'éclat est égale à

(1) Le pouvoir absorbant des flammes dans la région des bandes


est très faible (GOUY, Ann. Chim. Phys., t. XVIII, 1879, p. 5).
Pour la raie D
X
= 0,589. 10-4, = 2,5.104,
~
[3
g

—3—
,
est à peu près égal à l'unité lorsque T = 2.103,
~
et l'on a

Pour la température de la flamme du bec Bunsen, voi-


sine de 2000° absolus,

On voit que la précision de ces mesures est bien supé-


rieure à celle des expériences sur les rayons restants.
Elle reste à peu près la même dans tout le spectre visible.
En réalité les températures ne sont pas connues avec
cette exactitude en valeur absolue, car les erreurs venant
de l'étalonnage du pyromètre optique et de la lampe élec-
trique viennent s'ajouter à celle qui a été calculée plus
haut. L'incertitude peut atteindre une vingtaine de
degrés. Mais la comparaison des températures de ren-
versement des diverses raies du spectre peut se faire à 50
près. C'est là le point essentiel. D'ailleurs l'accord entre
les diverses mesures faites avec une même raie a toujours
été excellent (1).

3. Température d'émission des raies D. — Les expé-


riences les plus nombreuses et les plus précises ont été
faites avec une flamme colorée par des sels de sodium,

Lorsqu'on chauffe légèrement l'air qui alimente la flamme, on


(1)

peut voir immédiatement le renversement cesser.


par le chlorure en général. Le brûleur était un bec Méker,
le même qui avait servi aux expériences sur les rayons
restants.
Une première expérience a consisté à déterminer la
température moyenne de la flamme colorée par la méthode
de Hemsalech et de Watteville. Cette mesure a donné
pour la température d'émission de la raie D :
1760" G flamme de 3cm,
1750" C
.................... flamme de 5cm.

La moyenne 17550 est presque identique au nombre


17600 obtenu pour les rayons restants. Une concordance
aussi parfaite est probablement accidentelle. Cependant
elle permet d'affirmer dès à présent que le rôle de la lumi-
nescence est très faible dans l'émission des raies D par la
flamme.
Dans une deuxième série d'expériences, j'ai déterminé
la température d'émission des raies D dans les différentes
régions de la flamme. Pour la colorer en une région par-
faitement limitée, on peut mettre un petit morceau de
chlorure de sodium sur la grille du bec Méker au voisinage
du point étudié (x). Comme la flamme qui a servi à ces
expériences était assez volumineuse (5cm de long sur 3cm
de large) la zone colorée était bordée, en avant et en
arrière, d'une région obscure protectrice. On élimine
ainsi l'influence des bords qu'on peut étudier à part. Il
faut, de plus, avoir un faisceau lumineux très mince pour
que les expériences aient un sens. Avec le dispositif de
la figure i4 le faisceau avait au maximum imm de large
dans la région colorée. Le brûleur était posé perpendicu-

(1) Il ne faut pas mettre le chlorure de sodium juste au-dessous


des rayons lumineux : on obtiendrait des températures trop basses,
car le sel solide refroidit la flamme; il ne faut pas non plus le mettre
trop loin, car le pouvoir absorbant devient trop faible. On trouve
facilement la position la plus favorable.
lairement aux rayons lumineux, sur le chariot d'une ma-
chine à diviser qui permettait de le déplacer relativement
au faisceau incident. La température a été déterminée
ainsi en 23 points différents.
La courbe de la figure i5 représente la distribution des

températures qu'on obtient ainsi à 8mm au-dessus des


cônes bleus. La température est maxima dans la région
de combustion (cône extérieur) où elle atteint 18450. Au
centre de la flamme, elle est de 1700° ; elle tombe très ra-
pidement vers l'extérieur.
Il faut faire ici une remarque très importante : c'est
qu'il existe, au centre du bec Méker employé ici, une
région de 3om de long sur icm de large où la tempéra-
ture est rigoureusement constante.
A 15mm au-dessus des cônes bleus, le maximum est le
même; mais le minimum atteint 1660°. La figure 16 re-
produit en traits pleins une courbe du même genre, que
M. Schmidt a obtenue pour un bec analogue, par la mé-
thode therniométrique que j'ai indiquée plus haut. Cette
méthode est absolument indépendante des phénomènes
d'émission dans les gaz de la flamme. La courbe est rela-
tive à une section de la flamme située à 12mm au-dessus
du cloisonnement. La courbe pointillée représente le ré-
sultat des expériences relatives à la raie D pour des points
situés à 15mm au-dessus des cônes bleus.

On voit que les deux courbes sont de forme iden-


tique, aux erreurs d'expérience près. Cependant celle de
M. Schmidt est décalée par rapport à la mienne de 50°
vers les basses températures.
Mais cette divergence se réduit à 20° ou 30°, lorsqu'on
fait subir aux nombres de M. Schmidt la correction qui
a été signalée à la page
L'accord est donc aussi bon qu'on pouvait l'espérer,
étant données les conditions assez différentes où se sont
faites ces expériences.
Si on calcule la température moyenne de la flamme
1

au moyen de la courbe de la figure 15, on trouve 17400


pour une flamme de 3cm de long, alors que la mesure
d'ensemble a donné 1760°, et 1'7250 au lieu de 1760° pour
une flamme de 5cm. La différence de 200 ou 250 est supé-
rieure aux erreurs d'expérience. Nous pouvons en con-
clure que les parties les plus chaudes ont une influence
prépondérante dans les mesures d'ensemble où toute
la flamme est colorée. Ce fait n'a rien qui doive étonner,
car le nombre de centres lumineux (et absorbants) pré-
sents dans le gaz croît certainement avec la tempéra-
ture. On peut même prévoir que l'importance relative des
régions chaudes variera avec la nature chimique de la
substance colorante. A mesure que les sels métalliques
seront plus difficiles à réduire, la température moyenne,
donnée par une expérience d'ensemble, sera plus élevée,
car la concentration des atomes métalliques (ou des ions)
dans les parties les plus froides de la flamme sera de plus
en plus faible.
Mais ceci nous amène à examiner le cas où l'on change
la nature du sel qui colore la flamme.

t. Température d'émission de diverses raies et bandes


métalliques. — I. MM. Kurlbaum et Gunther Schulze
ont fait paraître, en 1906, un Mémoire sur la température
des flammes colorées par des sels métalliques (1).
La méthode employée est celle du renversement des
raies qui a été utilisée ici. Mais, au lieu d'opérer en une
région bien déterminée de la flamme, ils ont fait des expé-
riences d'ensemble, portant sur une flamme de bec Bunsen
ordinaire, qui présentait entre ses différents points des
différences de températures de i5o°; ils plaçaient simple-

(1) KURLBAUM el GUNTHER SCHULZE, Verh. d. d. phys. Ges.,


t. VIII, J906, p. 239. 1
ment devant une lampe Nernst un bec Bunsen, au-dessus
duquel se trouvait une nacelle annulaire de platine,
contenant un sel métallique. Les rayons de la lampe, qui
avaient traversé différents points de la flamme, ainsi que
la lumière émise par la flamme elle-même, étaient con-
centrés par une lentille sur la fente d'un spectroscope.
Le pouvoir émissif de la lampe Nernst et la tempéra-
ture correspondante du rayonnement avaient été déter-
minés par comparaison spectro-photométrique avec un
corps noir.
Les conclusions de MM. Kurlbaum et Gunther Schulze
sont les suivantes :
1° On obtient des températures différentes pour une
même raie avec les différents sels d'un même métal.
2° On obtient des températures différentes pour les
différentes raies étudiées. La température croît lorsque
la longueur d'onde diminue.
3° Lorsqu'on introduit dans la flamme un mélange de
sels, la température d'émission d'une raie donnée aug-
mente en présence d'un sel dont les raies se renversent à
une température supérieure.
Ces concl irions sont précisées par les deux Tableaux
suivants :
Tableau IV.
,1
Sc
j
(
KCI
raie roue
|
l
...1-'oC03 Li Ci. Na".2CU.o
\ = oï, 7G8.
)
G71. 671. 589.
Températures.

Bec Bunsen 1778" Ilj95° 1690" 1660"


Flamme d'hydrogène... 191 T* 1859" IR14" IR7'1°

Sel N;t Cl. 1 l CI. IIbCI. * ,vCI


f raie violrtlc,
X = ai" 589. 535. 421. 405.
'i'cmpcraturcs.
Bec Bunsen 1718" J7JI0 1812" »
Flamme d'hydrogène >954°
... 1) 1921" 1945°
Température de renversement de la raie du Li (bec Bunsen).
LiCI pur. LiCI + NaCI. LiCI + HIIC!. LiCI i-KCI.
di8;" 17210 173Ro I¡!t!t
Comme j'avais à ma disposition un moyen simple et
commode d'introduire une vapeur métallique en une ré-
gion quelconque de la flamme, j'ai entrepris de refaire
les expériences de MM. Kurlbanm et G. Schulzc, mais en
ayant soin, comme je l'avais fait pour le chlorure de so-
dium, d'isoler successivement le rayonnement des divers
points de la flamme. Voici les résultats de mes expé-
riences :

Le renversement de la raie D s'observe toujours avec


la même facilité, que le sel introduit soit le chlorure, le
sulfate ou le carbonate de sodium ; il a donc été possible
de refaire avec tous ces sels la série des mesures abou-
tissant à la courbe de la figure i5.
Les courbes obtenues ont toujours été absolument
identiques, aux erreurs d'expérience près. Ces erreurs
ne dépassent d'ailleurs jamais 10°. Une différence de 600
entre les diverses températures de renversement ne pou-
vait pas passer inaperçue.
Pour les autres raies, les expériences sont plus diffi-
ciles, si l'on veut opérer correctement. J'ai pu cependant
renverser en une zone bien déterminée de la flamme située
dans la région médiane, ainsi que sur le bord, dans l'enve-
loppe externe, toutes les raies qu'avaient étudiées les
physiciens allemands, et quelques autres, dont voici la
liste :
Sel. Série. Remarque.
K (chlorure) 7668 et 7701 Principale n" 3
Li (chlorure).... 6708 » n" 3
Na (sels divers).. 58()<i et 589° » n° 3
2t série secoJ)-
li (suliate)v 7 ...... 53JO
l< ..
(laire n° 3
Sel. Série. Remarque.
I Expérience
Sr (chlorure) 4607 Sans série j ^'^semble
Cs (chlorure).... 4^93 et 4555 Principale n° 4
,.
TIndium (sutfme)
Ir
.
4511
\
<
f ,
Ie série secon-
daire
. 11" 3
| ^^liée
Rb(chlol'ure).... 42 J) et 4201 Principale n, 4
K (chlorure) 4047 et 4°44 n" 4 Id.
..... » ^

Il a fallu souvent mettre trois ou quatre morceaux du sel


étudié à la suite l'un de l'autre sur le grillage du bec
Méker qui m'a servi à ces expériences. Il a fallu même dans
quelques cas faire traverser aux rayons deux becs iden-
tiques (iocm de flamme), pour avoir un renversement
net, dans des conditions convenables.
Pour les raies violettes du rubidium et du potassium,
les observations oculaires sont difficiles (1) et j'ai dû
photographier le phénomène de renversement. Pour cela,
j'ai pris sur une même plaque une série de spectro-
graphies, correspondant chacune à une température dé-
terminée du rayonnement de la lampe. En faisant varier
cette température de 10° en 100, on peut déterminer
avec une extrême précision le moment du renversement.
Les clichés, qu'il est malheureusement impossible de re-
produire avec assez de finesse, sont absolument pro-
bants et indépendants de toute illusion subjective. Ainsi
la raie double 4047, 4o44 du potassium, émise au centre
de la flamme, apparaît nettement en clair sur le négatif
correspondant à 1690° et en sombre sur celui de 1715°.
Le résultat de ces expériences est le suivant :
Toutes les raies, à quelque substance et à quelque série
qu elles appartiennent, se renversent en une région déter-
minée d'une flamme donnée en même temps que la raie D.

(1) La sensibilité de l'œil aux différences d'éclat est maxima dans


le vert et le jaune, et très faible dans le violet.
Le résultat est encore le même lorsqu'on opère sur des
mélanges de sels. Alors que les mesures absolues ne se
font probablement qu'à 200 ou 3o° près, on peut affirmer
l'identité des températures de renversement au centre de
la flamme à 5° près.
Comme il existe au centre de la flamme une région très
étendue où la température est invariable (cf., p. 409),
celle-ci est parfaitement bien définie.
Pour la raie bleue du strontium, je n'ai pu obtenir le
renversement qu'en colorant la flamme dans son ensemble,
au moyen d'une méthode de pulvérisation indiquée par
Kirchhoff et Bunsen et modifiée par Beckmann : on fait
passer l'air alimentant la flamme sur une solution du sel
étudié contenant du zinc et de l'acide chlorhydrique. La
température de renversement a été trouvée de 17400 ;
du même ordre que pour des expériences d'ensemble sur
la raie D.
Enfin, comme je l'ai remarqué plus haut, il m'a été
impossible d'observer des phénomènes de renversement
dans les spectres de bandes, probablement à cause de leur
constitution complexe et de la faible dispersion de mon
spectroscope. Mais, en opérant comme pour une expé-
rience de renversement, on peut noter la température
du rayonnement de la lampe, pour laquelle la bande dis-
paraît sur le fond continu. Si cette température reste la
même quand on double ou triple l'épaisseur (c'est-à-dire
le pouvoir absorbant) de la flamme traversée, il est évident
qu'elle est égale à la température d'émission de la bande.
En opérant sur des flammes colorées par la méthode
de Beckmann au moyen de solutions de Ca Cl2 et de
Sr C12, j'ai trouvé pour les quatre bandes étudiées une
température d'émission de 17400 environ.

5. Température de la flamme en fonction de la compo -


sition du mélange explosif. — Avant de conclure et afin de
donner aux nombres ci-dessus toute la précision désirable,
il est nécessaire de savoir à quelle composition du mélange
explosif ils correspondent, et de voir comment varie la
température du centre de la flamme, lorsqu'on change les
proportions de gaz et d'air. Les mesures de températures
ont été faites comme plus haut par la méthode du renver-
sement de la raie D. On plaçait un petit morceau de
chlorure de sodium sur le cloisonnage qui recouvre l'orifice
du bec Méker. Celui-ci était un bec à air comprimé, de même
forme que pour les expériences antérieures.

On mesurait les débits d'air et de gaz d'éclairage à


l'aide de manomètres de Topler (1), étalonnés avec un
compteur à gaz.

(1) L'usage de ces manomètres pour la mesure d'un débit gazeux


a été préconisé, je crois, par M. Langevin, et appliqué pour la pre-
mière fois par M. Eugène Bloch (Thèse).
La courbe de la figure 17 reproduit les résultats de ces
expériences. Les températures sont portées en ordonnées,les
abscisses représentent le rapport

La courbe inférieure donne les températures observées


en visant au pyromètre optique un gros fil de platine
plongé dan:, la même flamme.
Comme on le voit, les deux courbes ont tout à fait la
même allure. Le maximum de température est de 1840°,
il se produit lorsque la proportion de gaz d'éclairage est
de 18 pour 100 environ. Il correspond à peu près à la
température observée sur le bord de la flamme ordi-
naire.
Certains points sont assez éloignés des courbes, car je
n'avais à ma disposition qu'une trompe à eau pour com-
primer l'air et l'envoyer dans le brûleur, si bien qu'il se
produisait de petites variations du débit pendant une
expérience. Cependant ces résultats complètent et con-
firment entièrement ceux des paragraphes précédents.

6. Conclusion. — Toutes les bandes et toutes les raies


émises par la flamme du bec Bunsen dans sa portion mé-
diane, comprise entre le cône bleu intérieur et la région
d'oxydation totale extérieure, ont la même température
d'émission.
Cette température est égale à celle de la flamme au
même point.
Les expériences ont porté sur des longueurs d'onde
comprises entre 25,5 (rayons restants de la fluorine)
et 0,4 (raie violette du potassium).
La précision absolue des mesures est d'environ 5o°
pour les rayons restants et probablement tout le spectre
infrarouge; elle est de 200 dans le spectre visible.
La concordance des températures d'émission des raies
et des bandes comprises entre
X
= oP-, 77 et À
= 0, 404
est certaine à 5° près au moins.
La loi de Kirchhoff se vérifie donc avec une précision
presque absolue.
Le rayonnement de la région médiane de la flamme est
purement thermique. Il en est de même du rayonnement
de l'enveloppe extérieure, au moins en ce qui concerne
les raies et les bandes qui sont émises en même temps
dans la région médiane.
Les expériences très intéressantes de Kurlbaum et
Gunther Schulze, loin de prouver, comme ils le croyaient,
que les spectres de flamme sont des spectres de lumines-
cence, démontrent, comme je l'ai déjà indiqué, que dans
une expérience d'ensemble, les régions les plus chaudes
de la flamme ont d'autant plus d'importance que le sel
étudié est plus difficile à dissocier.
En effet, le Tableau suivant montre que les tempé-
ratures observées par les physiciens allemands sont en
général proportionnelles à la chaleur de formation du sel
étudié à partir des éléments (l'oxyde dans le cas des sels
oxygénés).
Tableau V.
Chaleur
de formation
Températures en calories
observées. pour iat du métal.
Na2SÔ'f l(j460 5o4oo
Na2CO-3 1663 50400
LICI 16go 93 goo
Li2CO-l 1695 70500
Na CI
TICI
................. lio7
17J1
97300
49000
KCI 1778 105000
RbGl 1812 >10500o(?)
Le thallium seul fait exception à la règle, mais ce métal
est moins volatil que les autres. Quant à l'augmentation
de température observée quand on opère sur des mélanges
de chlorures (Tableau IV, p. 412), elle s'explique immé-
diatement par le recul de la dissociation d'un corps en
présence d'un autre corps ayant un radical commun avec
lui.
Il est possible que les méthodes spectrophotométriques
donnent un jour des renseignements précis sur les équi-
libres chimiques aux températures élevées.
Un dernier point que j'ai examiné est le suivant : il
arrive parfois que le pouvoir émissif et la température
d'émission d'un gaz varient lorsqu'ils sont soumis à un
rayonnement extérieur. Il se produit un phénomène de
fluorescence ou de résonance optique (Wood). Il ne m'a
jamais été possible de mettre en évidence un semblable
phénomène, même en projetant latéralement en 12 l'image
d'un arc électrique. Peut-être l'intensité du spectre de
résonance est-elle négligeable par rapport à celle du
spectre thermique ; il est possible aussi que le phéno-
mène de résonance diminue lorsque la température
s'élève.

CHAPITRE IV.
LA TEMPÉRATURE DE LA FLAMME OXHYDRIQUE
ET DES FLAMMES A OXYGÈNE PUR.

1. Expériences préliminaires. — Comme la méthode du


renversement des raies donne la température avec exacti-
tude, elle peut s'appliquer aux flammes très chaudes dans
lesquelles il est impossible de plonger un thermomètre.
Cette application a été faite d'abord par M. Féry (1).
Cependant j'ai tenu à vérifier d'abord que les phéno-

(1) FÉRY, Comptes rendus, 3o novembre 1903.


mènes de luminescence n'y interviennent pas davantage
que dans la flamme du bec Bunsen. A cet effet, j'ai com-
paré les températures d'émission des rayons restants
de la fluorine et de la raie D par la flamme oxhydrique.

I. Pour les rayons restants, rien n'a été changé au


montage qui est représenté sur la figure 12. Les expé-
riences ont été faites très peu de temps après celles qui se
rapportaient au bec Bunsen.
La flamme oxhydrique était produite par deux becs
Méker à oxygène et hydrogène, accolés ensemble.
Lorsque les débits gazeux étaient convenablement
réglés, les deux brûleurs ne donnaient qu'une seule flamme
bien homogène et assez large pour couvrir entièrement
l'ouverture de l'écran E3, devant laquelle elle était placée
(diamètre 2cm,4). Ces débits ne correspondaient pas
au mélange théorique de deux volumes d'hydrogène
pour un volume d'oxygène. On ne pouvait donc pas
s'attendre à obtenir la température maxima du chalu-
meau oxhydrique. Mais ceci n'avait aucune importance
pour ces mesures préliminaires. L'essentiel était d'opérer
avec la même flamme pour les rayons restants et pour
la raie D.
Afin d'obtenir des résultats aussi probants que possible,
j'ai toujours croisé les deux séries d'expériences. Comme
il fallait s'y attendre, la flamme, dont les gaz sont con-
stitués par de la vapeur d'eau à haute température avec
un léger excès d'oxygène, possède des pouvoirs émissif et
absorbant considérables pour les rayons restants de la
fluorine.
Voici les résultats obtenus pour une flamme de icm
d'épaisseur moyenne :
Tableau VI.
Pouvoir émissif E
de la flamme Pouvoir absorbant E
en millimètres. A pour 100. _A
216 12,4 1740
270 16,0 [680
237 13,6 1720
26.1 15,5 1710
203 1
5 2 1730
,
242 13,7 1770
253 14,6 1730
201 11,9 1690
Moyenne..... 1720

L'étalonnage du microradiomètre à l'aide du corps


noir a été fait avant et après les expériences sur la flamme
oxhydrique. Les deux séries de mesures ont été concor-
dantes; les nombres obtenus sont ceux qui se trouvent au
Tableau II de la page 396.
Les données expérimentales sont les suivantes :
Température
Température de l'écran
du corps noir. et du microradiomètre. Déviation.
100" 13', 5 54™m,4
t ,5
13° 17'lO"""

La formule de Planck donne pour la température de la


flamme étudiée
t = 2240° G.
II. Pour observer le renversement des raies D dans
la flamme oxhydrique, je me suis servi d'un dispositif
analogue à celui de la figure 14, page 4o3.
Mais comme il est impossible d'obtenir des tempéra-
tures assez élevées avec une lampe à incandescence, j'ai
pris comme source de rayonnement le cratère d'un arc
électrique dont l'éclat était affaibli par un système de
deux prismes absorbants à épaisseur variable, analogues
à ceux du pyromètre à absorption de M. Féry.
Cette méthode est due à M. Féry qui l'a employée en
1907 (1). Les prismes à angle très aigu sont disposés comme
le montre la figure 18. Ils constituent une lame absorbante

à faces parallèles, dont on peut faire varier l'épaisseur


en les faisant glisser l'un devant l'autre.
Cette épaisseur est proportionnelle au déplacement
relatif x des deux prismes, à partir d'une position initiale
où leurs arêtes sont voisines. Ce déplacement se lit sur
une graduation fixée à l'un des prismes.
On a donc
Ix = I0 a Il e-x,
I1. étant l'intensité spécifique du faisceau incident 10,
et lx celle du faisceau transmis pour la position initiale o

(1) Bulletin de la Société de Physique, 1907.


et la position x des prismes. a est un coefficient de trans-
parence initiale qui est toujours inférieur à l'unité.
J'ai fait d'abord une étude spectrophotométrique com-
plète du système absorbant et déterminé les coefficients a
et pour un certain nombre de longueurs d'onde.
Cette étude était nécessaire, car il n'existe pas de verre
gris absorbant également toutes les radiations. Je ne
donnerai ici que les nombres relatifs à la raie D qui ont
été déterminés avec un soin particulier :
p = 0,0175, a = 0,202.

,
Si l'on place les prismes devant une source émettant
une radiation Il de température la température T de
la radiation émergente est donnée par la formule de Wien :

Pour la raie D

Lorsque la source est le cratère- d'un arc électrique,


on peut admettre que 0 = 37500 absolus.
Les indications de cette formule ont toujours été con-
trôlées par une mesure directe au pyromètre optique.
Ce contrôle ne peut se faire que pour les radiations rouges.
Mais la correction qui permettait d'en déduire la tempé-
rature du rayonnement jaune était facile et peu impor-
tante.
Les expériences de renversement ont été faites avec
des flammes colorées par la méthode de MM. Hemsalech
et de Watteville. Les températures moyennes ainsi obte-
nues ont varié entre 22000 et 2300°. L'accord est donc
excellent.
Ces résultats concordent avec ceux des Chapitres précé-
dents. Ils se sont d'ailleurs trouvés confirmés qualitative-
ment par les recherches récentes de MM. Hemsalech et
de Watteville (1). Ces physiciens ont démontré que les
spectres des flammes oxhydrique et oxyacétylénique dépen-
dent uniquement de la température et s'enrichissent en
raies d'une manière continue, à mesure qu'elles deviennent
plus chaudes.
2. Mesures définitives. — Il était donc intéressant d'étu-
dier la température maxima qu'atteignent les flammes
oxhydrique, oxyacétylénique, etc., lorsque les mélanges
explosifs se font en proportions théoriques. Mais ces
expériences n'étaient plus possibles avec des becs Méker.
C'est pourquoi j'ai pris un chalumeau d'un type com-
mercial où le mélange des gaz se faisait avant l'inflam-
mation, dans une chambre d'assez grande capacité.
Au sortir de l'orifice très étroit du brûleur se forme une
onde explosive conique comme celle du bec Bunsen, mais
bien plus petite. Immédiatement au-dessus se trouve la
région la plus chaude de la flamme. C'est là qu'il faut
mesurer la température.
Avant de pénétrer dans le brûleur, l'oxygène passait
dans un ballon où se trouvaient des morceaux de sodium
métallique entre lesquels on faisait éclater de courtes
étincelles (2). Le gaz se chargeait ainsi de vapeurs métal-
liques qui venaient colorer toute la flamme. On faisait
varier le débit de l'un des gaz jusqu'à ce que la flamme
fût aussi chaude que possible. A ce moment,le mélange se
faisait en proportions théoriques.
La température mesurée par le renversement de la
raie D est donc une moyenne, probablement inférieure
à la température de la région la plus chaude. Pour nie-

(1) Comptes rendus, i j déc. 1909 et 7 fév. 1910. — Cj. un travail


de King sur les spectres obtenus au four électrique. (Astroph.
Joum., t. XXIX, p. 190).
(2) On évite aisément l'inflammation du sodium.
surer celle-ci, il faudrait isoler la flamme étudiée, soit
en l'entourant d'autres flammes identiques, soit en la
faisant brûler dans un cylindre de verre, comme l'ont
fait MM. Haber et ses élèves pour leurs recherches sur
les équilibres chimiques (1). J'ai observé à ce sujet un
phénomène étrange dont je n'ai pas encore trouvé l'expli-
cation. Lorsque la concentration de la vapeur saline est
très petite, la flamme semble ne se colorer que dans
les zones extérieures où pénètre l'air atmosphérique. Plus
la coloration est faible, plus la température de renver-
sement de la raie D est basse, parfois inférieure à 20000
pour une flamme à 25000.
Cependant, lorsque la teneur en métal dépasse une cer-
taine valeur, la température observée ne varie plus.
C'est cette limite constante qui se trouve dans le Tableau
suivant :
Températures

Flamme. Féry ( 1907). Haber (1910).


2CO + 02 H
0
2600 2350
Gaz-l-O2
2112 +
H210 ....
'noo
'>.420
»
2800 à 2900
>3ooo
2450
:.>.:')50

2 C2 02 3ooo 2700 (?)

Il ne faut pas attribuer aux chiffres de la dernière co-


lonne une exactitude supérieure à ± 5o. L'erreur sur
la température de la flamme oxyacétylénique doit même
être plus grande encore, car il m'a été impossible de la
maintenir assez stable pendant une série complète de
mesures (2).
Les températures obtenues sont toutes notablement
inférieures à celles qui ont été publiées par Haber et ses

(1) Zeitschr. /. phys. Chem., t. LXVI, p. 181, et t. LXVII, 1909,


p. 343.
(2) L'acétylène venait d'une bombe à acétylène dissous, dont la
pression diminue extrêmement vite.
élèves. Ces dernières ont été obtenues par extrapolation
des formules qui donnent la variation des constantes
d'équilibre avec la température. Il est peu probable qu'une
divergence aussi grande soit due à des erreurs expéri-
mentales. On peut les expliquer peut-être par le fait que
les chaleurs spécifiques des gaz aux températures élevées
ne sont pas encore connues.
Il est possible aussi qu'il intervienne, dans les réactions
chimiques auxi températures élevées, des composés endo-
thermiques comme l'ozone et l'eau oxygénée, ou même
l'oxygène et l'hydrogène monoatomique, dont M. Haber
n'a pas pu calculer l'influence.

CHAPITRE V.

SUR LE ROLE DES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DANS LA CRÉATION


DES CENTRES LUMINEUX.

1. L'ensemble des recherches qui a été exposé jusqu'ici


démontre, je crois, en toute rigueur, qu'il n'y a pas de
luminescence dans la flamme (à l'exception du cône
bleu).
Mais il se peut que les réactions chimiques interviennent
en créant des centres lumineux, qui se mettent instan-
tanément en équilibre thermique avec les gaz où ils se
trouvent.
Cette opinion a été soutenue récemment par M. Pring-
sheim dans une Note publiée à propos de mes recherches (1).
Si l'on se place à ce point de vue, on se trouve en pré-
sence de deux opinions : d'après M. Pringsheim, ce sont
les phénomènes de réduction qui créent les centres lumi-
neux, d'après M. Fredenhagen ce sont les phénomènes
d'oxydation.

(1) Comptes rendus, t. CLI, 1910, p. 3o2.


Enfin, on peut soutenir également que les réactions
chimiques n'interviennent en rien, et que le rayonnement
est purement thermique, au sens le plus général.
Pour décider entre ces hypothèses, il est nécessaire de
discuter de plus près les travaux de MM. Pringsheim et
Fredenhagen. Je commencerai par dire quelques mots
de ces derniers, car l'hypothèse de M. Pringsheim exige
un examen beaucoup plus sérieux et plus approfondi.

2. La théorie de M. Fredenhagen. — Rappelons les


arguments principaux apportés par M. Fredenhagen :
I. Les spectres de raies et de bandes ont une complexité
telle qu'il est peu probable qu'ils soient d'origine ther-
mique.

II. Les raies caractéristiques des métaux n'apparaissent


pas dans la flamme d'hydrogène et de chlore. Or, cette
flamme se distingue de la flamme oxhydrique en ce
qu'elle ne contient pas d'oxygène. Donc, la présence
de ce gaz est nécessaire à l'émission des spectres de raies
qui se présentent comme des spectres d'oxydation.
Ces arguments sont évidemment très faibles. En effet :

1° Je n'ai pu comprendre le premier. On pourrait dire


avec une égale vraisemblance qu'une corde de piano ne
peut pas donner une note déterminée et l'ensemble de
ses harmoniques par le simple choc d'un marteau.
20 La concentration en oxygène à l'intérieur de la
flamme est certainement infime (Haber). Rien ne dis-
tingue la région médiane de la flamme du cône d'oxyda-
tion externe, au point de vue de l'émission des raies mé-
talliques.
Au contraire, si l'on compare la courbe qui donne la
température de la flamme en fonction des proportions du
mélange (fig. 17. p. 416) avec les données publiées par.
M. Gouy sur l'éclat des flammes en présence de quantités
d'air croissantes, on constate que l'éclat varie à peu près
comme la température lorsque la flamme est réductrice
et diminue beaucoup plus vite lorsqu'elle est oxydante (1).
3° On peut donner des faits invoqués par M. Fre-
denhagen une explication simple et naturelle.
En effet, on sait que l'introduction de chlore (ou de com-
posés chlorés) dans les gaz qui alimentent une flamme de
bec Bunsen, c'est-à-dire une flamme oxygénée, diminue
l'éclat des spectres métalliques de raies. C'est une expé-
rience bien connue. Or la présence de chlore dans la
flamme ne peut qu'augmenter la concentration en oxygène
(par combinaison partielle avec l'hydrogène). Elle ferait
donc croître l'éclat des raies, si l'hypothèse de M. Fre-
denhagen était exacte. Les phénomènes réels sont donc
tout différents : le chlore agit par simple action de masse,
pour faire rétrograder la dissociation de la vapeur saline
et la concentration des molécules de métal.
Cette hypothèse est conforme à un grand nombre de
faits ; entre autres à une loi découverte par M. Gouy (2) :
L'éclat d'une raie métallique donnée, dans une flamme
déterminée, est proportionnel à la racine carrée de la
concentration de la vapeur saline dans les gaz de la flamme
(lorsque la dilution est très grande). Comme l'a montré
M. Arrhenius (3), cette règle est une conséquence simple
de la loi d'action des masses, si l'on admet que l'éclat
est proportionnel au nombre d'atomes de métal présents
dans la flamme.

(1) Ceci ne s'applique naturellement pas il certains métaux comme


le cuivre qui ne colorent la flamme que dans le cône extérieur. Les
spectres observés ainsi n'appartiennent pas au métal, mais à
l'oxyde.
(2) GOUY, loc. cit.
(3) ARRHENIUS, Wied. Ann., t. XLII, 1891, p. 18. Il existe une loi
parallèle, relative aux conductibilités électriques.
raie D en présence de chlore.
3. Affaiblissement de la
Application de la loi d'action de masses. — Une théorie
analogue à celle de M. Arrhenius permet d'expliquer
les faits observés sur les flammes chlorées, et se prête
à une vérification quantitative.
Considérons en effet une flamme de bec Bunsen colorée
par du chlorure de sodium.
Appelons
[Na], ],
| Cl2 Cl],
| Na f HCl], [H2]
les concentrations des gaz, dans la région médiane. Nous
supposerons [Na CI], [Na], [CI2] très petits. Au contraire
[H2] est grand et peut être regardé comme constant. Sa
valeur dans la flamme est en effet voisine de 12 pour 100
d'après M. Haber.
Les réactions d'équilibre sont
x Na Ci 2Ma +C 12@

CI2 + H2^ -2
H CI.

La loi d'action de masses s'exprime par les relations


[NaCl]2 = Cj [Nap]2[Cl2],

C, étant la constante d'équilibre, et


[H Cl]2 = const.[H2] [Cl2] = C2[CI]2,
car [H2] est un facteur constant.
La première équation peut donc s'écrire

Premier cas. — La flamme ne contient pas d'autres


atomes de chlore que ceux provenant de la dissociation
de Na CI.
Donc
ou bien

Si [H CI] est faible, on peut négliger le second terme


d'autant plus que C2 est très grand vers 1000°.
On a donc
[Na)2= C3[NaCl].
Comme l'éclat est proportionnel à (Na) on retrouve la
loi de MM. Gouy et Arrhenius (').
Deuxième cas. — On introduit du chlore de l'extérieur.
Admettons pour simplifier que ce chlore soit sous forme
d'acide chlorhydrique. On a alors simplement

Si [Na CI] est constant, l'éclat de la flamme devra


être inversement proportionnel à la concentration du
gaz chlorhydrique, c'est-à-dire au nombre d'atomes de
chlore introduits dans la flamme.
Cette théorie n'est valable que pour des concentra-
tions très faibles. Elle serait analogue pour tout autre
sel de sodium.
J'ai vérifié la formule (i) par des expériences très
simples.
Le chlore était introduit sous forme de chlorure de
méthyle. Cette substance, qui venait d'un siphon tel
qu'on les trouve dans le commerce, passait à travers un
tube capillaire très fin, muni d'un manomètre de TÜpler
assez sensible, pour permettre de mesurer des débits
extrêmement faibles, et se mêlait enfin au gaz d'éclairage
alimentant un bec Méker. Le brûleur était le même qui
a servi constamment dans ces recherches. Il se trouvait

(1) On trouvera, dans le Mémoire d'Arrhenius, un calcul analogue


relatif aux oxydes. '
à l'intérieur d'une cheminée qui conduisait au dehors les
gaz de la flamme. Sur le cloisonnage de nickel se trouvait
un morceau de chlorure de sodium.
On mesurait alternativement l'éclat de la flamme soit
pure, soit chargée de chlore. Pour cela on la comparait
au spectrophotomètre avec une flamme invariable.
Comme le courant de chlorure de méthyle était très
lent, il ne faisait pas varier d'une manière sensible le
débit du gaz d'éclairage qu'on pouvait mesurer à l'aide
d'un second manomètre de Topler.
Les résultats des expériences sont représentés sur la
figure 19.

En abscisses sont portées les concentrations de chlorure


de méthyle (de H CI), mesurées par la dénivellation o du
manomètre. Les ordonnées sont proportionnelles à la di-
minution d'éclat que produit dans la flamme la présence
du chlore i — ~ Ig étant l'éclat pour un courant de chlo-
>

rure de méthyle mesuré par ô, et I0 l'éclat initial.


Comme on le voit, la courbe est rectiligne depuis l'ori-
gine, jusqu'à o = io environ. Puis elle dévie, carles con-
ditions de très grande dilution ne sont plus réalisées (').
Pour calculer à quelle concentration réelle c dans la
flamme correspondait la valeur o = 10, j'ai gradué le
manomètre de Topler, en valeur absolue, à l'aide d'un
petit compteur à gaz. J'ai mesuré en outre les quantités
d'air et de gaz d'éclairage qui pénétraient dans la flamme.
Pour achever le calcul il faut tenir compte de la com-
bustion et de la dilatation jusque vers 18000.
On trouve finalement c=10-5 normal (molécule-gramme
de CH3Cl ou de H CI par litre). La loi d'action de masses
se vérifie donc à peu près jusqu'à cette concentration qui
peut sembler extrêmement faible. Cependant la loi d'Arrhe-
nius et Gouy ne paraît être valable que pour des concen-
trations encore plus faibles, jusqu'à 10-6 normal environ (2).
L'interprétation qui est donnée ici de l'affaiblissement
des raies spectrales par le chlore se trouve donc aussi
bien vérifiée que possible, et les faits invoqués par M. Fre-
denhagen n'ont pas le sens qu'il leur attribue.

4. La théorie de M. Pringsheim. — La discussion de


l'hypothèse de M. Pringsheim est plus délicate, car les
faits qu'il a observés sont nouveaux et complexes. Il est
donc nécessaire d'analyser d'assez près les points les plus
importants de ses deux grands Mémoires (3).
Les expériences se faisaient dans un grand tube de por-
celaine de Berlin non vernie, qu'on pouvait chauffer

(1) Ces expériencesprétendent pas à une précision extrême.


11e
La mesure spectrophotométrique d'affaiblissements aussi petits
est très difficile.
(2) SMITIIELLS, DAWSON et WILSON, Phil. Trans., t. 193, 1900,

p. 89.
(3) La loi de Kirchhoff et le rayonnement des gaz (Wied. Ann.,
t. XL, 1892, p. 428 et t. XLIX, 1893, p. 347).
jusqu'à 1400° (fusion du nickel). Les bouts étaient re-
froidis et fermés par des glaces. On pouvait le remplir
d'un gaz quelconque, ou y faire le vide, et observer les
spectres d'émission et d'absorption dans des conditions
très variées :

1°. Lorsque le tube est plein d'air ou de gaz carbonique


et qu'on y introduit du carbonate de soude, on n'observe
pas trace d'émission ni d'absorption dans le gaz, « sauf
aux températures très élevées, au-dessus de 1050°, où
l'on obtient un faible spectre du sodium. Ce phénomène
est probablement dû à ce que le sel se dissocie faiblement
et que le sodium ainsi formé agit comme agent réducteur...
D'ailleurs il est très probable que, même pendant la disso-
ciation, l'émission est une conséquence directe du phé-
nomène chimique ».
2° Quand le tube est plein d'hydrogène, les raies D
apparaissent très intenses et élargies jusqu'à se confondre,
sauf lorsque le sel de sodium étudié est le silicate. Le
spectre est alors beaucoup moins lumineux.
30 Dans un tube de fer les raies D apparaissent dans
tous les gaz; le fer est attaqué. Le même phénomène
se produit dans le tube de porcelaine lorsque le carbonate
est contenu dans une nacelle de fer, ou mêlé à du charbon
capable de le réduire.
40 A l'aide d'un aimant, on peut faire passer rapide-
ment des régions les plus chaudes dans les régions les plus
froides le sel placé dans une petite nacelle de fer ou de
nickel. On interrompt ainsi la réduction d'une façon
brusque. Lorsque le tube est plein d'hydrogène les raies D
primitivement très intenses disparaissent instantanément
mais pas d'une façon complète. Il en reste une trace
faible et très fine. Si le tube est plein de C02 ou vide
(pression de Icm de mercure), le carbonate étant dans une
nacelle de fer capable de le réduire, les raies sont moins
fortes et ne disparaissent que progressivement, lorsqu'on
interrompt brusquement la réduction. Le phénomène
dure de i à 5 secondes.
5° Explication des faits observés : l'émission est due
aux phénomènes de réduction; dès que la réduction cesse,
les raies disparaissent. « Dans le gaz carbonique, les phé-
nomènes de réduction continuent avec moins d'intensité
lorsque la nacelle de fer a été éloignée des régions chaudes
du tube ». La réduction ne peut pas être attribuée à CO2,
car le même phénomène se produit dans le vide. « Elle
ne peut être due qu'à la vapeur de sodium qui a été pro-
duite par action du fer sur le carbonate et qui est restée
dans le tube.... Il se produit ime réaction réciproque :
la vapeur de sodium forme (avec la porcelaine) du silicate
de sodium; en même temps, elle réduit le silicate déjà
formé avec production de nouvelle vapeur de sodium....
La lenteur avec laquelle disparaissent les raies D dans C02
et dans le vide prouve que l'absorption du sodium par la
porcelaine ne se fait que peu à peu. Dans l'hydrogène, au
contraire, le phénomène est instantané car l'équilibre est
déterminé par la quantité d'hydrogène et non par celle de
sodium. »

5. Discussion expérimentale de la théorie. — On peut


remarquer immédiatement la complication et le carac-
tère artificiel des réactions chimiques invoquées par
M. Pringsheim (1). Nous reviendrons d'ailleurs sur cer-
taines d'entre elles.
J'ai tenu avant tout à refaire ses expériences fonda-
mentales, d'abord en me plaçant dans des conditions aussi
voisines que possible des siennes, puis en remplaçant le
tube en porcelaine de Berlin non vernie par un tube de fer.

(1) I.
Cf. KAYSER, Spektr., t. II, p. 15 Ce caractère artificiel a été
reconnu par M. Pringsheim lui-même.
Les différences essentielles de mon dispositif et de celui
du savant allemand sont les suivantes :
D'abord mon tube était chauffé dans un grand four
électrique Heraeus de 60cm de long, au lieu d'un four-
neau à gaz. On obtient ainsi une zone de température uni-
forme d'au moins 40cm de long.
En outre, comme le fer forme écran magnétique, au lieu
de me servir d'un aimant, j'ai déplacé la nacelle contenant
le carbonate de sodium à l'aide de fils de nickel qui lui
étaient attachés, et qui glissaient à frottement doux dans
de petits tubes de caoutchouc placés à l'extrémité froide
du tube chauffé, et serrés par des pinces de Mohr.

I. Dans le tube de porcelaine j'ai retrouvé exactement


les phénomènes observés par M. Pringsheim. La dispa-
rition des raies D n'était cependant pas instantanée;
elle se faisait dans un temps difficilement mesurable, de
l'ordre d'une fraction de seconde. Le phénomène semblait
être de 5 à 20 fois plus rapide que dans le gaz carbonique.

II. Dans le tube de fer au contraire, rien n'était changé


à l'aspect du spectre lorsque la nacelle passait à l'ex-
trémité froide du tube. Les raies D disparaissaient en
quelques heures seulement.
Cette expérience prouve qu'on observe une émission
et une absorption très intenses dans un grand volume
gazeux à température uniforme, et dans des conditions
certainement très voisines de celles de l'équilibre thermo-
dynamique. Les mesures quantitatives qui ont été faites
sur les équilibres chimiques aux hautes températures,
celles de Sainte-Claire Deville et de ses élèves, ou celles,
plus récentes de Nernst, n'ont pas été effectuées d'une
façon plus correcte. Il est indubitable que si les conditions
d'équilibre étaient parfaitement réalisées, rien ne serait
changé aux phénomènes lumineux. Dans un tube, de fer
comme dans, la flamme, leur intensité ne dépend en rien
dela vivacité des réactions chimiques. D'ailleurs M. Prings-
heim lui-même avait observé des phénomènes analogues,
dans l'air et le gaz carbonique par exemple, mais il les
expliquait par des réactions chimiques étranges, comme
l'action du sodium sur le silicate de sodium.
III. Si l'on introduit la nacelle dans une région du
tube qui n'est échauffée qu'au rouge sombre, les raies D
apparaissent mais peu intenses, On peut alors faire re-
venir la nacelle vers l'extrémité froide du tube, et envoyer
en même temps un courant d'hydrogène qui ramène le's
vapeurs formées vers la région la plus chaude. On voit,
au bout de quelques instants l'intensité des raies D aug-
menter d'une façon considérable.
IV. Si l'on fait glisser dans la partie chaude du tube de
fer une plaque de porcelaine non vernie bien propre,
les raies D disparaissent assez rapidement (1) (en quelques
minutes).
Il semble donc que, dans l'expérience de M. Pringsheim,
les raies du spectre s'évanouissent, non pas lorsque les
phénomènes de réduction cessent (puisqu'elles subsistent
lorsque l'équilibre chimique est établi), mais lorsque la
paroi de porcelaine a absorbé toute la vapeur de sodium
présente dans le tube. Le phénomène essentiel est donc
une diffusion vers la paroi absorbante.

6. Il reste à démontrer que cette explication rend bien


compte de tous les phénomènes observés. Elle avait déjà
été examinée par M. Pringsheim qui l'avait rejetée, car
elle ne semblait pas compatible avec la lenteur des phé-
nomènes dans le vide et le gaz carbonique (2).

(1) Il faut que le tube de fer soit très propre également.


(la) Wied. Ann., t. XLIX, p. 352.
Je crois cependant qu'elle vaut d'être discutée de plus
près.
Essayons de nous rendre compte exactement des phé-
nomènes qui se produisent dans le tube.

I. M. Lebeau a montré, il y a quelques années, que les


carbonates alcalins se dissocient tous notablement à
partir de 8ooo, pour donner des protoxydes volatils (1).
Dans le vide ou dans une atmosphère de gaz carbonique,
la vapeur d'oxyde de sodium provenant du carbonate se
dissocie légèrement en oxygène et en sodium. Cette disso-
ciation est extrêmement faible. On connaît en effet la
sensibilité extrême de la réaction spectroscopique du
sodium. Elle permet de déceler encore 7.10-11 gr de ma-
tière (Kirchhoff et Bunsen).
Au contraire dans une atmosphère d'hydrogène à la
pression atmosphérique, il y a réduction de l'oxyde, et
création de vapeur de sodium en quantité notable, mille
fois plus grande aii moins que dans le vide ou le gaz car-
bonique (2). Il faut tenir compte de ces faits importants
dans l'étude du phénomène de diffusion dans les différents
gaz.

II. Du point de vue mathématique, le problème de la


diffusion d'un gaz dans un tube cylindrique rempli d'un
autre gaz est identique à celui de la conductibilité calori-
fique dans un cylindre solide. Ce dernier problème a été
étudié par Fourier (3). Nous allons supposer que la con-
centration de la vapeur de sodium est nulle à la paioi.
Cette hypothèse exprime que la porcelaine absorbe toutes
les molécules qui viennent la frapper. L'hypothèse cor-

(1) LEBEAU, Comptes rendus, t. CXXXVII, p. 1255.


(2) D'après un calcul approximatif.
(3) FOURIER, Œuvres, t. I, p. 332 et suiv.
respondante de la théorie de la chaleur est celle d'une
conductibilité extérieure infinie.
Pour simplifier on peut admettre en outre qu'à l'origine
du temps la concentration de la vapeur de sodium est
uniforme dans le tube; c'est l'hypothèse la plus défavo-
rable que nous puissions faire. En première approxima-
tion, et en faisant sur le temps une erreur par excès, on
trouve que la concentration c de la vapeur de sodium
-au centre du tube au temps t est donnée par l'expression

Co étant la concentration initiale, R le rayon du tube


(1cm, 5 dans mes expériences). K le coefficient de diffusion
de la vapeur de sodium, 0 la première racine positive de
la fonction J0 de Bessel dont la valeur est 2,4o5. Les coeffi-
cients de diffusion des gaz dans l'hydrogène à oo sont
compris entre 0,6 et 0,7 C. G. S. Ils croissent suivant une
puissance de la température absolue variable de 1,75 à 2.
Dans l'hydrogène, en adoptant les valeurs les plus
défavorables, on trouve pour la température de 10000 C.

Le temps nécessaire pour réduire la concentration au


~() de sa valeur initiale est

est tout à fait de l'ordre de grandeur des temps


Ce temps
de disparition observés dans l'hydrogène.

III. Dans le gaz carbonique les coefficients de diffusion


sont en général 5 fois plus faibles que dans l'air. La dis-
parition de la raie D doit être plus lente. Dans le vide au
contraire, ou plutôt sous une pression de icm de mer-
cure, la diffusion doit être plus rapide.
Mais, alors que dans l'hydrogène les concentrations des
vapeurs de sodium et d'oxyde de sodium sont probable-
ment du même ordre de grandeur (la première est même
sans doute supérieure à la seconde), dans le vide et dans
le gaz carbonique, la quantité d'oxyde de sodium présente
dans le tube à l'état gazeux est infiniment supérieure à
celle de la vapeur de sodium. Comme la diffusion vers la
paroi ne se fait que par l'intermédiaire de ce dernier élé-
ment, la dissociation de Na2 0 régénère à chaque instant
le sodium absorbé, et la raie D ne disparaît que lorsque
tout l'oxyde de sodium s'est décomposé et a été absorbé
par la paroi.
Je ne cache pas le caractère hypothétique de cette inter-
prétation, mais elle semble plus simple et plus complète
que celle de M. Pringsheim. Bien des passages des Mé-
moires de ce savant, même ceux qui ont été cités ici,
sont obscurs et paraissent critiquables (1).

7. Conclusions. — Les résultats précédents ont été


publiés brièvement dans une Note aux Comptes rendus de
l'Académie des Sciences du mois de juin 1910. Le 25 juillet
de la même année parut une réponse de M. Pringsheim (2)
Cette réponse fut suivie d'un échange de lettres.
Enfin, en décembre 1911, parut un travail (3) d'un élève
de M. Pringsheim, M. Gibson, qui confirme entièrement
mes conclusions : la vapeur de thallium pure, enfermée
dans un tube de quartz où l'on a fait préalablement le
vide, possède un spectre de raies.

(1) Par exemple, la phrase citée en italique, page 440, n'explique


guère la différence des effets observés dans H2 et C02.
(2) Comptes rendus, t. CLI, 1910, p. 3o2.
(3) GIBSON, Phys. Zeitschr., t. XII, I9II. p. II45.
Ce résultat n'est d'ailleurs pas très différent de ceux que
j'ai obtenus, ni même de certains faits observés par
M. Pringsheim. Car rien ne distingue, au point de vue
énergétique,l'équilibre d'une substance unique d'un équi-
libre chimique quelconque.
En conclusion, il semble prouvé aujourd'hui que : les
centres d'émission des spectres de flammes ne sont pas dus
à des phénomènes chimiques accompagnés d'une dépense
d'énergie. Ils peuvent donc exister dans un milieu en équi-
libre (1).
On peut se demander quelle est leur nature, si ce sont
simplement des atomes neutres, ou bien des ions positifs
à charge simple ou multiple. C'est surtout par MM. Lenard
et Stark qu'a été soutenue cette dernière hypothèse.
D'après M. Lenard (2), les flammes de l'arc électrique et
du bec Bunsen seraient constituées par de petites flammes
creuses emboîtées les unes dans les autres, dont chacune
aurait un spectre spécial. On pourrait ainsi attribuer
chaque série de raies à l'une de ces flammes et à des ions
parfaitement déterminés.
Pour ma part, je n'ai jamais pu observer dans la flamme
du bec Bunsen plus de trois parties : le cône bleu, le cône
extérieur et la zone médiane. De plus, j'ai pu renverser
en un même point de la flamme des raies appartenant
à toutes sortes de séries (c/. le Tableau de la page 413).
D'ailleurs les expériences de Lenard sur l'arc électrique
ont été reprises au laboratoire de M. Kayser. D'après
ce physicien, les effets observés par M. Lenard sont dus

(1) D'ailleurs, il est possible que l'émission et l'absorption ne


se produisent que pendant certains chocs de nature particulière;
par exemple, ceux qui sont suivis de l'émission d'un électron (ci.
l'hypothèse de Haas), mais ce dernier phénomène reste purement
thermique.
(2) Ann. d. Phys., t. XI, J903, p. 636; t. XV, J905, p. 197.
simplement à des variations de densité de vapeur et de
température dans la flamme de l'arc (1).
Quant à l'hypothèse de M. Stark, elle se fonde sur les
phénomènes présentés par les rayons canaux. Or, les
travaux récents de MM. Paschen et J.-J. Thomson ont
montré que la constitution des faisceaux de rayons ca-
naux est extrêmement complexe et qu'il s'y trouve des
ions positifs neutres et négatifs, émettant tous également
des raies spectrales. Il semble donc démontré actuelle-
ment que les atomes neutres peuvent être lumineux (2).

CHAPITHE VI.
LE RAYONNEMENT DU CONE BLEU.

1. Dans les Chapitres précédents, il n'a été question que


de la région médiane et du cône extérieur des flammes de
bec Bunsen. Il était intéressant de compléter cette étude
par des expériences sur le rayonnement du cône bleu,
qui présente des caractères tout à fait spéciaux.
En me plaçant au même point de vue que dans mes
recherches antérieures, j'ai essayé de mettre en évidence,
et de mesurer la luminescence telle qu'elle a été définie
au Chapitre I.
La difficulté des expériences a été considérable;d'abord
aucune des méthodes ne s'est montrée applicable; il
ne m'a été possible ni de renverser aucune raie, ni de
mesurer les pouvoirs émissif et absorbant. Il a fallu ima-
giner une méthode nouvelle, dérivée de celle du renver-
sement, mais nettement distincte et moins précise.

(1) KAYSER, Zeilsch. f. wissen.Phot., 1. IV, 1907, p. 181.


(2) Il est néanmoins possible que l'émission (et l'absorption) de
lumière n'aient lieu que sous l'influence de certains chocs de na-
ture spéciale; on peut rapprocher de cette idée l'hypothèse de'
Baas, page 294.
D'autre part, la température varie énormément d'un
point du cône bleu à un autre, il est même difficile de la
définir exactement.
Il m'a donc été impossible d'opérer dans des condi-
tions aussi rigoureuses que pour le reste de la flamme. Pour
toutes ces raisons, les conclusions de ce Chapitre ne pré-
sentent pas le même caractère de certitude que celles des
Chapitres précédents. Cependant, ces recherches m'ont
permis, je crois, de compléter nos connaissances sur le
rayonnement des gaz soumis à des réactions chimiques
intenses.

2. La nature du cône bleu. — On a vu au Chapitre II


que le cône bleu est formé par une onde explosive station-
naire, dont la vitesse de propagation est, en chaque point,
égale et opposée à la vitesse d'écoulement des gaz qui
sortent du brûleur (1). Cette vitesse est de l'ordre de
i m : s. Il ne faut donc pas confondre le phénomène
qui se produit ici avec les ondes de choc étudiées par
Berthelot et Vieille, Dickson, etc., dont la vitesse est
toujours supérieure à celle du son (jusqu'à iSoo m : s);
la propagation de ces dernières se fait par compression du
gaz, qui,s'échauffe comme dans le briquet à air.
Dans le cas présent, c'est la conduction de la chaleur qui
permet à l'explosion de gagner de proche en proehe : la
chaleur dégagée par la combustion d'une tranche du gaz
se communique aux tranches voisines et les amène à leur
température d'inflammation; l'explosion s'achève d'elle-

(1) La forme conique de l'onde s'explique immédiatement en


considérant la distribution et la vitesse des filets gazeux au voî:"
sinage de l'orifice. Les lignes de courant voisines des Lords s In-
curvent vers l'extérieur. Par suite de la viscosité la vitesse est
d'autant plus faible qu'on se rapproche davantage des parois (CI.
GOUY, loc. cil.; MICHELSON, Wied. Ann., t. XXXVII, 1893, p. 1)..
même, la température s'élève brusquement et le même
phénomène se reproduit plus loin.
La conductibilité thermique des gaz est faible, la chute
de température est donc extrêmement rapide au voisi-
nage de la zone d'explosion et, comme le-s vitesses de réac-
tions y sont grandes, il en résulte que l'épaisseur du cône
bleu est très petite, une fraction de millimètre.
L'explosion commence vers 5oo° et .s'achève entre i 5oo°
et 1850°, suivant les proportions du mélange combustible.
Il existe donc, dans un espace d'une fraction de milli-
mètre, que le gaz traverse, en ~
de seconde environ,
une chute de température de i 1000° à 1200°.
Mais la température maxima une fois atteinte ne varie
plus, lorsqu'on passe du cône bleu à la région médiane de
la flamme. Le cône intérieur, loin d'être plus chaud que
le reste de la flamme, est en général beaucoup plus froid
que le cône extérieur (1).
La réaction chimique violente, dont il est le siège,
s'accompagne d'un certain nombre de phénomènes élec-
triques et optiques.
1° Sa conductibilité électrique est notablement supé-
rieure à celle du reste de la flamme ; le courant qui passe
entre deux électrodes fixes augmente brusquement,
lorsque l'une d'elles vient toucher le cône bleu (2). La
conductibilité, qui est du même ordre de grandeur que celle
d'une solution saline normale, es t due probablement
à la présence d'un grand nombre d'électrons libérés par
la réaction chimique (Haber).

Akad. Sitzber., t. CVIII, IIa, 1899, p. 1152.


MACHE, Wiener
- (1)

p. 5.
HABER et RICHARDT, Zeit. /. anorg. Chem., t. XXXVIII, 1904,

Comptes rendus, t. CXL., igo5, p. 647. — Voir


(2) MASSOULIEH,
surtout TUFTS, Phys. Review, t. XXI, 1905, p. 409; XXII, i906,
et
p. 793. — EPSTEIN KRASSA, Zeitschr. fur phys. Chem, t. XXXVIII,
1904, p. 5. -
2° Le rayonnement du cône bleu se distingue nette-
ment, et à première vue, de celui du reste de la flamme.
Lorsque celle-ci n'est pas chargée de vapeurs métal-
liques, la zone d'explosion n'émet que le spectre de Swan
(spectre du carbone) dont on ne trouve aucune trace, ni
dans le cône extérieur ni dans la région médiane.
On peut s'en rendre compte aisément en projetant une
image de la flamme sur la fente d'un spectroscope : la
hauteur des bandes est parfaitement limitée dans le
spectre. Cette émission spéciale n'est pas due à la présence
de carbures d'hydrogène dans le cône bleu, car, si l'on
introduit du méthane à l'intérieur d'une flamme de tem-
pérature très élevée, on n'observe pas trace du spectre
de Swan (Haber et Lacy) (1).
30 Mais ce n'est pas tout ; M. Gouy, dans ses recherches
photométriques sur les flammes colorées (2), a montré
que beaucoup des raies métalliques sont notablement
plus brillantes dans le cône intérieur que dans le reste de
la flamme.
Un fait analogue a été mis particulièrement en évidence
par MM. de Watteville et Hemsalech (3) : le cône bleu
émet un grand nombre de raies ultraviolettes du fer, qui
ne se retrouvent pas dans la flamme oxhydrique, et à
peine dans la flamme oxyacétylénique.
De l'ensemble de tous ces faits se dégage la conclusion
suivante :
Le rayonnement du cône bleu est un phénomène de lumi-
nescence.

(1)LACY, Zeitsch. jür phys. Chem., l. LXIV, igo8, p. Bo. —


IIABER, loc. cil., t. LXVIII, 1910, p. 726.
(2) Ann. de Chim. et de Phys., 1879, lue. cit.
(3) DE WATTEVILLE, Thèse Ii la Faculté des Sciences de Paris,
1904. -HEMSALECH cl de WATTEVILLE, Comptes rendus, Y féV.
1910, 21 avril 1908, 13 déc. Ig09.
C'est pour préciser cette idée, et pour tâcher d'obtenir
quelques renseignements sur le mécanisme de cette émis-
sion, que j'ai entrepris la mesure des pouvoirs émissif
et absorbant du cône intérieur, de la flamme du bec
Bunsen.

3. La méthode de la disparition des raies. — J'ai


d'abord essayé d'observer le renversement de certaines
bandes du spectre de Swan, notamment la tête de bande
verte A = 0,516 qui est d'une netteté et d'une inten-
sité remarquables. L'expérience n'a jamais réussi, même
en plaçant 20 flammes l'une derrière l'autre. Cet insuccès
pouvait être dû à la faiblesse du pouvoir absorbant du
cône bleu pour les radiations qu'il émet ou bien à la com-
plexité de son spectre.
La première cause était la plus importante. En effet,
j'ai tenté de mesurer au spectrophotomètre le pouvoir
absorbant d'une série de 20 cônes bleus, et j'ai trouvé
qu'il était inférieur aux erreurs d'expérience (').
J'ai refait ensuite la même expérience en remplaçant
l'œil par un microradiomètre, et j'ai pu observer une
absorption réelle de l'ordre de 1 à 2 pour 100, mais il m'a
été impossible de la mesurer avec précision.
La méthode que j'ai adoptée finalement est fondée sur
le principe suivant :
Lorsqu'on essaie de renverser les raies faibles, ou les
bandes émises par une flamme, on constate que le spectre
discontinu s'efface peu à peu, se noie dans le spectre con-
tinu et finit par disparaître entièrement. Si l'on opère
dans des conditions invariables, une raie donnée, émise
par une flamme donnée, disparaît toujours lorsque l'in-
tensité (ou la température) de la source renversante est

Gouy avait observé un résultat analogue pour tous les spectres


(1)
de bandes.
voisine d'une certaine valeur bien déterminée. Lorsque
plusieurs observateurs font la même expérience, cette
intensité varie de l'un à l'autre, mais reste constante pour
chacun d'eux. Évidemment, il ne s'agit pas ici d'une
constance absolue, car le phénomène n'est pas suivi de
l'effet inverse, comme dans le cas du renversement véri-
table. Mais si l'expérience est faite avec soin, par un
observateur ayant l'habitude des mesures spectrophoto-
métriques,la température de disparition d'une raie donnée
peut s'évaluer avec une certaine exactitude.

La raison du phénomène de disparition est simple


l'œil n'est pas un appareil photométrique d'une précision
infinie : en général des différences d'éclat de l'ordre de
2 pour 100 et même davantage, lui échappent entière-
ment, même pour les régions du spectre où sa sensibilité
est la plus grande (jaune et vert).
De plus, les erreurs relatives moyennes ne dépendent
pas de la valeur absolue de l'intensité, au moins entre de
très larges limites ; elles ne dépendent que de la longueur
d'onde et des facultés visuelles de l'observateur. Cette
propriété importante de la vision est bien connue de tous
ceux qui se sont occupés de photométrie.
Appelons Ex le pouvoir émissif de la source étudiée
par la raie considérée, Ax son pouvoir absorbant, il le
pouvoir émissif de la source placée en arrière.
Si la sensibilité de l'œil était infinie, on observerait
toujours le renversement, lorsque

Ix étant le pouvoir émissif du corps noir dont la tem-


pérature est égale à la température d'émission de la raie X.
Mais comme les différences d'éclat de l'ordre de h
(r, = 2 pour ioo, par exemple) ne sont plus appréciables
la raie disparaît lorsqu'on a

ou
E), + i,(1 — A) = i(1 -+- )
La raie étudiée disparaîtra donc avant que
à lx et d'autant plus tôt que AÀ sera plus petit.
i
soit égal

Si donc on place l'une derrière l'autre 2, 3,


flammes identiques, le pouvoir absorbant sera multiplié
...,
n
dans chaque cas par 2, 3, et l'on aura une série
d'équations
..., n,

les étant tous du même ordre de grandeur.


in rapprochera asymptotiquement de I.
se
On pourra tracer la courbe f (n). Si l'on peut dé-

terminer son asymptote, on a immédiatement Ix et, par
suite, la température d'émission de la raie.
Cela est particulièrement facile, lorsqu'on est arrivé
au point où iui ne varie plus sensiblement avec n. C'est
ce que j'ai pu réaliser pour les bandes du calcium et du
strontium (Chapitre III), mais cela m'a été impossible pour
le cône bleu. Au lieu de mesurer i,), i2, in, il est plus
commode de déterminer les températures correspondantes
de la radiation T,, T2, Tn : ce sont les températures
...,
de disparition de la raie étudiée. Comme on est ici dans
le spectre visible,la formule de Wien est applicable et l'on a
T est la température d'émission de la raie ou de la bande
étudiées. Les équations (i) deviennent, par une transfor-
mation simple,

(log= log vulgaire), À étant exprimé en microns.


Ce système de n équations est à (n + i) inconnues.
Mais, comme nous l'avons remarqué, rt est sensiblement
constant dans de très larges limites. Si donc l'on pose
en première approximation == 2
= 7), les deux pre-
mières équations ne possèdent plus que les deux inconnues
T et ~ dont elles déterminent la valeur.
On peut grouper deux à deux les n équations précé
dentes d'un grand nombre de manières différentes. Si
les valeurs obtenues pour et pour T sont à peu près
concordantes, la méthode est bonne.
C'est ce que l'expérience a vérifié (1).
Remarquons d'ailleurs que des erreurs du simple au
double, ou même davantage sur la quantité ^ne donnent
sur T que des erreurs de 5o° environ.
Cependant, il est nécessaire de faire un grand nombre
de mesures et de prendre des moyennes, si l'on veut avoir
quelque précision.
Même dans ce cas, des erreurs de plus de 5o° peuvent très
bien s'introduire dans les résultats, surtout lorsque le

(1) Eu réalité, il m'a fallu de longs tâtonnements avant de donner


à cette méthode sa forme définitive.
pouvoir absorbant A est très faible. Cette méthode ne
prétend donc pas à une exactitude rigoureuse, mais permet
dexse rendre compte de l'allure et de l'ordre de grandeur
des phénomènes.

4. Application au cône bleu. — Si l'on voulait opérer


tout à fait correctement, il faudrait étudier le rayonnement
des flammes divisées par le procédé de Smithells et
Teclu (fig. II). C'est ce que j'ai tenté de faire, mais il m'a
été impossible d'obtenir ainsi plus de 5 à 6 cônes bleus
fixés d'une façon stable à l'intérieur d'un grand tube de
verre.
C'est pourquoi j'ai finalement laissé brûler les flammes
à l'air.
Comme le cône bleu est la seule région de la flamme qui
émette le spectre de Swan, son rayonnement se trouve
par cela même isolé.
Le dispositif expérimental était celui qui est repré-
senté sur la figure i4- Pour obtenir des flammes iden-
tiques, placées les unes derrière les autres, j'ai pris une
série de 6 tubes de laiton de même diamètre dans lesquels
étaient tracés i, 2, 5. io, i5 ou 20 traits de scie égaux et
séparés par des intervalles de 5mm (fig. 20).
Le mélange combustible arrivait aux deux bouts des
tubes. On obtenait ainsi des flammes bien séparées et
identiques les unes aux autres. Pour faire une série de
mesures, on plaçait successivement chacun des tubes
en f (fig. 14), et l'on notait chaque fois la température
de disparition de l'une des têtes de bandes étudiées (1).
Il était nécessaire de connaître exactement les propor-
tions du mélange explosif, dont dépend la température

(1)La longueur des traits a été choisie de telle sorte que tous les
rayons lumineux formant l'image I2 traversent toutes les flammes
d'un même tuhe comme le montre la figure 20.
de disparition des raies étudiées. Comme pour les expé-
riences sur le bec Méker, l'air ainsi que le gaz d'éclairage

passaient à travers des tubes de verre munis de mano-


mètres de Topler permettant de mesurer leur débit. Les
proportions correspondant au maximum de température
n'étaient pas les mêmes dans les deux cas, car l'air exté-
rieur intervenait dans la combustion des flammes isolées
qui se formaient sur les tubes de laiton.
Les expériences ont porté sur les deux têtes de bandes :
X
= ot*, t6 (vert
> et À
— 0,431 (violet).

Pour la première, les mesures ont été faites à l'œil, pour


des mélanges explosifs de diverses compositions. Leurs
résultats sont reproduits sur la figure 21. Les ordonnées
des courbes en traits pleins représentent les températures
de disparition de la bande verte, chaque courbe corres-
pondant à un nombre donné de cônes. En abscisses sont
portées les compositions des mélanges gazeux. Les or-
données de la courbe inférieure représentent la tempé-
rature d'un fil de platine plongé dans la flamme du tube
à 20 traits de scie.
Enfin, celles de la courbe supérieure sont proportion-
nelles aux températures d'émission (valeurs moyennes)
calculées d'après les équations (2). Je n'ai évalué ces tem-
pératures que pour les trois mélanges explosifs à 22,
27,5 et 33 pour 100 de gaz d'éclairage. Les mesures rela-
tives à ces trois points ont été assez nombreuses et
soignées pour permettre de calculer les moyennes avec
quelque précision.
Dans le Tableau suivant se trouvent les valeurs de
(AI. étant le pouvoir absorbant de 20 cônes bleus placés
l'un derrière l'autre) et de la température d'émission T

de la raie verte, calculées à l'aide de différents groupes


de deux: des équations (2). Dans la première colonne
sont indiquées les courbes de la figure 21 qui ont servi au
calcul.
Les moyennes finales sont calculées en donnant un
poids double aux nombres extrêmes de chaque colonne,
qui ont plus de chances d'être exacts. En effet) ils cor-
respondent à deux flammes dont les pouvoirs émissifs
sont très différents :
Mélange
à 22 pour 100 Ù 27,5 pour 100 à 33 pour 100
de gaz. de gaz. de gaz.
A. JL .IL
^
Cônes. degrés C. \k degrés C. degrés C.
2 et m... 7 1990 1,5 1910 i,a 1610
5 et m... 6 1o6o 2,3 *1910 2,5 1600
to et 9 196o 1,8 1910 2,3 1670
i5 et 5.... 6 1990 i,5 1930 4 1700
10 et 2.... 6 1950 13 19°0 0,68 1600
Moy. 1970 Moy. 1990 Moy. 1640

5. Résultats. — Il suffit d'examiner la figure 21 pour


se rendre compte que la luminescence du cône bleu est
indiscutable. En effet :

1° Déjà les courbes de disparition de la raie verte sont


très différentes de la courbe des températures (courbe du
bas) ; les unes s'inclinent fortement vers la droite, l'autre
vers la gauche.
20 La température d'émission de la tête de bande
verte est nettement supérieure à la température maxima
de la flamme (1840° à 1850°).
La différence est de 8oO lorsque la proportion de gaz
d'éclairage est de 27,5 pour 100 ('). Lorsque la proportion
de gaz est plus faible, la flamme devient oxydante, sa
température diminue rapidement. Au contraire la tem-
pérature d'émission de la raie verte continue à augmenter.
Le pouvoir émissif Ex diminue, il est vrai, comme le

(1) C'était pour cette composition du mélange explosif que les


flammes données par les tubes de laiton atteignaient leur plus
haute température. Pour le bec Méker la proportion de gaz était
bien moins forte. C'est que l'air extérieur intervient ici et s'ajoute
à l'air qui sort des brûleurs.
montrent les courbes de disparition, mais le pouvoir absor-
bant Ax décroît encore plus rapidement (cf. le Tableau
de la page précédente) et le rapport — augmente.
Cet accroissement n'est pas absolument certain, étant
donnée la difficulté des mesures lorsque, est petit,
mais il semble évident que la luminescence devient de
plus en plus importante à mesure que la proportion
d'air augmente.
Lorsque la quantité de gaz présente dans le mélange
est considérable (33 pour 100), la température d'émission
de la bande X = 0, 516 est relativement faible ;
3° La température d'émission de la bande étudiée est
toujours très inférieure à celle de la flamme de gaz et
d'oxygène (245o°).
Elle se rapproche davantage de celle des flammes de
bec Bunsen. Deux facteurs interviennent donc probablement
dans l'émission du spectre de Swan, la température et l'énergie
chimique.
Si l'on étudiait des cônes bleus plus chauds que ceux
que donne l'explosion d'un mélange d'air et de gaz
d'éclairage, par exemple ceux qui se produisent dans les
chalumeaux à oxygène, on obtiendrait probablement
des effets de luminescence moins intenses.
Ceci est conforme à une observation de MM. Hem-
salech et de Watteville : les spectres émis par la zone.
d'explosion se distinguent de moins en moins de ceux
qui sont produits par le reste de la flamme à mesure que
celle-ci devient plus chaude. Dans le chalumeau oxyacé-
tylénique, la différence est à peu près nulle.
Au contraire dans la flamme du mélange d'air et de
sulfure de carbone, dont la température est voisine de 100°,
les effets de luminescence sont énormes (Pringslieim).
Pour terminer j'ai étudié l'émission de la tète de bande
violette A = o ,43i à l'aide d'une méthode photogra-
phique analogue à celle qui m'avait servi pour les raies
du potassium et du rubidium. J'ai déterminé les tem-
pératures de disparition sur la plaque photographique.
Toutes les spectrographies d'une même série ont été
faites sur les plaques d'une même boîte (1) ; les temps de
pose étaient choisis de telle sorte que tous les spectres
fussent d'intensité et de netteté égales.
Les résultats relatifs au mélange à 27,5 pour 100 de
gaz d'éclairage sont les suivants :
Nombre de cônes.

Température de disparition en L 2. 5. 10. 15. 20.


degrés C 1510 i55o 1640 1700 1730 1785

Les différentes températures d'émission obtenues


à l'aide des équations (2) sont, suivant les données
choisies :
2000°, 2050°, 1930°,
Valeur moyenne 1980°.

Le nombre obtenu est voisin de celui qu'avait donné


la bande verte A == 0,516.
L'émission des différentes
bandes du spectre de Swan semble donc être un seul et
même phénomène.

. (1) Sur chaque plaque se trouvaient 7 à 8 spectres.


SUR LES PROPRETÉS ÉLECTRIQUES DES IIÉTAUX ALCALINS
RU RHODIUM ET DE L'IRIDIUM (');
PAR MM. L. HACKSPILL ET W. BHONIEWSKI.

I. —
Métaux alcalins.
Historique. — La résistance électrique des métaux
alcalins a été étudiée séparément par chacun de nous (2).
Parmi les autres propriétés électriques de ces métaux,
le pouvoir thermo-électrique du sodium et du potassium
a été seul étudié, mais toujours sur les métaux du com-
merce.
Matthiessen (3), qui fut le premier à étudier quantita-
tivement les phénomènes thermo-électriques, donne en
particulier quelques indications sur la force thermo-
électrique du sodium et du potassium par rapport à
l'argent entre 5°et27°. Un couple argent-cuivre, fonction-
nant entre les mêmes températures que le couple -étudié,
servait comme unité de force électromotrice. En rappor-
tant les nombres de Matthiessen au plomb, et en prenant
pour unité de mesure le pouvoir thermo-électrique du
mercure par rapport au plomb

on obtient, pour le pouvoir thermo-électrique à 160 :

Pour le Na. —4,74 microvolts


Pour le K —io,3o »

(1) Le résumé de ce Mémoire a été publié dans les Comptes rendus,


t. CLIII, 19I1, p. 814.
(2) GUNTZ et BRONIEWSKI, Comptes rendus, t. CXLVII, 1908,

p. 1474; J. de Chirn. phtjs., t. VII, 1909, p. 464.


Comptes rendus, t. CLI, 1910, p. 3o5.
-
HACKSPILL,

(3) MATTHIESSEN, Pogg. Ann., t. CIII, 1858, p. 412.


La variation du pouvoir thermo-électrique du sodium
avec la température a été étudiée par Tait et Dewar (1), qui
se bornent à indiquer que « la ligne du (pouvoir thermo-
électrique du) sodium est presque parallèle à celle du
palladium et un peu au-dessus d'elle dans le diagramme ».
Une étude plus approfondie sur le pouvoir thermo-élec-
trique du sodium et du potassium entre oO et 90° a été
faite par Naccari et Bellati (2). Les mesures effectuées par
rapport au cuivre et rapportées ensuite au plomb, sont
données en microvolts par les formules suivantes :

Na solide
...... =- 2,iy — o,o353<
dE
K solide — = — 8,75— o,o4'3 t
K liquide
~
~= 0,0253(t— 62)
...... — 10,73 —

M. Battelli (3) retrouve pour le sodium, entre oo et 80°,


approximativement les mêmes nombres que Naccari et
Bellati.
M. Braun (4) trouve que la force thermo-électrique du
sodium et du potassium liquide, par rapport au mercure
entre 100° et 3'700, présente quelques irrégularités.
« Alors, dit-il, que la plupart, sinon toutes les courbes
(de la force thermo-électrique des métaux fondus) mon-
trent une variation plus rapide que celle de la tempéra-
ture, seule la courbe sodium-mercure, qui, sur une étendue
assez grande est presque rectiligne, semble prendre à
haute température une courbure en sens inverse (p. 294) ).
» La courbe potassium-mercure est presque rectiligne
(dans son allure générale), mais manifeste quelques-
particularités... elle monte sinueuse (p. g97). »
(1) TAIT et
DEWAR, Proc. Edinb. Soc., t. VIII, 1875, p. 35o.
(2) NACCARI et BELLATI, Atti R. Istit. Veneto, 511 série, t. II,
,1875-1876, p. 599, 875.
(3) BATTELI, Atti R. Insl. Veneto, 6e série, t. V, 1886-1887, p. n38.
(4J BRAUN, Berl. Ber., 1885, p. 289.
M. Barker (1) mesure la force thermo-électrique du
sodium et du potassium, de 0° à 85°, par rapport au platine
dont il donne le pouvoir thermo-électrique par rapport au
mercure. On peut en déduire le pouvoir thermo-électrique
du sodium et du potassium par rapport au plomb.
Na solide 4,56 — 0,0170
— t
K solide
.............
—11, 5 —0,0330t
Enfin, M. Bernini (2) exprime le pouvoir thermo-élec-
trique du sodium par rapport au plomb entre — 182°
et + 1720par la formule

qui aurait indiqué un passage sans discontinuité par le


point de fusion.
Nous voyons donc que les nombres concernant le pou-
voir thermo-électrique du sodium et du potassium dif-
fèrent sensiblement et que l'allure même des courbes
pendant la fusion et pour le métal liquide n'est pas bien
déterminée. Du reste, les nombreux auteurs qui ont étudié,
d'une façon générale, la forme des courbes de la force
thermo-électrique et du pouvoir thermo-électrique, des
métaux pendant leur fusion et à l'état liquide ont souvent
obtenu des résultats contradictoires.
M. Obermayer (3) avait trouvé que la force thermo-
électrique du plomb, de l'étain et du zinc restait constante
pendant leur fusion, alors que celle du bismuth montait
légèrement.
M. Fitz-Gerald Minarelli (4), ayant repris ces expé-
riences,indique que la courbe delà force thermo-électrique

(l,) BARKER, Amer. of Science, 4 e série, t. XXIV, 1907, p. 159.


J.
(2) BERNINI. N. Cim.,5e série, t. V, 1908, p. 29.
(3) OBERMAYER, Wiener Ber., t. LXVI, 2E Abt., 1872, p. 63.
(4) FITZ-GERALD MINARELLI, Wiener Ber., t. LXXI, 26 Abt.,
1875, p. 694.
du plomb, de l'étain et du bismuth change de direction
après la fusion du métal, mais ne présente pas de dis-
continuité.
M. Beckit Burnie (1) arrive au même résultat. Il trouve
que le changement de la direction de la courbe de la force
thermo-électrique après la fusion est faiblement visible
pour le plomb et l'étain, fortement accentuée pour le
mercure et le bismuth.
MM. Peddie et Shand (2) n'ont pu apercevoir qu'une
différence très faible entre le pouvoir thermo-électrique
du mercure solide et du' mercure liquide.
M. Cermak (3) trouve que les courbes de la force thermo-
électrique du plomb, de l'étain, du cadmium et du mer-
cure ne présentent pas de discontinuité ni de change-
ment de direction en passant par le point de fusion. Il
attribue les résultats opposés, obtenus par ses prédéces-
seurs, aux impuretés des métaux étudiés.
Ce résultat est contesté par MM. Konigsberger et
Weiss (4) en ce qui concerne l'étain, alors que M. Cermak,
en reprenant l'étude de l'étain et du plomb en collabora-
tion avec M. Schmidt (5), retrouve ses premières données.
Nous avons donc cru utile d'entreprendre l'étude des
propriétés électriques des métaux alcalins, qui présentent
un intérêt particulier à cause de la grande pureté à laquelle
on peut amener les échantillons par des distillations réi-
térées. De plus, le point de fusion très bas de ces métaux
permet une observation commode des phénomènes thermo-
électriques pendant la fusion et à l'état liquide.

(1) BECKIT BURNIE, Phil. Mag., 5e série, t. XLIII, 1897, p. 397.


(2) PEDDIE et SHAND, Proc. Edinb. Soc., t. XXIII, 1899, p. i5.
(3) CERMAK, Ann. d. Phys., 4E série, t. XXVI, 1908, p. 521.
(4) KONIGSBERGER et WEISS, Ann. d. Phys., 4E série, t. XXXV,
1911, p. 1.
(5) CERMAK et SCHMIDT, Ann. d. Phys., 4E série, t. XXXVI, I9II.
p. 575.
Préparation des échantillons. — Le caesium, le rubidium
et le potassium ont été préparés par la méthode publiée
par l'un de nous (1) (action du calcium sur les chlorures),
et redistillés'dans le vide. Le sodium employé était celui
du commerce redistillé dans le vide. La distillation se
faisait à une température aussi basse que possible, ne
dépassant pas 35o°. A l'extrémité de l'appareil, servant
à la distillation, étaient soudés des tubes en verre, longs
de 30cm et de Imm de diamètre intérieur, munis d'élec-
trodes en platine. Après leur distillation, les métaux
alcalins étaient directement introduits dans ces tubes en
maintenant une pression inférieure à 0,001. Pour que le
métal coule avec facilité, dans le capillaire, il est nécessaire
avant la distillation de chauffer ce dernier pendant
environ 2 heures entre 200° et 3000, pour en chasser les
dernières traces d'air et d'humidité. Les échantillons
ainsi préparés nous ont servi à l'étude du pouvoir thermo-
électrique des métaux alcalins de 0° à — 183°, pendant leur
fusion et à l'état liquide, ainsi qu'à l'étude de leur force
électromotrice de dissolution.

Pouvoir thermo-électrique de 0° à — 183°. -


Pour ces
mesures, le tube M contenant le métal alcalin était entouré
dans sa partie supérieure d'un réservoir en verre A, fixé
au tube par l'intermédiaire d'un bouchon en liège B
(fig. 1).
La partie inférieure du tube plongeait dans un vase de
Dewar D. Des fils e et e' en cuivre électrolytique étaient
soudés aux électrodes de platine du tube.
Le réservoir A était rempli de glace fondante, alors que
le tube D pouvait contenir un mélange d'anhydride carbo-

(1) HACKSPILL, Comptes rendus, t. CXLI, 1905, p. 106; Bull. Soc.


chim., 4e série, t. IX, 1911, p. 446; Thèse, Paris, 1912; Ann. de
Ch. et de Phys., 8e série, t. XXVIII, p. 613.
nique et d'acétone (-780) ou de l'oxygène liquide (—183°)

Les mesures étaient faites par la méthode de déviation


à l'aide d'un galvanomètre Deprez-d'Arsonval (constante
== 4,5.10-8 ampère; résistance : 200 ohms).
L'étude préliminaire ayant établi le pouvoir thermo-
électrique des fils de cuivre servant pour les électrodes par
rapport au plomb pur, nous avons rapporté au plomb le
pouvoir thermo-électrique des métaux alcalins.
Nous avons ainsi obtenu les nombres suivants exprimés
en microvolts :
.. clÉ
Métal. Pouvoir
P thermo-électrique
.
~.
Cs
Rb
K -
0,66 — 0,0010 t
— 8,26 —
0,0302
11,33 — 0,0376 t
t
Na ...................... — 4,16 — o,ot44 t
Pouvoir thermo-électrique pendant la fusion et à l'état
liquide. — L'historique des études sur les propriétés
thermo-électriques des métaux pendant la fusion* et à
l'état liquide nous avait fait voir que, si la fusion produi-
sait une discontinuité dans la courbe de la force thermo-
électrique ou du pouvoir thermo-électrique, cette disconti-
nuité devait être extrêmement faible.
Nous avons donc cru utile d'employer dans cette étude
l'enregistrement photographique qui indique les points
critiques avec beaucoup plus de netteté que l'étude par
points successifs.
L'enregistreur employé dans ce but a été décrit par
l'un de nous en collaboration avec M. H. Le Chatelier (1).
Son schéma est représenté sur la figure 2.
Dans cet enregistreur, le rayon lumineux se reflète du
miroir d'un premier galvanomètre g, traverse un prisme P,
incliné à 45°, qui transforme la déviation horizontale en
déviation verticale, se reflète du miroir d'un deuxième
galvanomètre G et tombe sur la plaque photographique R.
(1) H. LE CHATELIER et W. BRONIEWSKI, Rev. de Méta^l., t. IX,
1912, p. i33.
Lorsque le deuxième galvanomètre marque en abscisses
les températures données par un couple thermo-électrique,
le premier galvanomètre enregistre la force thermo-élec-
trique du couple étudié.

Fig. 2. — Schéma de l'enregistreur photographique.


Les échantillons des métaux alcalins sont placés dans
les conditions indiquées schématiquement sur la figure i.
La partie inférieure du tube M, contenant le métal
alcalin, est introduite dans de la glace fondante contenue
dans le récipient D. Le réservoir A, entourant la partie
supérieure du tube, est rempli de limaille d'aluminium
humectée de toluène, ce qui permet d'avoir une capacité
calorifique assez grande, et une conductivité calorifique
suffisante. Le réservoir A, refroidi par de l'anhydride
carbonique solide, est introduit dans un petit four à
résistance électrique F, permettant un échauffement régu-
lier jusqu'aux environs de 100°. La température est indi-
quée parle couple constantan-argentC, fixé à l'échantillon.
Les courbes enregistrées pour le caesium et le rubidium
sont reproduites sur la figure 3.
Nous voyons que le point de fusion du rubidium (390) se
manifeste par un point anguleux de la courbe. Celui du
caesium (28°) est marqué par une rupture de la courbe;
ce qui peut s'expliquer en admettant qu'à la température

de fusion le métal liquide a un potentiel supérieur de


20 microvolts à celui du métal solide.
Ces résultats ont été contrôlés par l'enregistrement
de plusieurs courbes, donnant des résultats parfaitement
concordants (1). Les métaux employés présentaient des
garanties parfaites de pureté, et aucune attaque du verre
ou du platine des électrodes n'a pu être constatée. Dans
ces conditions, les résultats obtenus paraissent donner un
appui sensible à la théorie de la discontinuité des propriétés
thermo-électriques au point de fusion. Nous croyons,
pourtant, que cette conclusion générale ne pourrait être
confirmée que par une étude bien plus étendue, effectuée
par la méthode que nous venons de décrire et comprenant

(1) Une autre courbe de la force thermo-électrique du caesium


a été publiée dans la description de l'enregistreur photographique
(loc. cil.).
surtout les métaux qui ont prêté jusqu'à présent à de
nombreuses controverses.
Le pouvoir thermo-électrique du caesium et du rubidium
liquide, déduit des courbes enregistrées et rapporté au
plomb, s'exprime par les formules suivantes
dE
Cs 80 — o,o334(£ — 28)

Rb
............
~ =—2 2,56
— 0,0600(t -38)
Force électromotrice de dissolution. — Les mêmes
échantillons de métaux alcalins nous ont servi pour l'étude
de leur force électromotrice de dissolution.
Pour ces expériences, les tubes étroits remplis de métaux
alcalins, ouverts à un bout et munis d'une électrode de pla-
tine à l'autre, étaient plongés dans une dissolution saturée
de chlorure d'ammonium. Après quelques minutes d'at-
taque, le métal alcalin se trouvait en contact permanent
avec une dissolution très concentrée de son oxyde, qui
la
mitigeait vitesse de la réaction.
Une plaque de charbon dépolarisée par du bioxyde de
manganèse servait d'anode. L'erreur provenant de la
résistance, assez grande et constamment variable, d'une
pile ainsi formée, était rendue moins importante par la
mise en série d'un mégohm. Les mesures étaient faites
à l'aide d'un galvanomètre sensible.
Les nombres ainsi obtenus indiquent des forces électro-
motrices peu différentes d'un métal alcalin à l'autre :
Force électromotrice
Métal. en volts.
Cs 3,3
Rb 3,1
K 3 ,2
Na
,"".""'.'.."".......'"..' 3,2
Ce résultat pouvait être prévu a priori, si l'on considère
que les métaux alcalins ont une chaleur de dissolution
peu différente. Ainsi, M. Rengade (1) indique pour la
chaleur de dissolution dans l'eau les nombres suivants :
Chaleur de dissolution
Mêlai. en kg-cal.
Cs 48,45
Rb
K
............................... 47, 25
46,4o
Na ............................... 44,10

La force électromotrice du rubidium a été trouvée un


peu inférieure à celle des autres métaux alcalins, alors
que, suivant sa chaleur de dissolution, elle devrait s'ap-
procher du caesium. Ceci pouvait être dû à la résistance
de l'oxyde de rubidium, dont la dissolution paraît se
faire moins régulièrement que pour les autres métaux
alcalins.
Si l'on admet l'exactitude de la formule de Helmholtz,
dont l'application a été étendue par l'un de nous (2), sous
une forme plus générale aux piles non réversibles, nous
devons nous attendre à un coefficient de température
positif pour la force électromotrice de dissolution des
métaux alcalins, d'environ
0,004 volt par degré.

Ce nombre nous indiquerait une influence négligeable


de réchauffement dans la limite de précision de nos
mesures.
Nous avons étudié aussi la force électromotrice de disso-
lution des métaux alcalins amalgamés. Pour cela, l'extré-
mité du tube contenant le métal alcalin était brisée sous
le mercure. Le tube fut placé ensuite dans les mêmes condi-
tions que dans l'étude des métaux alcalins non amal-

(1) RENGADE, Ann. Chim. et Phys., 8e sér., t. XIV, 1908, p. 548.


(2) BRONIEWSKI, Journ. de Phys., 4e sér., t. VII, 1908, p. 934.
gamés. Les nombres suivants ont été ainsi obtenus :

Force électromotrice
Métal. en volts.
Cs 2,5
R1)

K
................................. 3,2
3,3
Na
................................. 2,4
Nous voyons que la force électromotrice de dissolution
du rubidium et du potassium ne change pas sensiblement
par l'amalgamation. Au contraire, celle du caesium et du
sodium est, dans ces conditions, fortement diminuée.
On peut expliquer ce résultat en admettant la formation
de composés définis du mercure avec le caesium et le
sodium, dont la force électromotrice de dissolution serait
inférieure à celle des métaux purs.

II. — Rhodium et iridium.


Historique. — Matthiessen (1) indique le pouvoir
thermo-électrique de l'iridium à 150, qui, recalculé, comme
nous l'avons fait pour les métaux alcalins, donnerait le
nombre de + i,99 microvolt par rapport au plomb.
MM. Holborn et Wien (2) donnent quelques nombres sur
la force thermo-électrique du rhodium entre 400° 1300°et
par rapport au platine. Ils indiquent sur un graphique la
variation de la résistance électrique du rhodium entre
00 et i5oo°. Le coefficient de température de la résistance
entre 0° et 100° avait été trouvé :
Pour le rhodium écroui 0,00297
Pour le rhodium recuit à 1700° 0,00219
Pour l'iridium écroui ............... 0,00371

(1) MATTHIESSEN, Pogg. Ann., t. CIII, 1858, p. 412.


(2) HOLBORN et WIEN, Wied. Ann., t. XLVII, 1892, p. 128;
t. LVI, 1895, p. 382.
MM. Holborn et Day (1) étudient la force thermo-élec-
trique du rhodium et de l'iridium par rapport au platine
entre 2500 et i5oo°. Comme la force thermo-électrique du
platine varie fortement d'un échantillon à l'autre, nous
avons rapporté les nombres de MM. Holborn et Day à
l'argent étudié dans la même série, et dont le pouvoir
thermo-électrique, par rapport au plomb, a été admis sui-
vant M. Noll (1894) :

= + 2,3o + 0,0076 microvolt.


Le pouvoir thermo-électrique du rhodium et de l'iri-
dium indiqué par MM. Holborn et Day a été ainsi rap-
porté au plomb :
Coefficients
de températures
Pouvoir

t
dE de la
thermo-electriuue 7t •
Nlétal. at lemperatures. résistance.
-0,0068

Iridium... +3,Il de ioo" à 1200"


2 = 0,00394
Rhodium.. -1-3,75 — o,oo54 t de250°à130(,° a = 0,00446
Dans la dernière colonne est indiqué le coefficient de
température de la résistance entre 0° et 100°. Au-dessous
des températures indiquées, les formules ne sont plus
valables, car les valeurs observées pour le pouvoir thermo-
électrique du rhodium et de l'iridium se rapprochent
davantage de la ligne du plomb, que les valeurs calculées
pour les formules. Ainsi :
à-40°. à — 13?1.
Pouvoir thermo-électrique de l'iridium.. -(-2,23 +2,19
» »
du rhodium. +2,13 +1,83
Nous avons cru utile de déterminer la résistance spé-
fique du rhodium et de l'iridium et de faire une étude plus
approfondie des propriétés électriques de ces métaux.

(1) HOLBORN et DAY, Berl. Ber., 1889, p. 691; Ann. d. Phys.,


4e sér., t. II, 1900, p. 522.
Résistance électrique. — Les échantillons du rhodium
et de l'iridium, qui ont servi à cette étude, ont été mis
à notre disposition par la maison Heræus à Hanau, sous
la forme de fils à section rectangulaire. Ces échantillons
ont été soumis à un recuit dans le vide à 1200°; examinés
au microscope, ils ont montré une section parfaitement
homogène, sans fentes ni soufflures. Leur résistance élec-
trique a été déterminée à l'aide d'un pont de Thomson,
aux températures de + 100°, — 78°,3 et — 1860.
Pour déterminer la résistance spécifique des métaux
étudiés, la connaissance de la section des fils était néces-
saire. Cette section avait été déterminée par deux mé-
thodes. La première méthode consistait à déterminer par
une vis de Palmer les deux dimensions de la section à des
distances successives de lem et d'en prendre la moyenne.
La section des fils a été trouvée ainsi variable entre
omm2,60g et omm2,656. Cette méthode présentait l'incon-
vénient d'indiquer les dimensions maxima, déterminées
par les petites sinuosités de l'échantillon, et non pas sa
vraie section.
La deuxième méthode, bien plus précise, consistait à
déduire la section moyenne en connaissant la longueur,
le poids et la densité des échantillons. La densité, déter-
minée à l'aide d'une balance hydrostatique, a été trouvée
à 15° :
Pour le rhodium d — 12,48
Pour l'iridium
.................... d — 22,36
Cette deuxième méthode nous a indiqué, comme c'était
à prévoir, une section moindre que la première méthode,
et variable entre omm2,542 et omm2,563. Seuls, les nombres
la
obtenus par deuxième méthode ont servi pour le calcul
de la résistance spécifique.
Les nombres obtenus pour la résistance électrique du
rhodium et de l'iridium ont été comparés avec les valeurs
calculées par la formule (*)

rt = ( 2 F T ) T. const.
où F est la température absolue de fusion, T, la tempéra-
ture absolue du métal et rt sa résistance électrique. Bien
que cette formule ne soit pas applicable à basse tempéra-
ture, où la plupart des métaux manifestent des anomalies
assez grandes pour toutes leurs propriétés physiques, elle
sert utilement comme terme de comparaison pour indi-
quer la déviation de la résistance électrique de l'allure
normale.
Nous désignerons par tles températures, ri la résistance
calculée, rt la résistance trouvée, A la différence en
pour 100 prise par rapport à ro, ainsi

0-100 est le coefficient de température entre o°et 100°.


Rhodium.
F = 2223 (2) ro = rt = o,ooooo3648 (2 F + T) T
4,70
ri rÍ
t. calculé. trouvé. Â.

+ 100 6,56 6,6j — 0,8


(4,70) 4,70
O
.......... 3,30
--18678,3............ 3,09 4,5.
-+-
i>

1,44 0,70 +15,8


Calculé. Trouvé.
0
Cto-i 0,00398 o,oo4o5

Iridium.
F = 2À76 (3) r0 = 6,10 rt = 0,000004276 (2 F -+- T) T

(1) BRONIEWSKT, J. Chim. phys.,t. IV, Ig06, p. 285; t. V, 1907,


p. 57, 609.
(2) MENDENHALL et Phys. Rev., t. XXV, 1907, p. 1.
INGERSALI.,
(3) NERNST, Phys. Zeits., t. IV, igo3, p. 733.
r, ri
t. Calculé. Trouvé. A.
•H-ioo 8,49 8,31 -+-2,9
o ( 6, i o ) 6,io »
— 78,3
-186
.......... 4,29
1,88
4,28 -012
-0,7
1,92
Calculé. Trouvé.
oco-loo .................... 0,00393 o,oo363

Ces nombres nous montrent que le rhodium paraît


subir, à basse température, une transformation très
grande, dont l'influence se fait encore sentir même à la
température ordinaire.
L'iridium ne paraît pas subir de transformation sensible
au-dessus de la température de l'air liquide.
Il serait intéressant de vérifier ces observations par
l'étude d'autres propriétés physiques, comme la chaleur
spécifique ou la dilatation.

Thermo-électricité.- L'étude des propriétés thermo-élec-


triques du rhodium et de l'iridium a été faite par la même
méthode que celle des métaux alcalins. La force thermo-
électrique a été mesurée par rapport au cuivre et rap-
portée ensuite au plomb. Une des soudures était maintenue
à 0°, alors que l'autre était portée à + 1000, -780,3
et —186°.
Nous avons obtenu pour la force thermo-électrique, par
rapport au plomb, les nombres suivants, exprimés en
microvolts :
Force thermo-électrique.
Température. Rh — Pb. Ir—Pb.
De 0° à + oo" i +2.19 +237
De 0° à -
78°, 3 -168
-361
-195
De 0° à — 186,
............... —461

Nous voyons que le pouvoir thermo-électrique du rho-


dium se rapproche très sensiblement de la ligne du plomb
au-dessous de —80°. Le pouvoir thermo-électrique de
l'iridium varie peu entre + 100° et —' 186°.
Entre + 100° et —80°, on peut exprimer le pouvoir
thermo-électrique du rhodium et de l'iridium par les for-
mules suivantes :
Rhodium ~ = + 2,17 + 0,0005 t
dE

dE
Iridium 2,44 — 0,0014 t

Pour exprimer le pouvoir thermo-électrique entre +1 00°


et — 186°,il faudrait employer des formules quadratiques.

SUR L'ÉLECTROLYSE DES SOLUTIONS DE LITHINE;

PAR MM. W. OECHSNER DE CONINCK ET A. BOUTARIC.

Duter (1 ) a observé que dans l'électrolyse des solutions


aqueuses de potasse, de soude, de baryte ou de chaux,
le volume de l'oxygène dégagé sur l'électrode positive est
notablement moindre que la moitié de celui de l'hydro-
gène dégagé sur l'électrode négative. Berson et Des-
trem (2) ont repris ces expériences sur les solutions de
potasse et constaté que le liquide, au voisinage de l'anode,
présentait les réactions de l'eau oxygénée.
Nous nous sommes proposé de faire une étude ana-
logue sur les solutions aqueuses de lithine. Nous avons
employé une lithine parfaitement pure, en beaux cris-
taux grenus, dont nous avons préparé une solution à
10 pour 100. La cathode était constituée par un fil de pla-
tine et l'anode par une lame de platine d'une surface
totale de 11cm2 environ.

(') Comptes rendus, t. CIV, 1887, p. 354.


(2) Comptes rendus, t. CVI, 1888, p. 1794.
Le rapport du volume d'hydrogène au volume d'oxy-
gène a toujours été trouvé nettement supérieur à 2.
4
Avec de faibles densités du courant (1 = milliampères,
soit o,63 milliampère par centimètre carré d'anode),
ce rapport a atteint 2,3o. Il diminue à mesure que la den-
sité du courant augmente, de façon à n'être plus que 2,06
pour de fortes intensités.
Le phénomène ne tient pas à la dissymétrie des élec-
trodes et à une absorption d'oxygène par l'anode. On
l'observe, sans changement appréciable, que l'anode ait
déjà servi dans une expérience précédente ou qu'on l'ait
nettoyée à la flamme.
Si l'on intervertit les électrodes, le rapport du volume
d'hydrogène au volume d'oxygène diminue. Mais il reste
toujours nettement supérieur à 2 (2,06). Cette diminu-
tion s'explique facilement par la considération de densité
du courant qui devient très grande quand l'anode est
constituée par un fil.
Après que la solution de lithine a été utilisée pour plu-
sieurs électrolyses, la valeur du rapport diminue.
Cette diminution peut tenir à ce que la lithine se car-
bonate toujours légèrement.
Examen du liquide recueilli à l'anode. — Nous pensions
qu'il pouvait s'être formé de l'eau oxygénée et, subsé-
quemment, du bioxyde de lithium.
a. L'eau oxygénée a été recherchée au moyen de la
réàction très sensible de Barreswill (emploi d'une solu-
tion étendue d'acide chromique). Le résultat a toujours
été négatif.
b. Une certaine quantité du liquide recueilli à l'anode
a été versée peu à peu dans l'acide chlorhydrique refroidi.
La liqueur avait une réaction franchement acide. Elle a
été additionnée d'eau distillée, puis on a versé goutte à
goutte la solution étendue d'acide chromique. Là encore
le résultat a été absolument négatif.
L'ATOME MONOVALENT NE PEUT PAS ÊTRE UN DOUBLET PUR;

PAR M. MARCEL BRILLOUIN.

19. ATOME DE RÉVOLUTION. — Nous avons vu (1) que


l'atome monovalent ne peut pas être isotrope. Son action
extérieure doit dépendre de variables qui font disparaître
l'isotropie; l'hypothèse la plus simple est que l'atome
est de révolution autour d'une droite. Sur cette droite,
nous choisirons une direction positive et un point comme
centre : ce sera le point où l'énergie devient infinie positive
s'il y en a un, ou un point intérieur au domaine impéné-
trable si celui-ci est fini.
On a souvent supposé que cet atome peut être un
doublet pur, c'est-à-dire équivalent à l'ensemble de deux
points isotropes infiniment voisins, de charge infinie,
produisant deux champs isotropes identiques au signe
près, légèrement déplacés l'un par rapport à l'autre.
Des pages de calculs ont été écrites en partant de cette
hypothèse, presque toujours réduite à sa forme la plus
simple par l'emploi de la loi de Coulomb. Une discussion
approfondie n'est donc pas inutile pour bien montrer qu'elle
est inacceptable. Cette discussion me sera d'ailleurs utile
en vue d'une autre étude relative aux propriétés magné-
tiques. C'est donc par cette discussion que je commencerai;
je discuterai ensuite une hypothèse plus générale, éga-
lement inacceptable.
20. ORIENTATIONS STABLES. — Étudions le champ
mutuel et les orientations d'équilibre de deux doublets,
formés de pôles égaux et de signes contraires, dont chacun

. (1) Voir p. 567 de ce Volume.


serait isotrope, avec une loi d'énergie quelconque E (r).
l,
L'énergie mutuelle d'un point + en x', y', z' et d'un dou-
blet ± i en x, y, z, est ~ si l'axe du doublet a la
directions (de —vers +); l'énergie mutuelle des deux
doublets d'axes s et sr est --

'
elle change de signe avec s ou s', à toute distance, grande
ou petite. Appelons 9 (fig. i) l'angle de s avec r, et

l'angle de s' avec le prolongement de r; on a

Appelons w l'angle ss' et o le dièdre qui a MM' pour


arête, et dont les plans passent par s et par s'; on a

Cela permet d'écrire l'énergie mutuelle des deux dou-


blets E sous la forme

sin9 et sina' sont toujours positifs, car 9, a' varient


seulement de o à ; 9 peut varier de 2, par exemple
de —TC à + TC ; en raison de la parité de coscp, l'énergie
est la même pour deux valeurs égales et de signes con-
traires de ©; il suffit de faire varier de o à TI; chaque
valeur correspond à deux orientations de s symétriques
par rapport au plan rs.
Les conditions d'équilibre d'orientation sont

E" sin 6 cos0'


E" cos6 sin 0'
sin 0 sin'sin = o,
E'

E'
cos0

sin
'
sin

cos6' cos
cos = o,
= o,

d'où

et par conséquent
sin 6 sin0'sincp = o,
ce qui donne le
cossin'=0,
Tableau suivant :
6 cos = o,
sin '
Tableau des orientations d'équilibre
et des valeurs correspondantes de l'énergie.
N°\ w. 6. 6'. Énergie. Orientation.
1 qcq o o — E" —>- —y
1' » 7r TT
E"
2 » 0 71 -4- E" —
2
3

........
b

o
ïï

22
7t

o
r,

—j— E"

E'
r
..

f f
1 1
)

4 / T. -2 -
71

2 "

De ce Tableau nous tirerons facilement les orientations


H
E'
r
îa
1
11
T

stables suivant les valeurs relatives de EU et de ~.


r
Premier cas. E' < rE"|.
1

Deuxième cas. E'| 1 > |rE"|.


Dans chacun des deux cas, les orientations stable et
instable se permutent. Pour le premier cas, les orientations.
3 et 4 sont partiellement stables; pour le deuxième, les
orientations 1 et 2 de même.

21. POSITIONS STABLES.—Pour que ces seules actions.


mutuelles produisent un équilibre stable complet, il faut
en outre que l'énergie soit minimum en r,

Premier cas. E'" = o.


Distance stable.

Si E"EIV est positif, il n'y a pas de distance d'équi-


a
libre stable. Si E"' un signe constant, il n'y a pas de
distance d'équilibre.
Si EIV est nul en même temps que E, il faut que Ev
soit aussi nul, et E" EVI < o pour la stabilité, etc.

E'
Deuxième cas.
r = o.
E"

Dans ce cas, à la distance d'équilibre, l'énergie se réduit


E'
à — — cosw et les orientations d'équilibre parallèles
et de même sens (3) w = o, ou parallèles et opposées (4)
w = , peuvent avoir une direction quelconque par
rapport à la distance r, (au lieu de lui être nécessairement
perpendiculaires comme à distance quelconque).
Distance stable.
SiE' E"est positif, il n'y a pas de distance d'équilibre
stable ; si r E" — E' a un signe constant, il n'y a même pas
4e distance d'équilibre.

22. Dans le plan où nous avons tracé la courbe E' en


fonction de r, traçons aussi les hyperboles y =~ de
G
r
,divers paramètres C (voir fig. 2, n° 24 et fig. 3, n°27).
Partons de l'infini, pour des valeurs décroissantes r, E'
coupe des courbes y de paramètre croissant et devient
tangente à l'une d'elles, pour une valeur de r plus grande
que celle qui rend E' | maximum. En ce point, on a
1

E' = y, E" = y, E' = -rE",


car les courbes y satisfont à l'équation
y = — ry.1
Je supposerai qu'en ce point les deux courbes se tou-
chent sans se traverser.
Ce point peut d'ailleurs être plus éloigné que le point
d'inflexion de E' (Ew = o), ou plus rapproché, suivant
la loi de la force E'.
Les points intéressants peuvent donc se succéder dans
divers ordres, en partant de .l'infini :
{a) E'"=o, E'= —rE", E"=0, E' = rE", E'= o,
(b) E' = — rE", E'" = o, E"=o, E'=rE", E'= o.
Action élémentaire répulsive au loin :

au loin E'< o E'+rE">0 E"> o


(a) Distance stable =o
E'" 11'
(b)i
1

»
E'+rE"= 0 parall. inverse

Action élémentaireattractive au loin:

au loin E'>o, E'+rE"< 0 E"<o


(a)2 Distance stable E'" = o 22'
(b)2 »
E' + rE"=0 parall. directe
23. EXEMPLES. - I. Actions électriques :

~—
I
> o, orientations stables ( 1, 1'):
6
E'" = attraction des doublets à toute distance.
~71.

II. Plus généralement 0)

E'
E"> —
1
orientations stables (1, 1');

E = ~rll+3 y attraction des doublets a toute distance.

I
1 E" j > — >
orientation stable définie par E" :

1° Action élémentaire répulsive, /> o.


E"> 0, orientation stable (1, 1'),

attraction des doublets à toute distance;

2° Action élémentaire attractive, t < o.


E"< o, orientation stable (2, 2'),
E'"> o, attraction des doublets à toute distance.

1 E" 1 > — >


orientation stable définie par E' :
1° Action élémentaire répulsive, / > o.
E"> o, orientation stable (1, 1'),

attractions des doublets à toute distance;


2° Action élémentaire attractive, / < o.
E" <o orientation stable (2, 2'),
E"'> 0 attraction des doublets à toute distance.
24. DiSCUSSION (fig. 2). —Toute loi d'action élémentaire
dans laquelle la force décroît avec la distance, ou même croît

moins vite que la distance conduit aux mêmes conclusions


pour l'orientation d'équilibre stable (11') ou (22'). Pour
qu'il y ait. une distance d'équilibre, il faut que la courbe
-
représentative de la force élémentaire E' ait un point
d'inflexion (-E')" = o. Si, d'autre part, la force tend
asymptotiquement vers zéro à grande distance, d'une
manière continue, les dérivées successives feront de même,
avec des signes alternativement db au loin. Si aucune
d'elles n'est ondulée, les produits E' E", E" E"', Ew ElV,...
sont tous négatifs au loin et très petits. E"'passe par un
maximum ou un minimum, pour une distance r plus
grande que celle pour laquelle il s'annule; EIV passe alors
par zéro.
D'autre part, E", nul à l'infini, est stationnaire pour
Em = o, et ne peut s'annuler qu'à des distances infé-
rieures. Le produit EI1 EIV, qui était positif à grande
distance, devient donc négatif au voisinage de la distance
la plus grande pour laquelle E"'est nul.
La plus grande distance d'équilibre des doublets est
toujours stable. S'il y en a de plus rapprochées, elles sont
alternativement stables et instables.

25. EXEMPLES :

1° A < 0, B >> o. Action élémentaire attractive à


B
grande distance, devenant répulsive pour rn-m < — —n —•
Orientations d'équilibre stable :

Distance d'équilibre stable :

et en deçà,

20 A > o, B < o. Action élémentaire répulsive à


grande distance, devenant attractive pour ~rn-m < n Bri
mA
les points isotropes n'auraient pas de distance neutre
stable ; les doublets en ont une, grâce à l'orientation stable :

Distance d'équilibre stable :

et en deçà,

Le fait suivant est évidemment général : quand on


change le signe de l'action élémentaire, on permute les orien-
tations stables Il', 3, avec 22', 4, grâce à quoi la distance
d'équilibre stable des doublets se conserve.

26. CONDITION D'EXISTENCE SPONTANÉE DU DOUBLET.


— Le doublet électrique pur ne peut exister que par l'inter-
vention de forces étrangères, soit non électriques, soit
électriques mais cessant d'obéir à la loi de Coulomb aux
très petites distances. Il faut, en effet, qu'il y ait une dis-
tance d'équilibre, malgré l'attraction infinie qu'indique
la loi de Coulomb entre charges électriques de signes
contraires. Lorsqu'on demande l'action compensatrice
à la force centrifuge, ce n'est pas un doublet électrique
que l'on obtient, c'est l'équivalent d'un doublet magné-
tique, qui d'ailleurs rayonne, et ne peut être permanent.
Si les doublets électriques existent en vertu d'actions
électriques pures, elles seront les mêmes pour tous les
corps, et le moment du doublet sera une constante univer-
selle, au même titre que la charge de l'électron. Il n'en
sera plus de même si l'action qui maintient la distance
est non électrique.
Quelle que soit sa nature, le doublet est caractérisé par
sa construction au moyen de deux points (ou petits élé-
ments isotropes) dont l'action sur un point positif ne
diffère que par le signe, et non par la grandeur. Si l'on
veut que l'existencè du doublet soit assurée par ces seules
actions mutuelles, il faut que, aux très petites distances,
deux points de signe contraire se repoussent, que leur
action soit nulle à une distance égale à la longueur du
doublet et attractive au delà.
En conséquence, deux points de même signe doivent se
repousser à toutes les distances supérieures à la longueur
du doublet et s'attirer aux distances inférieures. Les seuls
doublets qui puissent exister sans l'intervention d'actions
étrangères correspondent donc aux deux cas at et bt.

27. CHAMP DE DEUX DOUBLETS. —Le cas (at) comporte


deux variétés, suivant que les deux extrémités les plus
voisines sont toutes deux positives, ou toutes deux
négatives. Le champ extérieur, produit par l'ensemble des
deux doublets sur un point positif, a exactement la
même distribution dans les deux variétés, au signe près; la
première attire de toutes parts un point positif éloigné, mais
repousse un point négatif ; c'est l'inverse pour la seconde.
Sur un troisième doublet, les deux variétés exercent des
actions directrices exactement opposées, mais des actions
attractives identiques (grâce au renversement de l'orien-
tation).

Dans le deuxième cas (b1), l'orientation commune est


indéterminée par rapport à la droite de jonction des deux
doublets ; pour une orientation donnée, on peut seulement
affirmer que le champ a un plan de symétrie passant par
la droite de jonction et les axes des doublets; mais il n'est
plus de révolution. En outre, les réactions du troisième
doublet peuvent faire varier en tous sens l'orientation
des deux premiers, en les laissant à peu près parallèles. Il
n'y a donc pas de dessin utile à en faire.
La figure 3 représente d'abord la loi de force élémen-
taire (-E') adoptée avec les points remarquables :
E"'=0, E' = — rE", E"=o, E'=rE", E'=o.
On n'a pas indiqué de domaine impénétrable fini
(E' = 00), car le domaine impénétrable, à un point de
même signe, est au contraire infiniment attirant pour un
point de signe contraire; la notion de domaine impéné-
trable est illusoire pour un véritable doublet.
On a représenté ensuite (à une échelle ~î de la figure 3)
le champ d'énergie mutuelle d'un doublet et d'un point
positif dû à la loi d'action élémentaire adoptée, et le

champ d'énergie mutuelle de ces deux doublets en équi-


libre stable et d'un point positif (fig. 5). La construc-
tion graphique, conforme à la définition, d'après la
figure 3 n'offre aucune difficulté. Négligeant la réaction
du doublet mobile sur l'ensemble des deux autres, la posi-
tion d'équilibre stable du troisième doublet est aux points
de force maximum, c'est-à-dire aux points où les lignes
méridiennes d'énergie sont le plus serrées.
En raison de l'orientation opposée des deux doublets,
il y a nécessairement deux tels points sur l'axe, de part

et d'autre des doublets; le champ a un plan équatorial


de symétrie.

28. ACTION D'UN CHAMP QUELCONQUE SUR UN DOUBLET.


— Soit E (x, y, z) l'énergie mutuelle d'un système et d'un

,,
point positif; l'énergie du système et d'un doublet de
moment y,
a2-+- P2 + Y2 = m2
sera

On obtient l'orientation stable, au point x, y, z, en

(2+2+2- m2)
cherchant le minimum de
E'x+E'y+E'z - :

l'énergie minimum, au point x, y, z, est

toujours négative.
Comme cette énergie est nulle à distance infinie, on voit
qu'il y a toujours attraction du doublet lointain par le
système. Les positions d'équilibre correspondent aux points
où la force est maximum en valeur absolue.
Si, en particulier, le système est formé de points agis-
sant par attraction ou répulsion en raison inverse du carré
de la distance, on sait que la force

n'a ni maximum ni minimum en dehors des masses agis-


santes. Donc, un système électrique exerce toujours une
attraction sur un doublet; il ne possède aucune propriété
analogue à la saturation.
Les doublets ont un plan de symétrie, qui est un plan
d'énergie nulle, et dans ce plan un point singulier, le milieu
du doublet, d'un côté duquel l'énergie varie de o à + oo,
et de l'autre côté de o à —oo. De quelque façon que deux
d'entre eux soient associés, le champ d'énergie qu'ils four-
nissent est entièrement traversé par une surface d'énergie
nulle, à deux nappes passant par les deux centres des
doublets (points singuliers ± oo) et dont une au moins
s'étend à l'infini en tous sens. L'espace est donc subdi-
visé en plusieurs domaines entièrement entourés par des
surfaces d'énergie nulle (dont une partie à l'infini).
Dans ceux de ces domaines qui ont un des points sin-
guliers sur leur frontière, l'énergie croît en valeur absolue
de o à l'infini, depuis le contour jusqu'au point singulier,
par lequel passent toutes les surfaces de niveau ; on peut
supposer que la force sur un point isotrope croît constam-
ment en approchant du point singulier, et que, par consé-
quent, il n'y a pas de position d'équilibre stable pour un
doublet dans cette région; il est constamment attiré par
le point singulier.
Il peut y avoir d'autres domaines n'ayant pas de point
singulier sur leur frontière; au milieu de ces domaines,
il y aura nécessairement au moins un point où l'énergie
est maximum en valeur absolue, puisqu'elle est nulle
tout autour sur la frontière. Mais en ce point, la force
sur un point est nulle, comme à l'infini; il y a donc néces-
sairement dans ce domaine au moins un point où la force
(sur un point isotrope) est maximum; ce point est un
point d'équilibre pour un doublet.
Les mêmes remarques s'appliquent au champ dû à un
nombre quelconque de doublets ; elles résultent de ce que
chacun d'eux est un point singulier près duquel l'énergie
prend une valeur quelconque de - à +00, et de ce
que leur champ est complètement traversé par un plan
équatorial d'énergie nulle.
En général, on trouvera donc, pour un doublet mobile,
des positions isolées d'équilibre stable, à une distance finie
des autres doublets, de même ordre que la distance stable
de deux doublets isolés. On ne voit pas comment on pour-
rait reporter ces positions d'équilibre à très grande distance,
sans augmenter en même temps la distance d'équilibre
des deux premiers. Il paraît donc impossible d'obtenir
ainsi rien qui ressemble à la saturation.

29. DOUBLETS GÉNÉRALISÉS. —L'énergie d'un doublet


sur un point était représentée par deux termes
Ri cosG cosO' -+- R2 sinO sinO' coscp.

On peut, sans rien changer aux caractères généraux de


l'action mutuelle, ajouter à ces deux termes un nombre

de coso, cos ', sinO, sin ',


quelconque de termes contenant des puissances entières
cos, assujettis à la seule
-',
condition, indiquée par l'identité du rôle des deux atomes,
de ne pas changer par la permutation de a avec TC
ou par le changement de signe du dièdre Cf. Pour que ces
atomes aient un rôle monovalent, il faut qu'on puisse
fixer un sens positif sur leur axe, c'est-à-dire qu'il y ait des
'
termes impairs importants en coso, cos6'; autrement dit,
pour les valeurs de et de o, qui fixent l'orientation stable
de l'un des doublets, il y a une surface d'énergie nulle
(plan équatorial ou surface courbe, dédoubléeen plusieurs
nappes sur toute son étendue ou sur une partie seule-
ment, etc.), qui s'étend du voisinage du doublet, jusqu'à
l'infini, en séparant l'espace en deux régions symétriques au

,
moins. En outre, au voisinage immédiat de l'atome, l'énergie

'
mutuelle devient infiniment grande en valeur absolue;
elle peut prendre toutes les valeurs entre o, —oo et +
si 6, o sont arbitraires; si, en chaque point, le second
atome prend son orientation d'équilibre, l'énergie passe
de o à —oo quand le centre de ce second atome va du
plan équatorial vers l'une ou l'autre des extrémités de
l'axe du premier. Pour avoir l'analogue d'un atome mono-
valent, il faut d'abord avoir au moins une position d'équi-
libre stable pour le second atome monovalent, et n'en
avoir qu'une. Il est bien évident qu'une telle position ne
peut être dans le plan équatorial (il y en aurait une
infinité le long d'une circonférence équatoriale) ; elle doit
donc être sur l'axe. Mais s'il y en a une sur l'axe d'un côté,
en raison de la symétrie, il y en a une autre à l'autre bout.
Ces deux atomes peuvent s'unir par un bout ou par Vautre ;
ce n'est pas l'idée qu'on se fait d'ordinaire de l'union de
deux atomes monovalents. Considérons nos deux atomes
dans une de ces positions relatives d'équilibre stable
et retournons-les tous deux bout pour bout, ils seront
encore en équilibre stable si l'énergie mutuelle ne contient
que les puissances impaires de cos9 coso'; ils y seront
encore à peu près et y arriveront exactement par un petit
changement de distance, s'il y a en outre des termes pairs;
car ils ne peuvent pas être prédominants pour que l'axe
de chacun des atomes ait un sens défini.

30. FILES D'ATOMES. — De quelque manière que les


atomes soient unis, il y a nécessairement sur leur axe
commun, près de la deuxième position d'équilibre laissée
inoccupée par l'autre, un minimum d'énergie pour un
troisième atome analogue ; il y avait deux places disponi-
bles sur l'axe d'un premier atome ; il en reste deux sur l'axe
de leur ensemble, et peut-être d'autres dans le plan équa-
torial ; il en reste encore deux sur l'axe commun aux
trois atomes ; et quel que soit le nombre des atomes
alignés en équilibre, il restera toujours deux positions
d'équilibre pour un nouveau venu, aux deux bouts de la
file, sans compterJes circonférences d'équilibre qui peuvent
apparaître autour de la file.
Rappelons-nous que l'équilibre des molécules, après
substitutions variées, conduit à regarder les actions
entre atomes comme à peu près négligeables au delà de
deux distances atomiques ; l'énergie du champ d'une file
d'atomes sur un nouveau, dans sa position d'équilibre, doit
être sensiblement indépendante du nombre des atomes
composant la file dès qu'il y en a plus de deux; toutes ces
positions sont donc de même stabilité; rien ne limite le
nombre des atomes de la file. Il n'y a rien qui ressemble
même de loin à la saturation.
En résumé, le doublet généralisé dont l'axe a deux bouts
de signe contraire n'est pas apte à représenter l'atome mono-
valent.
C'est pourtant l'élément le plus simple tel que l'énergie
de deux de ces atomes soit une fonction entière des cos-9,
cosG', sin, sinO', cos© sans terme constant. En enlevant
la prédominance aux termes les plus simples, qui consti-
tuent le doublet pur, on ne gagnerait rien; les deux bouts
pourraient êtrç rendus identiques, mais en faisant naître
entre les deux un point conséquent de signe opposé,
comme on dit en Magnétisme. On aurait l'équivalent de
la réunion de deux atomes, et l'identité des deux bouts
ne rendrait que plus évidente l'existence de deux positions
d'équilibre équivalentes dans le voisinage des deux bouts.
Une seule de ces positions étant occupée par le second
atome, toutes les conséquences relatives à la stabilité de
l'arrangement en file d'un nombre quelconque subsiste-
raient.
Le terrain étant maintenant déblayé par cette discus-
sion un peu longue et minutieuse, mais qui m'a paru
pourtant nécessaire, j'indiquerai prochainement une
forme très simple et presque évidente d'action mutuelle
convenable pour la représentation de l'énergie mutuelle
de deux atomes monovalents.
Avril

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE PHYSICO-CHIMIQUE


HE LA NEUTRALISATION;

l'AN M. EUGÈNE CORNEC.

INTRODUCTION.
L'étude des variations des propriétés physiques des
mélanges de deux corps avec la composition du mélange
est éminemment propre à renseigner sur les combinaisons
que ces corps sont susceptibles de former. La méthode
est aujourd'hui absolument classique et, dans tous les cas,
qu'il s'agisse de métaux, de métalloïdes, de sels ou de com-
posés organiques, elle a fourni de remarquables résultats.
Les propriétés les plus diverses sont tour à tour employées ;
par exemple on utilise, dans le cas des alliages métalliques,
le point de fusion commençante, le point de fusion finis-
sante, la densité, la conductibilité électrique, le magné-
tisme, etc. On sait que les différentes méthodes basées sur
l'emploi de ces propriétés ont, pour le but qu'on se
propose : déceler les composés définis, des valeurs très
inégales. Les courbes relatives à chaque propriété ne
font pas double emploi, elles sont plus ou moins instruc-
tives et tel composé, fort bien indiqué par la variation
d'une constante physique, peut passer complètement
inaperçu, si l'on en utilise une autre.
Si l'on veut connaître de même les différents composés
que deux corps sont susceptibles de former à l'état dissous,
on pourra préparer à l'aide de ces corps toute une gamme
de solutions de composition variable et étudier comment
les constantes physiques varient avec la composition de
ces solutions. Les sujets d'étude seront nombreux; par
exemple : neutralisation d'un acide par une base, forma-
tion d'acides, de sels ou de bases complexes, action mu-
tuelle de composés organiques, transformations avec le
temps, etc.
La conductibilité électrique a été utilisée d'une manière
systématique pour étudier la neutralisation des acides par
les bases; elle a donné lieu dans ces dernières années à un
assez grand nombre de Mémoires (1) et elle a conduit à
d'intéressants résultats. Étant donnée l'importance ainsi
attachée au phénomène de neutralisation, il nous a semblé
qu'il était intéressant de l'étudier en se servant de la
variation du point de congélation. A notre connaissance,
cette étude n'avait été faite pour aucun acide.
Pour connaître la valeur de la méthode, nous avons
d'abord examiné des acides de forces différentes dont la
formule et la basicité étaient connues sans ambiguïté.
Ensuite, nous nous sommes particulièrement attaché
à l'étude de quelques acides minéraux dont la formule et la
basicité ne sont pas clairement établies. Si, en effet, la

(1) Voir en part iculier : D. BERTHELOT, Annales de Chimie et de


1

Physique, 6e série, t. XXIII, 1891, p. 5; MIOLATI et MASCETI,


Gaz. ch. ital., t. XXXI, Ier scm., 1901, p. 93;THIELet ROEMER,
Zeit. phys. Ch., t. LXIII, 1908, p. 711; BRUNI. Zeil. phys. Ch.,
t. LXIX, 1909, p. 69; DUTOIT,Confér. Soc. chim ,mars 1910.
cryoscopie ne permet pas de déterminer à coup sûr le
poids moléculaire d'un électrolyte, elle donne souvent
de précieuses indications sur ce poids moléculaire.
Dans un certain nombre de cas, nous avons enfin utilisé
les variations de Y indice de réfraction pour obtenir soit
des confirmations, soit des renseignements complémen-
taires.

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE I.
Procédés de mesure
et mode de représentation graphique.
Dans chaque cas, les solutions de l'acide et de la base
dont on veut étudier l'action mutuelle sont amenées, par
dilution, au même titre moléculaire. Les solutions devant
être soumises aux mesures sont obtenues en mélangeant,
dans des proportions variables, les deux solutions précé-
demment préparées. Les mélanges sont effectués avec des
pipettes ou des burettes dont la graduation a été vérifiée.
Le titre commun aux solutions de l'acide et de la base
est choisi assez petit pour que les différentes solutions
de compositions intermédiaires entre l'acide et la base
puissent être préparées et refroidies jusqu'à leur point
de congélation sans qu'il y ait précipitation de sel. Cette
condition réalisée nous avons pris, chaque fois que cela
était possible, le titre assez grand pour qu'aucune des
solutions intermédiaires ne se congèle à une température
supérieure à — 0°,3 ; les phénomènes observés sont, en
effet, d'autant moins nets que les températures de congé-
lation se rapprochent de celle de l'eau pure.
Les déterminations de point de congélation ont été
faites par la méthode cryoscopique de Raoult. Le réfri-
gérant est constitué par un bain de sulfure de carbone
refroidi par un mélange de glace et de sel, il est traversé
par un courant d'air sec. La température désirée, infé-
rieure de 2° à 3" à la température de congélation, est ob-
tenue en introduisant dans le réfrigérant du sulfure à la
température ordinaire ou du sulfure énergiquement re-
froidi, et en faisant varier la vitesse du courant d'air.
Dans le but d'obtenir une économie de temps notable,
les solutions à étudier sont refroidies dans un autre bain
au voisinage de la température de congélation avant d'être
introduites dans l'éprouvette cryoscopique. L'éprouvette
en verre mince mesure 4cm de diamètre et 20cm de long; le
volume des solutions est voisin de 100cm3. Les surfusions
sont de 0°,3 à 0°,4. Les lectures ont été faites soit sur un
thermomètre de Baudin divisé en cinquantièmes de degré,
soit sur un thermomètre de Beckmann à enveloppe d'air
du type métastatique divisé en centièmes de degré. Le
zéro du thermomètre était déterminé au début et à la fin
de chaque journée d'étude.
Pour permettre de se faire une idée de la précision
obtenue, nous indiquons dans le Tableau ci-dessous
quelques déterminations faites sur des solutions de KCI et
en regard les nombres obtenus par interpolation des va-
leurs de Raoult indiquées dans son Mémoire sur la cryos-
copie de précision f1).
Abaissements.
Poids de KCI Raoult.
dans 100ft d'eau. Cornée. (Interpolation ).
g o 0
3,9603 1,760 1,762
1,9618 0,892 0,886
0,9869 o,454 0,451
o,55i5 0,260 0,257
o,3538 0,169 o,165

(1) RAOULT, Ann. de Ch. et Phys.,7e série, t. XVI, 1899.


_
Remarque. -— Les solutions de potasse et de soude étaient
préparées à partir de la potasse et de la soude du sulfate
préalablement lavées et elles étaient conservées sous une
couche de pétrole. Malgré ces précautions, nous avons
constaté que les abaissements présentés par diverses solu-
tions de même titre, préparées au cours de notre travail,
présentaient, en raison de la carbonatation impossible à
éviter complètement, des écarts supérieurs aux erreurs
d'expériences. Ainsi, sept solutions différentes de soude
à om,5 par litre ont donné les abaissements suivants :
1°,687 — 1°,691 — 1°,700 — 1°,700 — 1°,702 — 1°,703
— 1°,705; l'écart maximum est de o°,oi8.
Représentation graphique. — Une solution formée par
-
le mélange de (acm3 de base) avec (100 acm3 d'acide)
présente un abaissement du point de congélation égal à A ;
c'est-à-dire qu'elle se congèle à une température inférieure
de A à la température de congélation de l'eau pure. Nous
avons traduit graphiquement les résultats en portant les
valeurs de a en abscisses et celles de A en ordonnées.
Le procédé de représentation est donc analogue à celui
habituellement employé dans l'étude des alliages, mais
il se rapporte aux volumes et non aux poids. Il est éga-
lement relatif aux proportions moléculaires de l'acide et de
la base, car nous avons pris, sauf indication contraire,
l'acide et la base qui devaient réagir de même titre molé-
culaire. Par suite, si l'on représente par rapport aux
mêmes axes, la neutralisation de plusieurs acides par plu-
sieurs bases, les points figuratifs des solutions correspon-
dant au même rapport moléculaire de l'acide et de la base
se trouveront sur une même parallèle à l'axe des ordon-
nées. Par exemple, les points correspondants à toutes les
solutions qui contiennent une molécule de base pour
une molécule d'acide, se trouveront sur une droite
d'abscisse 5o.
Dans l'étude de la neutralisation suivie par la conducti-
bilité électrique, Miolati et Masceti (1), Bruni (2) et divers
auteurs ont adopté une représentation différente. Leurs
solutions sont préparées de telle manière qu'elles ren-
ferment toutes, dans le même volume, la même quantité
d'acide et des quantités variables d'alcali ; ils portent la
conductibilité en ordonnées et la quantité d'alcali en
abscisses.
Nous avions adopté notre mode de représentation avant
tout examen bibliographique; nous avons jugé bon de le
conserver, car, absolument symétrique par rapport à
l'acide et à la base, il convient particulièrement bien au
cas où les solutions étudiées sont des mélanges en propor-
tions quelconques de l'acide et de la base. Il est, d'ailleurs,
analogue à celui adopté par Daniel Berthelot (3).

CHAPITRE II.

Acides monobasiques.

Nous étudierons d'abord la neutralisation de quelques


acides monobasiques de forces différentes par une base
forte : la potasse ou la soude.

Acide chlorhydrique. — Les différentes solutions étudiées


ont été faites en mélangeant en proportions variables
deux solutions, l'une d'acide chlorhydrique, l'autre de
soude, ces deux solutions contenant chacune une demi-
molécule dans un litre.

(1) MIOLATI et MASCETI, Gazz. ch. ital., t. XXXI, 1901, p. 93.


(2) BRUNI, Ath d. Accad. Lir cet, t. XVII, 2e sem., iqo8, p. iq5.
(3) D.BERTHELOT, Ann. Ch. Phys., 6esérie, t. XXIII, 1891, p. 5.
Acide chlorhydrique (0mol,5 au litre) et soude (0mol, 5 au litre >.

Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.


o
100 0
go 10 1,660
80 20 ,
1 r.60
75 a5 1359
70 3o 1,267
60 4° 1,083
55 45 0,987
5o 50 0,890
45 55 0,960
40 60 1o31
30 70 1,190
25 75 1,272
20 80 1,354
10 90 I,523
o 100 1,705
Lorsqu'on ajoute de la soude à l'acide chlorhydrique,
l'abaissement du point de congélation diminue; il diminue
jusqu'à ce qu'on ait ajouté 1mol de soude pour 1mol d'acide.

Si l'on poursuit l'addition de soude, il augmente, au con-


traire, jusqu'à la soude pure.
Le graphique représentant le phénomène (fig. i) est
formé par deux branches de courbes se coupant en un
point d'abscisse 5o. Ce point, qui correspond au minimum
d'abaissement de congélation, indique l'existence en solu-
tion d'un composé renfermant ial de sodium pour i01 de
chlore : le chlorure de sodium. Les solutions intermé-
diaires se comportent comme des mélanges, soit d'acide
et de NaCI, soit de NaCl et de soude.
Acide perchlorique. — L'étude des mélanges d'acide
perchlorique (0mol,5 au litre) et de soude (0mol,5 au litre) a
offert, comme le montre le graphique (fig. 2), un phéno-

mène tout à fait analogue ; les valeurs numériques sont


même voisines de celles observées pour l'acide chlorhy-
drique et la soude.

Acide perchlorique (0mol, 5 au litre) et soude (0mol,5 au litre).


Acide pour 100. Hase pour 100. Abaissements.
O
100,0 o,o 1,867
85,7 14,3 1,567
75,0 25,o 1,354
66,6 33,3 1,187
Acide pour 100. Bi¡SC pour 100. Abaissements.
o
60,0 40,0 1,057
54,5 45,5 0,952
52,0 48,0 0,900
50,0 5o,o 0,872
48,0 52,0 0,900
45,5 54,5 0,940
40,0 60,0 1,019
33,3 66,6 1,127
25,0 75,0 1,267
I4,3 85,7 I,445
0,0 t 100,0 1,700

Acide chlorique. — Une solution d'acide chlorique


(0m,4 au litre) neutralisée par de la potasse (0mol,4 au litre)
a montré le même phénomène (fig. 1).

Acide chlorique (0mol,4 au litre) et potasse (omol, 4 au litre).


Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.

100 0 1 ,!¡T),
o

90 1O 1,298
80 20 1,13o
70 3o 0,967
60 40 o,8i5
55 45 0,745
5o 5o 0,680
45 55 0,742
40 60 o,8o6
3o 70 0,950
20 80 1,0(6
10 90 1, 25o
o 100 1 ,
41S

Acide acétique. — L'acide acétique (0mol,5), au litre


acide faible, neutralisé par la potasse (0mol,5 au litre), offre
.
un diagramme peu différent (fig. 3) : il est bien encore
formé de deux branches qui se coupent en un point
correspondant à l'acétate de potasse, mais l'abaissement
du point de congélation de l'acide est, en raison de sa
faible dissociation, beaucoup plus faible que dans le cas

de l'acide chlorhydrique ; il varie peu entre l'acide acé-


tique et l'acétate neutre et la courbe est, par suite, presque
parallèle à l'axe des abscisses.

Acide acétique (0mol,5 au litre) et potasse (0mol, 5 au litre).

Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.


0
ioo o 0,966
85. i5 0,950
75 25 0,93G
Go /J o 0,930
55 45 0,925
5o 5o 0,92,5
45 55 1,002
40 Go 1,080
35 65 1,170
3o 70 1255
20 80 1,420
o 100 1,760

Nous avons enfin étudié le phénol comme type de corps


ne présentant pas la fonction acide proprement dite,
mais ayant cependant un hydrogène remplaçable.

Phénol. — Le phénol ordinaire étant assez peu soluble


dans l'eau, nous avons opéré avec une solution contenant
0mol,25 au litre. La solution a été faite par pesée à partir
du phénol chimiquement pur desséché au vide sulfurique;
le titre a été vérifié par dosage à l'état de tribromophénol.
L'abaissement du point de congélation ne varie pas sensi-
blement jusqu'à ce qu'on ait ajouté 1mol de soude pour
1mol de phénol; il augmente, au contraire, rapidement
quand on poursuit l'addition de soude.

Phénol (omol,25 au litre) et soude (0mol,25au litre).


Phénol pour 100. Soude pour 100. Abaissements.
O
100,0 0,0 0,450
85,7 i4,3 o,453
75,0 25,0 o,455
60,0 40,0 o,458
5o,o 50,0 0,460
45,0 55,o o,495
40,0 60,0 o,54o
3o,o 70,0 0,620
20, o 80,0 0, 705
10,0 90,0 0,786
0,0 100,0 0,860
Le graphique (fig. 3) indique encore de façon nette
l'existence du phénate de soude en solution. Nous avons
opéré également avec des solutions plus concentrées
(0mol,5 au litre); l'allure du phénomène est la même, mais
la solubilité du phénol étant dépassée, le diagramme
complet n'a pu être établi.
Si nous examinons maintenant le cas d'un acide fort,
l'acide chlorhydrique (omol,5 au litre), neutralisé par une
base faible, l'ammoniaque (omol,5 au litre), nous constatons
que le sel neutre est encore bien indiqué (fig. 4); l'abais-
sement de l'ammoniaque, base faible, est beaucoup plus
petit que celui de la soude; l'abaissement varie peu entre
le sel neutre et la base.

Acide chlorhydrique (0mol,5 au litre)


et ammoniaque (0mol,5 au litre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
100 o 1,862
90 10 i 65o
80 20 1,444
70 3o 1,246
60 40 1,047
55 45 0,952
5o 5o 0,870
40 60 0,897
3o 70 0,9?0
20 80 0,940
10 90 0,952
o 100 0,970
Enfin, dans le cas d'un acide faible (acide acé-
tique, 0mol,5) et d'une base faible (ammoniaque, 0mol,5), les
deux portions du graphique sont peu inclinées et elles se
coupent sous un angle très ouvert.

Acide acétique (omo1,5 au l itre) et ammoniaque (0mol, 5 au litre).


Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
0
100 o 0,966
qo 10 0,950
80 20 0,931
70 3o 0,920
60 4o 0,904
55 45 0,896
5o 5o 0,890
45 55 0,901
40 60 0,9:2
3o 70 0,928
20 80 0,945
10 90 0,956
o 100 0,968

Nous voyons donc que, dans le cas des acides mono-


basiques, la varia Lion de l'abaissement du point de con-
gélation indique, indépendamment de toute hypothèse,
et même pour des acides très faibles, l'existence des sels
neutres en solution (1). La cryoscopie se comporte comme
un indicateur de la fin de la neutralisation.

(1) En raison de la dissociation de l'eau il y a, théoriquement


au moins, continuité entre les deux branches de courbes qui, sur
les figures, se coupent au point correspondant au sel neutre. Un
fil plus ou moins tendu entre deux points (abscisses o et 100) et
s'appuyant sur une pointe (abscisse 5o) fournit une image assez
exacte d'une courbe cryoscopique.'
La courbe cryoscopique est la courbe de solidification commen-
çante des solutions considérées ; elle correspond à la séparation d'une
seule phase solide : la glace. Elle est complètement différente de la
courbe de solidification commençante d'un système binaire qui est
CHAPITRE 111.

Acides pôlybasiques.

Nous considérerons d'abord quelques acides bibasiques


et ensuite des acides tribasiques.

Acide sulfurique. — Les différentes solutions ont été


constituées par des mélanges d'acide sulfurique (0mol,5 au
litre) et de potasse (0mol,5 au litre). Quand on ajoute de
la potasse à l'acide, l'abaissement du point de congéla-

tion diminue, jusqu'à ce qu'on ait ajouté 2vol de


potasse pour 1vol d'acide; si l'on poursuit l'addition
de potasse, il augmente rapidement (fig. 5). Le dia-

formée, dans le cas le plus simple, de deux branches de courbes;


chaque branche correspondant à la séparation d'une phase solide
et les deux branches se coupant réellement puisqu'elles peuvent,
dahs certains cas, être prolongées expérimentalement au delà de
leur point de rencontre.
gramme (fig. 5) est formé de deux branches de courbes
dont l'intersection d'abscisse 66,6 correspond au sel neutre.
La courbe entre l'acide et le sel neutre est continue ; aucune
brisure sensible ne paraît correspondre au point d'ab-
scisse 50, c'est-à-dire à la composition du bisulfate. Le dia-
gramme cryoscopique n'indique donc que l'existence du
sel neutre ; le bisulfate se comporte ici comme un mélange
d'acide et de sulfate neutre. On verra qu'il en est de même
vis-à-vis d'autres propriétés physiques.

Acide sulfurique (0mol,5 au litre) et potasse (om"',5 au litre).


Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
0,0 100 i,973
10,0 90 1,730
14.3 85,7 1,638
25,0 75,0 1,427
35,o 65,o 1,225
40,0 60,0 1,136
45,o 55,o 1,050
50,0 5o,o 0,964
55,o 45,o 0,890
57,2 42,8 o,854
60,0 4o,o 0,806
62,5 37,5 0,776
63.6 36,4 0,754
65,2 34,8 0,731
66,6 33,3 0,712
68,0 32,o 0,731
71,4 28,6 o,833
75,0 25,0 0,923
85,7 14 3
»
1,274
92,3 7,7 1,489
100,0 0,0 1,756

En neutralisant par de l'ammoniaque (omol,5 au litre),


les résultats sont analogues. De l'acide au sulfate neutre,
la courbe est très voisine de celle obtenue avec la potasse
(elle n'est pas figurée sur le graphique). Le minimum
correspond encore au sulfate neutre et le bisulfate n'appa-
raît pas. (La courbe entre le sulfate neutre et l'ammo-
niaque est figurée en pointillé sur la figure 5.)
Acide sulfurique (omol,5 au litre) et ammoniaque (omol,5 au litre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
100,0 0,0 I.973
85,0 i5,o 1,635
75,0 25,0 I,442
65,o 35,o 1,240
50,0 5o,o 0,982
37,5 62,5 0,787
33,3 66,6 0,730
25,o 75,0 0,800
20,0 80,0 0,839
12,5 87,5 0,895
0,0 100,0 0,970
Acide oxalique. — Avec l'acide oxalique (omol,375 au
litre) et la potasse (om,375 au litre), nous n'avons pu:éta-
blir, à cause des précipitations, la courbe complète entre
l'acide et la base. L'abaissement du point de congélation
diminue de l'oxalate acide à l'oxalate neutre; il augmente
ensuite jusqu'à la potasse; le graphique (fig. 5) indique
nettement l'existence du sel neutre en solution.
Acide oxalique (o"1"1, 375 au litre) et potasse (o"',375 au litre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
100,0 0,0 0,945
5o,o 5o,o o,63o
45,o 55,0 0,607
40,0 60,0 0,591
37,5 62,5 o,585
33,3 66,6 0,582
28,6 71,4 0,672
25,0 75,0 0,752
i5,o 85,0 0,965
7,7 92,3 1,127
0,0 100,0 1,312
Dans le cas de l'acide oxalique et de l'ammoniaque, les
résultats sont analogues.
Acideoxalique(0mol,375 au litre)et ammoniaque(0mol,375aulitre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
0
ioo,o 0,0 0,945
50,0 50,0 0,651
47,5 52,5 0,623
37,5 62,5 0,594
33,3 66,6 0,559
25,0 75,0 0,604
20,0 1
80,0 o,63o
i4,3 85,7 0,664
0,0 100,0 0,723
(La courbe relative à l'ammoniaque, comprise entre le
sel neutre et l'ammoniaque, est figurée en pointillé sur
la figure 5.)
Acide carbonique. — En raison de la faible solubilité de
l'acide carbonique dans l'eau, le point de départ n'a pas
été l'acide lui-même, mais une solution de bicarbonate

de soude renfermant 0mol,250 au litre. Cette solution a été


faite par pesée du bicarbonate chimiquement pur desséché
au vide sulfurique, le titre a été vérifié par l'acide chlor-
hydrique en présence de méthylorange.
Cette solution a été neutralisée par de la soude (0mol,5
au litre). L'abaissement diminue jusqu'à ce qu'on ait
ajouté 0vol,5 de soude pour 1vol de bicarbonate; il aug-
mente ensuite quand on poursuit l'addition de soude.
Les différentes solutions peuvent être envisagées comme
des mélanges d'une solution d'acide Icarbonique (omol,5
au litre) et d'une solution de soude (omol,5 au litre); leur
composition a été exprimée de cette manière ¡pour la
représentation graphique.

Bicarbonate Soude Acide Soude Abaissements.


pour 100. pour 100. pour 100. pour 100.
o
ioo,o 0,0 50,0 5o,o 0,822
88,8 11,2 44 4
»
55,6 0,787
80,0 20,0 40,0 60,0 0,762
72,8 27,2 36,4 63,6 0,737
66,6 33,3 33,3 66,6 0,722
61,6 38,4 3o,8 69,2 0,782
60,0 40,0 3o,o 70,0 0,795
57,2 42,8 28,6 71,4 0,847
55,6 44,4 27,8 72,2 o,865
53,2 46,8 26,6 73,4 0,905
5o,o 5o,o 25,o 75,0 0,952
42,8 57,2 21,4 78,6 1,050
33,2 66,8 16,6 83,4 1,185
27,2 72,8 13,6 86,4 1,280
20,0 80,0 10,0 90,0 1,390
II,0 89,0 5,5 94,5 1,516
0,0 0,0 0,0 0,0 1,687
Le diagramme (fig. 6), formé de deux branches sensi-
blement rectilignes, indique jl'existence en solution du
carbonate neutre de soude. La cryoscopie est un indicateur
de la seconde acidité de l'acide carbonique.
Résorcine. — Pour la résorcine une difficulté s'est
présentée; on sait, en effet, que les solutions alcalines de
ce corps s'oxydent assez rapidement à l'air; il semblait
donc très difficile de déterminer les abaissements avec
quelque précision. En cryoscopant quelques solutions al-
calines au bout de temps variables, nous avons constaté
que les abaissements ne variaient pas de façon bien sen-
sible malgré l'oxydation. Par la suite, nous avons pourtant
pris la précaution de refroidir séparément les deux solu-
tions, résorcine et soude, très peu au-dessous du point
de congélation déterminé approximativement ; elles étaient
ensuite mélangées, et l'abaissement déterminé le plus
rapidement possible.
Dans le Tableau suivant sont indiquées les moyennes
obtenues pour des mélanges de résorcine (0mol,5au litre)
et [de soude (0mol,5 au litre). Pour les solutions de même
composition, l'écart entre les mesures n'a jamais dépassé
0°,011.
Résorcine (omol,5 au litre) et soude (omol,5 au litre).
Résorcine pour 100. Soude pour 100. Abaissements.
0
ioo,o 0,0 0,858
90,0 10,0 o,865
75,0 25,0 0,870
60,0 4o,o 0,890
5o,o 50,0 0,891
45,5 54,5 0,885
42,9 57,1 0,876
40,0 60,0 0,865
37,5 62,5 0,86S
33,3 66,6 0,857
30,0 70,0 0,932
25,0 75,o i,o45
i5,0 85,0 1,307
0,0 100,0 1,702
L'abaissement augmente très peu jusqu'à ce qu'on ait
ajouté 1mol de soude pour 1mol de résorcine; il diminue
ensuite légèrement jusqu'à 2mol, à partir de ce moment,
il croît d'une:manière rapide jusqu'à la soude. Le composé
C6 H4 (ONa)2 apparaît fort nettement sur le graphique
(fig. 6); quant à C6 H4 (OH) (ONa), il semble bien accusé
par une légère brisure.
Nous allons examiner maintenant deux acides triba-
siques, l'acide arsénique et l'acide citrique.

Acidearsénique. — L'acide arsénique a été titré volumé-


triquement par la baryte à chaud en présence de phtaléine
et pondéralement à l'état de pyroarséniate de magnésie,
puis ramené à 0mol,375 au litre. Il a été neutralisé par de la
soude de même titre moléculaire. A partir de l'acide, l'a-
baissement du point de congélation diminue, jusqu'à ce
qu'on ait ajouté 3mol de soude pour imo1 d'acide; il aug-
mente ensuite.
Acide arsénique (omol,375 au litre) et soude (0mol,375 au litre).
Acide pour 100. Soude pour 100. Abaissements.
o
100,0 0,0 0,825
83,4 16,6 0,745
71,5 28,5 0,700
62,5 37,5 0,668
55,6 44,4 o,665
5o,o 5o,o o,654
45,5 54,5 0,632
41,7 58,3
64,2
0,627
35,8 0,595
33,3 66,6 o,585
31,3 68,7 0,572
30,4 69,6 o,565
27,8 72,2 o,544
25,7 74,3 o,53o
25,o 75,0 o,523
22,5 77,5 o,58o
20,9 79, 1 .
0,625
17,9 82,1 0,718
13,9 86,1 0,847
n,4 88,6 0,923
9,7 90,3 0,980
8,4 gi,6 i,o3o
6,6 93,4 1,080
0,0 100,0 1,290
Le graphique (fig. 7) indique très nettement, par un
minimum (abscisse 75), l'existence de AsO4 Na8 en solution.
La courbe comprise entre l'acide et le sel neutre présente
deux brisures correspondant aux composés As04NaH2
(abscisse 5o) et AsO4 Na2 H (abscisse 66,6).

Acide citrique. — L'acide citrique (omol,5 au litre) a été


neutralisé par de la potasse (0mol,5 au litre).
Acide citrique (0mol,5 au litre) et potasse (omol,5 au litre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
100,0 0,0 11,035
85,0 15,0 0,922
75,0 25,o 0,862
65,o 35,o o,8i5
60,0 4o,o 0,797
5o,o 50,0 0,768
45,o 55,o 0,755
40,0 60,0 0,745
33,3 66,6 0,724
28,6 * 71,4 0,700
25,0 75,0 o,683
22,2 77,8 0,785
20,0 80,0 0,875
15,0 85,0 1,090
10,0 90,0 1,312
7.7 92,3 1,415
0,0 100,0 1,763
On observe encore un minimum correspondant au sel
neutre; la courbe (fig. 7) entre l'acide et le sel neutre
semble bien indiquer des sels acides, mais d'une façon
bien moins nette que pour l'acide arsénique, quoique la
concentration soit plus grande dans le cas de l'acide ci-
trique.
Dans tous les cas étudiés jusqu'ici : acides monobasiques,
bibasiques, tribasiques, la fin de la neutralisation a tou-
jours été nettement indiquée par la cryoscopie. La position
du minimum, variable suivant la basicité de l'acide, met
cette basicité en évidence.

CHAPITRE IV.
Acides phosphorique, phosphoreux, hypophosphoreux.
Nous avons cru intéressant d'étudier la neutralisation
des acides phosphorique PO Ha,. phosphoreux P03 H3
4

et hypophosphoreux P02 H3. Tous ces acides possèdent


3at d'hydrogène dans leur formule, mais on les considère
respectivement comme tribasique, bibasique, monoba-
sique, car on n'a pu remplacer par un métal que 2at d'hy-
drogène dans l'acide phosphoreux et un seul dans l'acide
hypophosphoreux.

Acide phosphorique. — L'acide a été dosé à chaud par


la baryte en présence de phtaléine, ce qui est la méthode
volumétrique la plus précise (1), et pondéralement à l'état
de pyrophosphate de magnésie. Une solution d'acide
0mol,375 a été neutralisée par la soude o"", 375.

(1) CAVALIER, Bull. Soc. ch., 3e série, t. XXV, 1901, p. 793.


Acide phosphorique au litre) et soude(0mol,375 au litre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
100 o 0,850
go 10 0,791
80 20 0,748
70 3o 0,710
60 40 0,672
.
5o 5o 0,650
45 55 0,624
'"40 60 o,6oo
35 65 0,576
33,3 66,6 0,570
30 70 0,542
a5 75 o,5io
a3 77 0,560
20 80 o,65o
15 85 0,815
10 90 0,971
o 100 1,9,80

Le minimum correspond à la neutralisation complète


des trois hydrogènes et l'acide phosphorique se trouve
ainsi caractérisé comme tribasique. La courbe entre
l'acide et le sel neutre (fig. 8) présente deux brisures corres-
pondant aux sels P04 H2 Na et PO HNa2. Les acides 4

phosphorique et arsénique ayant été étudiés à la même


concentration, l'examen des courbes et des nombres
observés montre immédiatement l'analogie qui existe
entre ces deux acides.
Les valeurs obtenues pour l'acide phosphorique 0°,850
et pour l'acide arsénique 0°,825 correspondent à des
abaissements moléculaires de 22,6 et de 21,9 (les abais-
sements moléculaires sont donnés par la formule
m = X 10, où A est l'abaissement observé et Tm le
m
nombre de molécules-grammes au litre). Raoult (*)
donne 42,9 pour l'acide phosphorique et 22,8 pour l'acide
arsénique. Cette différence pour l'acide phosphorique,
voisine du simple au double, entre nos résultats et ceux
de Raoult, est due à une erreur de ce savant, car Arrhé-
nius (2) indique des abaissements moléculaires voisins de
celui que nous avons obtenu :
TM. A. AM.

0,077 0,201 26,1


0,146 o,35o 24,0
0,319 0,734 23,0 (d'après Arrhénius)

nous avons trouvé


0,375 0,850 22,6

Remarquons que Raoult avait, dans un premier


Mémoire (3), indiqué 42,6pour l'acide arsénique et 9
pour l'acide phosphorique; dans le second Mémoire, il
déclare qu'une erreur grossière lui a fait donner à l'acide
arsénique un abaissement deux fois trop fort. Comme nous
le voyons, l'erreur portait aussi sur l'acide phosphorique.

(1) RAOULT, Ann. Ch. Phys., 6e série, t. II, 1884, p. 112.


(2) ARRIIÉNIUS, Zeit. phys. Ch., t. II, 1888, p. 496
(a) RAOULT, Ann. Ch. Ph., 6E série, t. II, 1884, p. 82.
Ce qui est curieux, c est que ce résultat erroné semble
naturel à Raoult (1).
Acide phosphoreux. — Une solution d'acide phospho-
reux (omol,375 au litre) a été neutralisée par de la soude
(0mol,375 au litre).
La solution a été faite à partir d'acide phosphoreux
cristallisé et dosée volumétriquement par la soude en
présence de méthylorange, et pondéralement à l'état de
pyrophosphate de magnésie, après oxydation. L'abais-
sement diminue depuis l'acide jusqu'à la solution dont la
composition correspond au phosphite disodique; il aug-
mente ensuite jusqu'à la soude.
Acide phosphoreux (0mol,375 au litre) et soude (0mol, 375 au litre).
Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
100,0 0,0 0,965
90,0 io,o 0,897
83,4 16,6 o,855
71,5 28,5 0,785
66,6 33,3 0,760
60,6 39,4 0,723
55,6 44,4 0,700
51,3 48,7 0,680
5o,o 50,0 0,676
45,5 54,5 o,65o
41.7 58,3 o,638
38,5 6i,5 0,625
35,7 64,3 0,612
33,3 66,6 0,610
31,5 68,5 o,63o
30.4 69,6 o,65o
27,8 72,2 0,700
25,7 74,3 0,745
25,0 75,o 0,755
24,7 75,3 0,770
20,0 80,0 0,860
10,0 90,0 1,070
0,0 100,0 1,280

(1) Voir RAOULT, Ann. Ch. Ph., 6e série, t. II, 1884, p. 112.
La courbe représentative (fig. 8) présente une brisure
douteuse pour le phosphite monosodique; elle met net-
tement en évidence le phosphite di. Entre ce sel et la soude,
la courbe est régulière ; elle ne présente rien de particulier
au point d'abscisse 75 qui correspondrait à la composition
du phosphite tri. On sait que les nombreuses tentatives
faites pour isoler un sel de cette composition (1) n'ont pas
réussi. L'acide phosphoreux se comporte donc en solution
comme un acide bibasique.
Acide hypophosphoreux. — Une solution d'acide hypo-
phosphoreux (omoI,375 au litre) a été préparée en décom-
posant l'hypophosphite de baryum par la quantité calculée
la
d'acide sulfurique. En la neutralisant par soude (0mol,375
au litre) nous avons constaté que l'abaissement du point
de congélation passe par un minimum pour volumes égaux
d'acide et de soude. Le graphique (fig. 8) montre que
l'acide se comporte absolument comme un acide mono-
basique.

Acide hypophosphoreux (0mol,375) et soude (0mol,375).


Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.
o
100 o 1,115
90 10 1,040
80 20 0,960
70 3o 0,879
60 40 0,810
5o 5Q 0,730
4o 60 0,842
3o 70 0,95r
20 So i,o58
10 90 ,
1 168
o 100 1,280

L'étude de la neutralisation des acides phosphori(

(1) Voir AMAT, Ann. Ch. Ph., 6e série, t. XXIV, 1891.


phosphoreux, hypophosphoreux, conduit donc à les
envisager comme tri, bi, monobasique, c'est-à-dire aux
mêmes conclusions que l'étude purement chimique. Les so-
lutions correspondant à la composition du phosphite
trisodique, des hypophosphites di et trisodiques, sels
inconnus à l'état solide, se comportent respectivement
comme des mélanges de soude et de phosphite disodique
ou des mélanges de soude et d'hypophosphite monosodique.

CHAPITRE V.
Cas où la cryoscopie n'indique pas la dernière acidité.
Pour tous les acides que nous avons étudiés jusqu'ici,
qu'il s'agisse d'acides monobasiques ou d'acides poly-
basiques, la cryoscopie nous a indiqué par un minimum
le terme de la neutralisation. La basicité de l'acide se
trouve mise en évidence par la position de ce minimum.
La cryoscopie peut donc être envisagée comme un indi-
cateur de neutralisation. Non seulement elle permet de
déceler des acidités plus faibles que celles indiquées par le
méthylorange, mais elle permet encore, ce qui est plus
intéressant, de mettre en évidence des acidités qui, par
leur faiblesse, échappent à la phtaléine.
C'est ainsi qu'elle indique, comme nous l'avons vu, la
seconde acidité de l'acide carbonique, tandis que la phta-
léine n'indique que la première; trois acidités pour les
acides phosphorique et arsénique, lorsque la phtaléine
n'en indique que deux. Elle indique enfin les hydrogènes
phénoliques du phénol ordinaire et de la résorcine.
La cryoscopie est-elle un indicateur absolu de la neutra-
lisation? Nous allons, pour le savoir, examiner des corps
renfermant des hydrogènes à tendances acides particuliè-
rement faibles : l'hydrogène sulfuré et le pyrogallol.
Hydrogène sulfuré. — La solubilité de l'hydrogène sul-
.
furé est trop faible pour permettre l'étude complète
depuis l'acide jusqu'à la base. Nous avons simplement
étudié les mélanges en proportions variables de sulfhy-
drate NaSH (omol,25 au litre) et de soude (0mol,5 au litre).

Sulfhydrate pour 100. Soude pour 100. Abaissements.


o
ioo 0 0,890
go 10 o,(j - 3
80 20 1,0'54
70
60
3o
40
,1,218
1 136

50 50 i,3oo
40 60 1,380
20 80 1,537
o 100 1,700

La'variation de l'abaissement est linéaire (fig. 9) entre

le sulfhydrate et la soude ; le sulfure neutre se comporte en


solution.comme un mélange de sulfhydrate et de soude.
Nous avons étudié de la même manière, mais à une
concentration plus forte, les mélanges de sulfhydrate de
potasse (0mol,625 au litre) et de potasse (1mol,25 au litre).
Sulfhydrate pour 100. Soude pour 100. Abaissements.
o
ioo 0 2,2 50
90 10 2,460
80 20 2,670
70 3o 2,880
60 40 3,ioo
5o 5o 3,3io
40 60 3,53o
3o 70 3,75o

Ici encore, l'abaissement de point de congélation varie


linéairement (fig. 9) ; la cryoscopie n'est pas un indicateur
de la seconde acidité de l'hydrogène sulfuré.
La non-existence aux concentrations étudiées du sulfure
neutre en solution, est en accord avec les recherches
thermochimiques de Sabatier (1).

Pyrogallol. — Nous avons étudié la neutralisation d'une


solution de pyrogallol (omol,5 au litre) par une solution
de soude de même concentration. Les difficultés expéri-
mentales que nous avons rencontrées pour la résorcine
se retrouvent ici et considérablement augmentées par
suite de l'extrême rapidité avec laquelle s'oxydent les
solutions alcalines de ce corps. Nous avons pris les mêmes
précautions qu'avec la résorcine en nous efforçant d'o-
pérer rapidement ; de plus, nous avons fait les détermina-
tions en maintenant les solutions sous une couche d'éther
de pétrole, ce qui ralentissait considérablement l'oxy-
dation. Malgré les précautions prises, nous avons obtenu
pour certaines solutions de même composition des écarts
de0°,015. Les nombres indiqués dans le Tableau ci-après
sont les moyennes des déterminations faites sur trois
séries de solutions.

(l) SABATIER, Ann. Ch. Ph., 5E série, t.XII, p. 35.


Pyrogallol (omol,5) et soude (omol,5).
Pyrogallol pour 100. Soude pour 100. Abaissements.
0
100 o 0,885
go ] o 0,860
80 9.0 0,850
70 3o 0,840
60 40 0,840
5o 5o 0,845
40 60 0,820
33,3 66,6 o, 8o3
30 70 0,900
20 80 1,140
10 go 1,420
o ioo 1,700

Le graphique (fig. 10) montre une brisure peu certaine


(les positions des points étant déterminées par des

moyennes) correspondant à parties égales de pyrogallol


et de soude, et une autre très nette correspondant à
2vol de soude 1pour ivul de pyrogallol, c'est-à-dire
au composé Cfi H3 (OH) (ONa)2.Entre ce composé et
la soude la courbe est continue; elle ne présente pas de
brisure pour le composé C6 H3 (ONa)3 dont l'individualité
n'apparaît pas en solution. La cryoscopie n'indique donc
que deux hydrogènes phénoliques sur les trois que ren-
ferme le pyrogallol. Il est naturel de considérer la troi-
sième fonction phénol comme plus faible que les deux
premières.
Si la cryoscopie est donc, d'une manière très générale,
un indicateur de la fin de la neutralisation, on voit que
certaines acidités particulièrement faibles peuvent lui
échapper; les sels provenant de la saturation de ces aci-
dités semblent être totalement hydrolysés, ne pas posséder
vis-à-vis de l'eau une stabilité plus grande que celle des
sels doubles proprement dits ou des alcoolates.

Cas de l'ammoniaque. — Lorsque nous avons précé-


demment étudié la neutralisation d'un même acide par
une base forte, la potasse ou la soude, et par une base
faible, l'ammoniaque, nous avons toujours constaté que
les indications fournies par les courbes étaient les mêmes
dans les deux cas. Toutefois, pour un acide faible, l'acide
acétique par exemple, le sel neutre est indiqué par une
brisure beaucoup moins nette dans le cas de l'ammoniaque
que dans celui d'une base forte. Il peut même arriver que
ces brisures disparaissent tout à fait; c'est, comme nous
allons le voir, le cas du phosphate et de l'arséniate diammo-
nique, acides très faibles.

Acide arsénique et ammoniaque. — Si l'on neutralise une


solution d'acide arsénique, contenant omol,375 aulitre, par
de l'ammoniaque de même titre moléculaire, on constate
que le minimum d'abaissement du point de congélation ne
correspond plus au sel neutre, comme dans le cas de la
soude. Il a lieu pour l'arséniate diammonique (fig. 10).
L'arséniate triammonique, sel d'un acide très faible :
l'arséniate diammonique, et d'une base faible : l'ammo-
niaque, se comporte en solution comme un mélange; il
paraît donc hydrolysé d'une manière pratiquement
complète, tandis que l'arséniate trisodique, sel d'une
base forte, subsiste encore en solution.

Acide arsénique (omol,375) et ammoniaque (omol,375).

Acide pour 100. Base pour 100. Abaissements.


o
100,0 0,0 0,823
83,4 16,6 0,725
71,5 28,5 o,670
62,5 37,5 0,640
55,6 44,4 0,625
5o,o 5o,o 0,620
45,5 54,5 4 0,591
41,7 58,3 0,574
35,8 64,* o,55o
33,3 66,6 o,54i
3o,o 70,0 o,56o
25,o 75,o 0,570
20,0 80,0 0,600
10,0 90,0 0,664
0,0 100,0 0,715

Acide phosphorique et ammoniaque. — Nous avons vu


que l'acide arsénique et l'acide phosphorique se compor-
taient tout à fait de la même manière vis-à-vis de la soude.
L'analogie persiste encore quand on neutralise par de
l'ammoniaque; le phosphate tri ne paraît pas exister en
solution, et le minimum d'abaissement correspond au
phosphate diammonique (fig. n). Comme, dans le cas de
l'acide arsénique, la cryoscopie n'indique donc, quand on
neutralise par l'ammoniaque, que deux des trois hydro-
gènes-acides que renferme l'acide phosphorique.
Acide phosphorique (0mol, 375 ) et ammoniaque (0mol, 375 ).
Acide pour 100. Hase pour 100. Abaissements.
0
100 o 0,850
85 i5 0,754
70 3o o,685
60 40 0,643
55 45 o,63i
5o 5o 0,613
45 55 o,58o
4o 60 o,55o
35 65 0,524
33,3 66,6 0,522
3o 70 0,548
25 75 0,573
i5 85 0,628
o 100 0,715

Dans le cas des acides phosphoreux et hypophospho-


reux, on obtient au contraire, en neutralisant par l'ammo-
niaque, des résultats analogues à ceux obtenus en neutra-
lisant par la soude (fig. 11). La cryoscopie est là, comme
dans la grande majorité des cas, un indicateur de la der-
nière acidité. *
Acide phosphoreux (0mol,375 ) et ammoniaque (0mol,375).
Acide pour 100. Hase pour 100. Abaissements.
o
100 o 0,968
85 i5 0,872
70 3o 0,776
60 <10 0,710
55 45 o,683
50 5o o,658
40 60 0,596
35 65 0,570
33,3 66,6 o,56o
30 70 0,581
a5 75 0,607
i5 85 o,658
o 100 0,715

Acide hyposphosphoreux (om"',375) et ammoniaque (on,ol,375).


Acide pour 100. Hase pour «<o. Abaissements.
O
100 o 1,115
85 i5 0,990
70 3o 0,872
60 4° 0,793
55 45 0,761
5o 5o 0,720
10 60 0,726
3o 70 0,730
20 80 0,722
10 go 0,718
o 100 0,715

CHAPITRE VI.
Comparaison des résultats fournis par la conductibilité
et par la cryoscopie.
Considérons tous les sels connus d'un acide et d'une base
(potasse ou soude) ; nous distinguerons un sel neutre, des
sels acides normaux et des sels acides qu'on peut appeler
-
anormaux (x). Par exemple, dans le cas de l'acide phos-
phorique et de la potasse, on a les deux phosphates acides
P01 H2 K et PO' K2 H, et le phosphate neutre PO K:I, 4

qui dérivent normalement de l'acide par remplacements


successifs des atomes d'hydrogène par des atomes de
potassium. On connaît également des phosphates anor-
maux (2), tels que PO4)2H5K, PO4)4H5K7, PO4)3H4K3
dont on ne peut faire dériver normalement les formules
de celle de l'acide. Ces sels anormaux existent pour beau-
coup d'acides monobasiques ou polybasiques, minéraux
et organiques et on les considère généralement comme
des composés d'addition.
Comparons maintenant les résultats fournis par la
cryoscopie et par la conductibilité dans l'étude de la
neutralisation.
Si l'on examine les divers diagrammes cryoscopiques que
nous avons obtenus en neutralisant un acide par une base,
on voit qu'il y a toujours, entre l'acide et la base, un com-
posé qui apparaît avec une grande netteté. Ce composé est
très généralement le sel neutre. Les sels acides normaux
sont caractérisés d'une façon beaucoup moins nette par
des brisures des courbes de neutralisation; ces brisures
sont douteuses dans certains cas et elles peuvent même
disparaître complètement.
Quant aux sels acides anormaux, ils n'apparaissent
jamais sur les courbes cryoscopiques, ce qui tend plutôt
à les faire considérer comme étant d'un type différent de
celui des sels normaux. Malheureusement ces sels ne sont
pas les seuls à ne pas apparaître; par exemple, le sulfure
de sodium, sel neutre, et le bisulfate de potasse, sel acide,
n'apparaissent pas non plus : nous n'avons donc pas dans
(1) Comme nous n'envisageons comme bases que la potasse et
la soude, il n' y a pas lieu de considérer les sels basiques.
(2) Voir notamment PARRAVANO et MIELI, Atli Accad. Lincei,
2e sem. 1908, p. 33.
la cryoscopie un caractère qui nous permette, indépen-
damment de la formule, de distinguer à coup sûr les sels
normaux et les sels anormaux.
L'étude de la neutralisation par les variations de la
conductibilité électrique a été faite pour la première fois
d'une manière systématique par D. Berthelot (1) (1891).
Depuis cette époque, elle a donné lieu à de très nombreux
Mémoires (2); les acides et les composés à tendances acides
les plus divers ont été étudiés à des dilutions très variables ;
la méthode a même été introduite dans la pratique cou-
rante de certains laboratoires d'analyses (3).
Dans le cas des acides monobasiques, la courbe des
conductibilités indique la fin de la neutralisation par une
brisure d'autant plus nette que l'acide est plus fort. Entre
les points correspondant à l'acide et au sel neutre, la
courbe est continue, mais elle présente souvent (4) un
minimum sans brisure. Ce minimum n'indique pas l'exis-
tence d'un composé en solution; sa position est, en effet,
essentiellement variable avec la dilution : quand celle-ci

(1) D. BERTIIELOT, Comptes rendus, t.CXII, 1891, p. 46-230-287-


335; Ann. Ch. Ph., 6e série, t. XXIII, 1891, p. 5; t. XXIV, 1891,
p. 5.
(2) MIOLATI, Zeil. anorg. Chem., t. XXII, 1900, p. 445;MIOLATI et
MASCETI, Gazz. chim. ilal., t. XXXI, 1er sem. 1901, p. 93; KUSTER
et GRUTERS, Zeit. anorg. Chem. t. XXXV, 1903, p. 454; t. XLII,
1904, p. 225; BRUNI et AITA, Alli r. Accad. Line., t. XVII, 2E sem.,
1908, p. 295; BRUNI, Zeil Ph. Ch., t. LXIX, 1909, p. 69; BRUNI
et SANDONNINI, Zeil. fur Electroch., t. XIV, 1910, n° 51 ; TIIIEL et
ROEMER, Zeit. Phys. Chem., t. LXIII, 1908, p. 711 ; BRUNI et
SANDONNINI, Zeit. fur. Electroch., t. XVI, n°6, 1910.
(3) DUBOUX, Analyse physico-chimique des vins. Thèse Lausanne,
1908. — DUTOIT, Volumétrie physico-chimique.Conférence à la
Société chimique, 12 mars 1910.
(4) Ces minima existent toujours lorsque l'acide libre est moins
conducteur que le sel neutre (Bruni). Ils avaient déjà été observés
par D. Berthelot, voir le cas de l'acide formique qui est particulière-
ment net : Ann. Ch. Phys., 6E série, t. XXIII, 1891.
augmente, il se déplace vers le sel neutre. L'interprétation
de ces minima a parfois conduit à des erreurs. Pellini et
Pegoraro (1), observant dans le cas de l'acide fluorhydrique
un minimum correspondant au fluorhydrate de fluorure,
conclurent que ce sel était caractérisé en solution et que
l'acide était bibasique; reprenant l'étude à différentes
dilutions (2), ils virent que la position du minimum était
variable avec la concentration, qu'il ne correspondait
au fluorhydrate de fluorure que pour une concentration
bien déterminée, concentration qui, par un singulier
hasard, était précisément celle adoptée pour les premières
expériences.
Pour les acides polybasiques, les courbes de conducti-
bilité ne présentent encore parfois qu'une seule brisure
correspondant au sel neutre, les sels acides n'apparaissant
pas. C'est ce qui a lieu lorsque toutes les acidités sont pra-
tiquement égales ; c'est le cas des acides sulfurique et
sélénique (3). Mais en général, et surtout en Chimie miné-
rale, les acidités ne sont pas égales ; les différents atomes
d'hydrogène ont des degrés de dissociation très différents ;
on dit que les acides sont polybasiques mixtes. Dans ce cas
les sels acides, les plus acides surtout, apparaissent avec
netteté, mais les sels neutres sont bien moins accusés ; les
brisures qui leur correspondent peuvent même disparaître
tout à fait. Quand on neutralise, par exemple, l'acide phos-
phorique par la potasse ou par la soude (4), on observe
un minimum et une brisure très nette pour le sel mono ; le
sel di est moins nettement caractérisé; quant au sel tri, il
n'apparaît pas e;).

(1) PELLINI et PEGORARO, t. XVI, 2esem.,


Atti. r. Accad. Linc.,
IQ07, D. 273.
(2) Cf. BRUNI, Zeit. Phys. chem., t. LXIX, 1909, p. 69.
(3) MIOLATI et MASCETI, Gazz. chim. ital., t. XXXI, 1901,
p. 93.
(4) D. BERTHELOT, Comptes. rendus, 1. CXIII, 1891.
(5) On remarquera que les mesures de conductibilité sont généra-
Si l'on opère avec l'ammoniaque, les résultats sont ana-
logues, mais la brisure correspondant au seldi est beaucoup
plus marquée que dans le cas de la potasse ou de la soude.
Ajoutons que les travaux de Bruni (1) et de ses élèves,
effectués à des concentrations très variables, ont montré
qu'il n'y avait jamais de brisures correspondant aux
composés anormaux.
On voit que les courbes cryoscopiques et les courbes de
conductibilité ne font pas double emploi, mais qu'elles se
complètent. Des sels acides, mal indiqués par les courbes
cryoscopiques, apparaîtront souvent avec une grande
netteté sur les courbes de conductibilité, surtout si l'on,
effectue la neutralisation par l'ammoniaque (2). Par contre,
des sels neutres, indiqués d'une manière dubitative ou
n'apparaissant même pas sur les courbes de conductibilité,
seront nettement caractérisés par les courbes cryosco-
piques. Les sels anormaux (3) n'apparaissent ni par cryos-
copie ni par conductibilité.
Nous avons vu que la cryoscopie est dans la grande
majorité des cas un indicateur de la dernière acidité ; elle
sera, par suite, tout indiquée quand on se proposera de
déterminer la basicité d'un acide. On emploiera de préfé-
rence une base forte, la potasse ou la soude. En effet, nous

lement faites sur des solutions beaucoup plus diluées que celles qui
servent pour la cryoscopie; l'hydrolyse est donc bien plus forte.
Di après D. Berthelot, il y aurait dans la courbe de neutralisation
de l'acide phosphorique un changement de direction correspondant
au sel tri, lorsqu'on prend des solutions contenant un demi-équiva-
lent par litre.
t.
F1) BRUNI. Zeit. Phys. Chem., LXIX, 1909. p. 69.
(2) Voirles courbes de MIOLATI et MASCETI pour les acides miné-

raux. Gazz. chim. ital., t. XXXI, 1901, p. 98.


(3) Lorsqu'il s'agit de l'ammoniaque,il peut exister entre l'acide
et la base, outre des sels normaux et des sels acides anormaux,
des sels d'ammonium ammoniacaux. On remarquera que ces sels,
comme les sels acides anormaux, ne sont pas caractérisés en solution.
n'avons pu déceler que derx acidités dans les acides
phosphorique et arsénique en les neutralisant par l'am-
moniaque.
Dans le cas d'une base forte, la seconde acidité de l'hy-
drogène sulfuré, acidité d'un type tout spécial, et la troi-
sième fonction phénolique du pyrogallol, fonction phénol
affaiblie (x), nous ont seules échappé. Quand on recher-
chera la basicité d'un acide par cryoscopie, on sera donc
certain, sinon d'atteindre toutes les acidités, au moins
de n'en laisser échapper que de très faibles qui, en raison
de leur faiblesse même, ne peuvent donner en solution que
des sels hydrolysés d'une manière pratiquement complète.
La conductibilité est nettement inférieure à la cryos-
copie pour la détermination de la basicité. Ainsi, elle in-
dique bien que l'acide phosphoreux est bibasique mixte,
mais elle donne la même indication pour l'acide phospho-
rique, tandis que la cryoscopie montre nettement que ce
dernier acide est tribasique, et, par suite, très nettement
différent de l'acide phosphoreux. Dans le cas des phé-
nols (2) : phénol ordinaire, résorcine, pyrogallol, etc., la
conductibilité n'indique qu'une seule fonction phénolique ;
de plus, les brisures correspondantes sont assez peu nettes.
En revanche, la méthode de conductibilité présente de
sérieux avantages. Elle s'applique au cas des solutions
très étendues où toutes les autres propriétés physiques
cessent d'être accessibles à l'expérience; elle permet, par
suite, non seulement l'étude de la neutralisation aux
grandes dilutions, mais encore l'étude de certains acides
dont la faible solubilité, ou la faible solubilité de leurs
sels, est un obstacle à l'emploi de la méthode cryosco-
pique.

(l) Les fonctions phénoliques des polyphénols semblent bien être


de forces inégales. Ces corps sont polyphénols mixtes comme l'acide
phosphorique, par exemple, est polyacide mixte.
(2) THIEL et ROEMER, Zeit. Phys. Ch., t. LXIII, 1908, p. 71I.
Les mesures des points de congélation étant beaucoup
plus longues que les mesures des conductibilités, il n'y a
pas lieu de penser à appliquer la méthode cryoscopique
aux problèmes de la Chimie analytique, comme on l'a
fait pour la conductibilité; limitée aux problèmes théo-
riques, son champ d'action est encore très considérable :
neutralisation, formation d'acides, de sels et de bases
complexes, réactions lentes; elle s'applique enfin aux
mélanges des non-électrolytes, cas où la conductibilité ne
peut donner d'indications.

CHAPITRE VII.
La neutralisation et l'indice de réfraction.
Nous venons de voir qu'il y a intérêt, dans l'étude de
la neutralisation, à employer à la fois la méthode cryosco-
pique et la méthode des conductibilités : les résultats
obtenus par l'une et par l'autre méthode ne font pas double
emploi, mais se complètent au contraire. Cela engage à
utiliser, de la même manière, d'autres constantes physiques
des solutions, soit pour confirmer, soit pour compléter
les résultats relatifs aux premières méthodes. C'est ce
qu'on fait également dans l'étude des alliages métalliques,
où les propriétés physiques les plus diverses sont tour à
tour utilisées.
Pour comparer les méthodes, nous avons étudié la
variation de l'indice de réfraction pendant la neutralisa-
tion de quelques acides précédemment étudiés par cryos-
copie et pour un cas (acide phosphorique) la variation
de la densité. La méthode des indices a déjà été employée
dans quelques cas par Fery (1) (acides azotique, sulfurique,
phosphorique) et par Chéneveau (2) (acides chlorhydrique,
sulfurique).
(1) FERY, Comptes rendus, t. CXV, 1892, p. 1309.
(2) CHÉNEVEAU, Ann. Ch. Ph., t. XII, 8e série, 1907, p. 334.
Nos solutions ont été préparées comme pour la cryos-
copie, et le mode de représentation graphique est le même :
concentrations en abscisses, valeurs de l'indice en ordon-
nées. Les mesures ont été faites avec un réfractomètre
Féry à quatre décimales, appartenant au Laboratoire
municipal de Rennes, que M. Perrier a aimablement mis
à notre disposition. Les flacons contenant les solutions à
étudier étaient placés dans un récipient parcouru par un
courant d'eau ayant circulé autour de la cuve du réfrac-
tomètre. La température n'a jamais varié de plus de 10
dans le cours d'une même journée, généralement même
la variation était inférieure à 00,5.

Acide citrique. — Une solution d'acide citrique, conte-

nant 2mol au litre, a été neutralisée par de la soude, 2mol


au litre. L'indice de réfraction diminue constamment
depuis l'acide jusqu'à la soude. Le diagramme (fig. 12) est
formé de deux courbes sensiblement rectilignes se coupant
en un point qui correspond à la solution formée par 3vol
de soude et 1vol d'acide. L'existence du citrate neutre
est mise en évidence, les citrates acides n'apparaissent
pas (1).
Acide citrique (2m"') et soude (2mol); t = 150.
Acide pour 100. Hase pour 100. Indices.
100 0 1,0800
go 10 1 3763
80 20 1,3729
70 3o 1,0694
60 /t o 13659
5o 5o 1.3625
4o 60 1,3592
3o 70 i,35èi
25 75 1,3545
.
20 80 1,3543
i5 85 i,354i
10 9° 1,3539
o 100 1,3535
La même solution d'acide citrique, neutralisée par de
l'ammoniaque (211101 au litre) offre de même un diagramme
où le citrate neutre est seul caractérisé.
Acide citrique (2mol) et ammoniaque (2"'"'); t = i5".
Acide pour 100. Base pour 100. Indices.
100 o 1,3800
90 10 1,3768
80 20 1,3736
70 3o 1,3704
60 4o 1,3672
5o 5o i,364o
4o 60 i,36o8
3o 70 1,3578
25 75 1,3563
20 80 1,3520
i5 85 1,3476
10 90 1,3438
o 100 1,3352

(1) On remarquera que la fonction alcool de l'acide citrique n'est


indiquée ni par la cryoscopic ni par l'indice.
Acide phosphorique. — La neutralisation de l'acide
phosphorique a déjà été étudiée par Féry (1); malheureu-
sement cet auteur ne donne ni courbe ni nombres ; il dit
simplement que trois brisures correspondent aux trois
phosphates mono, di, tri.
Nous avons effectué des mesures d'indice sur des mé-
langes en proportions variables, d'une solution d'acide
phosphorique contenant 2mol par litre et d'une solution
de potasse de même concentration. L'indice diminue
quand on ajoute la potasse à l'acide; il passe par un
minimum pour volumes égaux de potasse et d'acide, puis
croît constamment si l'on poursuit l'addition de potasse.
Le graphique (fig. i3) indique le phosphate mono et le

phosphate tri; il n'est pas possible d'affirmer qu'une bri-


sure corresponde au phosphate di.
Un certain nombre de solutions dont nous avons mesuré

(1) FERY, Comptes rendus, t. CXV, 1892, p. i3og.


l'indice ont également été l'objet de mesures de densités.
Les déterminations ont été faites à l'aide d'un picnomètre
Sprengel Ostwald d'une capacité de i5cmS environ. Le
courant d'eau circulant autour de la cuve réfractomé-
trique traversait un récipient dans lequel plongeait le
picnomètre. Les mesures d'indice et de densité, ainsi
effectuées à la même température, étaient comparables.

Acide phosphorique (2mol) et potasse (2mol).


Température 12° à 120, 5.
Acide Base n — 1

Numéros. p. 100. p. 100. Indices. Densité.d


1. 100,0 0,0 1,3507 i,io56 0,3172
2 90,9 9-1 i>3499 1,102.5 0,3173
3 83,8 16,2 1,3493
4 76,9 23,1 1,3489 1,0980 0,3177
5 71,4 28,6 1,3486
6 66,6 33,3 1,3484 1 ,-o957 0,3179
7 62,5 37,5 i,3483
8 58,8 41,2 1,3482 l,094 0
0,3182
9 55,5 44,5 1,3481
10 52,6 47,4 i,348o 1,0929 o,3184
11 5o,o 5o,o 1,3480
12 47,4 52,6 1,3482 1,0927 o,3i86
13 44,5 55,5 1,3484
14 41,2 58,8 1,3488 1,0936 0,3189
15 37,5 62,5 I,3493 1,09^7 0,3191
16 33,3 66,6 i,35oo 1,0960 0,3193
17 31,0 69,0 i,35o5
18 28,6 71,4 1,3509 1,0977 0,3196
19
.......... 25,9 74,I 1,3515
20 24,5 75,5 1,3518 1,0991 0,3201
21 23,1 76,9 1,3520
22 20,0 80,0 1,3522
23 16,7 83,3 I,3525 i,ogS?) 0,3209
24 9,1 90,9 i,353o
25 4,7 95,3 i,3534
26 0,0 ioo,o 1,3538 1,0964 0,3226

La densité passe par un minimum pour le phosphate


monopotassique et par un maximum pour le phosphate
tri (fig. 13); ces deux sels sont seuls nettement caracté-
risés. Le sel tri se trouve beaucoup mieux indiqué par la
courbe des densités que par la courbe des indices.
Les courbes des densités et les courbes d'indices ne
peuvent se déduire simplement l'une de l'autre. Les va-
leurs de n ou de toute autre fonction analogue ne
1

varient pas en effet d'une manière continue pendant la


neutralisation. Nous avons calculé n pour toutes les
1

solutions dont nous avons déterminé la densité ; les varia-


tions de n 1
sont représentées par trois droites dont les
intersections correspondent au phosphate mono et au
phosphate tri.
Les courbes relatives aux deux méthodes présentant
une courbure très nette entre l'acide et le phosphate mono,
et entre le phosphate mono et le phosphate tri, nous nous
sommes demandé s'il n'y avait pas là un indice de l'exis-
tence en solution de sels anormaux tels que (P04)2H;i K,
(POI )3 H4K3, ( PO4)4 H3 K7, connus à l'état solide (x).
Connaissant les densités et les indices de réfraction de
l'acide et de la base, on peut déterminer par la règle des
mélanges l'indice ni et la densité di d'une solution quel-
conque. Le mélange de l'acide et de la base étant accom-
pagné d'une variation de volume, on observe, au lieu
de di, une densité d. Par suite, si les molécules ne
changent ni de nombre ni de propriétés, l'indice doit être,
non plus n,, mais n—
~d(n,
ai - i) +1. Si l'on considère
les diverses solutions comme des mélanges d'acide et de
base, on trouve que les valeurs de n, ainsi calculées, sont

(1)Les mesures d'indice, particulièrement serrées, n'indiquent


pas de brisures correspondant à ces sels.
très différentes des valeurs de n observées ; en effet, les
molécules ont changé de nature et de nombre. Si, au
contraire, on considère par exemple les solutions inter-
médiaires entre l'acide phosphorique et le phosphate
mono comme des mélanges d'acide et de phosphate
mono, on observe un très bon accord entre. les valeurs
de n calculées et observées (1).

n calculé.
Mélanges Mélanges
d'acide d'acide
Numéros. et de I)ase. et de sel mono. n observé.
1 1,3507 1,3507 1,3507
2 i,35o3 i,35oo 1,3499
4 1,3496 1,3490 1,3489
6 1,3496 1,3485 i,3484
I,3495 1,3482
8
........... 1,3495
1,3482
i,348o
10
........... 1,3481

Il semble donc bien qu'il n'y ait entre l'acide et le phos-


phate mono aucun changement dans le nombre ou dans
la nature des molécules, ou, s'il y a un changement, il
n'influe pas sur l'indice de réfraction. Ceci est plutôt,
sinon en faveur de la non-existence des sels anormaux en
solution, au moins en faveur de leur nature particulière (2).
Si l'on neutralise la même solution d'acide phosphorique
par de l'ammoniaque, on constate que l'indice de réfrac-
tion varie d'une façon toute différente du cas où la neutra-
lisation est effectuée par la potasse. Il diminue bien encore
de l'acide au phosphate mono, mais il ne croît ensuite

(1) Cet accord résulte d'ailleurs de ce que la variation de ~Il 1

d
est linéaire.
(2) Rappelons que la constante optique d'un corps dissous est
indépendante des hydrates qui peuvent se former (CHÉNEVEAU,
Ann. Ch. Ph., 8e série, t. XII, 1907, p. 312). Il est possible qu'elle
le soit aussi de la formation des sels doubles proprement dits,
que jusqu'au phosphate di_, pour diminuer très rapidement
jusqu'à l'ammoniaque.

Acide phosphorique (2mol) et ammoniaque (2mol).


Température i6°.
Acide pour 100. Base pour 100. Indices.
66,6 33,3 1,3484
58,8 41,2 1,3483
55,5 44,5 1,3483
5o,o 5o,o 1,3482
47,4 52,6 i,3485
41.2 58,8 1,3490
37,5 62,5 1,3494
33,3 66,6 1,3499
31,1 68,9 1,3492
28.6 71,4 1,3483
26,0 74,0 1,3471
23.1 76,9 1,3462
20,0 80,0 1,3449
16.2 83,8 1,3433
i3,o 87,0 i,34i6
9,i 90,9 1,3398

Le phosphate di se trouve indiqué avec la plus grande


netteté (fig. 12). Au phosphate triammonique ne semble
correspondre rien de particulier dans la courbe. Toutefois
il est à remarquer que les mesures sont moins précises
dans cette région, car les solutions perdent de l'ammo-
niaque d'une façon sensible.

Acide phosphoreux. — Une solution d'acide phospho-


reux (2mol au litre) a été neutralisée par de la potasse.
De la potasse au phosphite mono la variation de l'indice
est représentée par une portion du diagramme nettement
courbe (fig. 12) comme dans le cas de l'acide phosphorique.
Du phosphite monopotassique à la potasse la variation est
sensiblement linéaire ; le phosphite di n'apparaît pas.
Acide phosphoreux (2mol) et potasse (2mol); t = 17", >•
Acide pour 100. Buse pour JOO. Indices.
100,0 0,0 1,3479
90.9 9'1 1,3472
83,3 16,7 1,3465
76,9 23,1 1,3462
71,4 28,6 1,3458
66,6 33,3 1,3457
62,5 37,5 i,3454
58,8 41,2 1,3452
55,5 44,5 1,3451
52,6 47,4 i,345o
50,0 50,0 i,345o
47.4 52,6 1,3454
44,5 55,5 I,3459
41,9 58,8 1,3464
37,5 62,5 1,3469
33,3 66,6 1,3476
28,6 71,4 1,3485
23,1 76,9 1,3493
16,7 83,3 i,35o4
9,1 9019 1,3515
0,0 100,0 i,353o
En neutralisant la même solution par de l'ammo-
niaque on obtient une courbe ( fig. 12) qui caractérise de la
façon la plus nette le phosphite diammonique par un
maximum de l'indice.
Acide phosphoreux (2mol) et ammoniaque (2mol); t = 19°.
Acide pour 100. Base pour 100. Indices.
65 35 1,3455
5o 5o i,3454
45 55 1,346l
4o 60 1,3468
33,3 66,6 1,3478
3o 70 1,3464
25 75 1,3446
20 80 1,3426
i5 85 1,3406
Acide carbonique. — Comme pour la cryoscopie, nous
n'avons pu étudier, en raison de la faible solubilité de
l'acide, que les solutions comprises entre le bicarbonate
de soude (Imol au litre) et la soude (2mol au litre). Pour
la représentation graphique, les solutions ont été consi-
dérées comme des mélanges d'acide carbonique (2mol au
litre) et de soude (2mol au litre). L'indice de réfraction
croît constamment depuis le bicarbonate jusqu'à la
soude, mais la variation n'est pas linéaire.
Le diagramme (fig. i4) est formé par deux droites qui

se coupent en un point correspondant au carbonate


neutre. Ce sel est donc mis en évidence, mais moins net-
tement que par cryoscopie.
Bicarbonate de soude ( 1mol ail litre) et soude
(2mol au litre) ; t — 16°.
Bicarbonate. Soude. Acide. Soude. Indices.
100,0 0,0 5o,o 50,0 1,3439
90,9 9,1 45,4 54,6 i,345o
83,3 16,7 41,6 58,4 1,3459
76,9 23,1 38,4 61,6 1,3467
66,6 33,3 33,3 66,6 i,348o
58,8 41,2 29,4 70,6 1,3487
5o,o 5o,o 25,0 75,o 1,3494
41,2 58,8 20,6 79,4 i,35oo
28,6 71,4 i4,3 85,7 i,35io
16,7 83,3 8,3 91,7 1,3520
0,0 100,0 0,0 100,0 1,3532
Dans la seconde Partie de notre Travail, nous utiliserons
encore les variations d'indice pour l'étude particulière
de certains acides minéraux. Les quelques exemples que
nous venons d'examiner suffisent déjà pour nous montrer
que la méthode est assez précieuse. Dans le cas des acides
polybasiques mixtes, elle pourra indiquer les sels acides
avec une grande netteté; elle complétera ainsi heureu-
sement la méthode cryoscopique. Dans le cas de l'acide
phosphorique, par exemple, les courbes d'indice (fig. 13),
jointes aux courbes cryoscopiques (fig. 8 et II) montrent,
sans aucune ambiguïté, l'existence des trois phosphates
en solution. Pour les acides polybasiques dont les degrés
de dissociation successifs sont voisins,, cette méthode ne
paraît pas indiquer les sels acides ; nous venons de le voir
pour l'acide citrique, et Chéneveau (1) a observé la même
chose pour l'acide sulfurique.
Il faut encore remarquer que l'indice de réfraction peut
être dans certains cas un indicateur d'acidités très faibles
qui ne sont pas indiquées par la conductibilité électrique ;
par suite, il pourra sur ce point être employé pour confir-
mer les résultats de la cryoscopie. Nous en verrons une
application dans le cas de l'acide périodique.
Cette méthode des indices a le très sérieux inconvé-
nient de nécessiter des solutions relativement concen-
trées, son emploi se trouve par suite assez limité. La mé-
thode des densités que nous avons utilisée dans le cas de

(1) CnÉNEVEAU, Ann. Ch. Ph., 8e série, t. XII, 1907, p. 342.


« Il résulte ¡de ces expériences que les bisulfates ne peuvent se
former à froid en solution par l'action de l'acide sur le sulfate
neutre, ou, s'ils se forment, qu'ils sont chimiquement dissociés,
c'est-à-dire à l'état de mélange. »
Sur l'état des bisulfates en solution, voir BOUTY, Ann. Ch. Ph.
6E série, t. XIV, 1888, p. 82. — HOLLARD, Journ. dePhys., 4e série,
t. V, 1906, p. 654. — BOIZARD, Journ. de Phys., 4e série, t. VII,
1908, p. 119.
l'acide phosphorique pourrait être employée d'une ma-
nière efficace pour des solutions plus diluées (1) ; par contre,
elle est d'un emploi beaucoup plus laborieux que celle
des indices.
(A suivre.)

RECHERCHES SUR QUELQUES COMPOSÉS ACÉTYLÉNIQUES;

PAR M. É. ANDRÉ.

INTRODUCTION.
.
En 1899, Ruhemann et Cunnington (2) ont montré que
la triple liaison acétylénique — C = C -
est susceptible,
lorsqu'elle est voisine de la fonction éther-sel, de fixer les
amines secondaires pour donner des amino-éthefs-sels
éthyléniques substitués de formule générale

En 1906, Moureu et Lazennec (3) ont. appliqué aux ni-


triles acétyléniques R — C = C — CN la même réaction.
Ils ont constaté que ces composés fixaient, eux aussi, les
amines primaires et secondaires pour donner des amino-
nitriles éthyléniques 3 substitués

(1) Dans le cas de l'acide phosphorique (2mol) neutralisé par la


potasse (2mol¡ l'écart maximum de la densité observée avec la densité
calculée est de o, oo85, tandis que l'écart -correspondant des indices
n'est que de 0,0043.
(2) Journal of the chem.
(3) Bull. Soc. chim.,
Soc.,t. LXXV,
serie, XXXV,
p. q5t.
3" t. p. 1179-1190.
Ruhemann et Cunnington avaient cru, tout d'abord,
que les amino-éthers-sels éthyléniques substitués avaient
des propriétés basiques et donnaient avec l'acide chlorhy-
drique des chlorhydrates. Moureu et Lazennec ont montré
que si l'on fait agir l'acide chlorhydrique sur ces combi-
naisons, le chlorhydrate qui prend naissance est celui de
l'aminé primitivement fixée sur la triple liaison et que cette
réaction s'accompagne de la formation d'un éther [3 céto-
nique R — CO — CH2 — COO R'.
Par une réaction en tous points comparable, l'acide
chlorhydrique transforme également les amino-nitriles
éthyléniques substitués en chlorhydrate d'amine et
nitriles cétoniques, R — CO — CH2 —'CN.
Le groupement fonctionnel — CO — devait, très vrai-
semblablement, conférer à la triple liaison acétylénique
C = C placée dans son voisinage, la propriété de
— —,
fixer les aminés en donnant des amino-cétones éthylé-
niques [3 substituées

L'action des acides devait transformer ces combinaisons


en dicétones et chlorhydrate d'amine. C'est cette double
hypothèse que, sur les conseils de M. le professeur Moureu,
je me suis efforcé de vérifier.
L'étude des cétones acétyléniques comporte naturelle-
ment celle des moyens pratiques de préparer ces corps.
Les recherches de Nef (1), de Moureu et Delange (2), Mou-
reu et Brachin (3), nous ont appris qu'on les obtient par
deux méthodes différentes :

(1) Liebig's Annalen, t. CCCVIII, 1899, p. 264-328.


(2) Bull. Soc. chim., 31 série, t. XXV, p. 3O2-4I8.
(3) Bull. Soc. chim., 3" série, L. XXXI, p. 170-343 ; t. XXXIII, p. 131
-
142-147.
1° Action des carbures acétyléniques sodés R—CC—Na
sur les chlorures d'acides R — CO — CI.
2° Action des mêmes carbures sodés sur les' éthers-sels
R — COO C2 H'. 1

Les carbures acétyléniques vrais, matière première de


ces préparations, ne sont pas eux-mêmes des corps d'un
accès facile. Le point de départ de mes recherches devait
donc nécessairement porter sur les méthodes de prépara-
tion de ces derniers composés.
Dans une première Partie, j'étudierai la préparation du
«

phénylacétylène et des carbures acétyléniques vrais, en


général.
La deuxième Partie comportera l'étude de la transfor-
mation de ces carbures en cétones acétyléniques.
Le troisième Chapitre nous conduira à l'étude de l'action
des aminés primaires et secondaires sur les cétones acéty-
léniques.
L'étude des combinaisons obtenues par réaction réci-
proque de ces deux séries de corps terminera le présent
travail.

CHAPITRE I.
Préparation du phénylacétylène
et de quelques autres carbures acétyléniques vrais.
1. PHÉNYLACÉTYLÈNE. — Le principal carbure acétylé-
nique que j'ai employé dans mes recherches est le phénylacé-
tylène : C6 H5 — C = CH. La préparation en est relative-
ment facile. En outre, le caractère nettement électronégatif
que lui confère le groupement C6 H5, placé au voisinage
de sa triple liaison, permet de le transformer, avec une
facilité toute particulière, en son dérivé sodé
C6 H5— C
= C Na,
terme de passage dans la préparation des cétones acétylé-
niques.
La méthode qui m'a servi à obtenir des quantités impor-
tantes de phénylacétylène est celle indiquée par Moureu
et Delange (1). Je ne reviendrai pas sur les méthodes anté-
rieurement décrites par Morgan, Glaser, Nef; elles ont été
l'objet d'une étude très détaillée de la part des deux auteurs
précités.
Le point de départ de la préparation est l'éthylbenzène
C6H5— CH2- CIP.

Darzens (2) l'a obtenu avec de très bons rendements en


appliquant la méthode d'hydrogénation de Sabatier et
Senderens à l'acétophénone. L'éthylbenzène est devenu,
de ce fait, un carbure facile à préparer et d'un prix de
revient relativement minime. Moureu et Delange ont
décrit en détail le procédé de bromuration de ce carbure
qui conduit au bromure de styrolène
6 IIs — CH Br — CH2 Br ;

je n'y reviendrai pas. Il consiste à faire arriver goutte à


goutte la quantité théorique de brome dans le carbure main-
tenu à une température voisine de son point d'ébullition.
L'action de la solution alcoolique de potasse sur le bro-
mure de styrolène conduit, par élimination de 2 H Br, au
phénylacétylène. Cette dernière partie de l'opération a été
améliorée par Brachin (3) qui a montré qu'il était possible
de diminuer considérablement la quantité de potasse et
d'alcool, sans nuire en rien au rendement qui était alors
de 4o pour 100. J'ai été assez heureux pour relever ce

(1) Bull. Soc. chim., 3° série, t. XXV, p. 3n. — Annales de Chirn.


et de Phys., 7" série, t. XXV, février 1902.
(2) Bull. Soc. chim., 3" série, t. XXXIII, igo5, p. 14.
(3) BRACHIN, Thèse de Doctorat de l'Université de Paris (Pharmacie),
1906.
chiffre jusqu'à 58 pour 100, en apportant une légère modi-
fication à cette dernière partie de la préparation : elle
consiste à verser dans l'acide chlorhydrique étendu le pro-
duit de la réaction de la potasse sur le bromure de styrolène.
L'épuisement par l'éther du liquide aqueux ainsi obtenu
e3t considérablement facilité.
La séparation du liquide éthéré est très rapide et
absolument nette. Si l'on emploie l'eau simple on obtient,
au contraire, une séparation lente et incomplète; un pro-
duit floconneux abondant vient se placer au niveau de la
séparation des deux liquides et les maintient en émulsion.
Pour la suite des opérations, je n'ai rien changé à la
technique de Mouréu et Delange : on sèche la solution
éthérée et l'on distille l'étlier. Il reste un résidu brun qu'on
distille dans le vide. Tout ce qui passe avant 700 sous 12mm
est mis à part ; le résidu, réuni avec celui d'une ou plusieurs
opérations précédentes, est traité à nouveau comme il
vient d'être dit. La quantité de potasse employée est cal-
culée comme si l'on avait à faire à du bromostyrolène
C6H5— Cil= ClJBr.
On renouvelle une troisième fois le même traitement
sur les nouveaux résidus. Finalement, on fractionne le
carbure brut en recueillant ce qui passe entre 142° et i45°
à la pression ordinaire.
J'ai obtenu, en partant de looog d'éthylbenzène, 560g
de phénylacétylène bouillant à soit 58 à 59
pour 100 du rendement théorique.
Postérieurement aux travaux de Moureu et Delange,
Strauss (1) a repris l'étude de la préparation du phényl-
acétylène.
Eliminant l'emploi de l'éthylbenzène, qu'il considère
comme une matière première trop coûteuse et trop difficile

(1) Liebig's Annalcn, t. CCCXLII, 1905), p. 190.


à préparer (1), cet auteur a repris la méthode proposée par
Nef. Le point de départ est l'acide cinnamique. On chauffe
le bibromure

C6H5 Cil Br - Cil Br - COOII


avec du carbonate de soude en solution aqueuse; il y a
élimination d'anhydride carbonique, formation de bromure
de sodium et production de styrolène bromé
C6H5 — Cil = CH Br.

Celui-ci, traité à chaud par son poids de potasse en pré-


sence d'une proportion un peu moindre d'alcool absolu,
perd les éléments de l'acide bromhydrique et il reste du
phénylacétylène.
Moureu et Delange ont trouvé que la méthode donnait
des résultats incertains, le rendement variant de 37 pour 100
à une proportion insignifiante. Strauss a indiqué que le
phénylacétylène formé réagissait sur l'alcool en donnant
de l'éther oxyde mixte de phénylvinyl et d'éthyl; il a
précisé les détails opératoires permettant d'éviter cet
écueil, et accuse pour le procédé un rendement de 61 pour 100.
Malheureusement, le calcul est fait, non pas à partir de
l'acide cinnamique, matière première réelle de la prépara-
tion, mais à partir du styrolène bromé, simple terme de
passage.
Le même auteur a proposé, d'autre part, une modifica-
tion à la préparation du phénylacétylène indiquée par
Hollemann (2), et qui consiste à décomposer par la cha-
leur l'acide phénylpropiolique Cf. H1 — C = C — CO OH.
Strauss a constaté que le sel de cuivre de ce dernier acide
se décompose à 100° en donnant du phénylacétylène.

(1) On obtenait alors l'éthylbenzène par action du bromure d'étliyle


sur le benzène en présence de chlorure d'aluminium anhydre. La pré-
paration, un peu longue, n'a rien de pénible.
(2) Berichte, t. XX. p. 3o8i.
Pratiquement, on sature par du bicarbonate de soude
l'acide phénylpropiolique mis en suspension dans l'eau, on
ajoute une solution de chlorure cuivrique, on porte à
l'ébullition et l'on entraîne à la vapeur d'eau le carbure
formé. Le rendement serait de 89 pour 100 calculé à partir
de l'acide phénylpropiolique. Mais, cet acide s'obtient,
lui-même, avec assez de difficulté à partir de l'acide cin-
namique, aussi Strauss indique-t-il qu'il est possible d'uti-
liser un produit incomplètement purifié.
J'ai repris la méthode en respectant avec soin les détails
indiqués par l'auteur. Les rendements calculés à partir de
l'acide cinnamique ont été de 3o pour 100; encore, le car-
bure obtenu était-il loin d'être pur. Ainsi que Strauss l'a
signalé, la réaction s'accompagne de la formation de diphé-
nyldiacétylène CG H5 — C = C — C = C — CI H5. Ce com-
posé est difficile à éliminer du phénylacétylène dont il
élève le point d'ébullition.

2. PRÉPARATION DES CARBURES ACÉTYLÉNIQUES VRAIS


EN GÉNÉRAL. — La préparation du phénylacétylène de
Moureu et Delange m'a paru, jusqu'ici, donner les résultats
les meilleurs. Elle n'est susceptible d'aucune généralisation ;
elle n'est applicable ni aux carbures aliphatiques, ni aux
carbures benzéniques homologues de l'éthylbenzène. Ce
dernier carbure possède une seule chaîne latérale constituée
par 2at de carbone seulement et c'est grâce à cette double
particularité qu'il peut être bromé, par substitution, en
position convenable. Dans tout autre cas, il est impossible
de régler l'action du brome de façon à obtenir un composé
de la forme R — CH Br — CH2 Br.
Aussi, les carbures homologues du phénylacétylène,
préparés jusqu'ici, méthyl, éthyl, isopropylphénylacétylène
para-substitués
l'ont-ils été par l'intermédiaire des méthylcétones corres-
pondantes (1 )

Le procédé consiste à traiter la cétone par le perchlorure


de phosphore pour substituer imo1 de chlore Cl2 à iat d'oxy-
gène.
Le dérivé chloré obtenu, traité sous pression par la
potasse en solution alcoolique, conduit au carbure acétylé-
nique correspondant. Cette méthode, indiquée par Lim-
pricht pour les aldéhydes et appliquée par Friedel aux
méthylcétones, ne permet pas facilement l'obtention de
quantités importantes de carbures acétyléniques vrais.
Dans le cas le plus général, c'est-à-dire lorsque le reste
CO — CH:I ou CH2—CHO est précédé d'un ou plusieurs
atomes de carbone, n'appartenant pas à un groupe-
ment cyclique, elle se complique de la formation de car-
bures acétyléniques isomères R — C C =
— CH3 ou de
carbures alléniques R — CH = C = CH2 (2).
Enfin, les composés qui servent de matière première
sont restés, jusqu'ici, peu abordables.
L'aldéhyde heptylique CH:¡ — (CH2)5 — CHO, que la
décomposition pyrogénée de l'huile de ricin fournit assez
aisément, conduit, par ce procédé, à l'heptine vrai ou
œnanthylidène CH3 (CH2)1 — C = CH. En 1894, Des-
grez (3) a appliqué à la préparation de ce carbure l'emploi
de la potasse sèche sous la pression ordinaire. L'heptine
est resté depuis un des rares carbures acétyléniques qu'on
puisse préparer assez facilement en quantité importante.
A quelques exceptions près, les carbures acétyléniques

(1) KÜNCKEL et GOTSCH, KtNCKEL et KORITZKY, Berichte, t. XXXIII,


1900.
(2) BÉHAL, Thèses de la Faculté des Sciences, Paris, 1888.
(3) Thèses de la Faculté des Sciences, Paris, 194.
vrais sont restés des curiosités de laboratoire; il n'existe
pas, à vrai dire, de méthode générale pratique de les pré-
parer.
Un procédé très séduisant consisterait à faire entrer
dans les molécules organiques le groupement — C CH=
tout formé, par l'intermédiaire de l'acétylène.
En 1898 Matignon (1), en étudiant l'action de l'acéty-
lène sur le sodium, a montré qu'on pouvait facilement
=
préparer l'acétylure HC CNa en faisant agir sur le
métal, fondu et chauffé à 180°, le gaz acétylène pur et sec.
Toutes les tentatives que j'ai faites pour obtenir des car-
bures acétyléniques vrais en faisant réagir les bromures et
iodures alcooliques sur ce composé sont restées infruc-
tueuses.
Préparation des carbures acétyléniques vrais à partir 'des
carbures allyliques : R — CH2 — CH = CH2. —La trans-
formation d'un carbure éthylénique à double liaison termi-
nale — CH = CH2 en son dérivé acétylénique — C = CH
est une réaction classique. On fixe par addition 2at de
brome; l'action de la potasse sur le bromure d'oléfine
conduit ensuite au carbure acétylénique. Seuls, jusqu'ici,
l'allylène CHaC CH et le dipropargile
=
CH = C — CH2 - -CH2 C
= CH
se préparent par ce procédé, les carbures éthyléniques
R — CH = CH2 étant difficiles à obtenir.
Tiffeneau (2) a montré en 1903 qu'on pouvait facilement
préparer l'allylbenzène C6 H3 — CH2 — CH = CH2 en con-
densant le bromure de phénylmagnésium avec le bromure
ou l'iodure d'allyle. En 1904, Barbier et Grignard (3) ont
confirmé l'exactitude des recherches de Tiffeneau et ont

Y1) Bull. Soc. chim., 31 série, t. XIX, p. 112-114..


(2) Bull Soc. chim., 3" série, t. XXIX, p. 1157.
(3) Bull. Soc. chim., 3" série, t. XXXI, p. 840.
appliqué cette même réaction à la préparation d'un autre
carbure allylique, le méthyl-2-heptène-6

obtenu par condensation du bromure d'isoamylmagnésium


avec le bromure d'allyle.
J'ai tenté de généraliser cette méthode qui permettrait,
à partir des éthers lialogénés R — Br, de passer au carbure
éthylénique R — CH2 — CH = CH2 et d'obtenir ensuite
le carbure acétylénique R — CH2 — C = CH.
Mes recherches ont porté sur trois composés différents :
le phénylpropine : C6 H3— CH2- C = CH) le phényl-
butine C6 H;i— CH2- CH2- C = CH et l'isoheptine

Phénylpropine C6 H3 — CH2 C - = CH. — Toutes les


tentatives que j'ai faites pour préparer ce carbure sont
restées, jusqu'ici, sans résultat.
Le procédé indiqué par Tiffeneau permet de préparer
l'allylhenzène avec un rendement de 60 à 65 pour 100. La
transformation de ce carbure en son dérivé d'addition
dibromé est facile. Le carbure et le brome sont dissous
chacun dans leur poids de chloroforme. On mélange les
deux solutions en faisant arriver lentement l'halogène
dans le carbure. On arrive ainsi à fixer, très approximative-
ment, la quantité théorique de brome. La majeure partie
du chloroforme est chassée par distillation, un chauffage
modéré dans le vide en sépare les dernières traces. Pour
transformer en carbure acétylénique le composé dibromé
ainsi obtenu, j'ai d'abord utilisé la solution alcoolique de
potasse employée en léger excès d'après la technique,
indiquée pour le phénylacétylène. J'ai obtenu un produit
qui bout vers 70°sous 14mm; il possède une odeur analogue
à celle du phénylacétylène, mais plus forte et précipite
les réactifs des carbures acétyléniques vrais, chlorure cui-
vreux ammoniacal et nitrate d'argent alcoolique. Cette
propriété est éphémère, elle s'atténue rapidement pour
disparaître au bout de 2 ou 3 jours. Cette curieuse parti-
cularité n'appartient à aucun autre carbure acétylénique
connu.
J'ai recommencé la même préparation en employant
la potasse sèche en poudre; le rendement est considéra-
blement diminué et le produit obtenu est tout aussi instable.
Je n'ai pu en pousser plus loin l'étude ; il m'a été impossible
de le rectifier à la pression ordinaire car il s'est trans-
formé vers i55° en une masse résineuse blonde.
Phénylbutine CG H5 — CH2 — CH2 — C = CH. — J'ai
été plus heureux dans la préparation du phénylbutine
vrai (1). Le produit qui m'a servi de matière première est
le phénylbutylène co ou A;) phénylbutène
C6H5—CH2—CH2—CH = CH2.

Ce carbure avait déjà été obtenu en 1874, par Aronheim (2)


en condensant, au moyen du sodium, le chlorure de benzyle
avec l'iodure d'allyle. Les rendements sont faibles (28 pour
100). L'auteur donne, en même temps que la densité de
ce corps, son point d'ébullition, 1760-1780, à la pression
ordinaire. Les tentatives qu'il a faites, pour le transformer
en phénylbutine C" H3 — CH2 — CH2 — C =
CH, lui ont
fourni un produit répondant bien à la formule C10 H10,
mais ne donnant pas de combinaison argentique. C'est,
dit Aronheim lui-même, que ce corps ne contient pas le
complexe — C = CH. L'action de la potasse alcoolique
avait été, il est vrai, opérée en tube scellé à la tempéra-
ture de i75°-i8o°.
(M Bull. Soc. chim., 4e série, l. IX, p. 192.
(2) Liebig's Annalen, t. CLXXI, 1874. p. 227.
J'ai pu préparer facilement le A3 phénylbutène par réac-
tion de l'iodure d'allyle sur le chlorure de benzylmagnésium.
L'attaque du magnésium (24g) par le chlorure de benzyle
(i25s,5) est très aisée, on opère au sein de l'éther anhydre
par la méthode devenue classique. Dans la solution du com-
posé organomagnésien on fait arriver lentement l'iodure
d'allyle (1689) dissous lui-même dans son poids d'éther.
Une réaction assez vive se déclare qu'on maintient par un
chauffage modéré au bain-marie à reflux pendant 2 heures.
Après refroidissement, on verse avec précaution le mélange
dans l'eau glacée, on épuise à l'éther et l'on sèche les li-
queurs éthérées réunies sur du chlorure de calcium. Après
évaporation du solvant, on fractionne le résidu par dis-
tillation sous pression réduite. Les produits de tête sont
peu abondants, presque tout le liquide passe entre 70°
et 8oO sous 14mm ; un léger résidu cristallisé, constitué
du dibenzyle impur, reste dans le ballon. Le produit brut,
fractionné à nouveau, a fourni pour les quantités ci-dessus,
959 de phénylbutylène distillant entre 730 et 760 sous 14mm,
soit un rendement de 65 pour 100 environ. Le carbure
obtenu bout à 177°-178° sous 754mm, chiffre concordant avec
celui d'Aronheim; il contient des traces d'iode, mais il est
cependant assez pur pour servir à préparer le phénylbutinc.
Pour cela, on le transforme en son dérivé d'addition di-
bromé C6 H5 — CH2 — CH2 — CHBr — CH2 Br.
La bromuration, opérée comme dans le cas de l'allylben-
zène, m'a fourni un dibromure liquide, sur lequel j'ai fait
réagir la solution alcoolique de potasse, en opérant à reflux
à la pression ordinaire. Toutefois, j'ai pris soin de ne jamais
employer un excès de solution alcaline et de ne pas pro-
longer l'ébullition au delà de 1 heure. On verse alors le
mélange dans l'eau acidulée, on épuise par l'éther, dessèche
la solution éthérée et sépare le solvant par distillation. Le
résidu est fractionné dans le vide ; la première fraction passe
entre 8oO et 100° sous 12mm, elle précipite abondamment
la solution alcoolique de nitrate d'argent, le reste passe
en majeure partie à 123°-125° sous la même pression. Ce
second produit, dont je n'ai pas poursuivi l'étude contient
du brome.
C'est vraisemblablement le phénylbutylène bromé
C6H5 — CH2- CH2- CH = CH2Br.
On renouvelle sur lui le traitement à la potasse alcoolique
en recommençant jusqu'à quatre et cinq fois la même série
d'opérations. Je suis parvenu ainsi à préparer, en partant
de ioog de phénylbutylène, 55s d'un liquide bouillant
à 79°-800 sous 12mm. L'analyse de ce produit m'a montré
qu'il n'était pas absolument pur. Pour le purifier, je l'ai
transformé en son dérivé sodé
C6 Hs

C112

CH2 — C = CNa
en le traitant par la quantité théorique de sodium en fil
très fin, au sein de l'éther anhydre. L'attaque est beau-
coup moins énergique que dans le cas du phénylacétylène.
Le dérivé sodé est séparé avec soin du sodium non attaqué
et décomposé par l'eau légèrement chlorhydrique. Le car-
bure régénéré possède le même point d'ébullition que pré-
cédemment; toutefois il ne peut contenir aucun des car-
bures isomères
C6 H5— C
= C — CH2— CH *

CH3.
C6 H s
— CH2 — = C —
G

La purification entraîne une perte de 5o pour ioo environ.


Le phénylbutine vrai est un liquide incolore, bouillant
à i89°-i9i° sous 760mm, très réfringent, de densité o,9375
à 0°. Son analyse m'a donné les résultats suivants :
Calculé
Trouvé, pour CIO H'".
II pour 100
.......'.'..."" 7,84 7169
G pour 100 .................. 92,51 9^, ,)o
La combustion doit être conduite lentement et à tem-
pérature relativement basse si l'on veut obtenir tout le
carbone.
C.-N. Rüber (1) a publié, postérieurement à ma Note
parue dans le Bulletin de la Société chimique, une étude du A3
phénylbutène. Pour lui, le carbure obtenu par Aronheim
est le A2 phénylbutène CG H3 — CH2 — CH = CH — C"3 ; il
appuie cette opinion sur quelques réactions peu con-
cluantes pratiquées par Aronheim lui-même.
J'ai préparé un carbure possédant le même point d'ébul-
lition que celui d'Aronheim et je l'ai transformé en car-
bure acétylénique vrai. Ce fait laisse croire, au contraire,
que c'est bien le phénylbutène qu'avait obtenu cet
auteur. Rüber omet de le signaler. A son tour, il décrit le 3
phénylbutylène qu'il obtient en condensant le chlorure
de benzyle avec le bromure d'allyle au moyen du sodium.
L'iodure d'allyle fournit, dit-il, un carbure difficile à obtenir
complètement exempt d'iode; j'ai pu vérifier moi-même
l'exactitude de ce dernier fait. L'auteur n'a pas cru devoir
indiquer le point d'ébullition à la pression normale ; celui
qu'il donne est de 6oO sous iomm. J'ai indiqué 176°-178°
sous 756mm et 73°-76° sous 14mm. Rüber conclut que j'ai
obtenu un produit à peine pur. Sans m'être attaché à
obtenir rigoureusement pur un composé qui n'était pour
moi qu'un produit intermédiaire, je considère comme fort
exagérée l'affirmation de l'auteur allemand. Le produit,
purifié par contact prolongé avec du sodium en fil et com-
plètement exempt d'iode, bout à 72°-73° sous 13mm et à
177°-178° sous 754mm, sa densité à 00 est de 0,8991.
Pour être complet, j'ajouterai que Klages (2) a préparé le
A2 phénylbutène et qu'il indique pour ce composé les points
d'ébullition suivants : 176° sous 765mm, et 760 sous 18mm.

(1) Berichte, t. XLIV, 1911, p. 2391.


(2) Berichte, t. XXXVII, 1904, p. 2311.
Ces températures sont très voisines de celles que j'ai
obtenues pour le composé 3 qui m'a servi à préparer le
phénylbutine vrai.
Comme on le voit, les phénomènes d'isomérie des diffé-
rents phénylbutènes paraissent très compliqués et néces-
sitent de nouvelles recherches.

méthode qui m'avait servi à préparer le phénylbutine vrai


m'a permis de préparer également un carbure acétylé-
nique de la série aliphatique, l'isoheptine, en passant par
l'isoheptène. J'ai obtenu ce dernier corps par conden-
sation du chlorure d'isobutylmagnésium et de l'iodure
d'allyle.
Le chlorure d'isobutylmagnésium s'obtient facilement
par la méthode habituelle. On le prépare dans un ballon de
grande capacité qui permettra de faire toutes les opérations
sans démonter l'appareil. Lorsque l'attaque du magnésium
est terminée, on fait arriver goutte à goutte la quantité
théorique d'iodure d'allyle dissoute dans son poids d'éther
anhydre. La réaction est violente : chaque goutte, en tom-
bant dans la solution du composé organomagnésien, pro-
voque un bruissement, le mélange s'échauffe, il convient
d'opérer lentement et avec précaution. Une combinaison
complexe des deux composés mis en réaction se sépare au
fond du ballon sous la forme d'un liquide dense, insoluble
dans l'éther. Après l'addition de tout l'iodure d'allyle,
on chauffe doucement à reflux pendant 2 heures.
La décomposition par l'eau glacée doit s'opérer en évitant
le plus possible toute évaporation, le carbure cherché est
volatil et facilement cntraînablc par la vapeur d'éther.
On fait arriver l'eau froide goutte à goutte au moyen du
tube à brome sans démonter l'appareil. La décomposition
est assez vive, on peut la conduire aussi lentement qu'on
le désire. Lorsqu'elle est terminée, on verse le contenu du
ballon dans une ampoule à décantation contenant un. peu
d'eau légèrement acidulée par l'acide chlorhydrique. On
sépare la liqueur éthérée surnageante, elle est assez forte-
ment colorée en jaune par de l'iodé; on la sèche sur de la
potasse en menus morceaux, qui la décolore, et on la
soumet à la distillation fractionnée.
Cette partie de l'opération est longue et délicate. Il s'est-
formé, en même temps que l'isoheptène (éb. 840): du
diallyle (éb. 59°,5) et. du diisobutyle (éb. io8°).
Les points d'ébullition de ces trois carbures sont assez
rapprochés; en outre, la vapeur d'éther les entraîne faci-
lement. Par un nombre suffisant de distillations on sépare
ce solvant et l'on met à part tout ce qui passe au-dessus
de 70°. Le fractionnement de,cette dernière partie fournit,
pour la plus grand part, un liquide, bouillant à 82°-86°, sous
la pression ordinaire, qui est l'isoheptène. Les rendements
atteignent 5o pour 100 à 55 pour 100. Ce produit n'est pas
encore pur, il contient de petites quantités d'iode ; tel qu'il
est, il peut servir à préparer l'isoheptine. Pour l'avoir pur,
il convient de le laisser en contact avec du sodium en fil
pendant plusieurs jours. On renouvelle deux fois ce trai-
tement pour obtenir, en définitive, un produit exempt
d'iode bouillant à 84°-85° sous 762mm, de densité 0,7087 à 0°.
J'ai éprouvé les plus grandes difficultés dans l'analyse
de ce corps qui possède la propriété de fournir, à tempé-
rature élevée, des composés goudronneux très difficiles à
brûler. Les résultats trouvés pour le carbone sont toujours
faibles. Je dois à l'obligeance de mon collègue M. Leroux
les résultats les meilleurs que j'aie pu obtenir. La com-
bustion opérée par la méthode qu'il a indiquée en colla-
boration avec M. Breteau a donné : /
Calculé
pour lQOr- Trouvé.
H 14,28 14,0.6
G.... a 85172 83,20
La grande volatilité de ce produit amène parfois dans le
tube de Leroux et Breteau de petites explosions qui nuisent
à la bonne marche de l'opération et peuvent laisser passer
des traces de carbone incomplètement oxydé.
La transformation de l'isoheptène en isoheptine se fait
normalement. La bromuration est opérée au sein du chloro-
forme comme il a été dit à propos du phénylbutine ; la
quantité de brome fixée est sensiblement théorique, le di-
bromure est liquide. On ne peut employer la solution alcoo-
lique de potasse, le point d'ébullition de l'alcool est trop
rapproché de celui du corps à préparer. On utilise la
potasse sèche que l'on fait réagir en quantité théorique
sur le dibromure. On opère la réaction dans un ballon
en verre ou mieux en cuivre. On chauffe au bain d'huile
jusque vers i3o°. La réaction est très vive, il convient de
n'opérer que sur de petites quantités à la fois (5og de
dibromure).
Après refroidissement la masse pâteuse contenue dans
le ballon est reprise par l'eau et entraînée par un courant de
vapeur. On sépare, au moyen d'une ampoule à décantation,
le produit entraîné, on le dessèche sur du chlorure de
calcium fondu et on le soumet à la distillation fractionnée.
Ce qui passe entre 800 et 100° est mis à part, le reste est
mélangé à une nouvelle quantité de bromure d'isoheptène
et traité à nouveau par la potasse. Le liquide passant
entre 8oo et 100°, rectifié à son tour, fournit l'isoheptine
brut distillant entre 90° et 940. Le rendement est de 42
pour 100 par rapport au carbure éthylénique initial.
Pour avoir un produit parfaitement pur, on transforme
ce carbure en son dérivé sodé. On attaque, au sein de l'éther
anhydre, le métal alcalin en fil fin par la quantité théorique
de carbure augmentée de i5 pour 100. La réaction n'est
jamais complète. Le liquide qui surnage le carbure sodé
est décanté, on lave à plusieurs reprises la combinaison
métallique avec de l'éther anhydre ; finalement, on l'aban-
donne à l'air libre dans une capsule large et peu profonde,
on en sépare avec soin les fragments de sodium non
attaqué, et on la projette par petites quantités dans une
ampoule à décantation contenant un peu d'eau légèrement
acidulée par l'acide chlorhydrique. Le carbure surnage;
on le sépare et le rectifie après dessiccation.
L'isoheptine est un liquide d'odeur forte, de densité
0,7515 à 0° bouillant à 92°-93°, et possédant les réactions
des carbures acétyléniques vrais. Son analyse présente les
mêmes difficultés que celle de l'isoheptène ; les résultats les
meilleurs m'ont été fournis, cette fois encore, par M. Leroux.
Calculé
pour 100. Trouvé.
H
G
............................. 12,5o
87,50
12,56
86,00

Les composés organomagnésiens de Grignard, en don-


nant accès vers les carbures éthyléniques à double liaison
terminale, permettront sans doute de généraliser une mé-
thode de préparation des carbures acétyléniques restée,
à quelques rares exceptions près, un simple mode de for-
mation.
J'espère pouvoir appliquer par la suite le procédé de
préparation que j'ai indiqué pour le phénylbutine et
l'isoheptine, à l'étude d'une série de nouveaux carbures
acétyléniques R — CH2 — C = CH.

CHAPITRE II.
Préparation des cétones acétyléniques.

On peut distinguer parmi les cétones acétyléniques deux


catégories de composés : celles qui répondent à la formule
générale R — C = C — (CH2)n — CO — R' avec n 1, ,
et celles qui ont pour formule R — C = C — CO — R'.
Les premières n'ont pas encore été étudiées ; les secondes
ont fait l'objet, des travaux de Nef, Moureu et Delange,
Moureu et Brachin (').
J'ai déjà indiqué les méthodes qui permettent d'obtenir
ces composés. Moureu et Delange ont retenu, comme le
meilleur procédé de préparation, l'action des chlorures.
d'acides sur les carbures acétyléniques sodés R—C CNa. =
Le carbure sodé est d'abord obtenu par réaction du carbure
acétylénique vrai sur le sodium en poudre mis en suspen-
sion dans l'éther anhydre. Il se présente sous la forme
d'une bouillie blanche qu'on verse par petites quantités
dans un léger excès de chlorure d'acide dissous dans le
même véhicule. Après 12 heures de contact, on fait bouillir
à reflux pendant 2 heures, et l'on verse le tout dans l'eau
acidulée par l'acide acétique. On épuise à l'éther, on lave la
liqueur éthérée avec une solution de bicarbonate de potasse
et l'on sèche sur du chlorure de calcium. Le dissolvant
étant évaporé, il reste un résidu brun foncé qu'on fractionne
dans le vide.
On peut théoriquement représenter la réaction par une
équation simple
RCO Cl + Naj
.........................
C = C — R' = Na CI -+- R — CO — C = C - R'.
Moureu et Delange (*) pensent qu'il se forme un com-
posé intermédiaire résultant de la combinaison intégrale
du chlorure d'acide avec le carbure acétylénique sodé;
l'eau acidulée le décompose ensuite en cétone acétylénique
et chlorure de sodium.
J'ai préparé un certain nombre de cétones acétyléniques
par ce procédé dont j'ai étudié avec soin tous lès détails.
J'ai constaté qu'il est généralement avantageux d'opérer
lentement et à basse température le mélange du carbure

(') Voir Introduction.


.
)
(1 Loc. cit.
sodé avec le chlorure d'acide. Si, pendant les premières
heures, on maintient vers —15° les composés mis à réagir,
le rendement est, dans certains cas, sensiblement amélioré.
Malgré tout, il reste parfois fort médiocre, notamment dans
le cas du henzoylphénylacétylène.
J'ai tenté avec quelque succès d'améliorer cette dernière
préparation en substituant à l'emploi du chlorure de
benzoyle celui du bromure, toutes les autres conditions
restant les mêmes. La réaction est beaucoup plus régu-
lière; la quantité de cétone obtenue à partir d'un même
poids de carbure est environ trois fois plus grande.
Encouragé par ce résultat j'ai remplacé dans plusieurs
autres cas l'emploi des chlorures d'acides par celui de
bromures. La substitution est presque toujours avanta-
geuse. J'ai employé le bromure des acides acétique, pro-
pionique, butyrique, caproïque et benzoïque. J'ai utilisé
également le bromure de l'acide isovalérique. Pour avoir
cet acide absolument pur, je l'ai préparé synthétiquement
en faisant réagir le gaz carbonique sec sur le bromure ou
le chlorure d'isobutylmagnésium, d'après la méthode
générale de préparation des acides gras indiquée en 1901
par Grignard (1). Le rendement est faible, il ne dépasse
pas 3o pour 100.
Préparation des bromures d'acides. — La transformation
des acides carboxylés R — CO OH en bromures d'acides
R— CO Br nécessite l'emploi du tribromure de phosphore.
J'ai employé des quantités importantes de ce corps. La
méthode de préparation indiquée par Schenk (2), action
du brome sur le phosphore rouge, m'a donné d'excellents
résultats ; elle permet d'obtenir en 5 à 6 heures avec un ren-
dement à peu près théorique, 1kg de tribromure de phos-
phore bouillant à 172°-173°.

(') GRIGNAItD, Thèse de doctorat ès sciences, Lyon, 1901.


(-) Berichte, t. XXXV, 1902, p. 35i.
L'action du tribromure de phosphore sur les acides pré-
sente un certain intérêt si on la compare à celle du trichlorure
de phosphore sur les mêmes composés. On sait, en effet,
que l'équation la plus généralement admise pour rendre
compte de la formation des chlorures d'acides est la sui-
vante :
2 PC13 + 3 R — CO OH = p203+ 3 RCOC1 + 3 H CI.
Elle explique le dégagement abondant d'acide chlorty-
drique qu'on observe chaque fois qu'on fait réagir le tri-
chlorure de phosphore sur un acide. Avec le tribromure
de phosphore, l'équation qu'il convient d'adopter est plus
simple et paraît se rapprocher beaucoup de la suivante :
PBr3+ 3 RCO OH = PO3H3 3 RCO Br. +
Si l'on prend soin de faire arriver lentement le tribromure
de phosphore dans l'acide, il ne se dégage, le plus souvent,
que très peu d'acide bromhydrique. En employant, d'après
l'équation ci-dessus, la quantité théorique de composé
phosphoré augmentée de 10 pour 100 seulement, j'ai obtenu
les bromures de propionyle, butyryle et isovaléryle avec des
rendements variant de 78 à 85 pour 100.
Pour préparer le bromure d'acétyle, j'ai employé la mé-
thode indiquée par Hanriot (1), qui consiste à faire arriver
goutte à goutte du brome dans de l'acide acétique conte-
nant une certaine quantité de phosphore rouge. On obtient
bien de cette façon le bromure d'acétyle, mais il se forme
en même temps une quantité appréciable d'acide acétique
monobromé, réaction qui s'accompagne d'un dégagement
marqué d'acide bromhydrique. J'ai obtenu des rendements
notablement inférieurs à ceux indiqués par l'auteur. Le
point d'ébullition du produit obtenu est de 76°-78°.
Le bromure de benzoyle s'obtient facilement par la

(1) Ann. de Chim. et de Phys., 5e série, t. XVII, p. 83.


méthode indiquée par Claissen (*) qui a le premier obtenu
ce composé.

Bromure de caproyle. — Le bromure de caproyle mérite


une mention particulière. Ce corps n'avait pas, à ma con-
naissance, encore été obtenu. Sa préparation est un peu
plus délicate; son point d'ébullition 176° étant très voisin
de celui du tribromure de phosphore 1730, il est néces-
saire, à l'inverse des autres cas, d'employer un excès
d'acide : 45g de P Br:: sont mélangés dans un ballon sec
avec 62^ (théorie 589) d'acide caproïque bouillant entre 203°
et 206°. On peut opérer le mélange d'un seul coup, les deux
composés réagissent très lentement l'un sur l'autre à la
température ordinaire. On adapte sur le ballon un bouchon
muni d'un long tube et l'on maintient le mélange au bain-
marie bouillant pendant environ 4 heures. Il se dégage
une certaine quantité d'acide bromhydrique. Après refroi-
dissement, on sépare l'acide phosphoreux du liquide qui le
surnage. Ce dernier distille en grande partie entre 1750
et 178°.
Les quantités ci-dessus m'ont fourni 48g de produit
bouillant à 176°-178° (point fixe 176°,5), et 20* passant
de 178° à 205°. Il reste une quantité appréciable de goudron.
J'ai vérifié que le composé obtenu ne contenait pas de phos-
phore.
Analyse. — Br pour 100: trouve 44,35; calculé 44,69.

Préparation des cétones acétyléniques au moyen des bro-


mures d'acides. — La préparation des cétones acétylé-
niques avec les bromures d'acides ne diffère en rien de celle,
déjà indiquée, avec les chlorures. Je décrirai seulement
l'une d'entre elles ; les autres sont, à quelques variantes
près, que j'indiquerai dans chaque cas, identiques.

(') Berichte, t. XIV, p.


Préparation du benzoylphénylacétylène
C6H5— G =-C — CO — C6 H5.
Dans un ballon bien sec, adapté à un réfrigérant à reflux,
on place 100cm3 d'éther anhydre et 4g,60 de sodium en
ruban. On verse peu à peu sur le métal 22g (théorie 20s,4o)
de phénylacétylène. L'attaque se produit à froid; au bout
de quelques heures on chauffe à reflux pendant un certain
temps pour la rendre complète. La bouillie de carbure sodé
ainsi obtenue, czt mise à refroidir dans un mélange de glace
et sel.
D'autre part, on dissout 389 (théorie 35g) de bromure
de benzoyle dans 100cm3 d'éther anhydre. La solution,
placée dans un ballon sec, est également mise à refroidir
dans le même mélange réfrigérant. On verse peu à peu le
carbure sodé dans le bromure d'acide.
Lorsque le mélange est terminé, on le maintient froid
pendant 2 heures en agitant de temps en temps. On le
laisse revenir alors à la température ambiante; le ballon
est adapté au réfrigérant à reflux et chauffé doucement pen-
dant une durée égale. La coloration devient à peine jaune ;
on ajoute après refroidissement 129 d'acide acétique cristalli-
sable pour détruire la combinaison sodée complexe qui s'est
formée. On verse alors le tout dans l'eau, on agite; une
liqueur éthérée jaune clair surnage un liquide aqueux
incolore et légèrement trouble. On sépare les deux liquides
et l'on épuise deux fois la solution aqueuse avec une petite
quantité d'éther. Les liqueurs éthérées réunies sont agitées
avec de la soude diluée, aussi longtemps et autant de fois
qu'il est nécessaire pour décomposer complètement le bro-
mure de benzoyle qui n'a pas réagi. On juge cette opéra-
tion terminée lorsque les eaux de lavage alcalines ne laissent
plus cristalliser d'acide benzoïque par sursaturation avec
de l'acide chlorhydrique. Cette précaution est indispen-
sable si l'on veut avoir un produit exempt de brome et
d'acide benzoïque. Le liquide éthéré est alors desséché sur
du chlorure de calcium, on distille l'éther et fractionne
le résidu dans le vide. On obtient 4g seulement de produit
de tête passant avant 2000 et contenant le phénylacétylène
qui n'a pas réagi. On recueille ensuite 249 d'un produit
passant entre 2000 et 2050 sous I4mm et qui se solidifie
par refroidissement. C'est du benzoylphénylacétylène qu'il
suffit de faire cristalliser dans l'éther de pétrole pour l'avoir
tout à fait pur. Il fond à 490. Un résidu goudronneux
assez abondant reste dans le ballon. Le rendement est de
55 à 58 pour 100.
Peut-être serait-il possible de l'améliorer encore. Le pro-
duit brut non distillé est susceptible de cristalliser par
amorçage en une masse pâteuse ; la purification par essorage
et cristallisation éviterait de distiller et de former du
goudron. Le rendement serait sans doute plus avantageux,
mais l'opération serait plus longue et plus laborieuse.
En employant le chlorure de benzoyle, la préparation du
benzoylphénylacétylène était celle qui donnait les résultats
les moins satisfaisants ; tout au contraire, si l'on emploie le
bromure, c'est elle qui donne le rendement le meilleur.
La préparation des autres cétones acétyléniques dérivées
du phénylacétylène
Acétylphénylacétylène
... C6 H5 — C == C — GO — CH3
Propionyl C6 H5— C
= C—CO — C2H5
Butyryl C6 H5

G
= G — GO — C3 H7
Isovalérylphénylacétylène. C6H5 — C = C — CO — C4 H9
Caproyl.... G6 H5
- C C

CO — C5 H11

est calquée sur la précédente. Il importe cependant d'y


introduire une légère modification. Les chlorures et bro-
mures d'acides gras sont beaucoup moins stables vis-à-vis
de l'eau et des alcalis que le bromure de benzoyle. Le trai-
tement à la soude, pratiqué vers la fin de l'opération, est ,

remplacé par une simple agitation avec une solution de


bicarbonate de potasse. Le reste de la préparation est iden-
tique.
J'ai préparé, à la fois par le bromure et le chlorure d'acide,
chacune de ces cétones. D'une façon générale, le carbure
acétylénique sodé entre plus complètement en réaction avec
le bromure, la quantité de carbure qui n'a pas réagi et qui
passe en premier lieu à la distillation est plus faible, le bru-
nissement est moins marqué, la quantité de goudron rési-
duel est moins grande. Le rendement n'est pas amélioré
dans les mêmes proportions pour chaque cas. Pour l'acétyl-
phénylacétylènc, il a passé de 35 pour 100 avec le chlorure
d'acétyle à 48 et 53 pour ioo avec le bromure. Pour le
butyryle et l'isovalérylphénylacétylène, j'ai obtenu, en
partant de 22g de carbure, 12g de cétone en employant
le chlorure d'acide et i5s en employant le bromure, soit
45 pour 100 de la théorie; pour le propionylphénylacéty-
lène, l'amélioration est peu marquée; elle a été nulle pour
le caproylphénylacétylène.

Isovaléryl et caproylphénylacétylène. — L'isovaléryl et


le caproylphénylacétylène n'avaient pas encore été pré-
parés (1). La première de ces deux cétones bout à 149°-151°
sous I2mm.
Analyse. — C pour 100 trouvé 84,12; calculé 83,87. Il pour 100
: :

trouvé 7,80; calculé 7,52.


Le caproylphénylacétylène cristallise par temps froid;
il fond à 14°-15° et bout à 170°-172° sous 2MM. I
Analyse. — pour 100 : trouvé 84,45 ; calculé 84,00. II pour
C 100 :

trouvé 8,24; calculé 8,00.

Obtention du benzoylphénylacétylène par oxydation de


l'alcool correspondant. — Les difficultés que j'ai éprouvées
au commencement de ce travail pour préparer le benzoyl-

(1) E. ANDRÉ, Comptes rendus de l'Ac. des Sc., t. CLI, p. 77.


phénylacétylène en quantité un peu notable, m'ont fait
essayer de l'obtenir par oxydation ménagée de l'alcool
secondaire correspondant : l'alcool diphénylpropargylique
C6 H5

C
= C — CH OH — Ce H5,
que Moureu et Desmots (1) ont obtenu par condensation
du benzaldéhyde avec le phénylacétylène sodé. J'ai utilisé,
pour cela, l'acide chromique en solution acétique et j'ai
constaté que l'opération permet bien d'obtenir le produit
cherché.
Les résultats favorables obtenus avec le bromure de
benzoyle m'ont dispensé de poursuivre, pour le moment,
l'étude de cette réaction. Je me propose de l'appliquer
plus tard à d'autres alcools acétyléniques dont Moureu et
Desmots ont fait connaître une méthode régulière de
préparation.
Les résultats que j'ai obtenus avec l'acide chromique
en solution acétique sont nettement différents de ceux
obtenus par G. Dupont (2) dans son intéressanttravail sur les
glycols acétyléniques R—CHOH — C = C — CHOH — R.
Par oxydation avec le permanganate de potasse, cet auteur
,
obtient des acides-alcools la triple liaison étant rompue.

Cétones préparées à partir du phénylbutine et de l'isohep-


tine. — J'ai préparé à partir du phénylbutine et de l'isohep-
tine deux cétones acétyléniques : le propionylphényl-
butine et le propionylisoheptine. Les deux carbures en
question n'atlaquent le sodium que très lentement et d'une
façon incomplète; l'emploi du potassium est préférable.
J'ai utilisé pour préparer ces deux cétones acétyléniques
le chlorure de propionyle dont je possédais une certaine
quantité.

(1) Bull. Soc. chim., 3° série, t. XXVII, p. 36o-366.


(2) Comptes rendus de l'Ac. des Sc., t. CL, juin 1910.
Propionylphénylbutine
C6 H3 — G H2 - CH2C = C — CO — C2H5.

;
Pour préparer le propionylphénylbutine j'ai pris : potas-
sium en fil fin 6g,6o; benzène pur anhydre 100cm3 phényi-
butine 26s (théorie 22g). Le potassium est mis en fil dans
le benzène placé dans un ballon sec qu'on adapte ensuite à
un réfrigérant à reflux. On ajoute en une seule fois le car-
bure acétylénique. L'attaque est assez vive, la chaleur
dégagée échauffe peu à peu le mélange jusqu'à amener la
fusion du métal alcalin non encore attaqué; celui-ci se
divise en fines gouttelettes ne s'agglomérant pas et se
trouve, pour ainsi dire, pulvérisé. Après refroidissement,
on chauffe à reflux pendant 3 heures, dans un bain d'huile
lourde de pétrole chauffé vers 98°-100°. Au bout de ce
temps, on n'aperçoit plus trace du métal; le carbure potassé
a l'aspect de courts filaments ou de grains gonflés un peu
transparents, légèrement colorés en jaune.
Dans un deuxième ballon on a placé : chlorure de pro-
pionyle 22g (théorie I6g), benzène anhydre 50cm3.
On verse, avec précaution et par petites quantités à la
fois, le carbure potassé et le benzène qui le baigne dans la
solution de chlorure d'acide. Les premières parties se dis-'
solvent complètement; le mélange s'échauffe sans se co-
lorer, on le refroidit en le plongeant dans l'eau glacée entre
chaque addition. Lorsque la réaction est calmée, on chauffe
à reflux pendant 3 heures, après quoi on ajoute dans le mé-
lange refroidi ios d'acide acétique cristallisable et l'on
verse le tout dans l'eau. On épuise avec du benzène, on
sèche sur du chlorure de calcium, on distille le solvant et
l'on rectifie le résidu dans le vide.
J'aiobtenu, avec les quantités ci-dessus, 14g d'un produit
passant entre 1740 et 18oO sous 20MM qui m'ont fourni,
après une deuxième rectification, 129 distillant à 162°-163°
sous i3mm. Le rendement atteint 38 pour 100 de la théorie.
La substitution du benzène à l'éther comme véhicule
permet d'élever la température de réaction sans empêcher
la récupération partielle du carbure acétylénique qui n'a
pas réagi, la différence entre les deux points d'ébullition
étant suffisamment grande.
Le propionylphénylbutine est un liquide légèrement
coloré en jaune, d'odeur forte, très réfringent, de densité
i,oi56 à 0°, bouillant à 1620_1630 sous I5mm.
Analyse. — pour 100 : trouvé 83,31; calculé 83,87. II pour 100
C :
trouvé 7,80; calculé 7,52.

Les réactions étudiées dans les Chapitres suivants carac-


térisent ce corps comme cétone acétylénique.

Propionylisoheptine

La préparation du propionylisoheptine est calquée sur la


précédente; le véhicule employé est l'éther anhydre. J'ai
fait réagir : potassium en fil fin 6^,60, isoheptine 208
(théorie 16-,20). L'attaque, généralement complète après
4 heures de chauffage à reflux, laisse parfois un léger résidu
de potassium en fil très ténu qu'un chauffage prolongé
n'arrive pas à faire disparaître. On mélange le tout, par
petites quantités à la fois, avec 20g,50 de chlorure de pro-
pionyle dissous dans 5ocm3 d'éther anhydre.
On conduit le reste de l'opération comme dans le cas
précédent. Le rendement est moins bon; j'ai obtenu 8g
de produit bouillant à 100°-101° sous i5mm, soit 3o à 32
pour 100 de la théorie.
Le propionylisoheptine est un liquide incolore assez
fluide, d'odeur forte, de densité 0,8902 à 0°.
Analyse. — C pour 100: trouvé 78,81 ; calculé 78,9 ). II pour 100
trouvé 10,08 ; calculé 10,53.
Réfraction moléculaire et principales constantes physiques de quelques composés acétyléniques.
Indices Réfraction moléculaire.
de réfraction — ——-
Formules Points Densités à 1, n-— 1 M Exalta-
Noms. brutes. d'ébullition. à ta. raieD. n2 + 2 D Calculé. tionse).
0
Isoheptine Ci II12 92- 93 o,7365 (17) 1,407:") (17) 32,12.0 32,438 o
Phénylbutine C10H10 189-191 0,9218 (20) 1,521:).(20) 42,96o 43,347 0

Acétylphénylacétylène.. C'oHsO 122-124 (i3)


mm
1,024 (23) 1,5728(23) 45,79 43, 115 2,645
Prol)ionvi Cl1Hl00 t34-i35 (i3) 1,007 (23) 1,5615(23) 50,84 47,748 3,092
Butyryl C12H120 145-146 (i3) 0,988 (23) 1
,5525 (23) 55,62 52,35o 3,270
Isovaléry) C13HHO i4g-i5i (19.) 0,969 (20) 1,5405(20) 59,78 56,949 2,831
CaproyL CHII160 1¡0-172(12) 0,965 (20) 1,5352 (20) 64,52 61,54g

Propionylphénylbutine.. G13IIuO 162-163 (13) 1,0070 (19) 1,5296 (19) 57,010 51,833 5,177
Propionytisoheptine..... C10II16O 100-101 (i5) 0,8738 (ig) 1,4466 (19) 56,LÍ42 56,432 o

(') Les exaltations ont été calculées en adoptant comme incrément de la liaison acétylénique (pour la raie D) le chiffre
de 2,319 déterminé par Ch. Moureu dans son travail Réfraction moléculaire et dispersion moléculaire des composés à
fonction acétylénique (Annales de Chimie et de Physique, 80 série, t. VII, avril 1906).
CHAPITRE III.

Action des amines primaires et secondaires


sur les cétones acétyléniques (1).

En possession d'une méthode de préparation assez


avantageuse des cétones acétyléniques, j'ai pu aborder
l'étude de leurs réactions sur les aminés.
Si l'on met en contact, molécule à molécule, une cétone
acétylénique de la forme R — C = C — CO — R' avec une
amine primaire ou secondaire, une réaction se déclare qui
se manifeste par échauffement et coloration du mélange.
On opère en faisant arriver goutte à goutte l'aminé dans
la cétone acétylénique, sans l'intermédiaire d'un solvant
quand cette dernière est liquide ; si elle est solide (benzoyl-
phénylacétylène), on la dissout dans une petite quantité
d'un solvant approprié : éther anhydre ou éther de pétrole.
La température ne s'élève guère au-dessus de 4oO; la
coloration et l'aspect du mélange permettent, à première
vue, de faire une distinction très nette entre la réaction
produite par les amines primaires et celle produite par les
amines secondaires.
Les amines primaires donnent, presque immédiatement,
un trouble très marqué; au bout de peu de temps, il se sé-
pare des gouttelettes d'eau. La coloration, d'abord brune,
s'accentue rapidement et devient le plus souvent noire.
Dans la plupart des cas, je n'ai pu retirer aucun composé
défini du mélange.
Les amines secondaires donnent simplement une colo-
ration brune qui est d'autant moins marquée qu'on évite
plus soigneusement de laisser s'échauffer le mélange en le

(') É. ANDRÉ, Comptes rendus de l'Ac. des Sc., t. CLII, p. 525,.


maintenant dans la glace fondante. Le produit de la réac-
tion est généralement visqueux, plus ou moins coloré en
brun; parfois il cristallise spontanément après un certain
temps.
Les amines que j'ai utilisées sont au nombre de neuf : la
propylamine, l'allylamine, la cyclohexylamine et la benzyl-
amine comme bases primaires; la diéthylamine, la dipro-
pylamine, la pipéridine, la méthylaniline et l'éthylaniline
comme bases secondaires. J'ai pu facilement me procurer
la plupart de ces diverses amines à l'état pur dans le com-
merce. J'ai préparé moi-même la benzylamine par l'élé-
gante méthode indiquée par Delépine (1). Elle m'a fourni
d'excellents rendements. J'ai préparé également l'allyla-
mine à partir de l'allylsénevol en suivant le procédé de
Gabriel et Eschenbach (2).
J'ai fait réagir ces différentes amines sur huit cétones
acétyléniques dont six dérivent du phénylacétylène :
l'acétyl, le propionyl, le butyryl, l'isovaléryl, le caproyl-
phénylacétylène; une dérive du phénylbutine, le propio-
nylphénylbutine ; une enfin dérive de l'isoheptine, le pro-
pionylisoheptine. Le benzoylphénylacétylène possède une
aptitude réactionnelle beaucoup plus marquée que les
autres cétones. Cette particularité est due, sans doute, à
la présence de deux groupements C6 HiS encadrant la fonc-
tion cétone et la fonction acétylénique.
La réaction des neuf aminés précitées sur ces huit cé-
tones acétyléniques devrait théoriquement conduire à
l'obtention d'un nombre considérable de composés (72).
Mes essais ont porté sur une trentaine de cas environ. J'ai
pu obtenir à l'état pur onze produits dont dix cristallisés
et un liquide. Pour la commodité de l'exposition, je les
diviserai en deux groupes :

(') Bull. Soc. cliim., 3° série, t. XVII, p. 2Q4.


(2) Berichte, t. XXX, p. 1125.
A. uetones acetylemques et aminés primaires.
B. Cétones acétyléniques et amines secondaires.
Quelle formule convient-il d'attribuer à ces combinai-
sons ? L'analyse montre qu'elles proviennent de la fixation
pure et simple de l'aminé par la cétone acétylénique.
L'action des acides les dédouble en [3 dicétone et régénère
l'aminé (l); on doit donc les considérer comme des amino-
cétones éthyléniques substituées (2) :

A. Amines primaires et cétones acétyléniques. — Comme


je l'ai indiqué, la réaction s'effectue avec mise en liberté
de fines gouttelettes d'eau qui troublent le mélange. Le pro-
duit noircit très vite et d'une façon intense. La benzyl-
amine, la propylamine, l'allylamine en réagissant sur les
=
cétones de la forme Co H5—C C— CO — R, où R est
un radical aliphatique, m'ont fourni des produits gou-
dronneux dont je n'ai encore rien pu tirer.
La cyclohexylamine m'a donné des résultats différents.
Cette base, en réagissant sur le propionyl et le butyryl-
phénylacétylène m'a fourni, dans chaque cas, deux pro-
duits cristallisés.
Cyclohexylaminopropionylstyrolène

J'ai mis à réagir : propionylphénylacétylène 3g,16 (2mol)


avec cyclohexylamine 2g (2mol).
(') Voir au Chapitre IV l'étude des propriétés chimiques de ces coin-
posés.
(2) Ces combinaisons peuvent exister sous deux formes isomériques.
Une seule semble prendre naissance dans la réaction indiquée. L'étude
stéréochimique de ces composés fera l'objet d'un autre travail.
Chacune des deux substances est pesée à part dans un
petit ballon. On place la cétone dans un mélange réfrigé-
rant de glace et de sel, et l'on y fait arriver goutte à goutte
l'aminé en agitant de temps en temps. Le mélange se co-
lore en jaune et devient trouble; avec le temps, sa colora-
tion s'accentue et l'on y voit apparaître, après quelques
jours, des cristaux qui gagnent peu à peu toute la masse.
On casse le ballon, on essore les cristaux sur une assiette
poreuse et on les fait recristalliser dans l'éther de pétrole
léger distillant entre 3o° et 60°. La solution mère laisse
déposer, par évaporation, un résidu qu'on essore et fait
cristalliser à nouveau. On recommence ainsi, cristallisa-
tions et essorages, jusqu'à ce qu'on obtienne un produit
blanc cristallisé en beaux prismes qui fondent à 100°.
L'analyse m'a fourni les résultats suivants :
Analyse. — C pour 100 : trouvé 79,67; calculé pour la combi-
:
naison molécule à molécule 79,38. II pour 100 9,04 ; calculé 8,95.
N pour 100: 5,5o; calculé 5,45.

Dans l'intention de récupérer une certaine quantité de


ce corps, j'ai cassé en petits fragments l'assiette qui m'avait
servi à l'essorer et j'en ai épuisé les morceaux par l'éther
dans un appareil Soxhlet. L'éther étant évaporé, j'ai
amorcé le résidu qui m'a fourni une nouvelle quantité
de cristaux que j'ai purifiés comme il a été dit précédem-
ment. J'ai remarqué en même temps que les .dernières
eaux mères laissent déposer deux composés différents.
Après de laborieuses cristallisations, j'e suis arrivé à séparer
quelques centigrammes d'un produit cristallisé en fines
aiguilles prismatiques fondant à i5o°. En renouvelant
plusieurs fois cette même préparation, je n'ai pas pu
obtenir une quantité suffisante de ce composé pour pou-
voir l'identifier. Je me contenterai donc, provisoirement,
d'en signaler l'existence.
Cyclohexylaminobutyrylstyrolène

Le butyrylphénylacétylène, mis à réagir avec la cyclo-


hexylamine, m'a donné des résultats en tous points com-
parables. J'ai obtenu deux produits cristallisés. Le plus
abondant fond à 750 et fournit à l'analyse les. résultats
suivants :

Analyse. — C pour 100 trouvé 79,66 ; calculé 79,70. H pour 100 :

9,25; calculé 9,22. N pour 100 : 5,34; calculé 5,16.


Le deuxième produit, dont je n'ai obtenu que de très
petites quantités, fond à 144°.
Benzoylphénylacétylène et amines primaires. — Cette
cétone réagit sur les amines primaires sans élimination
d'eau, ce qui la différencie nettement des cétones acétylé-
niques Cfi H5 — C C — CO — R à radical aliphatique.
=
Comme elle est cristallisée, on la fait dissoudre dans une
petite quantité d'éther anhydre; l'aminé à faire réagir,
exactement pesée, est également dissoute dans le même
solvant. Les deux solutions sont mélangées, on laisse
l'éther s'évaporer à l'air libre et l'on obtient un résidu
d'aspect résineux, en général peu coloré. Parmi toutes les
réactions que j'ai essayées, une seule m'a donné un pro-
duit cristallisé au bout de peu de temps ; dans tous les autres
cas j'ai obtenu des composés qui sont restés amorphes
pendant très longtemps, quelques-uns d'entre eux ont
cristallisé plusieurs années après leur préparation. Je dé-
crirai seulement le plus facile à obtenir.
Benzylaminobenzoylstyrolène

Ce composé est très peu soluble dans l'éther; on l'obtient


presque pur du premier coup. Si, en effet, on prend soin
d'amorcer le mélange des solutions éthérées de cétone et
d'amine, le produit de leur combinaison précipite cristal-
lisé au fur et à mesure de sa formation. Pour l'avoir par-
faitement pur on le s'oumet à une r.ecristallisation dans
l'alcool ou l'acétone. Il fond à 100°.
Analyse. —
C pour 100 : 84,3a; calculé 84,34. II 6,07; cal-
culé 6,17. N. 4,66 ; calculé 4,47.

Jé n'ai, jusqu'ici, obtenu à l'état pur aucune combinaison


des amines primaires avec le propionylphénylbutine et
le propionylisoheptine ; ces deux cétones réagissent avec
élimination d'eau et le produit de la réaction s'altère rapi-
dement.
En résumé, les cétones acétyléniques de la forme
t
R—C = C — GO — R'
peuvent se combiner aux amines primaires avec lesquelles
elles semblent réagir suivant deux processus différents.
La mise en liberté d'eau que l'on constate le plus souvent
laisse supposer qu'il se forme : soit une imine acétylé-
nique R —jC = C — C — R', soit un composé de la forme
il
NH

Ces combinaisons paraissent très instables et noircissent


rapidement à l'air. Je n'ai encore pu en isoler aucune. En
outre, une combinaison molécule à molécule peut se pro-
duire qui porte sur la triple liaison et fournit une amino-
cétone éthylénique substituée
B. Amines secondaires et cétones acétyléniques. — Les
amines secondaires réagissent sur les cétones acétyléniques
sans élimination d'eau. J'ai constaté qu'elles se com-
binent intégralement en donnant des aminocétones éthy-
léniques substituées

En opérant comme je l'ai indiqué à propos des amines


primaires, j'ai pu obtenir à l'état pur sept produits cris-
tallisés et un liquide. Quatre d'entre eux dérivent de la
diéthylamine ; la pipéridine m'a fourni deux dérivés, la
dipropylamine et la méthylaniline m'en ont fourni
chacune un.
Diéthylaminopropionylstyrolène

La préparation se fait par simple mélange des deux


corps exactement pesés. On refroidit pour éviter réchauffe-
ment qui altérerait le produit; on amorce, si possible, avec
quelques cristaux d'une ancienne préparation; on essore
sur une assiette poreuse et l'on fait cristalliser plusieurs
fois dans l'éther de pétrole léger. Le produit fond à 45°; il
bout à 179°-180° sous I4mm.
Analyse. — Trouvé pour too : C 77,96; calculé 77,9'2. H 9,21 ; cal-
culé 9,09. N 6,3o; calculé 6,06.

D iéthylaminob utyrylstyrolène

Même préparation que le composé précédent. Il fond


à 400.
Analyse. — Trouvé pour 100 : C 78,20; calculé 78,37. H 9,29;
calculé 9,38. N 6.04 ; I.
calculé 5,7
Ce composé est peu stable; il jaunit à la longue et se
liquéfie partiellement. Les températures élevées de l'été
de 1911 l'ont assez profondement altéré.
Diéthylaminobenzoylstyrolène

On dissout les deux corps à faire réagir dans l'éther de


pétrole léger (éb. 3o°—6o°) ; on mélange les deux solutions et
l'on abandonne à l'évaporation en amorçant si possible.
Le produit se dépose cristallisé et presque pur; on le soumet
.
à une nouvelle cristallisation dans le même solvant. Il
fond à 63°.
Analyse. — Trouvé pour 100 : C 81,97; calculé 81,72. H 7,52;
calculé 7,51. N 5,i5 ; calculé 5,02.
Diéthylaminopropionylisoheptène

Il se prépare par simple mélange en opérant lentement


et à basse température. Je n'ai pas pu jusqu'ici l'obtenir
cristallisé. Il bout à i63° sous I3mm. Il se colore légère-
ment en jaune avec le temps.
Analyse. — Trouvé pour 100 : C 75,28; calculé 74,67. H 12,08;
calculé 12,00. N 6,47; calculé 6,22.
Dipropylaminoacétylstyrolène

Il se prépare comme les composés précédents. Il est cris-


tallisé et fond à 470.
Analyse. — Trouvé pour 100 : C 78,61; calculé 78,37. II 9.47;
calculé 9, 38. N 5,92 ; calculé 5,7i.

Combinaisons de la pipéridine. -La pipéridine est, de


toutes les amines que j'ai utilisées, celle que le commerce
livre à l'état pur dans les meilleurs conditions. C'est avec
elle que j'ai fait les premiers essais ; j'ai tenté de la combiner
avec chacune des cétones acétyléniques dont je disposais.
Une combinaison se produit dans chaque cas. Je n'ai pu
parvenir à en faire cristalliser que deux. Celles qui sont
liquides ne distillent pas sans décomposition même sous
pression réduite. Ce sont des produits huileux se colorant
rapidement en brun. Les acides les décomposent en sels
de pipéridine et -dicétones.

Pipéridinobenzoylstyrolène

Il se prépare comme le diéthylaminobenzoylstyrolène.


On le fait recristalliser dans l'éther. Il fond à 81°.
Analyse. — Trouvé pour 100 : C 82,86; calculé 82,46. H 7,22;
calculé 7,22. N 4,85; calculé 4,81.

Ce produit est légèrement coloré en jaune. Tous les


efforts que j'ai faits pour l'obtenir incolore sont restés
sans résultat.

Pipéridinopropionylphénylbutène

Je l'ai préparé par la méthode appliquée aux autres


combinaisons des cétones acétyléniques liquides. Le pro-
duit, recristallisé plusieurs fois dans l'éther de pétrole
léger, fond à 440.
Analyse. — Trouvé pour 100 : C 79,52
calculé 9,23. N 5,47; calculé 5,17.
; calculé 79,70. H 9,38;.

Méthylanilinobenzoylstyrolène

Seul, le benzoylphénylacétylène, plus électronégatif que


les autres cétones que j'ai utilisées, se combine à la méthyl-
aniline. On obtient un composé cristallisé qui fond à 870.
La réaction d'essai, que j'ai tentée sur une petite quantité
des deux corps, m'a fourni des cristaux que j'ai pu obtenir
à peu près incolores par cristallisation dans l'éther de pé-
trole. Toutes les préparations que j'ai faites ensuite m'ont
donné régulièrement un produit fortement coloré en jaune,
dont la teinte ne se modifie même pas par traitement au
noir animal.
Analyse. — Trouvé pour 100 :
C 84,34; calculé 84,34. Il 6,12;
calculé 6,o5. N 4,51 ; calculé 4t47-

Ces résultats indiquent que si la coloration est due à


une impureté, celle-ci ne peut exister qu'en quantité très
petite.
CHAPITRE IV.
Étude des aminocétones éthyléniques p substituées.

I.
ACTION DES ACIDES.
NOUVELLE MÉTHODE D'OBTENTION DES ^-DICÉTONES,

Les aminocétones éthyléniques substituées, que j'ai


obtenues (1 ) par combinaison des amines avec les cétones
acétyléniques, ne sont pas des molécules stables; l'aminé
n'y est que peu solidement fixée et se détache facilement
sous l'influence de divers réactifs.
Vis-à-vis des acides, et en présence de l'eau, ces com-
binaisons se comportent de la même manière que les amino-
nitriles éthyléniques (3 substitués

et les amino-éthers-sels éthyléniques ~ substitués

obtenus par Moureu et Lazennec (2) avec les nitriles et les


éthers sels acétyléniques.
Sous l'influence des acides étendus d'eau, en effet,
l'aminé fixée sur la triple liaison — C =
C — est détachée
en même temps que les éléments de l'eau prennent la place
qu'elle occupait. La fonction acétylénique — C C — est
=
ainsi transformée en fonction cétone — CO — CH2 —.

(') Comptes rendus de l'Ac. des Sc., t. CLII, p. 1488.


(2) Loc. cit.
Naturellement, l'amine forme un sel avec l'acide employé

Cette réaction constitue une méthode indirecte d'hydra-


tation de la liaison acétylénique, applicable toutes les fois
que cette dernière est susceptible de fixer les aminés. Dans
le cas particulier des cétones acétyléniques, elle permet
d'obtenir les -dicétones. On peut très facilement mettre en
évidence la formation de ces combinaisons. Il suffit, pour
cela, de dissoudre quelques centigrammes de l'aminocétone
dans 5cm3 à 10cm3 d'alcool à 600 additionnés d'une goutte
d'acide chlorhydrique et d'une goutte de perchlorure de fer.
On voit aussitôt apparaître la coloration rouge intense
des sels ferriques des -dicétones.
Si l'on emploie de l'alcool à 950, la réaction se produit
encore malgré la faible hydratation du milieu, mais il est
des cas où elle est moins nette. Les combinaisons de la
cyclohexylamine avec le propionylphénylacétylène et le
butyrylphénylacétylène, celles que fournit le benzoyl-
phénylacétylène avec la diéthylamine, la pipéridine et la
benzylamine, ne donnent pas de coloration rouge dès le
début; peu à peu on voit apparaître une teinte rose dis-
paraissant par la chaleur pour réapparaître par refroidis-
sement; malgré tout, elle est encore peu marquée même
après 24 heures. L'addition d'une certaine quantité d'eau
la rend aussitôt rouge foncé.
Cette simple réaction montre que l'aminé est plus ou
moins solidement fixée suivant les cas.
Quoi qu'il en soit, dans un milieu suffisamment aqueux,
l'hydratation est des plus régulières ; appliquée en grand, elle
permet d'obtenir les sels de cuivre des -dicétones dans
un grand état de pureté. Moureu et Lazennec ont indiqué
que le procédé de choix pour hydrater les nitriles et les
éthers-sels acétyléniques, préalablement combinés aux
amines, consistait à les dissoudre dans l'éther et à les faire
réagir sur la quantité théorique d'acide oxalique, en solu-
tion dans le même solvant additionné de 75 de son volume
d'alcool à 90°.
L'acide oxalique apporte avec lui ses deux molécules
d'eau de cristallisation qui le rendent tout à fait apte à
jouer le rôle d'agent hydratant.
C'est cette méthode que j'ai appliquée aux aminocétones
éthyléniques. Il n'est pas nécessaire d'employer celles-ci
absolument pures : le produit brut généralement coloré
en brun, qu'on obtient par action de l'aminé sur la cétone
acétylénique, convient très bien pour cette préparation
J'ai traité par ce procédé six cétones acétyléniques com-
binées à la pipéridine; dans deux autres cas, j'ai utilisé
la diéthylamine.
Dès que les deux solutions sont en contact, il se forme
un précipité cristallin d'oxalate d'amine, facile à caracté-
riser par son point de fusion. Après 2 heures de repos, on
décante la solution éthérée. La distillation du solvant laisse
un résidu légèrement coloré en jaune, qu'on dissout dans
quatre à cinq fois son volume d'alcool. L'addition d'une
solution aqueuse d'acétate de cuivre à 5 pour 100, légère-
ment ammoniacale, sépare sous forme cristalline la com-
binaison I ~yLH J Cu,qu' une simple recristallisation
dans l'alcool suffit à faire obtenir pur.
J'ai obtenu par cette méthode huit sels de cuivre :

Sel cuprique de l'acétylacétophénone

fond à 191°-192°.
Analyse. — C pour 100 : 62,45; calculé 62,40. H pour 100 : 4,85;
calculé 4,68. Gu 16,02; calculé 16,28.
Sel cuprique de la propionylacétophénone

fond à i52° (Moureu et Brachin, 148°-149°).


Analyse. — C pour 100 64,22; calculé 63,85. Il pour 1000,24 ;
calculé 5,32. Cu pour 100: i5,o6; calculé 15,35.
Sel cuprique de la butyrylacétophénone

fond à 1320.
Analyse. — C pour 100 : 64,82; calculé 65,23. II pour 100 : 6,06;
calculé 5,89. Cu pour 100: 14,09; calculé 14,38.
Sel cuprique de l'isovalérylacétophénone

fond à 105°-106.
Analyse. — C pour 100 66,73 ; calculé 66,45. H pour 100 : 6,58 ;
calculé 6,39. Cu pour 100 : 13,28; calculé 13,63.
Sel cuprique de la caproylacétophénone

fond à 190°-110°.
Analyse. — C pour 100 67,37; Calculé 67,53. II pour 100 6,95;
calculé 6,87. Cu pour 100 : 12,46 ; calculé 12,86.
Sel cuprique de la benzoylacétophénone

fond à 325° au bloc Maquenne avec décomposition. Ce sel


est pratiquement insoluble dans tous les solvants usuels,
on l'obtient amorphe par le procédé indiqué plus haut.
Je n'ai pas pu réussir à le faire cristalliser. L'analyse montre
cependant qu'on a affaire à un produit pur.
Analyse. — C pour 100 : 70,64; calculé 70,66. II pour ioo : 4,6o ;
calculé 4,32. Cu pour ioo 12,23; calculé 12,46.

Sel cuprique de la propionylphénylbutanone

fond à 1680.
Analyse. —
Cu pour 100 13,31 ;
calculé 13,63.

Les dosages de carbone et d'hydrogène ont été faits sur la


dicétone dont on trouvera plus loin les propriétés.

Sel cuprique de la méthylpropionylhexanone

fond à 1240.
Analyse. — Cu pour 100: 15,5a ; calculé 15,94.
Ces deux derniers sels ont. une belle couleur bleu hussard;
les sels des six autres cétones sont verts.

fi-dicétones. — On peut extraire facilement les [3-dicé-


tones de leurs combinaisons cupriques. Il suffit, pour cela,
de mettre ces dernières en suspension dans l'acide chlor-
hydrique étendu et d'agiter le mélange avec de l'éther.
Le cuivre reste dans la solution aqueuse. La solution
éthérée, séchée et distillée, fournit d'emblée un produit pur.
J'ai obtenu ainsi les huit dicétones correspondant aux
huit sels de cuivre précédents.
Points
Points. de
Noms. Formules. d'ébullition. fusion.
0
Acélylacétophénone C6H5—CO—CH2—CO—CH3 »
o o mm
Propionylacétophénone ... C6H5—CO—CH2—CO— C2H5 153- 155/16 "
Butyrylacétophénone..... C6H5—CO—CH2—CO—C3H7 1 G 5-
166 /14 "
Jsovalérylacétophénone
... C6H5_CO-CH2_CO-C4H9 166-167/15 »
Caproylacétophénone C6H5 -CO-CH2- CO—C5H11 189-190/20 '20
Benzoylacétophénone..... C6B5_CO-CH2_CO-C6H5 »
81
Propionylphénylbutanone. C6H5-CH2-CH2-CO
_CH2—CO—C2H5 166/13 »

Méthylpropionylhexanone. —
CH"— CH2CO

- CH2 —CO —C2H3 106/14 "

Les six premières de ces dicétones étaient déjà connues ;


Claisen, Stylos (') en avaient préparé quatre. Moureu et
Delange (2) avaient obtenu la caproylacétophénone en
hydratant par l'acide sulfurique le benzoylœnanthylidène
C5 1111 C
==
C
— CO — C6 Hi;.

Le caproylphénylacétylène C6 H5— C = C—CO—C5H14,


isomère du benzoylcenanthylidène, devait conduire à la
même b-dicétone. C'est en effet ce que j'ai constaté. Moureu
et Delange indiquent comme point d'ébullition 185°-186°
sous 15mm pour le produit qu'ils ont préparé. J'ai reconnu
en outre que ce composé est susceptible de cristalliser par
refroidissement et fond ensuite à + 20°.
Les deux dernières dicétones n'étaient pas connues :

Propionylphénylbutanone
C6H5- CH2 — CH2 - CO —CH2—CO — C2H5 = C13H1602.

C'est un liquide incolore, de densité 1,0460 à 00, bouil-


lant à 1660 sous 13mm.
(') Berichte, t. XX, p. 665 et 2181.
(2) Bull. Soc. chim.,3e série, t. XXV, p. 3o7.
Analyse. — C pour 100 : 76,18; calculé 76,47. H po ur 100 7,47 ;
calculé 7,85.
Méthylpropionylhexanone

C'est un liquide assez fluide, incolore, de densité 0,9262


à 00, bouillant à 106° sous I4mm.
Analyse. — C pour 100 70,6a ; calculé 70,58.
:
H pour 100 10,77 !
calculé 10,60.

Ir.
ACTION DE L'HYDRAZINE SUR LES AMINOCÉTONES ÉTHYLÉNIQUES
-SUBSTITUÉES.

En étudiant l'action de l'hydrazine sur les cétones acéty-


léniques R — C = C — CO — R', Moureu et Brachin (1)
ont montré qu'elles se comportent comme les ,3-dicétones
R- CO — CH2— CO — R'
•et fournissent des pyrazols disubstitués 3.5

La réaction se produit en deux phases : la fonction


cétone est d'abord transformée en fonction hydrazone,
puis le groupement NH2 resté libre se fixe sur la triple
liaison, d'après le schéma

(1) Loc. cit.


Moureu et Brachin (') ont montré en outre que les cé-
tones éthyléniques [3-oxyalcoylées et -oxyphénylées

qu'ils ont obtenues par fixation des phénols et des alcools


sodés sur les cétones acétyléniques, donnent également
avec l'hydrazine, les mêmes pyrazols disubstitués 3.5.
La fonction cétonique étant transformée en fonction
hydrazone, le groupement — NH2 resté libre chasse de la
place qu'il occupe le reste oxyalcoyle ou oxyphényle — OR",
il y a mise en liberté d'alcool ou de phénol et fermeture de
l'anneau pyrazolique

Les aminocétones éthyléniques -substituées réagissent


avec l'hydrazine d'après un processus tout à fait compa-
rable. Il y a formation d'une hydrazone, départ de l'aminé
primitivement fixée sur la triple liaison et formation des
mêmes pyrazols disubstitués 3.5

La réaction est très régulière ; si l'aminé qui se détache


est suffisamment volatile, on peut la récupérer par distil-
lation en la recueillant dans une solution d'acide chlor-
hydrique; on peut ensuite la caractériser par l'identifica-
tion de son chlorhydrate.

(1) Bull. Soc. chim., 3e série, t. XXXIII, p. 147.


J ai applique cette réaction a quatre aminocétones ethy-
léniques -substituées :
Le dipropylaminoacétylstyrolène.... C6H5C = CH — CO — CH3
N( C3 H7 )2
Le diéthylaminopropionyistyroléne.. C6H5C = CH — CO — C2H5
N(C2H5)2
Le cyclohexylaminobutyrylstyrolène. C6H5C = CH — CO — C3H7
• NH C6 H11
Le diéthylaminobenzoyIstyrolène.... C6H5C=CH — CO — C6Hs
N(C2H5)2

Elles m'ont fourni quatre pyrazols disubstitués 3.5 :


Méthyl - 3 - phényl - 5 - pyrazol, éthyl - 3 - phényl-5-pyrazol,
propyl-3-phényl-5-pyrazol et diphényl-3.5-pyrazol. Ces
quatre composés étaient déjà connus, ils avaient été pré-
parés antérieurement par Sjollema (1 ) ou par Moureu et
Brachin (2).

Méthyl-3-phényl-5-pyrazol

Dans un petit matras de 100cm3 on fait dissoudre 5g de


dipropylaminoacétylstyrolène dans 5ocm3 d'alcool à 80°.
D'autre part, on dissout : sulfate d'hydrazine 4g (cal-
culé2g,6o), et carbonate de potasse 4g,50 dans 10cm3 d'eau
distillée. On chauffe doucement et, lorsque la solution est
complète, on mélange les deux liquides : il se forme un pré-
cipité de sulfate de potasse, qui ne gêne en rien la suite de
l'opération. On fait bouillir à reflux pendant 6 heures. On
verse le tout dans l'eau, on épuise à l'éther, on dessèche
(1) Liebig's Annalen, t. CCXXIX, p. 248.
(2) Loc. cit.
la solution éthérée, on évapore le solvant. Le résidu, mis à
cristalliser dans l'eau alcoolisée à 150, m'a fourni 2g,60 de
méthyl-3-phényl-5-pyrazol fondant exactement à 1270,5,
chiffre identique à celui indiqué par Moureu et Brachin.
Dosage d'azote : N pour 100 17,70; calculé 17,72.
J'ai préparé par une méthode absolument identique, en
partant de chacune des trois aminocétones éthyléniques
que j'ai citées plus haut :
L'éthyl 3, phényl 5, pyrazol (F. 84°; Moureu et Bra-
chin, 820)

J'ai pu très facilement, dans le cas du diéthylamino-


henzoylstyrolène et du diéthylamino-propionylstyrolène"
récupérer la majeure partie de la diéthylamine par distil-
lation de la solution alcoolique, et la caractériser par
l'identification de son chlorhydrate.
L'expulsion par l'hydrazine d'une amine fixée sur une
liaison acétylénique est une réaction curieuse, qui reconnaît
sans doute pour cause la tendance de la chaîne ouverte de
l'hydrazone à se cycliser.
III.
ACTION DE L'HYDROXYLAMINE SUR LES AMINOCÉTONES ÉTHYLÉNIQUES
(3- SUBSTITUÉES.

Les cétones acétyléniques donnent en réagissant sur


l'hydroxylamine, par transposition moléculaire avec fer-
meture de chaîne des oxymes d'abord formées, des isoxazols
disubstitués 3.5 identiques à ceux que fournissent les
.
dicétones Le processus de la réaction est le suivant :

Les cétones éthyléniques (3-oxyalcoylées ou phénylées


R — C = CH — CO — R' conduisent aux mêmes composés.
Il y a perte d'une molécule d'alcool ou de phénol et tout
se passe comme si l'on était parti des cétones acétylé-
niques elles-mêmes (1).
Les aminocétones éthyléniques -substituées, mises à
réagir avec l'hydroxylamine, m'ont conduit à des résultats
qui paraissent assez peu comparables à ceux que j'ai
obtenus avec l'hydrazine.
La réaction est très compliquée et m'a fourni, dans les
deux cas où je l'ai effectuée, un mélange de plusieurs corps
(trois au moins). L'analyse de ceux d'entre eux que j'ai pu
isoler à l'état pur en quantité suffisante m'a, le plus
souvent, donné des résultats fort inattendus qui ne corres-
pondaient à aucun des composés dont on pouvait prévoir
la formation.
Je dois dire cependant que la réaction de l'hydroxyla-
mine sur le diéthylaminobenzoylstyrolène m'a fourni une

(') MOUREU et BRACHIN, Bull. Soc. chim., 3' série, t. XXXI, p. 343.
petite quantité de diphényl-3.5-isoxazol

fondant à 142°, température conforme à celle indiquée par


Goldschinidt.
Ce composé était accompagné de deux autres corps dont
l'un, le plus abondant, fond à i63°.
La complexité des résultats que j'ai obtenus m'a fait
remettre à plus tard l'étude complète de l'action de l'hydro-
xylamine sur les aminocétones éthyléniques -substituées.
Avant de terminer ce qui a trait à l'hydrazine et à l'hy-
droxylamine, je décrirai trois composés nouveaux que j'ai
obtenus à partir du caproylphénylacétylène et de l'iso-
valérylphénylacétylène : l'amyl-3-phényl-5-isoxazol, l'iso-
butyl-3-phényl-5-isoxazol, l'amyl-3-phényl-5-pyrazol.
Amyl-3-phényl-5-isoxazol

On chauffe à reflux pendant 6 heures, 8g de caproyl-


phénylacétylène dissous dans 60cm3 d'alcool à 70° avec 4g
de chlorhydrate d'hydroxylamine et 8g de carbonate de
potasse préalablement dissous dans 10c d'eau. Après re-
3

froidissement, on verse le tout dans l'eau, on épuise à


l'éther, on sèche les liquides éthérés sur du chlorure de cal-
cium, on évapore l'éther, et l'on distille le résidu dans le
vide. On recueille, à 1860_1870 sous 13mm, 7g environ d'une
huile incolore, qui cristallise spontanément. Le produit
cristallisé est légèrement coloré en blanc crème, il fond
à 250_260; il ne régénère pas d'hydroxylamine quand on le
chauffe avec de l'acide chlorhydrique étendu.
Analyse : C pour 100 77,86; calculé 78,14, Il pour 100 8,12;
«calculé 7,91. N pour 100 6,49; calculé 6,5i.
Isobutyl-3-phényl-5-isoxazol

La préparation est calquée sur la précédente. On emploie


pour la même quantité de chlorhydrate d'hydroxylamine
7g,50 d'isovalérylphénylacétylène.
On obtient 6S d'une huile à peine colorée, passant, à la
•deuxième rectification, à 1720 sous 13mm, et ne régénérant
pas d'hydroxylamine quand on la chauffe avec de l'acide
chlorhydrique étendu.
Analyse : C pour 100 77,15; calculé 77,61. Il pour 100 7,69;
•calculé 7,47. N pour 100 6,92; calculé 6,96.

Amyl-3-phényl-5-pyrazol

On fait bouillir à reflux pendant 6 heures 8g de caproyl-


phénylacétylène dissous dans 6ocm3 d'alcool à 700 avec 6g
de sulfate d'hydrazine et 6g,50 de carbonate de potasse,
dissous préalablement dans 10cm3 d'eau distillée. Après
refroidissement, on verse le tout dans l'eau et l'on extrait
à l'éther en suivant la technique déjà indiquée.
Le produit qu'on obtient cristallise facilement, il est
coloré en jaune et très soluble dans l'alcool. Après plu-
sieurs recristallisations dans l'éther de pétrole léger, il se
présente sous la forme de lamelles brillantes fondant à
77°-78°; il est stable vis-à-vis des acides étendus.
Analyse : C pour 100 79,2o; calculé 78,50. II pour 100 8,83.;
calculé 8,42. N pour 100 13,38; calculé 13,08.
Moureu et Delange (1) ont préparé à partir du benzoyl-
œnanthylidène un pyrazol isomère du précédent : l'amyl-5-
phényl-3-pyrazol

ils donnent pour point de fusion 76°. Ces deux composée


ne seraient-ils pas identiques et le faible écart observé
entre leurs points de fusion suffit-il à les différencier ?
N'ayant pas à ma disposition de benzoylœnanthylidène,.
je n'ai pas pu, jusqu'ici, vérifier cette hypothèse. Je me
propose de le faire ultérieurement.
L'isovalérylphénylacétylène, mis à réagir avec l'hydra-
zine, dans les mêmes conditions que le caproylphénylacé-
tylène, m'a fourni un corps très brun, visqueux, ne cristal-
lisant pas, et se décomposant à la distillation sous pression,
réduite.

IV.
ACTION DE L'HYDROGÈNE SUR LES AMINOCÉTONES ÉTHYLÉNIQUES
^-SUBSTITUÉES.

L'hydrogénation des aminocétones éthyléniques pour-


rait, théoriquement, conduire à trois séries de composés :

Les diverses tentatives que j'ai faites ne m'ont encore


donné que des résultats peu encourageants. Le sodium

(1) Bull. Soc. chim., 3. série, t. XXV, p. 307; t. XXXI, p. 177.


agissant sur la solution alcoolique des corps à hydrogéner,
l'amalgame de sodium, agissant dans les mêmes condi-
tions, séparent quantitativement l'aminé de sa combi-
naison, au point qu'on peut en opérer très exactement le
dosage par distillation, en la recevant dans une solution
acide titrée.
L'emploi de l'amalgame d'aluminium m'a donné des
résultats identiques, bien que l'opération soit faite, cette
fois en milieu neutre. Le produit, extrait de la solution
alcoolique après la réaction, bout mal; on en récupère fort
peu, il se résinifie en grande partie si on le distille dans le
vide. Le produit initial, étant d'un accès difficile, je n'ai
pas poursuivi l'étude de cette réaction.
Il était toutefois intéressant de signaler que l'hydrogène,
• comme la plupart des autres réactifs, sépare les amines
de leurs combinaisons avec les cétones acétyléniques.
Je compte tenter ultérieurement l'action de l'hydro-
gène en présence du noir de platine, employé comme
catalyseur, d'après l'élégante méthode indiquée par
Willtâter ('). Lespieau (2) l'a déjà appliquée à la trans-
formation des glycols acétyléniques
R — CHOH
— C s= C — CIIOH — R'

en glycols saturés. Vavon (3) a, ces derniers temps, montré


tout le parti qu'on peut tirer de ce procédé, qui est appli-
cable aux molécules les plus délicates.

Résumé et conclusions.
Les résultats que je crois avoir établis dans le présent
travail sont les suivants :

(1) Berichte, t. XLI, p. 145.


(2) Comptes rendus de l'Ac. des Sc., t. CL, p. 1726; t. CLIV, p. 886.
(3) Bull. Soc. chim., 4" série, t. XVI, p. 256; Comptes vendus de-
l'Ac. des Sc., t. CLIV, p. 35g.
10 En apportant quelques modifications à la préparation
du phénylacétylène à partir de l'éthylbenzène, j'ai pu en
améliorer le rendement d'une façon assez sensible et l'élever
jusqu'à 60 pour 100 environ.
2° J'ai montré que l'obtention relativement facile des
carbures allyliques R — CH2 — CH = CH2, par conden-
sation du bromure ou de l'iodure d'allyle avec les com-
posés organométalliques de Grignard, ouvre une voie
d'accès nouvelle vers les carbures acétyléniques vrais.
Ces composés étaient, à quelques exceptions près, restés,
jusqu'aujourd'hui, des corps assez rares. J'ai pu en obtenir
deux nouveaux : le phénylbutine et l'isoheptine.
On sait, depuis les travaux de Moureu et de ses élèves,
tout l'intérêt que présentent ces molécules grâce à la
plasticité remarquable que possèdent leurs dérivés sodés
R — C = C Na. Un carbure acétylénique vrai, obtenu
dans des conditions de facilité suffisantes, ouvre la voie vers
une série d'alcools, d'aldéhydes, de cétones, d'acides, de
nitriles, etc., à fonction acétylénique.
3° J'ai repris l'étude de la préparation des cétones acé-
tyléniques R — C = C — CO — R', et j'ai montré qu'on les
obtient souvent d'une manière plus avantageuse en con-
densant avec les carbures acétyléniques sodés ou potassés
les bromures d'acides au lieu des chlorures. J'en ai préparé
six à partir du phénylacétylène. Pour certaines d'entre
elles (acétyl et benzoylphénylacétylène), la préparation,
qui était restée difficile, a été considérablement améliorée ;
d'autres (isovaléryl et caproylphénylacétylène) étaient
inconnues.
40 Les carbures acétyléniques de la forme
R(CH2)nC CH
(avec R aromatique ou aliphatique) réagissent plus faci-
lement et plus complètement sur le potassium que sur le
sodium. C'est à partir des dérivés potassés du phénylbu-
tine et de l'isoheptine que j'ai pu préparer avec un rende-
ment acceptable le propionylphénylbutine et le propio-
nylisoheptine.
Comme les deux carbures dont elles dérivent, ces deux
cétones n'avaient pas encore été préparées.
50 J'ai montré que le groupement cétonique — CO —
placé au voisinage de la liaison acétylénique — C = C —
lui confère la propriété de fixer les amines primaires et
secondaires, pour donner des aminocétones éthyléniques
-substituées

et j'ai préparé à l'état de pureté dix de ces combinaisons.


La réaction, très régulière avec les amines secondaires,
l'est beaucoup moins avec les aminés primaires, et ne four-
nit que dans quelques cas particuliers aux composés ci-
dessus; le plus souvent, elle s'accompagne de la mise en
liberté d'eau et semble conduire à des imines acétyléniques

composés qui paraissent très instables et noircissent rapi-


dement à l'air.
6° J'ai étudié les propriété chimiques des aminocétones
éthyléniques ainsi obtenues. J'ai pu constater que l'aminé
n'est pas solidement fixée sur la triple liaison et s'en détache
sous l'influence de divers réactifs.
a. Avec les acides étendus, l'amine, sollicitée par une
affinité plus grande, forme un sel qu'on peut facilement
caractériser; la triple liaison fixe les éléments de l'eau pour
donner une -dicétone. Cettte réaction constitue une nou-
velle méthode d'obtention de ces derniers composés; elle '
m'a permis d'en préparer huit avec les huit sels de cuivre
correspondants. Deux de ces dicétones, la phénylpropio-
nylbutanone et la méthylpropionylhexanone, étaient
inconnus.
b. Avec l'hydrazine, la formation normale d'une hydra-
zone est aussitôt suivie d'une deuxième réaction. Celui
des deux groupements NH2 qui est resté libre chasse
l'aminé fixée sur la triple liaison et vient occuper sa place.
On obtient ainsi des pyrazols bisubstitués 3.5

tout comme si l'on était parti des cétones acétyléniques


elles-mêmes.
c. L'hydroxylamine donne des résultats différents. Le
groupement OH, resté libre après la transformation de la
fonction cétone en oxyme, ne déplace que partiellement
l'aminé pour donner un isoxazol disubstitué 3.5

Les produits de la réaction sont multiples, je reviendrai


ultérieurement sur leur étude.
d. L'hydrogène, enfin, chasse également l'aminé de la
place qu'elle occupe. Les méthodes que j'ai employées ne
m'ont pas permis d'obtenir une hydrogénation régulière
du reste de la molécule. J'espère pouvoir atteindre ce ré-
sultat en appliquant le procédé de Willstâter (action de
l'hydrogène en présence du noir de platine comme cata-
lyseur).
EMPLOI DU MANOMETREDIFFÉRENTIELDIFFUSIONDES
DE TŒPLER
DANS L'ÉTUDE DE GAZ;

PAR M. R. FOCH.

Ce manomètre est constitué par un tube en forme de V


très ouvert, contenant un liquide léger.

Modes d'emploi. Historique. — Pour évaluer des


pressions fixes, on peut mesurer le déplacement d'un
des ménisques du liquide, à partir d'une position origine,
ou compenser ce déplacement en inclinant le manomètre.
La première de ces deux méthodes fut aussi la première
employée. Recknagel (') s'en servit en 1877 et obtint une
sensibilité de 30mm d'air.
Pour avoir des résultats plus précis, A. Tœpler et
R. Hennig (2) employèrent la méthode par compensation,
les irrégularités du tube ayant une influence sur les dépla-
cements du ménisque : ils atteignirent ainsi imm d'air.
Mais quand il s'agit de pressions variables, il est préfé-
rable de revenir au premier procédé, surtout si l'on veut
de fréquentes observations. Il n'y a à signaler, comme em-
ploi de cette méthode, qu'un essai de M. M. Toepler (3)

(1) G. RECKNAGEL, Manometrische Methode zur Bestimmung des


specifischen Gewichts der Gase (Ann. der ph. Ch. N. F., t. II, 1877,
p. 291).
(2) A. TOEPLKR und R. HENNIG, Magnetische Untersuchung einiger
Gase (Ann. der ph. Ch. N. F., t. XXXIV, 1888, p. 790). — R. HENNIG,
Ueber die Susceptibilität des Sauerstoffs (Ibid., t. L, 1893). —
A. TCEPLER, Ueber absolute Temperaturbestimmung mittels Messung
barometrischer Druckdifferenzen (Ibid., t. XVII, 1895, p. 609).
(1) M. TCEPLER, Ueber Beobachtung von Windwogen (Ann. der
ph. Ch. N. F., t. LVII, 1896, p. 472 )•
(précision de 150mm d'air seulement) et des expériences
inédites de M. Brillouin (1), dont j'ai repris le procédé.
Ce travail est divisé en deux Iparties : 10 étude de la
méthode par déplacement pour mesurer les variations
continues de pression; 20 application à la diffusion de
l'anhydride carbonique dans l'air.

PREMIÈRE PARTIE.
Mesure des variations continues de pression.
Principe. — La pression s'exerce d'un côté du mano-
mètre, l'autre étant ouvert à l'air libre, et l'un des mé-
nisques est photographié pendant son mouvement.
Le déplacement enregistré est proportionnel à la varia-
tion de pression.

Dispositif. — C'est celui de M. Brillouin. Le mano-


mètre ABC (fig. i) est soumis, du côté A, à la pression à

mesurer, par exemple celle qui résulte de la diffusion


d'anhydride carbonique dans un tube vertical DE. L'autre
côté C est en communication avec l'air par l'orifice F.
Un robinet R, permet d'envoyer le gaz dans la partie
R1ED. On peut aussi remplir le tube latéral R2R3 ;
(') Voir cependant Congr. Ph., 1900, t. I, p. 5i5.
celui-ci se divise en deux tubes horizontaux G et H, dont
la distance est connue, si bien qu'en mettant successive-
ment le manomètre en communication avec l'une et
l'autre de ces deux parties remplies de gaz, on aura une
variation déterminée de pression. Dans certaines expé-
riences, ces deux tubes étaient remplacés par un seul, qui
pouvait être déplacé verticalement.
Le manomètre a 2mm de diamètre intérieur et l'angle de
ses deux parties a pour tangente ~yj. Il est fixé sur un
pied de bois à trois pointes, dont l'une est une vis qui per-
met de l'incliner. La branche où se trouve le ménisque
observé doit être assez relevée pour que la région où le
plan tangent est perpendiculaire à l'axe du tube soit
voisine de cet axe.
Le liquide employé est le xylol, recommandé après essai
par Tœpler et Hennig. Il présente, entre autres avantages,
celui de bien mouiller le verre. La colonne utilisée a de
i ocm à 15cm.
Le ménisque choisi est celui de la branche BC. Il est
éclairé par la lumière d'un arc électrique S (fig. 2). Le

condenseur L de la lanterne donne d'abord une image


réelle sur une fente j, fixée à un pendule P, dont la demi-
période est de 0s,9. Une autre lentille L' est placée de
façon à donner une deuxième image au delà du ménisque
et à obtenir sur celui-ci une plage uniformément éclairée.
Derrière le tube se trouve une lentille L", de 2cm environ
de distance focale; elle projette le ménisque sur une plaque

photographique Q, située à 1m,50 ou 2m. Le grossissement


varie de 80 à 90. Une fente f, placée devant la plaque, réduit
l'image à un trait d'un demi-millimètre, parallèle aux
déplacements du liquide et limité par un bord perpendi-
culaire. La lentille de projection a une vis de réglage qui
permet la mise au point; celle-ci est contrôlée à distance
à l'aide d'un viseur.
La plaque photographique est animée d'une vitesse
de 6cm à 7cm à la minute, vitesse suffisante pour que
chaque oscillation du pendule donne un trait lumineux
distinct des précédents. Il est donc facile de connaître
la valeur de la pression à des époques qui sont très rap-
prochées. La figure \3 reproduit un des clichés obtenus.
Les lectures sont faites sur la plaque photographique,
à t de millimètre près; la sensibilité de l'appareil est alors
d'un demi-millimètre d'air.
Troubles atmosphériques. — La première difficulté
rencontrée provient des mouvements atmosphériques.
Ils sont surtout sensibles les jours de grand vent ou plutôt
de basse pression. J'ai opéré dans les sous-sols du Collège
de France, où la température est bien constante, dans
une partie dont l'air était toujours très calme. De plus,
pour atténuer encore les oscillations du liquide, plusieurs
ouvertures voisines des appareils ont été bouchées et
j'ai enfermé dans une enveloppe de carton J (fig. i) tous
les orifices et les parties contiguës.
Ce dispositif permet de se déplacer plus librement
pendant les expériences. Mais toutes ces précautions ont
peu d'influence sur les troubles provenant de l'extérieur.
C'est que les perturbations atmosphériques se transmettent
non par l'air, mais par les murs et la table, qui commu-
niquent ainsi les ébranlements du bâtiment au manomètre
et à la lentille de projection.
En alourdissant les supports, on atténue les petites
perturbations, mais on prolonge les troubles importants;
aussi me suis-je contenté de fixer quelques morceaux de
plomb à la monture du manomètre. L'interposition de
feutre serré sous des supports de pierre est nuisible, car
l'ensemble ainsi constitué subit des déformations per-
sistantes.
Échauffement du ménisque. — Il est à craindre que la
chaleur de l'arc ne cause un déplacement du ménisque :
1° par évaporation; 2° par diminution de tension super-
ficielle, les deux effets étant de même sens.
Le premier doit seul subsister quand le ménisque
a atteint une température fixe; il sera donc négligeable,
si les déplacements se traduisent par une courbe à asymp-
tote parallèle à l'axe des temps.
C'est, en effet, une telle courbe que l'on obtient en
opérant avec l'appareil décrit, sans gaz carbonique, le
pendule étant arrêté, de façon à avoir un échauffement
assez intense. L'équilibre est atteint en 2 ou 3 minutes.
J'ai aussi opéré en observant avec un viseur à micro-
mètre le ménisque éclairé par une lampe toute proche.
Les résultats sont représentés par des courbes telles que
la courbe 1 (fig. 4). L'évaporation est donc négligeable.
Au contraire, le deuxième effet est très important.
Avant de commencer une expérience, on peut attendre
qu'il ait disparu. Mais il est bon de chercher à l'atténuer.
C'est pour cela que le pendule interrupteur est placé
avant le manomètre. De plus, la durée de l'éclair est
réduite à ~ de seconde. Dans ces conditions, l'échauffe-
ment est inappréciable et l'équilibre est atteint en 4 ou
5 secondes.

Solubilité de l'anhydride carbonique dans le xylol. — Un


troisième phénomène peut troubler l'équilibre. Lorsque
la partie R, R2, par exemple (fig. 1), contient du gaz car-
bonique, il diffuse vers le manomètre et se dissout dans le
xylol. J'ai trouvé pour coefficient de solubilité o,5 (à 170).
La solubilité agit ici en produisant une diminution
de tension superficielle sur le ménisque de la branche A,
si bien que le liquide se déplace vers l'autre côté.
Le phénomène est facile à mettre en évidence par
l'expérience suivante : on met une goutte de xylol dans
un tube ouvert aux deux extrémités et contenant de l'air
d'un côté et de l'anhydride carbonique de l'autre. Le tube
étant horizontal, on voit l'index se déplacer sans arrêt vers
l'air; pour s'assurer de l'horizontalité, on recommence
en retournant le tube.

On peut encore remplir de gaz l'appareil (fig. i) jus-


qu'en A. Le liquide subit alors peu à peu un déplacement
limité correspondant à la variation de tension superficielle.
En mesurant, d'autre part, l'ascension capillaire dans un
tube de même diamètre que le manomètre, j'ai trouvé que
la diminution relative était d'environ
Pour éviter ce phénomène, il suffit de balayer l'appareil
avant chaque expérience. Dans ces conditions, la diffusion
est loin d'atteindre le manomètre dans la durée d'un essai
(5 à 10 minutes). Il est facile de le vérifier.

Irrégularités du tube manométrique. — Le ménisque


déplacé donne des indications proportionnelles aux
pressions, si le tube est bien cylindrique. Mais s'il y a un
rétrécissement, même très faible, il n'en est plus ainsi :
la force capillaire varie et produit un déplacement du
liquide. Les défauts intérieurs du verre, inappréciables
par calibrage, tels que les irrégularités des stries, produisent
un effet analogue.
Si le même défaut s'étend sur quelques dixièmes de
millimètre, ce qui est la longueur pratiquement utilisée,
la courbe enregistrée peut présenter une erreur systé-

matique. Mais, d'ordinaire, on rencontre sur une telle


distance un grand nombre de grains beaucoup plus petits,
si bien que tout le long de l'expérience les erreurs se pro-
duisent également dans les deux sens et peuvent être
éliminées, grâce aux nombreuses mesures que donne le
dispositif employé.
Si l'on veut avoir des mesures absolues, il faut étalonner
l'appareil : c'est à cet usage que servent les tubes G et H,
que l'on met successivement en communication avec le
manomètre avant l'expérience proprement dite. Mais si
le ménisque, dans l'une ou l'autre des positions correspon-
dantes, se place sur un grain du verre ou dans un creux,
il y a une erreur d'étalonnage. La courbe II (fig. 5) montre
cette erreur. Le tube horizontal qui peut remplacer G et H
a été déplacé de 3cm en 3cm (ordonnées). On voit que les
positions photographiées du ménisque (abscisses) pré-
sentent, par rapport à la droite moyenne, des écarts attei-
gnant ici imm. Ils sont quelquefois plus grands, et il n'est
pas rare d'avoir sur l'étalonnage une erreur de Aussi
ai-je renoncé aux mesures absolues.

Influence de l'inertie et de la viscosité. — Tout ce qui


précède, vrai pour des pressions fixes, s'applique aux pres-
sions variables, lorsque le mouvement du liquide est lent.
Dans le cas contraire, il faut utiliser l'équation complète
Ax"+ Bx' — Cx = p,

x étant le déplacement, x' et x' ses dérivées par rapport au


temps, p la pression, fonction du temps, et A, B, C trois
constantes.
Par exemple, lorsque la pression augmente brusquement
et se maintient ensuite invariable, la solution est formée
de deux exponentielles, qui sont réelles dans les circons-
tances où j'ai opéré, comme le montre la courbe III (fig. 6).
A B
Pour connaître les rapports — et ^ (C est la constante
d'étalonnage), on peut procéder expérimentalement
comme il suit : Supposons, ce qui sera le cas de la diffusion,
que la vitesse et l'accélération deviennent de plus en plus
faibles. A partir d'une certaine époque, l'équation se
réduit à
(1) Cx = p(t),

ce qui fait connaître la fonction p (t). On porte en abscisses


non plus les t, mais les valeurs de p(t); l'équation (i)

est alors représentée par une droite. On mesure ensuite


sur la plaque x' et x", pour les différentes valeurs de t et,
par conséquent, de p (t), et l'on détermine deux nombres A
et B, de façon que les valeurs de A x" + BX' + Cx soient
proportionnelles aux abscisses, c'est-à-dire que les points
correspondants se placent sur la droite (i). Si la fonc-
tion p (t) a été bien déterminée, cela devra être possible.
La courbe IV (fig. 7) a été ainsi traitée. Comme il s'agit
d'une expérience de diffusion, la fonction p est \/t. V et VI
représentent la vitesse et l'accélération. (Les ordonnées
sont égales à 10 fois celles du cliché, si bien que l'écart
qui sépare la courbe IV de la droite VII doit être considéré
comme négligeable à partir de l'abscisse 3 ou 4 ; il a été
laissé pour la clarté de la figure.) On trouve alors qu'en
prenant pour ordonnée o,5 x' + x' + x, on obtient une
droite. Ces coefficients sont valables pour un état du
manomètre et, en particulier, tant qu'on ne renouvelle
pas le liquide, dont la masse et la longueur restent alors
constantes.

On peut ainsi arriver à utiliser les traits à partir du


.deuxième, au lieu de ne commencer qu'à 12 ou 15, et l'on
a l'allure du phénomène dès son début.
DEUXIÈME PARTIE.
Etude de la diffusion de l'anhydride carbonique dans l'air.

Historique. — La première méthode employée pour


l'étude de la diffusion des gaz fut celle de l'analyse
chimique (Loschmidt, 1870) reprise par M. von Ober-
mayer (1). M. Waitz utilisa la variation d'indice (2). Enfin,
M. Tœpler a imaginé de mesurer le changement de pres-
sion au bas d'un tube rempli de gaz et ouvert à l'air
libre (3).
Si p est la pression d'un des gaz au point d'abscisse x
dans un tube où se fait la diffusion et au temps t, le coeffi-
cient D de diffusion est défini par l'équation

Les expérimentateurs dont nous avons parlé ont trouvé,


entre leurs résultats et les conséquences de cette formule,
des écarts qu'ils ont attribués à une variation de D avec
la concentration. Cette variation dépassait souvent t.
Mais M. Brillouin (4), examinant les nombres précis de
MM. Waitz et von Obermayer, a montré que leurs expé-
riences comportaient des causes d'erreurs systématiques
et qu'on pouvait en tenir compte : il a obtenu un coefficient
constant.
Il était intéressant de retrouver directement ce résultat.
Aussi, ai-je repris, pour l'anhydride carbonique et l'air,
la méthode de M. Tœpler, modifiée par M. Brillouin.

(') Wien. Sitz. Ber.,1880 à i883.


C) K. W'AITZ, Ueber die Diffusion der Gase (Ann. derph. Ch. N. F.,
t. XVII, 1882, p. 201).
(3) M. TffiPLER, Zur Gasdiffusion (Jbid., t. LVIII, 1806, p. 599).
(4) M. BRILLOUIN, La diffusion des gaz sans paroi poreuse dépend -
elle de la concentration? (Congr. Ph., 1900, t. I, p. 512).
Principe. — Un tube vertical étant rempli d'anhydride
carbonique, on l'ouvre à sa partie supérieure. La diminu-
tion de pression qui se produit en bas est enregistrée avec
le manomètre différentiel, utilisé comme nous avons vu.
En intégrant l'équation (2), on trouve que le changement
de pression est proportionnel à Dt et l'on obtient la
formule

L étant la déviation enregistrée au temps t et X, celle qui


est donnée par les deux tubes d'étalonnage G et H,
distants de h.
Cette intégration suppose que D est constant. Il faut
alors vérifier que L est proportionnel àt.
Premier dispositif. — J'ai d'abord utilisé celui de
M. Brillouin. Le tube qui donne la communication avec

le manomètre est mastiqué au bas d'un tube d'acier de im,


DE (fig. 1), ayant imm, 2mm ou 3mm de diamètre.
Ce tube s'adapte à une plaque de cuivre K (fig. 8) percée
d'un autre trou b qui communique avec la partie G H.
Au-dessus est posée une autre plaque L, qui peut glisser
sur la première, de manière à découvrir l'orifice a, ainsi
qu'un troisième trou servant à l'écoulement du gaz diffusé.
En la faisant glisser en sens inverse, on amène sur les
orifices a et b un évidement d qui les fait communiquer.
Pour faire une expérience, on envoie le gaz carbonique
par le robinet R4 dans la partie RI ED ab GH (fi i). .
Quand il n'y a plus d'air, on met cette partie en commu-
nication avec le manomètre à l'aide de RI, en arrêtant
l'arrivée du gaz. Puis, si l'on veut étalonner, on tourne R3
vers G. La plaque photographique est mise en mouve-
ment, ainsi que le pendule interrupteur. Au bout d'une
demi-minute environ, on tourne R3 vers H et l'on enre-
gistre encore quelques traits. Alors on remet la communi-
cation seulement avec G, qui est au même niveau que
l'orifice a, et l'on découvre celui-ci en manœuvrant la
plaque : la diffusion se produit sans qu'il y ait de chan-
gement brusque au début et s'enregistre.
L'ouverture, qui doit être faite sans secousses, peut
être effectuée à la main ou automatiquement.

Deuxième dispositif. — Il se rapproche davantage de


celui de M. Tœpler. Sur la plaque de l'appareil précédent,
il se forme peut-être, malgré l'ouverture pratiquée à côté
de a, un dôme de gaz dont on ne connaît pas l'importance.
Pour l'éviter, j'ai aussi employé un tube sans plaque, la
communication avec GH étant établie par un robinet R2,
comme sur la figure i.
Le gaz arrive alors par RT et R2 en ED et en GH. Le
robinet R4 fait communiquer le manomètre et la partie
R, R4 avec l'atmosphère. Le remplissage terminé, on
tourne tous les robinets de façon à relier seulement
AR4 R, R2 R3 G, et l'on peut opérer sur les tubes d'éta-
lonnage G et H, comme ci-dessus. Pour la diffusion pro-
prement dite, on rétablit les communications comme au
début, sauf que le tube GH est maintenant isolé grâce
à R2. On tourne alors simultanément RI et R4 de façon
à relier le tube au manomètre, en interrompant l'arrivée
du gaz, et à isoler l'appareil de l'atmosphère en R4. Le
gaz n'arrive plus en ED et la diffusion commence.
Résultats. Constance du coefficient de diffusion. — Les
causes d'erreur énumérées au cours de ce travail, en
particulier la dissolution des gaz dans le xylol, que je n'ai
reconnue qu'assez tard, et les troubles atmosphériques,
dont on n'est pas maître, ont rendu inutilisables beau-
coup d'expériences. J'ai pu cependant obtenir quelques
clichés satisfaisants, dont. les indications se traduisent
par des courbes telles que VIII et IX (fig. 9). Les abscisses
sont les temps et les ordonnées sont les carrés de celles
des clichés. Les courbes reproduites ici ne contiennent que
les points de 10 en 10. (Les planches complètes ont de 200
à 3oo points.)
On doit avoir alors, non plus des paraboles, mais des
droites. C'est bien ce que l'on peut vérifier : on en conclut
que le coefficient de diffusion est constant.
Quant à sa valeur, elle est donnée par la formule (3)
lorsque l'on connaît avec précision. L'appareil a été
imaginé en vue de cette mesure. Mais nous avons vu plus
haut les difficultés d'un étalonnage précis.
Début de la diffusion. — Le début de la diffusion, qui
n'avait pas été étudié, est particulièrement intéressant.
Les courbes reproduites ici renseignent à ce sujet et
montrent que le phénomène est toujours le même. On
peut examiner en particulier la courbe IV (fig. 7), qui
contient tous les points relevés sur le même cliché que la
courbe VIII (fig. 9), pour les 3o premières secondes. Les
abscisses sont ici les racines carrées des temps et les ordon-
nées sont simplement proportionnelles à celles du cliché.
La courbe est une droite à partir de la dixième seconde
(l'échelle étant très grande, l'erreur limite de millimètre

est représentée par une demi-division). De plus, en faisant


la correction d'inertie et de viscosité, on obtient une droite
à partir de la deuxième seconde : on ne peut guère des-
cendre au-dessous, car il est difficile d'évaluer la vitesse
et l'accélération pendant la première seconde.

CONCLUSION.

Cette étude de la diffusion au moyen du manomètre


différentiel met en évidence les causes d'erreur suivantes :
Le mauvais temps ;
Les variations de température du ménisque ;
La dissolution du gaz dans le xylol;
Les irrégularités du tube manométrique ;
L'inertie et la viscosité du liquide.
Nous avons vu comment on pouvait faire disparaître les
quatre dernières ou en tenir compte. Quant à la première,
qui est la plus importante, le mieux est d'attendre les
jours de calme pour se servir du manomètre.
Ces expériences ont montré que le coefficient de diffu-
sion est constant, et cela dès le début de la diffusion. Il
resterait à mesurer sa valeur exacte en construisant un
appareil que l'on puisse étalonner de façon précise.
TABLE DES MATIÈRES.
TOME XXIX (8e SÉRIE).

Pages.
Recherches sur le rayonnement; par M. E. BAUER 5 X.

La charge élémentaire de l'électron. Recherches sur la loi de


Stokes ; par M. JULES Roux 69
Contribution à l'étude des solutions concentrées; par M. ÉMILE
BAUD 19.4

Séparation des effets lumineux et calorifiques produits par


^
une source de lumière; par M. DUSSAUD 143

Synthèse des glucosides d'alcools à l'aide de l'émulsine et


réversibilité des actions fermentaires; par M. EM. BOUR-
QUELOT et M. BRIDEL 145

Recherches magnétochimiques (troisième Mémoire ) ; par


M. PAUL PASCAL 218
Recherches sur le rayonnement (suite); par M. E. BAUER... 244 FC

Influence de la température sur la tension superficielle du


mercure dans le vide ; par M. R. CENAO 298

Synthèses au moyen de l'amidure de sodium (deuxième Mé-


moire); par MM. A. IIALLER et E. BAUER 313

Sur l'existence d'une viscosité superficielle, dans la mince


couche de transition séparant un liquide d'un autre fluide
contigu ; par M. J. BOUSSINESQ 349 ^
Application des formules de viscosité superficielle à la sur-
face d'une goutte liquide sphérique, tombant lentement,
Pages.
d'un mouvement devenu uniforme, au sein d'une masse
fluide indéfinie en repos, d'un poids spécifique moindre;
par M. J. BOUSSINESQ .
357

Vitesse de la chute lente, devenue uniforme, d'une goutte


liquide sphérique, dans un fluide visqueux de poids spéci-
fique moindre; par M. J. BOUSSINESQ 364

Recherches sur le rayonnement (suite) (deuxième Partie);


- par M. E. BAUER 372

Sur les propriétés électriques des métaux alcalins, du rho-


dium et de l'iridium; par MM. L. HACKSPILL et W. BRO-
NIEWSKI 455

Sur l'électrolyse des solutions de lithine; par MM. W. (ECH-


SNER DE CONINCK et A. BOUTARIC 471

L'atome monovalent ne peut pas être un doublet pur;


par M. Marcel BRILLOUIN 473
ContribuLion à l'étude physico-chimique de la neutralisation;
par M. E. CORNEC 491

Recherches sur quelques composés acétyléniques ; par


M. E. ANDRÉ 540
Emploi du manomètre différentiel de Tœpler dans l'étude de
la diffusion des gaz; par M. R. FOCH 597
Table des Matières du Tome XXIX de la 81 série .......... 615

FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME XXIX


DE LA 8* SÉRIE.

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