Professional Documents
Culture Documents
4
POLITIQUE BUDGÉTAIRE
On tient maintenant compte du fait que dans les économies modernes, une partie de la
production est achetée par le gouvernement. L'évolution des dépenses publiques en % du PIB
au cours du XXe siècle est considérable même si elle semble stoppée depuis une dizaine
d'années comme le montre le tableau 4.1.
Plus loin, le tableau 4.5 montre que ces dépenses se composent approximativement de
deux parties. Une partie consiste en transferts de revenus. Nous verrons au chapitre 10
comment les modèles de croissance parviennent à expliquer l'augmentation au cours du temps
de ces transferts. L'autre partie consiste en investissements publics et en dépenses en biens et
services. Ce chapitre est surtout consacré à cette catégorie de dépenses en biens publics.
Dans le modèle néoclassique, les dépenses du gouvernement se substituent aux
dépenses privées, elles n'ont aucune influence sur l'allocation des ressources, et évidemment
sur la croissance. Seul leur mode de financement peut perturber l'allocation optimale, selon
que l'impôt provoque ou non des distorsions, mais le financement par endettement n'a lui
aucune influence sur l'économie lorsque la dette est soutenable. Ces points font l'objet de la
section 1.
Dans la théorie de la croissance endogène, les dépenses du gouvernement peuvent,
lorsqu'elles sont productives, agir positivement sur les niveaux des variables et sur le taux de
croissance de l'économie. Mais le financement de ces dépenses agit lui évidemment
négativement sur les niveaux et le taux de croissance. Il en résulte un niveau optimal de ces
dépenses. Cette question est étudiée dans la section 2.
En ce qui concerne la partie des dépenses publiques non productives, qui consiste en
des transferts sociaux, la section 3 examine leur coût en termes de croissance. Que ces
dépenses visent dans les social-démocraties à accroître directement l'utilité des agents, ou dans
les dictatures à accroître l'utilité d'un dictateur malveillant, les transferts non productifs ont un
coût en termes de croissance.
2
1) Les dépenses sont financées par un impôt forfaitaire qui ne provoque aucune
distorsion (il ne modifie pas la productivité marginale du capital ni le taux d'intérêt).
L'évolution de la consommation reste inchangée : Dcˆ 1 r x cˆ .
Seule la contrainte budgétaire du consommateur, contrainte instantanée et intertemporelle1, est
affectée par les impôts :
contrainte instantanée : Da w ra na c
contrainte intertemporelle : e rt .cˆt .e( n x )t dt aˆ0 e rt .(wˆ ˆ).e( n x )t dt où ˆ ĝ (4.1)
0 0
Donc la contrainte d'accumulation devient : Dkˆ f kˆ cˆ gˆ x n kˆ .
2
Sur la figure 4.1, Dcˆ 0 n'est pas affecté et Dkˆ 0 est déplacé vers le bas de ĝ .
ĉ Dcˆ 0
cˆ* ĝ
Dkˆ 0
cˆ **
k̂
kˆ *
Pour atteindre le nouvel état régulier, il faut que la consommation baisse du montant des
dépenses publiques. Ni le stock de capital, ni le taux d'intérêt ne sont affectés. Le seul effet est
que les dépenses publiques évincent les dépenses privées de consommation.
1
Voir encadré 4.1.
2
Voir démonstration de l'équation 3.6.
3
2) L'impôt taxe le rendement du capital au taux . Alors r est le taux d'intérêt net d'impôt, et
(1- ).r est la rémunération du capital après impôt.
D'une part, la contrainte budgétaire instantanée du consommateur devient
Da w (1 )ra na c , donc3 la contrainte d'accumulation devient :
Dkˆ f kˆ cˆ x n kˆ rkˆ où rkˆ gˆ pour que le budget soit équilibré.
D'autre part le sentier de consommation devient :
Dcˆ 1 1 r x cˆ où 1 .r 1 . f '(kˆ) .
La taxation du capital affecte le niveau du capital d'état stationnaire et déplace vers la gauche
Dcˆ 0 sur la figure 4.2.
ĉ Dcˆ( ) 0 Dcˆ 0
Dkˆ ( ) 0 Dkˆ 0
kˆ * ( )
kˆ * k̂
Si en t0 les dépenses publiques ne sont plus financées par les impôts courants mais par
emprunt public DB=G-T+rB, (B est la dette publique), la contrainte budgétaire
intertemporelle du gouvernement devient (voir encadré 4.1) :
e
rt
.(ˆ gˆ ).e( n x )t dt bˆ0 (4.2)
0
3
Voir démonstration de l'équation 3.6.
4
Le gouvernement n'a plus besoin, à chaque période, d'équilibrer son budget et peut
financer son déficit courant en s'endettant, mais la dette initiale doit être égale à la somme
actualisée des excédents budgétaires primaires futurs.
Puisque la dette est interne (l'économie est fermée), elle est due par la nation à ses
propres citoyens : « nous la devons à nous même ». Comme le consommateur est rationnel, il
prend en compte la contrainte budgétaire du gouvernement, et il remplace b̂0 par la valeur
présente des excédents budgétaires primaires futurs (équation 4.2).
L'équation 4.4 que nous venons d'obtenir, est exactement la même que dans le cas où
le budget est équilibré à chaque date (équation 4.1). Si l'agent est altruiste et rationnel, sa
contrainte ne dépend ni de la dette publique ni des impôts. Tout ce qui compte pour les
décisions de consommation, c'est le profil temporel de g, comme on l'a vu ci-dessus.
Cette affirmation a une conséquence importante : la méthode de financement des
dépenses publiques (impôt ou dette) est neutre sur les décisions de consommation. Ce
théorème de neutralité de la dette publique est appelé principe d'équivalence ricardienne
(Barro 1974). Ce principe dit que seul le sentier d'évolution de g et non celui des impôts
destinés à les financer, a un impact sur l'économie. Les consommateurs altruistes et rationnels
savent que le recours courant à l'emprunt est synonyme d'une augmentation différée des
impôts qui sera prise en charge par les générations futures. Le « père fondateur » ne considère
pas la baisse transitoire des impôts ou l'augmentation des dépenses de l'État financées à crédit
comme un enrichissement pour sa dynastie, il réagit à la détérioration du bien-être des
générations futures par un effort d'épargne supplémentaire. La contrainte budgétaire de la
dynastie n'est pas affectée, donc le sentier de consommation reste inchangé.
Les modèles keynésiens supposent qu'en remplaçant l'impôt par un emprunt on
augmente la consommation, que la consommation dépend du revenu disponible (w- ).
L'analyse ricardienne implique qu'elle dépend de (w-g), pas du mode de financement de g, que
les déficits n'ont d'effets ni sur l'accumulation du capital ni sur la consommation.
Cette conclusion aux implications politiques pour le moins importantes, dépend des
hypothèses : rationalité, altruisme, perfection des marchés financiers (taux d'intérêt identiques
pour l'État et les agents), absence de distorsion fiscale (impôt forfaitaire), respect de
l'interdiction d'un jeu de Ponzi, non productivité des dépenses publiques. Elle n'est pas
corroborée économétriquement. Dans la réalité les agents sont victimes d'illusion fiscale, ou
ne sont pas altruistes, ou ne peuvent emprunter au même taux que l'État...
Tableau 4.2 : Déficit public en France en % du PIB (les valeurs négatives sont des excédent)
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
5
Le déficit primaire est un instrument de politique conjoncturelle qui est donc soumis à
la contrainte d'endettement de l'État. Certes l'État peut financer son endettement (principal et
intérêt) par les impôts, mais il existe des résistances à la montée de la pression fiscale, d'autant
plus, lorsque celle-ci atteint 50% comme c'est le cas en France (tableau 4.1). L'État est soumis
à une contrainte budgétaire intertemporelle. Celle-ci se traduit par le critère de soutenabilité
de la dette publique qui impose que le ratio d'endettement (b= B/Y) ne soit pas croissant
( Db 0 ).
Si l'État finance son déficit par l'endettement, la variation de la dette (DB) est :
DB G T rB
DB G T rB , en divisant par Y :
Y Y Y Y
B DB.Y DY .B DB DY B DB DY B B
comme D( ) 2
, on a : D( ) .b D(b)
Y Y Y Y Y Y Y Y Y
Donc : .b D(b) ( g t ) r.b où b= B/Y, g= G/Y, t= T/Y et en définitive :
D(b) ( g t ) (r ).b (4.5)
Si r < , la dynamique de la dette est stable, la croissance de Y est supérieure à celle de B.
Si r > , la dynamique de la dette est explosive, le ratio d'endettement croît constamment,
c'est l'effet boule de neige, la dette publique est insoutenable. C'est le cas en France de 1992 à
1996 quand l'État enregistre un déficit primaire alors que le taux d'intérêt est supérieur au taux
de croissance. Dans ce cas, pour stabiliser la dette, c'est-à-dire pour que D(b) 0 , il faut un
excédent primaire stabilisant qui dépend du niveau où l'on veut stabiliser le taux
d'endettement : (t - g) = (r - ).b. Si celui-ci est comme le préconisent les critères de
Maastricht de 60%, et si l'on prend r=5% et =2.5%, il faut alors dégager un excédent
primaire de : 1.5% = (5 - 2.5).60%. La dette publique doit avoir pour contrepartie les
excédents primaires futurs.
Cela traduit la contrainte intertemporelle de l'État (voir encadré 4.1). Le corollaire est
que le recours à l'emprunt pour financer les dépenses publiques ne constitue pas un moyen de
réduire les impôts courants, mais seulement un moyen d'en différer le paiement dans le temps.
C'est le principe de l'équivalence ricardienne que nous venons d'étudier.
Les solutions pour relâcher cette contrainte de solvabilité sont : 1) d'augmenter les
impôts (solution impossible si l'on introduit un taux de pression fiscale maximal), 2) de
renégocier la dette à un taux d'intérêt plus faible (l'amortissement des titres émis avant 1993 à
des taux élevés a permis de relâcher la contrainte de solvabilité), 3) de favoriser l'inflation
6
pour faire baisser le taux d'intérêt réel (taxe d'inflation qui dévalorise la dette réelle), 4) enfin
une possibilité théorique, que nous allons envisager, est d'admettre que les dépenses publiques
productives puissent agir favorablement sur la croissance.
e
( n x r )t
. Daˆ (n x r )aˆ .dt e( n x r )t .(wˆ ˆ cˆ).dt
0 0
Remarquons que :
D e( n xr )t aˆ cst (n x r )e( n xr )t .aˆ Daˆ.e( n xr )t e( n xr )t Daˆ (n x r )aˆ
C'est à dire que le terme à l'intérieur de l'intégrale de gauche est la dérivée par rapport au
temps de e( n x r )t aˆ cst . On a donc l’égalité :
T T
0 0
T
e( n x r )t aˆ cst e( n x r )t ( wˆ ˆ cˆ)dt
T
0
0
T
aˆ (T )e ( n x r )T
aˆ (0) e( n x r )t ( wˆ ˆ cˆ)dt
0
où quand T e rT
bˆ(T ).e( n x )T e rT b(T ).enT e rT B(T ) = 0 d'après l'interdiction des jeux de
7
Ponzi (qui interdit que la dette de l'état (B) croisse à un taux supérieur à r) et la condition de
transversalité (qui empêche les actifs (-B) de croître à un taux supérieur à r).
et donc quand T : e rt .(ˆ gˆ ).e( n x )t dt bˆ0
0
1
1 Pmk (4.9)
Il nous suffit donc d'évaluer la productivité marginale du capital que calcule l'agent
décentralisé. On va exprimer celle-ci en fonction de (g/y), la taille de l'État 4:
y g
1
g 1
Avec (4.7) on calcule : (1 ) A( ) (1 ) A1 .
k k y
1
1 1 g 1
On peut exprimer alors le taux de croissance : 1 (1 ) A (4.10)
y
Une augmentation de la taille de l'État ( = g/y) a deux effets sur le taux de croissance : un
effet négatif en augmentant , un effet positif en augmentant (g/y). Augmenter (g/y)
augmente la productivité marginale du capital et donc le taux de croissance .
1/(1 )
g g y g Ak ( g / k ) g
4
On utilise A pour exprimer la productivité marginale du capital en
k yk y k y
fonction de g/y. Puisque g/y est constant (équation 4.6) g/k est constant.
9
La taille optimale est celle d'une économie décentralisée. Pour plusieurs taux
d'imposition proportionnels (1 , 2 ,... ,... n ) , les agents calculent la productivité marginale du
capital nette d'impôt et leur sentier de consommation. Mais cet équilibre concurrentiel n'est
pas optimal, car il existe une externalité : les agents privés calculent qu'en investissant plus, ils
augmentent leur production mais ne tiennent pas compte du fait que l'augmentation de la
production élargit la base fiscale et donc la dépense publique productive. L'équilibre
décentralisé va différer de l'équilibre centralisé.
L'équilibre décentralisé avec impôt proportionnel est calculé ainsi par les agents : ils
considèrent la fonction de production (4.7), y Ak 1 g , ils prennent les dépenses publiques,
g, comme une donnée, et calculent leur productivité marginale du capital et Dc/c qui tient
compte de la fiscalité proportionnelle :
10
1
g 1
Pmk privée (1 ) A 1
(4.11)
y
1
1 1 g 1
privé
prop
1 (1 ) A (4.12)
y
L'équilibre centralisé est calculé par le dictateur qui tient compte de la fonction de
production (4.7) et de la contrainte budgétaire (4.6). On remarque alors que le modèle de
Barro n'est qu'une forme du modèle AK, puisque la fonction de production est :
y Ak (1 ) g Ak (1 ) y d'où y (1 ) Ak (1 ) et
1
y A1 1 .k (4.13)
Alors que les agents privés calculent leur productivité marginale du capital pour g
donné, l'État calcule lui la productivité marginale du capital pour g/y constant. Le dictateur
bienveillant calcule la véritable productivité marginale du capital pour la société5, il en déduit
le taux de croissance optimal en tenant compte de la contrainte : g = y.
1
g 1
Pmkopt A 1
(4.14)
y
1
1 1 g 1
opt
1 A (4.15)
y
On déduit que l'équilibre décentralisé n'est pas optimal : parce que les agents privés ne
tiennent pas compte, quand ils calculent leur productivité marginale du capital, du fait que
l'augmentation de y élargira la base fiscale et augmentera les dépenses publiques productives,
ils n'investissent pas assez et le taux de croissance privé est inférieur au taux de croissance
centralisé, quelle que soit la taille de l'État.
g
5
Avec y Ak on calcule :
k
1 1
g g g g g g g
Pmk priv A Ak 2 A A Pmkopt Pmg
k k k k k k k
g
Pmkopt Pmk priv Pmg .
k
La Pmkopt prend en compte la contribution directe de k à y et celle qui transite par les dépenses publiques.
11
opt
prop
Pour corriger cette externalité des comportements d'investissement, l'État pourrait
gérer lui même l'investissement de façon centralisée (voir note de bas de page 1 dans
l'introduction). On va envisager deux politiques décentralisées fondées sur des incitations
fiscales :
Subvention à la production : l'État peut subventionner la production au taux 1 ,
(1 ) g g
1
g 1
alors : y 1 g et Pmk privée 1 (1 ) A( ) A( ) A
sub 1
. Ak
1 1 k k y
1
1 1 g 1
et le taux de croissance devient optimal privé sub
1 A .
y
La subvention augmente la productivité marginale du capital jusqu'à son niveau socialement
optimal et on obtient privée
sub
opt . La subvention incite les agents à investir suffisamment et
cela quelle que soit la taille de l'État.
Impôt forfaitaire ( L ) : En microéconomie statique on sait que l'impôt forfaitaire
n'implique aucune distorsion, c'est le cas ici, puisque le problème du consommateur devient :
c1 1
Max/c : W e t
sous : Dk = f(k) - c - L .
1
Dans la contrainte, l'impôt n'est plus proportionnel (comme dans l'équation 4.8), mais
forfaitaire (avec L = g) et n'affecte donc plus la productivité marginale du capital.
1
1
1
1
(1 ) A
g 1 g
Pmk privée (1 ) A et privé
L 1 L 1
(4.16)
y y
Si la taille est optimale, alors dans l'équation (4.15) et dans ce cas on a : privée
L
opt .
Nous expliquons plus loin pourquoi cette politique fiscale n'est optimale que pour la taille
optimale.
Examinons pour l'instant la relation entre g/y et le taux de croissance en cas d'impôt
forfaitaire : une augmentation de g/y accroît la productivité marginale du capital, ce qui
augmente la croissance, mais puisque l'impôt est forfaitaire, il n'y a plus l'effet négatif sur la
productivité marginale du capital nette d'impôt. Seul joue l'effet positif, la relation est toujours
croissante en fonction de . Le lecteur calculera que : 0.
( g / y)
L
prop
prop
1
1
1
1 A
1
opt
Si alors L opt prop
Si alors opt L prop
Si alors L opt prop
La figure 4.6 décrit la hiérarchie des trois taux selon la taille de l'État. On voit que la
politique d'impôt forfaitaire ne permet d'atteindre un taux de croissance optimal que pour la
taille optimale. Nous allons expliquer ce point.
Cette analyse nous donne quelques enseignements sur le lien entre la fiscalité optimale
et la croissance dans une économie décentralisée. On se place dans une économie
décentralisée (sans dictateur bienveillant capable d'internaliser les externalités). La question
est de savoir par quel moyen décentralisé (une taxe forfaitaire ou un impôt sur le revenu) on
parvient au mieux à corriger l'externalité. L'objectif est, quelle que soit la taille de l'État, de se
14
rapprocher du taux de croissance optimal (voir figure 4.6). Par hypothèse, on ne peut avoir
opt . Dès lors que vaut il mieux avoir L ou prop ?
Si la taille est optimale, le graphe montre que l'impôt forfaitaire permet d'atteindre le
taux de croissance optimal. Si la taille est trop petite, aucune fiscalité n'est optimale. Mais
l'impôt forfaitaire donne clairement des taux de croissance plus élevés et plus proches des taux
optimaux. Si la taille est trop grande (dépasse de beaucoup ), l'impôt sur le revenu fait
converger le taux de croissance vers l'optimum. Pour un État très grand, l'impôt sur le revenu
est préférable (solution de second rang) pour refroidir les ardeurs des investisseurs qui avec un
impôt forfaitaire sont trop incités à investir. L'impôt sur le revenu est un moyen d'internaliser
l'externalité négative des investissement excessifs. L'impôt sur le revenu est un moyen de
corriger l'inefficience dynamique qui apparaît dans le modèle de Barro en cas de taille
excessive de l'État.
En conclusion, une taxe forfaitaire n'est pas la fiscalité optimale dans une économie en
croissance où les dépenses publiques sont productives, sauf si la taille de l'État est optimale.
Une taxe forfaitaire n'est pas la meilleure fiscalité dans une économie décentralisée où la taille
de l'État est trop importante. Elle n'internalise pas l'externalité négative du trop grand poids de
l'État. Si on prend comme une donnée le poids excessif de l'État, la revendication politique de
l'instauration d'une taxe forfaitaire n'est pas une politique optimale. Dans une telle situation, il
faut au contraire taxer les revenus de l'épargne pour inciter les agents à investir moins, ce qui
augmentera le niveau de la consommation, corrigera l'inefficience dynamique. La recherche de
la taille optimale est la politique prioritaire. La première revendication doit être une
diminution de la taille de l'État, aux alentours d'une valeur égale à l'élasticité de la production
au capital public. Mais cette revendication ignore pour l'instant le fait que les dépenses
publiques peuvent aussi augmenter directement le bien-être du consommateur. C'est ce que
nous examinerons dans la section 3.
On a fait jusqu'ici l'hypothèse que l'État offrait des biens rivaux et excluables, on
reprend ce résultat puis on envisage les trois autres possibilités.
- Si le bien est rival et excluable (bien privé) : la fonction de production est pour les
agents y Ak 1 g où g est donné et
privée 1 (1 ) A gk
g 1
Pmk privée (1 ) A( ) et (4.12)
k
g
La fonction de production est pour le dictateur y = A.k . k
où g/k est donné et
opt 1 A gk
g 1
Pmkopt A( ) et (4.15)
k
Conclusion : opt privé , En imposant une taille optimale, ( ) une croissance optimale
peut être obtenue par une taxe forfaitaire. Elle supprime le terme (1- ) dans le privé .
- Si le bien est non rival et non excluable (bien public pur) : dans ce cas la quantité
fournie est indivisible, l'input est la quantité totale de dépense publique (G). La fonction de
production est pour les agents : y Ak 1 G et
15
1
Pmk privée (1 ) A( Gk ) et privée 1 (1 ) A Gk (4.17)
La fonction de production est pour le dictateur y A.k . G
k
et
1
Pmkopt A( Gk ) et opt 1 A Gk (4.18)
Conclusion : opt privé , En imposant une taille optimale, ( ) une croissance optimale
peut être obtenue par une taxe forfaitaire. Elle supprime le terme (1- ) dans le privé .
- Si le bien est rival et non excluable (bien public soumis à congestion) : la quantité
fournie est indivisible, l'input est la quantité totale de dépense publique (G). Mais lorsque plus
d'agents utilisent ce bien, les autres peuvent moins en profiter (routes, égouts, réseaux...), le
bien public est soumis à congestion. On suppose que son utilisation comme input croît avec la
richesse de l'économie représentée par K=Nk. On modélise cela en supposant que l'input
disponible par agent décroît quand K augmente. La fonction de production est pour les agents
y Ak G
K
et Pmk privée A( GK ) . Pour les agents, la variable de contrôle est k, ils prennent
comme donné l'effet de congestion (G/K). Supposons ici que le dictateur internalise l'effet de
congestion dans son calcul de la productivité marginale du capital optimale. La fonction de
production est alors pour le dictateur Y AK 1 G et Pmkopt A(1 )( GK ) .
On constate que Pmkprivée > Pmkopt car il y a une externalité négative. Les producteurs sont
trop incités à investir. En produisant plus, les producteurs accroissent la congestion des
services publics, il en résulte une perte d'efficience des dépenses publiques. Le dictateur, en
considérant la fonction de production macroéconomique peut internaliser cela.
De façon décentralisée, un impôt proportionnel peut également internaliser l'effet de
congestion en refroidissant les ardeurs des investisseurs. Il est ici préférable à l'impôt
forfaitaire. Pour la taille optimale ( ) , l'impôt proportionnel égalise la productivité privée
nette d'impôt à la productivité optimale : Pmk privée,nette 1 A GK = Pmkopt 1 A GK .
Ce résultat contredit de nouveau la supériorité de l'impôt forfaitaire. Thomson (1976),
Barro et Sala-I-Martin (1992) soulignent que, loin d'être exceptionnel, ce cas de figure est le
cas général des biens fournis par le gouvernement, biens rivaux, non excluables, et soumis à
congestion : les réseaux routiers, d'eau, d'égouts, mais également la sécurité nationale (interne
et externe). En effet la menace qui pèse sur une société dépend positivement de la richesse de
cette société. Dès lors l'input est bien (G/K) puisque (G/K) représente le niveau réel de
sécurité. Le bien-être des agents nécessite donc que (G/K) demeure constant. La solution
optimale est celle obtenue par un gouvernement, qui pratique un impôt proportionnel,
maintient son budget équilibré et se faisant, se fixe donc comme contrainte de maintenir (G/K)
constant. Alors la fonction de production du dictateur est la même que celle des agents,
pour le dictateur et y Ak G K pour les agents et donc on
respectivement, Y AK G K
déduit l'identité des productivités marginale du capital et des taux de croissance :
privée 1 A GK = opt 1 A GK
1 1
(4.19)
Lorsque les biens publics sont soumis à congestion, avec un impôt forfaitaire la
croissance privée est trop forte, la croissance optimale est obtenue pour un impôt
proportionnel au taux . Cette idée est très générale et montre une vertu non négligeable de la
fiscalité sur le revenu.
16
On suppose maintenant deux types de dépenses publiques : une partie productive (g)
est introduite dans la fonction de production et une partie improductive (h) est introduite dans
la fonction d'utilité des agents. Elles sont financées par un impôt proportionnel de welfare
state : WS g h où g g y est la part des dépenses publiques productives et h h y
la part des dépenses publiques de consommation. Ces dernières améliorent l'utilité des agents
1 1
h ) 1
. La croissance, h 1 1 g h A(1 ) gk ,
t (c
qui devient W e
1
est sans surprise plus faible puisque la fiscalité est plus lourde. On peut considérer h comme
une fuite improductive. Comme pour l'équation 4.10, on peut exprimer le taux de croissance
en fonction de g g y .
17
1
g
h 1 g h (1 ) A1
1 1
(4.20)
y
La taille de l'État (en terme de dépenses publiques productives) qui maximise la croissance est
d h
alors plus faible : 0 pour g 1 h .
d ( g y)
La taille de l'État qui maximise l'utilité est plus difficile à calculer (il faut calculer puis
maximiser U(0) par rapport à g et h , on trouve, après de longs calculs, g . Ce résultat
douloureux à obtenir mathématiquement, est en fait assez intuitif comme on va l'expliquer.
occidentales, du tableau 4.5. La structure des dépenses publiques est approximativement 25%
du PIB pour les dépenses productives (consommation des administrations et investissement
public) et 15% du PIB pour les dépenses de bien-être (Transferts : sécurité sociale, allocations
chômage). La France et l'Allemagne consacrent toutefois une part plus importante aux
transferts.
Tableau 4.5 : Structure des dépenses en % du PIB en 1975 / 1993 :
Pays Total Consommation Investissement Transferts Intérêts
administrations dette
USA 33,5 / 34,5 18,7 / 17,3 2,9 / 2,2 9,5 / 10,6 2,4 / 4,4
Japon 26,8 / 34,3 10,5 / 10,5 9,1 / 8,6 6 / 11,4 1,2 / 3,8
RU 45,2 / 44,1 23,7 / 24,1 8,4 / 2,9 9,2 / 14,2 3,9 / 2,9
Allemagne 48,8 / 50,4 23,7 / 22,1 3,5 / 2,7 20 / 22,3 1,6 / 3,3
France 44,2 / 55 20,7 / 22,2 4,5 / 3,9 17,8 / 25,2 1,2 / 3,7
Source : World economic outlook data base.
4.3.2 Le gouvernement prédateur
Varoudakis (1996) modélise sur la base du modèle de Barro où les dépenses publiques
sont productives, la croissance dans un régime non démocratique en considérant d'autres
fonctions objectif : celle d'un dictateur malveillant, celle d'un gouvernement bureaucrate.
1 1
1 1
1
(1 p ) 1 A
g 1 1 A (1 )
p 1 2 1
(4.21)
y
p
p
gp g/y
Le taux de croissance suivant généralise pour différents et g/y les analyses précédentes :
1 1 1 A 1
1
g 1
(4.23)
y
db db = (g/y) = (g/y) =
p p > (g/y) = (g/y) =
b
(g/y) >
b = (g/y) >
Le prédateur a une fiscalité plus lourde que le dictateur bienveillant, cela grève la
productivité marginale du capital et la croissance d'une fuite. Il y a fuite d'une part du
prélèvement fiscal dans la poche du prédateur ou pour financer le lobby du prédateur. Cette
situation s'analyse de la même façon si cette fuite va dans des dépenses de welfare state. La
fuite servant alors a financer les dépenses en bien-être de la population.
Le bureaucrate a une fiscalité plus lourde mais productive. Il n'y a pas de fuite, tous
les impôts sont redistribués en dépenses publiques productives (g). La fiscalité ne déplace pas
la courbe de croissance, mais la taille étant plus grande, on se déplace sur cette courbe au delà
du seuil d'efficience.
La croissance peut être plus faible pour deux raisons politiques différentes : parce
qu'il y a des dépenses de consommation improductives (welfare state ou consommation du
dictateur) parce qu'il y a des dépenses productives excessives.
Conclusion
Les dépenses publiques sont improductives dans le modèle néoclassique et ne
provoquent qu'un effet d'éviction de la consommation. L'équivalence ricardienne implique que
la dette publique ne provoque aucune redistribution entre les générations. Que les pauvres
générations présentes ne peuvent faire payer les dépenses publiques par les riches générations
futures. Nous verrons au chapitre 10 dans le modèle à générations imbriquées où n'intervient
pas l'équivalence ricardienne que la dette peut, dans ce cas, être un moyen de redistribution
entre les générations.
Au cours des vingt dernières années les dépenses publiques et la dette publique ont
fortement augmenté dans plusieurs pays de l'OCDE, mais pas tous. Le modèle de croissance
21