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Patrimoines en folie - Paysage, rhétorique et patrimoine - Éditions de la Maison des sciences de l’homme 07/12/17 11:53

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l’homme
Patrimoines en folie | Henri Pierre Jeudy

Paysage,
rhétorique et
patrimoine
Anne Cauquelin
p. 227-234

Texte intégral
1 La juxtaposition des trois termes, paysage, rhétorique et
patrimoine, peut paraître choquante. Que viennent donc
faire ensemble, d'une part, rhétorique et paysage, et avec ce
couple, d'autre part, le terme patrimoine ? Les trois notions
semblent appartenir à des sphères différentes, et en les
rapprochant je semble provoquer des questions qui ne se
posent pas dans l'usage commun que nous en faisons
généralement.
2 Ce que j'aimerais montrer ici c'est qu'aucune de ces notions
ne va de soi et que leur utilisation manque de netteté. Ainsi
le projet du patrimoine de conserver des sites, de préserver
leur authenticité pour des générations futures, est
réellement ambigu face à un objet qui se transforme en
permanence et dont les valeurs culturelles fluctuent selon

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les époques. D'autre part, le paysage est-il un de ces objets


de science que l'on pourrait décrire parce qu'il serait de
l'objet de la nature, ou bien sa construction obéit-elle à un
processus mental, dont les éléments sont issus d'une
certaine culture occidentale ? En ce cas, force nous serait
d'avouer que des opérations rhétoriques sont à l'origine de
sa constitution en objet naturel et de nous interroger sur le
processus qui a conduit d'une image à une vérité.
3 Nous sommes accoutumés, en effet, à percevoir la
rhétorique comme un artifice rusé, et le paysage comme la
nature môme. L'une participe de l'ordre du vraisemblable,
l'autre représente ou renvoie à l'ordre du vrai. Comment
donc l'artifice, construction destinée à forcer la conviction,
peut-il être dit « de » nature et comment le paysage, qui
semble nous être donné ingénument dans une présentation
posée là, peut-il se commettre ou être commis dans un
montage ingénieux ?
4 Face à cette question, il nous faut tenter de circonscrire la
définition du paysage dans la sphère de sa genèse. Montrer
que sa conception appartient à l'ordre du symbolique, pour
comprendre ensuite quel cheminement l'a conduit à se
substituer à l'idée de nature au point qu'il existe maintenant
une relation d'identité entre les deux termes.

Genèse d'une forme

Le degré zéro du paysage


5 Une surprise nous attend au seuil de notre histoire
occidentale. Une surprise grecque. Le mot « paysage » est
absent du lexique1, et la chose, par là même, n'existe pas
non plus. Nous, qui rêvons les îles sur la mer, la lumière du
ciel, les lointains violets, nous voici frustrés, perplexes. Et
de fait, aucune description de paysage dans les dialogues de
Platon (un seul petit ruisseau à sec figure dans le Phèdre),

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rien chez les philosophes et, chez les historiens, un décor


destiné à situer une bataille, à tracer l'environnement pour
une étude de mœurs, encore n'est-ce que la projection, sur
l'espace territorial, de traits relevés dans les récits de
voyageurs : des « on dit » (voir Jacob, 1982). Pourtant, la
nature, phusis, est l'objet de nombreuses définitions, et son
importance comme concept fondamental, chez Aristote par
exemple, n'est plus à démontrer. La nature, c'est l'énergie,
la dynamique qui anime les êtres vivants et distribue, par
économie, les caractères anatomiques et génétiques
accordés aux espèces et nécessaires à leur vie et survie. Ses
manifestations sont visibles, présentes en chaque lieu où
croissent les plantes et où se meuvent les animaux. Bonne
économe, bonne maîtresse de maison, la nature utilise ses
ressources au mieux, ne fait rien sans finalité précise, et
gère au plus près les intérêts de chacun. Avec cette « idée »
ou forme de nature, qu'il s'agit de comprendre dans ses
détours, point n'est alors besoin, pour en rendre compte, de
passer par la contemplation de ses aspects paysagers. La
nature, sa compréhension, appartient à l'ordre de l'intellect,
non de la sensibilité. La nature ne donne pas à voir, mais à
analyser. Sa logique est celle d'une économie bien comprise,
et si on devait utiliser une métaphore pour en rendre
compte, ce serait à la théologie, à la cosmologie, qu'on
l'emprunterait2.
6 Les données des sens ne nous livrent pas d'informations sur
la nature, mais sur les apparences, qu'il faut éloigner. Par
exemple, la vision des couleurs : Platon comme Aristote
font des couleurs une théorie, assez étonnante pour nous,
qui accompagne l'absence d'intérêt pour le sensible. Théorie
où interviennent seuls le noir et le blanc, l'opaque et le
transparent (diaphanès), seuls phénomènes valant la peine
que l'on en discute. C'est leur mélange suivant certaines
proportions qui donnent les nuances, peu nombreuses du
reste - il y en a quatre en tout -, qui servent à décrire ou à

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peindre les objets perçus3. Ainsi l'absence de toute


description de paysage va de pair avec cette autre absence
dont s'étonnait Nietzsche, celle du « bleu ». Ici le mot
existe, quoique peu utilisé (kuanos), mais c'est le
« glauque » qui est toujours nommé. La mer, les fleuves, les
yeux sont glauques ou sombres. De cet oubli, de ce qui nous
paraît un effacement, il nous faut donc faire naître le terme
et la notion de paysage. Ou, pour le dire autrement,
montrer quand et comment l'image de la nature, sa
métaphore, s'impose sous l'espèce du paysage comme le
versant visible de l'idée.

L'invention de l'image
7 On a souvent désigné la Renaissance comme le lieu de ce
renversement du concept de nature, pure idée, en visibilité,
et, de fait, l'apparition du mot et de la chose « paysage » est
datée approximativement par les historiens (entre 1300 et
1450). La question de la peinture est, certes, à l'origine de
cette découverte, et la peinture avec paysage se distingue
dès lors des schématisations iconiques précédentes,
destinées à situer les personnages d'une istoria de manière
codée. On peut accepter cette version, grosso modo ; reste à
savoir pourquoi et comment cet usage s'installe, de quelle
nécessité il surgit et quelle forme est alors engendrée par ce
dispositif singulier. Car il ne s'agit pas seulement de
l'histoire de la peinture. L'histoire de la peinture peut
cependant servir à repérer des transformations de formes
générales de pensée, de grands dispositifs conceptuels à
partir desquels elles s'élaborent, et ce qu'on voit paraître
dans les fonds de tableaux, des paysages, se lie bientôt à
l'idée de nature et vaut pour elle selon un procédé de
transport métabolique.
8 On peut suggérer, pour éclairer ce point, qu'un travail
considérable sur l'image comme accès à l'être avait été
entrepris au moment de la guerre des iconoclastes, à
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Byzance. Avec Nicéphore, l'image passe du côté de


l'essence. Non qu'elle représente la chose, ni qu'elle l'imite,
mais elle peut désormais être tenue pour vocation, elle
appelle vers, elle porte à considérer ce qu'elle désigne, et qui
ne se désigne pas soi-même. Ce qui est valable pour la
figure divine est aussi valable pour la figure de la nature. Sa
mise en figure devient possible. Mieux : la figurabilité aide à
concevoir. Grâce aux images, à l'artifice de leur fabrication,
et si, justement, on y sent l'artifice, et qu'elles ne soient pas
trop ressemblantes, nous pouvons contempler les essences
(voir M.J. Baudinet, 1978, 1988).
9 De la nature, dont nous pouvions seulement connaître
l'ordre général, nous sommes en mesure alors de percevoir
les manifestations sensibles par l'entremise de ces fabriques
que sont les peintures et descriptions de paysages. Ceux-ci
peuvent être à la nature ce que l'icone est au Christ.
10 Tel est sans doute le coup d'envoi, qui ne suffit pas,
cependant, à monter une forme symbolique, mais qui en
rend possible l'apparition.

L'invention perspective
11 C'est encore un autre étonnement que d'assister à
l'élaboration de cette forme à travers une pratique
singulière qui est celle de la peinture du Quattrocento. Ici,
nous devons mettre l'accent sur les différents tours que
prend la pensée de l'espace en rapport avec la nature. Il
s'agit bien d'un montage, d'une construction mentale, qui, à
partir de l'homonymie entre image et chose telle qu'elle a
été posée à Byzance, invente le moyen de son installation
dans les lois de la perspective. Optique, mathématiques et
pratique picturale se mettent d'accord pour donner à la
représentation ses droits et devoirs. Que ces lois ne restent
pas bloquées dans cette pratique, mais deviennent lois
générales de la perception de notre environnement, et nous
voyons alors s'établir la forme du paysage comme nécessité,
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autrement dit, comme forme symbolique enveloppant toute


tentative de présenter la nature à la sensibilité.
12 Nous verrons, depuis lors, tout objet selon la perspective
inventée et dite légitime. Plus exactement, nous ne verrons
plus des objets isolés dans un espace neutre qui leur
servirait de fond, mais nous percevrons la liaison de ces
objets dans la distance (le prospect), selon la loi de son
établissement. L'idée se fait vision, et la vision se fait image,
créant ainsi son propre langage.
13 Ce n'est pas le lieu d'entrer ici dans le détail de cette
opération, mais nous pouvons cependant constater de visu
la progression qui, de la part infime réservée à la
représentation de la nature dans les premières œuvres
perspectivistes, fait passer au premier plan - tout en
respectant les données élémentaires et fondatrices de la
perspective - les signes figurant la nature : arbres,
montagnes, rochers, ciel, fontaines et ruisseaux. Ceux-ci
prennent place dans l'architecture sévère des monuments,
auxquels ils vont se substituer bientôt. En place du socle de
pierre, qui fait premier plan dans la version puriste de la
mise en perspective, vient la motte de terre, son élévation
verticale servant alors de piédestal et d'assise au
déploiement des formes végétales du second plan, et les
monuments, châteaux, ruines ou maisons, passeront au
rang de signes supplémentaires. Un renversement se
produit ainsi dans l'ordre des préséances, l'ordre de la
nature triomphe de l'ordre humain, dont il est cependant le
produit.
14 Voici donc la « forme symbolique paysage » installée et
pour longtemps. Nous y sommes encore, il n'est que de voir
la manière dont quiconque prend une photographie pour
remarquer la mise en place naturelle de cette forme : le
cadrage, l'étagement des plans, l'harmonie nécessaire dans
l'équilibre des masses font référence aux lois plastiques
établies par la perspective légitime, et il n'est de paysage

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pour nous, dans notre culture occidentale, que répondant à


cette attente.

Une forme symbolique


15 La perspective, ayant établi la condition générale qui
préside à la perception légitime des objets dans un espace
cadré - distance, points de fuite, horizon, proportions et
liaison de l'ensemble dans un prospect - a construit du
même mouvement un ensemble de propositions
grammaticales : soit, les règles d'une grammaire auxquelles
toutes nos propositions singulières doivent répondre, sous
peine d'être « a-grammaticales ». Quand nous nous
écrions : « Quel beau paysage ! », nous ne faisons jamais
qu'accorder satisfaction aux conditions de félicité d'une
proposition bien formée. Autrement dit, une certaine forme
- la forme du paysage - est en attente d'être remplie. Et nous
travaillons à notre insu à accorder nos sensibilités à cette
forme. C'est ainsi que nous exceptons de notre
appréhension ce qui pourrait gêner la satisfaction des règles
implicites du paysage. Nous ne verrons pas ce qui n'entre
pas dans cette forme, nous rétablirons le cadrage, quitte à
prendre de la distance, nous clignerons des yeux,
négligerons les premiers plans, les détails, et tout ceci sans
avoir une conscience claire de ce que nous sommes en train
de faire.
16 Ce que j'appelle forme symbolique, c'est bien cette
enveloppe de sens qui nous met en condition de percevoir
quelque chose comme un paysage, sans que nous puissions
y contredire par un travail critique, puisque nous ne
sommes pas conscients de suivre une règle. S'il y a bien
forme symbolique, c'est à la condition expresse qu'elle soit
implicite : qu'elle « aille de soi » et qu'elle fasse appel à un
consensus tacite, entièrement intériorisé. Une forme
symbolique - celle qui nous donne le paysage comme un fait

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de nature - est dans ce sens indépassable, puisqu'elle est la


condition même de tout ce que nous percevons comme
naturel. L'image artificielle, montée à grand renfort
d'expériences pratiques singulières et de légiférations a
posteriori, est naturalisée.

Processus de constitution
17 Il ne viendrait plus à l'idée de trouver que le paysage de
montagnes... n'en est pas un, que le rivage des mers est une
horreur indescriptible (voir Corbin, 1988). Et pourtant, il y
en eut « invention », c'est-à-dire montage... La montagne a
fait l'objet de plusieurs fraysages : ceux des textes, ceux de
la peinture, ceux des institutions, avant d'acquérir son droit
au paysage. Hegel écrit son « Journal de voyage à travers
les Alpes bernoises », et son itinéraire est à nouveau balisé
par Turner et son cahier de croquis. Décrite et peinte, la
montagne commence d'exister en tant que spectacle. Il s'en
faut encore de quelques associations (en particulier le Club
alpin et les « peintres de montagne ») pour qu'elle s'érige
elle-même en institution (Kalaora et Savoye, 1986).
18 Ces passages successifs tressent entre eux, de la littérature à
l'image, de l'image à sa vulgarisation dans la société, un
objet qui prend valeur de réalité naturelle, de posé là. Une
étude sur le désert mènerait aux mêmes conclusions. Mais
ces objets inventés peu à peu se font tous dans la forme
symbolique du paysage perspectif : le contenu change, mais
la forme se transmet de manière quasi immuable.
19 La forme symbolique est donc d'un autre ordre que les
signes qu'elle relie entre eux. Ceux-ci peuvent varier, mais à
l'intérieur du grand concept qui unit nature et paysage.
Cette proposition répond, en partie, à la question qui est
celle du patrimoine : on peut avancer, en effet, que ce qui
est conservé et préservé, c'est cette forme dans laquelle
nous percevons le rapport du paysage à la nature et non les
éléments eux-mêmes, simples signes transformables et
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manipulables.

Grandes formes et petites formes


20 Je risquerai alors cette proposition, savoir que le
patrimoine n'aurait rien d'autre à « surveiller » que la
pérennité de cette forme, seul objet de transmission. C'est
sur des formes mentales, sur une mémoire implicite qu'il
exercerait sa garde. Et sans doute est-ce là son ouvrage et ce
qu'il réalise malgré lui, ou à son insu, alors qu'il lui paraît
être préposé à la garde d'objets définis. La ruse de l'histoire
se sert de la mission apparente du patrimoine, d'essence
naturaliste, pour pérenniser une forme artificielle... celle de
la forme symbolique qui s'est construite dans et par
l'histoire.
21 La seconde proposition répond, elle, à la question de la
rhétorique, dont je voudrais dire un mot pour conclure.
22 On perçoit bien que l'opération qui supporte l'ensemble de
cette forme appartient au domaine d'une rhétorique
générale, élargie. Réflexion concernant le passage du
vraisemblable au vrai, la persuasion, l'influence des artifices
sur notre croyance dans la vérité de l'apparence, la
rhétorique utilise les catégories du même, de
l'identification, de la répétition comme argument, d'une
liaison entre le propre et le figuré, pour monter en réalités
le spectacle des choses. En tant que procédé de pensée - et
pensée d'un genre particulier, sur fond d'analogies
mesurées - la rhétorique générale nous fournit la condition
préalable d'une connaissance médiatisée. Elle nous
enseigne que le langage est constitutif de la matière même
du monde que nous croyions à portée immédiate des sens.
23 La rhétorique générale prend donc en charge la grande
forme qui est construction symbolique en travaillant sur les
passages entre aspects de sens. Et c'est aux rhétoriques
singulières, qui portent sur l'usage des figures de style, que
nous confions alors le travail de la mise en scène et des
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diverses modalités sous lesquelles nous envisageons les


paysages, les « petites formes ». Ce sont là des figures de
style - la métaphore et la métonymie, mais aussi l'oxymore
et la synecdoque, ainsi que toutes les dispositions internes
au discours de persuasion, qui sont d'un emploi constant au
cours des réalisations de paysagistes, réalisations que nous
savons lire et comprendre de manière « naturelle », car
elles font aussi partie de notre patrimoine langagier, de
notre compétence linguistique.
24 Ainsi, nous pouvons appeler « petites formes » les
associations codées par lesquelles les Japonais
entretiennent un rapport entre les éléments de paysage, les
sensations olfactives et tactiles et leur littérature. Dans la
rhétorique générale de leur culture, les désignations
réfèrent à un ensemble de traits distinctifs qui leur
permettent de sentir le paysage à travers une liaison des
termes entre eux (voir J. Berque, 1986). En revanche, pour
les Occidentaux que nous sommes, la langue ne porte pas
en elle-même des indications précises sur ce que nous
devons voir ou sentir à travers les éléments déterminés du
paysage. Partant, nos associations sont plus subjectives, et
plus communes : elles sont opérées par l'entremise de
processus sémiotiques comme la translation, la
substitution, la généralisation, ou la condensation. Un
bouquet d'arbres condense, en lui, la forêt, un étang dit
l'océan, une prairie l'espace ouvert et généreux de Cérès.
25 Il appartient à chacun de nous de disposer ces petites
formes pour sa propre appréhension, comme il appartient
aux architectes paysagistes de proposer des repères ou des
pièges à nos mémoires. Cependant, ni les uns ni les autres
ne pourront évacuer le rapport à cette grande forme
constitutive du paysage qu'est le renversement rhétorique
de l'artifice vraisemblable en nature-vérité.

Bibliographie

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Références bibliographiques
Aristote. 1951. « De sensu », in Parva Ammalia, trad. J.
Tricot, Paris, Librairie Vrin.

– 1966. De anima, trad. E. Barbotin. Paris, Les Belles


Lettres.

Baudinet, M.J. 1978. Relation d'images à Byzance dans les


antirrhétiques de Nicéphore le patriarche, Les Etudes
philosophiques.

Baudinet, M.J. 1988. Les Antirrhétiques de Nicéphore le


patriarche de Constantinople. Paris, Klincksieck.

Berque, J. 1986. Le Sauvage et l'artifice. Les Japonais


devant la nature. Paris, Gallimard.

Buzatin, M. 1986. Histoire des couleurs, trad, de l'Italien C.

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Lauriol. Paris, Flammarion.

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Corbin, A. 1988. Le territoire du vide. Paris, Aubier.


DOI : 10.14375/NP.9782081237698

Jacob, C. 1984. Logiques du paysage dans les textes


géographiques grecs, in Lire le paysage, lire les paysages,
Actes du colloque du 24 et 25 novembre 1982, Saint-
Etienne. Ed. Cierc.

Kalaora, B. et A. Savoye. 1986. La Forêt pacifiée. Paris,


L'Harmattan.

Recueils Millet : Textes grecs et latins relatifs à l'histoire de


la peinture ancienne, publiés par A. Reinach. Paris, Macula,
1985.

Notes
1. Un seul terme, topio, ou petit lieu, sert à désigner un emplacement
plutôt qu'un paysage.
2. Ainsi de l'économia, ou providence, qui distribue à travers le monde
les richesses divines, chez les pères de l'Eglise.
3. Voir « Histoire des couleurs » Manlio Buzatin, et surtout Aristote le
« de sensu », III, le « de anima », et Pline, ainsi que le recueil Millet.

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Auteur

Anne Cauquelin
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1990

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Patrimoines en folie
Ce livre est cité par
Bonniol, Jean-Luc. (2001) Une histoire à soi. DOI:
10.4000/books.editionsmsh.2973
Bergues, Martine. (2000) Domestiquer l’histoire. DOI:
10.4000/books.editionsmsh.2878
Palumbo, Berardino. (2010) Les monuments sont habités. DOI:
10.4000/books.editionsmsh.3494
Humbert, Geneviève. Leveuvre, Jean-Claude. (1992) Sciences de
la nature, sciences de la société. DOI:
10.4000/books.editionscnrs.4193
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