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Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

Les ports du Maroc : Gouvernance et Régionalisation

Réalisé par :

- Doha TALKHOKHET (Doctorante à la FSJES-MOHAMMEDIA).


- Mohamed MOUTMIHI (Professeur à la FSJES-MOHAMMEDIA).

Résumé :

Le gigantisme naval, l’adoption des stratégies de coopération et d’intégration par les


transporteurs maritimes, l’expansion des méga-carriers et l’essor des opérateurs globaux de
terminaux ont engendré des modifications énormes dans le secteur portuaire.

Les ports doivent aujourd’hui se développer dans un environnement de concurrence acharnée.


Cette concurrence est constatée entre les différents ports d’une même façade portuaire comme
entre les terminaux à l’intérieur du même port.

Outre sa fonction principale de lieu de transit, de chargement et de déchargement des


marchandises, le port est devenu aussi un véritable centre commercial, logistique et un lieu
d’exploitation industrielle des nations dotées d’interfaces maritimes. ( Kammoun, Karim )1

Nous remarquons aussi que les principaux centres industriels et économiques sont implantés
dans les villes côtières engendrant la création de véritables complexes portuaires. Il est ainsi clair
que toute stratégie de développement portuaire doit être étudiée dans une logique de synergie et
d’interaction avec la ville.

Les scientifiques et les managers ont développé différents modèles qui résument l’évolution du
port. Le Maroc a opté pour un modèle de développement portuaire axé sur la bonne gouvernance
(Réforme portuaire de 2006) et la régionalisation (stratégies portuaire à l’horizon 2030). Dans ce
nouveau contexte, le rôle et les responsabilités des différents intervenants portuaires ont
enregistré des véritables mutations.

Ainsi, nous nous intéressons dans cet article à l’étude du modèle de développement portuaire
marocain. Sur un niveau méthodologique, nous avons favorisé la démarche hypothético-
déductive basée sur l’observation analytique du modèle étudié. Partant d’un concentré théorique
clair, riche et controversé, nous essayons de porter une vision critique sur le modèle de
développement portuaire marocain.

1
Kammoun, Karim, l’importance des villes portuaires dans la maritimisation des économies : cas du port de
Sfax, In Daniel LABARONNE(coord), Villes portuaires au Maghreb : Acteurs du développement durable, paris
presse des mines, collection développement durable, 2014, p35-59
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Introduction :

La puissance maritime d’une nation se définit par la compétitivité de ses ports qui contribuent à
la fluidification de ses échanges internationaux. La compétitivité d’un port quant à elle se mesure
par la qualité de ses services qu’il s’agit des services proposés à la cargaison ou ceux proposés au
navire.

Au Maroc, et depuis la naissance de l’ingénierie portuaire en 1260 à Salé, le secteur portuaire


marocain a subi plusieurs changements, l’évolution de la demande a contribué au développement
de l’offre portuaire.

Tout d’abord il convient de noter que tout au long de la seconde moitié du 20 èmesiècle le système
portuaire marocain s’applique à satisfaire le trafic, plutôt qu’il ne le crée (CHERFAOUI
Najib,2009) 2. Ce n’est qu’en 1993 que l’autorité portuaire a pris conscience de la nécessité du
changement et de développement du secteur portuaire pour saisir les opportunités internationales
et c’est ainsi que le projet « Tanger Atlantique » a vu le jour.

Dans un environnement international marqué par une concurrence acharnée, par la monté en
puissance des exigences du client et par une accélération du rythme des innovations, la
compétitivité des produits marocains sur les marchés étrangers est dépendante d’une bonne
maitrise de toute la chaine logistique dont le port constitue un maillon indispensable.

Le Maroc en voyant passé la moitié du trafic maritime mondial de tout près de ses côtes, se
retrouve au centre des enjeux portuaires internationaux. Le royaume a développé une stratégie
axée sur l’ouverture des frontières, et a décidé de devenir un Hub logistique pour le Maghreb et
l’Afrique, ce qui a fait de l’amélioration de la performance portuaire une urgence. L’urgence est
triple : soulever et analyser les problèmes, suggérer des solutions pour atteindre une meilleure
compétitivité.

A cet effet, le pays a opté pour un modèle de développement portuaire axé sur la bonne
gouvernance (Réforme portuaire de 2006) et la régionalisation (stratégies portuaire à l’horizon
2030). Dans ce nouveau contexte, le rôle et les responsabilités des différents intervenants
portuaires ont enregistré de véritables mutations.

Ainsi, nous nous intéressons dans cet article à l’étude du modèle de développement portuaire
marocain. Nous exposons dans un premier titre de cet article une revue de littérature de ces
différentes approches. Nous essayons dans un deuxième d’étudier d’un côté la compétitivité des
ports du royaume tout en mettant la loupe sur le port de Casablanca. D’un autre coté nous
essayons d’analyser avec un esprit critique le modèle de développement portuaire marocain ;

2
CHERFAOUI Najib (2009), DOGHMI Hamid , Résiliences, système portuaire du Maroc de la naissance à
2060, Casablanca, sciences de l’ingénieur. 447p
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I. Revue de littérature sur le développement portuaire

La pensée maritime a enregistré la conception de plusieurs modèles qui caractérisent les étapes
de l’évolution du port. On distingue deux grands types de modèles qui traitent le développement
portuaire. Le premier type regroupe les modèles à caractère géographique ou spatial.
Le deuxième type est apparu à la fin des années quatre-vingt-dix et met l’accent sur la nécessité
d’une bonne gouvernance pour assurer le développement portuaire.

I.1 : Les modèles à caractère géographique ou spatial

I.1.1 Le modèle Anyport:

Le modèle anyport « pour tous port » a été développé par Bird (1961)3à partir de son étude sur
les ports britanniques. Il a été repris dans son ouvrage Seaports and seaports terminals (1971).
Le modèle décrit les six étapes de l’évolution des infrastructures portuaires dans l’espace et dans
le temps. Nous résumons dans ce qui suit l’ensemble de ces étapes en trois principales phases :
Phase 1 : Elle regroupe les deux premières étapes du modèle, elle démarre par la construction
des premières infrastructures portuaires (premier quai, première zone de stockage…) à l’intérieur
du centre-ville et en utilisant les conditions naturelles et favorables. Ces premiers travaux sont
généralement réalisés à travers la transformation d’un port de pêche en un port de commerce.
Une fois les premières infrastructures sont installées, on assiste à une augmentation progressive
de la surface des quais qui s’achève par l’occupation totale de l’espace disponible.
Phase 2 : Elle se caractérise par la construction d’infrastructures spécifiques notamment les
jetées, brises de lame, terminaux d’entreposage ainsi que par le développement des chantiers
navals. L’objectif est de rendre le port apte à recevoir de grandes quantités de cargaison et des
navires de plus en plus volumineux. Parallèlement, le port s’intègre aux infrastructures
ferroviaires ce qui permet l’accroissement de ses connexions avec l’arrière-pays.
Phase 3 : Cette dernière phase est marquée par la mise en place d’infrastructures spécifiques.
Généralement le port au centre-ville se spécialise dans le trafic conteneur tandis que les autres
types de trafic sont renvoyés aux périphéries. L’augmentation de la taille des navires rend les
infrastructures installées au centre-ville obsolètes d’où délaissement du port ou son adaptation
pour recevoir des activités commerciales ou résidentielles.

I.1.2 Le Tryptique portuaire

Développé et publié par A. Vigarié4durant les années soixante-dix dans son ouvrage « Port,
commerce et vie littorale », le modèle retrace le système de transport portuaire en considérant
trois espaces sur lesquelles circule une marchandise qui emprunte la voie maritime : l’arrière-

3
Bird, J.H , The major seaports of the united Kingdom, Londre,Hutchison University Library, 1963, 454p
4
VIGARIE A. (1979), Port de commerce et vie littorale. Paris, Hachette, 492p. (Coll .Université)
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pays, l’avant-pays et le port. Le modèle traite l’importance de chacun de ces trois espaces et leur
impact sur le dynamisme portuaire.

 L’arrière-pays ou l’hinterland : Définit par Vigarié comme l’espace terrestre dans lequel le
port vend ses services, et par conséquent, recrute sa clientèle. Il correspond à la zone terrestre
de collecte et de distribution de la cargaison. Plusieurs infrastructures traditionnelles ou
modernes sont utilisées pour connecter le port à son arrière-pays notamment la route le
chemin de fer, le feedering ou les pipelines. L’accessibilité au port dépend de la qualité du
choix de cette infrastructure.
 L’avant pays ou fore land : il reflète l’espace marin d’un port et regroupe deux éléments
essentiels notamment les lignes maritimes ainsi que le type d’exploitation
 Le port : définit par Délphine Dubrail comme étant l’interface physique entre la dimension
terrestre et la dimension océanique mais également une interface dans l’organisation de la
production de transport. Il constitue le volet essentiel sur lequel est centré le modèle du
tryptique. Ce sont ces organisations techniques, managerielles et financières qui jouent un
rôle déterminant pour différencier le port.

Après l’explication de ce schéma général l’auteur annonce l’existence de trois logiques pour
appréhender l’organisation portuaire :

 Une logique réticulaire dans le cadre du système de transport global : cette approche
considère le plus important maillon du réseau de transport, les routes maritimes et les voies
terrestres constituent à leurs tours deux autres maillons de ce réseau. Dans ce cas c’est le
trajet que doit faire la marchandise qui détermine le choix du port.
 Une logique linéaire dans le cadre du système portuaire : cette deuxième approche tient en
compte le niveau de concurrence et de complémentarité qui existent entre les ports d’une
même rangée et qui influence le choix d’un port.
 Une logique zonale centrée sur le territoire de la ville : dans cette logique l’auteur considère
toute la dimension territoriale d’un port ce qui nécessite la prise en compte de la population
qui y travaille.

I.1.3 La régionalisation

Elle reflète le courant de géographie qui regroupe l’ensemble des auteurs qui ont fait du concept
« région » un champ d’analyse pour comprendre le dynamisme de l’activité portuaire. Ainsi
Comtois et Al(1997)5 annoncent que l’importance d’un port se traduit par sa capacité à
contribuer au développement d’une région, ils ajoutent que la régionalisation portuaire pouvait
être une solution pertinente pour augmenter la capacité portuaire. Slack (1999)6 confirme ce rôle
de régionalisation dans l’accroissement de la capacité des ports. Il propose le recours au port
secondaire pour alimenter les principaux ports situés dans une même région portuaire. Les ports
secondaires joueront ainsi le rôle du port satellite.
5
Comtois, C,, Slack, B et SLETMO, G(1997), Political issues in inland waterways port developpement :
prospects for regionalisation , transport policiy, vol 4no 4 pp 257-265
66
Slack,B (1999) satellite terminals : a local solution to hub congestion, journal of transport geography, vol7, pp
241-246
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Malgré l’utilisation du concept par plusieurs auteurs, on constate l’inexistence d’une définition
consensuelle et d’une méthodologie standard pour traiter l’approche de régionalisation, ce qui
constitue une entrave majeure pour la comparaison des régions portuaires. Pour Comtois et al
(1997) la régionalisation est une planification portuaire régionale, basée sur une segmentation et
une coordination régionale des investissements. Pour Slack (1999), elle se traduit par la
déconcentration des activités portuaires sur un ensemble des ports régionaux. Pour Notteboom et
Rodrigue (2004) la régionalisation portuaire désigne la plus récente phase du développement
portuaire, où l’intérêt d’étendre la couverture d’arrière-pays grâce à la mise en place de chaines
logistiques du transport intermodal terrestre, connectant l’ensemble des ports en concurrence sur
une même étendue portuaire.
En s’appuyant sur les travaux de Guillame 20017,Lavaud-Letilleul . V (20078), distingue trois
dimensions de régions portuaires :

 Une dimension spatiale : la région est ainsi une unité d’échelle intermédiaire ou les
ports sont proches et qui comprennent aussi l’arrière-pays.
 Une dimension fonctionnelle : l’auteur présente ici la région comme un système vu
son caractère ouvert à l’extérieur, cohérent et permanent.
 Une dimension organisationnelle : où il considère les stratégies développées par
chacun des acteurs portuaires ainsi que l’impact de la politique ville port.
Notteboom et Rodrigue (2004)9constatent que les compagnies maritimes ont réussi à réduire les
coûts de la phase maritime grâce au développement des stratégies d’intégration verticale, Ils
recommandent ainsi la réduction des coûts du transport terrestre dans l’arrière-pays. Selon
l’auteur la régionalisation est le résultat de plusieurs facteurs tels que l’incapacité d’un port de
recevoir des navires de grande taille et l’insuffisance de l’espace qui rend l’expansion
impossible. Le système portuaire se trouve obligé dans ce cas d’externaliser cette activité vers un
autre port de la région.
Dans ce qui suit, une brève description des différentes étapes du modèle :
- Phase 1 : Ports disjoints
- Phase 2 : Pénétration et capture de l’arrière-pays : les ports accroît leur liaison à l’arrière-pays
grâce à la construction des corridors terrestre.
- Phase 3 : Interconnections et concentration : certains ports occupent une position dominante
grâce à un avantage compétitif qu’ils détiennent
- Phase 4 : Centralisation : un port réalise une domination régionale dans son étendu, il joue ainsi
le rôle du pivot.
- Phase 5 : Déconcentration et ports satellites : le port pivot est concurrencé par de nouveaux ports
satellites qui ont réussi à accroitre leur compétitivité.

7
GUILLAUME J. 52001) Proposition méthodologiques pour une définition géographique des régions
portuaires. In M.COLLIN, C PRELORENZO, M.SEGAUD (coord) Les territoires de la ville portuaire. Le havre,
AIVP,pp 111-117
8
Lavaud-Letilleul Valerie 2007, « Le Delta d’Or autour de Rotterdam, Anvers et Zeebrugge. », les cahiers
scientifiques du transport n°51/2007 Pages 61-96.
9
NOTTERBOOM. T et RODRIGUE JP, (2004), Inland freight distribution and the sub-harborisation of port
terminals, Congrès ICLSP, du 22 au 26 septembre 2004, Dalian, chine
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- Phase 6 : Régionalisation : le port commence à attirer un trafic international de transbordement.


Et accroit sa liaison à l’arrière-pays grâce aux réseaux de transport terrestre appartenant à
plusieurs chaines logistiques.
En 200510, les deux auteurs ajoutent un nouvel apport à la modélisation portuaire, grâce à l’étude
des ports Ouest Africains, ils décrivent l’évolution de la concurrence et ils démontrent comment
un port satellite peut offrir un avantage compétitif au port principal situé dans la même région.
Ils ajoutent aussi que cette régionalisation affirme le rôle des autorités portuaires en tant que
«facilitateurs» des opérations logistiques d’un arrière-pays.
Lavaud-Letilleul . V (200711), démontre que dans le cadre de la mondialisation la régionalisation
est l’échelle pertinente pour imaginer le futur de l’activité conteneurisée dans le delta d’or autour
de Rotterdam, Anvers et Zeebrugee. Pour y parvenir, il a commencé par étudier les
caractéristiques de la région et mesurer son degré de régionalisation en se basant sur un ensemble
de critères :

 Concentration spatiale des trafics conteneurisés : elle s’évalue par la proximité entre le port
et le volume du trafic.
 La notion d’interdépendance : il s’agit de vérifier l’existence de relation d’hiérarchie et de
complémentarité entre les ports d’une région, à travers l’évaluation du trafic échangé entre
ses ports. L’auteur ajoute que la régionalisation peut se justifier par l’existence de
complémentarité technique entre les outils portuaires de qualité inégale ainsi que par la
variété de valeur ajoutée créée dans chaque port.
 Les modalités de structurations de la régionalisation portuaire : l’auteur étudie à ce niveau
l’intérêt qu’occupe le développement portuaire par rapport aux autres stratégies de
développement possible, il prend l’exemple de l’autorité communale du port de Rotterdam
qui voulait créer un nouveau polder pour accroître la capacité d’accueil des conteneurs et des
produits chimiques. Or, l’intervention de la municipalité dissuade le projet car elle s’est déjà
fixé comme objectif, depuis les années quatre-vingts, de faire de Rotterdam une véritable
métropole, et de réaliser des transformations socio-économiques et urbanistiques en créant et
encourageant des activités de haut niveau afin d’attirer des populations diplômées et aisées.
 Pérennité du système : ce critère est analyse à partir de l’étude de l’évolution de l’ensemble
de ces données déjà citées.

I.2. les modèles de gouvernance portuaire :

Le concept de gouvernance est annoncé pour la première fois dans le domaine de gestion durant
les années 1930 par des économistes américains. A partir des années 1970, la notion est utilisée
par le gouvernement britannique pour désigner les politiques de décentralisation et de

10
NOTTERBOOM. T et RODRIGUE JP, (2005), port régionalization : towards a new phase in port
developpemnt, Maritime Policy and Mangement, vol 32,n°3,pp233-258
11
Lavaud-Letilleul Valerie 2007, « Le Delta d’Or autour de Rotterdam, Anvers et Zeebrugge. », les cahiers
scientifiques du transport n°51/2007 Pages 61-96.
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privatisation menées par l’Etat. En 1998, Stocker12 importe la notion au domaine portuaire, il
analyse le concept de la gouvernance et le décompose en cinq éléments :

 Un ensemble d’établissements ou d’intervenants provenant du gouvernement ou de


l’extérieur.
 Une zone frontalière de discussion qui combine les contraintes économiques, politiques,
environnementales et sociales.
 Des relations de pouvoir entre différents intervenants et établissements.
 Un réseau d’établissement géré de manière indépendante.
 La possibilité de réaliser les objectifs sans dépendre de l’autorité gouvernementale.
Claude Comtois et Brian Slack 200313, la gouvernance portuaire relève de l’autorité portuaire et
devrait se résumer dans un futur proche à trois objets de gestion : le foncier (planification,
concession), l’environnement (conformité), le transactionnel (la promotion des lieux). Wang et
slack (2003) analysent le port de Shanghai et tentent de soulever les effets de la gouvernance sur
la concentration /déconcentration spatiale portuaire dans une région donnée. Ils démontrent que
la gouvernance portuaire est un facteur essentiel de développement portuaire, ils relèvent que les
ports chinois ne suivent pas les étapes du modèle Anyport ; La gouvernance des ports chinois
leur donne un spécial de croissance qui les distingue.
Martin et Thomas (2001)14distinguent deux modèles de gouvernance portuaire, le premier
concerne les ports de vrac et le deuxième se concentre sur les ports de conteneurs.
Les auteurs schématisent l’organisation des ports de vrac à travers 3 cercles : le premier situé au
centre comprend les transporteurs et agents maritimes qui occupent la position principale dans le
processus de développement portuaire. Le deuxième cercle regroupe les opérateurs de terminaux,
les opérateurs de péniches, les propriétaires, les quais et les expéditeurs et retrace les flux
physiques (cargaison) et les flux d’information (administration). Le dernier cercle représente
l’administration portuaire qui a pour mission principale de créer et fournir les infrastructures. Ils
constatent que malgré l’échange d’information, la gouvernance se fait de manière désintégrée,
chaque acteur prend ses décisions et réalise les fonctions qui lui sont attribuées d’une manière
autonome.
Contrairement, dans la gouvernance d’un port de conteneur, le rôle principal est occupé par les
transporteurs globaux de terminaux. La deuxième position du schéma est occupée par les
opérateurs de terminaux, les transporteurs routiers ferroviaires, les opérateurs de service côtiers
et les expéditeurs. A la troisième position on trouve la communauté maritime qui assure le lien et
la coordination entre l’ensemble de ces intervenants, les acteurs mettent l’accent sur le rôle des
technologies de l’information dans la coordination et l’échange de données entre les diffèrent
acteurs.

12
Wang JJ ? ET Olivier.D 2003, Regional governance of port development in China : Acase study shanghai
international shipping center,Maritime policy and Management, vol.31, no4 pp 357-373
13
Comtois Claude., Slack BRIAN., 2003, Innover l’autorité portuaire au 21e siècle : un nouvel agenda de
gouvernance, Les cahiers scientifiques du transport n°44, p.11-24.
14
MARTIN, J ET THOMAS B,J (2001), the container terminal community, Martime Policy and Management,
vol 28 no 3 pp279-292
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Wang et al (2004) proposent à leur tour un modèle de gouvernance portuaire qui précise
l’ensemble des éléments qui caractérisent un port ainsi que les liens entre les intervenants, remet
en question les reformes portuaires qu’il qualifie d’autoritaires.
Eric Foulquier (2009)15 traite les problématiques de tension et de conflit qui impactent la
gouvernance d’un port. Selon lui, le terme de gouvernance recouvre aujourd’hui une double
logique d’organisation : verticale, lorsqu’il désigne la recomposition des compétences au sein
d’une hiérarchie de pouvoir ; horizontale, lorsqu’il caractérise l’ensemble des dispositifs mis en
œuvre au sein d’une organisation pour mener des coordinations plus efficaces. Ces deux réalités
servent le même objectif, l’optimisation des décisions, la croissance des revenus ou la réduction
des coûts. Il précise que la gouvernance portuaire est un concept de plus en plus utilisé par la
plupart des spécialistes, associé à l’idée d’une redistribution des pouvoirs sur les quais et dans
leur région proche.
Claude C, Slack B (2003) 16, proposent plusieurs orientations de gouvernance portuaire selon
lesquelles les autorités portuaires remplaceront les stratégies de différenciation qu’elles adoptent
les unes contre les autres par des stratégies de collaboration qui les réuniront entre eux ainsi
qu’avec les communautés locales. Ils regroupent leur recommandation dans trois axes qu’ils
appellent instruments de la gouvernance portuaire.

- Les mandats :

Les auteurs proposent d’élargir le mandat des autorités portuaire à deux niveaux.
Premièrement, au niveau de la gestion foncière ; l’idée que les autorités portuaires sont
uniquement des agences statutaires côtières responsables de l’expédition et de la manutention du
fret doit être remplacée. Les autorités portuaires doivent détenir le mandat de gérer et d’exploiter
tous les terrains qui sont sous leur juridiction, tout en étant assujetties à certaines formes de
super- vision publique tel que les règlements de zonage. Deuxièmement elles doivent faire de la
gestion environnementale l’une de leurs premières responsabilités et préoccupations.

- Les Compétences :

L’élargissement du mandat des autorités portuaires aux niveaux de la gestion du foncier et de


l’environnement leur exigent de développer leurs compétences dans ces domaines. Elles doivent
posséder des compétences sur l’ensemble du marché foncier notamment sur la gestion des fronts
maritimes et des équipements de logistique.
Au niveau de la gestion environnementale elles doivent se préoccuper de plus en plus des
travaux de recherche et de développement pour optimiser la planification environnementale

15
Foulquier, « Tensions, conflits et gouvernance dans les ports de commerce français (2004-2007). »
Comtois Claude., Slack BRIAN., 2003, Innover l’autorité portuaire au 21e siècle : un nouvel agenda de
16

gouvernance, Les cahiers scientifiques du transport n°44, p.11-24.


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locale et régionale.

- Le rayonnement Géographique :

L’autorité portuaire doit conserver son rôle d’agence publique pour la gestion des
espaces maritimes. Ce rôle qui se manifestait par l’exercice d’un contrôle physique direct doit
s’enrichir par la mise en place de stratégie commerciale et l’analyse de l’environnement.

II. Le système portuaire Marocain :Quel modèle de développement ?

Le système portuaire du Maroc est constitué de 13 ports de commerce (Casablanca, Tanger,


Tanger-Med, Nador El Hoceima, Kenitra, Mohammedia, Jorf-Lasfar, Safi, Agadir, Tantan,
Laayoun et Dakhla). Ces ports se distinguent en termes d’activité et de caractéristiques
techniques.

Dans ce système le port de Casablanca et le port de Tanger-Med, Bien que différents voir
complémentaires, constituent les piliers de l’économie nationale. Le premier s’occupe de
l’alimentation des besoins internes et le deuxième attire un trafic de transbordement.

Nous allons essayer, dans un premier titre, de porter un regard sur la compétitivité du système
portuaire marocain, d’étudier les lignes d’actions adoptées par le royaume pour garantir une
bonne gouvernance de ses ports et soutenir le développement durable de la région, Dans un
deuxième titre nous tenterons d’analyser avec un esprit critique les apports et les limites de ce
modèle.

II.1 La compétitivité du système portuaire marocain

II.1.1 Caractéristiques du secteur : Avant la réforme

Avant la réforme, les ports du Maroc souffraient d’une organisation défaillante qui affectait la
productivité de l’ensemble des intervenants. La situation est tout à fait alarmante, la non-
compétitivité est affirmée en termes de coût, de délai et de sécurité.

En effet, les griefs émis par les usagers à l’encontre de l'organisation des ports étaient
nombreux :
- Délais de séjour des conteneurs au port élevés : Le délai de séjours des conteneurs au port de
Casablanca demeurent élevés. Il provoque une saturation portuaire et constitue un obstacle à
la fluidité des échanges. Ce délai a atteint son seuil le plus élevé soit 13,5 jours au deuxième
semestre de 2007.Ce chiffre est extrêmement élevé par rapport à une moyenne mondiale de
6jours.

- Attente des navires : L’attente des navires en zone de mouillage était un phénomène
fréquent. Ces attentes sont dues à la congestion portuaire, à la non-disponibilité des
équipements, à l’arrivée tardive de la cargaison ou à des problèmes documentaires.
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- Monopole de l’acconage :L’ODEP bénéficiait du monopole de l’état pour le traitement de la


totalité des navires accostant sur les ports marocains. Elle proposait des services d’aide à la
navigation, de pilotage, de remorquage, de lamage et le magasinage. EN même temps elle
jouait le rôle de police portuaire. Par ailleurs, le coût facturé par l’ODEP dépasse de loin le
coût réel des prestations

- Oligopole de stevedoring : la manutention à bord est réalisée par un nombre limité de


stevedores. Sur le port de Casablanca par exemple huit stevedores concentrent l’activité. Les
transporteurs réclament d’être obligés d’accepter des services non nécessaires de la part de
certains Stevedores, comme le watchman et le garbage. En cas de refus, ils doivent
confrontés des arrêts ou refus de travaux imprévus.
- Suite à la puissance des syndicats des dockers, les Stevedores sont en effet obligés de retenir
un nombre élevé de dockers. Sur le port de Casablanca par exemple 800 dockers sont recrutés
alors qu’un nombre de 250 à 300 serait suffisant. Cette surcapacité engendre un taux de
chômage de 40% et un accroissement de la masse salariale ce qui se répercute sur les tarifs.

- Malgré le sureffectif des dockers, Les armateurs réclament un certain nombre d’abus tels
que le manque de discipline et de professionnalisme, le manque de connaissances pratiques, la
faible productivité, l’absentéisme sans motif apparent et le remplacement par des non-
dockers, ainsi que les pannes à répétition.

- La rupture de charge entre la manutention à bord et à terre permet aux manutentionnaires


d’échapper à toute responsabilité même si l’exploitation est inadaptée aux besoins, voire
polluée de clientélisme et de manque d’implication. Cette situation s’aggrave par une
insuffisance de la réglementation des métiers portuaires.

- La programmation de l’accostage des navires et l’affectation des équipements sont contrôlés


uniquement par l’ODEP, qui assure aussi la fonction d’opérateur de terminal. Cette situation
crée un risque d’abus de pouvoir et encourage la corruption et le favoritisme.

- Manque de productivité : En outre, la productivité est très limitée à cause d’une multitude
d’arrêts de travail due à une insuffisance d’équipements et de matériels spécialisés et à la
défaillance des engins faute de maintenance périodique et préventive, temps de réparations
longs ; un manque de techniciens spécialisés et qualifiés.

-En matière d'infrastructures, pour des extensions d’accostage il ne reste au port de


Casablanca, que la possibilité des quais adossés à la jetée des phosphates.

- Le coût de la traversée maritime grève le transport international routier. La traversée du


Détroit est deux à trois fois supérieure à la norme pour des distances de traversée
comparables.

- les coûts de passage portuaire sont largement supérieurs ceux pratiqués dans l’Europe

-En ce qui concerne la sûreté de la chaîne logistique, l’activité portuaire est affectée par le
trafic des stupéfiants et des passagers clandestins. En cas d’incident, le véhicule et la
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cargaison sont immobilisés par la police. Ce qui engendre une augmentation importante des
coûts directs pour les opérateurs avec un grand risque de perte de marchandise.

-Insuffisance des moyens de manutention spécialisés dans les ports du Royaume.

-Le transport frigorifique est coûteux pour les exportateurs marocains puisqu’il représente 15
à 30% de la valeur de la marchandise. 17

-La perte de compétitivité des ports marocains tient également au fait qu'ils sont mal reliés
aux lignes de transport routier et ferroviaire.

II.1.2 Le processus du développement portuaire : Les efforts engagés

Dans le cadre de sa volonté d’assurer le développement interne et de maintenir la croissance dans


un environnement marqué par les contraintes de la mondialisation, le Maroc a engagé tout un
ensemble d’effort pour améliorer sa compétitivité portuaire. L’objectif est de soutenir les
exportations marocaines et de saisir les opportunités qu’offre un trafic de transbordement.

Pour moderniser son système portuaire le Maroc a engagé, dès lors, des efforts considérables
dans le développement, l’adaptation et la modernisation des infrastructures et de l’organisation
portuaires. La politique entreprise par le royaume s’est voulue ambitieuse et complète. Elle a été
définie en adéquation avec les plans de développement des villes portuaires et a veillé à respecter
les caractéristiques environnementales de chaque région.

La réforme portuaire entrée en vigueur en décembre 2006constitue une première étape dans ce
processus. Elle a marqué une phase de transition d’un modèle de possession, de contrôle et
d’exploitation public des infrastructures, vers un modèle de gouvernance dit hybride où la
propriété et le contrôle relèvent du secteur public, alors que l’exploitation est réalisée par des
opérateurs privés (modèle landlord). Le rôle de l’état est redéfini, car celle-ci se retrouve de plus
en plus incapable de supporter les coûts d’investissement dans des infrastructures.

Ce nouveau mode de gouvernance a visé l’adaptation du cadre législatif et réglementaire aux


nouvelles pratiques du secteur, elle a introduit ainsi la séparation des trois fonctions réalisées par
l’ODEP : la fonction régalienne, la fonction d’autorité et la fonction commerciale. Dans ce
nouveau schéma l’état élabore la politique générale et met en place la réglementation, L’ANP
assure le rôle de l’autorité portuaire et l’exploitation portuaire est réalisée par des acteurs publics
et privés. Au port de Casablanca deux opérateurs sont en concurrence notamment MARSA
MAROC et la SOMAPORT filiale de CMA-CGM.

Ce nouveau modèle compte deux apports principaux. Premièrement, l’introduction de la


concurrence entre les ports et à l’échelle du même port. Deuxièmement, l’instauration du

17
Ministère de l’Equipement et des Transports, Stratégie nationale de développement de la compétitivité
logistique, avril 2010.
Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

principe de l’unicité de la manutention pour mettre fin à la rupture de charge bord-terre. La


responsabilisation du manutentionnaire engendre une nette amélioration de l’efficacité, de
l’efficience et de la productivité des opérations.

Parallèlement, plusieurs autres efforts ont été entrepris par le gouvernement pour le
développement, l’adaptation et la modernisation des infrastructures et de l’organisation
portuaires dont on peut citer : La construction du nouveau port Tanger Med, la Signature de la
"feuille de route" le 14 décembre 2007, le lancement du projet Port Net par l’ANP en 2008 dans
le cadre du plan national de simplification des procédures et de généralisation de l’EDI. Et la
mise en service le 05 janvier 2009 de la base automatisée des douanes en réseaux « BADR »
permettant au chargeur d’enregistrer leur déclaration via système afin qu’elle soit traitée dans les
meilleurs délais.

Pour coordonner l’ensemble des efforts engagés, le Maroc a annoncé une stratégie portuaire
nationale à l’horizon 2030. Cette stratégie vise à contourner les enjeux stratégiques des ports
marocains, à augmenter leurs capacités, à améliorer leurs infrastructures et superstructures pour
garantir une meilleure compétitivité portuaire et constituer un soutien solide aux différentes
stratégies sectorielles.

La nouvelle stratégie annonce deux objectifs principaux : Premièrement, la consolidation du


positionnement du Maroc sur ses deux façades maritimes et la saisie d’une portion du trafic de
marchandise et du tourisme maritime international entre l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient, et
l’Asie. Et deuxièmement, le soutien des équilibres régionaux et la contribution à leur
développement social et humain.

Dans le cadre du programme de régionalisation adopté par le pays, les ports doivent participer au
développement durable des régions tant sur le plan économique que sur le plan social. A cet
effet, la stratégie portuaire a emprunté le principe du « pôle portuaire »

Un pôle portuaire est un regroupement géoéconomique et stratégique des ports d’une région ou
d’une zone autour d’un ou plusieurs ports majeurs.18Dans cette optique, chaque pôle portuaire est
composé d’un ou plusieurs ports principaux qui jouent le rôle capital en termes d’aménagement
du territoire. L’activité des autres ports du pôle est arrangée dans une approche de
complémentarité ou de spécialisation.

A cet effet, Six pôles portuaires sont définis par la stratégie :

 Le pôle de l’Oriental tourné vers l’Europe et la Méditerranée et notamment le Maghreb,


 Le pôle du Nord-Ouest, porte du Détroit avec Tanger,
 Le pôle de Kenitra-Casablanca qui regroupe notamment deux ports, Mohammedia et
Casablanca, au sein d’une même conurbation,
 Le pôle Abda – Doukkala, centre de l’industrie lourde, avec Jorf et Safi,
 Le pôle du Souss – Tensift, avec le complexe portuaire d’Agadir,

Ministère de l’Equipement et des Transports,La stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030, Royaume du
18

Maroc, 2011, 62p


Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

 Le pôle des Ports du Sud regroupant 3 ports : Tan Tan, Laâyoune, et Dakhla.

Au niveau de chaque pôle plusieurs types de travaux sont entrepris :

 Extensions des terminaux : Port de Mohammedia, Port de Casablanca, Port de Jorf


Lasfar, Port d’Agadir, Port de Tarfaya.
 Intégration des ports dans le milieu urbain : Tanger-ville, Kénitra-ville, Casablanca,
Safi-ville
 Construction de nouveaux ports : Port de Nador West Med, Port de Kénitra Atlantique,
Port gazier de Jorf Lasfar, Nouveau port vraquier de Safi, Port de Dakhla Atlantique

II.2Le modèle du développement portuaire marocain : Apports et limites

 Au niveau du port

Suite à l’ensemble de ces mesures, le système portuaire marocain a enregistré plusieurs


avancements. Notamment une nette amélioration de la productivité. A titre d’exemple, le
rendement moyen est aujourd’hui de 27mvt/h/portique pour le conteneur au port de Casablanca
alors qu’il variait entre une moyenne de 12 à 15. De la même manière, la productivité pour les
céréales 9000/T/N/J alors qu’elle était de 3500 à 4500.19Le principe de l’unicité de manutention
a permis une simplification du mode de facturation et une réduction de 25 à 40% des coûts
globaux de passage portuaire.

Cependant, on constate qu’il existe toujours sur le terrain, quelques lacunes qui pèsent lourd sur
la compétitivité des ports du Royaume.

Premièrement, malgré l’introduction du principe de concurrence, le marché de manutention


demeure monopolistique dans les différents ports du royaume (sauf Tanger-Med). Au port de
Casablanca, par exemple, bien qu’il y ait deux opérateurs, la répartition des terminaux à capacité
inégales fausse le jeu de la vraie concurrence (M.ELKHEYAT, 2014)20.

En outre, bien que le délai de séjour de marchandise a bénéficié d’une attention toute particulière
de la part de la communauté portuaire pour atteindre 6,2 jours en octobre 2015. Ce chiffre n’est
qu’une moyenne et les écarts demeurent très élevés et éclatent dans les périodes de congestion.

Par ailleurs, l’attente des navires en rade ou même à quai reste une problématique majeure
malgré les efforts déployés. Cette inefficience se répercute directement sur les taux de fret
facturés au chargeur. Elle cause ainsi un renchérissement des produits sur le marché local et un
déficit de la balance commerciale.

Considéré pendant longtemps comme un pilier de l’économie nationale, le port de Casablanca,

19
Agence nationale des ports, secteur portuaire marocain : De lagouvernance a la stratégie, juin 2015, 27 p
disponible sur : http://www.srm-maritimeconomy.com/wp-content/uploads/2015/09/slide-elfilali-anp.pdf
20
ELKHAYAT Mustapha, la compétitivité du port de casablanca en question, In Daniel LABARONNE(coord),
Villes portuaires au Maghreb : Acteurs du développement durable, paris, presse des mines, collection
développement durable, 2014, p 139-157
Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

est en train de perdre sa compétitivité. Cela s’explique par la fréquence des problèmes de
congestion et la concurrence de Tanger-Med. Selon des témoignages recueillis auprès de
plusieurs acteurs de la chaîne portuaire, les importateurs et exportateurs marocains n’hésitent
plus, à chaque fois qu’ils le peuvent, à faire passer leurs marchandises, à l’export comme à
l’import, par le nord du royaume.21

 Au niveau de la région

Sur le plan régional, l’initiative exemplaire du port de Tanger-Méditerranée constitue notre


première référence. Son effet direct sur la région du nord spécialement la ville Tanger et Tétouan
a été d’une grande ampleur que ce soit en matière de redynamisation du tissu économique que de
création des infrastructures. Considérée auparavant en retard par rapport aux autres villes du
pays, la région nord est entrée dans une phase de croissance soutenue et s’est ouverte au
dynamisme mondial. De ce fait, ces villes ont vu leur vocation changer profondément : elles ne
seront plus des récipiendaires de la solidarité nationale, mais des contributrices nettes au
développement.( Abdelmalek Alaoui,2015)22

À Casablanca, la mondialisation des économies a faussé le jeu de complémentarité qui existait


entre le port et la ville. Chacun d’eux s’accuse actuellement d’être l’origine de plusieurs
problèmes pour l’autre. A cet effet l’intervention du pouvoir public était cruciale dans la création
des synergies. La stratégie du développement portuaire a tracé les lignes d’action pour garantir
un meilleur développement urbain et un bon aménagement territorial.

La stratégie a prévu la spécialisation du port de Casablanca dans un trafic à forte valeur ajoutée
(conteneur et RO-RO), tout en maintenant un trafic céréalier et renvoyant les produits non
vraquiers vers Mohammedia ou vers le nouveau port de Kenitra. L’objectif est d’éviter la
congestion de la ville. Dans cette même perspective une nouvelle porte (porte5) a été ouverte et
une liaison routière reliant zone logistique Zenata au port a été construite. La stratégie prévoit
aussi l’aménagement d’un terminal de croisière ouvert directement sur la ville, à la place de
l’ancien terminal Tarik la zone de réparation de navire et le port de pêche.

Ces projets portuaires ont été conçus parallèlement à d’autres projets ciblant le développement
de la ville et de ses infrastructures notamment la création du « Casablanca Marina », la mise en
œuvre du « tramway de Casablanca » en 2012, le développement du pôle aéroportuaire de
Casablanca comme « Hub » connectant l’Europe à l’Afrique et le Moyen Orient à l’Amérique, la
création du centre financier de Casablanca en 2010, le développement des zone logistiques…etc.

L’objectif est d’assurer un développement du port en cohérence avec les objectifs et le potentiel
de la ville. Les efforts menés tentent de spécialiser le port et la ville vers des services de luxe
toute en améliorant la connectivité du port. Le port de Casablanca doit continuer à se développer,
21
Tantaoui Younes, La compétitivité du port de Casablanca remise en question, la vie éco, 15 décembre 2015
Disponible sur http://lavieeco.com/news/economie/la-competitivite-du-port-de-casablanca-remise-en-
question.html#KH08bZQ1aCebAXcQ.99
22
Abdelmalek Alaoui, Au Maroc, les villes intelligentes à l'épreuve de la régionalisation avancée, la tribune,
30/11/2015 disponible sur http://www.latribune.fr/regions/smart-cities/les-villes-intelligentes-a-l-epreuve-de-la-
regionalisation-avancee-524118.html
Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

mais en s’assurant d’une cohabitation aussi harmonieuse que possible avec les contraintes du
développement urbain (Nachoui Mustapha,2014).23

En 2015, dans le cadre du processus de régionalisation avancée adopté par la constitution


marocaine du 1er juillet 2011, le Maroc a bénéficié d’un nouveau découpage territorial.
L’objectif majeur est de confirmer la vocation de la Région en tant que chef de file du
développement socioéconomique, culturel et environnemental dans le cadre d’une approche
partenariale associant l’ensemble des acteurs publics et privés du développement à l’échelle de la
région(Abdélkebir Berkia).24

Le Maroc énumère aujourd’hui 12 régions dont neuf disposent d’une façade maritime et trois
sans façade.

En rapprochant les différentes régions du royaume à la stratégie portuaire nous observons que
quatre régions jouiront de leurs propres pôles portuaires et cinq vont être regroupées pour former
deux pôles. Ainsi les ports de la région Casa-Settat et la région Salé-Kenitra sont regroupées
dans le pôle Kenitra-Casa. Les ports de la région Guelmim-Oued Noun, de la région de
Laâyoune - Sakia El Hamra et de la région de Dakhla-Oued Ed Dahab vont faire l’objet du pôle
des ports de Sud. Les autres régions à façade maritime constitueront un pôle portuaire chacune.
Notamment la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, la région de l'Oriental, la région de
Marrakech-Safi, et la région de Souss-Massa.

Nous constatons ainsi que ce découpage annoncé dans le cadre de la stratégie ne coïncide pas
avec le découpage régional du pays. Pour obéir à la volonté de garantir l’indépendance
économique de la région, il est clairement nécessaire de doter chaque région des voies maritimes
nécessaires pour alimenter ses besoins, créer de la valeur ajoutée et assurer son dynamisme.

Par ailleurs, les programmes mis en place pour améliorer la compétitivité des pôles portuaires
demeurent limités en grande partie à l’investissement dans de nouvelles infrastructures et
superstructures. Or, le succès d'un pôle ne dépend pas seulement du volume ou de la qualité de
ses installations, il faut créer un mécanisme de coopération et de complémentarité entre les
différents ports du pôle afin de renforcer leur position concurrentielle. La coopération portuaires
peut porter sur des décisions ayant trait à la gouvernance et/ou à l’exploitation des
ports en cause. 25

En fin, au Maroc, la gouvernance portuaire est traditionnellement contrôlée par l’État. Or, nous
pensons que la réussite du processus de régionalisation, et la récolte de ses différents avantages,
ne peuvent avoir lieu que si les régions portuaires bénéficient d’une autonomie de pilotage leurs

23
Nachoui Mustapha, casablanca et son port deux évolutions contrastées dans le sillage de la mondialisation :
vision prospective, In Daniel LABARONNE(coord), Villes portuaires au Maghreb : Acteurs du développement
durable, paris presse des mines, collection développement durable, 2014, p 121-138
24
Abdélkebir Berkia,La Régionalisation au Maroc, un processus au service du développement durable du
territoire, disponible sur : http://www.regionsunies-fogar.org/fr/devenir-membre/articles-d-opinion/78-la-
regionalisation-un-processus-au-service-du-developpement-durable-du-territoire
25
Anne GALLAIS BOUCHET, Les partenariats interportuaires dans le monde : coopération et coordination, note
de synthèse n 159, ISEMAR Novembre 2013, 4p.
Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

permettant une certaine indépendance et une responsabilisation dans les choix.

En effet, nous considérons que la sous-compétitivité relative des ports du royaume, est
éventuellement, liée à conduite de la gouvernance portuaire par l’État. Cette constatation émane
de deux facteurs. D’un côté, le pilotage étatique rend ces ports moins intégrés aux
problématiques régionales notamment la création des richesses et d’emplois ainsi que le
développement durable de la région.

Deuxièmement, une région qui n’a pas la responsabilité de son port risque de ne s’engager que
faiblement dans le processus du développement portuaire. Elle risque, par exemple, de limiter
ses investissements en infrastructure autoroutière, de création de zones logistiques.
Conclusion

Un système portuaire est un système hétérogène qui regroupe les acteurs-sources du passage
portuaire, des acteurs producteurs de services permettant le passage du navire et des
marchandises les acteurs producteurs de services logistiques de soutien aux activités portuaires,
l’autorité portuaire et de multiples autres administrations. Ainsi il est clair que la performance du
port est le résultat de la performance de l’ensemble des acteurs.

Le système portuaire marocain est entré dans une phase de transition, entretenu par un ensemble
de stratégies et d’actions, cependant les acteurs portuaires et régionales ne sont que faiblement et
limitativement impliqués dans ce processus de progression.

A la lumière de ces considérations, il apparaît clairement qu’il est venu le temps de considérer
l’avenir du système portuaire du Maroc dans un contexte qui dépasse le rôle de l’Etat, il s’agit de
l’adapter aux tendances et aux lignes de forces imposées par la logique maritime mondiale. Il
s’agit de repérer les moyens de canaliser les énergies et d’identifier les compétences, de chercher
les méthodes pour soutenir les forces de nos ports, de dégager le chemin pour requalifier les
métiers de base et de proposer une reconfiguration du paysage portuaire du point de vue de la
réglementation, des institutions, des opérateurs, des infrastructures et de l’outillage.
Revue Organisation et Territoire n°2, 2016

Bibliographie

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