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Les aviateurs José Romanet, Carlos Martínez de Pinillos, Elmer Le vaste territoire péruvien, composé principale-
James Faucett Clark et Lloyd E. Moore posent devant un Curtiss ment de profonds déserts, de hautes chaînes de
Jenny de l’Escuela de Aviación Civil de Bellavista, qui est gérée par montagne et d’interminables forêts tropicales, pré-
la Curtiss Aviation and Motor Co., début 1921. (Auteur) sente un défi constant à la communication entre
la capitale, les principales villes et les centres ad-
ministratifs du pays.
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Les Stinson d’Elmer J. Faucett
Des avions de transport du CAP sur l’aéroport de San Ramón, en 1934. Un Stinson SM-1B prêt au décollage se trouve en
compagnie d’un Travel Air 6000B tandis que l’on aperçoit à l’arrière-plan l’épave d’un autre Travel Air 6000B,
vendu auparavant au CAP par Faucett. On remarque les roues type « bush » du Stinson. (IEHAP)
par le monde « externe » et à s’installer à San Ramón, 1937. Officiers et rampants devant le Stinson SM-1B imma-
Hammondsport, où il trouve du travail à l’usine triculé IV/6-TP-1G du IV Escuadrón de Aviación du CAP. Cet appareil a
Curtiss Aeroplane & Motor Co. et où il devient été acheté par le gouvernement péruvien à la Compañía de Aviación
mécanicien d’aviation. C’est à cette époque Faucett S.A. fin 1933. (Archivo Histórico de la Marina via Maguiña)
que Faucett développe son amour pour l’avia-
tion, et apprend à piloter avec des hommes
tels que Jim Ray et Floyd Bennett, qui devien-
dront ensuite célèbres. Ce premier contact
avec l’aviation aboutit en 1916 à l’engagement
de Faucett dans l’armée où il se trouve affecté
à la frontière sud dans le cadre de l’« Expedi-
tion Punitive » , opération de l’US Army desti-
née à capturer Pancho Villa, et dirigée par le
général John J. Pershing. Il quitte l’armée
quelque temps après pour revenir à son em-
ploi antérieur à l’usine Curtiss de Hammond-
sport, qui se trouve alors très occupée à
produire de nombreux avions pour l’armée et
la marine américaines.
En 1920 « Slim » est Chef-mécanicien des
ateliers Curtiss à l’aéroport de Roosevelt Field,
NY. Le mécanicien va cependant vite succom-
ber au désir de voler, et un jour il emprunte sans
autorisation un des appareils récemment répa-
rés à l’atelier pour aller faire un « petit tour » ,
une violation flagrante du règlement qui finit
par lui coûter son emploi. Le mécanicien dés-
ormais au chômage cherche alors un nouvel
emploi outre-mer, et ayant appris l’existence
d’une mission commerciale Curtiss à Lima, il
décide d’y tenter sa chance et arrive au port
de Callao le 28 juin 1920.
Une fois établi à Lima, « Slim » va continuer Le large train d’atterrissage du Stinson F.10 est clairement visible sur
à poursuivre son rêve de pilotage, et peu cette photo prise sur l’aérodrome de Santa Cruz en décembre 1936.
après son arrivée il s’inscrit à l’école d’aviation (Currarino)
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gérée par la mission Curtiss Aeroplane & Motor Co., basée sur Cia de Aviación Faucett S.A. a été portée à huit avions, dont
le petit aérodrome civil de Bellavista, près du Callao, où il fait un SM-1B, cinq SM-6B et un unique Travel Air 6000B3.
son premier vol « solo » le 1er mars 1921. Son brevet de pilote
en poche, Faucett est embauché par l’école comme mécani- Si le Detroiter offre quelques avancées technologiques et
cien et instructeur, et effectue entre autres tâches des vols de commodités intéressantes telles que l’insonorisation et la cli-
promotion des appareils Curtiss à l’intérieur du Pérou, visitant matisation de la cabine, ses performances en altitude laissent
divers villages et villes des régions côtières et montagneuses. à désirer, et Faucett les trouve limitées pour opérer sur les
C’est durant ces voyages que Faucett entrevoit la grande op- Andes, à cause du manque de puissance. De plus, après
portunité offerte par le pays à l’aviation commerciale, et décide quelques années de service la cellule commence à montrer
d’orienter sa carrière en conséquence. Il fait un gros effort et les dommages causés par la rigueur des opérations depuis
investit la quasi-totalité de ses économies dans un Curtiss « des terrains sommaires, bien que tous les avions soient dotés
Oriole » précédemment employé par l’école, avec lequel il de roues basse pression type « Bush » permettant de décoller
commence une série de vols indépendants vers les villages et atterrir presque partout.
de l’intérieur afin de générer leur intérêt et d’y obtenir des fonds
Au début des années trente, la Cia de Aviación Faucett S.A.
de divers investisseurs qui lui permettent de créer un service
dispose de six Stinson Detroiter en service :
aérien commercial. Le succès arrive et il réussit à obtenir l’ap-
- OA-BBB (SM-1B N°2)
pui de divers hommes d’affaires péruviens tels que Paul Winer,
- OA-BBC (SM-6B N°3)
Ernesto Ayulo et Juan Pardo. Avec le capital récolté, Faucett
- OA-BBD (SM-6B N°4)
fonde, début 1927, la Compañía del Aviación Faucett S.A.
- OA-BBE (SM-6B N°5)
- OA-BBF (SM-6B N°6)
Le 4 juin 1928, pourvu de l’autorisation gouvernementale
- OA-BBH (SM-6B N°8)
émise via le Décret Suprême N°736, la Compañía del Aviación
Faucett S.A. débute ses opérations au Pérou avec deux ap-
pareils : un Curtiss Oriole et un monoplan Fairchild FC-2W. La Cia. de Aviación Faucett
C’est à bord de ce dernier qu’Elmer J. Faucett effectue le pre-
mier vol de la compagnie, décollant de Las Palmas, à Lima, le durant le conflit
15 septembre 1928 pour la ville de Talara, Piura, avec du cour-
rier et quatre passagers. Le succès immédiat enregistré per-
entre Colombie et Pérou,
met alors à Faucett de consolider son entreprise et de tirer de
ses associés un investissement supplémentaire qui lui permet
1932-1933
de s’étendre et, l’année suivante, il achète un terrain de 132 Le 1er septembre 1932, des citoyens péruviens prennent d’as-
000 m2 dans le district de Miraflores et y lance la construction saut le village de Leticia, au bord de l’Amazone, en expulsent
d’un terrain d’aviation et d’une piste de 700 mètres, avec han- les autorités et les militaires colombiens et provoquent une
gars de maintenance et édifices administratifs. En août 1928, crise diplomatique entre Bogotá et Lima. Cette délicate situa-
Il va aux Etats-Unis acheter des appareils adaptés aux opéra- tion, jointe à l’interférence de quelques intérêts particuliers, va
tions de la compagnie. envenimer la crise et, cinq jours plus tard, dégénérer en un
conflit frontalier. Les forces péruviennes, peu présentes dans
la zone en litige, s’appuient alors sur l’aviation et Faucett, tou-
Premiers Stinson : jours attentif aux opportunités du marché, offre immédiatement
le SM-1B de vendre au gouvernement péruvien, début février 1933, son
unique Travel Air 6000B pour quelque 7 800 dollars. Cette opé-
Là, « Slim » va acquérir deux monoplans à aile haute Stinson ration est suivie par la location, du 1er mars au 6 avril 1933, du
Model SM-1B Detroiter , au prix unitaire de 13 500 dollars. Ces Stinson SM-1B OA-BBB qui sera employé par le Cuerpo de
appareils1 sont achetés à New-York le 10 août 1928, et immé- Aviación del Perú en missions de transport et ravitaillement
diatement embarqués sur un vapeur en partance pour Lima, entre Las Palmas, Lima, et San Ramon-Masisea, à l’orée de
où ils arrivent exactement un mois plus tard. Une fois au l’Amazonie4. Ce premier contrat est suivi d’un autre, plus
Pérou, les deux avions sont immatriculés OA-BBA et -BBB, et étendu, via lequel le CAP loue les cinq avions restants et leurs
numérotés 1 et 2. L’OA-BBA a une vie opérationnelle très équipages, pour des vols de ravitaillement qui s’étendent du
courte, étant accidenté le 19 mars 19292 et mis hors service, 22 avril au 15 juin 1933. Naturellement, l’urgence de la situa-
laissant l’OA-BBB seul SM-1B en service au sein de la Cia. De tion fait que ces contrats sont signés dans des conditions très
Aviación Faucett. favorables pour la Cia de Aviación Faucett S.A., ce qui permet
une augmentation notable du capital de la compagnie, et l’exé-
Cette réduction de la flotte sur accident oblige « Slim » à ache- cution d’un projet entrevu par Faucett depuis quelque temps :
ter d’autres avions et en août 1929, la compagnie achète deux la construction locale d’avions.
Detroiter supplémentaires, du modèle SM-6B amélioré et plus
puissant, qui une fois livrés sont immatriculés OA-BBC et -
BBD. Tout laisse penser qu’il s’agit d’avions neufs, qui sont
Le Stinson-Faucett F-10
alors numérotés Faucett N°3 et 4. L’expérience opérationnelle sur l’exigeant territoire péruvien
impose à la compagnie d’acheter un appareil plus puissant,
A mesure que Faucett ouvre de nouvelles routes, il devine que capable de transporter plus de passagers et de fret, et doté
l’entreprise va avoir besoin de nouveaux appareils afin de ré- d’un train d’atterrissage plus solide. Le Stinson-Faucett F-10
pondre à la demande, et entre fin 1930 et début 1932, la Cia constitue la réponse proposée par les ingénieurs Lloyd E.
de Aviación Faucett S.A. achète trois nouveaux Stinson, nu- Moore et Walter Jawielski, tous deux de grande expérience,
mérotés N°5, 6 et 8, et immatriculés OA-BBE, -BBF et –BBH. et consiste en une version spécialement modifiée du Stinson
L’origine de ces appareils n’est pas claire, et si certaines SM-6, dont la licence de production est achetée par la Cia. de
sources les donnent neufs, d’autres prétendent qu’ils sont de Aviación Faucett à la mi-1934. C’est à cette date qu’est lancée
deuxième main. Quoi qu’il en soit, à la mi-1932 la flotte de la la modification d’un SM-6B acheté par l’entreprise5, afin d’y in-
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Les Stinson d’Elmer J. Faucett
Revoredo (au centre, avec béret) et son épouse sont reçus par les autorités argentines et péruviennes sur l’aéroport
d’El Palomar, peu après son arrivée à Buenos Aires en provenance de Lima le 27 mars 1937. (Currarino)
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Ci-contre :
Lima, 18 avril 1937. A bord de l’OA-BBQ,
Revoredo fait un passage à basse altitude
sur la piste de l’aéroport international de
Limatambo peu avant d’atterrir, termi-
nant ainsi le raid qui l’a amené à Asunción
et Buenos Aires. (IEHAP)
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Les Stinson d’Elmer J. Faucett
Un F-10 est employé par le Teniente Vue aérienne de l’aérodrome de Santa Cruz, centre opérationnel de Faucett de
Coronel Armando Revoredo Igle- 1930 à 1948, date à laquelle la compagnie déménage sur l’aéroport international
sias lors de son fameux « raid » de Limatambo. Le petit terrain, incapable d’accueillir les opérations d’avions
Lima/Buenos Aires, qui commence de grande taille tels que les DC-3 et DC-4, sera fermé,
à 00:22 le 29 mars 1937. L’avion im- découpé en lots et urbanisé.
matriculé OA-BBQ et numéroté (Fuerza Aérea del Perú)
N°17 met le cap sur Santiago où il
ravitaille avant de redécoller pour
Buenos Aires, arrivant à l’aéro-
drome d’El Palomar au bout de
quasi 13 heures et 3 300 kilomètres.
Il convient de mentionner que Re-
voredo est déjà un vieux routier du
vol au long cours, puisqu’il a effec-
tué avec succès en 1935 une liaison
entre Lima et Bogotá sur un Travel
Air 6000B du CAP.
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Une paire de Stinson-Faucett, le premier immatriculé au sein du 24 Escuadron de Transporte 24-1-4, l’autre appartenant à
Faucett et immatriculé OA-BBW, numéro 23, sont garés à côté d’un Beechcraft C-45 de la mission militaire américaine,
d’un Grumman Duck de l’US Marine Corps et d’un Barkley-Grow TP-8 du 29 Escuadrón Comando sur l’aérodrome de
San Ramón, à l’orée de la forêt amazonienne, en juillet 1942. (FAP)
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Les Stinson d’Elmer J. Faucett
Aérodrome de Santa Cruz, 1942. Les passagers montent à bord du Stinson-Faucett N°20 immatriculé OB-BBT
tandis que le personnel au sol charge les bagages dans les soutes de l’avion. (Auteur)
Ces participantes à un
concours de beauté or-
ganisé à l’occasion des
carnavals de Lima po-
sent en compagnie du
Stinson-Faucett OA-
BBI à bord duquel elles
ont survolé la ville aux
mains d’Elmer Faucett
en personne, que l’on
voit assis à son poste.
Février 1936.
(Aviación magazine via
auteur)
Stinson-Faucett F-19
immatricule OB-R-143,
dans un des hangars de
Faucett sur l’aéroport
de Limatambo à la fin
des années soixante. Il
s’agit du 27ème
Stinson-Faucett .
(Dan Shumaker)
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Stinson-Faucett F-19
Le F-19 est la variante suivante mise en service
par la compagnie, avec quelques nouveautés
par rapport au F-10 original. Ce modèle n’est
plus basé sur la cellule du SM-6 et intègre les
changements intervenus sur le SM-8, tels que l’al-
longement du fuselage des 34’4 » d’origine à
38’8 », celui du fuselage de 52’8 » à 58’0 », et le
montage d’empennages plus hauts et plus
grands. Deux versions sont produites : avec train
d’atterrissage conventionnel et un moteur Pratt &
Whitney Wasp S1H1-G de 600 cv, ou avec un
moteur en étoile plus puissant Pratt & Whitney
Hornet de 875 cv et deux gros flotteurs type Edo.
Trois vues d’un F-19 du CAP durant un vol de ravitaillement sur la rivière Au total, la production des Stinson-Faucett F-10
Pachitea, en forêt amazonienne, en 1944. On remarque le fuselage et F-19 atteint 36 unités en presque dix ans, le
allongé de cette version. (IEHAP) dernier F-19 étant livré au CAP fin 1946.
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Belle vue d’un F-19 du CAP, non immatriculé, en essai après livraison, en 1943. (Currarino)
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