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Maître Jacques. Sociologie de l'idéologie et entretien non directif. Note de lecture. In: Revue française de sociologie, 1975, 16-
2. pp. 248-256;
https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1975_num_16_2_6865
Resumen
Jacques Maitre : Sociologia de la ideologia y entrevista no directiva. Nota de lectura.
El empleo de las entrevistas no directives en sociologia de las ideologies plantea problemas
epitemológicos y metodológicos estudiados aquí referiéndose al marxismo y a la psicanálisis. En
cuanto a lo epistemológico se diferencia la ideologia del conocimiento cientifico en el basis que
elaboró Jean Piaget. Se situa dentro de los procesos sociales partiendo de la teoria presentada por
Luis Althusser. Se cuadra dentro de la subjectividad individual basada en un trabajo de Willy Bar anger
: por fin, la situación de la ideologia en el encuentro de ambos campos se precisa segun el ejemplo de
la esfera religiosa. La estrategia de investigación que corresponde con ese esquema teórico empieza
en los obstáculos epistemológicos para définir la marcha de la operacionalización y luego la de la
interpretación. Para concluir la entrevista no directiva se révéla como instrumentů de elección para el
equipo técnico de esa estrategia.
Zusammenfassung
Jacques Maitre : Soziologie der Ideologie und nichtgelenktes Interview. Lesenotizen. Die Anwendung
des nichtgelenkten Interviews in der Soziologie der Ideologien stellt epistemologische und
methodologische Probleme, die hier im Blickwinkel des Marxismus und der Psychoanalyse untersucht
werden. Epistemologisch gesehen unterscheidet sich die Ideologie von der wissenschaftlichen
Kenntnis auf der von Jean Piaget erarbeiteten Grundlage. Die Ideologie findet ihren Platz im Feld der
sozialen Prozesse, dank der von Louis Althusser erarbeiteten Theorie ; entsprechend der Arbeit von
"Willy Baranger legt sie der Verfasser in den Rahmen der individuellen Subjektivität. Schliesslich wird
ihr Platz am Wendepunkt dieser beiden Felder anhand des Beispiels der religiösen Sphäre präzisiert.
Die diesem theoretischen Schema entsprechende Forschungsstrategie geht vom Aufspüren der
epistemologischen Hindernisse aus, um das Vorgehen der Operationalisierung und schliesslich der
Interpretation zu definieren. Zusammenfassend kann gesagt werden, dass das nichtgelenkte Interview
als besonders geeignet erscheint für die technische Unterstützung einer solchen Strategie.
Abstract
Jacques Maitre : The Sociology of Ideology and the Nondirective Interview, a Reading Note.
The use of nondirective interviews in the sociology of ideology raises epistemological and
methodological problems studied in reference to Marxism and psychoanalysis. At the epistemological
level, ideology is differentiated from scientific knowledge on a basis drawn up by Jean Piaget ; it is
situated in the field of social processes as presented in Louis Althusser's theory ; it is located within the
field of individual subjectivity in a work by Willy Baranger ; finally, the place of ideology in the
articulation of these two fields is precisely exemplified in the field of religion. The research strategy
corresponding to this theoretical schema begins with recognizing epistemological obstacles in order to
define the procedures for operationalization, then those of interpretation. In conclusion, the
nondirective interview seems to be a choice instrument for technically equipping such a strategy.
Я. franc. Sociol, XVI, 1975, 248-256.
Jacques MAITRE
Sociologie de l'idéologie
Note de lecture
Les réflexions que je vais présenter sont d'abord une lecture de l'article
de Guy Michelat : me sentant en accord avec la démarche qu'il expose,
j'ai essayé de situer mon accord dans une perspective théorique, à partir
de ce que le marxisme et la psychanalyse m'ont apporté dans mes
recherches.
Il s'agit d'ailleurs d'hypothèses pour faire avancer le travail et non
d'une construction achevée sur la base de travaux qui auraient permis
de faire expérimentalement le tour des questions posées.
Mon projet n'est donc ni critique, ni doctrinaire; je verse simplement
au dossier une réflexion sur deux points : le cadrage épistémologique,
accroché au concept « d'idéologie », et la stratégie de la recherche comme
franchissant des obstacles par une dialectique opérationnalisation-inter-
prétation (1).
I. — Le cadrage épistémologique
L'objet exploré est défini par Guy Michelat comme étant les « systèmes
de valeurs, de normes, de représentation, de symboles propres à une
culture ou à une sous-culture »; il s'agit, dit-il, des « idéologies » au sens
donné à ce terme par T. W. Adorno : « Une organisation d'opinions,
d'attitudes et de valeurs, une façon d'envisager l'homme et la société »; Henri
Raymond, auquel Guy Michelat se réfère comme ayant appliqué sur ce
point la conceptualisation d'Adorno, explicite cette terminologie dans
(1) Pour ce faire, je m'appuierai principalement sur trois textes, qui sont loin
de constituer l'ensemble de la littérature sur ces questions, mais qui ont l'avantage
de poser vigoureusement des problèmes essentiels, en balisant les champs épistémo-
logiques à explorer. Il s'agit de :
1° Piaget (Jean) : Introduction à V epistemologie génétique, Paris, Presses
Universitaires de France., 1950.
2° Althusser (Louis) : «Idéologie et appareils idéologiques d'Etat (Notes pour
une recherche) », La Pensée, 151, 1970, 3-38.
3° Baranger (Willy) : « Le moi et la fonction de l'idéologie », La Psychanalyse,
5, 1969, pp. 183-193.
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(6) P. 253.
(7) Article cité, pp. 24 et sq.
(8) Ouvrage cité, p. 253.
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Revue française de sociologie
(16) P. 185.
(17) P. 193.
(18) Althusser (Louis) : article cité, p. 7.
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cessus social peut être en même temps modulé dans psychisme singulier
comme expression de fantasmes inconscients et de relations d'objet.
La distinction et l'articulation entre ces deux plans est précisément
ce qui définit l'idéologie, dans la perspective où je me place ici.
J'ai essayé de serrer le problème à propos d'une sphère particulière de
l'idéologie : la religion (19), ce qui me conduit à préciser mes hypothèses
dans une définition de celle-ci : 1) la religion est une institution sociale
reposant ouvertement sur le recours à une affirmation d'un « au-delà »,
(au-delà des déterminations concrètes qui limitent tout sujet) avec les
affects, les représentations, les pratiques et les normes correspondant, ce
qui permet de proposer aux sujets individuels une satisfaction de leurs
désirs qui échappe au contrôle exercé par les processus secondaires (au
sens freudien); 2) l'emprise de la religion s'ancre dans l'interface entre
le renforcement qu'elle procure aux idéologies des groupes les plus
divers et le langage de désir qu'elle tient aux sujets individuels : ce
dispositif capte l'adhésion des individus à des stratégies sociales dont la
nature déterminée est ainsi occultée aux yeux des acteurs eux-mêmes,
et il légitime socialement chez ces mêmes individus des processus
psychiques qui, sans cela, seraient tenus par les instances de contrôle social
pour un refus pathologique de la réalité.
Lors même qu'une idéologie ne postule pas un au-delà de nature
religieuse, elle met en forme une « relation imaginaire des individus à
leurs conditions réelles d'existence » et les constitue ainsi dans leur
dimension subjective au sein des processus relevant de la praxéologie sociale
(en ce sens que la religion est seulement un cas particulier — et limite —
de l'idéologie) . Comme l'écrit Guy Michelat : « C'est parce que ces modèles
sont intériorisés par chaque individu qu'ils peuvent jouer un rôle explicatif
des comportements sociaux ».
Si elle est bien l'articulation que je cherche ici à caractériser, il va être
possible de situer l'entretien non directif comme instrument de
l'investigation sociologique à l'interface des deux champs.
La stratégie dont il s'agit n'est autre que celle dont Guy Michelat
fait une présentation circonstanciée; mon propos est d'examiner la façon
dont sa méthodologie peut être reliée à la mise en place conceptuelle
que je viens d'esquisser. La difficulté est d'atteindre des processus qui
peuvent être directement observés seulement chez des sujets individuels,
qui font l'objet d'une censure au sens psychanalytique, et qu'il s'agit
d'étudier en tant que phénomènes sociaux.
Cet ensemble de contraintes fait de l'entretien non directif un des
instruments les plus efficaces pour franchir les obstacles épistémologiques,
mettre en œuvre une opérationnalisation et rendre possible une
interpénétration.
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2. — L'opérationnalisation
J'appelle « opérationnalisation » une démarche stratégique allant dans
le sens théorie-empirie pour aboutir au recueil de données pertinentes;
le mouvement inverse est une « interprétation », pour aboutir à la validation
ou à l'invalidation de la problématique posée par hypothèse.
Dans l'utilisation de l'entretien non directif, il faut d'abord dissiper
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3. — L'interprétation
Le but est d'explorer l'interface socio-psychanalytique en restant du
côté de la sociologie. Le chercheur se gardera donc de toute ambition
thérapeutique et même de la tentation que constituerait une psychanalyse
du sujet interrogé, voire une simple « analecture » (22). Le déchiffrement
de l'entretien est orienté vers des processus sociaux qui se révèlent dans
le contenu idéologique latent chez la personne interrogée et à travers
l'ensemble du corpus.
Prenons l'exemple d'une attitude profondément raciste détectée sous
un discours humaniste. Le psychanalyste interprétera ce trait en fonction
du conflit œdipien, du destin des pulsions, etc. Le sociologue cherchera
comment la vision raciste de l'altérité s'organise avec les autres
caractéristiques idéologiques du sujet et dans les divers entretiens, de façon à
expliquer le fonctionnement de l'idéologie raciste comme fait social; c'est
pourquoi Guy Michelat parle de reconstituer les « modèles culturels » à
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