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Le ton est très objectif, sauf une ou deux fois, par exemple, p. 190,
(1)
quand, racontant le meurtre de Foullon, M. Kropotkine l'appelle l'ignoble
accapareur », sans avoir prouvé qu'il eut accaparé.
le devancier de M. Kropotkine, c'est Michelet, qui a fait
du peuple le héros de la Révolution, et qui, mieux que
personne et d'après de bons documents, l'a montré, à
Paris, agissant dans les sections et les sociétés populaires,
surtout le peuple des « sans-culottes ».
Mais il faut reconnaître que M. Kropotkine a une façon
originale d'observer et de montrer ce peuple des ouvriers
et des paysans il a pris un soin tout particulier de
faire voir que la Révolution, en tant qu'elle améliora la
condition des hommes, fut surtout son œuvre.
Oserai-je lui dire qu'il me semble exagérer ou trop pré-
ciser les tendances anarchistes de certains révolutionnaires
de 1793 et de l'an II? Que l'idée d'un communisme anar-
chique se trouve déjà dans quelques écrits, dans quelques
discours, ce n'est pas contestable. Aux citations même qu'il
fait, soit d'un libelle de Brissot, soit de différents témoi-
gnages d'alors, il est aisé de voir que personne ne se disait
anarchiste, que ce mot n'était qu'une insulte vague que
des républicains modères jetaient à la tête de quelques
républicains plus avancés, communistes ou non. Sous le
Consulat, ce sont lous les républicains non consulaires
que les rapports de police désignèrent par ce nom. Il n'y
ont pas de parti réellement anarchiste c'est une épithelc
injurieuse que reçurent tour à tour, selon les moments, et
sans jamais l'accepter, presque tous les partis de gauche.
Le récit me semble en général aussi exact qu'instructif.
Cependant, pour une nouvelle édition, M. Kropotkine
fera bien de modifier les pages 833 et 536, où il me semble
qu'il se trompe sur le sens et la portée du décret du 14 août
1792, par lequel l'Assemblée législative avait ordonné de
partager les biens communaux, autres que les bois, « entre
les citoyens de chaque commune ». Ce mot de « citoyen »
lui fait croire que le décret excluait du partage les babi-
tants pauvres, parce qu'il pense qu'il s'agissait des ci-devaiit
citoyens actifs, dont pourtant le privilège se trouvait aboli
depuis quatre jours. Il ajoute même « C'est ainsi que ce
décret fut interprété par les tribunaux et qu'il doit l'être. »
(Voyez, par exemple, Balloz, X, p. 265, n° 2261.) Or,
Dalloz parle à cet endroit d'un jugement de 1818, concer-
nant un partage antérieur au décret du 14 août 1792. Le mol
de citoyens est pris, en cette loi, dans son seus le plus
large, comme synonyme à' habitants ainsi que le montre
l'article 3 « Les biens connus sous les noms de sursis et
vacants seront également divisés entre les habitants. » Voilà
un également qui ne laisse aucun doute sur la synonymie,
en cette loi, du mot citoyens et du mot habitants. El
quand même il s'agirait de citoyens au sens politique du
mol, cela n'aurait exclu en rien les pauvres, puisque, depuis
le 10 août 1792, les pauvres étaient citoyens. Quand donc
M. Kropolkiiio parle de « la fureur que ce décret dut pro-
voquer en Fiance, dans la fraction pauvre des populations
rurales », c'est l'opposé de la réalité. Le décret fut très
populaire. Les textes que M. Georges Bourgin a publiés
dans son recueil sur le partage des communaux montrent
que les paysans ne se plaignaient que d'une chose, c'était
de ce qu'on n'exéculàt pas ce décret (qui avait été fait
trop vile et sans les moyens d'c-séculion pratique).
M. Kropotkine ajoute « Par ce même
décret la Légis-
lative abolissait la solidarité dans les paiements de rede-
vances et d'impôts que les paysans avaient à payer. » Or,
il n'y a rien de semblable dans le décret je viens de le
relire avec soin, non seulement dans Duvergier, mais dans
le Procès-verbal de la Législalive, t. XII, p. 2t8.
Évidemment M. Kropotkine, qui est la sincérité même,
a été en ce cas la victime de l'illusion que donne souvent
une lecture trop rapide. Je n'ai pas trouvé chez lui d'aulie;
exemples d'une telle illusion, mais, au contraire, un esprit
généralement positif et critique (-1).
Il nous dit qu'il a fait revoir son manuscrit par deux de
ses amis l'un est M. James Guillaume, dont il insère
textuellement (p. 180 à 183) une note des plus instructives
sur la sanction des arrêtés du 4 août.
Lisez ce livre, qui a son originalité, qui a sa beaulc". Il est
instructif de voir, pour un instant, la Révolution par les
yeux de M. Pierre Kropotkine. A. Aulaud.