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G. Gaucher, J.-F. Berger, P.-G. Salvador, O. Franc, S. Bleu, J.-P. Bravard & B. Helly
RESUME
Une approche intégrée en géoarchéologie et en archéologie spatiale est déve-
loppée depuis 5 ans dans le bassin des Basses Terres dauphinoises (Haut-
Rhône). A la surface de sa plaine alluviale sont conservés une série de paléo-
chenaux témoignant d’écoulements holocènes du Rhône. Les études menées
sur la paléodynamique fluviale ont d’ailleurs démontré qu’une défluviation du
Rhône s’est produite durant la période antique, et a provoqué une modification
importante de la morphologie de cette plaine alluviale. C’est pourquoi nous
avons cherché à spatialiser les principales unités alluviales construites par le
Rhône et ses affluents depuis 8000 ans sous S.I.G. afin d’évaluer les processus
taphonomiques associés à la paléohydrologie fluviale et de discuter l’origine
des vides archéologiques. Puis nous avons tenté de déterminer dans le cadre
d’une approche interdisciplinaire, quels impacts a eu cet événement sur la dy-
namique de l’occupation du sol à l’époque romaine.
MOTS CLEFS
Peuplement, gallo-romain, paléohydrologie, défluviation, crues, taphonomie,
Haut-Rhône, spatialisation.
ABSTRACT
An archaeological and geoarchaeological study has been carried out in the
Basses Terres Basin of the Upper Rhône Valley (Ain, Isère, France) since the
Key words
Settlement, gallo-roman, paleohydrology, flood, channel change, taphonomy,
Upper Rhône, spatialization.
INTRODUCTION
Depuis quelques années, les zones humides sont l’objet d’une recherche pluri-
disciplinaire intensive dans une perspective d’étude des interactions sociétés-
milieu sur la longue durée (Bravard, Magny, 2002, Burnouf, Leveau, 2004). La
géoarchéologie est particulièrement mise à contribution pour la reconstitution
des histoires sédimentaires des bassins versants. Mais elle permet aussi d’éva-
luer les secteurs géographiques propices à la conservation des sites archéologi-
ques ou à leur destruction (Butzer 1982, Waters 1991, Berger, Brochier 2004)
qui permet de centrer la réflexion sur la répartition spatiale des sites.
Nous avons donc développé une méthode d’évaluation de la taphonomie de la
plaine des Basses Terres, car la dynamique du Rhône et de ses affluents a créé
une plaine alluviale très complexe dans son organisation spatiale tout au long
de l’Holocène (Salvador et al., 2004). Cette approche a été ensuite intégrée à
une réflexion sur la dynamique du peuplement antique de cette vallée rhoda-
nienne, période très documentée par l’archéologie, qui subit une avulsion im-
portante du fleuve à cette époque et dont nous cherchons à comprendre l’im-
pact sur la société gallo-romaine.
Le secteur des Basses Terres est l’une des fenêtres d’étude du programme inter-
disciplinaire sur les relations société/milieu (Projet Collectif de Recherche du
Ministère de la Culture, programme Eclipse 2 du CNRS) dont l’échelle s’étend
sur l’ensemble de l’Isle Crémieu. Si l’acquisition de données sur l’évolution de
la dynamique fluviale depuis une vingtaine d’années a permis de dresser une
histoire de la dynamique fluviale (Bravard 1987, Salvador et al., 2004, Salvador
et al., 2005), cet essor s’est accompagné d’un fort renouvellement des données
archéologiques à la suite de prospections pédestres (Bleu et al., 2005, Gaucher
et al., 2005).
Mais la mise en œuvre de données de nature aussi différentes que les données
archéologiques et paléohydrologiques pose quelques problèmes d’échelles
d’analyse. Bien qu’influencées par les conditions stationnelles d’acquisition
(carottages ponctuels), les archives sédimentaires sont plutôt représentatives
de la dynamique du bassin versant amont du Rhône, alors que les prospec-
tions archéologiques sont issues d’un travail effectué à l’échelle micro-régio-
nale. Il devient donc difficile de discuter de l’impact anthropique sur les crises
hydro-sédimentaires alors que la mise en valeur par les sociétés de l’ensemble
du bassin versant amont rhodanien reste en partie méconnue. Le risque est
alors d’accentuer l’effet du facteur climatique dans le bilan sédimentaire re-
cueilli en fond de vallée. Une telle confrontation ne devient possible qu’à partir
du moment où les connaissances des dynamiques archéologiques et géoar-
chéologiques sont abondantes, synthétiques et bien datées, à l’instar du pro-
gramme Archaeomedes pour le sud de la France (Durand-Dastès et al., 1998,
Van Der Leeuw et al., 2003).
Outre les problèmes de représentativités de chaque discipline, la concordance
chronologique entre les phénomènes socio-culturels et environnementaux
n’est pas facile à déterminer à cause des méthodes de datation propres à cha-
que discipline (radiocarbone pour la géoarchéologie et typo-chronologie du
matériel pour l’archéologie). Ce qui peut expliquer certains décalages entre
phénomènes environnementaux et mutations de l’occupation du sol dont par-
lent Neboit-Guilhot et Lespez (2006).
Il est donc possible de reconstituer une histoire fluviale du Rhône dont le plus
ancien témoin est un méandre recoupé avant 6065±35 BP (Le mauvais, Gif
12028) qui s’écoule dans la vallée des Avenières. On peut observer plusieurs
trains de méandres recoupés depuis l’Atlantique jusqu’au début de notre ère.
Le Rhône change radicalement de tracé par avulsion, associée à une poussée
du cône de déjection du Guiers et à un exhaussement du lit fluvial qui crée un
Cette cartographie s’appuie sur les clichés verticaux aériens de l’IGN (repérage
des traces fossiles qui marquent l’extension des accrus de convexité), et sur la
carte topographique de la Compagnie Nationale du Rhône d’une partie de la
plaine actuelle (résolution verticale de 1 cm, horizontale entre 50 et 150m en
moyenne) qui permet d’identifier les microreliefs d’origine fluviale.
Ces unités alluviales (Fig. 4) sont mises en relation avec les divers tronçons
du fleuve dont la chronologie est établie soit par datation radiocarbone de
vestiges organiques préservés dans les sédiments de colmatage des paléo-
chenaux issus de carottages géologiques, soit par des mentions de recoupe-
ment par les archives historiques (Mas de Triel, Saugey) et cartographiques
(cadastre napoléonien de 1820-1830, Atlas du Rhône dont les relevés ont été
effectué entre 1857 et 1866), soit par chronologie relative entre les différents
paléocours cartographiés.
35 BP
antérieur
Si cette méthode permet d’établir les zones remaniées et épargnées par la diva-
gation latérale du fleuve, il est nécessaire aussi d’estimer les secteurs où l’accré-
tion verticale des sédiments est susceptible de masquer les vestiges archéolo-
giques en surface (plaine distale). Deux secteurs principaux se dégagent (Fig. 5):
la plaine alluviale ante défluviation marquée par des sédiments plus sombres en
La spatialisation des processus alluviaux permet d’évaluer quels sont les sec-
teurs qui ont un fort potentiel de conservation d’archives historiques ancien-
nes. Sa confrontation avec les cartes de répartition des sites archéologiques,
permet de discuter des vides observés pour chaque grande période considé-
rée (Fig. 6).
Le corpus réduit des sites depuis le Néolithique jusqu’au 1er Age du Fer, se
concentre essentiellement sur la partie nord est de la plaine alluviale (secteur
de Morestel). Leur absence sur les autres zones soumises à une dynamique
fluviale, latérale et verticale, signale soit leur érosion/destruction (axe des che-
naux) soit leur recouvrement sédimentaire. On note toutefois des exceptions.
Si on constate une forte présence des sites antiques dans la plaine alluviale, il
reste à comprendre leur modalité d’implantation. Tout d’abord, la confronta-
tion entre la carte des unités alluviales et la répartition des sites archéologiques
nous permet d’entrevoir plusieurs phénomènes. Pour la période antique (du Ier
au Ve s. CE), on remarque que 60% de sites sont installés sur les lobes, 30% sur
les levées de berge et seulement 10% sur les accrus de convexité (Fig. 7). Les
implantations humaines sont donc localisées préférentiellement dans les uni-
tés alluviales les moins exposées au risque fluvial. A cause de leur position
distale par rapport au fleuve, les lobes sont moins soumis aux inondations,
comme les levées de berges, tout en évitant l’érosion latérale qui touche ces
dernières, alors que les accrus de convexité, construits par la migration latérale
du méandre, ont une topographie constituée de reliefs (les rides) et surtout de
cuvettes (les basses) (Fig. 3) qui créent un axe préférentiel à l’écoulement des
crues.
Figure 7 Répartition des sites antiques et du Haut Moyen Âge selon les
unités alluviales.
Contexte géomorphologique Nombre de sites antiques présents Nombre de sites sur points hauts
Levées de berge 10 10
Lobe de convexité 16 16
Accru de convexité (récents) 0 -
Indéterminé dans plaine ante-défluviation 6 5
Indéterminé dans plaine post-défluviation 10 5
100% des sites sont localisés sur les points topographiquement les plus élevés.
Ce schéma d’installations en fonction de la topographie est également observé
en Camargue dans le delta du Rhône (Arnaud-Fassetta, Landuré 2003).
L’occupation des points les plus élevés de la plaine permet d’abaisser la vulné-
rabilité de la société au risque de crues en facilitant leur ressuyage, et abaisse
aussi sa sensibilité à la remontée potentielle de l’aquifère fluviale.
L’occupation du sol antique du bassin des Basses Terres connaît une certaine
dynamique jusqu’au Haut Moyen Âge.
Figure 9 Carte de répartition des sites antiques selon leur durée d’occupation.
Conlusion
L’apport de la géoarchéologie est donc indéniable sur le plan taphonomique.
Elle permet de diriger les recherches sur les secteurs préservés des remanie-
ments récents pour reconstituer l’histoire fluviale et humaine, et de raisonner
sur la répartition des cartes archéologiques.
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Remerciements
AUTEURS
G. Gaucher
Université de Nice Sophia-Antipolis, CEPAM CNRS, UMR 6130, 250 avenue Albert Einstein,
06560 Valbonne
gaucher@cepam.cnrs.fr
J.-F. Berger
CEPAM CNRS, UMR 6130, 250 avenue Albert Einstein, 06560 Valbonne
berger@cepam.cnrs.fr
P.-G. Salvador
UFR Géographie et Aménagement, Université de Lille I, avenue Paul Langevin, 59655
Villeneuve d’Ascq
pierre-gil.salvador@univ-lille1.fr
O. Franc
INRAP Rhône-Alpes-Auvergne, 12 rue Louis Maggiorini, 69500 Bron
odile.franc@inrap.fr
S. Bleu
INRAP Rhône-Alpes-Auvergne, 12 rue Louis Maggiorini, 69500 Bron
stephane.bleu@inrap.fr
J.-P. Bravard
Université Lumière-Lyon 2, UMR 5600-CNRS, faculté GHHAT, 5 av. P. Mendès-France,
69976 Bron cedex
jean-paul.bravard@univ-lyon2.fr
B. Helly
DRAC Rhône-Alpes, Le Grenier d’Abondance, Service Régional d’Archéologie, 6 quai
Saint-Vincent, 69283 Lyon Cedex 01
benoit.helly@culture.fr