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L’appréhension de la fin de vie en droit français. Par


Noémie Houchet-Tran, Avocat.
mardi 26 mai 2015
Adresse de l'article original :
http://www.village-justice.com/articles/apprehension-fin-vie-droit,19696.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les circonstances de la mort ont changé au cours du siècle dernier. Aujourd’hui


on meurt à l’hôpital et non plus chez soi. De plus on meurt à des âges plus élevés
grâce aux progrès de la médecine, mais au prix de quelle qualité de vie ?

Parallèlement, des personnes de tout âge sont sauvées de la mort mais au prix d’une
qualité de vie qu’elles jugent insupportables. Elles font valoir leur droit à la mort alors
qu’elles ne sont pas en fin de vie.

On parle de " mourir dans la dignité " (expression reprise par l’association du même nom).
Or la dignité correspond à l’appartenance à l’humanité. Chacun meurt donc dans la dignité
car en être humain. La question porte sur l’autre, qui se doit de respecter cette dignité.

La recherche par la médecine de la guérison doit se faire dans le soulagement de la


douleur tant morale que physique ainsi que de la volonté des patients. À défaut on risque
un acharnement thérapeutique appelé " obstination déraisonnable " (prohibée dans l’article
37 du nouveau Code de déontologie).

Le débat sur la nécessité de légiférer se poursuit déjà depuis plusieurs années.

1° L’état du droit positif

Le cas de Vincent Humbert a conduit à promulguer une loi dite " Loi Léonetti " sur la fin de
vie le 22 avril 2005. Elle est la réponse du législateur à la demande de prise en charge de
celle-ci et la légalisation de l’acte létal. La France a pris le parti de faire valoir la prise en
considération des sentiments collectifs. La loi ne dépénalise pas l’euthanasie.

Une distinction est fondée sur l’état de la personne selon qu’elle est :

Consciente ;
Non en fin de vie : le principe de liberté du malade s’exprime ;
En fin de vie : le médecin doit respecter la volonté du malade une fois qu’il l’a informé des
conséquences de son choix ;
Non consciente : le droit encourage toute personne à anticiper le moment éventuel où face
à la maladie, elle ne pourra plus exprimer sa volonté.

Il est possible en effet de manifester de façon anticipée sa volonté via la désignation d’une
personne de confiance, consultée dans le cas où le malade lui-même ne pourra l’être.
Cette désignation peut être faite à tout moment et n’est pas limitée dans le temps. Le
problème est qu’il s’agit d’une " désignation " et non d’un contrat (la personne en question
n’a pas forcément accepté) alors que dans le mandat de protection futur le mandant
accepte sa mission.
Il est également désormais possible pour toute personne majeure de rédiger des directives
anticipées relatives à ses conditions de fin de vie. Elles sont révocables à tout moment.

Le droit pénal quant à lui ne l’envisage pas en tant que tel mais il l’assimile à une atteinte
volontaire à la vie (meurtre, empoisonnement ou non assistance à personne en péril selon
les circonstances). Le suicide n’est pas réprimé pénalement donc la complicité au suicide
non plus. Seule la provocation au suicide l’est mais il est difficile de l’invoquer (le terme de
provocation ne connait aucune définition en droit français).

Le Code de la santé publique reconnait enfin à toute personne le droit de recevoir les soins
les plus appropriés et de bénéficier des thérapies dont l’efficacité est reconnue. La

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condamnation de l’obstination déraisonnable se fait par référence à des "soins inutiles".


Sont également visés les soins palliatifs définis comme " actifs et continus " et destinés à
apaiser la douleur, sauvegarder la dignité de la personne et soutenir l’entourage. Ils
restent cependant très insuffisamment développés. Ils sont par ailleurs utiles bien avant la
fin de vie et ont une connotation encore trop négative.

2° Les modifications prônées

Le rapport Sicard de 2012 a fait apparaitre des réponses inadaptées de la part des
institutions, de gros problèmes économiques (seule une personne sur 10 peut bénéficier de
soins palliatifs). Il a réaffirmé le refus de toute assistance au suicide, au regard du danger
que cela représente et de la philosophie française (prônant le respect du droit à la vie). Le
respect de la parole du malade, le développement d’une culture palliative, l’impératif de
décisions collégiales, l’exigence d’appliquer les lois actuelles plutôt que dans créer des
nouvelles, l’abolition de la distinction entre soins curatifs et palliatifs ont été pointés
comme des impératifs.

La commission a voulu mettre en garde le législateur contre une admission de


l’euthanasie, changeant les valeurs mêmes de la société.

En 2013, le Comité consultatif National d’Éthique a conclu qu’il fallait absolument rendre
accessible à tous le droit aux soins palliatifs et respecter les directives anticipées émises
par la personne (le médecin serait désormais tenu de les respecter, non plus seulement de
les prendre en considération comme l’exigeait la loi de 2005). Il concluait sur le fait que les
conditions de vie étaient globalement insatisfaisantes en France.

S’en est suivi un débat citoyen voulant la création d’une " exception d’euthanasie ".

En décembre 2014, un rapport sur les nouveaux droits des malades en fin de vie a été
remis. Il mettait l’accent sur la valorisation du droit existant (une bonne connaissance et
application de ce dernier) en renforçant les connaissances des médecins en ce domaine. Il
imposait également de suivre les directives du patient, sauf si elles étaient manifestement
disproportionnées.
Il s’agissait également d’instaurer un nouveau droit de ne pas souffrir qui offrirait à chacun
la prérogative d’une " mort apaisée " grâce à un droit à la sédation.

Le 17 mars 2015, la loi créant une nouveau droit pour les patients en fin de vie a été
adoptée par l’Assemblée Nationale.
Les recommandations évoquées ci-haut ont été mises en avant. Le médecin n’aurait plus à
devoir convaincre le patient en cas de refus de soin et les directives anticipées lui serait
imposées.
Une sédation profonde serait aussi désormais autorisée, ce qui semble très contestée.

Il reste maintenant à attendre de voir si le Sénat votera le texte tel quel !

Noémie HOUCHET-TRAN Avocat au Barreau de Paris nhtavocat.com

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