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MAISON RUSTIQUE
DU XIX' SIÈCLE
DIVISION DE L'OrVRAf.R:

Tomk 1
er — Agriculture proprement dite.
2« Cultures industrielles et Animaux domestiques.
e
3 Arts agricoles.
4e Agriculture forestière, Étangs, Administration et Législation rurale.
5* Horticulture. Travaux du mois pour chaque culture spéciale.

LISTE DES COLLABORATEURS


ANTOINE (de Roville), profeweur à I'!n»tilut agricole «Je LEFÈVRE (Elisée), cultivateur à Courchamp (Seine-et-

Roville (Meortbe). Marne).


U
Al IX 'IX Membre de U section
, d'agriculture de l'Aca- LOISELEVR-DESLONGCHAMPS. de» Société» d'agricul-
démie des St'iencet ture et d'horticulture.

BAILLY. de» Soeiétét d'agriculture et d'horticulture. .MALEPEYRE aîné, de la Société d'agriculture.


Il VU VAIS (Emile), maguanier, aux bergerie! de Sémrt MALEPEY RE jeune, avocat à la Cour royale de Pari».

(Seine-tri -Oiic). MASSONFOl*R,ex-profe»»eur à l'Ecole forestière deNanci.


BKIXA, directeur de l'Iaititut agricole de Grignon (Seiue- MICHAl'T, correspondant de l'Académie de» Science»,
et Oise). membre de la Société d'agriculture.
BERLEZE (l'abbé), de» Société* d'agriculture et d'horti- MOLARD. <lc l'Académie de» Science» et de la Société d'a-
culture. griculture.
111 1 .U N A Kl. cultivateur, ancien minittre de l'iutéticur en Ml H .I de la Société d'agriculture, professeur d'agriculture
.

Pologne. nu Conservatoire des Arts et Métier».


B1XIO (Alexandre), docteur eu médecine. .MORIN DE SAIN1
BOX A FOI' S, directeur du Jardin botanique de Turin, cor- ture et d'hortirulture.
respondant de l'Académie det Science». NOIBOT (de Dijon), ingénie
BOL LE Y, professeur a l'Ecole vétérinaire d'Alfort. NOIBOT- BONNET, géomètre- forestier à Langres (Hanle-
CHAPELAIN (Octave de), propriétaire cultivateur dan» la Marue).
Lozère. ODART (le comte), la section d'agricul t.ite de
président de
COLL1GNON. vétérinaire. la SoeiétédcTour», propriétaire-agronome daus Indre-
et-Loire.
DAILLY, cultivateur à Trappe» (Seine-«t-Oi»e), de» Société»
d'agriculture et d'borticultute de Pari». OIMU.AXT DESNOS, auteur de plusieurs ouvrage» *ur le.

arts industriel, et agricoles.


DEBONNAIRE DE GIF, conseiller d'Etat, membre de la
Société d'agrit ullure. PAYEN, de la »ection d'agriculture de l'Académie de»
Sciences.
DEBY. de la Société d'agriculture, propriétaire-cultivateur
dan» le Loir-et-Cher. POITEAU, de» Société» d'agi icullnre et d'horticulture, au-
teur du lion Jardinier, etc.
FF.BCR1ER, des Société» d'agriculture et d'horticulture de
POLOXflEAU.hupectenr divisiounaire des ponts et chans-
Pari».
»ces. des Sociétés d'agriculture et d horticulture.
GASPARIX (comte pair d* France,
de-), membre de la sec-
POMMIER, rédacteur en ihef de VKtkê o*«j halttt tt «ar-
lion d'agriculture a l'Académie de» Science» , ancien
ministre de l'intérieur et de l'agriculture. ckit.

COl'RLIER, architecte des Travaux-l^iblic» de Pari». PRESSAT, cultivateur à Saint-Barbant (Haute- Vienne).

GKOGXIER, professeur à l'Ecole vétérinaire de Lyon. Pl'VLS. correspondant de l'Académie des Science», prési-
dent de la Société d'agriculture de Bourg.
HERCELIN (l'etjlw), supérieur général de la Trappe, prè*
Murlaguc (t)i lie). RAMBCTEAIT (de), pair de France, conseiller d'Etat, pré-
fet de la Seine, président de la Société d'agriculture.
IIERICART DE TIIURY (vicomte), de l'Académie de»
Sciences, président des Société» d'agriculture et d'horti- RENAIT, directeur de l'Ecole vétérinaire d'Alfort.
culture. RIGOT, profe»»eur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort.
HERPIN, propiiétairc-cultivateur dans l'Indre, de la So- RIVIERE (baron de), propriétatre-cultivateor dans la Ca-
ciété d'agriculture. margue, correspondant de la Société d'agriculture.

SOULANGE-BODIN, de» Société» d'agricolture et d'horti-


HOMBHE-F1RMAS (le baron d*), correspondant de l'Insti-
de la Société centrale d'agriculture, cultivateur
tut et culture, loudateur de l'Institut horticole de Froroont
dan»
Gard, etc.le (Scine-et-Oise).

1ICERXE DE POMMEl'SE, de U Société d'agriculture. SYLVESTRE (de), de la section d'agriculture de l'Acadé-

HTZARD fil», det Société» d'agriculture et d'horticulture. mie de, Sciences, .ecrétaire perpétuel de la Société d'à-
gi u-til ture.
JAIME-SAINT-HILAIRE. de la Société d'agriculture.
de l'Académie de*
TESS1ER, de la »ection d'agriculture
I.ABBÉ, des Sociétés d'agriculture et d'horticulture.
Science» et de la Société d'agriculture.
LA DU V CETTE, d ép u té, d e» Société* d'agricul tare et VILMORIN, correspondant de l'Académie de» Scicn.-e», de»
tii-ulture.
Sociétés d'agriculture et d'horticulture, propriétaire-cul-
LASS A H. M ,
professeur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort. tivateur aux Barre» (Loiret), etc.
LEBLANC, professeur au Conservatoire de» art» et mé ancien député, de Société d'agriculture, etc.
VIBEY, la

(Oscar), »ccréuire général de la So-


YSABEAU, jardinier-maraîcher à Saint-Maudé.
LECLERC-THOl'IN
YVART, inspecteur général de» école*
'

ciété d'agriculture, profe


foire des Arts et Méticis. bre de la Société d'agricolture.

rAnU.~l»»M»MlU »'*. UCVItUiB", MJ« M VIMtVIt, H» 4.

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MAISON RUSTIQUE
e
DU XIX SIÈCLE
CONTENANT
LES MBILLBUBBS MÉTHODES DE CULTIRR USITÉES J.\ FRANCE ET A L'ÉTRANGER ;
TOUS LES PROCÉDÉS PRATIQUES PROPRES A GUIDER LE CULTIVATEUR , LE FERMIER , LE RÉGISSEUR
ET LE PROPRIÉTAIRE , DANS l'EXPLOITATIOX D'UN DOMAINE RURAL
LES PRINCIPES GÉNÉRAUX D* AGRICULTURE LA CULTURE DE TOUTES LES PLANTES UTILES;
,

L'ÉDUCATION DES ANIMAUX DOMESTIQUES, L'ART VÉTÉRINAIRE;


LA DESCRIPTION DE TOUS LES ARTS AGRICOLES ;

LES INSTRUMENTS ET BATIMENTS RURAUX ;

l'entretien ET l'exploitation
DES VIGNES, DES ARBRES FRUITIERS , DES BOIS ET FORÊTS DES ÉTANGS ;
,

l'économie, l'organisation et la direction d'une administration rurale ;


la législation appliquée a l'agricl lture ;
TOUT CE QUI A RAPPORT AU POTAGER, AU PARTERRE, AUX SERRES
ET AUX JARDINS PAYSAGERS ;

ENFIN L'INDICATION DES TRAVAUX »E CHAQUE MOIS


POUR TOUTES LES CULTURES SPÉCULES;

PAR DES
Avec 2500 gravures représentant tous les instruments,
machines, appareils, races d'animaux, arbres, arbustes, plantes, légumes, serres,
bâtiments ruraux , etc.

MM. YSABEAU et BIXIO

TOME CINQUIÈME

HORTICULTURE

A LA LIBRAIRIE AGRICOLE, QUAI MALAQUAIS, N<» 10

DANS LES DEPARTEMENTS

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I

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TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME.
AtaIIT-PROM»
TITRE PBIWCIPB3 6*5*-
• • 1 {J a. Binette pour détruire les
TPrahlane*. ~ 98.
F Arbres et
tite» t eroenecs
arbtt»te» a pe-
molle». . fifl
I.
X rinre a prendre les taupe» Ul S 3 Observations sur le» semis
RAITX DB JABDINA6B. Bêel \u.ams. de pépins et noyaux.. . . ib.
CHAP. I. Choix et saure des ter- | i. SlpBBMI - - - Ul A pépins ib.
RAIXS. SC. Abri» d'iuier et de lerro jfogtg; •'_••_••* ^*
«ect.I. Bimpnrladuêmttrsolarec eulie Ht Sect. ?..
ni if^iroi.f.v et boutures.
la superficie. CMgglu Ul. Marcotte».
• ....... ib.
5 1. <) -rains primitif» . I ... 3 L C\-A.\ \< > . SQ A Marcottes sinipli-s.. . . ib.
* inlr.urëTT ... A 3. économiques . . . Ul It i hu'i ise. . . f,2
-"
s.
4.
d'alluvlon .
tourhcm.
...
...
I*.
it.
Sect. YHt.
A f.m»iltiilr T.
r.u .-iumrx
lant..
. . .

.
T~.
...
|fr

Si
C
I) —
——
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par amputât,
,., !±L
ib.
Dénonv'na lions vulgaires
».
des terres
SECT. II. Choix du terrain.. . .
. fi"
UL
B
C
D a filets.. . ...
— -
ftnbelet.
A riseain.
. ...
à t ,
Ul
i£.
E
anmiLiin». .
par tnctslon
Ul
Ul R'iuture» «S
Moyens de reconnaître les qua- B A branches . . . Jfe, A Bout, simple . préparât, ib.
'
nie- tin soi. itçT. I\. TransptanMrs . . . . ife. H a ImiiirHrt,, , , f, |

A Propriétés physiques du a Tr«n>pi>Mtotr a branches, i/^ C àcrossetle. ... ib.


su! '.
Ul B —— - ri irr-ni'i . . ib. I) a l'étoufTée. ... ib.
H
C
\ '-i
i:--ni rbiiiiii|ii' ilys îerraiiïs
Sect. m. Culture jardinier r tio -
f .il mu naturelle, . Si

Ul Sfrn, X.
%
jC

i . pot»
P Ots (l caisses,
à cylindre,
' gt

Ul
r
F
SECT. IV. Crtffè..
— rde racines.
semées
.
. . . (ta
ib.
ib.
Tissante sur un toi défax nrriTlc, I 5. Calwe» 23 r,,;

CHAEJL K.mcbaiset amesdemexts. 3. Fcln ltfs ib. 1 Cntfry en appi ru he. • • C7


Sect. 1. ffnqrato. . .
ij

i
1. Fuirais végétaux.
auiuuli-e-., .
. .

.
".

. a
8
Ul
TITRE
A. Treillage»

11. CCLTPBB ABTIFI -


A
Il

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GrcfTe Jlagon.
plane,
SyU.-i'li.
.

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.

.
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it,
it',

s. Poudrctte. . . . . . . . 10. ÇJBJJJL D ib.


i Finnii-r dV'lllic. . . . tkt cauchoise.
Cil M' IIIES,BACHK«fT SEttWK.*
« l
F. . • *
w.
Rozler. ...
.
' i

fi. d'élahlc. . . . . Il
A roncru 'fOBc.ixr-ii..rsr.).
F -i— t >h
6. de bergerie . . Ul Srct. I. Coneh*a Ul
G ,!<.

7. coiomp.no. .T~. - GrelTe


5. 1
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. . (fc.
Ul.
S i heu coneh''» en général .
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courne» enantie». .
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10.
11.
M. IvsUi-^
EngraN liquide»
Terreau
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vill'-i.

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. . . . Ut-
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Mmrilr-
économkTiio».
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— A l'anglaise.

l a Quintinie. •

70
ib,

ih.
.Sect. II. A ma nli m> uU . . ... Là
6.
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—— ctiampJtrnon»..
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F. ib.
f I. Terre» rapportée». ... ih
.... .T~L
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F Théophraste. ib.
2
3.
4.
. Ma ne
Chaux
Plâtre
i . ... Ut-
Ul.
Ul
Sr.OT. u.
srcT. v»-r<M
cinn-fi' iitr).
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^orcfr ffnr -
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.... .~.
Bornes .

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4.
C.

Il —
Greffe pur
I.k-ltanlt.

gemma.
. .

. • 11
ih.
Ib.

l.ll II. I Ul K\r.t I, IF I T si i.l.t s


8. Suie t| ,t f.relft 1 < mand . • •
».
SlCL I. f>rtm<ierir 4Q
ii.

7.
Cendres et charrée».
Composts
. . Ul
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Sect. U. SiTres Al
I
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Siiklcr. . . -1- H
7-
Des erres en général.
.
Ar -\.<Ai:. - . -i-
A Terre oranger. ...
A de bruyère factice
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gemma.
par
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plusieur»
ib.
ib..
r.HAP. III. PencÉnÉs n'iRRic.ATio*. . . . . .
F Grelfe Jeirerson 74
h \ l'I -Laudes. 43
.s r. I. Irrigation naturelle et ar-
Lallaar
t

F par copulation..
rnsane S ta ntntn lfi
•d . UL X. Greffe herharéo ou A 1*
r.otivi'rncm'uil di* ^er -
M il. la
........
|\-TMM>NT> TU. JAIUU -
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1
l ll . I\
re;
Tschudy. ib.
t' inpi-i ature. . . . ib.
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i.. L 1 liL-iI'.t
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gtjggjfij . . . . 11
SjCPM Instrument serrant . .

(oeuvrer lr
I

u>t.
il
». Taille. ...... . . it 7.
lige». .

(.n'ITc hei liacée (k-y végé-


. . . . . . . . . -Jè
5 i. Bt-che> . lfi
I S' iiii^.
tant mi iiil ufy ft iiiiilti -
i Bêche commune iii
UL Bouture» . Ut.
tiges . ...... 32
belge ou flamande H. Rempotage 45
.

^
Il ib. 8. (.n-if»' hei tTâT des vt^é
pioches
li. r, u:n l m:e générale des
•i. Bj lur-s cl . Ul- tant non lipiiéiq 76
r>. l'i" l» -..
. .

H pl;iiilr--. d.- v.

S"l r<^
m i
f t'-TïTïn'rre. ^ 9. Résume. . "Tr
lame t*. r ll.-lll.l' y . . 11
A l'ioelic .à larne.. . Ut.
A Serre ehnnde-afrrt»»
. . .

. . ib.
CHAP. 11. Pepimkres d'arbre» M 11-
Il plcmontaisc. . . ib. TIERR.
f .oiiverin'riient <le la ser -
B ME Ut
I)

re' haiide. . . . . ? . .
4g
Sbctios I. C.onsidt'rations généra-
i> linii'-Uf ih. les 78
Ç Sninn m-m-raut. ib.
E Binette ou serfouette. . jfe.
si-mt eMa3â mm»mm,
. . . .
Wewogtj. Conduite ihs sujets en
F Sarcloir belge ..... B .
ib
M'
l" ?" , "
ib. <lfr
Sbct. IH nrlifitleUe. . tChah tir it
4.
A.
Râteaux.
Ih.
I. Tii'-riiioMpiioii. . . . . .
*~
g V
i
Suj.-ls
Miji-i-i
pour
(tiiur
liante ti-c.
pyramides
.
JK
CliniilTace de» serresjt.ir ,

B Rateau-hiucitc Si
••«.•...
5. Ratlssoirc» et sarcloir».
(>. Fourches
. Ul.
Ul
3. -
vapeur la

par rair enaod. . .
L »< r- ctiiplni du (;iu -
l t
fil
%± X.
Pjwcr».
Sujets de rogiia*Mcr pour
. . . . . . .
»~.

Sect. Instruments d'orronôjr. £3


;

S I.
II.

rompes. . Ul
hdsllble. ..... ,~. 4. Sujet»
poirier
d'.nil epiue et de
ib.

a. Arto-olf» il TIT. lll. Culture n»s ytaé - cormier pour potnerc


Sect. lll. Instruments de trans- TAL'X LIGWKPT. 8. snjeN aë iioiicatn et
port £1 paraiii pi ur [
i udiuioi . Ib.
Sept. IV. Instruments servant à CHAP. I. Pki'Imekk». piu^cipes ct- l>. Mi]' |y il .111 audier (T ~ïTë~
In taille des arbre». M l'AfX m. pi limer
pé< lier.. . pour . Ib.
I t. Serpette» -il Scct. I. < hoi r et préparation du 7. Sujets rte nriinicr et d a-
•i. se» aw ui s. . .... . . Ul ter 1 mi). . 86 brlootter pour abricotier.^ "M
3. Serpe. . fb, Sf.ct. II. S'-m i
X. Sujets île prunier [>Qllrj
». tjroiiiapt. . Ul g. t. pBB bm tanfiacBi - - -
si pl lllil- 'V , . ....... 8t
B. F.iiniudoirs. . th. H Semences d'à r et < l'a r - 1 1 r< 's Sujets de merisier et de~
li. Scies ...... . . . . 37 lui>ies classi's --clou l'épo - malialeb pour cerisier. . .* Ib
7. Usâmes. * t . . . . . . th. que tic R-ur maturité. 10 lie i)llr|i|l|êy. -.Ilj-
L
! s pi'll l-l;l-
sbct. V. Creffoir». ....... ife, ^ r<w* sa ployé». « » . • « . • .? Ib.


A»<*.reiTolr a repoussoir. . UL B Gland», amaude», poi», A t: -.uiasMcr ~Wi


b M.idKn . . . . ul iimI-i i'."-., cliAiaiu'ucs. . Ul n Héflfc r


"
C. en tente. . . . Ç l i 'lis ri | u iia inoyâUx 69 ù lannier. . -Mr.
Il Nni-ciie. . <*. 1 ,ap>ulr> 1 1 .ut' liant df ^
7
0 Figuier •

^i (.t. M. Instruments pour ladcs- pf pins. . . . . . . . UL It. t>e quelques arltre* Irui-
tvucti'in <!• (Wi'nr?» i niiiMl'Iej. K arluft et ai huM''.- ,Ca£- tiers du midi de la France.
tnenec» léfluminewe». . A Figuier ib.
S I. F.cheinlluirs UL Ul
>y Google
U TABLE DES MATIÈRES
Sect. VT. TnUte et conduite du i> Tn inage» . ...... ut
( Creuadlcr. * * • • • • ttU. poirier. F |'.-ilh»at;f' a la liKim-.. . Çi4
D Pistachier. Uu S 1. Végétation liai .n Ile. . . !I7 /' f .lu -|\ îles i-.pert> pour
i. l'I iilIliLlUfliS fi tl.llfl . . 1 |H espalier . . . . ... . Ul
F Carouhiei ||f a Fuiits a noyaux pour
n Avcliioler.. • ••••• ili 4. Placement. ....... MO e-[ianeK
II Amandier Si h. Cliarycnieut et dccliarKe- l'ëclies . C>5
en M'. III. l'ilriniERcs d'ahimes et nienl 1. Crosse mignonne. . . ib.
tt'AKBI STf.K p'pn.XEttE.NT UL C. Poiriers conduits en es pa- M réclie bourdiue.. . . ib.
1 i. Arbres et arbustcsdc terre lier . . . . I . ib. S. Péfhn Madeleine il
de bruyère. . . . ... . Ul A l'alroettc simple et dou - inovennes fleurs ou ,

9. Arbres" et :irhii' tes ;i feuil - tb. Madelninr larillve. . . ib.


le» persistantes 82 J Polrter en éventail. . . ifit 4. l'C' Le de Clio nil^e
Z. Arhusle> ri (ii r»>iii"nt â 7. l'oii ici - roudnils en pyra - lanlive ib.
Heur» odorante» Sû mides ,
(iiiçni>uilleg, Va?es 5 Uru^non? I5C
A. Arbre» »l arhmiead'nrue- et pi ra n< folles. <i. Abricots T 157
ment aimant le bord de» A un
l i r on pyramide OU 7. Prunes ihS
catn . . . Ul eonc !5i ». Cerises ib.
5. Arbu-tes, à |ig;ps grimpan - B Poirier en quenouille. . iii B Fruils a pépins pour es -

tes. .. . . . . . . . ~. 21 Ç I
'" ri'T v .\
-': .
Tir. paliers.
6. Arbuste* rie rallcrlinn. . UL D Poir i'-r en ^iran lole.. 125 1. ivre s U>.
A Router». ....... , Ul f H'ign,' et re-iaiiratioii 1. Pnmmw Ib.
I . jjoUl^çjUogj . . . • UL d'un vieux poil ir. . . . ib. t 3. Plantation. . . ..... 1VJ
2. Sc mi * . Ul Sect. VII. Taille ci t«wtu ic dit 4. Préparation du s 0 i q| mise
JL Greffe . fil )>
r
unmier. rn place tlris aibt es en es-
4 Marcottes 21 .5 1. Végétation nalurcMc. . . nr, palier. . . ib.
.'>. l'.iaiinies. . . . . . . . 91 ib. 5. Soins généraux lou
H arborescente».
l'iM.jne-. UL Sec.t. VIII. Taille et conduite du 0. Contre-espaliers cl éven-
C De quelque» autres ar- tiroseillier. tails IGt
iMttteii rttt ronerl «mi.~~~. SS S t. végétation naturelle. 7. Frais e( produilv . . . . ib.
i n \r. IV. Taille et coxuitte des Croseiilicr a srraiM»e. . . . trt R7 xi radH-s des arluc^ frui -
au ntt es iiuttiers Ul 2- Ti'illç cl r -
1 > tn :!.
< '
. , fis liers 1X2
Slct. I. Taille et c< n luitc dupé- A cn»eiliier ;i fruit noir, A Mri
. v d e? iu
lrn.lii l'içs il

tner ; principes gt'in iintx. easst» . . . T tffl fruits» noyaus.


S 1. Vi Kfl.ilii.n naturel^. . . Dli B Groseillier citluem. . . ib. t. Comme". . ib.
l'Iin de la taille <lii * niane. . lu.
!>'•< li' T. . fil framlH>Mer. ~. r.'.iio-. . 164
s. jnyjcfig
palicr.: nonu'H'laliiic
S i
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Taïuc et eiagoac. . .
-
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talion naturelle.
.
. . W.
to~. I!
4.
Ma
I. Impie.
a. lies acs nrlucs. &
ib.

I Tionp. KL Tv Framboi-KT des Alpes. . 150 fruit-. :> |wpins.


B Bran. he«-mercs Ul 4. Arbres Imitiez
~ ic rJîî « 1 1 1. f:h:uici<-. . . . . . . • ib
Q Membres Ul ^e taille pa-. ....... ib. 9. Charbon 102
ll Braixtii»* A ImU UL WW WV J\i;d im Rfmr.n
. . i- U>. (J lnscclos unis, blés aux ar -
il 11' mi'.i'i 'lis ib. SECT. I. Yeryt r. mes a Irinls UL
F iioiii ùri.ns anticipe».. . Ul S I. lmi\ et" préparation
< du tLtp. ...... . Ul
t; l , i: in;i |i I-. on lu aii'.be sol. ........... •J Rcrmèi. lliii
gourmandes. . . . . . Ib. A Choix Mil s I ti ML '. piirerons. . . . . . fû.
II llr.inriies à fruil . - . -
fifi g RtposHjon. IM 4. Chenilles et vers. . . Ul
I Branches de remplace - ( l'i ep.U atioli du >ol. ~ar. R. Hannetons Ul.
BMBI UL f) )i4'fniie( inenl - 7JE C. l'ercc-orcille-i. . . . Uifi
J r>on<pn t> en cochonnets, i
il). £ Trous. Ira ii' dis- Slct. Ml. Jardins a tu M' Ul'cm L Ul
Cniipr ]•- iu-ii tanees VSH Ul
4. : emploi i li - § t. Construction des mur». .
ment». . Ul. Choix des arbres eu neni - 1. Abris Où.
B. Conduite et taille du pé- nieics. ai r.ic ha^e. . . . . 133 X. bclaits de culture. . . . 171
i lier i-i i plein rapport. . . 1DQ ô. Ilalillinse des racines. . . ÏM Sect. IV. Frais et produits det
a l'inrement 101 à. Plaiilation \7A1 liirdim de Slontreuil.
II Elrotirgeonnemcnt. . . lui s. Soins ^eueraiiv.. .... il>.
| 1. I rais. . 125
C Palissage 103. u. Vei roi s il'urtii es a fi mis 9. Produits 1X4
t». Conduite d'un Jeune pé - a porain . Sect. v. Treittet à ht Tbomeru,
cher lui 7. Cloiuro u» jji. Coristructiuii des murs. . 13H
A Forme rn V ouvert. . . Ul M. S*"l« A 3 Conlrc-espaliers Ul,
1 "i iii'' à la " Li.-r . Ul A I rais il'éinhliMiemAiil 3. Soins généraux il'.

C Forme r .irn-e Ul d'un verger d'arbres a 4. frais et produits! IM


Il Forme en ennlons. . . in-; frulls A [vcjiiiis A T rais lA.
F Fornic <*n palmclto A B d eialdUsMiwiit
Frai» n Pmdulu 133
d' iiible tige. Ul d'un verger d'arbre* à Sect. v. Culture forcée du arbre»
F l'orme en U Ul 143 à fruit» Ul.
Taille d'un jeune peelie;-..
7. Ul ». 113 $ I. Fruits a noyaux hâtés à
H.liajcnn s.semeiit d un vieux 10. Choix des ps|m ces. . . . I4j| l'espalier 178
pe. lier, ~ ......... lus .1 Kl nil< û peiiins ib. 1. Cerisiers et ;)nitiiei>. nains
0. l't'' II' eu plejn n< ni l .
Ul t. poires en plein-\eiit, liâtes.. ilL
St.CT Il juiL'e il :<>ldili;r ii<- lg < c-peces precui e.. . . Ib. 7i. \ i-'iip liàtee a l'espalier. . tT.i
VKJIir, 4. Arbres a U mis forcés dans
S 1. végétation naturelle fie la T, . Po i re-! d ther 'I . _dL la serre Ul.
VtgtM'.. . . ... ; . . Ul 4. foires mdlkausi < b> a vigne Ul
1. Multiplication delà vigne. tes que crue» ib. n cecnea . . un
S> BÔK et pré|varation du .V I'i mi c- a < u ii . . . ib. n Orl«k»r« . . 18J
terrain : plantatioa. . . . ti. Pommes bàlive». _lii< D Figues Ul
4. Formation de la lise et 7. fumini-1 d'hivn.
de* cordon* . . .... 7 un H. l'unîmes meilleure.-»
TITUE IV. Ccltcrk des végé-
'j. K.lmin L.-eni)iU'ineut. . . . ILi cuilt-s upg crues b taux COMBSTIBI.BS UL
Ii l'IiK 'Ul fut. -
'
là B Iruils noyaux. ~Jb~. CIIAP. 1. Cii.Tinns natirellks.
7- rali-.Q'. 113 1 l'éeliersT 7JK Slct. I. I l'gumcs proprçmctudits. lfiî
srr.T. lit, raille et conduite de Pc. Ii ^ en pk'.n-vcnt s i. ciioux.. if».
A Travaux préparatoires.
g
l'abricotier.
1.
^
Vegciation naturelle. .

Caractères des luainiies"


. Ul
Ul i.
(>ous le climat de l'a-
ris).
Abricotiers
. . . 7T — "
140
TE
H Clioix de
C Semis.
la Krame. . . . i£3
UL.

Ul
s. Abricotier
4. ——
en espalier. . .
eu plein- vent.
lll
llfi
?>.

i.
l'I lllliel

cerJsjeiii
-j.
-UL
-UL
P nepiqnagc.
g
PlantaHnn. . . .
. .
~ ...
. . . . . 1 »4
i(i

SECT. IV. Ttïtltj 1 1 ' '.'Hd,\ilc (lu Culantcrs et bigarreau V


neiaih de culture. ... ihh
)in tri r. ll^rm. . . . ib (I Conservation ihX
| i. \e-etalicn iirilurcllc. . . Ul Sect. \l. Jardin fruitier. U Frais et produits l&l
t. l'runi- t eu espalier. . . . Ul j_t . Distrtbulion. . » ...» ib t. Chouflcur 182
Sict. V. TntHrt t lotjluilc ilu rr - i. Ksp.'dier-. T77T A Choix de la graine. ... Ul.
rtilrr .1 11.1 ilen (le- iil'il 's. TF. B Semis UMl
< \. v Relation naturelle. . , 113 * Chnlx fte» maleriau*. . l£i C liepii|iiagc UL.
j. cerisier en espancr.. . . ul (.'
gjwgergw tb. B l'Iaiitalioti ib.

y Google
CPISTKMTS DANS CF. UlLUME,
noiaU; de nihnrc.
F. LU C
Frais et produits 2J0 g 2. Haricots
p"
rerU au
y Conservation. . . . ÛL 9 5. Kavets.. . ib. :.. i>
0 Frais cl produits. Ul A Choix de In graine.. . . ib. 1. ÇhamplBjjOjM
I 5. BrocoUs. . . 121 b préparation du sof.se- hcl.ii i- '
l
e tLj 1 1 II i . . . . îinji
Ul 1X1 1S. it>. Sect. II. Légumet-racinei U sa-
A l'» s à t -c ussiT, Iii3 /.' Détails ,le ulnire l
Iodes, 2f.O
il Pois mange-tont, la. n Frais et produits ib. i t. Pomme de terre. Ul
C l'()i< l\ Cf.rSHT ''fx UL t. N ulynic d l.'panuc. ib. ~T7iTn|le 307
I) ClmK de la graine. li nouil. S. Capucine tubéreuse (tro-
E Préparation Ju SOL Ul I.
llfldjj il'. pœlum luberosum) ib.
r semis. liii l'anais k Pa taie Ul
a nemlla «la giuïure. . ilL 8. Pommes de terre. Ul 5. Salades MA
U
Frais et produit*.. . f). t»\al - crenata 153. Sect. ni. i'tautes à fnUls cornet-
K. FiVvwi. Ul 10. 'I upiuaiiibour iai libies ijL_
4 Choix des espèces. ife, 11. nuieravc Ul j i. Ananas. . . ....... . UL
B l h'i;iil,i de m ltnrc. SECT. CullHTCdei liantes po-
III. A Préparation de laTërre
C Haricot ,
IL lage'ri's u / uns ruinestibles. . pinii le^ ananas
A liai, cols rcosM-r. mi i t. potiron. . . .
Citrouille ou Cli"ix du [lUnt. Ul
« verts — ». ( loocomut es cl coriiîchous. BO
/j i
v
i ftparaUwi du
lua u-e-l out,
soi.
ft.
i Mi Ion
A Travaux picparatoires.
mUl
/)

/.
ri.niiaiinii..
bétails
ai- i l
Ue nillni e
produits,
. .

Ul
tu
BB
l i
.

I S. il (.noix <Je la yrame. . . . 2. I l.l lai» 1 . ,

/• îX'Uiii.-, de culture. C Ul ,< l i


'


]
i.i i atii'ii ilu plant. Ul
Bill 199 li 1 1 .ui-'pl.iiiiali âiii H I dan» île culture. . .
211
iTnduiK JftJi
1' 1 : i
1 n • s. îles jjjyyï et S, Melon. Ul
7. Fpinards et loti avoues. . Ul train Ul L '. liC' 'ililire. tra
». « lM-ïllr . . . . un a. Tuinati > et piment.. . . . UL
9. Helie vu puii ce. . . . ... Ul 1. I .lille ne.
înOilei . . .
Ul T.'ste i!>s l'ininils (Tîli)
10. ognoii Ul "î. I aille ancienne (à jardin. . . IL
a S':niij, . . . . ... Ul 0 Uuiu-ircs Ul
« hélait» île
,

mlhire. . . . Ml // Hélalla île nilluri». 1— £11


TITRE VI. ClLTI HK 1IES VÉ -
C Etala . . «fi / çuiime du iulIuh en CKTAL'X l)'(llt>EMt:>T.
D Produits pleine Ici l e lil i 11 U*. I. FLOmct-LTcnr..
11. Poireau ou nurreau. ... ul 1 I. li I \ .i I "I uii - llirli IN. Ul Slct. 1. .Fleurs Ue pleine terre.
A Semis. ...... ... Ul 1. l'iMeeile ]-|. ,\ <!,!,,[
il l. Parterre, choix
Llîôl du loëal ;
B Prénarattoo du sol. . . . Ut. [>o. r i i
h. i mii ]<> n.e pi epai alii 'ii Ju terrain L
~.
G Plantation . flM IÔll>. Ul L lliiukirr 23il
» Frais. . . Ul !. l'Kneiie lli-.«e. .... .1 Uni dm ' s \ .Narcs. Ul
E Produits Ul S. PiiMTdi! italien. . . . Ul I. Thvnu Ul
M a» att, K I iaij et pr. du.ts.. . . . Ul Œd.ci mignardise.
IX. Erli.-ili.tr. . ib. i. M- 1
1
•. i il'! ivi i . ; .i-li 1
1
1 u .
Ul
iè. Ciboule fl rtv»lln. .... UL Ki tomate ou pomme d'a- •t. Artnaire i,u sabGuc
15. Arprrge. «... 16. inoor 2 if, de >:..!., :i
Uu
r
/< i'M'i;. irriiinn . . . . .
MB li Aubergine ou metongeiie. 141 B norduic s aniim llos.. . 2*1
Il Cln'iv île la ^i.iiiic 1. Fraisier. Ul l'iunles
. Il il'o. tit n Ht. . .
Ul
Sciui.s ru pépinière. . Ul A Travaux préparatoires. Ul â_L~STi Ht nlK atiou des pbntea
I> Scuii-. en place. . . . du H t.tioix uu plant clo liat- île p.T tel e I

E .~ .
Plantation. . . .
MB Mel\ ils A Semis Ul
F Détails «le cuUurc. . . . fe, 1 Plnnl de MMiiencc. . . Ul B Boulorcs.
li Cul nrc l'asperge gg M j. Plaiilderiiiilamsetdc C Marcotte.
* * s__*_

Ul
terre h>\ iï Ife. soili lii> ii.cn < Ul U Sepai a li, ai iji s rejet i .lis.
Ma
H Cullurc ilo l'asperge C liaiisnlaiil.ilion tm r. hrtai (tes racines. . . , .
Ul
dans les vignes Ul I> !I 'li > miii s |
'
| et 5» Choix des plantes de par-
i Prals sua |ilaiilaltuiis. Ul l' iré 1 . .
LL
S Produits âil 1 I '« l i - i i
i 1 1
i
c . . . t l <i 1 1 1 1 h i"ii -,
Ul
t<. Artichaut. ill r Cn nue- parti» ni eresd e ' : C' alç i;

X Multiplication TiaT
Ul
Qllel'llli Classement des plantes

C
l'rc|.:ir:uluii
l'I.nii.iii^ïïT
du u ri tïTii.
Ifc,
iii
Ul
t. BFiaisn «le KltpilfiUll i
Caillitn.
ilii
Ul
C*

ri.niios'vivacos
le]' LTIL
de parterre.
s&i
Ses
D
/:
Détail* de culture.
Frais et produits.
iil
m. .
ou 'le Mmillt iei V
rrai-ii r »j un»; ecar-
Heaniiin-lli's
Ainiiii llcs
. . . .
t m
17- ardon»C iili l.ite Ik, Skct. II. Plantes de collection.. .
ta. Céleri iii f." 'rot e.ir anglais pourol>- t- '1 lilitic-.
S .
Ul
A S-lni<. _. 1 ; • i Ul lenir tien iee,i|(e> de A Viilliplieation . SUA
B Préparation du >ol .. Ul rruilsdrs espèces de fral- IS Scini*. ........ . . UL
(.' l'Iai'iali"!! Ul lers le plus souvctil sté- C Caicux , Ul
/' Pi -lails de Çllll nre. . , Ul rile* g I repaiat on du terrain. ~ iir,
F, Frais et produits.
19. Laitues. .
A Choix clos espèces.
.

...
.

. . mUl

Ul
SECL IV.
UUJrrrs
I rai* et

/Je ttncrs< s jilmili s p<>-


pioduil> Ul

a
FTraiitath»ii. . .... *
r Détails «le culture. . . .
laduihca n
Ul

D Semis et rcpiquâlû's. S 1. l'"Ui ii'iin "es de >alade. Ul A Multiplication ; semis. . . •21 IX


i: Détail- iic luiimc . . .
3l alei-»:> .
Ul B dieux
I ' | i

Ul
Culimc niar aii tiêrc
/)
l.i laitue otiiaine. i
~ d_fl

. . Ib,
F>ii..i oll
TëTTF p êne nu pasw -
ma '.'

l>
l'iepai atiou «lu terrain..
Terre à jac utlic
Ul
E Fia s < t prouuitsTT . . . iil pu rie (i rilliimini lii ii ,n - F. l'Ianlatioii Ul
90. BESâE '• ~ . . ili iiiiiini Ul F Détails de culture.
.
. . . Ul
.1 (.lmi\ des ^sp< >
<f>^ Ul 0 p.inpi ein'lle '

pDlerimii 7L Renoncules Ml
rr DEoma :h' i ii.i;:r:'. . . . Ul - .»' i: i
. -"i I :i l

~ IL A Ni lue Ul
il Chlcoi i i' sauvage. . . . ±11 1 1
i" .i' I le ' i [i.'t.acon. Ul TTjeuiiCs grilles .~^>i
21. iii | i.apucuie ci iM.urraclw. Ul 1
l'i cp.'u alioli du tcriain..
Crc--ini i\r Umt.iHir" Ul " . -ai |\ .i^rs,
I <

i ' I
i
'
.
Ul /) flaiii.Hiiiii,
•j^ Màcliê. Ul 2. .iKun.ilupies. . . .
l'ianic-. 2al I l'eiail- ili ! uUnrc,. . . . 'Il
< -'\ .i h Ili \ u, h\ --«•!«. '
I 4 M-e;ii.,ne> ,
Ul
±j. l'ri>ifr roiiiami , uiarjolauie et "
g, CerreuM..
Ife
E slriii'lle. .
A
:

-, au
• * * • • • .
Ul Mnlt.plie.uioii.
27. Pourpier. Ul /.' An .eli.pie, nul-, (inniii, Si ini-
. . Ml',
Sr.rf. II. I "itiiiiep-raclnei. i "iiaiidre
Ul 2. Mai cottes et boutures. Ul
| 1. Carottes 3. l iantes ineilieinale-, . . B Préparation du sol. . . . :m
A Choix de la graine, pré- I.c.inne C Détails de culture. . . >b.
paration du sol Ul LllM'. LIM.TC1II FOhtl.K DtS Vl>
II.
Crocus Ml
B Semis
C Ittiaili de culture. . . .
Ul
an
iTET Al X COUF.SttM.ES
Srçt. I. I.i'tj miu t proprcim m this
m 4.
.•». Aunrule ou
SCIIII5.
oreille d'ours. Ul
80»
O
Frais cl produits
t. Salsifis et scorsonère..
UL
2xft
I I. Asperge-,
A is|ierges forcées blan-
.
'.
Ul Préparait, " ' ti'iii'in. LL
. . t. IMail.- 'le < liUiii e r.to
-4 Préparation du sol,choix cIk-s Ul 0. Dahlia. .
tL
de la graine tt. B Asperges vertes forcées. soi A Multiplication.
P semis; dctailsdeculiurc. Ifc C Procédés anglais TZl 1. li'HUUI t'S T

Google
IV TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME
•i. Scjjaratkju des tuber- S 3. Etjx&l s i. Jardin fruitier 442
cule* Si* A Multiplication. 5. Parterre 444
3. Greffe sur tubercules. H figafli M i iilture. Ul 4. J a 1 1 1 1 1 j |> i \ *.i.;ei >Jl
fi Semis Cactées MB ri, (»r.n une cl serres.. Ul
C Préparation du »ol. . . . UL 4 Molli ilir.lllnll . r>Ti! i

D Plantation 3jfi /; ii a de culture. 3tn ,^ t. Jardin pi '|:uei 445


£ Détail» de culture .... Û1Z 4. Or«'|iiilei>. 30'J 1 Jardin li n In'i 44u
S 7. Chrysanthème A >'i i au v. 'fi . i :i'.l'..rà. 311 3. Partern 441
A Multiplication. .' 'il '
U .MiiUiplii;;itni:i <!l 4. Orangerie et ireric»
i. Serais Ul C in-taii» de culture . . . M \ie>.
Boutures Oh . Serre froide, bâche froide, § t. Jardin [iniager. . . .
Détails de culture.
fi . . . 3».) Ctl.llMi II i
ijj 313 Parlene 4ÛU
8. Itiisccs ife, L-.1' Lj-j l i '. M' ,
!'
1

et f li,'i>>ii 3. Jardin (rniixa.. . .


(É.
jA Multiplication 3il QroM (& t Jaidin pay-.i^er. . .

B Détails de culture.. . 77 Jl fi Serre froide 7i. ui .iug' le et aei resT7 i


4^
lo. libellas. Ul Sert i- t' iU|H i e>'.

A Multiplication sei fi- rli,i'|,|r, ,


BTfi j t . Jardin potager. (Ê.
rparstis ne unur«r7~7 Ul j S«-i re i li.iiule-si'elm. . an -J. l'aih iTT7 4M
Il Iris. MB Serre eliaude-lunnide.
fi . 37» -", J irilin IraitLi-r. îû.
12. m
uiaiMiifi'oiiutiH'i'ieilrv SL C'i.l'ii
.li- l.i un le. . . i- . Jji dm )i i\itat{~T. . lii.
cuUf fJS 9. Plantes aquatiques de ter- orangerie et "serres.
tter. IV. Plantes de parterre re-
IIHiri/u.l / il iUi rr.y litres.
. . .
Ife.

:kaj ,
re chaude. ... ......
11. J V H 1)1 S S l'ATSiGEBl.
m Mal
i
5.

I. Parterre.. ~
Ife.

1^.
i t. Plantes bulbeuses. .
-~ . 321 Sbct. I. Sortons générales. 3M 2. iiraugerle.. . 45i
32t j I. Seenc» naturelles propres 3. N-rre tein).r[ ç^T àlÉi
Ul a entier dam la i'.iiu|i<>^ t. Si-rn- < iiaâde Ul
Ul il m il i j.ii dm p.i> '.i^i r. Jardin potager . 437
a i. vaine du pti .un~ M7 JltM.
4.
5. îi^iidia
*>
J.i' iiiL.i' s

(. iinii iiiu:» 1
1>\ i .i iu n ii i'
1

. .
m du
fi Dimensions dgj
1"^ -'•:-/>
i

j . t r J n-i
.

Ul
Jardin |n)la^»T.
I.

Jardin l'rqi'.ii.T
slfll
4!^
7. h rjjgfflB • • • .
'.'
Unix d'objets jilttores- 3. Parterre. 4Ji5
S A-li'i L2. ques ïb. 4. Orangerie. 406
0. Plantes aquatiques Ul i Constructions et orue- :>. s<-itc, chaudes et t»'lll|n;-
1 0. Plum e * i l i n' in i'i it puur i meilU d'archlu^tiire. . . . fc'fts tlfi.
.er> usages particuliers.
(* ; :>fj A Temples.. ib. iPJUfiX
11. Arbustes d'ornement de B Obélisques, colonnes, co- f 1. Jardin potager. 4JÎI
pleine terre lonues troïKjuees 389 -J. l'ai Ici ; 4ta
LU. Arbustes de terre de~ <: Main-".. ib. 3. Jardin Inntier. Ji
bruyère. . . 331 li K itiinenli isoles. ib. t. Uiaii^'-iie cl serre. 4IQ
\! t"»ll-it«*S H ll'Mll- lit .1 Ho - E Chaumière. it>.

raisoq remarquable . . . . 533 r Constructions dive^es; § i. Jardin potager. <*.


14. ~r. .vi-rs. ilnlali.nl. 390
t UL Tlt-il-i .i li a. Pai*terri 415
Ti Qjtïïi »-ni|ii,ii l'iin'iii. UL G Ituines ib. Jaidin liii |-
424

gEE
l 1 1

/' \i i .ni - 1 un -m. . . . ,v. t U Ponts yji -t, 'iraiificne et serre. <£
H
,
.

sm
,

i u li'ii
'
1
'
.
''
.
~>.">'j SfcCT.ll. PUm sur le papier ; tract i.Miaii.
D Cultures particuliërcsdc sur le terrain u, l. Jardin potager. 413
E
quelques rosiers
ClnsMliealion nu.
351 f t. Plan sur le pa|>ier
». vrai e ~ u !• l' rrain. .
~ ib. J. Pui. irëT
Jardin fruitier.
in
&
F Culture forcée des ro-
. , ,
il<>a
-,. I

fUisseam
i ai e J .; ; i
l B 3«Ji

393 h.t
3.
4. (H .m n'ei ie <[ »en e. 47»

m
( nii.i.

siers 4. Lac> et ptàOCl il t an ; illu- j Jaidin potager.


l .
I».
Sut. d'ornement qui
V. pituites slous U'optiqui;. . . .77, ib. 2. Jai ilin li uituT 4SI
ne supportent pus la pleine SECT.III. D; >, i ntuTV 395 3. Parterre 4SJ
terre Ul 3 I.I..u-;i ui et trai- d<^ di - 4. Orangerie et aerre. if.
| t. IVI.ir^.nihinn Ma vei> ^r.ires d'al'ee», . . . U>. ViYtMimi..
4 m implication 511 t. CIh.-iii 5 eux. allées creu - a j I. Jardin potager. 483
g Douiui-csi Ml -•>„ fi. Jardin fritlti< 48t>
c iM-t.iils de culture. ib. 3. Méthode de M. Vou Sckell. 397 3. Parterre. 487
ï. Culccotaires Mf Sect. IV. 0' biais et remblais. . . 3"»8 4. Orange rie et serre. . . . Ife.
A Multiplication Ul § I. Colluie?) arlilicieilei. . . . 39J DtfCtXBftË.
B >
Détails je culture. . . .
'»') VÏÏTÏ arliliciels. iO. lu potager. (fi.
3. Verveines lit. 3. Crcuseioeot de» lacs et i J'' h u
'iur.i'jr.
kl'-T.
A Multiplication Ul eces d't 400 3. Partern feM
B Deuils de culture. . . . 350 Secr. V. Emploi des arbres d'or- 4. Oramterle. liL
4. Cinéraire» UL. nemettl dans le jardin paysa- V Se Ife.
9. Me^euibriaiilliètnes ill ger.
• A Multiplication I i. Distribution naturel ^ CALKXDRlEli 1>U FOHKSTIEW. i'Jl

fi Détails de culture. . . . 16. arbres. . an Janvier. 1 S ! 1 • !

Camélias. - M février. *M
6.
m
I ilr-, >] ;i i, \.-\,
. -r
A lu J
,
.
: | j m n.; 3.'»5 . ! 1 1 1 iJL.
fi Chois des pots cl cais- 3^. l'Iautations. ........ i<>.-. AaxiL Ul
ses A K'iC et lorce des sujets.. «y ; ; 1 1_ 4'J3
C Serre aux camélias.. . . 331 jraiHHilé des platitaOuns. lUa Juin. . ~3L
fi Rempotée. ....... Ul Ç l 'i vi'sos m inières de JulUct. 4U4
B Arrosages Ul plaiilia . ........ . AOÛt. IL
r-'^Soius généraux StCT. VI. /. li i«;.i>> I ,,ir jjgtfij». Seiuembre. Ul-
G Mulliplicaliou ; boutu- 4.1. Qrlybre. . , , 4i£
res, 2&i novembre l±L
I. Marcottes
Coup u'iiil sua i,k j ahdi> v<.e I>, -
1

c 4'^j
liL i
J t j : ) i

* EX ËCKOPK.
ttafl IL Cale>drikr UU MAGNA M tilt.
;

S. Serais Hollande et Belgique


Scct. VI. PUmLs Woranjerle cl
de serres
r.,7

358
orande-Bretagiic.
r rance. ...... .
.
m
MB
m Janvier. Ife,

iJl
j.l. culture des plantes d'o-
rangerie 'A
Espa-tne.
I*' m I j^-al
m M, u a
Avril. .
Ul
Ml
A \eriuins, lauriers-roses, 3VJ liai» Mai. 4^J
fi Orangers et eitrouniers. et vjleajggyg. MaM
i
> i »i
433
I. Multiplication .... i' ": i^in- èt i; i--:. llli Juillet. . . • Bflg
i. UempoUgcet rencais- saede, Xorwege, Daitcmarlt. 411 AUiiL
sem ni. u. Septembre. të
3. Taille
« VLKMIRIKK DU JAfi.DI.XI8». tol'ie 504
tiL . .

4. Détails do culture. . . Sjil Norembre. . . . . , . tfc.

C. M-oiudmr, 5ni à 1. JanTn |>ota.;.:i IM Ixccuibre. . . . , . , if.

UN 1>E L A TA BtK PK S >i \ rn. n i.>.

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AVANT-PROPOS.

A l'époque où parut la Maison rustique, vivement frappés de l'immense étendue des


matières à traiter, nous avions résolu de ne nous préoccuper d'aucun objet qui leur
fût étranger. Il nous eût semblé téméraire de dépasser les limites déjà si vastes du cadre
de l'ouvrage primitivement conçu et d'ajouter à la masse des travaux que son exécu-
tion nous imposait. Tels furent nos motifs pour nous borner exclusivement aux ma-
tières du ressort de l'agriculture proprement dite, sans aborder ni l'horticulture, ni
l'économie domestique. Mais, les vœux unanimement exprimés par nos abonnés ne
tardèrent pas à nous convaincre que nous avions laissé dans notre publication une
lacune qu'il devenait indispensable de remplir. En effet, les propriétaires de terres,
grandes ou petites, les cultivateurs de tout étage, tous ceux enfin qui trouvent dans la
Maison rustique leur guide habituel, ont ou peuvent avoir un jardin grand ou petit;
presque tous font du jardinage leur principal délassement; s'ils sont à proximité d'un
marché, ils peuvent trouver dans les diverses cultures jardinières une ressource im-
portante ; la Maison rustique du XIXe siècle devait donc être complétée par un traité
d'horticulture. L'opportunité d'un traité d'économie domestique n'est pas moins évi-
dente tandis qu'en Angleterre et en Allemagne des ouvrages spéciaux sur cette matière
;

mettent entre les mains de tout le monde les moyens le mieux appropriés à toutes les
conditions pour rendre la vie intérieure de chaque ménage aussi confortable que ses
ressources le permettent, en France, ceux qui souvent ne demanderaient pas mieux
que de sortir d'une routine dont ils sentent tous les inconvénients cherchent en vain
un guide pour les diriger.
Le cadre du livre consacré à l'horticulture était tracé d'avance par les besoins de
ceux pour lesquels nous devions l'écrire c'est le jardinage pris au point de vue de
:

son contact avec l'agriculture dont il n'est qu'une dérivation, puisqu'il a, comme
elle, pour but de tirer parti du sol. Quiconque, comme nous, a parcouru la France à
pied et dans tous les sens, pour en étudier l'agriculture, pour connaître à fond les con-
ditions diverses des populations rurales, demeure frappé des incalculables ressources
que l'habitant des campagnes laisse perdre. Quel accroissement de bien-être une
famille de pauvres cultivateurs ne pourrait-elle pas trouver, par exemple, dans les
fruits d'un verger, même de peu d'étendue, facile à créer comme le désert de Bar-
beau-Brunet *, avec peu ou point de frais, mais avec une volonté ferme et untra
Tail persévérant! La consommation des fruits, surtout celle des bons fruits, est
presque nulle dans plusieurs de nos départements; ce ne sont pas les acheteurs qui
manquent, ce sont les produits. Nous en dirons autant des légumes, et bien souvent

(i) Voir Journal dJ^iicnhiitr pratique, t. IV, p. 4io.


BUKTirtl.TO«'. T. V. — I

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ij AVANT-PROPOS.
des fleurs. Nous avons vu chaque année à Marseille, à l'époque des processions qui se
succèdent pendant quinze jours, les fleurs les plus communes se payer pour ainsi dire
au poids de l'or; il n'y en avait pas sur le marché la dixième partie de ce qu'on en
aurait pu débiter avec avantage. C'est donc répondre à un besoin réel et vivement
senti des populations rurales, que de placer sous leurs yeux, à la suite de l'ouvrage le
plus complet et le plus avancé sur l'agriculture, l'exposé des procédés de l'horticul-
ture qui peuvent si facilement augmenter leur aisance, en même temps qu'ils influent
par un enchaînement naturel sur l'amélioration du régime alimentaire des popula-
tions urbaines ; c'est par conséquent à cette partie de l'horticulture si éminemment
utile que nous avons consacré le plus d'espace et donné les plus larges développements.
En traitant de la culture des plantes d'ornement, nous avons eu également égard à
la position du plus grand nombre de nos lecteurs. Le goût de l'horticulture est en
progrès parmi nous; le nombre des propriétaires riches qui s'adonnent à la culture
des végétaux exotiques augmente rapidement ; les orangeries et les serres sont mul-
tipliées de tous côtés avec la plus louable émulation. Néanmoins, une statistique exacte
de nos richesses horticoles nous montrerait plus d'orangeries que de serres, plus de
serres tempérées que de serres chaudes; parmi les plantes qu'elles renferment, les
plus rares, celles dont le prix est le plus élevé, s'y trouveraient à peine par exception ;

nous y verrions au contraire les jardins ornés seulement d'un parterre devenir pres-
que aussi nombreux que les habitations rurales; nous appelons de tous nos vœux le
jour où chaque chaumière en France aura sa plate-bande de fleurs. Que l'on compare
l'état moral des populations parmi lesquelles le chef de famille consacre habituellement
a l'ivrognerie le jour du repos, avec celles où, au sortir de l'église du village, il donne
le reste de son dimanche à ses fleurs, sa plus douce passion, source d'échanges de bons
oflices avec ses voisins ; il y a là tout un puissant système de civilisation pour les cam-
pagnes; nous pourrions citer dans les plus âpres régions delà France des curés de
campagne qui, préchant d'exemple, ont opposé, avec le succès le plus éclatant, le jardin
au cabaret. Puissions- nous avoir à nous féliciter d'avoir, nous aussi, concouru, autant
qu'il est en nous» à propager ce goût si naturel, si parfaitement en harmonie avec la
vie habituelle du peuple des campagnes, cette source de plaisir qui tend h rendre les
paysans à la fois meilleurs et plus heureux! Ainsi, sans négliger aucune partie de l'hor-
ticulture, nous avons particulièrement insisté sur celles qui touchent le plus intime-
ment aux intérêts du plus grand nombre de nos lecteurs, sur les objets qui nous ont
paru de nature à concourir au but commun de toutes les branches de l'agriculture :

améliorer la condition matérielle et morale du peuple des campagnes.

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HORTICULTURE

CHAPITRE I". - Choix bt nature dbs tbbbains. si l'onpratique n'importe où une excavation,
que l'on pulvérise les pierres qu'on en relire et
Section — Rapporté du sout-$ol avec la qu'on les mélange avec plus ou moins de ter-
sunerficie. reau provenant de fumier très anciennement
décomposé, on obtient une terre tout- à-fait
Nous considérons les principes généraux du analogue à celle qui couvre la presque totalité
jardinage sons cinq aspects principaux, for- du pays.
mant le sujet de cinq chapitres dans lesquels Si le sous-sol est formé de roches de grès,
nous traitons séparément du choix et de la la surface n'offrira qu'un sable stérile, sembla-
nature des terrains, des engrais et amen- ble à celui des environs de Fontainebleau; en
dements, des divers modes a irrigation , des pulvérisant un bloc de grès, on aura un sable
instruments de jardinage et de la construction entièrement semblable.
des couches, bâches, orangeries et serres. Ce De même que dans l'air le principe que les
dernier chapitre comprend aussi les moyens chimistes nomment oxygène est le seul propre
de produire la chaleur artificielle , applicable à la respiration; de même que, dans les ali-
aux besoins de l'horticulture. ments, il existe à côté des principes nutritifs
La constitution géologique du globe est la d'autres substances qui, tout en jouant un rôle
base des différences essentielles qui existent utile, ne contribuent pas à la nutrition, ainsi
entre les terrains } quoique le jardinier de pro- la terre la plus riche contient, avec les éléments
fession ne puisse que bien rarement être géo- propres à servir d'aliment à la végétation, des
logue, et que le cadre de cet ouvrage ne nous corps qui ne peuvent concourir à la nourriture
permette pas d'y joindre des notions même très des plantes. La juste répartition de ces sub-
abrégées de géologie, nous signalerons néan- stances diverses constitue les meilleures terres.
moins pour chaque nature de terrains les rap- Il ne faut pas croire que les éléments, qui
ports de l'intérieur avec le dehors, car il n'y a seuls ne nourriraient aucun végétal, ne servent
s d'autre moyen d'apprécier avec quelque à rien quand ils sont associés à d'autres ; ils les
Eitcsse le sol sur lequel on opère. Posons d'a- divisent, ils les rendent plus rares, ils forcent
rd ce principe qu il n'existe aucun terrain les racines des plantes à s'étendre pour cher-
complètement impropre au jardinage, et que cher leur nourriture. Sans eux la terre, trop
Krtout où l'on dispose d'un coin de terre riche, ressemble pour les végétaux à ce que sont
nne ou mauvaise, on peut y créer un jardin. pour l'homme ces mets dont une petite quantité
C'est de ce point de vue que nous considére- lui donne des indigestions ; sa santé se trouve
rons la nature des divers sols, et leurs rapports mieux de mets moins substantiels.
avec le jardinage. On peut obtenir untrès bon jardinage sur le
recouvre les terrains granitiques ou pri-
§ l". —
Terrains primitifs.
sol qui
mitifs; on s'appliquera, dans ce but, à lui don-
On donne ce nom aux roches de granit et ner ce qui lui manque; la chaux et les engrais
de grès leurs débris ne contiennent point de très actifs y seront plus nécessaires que partout
;

chaux. En comparant ces roches avec le sol ailleurs. Les arbres et arbustes dits de terre de
qui les recouvre, on reconnaît un fait général, bruyère ( lauriers, rosages, azaléas, andromè-
réalisé pour tous les terrains ; c'est que la su- des) y prospéreront de préférence; les légu-
perficie est toujours composée de débris de la mes-racines y seront d'excellente qualité, quoi-
roche ou des roches du sous-sol, mêlés a des que sous un petit volume; enfin, grâce a des
substances végétales et animales en décom- amendements bien combinés, peu de végétaux
position. Dans nos départements de^ l'ouest refuseront absolument d'y croître.
notamment dans ceux de l'ancienne Bretagn^-^aiorface des terrains primitifs offre le plus

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HORTICULTURE. LIV. VIII.

souvent des terres sablonneuses, légères, ayant dans les masses géologiques du globe. C'est la
peu de cohésion, et retenant difficilement l'hu- nature de sous-sol la moins favorable à la végé-
midité. Lorsqu'elles sont mélangées avec l'ar- tation ; la craie pure est d'une stérilité absolue ;
gile, terre onctueuse servant à faire les briques, les plaines blanchâtres de la Champagne nous
ces terres se rapprochent davantage de la na- en offrent un exemple au cœur de la France.
ture des terres fortes. L'argile toute seule est Le jardinage ne saurait y prospérer ; mais il
impropre à toute végétation; les pluies la ra- n'en est point totalement exclu si l'on a en
mollissent sans la traverser et produisent, en sé- abondance l'eau et les engrais convenables.
journant à sa surface, des marécages rebelles à D. Terrains gypseux. —
Le gypse ou sul-
la culture; les chaleurs y produisent des cre- fate de chaux, plus connu sous le nom de pierre
vasses et la rendent aussi dure que le rocher ; à plâtre, sert de sous-sol à des terres spéciale-
mais unie en de justes proportions aux autres ment propres à la croissance des arbres a fruits,
terres, l'argile contribue àformer un sol favo- à noyau, tels que les pêchers, abricotiers, pru-
rable à toute espèce de végétation. niers et cerisiers. L'abondance de la pierre à
dans le territoire des communes de
§ II. — Terrains calcaires.
plâtre ,

Montreuil, Fontenay, Bagnolet, C baron ne, où


Les géologues appliquent cette dénomination l'on en exploite de vastes carrières, est la
à toutes les roches qui, soumises à l'action du principale cause de l'excellente qualité des
feu, se convertissent en une matière caustique fruits qui s'y récoltent. Le succès de cette cul-
que tout le monde connaît sous le nom de ture est assuré partout où le jardinier dispose
chaux. Les diverses pierres susceptibles de d'un sol de même nature.
fournir de la chaux diffèrent entre elles autant
que toutes, prises ensemble, diffèrent du grès § III. — Terrains dalla v ion.

et du granit. Quiconque habite le bord d'une rivière,


A. Calcaire compacte. —
Les calcaires les grande ou petite, a remarqué les dépots que
plus durs forment le plus souvent des monta- laissent en se retirant les eaux courantes, par-
gnes plus ou moins élevées, nues, arides, im- tout où elles ont momentanément séjourné. Ce
propres en apparence à toute végétation telle : que la nature continue à faire en petit, elle
est en France la chaîne des Cèvenncs. L'in- l'a fait jadis sur une bien plus grande échelle.

dustrie humaine a su couvrir de jardins leurs D'énormes masses d'eau violemment déplacées
plus âpres rochers. Des terrasses pratiquées au ont entraîné des terres, des cailloux, des dé-
moyen de la poudre, soutenues par des murs bris de toute nature ; après les avoir déposés
secs construits aux dépens de la roche elle- sur les terrains exposés à leurs irruptions, elles
même, reçoivent une certaine épaisseur de se retiraient pour venir renouveler plus tard
terre végé'tale transportée par un travail per- les mêmes transports de matériaux divers. Ce
sévérant du fond de la vallée sur le flanc ue la sont les terrains ainsi déplacés par les eaux
montagne ; il en résulte des espèces de grandes qu'on nomme terrains de transport ou d'allu-
caisses murées qui deviennent autant de petits vion; ils se reconnaissent à la quantité de
jardins conquis a force de peines et de sueurs. petits cailloux roulés qui s'y rencontrent con-
B. Calcaire grossier. —
Ce calcaire, dont le stamment. Les terrains d'alluvion sont en gé-
type existe dans le moellon et la pierre de néral très propres au jardinage. Les cailloux
tailledont sont bâties les maisons de Paris, sert et le gros gravier lui nuisent sans doute; mais
en général de base aux plaines les plus riches c'est un préjugé de croire que quelques pierres
des pays cultivés de l'ancien monde ; la Beauce réduites à un petit volume , et mêlées à une
et la Brie ont pour sous-sol un calcaire sem- terre d'ailleurs suffisamment fertile, soient
blable. Les terres de ces deux contrées doivent toujours un obstacle au jardinage : elles sont
en partie leur fécondité à la chaux (jui s'y même souvent utiles à certaines cultures, parce
trouve mélangée à la plus riche terre végétale. qu'elles servent à diviser les sols trop com-
Les géologues nomment humus la terre végé- pactes.
tale proprement dite ; le terreau provenant de
la décomposition lente du fumier nous offre un
$ IV. — Terrains tourbe».

exemple de l'humus à son plus grand état de


pureté; du reste il n'existe nulle part sans mé- Les contrées humides et marécageuses se
lange à la surface du globe. L'humus ou terre couvrent naturellement d'une végétation abon-
végétale est surtout abondant au-dessus des dante de plantes aquatiques ; ces plantes n'é-
terrains formés de calcaire grossier; on le tant jamais récoltées, pourrissent sur place et se
trouve aussi fréquemment amoncelé dans le renouvellent tous les ans, créant ainsi à la lon-
fond des vallées où le temps manque rarement gue une substance particulière, nommée tourbe.
de l'y accumuler aux dépens des hauteurs voi- La Hollande contient des provinces entières
sines. Il n'y a pas de sol mieux approprié au couvertes de marais tourbeux; ces marais,
jardinage que celui des plaines superposées au convenablement desséchés, sont très favorables
calcaire grossier, et dos vallées surmontées de au jardinage lorsqu'on en développe la fertilité
coteaux couverts de forêls. par des engrais et des amendements appro-
C. Craie. —
Ce nom s'applique à l'une des priés à leur nature. Les hortillons des environs
formes sous lesquelles le calcaire se présente d'Amiens, si célèbres pour la beauté et l'ex-

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TITOE I. CHOIX ET NATURE DES TERRAINS.
cellcnce de leurs légumes, sont établis sur des d'un jardin nouveau, on se déterminera moins
terrains tourbeux, ayant jadis formé de vastes encore par la qualité "de la superficie que par
marais sur les bords de la Somme. la profondeur de la couche de terre arable.

— Dénominations On regardera toujours une terre médiocre,


§ V. vulgaires des terres.
mais profonde, comme préférable à une terre
Nous ne croyons point utile d'établir ici, à beaucoup meilleure, mais d'une moindre épais-
propos du jardinage, une classification com- seur. La première se prêtera facilement aux
plète des terrains ; nous avons voulu seulement améliorations que nécessite un bon jardinage;
mettre le jardinier sur la voie des notions qui la seconde s'épuisera promptement et n'offrira
lui sont indispensables quant à la nature des aucun moyen de subsistance aux végétaux qui
sous-sols supportant la surface qu'il cultive ; pénètrent assez avant dans le sol.
c'en est asseï pour lui faire éviter bien des er- On prendra aussi en grande considération
reurs et des mécomptes en l'empêchant de de- deux objets essentiels, l'exposition du terrain
mander au sol ce qu'il n'est pas disposé à pro- et la proximité des eaux. Les meilleures expo-
duire, et en .l'éclairant sur les moyens de sitions sont celles du sud etde l'est. En suppo-
remédier aux défauts et aux inconvénients at- sant qu'on ait le choix entre plusieurs terrains
tachés à chaque espèce de terrain. en pente, on préférera celui qui fera face au
Voici, d'après les usages reçus, les noms que midi ou à l'orient, quand même il ne serait pas
les jardiniers sont convenus de donner à la su- tout-à-fait d'aussi bonne qualité que celui qui
perficie des divers sols consacrés au jardinage. regarde l'ouest ou le nord. Si, comme il arrive
Terre franche. —
L'argile, le calcaire, le sa- à beaucoup de propriétaires, on ne peut enclôte
ble et l'humus s'y trouvent mêlés dans de justes de murs qu'une partie du jardin et qu'on se
proportions; on la nomme aussi terre nor- borne à fermer le surplus par une haie, l'on
male; c'est la terre de jardin par excellence. placera la muraille de manière à se procurer
Terre forte. —
L'argile y domine ; la chaux un espalier au midi, et des plates-bandes à la
et le sable s'y trouvent en moindre proportion ; même exposition, proportionnellement à la
elle contient très peu d'humus ; le jardinage ne hauteur du mur.
peut y réussir qu'à force de travail et d'en- Nous avons vu, il y a peu d'années, dans le
grais. département d'Indre-et-Loire, une maison de
Terre légère.— Il y a des sols légers-sablon- campagne très agréable, récemment construite,
neux, et des sols legers-calcaires , selon les abandonnée du propriétaire, et vendue beau-
proportions de sable et de chaux qui en font coup au-dessous de sa valeur réelle, parce que
partie. La terre légère doit toujours son carac- le jardin manquait d'eau. On avait entouré de
tère à ce qu'elle ne contient point ou presque murs l'espace destiné au jardinage, et l'on s'é-
{>oint d'argile Le jardinage réussit bien dans
. tait occupé tout d'abord d'y établir un parterre
es terres légères quand on a l'eau à discrétion. et un potager, saDS songer à creuser un puits.
Terre de bruyère. —
Elle se compose de sa- Quand le besoin d'eau se fit sentir, on entreprit
ble ou silice en poussière, et d'humus ou ter- inutilement des fouilles sur plusieurs points;
reau. Comme elle est indispensable pour cer- l'eau ne se trouva qu'à plus de 30 mètres, et en
taines cultures, et que pourtant le transport la quantité tout-à-fait insuffisante. Les oublis de
rend d'un prix excessif quand il faut la faire ce genre sont plus fréquents qu'on ne pourrait
venir d'un peu loin , on
y supplée en formant le croire, quand il s'agit de former un nouveau
de toutes pièces un compost doué des mêmes jardin sur un terrain consacré précédemment à
propriétés et propre à nourrir les mêmes végé- un autre genre de culture. Le premier soin doit
taux qui se plaisent dans la terre de bruyère être, dans ce cas, de s'informer de la profon-
naturelle. deur de l'eau, ce que les puits du voisinage peu-
On trouvera au chapitre des Engrais et vent indiquer par approximation. La présence
Amendements l'indication de ceux qui convien- d'une source ou le passage d'un ruisseau pour-
nent spécialement à chacune des terres que ront être aussi des motifs déterminants sur le
nous venons de décrire. choix de l'emplacement destiné à un jardinage
de quelque importance.
Section II. — Choix au terrain. Moyens de reconnaître les qualités du sol.

Il arrive bien rarement au jardinier d'avoir La


physique, la botanique et la chimie four-
à choisir l'emplacement sur lequel il doit éta- nissent toutes les trois des procédés d'apprécia-
blir un nouveau jardinage ; le plus souvent il tion pour la nature des terrains destinés au jar-
ne peut que continuer ce qu'il trouve crée d'a- dinage ; les procédés chimiques sont les plus
vance ; toute la latitude qui lui est laissée dans sûrs de tous, mais rarement ils sont à la portée
ce cas consiste à pouvoir distribuer à son gré, du jardinier. La botanique lui offre des indica-
sur un terrain donné, les divisions de son jar- tions plus en rapport avec les notions qui lui
din, afin d'en approprier le mieux possible cha- sont indispensables et familières; enfin les in-
que partie et chaque exposition à la nature des ductions qu'il peut tirer des qualités physiques
plantes qui doivent y croître. du sol sont tellement simples qu'il n'a pas be-
Lorsque, sur une terre d'une assez grande soin d'être physicien pour en profiter.
étendue, on peut assigner à volonté la place A. Propriétés physiques du sol. —
On les re-

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HORTICULTURE. liv. uni.

connaît par des procédés fort peu compliqués. indication asseï positive pour que le jardinier
La pesanteur se vérifie au moyen d'un bocal doive y avoir égard.
qu'on pèse successivement rempli d'eau et rem-
plide terre. Supposons que de deux échantil- avec luélimentt
lons employés a cet essai, l'un donne 1,800 aTÏT'
grammes et l'autre 1,850 grammes dans un SOL CALCAIRE. SOL 4RCILCDX.
vase qui, rempli d'eau , pesait exactement un Tussilage.
Véronique, plusieurs es-
kilogramme on en conclura que le premier
;
pèces.
est a l'eau, sous le rapport de la pesanteur, Gallium, jaune et blanc. Pi
comme 9:5, et qu'il est au second comme Grémil. Jonc.
36 : 37. On ne peut arriver par ce moyen à des Anémone |

résultats suffisamment exacts qu'en employant Sainfoin.

de bonnes balances, en tarant les vases pour Clématite.


Viorme. Arénairr.
en défalquer le poids, et en prenaot les échan-
Berbéris épine-vinette. Vipérine.
tillons sur divers points de la surface du sol
Herniaire.
soumis à l'expérience, après en avoir bien mé- Spergule.
langé les éléments par le labour ; sans quoi
deux échantillons pris tout à côté l'un de Les données de ce tableau ne sont que de
l'autre donneraient souvent des chiffres entiè- simples indications les plantes les plus con-
;

rement différents. cluantes sont, pour le sol calcaire, le sainfoin


La ténacité delà terre et sa propriété de de- naturellement ne croit pas bien sur un sol
aui
venir plus ou moins plastique, lorsqu'elle est épourvu de chaux et pour le sol argileux le
,

élrie avec de l'eau, indique la présence de tussilage qu'on ne rencontre sauvage que sur
fargile-, toute terre peu argileuse en appa- les terrainsoù l'argile domine.
rence, parce que l'alumine y est mêlée à d'au- Nous croyons inutile d'étendre ces données
tres substances, peut être considérée comme aux sols ferrugineux, salins et marécageux
terre forte lorsque, pétrie en pâte molle, essuyée qui de même que la terre dite de bruvère, ont
,

à l'air libre et cuite au feu, elle donne une une végétation très distincte, mais nui d'ailleurs
brique de bonne consistance. La terre forte ou se reconnaissent au premier coup d'œil par des
argileuse est toujours douce au toucher; celle caractères extérieurs très faciles à discerner.
où le sable domine est rude, et possède la pro- C. Essai chimique des terrains. Rien de —
priété de rayer le verre. plus compliqué que l'analyse exacte des divers
La présence des oxydesmétalliques a deux genres de terrains propres à la végétation, soit
indices certains; la couleur et la maigreur de a cause de la nature fugitive de plusieurs des
la végétation. En général le sol cultivable ne éléments qui les composent, soit parce que
contient guère d'autre oxyde que celui de fer pendant l'opération il se forme des combinai-
en quantité notable ; il lui communique une sons, produits de l'opération elle-même, et
couleur jaune ou rouge. qu'il est très difficile de distinguer de ceux que
Le gout indique la présence du sel dans la le sol contenait primitivement.
terre ; elle se reconnaît aussi à la nature sa- Lorsque l'horticulteur désire une analyse
lée de l'eau qui a séjourné sur un pareil sol. exacte du sol soumis à sa culture, ce qui est
Le soufre se manifeste par son odeur lorsqu'on presque toujours un objet de curiosité plutôt
projette sur un fer rouge la terre qui en con- que d'utilité, il n'a rien de mieux à faire que de
tient. s'adresser effet à un pharmacien de son
à cet
importe souvent au jardinier de connaître
11 voisinage; s'il possède lui-même les connais-
la capacité du sol pour absorber l'humidité ; sances chimiques nécessaires , ce qui se ren-
elle s'évalue comparativement par le procédé contre bien rarement, il aura encore besoin de
suivant, d'une exécution facile. Au milieu d'un recourir au pharmacien pour les appareils et
bocal de verre rempli de la terre à essayer, on Mais, s'il veut se borner a connaître
les réactifs.
plonge un tube de verre dans une position ver- des qualités chimiques du sol ce qu'il lui im-
ticale, excédant d'un décimètre environ le porte le plus d'en savoir, il ne lui faut d'autres
bord supérieur du bocal. On verse ensuite dans appareils qu'un fourneau de terre cuite et quel-
le tube une quantité d'eau déterminée, et l'on ques fioles, ni d'autres réactifs qu'un peu d eau
calcule avec une montre à secondes le temps de savon et quelques acides. L'objet le plus
que l'eau met à remonter du fond du tube à la utile est une bonne balance, susceptible de pe-
surface de la terre du bocal, effet qui se produit ser avec une exactitude suffisante 500 gram.,
toujours en vertu du poids de IVau mais dans
, et d'être sensible à 2 milligrammes.
on temps plus ou moins long. Le même essai, Supposons, par exemple, qu'on veuille re-
renouvelé de la même manière sur un autre connaître la quantité de calcaire contenue dans
sol, donne le rapport de leur propriété absor- un terrain. Après avoir pesé exactement et sé-
bante. 5a rem ent 260 grammes ae terre et 500 grammes
B. Végétation naturelle. —
Nous réunissons 'acide hydrochlorique, on les ajoute l'un à
ci-dessous en tableaux les plantes qui crois- l'autre par petites portions en remuant le mé-
sent le plus souvent sur certains sols d'une na- lange avec un tube de verre; il se dégage une
ture déterminée, et dont la présence est une grande quantité de gaz acide carbonique. Lors-

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T1TIIE I. CHOIX ET NATURE DES TERRAINS.
que le dégagement de gaz a cessé, on pèse de peut se défendre, des travaux dont le résultat
nouveau, et Ton note exactement la diminution tient du prodige. Nos lecteurs nous sauront gré
du poids. 17grammes de gaz correspondent de la publication de la lettre suivante que nous
assez exactement à 40 grammes de carbonate devons à l'obligeance de M. l'abbé de la Trappe.
de chaux; ainsi, dans le cas où le mélange au- Que tous les amis de l'horticulture méditent cet
rait perdu, après l'opération, 17 grammes de exemple; qu'ils réfléchissent à ce revenu de 8
son poids on pourrait en conclure qu'il
total, à 10 mille fr. créé sur un terrain de 9 hect. en
contenait avant l'expérience 40 grammes de quelques années d'un travail bien dirigé; ils se
carbonate de chaux sur 250 grammes, soit 160 convaincront de cette vérité que, même comme
grammes par kilogr. Ce résultat n'est pas ri- spéculation, partout où le débit est assuré, rien
goureusement exact , parce qu'il s'est dégagé n égale l'horticulture sous le rapport des pro-
avec l'acide carbonique une plus ou moins duits , et que pour l'homme favorisé de la for-
grande quantité de vapeur d'eau; mais il suflit tune, il n'est pas de plus doux délassement,
pour la connaissance approximative dont l'hor- quel que soit le sol où la main de l'homme poisse
ticulteur a besoin. avoir à solliciter les faveurs de la féconde na-
L'eau saturée de savon s'empare, après un ture. .

quart d'heure d'ébullition, de toute l'alumine


contenue dans le sol, sans attaquer le carbo- LETTRE DE M. L'ABBÉ DE LA TRAPPE.
nate de chaux qui peut s'y rencontrer. La terre
pesée sèche, avant et après l'opération, donne
La Trappe, 17 janvier 1841.
toujours par approximation la proportion de
l'alumine avec ses autres principes consti-
Monsieur,
tuants.
Quant aux substances végétales et animales Je serais heureux de pouvoir faire quelque
en décomposition qui constituent la partie la chose qui vous soit agréable ou utile. C'est
plus riche de toute espèce de lerrain et qui pourquoi, conformément au désir exprimé dans
forment la base de sa fécondité, leur quantité fa lettre que vous m'avez fait l'honneur de
relative se reconnaît par l'action du feu. m'écrire , je viens vous donner quelques ren-
La terre exposée pendant un quart d'heure à seignements sur les jardins de la Meilleraie,
la chaleur rouge perd la presque totalité de ses leur origine, leur création, leur culture et leurs
principes provenant de débris d'animaux et de produits. J'ai recueilli ces détails de la bouche
végétaux ; la diminution du poids en fait con- même du frère Simon , convers de l'abbaye de
naître la proportion. Si pendant l'opération la la Meilleraie, actuellement notre jardinier. C'est
terre soumise à l'expérience a exhalé une forte lui qui a créé les jardins dont il s'agit et qui les
odeur de graillon ou de plumes brûlées , c'est a soignés pendant longues années.
que les matières animales s'y trouvaient en Les trappistes arrivèrent à la Meilleraie en.
grande abondance; si, sans répandre une odeur 1817. n'y trouvèrent qu'un jardin d'environ
Ils

particulière, elle a brûlé avec une belle flamme un hectare ; pour lui donner une étendue qui
bleuâtre, c'est qu'elle contenait beaucoup de est maintenant de neuf hectares , y compris la
débris végétaux. pépinière, il a fallu prendre du terrain sur des
On voit combien il est facile d'acquérir par carrières, sur une forêt et sur des prés. Mais la
des procédés très simples une connaissance nature n'a guère fourni que l'emplacement et
suffisante de la constitution chimique du sol ; l'exposition du midi (car le sol était très mau-
c'est tout ce qu'il faut à l'horticulteur; le reste vais), le travail et l'industrie de l'homme ont
est du domaine de la science; le jardinier, en fait le reste. Sur le versant d'un roc d'ardoises
cas de besoin, doit recourir aux hommes spé- la première couche de terre était d'abord très
ciaux lorsqu'il croit avoir intérêt à en savoir légère, devenait argileuse en descendant, et
enfin glaiseuse. Le sous -sol était un mélange
compacte de cailloux, d'argile et de sable. C'est
Section III. — Culture jardinière florissante sur sur cette première base que des bras réunis, des
un sol défavorable. efforts combinés, un travail immense, une acti-
vité et une patience qu'aucun obstacle n'a pu
Nous ne pouvons trop
le répéter il n'y a pas: arrêter, sont parvenus à asseoir ces magnifiques
de sol absolument rebelle à l'horticulture. Au- et fertiles jardins qui ont fait l'admiration de
cune démonstration ne vaut un exemple, surtout toute la France.
lorsqu'il réunit toutes les conditions qui peu- Après avoir un peu nivelé le terrain, on l'a
vent la rendre plus frappante; tel est celui des entouré de murs hauts d'environ 8 mètres, le
jardins célèbres de la Meilleraie, jardins fondés long desquels on a tracé .des plates - bandes
rlesri larges de 2 mètres, s'écartant en cela des règles
ivorables que tous les obstacles y ordinaires en faveur des espaliers. C'est dans
semblaient accumulés comme à dessein. Nous le même but qu'on a défoncé ces plates-bandes
avons visité la Meilleraie avant et depuis le sé- par tranchées, à 1 mètre de profondeur. La
jour des trappistes ; nous aurions craint d'être mauvaise terre de la couche fossile était jetée
accusés d'exagération si nous avions décrit dans les allées , et la terre végétale de celle-ci
soas le charme d'une admiration dont "»n ne réunie à la bonne terre des Dlates bandes, où

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HORTICULTURE. LIV. VIII

Ton plantait ensuite les arbres qui devaient produits des jardins de la Meilleraie ont été
couvrir les murs. étonnants, jusqu'au moment des persécutions
. Les grandes allées où devaient passer les voi- que cette maison a éprouvées en 1832. Quoique
tures ont été tracées a 2<n,70 de largeur, et les négligés depuis ce temps-là, les jardins sont en-
petites qui coupent les carrés n'avaient qu'un core si productifs que, l'année dernière, les
raètre de largeur. Toute la terre végétale a été religieux en ont retiré , après leur consomma-
mise en gros h il Ions dans les carrés, et le sous- tion, jusqu'à 8,000 fr. de la vente des légumes
sol a été défoncé à un demi-mètre de profon- et des fruits. Notre frère Simon lira avec plai-
deur ; les pierres et le sable ont été enlevés pour sir, comme mot, votre Traité d'horticulture.
faire des chemins autour de l'abbaye , et enfin Excusez la précipitation de ma lettre et veuil-
les terres végétales ont été remises à leur place ; lezbien recevoir l'assurance de mes respec-
mais tous les ans avant l'hiver on a eu soin de tueux sentiments,
les relever en gros bidons, pour les exposer à
F. Joseph-Maris , \
l'action de l'air et de la gelée. C'est le meilleur
moyen qu'on a trouve pour les ameublir. Ce U Trappe.
Abbé de
qui est à remarquer, c'est qu'on ne se servait
de pelles pour les labours que pour les plates-
bandes, c'est-à-dire sur les racines des arbres;
partout ailleurs on employait la houe à deux CHAPITRE lï.— Enobais et amendements.
dents, et ces dents étaient d'une longueur extra-
ordinaire (un demi-mètre). Cet instrument parut SECTION V*. — Engrais.
dabord très difficile à manier, mais on en prit
une telle habitude qu'on en faisait tout ce qu'on Nous croyons superflu de répéter ici une
voulait. Mous nous en servons aussi mainte- théorie des engrais qui a été développée dans
nant ici, et nous trouvons qu'il n'y a pas de notre tome I«, et que les progrès de la science
comparaison à établir entre le labour fait avec physiologique rendraient bientôt incomplète,
la pelle et celui de la houe à longues dents, qui quand même nous pourrions lui consacrer as-
est bien supérieur, et même plus facile quand sez d'espace pour l'exposer avec précision dans
il s'agit, après l'hiver, d'étendre la terre qui son état actuel Personne ne conteste la nécessité
.

avait été mise en billons à la fin de l'automne. de nourrir le sol par des engrais proportionnés
Quant à l'engrais, on a acquis par l'expé- aux productions qu'on en exige ; c'est le seul
rience, à la Meilleraie, la certitudeque le fumier [>oint de la théorie des engrais sur lequel tout
ordinaire produisait peu d'effet pour les légu- e monde est d'accord ; c'est aussi le seul qu'il
mes ; aussi on n'employait dans les jardins que importe au jardinier de ne jamais perdre de vue.
du terreau composé de vase d'étang, de feuilles Souvent la terre n'est pour lui qu'un support
d'arbres, de gazons, de terres légères prises donné au fumier qui, seul, fait vivre les plantes
sur les carrières, de joncs pourris et de bruyères qu'il lui confie. Quelle que soit la richesse du sol
mises à pourrir dans les basses-cours, de fu- qu'il cultive, le jardinier n'a jamais trop de fu-
miers des écuries et enfin de cendres de forges mier; s'il travaille sur un soi maigre, il n'a ja-
vieilles de plusieurs siècles. On faisait de tout mais assez d'engrais; sans fumier, il n'est pas
cela un énorme tas qui , placé près d'une fosse pour lui de bon terrain ; avec du fumier, il n'en
où venaient se décharger des urines et des ma- est pas de mauvais. Ce n'est point en jardinage
tières fécales, en était tous les jours arrosé; qu'il faut s'arrêter à la dépense occasionnée par
on le remuait aussi 3 ou 4 fois dans une année, cet objet de première nécessité ; en dernier ré-
pour opérer un mélange plus exact. Voilà l'en- sultat, il n'est pas pour le jardinier d'avance
grais dont on s'est toujours servi pour planter plus productive.
et ensemencer les jardins. Pour l'irrigation, on Les engrais dont nous allons passer en revue
a fait venir l'eau de l'étang par des canaux, les principales espèces peuvent être, jusqu'à un
dans de vastes bassins dispersés de tous côtés. certain point, suppléés les uns par les autres.
Outre ces canaux qui apportent les eaux de l'e- IIne faudrait pas se laisser détourner du des-
tang, une quantité d'autres canaux sillonnent les sein d'entreprendre une culture jardinière, faute
jardins en tous sens , afin de recevoir les eaux d'un engrais évidemment mieux approprié quë
pluviales et de les jeter dans les autres canaux, tout autre à la nature du sol, mais qu'on ne
sans qu'elles puissent séjourner dans les jar- pourrait se procurer dans une localité déter-
dins. Le frère Simon regarde
cette précaution minée. Ce qui importe, c'est d'avoir du fumier
comme essentielle pour
santé des arbres et la
la en abondance ; cette première condition rem-
conservation des sucs fertilisants. Une autre plie, il est facile d'aplanir bien des obstacles.
récaution qu'on a prise pour les arbres c'est
S
'éviter de bêcher profondément sur leurs ra- § I er . — Engrais végétal.

cines. Les plates- bandes des grandes allées On


ne peut dire au jardinier ce qu'on dit au
sont garnies de poiriers qu'on a eu soin de fermier faites vos fumiers chez vous; si vous
:

planter très jeunes et petits , pour mieux les en manquez, c'est votre faute. Le jardinier, qui
diriger en pyramides. Un cordon de chasselas tout au plus emploie une ou deux bêtes de trait,
règne le long des allées, à 0 m ,65 des arbres. ne peut obtenir chez lui la vingtième partie des
Tout a réussi d'une manière prodigieuse; les fumiers dont il a besoin. Lorsqu'il lui est difïi-

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TITRE I. ENGRAIS ET AMENDEMENTS. 3

cilede se procurer en quantité suffisante les parce qu'il s'appliquera, non à la couche su-
engrais plus ou moins animalisés, il peut tirer perficielle aux dépens de laquelle ils auront
un grand parti de l'engrais végétal, avec si peu vécu, mais à la couche plus profonde en con-
de dépense que souvent il n'a à débourser que tact avec les racines des arbres dont on voudra
sa peine , monnaie dont il ne doit jamais se augmenter ou renouveler les moyens d'alimen-
montrer économe. tation.
Le sol le plus stérile nourrit toujours une ou Une récolte de maïs ou de lupins, obtenue
Slusieurs espèces de plantes dont la substance entre les rangs d'une plantation d'arbres frui-
écomposée fournit un engrais susceptible, dans tiers en quenouille ou dans la plate-bande au
bien des circonstances, de tenir lieu des engrais pied d'un espalier, pour être arrachée au mo-
animaux. Toutes les fois que le jardinier peut ment de sa floraison et enterrée toute fraîche
ramasser dans son voisinage des plantes fraî- sur les racines des arbres, influe puissamment
ches, n'importe lesquelles, et les enfouir avant sur leur fructification et contribue à prolonger
qu'elles aient eu le temps de perdre à l'air libre leur existence. Elle n'a jamais, comme les en-
leur humidité naturelle, il donne à sa terre un grais mêlés de matières animales en décompo-
engrais sur les propriétés duquel nous ne pou- sition, l'inconvénient fort grave d'altérer plus
vons trop insister, car on n'en a pas apprécié ou moins la délicatesse et la saveur du fruit.
jusqu'ici la puissance quant à la végétation des Cette fumure, qu'on peut renouveler tous les
plantes de jardin. Nous avons vu fréquemment, deux ou trois ans dans le jardin fruitier sans
dans de grands jardins anglais, faucher, sans effriter la surface du sol, pourvu que les plantes
les utiliser, les longues herbes aquatiques qui destinées à être enfouies ne viennent point à
garnissent le bord des pièces d'eau ; ces herbes graine, ne coûte réellement qu'un peu de se-
grossièrement hacbées avec le tranchant de la mence et de main-d'œuvre ; ses bons effets sont
bêche, et enfouies, soit dans les planches du confirmés par l'expérience, quoique l'usage
potager, soit dans les plates-bandes du par- n'en soit pas aussi répandu qu'il devrait l'être.
terre, pouvaient être utilisées comme engrais Nous renvoyons à l'article des composts les
dans des terrains très secs, leur effet sur la vé- engrais à base végétale, tel que l'engrais Jauf-
gétation aurait même surpassé celui du fumier. fret et l'engrais Dubourg; ces préparations
Lorsqu'un terrain neuf est destiné au jardi- ayant pour principe actif "la chaux vive mêlée
nage, on ne peut lui donner, dans ce but, de aux végétaux en décomposition, nous parais-
préparation plus y tile que de le défoncer, d'y se- sent sortir de la classe des engrais végétaux, et
mer à l'automne du colza assez serré, et d'en- même de celle des engrais proprement dits,
fouir ces plantes par un bon labour à la bêche pour rentrer dans celle des composts. Nous
à 0°»,30 de profondeur, au moment où leurs ajouterons que, parmi les plantes sauvages
1>remières fleurs commencent à s'ouvrir, vers qu'on peut le plus facilement se procurer en
a fin d'avril. Non-seulement le sol y gagnera grande quantité le genêt, l'ajonc et les her-
un engrais qui le disposera à recevoir toute es- bages aquatiques sont les plus actives il suf- ;

pèce de culture jardinière, mais encore il sera fira de les couper grossièrement en leur lais-
délivré de tous les insectes dont il pouvait être m
sant encore 0 ,30 aO ,D ,40, et de les enterrer
infesté, notamment des vers blancs ou turcs, immédiatement.
pour qui l'âcreté particulière au suc des plantes
crucifères en décomposition est un moyen de § IL — Engrais animalisés.

destruction infaillible. Il est à remarquer que De tous les engrais ayant pour base des
ces plantes se détruisent très promptement dans substances animales, il n'en est pas de plus ri-
le sol, et qu'en bêchant quinze jours ou trois ches en principes actifs que le noir animal et la
semaines après les avoir enterrées, on n'en re- poudrette.
trouvera pas de trace. Noir animal. — Cet engrais ayant pour base
Lorsqu/on ne veut appliquer cet engrais vé- les résidus de la clarification des sirops dans
gétal qu'à un terrain de peu d'étendue, on peut, les raffineries, pourrait être d'une grande utilité
si J'on se trouve à portée des bords d'une ri- pour le jardinage, quoique peu de jardiniers s'en
vière, d'un étang ou d'un marais, faire ra- servent jusqu'à présent, et qu'il reste exclusive-
masser au printemps des cardamines et des ment appliqué a la grande culture. Dans tous
«isymbres en fleur; ces crucifères, très com- les terrains froids et argileux, ou maigres sans
munes, feront le même effet que le colza; on être excessivement secs, l'effet du noir animal
n'omettra pas de les couper avec la bêche en les dépassera l'effet de toute autre fumure. Les
enfouissant. Les végétaux enfouis à l'état frais plantes crucifères, choux, chouûeurs, navets,
constituent l'engrais végétal pur proprement rutabagas , et les légumes-racines appartenant
dit; ils conviennent aussi bien au jardin frui- à d'autres familles, tels que la betterave et le
tier qu'au potager et au parterre. Les arbres scorsonère, prendront un développement ra
fruitiers et la vigne épuises par l'âge, ou fati- 8ide, sans rien perdre de leur qualité, sous l'in-
gués par une production surabondante, re- uenec d'une quantité même très médiocre de
prendront, grâce à cet engrais, une vigueur noir animal.
nouvelle. Quand même ces végétaux auraient Cet engrais possède, comme la poudrette et
crû sur le sol dans lequel ils doivent être en- tous les engrais pulvérulents en général, l'avan-
fouis, leur effet n'en sera pas moins sensible, tage d'occuper peu d'espace et de pouvoir être
OlTtrOLTOU. T. V. —i
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10 HORTICULTLUE. L1V. VIII

employé utilement à faibledose. L'économie sur c'est la facilité avec laquelle on peut arrêter et
les frais de transport compense et au-defô le rétablir pour ainsi dire à volonté sa fermenta-
prix élevé de ces engrais; cela est vrai surtout tion en le maintenant sec ou humide. La cul-
dans les cultures jardinières, où tous les trans- ture maraîchère, si perfectionnée aux environs
ports se font dans des brouettes ou des hottes, de Paris, emploie une grande quantité de ce
par des ouvriers, le jardin potager étant inter- fumier à l'état de paille brisée, légèrement im-
dit aux charrettes et aux bêtes de somme. prégnée d'urine; on en fait le triage au moment
où on l'enlève; la partie la plus avancée en dé-
§ m. — Poudreite.
composition est séparée de la litière ou fumier
La poudrettc sert encore plus
exclusivement long. Ce dernier est disposé en tas modérément
que le noir animal à la grande culture ; elle est pressés sur un emplacement sec, aéré et décou-
pourtant susceptible d'être utilisée au même vert. A moins que les pluies et les fortes cha-
degré pour le jardinage, car si son énergie n'é- leurs ne se succèdent longtemps sans interrup-
gale pas celle du noir animal, elle coûte beau- tion, le fumier d'écurie se conserve ainsi plu-
coup moins cher. Elle s'applique aux mêmes sieurs mois et ne paraît pas subir d'altération
plantes et active la végétation de toutes les sensible. Veut-on le faire entrer en fermenta-
plantes potagères en général. Toutefois, il im- tion? Il suffit pour cela de l'arroser ei de le
porte de faire observer que cette substance fer- comprimer fortement ; il s'échauffe et fermente
tilisante, même quand elle est réduite à l'état presque à l'instant même.
le plus inodore, communique une saveur peu Beaucoup de jardiniers trouvent le fumiei
agréable aux produits les plus délicats du po- d'écurie trop chaud pour les terrains naturelle-
tager, spécialement aux fraises et aux salades ment arides et brûlants qui contiennent des
de toute espèce. Employée à la culture de substances calcaires en abondance. Ce préjugé
l'oignon, des choux et des légumes-racines, elle ne serait fondé que dans le cas où le fumier d'é-
n'en a point altéré le goût d'une manière ap- curie dev rait être constamment employé sous la
préciable du moins les consommateurs ne s'en
-, même forme et dans le même état ; mais rien
sont pas montrés mécontents. Il n'est pas dou- n'est plus facile au contraire que de le modifier
teux que, dans les localités où le fumier est conformément au terrain où il doit être enfoui,
d'une cherté excessive, le jardinier ne trouve en le laissant fermenter plus ou moins. Tout
beaucoup de bénéfice à le remplacer par la engrais trop chaud finira par devenir à la lon-
poudrette pour toutes les cultures à qui cet en- gue aussi froid que possible, puisque le terme de
grais convient ; mais si les consommateurs en la fermentation de tous les fumiers quels qu'ils
sont instruits, il pourra risquer d'en éloi- soient les laisse à l'état de terreau, le plus froid
gner un grand nombre, quoique la moitié au de tous les engrais. Ceci ne signifie pas que
moins du pain qui se mange à Paris provienne nous considérons le fumier d'écurie comme le
de blé venu aux dépens de cette même pou- meilleur pour les terrains riches en calcaire, à
drette dont personne cependant n'ignore l'ori- la fois chauds et arides; le fumier des bêtes à
gine. cornes convient sans doute beaucoup mieux
dans un sol de cette nature; mais si, pour un
§ IV. — Fumier d'écurie.
jardinage établi dans un pareil terrain l'on n'a
L'engrais obtenu dans les écuries et les éta- 3ue du fumier d'écurie à sa disposition, ce jar-
bles, par le mélange des déjections des animaux inage n'en pourra pas moins prospérera l'aide
avec végétaux qu'on leur donne pour li-
les de ce seul engrais, pourvu qu'on sache le laisser
tière, est singulièrement modifié par la fermen- fermenter convenablement, et ne l'employer
tation qui tend à le convertir en une masse ho- que dans l'état le mieux approprié à celui de la
mogène dont il n'est plus possible a la tin de terre qu'il est appelé à fertiliser.
distinguer les éléments. Les divers degrés de Un moyen sûr et prompt d'activer la fer-
fermentation plus ou moins avancée modifient mentation du fumier d'écurie lorsqu'on est
du tout au tout les propriétés de ces engrais et pressé de s'en servir, c'est de défaire les tas
leur effet sur la végétation ; le jardinier, dans après les avoir humectés et comprimés, et de
ses cultures variées , peut utiliser toutes les es- les refaire quand le fumier a pris l'air pendant
pèces d'engrais à tous les degrés possibles de une heure ou deux. Le fumier est aussi avancé
fermentation. On désigne plus spécialement au bout de quelques jours qu'il l'eût été au
sous le nom de fumier d'écurie celui qui pro- bout de plus d'un mois sans celte manipulation.
vient des chevaux, et aussi celui de l'Ane et du Dans un sol naturellement compacte et froid
mulet, plus communs que les chevaux dans nos où l'argile domine, le jardinier ne peut em-
départements du midi ; le fumier des bêtes à ployer de meilleur entrais que le fumier d'écu-
cornes est désigné sous le nom de fumier d'é- rie, en ayant soin de l'enfouir longtemps avant
table. Îu'il ait atteint le terme de sa fermentation, et
Le fumier d'écurie peut remplacer à lui seul e saisir, pour cela, l'instant où il sera parvenu
•ous les autres; il est éminemment propre à la à son plus grand degré de chaleur.
/•onstroetion de toute espèce de couches ; il est Le fumier d'écurie est sujet plus que tout
le seul convenable pour les couches à champi- autre à s'échauffer en été au point de prendre
ons. Sa propriété la plus précieuse, celle qui feu. Lorsqu'on s'en aperçoit à temps, il n'y a
F fait préférer à tout autre par les jardiniers, d'autre remède que (te mouiller largement et

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TITRE I ENGRAIS ET AMENDEMENTS.
de démolir aussitôt les tas pour ne les recon- parler de ceux qu'on ne nettoie jamais. Nous
struire que quand le fumier sera refroidi et sè- engageons vivement tout jardinier soigneux de
che. Ces accidents, heureusement assez rares, ses intérêts à s'arranger avec les fermiers de
ne peuvent arriver que quand le fumier est son voisinage pour enrever lui-même de temps
amoncelé en trop grandes masses. en temps la colombine qui se perd inaperçue
dans la grande culture. La colombine se con-
S V. — Fumier d'étable.
serve à l'état pulvérulent ; on l'emploie sou-
Cet engrais est celui que les jardiniers em- vent délayée dans l'eau dont on arrose les
ploient le moins, parce que n'étant jamais aussi plantes lorsqu'on désire hâter leur croissance;
actif que celui d'ecurie, et n'imprimant pas au- il ne faut en faire usage qu'avec précaution ;
tant de rapidité à la végétation, il leur est moins beaucoup de plantes ne peuvent la supporter
avantageux ; il est cependant des terrains où sans mélange pour la leur appliquer on l'af-
*,

sans cet engrais on ne saurait établir un bon faiblit en la mêlant avec de bonne terre de jar-
jardinage: tels sont les terrains calcaires, gyp- din passée à la claie.
seux, sablonneux, manquant de consistance,
et susceptibles de s'échauffer au point de ren-
§ VIII. — Fumier de porc.
dre toute culture jardinière impossible en dépit Nous n'avons jamais pu nous rendre compte
des plus larges arrosages. Le fumier d'étable in- des motifs pour lesquels les traités de jardi
troduit dans ces terrains une grande quantité nage les plus accrédités conseillent de ne point
d'humus qui leur donne du corps et de la vi- employer dans la culture jardinière l'engraif»
gueur; il leur faut en outre ajouter dans le de porc, qu'on assure être très fivid et capable
même but plusieurs substances qui rentrent de faire mourir Us plantée. Nous pouvons a tti r
dans la classe des amendements {voyez Amen- mer, d'après une foule d'expériences faites en
dements, p. 17 ). France et en Belgique avec cet engrais pur, que
La culture en grand de toute espèce de lé- c'est un préjugé. Il est peu de jardiniers de
gumes communs s'accommode fort bien du fu- profession qui n'élèvent un cochon pour la pro-
mier d'étable dans presque tous les terrains; il vision de leur ménage ; ils peuvent en toute sû-
n'en est pas de même des productions les plus reté en employer le fumier comme celui d'éta-
délicates du jardin potager; les fraisiers et les ble; nous l'avons toujours trouvé plus actif que
melons ont particulièrement besoin de fumier le fumier des bêles a cornes dans les terrains
de cheval, ou, à son défaut, de fumier de mou- froids et lents à produire. La manière la plus
ton ; l'engrais provenant des bêtes à cornes ne avantageuse de l'utiliser pour le jardinage est
leur suffirait pas s'il était employé seul. de le mêler avec du fumier d'écurie ou de ber-

§ VI. — Fumier de gerie.

Ce fumier provient des moutons et des chè- § IX. — Issues des villes.

vres ; on le considère comme un engrais chaud, Les jardiniers des environs de Paris sont
très susceptible, à défaut de fumier d'écurie, généralement prévenus contre l'emploi des
de remédier aux inconvénients du fumier d'éta- engrais ramassés dans les rues ; il est certain
ble; un mélange de ces deux fumiers par par- 3ue les boues de Paris, où tant de substances
ties égales pourra suppléer très convenable- e toute nature sont en décomposition, ex-
ment au manque de fumier d'écurie, et produire halant une odeur fétide, odeur sui gèneri*,
à peu près les mêmes effets pour toutes les cul- et des plus révoltantes, peuvent donner lieu
tures jardinières, à l'exception toutefois des de craindre une altération sensible dans la sa-
couches à champignons qui ne peuvent réussir veur de quelques produits obtenus au moyen
qu'avec du fumier de cheval , d âne ou de mu- de cet engrais dont on connaît d'ailleurs la
let ; ces deux derniers, plus rares dans la France puissance fertilisante, et dont l'usage est très
centrale, sont les meilleurs pour cette culture. répandu, soit pour ta culture des céréales, soit
Le fumier de lapin, qui du reste n'existe jamais pour la culture en plein champ des légumes
qu'en petite quantité, jouit des mêmes proprié- communs on ne peut donc blâmer la circon-
;

tés que le fumier de bergerie. spection des maraîchers à cet égard. Mais les
ressources analogues que peut se procurer dans
§ VII. — Colomb inc.
les départements le jardinier placé à proximité
Les déjections des pigeons et celles des au- d'une ville ou même d'une simple bourgade
tres oiseaux de basse-cour sont l'engrais le plus n'ont pas les mêmes inconvénients. Les jours de
actif dont puisse disposer la culture jardinière. marché, par exemple, la place publique d'un
Mêlée à d'autres fumiers à très petite dose la , bourg ou d'une petite ville est encombrée de
colombine produit des effets très remarquables, débris végétaux; on peut les utiliser sans
principalement sur les plantes cucurbitacées. crainte; if n'y a souvent d'autre peine à pren-
Malheureusement la majeure partie de cet en -
dre que celle de les ramasser. Chacun s'en rap-
grais, si précieux et déjà si rare par lui-même, portera sur ce point aux circonstances locales
se perd par négligence ; dans la plupart des et à ses propres observations, et l'on se gardera
fermes, le colombier et le poulailler, qui de- bien de négliger un moyen d'accroître presque
vraient être nettoyés une fois ou deux par se- sans frais la fertilité du sol consacre à la cul-
maine, le sont à peine deux fois par an, sans turc jardinière, chaque fois qu'on pourra utili-

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12 HORTICULTURE. LIV. VIII.

ser dans ce but un engrais quel qu'il soit , et tière, et en les laissant d'une année à l'autre
qu'on le jugera susceptible d'activer la végéta* achever lentement leur fermentation. On con-
tion sans nuire à la qualité des produits. çoit que ce terreau revenant à un prix élevé ne
peut jamais être fort abondant. Chaque jardi-
$ X. — Engrais liquides.
nier fera bien d'en avoir toujours une certaine
On donne ce nom aux liquides très corrom- quantité à sa disposition; semées dans ce ter-
pus qui, comme le jus de fumier, par exemple, reau, les plantes annuelles dont la fleur est sus-
sont troublés par un mélange de matières ani- ceptible de doubler donneront beaucoup de
males en décomposition, et peuvent mettre ces fleurs doubles ; les renoncules et les anémones

matières en contact avec les racines des plantes s'y développeront dans toute leur beauté ; le
au pied desquelles on les répand sons forme plan de choufleurs y puisera une vigueur qui
d'arrosage ; on connaît en agriculture, sous le doublera le volume de ses produits.
nom de purin, l'engrais liquide provenant des Le terreau commun, produit de la décompo-
tas de fumier d'étable ou d écurie ; on l'utilise sition complète des fumiers , n'offre pas de
principalement pour la culture en grand des caractères qui permettent de reconnaître de
plantes textiles et tinctoriales; l'expérience a quel genre de fumier il provient ; tous donnent
prouvé que cet engrais répandu en trop grande un terreau à peu près homogène quand il n'y
quantité sur les prairies naturelles et artificiel- reste plus d'éléments de fermentation ; aussi, le
les donne aux fourrages une saveur désagréa- terreau, quelle qu'en soit l'origine, se conserve-
ble, telle que le bétail répugne à les manger; à t-il indéfiniment, sans subir d'altération nou-

plus forte raison devrait-on craindre un effet velle. Les caractères du bon terreau de cou-
semblable dans la culture jardinière. Les plantes ches rompues sont d'être noir, doux au toucher
de parterre se trouveraient très biende l'engrais et aussi égal dans toutes ses parties que s'il avait
liquide, quelques-unes prendraient même sous été passé à la claie ; il ne doit exhaler aucune
son influence un développement extraordinaire; mauvaise odeur ; aucun débris reconnaissable
mais l'odeur infecte de cet engrais en interdit de matière végétale ne doit s'y rencontrer. Au
l'usage aussi bien dans le parterre que dans le reste, quand on achète du terreau, l'on n'a pas
[KMager. Le jardinier ne pourra s'en servir que à craindre de falsifications, par la raison toute
orsqu'il s'agira de hâter la décomposition d'une simple que tout ce qu'on pourrait y mêler pour
grande masse de substances végétales, pour se l'altérer coûterait plut que le terreau lui-
procurer promptement une abondante provision même.
de terreau. Le purin le plus infect perdra dans C'est dans le terreau de couches rompues
cet emploi tous ses inconvénients ; la terreau que les semis de toute espèce, destinés au repi-
végétal provenant de son action comme 1er- quage , réussissent le mieux ; si le terrain est
ment ne conservera aucune odeur, et ne pourra chaud et léger, il est bon de répandre une poi-
communiquer aux végétaux aucune mauvaise gnée de ce terreau dans chacun des trous ou
qualité. potelots où l'on sème des pois, des haricots ou ,

d'autres plantes légumineuses; le terreau ne


§ XI. — Terreau. convient pas comme engrais pour les terrains
Le jardinier de profession, cultivant aux froids. Quelle que soit la destination des cou-
portes d'une grande ville, ne manque jamais de ches, elles doivent toujours être recouvertes de
terreau ; les maraîchers des environs de Paris plusieurs centimètres ae bon terreau.
en sont souvent encombrés; ils le vendent h On emploie aussi pour le jardinage le terreau
bas prix aux fermiers qui le répandent sur leurs purement végétal il provient le plus souvent
;

prairies. Il en sera de même partout où l'on des feuilles employées dans la construction des
suivra la culture artificielle par le moyen des couches auxquelles elles procurent une chaleur
couches dont le fumier, au bout de deux ans fil
us constante et plus durable que celle du
tout au plus, est réduit en terreau, et doit être umicr. On prépare un terreau doué des
renouvelé. Si l'on n'entretient qu'un trop petit mêmes propriétés, en entassant des végétaux
nombre de couches, comme il arrive à tous ceux frais qu'on arrose avec du jus de fumier ou pu-
qui suivent principalement la culture naturelle, rin. Il faut avoir soin d'ouvrir plusieurs fois le
la disette de terreau se iera souvent seniir; tas et de l'arroser pour le refaire immédiate-
c'est une circonstance toujours fâcheuse, car ment; cette manipulation accélère la décom-
le terreau est de tous les engrais le plus né- position des matières végétales.
cessaire dans un jardin, et le plus difficile à Les jardiniers qui cultivent dans les environs
remplacer. Cette considération seule devrait d'Amiens les terrains fertiles nommés hortil-
engager tout horticulteur, jaloux de la bonne Ions, ont coutume de jeter dans un fossé à demi
tenue de son jardin, à iaire autant de couches plein d'eau les feuilles et trognons de choux
3uc cela lui est possible ; mais dans beaucoup de et en général tous les débris végétaux prove-
épariements le mot seul de couche elTraic, et nant de {'habillage de leurs légumes. Ce fossé,
devant la dépense.
l'on recule dont on retourne le contenu de temps en temps,
Le meilleur terreau, celui qui réunit au plus est curé chaque année à la fin de l'hiver; on
haut degré les qualités propres à l'humus le plus laisse les matières achever de se mûrir par
riche, s obtient en mettant à part les excré- l'eflet des gelées et des dégels , et l'on obtient

ments des bêtes à cornes, sans mélange de Il -


ainsi une bonne provision d'excellent terreau

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TITRE I. ENGRAIS ET AMENDEMENTS. 13

de nature parement végétale. Cette pratique II. - Marne.


S
n'a d'autre inconvénient que la mauvaise odeur
des plantes pourries dans l'eau croupie ; on doit Toutes les fois que la marne , cette substance
donc ne la mettre en usage que le plus loin Iirécieuse à l'emploi de laquelle les plaines de
possible des habitations. a Beauce doivent en grande partie leur répu-
tation de fertilité, se trouve à la portée du jar-
Section II. — Amendement», dinier, il fera bien de marner son potager au
moins une fois tous les quatre ans, à moins que
La distinction entre le sens des mots engrais le sol n'en soit excessivement léger, ou très
et amendements n'est pas déterminée avec une chargé de principes calcaires. Les effets de la
précision bien rigoureuse.On comprend géné- marne sur la terre franche de jardin sont très
ralement sous le nom d'amendements les sub- remarquables, surtout quant à la végétation
stances minérales qui, comme les terres rap- des légumes-racines. La grande culture em-
portées, le sable, les marnes et la chaux, mo- ploie la marne telle qu'elle sort de la carrière ;
difient le sol, mais sans servir à l'alimentation pour le jardinage, il vaut mieux la mélanger
des plantes. Les cendres, la charrée, la suie et avec partie égale de bonne terre, en ayant soin
le plâtre figurent dans les traités de jardinage de la diviser le plus exactement possible. Le
commedes amendements, quoique le sens rigou- marnage dispense au moins d'une fumure dans
reux de ce terme ne leur soit pas applicable. la grande culture ; mais le jardinier n'en don-
En effet, ces substances exerçant ane action
,
nera pas moins à la terre récemment marnée
directe sur la végétation tout en modifiant le sol, sa ration habituelle d'engrais approprié à sa
sont à la fois des engrais et des amendements. nature.
C'est surtout lorsqu'on entreprend un jardi-
nage sur un terrain employé précédemment à S III. — Chaux.
d'autres cultures, et qu'au bout d'un an ou deux Pour il n'y a
les terres argileuses et froides,
de culture jardinière on a reconnu les amélio- pas de meilleur amendement que la chaux.
rations que réclame la nature du sol, qu'il im- Néanmoins, comme son emploi à trop forte dose
porte d'avoir recours aux amendements. Le à la fois peut donner à la végétation une sur'
jardinage a pour effet de dénaturer entièrement excitation que bien des plantes ont de la peine
la terre et d'en accroître indifféremment la ri- à supporter, il ne faut donner un chaulage
chesse; les jardiniers autour de Paris disent abondant que lorsqu'on établit un jardinage en
qu'il faut sept ans pour faire un bon marais, terre forte , où l'argile domine ; dans la suite
parce qu'au bout de ce temps le terrain doit si l'on juge nécessaire de renouveler cet amen-
avoir reçu tant d'engrais et d amendements di- dement, on répandra la chaux sur le terrain,
vers qu'il doit être parvenu à son plus haut non pas pure et en grande quantité, mais à
degré de lertilité possible, et n'avoir plus be- faible dose, mélangée avec de la terre ou du
soin que d'être entretenu. fumier, de façon à modérer son action directe
des végétaux.
§ 1
er . — Terres rapportées.
sur les racines
Aucune dose ne peut être indiquée avec pré-
Lorsque , pour créer un jardin , on est dans cision, tout dépend de la qualité du terrain;
des remblais et des dé-
la nécessité d'effectuer nous pensons que la terre la plus froide ne doit
ce qui a lieu très fréquemment , on doit
blais, pas recevoir au-delà de 30 litres de chaux par
examiner, pour les utiliser, les terres qui, mê- arc, pour un premier chaulage à fond, et qu*on
lées à d'autres, sont susceptibles d'en corriger ne doit pas dépasser dans la suite 10 à 15 lit.
les défauts. Une veine de sable, par exemple, par are, comme dose d'entretien ; car il est à
servira à diminuer la ténacité d'un sol trop remarquer que, par l'effet de la végétation , la
abondant en argile; des schistes alumineux, chaux, même quand on en a employé des quan-
grossièrement pulvérisés, seront mêlés à un sol tités considérables disparaît d'année en année
,

sablonneux ou léger, pour lui donner du corps, dans les terrains argileux, au point qu'on en
en diminuant sa trop grande porosité. retrouve à peine des traces au bout de quel-
Aux environs, et même souvent dans l'inté- ques années, comme nous avons eu heu de nous
rieur de Paris, on laisse perdre tous les jours en assurer souvent par l'analyse.
des quantités considérables de terres excellen-
tes qui , sans autre dépense que des frais de
$ IV. — PUlre. |

transport inévitables dans tous les cas , pour- Quoique cet amendement soit essentiellement
raient servir à changer en de bons jardins des du ressort de la grande culture, néanmoins,
terrains qu'on s'obstine à cultiver, quoiqu'ils dans quelques cas particuliers, le jardinier est
se refusent, pour ainsi dire, à toute végétation. heureux de pouvoir y avoir recours. Si, par
11 n'y a pas , pour le jardinage , de meilleur exemple, dans un jardin paysager, des tapis de
amendement en ce çenre que la terre qui a gazon ne peuvent être établis qu'à force de
longtemps supporté des piles de bois à brûler, terres rapportées à grands frais, et que souvent
et qu'on enlève lorsqu'un chantier cède la place même, après bien des dépenses, on ne parvient
à des constructions. C'est au jardinier à avoir pas à obtenir cette belle verdure uniforme qui
l'œilconstamment ouvert sur les ressources en fait tout le charme, on doit renoncer à se-
semblables qui peuvent se trouver à sa portée. mer des grammes, et se contenter d'un gazon

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14 HORTICULTURE. LIV. VIII.

de Quelque mauvais que soit


petit trèfle blanc. Ces deux amendements conviennent surtout
le terrain ce trèfle , aont la verdure est celle
, aux plantes qui, comme disent les jardiniers,
qui approche le plus de la beauté de celle des n'aiment pas le fumier, c'est-à-dire qu'elles ne
graminées, y réussira parfaitement, pourvu prospèrent pas dans une terre trop récemment
qu'on y répande du plâtre en poudre au prin- et trop abondamment fumée. Tels sont en par-
temps et à l'automne et qu'on ait soin de le
, ticulier les pois de toute espèce et un grand
tondre très fréquemment ou de le faire brouter nombre de plantes de parterre; on ne doit cul-
par de jeunes agneaux car les moutons ou les
, tiver ces plantes que sur un sol resté deux ans
chèvres pourraient en déraciner une partie, au moins sans recevoir de fumier. Le meilleur
surtout dans les terrains sablonneux et très lé- moyen d'employer les cendres dans ce cascon-
gers. siste à les déposer dans la terre à petite dose,
en même temps que la semence. La charrée
S v. -Suie. doit être employée sèche, bien pulvérisée, en
La suie est un amendement d'autant plus quantité trois ou quatre fois plus grande que
précieux pour le jardinier, qu'elle détruit une les cendres neuves.
grande partie des insectes nuisibles à la végé-
tation. Il ne faut en faire usage qu'à faible dose;
§ TH. — Compost».
le meilleur procédé consiste à la délayer dans Ce terme, d'origine anglaise, mais adopté par
l'eau comme la colombine , pour la répandre
, les agronomes et les jardiniers français, désigne
sous forme d'arrosage. Dans les années très des mélanges de terres, d'engrais et de diffé-
sèches, où les pucerons se multiplient en nom- rentes substances dont la réunion est jugée
bre prodigieux sur les plantes et les arbustes favorable à telle ou telle espèce de culture
du parterre, notamment sur les rosiers, la suie spéciale. La chaux, mêlée aux boues provenant
délayée dans l'eau suffit pour les en délivrer. du curage des mares et des fossés, forme au
Si l'on dispose d'une assez grande quantité de bout d'une année de fermentation lente un
suie, on obtiendra de très bons effets de son compost très usité en agriculture, et que le
mélange à haute dose avec les terres blanches jardinage peut également utiliser. La chaux,
où domine soit la craie, soit l'argile blanchâtre mêlée aux végétaux secs ou frais en monceaux
utilisée pour la fabrication de la faïence. La arrosés avec une lessive alcaline, donne un
suie est un des amendements les plus efficaces compost dont le jardinier peut tirer le plus
qu'on puisse employer pour améliorer ces ter- Erra ml parti pourvu qu'il lui laisse accomplir
,

rains on s'en procure toujours aisément quand


; e cours entier de sa fermentation c'est l'en- :

on est à proximité d'une ville. grais Jauffret et celui do général Duhourg. Un


mélange de gazons, de terre franche et de
$ VI. — Cendres et chaînée.
chaux, modifié par la fermentation de ses élé-
Toutes de cendres, quelle qu'en
les espèces ments intimement incorporés les uns aux au-
soit l'origine, sont utiles au jardinier; toutes tres, peut servir à défaut de terreau pour cou-
sont susceptibles d'être employées à des doses vrir les couches à melons (voyez Melons, Cul-
différentes, dans tous les terrains, quel qu'en ture naturelle). Les composts les plus utiles au
soit la nature. C'est ainsi qu'en Belgique , soit jardinier sont la terre à oranger et la terre
pour la grande culture, soit pour le jardinage, de bruyère artificielle.
on ne laisse pas perdre un atome de cendres A. ferre à oranger. L'oranger, dans son —
de houille; en Hollande, en Bretagne , on tire pays natal, s'accommode de toute sorte de ter-
parti des cendres de tourbe ; en Allemagne, en rains ; la chaleur du climat corrige les défauts
France, on apprécie la vertu fertilisante des du sol et permet à cet arbre de végéter dans
,

cendres des végétaux. Considérées comme une terre qui sous la température du centre
,

amendement, les cendres peuvent se répandre de la France, ne saurait plus lui convenir; on
sur toute espèce de terrain , à la dose de 10 à a donc cherché à lui procurer artificiellement
12 litres par are ; la potasse, qu'elles contien- un sol à la fois substantiel pour lui offrir une
nent toujours en grande quantité, active puis- nourriture suffisante, léger, pour livrer un
samment la végétation, ce qui ne doit pas em- accès facile à la chaleur du soleil, et poreux
pêcher de donner au sol la fumure ordinaire pour laisser écouler l'eau superflue des arrosa-
dans le jardin potager. ges car l'oranger, plus que tout autre arbre ou
;

Les cendres sont quelquefois d'un effet trop arbuste, est sujetà périr par la pourriture quand
excitant dans les terrains très chauds ; on leur l'eau séjourne sur ses racines; elle nedoitqu'y
préfère dans ce cas la ebarrée, ou les cendres passer pour les rafraîchir.
ayant servi à couler la lessive, et ne contenant Le compost plus convenable pour les oran-
le
presque plus de parties salines. Aux environs gers est formé de cinq parties de terre franche,
de Paris les jardiniers ont une autre raison deux parties de fumiers d'écurie à demi con-
pour préférer la charrée aux cendres neuves ; sumé, et trois parties de terreau végétal prove-
les cendres très recherchées pour les buande- nant, soit de feuilles, soit de végétaux frais dé-
ries sont achetées à un prix assez élevé par les composés à l'aide du jus de fumier ou purin. Si
blanchisseuses qui ne peuvent s'en passer j elles l'on manque de ces éléments, on peut entasser
les revendent ensuite a très bas prix, à l'état de des gazons par lits avec une petite quantité de
charree. chaux vive, et employer ce compost au bout

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TITRE I. ENCRAIS ET AMENDEMENTS. 15

d'un an, en le mêlant avec de bonne terre de avec une partie de sable pur provenant de dé-
bruyère dans la proportion d'une partie de bris de grès pilés. Les plantes de terre de
celte terre pour trois parlies du compost de bruyère, qu'on n'avait pu faire végéter d'une
chaux et de -gazon. manière satisfaisante dans le compost ordinai-
Ces mélanges doivent être parfaitement ho- rement employé pour tenir lieu de la terre de
mogènes; il serait dangereux de les employer bruyère naturelle, réussirent très bien dans ce
avant que ceux de leurs éléments qui en sont mélange, le terreau d'ajonc se rapprochant à
susceptibles n'eussent entièrement accompli beaucoup d'égards du terreau de bruyère.
leur fermentation. Toutes les plantes d'orange- Nous engageons donc les jardiniers à suivre
rie végètent bien dans ces composts, quoiqo'à ce procède quand ils manqueront de terre de
vrai dire plusieurs d'entre elles, notamment les bruyère ; la graine d'ajonc est à bas prix ; elle
camélias et les pélargonium, puissent fort bien réussit partout, et l'on peut toujours disposer
se contenter de la terre franche ou terre nor- pour elle d'un coin de mauvaise terre.
male, telle qu'on la trouve dans tous les jardins Nous renvoyons les autres composts, d'un
bien cultives. usage moins général dans les jardins, aux arti-
On a cru longtemps que l'oranger et les au- cles des cultures spéciales qui les emploient
tres plantes d'orangerie ne pouvaient se passer exclusiv ement {voyet Ananas et Plantes de col-
d'une terre contenant une douzaine d'ingré- lection).
dients différents qu'on laissait vieillir ensemble
pendant trois longues années; mais, au bout de
ce temps, tous les engrais amalgamés dans ce
compost étaient devenus du terreau qu'il eût
été beaucoup plus court de prendre tout fait
CHAPITRE III. - Procédés d'ibbigation.
dès le début c est pourquoi nous nous abstien-
;

drons de donner la recette de l'ancienne terre Section I


re . — Irrigation naturelle et arrosage
d'oranger, recette reconnue de nos jours non àlai
moins ridicule qu'inutile.
B. Terre de bruyère factice. — Rien ne peut Partout où le jardinage est en honneur, les
remplacer exactement la bonne terre de bruyère arrosages sont la base de la culture jardinière.
pour les plantes et arbustes qui ne peuvent s'en Dans nos déparlements méridionaux, on ne fait
passer. Le sable siliceux et le terreau végétal guère de jardinage que là où des sources abon-
sont les principaux éléments constitutifs de la dantes permettent de pratiquer l'irrigation na-
terre de bruyère; on essaie donc de l'imiter en turelle. Il est fort heureux que la naiure y ait
formant un compost de ces deux substances fiourvu en dotant ces contrées d'innombrables
mélangées par parties égales. Pour que l'imita- îlets d'eau vive sortant du pied des montagnes,
tion fût complète, il faudrait que le terreau em- comme l'irrigation de la plaine de Perpignan
ployé vînt de la décomposition des mêmes en offre un remarquable exemple; faute de
{liantes qui ont fourni le terreau mêlé nalurel- cette ressource, il est probable que les jardi-
ement a la terre de bruyère; mais c'est une niers du midi de la France renonceraient a leur
condition impossible à remplir. Si le jardinier industrie, la chaleur du climat rendant trop
avait à sa proximité un sol couvert de bruyères pénible le travail de l'arrosoir.
qu'il lui fût possible de recueillir pour les con- L'irrigation naturelle, telle qu'on la pratique
vertir en terreau, il pourrait à plus forte raison aux environs de Perpignan, de Marseille et des
prendre toute faite la terre où croissent ces principales villes du midi est excessivement ,

plantes. simple elle consiste à diviser le potager en


;

Quant aux jardiniers à qui manque cette res- planches fort étroites, dont la terre est relevée
source nous leur conseillons de faire usage
, sur les deux bords et légèrement creusée au
d'un procédé qui nous a constamment réussi milieu, fig. 1. Chacune de ces planches est
dans un canton de la Belgique où la terre de
Fig. I.
bruyère nous aurait coûte un prix excessive-
ment élevé à cause de la difficulté des trans-
ports. Des ajoncs (ulex aculeata), semés sur
un assez mauvais terrain, y prirent en une an- m m
séparée par un intervalle de 0 ,30 à 0 ,40 for-
née un grand développement. À l'exemple de 2 , bouchée seulement
mant une rigole , fig.
ce qui se pratique pour la grande culture en
Bretagne, ces ajoncs coupés en pleine fleur, au fig. 2.
milieu de l'hiver, furent étendus dans un che-
min creux et humide où ils furent bientôt tri-
turés par le passage du bétail et des chariots ;
11en résulta une masse assez homogène de ter-
reau noir; l'ulex, quoique très coriace en ap-
parence, se décompose rapidement et complète-
ment. Vers la fin de mars, ce terreau, relevé en
las et retourné pour en opérer la dessiccation,
fut passé à la claie; on en mêla trois parties à l'une de ses extrémités, en sorte que l'eau

'
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16 H0RT1C LTUKfc. liv. vin
entrant dans la première rigole au sommet de t ions naturelles qu'au moyen du travail le plus
la pente du terrain, circule entre toutes les opiniâtre j les maraîchers des environs de Paris
planches et les imbibe d'humidité sans donner ne se lassent pas, sous un soleil brûlant, d'en-
au jardinier d'autre fatigue que celle de bou- tretenir toujours humide une terre toujours al-
cher et de déboucher la première ouverture. térée; ils travaillent en été 16 heures sur 24,
Les rigoles destinées à l'arrosage des terres et ils en passent au moins 10 l'arrosoir à la main.
par imbinition, comme nous venons de l'indi- Veut-on se former une idée de la quantité d'eau
quer, se tranchent tout simplement dans le sol, nécessaire au sol calcaire des environs de Paris?
sans autre préparation que d'unir les parois à Voici à ce sujet des données exactes, car celui
la bêche et de leur donner un angle suflisant qui écrit cet article connaît par un long usage
pour prévenir les éboulements trop fréquents, le poids et la contenance des arrosoirs : chaque
car il ne faut pas songer à les empêcher d'une arrosoir contient 12 litres d'eau; tant que dure
manière absolue. Ces rigoles exigent un entre- la sécheresse, le sol est arrosé à raison de 3 ar-
tien continuel; celles qui ne servent qu'à re- rosoirs par mètre carré. II reçoit donc tous les
tenir et transporter les eaux pour les mettre à jours 36 litres d'eau par mètre de superficie,
la portée du jardinier, qui les répand sur ses ou 36 hectolitres par are. Quelques cultures
carrés au moyen d'une pelle ou d'une écope, particulières en exigent bien davantage. Nous
se nomment rigoles de transport; un revête- ne portons pas à la Halle de Paris un seul po-
ment en maçonnerie, au ciment de chaux et de tiron qui n'ait absorbé en quelques semaines
briques piléés, ou simplement en terre glaise 1,200 litres d'eau, ou 100 arrosoirs de 12 li-
battue, en assure la durée en évitant les frais tres. C'est au prix de ces incroyables fatigues
d'entretien. Souvent les deux systèmes de ri- 3ue nous obtenons une incroyable production
goles sont combinés; c'est ce qui a lieu toutes 'un sol dont la majeure partie, située partout
les fois que l'eau, pour arriver aux planches ailleurs, et cultivée de toute autre manière, ne
qu'elle doit imbiber, traverse des parties du rendrait pas les frais de culture; mais avec de
jardin qui n'ont pas besoin d'arrosage. Dans ce l'eau et du fumier, peu importe, pour ainsi dire,
dernier cas, on peut encore faire usage de ri- la nature du sol d'ailleurs, avec le temps, nota
;

goles couvertes; elles consistent en conduits de faisons le soi là où il manque.


briques, soit rectangulaires, soit triangulaires. Ces proportions seraient évidemment trop
Si le sous-sol n'est pas perméable, ou qu'on ait fortes pour un sol argileux et pourrissant; l'ir-
à sa portée de l'argile de bonne qualité, on ne rigation ne saurait être trop abondante sur les
couvre en briques ou en pierres plates que la terres calcaires, gypseuses ou crayeuses; elle
partie supérieure. On peut, lorsque la pente du doit être modérée sur les terres riches en alu-
terrain le permet, donner aux rigoles cachées mine, et plus abondantes sur celles où le sable
assez de profondeur sous terre pour permettre domine. Le jardinier amateur, qui n'est point
de les conduire en ligne droite a travers le jar- obligé de ménager ses ressources, se réglera,
din, sans en déranger l'ordonnance'. pour les arrosages, uniquement sur la nature
Les (tortillons d Amiens, qu'il faut toujours de son terrain. Le jardinier marchand, travail-
citer en première ligne comme modèles d'une lant toujours les yeux tournés vers le marché,
bonne culture jardinière, sont séparés entre saura proportionner ses dépenses aux béné-
eux par de petits canaux, où l'eau dérivée de fices qu'elles peuvent produire, et ne débour-
la Somme circule en toute saison. Le procédé sera pas 5 fr. de main-d'œuvre pour faire
d'irrigation est des plus simples; le seul instru- croître un potiron qu'il aurait de la peine à
ment usité est une pelle de forme allongée, telle vendre 1 fr. 50 c.
que l'emploient les Flamands pour leurs blan- Afin d'éviter les répétitions inutiles, nous
chisseries de toiles, fig. 3. Nous avons souvent renvoyons au chapitre des Instruments de jar-
dinage la description des différents arrosoirs
Fig. 3. dont le jardinier se sert pour distribuer l'eau
dans les différentes parties de son domaine.
Nous donnerons seulement ici les procédés gé-
néraux d'irrigation artificielle à l'usage du jar-
dinier.
admiré la dextérité avec laquelle les jardiniers Manivelle du maraîcher. —Parmi les ma-
d'Amiens enlèvent l'eau avec leur pelle à long chines plus ou moins compliquées qui servent
manche, et la font retomber sous forme de à élever l'eau pour la mettre à la portée de l'ar-
j
i pluie sur les planches de leurs potagers. rosoir, nous mentionnerons en premier lieu la
1
1 Mais ces avantages précieux dont la nature manivelle du maraîcher, respectable par ses
a doté quelques localités particulièrement favo- longs services durant cinq siècles d'antiquité
risées, ne sont pas le partage de tous les ter- prouvée ; nous pensons même que son origine
rains occupés par la culture jardinière. Paris, est beaucoup plus ancienne. La pièce princi-
ce centre d'une consommation si prodigieuse, pale de cettemachine consiste dans un tambour
se passerait de légumes si ceux qui figurent en autour duquel s'enroule un câble qui fait mon-
si grandes masses sur ses marchés ne devaient ter et descendre deux barriques qui vont cher-
croître qu'au moyen des irrigations naturelles. cher l'eau dans un puits. Ce tambour A, fi y. 4,
L'arrosage à la main ne supplée aux irriga- est supporté par un arbre B de 4 mètres de
,

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mur r. PKOCtDls I) ÎUUIGATION. 17

Kg, 4.

•I* ,
'>.

hauteur, auquel est fixé un timon d'attelage laies-bandes, et doivent dépasser de 0"\20
avec un palonnier pour le cheval employé à ce a surface du sol. Ces tonneaux communiquent
travail. Deux roues, ordinairement des roues entre eux (fig. 5) par des tuvaux de terre cuite
de derrière de diligences, séparées entre elles
par un intervalle de l m ,30, supportent exté- fig. 5.
rieurement de légers montants en bois; leurs L> OAiSa&O o o o
moyeux sont traversés par l'arbre qui leur sert
• — • -

d'axe fixe, en sorte qu elles peuvent tourner, -llllll


non pas sur mais avec lui. Quatre mon-
lui,
tants C, ajoutent à la solidité de cet appareil.
L'extrémité inférieure de l'arbre D, est taillée ou de grès, soudés l'un à l'autre avec du bitume
en pointe et garnie en fer; elle tourne sur un ou du mastic de fontainier. Le premier ton-
gros pieu enfoncé à Heur de terre et dont la neau est placé près du puits, en sorte que l'ou-
surface concave est également ferrée. La grande vrier ebargé de vider les barriques remontées
pièce de charpente qui maintient l'arbre dans par la manivelle les vide directement dans ce
une position verticale, doit avoir 9 mètres de tonneau, en leur faisant faire la bascule sur la
long ; les jardiniers des départements qui vou- margelle du puits.
draient faire construire une manivelle d'après Le cheval , ordinairement aveugle , qui fait
notre dessin doivent observer que cette pièce tourner la manivelle, contracte bientôt l'habi-
fort longue, et qui supporte tout l'effort du tra- tude de s'arrêter de lui-même quand il sent que
vail de Ta machine, ne doit point être traversée la barrique pleine est arrivée à l'orifice du puits;
par l'arbre, ce qui nuirait trop à sa solidité ; le la secousse de la barrique vide replacée au-
sommet de l'arbre est fixé à la face postérieure dessus du puits, l'avertit de repartir. Le nom-
de la grande pièce au moyen d'une pièce ac- bre des tonneaux, et la distance à laquelle il
cessoire en bois, fortement boulonnée en E. convient de les enterrer ne peuvent être déter-
Tout le reste de l'appareil se comprend par minés ; tout dépend de la nature du terrain.
l'inspection de la ligure. On donne le nom de La fig. 5 représente leur disposition et celle
jumelles aux deux pièces qui supportent les des tuyaux dans la terre ; pour ne pas gêner la
poulies F ; la poulie de droite doit toujours être culture, on a soin que le passage des tuyaux se
placée à 0 m ,2Q plus haut que celle de gauche. trouve toujours au-dessous d'un sentier.
Les terrasses G, sur lesquelles repose toute Voilà le système le plus usité et le moins coû-
la charpente, peuvent être remplacées par une teux; nous ne devons pourtant pas dissimuler ses
légère maçonnerie, dans les pavs où le bois est inconvénients dont le plus grave consiste dans
rare et cher. A Paris, une manivelle toute mon- la nécessité de faire passer l'eau dans tous les
tée, avec terrasses en charpente, coûte 300 fr. ; tonneaux intermédiaires pour la faire arriver
le câble et les deux tonneaux quand le puits
, au plus éloigné; il faut eh effet que chaque ton-
n'excède pas 15 mètres de profondeur, peuvent neau se remplisse jusqu'au niveau de l'orifice
coûter 150 fr.; c'est donc une dépense de 450 du conduit qui le met en communication avec
fr. Le jeu de cette machine est tellement simple les suivants pour que ceux-ci puissent com-
qu'elle fatigue peu et dure fort longtemps sans mencer à s'emplir. Si par suite du tassement
entraîner de frais d'entretien. Quand la dispo- du sol fraîchement remué, ou par toute autre
sition du local le permet, on la rend encore cause imprévue, un conduit vient à se briser
plus durable en la couvrant d'un hangar. ou à se détacher, les tonneaux, à partir de la
Les puits destinés au service d'une manivelle rupture, ne peuvent plus être remplis. On peut
doivent toujours être creusés dans la partie la à la vérité, au moyen d'un bouchon de nois
plus élevée du terrain. Des tonneaux cerclés en entouré de linge ou d'étoupe, fermer l'orifice
fer,goudronnés en dedans et en dehors, pour du conduit ; mais outre qu il est assez gênant
prolonger leur durée, sont enterrés, le long des de plonger le bras dans feau jusqu'à l'aisselle
MtTrctrr.Tvmt, i . v - i

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HORTICULTURE. tnr. vin.
18

pour aller placer ces bouchons , on comprend permettent pas de douter des avantages du
combien ce procédé d'obturation est infidèle. tonneau sur l'arrosoir, dans une foule de cir-
%
»tes ces considérations ont conduit M. Mo- constances.
Le tonneau 6 n'a
oi, de nos plus l»« biles maraîchers, à
l'un , fig. ,

mimer à ce mode de remplissage des ton-


» ux, un conduit continu qui règne le long de
chaque rangée de tonneaux sans les traverser ;
chaque tonneau séparément communique avec
ce conduit au moyen d'un tuyau en grès en
forme de T auquel est soudé un ajutage en
plomb avec sa cannelle de cuivre. L'eau pui-
iée dans le puits À et versée dans le premier
tonneau B circule d'elle-même dans le conduit
principal et permet de n'emplir, à volonté, que le
nomdre de tonneaux en rapport avec les besoins pas besoin d'être modifié; il suffit d'élargir
du service. La ftg. 5 bi* montre la disposition de son encadrement et d'allonger l'essieu de ses
roues de façon à ce que les roues et les bran-
cards correspondent exactement aux sentiers
laissés libres des deux côtés des planches du
potager. Chaque brancard est poussé par un
homme; la marche plus ou moins rapide de
ces deux ouvriers modifie à volonté la quantité
d'eau répandue, ce qui permet d'en régler, avec
la plus grande précision la distribution sur le
,

sol cultivé. Ce mode d'arrosage ne convient


pas a tous les genres de culture; les plantes
fort écartées les unes des autres, comme les po-
tirons et les artichauts, se trouvent mieux d'être
arrosés individuellement, pied par pied ; mais il
convient particulièrement aux légumes plantés
ou semés très serrés, et qui occupent un grand
espace de terrain, comme l'ognon, le poireau,
la carotte, le scorsonère, l'oseille, les épinards,
les haricots nains.
La différence des frais et des résultats sera
rendue plus sensible par les calculs suivants.
Un ouvrier de force ordinaire, travaillant
dix heures par jour à mouiller, comme disent
les maraîchers, peut, quand les tonneaux sont
convenablement espaces, remplir et vider deux
arrosoirs par minute, ce qui donne par heure
de travail 120 arrosoirs de 12 litres, ou 1,440
litres, et pour une journée de dix heures. 14.400
tout ce système; les dimensions de la figure litres, résultat que bien des jardiniers de dépar-
n'ayant pas permis d'indiquer les cannelles à tements regarderont comme fabuleux. Que
chaque tonneau, nous avons représenté séparé- diraient-ils donc s'ils voyaient les plus forts et
ment le tonneau a avec sa cannelle 6 ainsi que les plus actifs de nos ouvriers répandre sur le
la cavité carrée qui permet de la manœuvrer; terrain quatre arrosoirs à la minute, ou 2,880 li-
cette cavité se recouvre d'une planche mobile. tres d'eau par heure? A la vérité, ils ne soutien-
Ces appareils dé tuyaux et de tonneaux ser- draient pas un tel travail toute une journée.
vent aussi dans le cas'où la proximité d'une ri- Deux hommes robustes suffisent pour pous-
vière ou d'une pièce d'eau permet de se passer ser devant eux un tonneau contenant 1 ,200 lit.
du puits et de la manivelle. Il suffit alors de d'eau; le travail n'est pénible qu'en commen-
faire arriver l'eau dans le premier tonneau, par çant, mais le poids allant constamment en di-
le moyen d'une pompe a main (fig. 46). Lors minuant, et le trajet à parcourir ne pouvant
que le" puits n'est pas trop profond, on peut jamais être que fort court, puisqu'à raison de
aussi utiliser la pompe à volant plombé, qui 36 lit. par mètre carré, 1,200 lit. ne doivent
donne un courant d'eau continu de C m ,20 de mouiller qu'une superficie de 33 m ,33, deux
tranche, et fatigue moins le travailleur. hommes peuvent le soutenir toute une journée
Le tonneau employé à l'arrosage des places sans excéder leurs forces, et môme avec moins
publiques et des promenades pourrait, avec de de fatigue que s'ils portaient l'arrosoir pen-
légères modifications, rendre de grands ser- dant le même temps. Il ne faut pour remplir
vices au jardinage; nous entrerons d'autant le tonneau que le jeu de deux pompes à main,
plus volontiers dans quelques détails à cet puisant dans une des futailles enterrées, que
égard, que des tentatives heureuses ne nous la manivelle remplit incessamment. Supposons
I

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TITRE I. PROCÉDÉS D'IRRIGATION. 1»

ue cette opération dure cinq minâtes, et que La culture en grand des légumes communs,
2 ix autres .soient nécessaires pour vider et ra- culture essentiellement jardinière et très déve-
mener le tonneau d'arrosage , l'irrigation sera loppée dans le voisinage des grandes villes,
de 4,800 litres par heure elle donnera donc
-, peut au contraire tirer un très çrand parti du
pour 10 heures de travail 48,00<> litres d'eau, tonneau d'arrosage, substitue à l'arrosoir.
au lieu de 28,800 que deux ouvriers auraient Ainsi, dans la plaine des Vertus, qui approvi-
pu répandre avec l'arrosoir. sionne Paris d'ognons, de poireaux et de scor-
Une diflérence de 19.20O litres d'eau répan- sonères, ces légumes périssent souvent dans les
due en plus par chaque journée de travail du longues sécheresses ; le canal Saint-Denis coupe
tonneau d'arrosage, représente bien au-delà de toute cette plaine; l'eau est donc à la portée
l'intérêt de son prix d'achat, en y ajoutant les de presque tous les jardiniers qui la cultivent;
frais d'entretien. C'est par ce procédé que les s'ils ne s'en servent pas, c'est que leurs champs

cultivateurs de la Flandre occidentale (Bel- sont trop vastes et les frais d'arrosage à la main
gique) répandent avec une égalité parfaite l'en- trop considérables. Avec quelques tonneaux
grais liquide destiné à leurs admirables cul- qu'ils pourraient posséder en commun et em-
tures de plantes textiles. ployer chacun à leur tour, les récoltes seraient
L'arrosage à la main est absolument impra- et plus abondantes et plus assurées; ce serait
ticable sur un terrain d'une grande étendue, si une dépense très productive.
ce terrain, comme celui de nos marais, exige La verdure perpétuelle des gazons dans les
une grande quantité d'eau fréquemment renou- grands jardins paysagers d'Angleterre est en
velée. Prenons pour exemple l'un des plus tretenue au moyen d'un tonneau qu'accompa-
grands jardins de France, celui de M. Ratier, gne ordinairement un rouleau de fer pour af-
près de Nemours ; il n'a pas moins de 1 2 hec- fermir le sol ; on peut y atteler un cheval, parce
tares de superlicie. Quel capital ne faudrait il que ses pas ne sauraient nuire au gazon ; au
pas dépenser en puits , manivelles, tonneaux lieu du tuyau d'échappement horizontal, le ton-
tuyaux et arrosoirs pour mettre l'eau sur tous neau d'arrosage anglais {fig. 7) est muni à «a
les points à la portée du jardinier? Quels énor-
Fif. 7.
mes frais de main-d'œuvre dans les années de
sécheresse !

Supposons que les allées et les sentiers ré-


duisent la superficie cultivée à 10 hectares, et
que la moitié seulement soit consacrée à la
culture maraîchère. Le sol étant à peu près de
même nature que celui des environs de Paris,
exigerait, à raison de 36 litres d'ean par mètre
carré, 360,000 litres par hect. , et pour 5'hect.
1 ,800,000 litres d'eau par jour ; ce serait la be-

sogne de 125 ouvriers, en admettant, ce qui


face postérieure «Ton tuyau de cuir, terminé
n'est pas, qu'ils soient aussi bien exercés dans
par une pomme d'arrosoir qu'un ouvrier tient
le Câlinais qu'à Paris.
a la main, pour répandre l'eau à volonté.
Pour atteindre au même résultat, au moyen
Des tuyaux semblables, terminés de la même
des tonneaux d'irrigation, il ne faut ni futailles
manière, servent à arroser les parterres et 1rs
enterrées, ni tuyaux, ni manivelles; quelques
gazons des jardins publics de Paris; ils com-
pompes d'une grande puissance exécuteront
muniquent non à des tonneaux, mais à des ré-
cette partie de la besogne à moins de frais et avec
servoirs alimentés par des pompes. Les très ri-
une économie de temps considérable. Chaque
ches propriétaires peuvent seuls recourir à ce
tonneau, conduit par deux hommes, pouvant
mode d'arrosage, le meilleur, le plus commode,
répandre par jour 48,000 lit. d'eau, 38 tonneaux
mais aussi le plus dispendieux de tous. Lit
et 76 hommes suffiront pour arroser 5 hectares,
pompe à main rendra des services analogues n
à raison de 36 lit. par mètre carre. Le prix
beaucoup meilleur marché; en traitant des in-
moyen des journées étant de 2 fr. dans le Gâ- struments de jardinage, nous la décrirons sous
tinais, c'est une économie de 98 fr. par jour
toutes les formes applicables à la culture jar-
sur la main-d'œuvre, somme de beaucoup su-
dinière.
périeure à l'intérêt du capital représenté par la
valeur des tonneaux, en y ajoutant leur dépé-
rissement et leur entretien.
Nous ne sommes entrés dans tous ces déve- CHAPITRE IV. — Instruments de jardinage
loppements que pour faire mieux ressortir les
avantages d'un moyen d'irrigation peu usité; Section V. — Instrument* tervQnt à façonna-
it $ol.
loin de l'an s. le prix des produits de la culture
jardinière ne couvrirait pas de tels frais d'ar-
rosage aux portes de Paris, les terres con-
;
$ I". - Biches.

sacrées au jardinage sont si divisées, les cul- Ce pas sans motifs que nous plaçor
n'est*
tures si variées, que rien n'y peut tenir lieu de en première jigne la bêche, plus ancienne peut
l'arrosage à la main. être que la charrue. La perfection des labour*

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30 HOUTICULTUltR. UT. VIU.
importe tellement au jardinage qu'on ne sau- toujours le même degré de résistance. Si la
rait donner trop d'attention au choix des in- saison est sèche, une terre légère, semblable
struments destinés à façonner le sol ; les plus alors à de la cendre, ne pourra être bien labou-
chers sont presque toujours les plas économi- rée qu'avec la bêche flamande, à fer courbe;
3ues ; ils durent plus longtemps, ils font plus cette même terre , après des pluies prolongées,
e besogne et elle est mieux exécutée. Le jar- devenue lourde et suffisamment consistante, se
dinier lient à sa hoche comme le soldat à son travaillera très bien avec la bêche commune ;
fusil ; il réforme à regret une vieille bêche à enfin, si elle se trouve, comme il arrive sou-
laquelle il est accoutumé. Une bonne boche, vent , humectée à la surface par une pluie de
dont le fer est bien corroyé d'acier, sans être peu de durée, mais sèche et dure par-dessous,
trempé trop sec, peut durer nombre d'années. la bêche droite à tranchant courbe l'entamera
On ne peut assigner de dimensions invariables plus facilement et rendra le labour plus parfait.
à la bêche du jardinier ; c'est à lui de la choi- Les Anglais emploient en outre, principale-
sir proportionnée à la profondeur do sol qu'elle ment pour lever des gazons, une bêche en forme
est destinée à retourner. d'écusson, à manche très courbé, dont la fig t i

.

A. Biche commune. Pour façonner un sol montre A la lame vue de face, et B la


le profil,
léger, cultivé depuis longtemps en jardin et poignée nous croyons la houe à lame large
;

parfaitement ameubli par des labours précé- (fig. 16) préférable. Quiconque a vu dans nos
dents, la bêche plate, droite, légèrement tra- ;
forêts avec quelle netteté et quelle promptitude
pézoïde, mais presque quadrangulaire (fig. 8), cet instrument, dans les mains des charbon-
niers, taille et enlève les gazons bien tranchés et
FSf. i, 9.
j
tous d'égales dimensions dont ils recouvrent
,

leurs fourneaux ou fouées, doit être convaincu


de sa supériorité ; les gazons, au lieu d'avoir
leurs bords coupés à angles droits, comme des
briques (fig. 12). sont dans ce cas amincis par
les bords, de manière à s'emboîter parfaitement

est la plus facile à manier. Si la terre est un les uns dans les autres (fig. 13).

peu forte et sujette à se durcir, ou qu'elle con- Fig. 12, 13.


tienne des pierres, il est bon que le tranchant
de la bêche, au lieu d'une ligne droite, présente «££2£2»â ^BeattfSt
une courbe (fig. 9) ; les angles deviennent alors
des espèces de crochets qui sont souvent fort
utiles.
On ran^e assez improprement, parmi les bê-
B. Biche belge ou flamande. bêche — La ches, la lourche et le trident à dents plates
U et 15). Ces instruments ne labourent
dont on se sert communément en Flandre et (fig.
qui se retrouve en Bretagne, est légèrement . point le sol selon le vrai sens

courbée dans le sens de sa longueur, et aussi du mot labourer, puisqu'ils ne


large du bas que du haut ; les Flamands lui le retournent pas; ils servent
donnent ordinairement un manche un peu seulement à l'ameublir à une
courbé par le bas (fig. 10) et les Bretons, un certaine profondeur. On les em-
ploie avec avantage pour ra-
Fig. 10,
fraîchir des planches d'asper-
ges, des plaies-bandes de par-
terre ou des plantations de ro-
siers; ont l'avantage d'agir sans endommager
ils

les racines le long desquelles leurs dents peu-


vent glisser sans les entamer.
Fig. U.

manche droit, comme celui de la bêche com-


$ II. — Houei rt pioches.

mune. La bêche flamande est nécessaire pour La houe, proprement dite (fig. 16), est sou-
travailler les terres peu consistantes qui n'ad- 18.
Fir. 16, 17, 19,
hèrent point au Ter de l'instrument en sorte ,

que la motte de terre enlevée retombe le plus


souvent au fond de la jauge sans avoir été re-
tournée. La courbure du fer de bêche est des-
tinée à parer à cet inconvénient en retenant la
terre le temps nécessaire pour que l'ouvrier
soulève sa bêche et la retourne.
Ces trois formes de bêches sont les plus usi-
tées; elles réunissent entre elles trois les qua-
lités qu'exige un bon labourage, et répondent vent confondue avec les divers genres de pio-
aux modifications que le sol peut éprouver par ches et de binettes à lame large ; la différence
les variations de la température. Le même sol, essentielle consiste dans la forme du fer et celle
i • l'époque où il doit être labouré, n'offre pas de la douille. La houe est un vrai fer de bêche,

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mu i INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 21

légèrement courbé , dont la douille, qui n'est dant indispensable pour presque tous les défon-
qu'un simple anneau plat, est fabriquée de ma- cements et pour le creusement des trous desti-
nière à s'ajuster avec un manche de 0 m ,75, nés à des plantations d'arbres dans un sol com-
également recourbé , formant avec le fer un pacte, que la pioche attaquerait difficilement.
angle de 45 à 50 degrés. Les fig. 16 à 19 repré-
sentent les diverses modifications de la houe,
dont le fer peut être soit un triangle (fig. 18),
soit une fourche à deux dents plates, aiguës (fig
19), ou carrées {fig. 17). Sous cette dernière
forme, la houe à deux dents plates est connue
dans tout le midi de la France sous le nom de
Fig. 24, 33. •
Béckard; depois quelques années les religieux
de la Trappe en ont introduit l'usage dans D. Houette (fig.24). —
Instrument léger et
l'ouest. Pour façonner le terrain à la houe, l'ou- fort commode, plus usité des amateurs que des
vrier se tient courbé très près de terre , et tra- ïniers, qui lui préfèrent celui que représente
vaille en avançant ; il rejette derrière lui la g. 25.
terre remuée. La boue convient parfaitement . Binette ou Serfouette (fig. 25).
— 11 n'est
pour les labours superficiels; c'est un instru-
ment très expéditif, mais il faut pour cela que Fig. 27, 2S, ae, 2».

l'ouvrier contracte l'habitode de travailler plié


en deux, genre de fatigue auquel beaucoup de
jardiniers ont peine à s'accoutumer.

) 111. — Pioche».

A. La pioche à lame large remplit à peu près


le même but que la houe. Son manche, long
d'un mètre et un peu courbé (fig. 20) , permet
Fig. 20, 11, 21.

pas d'instrument que le jardinier ait plus con-


stamment entre les mains ; ses dimensions peu-
vent être très variées, la forme restant la même.
Il est indispensable d'en avoir au moins deux,
l'une dont le fer, y compris la longueur des
dents, n'aura que 0^,25; l'autre, dont le fer
pourra avoir une longueur de 0"»,40, avec une
largeur proportionnée, servira aux binages
à l'ouvrier de travailler dans une situation profonds, ainsi qu'à tracer les rayons pour se-
un peu moins gênante, mais le labour n'est mer en lignes des pois et des haricots.
jamais aussi parfait; ce genre de pioche est F. Sarcloir belge (fig 26).%

C'est une très
petite binette dont la partie fourchue a reçu
principalement utile pour faire les trous des-
tinés à la plantation des pommes de terre et une troisième dent, et dont le manche tourné
aux semis de haricots. La pioche ordinaire, ou ne doit pas avoir plus de 0»>.40. Cet instrument
pioche proprement dite, nommée tranche dans est préférable au sarcloir français, espèce de

tout l'ouest de la France, est formée d'un fer truelle courbe, à bords tranchants, représenté

long et étroit, un peu courbé vers son extré- de profil fig. 27 et de face fig. 28, qui peut à
la vérité expédier plus de besogne, mais avec
mité tranchante; l'autre bout se termine par
le grave inconvénient de trancher des racines
une douille très forte, à laquelle est adapté un
manche droit, long de l m ,33, formant un angle que le sarcloir belge arrache sans les rompre;
droit avec le fer (jfig. 21). ce dernier sarcloir doit donc être préféré toutes
B. Pioche pièmonlaùe. —
La douille de cette les fois qu'il s'agit de nettoyer un sol infesté de
[liantes vivaces dont la moindre racine suffit à
pioche (fig. 22), est au milieu du fer, dont une
extrémité est semblable à celle de la pioche es reproduire, telles que le chiendent, le liseron
commune, et l'autre terminée en pointe ; c'est et la petite patience.

un des instruments les plus maniables et les plus


commodes dans toute espèce de terrains. S IV. — Riieaiu.
C. Pic. —
Le pic (fig. 23) est emmanché A. Le jardinier doit avoir un assortiment
comme la pioche piémontaise ; mais son fer plus de râteaux, les uns légers, petits et à dents ser-
étroit est long d'un mètre au moins, ce qui rend rées, ne servant que sur les couches ou sur les
l'instrument très pesant, et d'une force pour plates-bandes recouvertes de terreau ; les autres
ainsi dire irrésistible, pour entamer le sol le plus grands , plus lourds et à dents plus ou
plus dur. Quoique le pic soit un instrument de moins écartées , sont adaptés à tous les genres
terrassier plutôt que de jardinier, il est cepen- de façons que le sol du jardin peut recevoir.

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22 HORTICULTURE. MV. VIII.

Le* fig. 29. 30 et Si représentent les râteaux les on se sert en la tirant à soi (fig. 34), quoique
plus usités pour la culture jardinière. la moins expéditive, est la meilleure quand la
Fig. 29, 31, 30. sécheresse a durci les allées; les autres (fig. 35
et 36) se poussent en avant; elles conviennent
mieux quand le sol est ramolli par l'humidité.
Avant de faire usage des unes ou des autres,
il est bon d'enlever d abord isolément dans les

allées les plantes vlvaces, à racines profondes,


qui peuvent s'y rencontrer; on emploie à cet
effet une petite ratissoire, représentée de face

fig. 37, et de profil fig. 38 particulièrement


Fig. 36, 37,
Fig. 3:.

B. Râteau- Binette. — Une lame de binette


ordinaire est adaptée à ce râteau sur le prolon-
gement de son manche ; elle sert à déraciner ,

les mauvaises herbes , quand il s'en trouve au


moment où l'ofe fait usage du râteau ; pour évi- Fig. 38.'
j

ter de se baisser, on arrache ordinairement ces


racines avec la dernière dent d'une des extré- propre a tttte besogne. La ratissoire ordinaire,
mités du râteau ; ce qui met promptement cet en coupant ces plantes au collet de la racine
instrument hors de service. Le râteau-binette ne ferait que leur donuer une disposition nou-
retourné (fig. 32) fait la même opération sans velle à repousser plus touffues et plus vigou-
on recevoir aucun dommage ; c'est une heu- l
reuses au bout de quelques jours.
reuse innovation dont l'usage ne peut manquer Les opérations du ratissage et du sarclage
de devenir général. !
ayant entre elles la plus grande analogie, nous
plaçons ici quelques instruments appropries au
S V. — RalUêolrei et urcloira.
sarclage, dans certains cas particuliers.
A. Lesalléesdes jardins d'agrément ontbesoin B. Le sarcloir espagnol [fig. 39 pénètre
v
fa-

d'être ratissees fréquemment durant la belle sai- 40, 39.


t;. .,,
son , surtout quand elles ne sont point sablées,
parce qu'alors les vents y déposent des semen-
ces de mauvaises herbes, dont la végétation
finirait par changer les allées en pelouses.
L'emploi des ratissoires à la main serait trop
lent et trop coûteux pour les parcs et les grands
jardins ^ on leur préfère dans ce cas la charrue-
ratissoire (fig. 33), dont le maniement est si
F*. 33.

cilement dans un sol durci par la sécheresse, et


se prête par sa forme au sarclage des cultures
où les plantes se trouvent très rapprochées. La
fig.
40 représente une modification de cet in-
trument consistant dans la plus grande force
,

donnée à sa tige courbe et dans la réduction


,

|
des dimensions du fer de lance qui la termine.
I
L'un et l'autre reçoivent, selon le besoin, des
j
manches plus ou moins longs, droits ou tournés.
Le crochet (fig. 4t) n'est encore qu'un di-
minutif du sarcloir espagnol; son principal
usage est de biner dans la serre la terre des
facile qu'un ouvrier peut avec cet instrument
pots et des caisses de petites dimensions.
taire à lui seul la besogne de plusieurs.
Les fig. 34 et 35 représentent les ratissoires § vi. — Fourches.
Fig. 34.
L'emploi fourches pour déplacer et tra-
de.s
vailler les fumiers, rend ces instruments indis-
pensables au jardinier. La meilleure fourche
pour le maniement des fumiers et la construc-
tion des couches, est le trident à dents coudées
(fig. 42). On emploie aussi un autre trident à
dents courtes et recourbées pour rafraîchir la
superficie d'un terrain sur lequel une croûte
Fig. 31.
s'est formée par l'effet de la sécheresse succé-

a la main les plus en usage. La ratissoire dont dant à des pluies violentes (fig. 43 La fourche .

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TITHE 1. 1NSTRUMFNTS DE JARDINAGE. n
on bois à trois bras , susceptibles de s'écarter se trouver assez près de la prise d'eau pour
à volonté au moyen d'une branche de fer qui pouvoir être alimentée par le jet de la pompe.
lui sert de régulateur, est très utile pour m»r- Lorsque cette condition se trouve remplie, la
quer les rayons sur le sol avant de planter, pompe ordinaire, à demeure, est la plus solide
sans déplacer le cordeau plus d'une fois pour et la plus durable ; elle est tellement vulgaire
trois raies parallèles <Jig. 44). que nous nous abstenons de la figurer.
Lorsque l'eau doit être puisée dans un bassin
ou une pièce d'eau, sur les bords de laquelle la
pompe à demeure produirait un effet désagréa-
ble a la vue, on peut la remplacer par une
pompe portative (fig. 46).

Mais le jardin qu'on se propose d'arroser


peut être séparé Je la rivière où l'eau doit être
fig. 44, 45, 43, 42.
puisée, par des accidents de terrain qui rendent
Le crochet à fumier (fig. 45) est une fourche difficile l'emploi des tuyaux plongeant directe-
à deux dents, formant un angle droit avec son ment dans cette rivière. On peut alors se ser-
manche. vir avec avantage de la pompe de M. Dietz (fig.
47). Le jet de la pompe Dieu, la plus portative
Section U. — Instruments d'arrosage. Pig. 47.

L'eau est , fumier, la base de toute


après le
bonne culture jardinière; les instruments ser-
vant à la distribuer aux végétaux sont d'une
haute importance pour le jardinier. Nous
avonsdécrit la manivelle des maraîchers, p. 17-
Cette manivelle nous semble l'un des appareils
les plus simples et les plus commodes pour ex
traire l'eau des nuits; mais cet apnareil n'est
pas admissible dans les jardins d agrément.
Nous nous abstiendrons de décrire ici les di-
verses sortes de norias ou de chaînes sans fin
garnies de godets, destinées à en tenir lieu,
on les trouve figurées et décrites, t. I, p. 251; ,

elles sont toutes, sans exception, très chères et


très difficiles à manier; nous en citerons un
exemple. L'un de ces appareils, monte chez un de toutes les pompes lançantes, peut franchir
propriétaire, dans une commune des environs [ un espace de 30 mètres. Supposons un jardin
de Paris, après lui avoir coûte 1,600 Ir. à et a- dépourvu d'eau séparé d'une rivière naviga-
]
,
blir, exige pour fonctionner une telle dépense ble par une berge et un chemin de hallage,
de forces que l'eau lui revient à plus de 2 fr. ayant ensemble une largeur de 25 mètres. Le
l'hectolitre, rien que pour arriver aux ton- premier tonneau de la série destinée à l'arro-
neaux, et sans compter le salaire des ouvriers sage de ce jardin, pourra être rempli par le
qui viennent y remplir leurs arrosoirs. jet de la pompe Dietz ; ce jet décrira une para-
Les pompes sont, de tous les instruments bole au-dessus du chemin , sans qu'il soit né-
d'arrosage , les plus propres à remplacer dans cessaire d'y poser momentanément des tuyaux
les jardins d'agrément, sans les déparer, les qui gêneraient la circulation et seraient mis
manivelles et les norias. promptement hors de service.
S I
er
. — Poai|H-s.
La pompe Dietz peut encore être utilisée
pour 1 arrosage direct des planches lans un
L'emploi des pompes suppose , dans un jar- jardin qui possède une pièce d'eau. Dans ce cas
din, soit un courant d'eau vive, soit un réser- on peut remplacer les tonneaux enterrés par
voir alimenté par un courant, soit enfin un ou des tuyaux flexibles, tels que ceux qui servent
plusieurs puits qui ne tarissent pas. Quelle que à l arrosage dans les jardins publics de Paris.
soit la pompe que l'on se propose d'employer, A la vérité, ces tuyaux, pour un très grand
il faut presque toujours disposer dans le par- jardin, coûtent fort cher et exigent des frais
terre et le potager une série de tonneaux en- d'entretien considérables, mais ils épargnent
terrés, communiquant entre eux par des tuyaux les neuf dixièmes de la main-d'œuvre, eu sorte
en terre cuite ainsi que nous l'avons indiqué,
, qu'il y a presque compensation. .

p. 17. L'une d«s extrémités de cette série doit Lé pompe-Diétl a sur toute* Ici autre* l'ivàn-

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24 HORTICULTURE. LIV. VIII.

tage d'exiger très peu de force pour fonction- canisme intérieur est le même que celui du cly-
ner; construite dans de petites dimensions, elle soir ;il est dû au même inventeur.

peut être manœuvrée par on enfant et donner La continuité du jet de cette pompe est duc
2,592 litres par heure, soit pour une journée au double cylindre qui sert d'enveloppe au
de 8 heures 20,736 litres; dans ses plus gran- corps de pompe; l'eau dont s'emplit l'inter-
des dimensions, manœuvrer par un homme valle contre l'un et l'autre cylindre suffit a ali-
robuste, elle peut donner jusqu'à 7.932 litres menter le jet, en évitant l'interruption qui a lieu
par heure, soit 79,320 litres pour 10 heures. dans les pompes ordinaires pendant le va-et-
L'inspection de la fig. 48 montre suliisam- vient du piston.

49.
La seringue à gerbe, dont la fig. 52 montre
fig. 48,
le corps et la fig. 53 le piston, est an diminutif

Fig. 62.

Fig. 53.

de la pompe à main ;
c'est cette pompe réduite
à sa plus simple expression. Son principal em-
ploi consiste a rafraîchir le feuillage des arbres
et arbustes dans la serre et l'orangerie.

S U. - Am»oi«.
La forme française des arrosoirs (fig. 54 )

ment l'usage de la pompe ordinaire a main. La


gerbe d'arrosoir qui la termine peut être rem-
placée par un tuvau surmonté d'une plaque de
cuivre (fig. 49) ; l'eau , en glissant sur cette pla-
que, retombe en pluie très divisée.
Les différentes parties du tuyau se démon-
tent; leur forme et leur longueur peuvent va-
rier à l'infini ; comme, ils s'emhoitent l'an dans
l'autre, on peut à volonté changer la direction fig. 55,
du jet. L'attache en fil de fer tenant an second
coude sert à l'assujettir à un obstacle fixe, un convient particulièrement à la culture marai-
arbre ou un piquet, par exemple, sans gêner les \ chère ; la gerbe large , percée de trous assez
mouvements au travailleur, comme le ferait grands, laisse échapper l'eau sous forme d'une
une attache fixée au corps de pompe. grosse pluie.
La pompe, dont la fig. 50 montre le corps et L'arrosoir à côtés plats.de M. André Leroy

Fig. 50, (fig. 56 6w), est, en raison de sa forme, plus fa-


Kl.

Hg. 56 kit.

clle à transporter que les arrosoirs de forme ar-


rondie; la disposition de l'anse rend, à poids
égal, la charge plus légère que celle de l'arro-
soir ordinaire, fig. 54. Celui de M. A. Leroy
n'est pas sujet comme celui-ci à se vider en
partie avant d'arriver à sa destination.
D'autres formes d'arrosoirs conviennent
mieux aux plantes plus délicates que les plantes
potagères, dont une partie pourrait à la rigueur
être arrosée avec un seau sans avoir beaucoup
à en souffrir. L'arrosoir anglais, pour les végé-
la fig. 51 la coupe, est à jet continu ; son mé- taux de pleine terre, permet de mieux modifier

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TITRE I. INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 25

la distribution de l'eau, à cause de


forme
la Section III. — Instruments de trantport.
aplatie et de la situation horizontale de sa
gerbe (fig. 55).
Nous croyons inutile de représenter ici les
L'arrosoir anglais pour les serres (fia. 56) différents genres de brouettes, de hottes et de
réunit les deux conditions essentielles de ré- civières ces ustensiles, d'une utilité incontes-
;

pandre Peau sous forme d'une pluie extrême- table dans les jardins, sont si connus qu'il suf-
ment fine, et de porter à une assez grande dis- fit de les indiquer; ils sont d'ailleurs" figures

tance , ce qui le rend fort utile dans les serres dans notre tome premier.
où la circulation est souvent difficile. Le grand chariot, ou diable à transporter les
Fig. 67.

orangers (fig. 57) fut inventé à Rouen, sous


, gers ne sont pas nombreux. L'avantage de ce
le règne de Louis XIV, par un pépiniériste chariot est de n'avoir pas d'essieu commun
nommé Vallet ; il sert à mettre en place les aux roues de derrière , de sorte que tout l'ap-
orangers dans les allées des parcs ou des grands pareil embrasse la caisse et la saisit pour la dé-
jardins qu'ils doivent orner pendant la belle poser à sa place sans déranger l'arbre de sa
saison ; son usage est nécessairement très borné position verticale.
surtout en France, où les grands jardins paysa- Nous devons aussi mentionner l'appareil de
Fig. 60, &9, 58.

Saul (fig. 58, 59 et 60), pour enlever et trans- dimensions, n'excédant pas le poids de 120
planter les arbres ; quelques très riches pro- à 150 kilogrammes. La fig. 61 montre corn-
priétaires peuvent seuls avoir occasion d'en
Fig. 61.
faire usage.
La pièce détachée (fig. 59) s'adapte à la pièce
semblable (fig. 60) au moyen des tringles mo-
biles C, qui se déplacent à volonté; lorsque la
terre est très légère, on peut couvrir ces trin-
gles de planches sur lesquelles repose la motte
tenant à la racine de l'arbre arraché; au moyen
de cette précaution, la motte qu'il importe de
conserver entière ne risque pas de s'émietter
pendant le transport.
Un chariot a bras, fondé sur le môme
principe, est beaucoup plus usité pour le dé-
placement des caisses d'arbustes de moyennes ment il nrend et met en place les caisses,
n«Tici i i rnr. T. T. —4
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26 H0RT1C LTURE. LIVRE VIII.

qui se trouvent chargées et déchargées pour emploie un sécateur plus grand dont les bras ,

ainsi dire d'elles-mêmes, sans exposer à aucun se terminent par deux longues poignées en bois
accident les ouvriers ni les arbustes. Ceux-ci (fig. 65). Ce sécateur prend dans ce cas le nom
n'y conservent pas constamment leur situation d'ebrauchoir.
verticale ; mats le volume et le poids de leur
tête étant moindres que celui des grands oran- S III. — Serpe.
gers, il n'en résulte aucun inconvénient. Rien de plus connu que cet instrument; il
faut le choisir fort épais du dos, et d'une très
Section IV. — Instruments servant à la taills bonne trempe ; la meilleure forme de serpe est
des arbres. représentée fig. 66.

§ IV.
$ — S*rpette*.
OoiJMUt.

Il est bon d'avoir deux ou trois serpettes oe


différentes grandeurs. Quoique depuis quelques
années le sécateur, inventé par M. Bertrand de
Molle vi I le ait détrôné la serpette, il y a encore
,

une foule de cas où cet instrument ne peut être


remplacé. Les serpettes à manche rude sont
préférables à celles dont le manche est poli,
parce que ces dernières glissent dans 'la main
et rendent la taille moins assurée. La fig, 62
représente la forme la plus convenable pour
les lames de serpettes, qui ne doivent jamais être
trop courbées vers la pointe. Pour toutes les
tailles délicates et minutieuses qui exigent de la
orécision, la serpette est préférable au sécateur.

§ II. — Séealeur».
sente le croissant à manche court ; on l'emploie
Cet instrument, aujourd'hui très répandu, aussi très fréquemment avec un manche long
est beaucoup plus expéditif que la serpette, mais de plusieurs mètres , pour élaguer de grands
il ménage moins les arbres dont il endommage arbres, sans monter dessus ni se servir d'une
souvent l'écorfce. On rend cet inconvénient échelle.
moins grave en tenant constamment le tran-
chant de la lame tourné en dehors ; ainsi , dans § V. — Émoodoirs.
la taille d'un arbre en quenouille ou en plein L'émondoir connu et employé de toute anti-
vent, la lame du sécateur, de quelque côté quité en BHgiuue, a passé de'ce pays en Hol-
qu'on opère , ne regardera jamais le tronc ; lande, et de là en Amérique, d'où on nous le
clans la taille d'un espalier elle ne regardera rapporte comme une chose toute nouvelle. Cet
jamais la muraille. La fiy. 63 représente le sé- instrument est préférable à tous les autres pour
Fig. 64, 65, 63, 62. l'émondage et l'élagage des grands arbres. Sa
forme la plus simple et la plus antique fiy 68) (

est celle d'un ciseau très fort, à tranchant très


acéré, muni d'une douille à laquelle s'adapte un
manche plus ou moins long on peut lui dunner
:

3 ou 4 mètres en cas de besoin. Tous lesémon-


doirs s'emploient comme le ciseau, en frappant
sur le bout du manche, pour faire pénétrer le
tranchant dans le bois. L'émondoir attaque les
branches par-dessous, de sorte qu'il ne risque
jamais de les faire éclater à leur point de jonc-
tion, ce qu'il est quelquefois très difficile d'évi-
ter lorsqu'il faut frapper dessus avec la serpe
ou le croissant ; en outre, il s'introduit facile-
cateur ordinaire ; pour empêcher qu'il ne glisse ment dans l'intérieur îles têtes de pommier* ou
dans la main, on passeordinairemeiil un anneau d'autres arbres très limitas, ou il est difficile
de cuir dans un trou que doit avoir à cet effet de ou même le sécateur à
faire agir la serpette,
la branche qui porte la lame ou le croissant du longs manches.
sécateur. L'émondoir à lame carrée (fig. 69) entame
Le renflement qui termine les branches du plus facilement les grosses branches. L'émon-
sécateur, représenté fig. 64, permet de se pas- doir- serpe (fig. 70) réunit l'effet de ces deux
ser de cet anneau, qui gêne dans certains cas instruments; la lame courbe qu'il porte sur un
l'emploi de cet instrument. de ses côtés nuit beaucoup à la solidité de son
Lorsqu'il s'agit de retrancher des branches tranchant supérieur qui. pour cette raison,
assez fortes hors de la portée de la main, on s ebreche bien plus aisément que celui de l'e-

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TITRE I. INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 27

mondoir simple our les bois très durs on doit


. i
{;reffoir le plus commode pour et le plus usité
donc proférer les emondoirs représentes fig. 68 a greffe en fente. La fente se commence avec
et 69. la partie tranchante, seule partie de l'instru-
ment qui soit nécessairement en acier, tout le
§ VI. — Scies.
reste est en fer; on l'élargit avec la spatule,
Le jardinier doit en avoir nn assortiment de pour introduire la greffe Cet instrument est
différentes dimensions, depuis le simpie cou- surtout précieux lorsqu'il s'agit de greffer sur
man- plusieurs branches des cerisiers ou des poi-
teau-scie (fig. 71) jusqu'à la forte scie a
riers recëpés dans toute leur force.
fij. 73, 72, 75, 74. 71.
D. Greffoir-Noisette. —
Cet instrument est
exclusivement destiné à la greffe, dite à la
Pontoise ; il exécute sur le sujet l'entaille trian-
gulaire propre à ce genre de greffe, soit en
poussant bas en haut la lame droite A. (fig.
«a. so.

cïie evidé {fig. 72), capable de couper les gros-


ses brandies des plus grands arbres forestiers.
Le marieau-scie réunissant les avantages de
ces deux instruments, commence à être tort en
usage {fig. 73).

§ VII. — Cisaille*.

Les cisailles vues de face


fig. 74 et de pro- fig. 86, 84, 81.
fil fig. 75 servent à émonder les haies et les
80 ), soit en tirant de haut en bas la lame ren-
arbustes qui. sur le bord des massifs, dans le
versée B (fig. 81). Le greffoir - Noisette doit
jardin paysager, finiraient par envahir les al-
donc avoir ses deux lames de rechange; elles
lées, si l'on n'avait soin de les arrêter en les
s'adaptent au manche fig. 83) au moyen d'une

tondant tous les printemps.


vis de pression. Les mêmes lames servent à

Section V. — Greffoirs. tailler la greffe ( fig. 82) il faut beaucoup d'a-


dresse et d'habitude pour lui donner l'angle
;

convenable et faire en sorte qu'elle s'ajuste


La fig. 76 représente le greffoir commun
exactement dans l'entaille du sujet {fig. 84).
Kg. 78, 79, 77, 76. Les instruments représentés fig. 85 86 con- ,

courent à l'opération de la greffe, en ce qu'ils


enlèvent exactement et d'un seul coup, des
,

anneaux d'ecorce pour la greffe en anneau.

Section VI. — lnttruments pour ta destruction


des animaux nuisibles.

§ I. — hchenilloir*.

Le but de ces instruments est d'atteindre les

Fig. 88, 87.

pour la greffe en écusson la lame de ce gref-


;

foir doit se fermer comme celle d'un couteau de


poche.
A. Greffoir à repoussoir. Il ne diffère du—
précédent que par la faculté de faire rentrer la
lame dans le manche; ce qui en rend l'usage
plus commode 77).
{fig.
B. Grcffnir-Madiot. —
Dans ce greffoir
{fig.
78), la spatule qui sert à lever Pecusson, au lieu
d'être d'ivoire et ajustée à l'extrémité du man-
che, est d'argent et soudée à la lame du greffoir.
C. Greffoxr en fente. —
La fig. 79 montre le

Uigiti; :ed by Google


28 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

nids de chenilles placés hors de la portée de la certain que les pièges Indiqués fig 9 2 e 1 9 3 car il
. .

main, et de les enlever avec le bout de branche Fig. 89, 93.


,
qui les porte, sans courir le risque, en les lais-
sant tomber, de disperser les chenilles dans le
feuillage de l'arbre; telle est la destination
spéeiale de l'arrêt en cuivre fixé à la partie in-
férieure de la douille {fig. 87).
La fig. 88 représente un autre échenilloir
3ue sa construction rend plus facile à employer
ans les arbres à feuillage très touiïu, là où
celui (jue représente la fig. 87 serait trop dif-
ficile à manœuvrer.

§ II. — Binetle pour détruire les «ers blancs.

L'inventeur de cet instrument, représenté de


face fig. 89 et de profil fig. 90, lui a donné
très improprement le nom de binette, quoiqu'il
Fig. 90,
n'ait aucune analogie avec la binette ordinaire ;
c'est d'ailleurs un outil fort utile, joignant à arrive très souvent que la taupe ne déplace
l'avantage de remplir très bien son but, celui point la plaque servant de détente à la pince
de donner en outre au sol une excellente pré- ordinaire.
oaration. La fig 93 ne montre que la moitié du cylin-
,

dre en bois blanc , renfermant le piège ; on y


§ III. — Pince à prendre ies taupes.
attache l'autre demi-cylindre avec un lien so-
Rien n'est plus usité que cette pince repré- lide, avant de le placer en terre, sur le passage
sentée fig. 91 Elle est pourtant d'un
. effet moins présumé de la taupe.
Fig. 96

Les fig. 95 et 96 représentent dans deux eommon man-trap; celui qui estropie seule-
Sositions différentes un autre genre de piège ment est regardé comme philanthropique; il
ont l'inspection suffit pour faire comprendre donne aux propriétaires, qui s'en contentent,
le mécanisme. 11en est de même du trébuchet une réputation d'humanité; on le nomme Au-
commun ou 4 de chiiïre ,
97 ; il peut , en
fig. man man-trap.
variant ses proportions, servir à prendre des Nous nous abstenons de donner à nos lec-
rats, des loirs, des belettes et d'autres animaux teurs la description de ces inventions vraiment
nuisibles au jardinage. anglaises, qui ne nous semblent pas, comme à
Loudon , dans son Encyclopédie du jardi- M. Loudon, d'absolue nécessité dans un jardin
nage, indique, entre autres instruments indis- bien tenu. Afin de n'être pas soupçonnés d'exa-
pensables dans un jardin, deux pièges à pren- gération, nous renvoyons nos lecteurs au texte
dre des hommes (man-trap). Le premier tue anglais, pag. 655 , "paragraphes 2321 ,2322
raide ; c'est, dit Loudon, un objet de première et 2323. «
nécessité (absolutelv necessary) dans les jar-
dins placés près des grandes villes; le se- Sectios Vil. — AbrHs.
cond nomme piège charitable par les Anglais
comparativement avec l'autre, ne fait que § I". — Paillassons.

casser la jambe : tous deux sont fort en usage Les ustensiles compris sous ce titre forment
aux environs de Londres. En Belgique, on se plus dispendieuse, mais aussi la plus
la partie la
contente de placer en évidence des écriteaux utile du mobilierdu jardinier ; sans eux , aucune
pour avertir de se méfier des pièges à loups qui culture forcée n'est possible. Le plus simple de
n'existent pas. Nous ne connaissons que l'An- tous les abris est le paillasson du maraîcher. La
gleterre qui possède et emploie pour la conser- fig.98 représentant son cadre, la fig. 99 la corde
vation des produits du jardinage un genre de vue séparément, et la fig. 100 la navette, mon-
piège exclusivement destiné a détruire des trent comment il se fabrique. On pourrait don-
nommes. Celui qui donne inévitablement la ner aux paillassons une longueur indéterminée;
mort à ceux qui s'v laissent prendre est le plus mais, pour l'usage, il est plus commode de ne
fréquemment usité; les Anglais le nomment '1er deux à trois mètres. Les services

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T1T1E 1. INSTRUMENTS DE JARÎJlNAGE. 29

/if. M. la porte, en s'ouvrant, donne de plante


l'air à la

Soi s'en trouve protégée.


La même construc-
on, sans porte ni chapiteau, fig. 104, est aussi
fort utile , de même que le contre-sol en terre
cuite, fig. 105.

C III. — Châ&sij.

Les meilleurs des abris parce qu'ils admettent


,

la lumière en interceptant le vent, la grêle et la


pluie, et en conservant la chaleur, ce sont les
abris vitrés. Le plus important, pour la culture
jardinière, c'est le châssis, fig. 106, 107 et 108.
Fig. 100.

Fig. 100, 99.

rendus au jardinage par les paillassons sont


innombrables. Attachés à une longue traverse,
supportant de distance en distance des demi-
cercles de tonneau (fig. 101), ils servent à cou-
Fig 104, 103, 102.

L'inspection de ces ligures en montre toutes


les dispositions; les parties essentielles sont les

1 06) et les gouttières (B, fig.


crémaillères (A, fig.
107). Lorsqu'on fait faire des châssis neufs, il
108.

Fig. tOI.

vrir, sans les froisser, des pois, des haricots, faut lesexaminer attentivement pour s'assurer,
des salades, et toutes sortes de plantes potagè- avant de les recevoir, qu'il ne s'y trouve ni fen-
res hâtives ou tardives. tes ni trous, et s'il y en a, quelque petits qu'ils
Un abri de paillassons du même genre, mais puissent être , on doit s'empresser de les taire
planté dans le sol par deux montants verticaux boucher avec de bon mastic. Un châssis en bois
( fig. 102)
, forme pour les jeunes arbres et les de chêne, garni de ses trois panneaux vitrés,
arbustes délicats une excellente protection con- coûte à Paris 100 fr. , et il ne couvre qu'un
tre les vents froids et la grêle. On forme aussi espace de 3 mètres de long , sur 1 m ,32 de large,
d'excellents abris avec des tiges de maïs ou des soit 3 m ,96 carrés. Les châssis peuvent durer
roseaux joints ensemble par un procédé sem- fort longtemps s'ils sont bien construits et qu'on
blable, ou simplement, lorsque la grosseur des ait soin de leur donner tous les ans une couche
tiges le permet, traversées par un brin de fi- de peinture grise à l'huile. Il faut placer les
celle, au moyen de trous qu'on perce vis-à-vis panneaux à couvert, en piles, quand on ne s'en
Pan de l'autre. Ce procédé est spécialement sert pas ; la grande chaleur les dégrade bien
utile dans les contrées méridionales, où la paille plus promptement que l'humidité.
entière, propre à la confection des paillassons, Lorsqu'on ne s'adonne pas à la culture des
manque totalement , parce que le blé n'étant plantes potagères de grande primeur, on peut
jamais battu au fléau, mais dépiqué sous les remplacer le verre par du calicot enduit d une
pieds des chevaux et des mulets, les pailles sont solution de gomme élastique (caoutchouc), ou
triturées et à peu près perdues. même par un simple papier huilé. Comme dans
ce cas la charge supportée par le châssis est des
S H. — Abrii d'oiier et de terre cuite.
plus légères, on peut le faire en bois blanc et le
Apres les paillassons, les abris d'osier en rendre ainsi très peu dispendieux; toutefois
ouvrages de vannerie, quoique moins fréquem- pour les châssis garnis en toile ou en papier,
ment employés, ne sont pas moins utiles. La la forme cintrée, fig. 109, est la plus favorable
fig. 103 montre une sorte de cage d'osier dont à leur conservation; c'est celle qu'ont adoptée

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HORTICULTURE. livre vin.

les cultivateurs de melons en plein champ en — Cloche* économiques.


| V.
Normandie, pour élever le plant, et ils s'en
trouvent très bien. Il ne faut pas oublier la la culture ordinaire des plantes pota-
Pour
gères, et pour celle des melons qui ne
même
Fis. 109.
sont pas de grande primeur, les cloches en ca-
licot gommé ou en papier huilé sont très écono-
miques. On prépare à cet effet une charpente
en osier et en lil de 1er (fig. 112); on prend
pour moule, soit un bloc de bois, soit un seau
renversé, soit un panier de grandeur conve-
nable ; il faut laisser au sommet une boucle en
fil de fer pour la facilité du service. La fig.
1 1

montre une de ces cloches terminée; les pieds


servent à la reienir en s'enfoncant dans la
terre , sa légèreté la rendant très susceptible
d'être emportée par le vent.
corde retenue par un crochet ( A fig. 109); faute
Ces cloches recouvertes en calicot gommé
de cette précaution, le premier coup de vent
peuvent s établir à 25 cent. , façon comprise ;

un peu fort ne manquerait pas d'emporter le


recouvertes en papier, elles ne coûtent que 15
cent. et peuvent durer deux ans. La cliar-
,

$ IV. — Cloche». pente dure nombre d'années lorsqu'on <

on la recouvre en calicot gomme pour 15 cent.,


Les plus solides de toutes les cloches à l'u-
et en papier huilé pour 8 cent, environ.
sage des jardiniers, se nomment verrinn (fia.
Aux environs de Honlleur on remplace les
110). Le fer et le plomb qui en forment la
cloches par un procédé encore plus simple et
Fig. 112. moins dispendieux, dont on pourrait tirer parti
même sous le climat de Paris. On lixe tout sim-
plement en terre deux baguettes d'osier, qu on
recourbe en arcades, se croisant au-dessus de
la plante qu'on veut garantir {fig.
1 1 4). On jette
Fig. 115, H4-

Fig. 113, m, 110.

charpente leur donnent une solidité hien supé- par-dessus une feuille de panier huilé ou un
rieure à celle des cloches en verre d'une seule morceau de calicot gommé, qu on assujettit avec
pièce (fig. 111); mais une cloche en verre coûte des pierres (fig. 115).
Lorsqu'on applique ce
1 fr. ; on peut même, quand on en prend des système d'abris à des planches entières de plan-
centaines à la fois, obtenir une diminution de tes cultivées en lignes, les arcades de baguettes
quelques centimes. La moindre verrine coûte forment une sorte de galerie continue (fig. 1 16).
5 fr. ; peu de maraîchers seraient assez riehes Fig. 116, 117.
pour remplacer par des verrines les milliers de
cloehes qui leur sont indispensables.
Dans les jardins d'agrément , où il ne faut
qu'un petit nombre de cloehes, les verrines
sont préférables; elles résistent mieux à la prêle;
elles peuvent aisément se réparer lorsqu'un de
On couvre ces arcades, soit en calicot gommé,
leurs carreaux de vitre vient à se briser ; la clo-
che de verre, une fois cassée, ne vaut plus rien. soit avec des paillassons. La fig. 117 montre
Le Bon Jardinier indique, comme propre à ces paillassons à demi déroulés derrière les plan-
tes, de manière à leur former une sorte d'es-
raccommoder les cloches cassées, un mastic de
palier très favorable à la concentration de la
blanc de céruse et d'huile de lin. Ce mastic
prend en effet très bien sur le verre ; toutefois, chaleur.
les cloches ainsi réparées sont très peu solides ;
leur maniement demanderait de la part des ou-
Section VIII. — Cueilloirs.
vriers des précautions qu'on ne peut raison-
Si".
nablement en attendre; elles ent raineraient
cueillir, sans
Ces instruments sont destinés à
d'ailleurs une perte de temps bien plus coûteuse
que l'achat de cloches neuves ; une cloche cas- les endommager, sans avoir recours aux
et

sée doit donc être considérée comme perdue échelles , hors de la portée de
les fruits placés

pour le jardinier. la main sur les arbres à haute tige.

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INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 31

A. Cueilloir-volant. —Sa forme justifie son de poires; on l'emploie aussi dans la serre et
nom ; la queue du fruit se prend entre deux de l'orangerie pour cueillir des fleurs que la main
ses montants, et se détache par un léger effort, ne saurait atteindre ( fig. 122).
sans exposer le fruit à tomber par terre et à Los trois premiers de ces instruments sont
s'écraser (/ty. 118). d'un prix peu élevé, à la portée de tous les jar-
B. Cueilloir-Gobelet. —
C'est un godet en diniers; les deux derniers ne conviennent
tôle, dont les bords sont dentés en scie; il qu'aux riches amateurs.
est spécialement destiné à cueillir, sans le se- On range improprement parmi les cueilloirs
cours d'une échelle, le raisin des treilles éle- un crochet adapté à un très long manche
vées, telles que celles qui courent en cordon ( fig.
123 ), destiné, non pasà cueillir, mais à
sur le sommet d'un mur d'espalier. On passe faire tomber les noix, les amandes et les châ-
sons la grappe, puis, par un léger
le cueilloir taignes, fruits que leur chute ne saurait en-
mouvement demi-circulaire, on frotte la tige dommager. L'usage de cet instrument devrait
sur lebord du g det , ce qui suffit pour la être substitué partout à celui de la gaule
couper (fig. 119) Îui mutile indignement les noyers, les aman-
iers et les châtaigniers.
Fig. 120, 119, 118.
Le crochet sert aussi pour abaisser les bran-
ches flexibles des arbres , et mettre les fruits à
la portée de la main

Sbctiow IX. — Transplantoin.


* I».
Le plus simple de tous les transplantoirs est
une truelle à bords tranchants représentée
de face fig. 124 et de profil fig. 125, dont on
Fig. 127, 128, 126, 116, 124.

C. Cueilloir à ciseaux. Le fruit coupé —


par deux lames de ciseaux qu'une ficelle fait
agir à volonté , est reçu dans un panier placé
au-dessous (fig. 120).'

D. Cueilloir à filets. Son mécanisme assez
compliqué rend ce cueilloir fort cher; son
principal mérite consiste à éviter au fruit toute
espèce de frottement et à conserver, par
,

exemple, aux prunes violettes, cet enduit blan-


châtre qu'on nomme fleur (fig. 121).

se sert pour couper la terre tout autour de la


plante à transplanter et pouvoir l'enlever en
motte sans déranger ses racines. Quand la
terre offre une consistance suffisante, ce mode
très expéditif de transplantation réussit par-
faitement.
A. Transplantoir à branches. —
Les deux
demi-cylindres dont il est formé ( fig. 1 26 ^
entrent en terre en embrassant le pourtour de
la plante ; ils doivent être en tôle forte, bien
tranchants à leurs bords inférieurs. Il faut
avoir soin de ne pas enlever l'instrument trop
droit, sans quoi la motte de terre pourrait glis-
ser et faire manquer l'opération. Le même
instrument est plus facile à manier quand les
demi-cylindres sont d'une forme légèrement
F.». 123, 122, 121.
conique, un peu plus étroits du bas que du
E. Cueilloir à branche». — Il est. comme le haut.
précédent, cnmpliqué et cher; il ne peut servir B. Transplantoir forestier. —
Quoique cet
que pour les fruits dont la tige offre une prise instrument soit particulièrement en usage dans
suffisante, comme le raisin et quelques espèces les forêts pour 'e repeuplement des clairières,

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HORTICULTURE. Livnx vin.

au moyen des jeunes arbres levé* en motte, il parer de la motte pour être retiré de terre, sans
peut néanmoins rendre de grands services dans qu'on emploie ni le repoussoir, ni le second
les jardins. C'est une bêche à fer demi-cylin- cylindre du transplantoir représenté fig. 130.
drique (fig. 127) ou presque complètement En Normandie, où ces deux transplantoirs
cylindrique, comme on le voit dans la fig. 1 28. sont très usités, mais exclusivement pour la
Avec le premier on donne deux coups vis-à-vis culture du melon, on les connaît sous le nom
l'un de autre pour détacher la motte de terre;
1 de lève-melon.
avec le second, après avoir enfoncé le 1er, on
lui imprime à droite ou à gauche un mouve- Section X. — Pots et caisses.
ment pour achever de couper la motte et pou-
voir l'enlever sans la rompre. $ 1". — Pou.
C. Transplantoir à cylindre. — Cet instru-
Dans les pays où le goût des fleurs est plus
ment est le transplanloir proprement dit; il
est presque seul employé par les fleuristes ; sa répandu qu'en France, on donne de plus gran-
construction permet dé s'en servir pour lever des dimensions aux pots à fleurs, proportion-
en motte toute sorte de plantes en fleur, et spé- nellement au développement des plantes qui
cialement des plantes bulbeuses, sans troubler doivent y végéter; les résultats de cette mé-
leur végétation. Il se compose de deux cylin- thode constamment suivie en Angleterre et en
dres emboîtés l'un dans l'autre, la fig. 129 re- Belgique montrent suffisamment ses avanta-
Êes. Les racines des plantes se trouvent fort
Fig. 132, 129. ien des proportions représentées (fig. 134)

Fig. 141, 137, 134.

Fig. 133, 131, 130.

présente sa forme extérieure; sa coupe, fig. 130, Fig. 140, 139, 136.
indique la manière de s'en servir; le bord in-
férieur du premier cylindre est coupant; on quelle que soit la grandeur absolue des pots à
l'enfonce en terre en appuyant sur les anses, et fleurs; on voit que ce modèle, presque aussi
il détache la motte tout autour de la plante ; le large en bas qu en haut . est beaucoup plus
second cylindre, muni d'un rebord à son extré- profond que nos pots à fleurs ordinairement
mité inférieure, sert à retenir la terre et à l'em- en usage.
pêcher de suivre le mouvement du premier cy- Les pots dont le fond se termine intérieure-
lindre, lorsqu'on veut le retirer après avoir ment par une surface hémisphérique sont les
mis la plante en place. plus favorables à l'écoulement de l'eau pour les
Quelquefois le second cylindre est remplacé végétaux dont les racines redoutent un excès
par un instrument nommé repoussoir ( fig. 131), d'humidité. La fig. 136 représente la coupe
Jont l'usage est exactement le même. d'un de ces pots, et la fig. 135 le même pot
Lorsque la plante levée en motte doit être renversé pour rendre visibles deux canaux croi-
transportée à une certaine distance, on empê- sés à angle droit et creusés dans l'épaisseur du
che la terre de se détacher de dessous les ra- pot qui sillonnent le fond.)
cines en posant le transplantoir tout chargé Les pots de deux pièces solidement jointes
sur un plateau à rebord (fig. 132) qu'on ôie au ensemble par des fils de fer (fig. 137) sont in-
moment de la mise en place. dispensables aux plantes qui souffrent beau-
Le transplantoir est plus facile à manier coup par le rempotage. On détache aisément
lorsqu'il se compose de deux pièces demi-cy- les deux parties de ces pots, sans donner le
lindriques, jointes par deux charnières, dont moindre ébranlement aux racines; la motte de
l'une est maintenue par une tige en fer à de- terre, replacée dans un pot plus grand, est en-
meure, l'autre par une tige mobile munie d'un tourée de terre nouvelle, sans interrompre ni
anneau pour l'enlever à volonté ( fig. 133). troubler sa végétation
Au moment do la transplantation, le cylin- Le pot à marcotter, d'invention belge, est
dre ainsi construit peut s'entr'ouvrir et se sé- fort utile pour obtenir des marcottes d'œillcts

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INSTRUMENTS DE JARDINAGE. 33
TITRE 1.

à hante tige; la fenlc latérale (fig. 138) sert à représente le banc du treillageur, au moyen
introduire la branche; l'oreille percée sert à duquel on peut redresser à volonté les brins
suspendre le pot au tuteur de la plante. Les qui s'éloignent trop de la ligne droite; on les
dimensions ordinaires de ces pots ne dépassent façonne au moyen du planeur (fig. 148) ; les
pas 0,08 d'ouverture, et 0,10 de profondeur. Fig. 148, 147.

§ II. Caiu-s.

Les petites caisses ordinaires ne se démon-


tent pas ; les dimensions des arbustes qu'on y
élève permettent toujours de leur appliquer le
même procédé de rempotage qu'aux plantes
qui végètent dans des pots.
Les grandes caisses (fig 139, 140, 141)
sont destinées aux arbustes de grandes dimen-
Fis. l i 6.
sions ; on voit comment les côtés se déplacent
pour le renouvellement de la terre épuisée, et pinces à attacher le fil de fer, représentées fig.
pour le changement des caisses devenues in- 147 , peuvent servir à une foule d'autres usages.
suffisantes.

Le service des espaliers se fait avec une TITRE II. — CULTURE ARTIFICIELLE.
échelle simple ordinaire dont tout le monde
connaît forme et l'usage il en est de même
la ; CHAPITRE I
er
. — Couches, bâches et sebbes a
du marche-pied et de l'échelle double. FOBCER (FORCING-UOUSB).
L'echclle-brouette offre une combinaison
très simple et très ingénieuse de ces deux in- Section I". — Coucha.
struments; elle fait tour à tour, selon le be-
soin, l'office de brouette ( fig. 142), d'échelle L'horticulture ne borne pas ses soins aux
simple (fig. 143) et d'échelle double (fig. 144). végétaux que chaque climat accorde aux habi-
Fig. 146, 144.
tants des diverses régions du globe J elle sait
en outre donner aux contrées les moins favo-
risées de la nature les productions des climats
les ; elle sait surtout prolonger, pour
plus doux
les pays où
les hivers sont longs et rigoureux,
la récolte des produits sensibles à l'action du
froid; enfin, elle parvient, en hâtant avant le
printemps les premiers efforts de la végétation,
a rendre susceptibles de fructifier sous l'in-
fluence du soleil d'été un grand nombre de
plantes, qui, sans cette précaution, ne trouve*
raient pas, sous les climats septentrionaux ou
même tempérés, assez de beaux jours pour
montrer leurs fleurs et mûrir leurs fruits : tels
sont les objets principaux de la culture arti-
Fig. 143, 142.
ficielle. On comprend sous ce titre tous les pro-
Dans les vergers où se trouvent de très cèdes de culture qui, ne pouvant s'accomplir
grands arbres à fruit, on peut en outre avoir en pleine terre à I air libre, nécessitent l'emploi
besoin de la grande échelle représentée (fig. des couches, bâches, orangeries.
145); mais elle a le grave inconvénient d'être Les établissements publics destinés à l'étude
fort peu maniable. de la botanique, possèdent seuls en France
tous les appareils que réclame la culture arti-
S VI. — Treillages.
ficielle; les jardins de quelques riches particu-
Bien que, près des grandes villes, l'art du liers, soit amateurs, soit spéculateurs, viennent
treillageur soit l'objet d'une profession sépa- dans l'ordre de leur importance, immédiatement
rée, tout-à-fait étrangère au jardinaee, néan- après ceux que l'État entretient.
moins, dans les localités isolées où l'on peut Le nombre des orangeries l'emporte sur celui
éprouver quelques difficultés à se procurer 'des des serres tempérées, plus nombreuses elles-
ouvriers, il peut être utile de savoir soi-même mêmes que les serres chaudes-sèches et les ser-
faire un treillage ou en diriger l'cxécuiion. res chaudes-humides. Ces dernières, nécessaires
Partout où H existe une forêt, on trouve ai- seulement à quelques familles de plantes des
sément des bûcherons sachant faire des lattes; tropiques d'un prix très élevé, sont assez com-
ils tailleront également bien des brins de treil- munes chez les riches amateurs de Belgique et
lage, en leur donnant les dimensions. Le treil- d'Angleterre, mais très rares en France.
lage ordinaire, en cœur de chêne, a 0,03 d'é- Les couches offrent des avantages si nom-
paisseur sur 0,04 de largeur. La figure 146 breux et si variés que leur usage devrait être
llO».T:-tf.Tlrtlt. T. V. —5
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34 HORTICULTURE. LIVaii Vlll.

universel nous n'en sommes pas encore là en


; I l'autre en commençant par placer à une extré-
France, mais depuis trente ans nous avons vu mité de la couche toute l'épaisseur de fumier
doubler le nombre des horticulteurs qui s'adon- qu'elle doit recevoir, et continuant ainsi à recu-
nent à la culture artificielle, et elle fait de jour lons. Cette méthode est moins bonne, mais plus
en jour de nouveaux progrès. expéditive. Les maraîchers des environs de Pa-
ris construisent leurs couches avec une rare ha-
§ l*r, — De» conchci en gênerai. bileté ils n'y emploient que du fumier presque
;

sec, mais ils l'arrosent immédiatement après que


La chaleur et l'humidité sont les deux prin- la couche est levée à sa hauteur, avant de lui
i

cipes essentiels do la vie végétale; lorsqu'à


donner sa couverture de terre ou de terreau.
l'effet de ces deux éléments se joint l'action
Pendant qu'ils vident leurs arrosoirs sur le fu-
d'un sol formé de terreau pur.ou seulement ri- mier, ils le compriment en dansant dessus avec
che en substances propres à développer la vé- une régularité parfaite, en sorte qu'on ne sau-
gétation, elle dépasse tout ce qu'on pourrait en rait trouver dans leurs couches des plus gran-
aitendre en pleine terre: ajoutez-y des moyens
des dimensions aucune partie plus ou moins
artificiels de maintenir les plantes à l'abri des
foulée que le reste ; on obtient ainsi l'égalité de
variations de la température extérieure, et, dans
fermentation, condition de laquelle dépend prin-
la saison la plus rigoureuse, vous pourrez ob-
cipalement la bonne confection des couches.
tenir des produits végétaux capables de riva-
On donne ordinairement aux couches chau-
liser avec ceux de la oelle saison telle est la
:
des, de 0 ,n ,65 à un mètre de hauteur, une lar-
théorie des couches, tels sont les principes qui
geur variable de 0 m ,80 à l m ,32, et une lon-
doivent en régler l'emploi. Les matières ani- gueur
indéterminée, mais qui est rarement
males et végétales dont elles se composent, élant au-dessous
de 2 m ,65. Les plus étroites ayant
en fermentation, donnent de la chaleur et de la 0 m
,65 de hauteur et 0 m ,80 de largeur sont des
vapeur humide, car sans humidité, pas de fer- tinées à donner les
récoltes forcées les plus
mentation les caisses en bois dont on les en-
;
précoces; leurs dimensions moindres permet-
toureet les châssis vitrés qui les recouvrent «con- tent de les
pénétrer plus facilement, et rendent
centrent la chaleur en excluant l'influence de
plus efficaca l'action des réchauds. On nomme
l'air du dehors, tandis que la terre normale ou le
réchauds ou réchaufs une certaine quantité de
terreau dont on garnit leur surface offre aux fumier en pleine fermentation dont on envi-
plantes le milieu le plus favorable à leur ra- ronne
une couche quand sa chaleur propre
pide développement. Les usages des couches
commence à baisser. Peu de cultures forcées
varient à l'infini; en indiquant la construction s'accomplissent
assez promptement sur couche
de chaque espèce de couches, nous donnerons chaude
pour qu'il soit possible de les mener à
un aperçu des principaux moyens de les uti- bien sans être obligé de prolonger la culture
liser ; elfes rentrent toutes dans trois divisions,
artificielle à l'aide des réchauds.
comprenant les couches chaudes, tièdes et Les couches les plus larges, ayant un mètre
9 OW 1 (Il ^ de hauteur sur une largeur de l'«,32, s'échauf-
§ II. —
Couches chaudes. fent et surtout se réchauffent plus difficile-
ment , mais elles conservent plus longtemps
Ce sont les plus utiles de toutes les couches. leur chaleur. Dans la construction de toute
En Angleterre et en Italie, où leur usage est espèce de couches, on ne dépasse pas la largeur
très fréquent, on n'en connaît presque pas d'au- de afin que les bras d'un homme de
tres, et les horticulteurs de ces deux pays n'ont taille ordinaire puissent aisément atteindre tous
qu'une expression en chaque langue pour le les points de la surface de la couche.
mot couche; ces expressions, traduites littéra On donne en général aux couches chaudes
lemem, signifient lit-chaud, en italien letlo une couverture de bon terreau qui varie de
caldo, en anglais hot-bed. 0™,16 à 0"\20 d épaisseur ; le meilleur est ce-
Une couche chaude est formée uniquement lui qui provient d anciennes couches rompues.
de fumier de cheval pris à l'instant où on l'en- Cette épaisseur peut être de beaucoup aug-
lève de l'écurie. Nous avons déjà eu l'occasion mentée, selon la nature des plantes qui doivent
de signaler les avantages de ce fumier sur tout y végéter j quand ces plantes doivent y vivre
autre pour le jardinage, avantages qui consis- longtemps, on mêle le terreau avec partie égale
tent surtout dans la propriété de suspendre et de bonne terre de jardin ; dans le cas contraire,
de reprendre à volonté sa fermentation d'un le terreau pur est préférable.
moment à l'autre, selon qu'on le tient sec ou Les couches chaudes sont souvent garnies
mouillé. ( Voir p. 10. § IV. ) Si le fumier dont d'un rebord en paille on réserve à cet effet les ;

on dispose au moment de former la couche est portions les plus longues du fumier de la cou-
anciennement tire de l'écurie, et qu'il ait été che on les replie sur elles-mêmes en faisant
;

conservé au sec, il suffira d'ouvrir le tas, de rentrer dans l'intérieur de la couche les extré-
le mouiller et de le refaire aussitôt, pour que la mités des pailles, de manière à n'en rien laisser
fermentation s'y manifeste. pendre au dehors; les couches ainsi disposées
On construit les couches chaudes de deux se nomment couches bordées.
manières, l'une par lits successifs posés sur Cet arrangement est bon en lui-même quam
toute l'étendue que la couche doit occuper, à l'effet de la couche sur la végétation ; seule-

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T|Tni: il. COl'CHES, BACUfcS ET KORC1NG-HOUSE. 35

mcol ilrend moins accessible à l'action des


la que les couches chaudes ; les mêmes coffres et
réchauds lorsqu'elle devient nécessaire. les mêmes châssis vitrés s'appliquent aux unes
On entoure ordinairement les couches chau- et aux autres.
des d'une caisse en bois que Jes jardiniers nom- Les feuilles qui entrent dans
la composition
ment çoffre ( fig, 149). Le coffre est plus élevé des couches tièdes prolongent la durée de leur

[S
,
Pig. 14«J.

^ •*
>
chaleur ; on peut au besoin leur appliquer des
récliauds, mais avec beaucoup de prudence;
car il ne faut pas perdre de vue que les racines
des plantes élevées durant la première période
de leur croissance, dans un milieu d'une tem-
pérature modérée, supporteraient difficilement
un brusque passage dans un milieu beaucoup
plus chaud.
derrière que devant, afin que l'eau ne séjourne
pas sur le châssis qu'il est destiné à supporter. § IV. — Couches sourdes.
Ses dimensions les plus communément en usage On
ne doit attendre de ces couches qu'une
varient depuis 0 m ,16 jusqu'à 0 m ,25 sur le de- chaleur sourde, de très peu supérieure a celle
vant, et de 0 m ,25 à0 m ,32 sur le derrière. Ces de la terre au moment ou on les dresse ; cette
hauteurs sont loin de correspondre à celle du chaleur se maintient longtemps, mais onne peut
fumier de la couche mais il en coûterait trop
; la renouveler à l'aide des réchauds. Le fumier
pour donner aux coffres de telles dimensions; qu'on emploie à la construction des couches
on a soin, soit d'enterrer la couche en partie, sourdes est toujours à demi consommé ; dans les
soit de relever la terre en talus tout autour, jardins où la culture forcée occupe un très
afin que le coffre placé sur le talus dépasse le grand espace, ce fumier n'est le plus souvent
bord supérieur de la couche. Le coffre se bâtit 3ue celui des couches chaudes et tièdes qu'on
toujours en bois blanc ; s'il était en chêne, la émonte lorsque les cultures auxquelles on les
chaleur des réchauds pourrait difficilement le destinait sont terminées.
pénétrer. Pour les châssis vitres, ou garnis en
( Tandis que le fumier des couches chaudes et
toile gommée et en papier huilé, voir AOris, tièdes n'agit pour ainsi dire qu'indirectement
p. 80.) sqr la végétation en plaçant les racines des
plantes dans un milieu échauffé, et leurs feuilles
S III. — Couches tièdes.
• dans une atmosphère artificiellement préservée
Les principes qui doivent présider à la con- du froid, le fumier des couches sourdes, déjà
struction des couches tièdes sont les mêmes passé en grande partie à l'état de terreau, agit
que pour les couches chaudes, elles se travail- directement, comme aliment, sur la végétation
lent exactement par les même3 procédés. Leur des plantes cultivées ; c'est le caractère distinc-
différence essentielle consiste dans les éléments tif de ces sortes de couches.
dont on les construit. Le fumier d'écurie con- On construit toujours les couches sourdes
vient seul, à l'exclusion de tout autre, pour les dans une fosse creusée en terre à la profondeur
couches chaudes ; à peine pourrait-on, a défaut de 0 m .i0 à 0"',60 ; leurs dimensions ordinaires
sont 0 m ,70 d'épaisseur, l ,32 de largeur, et
,n
de fumier de cheval, y employer celui d'âne ou
de mulet. Les couches tièaes, au contraire, ad- une longueur variable à volonté ; elles n'excè-
mettent toute espèce de fumiers mélangés ; les dent guère que de 0">, 10 le niveau du sol; on
plus usités sont ceux de hcval, de vache et de
t les recouvre avec de la terre de jardin disposée
mouton par portions égales ; tous trois réunis en talus sur les côtés, et légèrement bombée
n'entrent que pour la moitié ou tout au plus pour vers le milieu; elles ne reçoivent ni coffres ni
lesdeux tiers dans la composition de la couche ; châssis vitrés; leur principal emploi consiste à
le reste estformé de feuilles, soit sèches, soit terminer en plein air la culture des melons
ramassées au moment de leur chute, ce qui est commencée sur couche chaude ou tiède. Néan-
préférable. moins elles peuvent hâter la croissance de
Malgré le nom que reçoivent ces couches, une beaucoup de plantes potagères, et prolonger la
fermeniation très active y développe assez sou- durée des végétaux sensibles aux premiers
vent une chaleur très intense c'est ce qui a ; froids. A cet effet on les couvre pendant la
lieu principalement lorsque le fumier, au mo- nuit, soit au printemps, soit à l'automne, avec
ment où on Ta employé, se trouvait, ou trop un abri de paillassons fixés à des morceaux de
humide, ou trop riche en matières animales. 11 cercles de tonneau maintenus par une barre
faut dans ce cas, avant de rien confier à la cou- horizontale ( voir Abris, fig. 101).
che tiède, lui laisser, selon l'expression reçue,
jeter son feu. C'est un retard souvent très pré- § V. — Couches économique*.
judiciable au jardinier ; on doit le prévenir en n'y a pas de jardin, petit ou grand, quelle
Il
choisissant pour la construction des couches que soit la fortune de celui qui le cultive, où il
tièdes des fumiers où la paille domine sur les ne doive se trouver une place réservée pour une
matières animales, et en évitant de h-ur donner ou plusieurs couches de chaque espèce. Ceux
une humidité surabondante. On revêt Jes cou- qu'arrêterait la dépense d'une couche chaude
ches tièdes de la même épaisseur de terreau ou tiède, parce quelle exige un coffre e* bois

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36 HORTICULTURE. LIVRE VIII

et un châssis peuvent se borner aux cou-


vitré, paille entre les piquets, en les passant tour à
ches sourdes; la dépense pour celles-ci se ré- tour en dedans et en dehors ; il en résulte une
duit pour ainsi dire à la main-d'œuvre ; quand sorte de caisse ouverte dans laquelle on établit
la couche sourde est épuisée, le fumier devenu du la couche. Il faut avoir soin de donner à la
terreau peut rendre presque autant de services couche ainsi construile une largeur d'au moins
qu'à son premier état. (Test un préjugé trop l«a,50, afin de pouvoir placer intérieurement
généralement répandu de croire que la con- tout autour une garniture de fumier long sus-
struction et la conduite des couches sont des ceptible d'être enlevée à volonté, et remplacée
choses difficiles, compliquées, qui ne peuvent par des réchauds s'ils deviennent nécessaires,
réussir que par les soins d'un jardinier de pro- car il serait impossible de les faire agir si on
fession. les plaçait à l'intérieur de la couche.

Aux environs des villes où il est possible de La couche revêtue de terre ou de terreau se
se procurer à un prix modéré de grandes quan- recouvre d'un châssis {fig. 151), formé tout sim-
titésde fumier d'écurie, et de vendre avanta- Fig. 151.
geusement les produits du jardinage, bien des
jardiniers trouvent leur compte à couvrir de
couches la presque totalité de leur terrain; la
qualité du sol devient dans ce cas tout-à-fait Il i' i

indifférente, les plantes potagères ne devant


vivre qu'aux dépens du fumier du terreau et
,
plement de lattes ou de bouts de treillage croi-
des composts appropriés à leur nature. sés, assemblés par des clous, et recouverts, soit
Ce genre de culture devrait être beaucoup de papier huilé, soit de calicot gommé.
plus répandu, au profit du consommateur Dans les pays où la naille est rare et chère,
comme à celui du producteur, et il paierait on peut remplacer les nourrclets de paille par
largement les avances qu'il exige ; mais le plus des branches de genêt , en choisissant les plus
souvent la mise dehors nécessaire pour se longueset les moins ligneuses et les comprimant
monter en coffres et châssis , pour avoir du avec force du haut en bas.
verre, selon l'expression des maraîchers, dé- Sans doute, on ne peut, avec un semblable
passe les facultés du jardinier ; les cbàssis en appareil, obtenir sans exception tous les pro-
menuiserie, couverts de toile gommée ou de duits que donne une couche chaude ou tiède
papier huilé , sont encore beaucoup plus coû- munie d'un châssis vitré sur un coffre en bois;
teux que le procédé très économique que nous mais on en obtiendra certainement les plus im-
allons indiquer pour y suppléer. portants tels que du plant de melon semé en
On choisit des brins de cotterets droits et janvier, des haricots verts et des pois de grande
bien formés ; on les fend dans leur longueur, et rimeur, et des asperges vertes forcées tout
on les scie en deux parties égales, ce qui donne hiver. La dépense d'une couche économique
pour chaque brin quatre morceaux ; on taille selon le procédé que nous venons d'indiquer
en pointe une de leurs extrémités. Dans les s'élève à peine au dixième de celle que nécessite
pays vignobles où le bois est à bas prix de ,
une couche avec coffre en menuiserie et châs-
vieux échalas taillés à la longueur convenable sis vitré.

peuvent être employés avec très peu de dé- Le local assigné aux couches dans le jardin
pense. doit toujours être abrité par un mur à l'expo-
L'emplacement destiné à la couche (fig. 1 50) sition du midi. Lorsqu'on réunit les troisgenres
de couches, on place les couches chaudes le
Fig. 160.
plus près possible de la muraille les tièdes ou ,

second rang et les sourdes en troisième ligne.


On laisse ordinairement entre les lignesde cou-
ches un espace de0"\40, destiné tout à la fois
à servir de passage et à recevoir les réchauds
selon le besoin. Entre plusieurs rangées de cou-
est entouré de ces demi-piquets , à 0 m ,40 de ches de la même espèce, cette distance est suf-
distance les uns des autres ; ils doivent pré- fisante; mais entre la dernière ligne d'une
senter alternativement en dehors une face espèce et la première ligne de l'autre, il faut
Slane et une face convexe. Ceux de la ligne de laisser au moins 0m,60 ; sans cette précaution,
m
evant sont saillants en dehors de 0 ,60, et le réchaud placé entre les deux lignes agit avec
enfoncés en terre de 0 m ,50, de sorte qu'en en- la même énergie sur deux couches dans des con-
levant à l'intérieur du parallélograme 0"\20 de ditions différentes, ce qui donnerait lieu fort
terre, les piquets restent encore enterrés à une souvent à des pertes considérables.
profondeur de 0 ra ,30. La ligne de derrière doit
avoir de plus que celle de devant hors de terre,
§ VI. _ Couches à champignons.

0 m ,10. On forme avec de la litière sèche ou de La construction conduite des couches


et la
la paille brisée des bourrelets analogues à ceux exclusivement destinées à la reproduction des
dont on se sert pour empailler les arbres sen- champignons diffèrent tellement de celles des
sibles^au froid, ou pour emballer des vases fra- autres couches que nous avons dû les décrire
giles ; on enlace ces bourrelets ou cordons de séparément ; la culture du champignon sur

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TITRE H. COUCHES, BACHES ET FORCING-HOLSE. 37

couches forme d'ailleurs une branche très im- dispose en tas réguliers d'an mètre de largeur
portante de l'industrie maraîchère aux envi- sur 0 m ,60 de hauteur ; ces tas doivent être for-
rons des grandes villes. tement foulés en marchant dessus, puis aban-
Le fumier d'écurie dans lequel les matières donnés à eux-mêmes pendant quinze jours ;
animales surabondent et qu'on entretient dans on ne doit les humecter que dans le cas où la
un état de moiteur sans excès d'humidité, est température serait constamment chaude et
disposé à s'agglomérer par plaques ou pelotons sèche; alors seulement on les mouillera, mais
couverts de moisissure blanchâtre ; c'est ce modérément.
qu'on nomme prendre le blanc. Tout fumier
: Au bout de ce temps on ouvre les tas, on
3ui a pris le blanc est propre à la production en mélange intimement toutes les parties, et on
es champignons. Le fumier d'âne est celui de les reforme aussitôt, en observant de reporter
tous qui prend le blanc avec le plus de facilité, au centre des tas les portions moins décom-
puis le fumier de mulet ; le fumier de cheval ne posées qui se trouvaient à l'extérieur. Après
vient qu'en troisième ligne ; s'il est le plus cette seconde façon, huit jours suffisent pour
usité, c'est parce qu'il est beaucoup plus com- que le fumier sôit au point où on le désire,
mun que les deux autres. c'est-à-dire gras, onctueux, et parfaitement
Pour disposer ce fumier à prendre le blanc, homogène dans toutes ses parties ; alors on le
on le dépose en tas irréguliers dans une cave dresse non pas en couches précisément, mais
,

humide ; c'est le procédé le plus simple qu'on en petites meules terminées en forme de toit,
,n
puisse employer pour préparer les éléments ayant à leur base 0 ,80 de largeur, sur une
d'une bonne couche à champignons. Yoici ce hauteur de 0"l ,55 (fig. 152). Nous ne saurions
que dit à ce sujet M. Pirolle :

- Je tiens du hasard le procédé suivant : Du


fumier bien choisi avait été transporté en no-
vembre dans une cave il y resta jusqu'à la fin
;

de février ; il était moisi, et tout blanc. Il fut


répandu à 0 m ,l0 d'épaisseur sur le fumier
chaud, foulé et piétiné, d'une couche couverte donner d'indications précises pour reconnaître
ensuite de 0 ra 16 de terreau. Pendant trois mois
, avec certitude que le jumier est arrivé juste au
et plus, cette couche a donné une quantité point convenable pour être mis en meule la ;

prodigieuse de champignons. » présence de l'eau est toujours un indice défavo-


Nous ajouterons que nous avons répété l'ex- rable, et l'on juge en général le fumier propre
périence avec encore moins de cérémonie. Le à la production des champignons lorsqu'il est,
fumier enfermé dans la cave fut dressé à la selon l'expression reçue, bien gras dans toutes
même place en couches de 0 m ,80 de largeur, et ses parties.
0 m ,60 de hauteur, dès qu'il eut bien pris le Les couches en plein air réussissent si diffi-
blanc ; il ne fut que médiocrement pressé et cilement que nous conseillerons toujours de les
recouvert de 0 m ,10 de terreau; la couche se établir soit dans une cave, soit dans un cellier
couvrit de champignons au bout de quelques parfaitement obscuretexemptdecourantsd'air.
jours. La production s'étant ralentie anrèsdeux Les couches ainsi placées et disposées produi-
moisd'uneabondanceextraordinaire, la couche raient presque toujours d'elles-mêmes des
fut arrosée avec de l'eau fraîche dans laquelle champignons en abondance ; mais pour ne rien
on avait lavé des champignons frais, coupés donner au hasard, on les garnit de distance en
par morceaux ; la récolte recommença et se distance de petits morceaux d'une substance
soutint pendant plus de 5 mois. Nous avons particulière qu'on nomme blanc de champi-
mis ce procédé en pratique pendant 5 ans ; il gnons. Les naturalistes ne sauraient expliquer •

nous a constamment réussi les 4 premières pourquoi ni comment cette substance blanchâ-
années; mais à la 5*, toutes les circonstances tre et filamenteuse qu'on recueille sur les cou-
étant exactement les mêmes, il n'est pas venu ches épuisées qui ont fourni beaucoup de cham-
de champignons, sans que nous ayons pu en pignons, possède la propriété d'en faire naître
déterminer la cause. de nouveaux; le fait est qu'après avoir inséré
Ceci explique pourquoi les jardiniers mar- dans l 'épaisseur des flancs de la couche de
chands, au heu de ce moyen si simple, mais petits fragments de blancdisposés en échiquier,
qui n'est pas toujours sur , s'en tiennent au à 0 m ,l6 les uns des autres, de façon à affleurer
procédé suivant compliqué et dispendieux
, la surface, les champignons ne 'tardent pas à
mais qui réussit toujours. s'y montrer. Lorsqu'on ae trouve dans une
Il faut d'abord se procurer du fumier de che- localité où il est difficile et dispendieux de se
vaux nourris au sec, et dont la litière au lieu procurer du blanc de champignons, on obtient
d'être renouvelée tous les jours, sert toute une a peu près les mêmes résultats en coupant
semaine en la retournant; ce fumier formé en menu des champignons récemment cueillis et
majeure partie de crottin, est fortement imbibé les lavant dans de l'eau fr.iiche qu'on répand
d'urine, condition essentielle pour le succès des bien également sur toutes les parties de la sur-
couches à champignons. On a soin d'enlever face des couches, au moyen d'un arrosoir à
hors de ce fumier tout ce qui pourrait s'y pomme percé de trous très lins.
trouver de foin ou de paille sèche ; puis on le Lescouchesétabliesen pie in air reçoivent une

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HORTICL LTI I\E. uww. VIII.

couvertnre de litière sèche qu'on nomme che- tout à ceux qui supportent les stores dans les
mise, qu'on déplace pour euoillir les champi- appartements, cl susceptibles de tourner comme
gnons; mais, ainsi que nous l'avons dit, ces eux au moyen de cordons fixés à leurs extré-
couches manquent si souvent If ur effet , que mités, soutiennent des toiles qu'on étend à
l'usage en est généralement abandonné. volonté sur les vitrages de la bâche quand on
La meilleure couche k champignons serait craint pour les plantes l'effet d'un soleil trop
bientôt épuisée si l'on en récoltait les produits ardent. Quand même les dimensions de la bâ-
sans précaution ; il faut faire tourner adroite- che permettraient de faire cette toile d'une seule
ment chaque champignon sur lui-même et sur pièce, il serait préférable de la partager entre
sa base pour le détacher sans déranger le blanc plusieurs cylindres , afin de pouvoir ombra g
J*
auquel il adhère et qui doit donnernaissanceà a volonté une partie seulement de l'intérieur
l'interiei
de la bâche.
Dans les bâches les plus étroites , il n'y a
Section II. — Bâche». qu'un seul compartiment, derrière lequel court
un sentier F pour le service ; un dressoir fixé au
Les bâches sont de véritables serres dans de mur du fond permet d'y placer une rangée de
petites proportions; elles en tiennent lieu pour plantes en pots (fig. 154).
les amateurs d'horticulture k qui leur fortune
ne permet pas la dépense d'one serre. On
donne toujours à la maçonnerie des bâches la
forme du cadre en bois destiné k porter le
châssis vitré des couches chaudes (yoy. Cou-
ches, fig. 149). Les moindres dimensions qu'on
donne aux bâches sont six mètres de long sur
trois de large; on en construit de beaucoup plus
5 rendes. Le sol de la bâche doit être plus bas
e 0 m ,50 à 0 ,60 que celui qui l'environne.
ra

Les murs inégaux de devant et de derrière ont


au moins une hauteur suffisante pour qu'un
homme de taille moyenne, placé dans la bâche,
puisse se tenir debout à égale distance de l'un
et de l'autre, sans que sa tête touche au vitrage
Dans la plupart des bâches il y a deux com-
(fig. 155). Ce vitrage est fixé par une char-
partiments séparés par un sentier (fig. 155).
nière au mur du fond et ne peut se soulever
Des murs de refend, en maçonnerie légère, sou-
que par-devant, au moyen d'un support k cré- tiennent ces deux platcs-bândes qui sont ordi-
maillère c'est surtout en quoi il diffère de celui
;
nairement des couches, soit de tan, soit de
des couches, qui se soulève des deux côtés k
fumier. Les tuyaux T destinés k chauffer la bâ-
volonté. Du reste, les rainuresnui maintiennent che courent sous le sentier qui est recouvert
chaque panneau du vitrage doivent comme ,
en planches, dans l'une comme dans l'autre
pour les couches, être creusées en gouttière pour
construction.
l'écoulement des eaux de pluie. La bâche re-
Les bâches se modifient à certains égards,
çoit au besoin une chaleur supplémentaire au
selon leur destination. Celles qu'on consacre
moyen d'un fourneau A (fig. 153) dont les exclusivement k la culture des ananas sont dis-
Fig. 153. posées comme le représente la figure 156. Les

tuyaux ponctués courent sous terre k l'intérieur


de la bâche. On place l' ouverture B de ce fourneau
dans un retranchem ent séparé du reste de la ananas ne pouvant jamais avoir trop chaud, il
bâche, afin que la fu mée ne puisse y pénétrer ; estavantageux d'établir un tuyau de chaleur
cette disposition offre en outre l'avantage d'une
;
sous ebacun des deux sentiers k droite et k
double porte, ce qui évite toute chance d'intro- gauchf de la tannée qui contient ces plantes
duction subhe de I ai* p froid du dehors. On peut dans des pots. On peut même, pour obtenir une
aussi chauffer les b fiches au moyen de la va- cbaleur plus forte, faire régner un tuyau de
peur 5 dans ce es, le fourneau* et la chau- chaleur T sur le mur antérieur.
dière sont établis nu dehors. On place k l'exposition de Test de préférence
Plusieurs cylindr rs k poulies, semblables en à toute autre . les bâches que les pépiniéristes

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r:r.-.L n. COUCHES, BACHES ET FORCING-HOl'SE. 39

ma prof ssion destinent à multiplier, soit de cription des applications de la chaleur artifi-
de reottes, soit de boutures, certaines plantes cielle aux cultures forcées , en y joignant la
qui s'enracinent plus facilement quand on les description de quelques-unes des constructions
préserve de l'action directe des rayons solaires. employées en Angleterre sous le nom de serres
Pour livs marcottes des grands végétaux , on à forcer (forcing-house).
n'établit point de couches dans l'intérieur de la La serre dont on voit le plan (fig. 157 ) et la
bâche; le> souches mères y sont en pleine terre, coupe (fig. 158) est la plus favorable de toutes
dans le sol convenablement préparé. Fig. 158.
Quelle que soit la destination de la bâche, on
peut toujours faire courir sur le mur du fond
un cordon de vigne pris sur une vigne plantée au
dehors ; on en récoltera le raisin 5 ou 6 se-
maines avant celui des espèces les plus précoces
à l'air libre.

Section III. — Serre» à forcer. (Forcing -home.)

Sous le climat de Paris et au sud de ce cli-


mat, la vigne et le pêcher mûrissent parfaite-
ment leur fruit dans les années ordinaires; à
peine leur arrive-l-il tous les dix ans de ne pas pour forcer la vigne. Les ceps se plantent soit en
mûrir du tout, et tous les trois ou quatre ans dehors, au midi, en avant du mur A, soit à l'in-
de n'arriver qu'à une maturité imparfaite. Les térieur, près du même mur. La serre est chauffée
années 1840 ei 1842 sont des exemples du maxi- par un thermosiphon, F, {fig. 157) ; elle pourrait
mum de qualité que la pèche et le raisin puis- ne comprendre que l'espace renfermé entre le
sent acquérir sous le climat de Paris. Mais, à mur A et le mur G; dans ce cas, la chaudière
quelques myriamètres seulement au nord de la et son fourneau seraient placés en dehors sous
capitale, la maturation du raisin et de la pêche un hangar; mais le plus souvent on utilise la
commence à être de plus en plus difficile ; sur surface nord du mur G, en lui faisant soutenir
notre frontière du nord, on ne connaît guère ce un toit en appentis reposant sur un autre mur
que c'est que du vrai chasselas à moins qu'on
.
parallèle H (fig. 158); on établit dans l'intervalle
ne l'ait fait venir de Fontainebleau; les pêches qui les sépare ce que les Anglais nomment une
réussissent mieux, bien qu'il arrive souvent aux serre à champignons (mushrooms-house). Les
premières gelées de frapper les pêches tardives couches à champignons 1 1 sont disposées sur
avant qu'elles soient devenues mangeables. des dressoirs en maçonnerie légère, dont la fig.
Pour se fa'ire une idée de ce que la culture 158 montre la disposition. Elles sont séparées
forcée du raisin peut rapporter dans ces cir- parle passage D. La chaudière B (fig. 157)
constances, nous nous bornerons à rappeler un chauffe la serre à la vigne la chaudière C
;

fait cité par M le comte Lelieur, dans la Po- chauffe la serre aux champignons. On voit en E
mone française. M. Van Gaert, à Anvers (bel (fig. 158) les ventilateurs destinés à introduire
gique) réeolle annuellement de 500 à 600 kilogr. l'airdu dehors, selon le besoin ; le treillage J est
de raisin de rankenthal dans une serre de
i
établi parallèlement au vitrage, le plus près
29", 33 de long sur 8 mètres de large et 10 de possible de celui-ci, pour que la vigne palissée
hauteur. Ce raisin se vend toujours à un prix dessus ne perde rien des influences bienfaisan-
très élevé, dans un pays où une grappe de tes de la lumière et de la chaleur solaires, in-
Riiiin mûr est une curiosité gastronomique. dépendamment de la chaleur artificielle.
Ces faits nous engagent à compléter la des- La serre destinée à forcer les pêches diffère
Fiy. 157.
un peu de la précédente. Quand elle doit être
chauffée par un seul foyer, on ne peut guère
luidonner au-delà de 12 mètres de long sur 3 de
large et \ de haut ; mais ces dimensions peu-
vent varier selon le plus ou moins de précocité
des récoltes qu'on se propose d'obtenir. Pour
les pêches de grande primeur, ta serre ne peut
avoir au delà de 8 à 9 mètres de long sur 2"',50
de large, tandis qu'on peut sans inconvénient
lui donner jusqu'à 16 mètres de long si Ton
veut se borner à hâter seulement de quelques
semaines le cours ordinaire de la végétation na-
turelle du pêcher. La 159 représente la
fig.
coupe, et la fig. 160 le plan d'une serre à
forcer les pêches. Comme dans la serre à vigne,
le mur de devant D ( est muni d ou-
fig. 159)
verture que la coupe n'indique pas, pour lais-
ser passer les souches des pêchers qui vivent

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40 HORTICULTURE. LIVRE VIII.
aux dépens du do la plate-bande régnant
sol
pendant l'hiver telles que les pelargnnium et
:

le long do la serre, au sud; ce mur supporte les


une foule d'autres. Nommer l'orangerie serre
châssis vitrés. On voit dans la serre Jeux treil-
froide, ce serait donc dénaturer entièrement la
lages, l'un, placé lo long du mur du fonU E signification du mot serre.
(fig. 159), l'autre R incliné sur le devant de la L'orangerie devrait avoir dos fenêtres aux
%. 159. trois expositions du midi, de l'est et do l'ouest ;
mais le plus souvent elle n'en a qu'au midi.
Plusieurs autours reeommandent de faire ces
fenêtres doubles, et de garnir en papier
huilé le châssis intérieur ; cet usage, suivi gé-
néralement en Angleterre, ne nous semble pas
nécessaire en France; les fenêtres de l'orange-
rie peuvent êire simples, pourvu que la menui-
serie en soit assez soignée pour no laisser pé-
nétrer aucun courant d'air, et pour permettre
d'obtenir au besoin une clôture hermétique.
Une orangerie bien construite est peu pro-
fonde par rapport à sa longueur; sa hauteur
un passage est laissé entre les deux
dépasse d'au moins 0 ,15 le sommet des plan-
pour le service.
tes les plus élevées rjui doivent
Le plan (fig. 160) montre la disposition du y séjourner;
elle doit être aussi d'un accès facile et munie
d'une porto double, assez large pour que les
arbustes no soient point froisses en y entrant.
Le gouvernement de l'orangerie est des plus
simples; il suffit de la préserver de la gelée, et

de donner de l'air depuis lo matin jusqu'à trois


heures de l'après midi, toutes les fois que la
température ne descend pas au dessous de zéro;
en règle générale, il fait toujours assez chaud
dans l'orangerie quand il n'y gèle pas.
Presque toutes les orangeries ont un poêle;
il vaut mieux que ce poêle soit placé à l'exté-

rieur, dans la crainte que les arbustes trop


tube du thermosiphon A À qui revient sur lui- voisins souffrent de la chaleur. On ne doit,
même, et celle de la chaudière B placée à l'exté- dans tous les cas, le chauffer qu'avec les plus
rieur. grands ménagements; une température de quel-
ques degrés seulement trop élevée, peut déter-
miner les plantes d'orangerie à entrer en végé-
CHAPITRE II. — Obasgeme et serbes. tation; dès lors, les pousses formées dans un
local où elles manqoenl nécessairement de lu-

Section Ve . — Orangerie. mière, s'étiolent, et l'on ne peut espérer de


voir l'été suivant les plantes revêtir leur parure
Quelques auteurs désignent l'orangerie sous habituelle.
le nom de terre froide, parce qu'en effet elle On ne saurait mettre trop de prudence dans
convient à une foule de végétaux autres que la distribution de l'eau aux plantes d'orange-
ceux de la famille dos orangers. Mais le mot rie ; il ne faut leur en donner qu'une ou deux
terre possède une acception qui lui est propre; fois pendant l'hiver; plusieurs genres, notam-
il désigne un local où les plantes végètent en ment les oléandres et les grenadiers, peuvent
toute taisotiy et qui, par conséquent, reçoit par s'en passer tout-à-fait, de l'automne au prin-
des vitrages la plus grande somme possible de temps. Un léger excès d'humidité pendant l'hi-
lumière extérieure. ver, en entretenant chez ces arbustes une sorte
L'orangerie est un local exclusivement ré- do mouvement languissant de végétation, tan-
servé à la conservation, pendant l'hiver, des dis qu'il leur faudrait un repos absolu, les prive
plantes.que'lesqu'ellessoient.dontla végétation au retour du printemps de la vigueur néces-
est dans cette saison totalement interrompue, saire, et le plus souventil ne faut pas attribuer

et qui, pour cette raison, peuvent se passer de à une autre cause la difficulté qu'on éprouve
lumière, à tel point que pour un très grand fréquemment à obtenir leur floraison avant la
nombre d'amateurs peu favorisés de la fortune, lin des beaux jours.
l'orangerie est représentée tout simplement par La génération actuelle a vu s'opérer une ré-
une cave ; or, pourvu que celte cave ne soit volution complète dans le régime de l'orange-
pas excessivement humide, les plantes oran- <i rie. Avant l'expédition du capitaine Baudin,
§erie s'y maintiennent sans paraître en souffrir qui date des premières années de ce siècle,
'une manière sensible. Il est bien entendu que l'orangerie ne contenait guère que quatre ou
nous ne désignons pas sous le nom de plantes }
cinq genres de plantes; les orangers formaient
d'orangerie celles qui sont sojettes à végéter 1
le fond de la population puis quelques citron-
;

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TITHC II. ORANGERIE ET SERRES. 41

niers, myrtes, lauriers - roses et grenadiers : doivent atteindre, sous peine de les voir en
rien de plus. Ces végétaux, sous !e climat de peu d'années s'étouffer les unes les autres.
Paris, se passaient parfaitement de feu en hi- L'orange parvient à parfaite maturité, non-
ver, pourvu que le sol de l'orangerie fût d'un seulement sous le elimat de Paris, mais sous le
mètre environ plus bas que le sol environnant; ciel brumeux de l'Ecosse ; il suffit pour cela de
cela suffisait pour maintenir dans l'orangerie cultiver l'oranger en pleine terre, en espalier,
une atmosphère toujours humide très favora- lé long du mur, formant le fond d'une serre telle
ble à la santé des végétaux; l'orangerie du que celle que nous avons représentée, fig. 155,
Jardin des Plantes à Paris, construite d'après 159. On voit depuis longues années de très
ce principe, n'était jamais chauffée. De nos
Kgeaux orangers traités de cette manière, à
jours, tout ce système est changé ; les orangers, Paris, dans le jardin de M. Fion. M. Patrick
citronniers, myrtes, grenadiers et lauriers- Neill, horticulteur écossais, affirme avoir vu
roses sont relégués dans les jardins publics et dans une serre à primeurs du comté de La-
dans les grands |ardins d'un petit nombre de nark un oranger en espalier occupant un
châteaux; hors de là, les géraniums, les pelar- espace de plus de 24 mèires carrés; il était,
gonium, les camélias . les ont mis en fuiie; en dit-il, tout chargé d'oranges parfaitement mû-
outre, les plantes de la Nouvelle- Hollande se res ; nous pensons qu'un Portugais, ou même
sont vulgarisées; on peut avoir à des prix mo- un Provençal, n'aurait pas été sur ce point de
dérés des eucalyptus, des mélaleucas, des mé- l'avis de M*. Patrick Neill.
trosydéros; on les préfère aux orangers. Mais
la température de orangerie ne leur convient
I Section IL — Serres.
plus; quelques degrés de plus leur sont néc es-
saires en hiver; ils ne peuvent se passer de feu §
,f .
l — Des serres en général.

comme les plantes d'orangerie proprement di- Une serre, quelle que soit sa destination, est
tes l'air et la lumière que l'orangerie pourrait
; un local dans la construction duquel il n'entre de

leur fournir seraient insuffisants. L'orangerie maçonnerie que la quantité absolument indis-
tend à se transformcren serre tempérée; à Paris, pensable. Le plus souvent, la serre n'a qu'un
chez lesjardiniers de profession, c'est déjà fait. seul mur dirigé de l'est à l'ouest le toit en
;

Le principal produit des orangers possédés appentis, la façade antérieure et lesdeux façades
par les jardiniers consistait encore, il y a 30 latérales sont en vitrages. Ce mode de construc-
ans, dans la fleur, ou pour mieux dire, dans les tion est avantageux pour le coup d'œil ; il per-
pétales de la fleur, que les distillateurs et les met de placer les plus grands végétaux au tond
confiseurs achetaient à un prix raisonnable. et les autres en avant, par rang de taille ; il
Aujourd'hui, l'eau de fleurs d'oranger nous laisse aux végétaux grimpants un espalier spa-
vient du midi, à si bas prix et en si grande quan- cieux ; son principal inconvénient consiste à
tité, que les pétales de fleurs d'orangers récol- priver d'un côté les plus grands végétaux du
tés à Paris sont tombés de 6 fr. à 2 fr. 50 c. contact direct de la lumière, ce qui force à les
le kilogr. Il n'y a plus moyen de compter sur teniren caisses pour pouvoir les retourner, et
la vente de ce produit pour couvrir les frais de nuit toujours plus ou moins à leur végétation.
l'orangerie ; il y a nécessité de recourir aux Depuis quelques années on construit beau-
fleurs en possession de la faveur du public, coup de serres a deux versants , ce qui permet
surtout aux genres camélia, géranium et pelar- une meilleure distribution de la lumière; dans ce
gonium. Ces plantes ne meurent pas dans l'o- cas, il n'y a presque pas besoin de maçonnerie.
rangerie, mais elles y languissent. Les camé- Dans les très grandes serres les supports des
lias
y perdent leurs feuilles et presque tous vitrages devraient être entièrement formés de
leurs boutons; leur floraison si précieuse, fer à l'exclusion de toute autre matière ; le fer
avorte; les géraniums et les pélargoniums, offre sur le bois l'avantage d'enlever moins de
quoique moins maltraites, n'atteignent jamais place au passage de la lumière et d'être beau-
dans l'orangerie cet état parfait de floraison coup plus durable. Le bois employé dans la
où les fleurs bien développées, également ré- construction des serres étant constamment en
parties entre toutes les branches, donnent à la contact avec une atmosphère toujours tiède et
plante tout entière l'aspect d'un élégant bou- humide se détériore très rapidement, quelque
,

quet. Le jardinier de profession n'a donc pas soin qu'on prenne de le peindre puis les in- ;

pu autrement que de substituer à l'oran-


faire sectes s'y mettent et accélèrent sa destruction.
gerie la serre tempérée. Quant à l'amateur qui La moindre crevasse dans le bois sert de refuge
ne cherche que son agrément et la décoration à une foule d'insectes nuisibles aux plantes ;
de son jardin, il peut, à défaut d'un local spé- ils
y multiplient à l'aise sans que le plus souvent
cial, se faire une orangerie d'une pièce quel- la vigilancedu jardinier puisse s'en apercevoir;
conque au rea-dc-chaussée, dont il est toujours le fer n'a aucun de ces inconvénients.
facile d'abaisser le sol dans ce cas, il s'en lient
; Divers procédés ont été proposés pour pré-
exclusivement aux plantes d'orangerie; pour server d'une destruction trop prompte les bois
les autres, il n'en retirerait que la contrariété employés à la charpente des serres; tous sont
de les voir languir et périr. On doit avoir égard, dangereux, soit pour la santé des plantes, soit,
en créant une orangerie, non pas aux dimen ce qui est beaucoup plus grave, pour la santé des
sions actuelles des plantes, mais à celles qu'elles jardiniers : uous en citerons un exemple récenu
ROKTIf.tr 1 . TT fit. T. V. —•
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42 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

Un grand seigneur anglais faisant construire versants de grandes dimensions sont ordinai-
une vaste serre en charpente, s'avisa d'en faire rement couronnées par une galerie destinée à
tremper toutes les pièces dans une solution de faciliter la manœuvre des toiles et des paillas-
'
deuto-chlorure de mercure (sublimé corrosif); sons, qu'il serait trop incommode de faire
on lut avait enseigné ce préservatif contre les monter et descendre sans' cette disposition
ravages des insectes. Dès qu'on eut rempli cette \fi y. 163). Il faut dans ce cas, donner à la
serre de plantes et qu'il fallut la chauffer, son Fig. 163.
atmosphère se remplit de vapeurs mercurlelles;
les plantes jaunirent et périrent ; le jardinier
et Ton de ses aides tombèrent malades et mou-
rurent ; tous ceux qui avaient travaillé dans la
serre furent plus ou moins attaqués; on se hâta
de la démolir et de la reconstruire en fer.

j II. — Serre tempérée.


Si construction d'une serre tempérée
la
n'était beaucoup plus dispendieuse que celle
d'une orangerie, nous dirions aux amateurs
d'horticulture N'ayez pas d'orangeries , ne
: charpente, soit en bois soit en fer, une solidité
faites construire que des serres. En effet, on suffisante pour supporter au besoin un ou plu-
peut poser en principe, comme l'a fait avec sieurs ouvriers.
beaucoup de sagacité M. Vilmorin, que toutes
les plantes d'orangerie réussissent bien et même S Ht.
— Vitrage».

mieux en serre tempérée, à cause de la grande Le choix du verre pour le vitrage des serres
lumière qu'elles v trouvent, et qu?, par une est un objet de première importance quant à la
raison contraire, (es plantes de serre tempérée santé des plantes ; l'économie sur ce point
ne peuvent réussir en orangerie, faute de lu- serait bientôt dispendieuse, puisqu'elle occa-
mière suffisante à leur végétation ou à leur sionnerait la perte d'un grand nombre de végé-
entretien. taux. D'ailleurs, la serre qui est la plupart du
Mais une serre tempérée exige un local cons- temps un objet d'agrément, n'offre plus rien
truit exprès, et qui ne peut recevoir d'autre d'agréable pour le véritable amateur d'horti-
destination, tandis qu'une pièce au rez-de- culture, dès qu'il y voit les plantes languir et
chaussée dont on élargit les fenêtres, ou une croître pour ainsi dire à regret. C'est ce qui ne
simple remise à laquelle on adapte une façade peut manquer d'arriver à celles qui, dans leur
vitrée, peuvent improviser une orangerie*. La pays natal, vivent sous l'influence de la plus
serre tempérée se construit à un ou deux ver- éclatante lumière, lorsque dans la serre elles ne
sniiK Dans le premier cas, elle reproduit exac- sont éclairées qu'à travers du verre commun
tement sur Je plus grandes dimensions le d'une teinte verdûtre, au lieu de verre blanc
dessin que nous avons donné de la bâche à dont la transparence parfaite , doit être entre-
double plaie-bande (fig. 155) dans le second,
; tenue par la plus minutieuse propreté. Il ne faut
elle contient deux plates-bandes séparées par jamais perdre de vue ce principe essentiel que
un sentier (fig. 161 ), ou quatre plates bandes tout le travail du jardinier dans la serre a
Fig. 161. pour but de placer autant que possible les
plantes dans les mêmes conditions d'existence
que leur offrait leur climat naturel; or, narmi
ces conditions il n'en est pas de plus impor-
,

tante que l'abondance de la lumière.


Les carreaux de vitre se placent ordinaire-
ment en recouvrement les uns sur les autres,
depuis 5 millimètres jusqu'à 0 m ,02 relie der- ;

nière largeur est la plus usitée par les vitriers,


probablement parce qu'elle exige l'emploi d'un
plus grand nombre de carreaux. Un recouvre-
et trois (fig. 162). Les
ment sur une aussi grande largeur a deux in-
Fig. IM. convénients très graves. D'abord l'humidité,
en vertu de la capillarité, séjourne constamment
en hiver entre les parties des deux carreaux
qui se recouvrent; qu'il survienne un froid un
peu vif, ta température de l'intérieur de la serre
n'empêchera pas cette humidité de geler, ce
qui fait fréquemment éclater le verre. Ensuite,
sans s'arrêter à ce premier inconvénient, il est
impossible d'empêcher que la poussière ne pé-
nètre entre les tleux carreaux, et comme on ne
saurait l'en faire sorlir, elle forme en peu do

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titre il. ORANGERIE ET SERRES. 43

temps, lelong du vitrage, des bandes opaques § IV. — Plates-bandes.


tellement nuisibles à l'introduction de la lu-
mière dam la serre, qu'il n'y aurait sous ee Les plates-bandes de la serre doivent être
rapport aucun désavantage à mastiquer les car- soutenues par de légers murs en maçonnerie ou
reaux. Quand le mastic n'a pas plus de 5 à 6 par des appuis en planches placés sur champ.
millimètres de largeur, l'effet n'en est point Ce dernier encaissement est le meilleur pour
désagréable à l'œil. On peut néanmoins préférer les végétaux, mais il est le moins durable et

le vitrage en recouvrement, pourvu (pie la por- nécessite un entretien continuel, ee qui fait sou-
tion recouverte n'excède pas en largeur f épais- vent préférer les appuis en maçonnerie ; dans ce
seur du verre employé, c'est-à-dire de 3 à 4 cas, on nedoil leordonner que l'épaisseur rigou-
millimètres. Il est difficile, à la vérité, d'obtenir reu sèment nécessaire.
des vitriers ce degré de précision ; mais en ne
se servant que des plus habiles ouvriers et sur- S V. — Dallage.
veillant assidûment leur travail, on peut en Les sentiers se pavent en carreaux de terre
venir à bout. Cuite ou en planches. Les planches valent mieux
Le vitrage ainsi exécuté n'est pas seulement en ce qu'on peut ménager entre elles des inter-
le plus agréable à la vue et le plus favorable à valles à peine visibles et très favorables au
l'introduction de la lumière dans la serre; il passage de la chaleur transmise par les tuyaux
est encore le plus économique pour la conser- qui courent ordinairement sous les sentiers.
vation du verre, car les vitrages des serres Les plaques de schiste , dans les pays où
sont rarement endommagés par d'autres causes cette pierre lamellcusc est al>ondante, remplis-
«ue la congélation de Teau contenue entre sent parfaitement le même objet. Quelques
deux carreaux, lorsque leur recouvrement dé- contrées de la France, notamment la Bretagne,
passe la largeur de 3 à 4 millimètres, et cette possèdent des carrières de ces schistes qui se
chance de destruction étant écartée, les autres lèvent* en plaques tellement semblables à des
sont presque nulles. planches, qu'à quelques pas de distance, il est
Quand on préfère, pour plus de solidité, plom- impossible de ne pas s'y méprendre. Ce genre
ber les vitrages des serres, il n'y faut employer de dallage pour les serres est excellent-, en ce
que des lames de plomb qui ne dépassent pas qu'il rend très promptement par évaporation
l'épaisseur d'une feuille de papier à dessiner, l'humidité à l'atmosphère de la serre, lorsqu'il
alin de ne pas surcharger la charpente. La meil- est nécessaire de répandre de l'eau dans les
leure disposition de ces feuilles est représentée sentiers pour obvier aux inconvénients d'un
{fig. 1G4 et 165)-, elle prévient parfaitement excès de sécheresse. Les planches et les car-
reaux de terre cuite retiennent l'eau et rendent
Fig. 164, 165.

H
l'évaporation beaucoup plus lente.

§ VI. — Gouvernement de la serre : température.

La serre tempérée doit êlre maintenue à une


température d'au moins -quatre ou cinq degrés
au-dessus de zéro pendant les plus grands
froids. Il n'est pas utile, comme le conseillent
l'introduction de l'humidité entre les carreaux quelques auteurs, d'élever de temps en temps
superposés. la température jusqu'à 8 ou 10 degrés; il vaut
On emploie pour mastiquer les vitrages des beaucoup mieux la maintenir à peu près égale,
serres trois espèces de compositions. La plus de novembre à la fin de février. Sous l'influence
simple est une pâte molle formée de blanc de d'une température trop douce, la plupart des
plomb avec de l'huile de lin crue; elle est la plantes de serre tempérée entreraient en sève
plas durable de toutes, parce qu'il se forme à a une époque où le ciel des contrées de l'Eu-
sa surface un enduit oléagineux qui la conserve, rope centrale est ordinairement sombre et né-
mais elle a le défaut d'être fort lente à sécher. buleux; elles manqueraient de la lumière né-
La seconde est une pâte plus consistante, cessaire à la beauté de leur floraison \ il vaut
faite de blanc de plomb et d'huile de lin cuite; donc mieux dans cette saison la retarder que
ei!e est sujette à se fendre, surtout quand elle l'activer. Mais dès les premiers beaux jours que
n'a pas été appliquée avec assez de soin. le mois de mars amène le plus souvent, quoi-
La troisième est formée de blanc de plomb et qu'ils doivent être suivis sous notre climat d'un
de sable par parties égales avec de l'huile de ou plusieurs retours d'hiver, on ne risque rien
lin cuite ; elle est fort solide et dure très long- de donner à la serre tempérée ta chaleur né-
temps-, mais sa ténacité rend les réparations cessaire pour que toutes les plantes entrent en
difficiles quand il y a des carreaux de vitre à sève; seulement, il faut veiller avec soin à ce
remettre. qu'une fois commencée, leur végétation ne soit
Lorsqu'on doit employer l'un ou l'autre de plus interrompue; c'est au jardinier expéri-
ces mastics, il est bon de les préparer plusieurs menté à régler la température de manière à
jours d'avance ; les substances qui les compo- entretenir dans la serre tempérée celte richesse
sent ne sauraient être incorporées avec trop de de floraison et ce luxe de verdure, qui en font
soin. tout le charme.

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HORTICULTURE. LIVRE VIII.

Ce qui précède ne s'adresse qu'aux amateurs d'hiver. Mais dès qu'on s'aperçoit qu'une plante
d'hortieuliuie; ceux qui s'y livrent par spér.u commence à vouloir végéter, il faut l'arroser,
lation, ayant un autre bai, emploient d'autres d'abord modérément, puis ensuite plus ou
moyens." Pour n'en citer qu'un exemple, le moins, selon sa nature et la force particulière
genre camélia, appartenant essentiellement a de chaque individu. C'est un principe général
la serre tempérée, ne veut point être hâté dans qui n'admet pas d'exception, de s'abstenir d'ar-
sa floraison pour la donner dans toute la per- roser les plantes qui ne végètent pas, et d'ar-
fection que les amateurs en attendent ; il suffit roser, queilequesoit la saison, celles dont la sève
que les camélias aient assez d'air et de lumière se met en mouvement; ce principe doit être
pour que leurs boutons tiennent et se dévelop- appliqué comme règle invariable dans tous les
pent lentement; la température moyenne de 4 genres de serres tempérées ou chaudes.
a 5 degrés leur suffit tout l'hiver. Mats le jar- L'heure la plus convenable pour arroser les
dinier fleuriste des grandes villes, trouvant un plantes de serre tempérée lorsqu' elles en ont
grand profit à vendre les fleurs de camélia du- besoin en hiver, est entre 9 et 11 heures du
rant la saison des bals, s'arrange de manière à matin; si on les arrosait dans l'après-midi, la
en avoir en abondance à cette époque, sans trop grande fraîcheur de la terre pendant la
s'arrêter à on peu moins de perfection dans la nuit ne tarderait pas à les faire languir et jau-
floraison, seule considération qui doive diriger nir; il faut qu'avant la nuit, l'eau de l'arro-
les soins du véritable amateur. Celui-ci ne force sage ait produit son effet et se soit dissipée en
en hiver que des plantes peu précieuses, parmi partie par l'évaporation.
les bulbeuses, des jacinthes, des amaryllis, des Durant la belle saison que les plantes de serre
lachénalia, puis aussi quelques héliotropes et tempérée passent en partie en plein air, on ne
d'autres plantes odoriférantes, afin que la serre doit les arroser que le plus tard possible dans
soit toujours ornée et parfumée; mais quant l'après-midi, afin qu'elles aient toute la nuit
aux plantes de collection auxquelles il attache pour se rafraîchir. Si l'on arrose le matin
réellement du prix, il ne doit jamais chercher d'une journée chaude, la terre est desséchée
qu'à en obtenir la floraison la plus parfaite trop rapidement pour que les plantes aient eu
possible. le temps de profiter de l'humidité.

§ VII. — Arrosages.
§ VIII. — Taille.

Lorsque la serre tempérée est toute garnie de La


saison convenable pour tailler les plantes
dressoirs (fig. 166), disposition indispensable de serre tempérée se prolonge depuis la fin de
Fig. 166. décembre jusque vers le 15 du mois de mai ; le
[>rincipe dont il ne faut pas s'écarter, c'est que
a taille ne doit point surprendre les plantes
dans le cours de leur pleine végétation, mais
que, pour être faite avec avautage, elle doit
avoir lieu avant la sève, ou au moins dans un
moment de stagnation. L'instant favorable dif-
fère pour chaque genre de plantes ; parmi les
plantes du même genre, et de la même espèce,
il varie encore selon l'état de chaque sujet ;
lorsqu'on ne cultive que des plantes de petites c'est à l'expérience du praticien à en juger; en
dimensions, il faut arroser fréquemment les thèse générale, la taille tardiveest toujours nui-
pots placés sur les rangs supérieurs, avec un sible aux plantes ; c'est une opération pour la-
arrosoir à gerbe plate percée de trous excessi- quelle il n y a jamais beaucoup d'inconvénients
vement fins (voir /ty.56). L'eau ne doit leur à se hâter.
arriver que sous forme d'un brouillard très di- § IX. — Semis.
visé, de manière à rafraîchir les plantes sans
mouiller la terre. Cette mesure est très essen-
Les premiers jours de février sont l'époque
tielle dans ce cas, parce que l'évaporation est
la plus favorable aux semis qui se font en serre
beaucoup plus prompte que lorsque les pots tempérée; jeunes plantes ont ainsi devant
les

sont placés dans les plates-bandes, tous a la elles toute la belle saison pour se fortifier à
même hauteur. l'air libre, avant d'avoir un hiver à suppor-
ter. Les graines très menues comme celles de
Les plantes à feuilles épaisses qui transpirent
difficilement, ont besoin en outre, une fois ou
rhododendrons, F /.aléas d'andromèdes , et
,

deux dans le courant de l'hiver, que leur feuil- quelques autres, doivent être semées en terre
lage soit humecté et essuyé feuille à feuille, opé- de bruyère dès le commencement de janvier;
si l'on attendait jusqu'au printemps, les jeunes
ration oui contribue puissamment à leur bonne
santé. Il ne faut arroser les plantes de serre tem- plantes ne pourraient résister aux chaleurs de
l'été. On doit les mettre en pot aussitôt qu'on les
pérée à l'étal de repos, que quand la terre des
juge assez fortes pour supporter la transplan-
f»ots est tout à-fait desséchée; dans ce cas on
es traite exactement comme nous l'avons re- tation.

commandé pour les plantes d'orangerie; un ou 5 X. — Boutures.

deux arrosages suffisent durant toute la saison L'art de multiplier les plantes par le moyen

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titre il. ORANGERIE ET SERRES. 45
des boutures reçoit chaque jour do nouveaux racinées, faut se hâter de les mettre en pot,
il

perfectionnements, grâce auxquelles végétaux en se servant des pots les plus petits où les
de serre tempérée deviennent à la portée de plantes puissent vivre, sauf à les rempoter plus
tous les amateurs. Pour ne parler que d'un tard, afin d'éviter l'allongement excessif des
genre, on sait combien les cactus autrefois les racines. Les boutures mises en pots doivent
plus rares sont devenus de nos jours communs être placées sous cloche jusqu'à ce qu'elles aient
et à bas prix ; on multiplie maintenant les es- complètement repris racine; on les ombrage
pèces les plus recherchées pour leur admirable d'abord avec des paillassons, et on les accou-
floraison en coupant par tranches les tiges tume par degrés au contact de l'air et de la
qui font en même temps l'office de feuilles, et lumière.
semant ces tranches dans une terre convena- Il faut rabattre très jeunes et tailler fort
blement préparée; chacune d'elles produit une courtes les plantes obtenues de boutures qu'on
nouvelle plante qui réussit parfaitement avec destine à former des têtes touffues ; si l'on at-
les soins nécessaires. M. Neumann a obtenu ré- tend trop tard, on a alors à rabattre des bran-
cemment des boutures de plantes très coriaces ches déjà grosses dont les cicatrices choquent
et d'une reprise difficile, en plantant, non des la vue et déparent la plante.
tiges ni même des feuilles entières avec leur
pédoncule, mais des portions de feuilles cou- § XI. — Rempotage.
pées transversalement. On commence seule- C'est dans toute espèce de serres et d'oran-
ment à reconnaître ce principe que toute partie geries l'opération la plus importante et la plus
vivante d'un végétal est susceptible de le re- délicate. Elle a pour but, soit de donner des
produire par boutures. pots plus grands aux végétaux dont la crois-
On réserve ordinairement un local séparé sance nécessite un plus grand espace, soit de
pour les boutures dont l'emplacement occa- renouveler la terre dans les pots où elle est
sionnerait un vide dans la serre; ce local peut épuisée. Bien peu d'amateurs savent se préser-
être exposé au nord-est ; les boutures, dans la ver de la faute d'entasser dans une serre trop
plupart- des cas, n'ont pas besoin de l'action petite un trop grand nombre de plantes ; leurs
directe des rayons solaires, pourvu que d'ail- serres sont alors encombrées de végétaux qui
leurs la lumière ne leur manque pas. Un grand languissent faute d'air et d'espace, au lieu
nombre de boutures veulent être faites a l'é- d'être décorées d'un choix judicieux de plantes
touffée, c'est-à-dire qu'on les recouvre d'une Eroportionnées à la place qu'on peut raisonna-
cloche jusqu'à ce qu'elles aient repris racine. leinent consacrer à chacune d'elles. Dans ce
Dans le compartiment destiné aux boutures, dernier cas, beaucoup de végétaux vivant dans
soit dansla serre tempérée, soit dans une petite des caisses ou des pots suffisamment spacieux,
serre additionnelle, il doit y avoir trois subdi- peuvent y passer plusieurs années sans avoir
visions. La première contient du tan humide besoin d'en changer.
pour recevoir sous cloche les boutures qui exi- De quelque manière qu'on s'y prenne, il y a
gent une température élevée; la seconde con- toujours un grand nombre de plantes à rem-
tient du tan sec pour celles qui demandent un poter chaque année dans la serre tempérée,
milieu un peu moins échauffé; la troisième en- parce qu'on absorlierait en pure perle une place
fin est remplie de terreau pour recevoir, non précieuse pour d'autres destinations, si l'on
pas en pots comme les deux précédentes, mais donnait de prime abord à une plante qui doit
en pleine terre, les boutures des grands végé- doubler ou tripler de grandeur, toute la terre
taux qui n'ont pas besoin de chaleur; c'est dont elle aura besoin quand elle sera dans toute
aussi dans celte troisième subdi vision que se sa force.
font les boutures des plaotes d'orangerie. Le printemps est la véritable saison pour
La saison pour faire les boutures de chaque changer les plantes de pots; il faut, comme
espèce de plantes est nécessairement très va- pour la taille, épier le moment favorable con-
riable; néanmoins on ne peut faire de boutures formément à la nature et à la santé de chaque
avec espoir de succès olus tôt que la fin de dé- plante, ce qui est toujours facile avec un peu
cembre, et plus tara que le commencement d'habitude, surtout lorsqu'on n'a point encom-
d'av ril. Quelques végétaux ligneux et sous li- bré la serre d'une trop grande confusion de
gneux ne peuvent s'enraciner que dans du plantes diverses. Les plantes jeunes ou délica-
terreau; c'est donc dans du terreau tju'il faut tes doivent être rempotées les premières; on
placer leurs boutures; toutes les autres se pla- rafraîchit en même temps leurs racines, on re-
cent avec plus d'avantage dans du sable Irais; tranche tout le l)ois mon ou les branches en-
lorsqu'on les arrache pour les meure en pots, dommagées et on remet les plantes en place
le sable n'adhère point à leurs racines et ne dans la serre où elles auront encore le temps
peut les endommager comme il n'arrive que de former de nouvelles racines avant l'époque
trop souvent aux boutures faites d'ans la terre où elles peuvent être placées en plein air.
bu le terreau Mais dans les grands établissements dirigés
La terre de
bruyère convient également pour par des spéculateurs, il est presque toujours im-
an grand nombre d'espèces, pourvu qu'on ne la possible d'entre prendre ce travail au printemps,
laisse pas devenir trop
compacte. époque où les jardiniers sont le plus occupes;
Dès que les boutures sont sulisan ornent en- on diffère donc en général jusqu'à l'automne,

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4G HORTICULTURE. LIVRE V1U.

tout on reconnaissant les avantages des rempo- moyenne à plus forte raison de celles
taille, et
tages de printemps sur ceux d'arrière saison. de petites dimensions. L'espace qui leur est ré-
A cetteépoque on peut sans inconvénient ro- servé peut, sans nuire en rien ay coup d'œil,
gner racines d'un certain nombre de plantes
les être divisé en plates bandes aux quatre coins
afin les faire tenir dans des pou de plus
de desquelles de légers montants en fer réunis par
petites dimensions et de pouvoir en rentrer des traverses très minces et à peine visibles lors-
pendant l'hiver un plus grand nombre dans un qu'on les peint en vert, permettront de les pré-
espace donné ; mais dans ce cas, il faut un se- server par une toile des ravages de la grêle ou
cond rempotage au printemps pour que ces même des pluies violentes oui gâtent en un mo-
plantes puissent végéter convenablement pen- ment uue foule de plantes délicates. La fig. 1 67
dant la Mie saison. Beaucoup d'amateurs ne
Fig. 167.
disposant que d'un local borné traitent ainsi les
pélargooiums et les géraniums et se donnent Ai
la satisfaction d'en avoir le double de ce que
leur serre peut en admettre ; quoique ces plan-
tes puissent vivre et fleurir par ce procédé, il
n'est pas douteux qu'elles ne fussent beaucoup
plus belles si elles avaient toute Tannée l'es-
pace qui leur est nécessaire.

S XH. — Conduite générale de» plantes de terre


tempérée.

Nous avons dit, en parlant des vitrages, montre cette disposition. Il n'est pas d'amateur
combien l'abondance de la lumière dans les d'horticulture ni de jardinier spéculateur qui
serres influe sur la santé de* plantes ; le re- doive regretter une dépense aussi nécessaire
nouvellement de l'air n'est pas moins impor- lorsqu'il la compare à la chance de perdre en
tant. En hiver, il faut, selon le besoin, lever un quelques minutes le fruit des soins et des avan-
ou plusieurs panneaux à Ja partie supérieure ces de plusieurs années.
du vitrage, tant que la température ne des- Les quatre fiches A, A, A, A, fig. 1G7, sont
cend pas au dessous de 5 à 6 degrés. Cette destinées à entrer dans quatre œillets percés
ventilation doit se donner dans la matinée. S'il dans l'étoffe de la lente, de manière à la main-
survient un rayon de soleil qui échauffe l'at- tenir en place ; les bases B, B, B, B, servent à
mosphère , on referme les panneaux pour recevoir quatre cordons dans le même but ; la
enfermer l'air tiède qui s'y conserve assez tente peut au besoin être placée en quelques
longtemps à la même température. Après des secondes.
pluies ou des brouillards prolongés, lorsqu'il a Nous empruntons à l'excellent ouvrage pe
été impossible d'empêcher l'introduction dans M. Bobert Swect (the Bolanical Cultivator),
Ja serre d'une humidité froide, il faut se hâter la description suivante d'une des serres les
de la dissiper en allumant un peu de feu et ou mieux organisées de la Grande-Bretagne les ;

vrant les panneaux supérieurs ; on saisit pour amateurs et même les praticiens y puiseront
les refermer le moment où l'air est tiède et des- d'utiles enseignements. L'auteur avait été long-
séché. temps employé dans cette serre comme garçon
Les plantes de serre tempérée doivent, com- jardinier.
me celles d'orangerie, passer en plein air une - Nous pouvons citer comme une serre dont
partie de la belle saison. L'époque convenable la beauté se maintient sans altération par des
pour années; il ne faut
les sortir varie selon les soins éclairés depuis nombre d'années, celle
se régler que sur l'état de la température, sans des jardins de M. Angerstein de "Woodlands,
Sgard à aucune considération d'usage; il en est près de Blakheath, confiée à M. David Stéwart,
c même pour le moment de leur rentrée. En habile et ingénieux praticien.
général, Il vaut mieux nulle fois les sortir un Quelques grands camélias y sont plantés
peu plus tard et les rentrer un peu plus tut que en pleine terre, contre des piliers, de manière
de les compromettre en les exposant à une à ne pouvoir nuire en rien aux autres plantes.
température dont elles auraient a souffrir. On D'autres piliers sont garnis de plantes grim-
ne doit sortir les plantes de la serre tempérée pantes également en pleine terre, couvertes do
que par un temps humide et couvert; une fleurs presqu'en toute saison. Dans d'autres
petite pluie douce, accompagnée de calme, est parties de la serre on a introduit du dehors des
la condition de température la plus favorable cordons de vigne qui donnent tous les ans une
pour ce déplacement. On choisit pour les récolte abondante d'excellent raisin.
grands végétaux de serre tempérée un local « La collection consiste en un choix des
abrité autant que possible par un mur ou par plantes les plus nouvelles de la Chine, de la
de grands arbres contre les vents d'ouest qui Nouvelle-Hollande et du cap de Bonne-Espé-
règnent le plus souvent en été du reste, leurs
; 1 rance. On v voit entre autres une réunion des
dimensions obligent à les laisser à la garde de plus belles bruyères; elles y ont atteint un dé-
Dieu, car il serait impossible de les mieux ga- veloppem ent surprenant ; elles se couvrent en
rantir. Il n'en est pas de même des plautes de toute sai son de la floraison la plus magnili-

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tituc il. ORANGERIE £T SERRES. 47 i

que ;
quelques-unes, telles que les cricas arbo- M. Lindley aurait dû conseiller en même temps
rea, versicolor, vestita.et quelques autres, ont à tous les horticulteurs d'avoir 100,000 fr. de
atteint la taille d'un arbre ordinaire. L'erica revenu. L'arrangement qu'il recommande est
arborea est un arbre si robuste, que plusieurs incontestablement le meilleur; seulement il est
de ses branches peuvent supporter le poids impraticable excepté dans les grands établis-
.

d'un homme; toutes les autres plantes végè- sements publics , et chez les amateurs million-
tent dans des proportions analogues. naires dont on aurait peine à réunir une cen-
* - Toutes 1rs plantes de cette serre, à l'ex- taine en Europe, hors de la Grande-Bretagne.
ception de celles que nous avons dit Être pla- La dépense de deux serres chaudes, l'une sè-
cées en pleine terre, sont dans des pots pro- che, autre humide, est déjà hors de la portée
I

Iwrtinnnés à leur taille; chacune d'elles a reçu du plus grand nombre des amateurs; elle fait
a terre qui loi est propre. On la renouvelle én néanmoins partie obligée de tout établissement
général tous les ans: ce travail est enlevé le d'horticulture de quelque importance destiné ,

plus rapidement possible au printemps; tout le au commerce des plantes exotiques.


monde s'y met ; un ouvrier est spécialement — Serre chaude-ùche.
A.
chargé de casser des tessons de poterie et de
les disposer au fond des pots;* quand l'égout- Construction. —
La plupart des construc-
tement de la terre est ainsi assuré , les racines tions indiquées pour les serres tempérées
n'oni rien à craindre d'un excès d'humidité ; conviennent pour les serres chaudes ; quand on
celte partie de l'opération est traitée avec des veut se borner à la culture des plantes de pe-
soins lout spéciaux. tites dimensions, dont il existe une assez grande
Les sentiers de cette serre sont dalles en variété pour former des collections très dignes
larges pierres plates. Les plates -bandes, au des soins de l'amateur une bâche bien con-
,

lieu de tannée, contiennent du sable fin les; struite peut être suffisante beaucoup de serres
;

pots y sont plonges jusqu'au bord. Les grands chaudes ne sont pas autre chose que des bâches
végétaux ont leurs places réservées les autres ;
(fia, 154 et 155).
sont disposés par rang de taille; les plantes Lorsque la serre chaude doit recevoir de très
très rares ou qui sont momentanément en grands végétaux, des musas, des œleïs, de
pleine fleur ont une place à part, comme par- grandes cycadees, on peut adopter le modèle
ticulièrement dignes d'attention. Les feuillages représente fig. 108.
larges et étroits sont artistement entremêlés; Fi*. 168.
les érieas, les géraniées et les aurantiacées
sont groupés par genres les autres plantes sont
;

disposées, non pas méthodiquement, mais dans


le but de produire l'effet le plus agréable pos-
sible. On a soin de déplacer celles que les
progrès de leur croissance ont rendues trop
grandes pour la place qu'elles occupent. Un
soin minutieux à tailler chaque plante au mo-
ment le plus opportun, entretient dans toutes
les parties de la serre une floraison continuel-
lement renouvelée.
« En été, il ne reste dans la serre que les

plantes en pleine terre; la serre n'est pas pour


cela dégarnie ; on y place, comme dans une in-
firmerie, les plantes de serre chaude qui s'y
refont promptement, en même temps qu'elles
contribuent a l'orner. »

SlIIt. — Serra chaudes

On distingue parmi ce genre de serres les


serres chaudes-sèches et les serres chaudes- hu- La serre chaude ne peut jamais être con-
mides. Toute serre chaude a besoin d'une at mo- struite sur d'aussi grandes dimensions que la
sphère plus ou moins humide, la chaleur sèche serre tempérée, à cause de la difficulté qu'on
ne pouvant convenir qu'à un très petit nombre aurait à la chauffer instantanément selon te
de plantes des contrées intertropicales; mais besoin. Sous le climat variable des contrées de
les plantes de serre chaude-humide exigent un l'Europe centrale, le thermomètre descend fré-
excès d'humidité qui nuirait à la plupart des quemment en quelques heures d'un grand nom-
autres ; elles ont donc besoin d'un locaf séparé. bre de degrés; il faut aussitôt chauffer la serre
Cest ce qui fait dire à M. Lindley, célèbre pro- sans perdre de temps; c'est l'affaire d'un mo-

fesseur anglais d'horticulture, que les plantes ment lorsqu'elle est de grandeur moyenne ;
intcrtropicales, pour être convenablement trai- lorsqu'elle esttrop grande, bien des plantes
tées, demandent au moins quatre serres chau- précieuses peuvent avoir reçu une atteinte
des, dont chacune doit être appropriée à la na- mortelle avant que l'air se trouve suffisamment
ture de certaines tribus de végétaux exotiques. échauffé.

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48 HORTICULTURE. livre vin

peut avoir plusieurs serres chaudes-


Si l'on commun de jour en jour. Alors, les plantes sont
sèches, au lieu de les construire à la suite les en partie en pleine terre et en partie dans des
unes des autres, il vaut mieux, quand le local pots disposés sur des dressoirs. Il ne faut pas
le permet, les accoupler dans le sens de leur mettre en pleine terre dans la serre chaude les
longueur ; elles sont alors séparées seulement Srahds végétaux susceptibles de s'emporter et
par un vitrage. Au Jardin du Roi, à Paris, plu- 'étouffer les petits; ils pourraient prendre un
sieurs serres ayant été construites ainsi succes- accroissement tel qu'on en serait tort embar-
sivement, on a trouvé que l'air échauffé dans rassé, et qu'on ne pourrait plus les remettre
une seule d'entre elles pouvait procurer une en pots sans risquer de les faire périr. En pro-
chaleur suffisante aux autres, sans augmenter portionnant à leur vigueur les pots ou les cais-
sensiblement la dépense en^ combustible. ses , on est beaucoup mieux à même de régler
leur végétation.
B — Gouvernement de la terre chaude.
Lorsqu'on renouvelle l'airde la serre chaude,
Température, ventilation. —
Le thermomè- ce doit être toujours dans la matinée, par un
tre ne doit jamais descendre dans la serre beau temps, quand le soleil est dans toute sa
chaude au-dessous de 15 degrés centigrades force ; on renferme dans la serre l'air extérieur
eu hiver, la nuit comme le jour. Quand la tem- échauffé par les rayons du soleil, en abaissant
pérature dépasse 20 degrés il faut donner de les ventilateurs longtemps avant la fraîcheur du
l'air; mais la chaleur artificielle doit être mé- soir.
nagée de façon à ce qu'il ne soit jamais néces-
saire de laisser pénétrer dans la serre Pair froid
C. — Soins généraux.
de la nuit. Lorsque la serre est échauffée par C'est surtout pour les plantes de serre chaude
le procédé ordinaire, et que les pots qui con- sèche qu'il importe de donner les soins les plus
tiennent les plantes sont plongés dans le tan, il attentifs à l'opération du rempotage ; le choix
faut avoir soin de ne pas trop chaulfer le fond de appropriée à chaque genre de plante
la terre
de la tannée, ce qui endommagerait les racines est de la plus grande importance ; pour quel-
des plantes ; un peu de fumier chaud placé dans ques-unes des plus délicates, à qui le rempo-
le fond de la plate -bande suffira pour y main- tage pourrait être funeste, on se contentera
tenir la température nécessaire on couvrira
; d'enlever tout autour du pot intérieurement le
ce fumier d'une couche de gravier et d'une plus de terre possible sans endommager les ra-
autre de sable fin, de sorte que les pots y puis- cines, et on la remplacera par de la terre sem-
sent être entièrement plonges. Depuis quelques blable, mais neuve.
années, l'usage de remplacer ces matériaux On reconnaît tous les jours l'abus de laisser,
par de la mousse humide qui conserve long- selon l'ancien préjugé, la majeure partie des
temps une température très égale et contribue plantes de serre chaude sèche renfermées pen-
en même temps à la beauté du coup d'œil, se dant toute la belle saison ; les quatre cinquièmes
répand dans toutes les localités où il est pos- au moins de ces plantes peuvent rester tous les
sible de s'en procurer une quantité suffisante. ans trois ou quatre mois dehors sans inconvé-
Elle a sur la tannée et le fumier l'avantage de nient; celles qui ne pourraient supporter ce dé-
ne point engendrer de vers. Pour peu qu'en placement seront mises momentanément dans la
arrosant les plantes on humecte la tannée, les serre tempérée et dans l'orangerie, qu'on tien-
vers s'y multiplient à l'infini et pénètrent dans dra ouvertes aussi souvent que l'étal de l'at-
les pots par l'ouverture du fond. Ce n'est pas mosphère pourra le permettre.
que ces animaux nuisent directement aux Les plantes de serre chaude étant, encore plus
plantes dont ils ne peuvent attaquer aucune précieuses que les plantes de serre tempérée,
partie mais, lorsqu'elles sont délicates, ils dé-
; réclament encore plus impérieusement l'abri
rangent leurs racines en traversant du haut en d'une tente à l'approche des orages (voir Serre
bas la terre des pots , et il n'en faut pas davan- tempérée, fi g. 167) pendant qu on les tient en
tage pour les faire périr. plein air.
On peut aussi poser simplement les pots de- La seringue à boule percée de trous très fins,
bout sur une couche très mince de sable re- ou la pompe à main terminée de la même ma-
couverte de mousse. Dans ce cas, les pots ne nière, sont indispensables dans la serre chaude-
reçoivent aucun moyen particulier d'éenauffe- sèche pour entretenir la fraîcheur du feuillage
ment, ils participent seulement à la température des plantes et les débarrasser de la poussière
générale de la serre. Celte méthode est la plus qui s'y introduit toujours, quelques précautions
conforme à la nature des plantes de serre au'on prenne pour s'en préserver. Dès que
chaude ; car dans leur pays natal , c'est par l hygromètre en indiquera la nécessité, on ne
l'air et non par la terre qu'elles reçoivent la manquera pas de répandre aussi par le même
chaleur ; et si la terre ou elles croissent est moyen de l'eau dans les sentiers, pour entre-
échauffée, c'est uniquement par les rayons du tenir dans l'atmosphère de la serre un degré
soleil. suffisant d'humidité.
Dans tous les cas la tannée est inutile lors-
, Lorsque les insectes se multiplient dans la
que la serre chaude est chauffée, soit par la serre, des fumigations de tabac sont le meilleur
vapeur, soit par l'eau bouillante, au moyen moyen de les faire disparaître;
lorsque ces fu-
du thermosiphon, dont l'emploi devient plus migations seront jugées nécessaires, il faudra

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titre h. ORANGERIE ET SERRES. 49

éloigner momentanément de la serre chaude- mide lecontact de Tenu pour ses racines; ou
sèche les plantes en Heur dont les couleurs pour- ne saurait prendre à cet égard trop de précau-
raient être altérées par cette opération. tions. En Angleterre, où cette culture est por-
tée au plus haut degré de perfection, l'on em-
D. — Sen t chaude-humide. plit jusqu'aux deux tiers avec des tessons do
Les plantes orchidées et épidendrées offrent poterie brisés les pots destinés à ces plantes ;
des modes.de végétation tellement variés, tel- souvent même on dispose ces tessons en py-
lement différents de la végétation de toutes les ramide, depuis lé fond du pot jusqu'à quelques
autres plantes, qu'elles sont devenues, surtout centimètres au-dessous des rhizômes ou faus-
depuis quelques années, l'objet du goût parti- ses bulbes des orchidées méthode qu'on ne
,

culier d un grand nombre d amateurs d'horti- peut trop recommander, surtout pour le pré-
culture ; un jardinier- fleuriste est même re- cieux genre des uncidium, dont la floraison
gardé comme neconnaissant qu'imparfaite- égale en éclat les ailes des plus brillants pa-
ment sa profession, lorsqu'il n'entend pas la pillons dont clic imite les formes.
culture des orchidées. Bien peu de niantes de serre chaude-humide
La serre chaude-humide est spécialement végètent dans du terreau ou dans de la terre ;
consacrée à ces plantes. Sa température ne les unes ont besoin de bois pourri, soit pur,
doit jamais descendre au-dessous de 15 degrés soit mélangé avec de la tourbe fibreuse en
centigrades pendant les nuits d'hiver, et doit fragments de la grosseur d'une noix ; les autres
être maintenue presque constamment entre 20 veulent simplement enfoncer leurs suçoirs dans
et 30 degrés. Un réservoir est ordinairement des morceaux de bois à demi décomposés;
placé dans la serre même, afin que les feuilles d'autres enfin, comme nous l'avons dit, sont
et les tiges des plantes puissent toujours être simplement suspendues à la muraille, sans être
humectées avec de l'eau à la même température en contact avec la terre ou rien qui en tienne
que l'air qui les environne. Les sentiers de la lieu. Pour celles qui sont en pots, l'emploi de
serre reçoivent au moins trois fois par jour une la tannée est très convenable.
abondante aspersion d'eau, pour tenir l'atmo- Parmi les épidendrées. la vanille, dont les
sphère de la serre chaude-humide chargée de siliques parfumées sont si précieuses à la gas-
la plus grande somme d'humidité possible. tronomie, occupe toujours une grande place
Les plantes de serre chaude-humide végè- dans la serre chaude-humide. Les procédés de
tent beaucoup plus aux dépens de l'atmosphère cette culture, portés au Jardin du roi à leur plus
qu'aux dépens du sol dans lequel sont plantées haut point de perfection donnent à ses pro-
,

leurs racines. Quelques épidendrées peuvent se duits une saveur et une odeur en tout sembla-
passer absolument de terre on les attache sim-
; bles à celles de la vanille du Nouveau-Monde ;
plement à la muraille, ce qui ne les empêche cette culture peut, lorsqu'elle est pratiquée un
pas de croître et de fleurir. Presque toutes, peu en grand, couvrir en partie con-
les frais
dans leur pays natal, vivent comme plantes sidérables qu'entraînent, et l'entretien de la
parasites, soit sur des arbres à demi pourris serre chaude- humide,et l'acquisition des plantes
au sein de forêts épaisses situées au fond des dont elle est ornée, plantes qui sont presque
vallées les plus humides des régions intertro- toutes d'un prix excessivement élevé. Nous
Eicales, soit sur des rochers couverts de mousse consacrerons plus loin un article spécial à la
t ombragés d'arbres épais. Les procédés de culture de la vanille dans la serre ebaude-hu-
culture qu'on leur applique doivent tendre à mide.
les rapprocher le plus possible de ces condi- •

tions. Comme les plantes de serre chaude-hu- Section III. — Chaleur artificielle.
mide naissent naturellement dans les contrées
les plus malsaines de la terre habitable, le sé- Nous avons indiqué comment les matières
jour de cette serre doit être et est effectivement animales et végétales en décomposition pro-
très malsain pour les jardiniers. On ne doit ja- duisent une partie de la chaleur artificielle dont
mais franchir le cabinet servant d'antichambre l'horticulture a besoin pour les divers genres
à la serre chaude-humide, pour sortir au de- de culture forcée. ( Voyez Couches. ) Toutes les
hors, sans endosser un vêtement chaud appro- plantes de serre réclament en outre le secours
prié à la saison, comme préservatif contre les d'une atmosphère artificiellement échaiffée.
fâcheux effets d'une énorme différence de tem- Lorsque les pots qui contiennent les plantes
pérature. sont plongés dans la tannée, ils reçoivent l'effet
L'excès de la lumière solaire est souvent très de ces deux moyens combinés. Trois agents
nuisible aux plantes de serre chaude-humide ; sont employés au chauffage des serres 1° l'eau :

des toiles, et au besoin des paillassons, doivent à l'état liquide; 2° la vapeur d'eau ; 3° l'air
être constamment disposés pour pouvoir cou- chaud. L'ordre selon lequel nous nous en oc-
vrir à volonté les vitrages ; on peut même sans cuperons est celui de leur mérite respectif par
inconvénient, durant toute la belle saison, ren- rapport à leur effet sur les végétaux, et aux
dre les carreaux de vitre à demi opaques, au avantages généraux que l'horticulture peut at-
moyen d'une couche de blanc. tendre de leur emploi. Ces trois agents sont
Aucune plante de serre chaude-sèche ne re- échauffés par trois genres de combustibles lo :

doute plus que celles de la serre chaude-hu- bois, le charbon de terre et la tourbe.
ORTfCtflTQai. T. V. — 7

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50 HORTICULTURE.
faut au moins une heure pour que son effet
§ I". — Thermosiphon. utile se fasse sentir, tandisque les tuyaux or-
De tous les moyens proposés jusqu'à présent dinaires, remplis d'air chaud , peuvent élever
pour produire la-chaleur artificielle appropriée en huit à dix minutes de 15 à 20 degrés la tem-
aux besoins de l'horticulture, il n'en est point pérature de la serre; mais aussi, le refroidisse
oui nous semble supérieur, ni même égal à ment est bien moins à craindre avec le ther-
Iemploi de l'eau chaude dans l'appareil nommé mosiphon qui conserve sa chaleur bien des
thermosiphon, inventé en France vers le com- heures après que le feu est éteint sous la chau-
mencement de ce siècle par M. Bonnemain, sa- dière, et donne ainsi au jardinier nne sécurité
vant rccommandable, mort comme beaucoup qu'il ne peut avoir au même degré, même quand
d'autres, oublié et dans la misère. sa serre est chauffée par la vapeur.
Tout le monde sait comment s'échauffent Le thermosiphon n occasionne dans la serre
les masses liquides auxquelles on applique la aucun dérangement, parce qu'il n'exige aucun
chaleur par un point quelconque de leur sur- entretien. Les tuyaux de chaleur en Tonte, en
face inférieure. La couche liquide la plus rap- briques, ou en terre cuite, se remplissent de
prochée du foyer, devenue par la présence soie mêlée de cendres qu'il faut enlever assez
d'une plus grande quantité de calorique plus fréquemment. Qu'il se forme une crevasse à la
légère que le reste de la masse 4 traverse cette soudure de deux tuvaux, la fumée et la pous-
masse, gagne la partie supérieure et est rem- sière s'introduisent dans la serre et nécessitent
placée par la partie la plus froide, qui devient l'envahissement de la serre par les ouvriers,
a son tour la plus chaude : il s'établit ainsi des fléau plus à craindre que les deux autres en-
courants ascendants chauds et des courants semble rien de tout cela ne peut avoir lieu
:

descendants froids , jusqu'à ce que tout le li- avec le thermosiphon.


quide soit parvenu a la même température : Quelques ouvrages très répandus et juste-
telle est la théorie du thermosiphon. L'ap- ment investis de la confiance des horticulteurs,
pareil consiste en une chaudière surmontée mettent au rang des avantages du thermosi-
de tuyaux repliés sur eux-mêmes, comme le re- Ïihon celui de donner une chaleur humide. On
présente la figure 169 ; le tout doit être rempli it dans le Bon Jardinier, page 1 16 Cet ap-
: «*

pareil produit une chaleur humide plus favo-


F\g. 169.
rable aux plantes que celle des poêles » ; et plus
loin, page 1 17 • Un second avantage du ther-
:

mosiphon sur les poêles, c'est que sa chaleur


est humide, bienfaisante pour les plantes, tan-
dis qu'on reproche à celle des poêles de les des-
sécher, de nuire à leur perfection, ce qui oblige
à les bassiner, à les arroser plus souvent, et à
leur donner des bains de vapeur. »•

L'horticulteur qui se fierait sur cette asser-


tion pour se dispenser de donner à l'atmosphère
de la serre chauffée par le thermosiphon le de-
gré d'humidité nécessaire à ses plantes, tombe-
rait dans une erreur qui pourrait lui être fort
préjudiciable.
Le calorique, principe de la chaleur, n'im-
d'eau le plus exactement possible, et herméti- porte à quelle occasion il manifeste sa présence,
quement fermé. A mesure que l'eau de la chau- est un principe absolu qui ne peut être par lui-
dière U s'échauffe, elle gagne? par le tube C les même ni sec, ni humide. On nomme avec raison
parties supérieures de l'appareil, s'y refroidit, chaleur humide celle d'une atmosphère très
redescend dans la chaudière par le tube D pour chargée de vapeurs aqueuses, et chaleur sèch»
remplacer l'eau qui s'élève à chaque moment, cellcdc l'air dépouillé deces vapeurs. Les tuyaux
et établit ainsi une circulation non interrom- pleins de vapeur d'eau, non plus que ceux" du
pue tant qu'on entretient le foyer A; on doit le thermosiphon pleins d'eau bouillante, n'en voient
ménager de manière à ce (rae l'eau se maintienne pas à l'atmosphère de la serre un atome d'humi-
autant que possible à quelques degrés au-des- dité. Cette atmosphère peut être sèche ou humide
sous de l'ébullition; la même eau peut servir par des causes indépendantes du moyen em-
indéfiniment. L'appareil se remplit par l'aju- ployé pour l'échauffer la chaleur intense et
;

tage en entonnoir E. instantanée du poêle produit une plus forte éva


Aucun appareil destiné au même service ne poration, non parce qu'elle est sèrhe mais parce
,

déiMwse moins de combustible. A moins d'ac- qu'elle est rapide et élevée; celle du thermosi-
cidents qui sortent tout-à-fait de la classe des phon, tout aussi sèche que la première, mais
prévisions ordinaires, le thermosiphon, conve- moins rapide et plus douce, occasionne moins
nablement établi, dore au-delà de la vie de ce- d'évaporation.
lui qui fa fait monter. Tels sont les principes, tels sont les faits.
Son unique défaut est de ne pouvoir parer Nous les rétablissons, non pour infirmer en rien
aux froids subits et imprévus, parce qu'il lui l'opinion favorable que les hortieuheurs mo-

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TITIiE II. ORANGERIE ET SERRES. 51

dernes ont en général des bons effets da ther- et récolter sans interruption pendant tout Phi-
mosiphon, mais pour leur épargner les suites ver, jusqu'à l'époque ou les produits de pleine
fâcheuses d'une erreur matérielle. terre paraissent sur le marché.
Aucun appareil de chauffage n'est moins dif-
Frais d'établissement et d'entretien. ficile à gouverner que le thermosiphon, pour
en obtenir une chaleur constamment uniforme.
Les détails suivants sur la construction du Nul doute qu'il ne doive être appliqué inces-
thermosiphon, empruntés aux Annales de la samment sur une très grande [échelle à la cul- r
Société d horticulture, donneront une idée pré- ture forcée des légumes et des autres produits
cise des frais que peut entrainer cet appareil. de l'Industrie maraîchère particulièrement
,

Le fourneau est construit on débris de tuiles, aux fraises et aux melons, ainsi qu'à forcer sous
liés ensemble par un mortier composé de deux châssis les Heurs dont les grandes villes offrent
volumes égaux de terre franche et de crottin le débouché certain pendant tout l'hiver.
de cheval avec suffisante quantité d'eau. Ce
, Une couche chaude de l m ,32 de large sur
mortier, dont la recette est due à M. Poiteau, une longueur de 3"\32, emploie au moins doux
convient particulièrement à la construction des charretées de fumier qui coûte actuellement
fourneaux des serres, en ce que, n'étant pas (1843) à Parts 14 fr. la charretée. Les réchauds
sujet à se fendre, il ne livre jamais passage a la néiessaires à cette couche pendant sa durée
fumée. Les tuyaux en fer galvanisé ont 0 m ,07 absorbent la même quantité de fumier, parce
de diamètre, et une longueur totale de 84 mè- qu'ils doivent être plusieurs fois renouvelés ; la
tres. L'appareil, mis en place, a coûté 200 fr. mise dehors est donc, pour le fumier seulement,
répartis ainsi qu'il soit : de 56 fr. ; mais la dépense réelle peut se réduire
à 44 fr. , parce que le fumier de la couche dé-
Chaudière 02 f. »

Tuyaux, 64 mètres, 20
montée, de même que celui jqui a été employé
â M". c. le mètre 100
Soudure 6 >
en réchauds, peut encore servir, et représente
Main-d'œurre 43 • une valeur d'environ 12 fr.
Paris renferme environ 40,000 chevaux de
Total égal âôô
luxe ou de travail, dont l'industrie maraîchère
La tourbe étant à très bas prix dans les en- utilise les fumiers. Chaque cheval produit par
virons de Laon (Aisne), où cet appareil est éta- an de 20 à 30 charretées de fumier, en moyenne I

bli, il n'a jamais exigé, pendant les journées 25, donnant un total de 1 million de charretées,
les plus froides dé l'hiver, au-delà de 66 cent, représentant une valeur de quatorze millions
de combustible en 24 heures , et en moyenne que paie aux riches de Paris l'industrie ma-
40 cent. raîchère.
Un bon feu de tourbe allumé vers 10 heures Le thermosiphon, applique au chauffage des
du soir sous la chaudière porte la température couches , permet de supprimer le fumier, ex-
de la serre à 17 ou 18 degrés, et celle de la cepté quand il sert d'aliment aux végétaux ; ce

bâche à 28 ou 32 ; le lendemain matin, à 6 heu- serait une économie de moitié , c'est-à-dire de


res la température est encore de 10 à 12 de-
, sept millions pour la culture maraîchère des en-
grés dans la serre, et de 24 à 26 dans la bâche. virons de Paris. La culture forcée en particu-
I*s ananas végètent fort bien dans la serre ainsi lier pourrait économiser les cinq sixièmes du
échauffée \ on y a remplacé la tannée par des fumier qu'elle emploie.
dressoirs au-dessous desquels sont disposés les La substitution du thermosiphon au fumier
tuyaux du thermosiphon ; une légère couche de dans cette culture rabatterait les prétentions
paille, recouverte de mousse pressée entre les réellement exagérées de ceux qui, dans l'état
pots , dissimule ces dressoirs et le vide qui se actuel des choses ,
rançonnent les maraîchers
trouve au-dessous; des bouts de tuyaux en pour cet article indispensable à leur industrie.
terre cuite recouverts habituellement d'une
, A Paris, depuis quelques années, les personnes
pierre plate qui les ferme exactement , tiennent riches, qui seules ont des chevaux de luxe, font
lieu de bouches de chaleur. entrer en compte pour les gages de leurs do-
Le thermosiphon , outre son emploi dans les mestiques, le. fumier de leurs chevaux. La di-
serres peut encore rendre à la culture maraî-
, minution du prix des fumiers ne porterait donc
chère d'importants services; l'expérience a été préjudice qu'à ceux qui peuvent le mieux sup-
faite et couronnée du succès le plus complet, porter cette perte et tournerait au profit des
,

dans le jardin potager du château de Versailles, plus laborieux de tous ceux qui se livrent à
où un grand nombre de couches sont chauffées \
l'horticulture, sur auelque point que ce soit du
depuis plusieurs années par le thermosiphon. j
globe habitable. L agriculture pourrait alors
Un des jardiniers les plus distingués de Paris, i
profiter du surplus des engrais qu'elle ne peut
M. Gontier, en a fait récemment l'application à acheter aux prix actuels.
la culture forcée sous châssis, principalement à Le thermosiphon ne peut s'appliquer conve-
celle des haricots verts de grande primeur. j
nablement aux serres de grandes dimensions
N'ayant point à craindre, grâce au tnermosi- que lorsqu'il est chauffé au moyen de deux
phon le prompt refroidissement des couches
, foyers; c'est un embarras et un grave incon-
et l'excès d'humidité si souvent funeste aux ha- vénient. Un horticulteur des environs de Bath,
ricots , il peut commencer à semer en novembre I en Angleterre, a combiné fort ingénieusement

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52 HORTICULTURE. LIVRE vin.

les propriétés da thermosiphon avec celles de échauffant, les serres, les bâches ou les cou-
la vapeur pour le chauffage des serres en se ; ches, toute sorte de modifications dans leur
servant d'un seul foyer, il profite à la fois de la forme et leurs dimensions, selon l'usage auquel
promptitude avec laquelle la vapeur commu- on les destine.
nique la chaleur, et de la ténacité de l'eau pour
retenir sa température.
§ II. — Chauffage des serres par la vapeur.

On fait passer à cet effet, danstube du


le Ce moyen de chauffage pour les serres reçoit
thcrmosiphon A {fig. 170), un autre tube plus très ncu d'applications en France; après l'âp-
pareil destiné au chauffage desserres au Jardin
Fig. 170.
k B
du Roi, à Paris, nous ne pouvons citer que le
vaste et beau jardin de M. Chaisne fils, à Lyon,
qui utilise la vapeur pour chauffer des serres,
après l'avoirfait servir comme force motrice
dans une machine pour élever l'eau nécessaire
aux arrosages du potager. En Angleterre, la
petit B, qu'on remplit à volonté de vapeur; vapeur commence a céder la place au thermo-
dans ce cas, le thermosiphon n'a pas besoin de siphon, dont la supériorité est partout reconnue

chaudière, et il suffit d'un très petit appareil pour les serresd'une étendue médiocre. L'ap-
pour produire la petite quantité de vapeur né- pareil à vapeur convient en effet presque ex-
cessaire pour échauffer l'eau du thermosiphon. clusivement à des serres immenses, telles qu'il
Celte eau, mise en contact sur toute l'étendue ne s'en trouve guère qu'en Angleterre et en
des .tubes avec le tube plein de vapeur échauf- Russie, soit qu'elles consistent en un seul bâti-
fée, se trouve en quelques instants à la même ment, soit qu'elles se trouvent réparties entre
température, qu'elle conserve aussi longtemps plusieurs constructions conlîguês. Nul autre
nue si elle avait été directement échauffée par moyen ne saurait transmettre aussi rapidement
1 action de plusieurs foyers.
et conserver aussi longtemps une chaleur égale.
La forme et les dimensions des chaudières Les tuyaux conducteurs de la vapeur ne peu-
destinées à chauffer directement l'eau du ther- vent dépasser la chaleur de 80° centig., mais
mosiphon, peuvent variera l'infini. Les fig. 171 ils peuvent l'atteindre très également sur une

et 172 représentent la coupe verticale des deux longueur indéterminée, quand même ils au-
appareils les plus économiques usités à cet ef- raient un développement de 500 à 1 ,000 mètres;
fet en Angleterre. Dans la figure 171, laehau- et sur une si grande étendue, ou n'a pas à
craindre, comme avec les tuyaux pleins d'air
Fig. 171.
échauffé, de grandes différences de tempéra-
ture ; celle des tuyaux à vapeur est la même, à
quelque distance que ce soit du foyer et de la
chaudière.
Une seule chaudière à vapeur suffit donc
pour chauffer une série de serres, quelque
grandes qu'on les suppose. La vapeur, dans ce
cas, offre de plus une économie notable en
combustible et en main-d'œuvre, à laquelle il
faut ajouter la solidité et la propreté de l'ap-
dière A est disposée de manière à ce que sa pareil ; le jardinier, au lieu d avoir à s'occuper
partie supérieure affleure le niveau du sol ; elle de douze foyers, et quelquefois d'un plus grand
se continue par des tubes que la coupe ne per- nombre, n'en a qu'un seul à gouverner; iln'est
met pas d'apercevoir. La forme du foyer per- pas obligé d'avoir en douze endroits différents
met a la flamme d'échauffer presque toutes ses au charbon, des cendres, et d'autres objets
surfaces à la fois en très peu de temps. aussi peu agréables à la vue; au lieu de douze
Dans la figure 172, la chaudière présente tuyaux de cheminée il n'en a qu'un seul, et s'il
est construit d'après le système fumivore, ce
Fig. 172.
peut être un pilastre ou une colonne exempte
de fumée, contribuant au contraire à l'orne-
ment des jardins. Les tubes de l'appareil à va-
peur prennent moins de place que les tuyaux
de chaleur des foyers ordinaires ; ils n'ont ja-
mais besoin d'être nettoyés. La vapeur intro-
duite seulement pendant quelques heures dans
la serre y détruit très promptement les in-
sectes.
comme la précédente beaucoup de surface et très Le seul désavantageque présente l'appareil
peu d'épaisseur. L'eau chaude sort par le tube A pour le chauffage des serres au moyen de la
et l'eau froide rentre par le tube B, jusqu'à ce vapeur, c'est d'être un peu moins économique
que toute la masse arrive à la même tempéra- que le thermosiphon. Il est vrai que quelque-
ture ; ces tubes reçoivent pour parcourir, en les fois, dans les serres chauffées oar la vapeur,

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titre il. 0I1ANGKIUL ET SERRES. 53

les plantes s'étiolent et les fruits manquent de contribue avec la vapeur a échauffer le dessous
saveur; mais partout où nous avons observé de la couche.
ces accidents en pareil cas, ils nous ont tou- Le plnn ( fig. 174 ) montre la disposition des
jours paru tenir à quelque procédé défectueux tuyaux de chaleur G, partant du foyer B.
de culture ou à la négligence des jardiniers,
Fig. 174.
plutôt qu'à l'effet du chauffage à la vapeur.
Les chaudières pour la production de la va-
peur destinée au chauffage des serres se cons-
truisent ordinairement en tôle de fer ; quelques-
unes, par une recherche de luxe, sont en cui-
vre ; elles ne possèdent aucun avantage sur les
chaudières de fer. Les dimensions de ces chau-
dières sont ordinairement calculées d'après la
surface des vitrages de la serre. Un horticul-
teur anglais, d'une expérience consommée en
cette matière, indique les proportions sui-
vantes :

Serre à forcer les primeurs 1 mètre carré de


:

surface du fond de la chaudière pour 135 mètres


carrés de vitrages. Serre tempérée : 1 mètre
pour 200 mètres de vitrages.
On ajoute à ces proportions de 10 à 15 pour
100 lorsque la serre est mal vitrée et située à
une mauvaise exposition. Les tuyaux à vapeur De toutes les manières d'appliquer la vapeur
sont en fer ou en cuivre, comme les chaudières au chauffage des serres, il n'en est pas de
qu'ils accompagnent. On a essayé à plusieurs moins dispendieuse que la suivante, publiée il y .

reprises en Angleterre et en France de leur a quelques années dans les transactions de la


substituer des tuyaux en terre cuite, fort usités Société d'horticulture d'Ecosse elle consiste à
;

à cot effet en Hollande: mais toujours on a été mettre la vapeur en contact avec un lit de
arrêté par la difficulté d'empêcher les pertes de pierres brisées. Rien n'est plus simple que ce
vapeur par les jointures de ces tuyaux. procédé. On donne au lit de pierres A A
Les figures 173 et 174 représentent les dispo- (fig.llô l'épaisseur ordinaire des couches de
)

sitions (t un appareil de chauffage à la vapeur


Fig. 175.
selon le modèle le plus usité en Angleterre ;
le fond de la chaudière est de forme concave ;
c'est celle qui s'adapte le mieux au foyer fumi-
vore dont nous donnons ci-dessous la descrip-
fig. 179). La couche pro-
tion. (Voir Foyers,
fonde, d'environ 0 m ,80, repose sur une chambre
voûtée A (fig. 173) dont la voûte n'a qu'une bri-
Fig. 173.

tan ou de fumier; les fragments de pierre doi-


vent avoir de 0 m ,08 à 0 ,n .l6 de diamètre; les
meilleurs de tous sont des cailloux arrondis
lorsqu'on en a à sa portée ;..ils sont moins sujets
ue toute autre espèce de pierres à se couvrir
e mousse, et ils laissent entre eux de plus
grands intervalles. Le tuyau à vapeur B entre
par une extrémité de fa bâche remplie de
que d'épaisseur. Le foyer B envoie un conduit de pierres, et ressort par l'extrémité opposée; il
chaleur qui règne tout le long de la chambre A ; est percé de trous disposés sur deux lignes, à
cettechambre est en même temps tenue pleine • des distances égales de chaque côté, pour dis-
de vapeur au moyen de la chaudière C et de son tribuer régulièrement la vapeur à tout le tas de
tuyau dont l'ouverture est en D. Les conduits E [)ierres. Les dimensions de ce tube sont indif-
ordinairement bouchés, servent à introduire érentes; plus il est grand, plus l'effet de la
au besoin la vapeur dans l'atmosphère de la vapeur sur les pierres est rapide ; mais quel que
serre.Le conduit F sert à laisser échapper la soit son diamètre, cet effet est toujours le même,
vapeur superflue quand les deux conduits E sauf la promptitude.
sont fermes. Dans cet appareil, de l'invention On s'aperçoit qu'on a donné assez, de vapeur
de M. Mac-Murtrie, l'air chaud mêlé de fumée quand elle cesse de se condenser en humidité

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54 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

sur parce qu'ils se sont mis à la


les cailloux çoit les plantes en pots qui réclament l'appli-
mime température ; alors l'excès de vapeur se cation immédiate de la chaleur. On les fait
fait jour à travers la terre dont les pierres sont aussi quelquefois passer dans l'intérieur des bâ-
recouvertes. Le point de saturation peut aussi ches quand les végétaux qu'elles contiennent
être indiqué par la soupape de sûreté de la peuvent le supporter; mais lorsqu'ils passent
chaudière à vapeur. a travers la tannée, on doit prendre beaucoup
Durant le froid le plus sévère, la vapeur ne de précautions pour n'y pas mettre le feu.
doit être introduite pour chauffer les pierres Les tuyaux en terre cuite seraient économi-
Su'une fois en 2£ heures; quand le temps est ques et excellents sans la difficulté de souder
oux, il suffit de l'introduire une fois en deux exactement leurs jointures nous avons indiqué
;

ou trois jours. Si l'on considère quelle diminu- à l'occasion du thermosipbon, le meilleur mor-
tion de frais ce procédé procure, tant par les tier approprié à cet usage. 11 ne faut pas crain-
plus petites dimensions des tuhes que par la dre de les faire entrer plutôt plus que moins
moindre dépense en combustihlc, le fourneau les uns dans les autres (fig. 176).
n'étant allumé qu'une fois tous les deux jours
Fig. 177, 170.
en moyenne pendant tout l'hiver, ce qui
exemple le jardinier de tout travail de nuit
on sera convaincu de sa supériorité sur tout
autre mode d'application de la vapeur au
Les conduits rectangulaires (fia. 177) sont
chauffage des serres.
construits en briques maçonnées a chaux et à
§ III. — Chauffage des serres par l'air chaud. ciment. Souvent la partie* supérieure est rem-
Ce procédé que nous donnons en troisième placée de distance en distance, ou même dans
ligne comme étant le plus défectueux, est néan- toute sa longueur, par des plaques de fonte de
moins fer , qu'on déplace à volonté pour les nettoyer.
le plus usité de tous pour procurer aux
serres une chaleur artificielle. L'appareil con- Tel est en effet le grand inconvénient de ce
'
sistc en un foyer ou poêle proportionné à la mode de chauffage pour les serres ; quelques
grandeur de la serre; l'air chaud mêlé de fu- précautions qu'on puisse prendre, il y laisse
mée circule dans les tuyaux communiquant à toujours pénétrer plus ou moins la poussière et
la fumée, et quand il s'agit de nettoyer les
ce foyer, et disposés de manière à chauffer con-
venablement toutes les parties de la serre. Lors- tuyaux il cause beaucoup aembarras en obli-
que ces tuyaux ont une grande étendue, il se- {;eant presque toujours à évacuer entièrement
rait impossible d'y déterminer un tirage suffi- a serre.
sant sans le secours d'un fourneau d'appel, or- L'horticulteur n'a pas toujours la faculté de
dinairement en tôle de fer, placé à l'extrémité faire construire selon ses vues la serre dans

de la serre opposée à celle où est établi le foyer; laquelle il doit cultiver, soit que, jardinier de
le moindre feu clair, entretenu pour un mo- profession, il reprenne un établissement déjà
monté, soit que, simple amateur, il trouve, en
ment, occasionne un courant d'air qui permet
au feu du foyer de s'allumer. achetant une propriété, la serre déjà con-
Les meilleurs tuyaux pour cet usage sont les struite.

conduits construits en briques cimentées avec Le système de chauffage par l'air chaud
au'on trouve le plus communément
établi, peut,
de bon mortier dans lequel le plâtre, comme trop
sujet à se crevasser, ne doit entrer ni à l'exté- ans ce cas, recevoir avec très peu d'embarras
rieur, ni à l'intérieur. Lorsqu'on ne doit éta- et de dépense une heureuse modification, sou-

blir qu'une ligne de tuyaux, on peut leur don- vent mise en usage en Angleterre. On laisse
ner une largeur de 0 m ,25 sur 0"',40 de hau- subsister les conduits rectangulaires maçonnés
teur. Ces dimensions peuvent être de beaucoup en briques (fig. 177 et A A fig. 178) ; on les rem-
réduites lorsqu'on double la ligne des conduits Fig. 178.
. en les faisant revenir sur eux-mêmes; dans ce
cas , deux lignes de conduits étroits font plus
d'effet qu'une seule ligne de conduits sur des
proportions doubles.
Dans une serre peu spacieuse, les conduits
de chaleur, quelque forme qu'on leur donne,
partant d'une extrémité de la serre, suivent,
sans le toucher immédiatement, le mur de de-
vant, et reviennent le long du mur opposé ; ou
bien ils sont disposés à plat sur le sol, et recou-
verts de planches servant de passage, comme le plit, de cailloux, de pierres ou de briques con-
représente la coupe de la bâche à deux plates- cassées B. Un tube à vapeur C de quelques cen-
bandes (fig. 155). timètres de diamètre règne tout le long de ces
Pour ne pas nuire au coup d'œil, les tuyaux conduits ; il est percé de trous de distance en
sont le plus souvent dissimulés par un lambris distance pour répandre la vapeur entre les
en planche ; lorsqu'ils régnent le long d'un mur pierres qui, une fois échauffées, maintiennent
dans la serre, une tablette placée au-dessus re- dans la serre une température égale et durable.

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titre il. ORANGERIE ET SERRES. 55

très préférable à celle des conduits ordinaires qui n'est point sans importance dans un jardin
chauffés par l'air mêlé de famée, n'occasion- d'agrément, permet en outre une grande éco-
nant ni ramonages, ni réparations, et possé- nomie de combustible.
dant en outre la précieuse faculié de charger Do quelque manière que soient construits les
à volonté l'atmosphère de la serre d'une bien- fourneaux ou foyers pour le chauffage direct
faisante vapeur d'eau, ménagée selon les be- de l'air destiné à échaulfer les serres, ou pour
soins de la végétation. les chaudières à vapeur et les thermosiphons,
c'est une règle générale de n'en jamais placer
g IV. — Foyers : emploi du combustible.
l'ouverture dans la serre; elle doit se trouver
La forme ordinaire des loyers pour le chauf- dans un cabinet servant d'antichambre à la
fage des serres est tellement vulgaire qu'il se- serre qui, comme nous l'avons indiqué pour
rait superflu de la décrire. Il faut apporter le les haches, ne peut sans cette précaution être
plus grand soin au choix des matériaux alin présen ce de toute introduction de la famée et
d'éviter les réparations; les végétaux d'une de l'air froid du dehors.
serre, ceux d'une serre chaude surtout, sont Beaucoup d'amateurs, pour ne pas déranger
perdus si, pendant les froids rigoureux, le foyer la symétrie de leurs serres et ne pas nuire au
qui doit leur fournir la chaleur est hors de coup d'œil qu'elles présentent du dehors, pla-
service, ne fût-ce que pour une demi-journée. cent à l'intérieur le fourneau d'appel le jardi- ;

On ne doit employer à la construction du foyer nier fleuriste de profession ne doit point s'ar-
que des briques rèfractaires, qui ne soient pas rêter à une considération semblable; faisant
sujettes à se déformer ou à se vitrifier par l'ac- passer avant tout la végétation de ses plantes,
tion du feu. Cette action est peu violente et dé- il doit toujours placer le fourneau d'appel à

tériore peu les foyers, lorsqu'on n'y brûle que l'extérieur, en choisissant toutefois la place où
du bois ou de la tourbe. Mais quand on y em- il offusque le moins la vue.

Kloie du charbon de terre, ils se détruisent En résumé, le thermosiphon, pour les serres
eaucoup plus vile. Ktites et moyennes, l'emporte sur la vapeur et
Le charbon de terre n'est ordinairement em- ir chaud.
ployé au chauffage des serres que sous la forme La vapeur est presque seule applicable aux
de eoke, ou de houille carbonisée dont on a serres très vastes.
extrait le gaz hydrogène carboné: dans cet état, L'air chaud mêlé de fumée devrait cire par-
il ne produit point ou presque point de fumée. tout remplacé par le thermosiphon.
Nous donnons ici la hgure d'un foyer que les La tourbe est le chauffage le meilleur et le
Anglais nomment fumivore (fig. 179);
sa con- moins coùlcqx dans les pays oq on pcqj aisé-
Fig. 180, 179.
ment s'en procurer.
La houille carbonisée, ou coke, est préférable
au bois par son bas prix.
La houille non carbonisée est plus avanta-
geuse que le coke mais elle use rapidement les
;

fourneaux.
Le bois est, pour le chauffage des serres, le
combustible le plus coûteux et Jp plus incom-
mode.

struclion permet d'y brûler de la houille telle TITRE III. — Culture des végétaux
qu'elle sort de la mine, parce que le gaz y est LIGNEUX.
consumé avant de s'échapper par la cheminée.
Ce fourneau est dû à M. Witty. La figure 179 CHAPITRE r. - Pépinières^ pniscn.ES,
montre sa coupe verticale. Le feu est introduit GENEUAUX.
par la porte o, dont la forme représentée sépa-
rément (fig. 180) permet de s'en servir comme Nous avons au commencement dq
traité,
d'une pelle pour le transport du combustible 3uatrièmc volume, des pépinières considérées
allumé ou non, qui descend jusqu'à la grille c ans leurs rapports avec l économie forestière
le long d'un plan incliné. La seconde porte b et la grande culture; le nouveau point de vue
sert à régler l'activité do feu sur la grille c. sous lequel nous envisageons l'établissement vi
Une fois le tirage établi, la flamme tendant tou- la conduite des pépinières exclusivement qes:
jours à s'élever, tout le charbon qui reste sur tinées aux arbres et arbustes du domaine <Je
le plan incliné prend feu en même temps; de l'horticulture, nous oblige à entrer dans des
cette manière toutes les fois qu'on charge le
, détails beaucoup plus étendus; nous renver-
fourneau avec de nouveau charbon, tout le rons le lecteur a l'article Pépinière, tome IV,
gaz qu'il contient s'en échappe et brûle, et il pages 1«* et suivantes, toutes les fois qu'il y au-
n'arrive à la grille que réduit à l'état de coke. rait lieu à des répétitions, soit pour le texte,
Ce fourneau, indépendamment de l'avantage soit pour les figures.
qu'il possède de consumer sa propre fumée, ce La multiplication des végétaux ligneux vi-

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56 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

vaccs, cultivés dans nos jardins, soit pour leurs être assainie par des rigoles d'égouttement, et
fruits, soit pour la beauté de leurs fleurs ou de amendée avec du sable fin et des cendres de
leur feuillage, est l'objet spécial de la profession houille. Dans tous les cas , il importe qu'elle
du pépiniériste, Tune des plus importantes de ecl -
soit défoncée aussi profondément que le permet
les qui se rattachent aux différentes branches de l'épaisseur de la couche de terre végétale. Ce
l'horticulture. Des pépiniéristes, en très petit déloncement ne saurait être opéré avec trop de
nombre, cultivent la plus grande par lie des arbres soin; tout en divisant la terre, on la nettoie le
et arbustes à l'usage des jardins; le plus grand plus complètement possible des pierres de trop
nombre s'en tient à une spécialité, déterminée, grosses dimensions, et des racines de plantes
soit par la nature du sol, soit par la facilité du vivaces, telles que le chiendent, le liseron et
placement d'un genre particulier de produits. les différentes espèces de patience, qui s'éten-
Ainsi la Normandie et la Bretagne ont leurs dent avec une incroyable rapidité et dévorent
pépinières d'arbres fruitiers destinés à produire la substance des jeunes arbres. Dans un travail
1
es fruits à cidre; la Provence a ses pépinières de cette nature, nous ne pouvons trop le répé-
d'oliviers et d'orangers, tandisqu'aux environs ter, il y a économie à ne pas ménager la main-
de Paris on trouve des pépinières où les arbres d'œuvre; car rien n'est plus désagréable et
et arbustes de toute espèce, croissant en pleine plus dispendieux en même temps, que de
terre sous le climat de la France centrale, sont voir percer, à travers les semis, des pousses
offerts aux amateurs d'horticulture dans toute de racines vivaces qui tuent le jeune plant si
la perfection que peuvent leur donner les soins on les laisse, et qui pourtant ne peuvent s'ar-
les plus assidus et les plus intelligents. racher qu'en détruisant une partie des sujets
Après avoir esquisse les principes généraux obtenus de semis avec beaucoup de peine et de
qui régissent toute cette branche de l'horticul- dépense.
ture, nous indiquerons séparément les détails re- Le sol, ainsi préparé est divisé en comparti-
latifs aux pépinières d'arbres à fruit et ceux oui . ments dont les uns, destinés aux premiers se-
ne concernent que l'éducation en pépinière aes mis, sont choisis dans le meilleur terrain dont
arbres et arbustes d'ornement. on dispose, et les autres, réservés pour les rc-
fnquages et transplantations, sont cultivés en
Section I
ro
. — Choix et préparation du terrain. égumes avec une fumure modérée, jusqu'à ce
que les semis aient produit assez de plans pour
Lorsqu'on crée une pépinière de quelque les remplir.
étendue, il doit presque toujours s'y rencontrer Un terrain légèrement incliné au sud et à
diverses natures de terrains j on ne doit regar- l'est,abrité du côté du nord, mais à une cer-
der comme absolument impropres à l'établis- taine distance de l'abri, est le plus favorable à
sement d'une pépinière que les terres compactes l'établissement d'une pépinière. Un terrain trop
ei arides, formées d'argile pure ou de craie sans uni ne pourrait aussi facilement qu'une surface
mélange hors ces deux conditions qui se ren-
; un peu accidentée, réunir, à proximité les uns
contrent rarement partout où le débit des pro- des autres, des sols de nature diverse.
duits est assuré, une pépinière peut être formée Les planches destinées aux semis peuvent
avec avantage. Ceci s'applique aussi bien aux être amendées selon le besoin avec une cer-
travaux du jardinier- marchand qu'à ceux du taine quantité de marne ou de chaux; jamais
propriétaire qui, ayant à créer ou simplement elles ne doivent recevoir une fumure d'engrais
a entretenir de vastes plantations quelle qu'en récent d'étable ou d'écurie, immédiatement
soit la nature, trouvera toujours de l'avantage avant les semis. Lorsqu'on juge à propos de
à joindre une pépinière à son domaine. Non-seu- faire alterner sur ces planches les semis d'ar-
lement une terre riche et féconde, de première bres et d'arbustes avec une culture de légu-
qualité , ne doit point être préférée pour une mes, dans le but d'appliquer à cette culture
pépinière, mais encore elle doit être considérée intercalée une fumure sut lisante pour rétablir
comme essentiellement impropre à cette desti- la terre que le plant fatigue beaucoup, il faut
nation. 11 en est des arbres comme des animaux ; choisir les genres de légumes qui ne laissent
s'il est vrai que dans la jeunesse une alimenta- pas de traces après eux, et exclure ceux qui,
tion convenable leur assure un bon tempéra- comme les pommes de terre et les topinambours,
ment, il n'est pas moins certain qu'un arbre ne peuvent jamais être récoltés avec assez de
élevé en pépinière dans un sol trop fertile et soin pour qu'il ne reste pas en terre quelques
transplanté ensuite dans un terrain seulement tubercules dont, l'année suivante, la végétation
un peu inférieur pour y terminer sa croissance, dérange celle des semis.
ne fera jamais que languir, de même qu'un che- La culture d'une pépinière n'exige aucun
val nourri dans son premier âge avec trop de bâtiment qui lui soit spécialement consacré, si
recherche et d'abondance, doit dépérir dès qu'il ce n'est un hangar pour mettre les instruments
sera mis à un régime seulement un peu moins de travail à l'abri, et un cabinet pour la
substantiel. Une terre de fertilité moyenne, plu- conservation des semences. Dans une pépinière
tôt légère que trop compacte, profonde au complète, il est bon d'avoir un certain nombre
m
moins de Q ,iO à 0 ,50, est la plus convenable de cloches et quelques châssis pour les semis
pour toute espère de pépinière. Si elle avait et les boutures qui réussissent mal en plein air
quelque disposition à retenir l'eau, elle devrait et en pleine terre. Un bassin , lorsqu'on dispose

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Tir.-L m. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 57

d'un filetd'eau vive, est fort utile pour l'arro- une influence souveraine, principalement en ce
agoda jeune plant durant les chaleurs; sou- qui concerne les arbres fruitiers.
vent, faute de cette facilité, on laisse périr une Tous les fruits qu'on pourrait nommer do-
partie du plant trop faible pour résister à la mestiques ont été tellement modifiés et amé-
sécheresse. liorés de manière ou d'autre, qu'il ne leur
Quelaues pépiniéristes laissent subsister, au reste plus aucune ressemblance avec ce qu'ils
milieu des compartiments occupés par les se- ont été dans l'origine. Qui reconnaîtrait dans
mis ou les repiquages; de grands arbres de la prunelle sauvage V aïeule de toutes nos pru-
toute espèce, soit que, les ayant trouvés tous nes vertes, jaunes et violettes? ou dans l'insi-
venus, ils n'aient pas voulu les sacrifier, soit pide pomme sauvage l'aïeule des reinettes et
3u'ils se soient développés depuis la formation des pépins d'or? On ne peut plus trouver la
c la pépinière; cette pratique dont les incon- moindre analogie entre une délicieuse poire de
vénients peuvent céder en partie à des soins beurré dont la chair est si succulente, si riche,
multipliés et à la bonne nature du sol, est tou- si fondante, et le type primitif de la poire sau-
jours condamnable; le plant doit occuper sans vage, dure, pierreuse, astringente, dédaignée
partage les carrés de la pépinière où tout ce même des oiseaux et du bétail. Tel est le ré-
3ui tend à le priver d'air et de lumière, ou à sultat des soins patients et persévérants de la
isputer à ses racines la substance que le sol culture. L'action lente et continue des eaux
doit leur fournir, ne peut qu'être préjudiciable n'use pas plus sûrement les pierres les plus du-
à sa végétation. Si l'étendue du terrain per- res, que le travail raisonné de l'homme ne peut,
mettait de n'en consacrer qu'un cinquième aux aidé du temps, forcer la nature à se ployer à ses
semis de la pépinière, et de les changer de goûts et à ses besoins. Les races, une fois modi-
place tous les cinq ans, ce genre d'assolement fiées, se continuent identiques, tant qu'elles re-
serait préférable à tout autre; mais, le plus çoivent des soins ; abandonnées à elles-mêmes,
souvent, il est impraticable. On doit alors elles retournent bientôt à l'état sauvage.
chercher à obtenir des résultats analogues à Nous ignorons absolument par quels moyens
ceux de cet assolement, en transposant aussi une première tendance à se modifier a été don-
souvent que possible les semis et les repiqua- née aux plantes usuelles-, cette tendance au
es, sans toutefois consacrer jamais aux semis, changement dans les types créés primitivement
a ans cette rotation,. les portions de terrain de par la nature existe a un degré remarquable
qualité trop inférieure, sur lesquelles ils ne dans une foule d'espèces ; on peut donc admet-
pourraient réussir. Une clôture de murailles tre en fait une disposition générale dans tous
est presque indispensable à la sûreté d'une pé- les êtres à dévier de leur type naturel par la
pinière, où l'invasion d'un lièvre ou d'un lapin culture; nulle part cette disposition n'est plus
en hiver cause d'incalculables dégâts. On sait prononcée que chez ceux que l'homme a su
que ces animaux rongent l'écorce des jeunes plier à la domesticité ; le chien et les oiseaux
sujets pour qui leur moindre morsure est mor- de basse-cour sont à cet égard, dans le règne
telle. On ne peut donc s'abstenir d'entourer de animal , ce que sont dans le règne végétal les
murs une pépinière que lorsqu'elle est protégée fruits cultives. L'horticulteur possède deux
soit par une rivière, soit par un fossé profond moyens principaux de développer cette dispo-
et plein d'eau. Les haies, même lorsqu'elles sition des végétaux à former des variétés. Le
sont épaisses et serrées, n'arrêtent pas toujours premier et le plus simple, c'est de choisir con-
les lièvres et les lapins qui savent très bien stamment pour les semis les graines des espèces
terrer par-dessous. Les haies conviennent au et variétés les plusperfectionnées, et de réserver
contraire fort bien pour séparer les grandes di- pour cet usage les individus les plus parfaits de
visions intérieures d'une vaste pépinière. chaque variété. Les qualités du fruit sont con-
Les semis, les marcottes et les boutures sont centrées dans l'embryon de la graine parvenue
les trois principaux moyens de se procurer les à sa parfaite maturité ; comment ces qualités
sujets qui) au bout d'un certain temps passé se transmettent -elles ainsi de génération en
dans la pépinière, deviennent susceptibles d'ê- génération ? Nous l'ignorons ; nous savons seu-
tre greffés quand cette opération leur est né- lement qu'elles se transmettent.
cessaire, ou d'être mis en place tels que les a De deux pommes de la même espèce, cueillies
fait croître la nature secondée par le travail sur deux espaliers, l'un au nord, l'autre au
de l'horticulteur. midi, la première sera la moins sucrée les pé- ;

pins du fruit le moins capable de former du


Section H. — Semii. sucre tiendront de la nature un pouvoir moins
grand pour faire produire à leur postérité des
$1". — Choix des «mène». fruits sucrés. Le jardinier qui désire obtenir
Les semis d'arbres et d'arbustes ont pour par les semis l'amélioration des variétés doit
but trois objets principaux : propagation des d'abord, par tous les moyens en son pouvoir,
meilleures espèces; amélioration des espèces les stimuler à donner les fruits les meilleurs
déjà possédées ; conquête d'espèces ou de va- qu'elles soient capablesde produire, pour semer
riétés nouvelles. ensuite les pépins ou noyaux de ces fruits.
Le choix dos semences exerce sur ces trois Un moyen plus efficace d'obtenir des variétés
points essentiels des travaux du pépiniériste nouvelles, c'est de féconder le stigmate d'une
»o«T:ciiTust, 1 . V. - 8

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58 HORTICULTURE. LIVBE VIII.

espèce avec pollen d'une autre; il en résulte


le nous les avons crus d'autant plus dignes de
le plus souvent une variété intermédiaire. Le trouver place ici, qu'ils ont attiré l'attentioo
mode selon lequel s'opère ce croisement est toute spéciale des hommes les plus distingués
l'un des procédés les plus curieux de la nature dans cette branche de l'horticulture. Les no-
I végétale. Le pollen, ou poussière fécondante tions qui précèdent sont extraites en grande
est composé ae très petits globules creux dont partie des ouvrages du célèbre professeur an-
l'intérieur est rempli d'un iluide dans lequel glais Lindlcy.
nagent (Jes particules dont la forme varie du
sphéroïde à l'ovale, et qui possèdent visible- $ H. — SfmmfM d'arbre* et d'nrbtxtej cJas»ci sebm
ment i éjioijtie de- leur maturité.
la faculté de se mouvoir spontanément,
comme on peut s'en assurer en les observant A. — CSnes.
au microscope. Le stigmate, extrémité du pistil
E»|-rr*«. ÉfWMlu* dr U malin. tr
ou organe iéminin, est formé d'un tissu très
Pin *\l\. sire Novembre.
lâche, dont les pores ou passages intercellu-
Pin a |MgntK» Déretubie.
laires ont un diamètre plus grand que celui des Pin «riiiioiilli Octobre.
atomes mouvants du pollen. Quand un grain Pin ccmltro iSovrmbic.
de pollen vient en contact avec le stigma, son Sapin é|>ni-a Octobre.
enveloppe se brise, et il verse son contenu sur S.ipinbaumirr Septembre.
le tissu lâche du stigma. Les particules mou- Mélèze ( 3 variétés ) Décembre.
vantes descendent à travers le tissu du stile, Cèdre du Liban. . . ; Mars.
Genévrier de Viiginie. . . Décembre.
quelquefois une à une, quelquefois plusieurs .

Cyprès (t variétés) Janvier.


ensemble, selon l'espace qu'elles trouvent ; elles
Thuya ( J variété») Novembre.
arrivent, par des conduits que la nature a des-
tinés à cet usage, jusqu'à une petite ouverture Un- grand nombre de conifères ne se culti-
qui existe dans les téguments de l'ovule destiué vent point en pépiuière, soit parce que ces ar-
à devenir une semence, péposée dans celle ou- bres reprennent trop difficilement, soit parce
verture, la particule s'enfle, grandit par de- u'il est toujours facile d'en prendre du plant
Îïrés,se sépare en radicule et cotylédons, et ans les bois où ils se sèment d'eux-mêmes. On
inalement devient un embrvon duquel, quand peut récoller les cônes depuis |e moment indi-
la semence mûre sera confiée à la terre, un qué comme leur époque de maturité, jusqu'au
nouvel arbre doit sortir. mois d'avril de l'année suivante ; mais s'ils sont
L'action du pollen sur le stigmate, et par suite Droites de bonne heure, les graines en valent
sur la semence, étant telle que nous venons de mieux. Au moment d'en faire usage, on les sé-
la décrire, il s'ensuit nécessairement que. dans
pare en les ex posant à la chaleur modérée d'une
tous les cas de croisement la variété nouvelle
,
etuve ; les écailles du cône s'ouvrent cl lais-
tiendra plus de l'individu mâle qui aura fourni
sent échapper les semences.
le pollen que de l'individu femelle fécondé. Cet
Lescônesdu cèdredu Liban nedoivent point
effet très sensible dans les croisements entre
être chauffés; on les conserve une année en-
des espèces distinctes a toujours lieu quoique ,
tière avant de les ouvrir, ce qu'on fait au moyeu
d'une manière moins sensible, pour les variétés d'une lame de fer, mais avec précaution. Cet
améliorées de longue main ; c'est ce qu'il ne faut arbre, le plus précieux de tous les conifères
jamais perdre de vue dans la pratique. pour la durée et l'incorruptibilité de son bois,
Les limites dans lesquelles ces eflets peuvent aura bientôt disparu de ses montagnes nata-
se produire sont assez étroites. La fertilisation
les par l'incurie des habitants du pays; les pé-
est nulle ou très rare entre deux espèces, à
piniéristes et les amateurs ont pris soin d'en
moins qu'elles n'offrent entre elles les plus conserver et d'en propager la race pr{. s do i

grands rapports; les semences provenant de ce s'éteindre. On le sème dans une terre très meu-
croisement sont stériles, ou si elles sont fer- ble, soit en pots, soit en plates- bandes, à l'ex-
tiles, c'est pour retourner à l'une des deux es-
position du midi les semences doivent être peu
;

pèces dont elles dérivent. Tel est sans doute le recouvertes. Le plant du cèdre ne forme jamais
motif pour lequel nous n'avons pas d'intermé- de bons arbres lorsqu'il a passé plus de deux
diaire entre la poire et la pomme, le coing cl ans en pépinière; celui qu'on élevé dans des
la poire, la prime et la cerise, la groseille à
pots suffisamment profonds, et qu'on transplante
grappes et la groseille à maquereau. Mais les ensuite en motte, est toujours le meilleur ; ce
variétés se croisent aisément, et leurs produits mode de semis doit être préféré par ceux qui
dépassent souvent la fertilité de leurs auteurs. n'en ont pas un trop grand nomoreà la fois.
II suffit d'en citer pour exemple les nombreu- Les autres variétés de cèdre, et toutes les va-
ses variétés de poires obtenues en Belgique de-
riétés de cyprès, se traitent comme le cèdre du
puis trente ans par croisement entre des va-
le
Liban. Tous ces semis aiment une position om-
riétés peu productives-, leur descendance égale bragée.
ou dépasse la fécondité des meilleurs arbres B. — Glands, amandes, noix, noisettes, châlai-
fruitiers de nos jardins. ' gnes, etc.
Tels sont les principes qui doivent diriger le Etftret. Êpoqu* «le la mamriU
pépiniériste dans le choix des semences. Ces Chêne-yeuse Novembre.
principes sont en général rarement appliqués ; Clienc-li-oC Novembre.

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TITRE III- PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 59
E'jii ire». Époque de U Etprcei' Epoque de le

Chêne écarlalc Novembre. Alaierne Octobre.


Chêne Rouvre el loti» le* au- Nerprun........ Septembre
chênes d'Europe.
tres . . Décembre. Daphné Juin.
Châtaignier Novembre. Viorne Juin.
Frêne Novembre. Plnlliréa Février.
Hêtre Septembre et octobre. Rosiers Ortobre.
Marronnier d'Inde Oclubre.
Platane occidental Décembre. Le mois de pour quel-
février tout entier, et
Erable, faux platane et autres Octobre. ques variétés les premiers jours de mars, sont
Noyer ( * variétés) ....... Septembrect octobre. les époques les plus convenables pour les semis
Noisetier-aveline Octobre. des noyaux de cette section. Il en est qui,
Amandier Septembre.
comme le néflier, se sèment rarement, parce
Rouleau Novembre.
Îi'il leur faut deux années pour lever, et que
Slaphiléa Octobre.
ailleurs on les multiplie facilement par d'au-
Toutes les semences de cette section peuvent tres moyens. L'aubépine et le houx, très usités
être semées à l'état Irais; on ne doit taire sé- l'un et l autre pour clôture, se sèment en lignes
in
cher que celles qui doivent être envoyées au à 0 ra ,16 de distance entre elles, à 0 ,03 ou
loin. Si le climat ou d'autres motifs ne permet- 0 m ,04 de profondeur; il est bon de passer le
tent pas de les semer immédiatement, mais rouleau par-dessus les semis, tant pour que la
3u'on ne les desline pas à voyager, il n'y a pas semence soit bien recouverte que pour raffer-
e meilleur mode de conservation que de les mir le sol, condition favorable au plant d'au-
disposer par lits alternatifs, recouverts de sable bépine et de houx. La même précaution doit
lin mêlé de cendres tamisées: c'est ce qu'on être recommandée pour le» semis de ces deux
nomme straiifier les semences. Par ce procédé, graines en place. On ne doit pas manquer de
quoiqu'elles ne soient point desséchées, leur les préserver par un abri quelconque de l'action

végétation demeure comme endormie jusqu'au directe des rayons solaires pendant les ardeurs
moment où l'on veut s'en servir. de l'été auxquelles le jeune plant ne peut ré-
Les glands, marrons d'Inde, marrons, châ- sister s'il n'est ombragé.
taignes, amandes, noix et noisettes, se sèment D. — Capsules des pépins.
en lignes à la fin de février ; ces semences sont
U I. «naluritr.
peu difficiles sur la qualité du sol; cependant
Poirier Octobre.
elles réussissent mieux dans une terre tranche,
Pommier Ortobre.
mais bien ameublie, que dans un sol trop léger. Cognassier '
Novembre.
Elles doivent être enterrées à la profondeur de Vigne.. Octobre.
,n m
0 ,04 ou 0 ,05. Cornouiller Octobre.
Les semis de frênes se font en sot léger et berberis épine-vioetle Septembre.
frais dans une situation très découverte; on Sureau Septembre.
les recouvre de 0 m ,02 ou 0 m ,03 de terre tout au Chèvrefeuille Août.
Jasmin Octobre.
plus.
Trocoe Octobre.
Le sycomore et le hêtre, dont le plant est Novembre.
Tilleul
très sensible à l'action du froid, ne se sèment
pas avant la fin de mars ou les premiers jours Les pépins, auxquels la profession de pépi
d'avril, en terre légère, sablonneuse, à 0 02 ,
niériste doit son nom, sont de tous les genres
de profondeur. de semences le plus important dans les pépi-
Ces indications se rapportent uniquement nières d'arbres fruitiers; on plante en effet bien
aux semis en pépinière ; les chênes, les châtai- plus d'arbres fruitiers à pépins que d'arbres
gniers, les hêtres susceptibles de former, par fruitiers à noyaux, les usages des fruits à
le moyen des semis, de vastes forêts, sont sou-
noyaux étant beaucoup plus limités.
mis dans ce cas à un traitement différent. Les semis de pépins ont besoin d'être pré-
(Vqir tome IV, page 08.) servés de la chaleur et de la sécheresse par
— Fruits quelques abris pendant le premier été que te
C. et baies à noyaux.
jeune plant nasse en pleine terre. Ces abris sont
EepcVet . Époque de U
d'un effet plus certain quand les planches sont
l

Prunier Oclobre.
dirigées de l'est à l'ouest, que quand leur di-
Abricotier Août, septembre.
rection est du nord au sud, disposition facile
Pêcher Août, septembre.
Cerisier Juillet.
à prendre, et qui n'est pas sans influence sur
Laurier. . . . Novembre. le bon résultat des semis de pépins.

Laurier-cerise
Néflier
Septembre.
Décembre.'".
E. — Arbres et arbustes à
Eepcrt*. Epoque «V la <

Sorbier des oiseleurs Août.


Sorbier pinnatifide Oclobre. Baguenaudicr Octobre.
Robiuia, faux acacia Novembre.
Aubépine. Octobre. Cytise Octobre.
Alisier. . GlédiUia, levier de la Chine Novembre.
.......

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60 HORTICULTURE. UVRE VIII.

Toutes les semences légumineuses peuvent ter quelques conseils aux observations qui
tore semées en février, en terre sablonneuse et précèdent.
légère, mais profonde, parce que, durant leur
premier âge, les racines du jeune plant pénè-
A. — Pépins.
trent plus avant dans le sol que celles des ar- Le plus grand
nombre des sujets de poiriers
bres et arbustes des sections précédentes. Les se- et pommiers, livrés au commerce par les pépi-
mences légumineuses manquent rarement de niéristes, ne provient pas de semis ; les poi-
lever, en sorte que le plant se trouve exposé à riers destinés à être conduits en espalier ou
périr si les semis sont trop serrés ; elles doivent en quenouille sont greffés sur cognassier;
donc être suffisamment espacées entre elles, les sujets de cognassier pour grefler s'ob-
afin de ne pas se nuire; il ne faut pas les en- tiennent de vieilles souches (il y en a de plus
m
terrer à plus de 0 ,02 de profondeur. L'épo- que séculaires ) qui n'ont pas d'autres fonc-
que critique pour le plant provenant des se- tions que de fournir constamment des reje-
mences de cette section est le mois d'août, ou, tons qu'on leur enlève à mesure qu'ils se dé-
comme disent les jardiniers, la tève d'août. Il veloppent pour les repiquer en pépinière et
arrive assez souvent que le plant des semences les cultiver jusqu'au moment de les greffer;
légumineuses, bien levé au printemps, perd ses on nomme ces vieilles souches des mères. Ou
feuilles en juillet et n'a pas la force a'aspirer conçoit quelle différence de vigueur et de durée
la sève d'août ; on prévient ces accidents en sa- doit exister entre ces sujets donnés par des sou-
crifiant, sans hésiter, une partie du plant levé, ches depuis si longtemps épuisées, et ceux que
lorsqu'il parait trop serré, et en donnant à ce- donneraient des semis de pépins; c'est la vie
lui qu'on laisse en place plusieurs binages dans qui s'éteint, comparée à la vie qui commence.
les mois de juin et de juillet. L'amateur et même le pépiniériste marchand,
s'il comprend bien ses intérêts, doivent donc
F. — Arbrts et arbustes à petites semences molles.
semer chaque année des pépins de coings,
tffttt*. É|>«|ii« de la malurilé. choisis parmi ceux des plus beaux fruits des
Orme Juiu. plus belles variétés. Les jeunes sujets craignent
Auuc Novembre. peu le froid, il est d'ailleurs facile de Les en
Peuplier Mai. préserver par une légère couverture de paille;
Saule Juin.
les semis peuvent donc sans inconvénient se
Syringa Octobre.
faire en automne, aussitôt que les coings sont
Ciste Septembre.
arrivés à parfaite maturité. Pour les localités
Rhin Cotiuus Juillet.
exposées a des hivers rigoureux, on fera bien,
Les semencesde cette section étant mûres de autant que possible, de conserver les coings
très bonne heure, peuvent être semées aussitôt entiers jusqu'au printemps, et de semer lespc
qu'on les récolte; livrées à elles-mêmes, sans pins immédiatement au sortir du fruit. Les su-
culture, elles donnent déjà du plant très vi- jets retarderont d'un an ou deux sur ceux que
goureux avant l'hiver. On doit suivre cette in- donnent les souches-mères; ce n'est réellement
dication de la nature, excepté pour les variétés un inconvénient que pour le pépiniériste qui
sensibles au froid, dont on retardera les semis commence; au bout de quelques années, il s é-
jusqu'au printemps de l'année suivante. Ces tablit une rotation qui permet d'avoir toujours
semences veulent tout au plus être recouvertes assez de sujets à greffer pour les besoins de
d'un ou deux centimètres de terre. l'établissement, et ces sujets sont de beaucoup
supérieurs à ceux des souches-mères. Pour les
§ III. — Observations sur les semis de pépins cl «le
variétés en grand nombre qui reprennent diffi-
novaui.
J
cilement sur cognassier et ne forment jamais
Les semis sont le meilleur de tous les modes par ce procédé que des arbres défectueux, nous
de reproduction des arbres et arbustes fruitiers recommandons de semer une grande provision
en pépinière; tous les autres leur sont inférieurs d'épine- blanche, sur laquelle tous les poiriers
sous tous les rapports; des motifs d'économie sans exceptiondonnent, parla greffe, des arbres
de temps et d'argent peuvent seuls les faire de la plus belle venue et de la plus grande durée.
préférer dans beaucoup de circonstances, bien puant aux pommiers, rien ne peut jusqu'à
que ceux-là même qui les adoptent ne contes- présent remplacer, pour les arbres nains, les
tent pas la supériorité des semis. Mais tous doucain8,v\ les pa radis ; ce sont encore les meil
ceux pour qui nous écrivons ne cultivent pas leurs sujets pour les arbres qu'on se propose de
dans des conditions identiques ; il en est beau- tailler en quenouilles peu élevées ou bien en
coup pour qui les considérations d'argent ne ra m
contre-espalier, à l ,30ou l ,50 au plus de
sont que secondaires, et qui, véritables ama- hauteur; à la vérité ils durent peu, mais ils
teurs, tiennent surtout à taire le mieux possi- produisent promptement et ne s'emportent ja-
ble; ceux-là ne balanceront pas à semer cons- mais. Pour tous les arbres en grandes que
tamment, même au delà de leurs besoins, car nouilles,en grands espaliers et à haute tige ou
c'est seulement ainsi qu'on peut, soit conquérir en plein-vent, les sujets obtenus de semis sont
de nouveaux fruits, soit perfectionner les an- préférables.
ciens, source de continuelles jouissances pour On ne sème guère que les pépins des poires
l'horticulteur. Nous croyons donc devoir ajou- et pommes qui ont servi à faire du cidre ces;

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Tirnt tir. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 61

pépins proviennent d'arbres greffés ; beaucoup pour les semences les chances de destruction
d'entre eux donneraient des fruits de très bonne par les mulots et les insectes ; cet inconvénient
qualité sans le secours de ta greffe ; le pépinié- est plus que compense par la rapidité de la
riste consent rarement à en courir la chance, germination. Depuis quelques années, l'atten-
à cause de la perte de temps qu'il aurait à sup- tion dès pépiniéristes de nos départements du
porter dans un espoir qui serait souvent déçu. midi a été appelée sur les avantages que pré-
L'amateur, au contraire, doit laisser porter sente la méthode des semis pour la multiplica-
fruit à tous les sujets qui dès la première an- tion des oliviers; les semis de noyaux entiers,
née se montreront exempts d'épines et munis quoique lessivés avec soin, réussissaient rare-
d'un feuillage large et bien fourni. Les arbres ment à cause de la dureté des noyaux ; un pro-
qu'on ne greffe pas sont à la fois plus produc- priétaire du département du Var, M. Martelly
tifs et plus durables que les autres. On obtien- membre du comice agricole de Toulon, a in-
drait bien plus souvent des sujets de ce genre venté récemment un casse-noyaux au moyen
si l'on avait soin de ne semer que les pépins duquel il met à nu l'amande de l'olive sans
des fruits à couteau les plus recherches. Le s'exposer à écraser le germe, ce qui a lieu le
pépiniériste qui opère sur une grande échelle plus souvent quand on se sert d'un marteau.
ne peut user de ce procédé, il lui faut trop de Désormais, le midi de la France renoncera à
pépins il ne peut les demander qu'au marc de
; peupler ses pépinières de sujets pris au pied de
cidre. L'amateur, dont les semis sont plus bor- souches séculaires ; et ces pépinières ne livre-
nés peut avoir recours, à peu de frais, à un ront plus à l'agriculture que des sujets de semis
moyen fort simple que nous indiquons pour en supérieurs aux anciens sous tous les rapports.
avoir longtemps fait usage avec succès en Bel- Le temps que les jeunes sujets doivent pas-
gique et en France. Durant la saison des fruits, ser en place avant de subir une première trans-
on s'entend avec les garçons de service d'un plantation varie selon les espèces; il vaut mieux
ou plusieurs restaurateurs ou maîtres d'hôtels avancer cette opération que la retarder; il suf-
de la ville la plus voisine-, on leur remet deux fit que les sujets soient assez forts pour que la

sacs, l'un pour les pépins, l'autre pour les reprise semble assurée. Nous regardons comme
noyaux ; toutes les semaines, moyennant une une très mauvaise pratique de semer trop serré;
très légère rétribution, on reçoit de cette ma- c'est le moven de n'obtenir que des sujets dé-
nière une bonne provision de pepins et de noyaux biles qui, dans la suite, ont souvent bien de la
qui, recueillis sur les assiettes de dessert, pro- peine a se refaire. Tous les traités recomman-
viennent tous des meilleurs fruits. dent de couper le pivot ou racine principale de
Dans Romois, canton du département de
le chaque sujet au moment de la transplantation,
l'Eure, en possession de temps immémorial de pour le contraindre à émettre des racines la-
fournir aux pépiniéristes des environs de Paris térales en plus grand nombre; il faut, pour
des sujets pour être greffés, on a soin de mettre cette opération délicate, avoir égard à la vi-
à part les fruits les plus beaux et les plus sains, gueur du plant, et retrancher seulement l'ex-
récoltés à cet effet sur les arbres à cidre; on trémité des sujets qui semblent moins forts que
laisse ces fruits en tas pendant vingt-cinq à les autres. On désigne sous le nom de fretin
trente jours, après quoi ils sont écrasés et tout le plant faible et mal venu qui ne peut
pressés, mais modérément; les pepins sont sé- supporter le repiquage; sous peine de rem-
parés du mare par le lavage. Kn Bretagne, dans plir la pépinière de sujets languissants et clie-
le Morbihan et dans Ille-et Vilaine, on sème nts, il faut, sans balancer, rejeter comme fre-
sans choix les pepins pris dans le marc de ci- tin tout ce qui n'offre pas des gages suffisants
dre; la différence de qualité dans les sujets est de vie et de vigueur.
telle que la plus" grande partie de ces derniers
semis doit Être rejetée comme fretin. Section III. — Marcottes et bouture..

B. — Noyaux. S I
er
. — Marcottes.
On les sème souvent entiers, soit au prin-
temps, soit à l'automne; en général on se con-
Les procédés du marcottage peuvent être
tente de les straliOer dans du sable frais, par
modifiés de mille manières, mais tous reposent
lits alternatifs pendant l'hiver , afin de prépa-
sur ce principe forcer une branche à s'enraci-
:

rer par une sorte de ramollissement, l'ouver- ner, sans la séparer de la souche-mère, jusqu'à
ture de l'enveloppe ligneuse, ou noyau propre- ce qu'elle soit en état de vivre par elle-même.
ment dit. Ce mode d'opérer peut être continué A. — Marcotte simple.
sans inconvénient pour les noix, les pêches, les
Le marcottage le plus simple de tous, fig . i s l

brugnons et les alberges, dont les noyaux sont


disposés naturellement à s'ouvrir; les noyaux Fig. 181.

d'abricots, les amandes à coque dure, les osse-


lets de nèfles , les noyaux d'olives, enfin tous
ceux que l'excessive dureté de leur enveloppe
rend difficiles à germer, doivent être cassés
pour qu'on n'en sème que les amandes. Le seul
inconvénient qui en résulte c'est de multiplier

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HORTICULTURE. LIVRE VIII.

consiste à courber oe haut en bas une des bran- doit recevoir dans nos pépinières de nombreuses
ches les plus rapprochées du sol , de manière à applications.
la faire entrer dans une petite fosse creusée à C. — Marcotté Incisée.
cet effet pois on relève l'extrémité de la bran-
;

che au-dessus de la surface du sol , en lui lais- Tous procédés destinés à contraindre à
les

sant seulement un ou deux yeux à découvert. s'enraciner les végétaux rebelles au marcot-
La fosse est alors remplie de terre et l'opéra- tage simple, ont pour but de les isoler partiel-
tion est livrée à elle-même. Quand la sève se lement de la souche-mère , et de barrer le pas- •

met en mouvement il se forme d'abord près des sage à la sève descendante. On pratique à cet
veux enterrés un léger bourrelet duquel partent effet divers genres d'incisions transversales;

bientôt des racines de sorte que la marcotte


,
les unes, superficielles, n'entament que l'écorce;

vit à la fois aux dépens de la souche - mère et les autres, plus profondes, pénètrent jusqu'à la

aux dépens du sol. Ce procédé est nécessaire- moitié de I épaisseur de la branche ; d'autres
ment limité dans son emploi: d'une part, il ne encore, sans pénétrer aussi avant, font le tour
peut s'appliquer qu'aux branches inférieures de la branche ; dans ce cas, elles ne font qu'ef-
des arbres; de l'autre il exige de la part des
,
fleurer l'écorce à la partie supérieure , tandis
branches un certain degré de longueur et de qn'au-dessous le bois se trouve plus ou moins
flexibilité; enfin pour qu'il réussisse il faut
, ,
entamé. Quand les incisions sont profondes, on
que la sève descendante soit assez abondante plaee entre les deux parties incisées de petites
pour fournir à la production des racines et per- chevilles de bois (fig. 183); on les divise en
cer l'écorce de la branche marcottée. Quand Fig. 184, 183.
on opère sur une plante sarmenteuse, on peut
enterrer une branche assez longue qu'on fait
alternativement sortir de terre et rentrer une ;

seule branche donne dans ce cas plusieurs su-


jets enracinés; on la nomme marcotte en ar- outre par des fentes longitudinales maintenues
ceaux. de même par des chevilles \ tous ces moyens
Pour se procurer a la fois un grand nombre multiplient les chances d'émission de racines,
de sujets des espèces qai rejettent facilement que pourtant avec tout cela on n'obtient pas
on sacrifie un arbre qu'on coupe au niveau du toujours; c'est le cas de recourir à l'amputa-
sol; on recouvre la souche de bonne terre, ap- tion et à l'incision annulaire.
propriée à sa nature , et on la force ainsi à pro-
duire une foule de rejetons qai s'enracinent et
D. — Marcotte par amputation.
deviennent autant de marcottes. Les jardiniers L'incision doit entamer au moins la moitié
nomment cette opération marcottage par cépée; de l'épaisseur de la branche; la partie détachée
ce n'est en réalité qu'une marcotte simple. en avant, au lieu d'être maintenue à distance
par une cheville, est retranchée tout-à-fait; les
B. — Marcotte chinoise.
racines sortent du bord supérieur de la plaie
Les Chinois ont un autre procédé plus expé- (fig. 184).
dilif, qui se rapporte aussi en principe à la mar-
cotte simple. Au lieu de marcotter séparément
E. — Marcotte par incision anuttlaire.

un je une rameau destiné à donner naissance à un Un habile horticulteur anglais M. Kr.ight, ,

seul sujet, ils couchent une branche tout entière cherchant à multiplier de marcottes des arbres
(fig. 1 82 ) avec ses rameaux qu'ils assujettissent
,
fort difficilesà s'enraciner imagina de fermer
,

à la sève descendante le retour vers la souche-


Fig. 182.
mère, au moyen d'un anneau d'écorce enlevé
à la base de la branche marcottée; en un mois
il obtint des racines de marcottes qui avaient

résisté à tous les autres procédés ( voir t. IV,

fig. 5, p. 5.). On peut souvent substituer avec


avantage à ce genre d'incision une simple liga-
par un nombre suffisant de crochets, le tout ture; pour les végétaux très souples, on obtient
disposé horizontalement dans une sorte de fosse le même résultat en tordant plus ou moins la
plate très peu profonde ; ce couchage s'opère
, partie de la marcotte couverte de terre.
avant la sève du printemps. Quand l'arbre entre L'époque du marcottage influe beaucoup sur
en végétation, chaque œil pousse son bourgeon la réussite; en général, on marcotte les arbres
qui s'élève verticalement ; on recouvre alors de à feuilles caduques pendant gue la sève som-
quelques centimètres seulement toute la bran- meille encore, et les arbres à feuilles persistan-
che couchée en avant soin de l'arroser selon
, tes (lauriers, rosages, azalées, andromêdes,
le besoin ; chaque œil , avant la fin de l'été, s'est arbousiers) pendant que la sève est en pleine
fait sa provision de racines, de sorte qu'on pos- activité dans ce cas, il est rare que ces der-
;

sède autant desujeis enracinés de différentes niers ne soient pas enracinés dès le milieu de
grandeurs qu'il s'est trouvé iTycux sur les ra- l'été; il faut les séparer aussitôt de la souche-
meaux de la branche couchée. Ce mode de mère, avec des soins convenables; ils doivent
marcottage , depuis longtemps en usage à Angers, fleurir au printemps suivant.

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TITRE III. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 63

Parmi les végétaux qu'il est avantageux de


multiplier au moyen du marcottage, plusieurs
A.- Bouture ùmple;
ont une assez grande valeur pour qu'on .ne L'époque à laquelle il convient de détacher
puisse les sacrifier en tes coupant au pied pour des arbres et arbustes les rameaux destinés à
en faire des mères. Il rn résulte que le petit servir de boutures varie selon les espèces et
,

nombre de branches disponibles pour faire les climats; en principe, on ne doit laisser que
des marcottes est placé trop haut sur la tige le moins d'intervalle possible entre le moment
pour être couché en terre : d'ailleurs la terre où Ton coupe les boutures et celui où on les
manque le plus souvent, ces arbres ou arbuste ; plante. Les boutures d'arbres et arbustes à
se trouvant dans des pots ou des caisses de pe- feuilles caduques doivent être coupées pen-
tites dimensions. On
adapte dans ce cas à la dant le repos de la sève, le plus près possible
branche qu'il s'agit de marcotter un pot fendu do moment où elle va entrer en mouve-
sur le coié, pour donner passage à la branche ment. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de grandes
.(voir Rosiers); si, en raison de ses dimensions, plantations en pépinières, on est souvent con-
la branche exige un plus grand volume de traint de s'y prendre d'avance, parce que
terre, on a recours à un cylindre ouvrant à ce travail coïncide ordinairement avec beau-
charnière, qui permet d'introduire les branches coup d'autres; alors on attache par paquets
de toute grosseur, et de donner autant de terre les plants de chaque espèce, et on les conserve
qu'il est nécessaire. placés dans une situation verticale, la base
enterrée à quelques centimètres de profon-
§ II. — Itou turcs.
deur dans du sable frais, jusqu'au moment où
Cft moyen de reproduction , presque égal en on les plante. Les boutures de saule plcurei r.
puissance aux semis qu'il remplace dans hien de frêne, et de tous les arbres et arbustes qui
dos cas avec avantage, a été longtemps appli- aiment le voisinage des eaux, peuvent se con-
que seulement à un petit nombre d'arbres d'une server dans l'eau, pourvu qu'on les préserve
reprise très facile, tels que les saules et les peu- de la gelée. Les ouvriers qui mettent les bou-
pliers. A mesure que la physiologie végétale est tures en bottes doivent être surveillés avec soin,
devenue familière à un plus grand nombre de afin qu'ils les placent toutes dans le même sens;
jardiniers, on a mieux senti l'importance de ce s'il s'en trouvait de renversées, on en perdrait

fait général que la vie végétale est répandue


: infailliblement un grand nombre. Les boutures
dans toutes les parties des végétaux; et que de saules et de peupliers destinées à être plan-
toutes ou presque toutes les parties d'un végétal tées au bord de l'eau, peuvent être prises sur
fieuvent donner naissance a un végétal sem- de grosses branches, vieilles de plusieurs an-
>lable. Tel est le principe qui régU celte panie nées ; elles n'en reprennent pas moins bien ; on
de l'horticulture, celle de toutes qui a fait, et peut même, sans inconvénient, leur laisser les
fait encore de nos jours, le plus de progrès. rameaux de leur extrémité supérieure ; ils for-
Une bouture est une branche ou une partie meront la tète du nouvel arbre : c'est ce qu'on
quelconque d'un végétal mise en terre au mo- nomme bouture par/)/a«ca/is,espècede bouture
ment d'entrer en végétation pour la solliciter
, simple, usitée principalement pour les planta-
à s'enraciner. On obtient des boutures de sim- tions à demeure. On prélérédans les pépinières
ples feuilles munies de leur pétiole ; on a vu des boutures d'un an, bien aoulécs ; ces boutu-
récemment, entre les mains de l'habile M. Neu- res donnent des sujets plus uniformes, plus fa-
mann, une feuille, coupée en deux dans le sens ciles à diriger, et d'une plus belle venue, ce
de sa largeur, émettre des racines au bas de qui compense bien un retard d'un an ou deux
sa nervure principale ainsi divisée, et produire dans leur croissance. La longueur à donner aux
un végétal parfait. Des plantes grasses, des boutures ne peut être déterminée avec préci-
cactus chez qui les feuilles et la tige sont une sion, elle varie selon les espèces; elle doit se
seule et même chose, se multiplient par de sim- régler d'après le nombre des yeux ; il ne doit
plestranehestransversalesdcleursubstancccon- pas y avojr moins de trois ou quatre yeux en
iiées à la terre. Enfin, quoique les arbres à bois terré, et de deux yeux hors de terre.
tendre et à feuillage caduc très abondant soient Les boutures les plus longues sont les meil-
de tous les végétaux ceux qui reprennent le leures; elles ont plus de chances pour s'enra-
plus facilement de bouture, il n'est point d'arbre ciner ; elles préparent des sujets plus vigoureux;
à feuilles persistantes, quelque dur que soit mais, pour les espèces qu'il est difficile de se
son bois, qui ne puisse être multiplié de bou- procurer, le pépiniériste n'hésitera pas à planter
ture par des soins dirigés avec intelligenee. même des boutures très courtes, a deux yeux
Pour bien comprendre toute l'importance de ce en terre et un seul hors de terre; seulement,
moyen de propagation, il suffit de considérer elles exigent un peu plus de soins. On doit res-
le grand nombre des végétaux exotiques dont pecter dans les boutures le bouton terminal,
les graines ne mûrissent pas sous notre climat, souvent très développé et peu adhérent, à l'épo-
même dans la serre; et le nombre non moins que où l'on prend la bouture sur l'arbre ; toutes
grand des arbresdont les graines, fertiles ou non, les variétés du peuplier sont dans ce cas ; la
ne donnerarent qu'après plusieurs années des su- perte du bouton terminal leur est très préju-
jets égaux en vigueur à ceux qu'on peut obtenir diciable.Quelques pépiniéristes sont dans ru-
immédiatement de bouture en nombre indéfini. sage, pour certaines espèces dont la reprise est

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64 HORTICULTURE. m vu f. vin.
plus incertaine, de détacher les boutures de de groseilliers à grappes et de rosiers; elles
l'arbre, non pas en les coupant, mais en les se font sur un sol préalablement défoncé, dans
arrachant de haut en bas; la branche emporte des rigoles ou petites fosses deO m ,15àO n>,20
dans ce cas avec elle un bourrelet de tissu cel- seulement de profondeur, remplies, soit de
lulaire favorable à la production des racines. bonne terre normale, soit de terre de bruyère.
Nous ne saurions approuver ce procédé très Cette dernière est préférable quand on est
usité cependant, etconnu sous le nom de bou- pressé; les racines des boutures à crossette
ture à talon (voir tome IV, page 6, fig. 6); s'y forment plus rapidement que dans toute
c'est, à notre avis, gâter par pure paresse les autre terre, pourvu qu'on ait soin d'y entretenir
arbres qu'on soumet à ce traitement brutal. On une humidité suffisante.
arrive d'ailleurs au même résultat par le pro-
cédé suivant.
I). — Bouture à V étouffée.

Ce mode de bouture est principalement des-


B. — Bouture à bourrelet. tiné à la propagation des plantes de serre et
La branche qu'on se propose d'util iser comme d'orangerie; cependant, le pépiniériste est sou-
bouture reçoit à sa base, un an d'avance, soit vent forcé d'y avoir recours pour les végétaux
une forte ligature en fil de fer, soit une incision à feuilles persistantes qui résistent aux procé-
annulaire; il se forme au-dessus un bourrelet dés ordinaires de bouture à l'air libre ; il est
qui donne à la bouture, mise en pépinière l'an- fondé sur ce principe que la transpiration des
née suivante, des chances de reprise égales à plantes les épuise et les fait périr si elles ne
celles des boutures à talon. Les boutures a bour- peuvent puiser dans la terre par leurs racines
relet se détachent de l'arbre avant l'hiver; •les moyens d'y suppléer. Les ooutures des ar-
on laisse de 0 m ,5 à 0 m ,6 au-dessous du bour- bres à feuilles caduques n'ont point à souffrir
relet, sans rien retrancher à la partie supé- de cet inconvénient ; confiées à la terre au mo-
rieure de la branche qu'on enterre provisoire- ment où leur vie végétale est suspendue, elles
ment en cet état; il suffit de la préserver de la ne recommencent à transpirer qu'au moyen
gelée. Au printemps, on rabat la branche à cinq des feuilles nouvelles qu'elles développent seu-
ou six yeux ; on supprime tout le bois laisse lement après avoir poussé de jeunes racines.
au-dessous dn bourrelei, et l'on met définitive- Les boutures d'arbres à feuilles persistantes
ment la bouture en place dans la pépinière. Ces sont au contraire munies à leur extrémité su-
diverses manipulations sont sans doute moins périeure d'un bouquet de feuilles vivaces ; la
expéditîves que l'opération d'arracher, au mo- vie végétale n'y est jamais interrompue ; expo-
ment de les planter, de simples boutures à talon ; sées à l'air libre, elles perdent continuellement
mais elles conservent les arbres-mères que l'ar- par la transpiration, de sorte que, pour peu
rachage des boutures à talon mutile et détruit que les racines lardent à se former, le sujet
en peu de temps ; d'ailleurs, la reprise des su- meurt. Sous la cloche, l'air ne se renouvelant
jets est bien plus assurée au moyen des bour- pas. la transpiration est presque nulle; il faut
relets provoqués par ligature ou par incision seulement se méfier d'un excès d'humidité dans
annulaire. Il est bien entendu que ce moyen ne l'atmosphère de la cloche, inconvénient facile
doit être appliqué qu'aux végétaux qui se re- à éviter avec un peu de soin. Les boutures à
fusent à s'enraciner par bouture simple. l'étouffée se font ordinairement en terre de
bruyère dans des terrines recouvertes d'une
C. — Bouture à crosseue.
cloche de verre , assez basse pour laisser très
Tout arbre ou arbuste soumis à la taille an- Keu d'espace vide au-dessus au sommet de la
nuelle porte les cicatrices des tailles de chaque outure. On peut aussi se servir avec avantage
année ;on nomme crossette la courbure que d'une vieille couche épuisée, passée à l'état de
détermine à l'endroit de la taille le jet de l'année terreau ; quand même cette couche serait gar-
suivante. Par exemple, lorsqu'on taille pour nie de son vitrage, il n'en faudrait pas moins
bouture un sarment de vigne, on retranche les des cloches sur les boutures, qui, dans ce cas,
nœuds supérieurs dont le bois n'est pas bien auraient une double protection. Les rameaux
aouté ; si I on ne prend au-dessous de ces nœuds destinés aux boutures sous cloche doivent être
que le bois de l année , la bouture est droite dégarnis de feuilles à leur partie inférieure; il
dans toute sa longueur ; si on prend le bois de ne faut pas détacher ces feuilles, mais les cou-
deux, ou même de trois sèves, la bouture, per à quelques millimètres de leur base. Dès
longue dans ce cas d'un mètre et même au-delà, qu'on reconnaît au mouvement de la végéta-
Eartera une crossette à son extrémité inférieure, lion que les boutures sont enracinées, on leur
lusieurs arbres et arbustes reprennent mieux rend l'air par degrés et l'on achève de les éle-
de cette manière que de toute autre ; on les ver à l'air libre.
multiplie au moyen des boutures à crossette. En dehors de ces moyens de propagation
Dans la grande culture, la majeure partie des d'un usage général , nous devons en signaler
vignes de nos départements du midi se plante deux autres, dont l'un peut, dans des cire on
par boutures à crossette, confiées à des defon- stances exceptionnelles, fournir un grand nom
cements de 0 m ,50 à 0 m ,60 de profondeur. La bre d'excellents sujets à la pépinière; l'antre,
pépinière admet aussi les boutures à crossette bien plus puissant encore, a besoin d'être sanc
principalement pour diverses variétés de vignes, tionné par le temps et l'expérience.

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TITRE III. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 65

raient été pris les bourgeons. Nous ajouterons,


F. — en faveur de ce mode de multiplication des vé-
Les tronçons de racines d'un arbre jeune et gétaux ligneux, le fait suivant, observé en 1 840
vigoureux étant enterrés à une très petite pro- par M. Ridolfi, dont le nom suffit pour donner
fondeur, donnent une grande quantité de dra- a son observation le caractère de l'authenticité.
geons ; ce sont des boutures de racines. En « L'Amérique, dit M. Ridolfi, demandait à
Belgique, où l'on sème beaucoup de pépins de cette époque des millions de plants de mûrier
fruits à couteau , les sujets francs n'ont pas multicaule. Quelque facile qu il soit de le mul-
toujours besoin d'être greffes; très souvent, tiplierde marcotte et de greffe, tous cesmoyens
leur fruit est égal ou supérieur à celui qui leur étaient trop lents pour satisfaire aux demandes ;
a donné naissance. Ces arbres ont un défaut les semis étaient un procédé peu sûr, parce que
qui tient à la fertilité et à la profondeur du sol cette variété est sujette à dégénérer. Dés les
où ils sont ordinairement plantés à demeure ; K-emiers jours du printemps, MM. Boumier et
ils sont très sujets à s'emporter et se mettent avid, pépiniéristes à Turin, firent couper res-
très tard et très difficilement à fruit. 11 n'y a ter re tous les mûriers multicaules qu ils avaient
dans ce cas qu'un seul remède; c'est de re- en pépinière ; toutes les pousses de ces mûriers
trancher une ou plusieurs racines, en choisis- furent coupées elles-mêmes en tronçons ayant
sant de préférence celles qui correspondent chacun deux ou trois yeux des sillons conve-
-,

aux branches de l'arbre les plus remarquables nablement espacés furent tracés dansun champ,
par un excès de vigueur. C'est alors, surtout, puis remplis de bon fumier. Les boutures y
qu'il est facile et avantageux de pratiquer les furent déposées comme des semences : elles fu-
boutures de racines. On donne aux tronçons rent soigneusement recouvertes, et le sol fut
,n m maintenu frais par des arrosages fréquents. En
une longueur de 0 ,15 à 0 ,20; il faut les
enterrer dans une position légèrement incli- peu de temps, il sortit de terre des million*
née, le gros bout dirige vers le bas et l'autre de petits mûriers. Je les ai vus formant un
extrémité à fleur de terre. Il nous est arrivé très fourré presque impénétrable; j'avais peine à
fréquemment d'en obtenir des sujets dont le passer entre les files dont les cimes s'élevaient
fruit était parfait, sans avoir besoin de recou- bien au-dessus de ma tète. »
rir à la grerfe ; en tout cas, les francs obtenus Ce résultat nous semble tout-à-fait con-
par ce procédé sont de première qualité; ils cluant.
gagnent facilement un an pour la greffe sur les
autres sujets de la pépinière. Section IV. — Greffe.
F. — Boutures srméet. Toutes les greffes, quelle qu'en soit la forme,
I

Malgré des progrès récents que nous avons reposent sur un seul et même principe: faire
eu occasion de signaler, l'art de multiplier de vivre un végétal aux dépens d'un autre, en
bouture les végétaux ligneux est encore peu mettant en communication leurs vaisseaux sé-
avancé. Des essais trop nouveaux pour qu'on veux. Un végétal greffé sur un autre, com-
Puisse regarder les résultats comme acquis à mence un mode particulier d'existence ; une
horticulture tendent à généraliser un mode
. [>arlie de sa nourriture est prise pour lui dans
de bouture très expéditif qui remplacerait tous a terre par les racines et les organes circula-
les autres dans la pépinière si le temps venait toires du sujet ; il prend le reste par ses feuilles,
à confirmer ses avantages. Toutes les parties dans l'atmosphère. Cette transmission d'exis-
suifisamment aoutées d'un bourgeon de l'an- tence a pour agent unique la sève, liquide très
née sont coupées par petits tronçons munis différent d'un végétal à un autre ; elle ne peut
seulement chacun d'un seul œil ; on les sème avoir lieu qu'entre des végétaux dont les sucs
en rigoles, en terre très légère, au moment du et les organes vasculaires offrent entre eux une
la sève du printemps, en ayant soin de tenir le grande analogie. Sans cette particularité , la
sol suffisamment numide une exposition om-
; greffe serait pour ainsi dire illimitée, tandis
bragée au nord est préférable à toute autre. qu'elle est en réalité renfermée dans des bornes
Les yeux deviennent des bourgeons , tandis assez étroites. La greffe réussit bien entre les
3u'au-dessous d'eux la partie correspondante sous-variétés et variétés d'une même espèce ;
e Pécorce émet un paquet de racines. Ce pro- entre les espèces d'un même genre, on observe
cédé n'a été jusqu'ici expérimenté que sur uu déjà de fréquentes répugnances qui deviennent
petit nombre d'espèces ; nous le mentionnons des antipathies complètes entre des genres en
seulement pour engager les amateurs de l'hor- apparence très voisins. C'est ainsi que , dans
ticulture à en renouveler les essais sur le plus nos pépinières, on n'a pas, jusqu'à présent,
grand nombre d'espèces possible et à tenir le vaincu d'une manière durable la répugnance
public au courant des résultats. Pour en com- que montrent l'un pour l'autre le poirier et le
prendre toute l'importance , il suffit de consi- pommier; c'est une voie encore peu explorée,
dérer combien de temps fait perdre la nécessité où il reste beaucoup à découvrir.
de greffer, nécessité qu'on éviterait en multi- On a regardé longtemps la soudure des écor
pliant ainsi de bouture, en nombre illimité, des ces comme l'accomplissement de la reprise de
arbres dont le fruit ou la fleur se reproduirait la greffe ; une observation plus attentive a fait
identique avec celui de l'arbre sur lequel au- connaître que cette soudure est la conséquence
onTif mnii. T. V. —»
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66 IIORTIC ULTURE. MviiE Mit.

de la reprise, mais non elle-même.


la reprise pliquer, les sujets les plus robustes; concilier
Le végétal est réellement greffe quand le bour- ia production du fruit avec la rusticité et la
geon qu'on lui a confié commence à se nourrir durée des arbres, telle est la direction qui lui
des sucs qu'il lut transmet, non par l'écorce, est indiquée. S'il est placé près d'une grande
mais par l'aubier, partie de sa substance placée a pour clients habituels des jardiniers
ville, s'il
immédiatement sous l'écorce. Cette transmis- de profession qui, grevés d'un loyer très élevé,
sion n'est possible que quand ia vie végétale ont intérêt en plantant des arbres à ce qu'ils ne
est de part et d'autre dans sa plus grande ac- tardent pas à se mettre à fruit, ou bien encore
tivité, aux deux époques de la sève de prin- des propriétaires jouissant d'un très petit jardin
temps et de la sève d'août. On peut cependant où les arbres grands et forts ne sauraient être
frreffer à toute autre époque de l'année ; c'est admis, il greffe sur cognassier les poires les plus
e procédé le plus avantageux et le plus com- hâtives et les plus avantageuses il greffe force ;

mode quand on opère sur un très grand nom- doucains, force paradis ; il fait sur prunier tou-
bre de sujets à la fois ; on met alors en contact tes ses greffes de novaux. De même l'a-
fruits à
la greffe et le sujet dans un état de sommeil ; mateur célibataire, pressé de jouir, ne procé-
au moment du réveil de la végétation, ils sont dera pas en greffant comme le père de famille
dans conditions les plus favorables pour la
les qui, travaillant plus pour ses enfants que pour
transmission de la sève, et la greffe reprend lui-même, a surtout égard à la durée des sujets.
presque toujours. Parmi les causes qui peuvent faire échouer
Mille causes peuvent influer sur le succès de la greffe, la plus commune est le défaut de pro-
la greffe. Avant de les passer en revue, rappe- portion entre la vigueur de végétation du sujet
lons aux horticulteurs la nécessité d'avoir con- grelTéet du rameau inséré sur le sujet. Trop de
stamment présent à l'esprit le but qu'ils se ! force dans le sujet amène à la greffe trop de
proposent d'atteindre. S'ils n'ont en vue que ! nourriture à la fois; les jardiniers disent dans
île greffer le mieux possible, c'est-à-dire d'a- [
ce cas que le sujet a noyé sa greffe, expression
voir en résultat les arbres les plus beaux, les très juste, puisque c'est l'afflucnce du liquide
mieux formés et les plus productifs, sans s'em- séveux qui a cause sa mort. Si c'est au contraire
barrasser d'un peu de retard dans la mise ù I
la greffe qui dépasse le sujet en vigueur, elle
fruit, ils veilleront avec l'attention la plus sou- péril d'inanition, parce qu'elle ne reçoit du sujet
tenue à bien proportionner la force des greffes qu'une alimentation insuffisante. Quelquefois
à celle des sujets, en partant de ce principe des pertes de ce genre résultent d'une dispro-
qu'un sujet vigoureux, nourrissant très bien portion, non pas constante, mais momenta-
une greffe délicate, peut finir par en faire un née; c'est ce qui a lieu quand, au moment île
bon arbre ; mais qu'un sujet languissant, avec l'opération, l'un des deux végétaux est beau-
la meilleure greffe possible, ne fera jamais coup plus avance que l'autre dans le dévelop-
qu'un arbre ebétif. La greffe emporte avec ment de sa vie végétale. En général, il est
elle les défauts des arbres sur lesquels on la :;n que l'avance soit plutôt du côté du sujet
prend, de même que leurs qualités; si, par que du côte de la greffe car si celle-ci était en
;

exemple, le fruit en est pierreux ou sujet à ce pleine végétation, comme elle ne peut tout
Scrcer, le fruit de l'arbre greffé aura les mêmes d'un coup vivre aux dépens du sujet, il y au-
éfauts. Le pépiniériste marchand, à qui le rait un temps d'arrêt qui lui serait funeste.
public s'adresse de confiance, est plus obligé Telle est la raison pour laquelle on détache
que tout autre à cueillir lui-même ses greffes, d'avance de leur arbre les rameaux pour gref-
ou du moins à n'en recevoir que de mains par- fer; on les lient au frais, à l'ombre, la base
faitement sûres. Que de soins, en effet quelle ! enterrée dans du sable ou de la terre légère-
patience! quelle longue attente entre le mo- ment humide, dans le but de prolonger leur
ment où le pépin est confié à la terre et celui sommeil et de ne les mettre en contact av ec les
où, après avoir été cultivé, greffé, mis en pla- sujets que lorsque la végétation de ceux-ci a pris
ce, l'arbre montre son premier fruit! Et quel assez a'avance pour être en état de nourrir
triste désappointement , lorsqu'au lieu de ce abondamment les greffes.
qu'on attendait, on fie trouve qu'un fruit cre-
vassé, rocailleux, ou bien fade et sans saveur ! § 1
er
. — NumeDcJature,
Tout à recommencer, il faut greffer de nou-
est André Thouin est le seul auteur de ce siècle
veau. Dans une partie de nos départements à qui ait donné une monographie des greffes gé-
cidre, les propriétaires ont éprouvé si souvent néralement adoptées en France et hors de France.
ce désagrément, qu'ils se décident presque tou- Mais toutes les connaissances humaines ont
jours à subir un retard de plusieurs années en cela de commun, qu'elles ne s'arrêtent pas; on
ne plantant que des arbres non greffés, au'ils peut saisir au passage leur état à une époque
greffent ensuite, ou font greffer sous leurs déterminée le lendemain, le livre est incom-
:

yeux. plet; il l'est même quelquefois avant d'être im-


Le pépiniériste, placé dans un pays où la primé. Lorsque M. le professeur Leclerc-
culture des arbres fruitiers pour la production Thouin donna, en 1827, une seconde édition
du cidre est une des plus importantes, ne doit de la Monographie des Greffes, dans l'édition
greffer que sur franc en choisissant toujours
, complète des œuvres de son oncle, il y avait
soit pour prendre les greffes, soit pour les ap- déjà ajouté plusieurs greffes nouvelles, qui por-

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rrrnL fil. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 67

taient le total des greffes connues à cette épo- avaient remarqué cette propriété des arbres de
3oe à 124\ Nous ne serions point en peine d'en reprendre l'un sur l'autre; ils en faisaient l'ap-
écrire plus de 200, toutes différentes les unes plication à leurs arbres fruitiers, notamment
des autres, nous voulions donner tout ce qui
si au chûtaigner et à l'Olivier les Grecs et les
;

se fait ou s'est fait quelque part en ce genre à Romains suivaient à leur exempte ce procédé
notre connaissance. Mais de tout cela qu'y a-t- négligé de nos jours, mais respectable par les
il de réellement applicable ? Une vingtaine de longs services qu'il a rendus à l'humanité pen-
procédés, et parmi ces vingt, cinq ou six seule- dant bien des siècles. Plusieurs sujets de même
ment sont d'un usage fréquent pour la pratique espèce étaient plantés dans la même fosse ; cha-
journalière. Le reste comprend. soit des expé- cun d'eux était dépouillé d'une lanière d'écor-
riences plus ou moins utiles au progrès de la ce, puis toutes les plaies étaient mises en con-
physiologie végétale, soit des procédés suran- tact et maintenues par une bonne ligature. Il
nés , appartenant à l'histoire de l'horticulture. en résultait des arbres beaucoup plus forts et
La classification adoptée par André Thouin plus durables que chaque sujet ne l'eût été s'il
a pour hase unique la naiure des procédés. avait vécu isolément. On attribue l'invention
M. le comte Giorgio GallesuH/'omotia ttaliana), de cette greffe (fig. 185) au Carthaginois Ma-
fait observer avec beaucoup de raison ce que
Fig. 186, 185.
cette division présente d'arbitraire et même
d'opposé en certain cas aux actes de la vie vé-
gétale pendant la reprise de la greffe. Tout en
f>artageant l'opinion du savant agronome Ita-
ien, nous croyons que tous les jardiniers nous
sauront gre de conserver une classification gé-
néralement admise, non-seulement en France,
mais dans presque toute l'Europe.
GREFFES CLASSÉES SBLO> LA AfBTBODB
D'AS DRE THOUIN

(4 sections, 16 séries).

Sections.
gon, qui n'en était probablement que le pro-
par approche ou en approche
J Kgateur. Les Carthaginois la répandirent en
par >u un s I 1
'
i
Greffes pagne et en Sicile où elle fut longtemps pra-
par gemma I greffe*.
tiquée; les célèbres châtaignes du mont Etna
herbacées J
et les énormes oliviers d'Espagne doivent à ce
Séries.
procédé leur longévité séculaire et leurs di-
sur tiges. mensions colossales.
re SKCTIOlf.
l I

Greffes sur racines . .


40
irreffes.
15. — Girffe Diane.
par approche de fruits
de fruits et de
La même grelTc s'opère aussi fréquemment
en fente dans les bois, sans l'intervention de l'homme,
|
»• sccTtns. 1 eo couronne entre deux tiges flexibles qui s'enroulent en
47
< en ramilles spirale l'une sur l'autre; les jardiniers en font
greffes.
Greffes j
de rôle quelquefois usage dans les jardins paysagers :
\ par et sur racines . • . •
elle est connue sous le nom de greffe Diane
3 e sKCTfOH. I en écussou I *8
(ftg. 186).
Greffes j M flûte j
greffes
De tous les arbres de l'Europe tempérée, le
4e sténos. I BDttiscs. . .
cornouiller (cornus sanguinea) est celui qui
Grefifs omnitiges I 9
herbacées
J
mulliliges ? greffes. se prête avec le plus de facilité à la greffe par
j
de» végétaux Vnon ligneux J
approche. Dans la Belgique wallonne et dans
le nord de la France, on en compose des clô-
S II. — Greffes en approche. tures et des berceaux qui finissent par être
Cette greffe a été indiquée aux hommes par tout d'une pièce, car partout où les tiges se
la nature; il est probable qu'elle a donné l'idée rencontrent, soit en long, soit en travers, elles
de toutes les autres. Il arrive assez souvent s'unissent l'une à l'autre. Nous connaissons à
dans les forêts que deux arbres croissant à Visé (province de Liège, Belgique) un immense
proximité l'un de l'autre se frottent au point berceau de cornouillers dont on a retranché tou-
de contact, usent réciproquement leur écorce, tes les souches moins trois, une au milieu, les
et finissent par se souder l'un à l'autre pour autres aux deux extrémités de la demi-circon-
vivre d'une vie à la fois commune et distincte, férence décrite par la base du berceau sa vé-;

puisque chacun des deux conserve ses racines : gétation n'en a point été altérée ; il continue *
telle est la plus simple des greffes en approche. se couvrir de fleurs et de fruits. Ces exemptes
montrent le parti qu'on pourrait tirer de la
A. — Greffe Alugon. greffe en approche rarement pratiquée dans
Dès la plus haute antiquité, les Phéniciens nos jardins. Tous les arbres ne s'y prêtent pas

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68 HORTICULTURE. MVRE Vllf.

d'aussi bonne volonté que le cornouiller; il le pommier peut former par ce procédé d'ex<cel-
faut les aider par divers moyens dont nous in- lentes haies fruitières, propres surtout à sépa-
diquerons les plus usuels. rer les divisions intérieures d'un verger ou d'un
grand jardin; mais étant moins disposé à re-
C. — Greffe Sjlvain. Kendre, il faut aider la soudure en enlevant

Onpratique sur le tronc de deux jeunes ar- corce et une petite lame de bois aux bran-
bres plantés à proximité l'un de l'autre deux ches qui se touchent, comme le montre la
entailles qui se correspondent, et Ton joint par fig. 189.
une ligature les plaies qui ne tardent pas à se G. — G> tffe Forsj lh.
souder. La figure 187 montre l'application de
Kg, 190, 191, 189.
Fig. 188

Les autres greffes en approche sont en-


core moins en usage que celles qui précèdent,
cette greffe â la décoration rustique d'une porte
lesquelles se pratiquent elles-mêmes très
de jardin; la nature opère très souvent dans les
rarement en France, à l'exception de la
bois des greffes de ce genre.
§reffe eauchoise, assez fréquente dans le pays
D. — Greffe hymen. ont elle porte le nom. La greffe en appro-
che peut cependant rendre des services réels
C'est la greffe Magon pratiquée sur deux in-
dans les bosquets et les vergers, comme moyen
dividus, l'un mâle, 1 autre femelle, d'un arbre
prompt et efficace de remplacement. Une
d inique ; elle en diffère seulement en ce que,
branche détruite par maladie ou par acci-
multiplier les chances de reprise, on ajoute
rmr dent, n'a pas seulement l'inconvénient de dé-
l'enlèvement de l'écorce une entaille longitu-
former un bel arbre; elle a encore celui, bien
dinale sur les parties en contact.
autrement grave, de déranger l'équilibre de la
E. — Greffe cauchoise. sève en la forçant à se porter plus d'un côté
que de l'autre ;* c'est alors le cas de recourir à
Les vents violents qui soufflent souvent sur
la greffe en approche pour insérer à la place
du département de la Seine-Inférieure
la partie
vide un des rameaux du même arbre, selon le
connue sous le nom de Pays de Caux, enlèvent
procédé de la greffe Forsyth, représenté (fig.
quelquefois la tête de jeunes arbres à fruit en
190), et très fréquemment employé en Angle-
plein rapport, et causent des vides dans les
terre. La fig. 191 montre séparément la tige de
vergers. Pour remédier à ces accidents, on
l'arbre et la branche à greffer, avec les deux
transplante à côté de l'arbre mutilé A (fig. 188)
plaies qui doivent se recouvrir.
un sujet grelTé très vigoureux B ; auand sa re-
C'est encore par des procédés analogues,
prise est assurée on insère sa tête dans une en-
susceptibles d'être modifiés à l'infini, qu'on
taille pratiquée en forme de coin, sur la tête
peut rendre à un arbre un ou plusieurs troncs
rompue de l'arbre, préalablement taillée en
nouveaux quand le sien est endommagé, et
biais, etparée avec une lame bien tranchante.
qu'on tient à eonserver sa cime encore vivace.
La partie greffée du sujet B doit être taillée de
Les autres greffes par approche de racines, de
manière à s'ajuster parfaitement dans l'entaille
fruits et de fleurs, toutes fondées sur le prin-
Quand la greffe a repris, on supprime le tronc
cipe des greffes Magon et Sylvain, sont des opé-
du sujet B, et l'on dirige la grelfe de façon à
rations de pure curiosité, sans aucune utilité
refaire promptement la tête ae l'arbre endom-
réelle.
magé A.
F. — S NI. — Greffe par *cioni.

Elle consiste à greffer, procédé de la


par le Les divers procédés de greffe par approche
greffe Sylvain, tous les points de contact des conservent à la greffe et au sujet leur existence
bourgeons de deux branches-mères, à mesure séparée pendant le temps de l'opération ; sou-
qu'ils se rencontrent, en formant des losanges vent même, après la reprise de la greffe, celle-
qui deviennent plus nombreux d'année en an- ci conserve ses racines et sa vie propre, tout
Dée. Le cornouiller, conduit de cette manière, en participant à celle du sujet. La greffe par
se greffe tout seul, ainsi que nous l'avons dit; scions ne peut se pratiquer qu'avec des greffes

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*

TITRE 111. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 69

détachées de l'arbre qui les a nourries ; ces gref- coupe presque tou-
est horizontale; le sujet est
fes, jusqu'à la reprise, n'existent qu'aux dé- jours plus gros que la greffe; dans ce cas, au
pens du sujet ; elles vivent ensuite à la fois par lieu de l'insérer au milieu, on le rapproche d'un
le sujet et par les éléments que leur feuillage des bords de la fente, afin de faire coïncider les
puise dans l'atmosphère. Parmi les divers pro- coupures des deux écorces, comme le montre la
cédés de la greffe par scions, le plus utile se figure 194. La greffe serait au contraire insérée
nomme greffe en fente. Il exige la suppression dans le milieu de la fente du sujet s'ils étaient
de la lête du sujet, pour que toute la sève tourne tous les deux de même grosseur. La greffe At-
au profit de la greffe, dont la force doit être ticus est éminemment propre à la vigne et aux
proportionnée à celle du sujet. On a cru long- sujets dans lesquels la greffe doit être enterrée ;
temps ne pouvoir la pratiquer qu'au printemps, sa solidité la rend également propre à greffer
à la sève montante ; on sait aujourd'hui qu'on des arbres à fruits a haute tige.
peut greffer en fente, avec autant de chances Aucune greffe en fente ne reprendrait si on
de succès pendant le repos de la sève. ( Fotr
, laissait les parties coupées, soit du sujet, soit
Greffe au coin du feu.) Les anciens connais- de exposées au contact desséchant de
la greffe,
saient et pratiquaient la greffe en fente simple ; on bouche avec soin la fente, et l'on re-
l'air;
Atticus là recommande pour greffer la vigne couvre la jointure avec différents enduits, dont
sauvage. Constantin César prétendait commu- nous indiquerons les plus usités.
niquer au raisin des propriétés particulières Onguent de Saint-Fiacre. —
On pétrit avec
en greffant la vigne en fente après avoir en- un peu d'eau une partie de terre forte et
levé la moelle du sujet pour lui substituer des une partie de bouse de vache, de manière à
couleurs, des aromates ou divers médicaments; en faire une pâte de bonne consistance; il
il prouvait seulement par là sa profonde igno- ne faut pas que la terre employée soit trop
rance des premiers éléments de la physiologie argileuse ; elle se crevasserait en séchant, et
végétale. l'effet désiré serait manqué. Ce mélange, fort
Dans le midi de la France, le mot greffer simple , qu'on peut se procurer partout et en
s'applique exclusivement à la greffe en fente; tout temps , nous parait bien préférable aux
les jardiniers de ce pays ne regardent point la compositions plus compliquées qu'on emploie à
greffe en écusson comme une greffe, et si l'on sa place; c'est toujours lui que préfèrent les
emploie en leur parlant le mot greffer à la place vieux praticiens; il justifie la prédilection qu'on
d'écussonner, ils ne vous comprennent pas. lui accorde; ses usages multipliés ont porté nos
La greffe en couronne parait être l'une des pères à le consacrer au saint patron du jardi-
plus anciennement pratiquées ; Théophraste et nage dans toute la chrétienté.
Pline en font mention. Dans nos départements Cire à greffer. —
La meilleure est celle dont
de l'ouest, où en grand pour
le poirier est cultivé Miller donne la recette; elle est formée de té-
la production des fruits à cidre, concurrem- rébenthine, de cire jaune et de résine par par-
ment avec le pommier, on est dans l'usage de ties égales ; elle partage, avec toutes les com-
recéper, pour les rajeunir, les arbres épuisés positions analogues, l'inconvénient très grave
de vieillesse ; on grelfe en couronne, exactement de ne pouvoir s'employer qu'au moyen de la
d'après le procédé de Pline, les grosses branches chaleur. L'application, sur la greffe, de cet en-
qui ne tardent pas à se couvrir de rameaux duit, seulement un peu trop chaud, peut la faire
jeunes et productifs. La greffe de côté, décrite
par Térence, était aussi connue de l'antiquité,
périr.
v B. — Greffe à tatiglaii*.

mais pratiquée très imparfaitement en insérant L'inspection de la figure 195 montre la ma-
un rameau dans un trou fait avec une tarière. nière de pratiquer cette greffe, la plus solide de
Nous décrirons les plus utiles des divers pro- toutes ; elle est principalement applicable aux
cédés de greffe en scions. sujets d'un petit diamètre, abois très dur. La
difficulté consiste à tailler le bas de la greffe
A. — GirJJe Jaie us.
assez adroitement pour qu'elle puisse s'ajuster
Insertion dans le sujet (fig. 192), fendu par dans la taille du sujet ; ce procédé n'est prati-
cable que lorsque la greffe et le sujet ont le
Fig. 196. 195, 194, 193, 192.
même diamètre.
Miller indique une greffe du même genre,
moins difficile et presque aussi solide ,
qu'il
nomme greffe en langue d'oiseau André Thooin ;

lui a donné le nom du savant jardinier anglais,


qui ne s'en prétendait pas l'inventeur; il importe
au succès de cette greffe (fig. 196) que le cran
et la coche du sujet destiné à le recevoir s'em-
boîtent exactement, résultat plus facile à obtenir
par la greffe Miller que par la greffe anglaise.
Les pépiniéristes anglais greffent constamment
le milieu, d'une greffe ( fig.193) munie de trois de cette manière lesarbres à fruits à haute tige,
yeux au moins, et taillée par son extrémité infé- exposés à des vents violenls; elle est aussi en
rieure en lame de couteau. Dans cette greffe, la usage dans nos départements de l'ouest ; elle

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HORTICULTURE. LIVRE VIII

exige, comme la greffe anglaise, qoe le dia- l'onguent de Saint-Fiacre, et on les maintient
mètre du sujet et celui de la greffe soient égaux au moyen d'une ligature.
ce qui restreint ses applications. — Greffe
F. Théophraste.
C. — Greffe Ue. La greffe Théophraste est la même que la
Quelques arbres et arbustes délicats ne peu- greffe Pline ; la seule différence, qui n en est
vent, sans périr, supporter la fente dans le sens réellement pas une consiste à fenure l'écorce
,

du canal médullaire qui occupe le centre de pour placer les greffes, effet qui se produit pres-
leurs tiges. On les greffe en fente sans endom- que toujours de lui-même dans le procédé de la
mager leur centre, au moyen d'une entaille greffe Pline. Le cran ou rebord laissé à la greffe
triangulaire (fig. 197) destinée à recevoir la (fig. 201) est
indispensable pour lui donner sur
le sujet un point d'appui sans lequel elle man-
querait de solidité.

G. - Greffe Liêbauk.

La greffe Pline, pratiquée au collet de la ra-


cine d'un arbre récepé au niveau du sol, four-
nit un grand nombre de sujets propres à être
marcottes, et qui n'ont plus besoin d'être gref-
fés de nouveau ; on désigne, sous le nom de
greffe LiibauU. cette manière de greffer très en
usage au seizième siècle, maintenaot peu pra-
tiquée; on en peut obtenir de très bons résul-
Fig. 20J, 202, 201, 200, 199, 198, B 197.
tats pour la multiplication des bonnes espèces,
greffe taillée en coin triangulaire 8. Les deux mais il ne faut greffer ainsi que des arbres
nièces ne s'ajustent bien que lorsqu'elles ont très vigoureux, croissant dans un sol très fer-
été façonnées toutes les deux au moyen d'un tile, sans quoi l'on n'en obtiendrait que des su-

greffoir fait exprès (voir Instruments de jardi- jets languissants et de peu de durée.
nage, fig. 80). Ce procédé admet des greffes d'un Les greffes Pline, Théophraste et Liébaultsont
diamètre beaucoup plus petit que celui du sujet. les plus utiles d'entre les greffes dites en têtes
Cette greffe pratiquée sur de jeunes oran-
, ou en couronne. Toutes ces greffes exigent la
gers ou citronniers, exactement de la même suppression de la tête du sujet ; les greffes dites
manière, mais en employant pour greffe un de côté conservent au contraire le sujet tel
rameau qui conserve sa lête, est connue des qu'il est, sans aucun retranchement ; elles ser-
jardiniers sous le nom de greffe à la Pontoise. vent surtout à remplacer une branche néces-
saire sur un arbre déjà vieux, dont la disposi-
D. _ Greffe La Quintinie. tion ne se prête pas au remplacement par la
Cette greffe ( fig. 198) admet quatre rameaux greffe Forsyth en approche {fig. 190), et dont
qui peuvent être tous quatre de variétés diffé- l'écorce raboteuse rend impraticables les diffé-
rentes, aux quatre extrémités de deux fentes qui rentes greffes en écusson.
se croisent en passant par le centre du sujet coupé
horizontalement. Elle n'est praticable que sur H. — Greffe Richard.
les sujets d'une grande vigueur dont on veut C'est un rameau taillé en biseau très prolongé,
changerou varier l'espèce; les sujets délicats ne insère dans une fente pratiquée en biais dans le
pourraient la supporter la même greffe, avec
: tronc d'un arbre (fig. 202) dégarni d'un côté. Plus
deux rameaux seulement aux deux bouts d'une la greffe ( fig. 203 ) est coupée mince , moins elle
seule fente, se nomme greffe Palladius (fig. nécessite d'ecartement entre les deux bords de
199). Pour ces deux greffes, le rameau se taille la fente , plus elle offre de chances de succès.
et s'insère dans le sujet comme pour la greffe Celte greffe , pratiquée sur des sauvageons vi-
Alticus(fa. 192). goureux, mais jeunes, au moyen de branches à
fruit, chargées de boutons tout formés, hâte la
E.— Greffe Pline.
fructification des sujets , mais elle ne réussit
Ce procédé a traversé les siècles sans altéra- pas toujours on la nomme, dans ce cas, greffe
;

tion; il se pratique encore aujourd'hui dans girardin; elle ne diffère de la greffe Richard
nos vergers de Normandie et de Bretagne exac- que parce que celle - ci emploie des rameaux
tement comme du temps de Pline, qui n'en était dans le but de réparer un arbre dégarni, et
pas l'inventeur ; il en parle comme d'une opé- que la greffe Girardin emploie des branches d
ration usitée de temps immémorial. La greffe fruit, dans le but d'accélérer l'époque de pro-
Pline ( fig. 200) s'applique aux mêmes sujets I duction chez le sujet.
|

que la greffe La Quintinie, avec cette différence Les différents genres de greffe en fente peu-
qu'au lieu de fendre le bois du sujet, on insère vent s'appliquer sur les racines des végétaux
seulement la greffe ( fig. 201) entre son aubier aussi bien que sur la tige et les branches on ;

et son écorce soulevée. Pour peu que l'écorce peut aussidans certains cas se servir pour
, ,

manque de souplesse, elle se fend sans qu'il en greffer d'un bout de racineau lieu d'un ra-
résulte aucun mal : on enduit les greffes avec meau mais comme ces circonstances ne chan-
;

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TITRL III. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 71

frrnt rien à la nature de l'opération et que , I vertes, enfin, on prend toutes les précautions
es procédés restent les mêmes, nous croyons possibles pour prévenir leur dessèchement;
inutile d'en recommencer la description : nous car les yeux des écussons pris sur des branches
aurons occasion d'v revenir en traitant de desséchées ou seulement flétries, ont très peu
quelques cultures particulières ( voir Pivoines, de chances de succès. C'est encore dans le
et Dahlias. même but qu'on supprime les feuilles de ces
rameaux , en laissant toutefois subsister leur
\ IV. — Greffe p«r gemma. pétiole ou queue, nécessaire pour faciliter la
Les pépiniéristes et jardiniers de profession pose des écussons; les feuilles sont les princi-
font beaucoup plus d'usage des diverses greffes paux organes de la transpiration des plantes ;
par gemma que de celles qui précèdent, et cela leur suppression ralentit l'évaporation des li-
par deux raisons essentielles d'abord elles
: , 3uides contenus dans le rameau et lui permet
sont très expéditives ; un bon greffeur, en une e rester plus longtemps à l'état frais. Tous les
heure de temps, en peut faire de 50 à 120, se- veux d'un bourgeon ne sont pas également
lon le plus ou moins de facilité que présentent bons pour être employés à la greffe en écusson ;
les sujet*, et aussi selon le moded opérer ; puis, les yeux de l'extrémité supérieure ne sont pas
leur perte n'entraîne jamais celle du sujet ; il assez complètement formés ; ils tiennent d'ail-
est toujours possible de les recommencer, parce leurs à une portion de bois qui est encore à
que le sujet conserve sa tête jusqu'à ce qu'on demi herbacée; ceux de la partie inférieure,
soit certain de la reprise de la greffe; il y a ayant reçu moins de nourriture que les autres,
donc, en faveur des greffes par gemma, de ne sont pas assez vigoureux ; on ne doit lever
justes motifs de préférence. Ces greffes rempla- pour écusson que les yeux de la partie inter-
ceraient toutes les autres si elles n'exigeaient médiaire.
dans le sujet une écorce lisse et exempte de Les greffes par gemma se font d œil pous-
gerçures; dès que l'écorce a pris un caractère sant ou d œil dormant; ces expressions indi-
ligneux et un aspect raboteux, elle cesse d'être quent le mode de végétation de l'œil qui, dans
propre à recevoir la greffe par gemma c'est la ; le premier cas, commence à devenir un bour-

seule considération qui en borne l'usage. Toutes geon , puis un rameau , dans le courant de la
ces greffes sont comprises dans deux divisions: saison où il est greffé, et dans le second cas,
dans la première se rangent toutes celles qui reste engourdi jusqu'au printemps de l'année
n'admettent qu'on seul œil ou gemma, dans la suivante, bien que la greffe ait repris et que
seconde toutes celles qui en admettent plusieurs. l'écusson soit soudé au sujet. On greffe à œil
Les greffes de la première de ces deux divisions poussant depuis la fin d'avril jusqu au 15 juil-
sont nommées, par les jardiniers, greffes en let; il vaut mieux prendre l'avance et greffer
éeusson, parce que la forme d'écusson ou de pendant le plein de la saison que d'en attendre
bouclier est celle qu'on donne le plus commu- la fin. Qn peut juger du succès de la greffe au
nément au morceau d' écorce portant l'œil des- bout de dix ou quinze jours ; d'une part, l'œil
tiné à être greffé ; celles de la seconde division commence à se développer, de l'autre, la queue
sont connues sous les noms de greffe en flûte, de dessèche et tombe d'elle-même;
la feuille se
. en sifflet, en chalumeau, etc. On voit par les si sans se détacher, la greffe est
elle se flétrit
écrits de Xénophon que les anciens connais- manquée. On greffe à œil dormant dans le
saient la greffe par gemma, bien qu'elle ne fût courant du mois d'août ; le résultat n'est bien
pratiquée par eux que rarement, et par un pro- connu qu'au printemps, quand l'œil qui est
cédé assez imparfait. resté endormi jusqu'alors entre en végétation.
Les écussons portant l'œil ou gemma destiné
à être greffé, se prennent sur des bourgeons
A. — Greffe Lenormand.

de l'année qu'on a eu soin de pincer à leur ex- On voit, par l'inspection de la fig. 20
trémité pour les foreer à mûrir complètement
t'ig. 204.
leur bois. Lorsque les arbres sur lesquels on
prend ces bourgeons se trouvent à proximité
îles sujets à greffer, il ne faut les couper qu'eu
proportion des besoins; les yeux ne doivent
être enlevés qu'au moment de s en servir ; plus
l'opération est menée rapidement plus le suc-
,

cès en est assuré ; il faut que l'écusson passe


immédiatement de sa branche native sur le
sujet; nous ne pouvons que condamner la pra-
tique de certains pépiniéristes qui, pour avoir
Elus tôt fait, préparent à la fois un grand nom-
re d' écussons et les tiennent dans l'eau en at-
tendant le moment de les placer, ce qui uc
peut que les affaiblir. Lorsqu'on doit faire de quelle manière il faut inciser l'écorce pour
voyager les branches à écussons, on les pique enlever avec l'œil une petite lame de l'aubier
dans une boule de terre glaise humectée, on les sur lequel il repose. Cet aubier en lui-même
emballe avec des herbesTraîchcs ou des feuilles I ne sert à rien ; si, par une entaille mal faite,

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ilOUTlCULTURE. LU KE VIJI.

toute la face interne de l'écusson se trouvait La en écusson à œil dormant , très


greffe
garnie d'aubier, la greffe ne prendrait pas ; car, usitée à Vitry, porte aussi le nom de greffe Vi-
ainsi que nous l'avons dit, ce n'est jamais l'au- try bien
, que la manière dont elle s'opère n'offre
bier ni le bois de la greffe qui reprennent ; c'est aucune particularité.
l'écorec intérieure ou liber, qui reçoit la sève Quand la greffe en écusson à œil poussant
de l'aubier du sujet cl la transmet à l'œil ou ou a œil dormant ne réussit pas, la faute en est
gemma; toutes les greffes imaginables reposent presque toujours au corculum de l'œil qui s'est
sur ce principe unique. L'œil tient à l'aubier trouvé plus ou moins endommagé. On évite ce
par son centre ou rorculum; la conservation danger par la greffe Lenormand qui nous sem-
du corculum est indispensable à la greffe; c'est ble dans ce cas préférable aux autres du même
lui qui doit former à lui tout seul 1 arbre nou- genre. Mais, quand il s'agit de lever un écusson
veau. Or, il arrive assez souvent, pour quelques sur une lige d'un très pelit diamètre, elle offre
espèces délicates, qu'en enlevant tout l'aubier beaucoup de difficultés; on a recours alors au
au moyen d'un instrument mal affilé, on arra- procédé suivant. Après avoir cerné avec la
che le corculum. L'œil alors se trouve vide, pointe d'une lame bien affilée, le contour de
quoiqu'il soit difficile de s'en apercevoir, parce l'écusson, on détache sa partie supérieure dans
que son aspect extérieur n'a pas changé; la laquelle on insère un crin ou un fil de soie
reprise des yeux vides est impossible. C'est pour (fig. 207), dont les deux bouts sont attachés à
cette raison que, dans les grandes pépinières,
Fig. 208, 207.
où exécuter rapidement des mil-
l'on doit faire
liers de greffes par des mains plus ou moins
maladroites ou négligentes, on donne la préfé-
rence à la greffe Lenormand ou greffe à ail
boisé (fig. 205 et 206 ), qui conserve une por-

Fig. 20«, 205.

un nouton du gilet de celui qui opère-, il lui


suffit d'éloigner la branche et de reculer la
tion d'aubier au-dessous de l'œil ; la partie boi- poitrine pour que l'écusson se trouve détaché
séene doit jamais être de plus du tiers de la face avec le corculum de l'œil parfaitement intact.
interne de ï'écusson (fig. 206). La figure 208 montre l'écusson posé et liga-
L'écusson étant prêt, on prépare la place turé.
pour le recevoir en faisant sur l'écorcedu sujet Les greffes en écusson reprennent aussi bien
une incision en forme de T (fig. 206), dont la et souvent mieux sur le jeune bois du sujet que
plus grande longueur doit dépasser de quelques sur sa tige principale ; quand on se propose
millimètres celle de l'écusson. Il importe qu'elle d'opérer ainsi, il faut s'y prendre d'avance pour
soit faite avec un instrument bien tranchant, ne conserver des rameaux formant la tête du
et qu'elle ne pénètre pas plus avant que l'épais- sujet que celui qui doit recevoir la greffe. Le
seur de l'écorce qu'on soulève des deux côtés retranchement de plusieurs rameaux trouble
avec l'ivoire du greffoir ; c'est la partie déli- toujours la marche de la végétation du sujet ; il
cate de l'opération ; quelque attention qu'on y faut laisser entre cette taille et la greffe assez
apporte, il est difficile de ne pas endommager d'intervalle pour que la vie végétale ait repris
plus ou moins la surface de l'aubier sur laquelle son cours régulier. La tête du sujet se supprime
doit reposer l'écusson. Le bout de pétiole qui en entier, au niveau de la greffe, dès que celle-
adhère a celui-ci permet de l'insérer facilement ci est décidément entrée en végétation ; mais
sous les deux côtes de l'écorce soulevée ; après si l'on a greffé sur une seule branche, on ne

quoi, on rabat ces deux bords, et on assujettit la supprime d'abord que partiellement, en lais-
la greffeau moyen d'une ligature. sant au bas quelques yeux qu'on nomme yeux
L'opération qu'on vient de décrire est la d'appel, parce que leur destination est d'ap-
même pour toutes les greffes en écusson. Pour peler vers l'œil de l'écusson la sève du sujet ;
les arbres sujets à la gomme, on pratique l'in- il importe de surveiller les yeux d'appel pour

cision en T renversé ; c'est aussi la forme d'in- qu'ils ne s'emportent pas aux dépens de la
cision la plus usitée dans le midi pour écus- greffe, ce qu'il est aisé d'éviter en les pinçant
sonner les orangers et citronniers. Les arbres dès qu'on remarque en eux une disposition à
qu'on destine à être conduits eu espalier peuvent absorber trop de nourriture. Tous les bour-
recevoir en même temps deux greffes en regard geons qui peuvent survenir sur la tige au-des-
l'une de l'autre, afin que les deux branches- sous de l'écusson doivent être supprimés à me-
mères se trouvent formées à la fois on gagne ;
sure qu'ils se montrent.
une année par ce procédé dont il ne faut se
servir que pour les sujets très robustes. C'est
B. — Greffe Sikler.
ce qu'on nomme la greffe Descemei; elle ne La greffe en écusson, telle qu'elle vient d'être
diffère en rien de la greffe Lenormand. décrite, se pratique à œil poussant sur racine

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TITIXL III. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 7S

avec autant de facilité que sur lige ; dans ce L'écusson placé se trouverait recouvert en en-
cas, on laisse ordinairement subsister la feuille tier par l'écorce soulevée, si l'on n'avait soin

{fig. 209) dans


l'aisselle de laquelle l'œil a pris de raccourcir l'écorce de manière à laisser l'œil
à découvert comme le montre la fig. 21 1 Cette
, .
Fig. 209.
greffe n'est pas beaucoup plus longue à prati-
quer que la greffe Lenormand; à tous
elle est
égards la meilleure et la plus sûre pour tous
les sujets, sans exception , susceptibles de re-
cevoir la greffe en écusson à œil poussant ou à
œil dormant; nous n'en connaissons pas qui lui
soit préférable. Pour la ligature et les soins ulté-
rieurs, elle ne diffère pas des autres greffes en
écusson. L'on e peine à concevoir comment
M. Charles Petit-Huguenin a pu se laisser at-
tribuer, dans VAlmanach du Bon Jardinier,
l'invention d'un procédé excellent, sans doute,
mais vieux de plus de vingt siècles. ( Voir les
figures du Bon Jardinier, planche XVI qualcr,
naissance, alin de lui donner plus de moyens fig. 1,2, 3, 4 et 5.)
d'attirerà lui la sève. Les écussons destinés à
ôrre posés sur racines doivent avoir de moin-
13. — Greffe par plusieurs genitm
dres dimensions que les autres, surtout en lar- Ce genre de greffe ne convient qu'à un petit
geur: les racines souffrent plus difficilement nombre de végétaux; parmi nos arbres frui-
que les tiges le soulèvement de l'écorce dont tiers, le noyer, le châtaignier, le figuier et le

ledéplacement est toujours en raison de la lar- mûrier sont les seuls auxquels il soit particu-

geur de l'écusson cetie greffe, assez fréquem-


;
lièrement applicable, bien que toutes, ou pres-
ment employée en Allemagne, se nomme greffe que toutes les variétés de ces arbres puissent
Sikler. également recevoir les greffes en fente ou en
écusson. La plus usitée des greffes par plusieurs
C. — Greffe jiristoie.
gemma est connue des pépiniéristes sous les
Ce procédé peut être considère comme le noms de greffe en flûte, en sifflet, en chalumeau
f>lus ingénieux qu'on ait jamais imaginé pour
ou en anneau ; elle consiste dans l'application
a greffe en écusson. On lève avec les précau- sur l'aubier du sujet d'un anneau ou tube d'é-
tions ordinaires un écusson qu'on taille de forme corec muni de plusieurs yeux; ses principaux
carrée {fig. 210), on pose cet écusson sur l'é- avantages sont une grande solidité pour les
sujets à haute tige sur lesquels on la pratique
Fig. 213,
le plus souvent, et la formation rapide de la
tête au moyen de deux ou plusieurs bourgeons
dévcloppés'à la fois sur l'anneau greffeur. Voici
le procédé le plus en usage. La tête du sujet
étant supprimée, on divise son écorce en plu-
sieurs lanières qu'on détache par en haut,
comme le montre la fig. 212; on recouvre la
partie dénudée du sujet au moyen d'un tube
cylindrique d'écorce, représente fig. 213, en-
levé sur un rameau d'un an, appartenant à l'es-
pèce qu'on veut multiplier par la greffe. Les
lanières d'écorce sont ensuite replacées, mais
de manière à laisser à découvert les yeux de la
214, 212, 11.
greffe. La ligature et l'enduit, qui maintiennent
c rce de la tige, afin de tracer sa largeur exacte le tout, doivent aussi laisser les yeux à l'air
avec la pointe d'un canif, ce qui donne une en- libre. Cette greffe n'est possible que dans le
taille horizontale de la grandeur convenable. plein de la sève ; pour peu que l'écorce adhère
Aux deux extrémités de cette entaille, on au rameau greffeur, le evreulum se détache,
pratique deux autres entailles de deux ou trois les yeux sont vides, et la greffe manque. Elle
millimètres, dans le sens vertical; elles suffisent n'exige pas que la jgreffe et le sujet soient du
pour qu'on puisse détacher le bord supérieur même diamètre; si Panneau est trop large, on
ae l'écorce qui recouvre la partie de l'aubier des- le fend, et l'on en supprime ce qu'il a de trop
tinée à recevoir la greffe en attirant à soi ce re-
; pour l'ajuster sur le sujet ; s'il est trop petit,
bord d'une main, tandis que l'autre main tient on le fend encore, et l'on supplée à son insuf-
l'écusson tout prêt, on découvre l'aubier en dé- fisance par un morceau de l'écorce même du
chirant l'écorce, juste autant qu'il le faut pour sujet réservé à cet effet. Les immenses châtai-
pouvoir appliquer l'écusson qui repose ainsi Sneraies du Limousin, du Bugey, des Cévennes,
sur un aubier parfaitement intact, puisqu'on c la Basse-Provence et de la Bretagne, sont
n'y a porté atteinte avec aucun instrument. peuplées de sujets greffés par ce procédé, quand
BDtTIClI.TOBI. T. v. _ to

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74 HORTICULTURE. Livnc vin.

ils car le plus souvent, en Breta-


sont gréffés ; Remarquons que dans lous les procédés de
gne et en Limousin, on ne le» greffe pas du greffe antérieurement pratiqués, il ne se passe
,
tout. Ce n'est que depuis quelques années qu'on pas autre chose ; la soudure a lieu entre les par-
commence à se servir, en France, du procédé ties vertes ou herbacées de la greffe et du sujet ;
l suivant, préférable à tous égards, puisqu'il tout ce qui est ligneux ne reprend pas. Si nous
respecte la tête du sujet et n'entraîne point avons recommandé de ne prendre que sur du
sa perte quand la greffe n'a pas réussi. bois bien aoôté les rameaux pour la greffe
par scions ; si pour la greffe par gemma nous
E. — Greffe Jefferion. avons rappelé la nécessité de ne lever les éeus-
L'anneau d'écorce destiné àla greffe est en-
sons ou les anneaux que sur du bois complète-
levé le pose sur l'écorce
premier, puis fendu, et
ment mûr, ce n'est pas en raison de la nature
du sujet pour être mesuré. S'il est trop petit, ce même de ce bois ; c'est pour que les parties her-
qui a lieu le plus souvent, on coupe en suivant
bacées mises en contact soient en état de sup-
exactement ses bords l'écorce du sujet de ,
porter le déplacement , d'aspirer la sève, de la
sorte qu'on est certain d'avance d'avoir réservé
transmettre.de continuer enfin la vie végétale.
juste ce qu'il faut de son écorce pour ne pas
M. de Tschudy avait donc raison de considérer
laisser de vide; s'il est d'un diamètre c<ral à
son mode favori de greffe comme susceptible
celui du sujet, ou plus grand, la coupure cir-
des applications les plus variées; nous ne pen-
culaire de l'ccorce se fait toujours le long de
sons pas qu'il soit destiné à rester dans le cer-
cle assez droit dont il n'est pas sorti jusqu'à
ses bords, afin que l'anneau enlevé soit exacte-
ment rein placé par l'anneau grefTeur. Cette présent; dans les serres, la greffe herbacée
greffe, très usitée en Amérique, sert à échanger
pour les végétaux exotiques devient de plus en
plus fréquente ; si elle est moins usitée qu'elle
des greffes entre deux arbres, tous deux de
bonne espèce. ne devrait l'être dans les pépinières, c'est qu'elle
exige des soins et des précautions qu'il est très
difficile d'obtenir des ouvriers aux mains des-
F. — Greffe par copulation. quels il faut bien les confier des qu'on opère
un peu en grand ; c'est un obstacle sans
Ce genre de greffe nousvient, comme le pré-
doute, mais il n'est pas insurmontable. Pour se
cédent, des Anglo-Américains. Il consiste à ap-
convaincre de la supériorité de la greffe her-
pliquer Tune sur l'autre les faces de la greffe
bacée sur toutes les autres et de la possibilité
et au sujet, taillées de manière à s'ajuster exac-
d'en généraliser les usages, il suffit de consi-
tement ; les yeux ne peuvent pas toujours s'y
dérer que, par celte greffe, ce n'est plus une
rencontrer dans le nombre représente sur la
mince lisière qui se soude à une autre ; c'est
figure 214; plus il est possible de conserver
par la totalité de leurs surfaces mises en contact
d*yeux, plus la réussite est certaine. On voit
que les végétaux s'incorporent et que la vie vé-
(tue cette greffe doit être pratiquée au niveau
gétale scprolongedu sujet à la greffe la commu-
;
déterre; elle peut même, sans inconvénient,
nauté d'existence est donc, par la greffe herba-
être enterrée jusqu'à la moitié de la longueur
cée, aussi complètequ'elle peut l'être; c'est pour
de la ligne de jonction. cette raison qu'elle ne laisse, pour ainsi dire,

S V.
— Greffe herbacée ou à U Tsd.uJj.
point de trace extérieure, tandis que la place
où un arbre a été greffé de toute autre manière
L'horticulture a décerné, avec justice, à la est toujours apparente sur son écorce.
greffe herbacée, le nom du baron cie Tschudy,
qui, sans en être l'inventeur, s'était constam- $ VI. — Grrffe herbacée des uiiUiges.

ment appliqué à multiplier, étendre et popula- M. de Tschudy désigne sous le nom d'uniti-
riser ses applications. Sans lui, il est probable ges les végétaux'qui s'accroissent par une tige
Ï[ue nous ne verrions pas les pins sylvestres de unique dans le sens de leur hauteur; tels sont
a forêt de Fontainebleau convertis en pins Lari- les arbres résineux conifères; sur tous ces ar-
cio d'une si magnifique végétation, bien que bres, la greffe s'applique au bourgeon t rminal.
la greffeherbacée des arbres cornières lût pra- Il faut observer que ce bourgeon n'est suscep-
tiquée de tous temps en Belgique, et même en tible d'être greffé avec succès que quand il est
France ; mais son usage n'était pas répandu, et parvenu environ aux deux tiers de son déve-
personne n'avait songé, avant M. de Tschudy, loppement; la greffe peut être posée, soit en
a greffer par ce moyen les végétaux annuels ou supprimant le bourgeon terminal, soit en le
bisannuels dont les tiges ne deviennent jamais conservant. Dans ie premiercas, après avoir en-
ligneuses. levé les feuilles à la place où l'on doit greffer,
La greffe herbacée n'est en elle-même qu'une on coupe horizontalement la tête du sujet
imitation des procédés de la nature ; lorsqu'une ( fig. 215), et l'on pratique sur la surface am-
feuille ou une tige verte vient à être brisée ou putée une entaille à angle rentrant, dans la-
lacérée la cicatrice se fait promntement par
, quelle se loge le bas de la greffe {fig. 216],
continuation de la végétation; il était naturel, taillé à cet effet en angle saillant. Ce mode
en voyant une cicatrisation si prompte, d'en d'opérer suppose les diamètres égaux de part
espérer une non moins prompte des parties ver- et d'autre, circonstance qui se rencontre fort
tes des végétaux appliquées lune sur l'autre. souvent parce que la greffe et le sujet ne peu-

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TITRE III. PÉPINIÈRES, PRINCIPES GÉNÉRAUX. 75

vent être l'une comme l'autre que des bourgeons que d'être surveillées pour empêcher le déve-
terminaux. loppement des bourgeons latéraux, qui (ini-
Pig. 216, 115.
raient par absorber toute la sève. Pendant deux
ans de suite, on doit pincer ces bourgeons à
mesure qu'ils se montrent l'arbre peut être
;

ensuite abandonne à lui-même.

$ Vit. — Greffe herbacée Je» végétaux omuiligcs


et mnltitiga,

La première de ces deux dénominations s'ap-


plique, selon M. de Tschudy, aux arbres ou
arbustes qui n'ont point de tige principale, dans
ce sens que tous les bourgeons donnent des
rameaux à peu près égaux en vigueur et de di-
mensions égales, si on les abandonne à leur
libre développement; tels sont, sous le climat
de l'Europe tempérée, la vigne, le chèvre-
feuille, le jasmin ; ces végétaux peuvent rece-
Dans le second cas, on dégarnit seulement voir la greffe herbacée sur toutes leurs tiges,
de feuilles la place qui doit recevoir la greffe, ce qui justifie leur désignation.
et au lieu de la retrancher, on y pratique une Les multitiges sont, selon le système de
comme pour la greffe Richard
entaille latérale, ;
M. de Tschudy par rapport à la greffe, ceux
le bas de de la même manière.
la greffe se taille chez lesquels un certain nombre de branches
Quand bourgeon greffé entre en végétation,
le principales se développent à peu près égale-
on retranche celui du sujet. Le procédé de la ment, tandis que toutes les autres leur restent
greffe Lée, par entaille triangulaire au moyen inférieures en force et en volume; la greffe
u greffoir Noisette (voir Instruments de jar- herbacée s'applique aux bourgeons terminaux
dinage, fia. 80), peut aussi s'appliquer a la de ces branches considérées comme des tiges,
greffe herbacée des unitiges. Cette greffe est c'est-à-dire comme un tronc divisé. Le noyer,
peu usitée dans les pépinières, où les arbres le châtaignier, le pommier, à partir du point où

conifères ne sont jamais très nombreux. Ces leurs branches se divisent, en offrent des exem-
arbres, en raison de leur mode de végétation ples.
et de la forme de leurs racines, viennent tou- Pour ces deux classes de végétaux, la greffe
jours beaucoup mieux quand ils ne sont pas herbacée repose sur le même principe et se
transplantés, de sorte que, pour la décoration pratique par le même procédé c'est une fente
;

des parcs et jardins paysagers, on préfère avec latérale pratiquée dans l'aisselle d'un œil ou
,

raison semer et greffer en place. Quelques es- emma, sur la partie encore verte et herbacée
pèces précieuses, telles que lesgiléad et les cè- ri un rameau pour recevoir une greffe dans
,

dres, se sèment en pots et se plantent en motte le même état de végétation; la profondeur de


sans en souffrir, pourvu qu'on les transplante la fente et la taille de la greffe doivent être
assez jeunes. Quoique sur les espèces rustiques, combinées de manière à ce que leurs deux bou-
telles que les pins sylvestres ou maritimes, la tons se trouvent sur la même ligne. Les détails
greffe réussisse toujours à l'air libre, les espères suivants, puisés dans le traité dé M. de Tschu-
plus délicates qu'on élève en pépinière ont be- dy, mettront chacun à même d'opérer en toute
soin d'être étouffées sous cloche ou sous châs- sûreté; cette greffe ne peut manquer que faute
sis pour prévenir leur dessèchement ; un grand de soin et d'attention chez celui qui la pratique.
nombre d'espèces se contente d'un simple sac Elle se fait toujours au printemps, à œil pous-
de papier huilé , rattaché sur le sujet au-des- sant ; tout son espoir repose sur le bouton à
sous de la greffe. Les ligatures ne doivent point côté duquel elle doit être insérée, et sur la
être trop serrées ; comme on opère sur des feuille qui l'accompagne ; si par maladresse le
parties vertes, et par conséquent molles, on ne boulon ou la feuille sont détachés, la greffe
saurait prendre à cet égard trop de précautions. herbacée échoue nécessairement.
Toutes les espèces et variétés de conifères ne Pour provoquer sur un sujet de noyer de
se greffent pas indifféremment les unes sur les 0 m ,20 à 0 m ,25 de circonférence des pousses
autres; en général, le plus ou moins d'analogie propres à recevoir la grelfe herbacée, on lui
entre les feuilles est le caractère qui répond le coupe la tête en mars; avant la fin de mai, il
plus exactement aux chances de perte ou de doit avoir donné plusieurs jets dont on réserve
succès de la greffe herbacée. Le mélèze des un ou deux, selon la vigueur de l'arbre, pour
Alpes est de tous les arbres conifères de nos être greffés. On coupe la tige à greffer à 0"»,0S
climats celui qui se prête le mieux à recevoir au-dessus de l'insertion du pédoncule de la
la greffe du cèdre du Liban, qui se développe cinquième feuille, en comptant à partir du
très lentement et court risque de mourir jeune boulon terminal; on peut aussi, quand le ra-
quand on l'élève franc de pied. meau paraît assez gros, et qu'on tient à greffer
Les greffes herbacées sur arbres conifères, le plus haut possible, faire ce retranchement à
une fois qu'elles ont repris, n'ont plus besoin la même distance de la troisième feuille. Si l'on

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7G 1I0RT1CI JLTLTiE. livre vin.

observe attentivement L'aisselle de cette feuille, sur des sujets de nature entièrement différente
on y reconnaît deux yeux ou gemma ; l'un très puisqu'elle est également propre à greffer, par
apparent, l'autre à peine visible, destiné à se exemple, le cerisier et Fhortensia. Pour ces
développer plus tard ; le plus développé se deux arbres, au lieu d'employer pour greffe un
nomme œil d'hiver ; l'autre est l'œil ou bouton scion étété, il vaut mieux se servir d'une pousse
d'été. C'est entre ces deux yeux qu'on pratique avec son œil terminal. Lorsqu'on agit sur des
une incision en fente oblique, qui doit s'arrêter sujets très délicats, tels que des azaléas ou des
au centre du sujet; sa profondeur, qu'on ne rhododendrums, il est utile, quand le soleil est
peut déterminer avec précision, doit pénétrer trop ardent, de couvrir momentanément le
a 0 m ,03 ou 0 m ,05 au-dessous de l'aisselle de la scion avec une feuille roulée simplement au-
feuille. C'est dans cette fente qu'on insère la tour.
greffe ; celle-ci consiste en un scion très court Les scions pour la greffe herbacée, comme
muni d'un bon œil et de la feuille qui l'accom- pour toute autre greffe, ont besoin, en général,
pagne, le tout exactement de la même longueur d'être transportés le plus rapidement possible
que le chicot réservé sur le sujet au-dessus de du sujet qui les a nourris sur celui qui doit les
ses yeux. Le bouquet terminal du sujet étant recevoir; néanmoins, il est utile pour quelques
supprimé, c'est sa feuille oui devient le centre espi ces dont les yeux sont sujets a pousser trop
de la vie végétale ; c'est elle qui doit l'entrete- promptement, de les couper dès le mois de fé-
nir jusqu'à ce qu'il y ait entre la greffe et le vrier; on les conserve au frais; le lieu le plus
sujet commencement d'une vie commune ; c'est convenable est une glacière quand on en a une
la nourrice de la greffe. On ligature avec mé- à sa disposition ; les greffes pourraient s'y con-
nagement ; le fil de laine est préférable à tout server plusieurs années dans un état d'engour-
autre en raison de son élasticité. Quand le dia- dissement, sans perdre leur faculté de reprendre
mètre de la tige et celui du sujet sont égaux, la s'ils sont posés en temps convenable.

greffe herbacée telle que nous venons de l'in-


diquer est infaillible S'il est impossible de sa- $ VIII. — Greffe herbacée du végétaux non ligncui.
tisfaire à cette condition, et que le sujet soit C'est un objet de curiosité plutôt que d'u-
beaucoup plus gros que la greffe , on opère tilitédans le jardinage en plein air ; ce n'est à
exactement de même; seulement, au lieu d une proprement parler que dans la serre qu'elle
greffe, on en place deux, de chaque côté du peut rendre de grands services pour des plan-
sujet. tes exotiques très difficiles à greffer par tout
Malheureusement pour la propagation de la autre moyen. Elle se fait, comme celle des om-
greffe herbacée, elle ne partage pas avec les nitiges et multitiges, dans l'aisselle d'une feuille,
autres l'avantage qu'elles ont de pouvoir être à côté d'un bourgeon ; la mollesse des tiges
impunément abandonnées à elles-mêmes, sauf oblige à ligaturer avec beaucoup de précau-
un peu de surveillance sur les ligatures pour tion. On greffe ainsi non-seulement des scions
qu'elles ne forment pas de bourrelet ; des soins ou rameaux, mais des fruits tout formés qui
continuels sont nécessaires pour en assurer le n'en parviennent pas moins à leur parfaite ma-
succès. Le cinquième jour, on supprime le turité. Le melon se greffe sur la citrouille, le
bourgeon d'été placé dans l'aisselle de la feuille concombre et la bryone ; la tomate sur la mo-
du sujet au-dessus de la greffe; cinq autres jours relle, la pomme de terre et toutes les grandes
plus tard, on retranche les bords des quatre solanécs ; dans ce dernier cas, ni la récolte des
feuilles du sujet, au-dessous de
la greffe, en ne tomates ni celle des pommes de terre ne sont
que leur côte du milieu; on
laissant subsister diminuées, soit en qualité, soit en quantité. Celte
supprime en même temps les yeux ou gemma expérience est souvent répétée avec avantage
3ui accompagnent ces feuilles. Dix jours après, par des jardiniers qui ne disposent que d'un très
faut visiter les aisselles des feuilles inférieures petit local où l'espace est précieux ; ils ont deux
à la greffe, et, s'il s'y est développé de nouveaux récoltes à la même place.
yeux, les supprimer. Ces divers retranchements En opérant herbacée sur des végé-
la greffe
ont pour but de forcer la sève à se diriger sur taux qui ne sont point destinés à devenir li-
la greffe, non pas de manière à la noyer, ce gneux, on ne peut réussir qu'en se servant
qui arriverait s'ils étaient opérés sans précau- d'une lame très tranchante pour préparer la
tion, mais en proportionnant la nourriture au greffe et le sujet; la lame du meilleur rasoir
développement progressif de l'œil de la çreffe. est à peine assez affilée pour cet usage; si peu
11 est temps, à la même époque, c'esi-a-dire qu'elle soit émoussée, c'en est assez pour faire
vingt jours après que la greffe a été posée, de manquer la greffe.
supprimer aussi les bords de la feuille nour- Ainsi que nous l'avons dit en commençant,
rice la greffe peut désormais se passer de son
; toutes ces greffes, parmi lesquelles nous avons
secours. Au trentième jour elle entre en végé- cru devoir décrire celles qui de loin en loin
tation; il faut la déshabiller, c'est-à-dire en- peuvent être utiles au pépiniériste, sont rare-
lever la ligature qui n'est plus nécessaire, puis ment employées ; il faut excepter la greffe f,e-
la rhabiller aussitôt, c'est-à-dire l'envelopper normand en éeusson à œil poussant, la greffe
avec du papier, et ligaturer par-dessus, en lais- Vitry en éeusson a œil dormant, la greffe en
sant, bien entendu, l'œil à découvert. Cette fente simple (erelïc Atticus), et la greffe en
'reffe ainsi gouvernée est infaillible, et cela I flûte ou en sifflet ; on n'en connaît presque pas

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titre m. PÉPINIÈRES, PRINC1PKS GÉNÉRAUX, 77

d'autres dans les pépinières d'arbres à fruit prise, et la consolidation est si prompte que
Nousdev ons faire observer que pas unede ces bientôt les traces de la plaie disparaissent. Le
greffes n'est intrinsèquement la meilleure pour bien consiste en ce que l'état de souffrance est
l'objetauquel on l'applique. Pour greffer en commun aux deux parties; la vie végétale est
écusson à oeil poussant et à œil donnant, les suspendue dans le sujet comme dans la greffe;
prelles Lenormand et Vitry sont inférieures si le sujet est sans branches, il est aussi, à peu

sous tous rapports au procédé de la greffe


les de choses près, sans racines; pour faire déve-
Aristote, plus facile a exécuter, en même temps lopper les yeux de la greffe, des racines courtes
qu'il est aussi plus sûr et plus solide, puisqu'il se mettent plus tôt à pousser que des racines
ne risque pas d'endommager l'aubier du sujet; longues un fort appareil de racines n'est pas
;

il n'a contre lui que d'être trop ancien et trop mis hors d'équilibre avec un appareil nul de
peu répandu les diverses greffes en fente se-
; branches; enfin, les deux parties se relèvent
raient remplacées avec avantage par la greffe ensemble de leur langueur commune, et le su-
par copulation, qui met en contact de plus jet n'envoie pas à la greffe plus de sève que
grandes surfaces susceptibles de soudure ; la Cêlle-cl n'en peut assimiler. Une fois reprise,
greffe Jefferson vaut mieux que la greffe en la greffe marche plus rapidement qu'une au-
llùle ordinaire et répond aux mêmes usages ; tre; elle subdivise son bois en raison de ce
il y aurait aussi lieu, dans bien des cas de lui
, qu'elle pousse de courtes et nombreuses raci-
substituer avec avantage la greffe berbacée à nes, et bien souvent, au bout de l'année, on a
la Ttchudy. beaucoup d'horticulteurs parta- un arbre fait qui, l'année suivante ou la se-
gent à ce "sujet notre conviction ; mais, dans conde année, porte déjà fruit. »
les pépinières, la coutume l'emporte ; les ou-
Résumé.
vriers tiennent trop aux anciens procédés, et
ils ont trop de moyens de faire échouer les Avant de clore ce chapitre, résumons les
nouveaux. iSous avons néanmoins à signaler principes généraux qui doivent présider à la
une importante innovation récemment intro- création d'une pépinière.
duite dans l'art de greffer, et déjà générale- Emplacement. —
Le plus convenable est une
ment en usa ire dans les pépinières de nos dé- plaine légèrement inclinée, à l'abri des vents
parlements du midi ; c'est la greffe au coin du du nord tout local peut
violents de l'ouest et ;

feu ou sur les yenoux, qui ne constitue point être rendu propre à l'établissement d'une pé-
un procédé à part, mais une application meil- pinière, au moyen des brise-vents ou abris ar-
leure des procédés de greffe en lente, en écus- lilieiels.
son et par copulation. Il est évident qu'on Qualité du — Le
sol doit être un peu
sol,
opère mieux étant assis à son ai>e au coin de moins celui où les arbres seront
fertile que
son feu, ayant près de soi sur une table les plantés à demeure. Le pépiniériste ne pouvant
sujets, les greffes et les instruments nécessai- savoir d'avance où ses arbres iront quand il les
res, que quand il faut greffer dehors, à ge- vendra, ne doit pas préférer le sol le plus riche
noux sur ta terre humide, exposé au vent ou possible;s'il en a de plusieurs qualités, il doit,

à la pluie. Voici ce qu'écrivait à ce sujet il y a à répoque des ventes, avoir égard à ces dilfé-
quelques années, M. Van Mons de Louvain, rences, par rapport au sol dont disposent les
connu poura\oir peu d'égaux en F.urope pour acheteurs.
la culture des arbres à fruits : Scmi$ —
Ils doivent toujours être, préféra-
« Le chancre du bout des branches et le blement à tout autre moyen, la base du repeu-
cancer de la lige qui attaquent si fréquemment plement de la pépinière, pour obtenir des va-
le poirier et te pommier greffes, surtout lorsque riétés nouvelles, régénérer les anciennes, ou
sur l'arbre en sève on exerce une taille de seulement pour se procurer des sujets toujours
rapprochement, d'amputation ou d'abaisse- meilleurs «pie ceux qu'on obtient par marcotte.
ment, dépendent en grande partie de ce qu'on Il vaut mieux semer en lignes qu'à la volée, à

pose leur greffe sur des sujets en sève ou prêts moins que. comme dans le Romois, on ne
a entrer en sève, et que l'opération oblige de doive ensemencer en pépins de très grands
rabattre tout près du sol; le sujet acquiert une espaces. Le sol, surtout s'il est léger, doit
concentration de vie. et la vie de la greffe est être raffermi par-dessus les semis au moyen
suspendue on sent aisément ce que celte dif-
; d'un rouleau, ou mieux d'une planche qui per-
férence de condition peut produire. • Fig. 219, 217.
« La greffe du poirier sur franc et celle du
pommier sur paradis doivent être exécutées
sur des sujets levés de terre ; on opère sur ses
genoux. Le poirier est greffe par copulation, le
pommier est greffe en fente; on rabat le sujet
jusqu'à 0<* v05 au-dessus de la naissance des ra-
cines. Les sujets doivent avoir été levés de terre
et mis en jauge avant la saison des gelées. On
1

peut commencer à greffer dès la suspension


des gelées, cl continuer jusqu'en mai. A moins
d'accident, aucune greffe ne manque à la re-

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78 HORTICULTURE. uvnr. vin.

mcilc de moJifî r la pression à volonté. Les Aitn a à fruit» à pej.ins.


figures 217, 218 el 219 montrent les planches Dillanr* ] h,L dttarkca
généralement employées en Belgique pour cet drt lifnM. 1

usage, et la manière de s'en servir en avançant 0,70 0,60


de côté. 0,70 o,t»u

Sentiers et planches. —
Si le sol est argileux,
Poiriers, t* grandeur. , . . 0,80
0,80
0 KO
o,co
les sentiers qui doivent séparer les planches de
Cognassiers enracinés 0.80 0,60
la pépinière seront de quelques centimètres
0,08 0,60
plus has que ces planches ; ils seront au con- 0,60 0,60
traire un peu plus élevés si le sol est léger et
facilement perméahle ; la largeur des planches Arbr*» à fruit» à nojau.

et celle des sentiers seront combinées de ma- Prunien pour pèi hert. . . o.so 0,C0
0,80 A fil
nière à ce qu'on puisse sarcler sans être forcé
Pruniers pour n \ -mêmes.
t 0,70 0,40
de fouler la terre des semis.
Arrosages. — Quand
Pruniers pour abricotier*. 0,70 o,r*o
les semis et le jeune
Ahricolierspoui t ux même* 0,80 0.60
Elant auront besoin d'arrosages, une eau t rou- 0,60 0,50
le ou même bourbeuse sera la meilleure pour
eux. Les arrosages servent à préserver les se- On indique un plus grand espace pour les
mis des effets désastreux de la sécheresse de poiriers et pommiers de seconde grandeur que
Krintemps (hâle de mars ) et des grandes cha- pour ceux de première grandeur, parce que
urs de l'été ; on les donne au printemps le les premiers destinés à être conduits dans la
mutin vi en été le soir, mais jamais sans abso- suite en quenouille ou pyramide, ont besoin,
lue nécessité. Dans le midi, lorsqu'on achète des pour être dirigés dans ce sens, après avoir été
oliviers ou des mûriers pour les planter, on a greffés, de commencer à étendre leurs bran-
soin de s'assurer qu'ils n'ont point été arrosés ches inférieures, et prennent par conséquent
en pépinière ; s'ils l'avaient été, el qu'ils fus- plus de place qiie les sujets greffés à haute lige
sent plantés à demeure dans un sol d'ailleurs la pépinière.
convenable, mais dépourvu de moyens d'irri-
gation, on les perdrait presque tous.
Sarclages. — Quelque embarrassé que soit le
terrain par la mauvaise herbe, on ne commence
à sarcler que quand le plant est assez fort pour
CHAPITRE II. — PÉPINIÈRES D'ARBRES FRUITIBB8. -

ne pas en souffrir tout ébranlement donné à


;

sa racine pendant la première période de sa


Section l
re
. — Considérations générales.
croissance peut lui être mortel. Bien qu'il se trouve dans les différentes ré-
Arrachage. —
Chaque fois que le plant doit gions de la France une heureuse diversité desols
être arrache pour être repiqué, mis en place en et de climats, les arbres à fruits élevés en pé-
pépinière et enfin vendu, l'arrachage doit tou- pinière sous le climat de Paris conviennent à
I'ours se faire à jauge ouverte, c'est-à-dire que toute cette partie de son territoire, qui s'étend
'on creuse en avant du premier rang , assez de la frontière du nord jusqu'à la Loire, et des
profondément pour être assuré de prendre les côtes de la Manche aux montagnes du Jura. Sur
dernières racines en dessous, et ne pas avoir à toute celle étendue, le poirier et le pommier
craindre d'arracher leurs extrémités en les en- tiennent le premier rang parmi les arbres à
levant ; l'opération ne saurait être menée trop fruits à pépins le pêcher et l'abricotier sont les
;

rapidement. meilleurs des fruits à noyaux ; la vigne, exclue


Habillage des tiges et des racines. Il ne — seulement d'une lisière assez étroite au nord et
faut pas retrancher au tronc du plant ses ra- à l'ouest, mais presque partout cultivable en
meaux inférieurs à l'époque du repiquage ces ; espalier, tient peu de place dans les pépinières,
rameaux, qui seront supprimés plus tard, sont chacuo pouvant trop facilement la multiplier
nécessaires pour appeler et retenir la sève, de greffe ou de bouture; le prunier, l'aman-
donner de la force au tronc cl l'empêcher de dier, le cerisier, et de loin en loin, le cognas-
s'emporter par en haut. Moins on louche aux sier, le mûrier noir et
néflier, le cormier, le
racines, soit au premier repiquage, soil à la le y sont aussi élevés pour leurs fruits;
figuier
transplantation définitive en pépinière, plus puis, de grandes pépinières de noyers et do
l'arbre est assuré d'une bonne végétation il ne ; châtaigniers alimentent les vastes plantations
faut eouperque les racines pourries ou endom- de ces deux arbres, partout où la récolte de
magées, et dans ce cas couper très net. Au pre- leur fruit forme une des principales ressources
mier repiquage, on pince, mais avec resserve, de la population. Comme on le voit, le cercle
le bout du pivot des fruitiers, principalement des espèces est assez borné, bien que celui des
de ceux qui proviennent de pépins. variétés et des sous-variétés soit illimité; les
Espacement. —
Le plant en pépinière ne doit autres arbres à fruits sont exclusivement réser-
point être gêné; plus le sol est fertile, plus il vés à nos départements méridionaux ; ils occu-
faut de place aux racines pour s'étendre. On Eent la seconde classe des pépinières d'arbres
doit regarder les dislances ci -dessous indiquées uitiers ; nous les envisagerons séparément.
Nous avons dit que le sol propre à l'élève en

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TlîltE 111. PÉP1NIÈRES D'ARBRES FRUITIERS. 70

pépinière des arbres fruitiers à pépins diffère f)lorent la dégénérescence rapide de nos meil-
essentiellement de celui que réclament les ar- eurs fruits ; elle est telle de nos jours, qu'un
bres fruitiers à noyaux ; en principe, les amen- homme de trente ans reconnaît à peine dans
dements, surtout la marne, la chaux, les terres les deux genres, poirier et prunier principale-
calcaires et le plâtre, peuvent corriger le pre- ment, les fruits qu'il a connus dans son enfance.
mier de ces deux genres de sol, et le ramener C'est à ceux qu'une position aisée rend indiffé-
jusqu'à un certain point dans les conditions du rents au résultat pécuniaire , qu'il appartient
Kt-cond, mais sans réciprocité. Ainsi, dans une surtout de régénérer nos vergers par les semis;
pépinière où les poiriers et pommiers prospè- ce ne sont pas d'ailleurs des essais très dispen-
rent,on peut disposer un eoin propre à l'élevé dieux, ils n'exigent que de la persévérance.
du pêcher, de l'abricotier, du cerisier mais, si
; Lorsque, parmi les plants repiqués, quelques-
la nature ilu terrain est spécialement favorable uns paraissent languissants, il ne faut pas hé-
à ces arbres, il serait inutile d'entreprendre d'y siter à les sacrifier. Dans les pépinières, où les
faire prospérer les arbres à fruits à pépins. sujets ont toujours trop peu a espace, si l'un
Aux environs de Paris bien peu d arbres à d'entre eux vient à être enlevé ou à périr, ses
fruits sont cultives dans la même pepinièrede- voisins s'empressent d'allonger leurs racines
puis leur naissance jusqu'au moment de la pour recueillir sa succession, de sorte que
vente; cette besogne se partage d'une manière pour peu qu'on tarde à lui donner un rempla-
analogue à ce qui se pratique ailleurs pour ça:)!. les racines faibles de celui-ci ayant à se

l'élève du bétail; c'est une excellente méthode, défendre contre les racines fortes de ses con-
en ce qu'elle permet au pépiniériste de rentrer currents, ne prennent jamais le dessus: il vaut
plus vite dans ses avance! et de donner plus de mieux en prendre son parti, et laisser subsister
soins a la partie de l'élevage dont il est chargé ;
un vide, quand par négligence on ne s'y est pas
l'acheteur n'aurait rien à y perdre si parmi les pris à temps pour le remplir.
éijruins, ou sujets de pépins, le pépiniériste La greffe est, après les semis, l'opération la
n'admettait que des sujets de premier choix, plus importante dans la pépinière; nous en
ceux que dans le commerce on désigne sous le avons décrit les divers procédés en indiquant
nonu de baliveaux; mais par une avidité con- ceux qui, pour les arbres à fruits, nous semblent
damnable, beaucoup de pépiniéristes préfèrent mériter une préférence exclusive. On greffe le
acheter à bas prix les égrains de deuxième ou plus jeune possible les sujets destines à rece-
troisième choix, qui devraient être rebutés. A voir le pécher, l'abricotier et le prunier; beau-
force de soins et de fumier, ils donnent à ces coup de sujets sont bons à greffer dès la pre-
arbres défectueux une assez bonne apparence mière année; tous doivent être greffés a la
pour tenter les acheteurs, et peuplent ainsi nos seconde si à cet âge ils n'avaient pas la force
;

jardins d'arbres débiles qui ne peuvent ni du- de supporter la greffe, ils devraient être rejelés.
rer, ni récompenser [tardes récolles abondantes On greffe aussi très jeunes les poiriers et poai-
les travaux du jardinier. miers qui doivent être conduits en corbeille, cm
La nécessite de choisir les sujets s'applique quenouille, en pyramide, ou former des arbres
également aux doucains, paradis et cognassiers nains, mais on laisse croître jusqu'à l'âge de
élevés de marcotte; ceux que fournissent des trois ou quatre ans les sujets dfestinés à former
souches-mères épuisées par une longue pro- des arbres en plein vent à haute lige.
duction doivent être rejetés. Quant aux sujets Les espèces désignées dans la liste ci-dessous
obtenus de semis dans la même pépinière où ils ne réussissent jamais bien sur cognassier, ou
doivent achever de croître jusqu'à ce qu'ils du moins, elles n'y sont jamais suffisamment
soient greffés et mis en place, il faut loujouis productives; on ne peut les greffer que sur
réserver à part les plus beaux, ceux dont l'ap- franc ou sur épine blanche ; la plupart réussi-
parence extérieure se rapproche le plus des raient également sur néflier; elles y seraient
bonnes espèces connues, alin de vérifier leur très durables mais celte greffe est peu en usage,
;

fruit. Il ne s'agit pas d'attendre quinze ou di\- à cause de la difficulté de multiplier les sujets do
Uuil ans un fruit qui peut-être au bout de ce néflier soit de semence, soil de marcoite ; les os-
tesnns n'aurait aucune valeur; voici comment selets de néflier ne lèvent que la seconde aRacc,
on procède. Sur un sujet de semis de deux ans, et quelquefois à la troisième; on peut aus.4
on lève m
écusson qu'on transporte sur co- greffer les poiriers sur des francs de cormier.
gnassier si c'est un poirier, et sur paradis si (ou roWBard).
ICatillae
c'est un pommier; en deux ans. le fruii se mon- Poire d'une litre.
Poirrt à cuire. . .
tre sur la greïîc tel qu il doit être sur le sujet,
,

Poire de tunueau.
lequel n'étant encore âgé que de quatre ans, Impériale.

peut être greffé lui -même s'il est mauvais, et Royale d'hiver.
Grande Brrlacne.
mis en place s'il est bon. Il est bien entendu
Roussette d'Aiij»u.
que les essais de ce genre ne sauraient être pra- Poire» 1
Poire d épargne.
tiques sur une grande échelle par le pépinié- Poire de la A
riste marchand il peui cependant, connue on
.
tris.
le voit, obtenir ainsi, dans un temps assez court,
dis variétés, soit nouvelles, soit améliorées. D'autres variétés, quoique suffisamment pro-
Tous les vrais amateurs de l'horticulture dé- ductives sur cognassier, se greffent mieux sur

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80 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

franc, quand on n'est pas trop presse de les lerepiquage du plant en pépinière, on ne doit
meure a fruit, parce qu elles ont une tendance pas attendre que la sève soit en mouvement
prononcée à former aes arbres très grands et pour donner à la totalité des sujets leur pre-
très durables, tendance neutralisée par la na- mière taille; elle consiste à les recéper au
ture du cognassier ; ce sont principalement les niveau du sol qui reçoit en même temps un
suivantes : labour superficiel. Cette opération détruit l'é-
quilibre entre les racines restées entières et la
(Virgouleute.
tige, momentanément réduite à rien. Aussitôt
Bon-chrétien d'hiver.
Crassane (ou crésane). que la sève commence à monter, toute l'éner-
1 employée à rétablir
gie vitale de l'arbre est
promptement l'équilibre; les tiges nouvelles,
Combien ne serait- il pas .préférable de ne ja- dont on a provoqué par là le développement,
mais greffer ni le poirier ni le pommier, de sont plus belles, plus élancées, plus vivaces
f>eupler exclusivement nos vergers d'arbres que celles qu'elles remplacent. Chaque pied en
rancs de pied, obtenus soit de semis, soit de fournit toujours plusieurs; on choisit la plus vi-
boutures? On néglige totalement ce dernier goureuse et l'on supprime les autres au mois de
mode de multiplication pour les arbres à fruits, juin.
tandis qu'on le perfectionne de mille manières
pour les arbres a. arbustes d'ornement. Nous § I
,r . — Sujets pour haute lige.

sommes convaincus qu'on trouverait autant de Les sujets à haute tige se forment pour
facilité que d'avantages à bouturer le pommier ainsi dire tout seuls; il n'y a qu'à laisser
et le poirier, si l'on voulait s'en occuper sé- leur bourgeon terminal s'élancer verticale-
rieusement. D'après quelques essais encore trop ment, former sa flèche, comme disent les pé-
récents pour ollrir des résultats certains, nous piniéristes. Le seul soin à prendre, c'est de
sommes portés à croire que les boutures de pincer de très bonne heure les bourgeons laté-
poirier et de pommier pratiquées avec des bour- raux, afin qu'ils ne détournent pas à leur pro-
geons de l'année en costière, garnie de terreau, fit une part de la nourriture qu on a intérêt à

bien exposée, mais ombragée, reprendraient diriger de préférence sur la flèche. D'ailleurs,
aisément transplanté en automne en pépinière,
;
les bourgeons latéraux, lorsqu'on retarde leur
ce plant serait ensuite conduit comme le plant suppression, grossissent très vite ; quand il faut
de semis, sauf la grefTe, dont il n'aurait pas les retrancher plus tard, il en resuite sur le
besoin. tronc du sujet des plaies nuisibles à la crois-
Le procédé de bouture à l'étouffée, usité sance et désagréables à l'œil. En supprimant les
dans les serres pour la multiplication des ar- bourgeons pinces, ce qui doit se faire en oc-
bustesd'ornement, réussirait, sans aucun doute, tobre, à la chute des feuilles, il faut éviter de
pour la multiplication des arbres à fruit, comme tailler trop près du tronc ; il importe surtout de
le prouvent les expériences de M. liertin (de couper bien parallèlement à l'axe du tronc
Versailles) sur les boutures de poirier; mais il pour que l'écorce recouvre facilement et égale-
exige tant de frais et des soins si minutieux, ment les cicatrices. L'effet naturel de cette taille
qu'il lui faudrait recevoir de grandes modifica- continuée tous les ans est de donner à la flèche
tions avant qu'il pût faire concurrence aux une force telle qu'elle fait dessécher et périr
procédés plus simples actuellement en posses- les branches laissées à dessein de distance
sion d'alimenter nos pépinières. en distance vers le bas de la tige, dans le but
de la faire grossir en y appelant là sève. A me-
Section II. — Conduite des tujels enpépinière. sure qu'on les voit dépérir, on les rabat d'abord
à 0,'° 10, puis on les supprime tout-à-fait. Si
Pendant les deux premières années, le plant ne ces divers soins ont été donnés en temps oppor-
veut que des sarclages et binages assez, fréquents tun et avec intelligence, les arbres livrés au
pour que le sol soit tenu constamment propre; commerce n'offrent ni nœuds ni défauts ; leur
il ne faut arroser qu'en cas d'excessive séche- tronc droit, recouvert d'une écorce lisse, atteste
resse, quand on peut craindre qu'il n'en résulte leur santé v igoureuse.
la perte des sujets; à moins d'un été exception- Cette manière d'élever les égrains en pépi-
nel, ce danger ne se présentera pas si la sur- nière s'applique également aux pommiers et
face de la terre est ameublie par des binages aux poiriers à haute lige; seulement, comme le
réitérés il faut que la terre puisse absorber et
; tronc de poirier n'a pas la même tendance que
transmettre aux racines des jeunes arbres la celui du pommier à prendre du corps, on lui
rosée de la nuit, qui ne leur parvient jamais laisse un plus grand nombre de branches laté-
quand on a laissé se former à sa surface une rales ou brindilles, afin de favoriser son gros-
croûte imperméable. Il faut avoir pratiqué sissement. Dans un sol convenable, les égrains
l'horticulture dans le midi, sur des pentes ou il sont bons à vendre au bout de quatre ans ils ;

ne pleut jamais en été, où l'eau ne pourrait peuvent encore attendre deux ans dans la pé-
arriver que par un déluge universel, pour se pinière sans beaucoup souffrir; passé la sep-
faire une idée des ressources que peut offrir le tième année, s'ils ne sont pas enlevés, ils dé-
binage comme moyen de combattre les effets périssent. Les égrains ne sont pas ordinaire-
de la sécheresse. Au second printemps qui suit ment greffés en pépinière; on les met en place,

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titre Ri. PÉPINIÈRES D'Aï ttRES FRUITIERS. 81

après leur avoir corjpé latête à 2«>,50 au-dessus ne pas de la force extraordinaire des
s'effraie
du sol ;y restent deux ou trois ans avant
ils greffes franches de pied posées sur des poiriers
d'être greffés; la greffe,quand die réussit, ne également francs de pied; c'est le gage d'une
montre son fruit qu'au bout de plusieurs an- longue durée et d'une fertilité soutenue. « Quel-
nées. Ou voit combien il s'est écoulé de temps ques jardiniers ignorants, dit M. Lelieur. se
depuis le semis du pépin jusqu'à la récolte du plaindront peut-être de cette vigueur dont ils ne
premier fruit, et combien il serait à désirer de sauront pas tirer parti; il y a toujours moyen
pouvoir, en élevant des sujets de bouture, ga- de l'employer à produire des récoltes abon-
gner au moins, sur des délais si longs, les deux dantes, tout en laissant les arbres prendre l'en-
ou trois ans que fait perdre la greffe. tier développement dont ils sont susceptibles,
Les arbres de plein vent à haute lige, une ou en les restreignant dans les limites possi-
fois élevés, sortent du domaine de l'horticul- bles, mais toujours en produisant d'abondantes
ture; exclusivement destinés à former des ali- récoltes. •
gnements le long des chemins ou autour des
pièces de terre dans les grandes exploitations,
$ lit. — Sujets de cognassier pour poirier.

ils ne sont greffés qu'en fruits à cidre nous ; Nous avons exprimé notre opinion sur la
reviendrons sur les avantages qu'on trouve préférence que méritent les sujets francs de poi-
à traiter de même les fruits a couteau en réu- rier, comparés aux sujets de cognassier; nous
nissant de grands arbres dans de vastes enclos avons insisté sur la nécessité de semer au moins
semblables aux mazures de Normandie et aux des. pépins choisis de cognassiers des bonnes
prairies arborées de Belgique. (Voir Vergers espèces, si l'on lient à greffer sur cognassier.

agrestes, t. II, p. 145). Les avantages apparents du cognassier feront


encore longtemps prévaloir son emploi sur
$11. — Sujet* pour pjramides, quenouilles, vues et
celui des sujets francs. Le poirier greffe sur co-
espaliers.
gnassier se met vite à fruit et rapporte beau-
Ces arbres sont exclusivement du domaine coup quand le cognassier greffé est robuste et
de l'horticulture; leur existence commence bien portant mais bientôt il s'épuise, le fruit
;

et s'achève entre les mains du jardinier. On ne devient de plus en plus rare et pierreux, l'ar-
doit point leur ménager la distance; plus ils bre se dégarnit du sommet, et il n'y a pas de
auront d'espace en pépinière, mieux ils vien- soins de culture qui puissent le rétablir. Il n'est
dront; il importe également de ne pas les plan- réellement à sa place que dans les très pe-
ter pêle-mêle, comme le font presque tous les tits jardins où l'espace manque, ou bien en-
pépiniéristes marchands; chez eux, un sujet n'a core, dans les jardins qu'un locataire plante
point d'avance une destination déterminée; se- pour la durée de son bail, et dont les arbres,
lon qu'il se montre robuste ou délicat, on le pourvu qu'ils rapportent tout de suite, peuvent
prépare ultérieurement pour telle ou telle for- être promptement épuisés sans porter préjudice
me ; c'est une coutume funeste contre laquelle au locataire qui est en droit, avant de partir,
nous ne pouvons trop fortement nous élever ; de les assommer, selon l'expression admise.
chaque forme doit avoir sa division à part, Signaler une coutume vicieuse ce n'est mal- ,

sans quoi, les arbres préparés pour une forme heureusement point en assurer la prompte abo-
qui prend beaucoup (l'espace étouffent les plus lition. Les pépiniéristes même les plus éclairés,
petits en leur ôtant l'air et le soleil. sont forcés de greffer beaucoup de poiriers sur
Selon l'usage ordinaire, on laisse le plant se cognassier, parce que, d'une part, on leur en
former deux ans en pépinière sans autre soin demande beaucoup, et que de l'autre, ils se-
que de tenir le sol nettoyé. On recèpe au prin- raient forcés de faire payer plus cher les sujets
temps de la seconde année pour provoquer l'é- greffés sur franc qui, pour cette seule raison,
mission du bourgeon sur lequel on greffera en ne trouveraient pas a'acheteurs. Voici com-
écusson à œil dormant un ou deux ans plus ment on peut gouverner le cognassier en pépi-
tard. Un amateur peut aussi attendre le som- nière, pour en obtenir les sujets le moins dé-
meil de la végétation, lever tous les jeunes fectueux possible. Il faut d'abord lui accorder
plants en hiver, les greffer par copulation au beaucoup d'espace pour le greffer,
et attendre,
coin du feu, et les remettre en place. Dans ce qu'il soit solidement fixé dans le sol par dp
cas, on greffe aussi près que possible du collet nombreuses et fortes racines. Ensuite, au lieu
des racines, afin que la greffe reprise soit à de greffer selon l'ordinaire en écusson à œil
moitié enterrée par la mise en place définitive dormant, en juillet pour le prunier et l'abrico-
(voir Greffe, fig. 214). Lorsque la tige produite tier, et pour les autres arbres fin août de l'année
par la greffe possède une vigueur suffisante, on qui suit celle du repiquage, on attendra l'hiver
ta rabat à 0 m 32 de la greffe , pour favoriser le pour greffer de la même manière, mais au coin
développement de ses yeux inférieurs \ ils se- du feu, par le procédé de la greffe Aristote, ou
ront la Base de la charpente du jeune arbre, et à écusson carré, celle de toutes les greffes qui
permettront de le conduire à volonté selon la endommage le moins l'aubier, et permet d'es-
forme qu'on lui destine. Nous insistons sur la pérer la plus prompte soudure de la greffe au
nécessité de ne jamais poser sur les poiriers sujet. On ne balancera pas à retarder d'un an
francs ainsi élevés en pépinière des greffes pri- cette opération pour les sujets qui ne paraî-
ses sur des arbres greffés sur cognassier. Qu'on traient pas suffisamment robustes. L'année
«OlTICOLTUm. 1. v. -u

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horticulture. LIVRE VIII
d'après, la greffe sera rabattue et conduite raient les semis peut néanmoins fournir des
; il

{jour être préparée à produire des branches sujets de bonne qualité, pourvu que les souches-
atérales inférieures, comme si c'était un sujet mères ne soient pas épuisées par une trop lon-
greffé sur franc. gue production; ces sujets se prêtent merveil-
leusement à la taille en pyramide, quenouille,
§ IV. — Sujets d'aubépine et de cormier pour poirier.
vase et espalier. On les garde deux ans en pé-
On multiplie rarement l'aubépine de semis pinière comme les sujets du cognassier, puis on
dans but d'en obtenir des sujets propres à
le les greffe en écusson à œil dormant la greffe;

recevoir la greffe du poirier. Lorsqu'on sème, au coin du feu est la meilleure et la plus solide ;
c'est en place, pour créer une baie vive le plus ; le peu de temps qu'elle semble faire perdre est
souvent même pour cet usage on ne sème pas plus que compensé par la meilleure végétation
l'aubépine on met en place le plant sauvage
, des arbres greffes. Les principes pour la con-
arraché dans les bois. Nous engageons les pé duite du poirier en pépinière s'appliquent éga-
piniéristes qui se livrent à l'élève en grand du lement au pommier pour l'un comme pour
;

poirier à consacrer toujours un carré aux l'autre, il s agit de faire développer les bour-
semis d'aubépine. Les sujets trop faibles pour geons inférieurs, et d'empêcher la sève de se
recevoir des greffes de poirier se vendront tou- porter exclusivement vers le haut de l'arbre.
jours avantageusement pour plantations de Les plus belles pommes de dessert se cueil-
baies; quelques-uns pourront aussi recevoir lent sur les sujets de paradis, qu'on greffe de
des greffes de divers alisiers, sorbiers et né- préférence en espèces de choix parmi les plus
fliers, qui reprennent très bien sur ce genre de beaux fruits à couteau. Il faut les greffer très
sujets. Le poirier greffé sur aubépine offre à jeunes et dès qu'ils montrent une vigueur suffi-
peu près les mêmes avantages, quant à la taille, sante, en suivant, si on veut, le procédé de la
que la greffe sur cognassier sa mise à fruit est ; greffe au coin du feu. Si les paradis durent peu,
seulement un peu plus tardive mais toujours ils produisent en abondance de beaux fruits

.

plus prompte que quand il est greffé sur franc. le paradis est essentiellement l'arbre des petits
On greffe bien rarement le poirier sur cor- jardins. Il est bon de le plantera demeure dans
mier celte greffe ne convient que pour les ar-
; les deux années qui suivent celle où il a été
bres eu plein vent, à haute tige les rares exem- ; greffé. Il n'est pas nécessaire de lui former en
ples de cette greffe, que nous avons eu occasion pépinière une tige principale; on l'élève en petit
d'observer en Anjou, en Poitou et en Provence, vase ou en buisson, il produit beaucoup sous
étaient remarquables par leur fertilité. Nous cette forme, mais la meilleure serait celle em-
saisirons cette occasion pour exprimer nos re- ployée par M. Jamain, en quenouillesurdoucin,
grets de l'abandon coupable où nous laissons de cette manière il se défend même dans les
s'éteindre un de nos meilleurs arbres indigènes, terrains secs, bien qu'en général le pommier
le cormier. Il n'y a pas de bois comparable au préfère un sol frais et substantiel. Cette forme
sien pour le charronnage; son fruit agréable est des plus agréables et donne des fruits en
donne une boisson égale'au meilleur cidre ; il grande quantité et de très bonne qualité.
se contente des plus médiocres terrains nul ne ;

$ M. — Sujet» d'amandier et de prunier pour pocher.


résiste mieux que lui aux plus longues séche-
resses. Nous l'avons vu dans le Var, croissant L'amandier et le pêcher sont, au fond, le
entre des roches granitiques, fructifier et con- même arbre la chair savoureuse de la pêche
;

server la fraîcheur de sa verdure sous une tem- n'est que brou de l'amande améliore par la
le

pérature plus qu'africaine après cinq mois de. culture l'amandier est donc, de tous les sujets
;

sécheresse continue. Mais notre siècle est sur lesquels le pêcher peut être greffé, celui
égoïste; il a peur de faire quelque chose pour qui offre avec lui le plus d'analogie. Cependant,
les générations à venir; le cormier a le tort en dépit d'une foule de différences des plus
impardonnable de croître lentement et de vivre saillantes le prunier prend la greffe du pêcher
,

des siècles. Nous le recommandons aux pépi- aussi facilement nue l'amandier le choix entre
;

niéristes comme essentiellement propre à rece- ces deux genres de sujets semble tout-à-fait in-
voir la greffe du poirier, partout ou cet arbre différent quant à la qualité du fruit, sur lequel
doit vivre dans un sol médiocre, exposé à souf- il ne semble pas qu'il influe d'une manière ap-

frir de la sécheresse et d'une trop haute tem- préciable. L'amande douce à coque dure est
, ,

pérature. semée communément pour obtenir des sujets


destinés à recevoir la greffe du pêcher; il faut
§ X'. — Sujets de doucain et dr paradis pour pommier.
y joindre quelques amandes amères pour les es-
Le doucain possède pour le
réellement, pèces qui reprennent mal sur l'amandier doux.
pommier, tous les avantages en vue desquels Les noyaux de prunes de Damas et de Saint-Ju-
on greffe le poirier sur cognassier, sans avoir lien sont préférés pour le même usage à ceux
aucun des défauts de cet arbre, car le doucain des autres espèces. Le choix entre les sujets
est lui-même un pommier franc de pied, qui se d'amandier et ceux de prunier est déterminé
perpétue par ses pépins mais il est naturelle-
, par la nature du terrain. Les racines de l'aman-
ment prompt à produire et peu développé dans dier sont fortes; elles pénètrent profondément
sa taille. Le plant de doucain, obtenu de mar dans le sol ; elles s'accommodent de presque
cotte, est toujours inférieur à celui que donne- tous les terrains ; l'amandier réussit partout, à

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TITnÉ III. PÉPINIÈRKS D'AH URES Fr.UlTIERS. 83

moins que ses racines ne rencontrent un sous- un accident, une rupture, une simple courbure,
sol de tuf ou d'argile, où elles ne sauraient vi- ou bien lorsqu'on supprime à contre-temps les
vre. Les racines du prunier ne plongent pas ; bourgeons de sa partie supérieure, ce qui fait
elles s'étendent en tout sens, à peu de distance refluer la sève vers le bas, et provoque le dé-
au-dessous de la surface du sol les sujets de
; veloppement intempestif des yeux de cette par-
prunier doivent être préférés pour multiplier le tie. Il importe que la greffe soit assujettie de

pêcher dans un sol peu profond, à un sous-sol manière a éprouver le moins d'ébranlement
de tuf ou d'argile. Le pépiniériste, dont la clien- possible dans les premiers mois, elle adhère
;

telle est assez étendue , doit toujours être muni faiblement au sujet, et pourrait aisément être
de pêchers greffés sur amandier et sur prunier, décollée.
comme le font ceux de Vitry (Seine), chez les- Les espèces ci-dessous indiquées veulent être
quels on vient de très loin acheter des arbres greffées spécialement sur des sujets d'amande
élevés avec beaucoup de soins et d'intelligence. amère :

Le prunier se greffe toujours quelques jours ou royale,


ibourdine
plus tôt que l'amandier; l'un et l'autre sont pourpre cl lifclîwe.
ecussonnes à œil dormant, du 15 août au 15 rouge de la Madeleine,
violette hâtive (petite et grosse),
septembre. On greffe l'amandier la première
violette tardive.
année de sa mise en pépinière; le prunier doit
y passer deux ans avant d'être greffé. Les pêches de Chevreuse et les pêches à peau
En Belgique, on greffe très fréquemment le lisse(brugnons), préfèrent les sujets de prunier
pêcher sur lui-même; les semis de noyaux de de Saint-Julien à ceux de Damas.
choix reproduisent très souvent leur fruit, et Le pêcher ne se greffe pas toujours en pépi-
n'ont pas besoin d'être greffés ; on laisse donc nière ; lorsqu'on n'est pas pressé, on laisse le
un grand nombre de sujets montrer leur fruit sujet s'enraciner au pieu de l'espalier avant de
avant de les greffer ; mais au lieu de les con- le greffer; l'arbre est ordinairement plus vi-
server en place en pépinière, on les plante à goureux et plus durable que s'il avait subi la
l'espalier; si le fruit ne vaut rien, les sujets, transplantation après avoir été grefTé.
ayant acquis beaucoup de force et ne devant
plus être transplantés, peuvent supporter deux 5 VII. — Sujets de pruuier et d'abricotier pour ibl icotier.

greffes, une de chaque côté, pour former en Trois variétés d'abricotier : l'abricot de Hol-
même temps les deux branches principales de lande, l'abricot-nêchc et l'alberge, se repro-
la charpente. Il faut observer qu'en Belgique duisent semblables à elles-mêmes par le semis
on donne aux murs de clôture, construits en de noyaux. Les noyaux de toutes les variétés
briques, plus d'élévation que nous n'en don- donnent des fruits différents de ceux qui les
nons généralement aux nôtres-, les pêchers ont produits, mais mangeables; ce qui fait dire
pierrettes, nom qu'on donne aux sujets francs avec raison à M. Lelieur qu'il n'y a pas d'a-
de pied, ont toujours plus de vigueur que les bricot sauvage. L'abricotier se greffe soit sur
autres, et couvrent plus vite une grande surface lui-même, soit sur prunier; les sujets de semis
d'espalier. Au rebours de ce qui se pratique en de gros damas noir sont les meilleurs, parmi
France, on réserve le haut de l'espalier pour ceux de prunier, pour recevoir la greffe de
le pêcher, qu'on greffe à haute tige sur prunier, l'abricotier, mais les sujets de noyaux d'abri-
quand le mur est décidément trop haut pour eots leur sont toujours préférables." Ils se gref-
en totalité; la partie in-
Îm'il puisse le garnir fent de la même manière que les sujets de pê-
érieure est garnie dans ce cas d'abricotiers cher et réclament les mêmes soins en pépinière.
conduits de manière à ne pas gêner les pê- Ceux qu'on greffe à haute lige pour former des
chers. arbres en plein vent ont besoin d'être solide-
Lorsque la greffe a repris, on rabat le sujet ment fixés à de forts tuteurs, jusqu'à ce que la
m
à 0 ,08 ou 0 ,10 au-dessus de l'écusson ; on grelTe soit bien attachée. Linconstance de
supprime sur le chicot laissé au sujet tous les notre climat rend les récoltes d'abricots incer-
yeux, à l'exception d'un seul à son extrémité taines sur les arbres à haute tige; il en résulte
supérieure, près de la coupure cet œil est ré-
; qu'on cultive de plus en plus l'abricotier en
servé comme œil d'appel. Il faut le surveiller espalier, bien que son fruit soit toujours de
de très prèspour empêcher qu'il ne s'emporte, beaucoup inférieur à celui des arbres en plein
et l'arrêter par des pincements successifs ; il vent. On «reffe aussi fréquemment l'abricotier
n'est là que pour empêcher le chicot laissé au- à 0 m ,30 de terre pour le conduire en vase;
dessus de la greffe de mourir, afin que, quand cette forme réunit aux avantages du plein vent,
on le supprimera, la cicatrisation s'opère plus quant à la qualité du fruit, celui de taire profi-
facilement san s nuire à la greffe. Le point le plus ler plus facilement l'arbre d'un abri naturel ou
délicat de la conduite du pêcher greffé en pépi- artificiel qui préserve du froid sa fleur trop
nière, c'est de ménager les yeux placés au bas de précoce, souvent détruite par les gelées du
la pousse de la greffe ; il faut empêcher leur printemps. Les abricotiers pour espalier doi-
développement anticiné. Ces yeux sur lesquels ,
vent être greffés à quelques centimètres au
repose tout l'espoir au jardinier pour former dessus du sol et sur prunier-cerisette , ar-
la charpente de l'arbre en espalier, peuvent bre qui a peu de vigueur, mais une longue
partir avant le temps lorsqu'il arrive à ta greffe durée.

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84 HORTICULTURE. Ll vue VIII.

Ç VIII. — Sujets de prunier pour prunier. 5 IX. - Sujets de merisier et de mriialeb pour rerisi«r.

Bien que la greffe du prunier réussisse sur On n'élève guère en pépinière que des mért-
l'amandier, le pêcher et l'abricotier, c'est sur sierspour les cerisiers à hautes tiges, et des
lui-même que cet arbre se greffe avec le plus mahaleb ou Sainte - Lucie pour les arbres de
d'avantages. Sa multiplication par semis de petites dimensions. Quelques espèces se repro-
noyaux est si prompte et si facile, qu'on s'étonne duisent de noyaux et de drageons ; elles n'ont
qu'elle n'ait pas lait renoncer à l'usage de pas besoin d'être greffées , entre autres la va-
greffer le prunier sur ses drageons, nommés riété hâtive, connue sous le nom de cerise de
pélrasses ou pétereaux. Ces drageons, toujours pied. On se procure des arbres tout à-fait nains
inférieurs aux sujets francs obtenus de noyaux, en greffant le cerisier sur le ragouminier ; la
ont l'inconvénient de produire eux-mêmes une cerise anglaise est celle de toutes qui se prête le
multitude de rejetons dont on ne peut se dé- mieux à cette greffe, parce qu'elle reste très
barrasser , car ils repoussent à mesure Qu'on productive sous les plus petites dimensions
les retranche, ce qui épuise l'arbre au aétri- possibles. Les cerisiers greffés sur le ragoumi-
ment de la production du fruit. Les sujets de nier s'élèv ent dans des pots et font l'ornement
noyau n'ont jamais ce défaut quand ils pro- des tables de dessert quand ils sont chargés de
viennent de fruits pris sur des arbres francs de fruits mûrs. La greffe du cerisier sur ses dra-
pied ou greffés sur franc. Le prunier à haute geons, quoique assez usitée, offre les mêmes in-
lige pour plein vent passe deux ans en pépi- convénients que nous avons signalés pour le
nière avant de recevoir la greffe on pose sur ; prunier. On greffe toute espèce de cerisiers en
le sujet deux greffes en écusson à œil dormant écusson à oeil dormant, vers la fin de juillet
pour gagner du temps sur la formation de la ou en fente à la sève du printemps, après qu'ils
charpente de l'arbre. Comme le prunier se prête ont passé deux ans en pépinière. Une fois
également bien à la greffe en fente, les sujets greffes , ils ne doivent pas attendre au-delà de
qui n'ont pas pris la greffe en écusson ne sont eux ans leur mise en place définitive.
pas perdus on les greffe en fente à la sève du
-,

printemps suivant. Parmi les espèces dont le J X . — De quelques sujets peu employés.
fruit, réservé pour faire des pruneaux, ne se Les divers genres de sujets dont nous venons
mange pas frais, le quetschier dont la prune est de passer en revue la culture sont Jes princi-
vulgairement nommée couache n'a pas besoin paux hôtes delà pépinière dans toutes les con-
d'être greffé ; ses noyaux et ses drageons la trées de la France, au nord de la Loire ; rare-
reproduisent semblable à elle-même. Les pru- ment ils se trouvent tous réunis dans le même
niers greffés ne doivent pas rester plus de deux local ; chaque pépiniériste consulte à cet égard
ans dans la pépinière après avoir été greffés. la nature de son terrain et les chances de pla-
Les sujets a haute tige provenant du gros da- cement Il doit en outre tenir en réserve, comme
.

mas se greffent mieux en place qu'en pépinière, assortiment, des sujets rarement demandés,
mais ils ne doivent jamais être greffés avant dont nous indiquerons les principaux.
d'être bien attachés au sol par de nouvelles
racines.
A. — Cognassùr.
Lagreffe du prunier sur le prunellier donne Parmi ceux qu'il élève pour recevoir la greffe
des arbres nains qu'on peut maintenir dans les du poirier, le pépiniériste en greffe toujours
plus petites dimensions-, ils s'élèvent dans des quelques-uns sur eux-mêmes, afin d'avoir un
pots qui figurent au dessert sur la table, à l'épo- plus grand nombre de variétés pour les ache-
que de la maturité du fruit et que les convives teurs. Ces arbres sont rarement demandés l'u- ;

ont le plaisir de cueillir eux-mêmes. La mira- sage économique des coings se borne à la pré-
belle, la reine Claude, et la prune de monsieur, paration d'un sirop, d'une pâte et d'une gelée.
se prêtent à ce genre de grelfe, dont un pépinié- B. — Né/lier.
riste placé à portée d'une grande ville peut tirer
On greffe sur épineblanche les deux variétés
un bon parti. La greffe du prunier sur le pru- de néflier à gros fruit, dont l'une, la meilleure
volume ni sur la qua-
nellier n'influe ni sur le
des deux, n'a point d'osselets. Aucun arbre de
lité du garde les caractères de son es-
fruit il
;
nos climats n'exige moins desoins et n'est plus
pèce, comme
sur les arbres les plus forts.
rustique que le néflier. Si on greffe sur co-
La régénération de nos bonnes espèces de gnassier et poirier, il dure moins longtempt,
prunes par les semis est urgente; nous n'avons mais le fruit est meilleur et plus gros.
presque plus de bonnes prunes de dessert. Des
essais commencés à la pépinière de Versailles
C. — Cormier.
n'ont pas été continués. Les pépiniéristes peu- II ne figure presque nulle part dans nos

vent d autant mieux s'y livrer que ces fruits ar- pépinières, malgré les qualités qui le recom-
rivent à leur perfection en trois générations, mandent. Nous ne craignons pas de nous ré-
et qu'au moyen de la greffe il est possible de péter en rappelant avantages que les
ici les

vérifier leur fruit longtemps avant l'époque où sujets de cormier obtenus de semis peuvent of-
ils commenceraient a rapporter. M. Jamain a frir pour recevoir la greffe du poirier dest né à

ainsi obtenu trois nouvelles et excellentes va- vivre dans des localités exposées à la séche-
resse et à des chaleurs prolongées; ces sujet»

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PÉPINIÈRES D'ARBRES FRUITIERS. 85

se gouvernent comme égrains ; ils sont plus


les nombreux au pied des arbres des bonnes es-
lents à croître, mais beaucoup plus durables. pèces, tant qu'ils ne se sont pas formés un tronc
assez fort pour absorber toute leur sève. Ceux
D. — Figuier. qu'on juge à propos de greffer pour en changer
Les diverses variétés de figuiers n'occupent Pespèce se greffent mieux en place qu'en pé-
un grand espace que dans les pépinières du pinière. Il ne faut pas les laisser vieillir en pé-
midi de la France. On les multiplie de boutures pinière ; ceux qu'on transplante trop vieux re-
et de marcottes qui n'ont pas besoin d'être prennent péniblement. Le figuier se contente
greffées. La marcotte simple ou recouchage du plus mauvais terrain ; il brave les plus lon-
sans incision ni ligature, est le seul procédé de gues sécheresses et fructifie même entre des
multiplication usité des jardiniers d'Argenteuil pierres; mais il ne faut pas le faire passer d'un
qui tirent un'si bon parti de la culture du figuier dans un terrain aride et in
sol fertile et frais •

pour la consommation de Paris. grat; de qualité médiocre, plutôt sè-


la terre

Nous avons considéré séparément la culture che qu'humide, est la plus convenable pour
en pépinière du noyer et du châtaignier, arbres établir une pépinière de figuiers dans le midi
3ui , une fois hors de la pépinière, sortent du de la France.
omaine de l'horticulture, mais que le pépinié- B. — Oranger.
riste peut multiplier avec avantage quand il est
assuré du placement (voir t. II, p. 130 et suiv.J. L'oranger, le citronnier et tous les autres
Nous renvoyons au même volume pour la arbres de cette famille, se multiplient par semis
multiplication en pépinière de l'olivier et du de pépins ou par boutures ; aucun arbre ne
mûrier, considérée comme culture industrielle. se prête plus aisément que l'oranger à ce der-
Quoique le fruit du mûrier noir soit excel- nier mode de reproduction :une feuille, un
lent à notre avis, et que cet arbre doive rentrer simple fragment de feuille, est susceptible de
dans la classe des arbres fruitiers propres à s'enraciner. On sème, comme étant d'une crois-
notre climat, il est peu apprécié et très peu ré- sance plus rapide, les pépins des oranges bigar-
pandu. Aux environs de Paris les vieux mû- rades, dont le jus aigre et amer sert d'assaison-
riers noirs ont été détruits par les derniers hi- nement; aussi, en conserve-t-on toujours quel-
vers rigoureux , et n'ont point été remplaces. ques pieds francs. Les autres sont greffés très
On le reproduit par marcotte et par semis ; il peut jeunes; il surfit qu'ils aient atteint la grosseur
aussi être greffé sur tous les autres mûriers. d'un tuyau de plume. Les pépiniéristes du
Nous devons une mention particulière à quel- midi, qui tiennent aux anciens usages, laissent
ques arbres à fruits, propres aux pépinières du le plant d'oranger devenir assez gros en pépi-

midi de la France. nière pour pouvoir être écussonné à œil pous-


sant; la greffe Lefaocheux et la greffe à la
§ XI. — De quelque» arbres fruitiers du midi de la Pontoise sont préférables pour l'oranger et tous
France. les arbres de la même famille. On ne greffe pas

A. - Figuier.
les sujets obtenus de bouture des bonnes es-
pèces.
Cet arbre précieux n'est point aussi mul- C'est une honte pour notre horticulture,
tiplié qu'il devrait l'être dans le midi de la qu'ilnous faille recevoir de Gênes et de Nice,
France , où l'usage de son fruit , au lieu de se chaque année, une quantité de sujets greffés
borner à quelques semaines de l'été , se pro- d'orangers et de citronniers, expédiés pour
longe toute l'année. Sur tout notre littoral de Paris et le nord de la France, tandis que les
la Méditerranée, la figue blanche, qui ne se pépiniéristes de la basse Provence, placés dans
mange qu'aprèsavoir étéséchéeau soleil, pour- les mêmes conditions de sol et de climat se ,

rait être l'objet d'un commerce très étendu ; laissent dérober cette clientelle. A Hyèrcs(Var),
mais le midi de la France semble ne pas se dou- nous avons vu plusieurs fois les pépinières d'o-
ter des ressources que peut lui offrir l'extension rangers et de citronniers en pleine terre, ra-
de la culture des fruits propres à son admirable vagées par des gelées accompagnées de vents
climat. Nous n'y connaissons point de pépinière glacés du nord-ouest; chaque fois que ces dés-
où l'on s'occupe de conserver, de propager ou astres se sont renouvelés à notre connaissance,
d'améliorer les bonnes espèces de figuier. ils auraient pu être empêchés. Les Génois ne
Les propriétaires du Yar, qui veulent former sont pas plus exempts que les Provençaux des
de grandes plantations de figuier à fruit blanc ravages au terrible mistral (vent du nord-
n'en trouvent point à acheter ; nous en con- ouest) mais ils savent en préserver leur plant
;

naissons qui sont forcés de commencer par les d'orangers, surtout en empêchant que la gelée
élever chez eux en pépinière, ce qui recule très ne le surprenne en pleine sève : il est sans

loin les premiers produits. Le figuier se multi- exemple qu'un oranger, jeune ou vieux ait ,

plie en pépinière par boutures et marcottes qui gelé s'il n'était en sève. En 1841, les orangers
reprennent très facilement, et par drageons qui de Provence furent frappés d'une gelée très
n'ont pas besoin d'être enracinés pour former vive, quoiqu'elle n'ait pas duré plus d'une
en très peu de temps des sujets vigoureux ; il heure. Tous ceux qui se trouvaient on Heurs
suffit de les enlever avec uu talon ou fragment ou en boutons ont plus ou moins souffert le ;

de la souche-mère. Les drageons sont toujours lendemain de ce sinistre, on voyait sur le même

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86 HORTICULTURE.
arbre des branches grillées comme si le feu y rait être plusavantageuse le long d'un mur en
avait passé c'étaient celles qui se trouvaient
: plein midi, tropchaud pour la vigne, le pêcher
chargées de fleurs et de boutons, et d'autres et l'abricotier il faudrait seulement avoir la
:

dans leur état naturel c'étaient les moins avan-


: patience de l'établir, mais on en serait ample-
cées en végétation. On doit donc conduire le ment dédommagé. Le tronc du pistachier en
plant d'oranger en pleine terre de manière à espalier, sous le climat de Paris, a besoin d'être
ralentir le plus possible la végétation pour l'é- empaillé pendant l'hiver; ses racines ne souf-
poque où les gelées peuvent être à craindre ; frent du froid qu'autant qu'il les surprend brus-
le moyen le plus simple, c'est d'entretenir le quement à la suite de grandes pluies qui au-
sol meuble, mais sec, pendant toute la saison raient laissé la terre excessivement humide,
froide , et de calculer l'époque de la taille de inconvénient dont il est toujours facile de les
façon à ne pas exposer aux intempéries de cette garantir.
saison des pousses trop récemment formées.
Ajoutons que les jardiniers du midi comptant
,
B. — Jujubier.
trop sur leur climat, négligent l'emploi des abris, C'est encore un des arbres àfruits dont il
3ui leur sont souvent inutiles, à la vérité, mais est le plus à souhaiter que la culture se pro-
ont l'absence leur fait faute et ruine leurs pé- page dans nos départements méridionaux.
pinières au moment du besoin. Dans le Var, le jujubier vient partout; il fruc-
tifie dans les mauvais terrains comme dans
C. — Grenadier. les bons ; seulement, si le sol lui convient, il
Le grenadier, livré à lui-même dans son devient un bel arbre de 10 à 12 mètres de
pays natal, pousse une infinité de drageons hauteur; dans le cas contraire, il reste à la
qui servent a le multiplier; il se reproduit hauteur d'un grand arbuste 3 à 4 mètres. Le
,

aussi très facilement de semis. Sous le climat jujubier ne tardera pas à disparaître des parties
qui lui convient , il n'est pas d'arbre qui exige de notre territoire où sa culture serait le plus
moins de soins de culture ; on prend rarement avantageuse ; les vieux jujubiers meurent de
la peine de l'élever en pépinière. Il s'en irouve vieillesse et ils ne sont pas remplacés. Les ra-
cependant quelques-uns chez les pépiniéristes cines de cet arbre passent pour épuiser le sol ;
des environs de Toulon; mais sa destination la mais rien ne serait plus aisé que de le bannir
plus fréquente est de former des haies de clô- des champs cultivés et de le faire servir à uti-
ture. Quand on greffe les bonnes espèces de liser les terrains incultes, si vastes dans toute
grenadier, on prend pour sujets les pieds francs la basse Provence ; il y viendrait tout seul. Les
de grenadier à fruits aigres ; on les greffe en fente jujubes (en provençal tchitchoulo) sont suscep-
aussi jeunes que possible, soit en place, soit en tibles, étant séchés au soleil, de devenir un ob-
pépinière; mais la greffe en place est la plus jet de commerce comme les dattes et les figues.
sûre et la meilleure. Le jujubier se multiplie facilement de semis et
de boutures ; il n'a pas besoin d'être greffé, sa
D. — Pûtaehier. croissance est rapide; un pépiniériste du midi
Le prix toujours élevé des amandes pista- qui s'occuperait de le multiplier, ferait une bonne
ches à peau rouge et à chair verte, les plus spéculation. Nous ne pensons pas que le fruit
délicates de toutes les amandes connues, de- du jujubier puisse mûrir sous le climat de Paris ;

vrait encourager les jardiniers du midi de la nous l'avons vu fructifier et mûrir parfaite-
France à multiplier le pistachier, dont on ren- ment son fruit dans un jardin près d'Amboise
contre à peine quelques pieds isolés dans leurs (Indre-et-Loire) il y en avait plusieurs beaux
;

jardins. Cet arbre se greffe mieux sur le lent is- pieds en espalier à l'exposition du midi.
que et le térébinthe que sur lui-même; il résiste
alors beaucoup mieux au froid, auquel il est
F. — Caroubier.

très sensible : lentisque et le térébinthe sont


le On montre, pour ainsi dire, comme des cu-
l'un et l'autre très faciles à multiplier de graine, riosités, les caroubiers en bien petit nombre,
comme sujets propres à recevoir la greffe vénérables par leur antiquité, qui subsistent
du pistachier. Les collines incultes du dépar- encore sur quelques points de notre littoral de
tement du Var sont couvertes de lentisques la Méditerranée ; c'est pourtant, après le cèdre
inutiles qu'il serait aisé de convertir par la du Liban, l'arbre dont le bois mérite le mieux
greffe en pistachiers très productifs. Le pista- le nom dMncorruptible. Son fruit, longue silique

chier est dioïque ; il faut placer à portée des remplie d'une pulpe agréable au goût, contient
individus femelles quelques mâles pour les fé- des graines au moyen desquelles il serait facile
conder; on peut même, en faisant choix des de le multiplier. Sous le climat qui lui con-
sujets les plus forts, leur donner sur deux bran- vient , il n'exige aucun soin particulier; il n'a
ches deux greffes, mâle et femelle. Il est bon pas besoin d'être greffé.
de rappeler que le pistachier greffé sur lentisque
et sur térébinthe fleurit et fructifie abondam-
C. — AveUùucr.
ment en pleine terre en espalier, sous le climat La de cet arbre, à qui tous les
rusticité
de Paris; et l'expérience prouve que ses aman- terrains conviennent , et l'abondance de son
des ne le cèdent en rien à celles qui nous vien- fruit aujourd'hui très recherché dans le com-
nent de l'Orient. Aucune autre culture ne sau- merce, ont appelé sur lui l'attention des pc-

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TITRE III PEPINIERES D'ARBRES FRUITIERS. 8T
piniéristes du midi qui depuis quelques an- Le pépiniériste placé à portée d'one
grande
nées lui consacrent de grands espaces. On le ville, dont les environs sont décorés d'un grand
multiplie exclusivement, au moyen de ses dra- nombre de jardins paysagers doit, pour se tenir
geons toujours très nombreux. Ils s'élèvent en mesure de fournir aux demandes des nom-
presque seuls en pépinière ; ils craignent seu- breux amateurs de cette partie si intéressante
lement, durant leurs premières années, l'excès de l'horticulture, réunir dans sa pépinière, si-
de la sécheresse qu'ils bravent quand ils ont pris non la totalité, du moins la majeure partie des
le dessus; on les greffe en flûteou en fente, en pc- genres, espèces et variétés propres au climat
Innière, à2 oo3 ans; ils peuventêtre mis en place sous lequel il cultive. Nous avons divisé ces vé-
'année qui suit celle où ils ont reçu la greffe. gétaux par groupes formés d'arbres et arbustes
qui, bien qu'appartenant à des genres plus ou
H. — Amandier. moins éloignés les uns des autres, botanique-
Les sujets d'amandier à fruit doux à coque , ment parlant, doivent se trouver ensemble
dure et a coque tendre, connu sous le nom dans la pépinière, parce qu'ils se multiplient
d'amande princesse, disparaissent des pépi- par mêmes procédés, qu'ils réclament les
les
nières de nos départements méridionaux. mêmes soins de culture, et se plaisent dans les
Quoique le climat ne paraisse pas avoir sen- mêmes Classés de cette manière, les
terrains.
siblement changé , l'amandier en Provence a arbres et arbustes d'ornement forment dans la
pour ainsi dire cessé d'être productif. Le pro- pépinière six divisions principales.
verbe dît Amandier fleuri en février, se ré-
:
Arbres et arbustes :
colte sans panier. Ce n'est plus maintenant en
février, c'est dès la fin de janvier que l'amandier
1° De terre de bruyère;
S" A feuille* persistante*;
fleurit en Provence, et quoiqu'il
y gèle à peine 3° A fleurs odorantes;
sur le littoral , le vent sec et froid du nord- 4° Aimant le bord des eaux ;
ouest (mistral), qui règne en cette saison, per- 5° A tiges sarment eu«es ou grimpantes;
met rarement à la fleur de nouer. On a proposé 6° Arbustes de collection.
de considérer désormais l'amandier comme ar-
bre forestier et de le soumettre tous les trois ou S
10r
- — Arbres et arbustes de terre de bruyère.
auatreansàla taille, pour provoquer l'émission Les végétaux compris dans ce groupe pour-
e branches propres a faire des fagot s, comme
raient, pour la plupart, vivre et croître jusqu'à
le saule et les têtards de peuplier. Le peu de
un certain point sans le secours de la terre de
fruit qu'on pourrait avoir accidentellement bruyère ; mais ils ont pour cette terre une telle
dans ne coûterait rien, la rente du
l'intervalle
prédilection, que quand le pépiniériste ne peut
sol étant payée par les fagots. Nous ne men- se procurer de la terre de bruyère naturelle, il
tionnons ici cet arbre que pour engager les pé doit, pour cultiver ces végétaux avec succès,
Siniéristes du midi, jaloux de se distinguer leur donner les composts qui en reproduisent
ans leur profession , a essayer par les croise- le mieux les propriétés (voir Composts,
ments hybrides de créer une variété qui fleu-
p. 14).
risse seulement 15 ou 20 jours plus tard. Celui
Nous donnons ici en faveur des amateurs
qui pourrait doter la Provence d'un amandier auxquels il serait trop difficile de se procurer
tardif aurait bien mérité de nos contrées mé- de la terre de bruyère, la recette suivante due
ridionales, où l'on renonce généralement à la
à M. Vibert, qui en recommande l'usage pour
culture d'un arbre qui ne rapporte plus que par les rosiers Bengale et Noiselle cultivés en pots;
hasard. elle peut servir pour bien des végétaux de terre
de bruyère :

Terreau consommé 10 litres.

CHAPITRE III. —
PÉPiNifenKs d'abîmes et dab-
Sable fin siliceux.
Poudrette
i o

s
BUSTES DOB.NBMEUT.
Bonne terre à blé *o

Après avoir donné aux pépinières d'arbres On passe toutes ces substances au crible fin,
fruitiers la première et la principale place, qui après* les avoir mélangées exactement. On
leur appartient en raison de leur importance ajoute au mélange, mais seulement au moment
économique, nous avons à nous occuper de la de s'en servir, quinze litres de mousse séchée
culture en pépinière des arbres et arbustes au four et hachée aussi fin que possible.
d'ornement. On peut considérer à la rigueur La décomposition très lente de la mousse
comme arbres d'ornement dans le vrai sens du s'oppose au principal inconvénient des com-
mot, les arbres forestiers et les arbres d'aligne- posts destinés à remplacer la terre de bruyère,
ment qui tous peuvent concourir à la décora- défaut qui consiste à devenir excessivement
tion des grands jardins paysagers. Néanmoins, compactes, pour peu qu'on néglige de les ar-
pour ceux qui se cultivent principalement roser.
comme arbres forestiers dans le but d'utiliser Les arbres et arbustes de terre de bruyère
leur bois, nous renvoyons à ce qui a été dit de passent l'hiver dehors, moyennant quelques
leur culture en pépinière dans le !• vol. p. 1* précautions; ils sont par conséquent tous de
et suivantes. pleine terre. En Belgique, nous les avons vus,

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88 HORTICULTURE. LIVEE VIII.

avec, de simples couvertures de paille, ré- dant le travail de la germination elles manquent
sister à des froids de 20° à 22° soutenus pen- d'humidité seulement durant quelques heures,
dant des mois entiers; ils sont, eu effet beau- elles périssent. Le procédé suivant, bien connu
coup plus robustes qu'on ne le croit géné- des pépiniéristes et des vrais amateurs, est à la
ralement en France où l'on n'a pas encore fois le plus facile et le plus sûr pour entretenir
renoncé complètement à les traiter comme des les graines de rhododendrum dans un milieu
()lantes de serre tempérée. Le pépiniériste, en toujours également humide, nécessaire à leur
eur réservant les places les mieux abritées du germination. On sème dans une terrine (A,/ty.
terrain dont il dispose, peut les élever en plein 220) dont le fond est percé d'un trou de quelques
air; ils n'en supporteront que mieux la pleine Fig. 220.
terre lorsqu'ils passeront de la pépinière dans A
les bosquets des acheteurs. Les sous-arbris-
seaux de la gracieuse famille des rosages tien-
nent le premier rang parmi les végétaux de
terre de bruyère ; quelques-uns seulement peu-
vent atteindre aux proportions des arbres de
troisième grandeur. Ils se multiplient difficile-
ment de bouture ; plusieurs ne mûrissent que centimètres de diamètre. On place cette terrine
rarement leurs graines sous le climat de Paris; dans une seconde terrine plus grande l> con-
le marcottage est pour ces derniers le mode de tenant assez d'eau pour que la première y soit
multiplication le plus facile et le plus usité. On plongée un peu au-dessous du niveau de la
marcotte les rosages au printemps; ils seraient terre qui contient les semences de rhododen-
fort lents à s'enraciner si les marcottes n'étaient drum; l'eau, en vertu de la capillarité, s'élève
incisées (voir Marcottes, p. 62). par imbibition dans la terre de la terrine A, et
Les semences de tous les rosages étant fort maintient les semences dans un étal constam-
petitesne lèvent point quand elles sont trop ment humide, condition presque impossible à
profondément enterrées; les cotylédons, chan- remplir au moyen de l'arrosoir, parce qu'à
gés en feuilles séminales par la germination , moins de tasser trop fortement la terre, on ne
n'ont pas la force de soulever une couche trop pourrait lui donner que très peu d'eau à la fois,
épaisse de terre, quelque légère qu'elle soit; on en sorte qu'il y aurait toujours des moments
se borne à les recouvrir de deux à trois milli- où elle se trouverait presque sèche. On traite
mètres de terre de bruyère ou de sable fin, ta- de la même manière les semis d'azaléas dont
misés par- dessus. Ces semences étant fort du- on possède des centaines de variétés, toutes
res, il faut pour solliciter leur germination une obtenues de semis en Belgique, où ce beau
température douce, accompagnée d'une humi- genre est fort recherché des amateurs; ces va-
dité constante ; les pluies violentes qui tassent riétés se rattachent toutes à deux souches pri-
la terre et les coups de soleil qui la durcissent mitives, l'une à feuilles caduques, dont tous les
leur seraient également funestes. Pour les en descendants supportent la pleine terre, l'autre
préserver, on les sème dans des terrines qu'on à feuilles persistai es. dont la postérité ne peut
ii

f>euf rentrer à l'abri


ou exposer à l'air, selon sortir de l'orangerie ou de la serre tempérée.
e besoin. L'époque des semis n'est pas la même Les andromèdes se traitent comme les rhodo-
pour tous les genres ; les graines des kalmias se dendrums; il leur faut seulement encore plus
sèment aussitôt qu elles ont atteint leur matu- d'humidité pour lever; les variétés d'andro-
rité, vers la fin de l'automne; on est forcé de mède sont tort nombreuses; les lédums, fort
les rentrer dans la serre tempérée pendant joli genre de la même famille, se multiplient
l'hiver, pour les repiquer en plein air au prin- presque tous par les rejetons qu'ils produisent
temps de l'année suivante. Les graines de rho- en abondance ; ils sont tous de pleine terre.
dodendrums peuvent à volonté se semer, soit Quel que soit le procédé de multiplication
à l'automne, soit au printemps. Les horticul- employé pour l'obtenir, le plant de tous ces ar-
teurs Belges et Anglais sèment beaucoup de bustes ne peut sortir de la terre de bruyère;
rhododendrums les premiers en possèdent une
; on le repique ordinairement deux fois, à un an
multitude de variétés, fruit de leurs semis, d'intervalle. Presque tous ces végétaux ont
nouvellement introduites en France et peu ré- beaucoup a souffrir de la transplantation ; aussi
pandues dans nos jardins. Il suffit de mention- sont-ils lé plus souvent levés en motte pour as-
ner le magnifique rhododendrum en arbre à surer leur reprise. L'usage de les repiquer
llcur blanche, qui a fleuri pour la première dans des pots présente beaucoup d'inconvé-
fois en France en 1 833 dans le jardin de M Noi- . nients, surtout en ce qu'il gêne les racines qui
sette, à Paris. A la vérité, ces arbustes à fleurs aiment à s'étendre librement en tous sens; en
si variées ne sont pas tous des variétés con- Belgique on évite cette difficulté par le procédé
stantes susceptibles de se perpétuer par leurs suivant. Le plant est repiqué, toujours en terre
semences; la plupart, de même que les roses, de bruyère , dans des paniers de grandeur con-
ne se propagent que de greffe ou de marcotte. venable, fabriqués grossièrement, soit en osier
Les graines de rhododendrums sont, de toutes brun soit en bois de saule fendu. Lorsque le
,

le? graines d'arbustes de terre de bruyère, plant est devenu assez fort pour être vendu,
celles qui lèvent le plus difficilement \ si pen- l'acheteur enlève avec le sujet le panier dans

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titre m.* PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 89

lequel a été élevé ; le panier, en achevant de


il
généré. Si l'on faisait venir do Midi le plant
pourrir en terre , fournit nn excellent aliment d'arbousier, comme on tire de Nice et même
aux racines du sujet qui , par ce moyen, se res- de Gènes le plant tout formé d'oranger et de
citronnier, on pourrait, nous n'en doutons
sent à peine de la transplantation.
pas, obtenir sous le climat de Paris .des arbou-
$ II. — Arbres et arbustes à feuilles persistante*. siers qui, sans cesser d'appartenir à l'orange-
rie, conserveraient leur beauté naturelle. Nous
Les végétaux de ce groupe sont compris dans
deux divisions: la première est formée d'ar- avons cru devoir signaler ce moyen aux pépi-
bres et arbustes appartenant à la famille des niéristes; c'est presque une conquête à faire.
lauriers, ou aux familles qui offrent avec les Quant à obtenir des variétés rustiques d'ar-
lauriers plus ou moins d'analogie; la seconde bousier, capables de supporter la pleine terre
ne contient que des conifères. sous le climat de Paris, on le peut en semant
Les lauriers et tous les genres analogues se de proche en proche, vers le nord, la graine
multiplient de semences en terre légère; on des arbousiers de Provence, puis celle de leur
sème les baies entières dès qu'elles sont mûres ; postérité. Peu d'arbustes en Europe sont .plus

le plant, qui peut être repiqué très jeune sans


dignes que les arbousiers de sortir de l'oubli et
inconvénient, doit passer son premier hiver de l'abandon où les laissent les horticulteurs.
dans l'orangerie. Beaucoup d'arbustes appar- Dans le même groupe, les magnoliers sup-
bien la pleine terre sous le climat de
tenant à la famille des lauriers ne craindraient Porient
aris, avec fort peu de soins de culture. Le
pas en pleine terre le froid des hivers ordinaires
sous le climat de Paris, quoiqu'on les range en- magnolia grandi/lora, susceptible de devenir
core parmi les végétaux d'orangerie. Quelques- un arbre de dix à douze mètres de haut dans
uns, comme le laurier noble, ou laurier d'Apol- une position abritée et un sol convenable, se
lon, sesèment rarement, parce qu'ils donnent multiplie de semences mises en terre, dès
une quantité de rejetons qui suffit pour les qu'elles ont atteint leur maturité. Toutes les
multiplier. On multiplie le semis
également par terres, excepté celles qui sont trop argileuses,
de leurs baies fraîches plusieurs autres arbus- conviennent au magnolia. Ses graines, semées
tes compris par les jardiniers parmi les lauriers, à Paris, donnent des individus de plus en plus
bien qu'ils appartiennent botaniquement à d'au- robustes. On peut le regarder comme acquis à
tres familles. Tel est en particulier le laurier- la pleine terre. Le jeune plant se repique en
thym, dont les semences mûres, dans le midi pots; on le rentre dans l'orangerie pendant ses
de la France, germent presque aussitôt qu'elles deux premiers hivers, après quoi, moyennant
sont tombées a terre ; de sorte qu'on trouve un léger abri de paille autour du tronc, il ne
toujours dans les bosquets de lauriers-thym craint plus rien du froid sous le climat de
une multitude de plants provenant de semis Paris. Il faut donner au jeune plant des pots
naturels. D'autres arbustes de ce groupe ne peu- assez spacieux pour qu'il puisse former de
y
vent se multiplier que de bouture, soit parce bonnes racines ; on le replante avec la terre du
que leurs graines ne mûrissent pas bien en Eu- pot. sans briser la motte.
rope, soit parce qu'ils ne fructifient pas; tel est Les conifère» formant à eux seuls la seconde
spécialement l'aucuba du Japon, remarquable division des arbres et arbustes d'ornement à
par ses feuilles lisses, panachées de jaune ; l'Eu- feuillage persistant, ont pour le pépiniériste
rope n'en possède jusqu'à présent que des in- un défaut essentiel qui ne permet pas de leur
dividus femelles. Heureusement, cet arbuste est accorder un grand emplacement; ils souffrent
très facile à multiplier de boutures et de mar- difficilement la transplantation ; quelque soin
cottes qui se font au printemps en bonne terre 3u'on en prenne, ils languissent toujours pen-
un peu fraîche; elles s'enracinent très aisé- ant un an ou deux après être sortis de la pé-
ment. pinière ; aussi beaucoup d'amateurs préfèrent-
Nous devons une mention particulière à l'ar- ils, pour former des massifs dans les grands jar-

bousier, le plus gracieux des arbustes d'orne- dins paysagers, les semis en place malgré le ,

ment dont la nature a doté libéralement nos


si temps qu'ils font nécessairement perdre. Lepépi •

départements méridionaux. Rien n'égale la niéristc ne doit donc semer, parmi les conifères,
beauté de l'arbousier commun (arbutus unedo) que les arbres et arbustes les plus faciles à faire
lorsqu'il porte à la fois ses jolies fleurs, pres- reprendre parmi ceux qui lui sont le plus sou-
3uc semblables à celles des kalmias, et ses fruits vent demandés. On sème en pots, en terre plu-
c toutes les nuances de vert, de jaune et de tôt légère que forte; les pots pour les semis de
rouge, jusqu'au cramoisi le plus foncé, ressor- conifères doivent être plus profonds que larges,
tant sur son feuillage lustre, soutenu par des ces arbres n'ayant qu'une principale racine
pédoncule» pourpres. Sous le climat de Paris, pivotante. A moins d'absolue nécessité pour des
il semble végéter misérablement ; ceux qu'on espèces jrares dont il ne peut se procurer la
élève en caisse au Jardin du Roi, à Paris, sont graine, le pépiniériste ne multipliera jamais les
à peine reconnaissantes pour qui a vu l'arbou- conifères que de semis, bien que plusieurs es-
sier dans son pays natal. Cela tient à la ma- pèces puissent être bouturées et marcottées ;
nière dont on le multiplie de semences ti- mais les sujets obtenus par ces procédés ne va-
rées d'Angleterre, où elles ont été obtenues lent jamais ceux qu'on obi ient de graine. Quel-
en serre tempérée; l'arbuste est totalement dé- ques espèces de conifères doivent être mulii-
ORTItULTUm. T. v. — il
#

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00 HORTICULTURE. livre vm.
plices en assez grand nombre, non pour elles- cipalement dirigés vers l'acquisition d'un lilas
mêmes, mais pour recevoir les greffes de à fleur rouge qu'ils n'ont point encore obtenu
certains genres qui viennent mieux greffés que quoiqu'on trouve sur leurs catalogues un lilas
francs de pied. On sème principalement des qualifié de ruberritna. Les lilas viennent par-
mélèzes pour greffer plusieurs variétés de cè- tout, mais ils ne prennent un accroissement ra-
dre, et des épicéas pour greffer des giléad; on ide et ne développent toute la beauté de leur
se sert exclusivement, pour les conifères, de la il eu r que dansune terre à la fois riche et fraîche.

gu.ffe herbacée à la Tschudy ( voir Greffes) Les . On peut les garder longtemps en pépinière et
cèdres et les araucarias sont les arbres les plus les transplanter fort gros ; ils reprennent à tout
intéressants et les plus recherchés des conifères; âge.
parmi ces derniers, surtout, il y a bien des
conquêtes à faire pour les pépiniéristes ces ;
§ IV. — Arbre* et arbustes d'ornement aimant le bord
des eaux.
arbres passent leurs premiers hivers dans l'o-
rangerie ou la serre tempérée. Ces arbres possèdent au suprême degré la
Les cèdres du Liban qu'on se propose d'éle- propriété de se multiplier de bouture, sans tou-
ver francs de pied se sèmenten terre de bruyère, tefois se refuser aux autres moyens de propa-
au printemps, à l'époque où les graines mûres Êation par greffe, semis et marcotte. On peut
se détachent facilement des cônes qui les con- outurer de grosses branches de tous les arbres
tiennent. Le jeune plant doit être élevé au de ce groupe, mais surtout des genres saule et
grand air tout l'été, mais à l'ombre ; il craint peuplier; ces boutures prennent le nom de
beaucoup les coups de soleil ; on le repique au plançons. Elles ont l'avantage de faire gagner
printemps de l'année qui suit celle où il a été du temps; toutefois, le pépiniériste doit tou-
semé. jours considérer le placement des végétaux
dont il remplit sa pépinière ; l'espace lui manque
S DI. — Arbuste» d'ornement a fleuri odoranle».
bientôt si, dans les terrains humides dont il dis-
Le premier rang appartiendrait de droit au pose, il propage en trop grand nombre des ar-
rosier dans ce groupe, s'il ne lui revenait, à bres qui, s'il ne peut s'en débarrasser, devien-
plus juste titre, parmi les arbuste» de collection. dront énormes en pépinière. C'est pourquoi le
Après la rose, l'odeur la plus agréable appar- mode de multiplication par plançons est plutôt
tient, à notre avis, à la fleur du calycanthus, à l'usage des propriétaires qui plantent en place,
trop peu répandu dans nos jardins. Les arbustes qu'à celui des pépiniéristes. Les arbres à ra-
de ce genre ont contre eux l'aspect peu gra- meaux pendants, vulgairement nommés pleu-
cieux de leur fleur, bien racheté cependant par reurs, sont les plus intéressants de ce groupe.
son parfum. Les pépiniéristes doivent accorder Le saule pleureur n'exige aucun soin particu-
la préférence au calycanthus du Japon et à ses lier ; il vient partout où il y a de l'eau, il prend
variétés , dont les fleurs sont plus belles avec de lui-même les formes les plus gracieuses. Le
une odeur aussi agréable que celles du calycan- frêne pleureur a besoin d'être dirigé pour pren-
thus de Virginie. dre la forme de parasol sous laquelle il réunit
Les calycanthus dont la graine ne mûrit l'utile à l'agréable. On sème ordinairement en
guère en Europe, se multiplient seulement de pépinière des graines de frêne commun pour
rejetons et de marcottes; encore ce dernier pro- obtenir des sujets sur lesquels on greffe à deux
cédé est il peu sûr et fort Ions , puisqu'on n'a ans les deux variétés du Irène pleureur et ho-
pu, jusqu'à présent, décider les marcottes de rizontal. En Belgique , on préfère obtenir ces
calycanthus a s'enraciner avant leur seconde frênes francs de pied, de graine ou de bouture,
année. On marcotte le calycanthus en terre de ce qui donne toujours des sujets plus robustes
bruyère; les sujets enracinés se contentent de que les sujets greffés. Dès la seconde année,
toute espèce de terre de jardin. Us supportent après qu'ils ont reçu la greffe, ces arbres doi-
bien l'hiver en pleine terre, pourvu que leur vent être prépares, au moyen de cerceaux, à la
position soit abritée; leur croissance, assez forme qu'ils doivent avoir, sans quoi leurs
fente, a besoin d'être activée par des arrosages branches descendraient irrégulièrement vers le
de bouillon de fumier (eau dans laquelle on a sol et l'on ne pourrait placer un siège sous leur
fait infuser du crottin de mouton}. ombrage, but principal pour lequel ces arbres
Les jasmins, en général, peu difficiles sur le sont cultivés. Ces soins sont encore plus né-
choix du terrain, se multiplient de bouture avec cessaires au sophora pleureur, le plus gracieux
la plus grande facilité. On les bouture au prin- des arbres inclinés; s'il était livré à lui-même,
temps en terre légère ordinaire; il faut les ar- ses branches redescendraient en se collant,
roser fréquemment et leur donner une position pour ainsi dire, contre le tronc, et il deviendrait
ombragée quoique aérée. Les / il as se multiplient impossible de leur faire prendre une meilleure
de leurs rejetons, toujours surabondants, et de direction. Lorsqu'il est bien préparé en pépi-
leurs graines qu'il faut semer aussitôt qu'elles nière le sophora pleureur forme de lui-même
,

sont mûres ; car elles perdent plus prompte- un cabinet de veraure impénétrable qu'il est ,

ment que beaucoup d'autres leurs facultés ger- aisé de rendre parfaitement cylindrique. Lors-
minalives. Les Belges , fort amateurs de ce qu'on greffe le sophora pleureur sur te sophora
beau genre, en possèdent une foule de variétés commun, il importe de le greffer le plus haut
toutes fort odorantes ; leurs efforts sont prin- possible ; on fera donc filer droit les sophora

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titre m. PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 91

destinés à recevoir des greffes de sophora pleu- perfection que pnree qu'un grand nombre d'a-

reur. Toutes les greffes de ce groupe se font en


mateurs s'en sont exclusivement occupés et en
écusson, à œil poussant (voir Grefles). ont obtenu des variétés assez nombreuses pour
pouvoir en former des collections. Le premier
§ V. — Arbusles à tiges grimpantes. rang, parmi les arbustes de collection, ne peut
Parmi les végétaux de ce groupe, les uns, être dispute au rosier dont la fleur est et sera
,

comme le lierre, la vigne-vierge et labignone toujours la reine des fleurs.


de Virginie, possèdent la faculté d'émettre, tout Mo tiers.
le long de leurs tiges sarmenteuses, des
racines
qui s'implantent dans tout ce qui sert de sup- Nous avons h considérer ici que la partie
ii

port à ces tiges ; les autres s'enroulent en spirale de la culture du rosier, qui est du domaine du
le long des supports cylindriques, mais sans
s'y Il est vrai que, comme le rosier
pépiniériste.
attacher. Le lierre commun ne se multiplie peut se transplanter presque à tout âge, la plu-
point en pépinière; il est trop facile de s'en pro- part des acheteurs préfèrent le prendre tout
curer du plant à l'état sauvage. Le lierre d'Ir- forn.é dans la pépinière, de sorte que le pépi-
lande, à feuilles plus larges et d'un plus bel niériste doit le conduire depuis sa naissance
effet, et le lierre panaché a feuilles tachées de jusqu'à son entier développement néanmoins, ;

jaune, se propagent par éclats et séparation des nous aurons à revenir plus tard sur les collec-
tiges enracinées; ils reprennent partout. La tions de rosiers et sur l'emploi du rosier comme
vigne vierge se prête à tous les moyens de mul- arbuste d'ornement pour la décoration des par-
tiplication; tous les terrains lui conviennent, terres et des massifs dans les jardins paysagers.
elle veut être mise en place très jeune ; du reste,
Mutupliêttîion.
jamais une grande valeur, parce que
I
elle n'a
sa fleur est insignifiante et qu'on peut employer Les rosiers peuvent se multiplier de semis,
au même usage d'autres plante s qui lui sont pré- de greffes de marcottes et de boutures. Les
,

férables, soit par la beauté de leurs llcurs, comme semis sont principalement destines à faire naî-
la bignone de Virginie , soit par leur odeur tre des variétés nouvelles la grelfe sert à pro- ;

suave, comme la clématite odorante. pager les variétés qui s'enracinent difficile-
La bignone de Virginia se multiplie princi- ment, et à créer des rosiers à haute tige, dont
palement par la séparation des jets nombreux la tête peut être ornée de plusieurs roses diffé-
dont les vieux pieds sont garnis; il faut leséclater rentes; les marcottes multiplient rapidement
avec une portion de racine; on peut aussi ob- les espèces qui donnent peu de rejetons ; enfin
tenir cette plante de graines qui mettent deu\ les boutures sont le moyen de multiplication le
ans à lever (quand elles lèvent) et de boutures plus efficace pour les roses remontantes du Ben-
faites avec du bois de deux ans, celui des gale et de la Chine
pousses de l'année n'étant jamais suffisamment
2. Sema.
aoûlé pour s'enraciner.
Les clématites sont faciles à multiplier par la Les rosiers à fleurs simples sont les seuls
division de leurs racines tuberculeuses. Les va- dont toutes les fleurs donnent un fruit connu
riétés recherchées, particulièrement la variété à sous le nom de cgnorrhodun ; les roses semi-

fleur bleue presque noire, trèsrépandueenBelgi- doubles sont souvent fertiles et même , parmi
i
,

que, se multiplient de greffe en fente sur la cléma- les roses doubles, ou presque doubles, il s'en
titeà feuille crépue et sur la clématite odorante. trouve de temps à autre quelqu'une qui donne
Le chèvrefeuille dont les variétés exotiques des graines fertiles. Ces dernières sont celles
,

ne l'emportent en rien sur le chèvrefeuille in- qu'on sème avec, le plus d'espoir d'obtenir de
digène qui décore nos bois et nos haies à l'état belles variétés dans tous les cas, on est certain
;

sauvage, se multiplie aisément de bouture; que le plant obtenu de leur graine reproduira
tous les sols lui conviennent. On doit multiplier la mère, ou donnera des fleurs doubles; mais
surtout en pépinière le chèvrefeuille perpé- la rareté' de ces graines ne permet jamais d'en
tuel qui fleurit tout l'hiver dans une position former en pépinière des semis un peu impor-
abritée. Le chèvrefeuille n'est grimpant qu'au- tants. On est forcé de s'en tenir principalement
tant qu'on l'abandonne à lui-même; taillé de aux semis de graines provenant de roses semi-
bonne heure en pépinière, il forme facilement doubles le plant de ces graines donne fréquem-
;

une tôle sur une seule tige; sa floraison est ment des fleurs plus doubles que leurs mères.
dans ce cas plus durable et plus abondante, et Enfin on sème des graines de rosier à fleurs
,

il se prête mieux à la décoration des parterres. simples dans le but de se procurer des églan-
,

On peut le conserver indéfiniment en pépinière tiers vigoureux, destinés à recevoir des grefles
;

il se transplante à tout âge. d'espèces de choix ce dernier procédé est ex-


;

cessivement lent, et, pour cette raison, peu usité


§ VI. —
Arbustes de collection.
dans les pépinières.
La marche progressive de l'horticulture en Les cynorrhodons des rosiers, quelle qu'en soit
France tend à multiplier les collections de plan- l'espèce, se récoltent dès qu'ils ont atteint leur
tes, d'arbres et d'arbustes, objets de tant de complète maturité ce qui a lieu depuis la fin
,

soins chez tous nos voisins en effet, bien des


; de septembre pour les plus précoces jusque .

genres n'ont été portés a leur dernier degré de verss le milieu de novembre pour les variétés les

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92 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

las tardives. On peut séparer graines et


les cinquième année. La rose du Bengale
tardifs la
>s semer immédiatement ; elles mettent un an et quelques variétés de roses de Chine font ex-
à germer. On peut aussi conserver les graines, ception; leurs graines, semées en février ou en
dans du sable fin jusqu'à la fin de l'hiver, et les mars, lèvent en très peu de temps; les sujet»
semer dès les premiers beaux jours du prin- qui reproduisent l'espèce pure fleurissent pres-
temps. En Angleterre on préfère souvent con- que tous dès le mois de juillet de la même an-
server les cynorrhodons jusqu'au printemps, née ; ceux qui ont été modifiés par le croise-
sur des dressoirs, dans une cave ou un cellier ;
ment ne fleurissent que l'année suivante.
peo importe que ces fruits se gâtent et se moi-
3. Grtjf:
sissent, les graines n'en sont point altérées; en
février on en extrait les graines par le lavage ; La ne donne jamais des sujets aussi
greiTe
on les sème aussitôt elles lèvent en mai et juin;
: vigoureux que ceux qu'on obtient, francs de
quelques-unes seulement ne lèvent que l'année pied de semis ou de marcotte ; le véritable
,

suivante. Le moyen le plus certain d'obtenir amateur s'il tient à conserver sans altération
,

des variétés de rosier, c'est comme pour toutes ses variétés les plus précieuses, aura donc soin
les autres phanérogames, de retrancher les éta- de tes avoir toujours franches de pied, indépen-
mines des fleurs avant l'époque de la féconda- damment des sujets greffés. On greffe sur églan-
tion naturelle, et de féconder artificiellement tier; on a peine à comprendre comment la
leurs pistils avec le pollen des étamines des race des églantiers subsiste encore en France ,
variétés dont on espère par ce croisement ob- Suand on considère le nombre réellement pro-
tenir des hybrides. Pour les roses, ce procédé igieux de sujets d'églantier enlevés tous les
est peu en usage ; il est d'ailleurs difficile à pra- ans à nos bois et à nos haies; aussi commen-
tiquer, parce que les roses à féconder contien- cent-ils à devenir rares et chers.
nent toujours un grand nombre d'étamines ca- Les sujets d'églantier sauvage manquent fort
chées dans les pétales, et que rien n'est plus souvent a la reprise , surtout lorsqu ils ont à
facile que d'en oublier quelques unes. On pré- supporter un premier printemps très sec après
fère ordinairement planter à portée les uns des leur mise en place en pépinière pour y être
autres les rosiers porte-graines , choisis parmi Sreffés ; d'ailleurs ils proviennent presque tous
les variétés les plus recherchées, et s'en remet- e souches très vieilles conséquent nu épui-
,

tre au hasard du soin d'opérer des croisements. sées , dont les rejetons ne peuvent avoir beau-
En Italie, le célèbre amateur de roses, Villaresi, coup de vigueur ; c'est en partie à cette cir-
en semant des graines récoltées sur des rosiers constance qu'il faut attribuer la perle d'Un si
du Bengale, plantés pêle-mêle avec les plus grand nombre de rosiers greffés, que les soins les
beaux rosiers des variétés européennes, a ob- mieux dirigés ne peuvent empêcher de languir
tenu de magnifiques variétés. et de mourir quelques années après qu'ils sont
Un des moyens les plus fréquemment usités sortis de
la pépinière. L'attention du pépinié-
pour favoriser les croisements hybrides entre riste doitdonc se porter sur ce point essentiel,
les roses, consiste à planter près I un de l'autre afin qu'il n'admette que des sujets qu'il puisse
au pied d'un mur, les rosiers qu'on veut croi- livrer aux acheteurs en toute sécurité. Nous
ser ; on les palisse en espalier en entrelaçant avons dit pour quel motif le pépiniériste peut
leurs branches les unes dans les autres, de sorte difficilement recourir aux semis pour se pro-
que quand les fleurs s'ouvrent , elles sont pour curer le grand nombre d'églantiers qui lui sont
ainsi dire en contact immédiat. indispensables. Le procédé le plus avantageux
On sème les graines de rosier, soit en ter- consiste à consacrer un carré de bonne terre à
rine , soit en pleine terre, à l'ombre , dans un recevoir des souches vigoureuses d'églantier
sol à la fois fertile et léger, tel que serait un auxquelles on ne ménage ni les soins de cul-
mélange de sable fin et de bon terreau, par ture ni les engrais, et qui donnent une foule
parties égales ; les semis ne doivent être recou- de beaux rejetons pendant plusieurs années;
verts que de quelques centimètres de terre ; on les renouvelle quand elles commencent à
toutes les graines n'étant pas de la même gros- s'affaiblir. Plusieurs pépiniéristes ont déjà fait
seur, doivent être enterrées plus ou moins pro- usage de ce moyen et s'en sont très bien trou-
fondément en proportion de leur volume ; le vés. C'est une erreur de croire que, pour assurer
sol doit être maintenu frais par des arrosages la reprise des sujets ou provoquer la pousse des
et des abris, jusqu'à ce que le plant ait atteint la rejetons, il soit nécessaire de conserver aux
hauteur de 0 m ,20 à 0 m ,25. Le plant est repiqué souches de longues et fortes racines ; ces sou-
en ligne dès les premiers beaux jours du prin- ches deviennent quelquefois énormes ; il y a
temps de Tannée suivante on repique ordi-
; quelques années on apporta par curiosité , à
,

nairement à 0 m ,30 en tous sens les Anglais


; M. Vibert, une souche d'églantier qui pesait plus
repiqurnt une seconde fois la seconde année de 50 ktlogr. Les racines trop grosses, par con-
opération qui ne nous semble point nécessaire séquent trop vieilles, conservées aux églantiers
quand on a semé dans un sol convenable. Le qu on plante en pépinière, ne tardent pas à
plant de rosier obtenu de semis reste en place, pourrir, ce qui entraîne la perle des sujets; les
en pépinière , jusqu'à ce qu'il ait montré sa jets vigoureux d'églantier peuvent même, à la
fleur quelques rosiers seulement fleurissent à
; rigueur, se planter avec un simple talon, ils ne
trois ans. presque tous à quatre ans, et les plus manquent pas de s'enraciner. Toutes les parties

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titre m. PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 93

de racine retranchées au moyen (Je la scie doi- La greffe en écusson à œil dormant est celle
vent être parées a\ee la serpette; la scie tout , qui offre le plus de chances de succès. On peut
indispensable quelle est, n'en est pas moins un greffer à volonté, soit sur une ou plusieurs
instrument destructeur qui déchire les tissus et branches de la pousse précédente, soit sur le
causerait infailliblement la mort des souches et tronc mèïne du sujet d'églantier, ce qui, dans
des racines, si partout où la scie a passé, la ser- la pratique, est préférable. Plusieurs yeux d'ap-
immédiatement unir et rafraîchir pel doivent être laissés au-dessus des écussons,
f>ette ne venait
es plaies celles qu'on fait aux branches princi-
;
tant pour attirer vers eux la sève que pour
pales et au tronc, en retranchant la tète, doivent empêcher les chicots de mourir et d'entraîner
être recouvertes avec de l'onguent de Suini- la perte des écussons. Quelques écussons, po-

Fkcre ou de la cire à greffe. sés à œil dormant sans yeux d'appel, peuvent
L'églantier de force ordinaire passe deux réussir par hasard ; mais en général, tout écus-
ans en pépinière avant d'être bon à greffer. son placé dans ces conditions se dessèche et
Divers motifs très plausibles rendront tou- meurt. Les yeux d'appel doivent être pinces
jours les rosiers greffes à haute tige un objet une ou plusieurs fois, selon leur plus ou moins
de prédilection pour les amateurs de ce genre de dispositions à s'emporter; ils poussent tou-
admirable; les rosiers ainsi greffes sont les jours suffisamment, pourvu qu'ils ne meurent
plus faciles de tous à soigner et à déposer sans pas; s'ils prenaient trop de force, l'œil de l'é-
confusion en lignes dans les carrés qui leur CUSSOn ne pourrait se développer.
sont spécialement consacrés; ensuite, c'est de On voit, par les anciens traités d'horticul-
toutes les formes qu'on peut leur donner celle ture antérieurs à la Révolution, que la greffe
sous laquelle ils se prêtent le mieux à concou- du rosier sur églantier, décrite dès 1778, était
rir à la décoration d'un parterre, sans nuire à très anciennement connue, mais peu pratiquée.
la culture des plantes annuelles ou vivaces à Les jardiniers hollandais ont eu les premiers
basses tiges ou en touffes; enlin, pour ce der- l'idée heureuse de former des collections de ro-

nier objet, rien n'est plus agréable a l'œil qu'une siers à haute tige greffés sur églantier à cette ;

volumineuse tête de rosier de movenne hau- époque la Hollande faisait partie de l'empire
teur portant huit à dix variétés de roses qui français; communications entre les jardi-
les

toutes diffèrent de volume, de forme et de cou- niers* des deux pays étaient continuelles les ;

leur. L'églantier se greffe d'ordinaire à une premières collections de rosiers greffés sur
hauteur qui varie de r-,50 à 2 mètres; on peut églantier furent commencées, à Paris, en 1803.
le greffer à la hauteur de quatre à cinq mètres ; Cette méthode ne passa que beaucoup plus tard
on voit des rosiers greffés à cette hauteur, à en Angleterre, où les pépiniéristes français pla-
Trianon, à la Malmaison et au Jardin du Roi, cent encore aujourd'hui un grand nombre de
Paris. Il y a des rosiers de quinze à vingt rosiers ainsi greffés les amateurs anglais pré-
;

mètres ; ce sont des rosiers grimpants, qui mon- fèrent les rosiers greffés et formés en France à
tent pour ainsi dire indéfiniment, tant qu'ils ceux qu'on élève en pépinière dans leur propre
1

trouvent un appui; on ne les arrête qu'en rai- pays; les nôtres valent mieux en effet, parce
son de la difficulté qu'on aurait à les tailler. que églantier sauvage est plus robuste en
1

On les greffe à quelques centimètres de terre, France qu'en Angleterre ce seul article d'horti-
;

afin d'avoirune pyramide de fleurs du haut en culture est l'objet d'un commerce d'exportation
bas. On cite parmi les plus beaux qui soient en fort important.

Europe, les rosiers montants du jardin public. 4 — Marcottes.


d'Edimbourg; ils sont palissés à des peupliers
Ce moyen de multiplication ne s'applique
dégarnis de branches jusque tout près de leur
plus aux rosiers de collection que dans quelques
sommet. Ces rosiers, très communs en Belgi-
circonstances exceptionnelles. Il est quelquefois
que, ne sont point assez répandus en France;
nécessaire de marcotter des rosiers de collec-
on en trouve rarement de tout formés en pé-
tion appartenant à des variétés de prix qui re-
pinière.
prennent difficilement de bouture, lorsqu'on
Toutes les variétés de rosier se greffent en
écusson au printemps, à ail poussant, ou à Fig. Ml,
l'arrière-saison , à a'il donnant; c'est surtout
pour de rosiers d'espèces délicates
les greffes
qu'il importe de veiller avec beaucoup d'atten-
tion à ne pas vider l'œil en levant les écUBSODI
qui sont nécessairement fort petits; le meilleur
procédé consiste à cerner l'ecusson et à le dé-
tacher au moyen d'un crin, comme le repré-
sente la /mj. 207. On pose ordinairement deux
écussons en regard l'un de l'autre sur les sujets
vigoureux, afin que leur tête soit plus lôl for-
mée; un seul écutson bien venant produit le
même effet presque aussi promptement. Quand
le sujet n est que d'une force médiocre, il ne
faut poser qu'un écusson.

'
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94 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

craint de les perdre et qu'on manque de sujets distingue en rosiers bifères, fleurissant deux
disponibles pour recevoir la greffe. Dans ce cas, fois en un an, et perpétuels, des quatre saisons
on assujettit à un piquet de hauteur convenable ou de tous les mois, parce que leurs fleurs se
un pot à marcotter ouvert latéralement A, ; succèdent du printemps à l'hiver. Jamais ces
(Jig. 221) la branche ayant été incisée, est intro-
greffes ne réussissent bien sur sujets d églan-
duite dans la fente du pot qu'on remplit de terre tier ; celles même qui reprennent le mieux ne
mêlée de terreau, maintenue fraîche par de fré- sauraient vivre longtemps ; la végétation de la
quents arrosages. Afin d'éviter la trop prompte greffe diffère trop essentiellement de celle du
evaporation, on recouvre de mousse la surface sujet, l'églantier n'étant pas remontant; elles
de la terre du pot. Ce procédé est en tout sem- réussissent très bien au contraire, et se main-
blable au mode de marcottage usité pour mul- tiennent durant longues années lorsqu'on les
tiplier les belles variétés d'œillet flamand (voir pose sur des sujets de rosier du Bengale francs
Œillets). de pied, obtenus de semis ou de boutures. Ce
Le marcottage est encore fort usité pour la rosier étant essentiellement remontant, c'est-à-
multiplication des rosiers qu'on veut élever en dire toujours en sève hors le temps des fortes
buissons destinés à l'ornement des massifs et gelées, sa végétation s'accorde très bien avec
des parterres. Il y a quelques années ce mar- celle de toutes les variétés dont la vie végétale
cottage se faisait a l'automne ; on recouchait à suit une marche semblable.
tet effet du jeune bois de l'été précédent*, quel- Quelques variétés délicates de rosiers duBen-
quefois même on attendait jusqu'au printemps Sale etae la Chine, parmi celles qui supportent
le l'année suivante. Aujourd'hui, Ton a reconnu ifticilement la pleine terre, s'élèvent de pré-
que les marcottes du même bois, recouchées au férence dans des pots, en terre de bruyère ; pour
moment où les rosiers commencent a fleurir, Celles qui redoutent le plus un excès d humidité,
époque variable selon les espèces, s'enracinent on emploie le sable siliceux pur par le procédé
avant l'hiver, ce oui fait gagner une année. suivant, très usité en Angleterre et en Hollande.
Lorsque les branches recouchées ont une Ion On remplit les pots de terre de bruyère jus-
gueur suffisante, on peut marcotter la partie qu'à la ligne AB (fig. 221 bis) ; on pose dc-
saillante et obtenir ainsi d'un seul jet deux mar-
Kg. 221 bu.
cottes à la suite l'une de l'autre. On accélère la
formation des racines chez les sujets lents a
r4
s'enraciner, en incisant la marcotte et mainte-
nant les deux parties écartées au moyen d'une
pet ite cheville de bois ( voir Marcottes, fig. 1 83)
Quelques variétés restent en terre jusqu'à l'au-
tomnede l'année suivante avant de s'enraciner,
mais presque toutes peuvent être levées la pre- bout sur la terre légèrement tassée un cylindre
mière année ; on les repique en pépinière comme de bois deO"»,lO de hauteur sur 25 millimètres
du plant de même force obtenu de semis. Les de diamètre; un bout de manche à balai est
rosiers de marcotte fleurissent l'année où on excellent pour cet usage. On continue à rem-
les sépare de la souche-mère. L'opération du plir le pot uc terre de bruyère qu'on tasse autour
marcottage fatigue beaucoup les souches-mères; du cylindre de bois; puis on retire ce cylindre
à l'époque où l'on sèvre les marcottes, il faut et on remplit de sable pur l'espace qu'il laisse
donner aux mères les moyens de se refaire en vide. C'est dans ce sable qu'on repique les jeu-
fumant abondamment la terre où elles vivent, nes sujets de rosiers obtenus de bouture. A me-
avec du terreau à demi passé, provenant de sure que leurs racines se fortifient et s'étendent,
couches rompues. elles pénètrent dans la terre de bruyère où elles
trouvent une nourriture convenable.
S. — Boutures.
Il douteux que ce mode de multi-
n'est pas
B. — Pivoines arborescentes.

plication ne puisse remplacer à lui seul tous les Les pivoines communes, que les jardiniers
autres; la facilité de multiplier les rosiers par désignent sous le nom de pivoines herbacées,
d'autres moyens a empêché les horticulteurs sont au nombre des plantes les mieux acclima-
de chercher a perfectionner les moyens d'obte- tées en Europe et les plus rustiques parmi les
nir de bouture les belles variétés de rosiers de plantes de parterre. On ne considère comme
collection qui se prêtent difficilement aux pro- plantes de collection que les pivoines arbores-
cédés ordinaires. On ne multiplie de bouture centes ou à tiges ligneuses ; il y a quelques an-
3ue les rosiers de Bengale et quelques rosiers nées encore , les amateurs donnaient peu d'at-
e la Chine. Ces boutures se font sous châssis, tention à -ce magnifique arbuste , dont on ne
dans un mélange de sable fin et de terreau ; possédait que trois espèces introduites de la
elles n'exigent aucun soin particulier; elles Chine en France en 1803. Mais depuis qu'on les
s'enracinent avec une étonnante facilité. On a reconnues susceptibles de donner par les
multiplie de cette manière le rosier commun croisements hybrides un nombre infini de va-
du Bengale, moins pour lui-même que comme riétés, depuis que les semis intelligents et per-
sujet particulièrement propre à recevoir les sévérants de M. His, dont le nom se rattache à
greffes de tous les rosiers remontants qu'on la propagation de ce beau genre en France, odI

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fflTnE m. PÉPINIÈRES D'ARBRES ET D'ARBUSTES D'ORNEMENT. 95

introduit dans nos parterres tant de belles pi- C. — De ijuelquw outns arbitres Je collection.
voines, remarquables, les unes par leurs formes,
d'autres par leur odeur, toutes par la magni- Plusieurs autres arbustes de collection sont
fieence de leur floraison, les horticulteurs, appréciés et recherchés des amateurs avec non
amateurs ou commerçants, se sont empressés moins de goût et de soins que les rosiers et les
de multiplier les pivoines arborescentes, et il (>lvoines arborescentes; tels sont en particulier
n'est plus permis à un pépiniériste qui s'occupe es ericas et les camélias. Mais comme les pre-
des arbustes d'ornement, de ne pas leur accor- mières appartiennent à la serre chaude et les
der une large place parmi les arbustes de col- seconds a la serre tempérée, tous deux sortent
leciion, immédiatement au-dessous des rosiers. du domaine du pépiniériste proprement dit.
Les pivoines arborescentes se greffent arec la Nous traiterons séparément ailleurs de la cul-
plus grande facilité sur les tubercules de la pi- ture de ces deux genres intéressants.
voine herbacée ordinaire. Ces greffes se font Aux environs de Paris et des grandes villes,
au printemps ; elles passent l'été en plein air, les pépiniéristes spécialement occupés de la
mais elles ont besoin de passer leur premier multiplication des arbres fruitiers sont dans
hiver en orangerie; les pivoines ligneuses sont l'usage de multiplier également un assez grand
d'ailleurs par elles -mêmes des plantes suscep- nombre d'arbres etd'arbustes d'ornement par-
tibles de passer parfaitement l'hiver en pleine mi les genres et espèces les plus rustiques et
terre sous le climat de l'Europe tempérée, avec les plus fréquemment demandes; c'est ainsi que
le simple secours d'une légère couverture pen- des semis assez étendus de robinias, de cytises,
dant les grands froids. On peut aussi les mul- de lilas, de seringa et d'autres arbres ou ar-
tiplier de marcotte; mais elles offrent, sous ce bustes d'ornement de même valeur, se ren-
rapport, une particularité très digne de remar- contrent parmi les pépinières si renommées
que. Les marcottes couchées au printemps, avec de Vitry-aux-Arbres. Les arbres fruitiers à
ou sans incision, forment promptement des fleur double forment, dans ces pépinières, la
racines fibreuses en assez grand nombre; si, transition des arbres à fruit aux arbres d'orne-
comptant sur ces racines, on serre les marcottes ment. (Quelques-uns sont de la plus rare beauté,
en les considérant comme enracinées, et qu'on principalement le cerisier et le pêcher, aujour-
les cultive à part en leur donnant d'ailleurs tous d'hui peu recherchés des amateurs auxquels .

les soins possibles et le sol le plus convenable, ils se recommandent pourtant à l'égal de ceux

elles meurent. C'est qu'en effet la première an- qu'on leur prélère. Les vieux habitués des jar-
née elles ne sont enracinées qu'à moitié; les dins publics de Paris se souviennent encore
racines, d'abord fibreuses, sont destinées à de- de les avoir vus décorés de pêchers nains à
venir ebarnues et à demi tuberculeuses; elles fleur double, dont les derniers, morts récem-
ne passent à cet état parfait que la seconde ment de vieillesse aux Tuileries, n'ont point été
année, après le couchage des marcottes elles ne
; remplacés; leur Ileur, d'une nuance admirable,
peuvent devenir charnues que tant qu'elles ne précédant pour ainsi dire toute autre floraison,
I

sont pas séparées de la plante-mère et qu'elles , signalait le retour du printemps. Les arbres
vivent en partie à ses dépens. On ne doit donc fruitiers ù fleur double ont droit en France à
les serrer qu'à deux ans , bien qu'au bout de une place distinguée dans les bosquets et les
six moiselles aient poussé beaucoup de racines. parterres; on en trouve toujours quelques-uns
Les croisements hybrides pour obtenir des
, dans les pépinières bien assorties, bien qu'ils
graines susceptibles de donner des variétés, soient rarement demandés.
ont presque toujours pour base la pivoine Mou-
tan, c'est-à-dire qu'on réserve les sujets les plus
beaux de cette pivoine comme porte-graines,
après avoir fécondé leurs pistils avec le pollen
des étamines de variétés différentes. Les graines CHAPITRE IV — TAILU et conduite des arbres
se sèment au printemps, à I>onne exposition, FRUITIERS.
mais à l'ombre, dans une terre plutôt substan-
tielle que légère; elles doivent être recouvertes Lorsqu'on a parcouru les vergers des Belges,
de deux ou trois centimètres au plus de bon des Allemands, des Anglais, cultivés dans des
terreau, ou mieux, de fumier court très con- conditions de sol et de climat généralement
sommé. Le jeune plant pousse avec vigueur; moins favorables qu'en France, on s'étonne et
il ne craint qu'un excès d'humidité. En général, l'on s'afflige de voir chez nous, sauf de bien
la pivoine n'a besoin d'eau que pendant la durée rares exceptions, les arbres à fruit tellement
de la Iloraison hors de là, il ne faut l'arroser
; négligés que des régions tout entières n'offrent
que quand la sécheresse trop prolongée com- pas un seul fruit mangeable, tandis que dans
promet son existence. Les jeunes pivoines met- d'autres, les arbres à fruit sont inutiles plutôt
tent ordinairement huit ans à montrer leur que taillés, ou bien, ce qui ne vaut pas mieux,
fleur on peut hâter la floraison des espèces
; abandonnés à eux-mêmes. La production abon-
nouvelles qu'on est toujours pressédeconnaitre, dante, le volume et la saveur du fruit, sont, si
en les greffant sur tubercules d'autres espèces; l'on peut s'exprimer ainsi, des maladies de l'am-
dans ce cas, elles fleurissent deux ou trois ans bre fruitier ; la greffe, qui le force à vivre sur
plus tôt. un autre arbre souvent d'un tempérament op-

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96 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

posé au sien, est une aulre maladie. L'homme, partie supérieure se couvrirait seule de feuil-
pour utiliser les végétaux, contrarie la nature; lage, et porterait cà et là quelques fruits ; le
la nature tend constamment à reprendre ses bas n'offrirait que des branches lisses, entière-
droits, à diriger la végétation, non pas vers la ment nues, sans apparence de fruit, ni même
satisfaction des goûts et des besoins de homme, !'
de feuillage.
mais vers la conservation des individus, et la Ces faits constatés, il en ressort ce principe,
perpétuité des races ; les végétaux appropriés Î[ue toute branche de pêcher ayant porté de»
a nos usages, les arbres fruitiers surtout , ne ruits ou seulement des fleurs, ne pouvant plut
peuvent donc pas être abandonnés à eux-mê- jamais en porterj doit être supprimée, et que
mes ; de là, la nécessité de tailler et de conduire pour pouvoir espérer une succession de récoltes
les arbres fruitiers. annuelles, il faut provoquer la formation an-
Les principes de la taille, appropriée à cha- nuelle des branches à fruit. Il en résulte aussi
que espèce d arbres fruitiers, reposent sur Je la nécessité de combattre constamment le pen-

mode de végétation qui lui est propre. Quoi- chant du pêcher à lancer sa sève vers ses ra-
qu'un traité de jardinage ne soit point un livre meaux supérieurs, au détriment des autres, et
de physiologie végétale, nous avons cru devoir de le forcer à la distribuer également dans tou-
appuyer nos conseils de l'exposé des principes tes ses parties, afin d'y produire des branches

sur lesquels ils sont fondés ; nous l'avons fait à fruit en remplacement de celles qui, chaque
avec d'autant plus desoins que nos conseils dif- année, deviennent improductives après avoir
fèrent sous plusieurs rapports essentiels de ceux porté une seule récolte.
qu'ont donné nos devanciers. Nous regardons Une autre particularité propre au pêcher
la taille et la conduite des arbres fruitiers n'est pas moins digne de notre attention. Les
comme des objets tellement importants dans la yeux a bois ou à fruit existant sur une bran-
pratique de l'horticulture, que nous les isolons che de pêcher se développent tous, sans excep-
entièrement du chapitre consacré à la planta- tion, à lépoque où il commence à végéter; il

tion et à l'entretien des vergers, que nous est donc impossible de compter, pour les rem-

traiterons séparément (voir Jardin fruitier). placements, sur les yeux qui pourraient se
montrer plus tard ; l'existence de ces yeux la-
Section V. — Taille et conduite du pich*r\ tents, si précieux pour d'autres espèces d'arbres
principes généraux. fruitiers, est incompatible avec le mode de'vé-
gétation du pêcher c'est sur la branche à fruit
S l" r . — Vt géialion naturelle.
;

de l'année, et parmi les yeux à bois de cette


La conduite propres à chaque es-
taille et la branche, qu'il faut chercher les moyens de la
pèce d'arbre fruitier ne peuvent avoir qu'une remplacer pour l'année suivante ^ il n'y a pas
seule base rationnelle l'étude de son mode
: d'autre ressource. Les arbres francs obtenus de
particulier de végétation. Plusieurs particula- noyaux ont seuls la faculté de se rajeunir quel-
rités propres au pêcher établissent des diffé- quefois par des yeux latents qui percent le
rences importantes entre sa manière de végéter tronc ou les grosses branches supprimées ; mais
et celle des autres arbres à fruit. Pour nous en cette chance n'existe même pas pour les pê-
former une juste idée, considérons d'abord ce chers greffés qui garnissent nos espaliers.
que deviendrait un pêcher greffé, pois livré à Remarquons en outre que, tandis que chez
lui-même. Pendant les deux ou trois premières beaucoup d'autres arbres, la sève éprouve au
années, il poussera des branches vigoureuses, milieu de la saison un temps d'arrêt qui permet
plus ou moins divergentes, dont les rameaux de distinguer la sève d'août de celle du prin-
supérieurs, à l'exclusion des autres, finiront temps, chez le pêcher, la sève ne suspend pas
par se charger de fleurs et de fruits tout en con- un instant son activité, depuis les premiers
tinuant a s'allonger. Si après la première ré- jours du printemps jusqu'à l'entrée de l'hiver.
colte nous examinons les parties de ces rameaux Tout le système de la taille du pécher repose
qui auront porté fruit l'année précédente, nous sur ces observations. Nous ne pouvons mieux
n'y trouverons ni bourgeon, ni bouton à fruit; faire ressortir la nécessité de surveiller sans
nous verrons toute la sève se porter vers le haut cesse l'équilibre de la sève entre toutes les par-
des branches, dont le bas se trouvera dégarni ties du pêcher, qu'en citant ces paroles si
pour toujours. Dans une branche de pêcher, justes et si vraies de M. Lelieur.
la partie qui a porté fruit n'en portera plus ja- - La sève peut être considérée comme un
mais, quelle que soit la durée de l'arbre, c'est la torrent qu'il est aisé de maintenir dans le lit
foi dominante et invariable de sa végétation. Au que la la main de l'homme lui a tracé ;
nature ou
bout de quelques années, il n'a plus a nous mon- il faut seulement se porteratemps aux endroits
trer que des bouquets de rameaux verts suppor- où veut faire irruption, la prévenir, obs-
elle
tés par des montants aussi dépouillés, aussi com- truer les passages, en même temps qu'on lui
plètement nus que des manches à balai. Tel se- laisse dans le voisinage assez de canaux libres
rait doncl'aspectd'un pêcher en espalier qu'on pour s'écouler alors elle portera l'abondance
;

se bornerait à palisser contre un mur, et qui se- et la vie dans ces mêmes canaux qu'elle eût
rait ensuite abandonné au cours naturel de sa abandonnés, et qui se fussent desséchés si on
végétation; il s'élancerait vers le haut de la lui eût laissé la liberté de s'en frayer de nou-
muraille qu'il dépasserait presque toujours ; sa veaux selon son caprice. *

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TITRE 111. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 97

A Liège (Belgique), les religieux du mngni*


e H. _ Principes de la loille du pécher.
fique monastère de Saint -Laurent récoltaient,

L'effet immédiat du retranchement d'une dans leur enclos parfaitement exposé, des pê-
portion d'un rameau de pécher, c'est de
faire ches égales à celles de Montreuil la fertilité
;

affluer la sève sur l'œil le plus


voisin de la du sol et l'humidité du climat rendant leurs
A successivement sur tous arbres très vigoureux, ils les taillaient toujours
taille (fig. 222), et
très long, tradition qui s'ert conservée dans
ce pays, où l'on peut admirer des espaliers de
pêchers, dignes de rivaliser avec ce que la
France offre de plus parfait dans le même genre.
Toutes les fois que par une taille peu judi-
cieuse on provoque la naissance de parties qui
ne seront bonnes qu'à supprimer, on nuit au
développement et à fa bonne santé du pêcher; il
est évident que la force employée à former ces
parties inutiles a été dépensée en pure perte.

les yeux placés au-dessous, de sorte que, si l'on Supposons la branche A fig. 224, taillée en B ;
,

v«-ut les conserver tous, ils croîiront inégale-


ment en proportion de leur cloignement de la
taille, le premier dépassant en vigueur tous
les

autres, comme le représente la fig. 223.


Plus on se hâte de tailler dès les premiers
symptômes du mouvement de la sève, plus les
bourgeons développés par suite de la taille vé-
gètent avec force ; de là cette règle générale :
hâter la taille des arbres délicats pour en obte-
Fig. 225,
nir de bonnes pousses; retarder la taille des
arbres trop forts, pour les empêcher de s'em- lorsque après le premier mouvement de la sève
porter. Un arbre faible taillé tard ne fournit tous les y eu x C C C se seront ou vert s , ils ne pou r-
pas assez de branches de remplacement ; un ront subsister tous sans faire confusion; toute
arbre fort, taillé trop tôt, donne trop de bour- la sève employée à les convertir en bourgeons
geons à bois, et si ces bourgeons fleurissent sera donc de la sève perdue , qu'il aurait été
l'année d'ensuite, la sève se trouvant détournée possible d'utiliser pour l'accroissement de l'arbre
au profit du jeune bois, ils ne retiendront pas et la production au fruit. C'est ce qui aurait eu
leur fruit. lieu si la taille eût été effectuée, comme le re-
L'œil bien conformé sur lequel une branche présente la fig. 225 , sur le dernier œil A , seul
a été taillée peut dépasser en force cette même nécessaire pour donner naissance à la branche
branche dans le courant de l'année ; l'œil dé- de remplacement.
licat donne, dans les mêmes circonstances, une Parmi les yeux très nombreux dont les ra-
branche plus faible que celle sur laquelle il s'est meaux du pêcher sont couverts au moment dc
développé. la taille, celui sur lequel doit se fixer constam-
Ces effets invariables de la taille sur les veux ment Pattenfion du jardinier, c'est l'œil inférieur
du pêcher donnent un moyen assuré de régu- placé près du talon de chaque branche à fruit.
lariser la distribution de sa sève et de rendre Si cette branche reçoit une taille trop longue en
égales deux branches inégales destinées à se vue d'obtenir une abondante récolte , son œil
faire équilibre. inférieur ne se développera pas; il n'y aura
Une branche à bois, rabattue sur un bouton rien pour la remplacer l'année suivante ; elle
à fruit, ne grandit plus, c'est-à-dire qu'il ne s'y laissera sur l'espalier un vide souvent très dif-
forme pas d'œil à bois pour la continuer une ficile à remplir. Cependant certaines variétés
-,
,

branche à bois rabattue sur un bourgeon à de pêcher ne donnent leur fruit que vers l'ex-
bois chargé d'un grand nombre de bons yeux, trémité supérieure de la branche fruitière qu'on
permet à la sève de prendre son cours vers les est forcé de tailler long, sous peine de n'avoir
parties de l'arbre placées au-dessous; cette pas de fruit. Dans ce cas, on supprime au
taille est fort utile pour empêcher la sève dc se dessous des boutons à fruit, A A A {fig. 226)
porter vers le haut du pêcher avec trop d'abon-
dance.
Quelques jardiniers recommandent de tailler
le pêcher très court; d'autres croientla taille
longue préférable; nous nous sommes toujours
bien trouvé dans la pratique d'une taille longue
sur les sujets forts, et courte surles sujets faibles,
d'après cette remarque si juste de M. Lelieur :
Fig. 227.
• Une taille trop courte donne lieu à des gour-
n ds;
; une taille trop allongée met tout à°fruU, tous les yeux à bois (BBBB), excepté l'œil C
arrête l'arbre et l'épuise. -
1
qu'on réserve pour le remplacement de la bran-
T. V. — 13

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98 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

cbe à fruit. Cette suppression des yeux à peine le pêcher en espalier n'admettent que deux
ouverts se nomme
aveuglement. La fig. 227 branches-mères; elles servent de base à toute
montre de la branche après la taille et la
l'état la charpente et donnent naissance à ses mem-
suppression des yeux éborgnes. Par ce moyen, bres (fig. 229).
celle branche, en dépit d'une taille longue,
laisse encore à l'œil du talon assez de sève pour
C. — Membre».
qu'il devienne une bonne branche de rempla- Ces branches (A A A A, fig. 230), presque
cement. égales en grosseur aux branches-mères qui les
Nous ne pouvons trop le répéter, si l'on veut portent, complètent la charpente du pêcher.
avoir un espalier garni de pêchers bien por-
tants, durables et productifs, il ne faut jamais
D. — Branches à boit.

tailler les branches à fruit trop longues , ni les Leur principal emploi consiste à prolonger
branches à bois trop courtes, mais diriger toute les diverses partiesde la charpente, sans con-
son attention vers le remplacement régulier des courir pour leur propre compte à la fructifi-
branches à fruit et la croissance régulière des cation au pêcher; les extrémités des branches-
branches à bois. Faire naître et grandir les mères et celles de chacun des membres sont
bourgeons à la base des branches à fruit pour des branches à bois, sur lesquelles il ne se ren -

pouvoir, sans dégarnir l'arbre, tailler ces bran- contre pas de boutons à fleur, comme le montre
ches sur ce bourgeon, c'est là le principe es- la
fa. 231.
sentiel de la taille des branches fruitières du Fig. 23t.

pêcher en espalier. Ajoutons qu'une avidité mal


entendue ruine les arbres , par une taille trop
longue des branches à fruit, et que moins on
laisse subsister de boutons à fleur sur une bran-
che, plus on donne de force à l'œil duquel doit
sortir le bourgeon destiné à la remplacer.
La branche à fruit se taille toujours sur un
œil à bois, souvent accompagné d'un bouton à
fruit , en sorte que la fleur se trouve précédée Fig. 232.

d'un bourgeon qui s'allonge en avant du fruit ; E. — Bourgeons.


cet œil fait pour le fruil le même effet que pro-
duit sur la greffe l'œil réservé sur le sujet ; c'est On
désigne sous ce nom tous les scions d'un
un véritable œil d'appel qui attire la sève pêcher, nés d'un œil à bois, entre le printemps
,

vers le fruit ; faute de cet n il , la branche frui- et l'automne; tous les bourgeons de l'année
tière taillée sur un œil à fruit , sans œil à bois, seront des branches à fruit l'année suivante
se dessèche et meurt jusqu'au premier œil à (fa- 232).
bois, au-dessous de la taille, parce que cet œil F. — Bourgeons anticipés.
attire à lui la sève et la retient à son profit.
Ces bourgeons, que les jardiniers de Mon-
S III. — Branches du pécher en espalier : nomenclature.
treuil nomment redrugeoni, naissent sur d'au-
Avant de passer outre aux détails de la taille tres bourgeons ; ils n'auraient dû se développer
du pêcher, il est nécessaire de classer ses bran- qu'au printemps de l'année suivante ; mais, par
ches selon le vocabulaire en usage parmi les un excès de vigueur du bourgeon sur lequel ils
jardiniers. se sont développés, ils n'ont pas pu dormir
A. — Tronc. jusque-là et se sont ouverts avant le temps, ce
qui justifie le nom qu'on leur a donné ( A,
Amoins que le pêcher en espalier ne soit 233).
fig-
>nduu sur une seule tige droite, montant jus-
2u'au haut du mur, il n'a de tronc, proprement
m 40, à partir du sol, jusqu'à
it, que O", 30 à i) ,

la première bifurcation de ses branches princi-


pes; le tronc (fig. 228) est souvent même
plus

Fig. 229, 228, 230.


G. —
B. - Branche s-mires.
Les gourmands , ou branches gourmandes,
I«es méthodes les plus usitées pour conduire sont des branches à bois qui, en attirant à elle.-

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TITRC^II. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS.
plus que leur part légitime de la sève , affa- a pas moyen de s'en passer. Indépen-
3u'il n'y
ment pêcher et le font dépérir quand on les
le ammcnt de
la coupure, le sécateur exerce sur
laisses'emporter sans y mettre obstacle; mais branche une pression qui l'endommage tou-
la
comme rien n'est plus facile que de s'opposer à jours plus ou moins. Quand on est force de re-
leur accroissement, on n'en voit jamais sur un courir au sécateur pour la taille du pêcher, il
espalier bien tenu. faut avoir plusieurs de ces instruments de re-
change, afin qu'ils soient fréquemment repas-
H. —
Branches àfruit.
sés plus ils coupent, moins ils nuisent aux ar-
:

Tous les bourgeons de l'année , même les bres. Les scies de différentes grandeurs pour la
bourgeons anticipés, quand on les a laissé sub- suppression des membres morts ou endomma-
sister , deviennent des branches à fruit ; entre gés sont plus nuisibles encore que le sécateur,
les divers membres de la charpente d'un espa- quoiqu'on soit forcé de s'en servir ; elles ne
lier en bon état, il ne doit y avoir que des bran- coupent qu'en déchirant les tissus leur action ;

à fruit (fig. 234). ne peut manquer d'être funeste au pêcher, si


l'on ne se hâte d'en prévenir les fâcheux effets.
Fig. 235, 234.
Le meilleur moyen, c'est de ne pas laisser pren-
dre l'air à la plaie faite par la scie, mais de la
parer saris retard avec une serpette bien tran-
chante et de la recouvrir aussitôt d'onguent
,

de Saint-Fiacre ou de cire à greffer (roir p. 69).


'Foute contusion ou déchirure faite, pendant la
taille, sur l'écorce du pêcher par la maladresse
du jardinier peut occasionner à l'arbre des
blessures mortelles. La surface des coupes doit,
autant que possible, regarder la surface du
I. — Branches de mur.
Il est dans la nature des branches à fruit du Le sens dans lequel la coupe est effectuée
pécher, ainsi que nous Pavons dit, de ne porter exerce une grande influence sur la santé du
fruit qu'une seule fois à la même place, de sorte pêcher la serpette agit tous les ans sur tous les
;

que, si on les laissait se prolonger, toute leur rameaux à fruit et à bois; il en résulte des cen-
partie inférieure resterait dégarnie de fleurs et taines de plaies qui, selon leur plus ou moins
de feuillage. Les branches de remplacement d'obliquité, peuvent différer de plus d'un tiers
obvient à cet inconvénient ; on les ménage de pour l'étendue de leurs surfaces. On comprend
manière à n'avoir jamais sur un pêcher une auelle action doit avoir sur toute l'économie
branche à fruit de plus de 18 à 20 mois, qu'on u pêcher une si grande étendue de plaies vives
supprime après qu'elle a donné sa récolte. On exposées à l'action de l'air, et leur plus ou
désigne quelquefois sous le nom de coursons ou moins prompte cicatrisation. Plus la coupe est
branches courtonnes , les branches sur les- oblique, plus la plaie est grande sa distance
,

S|uelles naissent chaque année les branches à de l'œil et son obliquité sont déterminées par la
ruil et leurs branches de remplacement ; mais force du rameau retranché ; il ne faut pas qu'il
ce nom doit être réservé pour la vigne [voir reste au-dessus de l'œil un chicot de bois mort
Vigne). qui, ne pouvant être recouvert par l'écorce,

J. — Bouquets ou cochonnets.
nécessiterait une seconde plaie l'année sui-
vante ; c'est ce qui a lieu quand la coupe est
Ce sont plus précieuses des productions
les trop éloignée de I œil. Lorsque l'obliquité de la
fruilières du pêcher ; ces petites branches sur coupe prolonge la plaie jusque derrière l'œil,
lesquelles naissent toujours les plus beaux la seve qui doit le nourrir s'évapore à son dé-
fruits de chaque arbre , y sont toujours en triment. La ftg. 236 montre la distance et
trop petit nombre; elles se distinguent parleur
oeil terminal, qui , au lieu de donner naissance ^ ^ ru*. 236.

à un bourgeon de prolongement forme seule- ,

ment une rosette de feuilles (fig. 235). V


5 IV. — Coupe : emploi des inslrtiroenls.

La serpette {fig. 62) , le sécateur (fig. 63 à 65),


et quelquefois, pour le retranchement des gros-
ses branches, la scie à main ( fig. 72), sont les
seuls instruments nécessaires pour la taille du
pêcher. Une bonne serpette, bien affilée, est
toujours le meilleur de tous les outils pour cette
opération ; sa supériorité sur le sécateur est
incontestable ; tout l'avantage du sécateur con- l'obliquité convenables pour une branche à
siste dans la plus prompte expédition de la be- fruit de grosseur moyenne.
sogne ; aussi ne doit-on l'employer qu'en cas Al'aide de ces indications et d'un peu d'ha-
d'absolue nécessité, quand le temps presse et bitude, il est aisé d'opérer convenablement.

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100 HORTICULTURE. MVltfc VIII.

vante le bois mort de l'onglet ; plus la coupe est


% V. — Cooduilf et faille du pêcher en plein
rapprochée de l'œil, plus l'écorce a de facilité
rapport.
pour la recouvrir.
Afin de donner à nos explications toute la Avant tout, on ôte toutes les attaches qui re-
précision qu'exige leur importance, nous indi- tiennent le pêcher fixe, soit au treillage, soit
quons séparément la marche à suivre pour immédiatement à la surface du mur : c'est ce
tailler et conduire en espalier un pêcher tout qu'on nomme dépalisser. L'opération de la
formé, en plein rapport, et les mêmes opéra- taille doit êtreprécédée de la toilette de l'arbre ;
tions pour un jeune pêcher récemment planté, son écorce doit être nettoyée, tant à l'extérieur
susceptible par conséquent de prendre toutes que du côté du mur ; celui-ci, de même que le
les formes qu'on peut vouloir lui donner. treillage, reçoit la même inspection de propreté
;
Quel que soit le nombre des arbres qu'il di- on recherche avec la plus grande attention,
rige, le jardinier n'est jamais excusable de se pour les détruire, les insectes ou les œufs d'in-
laisser gagner par le temps; la besogne doit sectes qui peuvent s'y trouver logés. Cela fait,
toujours être réglée de manière que chaque on considère d'abord les membres symétriques
chose se fasse en son temps. La plupart des du pêcher, ceux cjui se correspondent de chaque
jardiniers taillent le pêcher trop tard ; ils at- côté du tronc. S il se trouve des branches plus
tendent ordinairement qu'il soit en pleine fleur, faibles ou plus fortes que celles en regard des-
. coutume vicieuse qui entraîne plusieurs graves quelles elles sont placées, on se pénètre de la
inconvénients. D'abord l'œil à bois étant déjà nécessité d'une taille longue pour les faibles et
allongé et la Heur épanouie, la coupe, néces- courte pour les fortes. Un autre moven de réta-
sairement gênée, est toujours trop éloignée de blir l'équilibre ne doit point être négligé ; lors-
l'œil, et laisse presque toujours un chicot; s'il que la différence, de vigueur est sensible dans
veut néanmoins la faire à sa véritable place, le Iensemble d'un côté d'un pêcher par rapport à
jardinier court risque de détacher, soit la tleur, l'autre côté, on éloigne tes branches du côté
soit le bourgeon, et bien souvent tous les deux ; fort de la situation verticale, autant que la
puis, il que la sève employée au
est évident chose est possible, sans risquer de les faire
profit des bourgeons supprimés pouvait l'être éclater; les branches du côte faible sont au
au profit des bourgeons conservés, en taillant contraire redressées pour les rapprocher plus
avant que ni les uns ni les autres ne se fussent ou moins de la situation verticale ; ce simple
développés; les bourgeons conservés en au* déplacement porte la sève avec plus d'abon
raient eu d'autant plus de vigueur, et l'arbre dance dans les branches redressées et ne tarde
tout entier aurait eu plus de moyens pour nouer pas à les rendre aussi fortes que celles aux-
son fruit et le retenir. Nous avons déjà signalé quelles elles doivent faire équilibre ; parvenues
la propension naturelle du pêcher à porter à ce point, les unes et les autres seront repla-
toute sa sève vers le haut de ses branches ; en cées dans leur position primitive. Le soin de
taillant de bonne heure, on l'empêche d'obéir à maintenir l'équilibre entre les membres du pê-
ce penchant, on prévient un excès de vigueur cher est le premier dont on s'occupe en com-
dans la partie supérieure de l'arbre et un affai- mençant la taille; la branche à bois qui termine
blissement fâcheux dans ses branches infé- chaque membre et sert à le prolonger, sera te-
rieures. On doit donc regarder comme une nue plus courte ou plus longue que celle du
règle qui ne souffre pas d'exception, la défense membre correspondant, selon le degré de vi-
de tailler le pêcher pendant le plein de la iêve. gueur de chaque membre. On procède ensuite
Dès qu'un léger gonflement des boutons indi- a l'examen des branches à fruit de l'année pré-
que le rév eil de la végétation, ce qui sous le , cédente ; elles sont rabattues sur leurs bran-
climat de Paris, a lieu d'ordinaire au commen- ches de remplacement celles-ci sont taillées en
;

cement de février, plus tôt ou plus tard en rai- proportion de leur force avec d'autant plus de
son de l'exposition plus ou moins méridionale soins et d'attention qu'elles seules doivent por-
de l'espalier, il est temps de se mettre à l'œuvre ; ter toute la récolte de l'année. On ne laisse
mais si l'état de la température donne lieu de jamais subsister une branche à fruit qui n'a que
craindre un retour d'hiver, ou si les pêchers des fleurs, sans yeux à bois ; ses fleurs noue-
onteu à souffrir d'un froid très intense, on peut, raient peut-être, mais n'ayant pas de bourgeons
sans inconvénient, retarder le commencement d'appel pour attirer la sève de leur côté, elles
de la taille d'une dizaine de jours. La taille ne retiendraient pas leur fruit; on les retran-
faite avant la floraison quand les yeux à bois che d'ord inaire en totalité, au niveau de la
commencent à peine à partir, est expéditive, branche qui les porte ; si cependant il se ren-
parce que rien ne gêne le jardinier pour couper contre près du talon un œil à bois, quelque
aussi près qu'il est nécessaire de l'œil sur lequel faible qu'il paraisse, on peut rabattre sur cet
chaque branche est rabattue, sans laisser au- a il dans l'espoir d'en obtenir un bourgeon de
dessus de l'œil ce aue les jardiniers nomment remplacement. Nous devons insister sur la né-
un onglet, c'est -à-<fire une portion du rameau cessité de sacrifier à la taille une partie des
supérieur. Les jardiniers ne savent pas le tort Heurs et de se contenter d'une récolte modérée,
qu ils font au pêcher en espalier, et combien de plutôt que de fatiguer et de ruiner les pêchers
maladies ils peuvent occasionner à ses branches par une production surabondante; les fruits
en les forçant de renfermer sous leur écorce vi- moins nombreux seront meilleurs, et l'ensem-

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TITRE III. TAILLE El CONDUITE DES AKMIES 1 ULTTIERS. 101

ble des produits, pris sur plusieurs récolles, duire des rameaux qu'il faut tout aussitôt sup-
sera plus avantageux. primer ; ensuite les plaies nombreuses faites à
Les bourgeons anticipés de l'année précé- un arbre en pleine végétation occasionneraient
dente seront tenus constamment plus courts par évaporation une énorme perte de sève. Le
que le reste des branches à fruits ; le but de la moyen d'échapper à la nécessité de ces tailles
taille à leur égard n'est pas tant d'en obtenir désastreuses, c est le pincement.
du fruit immédiatement ,
que de leur faire dé- Un bourgeon provenant d'un œil abois très vi-
velopper de bons bourgeons inférieurs qui de- goureux et très bien placé pour recevoir la sève,
viendront les branches à fruit les plus produc- peut devenir rapidement une branche à bois su-
tives pour l'année suivante. perflue, ou même une branche gourmande, tout
On n'attend pas toujours, pour tailler les comme il peut devenir une précieuse branche
branches qui ont porté fruit, le retour du som- à fruit ; c'est ce que le jardinier expérimenté
meil de la végétation ; lorsque l'œil situé au ta- sait prévoir longtemps d'avance, en observant
lon de ces branches, et destiné à devenir bran- le point d'insertion du bourgeon sur le ra-

che de remplacement , n'annonce pas une grande meau qui le connu sous le nom
porte, point
vigueur, on peut, aussitôt après la récolle du d'empattement. base du bourgeon est
Si cette
fruit, rabattre la branche sur cet œil, afin qu'il épaisse et forte, il ne faut pas laisser croître le
)rofite du reste de la bonne saison pour s'al- bourgeon si elle est mince et peu développée,
;

onger et se fortifier. Celte taille anticipée des le danger est moindre ; dans tous les cas, le
iranches dépouillées de leur fruit n'est avanta- bourgeon qui doit être pincé ne peut être pincé
geuse que pour les pêchers à fruit précoce qui trop tôt. Un autre signe auquel il faut donner
donnent leur récolle à une époque où la sève beaucoup d'attention, c'est le plus ou moins de
peot encore rester en activité pendant plusieurs développement des yeux sur le bourgeon lui-
mois ; elle serait inutile aux pêchers dont le même. Un bourgeon, dès qu'il est parvenu à la
fruit n'est mûr que dans le courant de septem- longueur de 0^06 à 0 m 08, et qu'il s'est garni
bre. Cependant, si les pêchers à fruit tardif de feuilles , contient dans les aisselles de ses
n'ont pas retenu leur fruit, on n'attend pas feuilles des rudiments d'yeux d'abord très peu
plus tard que le milieu de l'été pour rabattre apparents, mais faciles à distinguer du moment
sur l'œil inférieur devenu bourgeon de rempla- où le bourgeon dépasse la longueur d'un ou
cement; la branche, n'ayant pas de fruit à deux décimètres. Si à cette époque de son exi-
nourrir, envoie trop de nourriture au bourgeon stence on pince son extrémité ou qu'on la ro-
terminal, et l'on perd deux récoltes de suite, si gne avec l'ongle du pouce, l'œil le plus rap-
l'on ne sait faire tourner la sève au profil du proché de l'extrémité pincée prend, presque
bourgeon de remplacement. sans interruption, la place de l'œil terminal; la
La taille qu'on est quelquefois forcé d'opérer même quantité de sève qui aurait été absorbée
sur le pêcher, au plus fort de sa végétation, se par le premier est absorbée par le second ; il n'en
nomme rapprochement en vert; elle a pour but est, pour ainsi dire, id plus ni moins, et le but de
d'empêcher les rameaux à bois de s'emporter ;
l'opération est manque. Mais si l'on pince l'œil
ceux qui sont dans ce cas ont le plus .souv ent terminal avant la formation des yeux dans les
plusieurs bourgeons anticipés, sur l'un desquels aisselles des feuilles, la végétation du bourgeon
on les rabat. Le rapprochement en vert est pincé est interrompue pendant quelque temps ;
toujours nuisible au pêcher. On va voir com- la sève se présente bien comme précédemment

ment on peut s'en dispenser au moyen du pin- à l'extrémité du bourgeon ; mais là, ne trou-
cement. vant pas d'issue pour passer outre au prolon-
gement du rameau, elle s'en retourne, sauf une
A. — Pincement. petite portion qui reste pour nourrir et fortifier
Lorsqu'on taille une des branches principa- l'œil le plus rapproché du pincement. L'empat-
les d'un pêcher, par exemple, une branche de tement, ne donnant plus passage à une aussi
prolongement d'un de ses membres, les yeux grande abondance de sève, s'arrête dans sa
placés au-dessous de la coupe étant tous des croissance ; la sève tourne au profit des bran-
yeux à bois, deviendraient en peu de temps des ches utiles qu'elle aurait négligées pour se por-
fjourgeons si on les laissait croître en liberté ;
ter vers le rameau pincé. Quand l'œil supplé-
l'affluence de la sève aux extrémités supérieures mentaire est formé, il rappelle à lui la sève et
du pêcher est telle que pas un de ces bourgeons repart souvent avec tant de force, qu'un nou-
ne deviendrait branche à h uit ; tous se forme- veau pincement devient nécessaire. Cette opé-
raient en branches à bois, et comme il serait ration bien conduite, a pour résultat définitif
impossible d'employer utilement toutes ces de réduire la force de végétation du rameau à
branches à l'accroissement de l'arbre, on serait ce que le jardinier veut qu'elle soit ; le bour-

obligé de pratiquer un rapprochement en vert, geon , affaibli par le pincement , se couvre


soit en les retranchant tout-à-fait, soit en les d'yeux à Heurs et devient branche à fruit, de
rabattant sur un de leurs veux inférieurs, ou le branche à bois ou branche gourmande qu'il
plus souvent sur un bourgeon anticipé. L'arbre aurait pu devenir tel est le but du pincement;
:

aurait à en souffrir pour deux motifs d'abord, : tels en sont les effets.

ce serait commettre la faute que nous avons Le résultat le plus utile du pincement est,
dé'à signalée, de laisser la sève se perdre à pro- comme on le voit, de faciliter la distribution

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102 HORTICULTURE. LIVBE VIII.

égale possible de la sève enlre toutes les bourgeon supérieur en force et en longueur au
du pêcher, en évitant la naissance et le
i
bourgeon produit par l'œil C, par cela seul qae
nent des branches gourmandes, sans le rameau A étant palissé presque horizontale-

la taille pendant la végétation, ou ment, l'œil B, placé à sa partie supérieure,


rapprochement en vert. Tout le succès du pin- peut sans obstacle s'élancer selon la verticale, et
cement dépend de la manière d'apprécier la que l'œil C, quoique d'égale force, placé à sa
vigueur du bourgeon, pour en conclure ce qu'il partie inférieure, sera forcé de faire un détour
va devenir s'il est livre à lui-même; le jardi- pour revenir à la verticale. C'estau jardinier
nier attentif ne peut s'y méprendre ; les bour- a calculer le vide qui lui reste à remplir sur
geons des pêchers qu'il gouverne, étant pinces l'espalier, les ressources que présentent à cet
au moment convenable, ne s'emportent jamais effet lesmembres inférieurs et supérieurs, et la
sans sa permission. Le jardinier négligent est force qu'il convient de laisser prendre en con-
souvent étonné, au bout de quelques jours, de séquence à l'un ou à l'autre de ces deux bour-
trouver une branche toute formée là où il n'a- geons. Quant à ceux qui semblent placés trop
vait vu qu'un bourgeon naissant, dont il ne eu arrière vers le mur, mais qui pourraient être
prévoyait pas l'avenir; il se trouve alors eon- utilisés pour un vide à remplir, on ne doit pas
un rapprochement en vert qu'il
traint "d'opérer se hâter de les condamner, parce qu'assez sou-
aurait évité parun pincement fait à propos. vent le rameau éprouve une sorte de torsion
Le pincement du bout d'un bourgeon qui naturelle sur lui-même, qui ramène dans une
n'a point encore de consistance ligneuse se fait position favorable des bourgeons mal placés à
en long, entre les doigts, sur une longueur l'époque de la reprise de la végétation.
d'un ou de deux centimètres, comme le repré- Un nomme ébourgeonnement ù sec, et quel-
sente la f\(j. 237- quefois eborgnage ci sec, la suppression des
yeux encore endormis, au commencement de
Fig. 238,
lévrier. Cette opération, étendue à tous les ra-
meaux d'un pêcher, lui serait funeste, en occa-
sionnant un trop grand nombre de plaies par où
la sève pourrait se perdre; on la pratique seu-
lement, ainsi que nous l'avons dit, sur les bran-
ches à fruit des espèces qui portent leurs llcurs
à leur extrémité supérieure, ce qui ne permet
pas de les tailler assez court pour donner au
bourgeon de remplacement la force dont il a
besoin hors ce cas particulier, on laisse s'ou-
Si le bout du bourgeon n'est pas complète-
;

vrir tous les yeux, sans exception; puis, dès


ment herbacé, ou le rogne avec l'ongle du
qu'ils sont parvenus à la longueur de 0 m ,02 à
pouce (fig. 238).
0 ro ,03, on rogne avec l'ongle ceux qui ne doi-
H. — ELourçronncment. vent pas être conservés, en leur laissant deux
bourgeons du pêcher naissent ou trois feuilles inférieures. Ces feuilles, qui
Les veux et les
continuent à végéter, mais sans donner nais-
sans ordre régulier sur tous les points «le ses
conduite du pêcher en espalier ne sance à de nouveaux yeux, favorisent sans dé-
rameaux la ;
perdition de sève la prompte cicatrisation des
permet pas de les conserver tous; ceux qui
plaies.
naissent contre le mur doivent être nécessai-
Ce premier ébourgeonnement tel qu'on vient
rement supprimés, de même que ceux qui, pla-
de l'indiquer ne s'opère que sur les branches à
cés sur la lace antérieure du rameau, s'avan-
fruit de l'année, peu de temps après la reprise
cent en saillie au dehors. Parmi les bourgeons
de la végétation. Mais bientôt, les arbres vi-
bien placés, ceux de la partie supérieure d'un
goureux, surtout s'ils ont été tailles trop court,
rameau ont toujours plus de force que ceux de
se «-ouvrent de bourgeons chargés eu\-mêmes
la partie inférieure cela tient à la nature même
;

de bourgeons anticipés. Il faut surveiller la


du pêcher dont toutes les parties tendent à
naissance de ces derniers bourgeons, et dès
prendre une direction verticale dès qu'elles en
qu'ils ont atteint la longueur de 0 m ,02 à 0 m 03,
ont la liberté. Ainsi, à la simple inspection de la
branche A (fig. 239), on connaît d'avance que
opérer sur eux comme au premier ébourgeon-
nement.
Fig. 239 240.
Le pincement et rébourgeonnement sont
pour la conduite du pêcher en espalier deux
moyens qui se complètent l'un par l'autre; on
n'a jamais fini de pincer ni d'ébourgeonner du
printemps à l'automne, parce que durant tout
cet intervalle la végétation du pêcher ne se ra-
lentit pas, en sorte qu'il y a toujours des bour-
geons à surveiller.
La méthode d ébourgeonnement que nous
u !i n
venons de décrire et qui l'emporte incontesta-
l'œil D, d.tns u:: temps donné, aura produit un blement sur toutes les autres, est celle que

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mite m. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS
prescrit M. A Montreuil, chaque
Lelieur. ne, pour donner plus de vigueur au côté faible
jardinier a un si grand nombre d'arbres à un pêcher en espalier, il suffit bien souvent
Souverner, temps et la main-d'œuvre ont
le de le dépalisscr. La figure 240 montre com-

'ailleurs tant de valeur, qu'on agit un peu ment le dépalissage se combine avec le redres-
différemment; on supprime en une seule ibis sement que nous avons déjà conseillé; la partie
par un ébourgeonnement général à sec, dépalissee. outre qu'elle est dans une position
tous les yeux mal placés ; puis on laisse les plus rapprochée de la verticale, reçoit l'air de
autres s'allonger à leur fantaisie et se charger tous côtés, et la lumière sur le sommet de ses
de bourgeons anticipés qu'on réduit dans de pousses terminales, ce qui favorise leur prompt
justes limites par un rapprochement général accroissement. Ici se présente un inconvénient
en vert, au milieu de l'été. Cette pratique fa- auquel il importe d'obvier dès le principe; la
tigue beaucoup les arbres et nuit a leur durée partie dépalissée de l'arbre A (fig. 240), n'é-
en même temps qu'à la qualité du fruit. Si le tant plus retenue au mur, est attirée en avant
dommage est peu sensible à Montreuil en rai- par la force végétative de ses bourgeons ; obéis-
son de la bonne qualité du sol et de la perfec- sant à cette impulsion, elle se tord; bientôt elle
tion des autres soins de culture, l'avantage se trouverait tellement déformée qu'on risque-
n'en reste pas moins à la méthode d'ébour- rait de la rompre si l'on voulait la remettre à
geonnement que recommande M. Lelieur, et sa place à l'espalier. Il faut donc planter en
c'est a cette méthode que doit s'en tenir le jar- terre a 0, m 20 ou 0, ,n 25 en avant du mur,
dinier jaloux de gouverner ses pêchers le mieux quelques perches BBB auxquelles la char-
possible. pente du pêcher est assujettie. De cette ma-
L'ébourgeonnement, ainsi pratiqué, permet nière, cette partie de l'arbre reçoit assez d'air
d'échapper au moins en partie à la nécessité de sur ses deux surfaces et occupé une position
la taille d'été; s'il reste quelques branches à assez favorable pour égaler bientôt celle qui est
soumettre au rapprochement en vert, opéra- restée palissée à la muraille, sans que ses mem-
tion dont nous avons signalé les inconvénients, bres se déforment au point de ne plus pouvoir
il faut attendre que les fruits aient acquis pres- reprendre à l'espalier leur position primitive.
que toute leur grosseur ; c'est l'époque où la Rien n'est plus contraire à la bonne con-
sève du pécher est le moins active. duitedu pêcher en espalier que de palisser d'un
bout à l'autre tous les arbres en une seule fois
C. — Palissage.
et pour toute la saison ; le palissage, comme
Les principes du palissage sont les mêmes, le pincement, comme l'ébourgeonnement, doit
soit qu'il s'exécuiesur un treillage, soit qu'il se suivre la marche de la végétation, et ne peut
fasse directement sur la surface nue d'un mur être considéré comme fini, tant que le pêcher
revêtu d'un enduit assez solide pour tenir les végète; il ne faut pas cesser de surveiller la
clous, méthodes dont nous discuterons plus croissance des bourgeons, et de les palisser,
tard les avantages (Voir Jardin fruitier). L'o- selon le besoin. Ce n'est pas que nous préten-
pération en elle-même est des plus simples; dions blâmer le jardinier, alors que surchargé
c'est une de celles que les femmes peuvent le de besogne il la fait, non pas le mieux possi-
plus aisément pratiquer, comme elles le font à ble, mats seulement le mieux qu'il lui est pos-
Montreuil, avec autant d'agilité que d'adresse,' sible. C'est à celui qui entreprend de décrire
en évitant de prendre les feuilles dans les liens, les règles et les procédés du jardinage à démon-
de serrer trop fortement le bois tendre, et de trer la manière d'opérer avec toute la perfec-
croiser les branches l'une sur l'autre. Quand tion que comporte l'état actuel de l'horticul-
les autres opérations de la conduite du pécher ture; c'est à chacun ensuite à s'y conformer
en espalier ont été faites par un jardinier ex- plus ou moins, selon les exigences de sa posi-
périmenté, le palissage n'est plus qu'une beso- tion. Quant au jardinier d'une habitation bour -

gne toute tracée, qui s'expédie très lestement. geoise, qui n'a point à se préoccuper des frais
Nous avons dit combien il importe à la et pour qui le profit n'est qu'un but secondaire,
bonne santé du pêcher, et par suite à l'abon rien ne peut le dispenser de se conformer exac-
dance et à la bonne qualité de ses fruits, de tement aux principes qu'il sait être les meil-
maintenir entre toutes ses parties un équilibre leurs.
constant, qui ne permette à aucune de ses Les deux principes essentiels d'un bon pa-
branches a'absorber au détriment des autres lissage sont :
plus de nourriture qu'il ne lui en revient. Quel- 1° Maintenir constamment >les branches-mè-
que soin qu'il mette à les surveiller sous ce res et les membres de la charpente en lignes
rapport, le jardinier charge de gouverner un parfaitement droites, quel que soit d'ailleurs
grand nombre de pêchers en a toujours de leur écartement et l'angle que ces branches
temps en temps quelqu'un qui s'emporte plus forment entre elles.
d'un côté que de l'autre. Indépendamment des 2° Incliner les bourgeons de la partie supé-
moyens que nous avons déjà indiqués pour s'y rieure de la branche, de manière à les rappro-
opposer, le palissage offre une ressource dé cher, autant que possible, de cette branche, et
plus qu'il ne faut pas négliger. En maintenant palisser ses bourgeons inférieurs de manière à
les branches dans une position plus ou moins les éloigner le moins possible de la verticale.
gênée, il ralentît leur développement à tel point Les bourgeonssopérieurs B B B de la branche

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104 IIOUTlCULfURE. LIVBE Mil.

(fig, 211), prendraient trop de force s'ils B. — Forme à i

Fig. 241. Cette forme convient surtout pour cou-


vrir de grands espaces avec un petit nombre
de sujets. Un propriétaire dont le terrain est
décidément contraire à la culture du pêcher ne
peut mieux faire que d'adopter cette forme;
au moyen d'un seul sujet planté dans un trou
rempli de bonne terre rapportée, il peut garnir
15 à 16 mètres d'espalier sur3,"»50à 4» de hau-
teur; lepêchercondultà la Dumoutier (fa. 243)

Fig. «43.
étaient palissés selon les lignes verticales ponc-
tuées; en les inclinant, on modère leur végé-
tation.Les bourgeons inférieurs C C C ne pousse
raient pas assez vigoureusement pour faire
équilibre aux bourgeons B, s'ils étaient palis-
sés selon la ligne horizontale. En les mainte-
nant dans une situation moins gênée, on favo-
rise leur accroissement qui devient facilement
égal à celai des bourgeons supérieurs B.
peut couvrir, dans l'espace de 9 ans, 7 à 8
mètres de chaque côté. C'est, pour la même
Si — Conduite d'un jeune pécher. raison, la forme qui convient le mieux aux ter-
raiM très fertiles où le pêcher est susceptible
Une fois les distances marquées et les sujets de prendre de très grandes dimensions; elle
mis en place (voir Jardin fruitier) , il faut ar- laisse pendant plusieurs années une grande
rêter d'avance la forme qu' on se propose de partie du mur sans emploi c'est son défaut ;

leur donner à mesure qu'ils croîtront ; ce point capital.


décidé, on commence, dès la première taille, à Les premiers pêchers sous cette forme ont
diriger les jeunes pêchers vers cette forme. Le été établis dans les- jardins de Versailles par
ardinier doit les façonner à sa volonté à toutes M. Dumoulicr lui-même, sous la direction de
es phases de leur existence, et non pas suivre M. Lelicur ils ont été longtemps les plus beaux
;

es caprices de leur végétation, au lieu de la ré- de leur espèce qui fussent en France. En atten-
Sler à son gré. Le choix d'une forme peut être dant la croissance des pêchers à la Dumoutier,
ifîueneé par plusieurs considérations dont les on plante dans les intervalles d'autres arbres
principales sont la hauteur des murs, leur ex po- fruitiers très hâtifs qu'on supprime quand les
sition, et la nature des espèces dont on se pro- pêchers à la Dumoutier ont aquis tout leur dé-
pose de garnir l'espalier; il faut aussi avoir égard veloppement.
a la fertilité du sol qui fait prendre aux arbres C. — Forme corvée.
plus ou moiosde développement. Nous pensons
Il n'en est pas de meilleure pour couvrir
que les formes que nous allons indiquer sont les promptement et en totalité la surface d'un es-
meilleures ; toutes se prêtent à l'application ré-
palier; mais elle est dangereuse à cause de la
gulière des principes rationnels de la taille et de
position verticale que prennent forcément les
la conduite du pêcher en espalier.
membres de l'intérieur du Y, AA (fig. 244);<
A. — Fonue en V ouvert. Fig. 244.

commode de toutes pour la taille, A A


C'est la plus
et la plus lacile à établir mais elle laisse perdre
;
\ ^ \\\\ \W \. ii i i il Jii à J i ' J é
une grande partie du mur, parce qu'elle ne peut
couv rir l'espalier ni entre les bras du Y, ni au-
dessous des membres inférieurs (fig. 242).
Fie. 242.

membres sont toujours prêts à s'emporter aux


dépens des autres. Dans un jardin qui nous a
longtemps appartenu, à Sainte-Walburge près
Liège (Belgique) , nous avons été force de re-
noncer à cette forme qui nous avait séduit d'a-
bord; la fertilité du sol rendait les pêchers trop

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-^4JttE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARMES FRUITIERS. 105

>5 gouverner sous cette forme ; il était


de se rendre maître des branches
saicnt verticalement.

D. — Forme en coixlons.
Fig. 247.

manière de conduire le pêcher {fig. 245)


Fig. 245.

pour une plantation neuve seront exposées ail-


leurs ( totr Jardin fruitier). Lorsqu on plante
en espalier des sauvageons qu'on se propose de
D f;reffer l'année suivante, il importe de ne pas
A . I)
es négliger pendant cette première année, qui
est nouvelle; elle n'a pas encore en sa faveur la doit avoir une influence décisive sur leur végé-
sanction d'une bien longue expérience. Nous
tation ultérieure. Après les avoir rabattus à la
la croyons bonne, sous tous les rapports, à
hauteur de 0^,30 à 0™,35 au-dessus du sol, la
l'exception d'un seul ; elle place les branches à
face de la coupe étant tournée vers le mur, on
fruit qui naissent à la partie inférieure des
doit s'appliquer à favoriser la croissance de la
branches, dans une position peu favorable à
flèche ou tige principale, et celle de quatre bour-
leur accroissement, tandis que celles de la
geons latéraux, deux de chaque côté, de façon
partie supérieure tendent toujours à s'em-
a ce que le sujet, à la fin de l'automne de* sa
porter.
première année, offre à peu près la forme re-
E. — Fotme en patinette à double tige. présentée fig. 248. Ces bourgeons ne contri-

Cette forme (fig. 246) est, à notre avis , la

Fig. 24G.

Fig. 250

bueront point à former le pêcher, puisqu'ils


doivent être supprimés après la reprise ae la
meilleure de toutes; elle ne laisse aucun vide greffe ; ils n'en seront pas moins soignés et sur-
sur l'espalier ; elle couvre promptement et éga» veillés de manière à maintenir entre eux le plus
lement toutes les parties du mur ; elle n'admet parfait équilibre de végétation. II ne faut pas
oint de membres verticalement placés; tout oublier les racines, dont l'accroissement sou-
F
espace entre les deux branches-mères peut terrain suit celui des diverses parties extérieu-
être rempli par des branches à fruit. res du jeune arbre; si le jardinier laisse les
bourgeons du sauvageon s'emporter d'un côté,
F. — Forme en U. les racines chargées de le nourrir croîtront de
Cette forme (fig. 247) offre beaucoup de ce côté dans la même proportion. Quand le
rapports avec la précédente, dont elle n'est sujet sera greffé ,ce côté, pourvu de racines
qu'une simple modification ; elle est seulement plus fortes que celles de l'autre, tendra toujours
un peu plus lente à établir. a le dépasser, ce qui rendra l'égale distribution
de la sève entre eux très difficile à établir.
§ Vif. — Taille d'un jeune pêcher.
Si l'on se propose de conduire le pêcher en
On peut garnir un espalier, soit de pêchers cordons sur une seule tige, il recevra au mois
tout greffés pris dans la pépinière, soit de sau- d'août un seu] écusson; il lui en faut deux, un de
vageons de pêcher, de prunier ou d'amandier. chaque côté, pour toutes les autres formes. Les
Les raisons qui peuvent déterminer le choix pousses des deux écussons seront maintenues
OKTIGUI.TORI. T. V. — 14

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106 •
HORTICULTURE. LIVIIE VIII.

dans la plus parfaite égalité ; le pincement, Té- vant de la branche sont les meilleurs ; s'il ne
bourgeonnement, le palissage seront employés s'en trouve pas deux qui se correspondent, on
à cet effet, selon le besoin : l'avenir du sujet en dé- taille sur deux yeux de dessous. Le jeune arbre
pend. Les yeux les plus importants des rameaux se trouve alors dans l'état que représente la
obtenus des deux greffes sont ceux de leur partie fig. 250. Plus tard, on pince les bourgeons nés
inférieure.quidoivent, Pannéed'ensuite, fournir des yeux antérieurs et postérieurs, pour ne
les éléments de la charpente de l'arbre il est ; laisser croître que les yeux latéraux, encore
essentiel que ces yeux ne s'ouvrent pas avant est-il nécessaire de les maintenir soigneuse-
le temps. Lorsqu'on ne donne pas assez d'at- ment dans de justes bornes par le pincement et
tention à la conduite du pêcher pendant la pre- le palissage. Parmi les bourgeons à naître de

mière année après la greffe, il arrive assez sou- ces yeux, on favorise de préférence les deux
vent qu'une des deux branches attire à elle bourgeons correspondants (A A, fig. 251), dont
toute la sève, et laisse l'autre dans un état de i^. 252, 251.
végétation faible et languissant. C'est un incon-
vénient contre lequel il faut se tenir en garde,
car le mal est sans remède à cet âge du pêcher ;

on ne peut que supprimer la branche faible, re-


dresser l'autre, et la rabattre sur deux yeux
pour recommencer la charpente; c'est une an-
née perdue pour la croissance du pêcher.
Les soins et la taille que réclame le pêcher
pour prendre la forme d'un V ouvert (fig. 242),
sont les mêmes pour la conduite à la Dumon-
tier et sous forme carrée pendant les premières
années de sa croissance. Après avoir supprimé
le chicot A (fig. 249) et recouvert la plaie avec de
l'onguent de Saint-Fiacre ou de la cire à greffer,
il est temps de tailler les deux branches mères chacun doit commencer un des membres in-
dans le but de faire développer les yeux qui férieurs de la charpente. Ni ces
membres, ni les
doivent continuer leur prolongement. 11 serait branches-mères ne doivent être dans l'origine
possible, à la rigueur, de ne pas les tailler du palissés à la place qu'ils occuperont plus tard ;
tout; il y a des jardiniers qui n'y touchent ja- on aide à leur prompt accroissement en les
mais, et qui les laissent s'allonger en toute li- palissant le plus près possible de la ligne
berté. Par cette méthode, les deux branches- verticale; ce n'est que successivement qu'on
mères et les membres qui doivent sortir de ces écarte ces branches les années suivantes, niais
branches parviennent très promptement à la toujours sans les faire dévier de la ligne droite.
longueur qu'ils doivent avoir ; mais ils restent Les coudes formés par la taille des branches do
grêles, effilés, peu garnis de branches à fruit prolongement disparaissent d'eux-mêmes quand
pendant plusieurs années. Le premier fruit est on a soin de tenir les jeunes pousses palissées,
moins beau que celui des pêchers soumis à la sans toutefois trop les contraindre ; autrement
taille. Tels sont les défauts de cette méthode : elles se tordraient pour se porter en avant, et
en voici les avantages. La sève, livrée à elle- elles resteraient déformées pour toujours.
même, allonge outre mesure les branches- mères Le pêcher, deux ans après avoir été greffé,
et les membres du pêcher; mais bientôt elle se aura, comme le représente la fig. 252, deux
modère d'elle-même ; le pêcher cesse pour ainsi branches- mères déjà fortes, A A, et deux mem-
dire de s'allonger par ses extrémités ; la char- bres inférieurs bien développés, BB. Si la végé-
{tente grossit, les branches à fruit se multiplient ; tation de la première année a été bien dirigée,
e fruit devient plus abondant et de meilleure qua- les deux côtes de l'arbre devront offrir la plus
lité. Au total, on n'a éprouvé qu'un retard dont parfaite égalité, la symétrie la plus régulière ;
on est dédommagé. Les principes précédem- le nombre des pousses produites par les yeux
ment énoncés pour la taille trouvent d'ailleurs des branches-mères, et celui des bourgeons an-
leur application sur les branches à fruit ; l'ar- ticipés nés sur les deux membres, devront se
bre se gouverne par le pincement, rébourgeon- balancer exactement ; la principale cicatrice e
nement et le palissage, selon la méthode or- doit avoir disparu.
dinaire. La taille de cette année diffère essentielle-
Si au lieu de en liberté les
laisser croître ment de celle de l'année précédente. Après avoir
bourgeons de prolongement, on se décide à les raccourci les branches de prolongement selon
tailler, comme on le fait presque toujours, il leur force, toujours dans le but de les maintenir
faut donner une grande attention aux yeux sur aussi égales que possible, on s'occupera prin-
lesquels on les rabat. La longueur de la taille cipalement des bourgeons anticipés de la der-
ne peut être fixée avec précision ; elle peut va- nière pousse; ce sont eux qui doivent com-
rier de 0ra ,40 à 0m ,50. Il ne faut pas craindre mencer à fournir des branches à fruit. Dans ce
de tailler un peu plus court quand, parce moyen, but, on les rabat sur un, deux ou trois yeux,
on peut rabattre sur deux yeux bien places et selon leur vigueur et leur position, en obser-
d'égale force de chaque côté ; les yeux de de- vant qu'il faut toujours laisser plus d'yeux aux

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TITRE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRL1TIERS 107

bourgeons aaaadu bas de l'arbre (fig. 253) en se conformant du reste aux principes que
nous avons exposés. Si l'on se décide pour la
Fig. 253.
taille de la pousse terminale, il faut la rabattre
sur un bon œil, à 0",50 de terre : l'œil placé
immédiatement au-dessous de celui qui, par
cette taille, sera devenu l'œil terminal, sera ré-
servé pour former le premier cordon à droite.
Les autres cordons s'obtiendront de bourgeons
nés à quelque distance au-dessous de l'œil ter-
minal ou de prolongement, afin que ces deux
pousses ne soient pas obligées de se disputer,
pour ainsi dire, la sève dont elles ont besoin.
Nous ne saurions approuver le conseil donné
qu'aux bourgeons 6 6 6 b delà parlie supérieure. par plusieurs auteurs de suppléer par des écus-
Cette taille se nomme taille en crochet , parce sons au défaut d'un œil bien placé, pour en ob-
que les bourgeons rabattus près de leur talon tenir un cordon ; tout jardinier attentif à pro-
forment en effet une sorte de crochet ce sont ; fiter des ressources que présente la végétation
les yeux laissés sur ces crochets qui deviendront d'un arbre bien portant saura toujours bien
les branches destinées à porter les premiers maîtriser celle du pêcher, de manière à faire
fruits. développer un bon œil à la place où le cordon
On ne laissera jamais subsister sur les bour- doit être établi ; en supposant qu'il dût y avoir
geons de l'année deux bourgeons anticipés pla- une différence de distance de quelques centi-
cés en regard l'un de l'autre ; c'est une loi gé- mètres d'un cordon à l'autre, un dérangement
nérale qui s'applique à toutes les productions aussi léger dans la symétrie ne serait point à
fruitières du pêcher; les branches à fruit doivent comparer avec les mauvaises chances d'une
alterner plus régulièrement possible sur les
le greffe, qui, si elle manque, fait perdre un an
branches principales, sans jamais être opposées tout entier pour la formation d'un cordon, et
l'une à l'autre. déranee l'économie de la végétation dans tout
Tout bourgeon qui menace de s'emporter, le pêcher.
soit en dedans du V formé par les deux bran- Les yeux pour les bourgeons de prolonge-
ches-mères, soit au dehors ou sur les membres ment des cordons sont toujours choisis, autant
inférieurs, doit être pincé ou rogné dès qu'on que possible, sur le devant des tiges. La taille
s'en aperçoit. des branches-crochets suit sa marche régulière,
L'arbre parvenu à la troisième année après la comme pour les pêchers conduits sous toute
greffe, s'il doit être conduit en V ouvert sur autre forme ; rien ne sera négligé pour provo-
deux membres de chaque coté, n'a plus besoin quer de la part des bourgeons inférieurs des
que d'être continué selon les mêmes principes. cordons une végétation égaie à celle des bour-
S'il doit recevoir la forme carrée (fig. 244), geons supérieurs des mêmes branches, toujours
on fera naître et développer complètement les disposés a attirer la sève de leur côté, au détri-
membres inférieurs avant de laisser croitre ment des autres. On aura soin, une fois l'arbre
aucun de ceux qui doivent remplir l'intérieur formé, d'entretenir le long de la tige princi-
du V. Parmi ceux-ci les membres AÀ, qu'on
, pale (fig. 245) quelques branches à fruit dans
ne peut se dispenser de laisser croitre dans une l'intervalle d'un cordon à l'autre. Si, par acci-
situation verticale, seront formés les derniers dent ou maladie, les pêchers voisins DD, dont
de tous, afin que la supériorité de force acquise les cordons alternent avec ceux de l'arbre A,
par les autres parties de la charpente y attire la venaient à périr, il serait facile de faire ouvrir
sève et empêche les branches verticales de s'em- sur chacune des branches à fruit réservées un
porter, ce qui cependant aura toujours lieu, plus bon œil à bois, sur lequel on la rabattrait pour
ou moins, en dépit de toutes les précautions. former un cordon supplémentaire ; l'arbre alors
La forme à la Dumoutier (fig. 243), qui deviendrait tel que le représente la fig. 254.
ne peut être complète qu'au bout de neuf ans, Fig. 254.
s'obtient par la taille dirigée d'après les mêmes
errements; le point principal consiste à bien
choisir la place où doit commencer chaque bi-
furcation, afin d'y favoriser le développement
d'un bon œil par tous les procédés ci-dessus in-
diqués, au moyen du pincement et du palissage.
Pour donner au pêcher la forme en cordons
(fig. 245), on peut, comme pour toutes les
autres formes, s'abstenir de tailler et laisser le
jet de la greffe s'allonger à sa fantaisie. La hau-
teur à laquelle chacun des cordons doit être
établi étant d'avance déterminée, à mesure que
l'arbre avance en âge, on réserve un bon œil

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108 HORTICULTURE. LIVRE VIII

indiqué seulement la place des cordons fournis par des ravalements sur un bourgeon inférieur
par Tes arbres DD, afin de rendre plus saisis- disposé à s'emporter, la naissance d'une bran-
sante à l'œil l'ensemble de la forme de l'arbre A. che gourmande, qui devient promptement une
C'est par le même motif que, dans les autres pièce fondamentale de la charpente rajeunie.
figures relatives à la taille et à la conduite du Si l'on tient à la durée de ces nouvelles bran-
pêcher, nous avons représenté les branches à ches, refaites sur un vieux pêcher, il faut, sur-
fruit moins rapprochées qu'elles ne doivent tout durant les premières années, les ménager
l'être en réalité ; le but de ces figures est moins par une taille courte des branches à fruit, et
de calquer la nature avec une exactitude ri- supprimer même une partie du fruit noué pour
goureuse que de rendre claire et sensible la dis- ne laisser qu'une demi-récolte; nous avons va
position des branches les unes par rapport aux des arbres ainsi réparés et ménagés durer au-
autres. tant que de jeunes plantations.
La taille et la conduite du pêcher en pal-
— Pécher en
S IX. plein vent.
mette, sur double tige {fig. 246), est, pendant
les deux premières années, celle du pêcher en Les fruits du pécher en
plein vent sous le
V ouvert, avec cette seule différence qu'on climat de Paris ont si peu de valeur qu'on n'en
n'incline les branches-mères ni à droite ni à prend aucun soin; les arbres qui sont des su-
gauche ; la très petite largeur , de 0 ra ,30 à jets de noyau non greffés ne sont jamais tail-
O m ,40, qu'on laisse entre elles, est remplie dans lés; à peine les débarrasse-t-on du bois mort.
la suite par des branches à fruit. Les membres Une culture mieux entendue dans les localités
de droite et de gauche s'établissent à O m ,45 ou bien abritées pourrait faire produire des fruits
0 m ,50 de distance l'un de l'autre, à mesure excellents au pêcher en plein vent (rotr Jardin
que l'arbre grandit. Il vaut mieux supporter fruitier). Il fautdans ce but greffer le pêcher
une légère perte de surface dans le haut et le sur franc, à O^ôO ou 0 m ,60 de terre, le main-
bas de l'espalier, que de donner aux membres tenir bas sur sa tige, et l'éclaircir par l'élagage
du pêcher une position trop rapprochée de la des branches intérieures qui font confusion.
ligne horizontale ; l'inclinaison, telle que nous Des plantations de ce genre, établies à l'abri
l'avons représentée sur la figure 246, nous pa- d'un rideau de thuyas ou de cyprès, les arbres
rait préférable à un angle par trop ouvert, qui étant conduits en vase sur q'uatre branches,
reproduit en partie les inconvénients de la bien dégagés au centre et traités de façon à
taille en cordons, quant au défaut de vigueur empêcher une des branches de s'emporter aux
des bourgeons situés à la partie inférieure des dépens des autres, durent de 40 à 50 ans et
principaux membres de la charpente. peuvent donner constamment d'abondantes ré-
Pour obtenir la forme en U (fig. 247), la di- colles.
rection est la même, sauf le coude que forment
les deux branches-mères. Dans tous les cas, il Section H. — Taille et conduite de la vigne.
ne faut jamais laisser entre les branches de l'U
plus d'espace que ne peuvent en recouvrir des
§ I
er
. — Végétation naturelle de la vigne.

branches à fruit de vigueur moyenne dirigées Les principes qui dirigent la taille et la con-
comme le montre celte figure. Lorsque l'U est duite de la vigne offrent la plus grande analo-
trop large, on est obligé, pour garnir le vide gie avec ceux que nous venons d exposer pour
intérieur, de donner aux branches à fruit une conduite du pécher; cette considé-
la taille et la
direction trop près de la ligne horizontale, ce ration basée sur la pratique nous engage à placer
nui nuit à leur végétation et, par suite, à l'abon- ici les préceptes Je l'art de diriger les treilles,

dance du fruit ainsi qu'à sa qualité. quoique dans l'ordre naturel il eût fallu traiter
d'abord de l'abricotier, du prunier et des au-
$ VIII. — Rajeuniisement d'un vieux pêcher. tres arbres à fruits à noyau. C'est qu'en effet
Dans les jardins dont les produits sont des- pour celui qui comprend bien la conduite et la
tinés au marché, la vie du pêcher en espalier taille du pêcher en espalier, l'application des
n'est jamais bien longue; tant qu'il vit, on lui mêmes principes à la formation d'une treille
demande tout ce qu'il peut produire il est donc
; n'offre plus aucune difficulté ( pour la vigne en
promptement ruiné, et ruiné sans ressources. grande culture, voir t. II, p. 95).
Aussi loin de perdre du temps à essayer de
, La taille de la vigne conduite en espaliei
profiter de quelques branches gourmandes dans le but d'obtenir du raisin de table a cela
pour refaire un arbre en cet état, vaut-il beau- de commun avec celle du pêcher que, dans l'une
coup mieux le sacrifier et en planter un nou- comme dans l'autre , le problème à résoudre
veau, en ayant soin de renouveler la terre dans consiste à faire développer sur la partie infé-
laquelle il cloit végéter. Il n'en est pas de même rieure de la branche à fruit le bourgeon destiné
dans le jardin d'un amateur qui tient souvent et à la remplacer.
avec raison à conserver un vieil arbre dont le Considérons, ainsi que nous l'avons fait pour
fruit a gagné en qualité avec l'âge, avantage le pêcher, le mode particulier de végétation
dont on n'est pas dédommagé par l'abondance )ropre à la vigne. Un fait principal domine tous
du fruit quand le bénéfice n'est pas le but prin- Ies autres, c'est la formation simultanée du
cipal de la culture. Il cherche à prolonger fruit et du bois qui le porte. Sur tous les arbres
l'existence du pêcher épuisé, en provoquant, à fruit (la vigne exceptée) , la branche existe

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TITRE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 109

d'abord, issue d'un œil désigné sons le nom leur méthode, que les jardiniers de Thomery
d'œil à bois ; puis, sur cette branche naissent sont parvenus a produire un raisin sans égal
des yeux, les uns à bois, les autres à fruit. Ces en France comme raisin de table. Ni l'air, ni
derniers se rencontrent, soit sur du bois de la l'exposition, ni le sol n'ont dans tout le canton
dernière sève, soit sur du vieax bois; mais tou- qui produit le chasselas dit de Fontainebleau,
jours la branche à fruit préexiste à tout bouton rien de particulièrement favorable à la culture
a fleur, à toute production fruitière. Dans la de la vigne en treille; partout ailleurs, les
vigne, le même œil est en même temps à bois et mêmes procédés et les mêmes soins produisent
à fruit. L'œil de la vigne, connu dans toute la les mêmes résultats. Le but de la culture de la
France sous le nom de bourre, à cause de l'es- vigne en espalier n'est pas d'avoir le plus de
pèce de duvet qui le recouvre à l'extérieur, raisin possible, d'une manière absolue, mais le
contient toujours ensemble bois et fruit. Il n'y plus possible de bon raisin ; ni le jardinier qui
a de raisin que sur le bois de l'année ; au ré- vend ses produits, ni le jardinier amateur n'ont
veil de la végétation , la grappe et le sarment intérêt à sacrifier la qualité à la quantité, puis-
qui doit la porter poussent ensemble. Quand la qu'un kilogramme de bon raisin en vaut deux
seve est trop abondante, elle s'épanche en en- ou trois de raisin médiocre.
tier à former du bois; dans ce cas, les jeunes
grappes naissantes ou lames avortent; elles S II, — Multiplication Je la vigne.

tournent en vrilles ou longs filaments qui s'ac- Les diverses variétés de vigne ne se repro-
crochent à tous les corps environnants, et duisent pas identiques par leurs pépins; il est
aident la vigne à grimper partout où elle trouve probable que des semis répétés et suivis avec
un point d'appui. Il n est pas rare dans le midi persévérance donneraient, par les croisements
de la France de voir ainsi des sarments de Vi- hybrides, des variétés précieuses propres à rem-
gne s'emporter et croître en quelques mois de 7 placer une partie de celles que nous cultivons
a 8 mètres ; ils sont alors presque toujours sté- pourla table, et surtout à permeitreà la culture
riles, ou bien le peu de raisin qu'ils portent est de la vigne en treille de s'étendre aux contrées
de mauvaise qualité. Tous les yeux d'une vigne qui, comme lenord de la France et une partie de
bien taillée s'ouvrent au printemps ; les yeux du la Belgique, ne connaissent en fait de raisin que
talon ne restent endormis que sur les sarments du verjus, faute de posséder des variétés à la
mal taillés, ou sur ceux qui ne l'ont pas été du fois honneset précoces, car nos raisins très pré-
tout. La bourre n'est jamais solitaire ; elle a coces sont de qualité médiocre. Un des plus
pour accompagnement obligé le sous-œil, soit honorables soutiens de l'horticulture en France,
simple, soit double, ressource qui semble mé- M. Vibert (de Maine-et-Loire), a commencé à
nagée par la nature pour le cas où la bourre au- ce sujet des expériences dont le succès est dé-
rait péri par une gelée de printemps ; le sous- siré par tous les jardiniers et tous les vigne-
œil la remplace alors, et souvent avec avan- rons.
tage; parti plus tard que la bourre, il n'a pu La vigne s'élève rarement en pépinière à
être atteint par le froid c'est ce qui explique
; moins que ce ne soit dans le but de former des
l'abondance d'une récolle de raisin après une collections. La
meilleure manière d'établir une
gelée qui a détruit les bourres, phénomène plantation en espalier, c'est de planter des bou-
dont nos vignobles offrent de fréquents exem- tures de bonne espèce : les ceps venus de bou-
ples. ture sont toujours préférables au plant enraciné
Notons encore un fait qui découle en quel- obtenu de marcotte.
que sorte du premier, que nous avons signalé ;
le raisin ne peut atteindre sa parfaite maturité
§ III. — Choix et préparation du terrain : plantations.

tant que le bois qui le porte n'est qu'imparfai- Une donne à


terre à la fois fraîche et fertile
tement aoûlé \ le bois et le raisin, comme disent la vigne une rapidité de croissance, un luxe
les vignerons, mûrissent ensemble ; si le bois de végétation, une abondance de produits, dont
n'est pas mûr, le raisin ne peut mûrir. L'exa- aucune autre plante cultivée n'approche ; mais
men de ces faits jette un grand jour sur le mode le raisin est sans saveur. S'il appartient à une
de culture et de direction le mieux approprié variété recherchée, il perd les qualités recom-
à la vigne; à considérer le mode de végétation mandables de cette variété. La vraie terre à
de la vigne, on voit que, livrée à elle-même, raisin doit être parfaitement égouttée, propre
elle ne produirait rien ou presque rien , les soins à retenir, non pas l'humidité, mais la chaleur.
de l'homme lui sont indispensables elle l'en
; Lorsqu'elle est froide et compacte, il faut l'a-
récompense largement. Faire croîtrè et mûrir mender avec du sable, de la terre sablonneuse
de bonne heure le bois pour que le raisin arrive et quelques plâtras concassés avant d'y planter
a maturité avant la mauvaise saison ; empêcher la vigne au pied de l'espalier.
un excès de force végétative de détourner la On choisit pour boutures des sarments de
sève du raisin au profit exclusif du bois ; tels
m
0 ,60 à 0 m ,80 de longueur, en leur laissant au
sont les deux points principaux que le jardinier talon une crossette de bois de deux ans. La
ne doit pas perdre de vue, et qui doivent le longueur des sarments plantés n'est point, au
guider dans la manière de conduire la vigne en reste, ce qui importe le plus ; ils peuvent par-
espalier. C'est pour avoir parfaitement connu faitement reprendre avec deux ou trois yeux
et apprécié ces faits, et pour y avoir conformé I seulement en terre, pourvu qu'ils aient deux
110 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

bons yeux hors de lorrc. 11 n'est pas non plus les raisons pour lesquelles on ne comble qu'à
nécessaire de les enfoncer verticalement dans moitié la rigole A, quand elle a reçu les bou-
le sol ; il suffi! de les étendre dans une rigole tures de vigne.
de 0 m ,'25 à 0 n ',30 de profondeur, pourvu que La plantation des boutures doit être calculée
le sol ait élé profondément défoncé, et <|uc les de manière à ce que les ceps arrivés au mur
racines, à mesure qu'elles prennent naissance y soient à 0 m ,S5 l'un de l'autre, si le mur est
à la place des yeu\ enterrés, puissent s'étendre assez élevé pour recevoir cinq rangs de cor-
en liberté dans un sol de qualité convenable. dons, et à 0'",66 si l'on n'en peut placer que
Sous Le climat de Paris, les boutures de vigne quatre, ou un moins grand nombre. 11 peut ar-
se mettent en place au mois de mars, mieux à river que la nature du sol ne permette pas de
la (in qu'au commencement. Les accidents heu- planter les ceps aussi près les uns des autres ;
reux que peut présenter un cep de vigne en dans ce cas, on peut doubler les distances in-
particulier, quant à la grosseur ou à la préco- diquées, et planter de la même manière, dans
cité du raisin, se perpétuent par ses boutures; les intervalles, un nombre égal de ceps, mais
le choix des sujets csi donc de la plus grande de l'autre coté de la muraille. Les sarments
importance. On greffe rarement la vigne, si ce destines à garnir le mur du cote le mieux ex-
n'est pour rajeunir un cep épuisé. Lorsqu'un posé seront introduits par des trous ouverts
cep a été greffé à l'espalier, il faut tenir la pour leur livrer passage, et le mur se trouvera
greffe soigneusement couverte pour qu'elle complètement couvert. Ce rapprochement des
puisse résister aux effets pernicieux de l'éva- ceps, qui force leurs racines à se mêler, pour
poration et de la chaleur. ainsi dire, les unes dans les autres, n'est possible
On plante presque partout la vigne au pied qu'autant que des engrais appropriés à la na-
de l'espalier comme tout autre arbre à fruii; ture de la vigne lui fournissent tous les ans une
la méthode de Thomery réunit tant d'avantages nourriture substantielle. La vigne ainsi plantée
sur cette routine, que nous croyons devoir la ne «Vmnnrtp
ni- s'emporte jamais; viv'ft n inn annuelle
i.-m>.;iU* sa végétation :iiimn>ll<>t

décrire en déiail Los boutures ne se placent commence et finit de très bonne heure; ajou-
pas au pied du mur, mais a 1«",32 en avant du tez-y l'application raisonnée d'une taille réglée
mur, dans la plaie-bande. On ouvre à cet effet sur le principe de l'égale distribution de la
une rigole (A, fig. ) de 0"\50 de large sur sève dans toutes les partiel de la vigne, vous
aurez l'explication de la supériorité des pro-
duits des treilles de Thomery, produits qui ne
sont égalés nulle part ailleurs, mais qui peu-
vent l'être en se conformant aux mêmes prin-
cipes.
On ne peut raisonnablement objecter à ce
mode de plantation que le temps qu'il fait perdre.
Evidemment un locataire, à moins qu'il n'ait un
très long bail, ne peut trouver son compte à
établir une qui commencera seulement à
treille
couvrir le mur au moment où
il se trouvera

m menacé d'avoir un successeur mais le proprié- ;

0 ,30 de profondeur. C'est dans cette rigole taire sur qui ce motif n'a pas de prise ne doit
que se placent les boutures, parallèlement au pas craindre de retarder ses premières récoltes
pied de la muraille, de sorte que. pour faire ar- pour suivre une méthode qui lui fera amplc-
river la bouture H sur le point C du mur d'es- ,nC nt regagner le temps perdu. On voit (fig. 257)
palier, il faut laisser sortir son extrémité su-
périeure vis-à-vis de ce point dont elle est
m* m
éloignée de l m ,32 au moment de sa mise en
{)lace. On se gardera de combler entièrement
a rigole A il suflit que les boutures y soient
;

recouvertes de 0»,lfi de terre mêlée dé fumier


bien consommé. Si cette rigole était entière-
ment remplie, il se formerait nécessairement
des racines vers le point D de la bouture B.
Mais lorsqu'au bout de trois ans cette bouture
aura fourni un sarment propre à être conduit
vers le mur au point C. il faudra ouvrir une
seconde rigole à angle droit avec la première, la disposition des racines d'un cep tout formé,
allant directement du pied de la bouture vers palisse sur l'espalier,
la muraille, pour étendre le sarment dans celte _
rigole en laissant sortir seulement son extré-
e
*
,V " ~ Forma,,on de '* "R e el de * corûoos '

mité supérieure. Il ne faut donc pas qu'à cette La vigne n'arrive aupied de l'espalier qu'a-
époque il se trouve des racines en D, ce qui près trois années de culture ; elle y arrive sous
empêcherait le recouchage du sarment dans le forme de provin à l'époque où elle est en
selon lequel il doit être conduit; telles sont |
état de montrer son premier fruit. Le provin

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TITRE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 111

ou quatre yeux dont chacun


est taillé sur trois seconde année après l'arrivée du cep au pied
peut porter fruit II serait imprudent de laisser de l'espalier, on peut commencer à préparer le
subsister toutes les grappes qui s'y montrent premier cordon au moyen d'un bourgeon dou-
pour la première fois ce serait fatiguer le cep
; ble qui donne deux sarments à diriger en sens
et compromettre son avenir ; on en retranche contraire à une hauteur déterminée d'avance
plus ou moins, selon la force du sujet. L'épo- sur le mur. Le premier cordon inférieur s'éta-
que la plus convenable pour ce retranchement blit ordinairement à m ,32 de hauteur. Quelque

est celle où les grains de raisin ont acquis la fois, à défaut d'un bourgeon convenable, l'opé-
grosseur d'un pois. ration se trouve encore retardée d'une année ;
Quand la vendange est précoce, on peut tail- on rabat sur l'œil oui se trouve le plus rappro-
ler immédiatement après l'enlèvement du rai- ché au-dessous de la hauteur à laquelle le cor-
sin dans le cas contraire, on remet cotte opé
; don doit être établi ; cette taille ne manque ja-
ration au mois de février de l'année suivante : mais de provoquer la naissance des deux bour-
c'est une règle générale à laquelle on doit se geons dont on a besoin.
conformer durant toute l'existence de la vigne. Les tiges des autres ceps se taillent d'après
On ne profitera pas, pour l'allongement de la le même principe, sur l'œil le plus près de la
tige, de toute sa croissance de l'année ; on la hauteur où doit commencer le cordon ; mais, au
rabattra au contraire le plus près possible de la lieu de laisser chacune de ces tiges grandir en
naissance de son bourgeon inférieur. Pendant liberté et parvenir d'un seul jet à la place que
la végétation de l'année suivante, on se gar- son cordon doit occuper, on aura soin de ne
dera bien de supprimer les yeux qui naîtront l'y laisser arriver que peu à peu. Le temps que
le long de la tige, dans le but de favoriser ex- les ceps mettront à faire ce trajet ne sera pas
clusivement sa croissance en hauteur le bois de
; entièrement perdu ; chacun d'eux portera tous
la vigne ne devient robuste qu'en raison des les ans une quantité modérée de très beau rai-
bourgeons qu'on lui laisse pour y retenir une sin. Les bras ou cordons seront formés avec
partie de la sève ces bourgeons ne nuisent en
; la même prudence ils mettront toujours plu-
;

rien au bourgeon de prolongement de la tige sieurs années à atteindre la totalité de leur


pourvu qu'on lus empêche de s'emporter, et longueur, qui ne dépassera pas l m ,32 de cha-
rien n'est plus facile au moyen de plusieurs pin- que côté, de sorte que, quand les quatre cor-
cements repétés selon le besoin. A la fln de la dons seront établis, ils olfriront l'aspect repré-

senté figure 258. Pour éviter la confusion et ches fruitières de pêcher, sur un œil de rem-
rendre leur position relative plus facile à sai- placement, deviendront ce que les jardiniers
sir, nous avons cru devoir ne représenter qu'un nom ment des coursons. Au bout de quelques an-
cep de chaque cordon*, on se figurera facile- nées les coursons, auxquels on est obligé de
ment l'espalier entièrement couvert de cordons laisser tous les ans un talon qui porte les bour-
semblables. geons à fruit, espoir de la récolte suivante, se
On ne conservera pas la totalité des bour- trouveraient assez allongés pour laisser entre
geons à demi formés; on réservera seulement, eux et le cordon un vide aussi désagréable à la
sur le dessus du cordon, un certain nombre vue que préjudiciable à la production du raisin;
d'yeux, de manière à ce qu'ils soient à peu près l'attention du jardinier se portera sur les bour-
régulièrement espacés entre eux de 0 m ,l6 à geons adventifs qui sortent assez fréquemment
0 >n ,20 tout le long du cordon. Les autres se- du talon des coursons. En les rabattant sur
ront ménagés pour attirer la sève sur le cor- ces bourgeons chaque fois que l'occasion s'en
don et fortifier autant que possible cette partie présente, on les rajeunit assez à temps pour
essentielle du cep; on les arrêtera successive- prévenir leur allongement excessif.
ment par despincementsréitérés, pour finir par Réduite à ces principes, la taille de la vigne
les supprimer entièrement. Les bourgeons con- en espalier n'a plus rien de compliqué, rien de
«ervés, rabattus chaque année comme des bran- difficile. Tandis que, selon la méthode ordi-

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112 noimcuLTiTr.B. LIVRE VIII.

naire, le jardinier doit rester en délibération, sans inconvénient deû m ,03, et ne doit pas être
sa serpette à la main, avant d'avoir examiné moindre de 0'", 02. Par ce moyen, si la coupe,
comment il convient de tailler on de conduire faite avec le plus de soin, avec la lame la mieux
un sarment, cette hésitation n'est plus possible, affilée , ne peut empêcher le contact de la
par la méthode de Thomcry; la besogne est moelle et de l'atmosphère de faire mourir une
toute tracée; il n'y a plus qu'une marche cer- longueur d'un et quelquefois deux centimètres
taine et régulière a suivre, sans s'en écarter, du sarment, du moins la mort n'arrive pas jus-
pour atteindre le but de toute taille rationnelle, qu'à l'œil, et la végétation de la vigne n'en est
c'est-à dire pour concilier la bonne qualité et pas troublée.
l'abondance du fruit avec la conservation des
ceps et l'égale répartition de la sève dans toutes § V. — Ebourgeonneroent.
leurs parties. Si, par cette méthode, l'espalier Les principes de l'ébourgeonnement de la
de vigne est lent a se couvrir, il faut considé- vigne sont les mêmes que ceux de l'ébourgeon-
rer qu'une fois établi, il n'en est point d'aussi nement du pêcher; dans l'un comme dans
productif, car les coursons se trouvent répartis l'autre de ces deux végétaux, on ne doit laisser
avec une égalité parfaite sur les cordons qui de bourgeons que ce que le sujet peut raison-
couvrent le mur en entier, sans y laisser aucun nablement en nourrir; on doit bien se garder
vide. La méthode ordinaire donne plus tôt une surtout d'exiger de la vigne, par une avidité
pleine récolte et couvre plus tôt le mur; mais, inconsidérée, des récoltes trop abondantes,
comme on a laissé les cordons s'étendre à leur Rrises aux dépens des récoltes à venir ; le déve-
gré et s'allonger outre mesure, les coursons >ppement des bourgeons de remplacement est
y
sont dispersés çà et là de grands espaces ne
: pour la vigne comme pour le pêcher l'objet es-
,

produisent rien; sève se portant toujours


la sentiel de l'ébourgeonnement. Cette opération
aux extrémités, abandonne ou laisse languir doit être reprise à plusieurs fois, d'abord quand
les points intermédiaires; le cep ayant trop de les bourgeons ont acquis une longueur de 0 , 1
m
branches, et par conséquent trop de fruits à ali- à 0"\20, puis, successivement, à mesure que
menter, ne peut jamais donner que des pro- l'état de la végétation en fait sentir le besoin.
duits médiocres; tant de désavantages font Les vignes taillées et conduites à la Thomery
plus que compenser une légère perte de temps, ont rarement besoin d'être ébourgeonnées ; la
il n'y a même pas lieu de discuter la supério- sève est si également distribuée, et le nombre
rité de la taille à la Thomery, elle est trop évi- des bourres sur les coursons est en rapport si
dente. Quoique ces procédés soient connus et exact avec la vigueur de chaque cep, que l'é-
pratiqués depuis bien des années, il ne faut quilibre se maintient de lui-même. Quand l'é-
pas s étonner qu'ils soient à peine sortis des bourgeonnement est jugé nécessaire pour une
trois ou quatre communes où se récolte le rai- vigne en espalier à la Thomery, on ne supprime
sin vendu à Paris sous le nom de chasselas de jamais le bourgeon en totalité; on lui laisse un
Fontainebleau, puisque les jardiniers les plus talon muni de sa dernière feuille ; ce talon ne
éclairés, confirmés dans leur opinion par celle se retranche qu'à la taille d'hiver. Indépen-
de plusieurs auteurs dignes à d'autres égards damment des bourgeons, il naît dans l'aisselle
de leur confiance, croyaient, et croient encore, des feuilles de petits sarments, qui sont, à pro-
cett%manière de tailler et de conduire la vigne prement parler, les bourgeons anticipés de la
propre exclusivement à ce canton, dont le sol vigne; les jardiniers les désignent sous le nom
et l'exposition sont à leurs yeux les seules cau- à'ailerons ou entre- feuilles ; ils doivent être
ses réelles de la qualité supérieure de leur chas- supprimés à mesure qu'ils se montrent. Dans
selas. M. Le li cur a victorieusement combattu les premiers temps de leur croissance, ils adhè-
ce préjugé , qui doit finir par tomber devant rent fort peu au sarment qui les porte ; il suf-
des expériences après lesquelles le doute n'est fit de les tirer de haut en bas pour les détacher.
plus permis. On surveille avec la même attention la crois-
La contexturedu bois de la vigne diffère es- sance des vrilles ou longs filaments de la vigne
sentiellement de celle du bois des autres arbres qui, s' accrochant en spirale à toutes les bran-
fruitiers ; elle n'a presque pas d'aubier appa- ches qu'ils peuvent atteindre, finiraient, s'ils
rent; le centre des sarments à retrancher cha- étaient livrés à eux-mêmes, parfaire de la vi-
que année est occupé par un large canal mé- gne une masse végétale impénétrable. Ils ont,
dullaire qui ne supporte pas le contact de l'air en outre, l'inconvénient beaucoup plus grave
atmosphérique. Ainsi, tandis qu'une branche de détourner à leur profit la sève destinée à
de pommier, par exemple, rabattue tout près l'alimentation do raisin qu'ils exposent à cou-
d'un œil à bois, se prolonge par le développe- ler. Les vrilles de même que les bourgeons ne
ment de cet œil, sans éprouver d'autre dom- se suppriment pas au niveau de l'écorce ; il est
mage qu'une plaie promptement cicatrisée bon ae leur laisser un talon de quelques centi-
quand la coupe a été bien sarment de
faite, le mètres de longueur.
la vigne, rabattu tout près de sa bourre, meurt
sur une certaine longueur et détermine la mort § VI. — Pincement.
de la bourre elle-même. On voit combien il im- Si l'on abandonnait à leur végétation natu-
Eorte de laisser une distance suffisante entre la bourgeons conservés sur une vigne ré-
relle les
ourre et la coupe ; cette distance peut être gulièrement conduite, ils ne tarderaient pas à

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TITRE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 113

s'allonger outre mesure ; presque tous dépas- à perpétuité, car de l'abricotier est fort
la vie
seraient en s élevant vers le haut de l'espalier longue, surtout quand il est franc de pied ;
m nous connaissons même dans quelques jardins
l'espace de 0 ô0 laissé entre chaque cordon ;
ils iraient par conséquent s'entremêler dans les des environs de Paris des abricotiers très vieux,
bourgeons du cordon immédiatement supérieur encore vigoureux et productifs bien qu'ils
à celui auquel appartiennent les coursons qui soient greffés, et qu'ils n'aient jamais été tail-
les portent ; ils absorberaient plus de sève qu'il lés. Si I on recherche avec soin la cause de ce

ne leur en revient ; les yeux inférieurs, espoir phénomène, on remarque en premier lieu un
de la récolte suivante, ne pourraient acquérir fait très fréquent dans les années favorables ;
assez de vigueur pour devenir de bons bour- les yeux à bois des pousses de l'année s'ouvrent
geons de remplacement c'est à tous ces in-
: à la seconde sève; ils poussent des jets toujours
convénients qu'on remédie au moyen du délicats en raison de l'époque tardive à laquelle
pincement. L'usage des cultivateurs de Tho- ils se développent ces jets ne peuvent jamais
;

mery est de compter les yeux à partir du bas mûrir leur bois avant les premières gelées qui
du bourgeon, et de le pincer au huitième ou arrêtent la sève surpris par le froid dans un
;

neuvième œil. Nous pensons que comme la dis- état encore herbacé, ils meurent et font mourir
tance entre les yeux peut être fort variable et quelquefois jusqu'à la hase la branche qui les
qie leur nombre n'a ici aucune importance porte; les yeux qui s'ouvrent à la base de cette
réelle, il vaut mieux prendre pour base l'al- branche ne manquent pas de la remplacer.
longement des bourgeons et pincer uniformé- L'observation de ce premier fait montre com-
ment au niveau du cordon supérieur, c'est-à- bien il serait absurde de donner pour base à la
dire à0-,50,ceux quidépassent cette longueur; taille de l'abricotier les principes qui régissent
quant aux bourgeons qui se sont trouves trop celle du pêcher, la végétation de ces deux ar-
faibles pour s'allonger de U m ,ôO. on les pince bres étant essentiellement différente. On voit
selon leur force, dans le but de favoriser les aussi par là vers quel but doit être dirigée la
yeux de remplacement qu'ils portent à leur conduite générale de l'abricotier ; il s'agit prin-
base. Le pincement produit encore un autre cipalement de prévenir la végétation anticipée
résultat non moins important; il permet de des yeux supérieurs du bourgeon de l'année, la
contenir les bourgeons situés aux extrémités mort fréquente de ces bourgeons n'ayant pas
des bras et disposes à s'emporter aux dépens d'autre cause que la mort inévitable des jets
des autres; il suffit de les pincer à plusieurs imparfaitement aoùtés produits tardivement
reprises pour que l'équilibre de la végétation par les yeux voisins de leur pousse terminale.
ne soit point dérangé. On n'attend pas pour Les rameaux de l'abricotier, même quand ce
soumettre la vigne au pincement qu'elle soit développement prématuré des yeux supérieurs
arrivée au mur d'espalier, et qu'elle y ait pris n'a pas eu lieu, meurent souvent par leur ex-
la forme définitive représentée (fig. 35); on trémité supérieure ; c'est toujours par là que
commence à la pincer au 12* ou 13* œil, dès la périssent les rameaux épuisés. Remarquons en-
troisième année après qu'elle a subi l'opération core comme un fait propre à la végétation de
du couchage. l'abricotier, que la mort des rameaux, quelle
qu'en soit la cause, va toujours de haut en bas,
S VU. — Palissage.
et s'arrête plus difficilement que dans tout autre
Cette opération n'a pas sur la végétation arbre fruitier; si la partie morte est retranchée
de la vigne la même influence que sur celle seulement un peu trop court, la branche meurt
du pêcher; les sarments peuvent être in- au-dessous de la coupe. L'abricotier est de tous
clines dans toutes les directions, sans que les arbres à fruits à noyau le plus sujet à la
leur force ou leur fertilité en paraisse modifiée gomme, maladie qui trouble le cours de la vé-
d'une manière appréciable; le palissage de la gétation et entrave la libre circulation de la
vigne n'exige donc que quelques précautions sève; aussi la pousse de l'abricotier est-elle ex-
pour ne pas rompre les bourgeons, toujours cessivement capricieuse ; tantôt il donne des
m
assez fragiles tant que leur bois n'est pas com- jets de 1 ,50, tantôt, sans cause apparente, il
plètement aoûté. pousse péniblement des jets de quelques déci-
mètres.
1

Sicnoti m. — Taille conduite de l'abricotier.


et Les faits que nous venons d'exposer doivent
toujours être présents à la mémoire du jardi-
S I". — Végétation naturelle.
nier ; la taille et la conduite rationnelles de
Lavégétation naturelle de l'abricotier offre l'abricotier sont basées sur la connaissance de
avec celle du pêcher un contraste frappant. ces faits.
Tandis que le pêcher, livré à lui-même, se dé-
pouille toujours du bas et pousse toute sa sève $ II. — Caractères de» branches.

vers le haut de ses branches dont la partie in- Les branches de l'abricotier, considérées sous
férieure reste pour toujours nue et dégarnie, le rapport de la production du fruit, sont en
l'abricotier suit une marche inverse c'est tou- -, même temps à fruit et à bois, c'est-à-dire que
jours par le sommet que meurent ses branches les yeux à bois y sont mêlés sans régularité
remplacées par le développement de leurs aux yeux à fruit ; les uns et les autres, pris
bourgeons inférieurs, et cela, pour ainsi dire. dans leur ensemble, sont disposés dans l'ordre
T. V. — 15

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114 HORTICULTURE. îivrtr vin.

alterne; reposent sar un support très sail-


ils en est qui couvrent plus de 60 mètres carrés
lant, surtout ceux qui appartiennent à la pousse de surface et qui, en raison de l'exposition et
terminale, comme on le voit sur la branche A de l'excellente qualité du sol , se chargent de
(fig. 259). Les yeux sur les bourgeons d'abri- fruits presque tous les ans.

Flff. 255). § III. — Abricolier en espalier.

Les auteurs plus accrédités qui ont écrit


les
sur la taille des arbres fruitiers sont unanimes
pour rejeter l'abricotier parmi les arbres de
plein-vent, et pour blâmer sa culture en espa-
lier; nous ne saurions être de leur avis. Il est
bien vrai, comme le dit avec raison M. Le-
cotier sont toujours très rapprochés ; ils le sont lieur, que l'abricot ne mûrit jamais bien en
surtout sur les petites lambourdes, productions espalier, et que même quand il v mûrit le
fruitières représentées en B, même figure. On mieux, son fruit n'acquiert jamais le degré de
voit dans Tune et l'autre de ces deux branches saveur qu'il doit au contact de l'air dans toutes
que les yeux à fruits sont tantôt simples, tantôt les directions sur les arbres en plein-vent ;

doubles ou multiples; les boutons de fleurs s'y ainsi l'amateur de fruits se contentera de quel-
forment intérieurement pendant le cours de la ques abricotiers en espalier, pris parmi les es-
végétation annuelle pour s'ouvrir au printemps pèces les plus précoces. Mais le jardinier de
suivant. profession regardera toujours la culture de l'a-
L'abondance excessive de la gomme dans I a- bricotier en espalier comme l'une des plus pro-
bricotier le range dans la classe des arbres, qui ductives qui puisse utiliser ses murs à bonne
comme disent Tes jardiniers, n'aiment pas le , exposition. L abricot manque autour de Paris
fer, et veulent être taillés le moinspossible ; à l'ex- d'une manière absolue; on en fait venir à
ception des branches qui meurent par accident i grands frais du Bourbonnais et de l'Auvergne ;
ou maladie, il ne faut retrancher aucune grosse il n'est donc pas vrai, comme ledit le Bon Jar-

branche à l'abricotier ; le pincement et l'éhour- dinier, i\ue l'abricot ne mérite pas l'honneur de
geonnement doivent suffire pour diriger la vé- l'espalier. Sous le rapport du bénéfice, nous di-
gétation de l'abricotier de manière à ce qu'il rons, nous, que pas un arbre fruitier, sans en
ne soit jamais nécessaire de lui supprimer de excepter le pêcher, ne le mérite mieux que lui.
grosses branches bien portantes; les branches puisque pas on n'est plus productif. Nous avons
malades se retranchent le plus loin possible dû appeler sur ces considérations l'attention
au-dessous de la partie endommagée; la plaie des jardiniers, et justifier d'avance les détails
doit être immédiatement couverte d'onguent dans lesquels nous croyons utile d'entrer rela-
de Saint-Fiacre ou de cire à greffer; moins tivement à la taille et à la conduite de l'abrico-
elle prend moins l'épanchement de la
l'air, tier en espalier.
gomme est à craindre, et mieux on obtient la L'abricotier se plante ordinairement tout
cicatrisation. Ces suppressions ne doivent ja- greffé,un an après avoir reçu la greffe. Les su-
mais se faire hors le temps du repos de la sève , jets francs de pied lors qu'on les obtient de
l'abricotier veut être taillé de très bonne heure. semis aussi bons et aussi productifs que les ar-
Les branches à fruit de l'abricotier se taillent bres greffés ou non dont ils proviennent, sont
sur un de leurs yeux à bois inférieurs, qui de- préférables aux sujets greffés. L'arbre, planté
vient leur bourgeon de remplacement il faut ; de bonne heure à l'arrière -saison, se taille de
donner beaucoup d'attention à maintenir par très bonne heure au printemps ; l'époque ne
la taille le plus parfait équilibre de végétation elle dépena entièrement de
r»eut être précisée;
entre toutes les parties de l'abricotier. Lors- 'état de la végétation qui tient à l'état de la
qu'au bout d'un certain nombre d'années les température: on se rèt;le sur ce principe que
branches-mères d'un abricotier sont dégar- l'abricotier doit être taillé avant la reprise de la
nies et épuisées, bien qu'elles n'offrent aucun végétation, dont il faut épier les premiers
signe de mort prochaine, l'arbre doit être re- symptômes pour les devancer. La première
cépé; il offre sur le pêcher cet avantage que taille consiste à rabattre la tige à 0"»,2.5 du sol.
tandis que le pêcher une fois épuisé n'est plus On surveille les bourgeons qui naissent et
bon quà être remplacé, l'abricotier recépè qui croissent en très peu de temps. Lorsqu'ils
donne toujours du jeune bois, quel que soit son ont atteint une longueur de quelques centi-
âge. On peut voir l'un des exemples les mètres, ce qui a lieu d'ordinaire en avril sous
plus remarquables de ce rajeunissement per- le climat de Paris, on arrête le choix des bour-
pétuel de l'abricotier le long du mur en ter- geons à conserver pour établir la charpente de
rasse qui soutient la chaussée de Paris à Vin- l'arbre; on les prend autant que possible vis-à-
cennes. Cette chaussée a été construite il y a vis l'un de l'autre ; lerestedes bourgeons est sop -
plus d'un siècle ; les abricotiers dont elle est primé. Dès que l'un des deux parait plus ou
garnie au sud-ouest ont été plantés à la même moins fort que l'autre, il faut se hâter de re-
époque ; partout où les jardins n'ont pas été courir au pincement ou au palissage pour con-
remplacés par des constructions, ils subsistent server entre eux la plus parfaite égalité; il n'y
encore; tous ont été rajeunis bien des fois; il a pas d'inconvénient, tant qu'ils se comportera

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r

titiie ni. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS 115

bien, à les laisser croître en toute liberté. Au toutes plus on moins brandies à fruit; les pe-
premier palissage on peut laisser les deux tites brandies antérieures 1)1) sont ebargees
bourgeons dans leur position naturelle qui s'é- presque uniquement de boutons à fleur. La taille
loigne peu de la verticale et qui laisse par con- de l'année suivante se règle sur les mêmes
séquent entre eux fort peu d'espace. principes; les quatre membres doivent être ra-
Au printemps de l'année suivante le cbicot
, battus chacun sur un bon œil à bois, autant
est rabattu au niveau de l'ecorce; il s'agit en- que possible à la même bauteur, à0'".50 ou même
suite de tailler les deux membres commencés 0 ",GO de leur point de départ de l'année précé-
l'année précédente. Le but de cette taille doit dente. La longueur de cette taille doit être dé-
Être de faire ouvrir le plus d'veux possible, afin terminée bien moins [aria vigueur des membres
de préparer en même temps la formation de la qui ont ordinairement plus de force qu'il ne leur
charpente et la mise à fruit de l'abricotier. en faut pour se prolonger, que par le nombre et
Dansée but, on laisse aux membres environ la disposition des yeux dont ils sont garnis. Ces
0,
n '2">
a partir de leur insertion sur le tronc -, veux sont quelquefois assez éloignés les uns
lacoupe doit être tournée vers le mur et re- des autres dans ces jeunes brandies puis, si ;

couverte immédiatement comme nous l'avons par une taille trop longue on en laisse un trop
recommandé. Les deux yeux qui s'ouvrent la grand nombre, ils ne s'ouvrent pas tous; il en
teralement le plus près de la coupe sont les résulte alors des vides qu'on ne peut plus rem-
plus importants pour le jardinier, puisque ce plir. Il vaut beaucoup mieux retarder le plaisir
sont eux qui continuent la charpente; on laisse de voir l'espalier promptemenl couvert, et ne
subsister tous les autres, quel que soit leur laisser à la taille de la seconde année qac le
nombre, à l'exception seulement de ceux qui nombre d'yeux en rapport avec le développe-
sont placés en arrière, entre la brandie et le ment régulier du jeune arbre qui d'ailleurs se
cœur. Il n'est point à craindre que les bour- mettra d'autant plus vite» a fruit qu'il sera
geons provenant de ces yeux l'emportent, si moins force dans sa croissance. L'ébourgeon-
Ton a soin de favoriser la croissance des bour- nement devient cette année tout -à-fait indis-
geons de prolongement ceux-ci détourneront
; pensable à deux reprises différentes, la pre-
toujours à leur profit presque toute la sève; ils mière à la fui d'avril, pour supprimer les bour-
deviendront avant la fin de la saison quatre geons superflus ou mal places, et la seconde
membres bien formés il faut commencer à les
; au mois d'août, quand on peut juger l'action
éloigner de la verticale mais avec modération.
. de la seconde sève sur les bourgeons anticipés.
Les autres bourgeons seront devrons dans le Les pincements se font en proportion du déve-
même temps des brandies à fruit, c'est-à-dire, loppement des bourgeons conserves; il y a des
que quelques boutons à fruit se seront formés années où cette parue de la besogne du jardi-
parmi leurs yeux à bois, tandis que les bran- nier est presque nulle, et d'autres où elle exige
dies de prolongement n'auront que des yeux à de lui des soins continuels. On peut sans crainte
bois. Les yeux antérieurs prennent naturelle- laisser l'abricotier prendre de grandes dimen-
ment moins de croissance que les yeux laté- sions; ses brandies à fruit restent ordinaire-
raux; leurs bourgeons s'arrêtent ordinaire- ment productives pendant six à buit ans; on a
ment à 0 m ,0S ou 0'",10 de longueur; dans ce donc tout le temps de leur préparer des bran-
cas on les laisse tels qu'ils sont ; ce sont eux dies de remplacement, à mesure qu'on prévoit
qui porteront les premiers abricots. Les bour- leur décadence. Les vieux abricotiers recepés
geons provenant des veux latéraux sont pin- donnent souvent une quantité de bois dont on
ces selon le besoin, alin de maintenir dans tou- pourrait êire embarrassé si l'on n'avait soin
tes les parties de l'arbre l'équilibre le plus par- d'ebourgeonner à temps et de diriger la sève
fait possible. A la fin de la deuxième année vers les rameaux destinés à lui créer une nou-
après la mise en place à l'espalier, l'arbre doit velle charpente. Quoique moins souple que le
présenter les dispositions que montre \hfig. 2G0. pêcber, l'abricotier se prête cependant à beau-
Fig. 560. coup de formes différentes; la forme en éven-
tail {fig. 261) est la plus usitée.

FV . 20 1.

Les membres A A l'emportent de beaucoup en


grosseur et en vigueur sur les autres produc-
tions de l'année ; les brandies latérales BB sont On peut sans inconvénient laisser à I'abrico

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116 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

au momentdu palissage, uncertain nombre


tier, ment protégé par une haie ou par un abri
de jets en avant des branches principales, quelconque contre le vent dominant, seul but
m
pourvu qu'ils ne dépassent pas 0 08 àO œ ,10;
, qu'on se propose d'atteindre en donnant cette
ce sont toujours ceux qui portent les plus forme à l'abricotier.
beaux et les meilleurs fruits; ils représen-
tent tout à fait pour l'abricotier les bouquets Section IV. — Taille et conduite du prunier.
du pécher qui sont aussi sur cet arbre les pro-
ductions fruitières les plus précieuses. Ces jets,
$ — Végétation naturelle.

tant qu'ils n'atteignent pas au-delà de la lon- Si toutes les fleurs du prunier venaient à
gueur désignée ci-dessus, ne doivent point être bien, l'arbre ne pourrait nourrir tous ses fruits,
taillés; on ne taille pas davantage les lambour- tant sa floraison est abondante; sa végétation
des ou branches fruitières latérales qui s'arrêtent naturelle offre cette particularité que les bou-
m 25 de longueur;
d'elles-mêmes à 0 m ,20 ou 0 ,
tons à fleur s'y forment d'eux-mêmes sur toute
les autres se taillent plus ou moins longues en la longueur des branches à fruit (fig. 262),
raison de leur force relative et du nombre Fig. 2o2.
d'yeux à fleur dont on les voit chargées. On
reproche à l'abricotier de se prêter mal à la
^aK ^
:
conduite en espalier, parce qu il se dégarnit
Sromptement du bas et laisse de place en place
es vides nombreux dépourvus de productions sans qu'il soit jamais nécessaire de provoquer
fruitières; on peut juger par ce qui précède si par la taille le changement des yeux à bois
ce reproche est mérite ; on ne doit s en pren- en boutons à fruit, comme on te fait pour
dre qu'à la négligence du jardinier lorsqu'un le poirier et le pommier, qui, sans cette pré-

arbre aussi docile que l'abricotier, aussi prompt caution, seraient très peu productifs. Si l'on
à rejeter du bois jeune et fertile partout où il ajoute à cette propriété naturelle des yeux du
est convenablement taillé, laisse des vides im- prunier celle de former sans aucun secours ar-
productifs sur le mur d'espalier. tificiel une tête gracieuse où les branches sont
distribuées souvent avec autant de régularité
§ IV. — Abricotier en plein-vent.
que si le jardinier avait mis tout son savoir-
L'abricotier en plein- vent n'exige pas moins faire à les disposer par le palissage, on doit en
de soins que l'abricotier en espalier, lorsqu'on conclure que le prunier sous le double rapport
veut en obtenir des récoltes abondantes et as- de la production et de la forme, est de tous nos
surer la longue durée des sujets. Après l'avoir arbres à fruit celui qui à le moins besoin d'être
taillé. En effet, le prunier en plein-vent à haute
freffé à la hauteur de deux mètres, on lui forme,
'après les principes que nous venons d'expo- tige, forme qu'on lui donne le plus souvent, ne
ser, quatre membres principaux dont on dirige se taille presque point. Le jardinier, après l'a-
la végétation par le pincement et l'ébourgeon- voir établi sur quatre membres, comme nous
nement. Pendant les deux ou trois premières l'avons indiqué pour l'abricotier, peut le laisser
années, il est bon de palisser ces branches au aller; iln'aplusqu'àledébarrasserduboismort,
moyen d'un cerceau, afin de les maintenir à et à supprimer au besoin les bourgeons qui
égales dislances entre elles; on aura soin à la menaceraient de s'emporter en branches gour-
taille de ne pas laisser l'intérieur de la tète mandes. Si la suppression d'une branche gour-
ainsi formée s'encombrer de branches super- mande ou la mort d'une bonne branche laisse
flues; on préviendra la perte des branches un vide dans la tête du prunier, il suffit de
épuisées en les rabattant dès que leur fertilité tailler sur un bon œil à bois deux ou trois des
commencera à diminuer on -, surveillera toutes bourgeons de l'année les plus voisins du vide
les productions fruitières pour leur ménager à remplir; il en résultera des bifurcations qui
des branches de remplacement. L'abricotier en ne tarderont point à produire l'effet désiré.
plein-vent se rajeunit et renouvelle sa charpente
aussi facilement que l'abricotier en espalier ;
5 II. — Prunier en espalier.

il veut être débarrassé avec encore plus de soin La prune, quelle que soit son espèce, mûrît
des branches mortes ou malades, parce que la plustôtà l'espalier qu'en plein- vent; elle est
position presque verticale du jeune bois y sous ce rapport le contraire de l'abricot, qui
rend la propagation du mal bien plus rapide pourtant offre avec la prune de nombreuses
que dans les branches de l'abricotier en espa- analogies. Les jardiniers de profession culti-
lier dont la position se rapproche toujours vent peu la prune en espalier , ils trouvent un
beaucoup plus de laligne horizontale. Dans les meilleur emploi de leurs murs bien exposés, en
pays exposés aux vents violents, on conduit les garnissant de pêchers et d'abricotiers. Ce-
.souvent l'abricotier en corbeille ou en vase, pendant, on obtient un prix fort avantageux
Dans ce
après l'avoir greffé tout près de terre. des belles prunes précoces récoltées sur les ar-
cas, on le taille exactement comme nous ve- bres en espalier : la reine Claude et la mirabelle
nons de l'indiquer pour l'abricotier en plein- sont les prunes les plus recherchées et les plus
veni à haute tige, en ayant soin seulement de avantageuses pour le jardinier. L'amateur ne
ne pas loi laisser prendre un trop grand déve- doit point dédaigner de leur consacrer une par-
loppement, afin qu'il puisse être plus facile- I tic de ses murs au midi, s'il tient à les récolter

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TITRE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 117

de bonne heure, au nord-oaest s'il veut pro-


et nier d'être taillé. La
sur quelque arbre
taille,

longer sa jouissance. La conduite du prunier en Îju'on opère, a pour bot de donner au sujet une
espalier diffère peu de celle de l'abricotier; orme convenable et de provoquer sa mise à
seulement , les branches à fruit étant en fruit. Le cerisier se met à fruit de lui-même, et

grand nombre sur le prunier en espalier, et prend naturellement la forme qui convient le
constituant presqu'à elles seules les productions mieux à son mode de végétation ; comme il est
fruitières, on peut sans inconvénient multiplier encore plus sujet à la gomme que l'abricotier
les membres plus que dans l'espalier d'abrico- et le prunier, il craint le fer comme ces deux

tier, et* laisser conséquemment un peu moins arbres, et ne doit être prive de ses grosses bran-
d'intervalle entre elles. La fig. 263 montre la ches qu'en cas d'absolue nécessite. Lorsqu'on
l'élève en plein-vent, une fois que sa tête est
Fig. 263.
commencée sur quatre bonnes branches, il n'y
a plus à s'en occuper ; toute branche morte où
endommagée peut être remplacée par le déve-
loppement des yeux qui ne manquent jamais
de percer l'écorce, quel que soil l'âge du bois.

$ II. — Cerisier en espalier.

avec
fertilité .

forme la plus convenable sous laquelle le pru- moins lucratif que celui d'un bon espalier de
nier puisse être conduit en espalier ; c'est une pêcher ou d'abricotier. Rien n'est plus agréable
forme en éventail un peu serré ; on peut laisser a conduire qu'un espalier de cerisiers; ces ar-
prendre aux membres AA une longueur indé- bres sont d'une docilité parfaite leurs jets, :

finie, pourvu qu'on maintienne l'égalité de vé- longs et souples, peuvent être palissés très près
gétation entre les deux côtés qui se correspon- les uns des autres, de sorte que le mur est par-

dent. Les bouquets du pécher sont, comme faitement couvert en très peu de temps on ;

nous l'avons vu, terminés par un œil à bois qui n'a point à craindre, comme pour le pêcher,
ne donne que des feuilles et ne se prolonge que les branches palissées dans une situation
pas; les bouquets du prunier, bien qu'ils offrent verticale s'emportent aux dépens du reste de
exactement la même disposition, et que leur l'arbre ; rien ne s'oppose à ce que le cerisier en
œil à bois terminal ne s'ouvre d'abord qu'en espalier soit conduit avec la plus régulière
feuilles , durent néanmoins plusieurs années, symétrie. Les yeux à fleurs du cerisier mettent
pendant lesquelles ils deviennent successive- trois ans à se former ; mais une fois la mise à

ment des brindilles , puis des branches, qu'il fruit bien établie, ils se succèdent sans inter-
est nécessaire de rabattre sur un œil à bois. ruption, et donnent tous les ans. Les produc-
Les productions fruitières du prunier sont fer- tions fruitières du cerisier sont des lambourdes
tiles comme celles de l'abricotier pendant six ( fig.
264 ), dont la taille prévient le prolonge-
ou huit ans on pourvoit à leur remplacement
;
ai'. 264.
dès que leur fertilité diminue. Toute petite bran-
che ou brindille B placée sur le devant d'une
branche principale de l'espalier peut être con-
vertie en un bouquet il suffît pour cela de la
; ment excessif; on en provoque le remplace-
rabattre très court; on la traite ensuite comme ment avant qu'elles soient épuisées. Les ceri-
les autres bouquets formés naturellement. siers nains, greffes sur mahaleh, cultivés en
Le prunier se prête également bien à prendre pots, se conduisent d'ordinaire en quenouille ;
à l'espalier la forme en palmette à tige simple cette forme n'offre d'autre avantage que celui
(voir Pêcher, fig. 245), et en plein-vent la forme de tenir peu de pince sur la table où ces cerisiers
en quenouille ou pyramide {voir Poirier, fig. sont destinés à figurer au dessert avec leurs
278 ). Ces dernières 'formes sont celles sous les- fruits mûrs ; le cerisier ne se plaît pas sous
quelles on conduit les pruniers nains élevés cette forme; trop contraire à sa libre végétation.
dans des pots et forcés dans la serre pour figu-
rer au dessert à l'époque de la maturité des Section VI. — Taille conduite du poirier.
et

fruits, qui ne perdent rien de leur volume ni de


leur qualité, quelque petits que soient les ar-
§ I — Végétation
er . naturelle.

bres qui les portent. Il n'est point d'amateur Les arbres à fruits à pépins, moins capri-
ayant une serre qui ne puisse, avec quelques cieux que les arbres fruitiers à noyau, quant à
soins, et presque sans dépense donner cet or-
, la régularité des récoltes sont beaucoup plus ,

nement à ses desserts. lents à se mettre à fruit; livrés à eux-mêmes,


ils s'y mettraient fort tard ou même ils ne s'y
Section V. —
Taille et conduite du cerisier. mettraient pas du tout ; les bons fruits à pépins
sont, plus que tous les autres, des conquêtes de
§ I". —
VégéLlioo oalurelle.
l'industrie humaine, conquêtes que l'homme ne
Le cerisier a encore moins besoin que le pru- peut conserver qu'à force de soins. Le poirier

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118 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

est,par le nombre, la variété et les qualités pré- œil à bois ; au printemps pour
cet œil s'ouvre
cieuses de ses fruits, le premier d'entre nos former un rameau semblable en tout à celui
arbres fruitiers à pépins. Avant de nous occu- qui l'a porté; la branche, livrée à elle-même,

per des moyens d'en obtenir par la taille des continue à croître ainsi par son extrémité su-
récoltes régulières abondantes et durables,
, périeure. Tous les yeux des pousses de chaque
nous devons étudier son mode particulier de année sont à bois sans exception. Suivons sur
végétation. un rameau de trois ans (fig. 265) la destinée de
Toute branche de poirier se termine par un yeux, en commençanti
Fig. 265.

traitsAA divisent la branche en trois sections, tinct, mais très vivace, et qui devient un bour-
1,2, 3, dont chacune représente le produit geon vigoureux en fort peu de temps , lorsque
d'une année de végétation. Les yeux de la troi- son compagnon vient à périr ou à être retran-
sième section n'ont subi que des modifications ché. Cette ressource précieuse d'un sous-œil
peu apparentes dans le cours annuel de la végé- dormant, qu'on peut toujours éveiller à vo-
tation; quelleque soit leur destinée ultérieure, ils onté, n'existe que dans les arbres à fruits à pe-
ne représentent pour le moment que des yeux )ins. Ces arbres ont encore une autre ressource;
à bois. Ceux de la deuxième section sont plus es yeux du talon ne sont oblitérés qu'en ap-
sensiblement modiliés ; nous n'en voyons cepen- parence; ils sont toujours prêts à percer l'é-
dant pas un qui soit devenu bouton à fruit quel-
; corce. On peut toujours compter sur eux lors-
ques-uns seulement sont en train de le deve- que, par une taille courte, on force la sève à
nir, transformation très lente chez le poirier. se porter de leur côté.
De plus, nous remarquons vers le haut de la Après avoir vérifié cette marche constante
seconde section plusieurs productions BBB, en de végétation du poirier, nous sommes en
la
tout semblables à la première section, sauf les état de juger en quoi elle contrarie nos vues
dimensions ce sont des yeux à bois qui se sont
; dirigées vers la production du fruit, et nous
ouverts en bourgeons; ils sont situés immédia- pouvons entrevoir par quels moyens il nous
tement au-dessous de l'origine de la troisième sera facile de favoriser le développement des
section; ils suivaient avant son développement productions fruitières ; nous n'en voyons en-
l'œil terminal, duquel cette section est sortie. core aucune bien formée sur la branche que
Au-dessous de ces bourgeons, nous trouvons, nous venons d'étudier {fig. 265) ; cette branche
sur la deuxième section, des yeux plus avancés est trop jeune.
vers l'état fertile plus bas, la place des yeux
;

inférieurs est à peine visible; ilsnesesont point S II. — ProductioD» fruitière».

ouverts; ils existent cejpendant, mais dans un Les boutons à fruit mettent souvent plus
état de sommeil végétal; la sève, attirée trop de quatre ans à passer de l'état de boutons
puissamment par les bourgeons situés au-des- a bois à celui de production fruitière. La
sus d'eux, a passé à côté d'eux sans qu'ils aient fig. 266 représente un bouton à fruit parvenu
pu en profiter. Les derniers, placés tout près
Fig. 268, 270.
du talon, sont tout-à-fait oblitérés. Ceux de
la première section ont suivi exactement la
même marche, seulement, comme ils out vé-
gété un an de plus, les bourgeons sont plus
forts et peuvent avoir déjà eux-mêmes des
bourgeons développés; les yeux fertiles sont
f»lus avancés vers le moment où ils porteront Fig. 266, 267, 269.
eurs premières Heurs, bien que ce moment ne
soit point encore venu. Enfin le bas de la à sa perfection et prêt à s'ouvrir. Les rides
branche est complètement uu; on n'y distingue de son support sont les traces laissées par
aucun des yeux inférieurs, qui, lorsque cette les pétioles des feuilles qui l'ont protégé pen-
section était encore à l'état de bourgeon, se dant le cours de son existence, et sans les-
voyaient aussi apparents que ceux dont est quelles il n'aurait pu attirer la sève nécessaire
garnie la troisième section dans toute sa lon- à son accroissement. Tout œil à bois, quelle que
gueur. Tels sont les faits qui s'offrent à nous soit sa place sur le poirier, peut, dans des cir-
au premier aspect. Un examen plus attentif constances données, devenir un bouton à fruit;
nous fera reconnaître, à côté de tout œil à bois s'il n'est point oblitéré comme ceux du bas des

ou à fruit un sous-œil, souvent très peu dis-


, rameaux, s'il ne s'ouvre point en bourgeon

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Timt m. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 119

comme les yeux de l'œil terminal, il


voisins rier; les plus précieuses sont, sans contredit,
frossit peu a peu, prenant tous les ans une ou les bourses, quelquefois réunies en assez grand
eux feuilles de plus que l'année précédente, nombre; elles présentent alors l'aspect repré-
feuilles dont la hase du bouton tout formé con- sente fig. 272. Les arbres qui contiennent le
serve la traee. L'œil qui doit fleurir au bout
d'un an ne porte pas moins de cinq feuilles ;
le plus souvent, il en porte sept.
Les bourses (fig. 267) sont des productions
fruitières qui naissent à la place d'un bouton,
soit qu'il ait porté fruit, soit qu'il se soit seule-
ment ouvert en fleurs stériles; elles se cou-
vrent d'yeux, qui, selon le cours naturel de
leur végétation, se changent tous, an bout d'un
temps plus, ou moins long, en boutons h fruit :
les yeux dont se chargent les bourses sont dus plus grand nombre de productions fruitières
aux feuilles qui lesont nourris dans leurs ais- de ce genre ne sont pourtant pas toujours les
selles. Les bourses ne naissent que sur une plus fertiles; souvent un arbre près de sa lin,
,

branche qui a montré ses premières fleurs. se couvre d'une multitude de bourses ainsi
Les lambourdes (fig. 268) sont des branches groupées, dont les boutons fleurissent, mais ne
à fruit qui naissent sur des bourses, soit natu- portent point de fruit; pour que les fleurs
rellement, soit par suite d'une taille ayant pour nouent, que le fruit tienne et qu'il puisse arri-
but de provoquer leur développement elles dé- ;
ver à parfaite maturité, il faut qu'un certain
IU
passent rarement la longueur de 0 ,50 et n'at- nombre de lambourdes parmi les bourses, et
teignent quelquefois pas celle de 0 m ,05; elles de brindilles parmi les rameaux, attirent sur
se couvrent d'yeux à fruit sur toute leur les boutons à fleur la sève, faute de laquelle la
longueur; elles peuvent néanmoins être pro- floraison est toujours stérile.
voquées, par la taille, à fournir des rameaux
§ lit. -Taille.
en cas de besoin.
Les dards {fig. 269) doivent leur nom à la Le but de la taille se montre à nous mainte-
forme pointue et presque épineuse de l'œil qui nant clair et distinct; il s'agit de forcer les
les termine cet œil devient toujours un œil à
;
rameaux à se couvrir de productions fruitières
fruit; il ne saurait par conséquent s'allonger. sur toute leur étendue, de maintenir parmi ces
Il se présente quelquefois, des la première an- productions assez de lambourdes et de brin-
née, souslaformed'un boutonarrondi(/ty.270), dilles pour attirer la sève vers les fleurs et le
3ui fleurit au bout d'un an ou deux. Le dard fruit, alin de prolonger les rameaux, méthodi-
u poirier est dépourvu de rides circulaires à quement, prudemment, ayant soin qu'ils crois-
sa base, parce qu'il n'a point été protégé, sent en grosseur en même temps qu'en lon-
comme la bourse, par des feuilles tombées suc- gueur, et que la sève ne se perde pas à produire
cessivement ; il ne se développe jamais que sur une confusion de branches inutiles.
un, rameau; il ne dépasse point la loogueur de La taille du poirier peut être considérée in-
m
0 ,07 il n'a le plus souvent pas plus de 20 à
; dépendamment de la forme à donner à l'arbre,
25 millimètres de long. objet dont nous parlerons plus bas. Les prin-
Les brindilles (fig. 271) diffèrent deslam- cipes de la taille s'appliquent à toutes tes for-

Fig. 271.
mes qu'on peut donner au poirier, soit en es-
palier, soit en plein- vent. Si nous nous repor-
tons au rameau de trois ans représenté (fig.
265), tel que la nature l'a fait croître sans le
secours de la taille, nous remarquons d'abord
bourdes en ce qu'elles sont toujours plus min- combien les productions destinées à porter fruit
ces, plus gréées et moins garnies d'yeux dans y sont rares et peu développées ; la faute en
leur longueur; elles naissent, non pas comme
[

est au prolongement excessif du bourgeon ter-


les lambourdes, sur les bourses, mais sur les minal et au développement trop rapide des
rameaux qui n'ont point subi de retranche- bourgeons latéraux immédiatement au-dessous
ment à la taille. Quand leur naissance n'a de la naissance de chaque section ; ces pousses
point été provoquée elles n'offrent point de
, ont fait l'oflice de branches gourmandes; elles
rides à la base; elles en ont au contraire un n'ont presque rien laissé pour les yeux à fruit.
bourrelet bien marqué, lorsque, disposées dans Si chaque pousse eût été contenue par une
l'origine à devenir des boutons à fruit, la taille taille raisonnée, et que le bourgeon terminal
du rameau qui les porte a fait refluer la sève
m
eût été raccourci à 0 m ,l0ou 0 , 15 de son point
vers elles et leur a permis de se prolonger; de départ, tous les veux situés au-dessous en
dans ce dernier cas , elles sont toujours plus auraient profilé ; à fa vérité, les yeux les plus
productives que les brindilles développées spon- voisins de la taille, plus favorisés que les an-
tanément; leurs yeux à fruit mettent moins tres, auraient eu plus de pente à s emporter ;
de temps à se former. mais, arrêtés par des pincements donnés à pro-
Telles sont les productions fruitières du poi- pos, ils auraient formé la base de branches

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120 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

productives dans la suite, ou bien ceux qu'on pincement des bourgeons latéraux les plus voi-
aurait dû supprimer, étant coupes à quelques sins de la coupe, ils se seraient ouverts les uns
millimètres au-dessous de leur insertion, au- en brindilles les autres en boutons à fleurs,]
,

raient donné naissance, par le développement destinés à devenir l'origine de bourses nombreu-
ultérieur de leur œil inférieur, à des produc- ses du sein desquelles de robustes lambourdes
tions fruitières. Quant aux yeux placés au-des- n'auraient pu manquer de sortir ultérieurement.'
sous des bourgeons, faTorisés dans leur crois- L'application de ce système pendant trois ans
sance par la taille du bourgeon terminal et le aurait mis le rameau dans l'état représenté

273.
c

fig.273; la comparaison de c* rameau avec quer la naissance de quelques lambourdes qui


celuique représente la fig. 265, rend sensibles puissent , en attirant et retenant la sève, em-
de la taille sur le développement des
les effets pêcher le bas des branches de se déçarnir. Une
productions fruitières du poirier. agglomération de bourses, représentées fig. 272,
On voit combien est simple la taille du poi- est alors éclaircie par une taille en A et en B ;
rier réduite à ces principes; nous n'avons parlé cette taille lui fait rejeter deux lambourdes qui
ni des brandies gourmandes, ni des branches la mettent dans l'état que représente la fig. 274.
chiffonnes; ces productions monstrueuses ne Ces lamlwurdes rabattues sur un œil a bois,
peuvent naître sur le poirier que par l'incurie deviendraient au liesoin des branches nou-
du Jardinier. S'il surveille ses arbres avec assez velles ; on voit en CC la place des boutons qui
de soin pour tailler et pincer toujours à propos, ont porté fruit à la dernière récolte. Quand ces
il n'aura point à s'occuper des branches gour- moyens ne suffisent plus, et que la branche est
mandes et chiffonnes; il en aura prévenu la décidément épuisée, on la rabat plus ou moins
'

naissance. près du tronc ou de la branche-mère à laquelle


Observons sur la fig. 273 l'état particulier elle appartient, selon les exigences de la forme
de chaque section. Les bourgeons superflus de l'arbre, en calculant d'avance la place que
taillés à quatre ou cinq millimètres de leur in- vont occuper les bourgeons plus ou moins vi-
sertion sont convertis, lésons en dards AA, les goureux, provoqués par la taille.
autres en brindilles BB ; les boutons inférieurs
Fig. 274.
sont tous à fruit ; tel est l'étal de la première
section. Nous voyons aussi beaucoup d'yeux à
fruit sur la seconde section les brindilles doi-
;

vent avoir été cassées aux points CC pour hâter


leur mise à fruit ; les simples boutons à fruit
qui deviendront des bourses, et les dards qui
se couvriront de boutons à fruit, garnissent de
distance en distance la seconde section. En
avançant en âge, ils prendront successivement, Ainsi, en résumant les principes de la taille
et sans le secours de la taille, la forme des du poirier, nous trouvons 1° qu'on taille les
:

Rroductions fruitières de la première section ; bourgeons terminaux ou de prolongement en-


t troisième section est semblable à la troi- viron au tiers de leur longueur acquise en une
sième du rameau non taillé ( fig. 265 ) ; elle n'a année, afin de forcer à s'ouvrir les yeux infé-
que des yeux à bois, (iliaque section est, par rieurs à la coupe ; 2° que parmi ces derniers
rapport à l'ensemble, plus grosse et plus courte yeux on raccourcit ceux qui sont devenus des
dans la branche taillée, parce qu'on n'a pas brindilles pour faire ouvrir leurs yeux en bou-
laissé la sève s'épuiser à produire des bourgeons tons à fruit; 3° qu'on supprime le bois inutile de
superflus. La comparaison entre la branche l'année à quelques millimètres seulement de
de poirier taillée ( fig. 273), et la même bran- l'insertion des bourgeons, pour obtenir du
che non taillée (fig. 265), rend évidente l'ap- dernier œil une production fruitière; 4° enlin,
Klication des principes de la taille du poirier et que la vie des productions fruitières se pro-
;s effets de cette taille; le jardinier doit tou- longe au moyen des dards ou des lambourdes,
jours se reporter à la première de ces deux et que le ravalement est la seule ressource pour
branches, afin de lui comparer les branches rajeunir les branches dont les productions
ou'il est occupé à tailler; par là les erreurs fruitières sont épuisées.
deviennent pour ainsi dire impossibles.
Les branches qui ont porté fruit pendant 5 IV. — Pincement.
plusieurs années se fatiguent d'abord par leurs Le pincement n'a pas moins d'importance
sections inférieures. Dès qu'on s'en aperçoit, que la taille par rapport à la mise à fruit du
on commence par les soulager en sacrifiant à la poirier. Ainsique nous l'avons dit pour le pê-
-aille une partie des bourses, afin d'y provo- cher, le pincement n'a pas seulement pour ob-

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titre lu. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 121

jet leraccourcissement d'une pousse trop lon- qui supporte sur lequel on rabat; il faut
l'œil
gue il est essentiellement destiné à interrompre
: en outre que la coupe ait assez de pente pour
le mouvement de la sève pour lui Taire prendre que la pluie ne puisse séjourner sur la surface
un autre cours. Par la taille donnée à l'époque coupée. La petite portion de bois qui reste en-
où les pincements doivent le remplacer, l'œil tre la coupe et l'œil qui lui fait face est nom-
placé immédiatement au-dessous de la coupe mée par les jardiniers onglet ou ergot ( A, fia.
s'ouvrirait et se développerait si promptement 275); elle ne doit pas dépasser la longueur de
en bourgeon que l'interruption de la sève se-
Fig. 275.
rait à peine sensible, en sorte que l'effet désiré
seraitmanqué. Quant à rébourgeonnement, il
n'y a pas à s'en occuper lorsqu'on a pincé à
propos; les bourgeons pinces peuvent rester
sans inconvénient jusqu à la taille d'hiver. 2 à 5 millimètres; dans ces limites, sa longueur
se règle sur la grosseur du rameau coupé.
§ V. — Chargement et déchargeaient.
Comme le poirier n'est point gommeux , on
Lorsqu'un poirier d'une vigueur remarqua- s'abstient de couvrir les plaies ; c'est un tort
ble ouvre un trop grand nombre d'yeux en contre lequel nous devons nous élever. Sans
bourgeons à bois au-dessous de la taille de cha- doute le contact de l'air est plus funeste aux
uc bourgeon de prolongement, le jardinier branches des arbres gommeux qui ont subi une
-1 oit prévoir que le bourgeon provenant de cha- amputation; mais après cette opération, la
cun de ces yeux aura la même disposition l'an- plaie faite aux branches un peu grosses du poi-
née suivante; s'il les taillait donc à quelques rier doit être immédiatement recouverte d'on-
millimètres de leur insertion, dans le but d'en guent de Saint-Fiacre ou de cire à greffer.
obienir des productions fruitières, il n'en ré- L'exposition de la plaie à l'air, quoique moins
sulterait qu'une confusion de bois inutile, funeste pour cet arbre que pour les arbres à
parce que l'œil inférieur de chaque talon, par gomme, n'en causerait pas moins un mal très
un excès de sève, n'ouvrirait qu'en bourgeon réel.
à bois ; alors, il faudrait recourir à Pébourgeon- Il arrive souvent qu'au lieu de couper les
ncinent. Pour échapper à cette nécessité, on dards et les brindilles qu'on veut raccourcir,'
donne à tous les bourgeons à la taille d'hiver ou se contente de les casser dans ce cas, la ;

une taille plus ou moins longue. L'effet d'une plaie étant plus lente à se cicatriser, la sève
taille longue sur les arbres fruitiers à noyau est détournée pour plus longtemps vers le bas
est, comme nous
l'avons vu, démettre tout de la branche cassée, elles boutons à fruit pro-
d'un coup tout à de ruiner prompte-
fruit, et fitent davantage.
ment comme le font trop souvent les
les arbres,

locataires vers la fin de leur bail. L'effet d'une J VI. Poiriers conduits en espalii-r.

taille longue sur les arbres ù fruits à pépins L'ensemble des données que nous venons
est de provoquer la formation d'une multitude d'exposer, et qui s'appliquent à toutes les for-
de productions fruitières (dards et brindilles) mes sous lesquelles il est possible de conduire
qui fructifieront plus tard ; la sève trouve une le poirier, fait déjà pressentir comment il est

. issue dans ces productions, et ne donne plus possible de faire naître à volonté sur un jeune
lieu à une confusion de bourgeons qui rendrait sujet les branches nécessaires pour établir sa
l'ébourgeonnement inévitable. Cette manière de charpente en espalier. Les premières sections
tailler Tes poiriers se nomme charger, parce de ses membres sont données par les bour-
qu'en effet on les oblige à se charger d une geons qui sortent en nombre toujours plus
quantité de branches à fruit de beaucoup su- que suffisant , lorsqu'on rabat la greffe sur
périeure à celle qu'aurait pu provoquer la taille les huit ou dix yeux inférieurs; les bifurca-
ordinaire. Nous répétons qu'on ne doit charger tioas s'obtiennent de même, à mesure qu'elles
ainsi que les poiriers excessivement vigoureux. sont nécessaires, immédiatement au-des-
Le r/iar<7<?men/d'un poirier au moyend'une taille sous de la taille des pousses terminales; on
longue doit être général il manque son but s'il
; les favorise en pinçant les bourgeons à bois in-
est appliqué à une branche en particulier il ; férieurs. Trois formes sont principalement en
faut charger un arbre sur toutes ses branches usage : la patinette à tige simple, la palmelte
s'il en a besoin, ou lui donner la taille ordinaire. à double tige, et l'éventail.
On nomme par opposi ion déchargement d'un
t

poirier la suppression d'une partie des produc-


A. — Palmelte simple et double.

tions fruitières : c'est l'opération dont nous Pour en espalier à palmette simple
le poirier
avons indiqué la nécessité pour faire naître des et double, nous renvoyons aux figures données
lambourdes parmi les bourses, et du jeune bois pour le pécher; la forme et la direction sont
sur les branches qui commencent à se dégarnir. exactement les mêmes; l'espace à laisser entre
La coupe toujours faite avec une lame d'un m
chaque membre latéral est de 0 ,30 à 0«»,40,
tranchant parfait doit être, comme le montre la selon les espèces; il ne peut être moindre de
fig. 275, opposée à l'œil, c'est-à-dire que l'in-
0" ,30. En le réduisant à 0™, 1 6 comme beaucou
1
,

strument tranchant ne doit jamais appuyer que d'auteurs l'ont conseillé et comme nombre de
sur la face de la branche en regard de celle jardiniers le font encore dans la pratique , on
ORTICrLTURE. T. V. - 16

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122 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

obtient une masse de bois presque compacte, geons rapprochés de lui de chaque côté
les plus
quand les membres ont un peu grossi; il ne attireraient à eux presque toute la sève; les
reste plus de place pour les brindilles et les membres inférieurs croîtraient faiblement et
lambourdes ; les productions fruitières se bor- resteraient toute leur vie plus faibles que les
nent donc à de simples bourses, qui, trop mul- autres, car, bien que la position verticale fa-
tipliées, ruinent l'arbre, et qu'il faut éelnircir vorise moins la croissance des branches du
\de temps en temps au détriment de la produc- poirier que celle du pêcher, elle n'en a pas
tion. La flèche de la palmette à tige simple se moins, quoique à un moindre degré, l'inconvé-
prolonge successivement par la taille sur un nient très réel de faire prendre plus de force aux
œil antérieur bien placé, de manière à présen- branches verticales qu'aux branches plus rap-
ter, lorsqu'elle a atteint toute sa hauteur, une prochées de la situation horizontale. On favo-
ligne parfaitement droite. Les membres ou cor- risera donc les bourgeons inférieurs , soit en
dons latéraux, une fois commencés, sont exac- les palissant les derniers, soit en les maintenant
tement dans le même cas que la branche re- en avant du mur. La fig. 240 montre l'applica-
présentée isolément (fig. 273); ils se gouver- tion de ce procédé aux branches d'un pêcher;
nent comme nous Pavons expliqué; l'on a soin en même temps on palissera de très bonne heure,
de pincer de très bonne heure les bourgeons et même on pincern au besoin le bourgeon termi-
mal placés sur les branches; on les supprime nal et ses plus proches voisins, afin de les retar-
totalement à la taille d'hiver. der. A mesure que les uns et les autres s'allon-
lien est de même des membres de la palmette geront, ils seront palissés en lignes très droites,
à double tige ; les deux branches-mères obte- a des distances égales entre elles, comme les
nues, soit de deux écussons, soit de deux yeux rayons d'un éventail. Une fois commencés ,
d'une seule greffe, sont redressées peu à peu et ces membres se continueront, toujours en lignes
se prêtent avec la plus grande facilité à pren- droites, comme la branche représentée
fig. 276.
dre la forme du pêcher de même modèle, re- L'arbre terminé, parvenu à son entier dé-
présenté fig. 247. veloppement, présentera l'aspect indiqué par
la fig. 277. On peut aussi conduire le poi-
Fig. 276.
Fig. 277.

rier en éventail sur deux branches-mères mu- .

nies chacune d'autant de bifurcations qu'if en


faut pour garnir l'espalier; le pêcher taillé à
la Dumoutier (fig. 243) donne une idée suffi-
B. — Poirier en éventail.
sante de la direction à donner au poirier pour
Le poirier en éventail (fig. 276) se conduit lui faire prendre cette forme. La marche que
un peu différemment. On laisse pousser libre- nous avons tracée étant fondée sur le cours
ment le jet de la greffe jusqu'à la fin de l'été; naturel de la végétation du poirier, le jardi-
on le pince alors à son sommet pour qu'une nier pouvant toujours, d'après ces indications,
partie de la sève d'août concoure à la formation prévoir le résultat certain de chaque coup de
des yeux inférieurs. Si quelques-uns l'étaient serpette, il pourra conduire les espaliers de
ouverts en bourgeons, on les pincerait de très poirier sans hésitation, une fois qu'il aura ar-
bonne heure, pour les supprimer totalement rêté dans sa pensée la forme à donner aux ar-
plus tard. A la taille, le jet de la greffe est ra- bres et qu'il en aura commencé la charpente
m
battu à 0 ,40 ou 0 D, ,50 du sol; cette distance en conséquence. Il y a un demi-siècle, tous les
varie selon l'ecartement des yeux qui diffère jardins fruitiers étaient remplis d'arbres en
d'une espèce à l'autre, mais il ne peut être éventail, plantés sans espalier, en arrière des
moindre de 0«M0. Il importe qu'il se déve- plates-bandes du potager ; le poirier, le pom-
loppe le plus grand nombre de bourgeons pos- mier, le prunier et le cerisier, se prêtaient fa-
sible, afin qu'après avoir supprimé ceux des cilement à prendre cette forme, sous laquelle ils
faces antérieure et postérieure il en reste en-
, étaient très productifs. On voit encore aujour-
core quatre ou cinq de chaque côté pour com- d'hui ça et là quelques vieux arbres en éven-
mencer tous à la fois les membres de la char- tail sans espalier, forme proscrite par le jardi-
pente. Si tous ces bourgeons étaient livrés à eux- nage moderne, quoique les fruits obtenus des
mêmes, le bourgeon terminal et les deux bour- arbres conduits de cette manière soient abon-

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TITRE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRWT1ERS. 123

dants et d'excellente qualité particulièrement


,
; rier en pyramide une forme inverse de sa forme
ceux du poirier. La conduite du poirier en naturelle. La taille de la flèche fait ouvrir tous
éventail sans espalier est la même que celle du les yeux qui sont au-dessous; on favorise de
poirier en éventail sur le mur; on a soin seule- préférence ceux du bas de la tige, en pinçant
ment de ménager des productions fruitières des successivement, pour modérer leur vigueur* les
deux côtés des branches. bourgeons les plus voisins de la taille; la pre-
mière assise des bras inférieurs doit en contenir
§ y II. — Poiriers conduits en pyramide», quenouilles, six ou sept ; le moins éloigné du sol doit en être
vases et giraudoles. à 0 m ,32. Nous tomberions nécessairement dans
A. — Poirier en pyramide ou cône.
des répétitions superflues en suivant pas à pas
le développement progressif de la flèche et des
La forme en pyramide est productive
la plus diverses assises de ses membres latéraux ; toutes
de toutes celles qu'on peut donner au poirier ces branches, considérées individuellement,
lorsqu'il n'est pas possible de lui laisser pren- n'ont rien à nous montrer dans leur croissance
dre librement sa (orme naturelle, en se bornant que nous n'ayons déjà observé en détail sur le
à lui établir un tronc solide et droit, sur franc, rameau représenté fig. 273 ; c'est toujours à lui
et à l'élaguer de temps en temps pour l'empê- u'ii en faut revenir pour la taille et la conduite
cher de produire trop de bois, tout en avançant 3 u poirier qui, sous quelque forme que ce soit,
l'époque de la mise a fruit. Malheureusement, ne saurait produire que les mêmes phénomènes.
cette façon de gouverner le poirier n'est pos- Si les places des rameaux latéraux sont choisies
sible qué dans les grands vergers où l'espace , avec discernement, on n'éprouvera aucune dif-
ne manque pas; de plus, les poiriers en plein- ficulté à leur faire prendre une direction rap-
vent vivent à la vérité fort longtemps , surtout prochée de l'horizontale partant de l'axe du
,

lorsqu'ils sont francs de pied ; mais ils font at- tronc, à angle presque droit , comme le rayon
tendre bien des années leur premier fruit. On d'un cylindre dont cet axe occuperait le centre;
rapproche , autant que possible le poirier des , le besoin de chercher l'air et la lumière les
conditions d'un arbre en plein-vent en le con- , poussera presque d'eux-mêmes dans cette di-
duisant sous la forme pyramidale. Comme dans rection; il n'y aquesurles pyramides gouvernées

le plein-vent , de tous les côtés


le fruit reçoit avec négligence par la taille et le pincement,
l'air et la lumière ; l'arbre'ayant moins de gros- qu'on observe des bourgeons parlant des ra-
ses branches à nourrir, quand même il ne serait meaux inférieurs dans une direction rapprochée
pas greffé sur cognassier, se met plus vile à fruit; de la verticale. Les pyramides plantées dans
puis, lorsqu'on a soin de ne pas laisser prendre des lieux très découverts poussent toujours un
aux flèches des pyramides trop d'élévation, on peu plus du côté du midi que du côté du nord;
n'est pas exposé, comme avec les arbres en on doit s'opposer par la taille et le pincement à
plein-vent, à perdre par une bourrasque une ce qu'il en résulte un dérangement d'équilibre
partie de la récolte presque mûre, lorsque les dans la distribution de la sève. La/ty.278mon-
poires, tombant de trop haut, se meurtrissent
Fif. 278.
ou s'écrasent dans leur chute.
M. Lelieur définit très bien la conduite du
poirier en pyramide, en disant que chaque
branche latérale doit être insérée sur le tronc
comme les marches d'un escalier en spirale le
sont sur la colonne centrale qui les supporte,
de façon à ce que pas une de ces branches ne
se trouve d'a-plomb au-dessus d'une autre-
La tige ou (lèche, conduite aussi droite que
possible, ne doit être prolongée que successi-
vement lorsque ses yeux sont de force inégale,
*,

il ne faut pas craindre de la rabattre un peu

court, surtout aux deux premières tailles , si


par ce moyen on peut tailler sur un œil vigou-
reux qui la continue en ligne droite sans cica- ,

trice apparente. 11 vaut beaucoup mieux . dans

tous les cas, retarder le prolongement de la (lè-


che que de le hâter; la seve aura toujours assez
et trop de pente à se porter vers le haut de l'ar-
bre ; le point important, c'est de la forcer autant tre la disposition des Dranches sur un poirier en
3ue possible à se porter vers le bas, en ne per- pyramide régulièrement taillé.
ant pas de vue que l'arbre, livré à lui-même, Chaque branche latérale en particulier est
n'aurait point de branches inférieures; il n'au- soumise à la même disposition à se dégarnir du
rait qu'un tronc droit, sans branchesjusqu'à une bas, et à porter la vigueur de la sève vers l'ex-
hauteur déterminée et supportant une tête rami- trémité la plus éloignée du tronc. Il faut donc,
fiée; il s'agit donc, parla taille, de contrarier sur une échelle plus réduite, employer à leur
a nature et de la contraindre à donner au poi- égard les moyens dont on a tait usage pour

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124 HORTICULTURE. LIVRE VIII

forcer le tronc à se garnir de branches par le nes qui, ne se forment pas durant le
si elles

bas. L'un des moyens le plus fréquemment en premier âge de l'arbre, ne vaudront jamais rien.
usage pour retarder la végétation, soit de la On retranche ensuite tous les bourgeons de la
flèche qui continue le tronc, soit de la pousse partie supérieure de l'arbre, et comme toute la
terminale qui prolonge une branche latérale, sève se portant de ce côté ne manquera pas de
consiste à détruire l'œil de leur extrémité supé- leur susciter bientôt des remplaçants, on les
rieure au moment où il entre en végétation. arrêtera par le pincement à mesure qu'ils se
Pendant le temps toujours assez long que l'un développeront. On taillera de même très court
des sous- yeux oe l'œil supprimé doit employer les branches établies immédiatement au-dessous
à le remplacer pour prolonger la branche, la des bourgeons supérieurs, et si quelqu'une de
sève ne trouvant pas d'issue de ce côté, ces branches parait trop rapprochée de celles du
tourne au profit des yeux situés plus bas, et bas qu'il faut faire croître a tout prix, on n'hé-
aide puissamment à maintenir les branches sitera pas à la supprimer. Quant aux branches
bien garnies vers le bas de bourgeons à bois et inférieures, qui ne devaient être pour la forme
de productions fruitières. en quenouille que de courtes productions frui-
tières, leur rapprochement sur un œil à bois
B. — Poirier en quenouille. coïncidant avec le traitement que nous venons
La forme en quenouille a été longtemps, et d'indiquer pour les branches et bourgeons su-
est encore, pour beaucoup d'amateurs peu éclai- périeurs, ne manquera pas de leur faire donner,
rés, la forme de prédilection adoptée pour le soit des bourgeons, soit des lambourdes sus-
poirier. Presque tous les pépiniéristes prépa- ceptibles par une seconde taille de donner des
rent leurs arbres pour cette forme ; ils y trou- bourgeons. C'est ainsi qu'en suivant du reste
vent cet avantage, que les branches inférieures la marche tracée pour les poiriers conduits en
ont de très bonne heure des productions frui- pyramide dès le moment de leur mise en place,
tières trèsdeveloppéesqui flattent les acheteurs, on aura au bout de quelques années des arbres
charmés de ce qu'ils regardent comme un signe réguliers, à la fois fertiles et durables.
de fécondité précoce. Ces arbres en effet se met-
tent très vite à fruit lorsqu'on les conduit en
C. — Poirier en vase.
quenouille; mais l'excès des productions frui- Après dans lesquels nous venons
les détails
tières dans le premier âge ne permet pas que d'entrer sur la conduite du poirier sous diffé-
l'arbre se forme de bounes et vigoureuses ra- rentes formes, quelques mots suffiront pour
cines, malheur qui, dans la suite, ne peut ja- faire comprendre comment on peut lui donner
mais être répare. Au bout de quelques années la forme de vase ou corbeille qui réunit à peu
d'une trop précoce et trop abondante produc- près les mêmes avantages que celle en éventail
tion, les arbres épuisés languissent, et comme sans espalier. Le sujet de deux ans de greffe
m
ilssont d'une part trop jeunes pour périr, de rabattu sur un bon œil à 0 ,30 ou 0 m ,35 du
l'autre trop fatigués et trop mal enracinés pour sol, pousse des jets nombreux dont les deux
se refaire, le jardinier, nourrissant toujours meilleurs sont choisis pour base de la char-
l'espoir de les réparer, les conserve en les tour- pente. L'année suivante, on rabat ces deux
mentant de mille manières pour les forcer à se membres principaux à 0 m ,20 ou 0 ra ,25 de leur
remettre à fruit, sans jamais en venir à bout. naissance. Parmi les bourgeons qu'ils dévelop-
Nous imiterons donc la réserve de M. Dalbret, pent, on en choisit trois sur chacun des deux
qui, blâmant d'une manière absolue la forme membres ; on laisse les membres se prolonger
en quenouille pour le poirier, s'abstient de la un des trois bourgeons qui doit dominer
f>ar
décrire, se contentant d'exposer, ainsi que nous es deux autres; le commencement du vase
venons de le faire, les motifs qui le portent à s'établit ainsi sur six pousses, dont deux prin-
la condamner. La Pomone Française ne parle cipales portent chacune deux bourgeons. A
point de la quenouille pour les mêmes raisons; l'époque du palissage, ces six pousses, dont les
l'autorité de deux horticulteurs du mérite de quatre secondaires et les deux principales doi-
M. le comte Lelieur et de M. Dalbret doit suf- vent être égales entre elles si elles ont été bien
fire pour nous justifier. Quant à ceux de nos conduites par des pincements judicieux, sont
lecteurs qui, ayant acheté pour garnir leurs assujetties sur deux cercles de bois, le supé-
jardins fruitiers, des arbres disposes pour être rieur un peu plus grand que l'inférieur (fig.
conduits en quenouille, les auraient commencé 279). Les années suivantes, les branches-mères
sous cette forme défectueuse, nous n'avons Fig. 179.
qu'un conseil à leur donner; c'est d'en faire des
pyramides. Voici comment cette transforma-
tion peut s'opérer.
Il faut commencer par sacrifier, sans balan-
cer, toutes les productions fruitières chargées
de boutons à quelque part qu'elles soient
fruit,
placées; c'est du bois vigoureux et non du
fruit que le poirier doit produire pendant les
premières années de sa formation. Du dévelop-
pement de la charpente dépend celui des raci-
TITltË lit. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 12S

continuent Icar prolongement ; on a soin, à jusqu'au bout. On peut bien, pendant un temps
mesure qu'elles s'élèvent, de leur faire porter, plus ou moins long, prolonger leur âge fertile
ainsi qu'aux quatre membres inférieurs, autant en renouvelant les rameaux fatigués; mais, en
de ramilications ou bifurcations qu'il est né- définitive, ces rajeunissements ont un terme : la
cessaire pour que le vase soit garni jusqu'au sève finit par ne plus trouver de passape dans
sommet. Chacune des branches qui le compo- les rameaux épuisés ; les racines, affaiblies par

sent ayant élé originairement palissée pendant l'âge, ne peuvent plus envoyer une sève suf-
qu'elle était encore souple et flexible, a pris fisante à la charpente à demi desséchée ; les
sans peine sa place sur le vase ; il faut toujours extrémités meurent les premières; la vie se
se reporter, pour leur taille et leur développe- retire peu à peu vers la partie inférieure de
ment successif, à la branche de poirier repré- l'arbre qui finit par mourir. Longtemps avant
sentée fig. 273. Les jardiniers n'aiment pas la sa fin, il n'a plus la force de produire : s'il fleurit
forme en vase, qui permet difficilement de tail- encore, la fleur ne noue pas, ou s'il en noue
ler les arbres en dedans; ils préfèrent de beau- quelqu'une, le fruit tombe avant maturité. Quel-
coup les pyramides, qui sont en effet à tous quefois, quand le sol est bon et que l'arbre ap-
égards les meilleurs de tous les poiriers, bien partient a une espèce vigoureuse, les yeux qui
entendu après les plein- vent. sommeillaient à la base des branches s'ouvrent
en bourgeons ; c'est un effort de la nature vers
D. — Poirier en girandole. la rénovation du poirier; le jardinier doit sui-

On donne quelquefois au poirier la forme dite vre cette indication. Dès qu'un poirier donne
en girandole, représentée (fig. 280); c'est une des signes évidents de décadence, il faut, sans
balancer, quelle que soit sa forme, lerecéper. On
Fig. 280.
nomme recépage un ravalement sur le tronc
ou sur les branches - mères qui ne laisse à
,

l'arbre rien de sa vieille charpente. Voyons


de quelle manière on peut lui en former une
nouvelle. Si la terre est très fertile et que le
poirier ait été recépé dans un âge qui lui laisse
encore de la vigueur, il suffira d'unir avec la
serpette ou le planeur les plaies des amputa-
tions, et de les recouvrir d'onguent de Saint-
Fiacre ou de cire à greffer. Dès que la sève
entrera en mouvement, les racines n'ayant plus
à nourrir que les yeux latents, leur enverront
une telle abonJance de sève qu'il en résultera
des bourgeons vigoureux, lesquels se mettront
véritable pyramide interrompue par des inter- promptement en équilibre avec les racines ; il
valles dégarnis.La manière de l'établir ne dif- n'y aura plus dès lors qu'à traiter ces bour-
fère en rien du procédé que nous avons décrit geons exactement comme ceux d'un jeune ar-
pour la formation des pyramides on a soin ; bre, selon la forme qu'on lui desline; l'arbre
seulement de supprimer tous les bourgeons qui se refera promptement. Quand les choses se
pourraient naître sur les parties de la flèche passent ainsi, la besogne est fort simple: la
qui doivent devenir sur le tronc des intervalles place laissée vide par le recépage du vieil arbre
vides. Quelques espèces de poiriers, dont le fruit est bien plus tôt remplie que si l'on eût mis un
a besoin de beaucoup d'air et de lumière pour jeune arbre à la place de l'ancien. En général,
parvenir à parfaite maturité, se conduisent sous a moins de changer le sol, ce qui dans une
cette forme moins usitée qu'elle ne devrait grande plantation est toujours très dispendieux
l'être si l'on en appréciait mieux les avantages. et quelquefois impossible, rien n'est plus dif-
Cette forme, de même que la pyramide, ne ficile que de faire pousser d'une manière satis-
peut se maintenir qu'en surveillant avec un faisante un jeune arbre dans la terre où un
soin extrême l'équilibre de la sève ; ainsi toutes , autre arbre de la même espèce vient d'achever
les branches trop vigoureuses qui sembleraient le cours entier de sa végétation. Mais, le plus
disposées à s'emporter seront taillées court, sur souvent, le recépage tel que nous venons de
un oeil inférieur peu développé ; toutes les bran- l'indiquer, ne réussit pas: les Insurgeons pro-
ches minces et délicates seront taillées long sur venant d'yeux longtemps endormis n'ont pas
leur meilleur œil. La sève, trouvant issue dans une vigueur suffisante; après avoir langui
plusieurs yeux bien conformés, s'y portera de quelque temps, ils se dessèchent et meurent. Si
référence, et rendra bientôt ces branches fai- I on arrache un de ces poiriers qu'on aurait
E tes capables de faire équilibre aux rameaux ainsi essayé de rajeunir, on voit que les jeunes
plus forts rabattus sur un œil faible ; tout dé- rameaux , avant de mourir, ont essayé d'en-
pend de l'observation rigoureuse de ce précepte voyer dans le sol de jeunes racines, et qu'ils
( voir Jardin fruitier). sont morts dans ce travail trop fort pour eux,
sans pouvoir l'accomplir. Si l'on sacrifie un des
5 VIII. — Recépage et restauration d'un vieux poirier.
arbres dont le recépage a réussi, l'on peut sui-
Il n'y * aucun profit réel à user les arbres vre les traces visibles de la formation des ra-

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126 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

cines par les branches rajeuuies; la vie de l'ar- plus haute importance, c'esttoujours parle rap-
bre n'est restaurée que parce qu'il s'est refait prochement, suivi de la greffe en couronne , que
des racines en rapport avec sa nouvelle char- les arbres épuisés, soit pommiers, soit poiriers,
pente. Quant aux vieilles racines, elles se dé- sont rajeunis ; cette coutume est générale dans
truisent, et leurs débris décomposés servent la Beauce , la .Normandie et la Bretagne ; elle
de nourriture aux jeunes racines : telle est la Earait s'y être perpétuée depuis les Romains, qui
marche du rajeunissement du poirier. Ainsi, i connaissaient. Les auteurs anglais sont una-
au bout de quelques années, il ne reste plus nimes pour conseiller le rajeunissement partiel
rien du vieil arbre, ni racines ni branches; là des vieux poiriers ; selon Hogers, dont les ou-
souche seule sur laquelle on a recépé subsiste vrages sur la culture des arbres à fruit sont très
comme souvenir de l'arbre renouvelé. Rien ne estimés dans toute la Grande - Bretagne , Tope-
montre mieux que ce fait intéressant et peu ration doit durer quatre ans; ou retranche
connu la nécessité de maintenir l'équilibre en- chaque année le quart de la charpente qu'on
tre les diverses parties d'un arbre; car tou- renouvelle par la greffe en couronne. Les An-
tes les fois qu'un arbre s'emporte d'un côté, glais trouvent dans l'emploi de cette méthode
les racines correspondantes s'emportent de un avantage réel, en ce que les récoltes ne sont
même sous terre ; on a beau ensuite rappro pas interrompues. Il est probable que les suc-
cher et rogner les branches gourmandes, on cès qu'ils en obtiennent sont dus a la nature
n'oie rien a la force des racines qui tendent du sol et du climat de la Grande - Bretagne.
toujours à envoyer plus de sève au côté qui les Nous avons fait plusieurs fois, en France et en
a formées. En un mot , si les racines font les Belgique, l'essai du renouvellement partiel du
branches, les branches font les racines. poirier le résultat a été constamment inférieur
;

On vient de voir que quand on s'en remet à a celui du rajeunissement général par un recé-
la fertilité du sol et à la vigueur de l'arbre, du page complet.
soin de lui refaire à la fois une charpente et des
racines, le succès du recépage est très aventuré; Section VII. — Taille conduite du pommier.
et

le plus souvent, l'opération est manquée. On


est au contraire certain du succès lorsque, au
§ I
er — Végétation
. nalurelte.

lieu de laisser la souche développer en bour- La végétation naturelle du pommier est de


geons ses yeux latents, on pratique sur le tronc tout point semblable à celle du poirier ; comme
ou les grosses branches recépées la greffe en lui le pommier ne développe au sommet de
,

couronne (voir grelfe, fig. 200 ). On place dans chaque section de ses branches que des bour-
ce cas autant de greffes que la circonférence geons à bois comme lui , il ne donne ses pro-
;

du tronc recépé en comporte ; il n'en faut pas ductions fruitières que sur la partie intermé-
moins de six sur une branche-mère de 0 m ,08 de diaire de chaque section, entre le sommet qui
diamètre. Dès que ces greffes ont repris , elles ne porte que du bois et le bas qui ne porte
poussent avec une énergie extraordinaire, parce rien, parce que ses yeux sont endormis ou
qu'elles ont pour se nourrir toute la sève que oblitérés. Tout ce que nous avons dit des pro-
leur envoie un système de racines tout formé ductions fruitières du poirier, lambourdes,
et encore vivace. Mais peu à peu , les greffes
, dards, bourses, bouquets, s'applique mot pour
qui sont de véritables boutures sur bois pro- mot aux productions fruitières du pommier. La
longent, sous l'écorce, des racines qui plon- , taille de ces deux arbres repose donc sur des
geant dans le sol, déterminent successivement principes absolument identiques, et nous avons
la mort de toutes les vieilles racines. L'arbre peu d'espace à accorder à la taille et à la con-
renouvelé complètement a plus de force qu'un duite du pommier, après ce que nous avons dit
jeune sujet; ce sont plusieurs boutures vigou- du poirier; en un mot, les titres de ces deux
reuses qui, se soudant l'une à l'autre par leurs sections pourraient être transposés sans incon-
racines, mettent en commun leur énergie vitale. vénient. Nous croyons donc devoir nous abste-
De toutes ces greffes on n'en laisse pousser que nir de reproduire , dans de nouvelles ligures,
ce qu'il en faut pour rétablir la charpente du les branches à fruit et les rameaux du pommier ;

poirier; les autres, conservées d'abord pour l'inspection des figures analogues pour le poi-
attirer la sève , mais pincées pour arrêter leur rier sullit pour s'en former une idée exacte.
croissance, sont supprimées plus tard, lorsque
celles dont on a besoin ont décidément pris le
§ II. — Pommiers nains.

dessus. Les pommiers greffés sur franc et sur dou-


Nous ne saurions assigner de limites à la cain, se taillent et se conduisent en plein vent,
durée des arbres rajeunis par le recépage nous ; en pyramide, en vase et en espalier, comme les
en connaissons en Belgique, où ce système est poiriers de même forme; ils ont seulement
pratiqué de toute antiquité, qui ont été recépés moins de propension à s'élever et beaucoup
au moins quatre fois, et qui sont certainement plus de souplesse, ce qui tient à la nature moins
plus que séculaires ils paraissent fort en état
; rigide de l'écorce et à la plus grande abon-
de supporter encore au moins un renouvelle- dance du liber. C'est pour cette raison que
ment. Dans les contrées de l'ouest où la cul- , deux branches de pommier croisées l'une sur
ture des arbres fruitiers pour la production l'autre , soit qu'elles appartiennent au méW
du cidre est considérée comme un objet de la arbre, soit qu'elles vivent sur des arbres diffé-

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TITRE 1U. TAILLE ET CONDUITE DES AU BU ES FRUITIERS. 127

renls s'anastomosent inévitablement et cela


, , courage de leur retrancher une partie des bou-
pour ainsi dire à tout âge, ce qui rend le pom- tons à fruit pour leur faire pousser de bonnes
mier très propre à la greffe en approche , dont branches à bois; ceux qui savent se contenter
nous avons donne, pour le pommier, Tune des d'une production modérée, en rapport avec la
plus utiles applications (voir Greffe, fig 189). force des sujets, n'y perdent rien, caries arbres
La seule forme qui mérite une mention spéciale, durent plus longtemps et les fruits plus beaux
parce qu'elle est particulière au pommier, c'est ont plusde valeur. Les branches qui, sur le pom-
celle de buisson nain {fig. 281). Ce buisson se mier-paradis, exigent lors de la taille la princi-
pale attention du jardinier, sont les brindilles et
Fig. 281.
les lambourdes. Les brindilles du pommier,
toujours terminées par un bouton à fruit, ne se
taillent pas avant que ce bouton n'ait produit
une recuite; on les rabat ensuite sur un bon
œil, dans le seul but de maintenir la production'
des fruits !e plus près possible des branches
principales; plus le fruit nait loin de ces bran-
ches, moins il doit avoir de volume et de qua-
lité. Les lambourdes n'ont jamais besoin d'être

rabattues sur leur ceil inférieur; ayant pris


prépare sur deux branches dont chacune porte
naissance sur une bourse, elles ne peuvent don-
trois yeux bien conformés, comme le poirier ner, quand on les taille, que des rameaux de
en vase forme que le pommier sur dourain
,
dimensions moyennes, toujours plus disposés
prend également avec la plus grande facilite.
que les autres de même force à se charger de
Mais comme il est dans la nature des sujets de
boutons à fruit. Pour tous les autres détails de
paradis de ne jamais former qu'une petite quan-
la taille et de (a conduite du pommier, nous ne
tité de racines presque à fleur de terre, ils ne
pouvonsque nous en référer à ce que nous avons
sauraient être en état de nourrir une tête aussi
dit de la taille et de la conduite du poirier.
forte que celle qu'exige la forme en vase; les
trois yeux de chaque membre sont donc main-
Section VIII. — Taille et conduite du groseillier.
tenus à peu près à la même hauteur; l'arbre, à
aucune époque de son existence , ne doit s'éle- § l#r . _ végétation naturelle.
ver au-delà d'un mètre 50 cent. Les pommiers
Groseillier à grappe.
sur paradis, ou, comme disent les jardiniers
parabréviation. les pommiers-paradis, ont pour Le groseillier à grappe est un arbrisseau tel-
mérite essentiel de se mettre à fruit immédiate- lement fertile, qu'on lui fait rarement l'honneur
ment et de porter les plus beaux fruits de leur de raisonner sa taille, attendu que, de quelque
espère (roir Jardin fruitier). Les pommiers ne manière qu'on legouverne, il rapporte toujours ;

se prêtent point, comme le poirier, au rajeu- il peut cependant y avoir d'énormes différences

nissement par recépage, pas plus les arbres sur dans la quantité et la qualité des produits, selon
franc et doueain que les pommiers -paradis; la manière dont le groseillier a été traité. Dans
mats comme ils meurent ordinairement par quelques communes voisines de Paris, la cul-
parties, en conservant toujours une portion, ou ture du groseillier, menée de front avec celle
tout à fait saine, ou du moins plus vivace que des arbres fruitiers en plein-vent à haute tige,
le reste, ils se maintiennent longtemps par le sur le même terrain , donne des produits lort
rajeunissement partiel. Les pommiers-paradis importants avec la plus grande régularité. La
n'ont jamais une longévité bien grande, défaut groseille estun si bon fruit quand , par la cul-
largement compense par leur étonnante ferti- ture, on sait la conduire à sa perfection; elle
lité et la promptitude de leur mise à fruit; ils se vend d'ailleurs toujours avec tant d'avan-
montrent toujours à deux ans leur premier tages, que nous croyons devoir indiquer ici les
fruit; à trois ans, c'est-à-dire trois ans a| res moyens très simples de l'obtenir en abon-
leur mise en plaee, ils sont en plein rapport. dance et de première qualité.
Dans la plupart des jardins fruitiers, les pom- Considérons d'abord le mode de végétation
micrs-pan.dis ne meurent avant le temps que du groseillier. A l'époque de la chute des feuilles,
parce que le jardinier n'a presque jamais le le bourgeon de l'année, A {fig. 282), porte à la
Fig. 282.

fois des yeux à bois et des yeux à fruit


; les uns toujours à bois. Les sections 6 et C de la même
et les autres ont été formés pendant l'année branche nous montrent des groupes d'yeux
dans l'aisselle des feuilles ; l'œil terminal est presque tous à fruit ; ils sont plus nombreux sur

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128 HORTICULTURE. LIVRE Vltl.

la section B que sor la section


sont A; ils le ce motif que dans les plantations de groseilliers,
plus encore sur la section C. Quant à la section les cultivateurs qui traitent cet arbuste en
D, il est facile de voir qu'ils ont été sur cette grande culture, au lieu de le planter par pieds
partie de la branche en aussi grand nombre que isoles comme on le fait dans quelques jardins,
sur celle qui la précède immédiatement ; mais pour lui établir une tête, forme à laquelle il se
elle a commence à se dégarnir. Plus bas , la prête avec beaucoup de docilité, plantent trois
section E qui a passé par tous les états repré- ou quatre groseilliers ensemble dans la même
sentés par l'état actuel des sections supérieures, fosse ; sur ce nombre, il s'en trouve toujours
et qui était à la fin de la première année de son assez qui donnent des bourgeons inférieurs,
existence un bourgeon semblable de tout point pour que la touffe, sans cesser d'être produc-
à la section A est totalement dégarnie d'veux ;
, tive, ne jamais dégarnie.
soit
c'est une section épuisée qui ne peut pfus se Pendant la saison de la maturité des gro-
remettre à fruit; seulement, il en pourra sortir seilles, la population ouvrière de Paris se porte
quelque bourgeon adventif, sur lequel on pour en foule le dimanche et même le lundi vers les
rait la rabattre dans le but de la rajeunir. communes peuplées de guinguettes où le gro-
L'examen des différentes sections decettebran- seillier à grappe se traite en grande culture pour
chc nous montre clairement la marche de la la consommation de la capitale, et on voit sou-
végétation du groseillier à grappe. Les boutons vent le soir revenir des milliers de femmes et
à fruit s'y façonnent dans les aisselles des d'enfants portant à la main de grosses bran-
feuilles pendant la première année de l'exis- ches de groseillier garnies de leur fruit mûr. Ce
tence du bourgeon ; durant la seconde année, sont des branches qui à la taille prochaine, de-
,

le bourgeon terminal prolonge la branche et vraient être supprimées comme ayant fait leur
commence une nouvelle section. Le bois de temps; elles se vendent de 5 à 15 centimes;
deux ans a formé, toujours à l'abri des pétioles celles qui avaient des bourgeons de remplace-
des feuilles des yeux groupés en assez grand
, ment ont ete rabattues sur ces bourgeons, qui
nombre, surtout vers le bas de cette section. Il par ce moyen profilent d'autant mieux de la
en est de même du bois de trois ans c'est sur ; dernière sève ; on ne remarque point que les
lui que la récolte promet d'êire le plus abon- groseilliers souffrent de cette taille donnée au
dante. Il y a encore beaucoup de Dons yeux moment de la maturité des fruits; cependant,
sur le bois de quatre ans; mais comme l'a- hors ce cas exceptionnel justifié par un motif
bondance des fruits qu'il portait quand il était d'intérêt, il vaut mieux tailler en hiver, pen-
comme celui qui le précède, à sa troisième an- dant le repos de la sève.
née, s'est opposée à la naissance des feuilles, il La taille qui suit immédiatement la planta-
n'a rien laissé pour l'année suivante, il est tion consiste a rabattre sur trois ou quatre bons
épuisé; car, pour les rameaux du groseillier à yeux qui donneront naissance à autant de bran-
grappe on peut poser comme une règle qui
, ches destinées à parcourir les phases que nous
n'admet point d'exception : Pas de feuillet ,
venons de décrire. Afin d'assurer aux bour-
pas de fruit. geons qui sortiront de ces yeux une végétation
vigoureuse, on supprime avec soin tous les
§ II. — Taille et ravalement.
yeux qui pourraient exister sur la souche au-
La connaissance de ces faits montre le but dessous des trois qui suivent la taille, ou qui
de delà conduite du groseillier: pro-
la taille et viendraient à s'y développer plus tard. Les
longer les tiges autant que possible en lignes bourgeons de prolongement qui doivent chaque
droites, les remplacer par un bourgeon sorti année former successivement les sections de
d'une des sections inférieures quand ce bour- chaque branche ne doivent point être livrés à
geon peut être provoqué à sortir, sinon les sa- leur végétation naturelle; il ne faudrait même
crifier à la cinquième ou au plus tard à la pas les tailler trop long, pour ne pas donner
sixième année de leur existence. En effet, par- trop d'élévation au groseillier tout formé, et
venues à cet âge, les tiges du groseillier ont en- aussi pour éviter d'avoir dans chaque section
core deux sections en plein rapport; mais elles un trop long espace vide de boulons à fruit.
en ont deux épuisées, une trop jeune pour pro- Lorsqu'une branche forme la sixième pousse
duire, et une autre dont les produits sont en- et qu'on prévoit la nécessite de son ravale-
core faibles. Si l'on conservait cette branche ment pour la remplacer par un bourgeon infé-
pour attendre la pleine mise à fruit des sections rieur, on ne laisse pas la sève se perdre dans
supérieures, on n'y gagnerait rien, parce que, les deux sections supérieures qui ne sont pas
d'une part, les poussesannuelles diminuent con- destinées à vivre ; dès que la floraison est ter-
sidérablement de longueur en s'éloignant de la minée et que le fruit est noué, on taille dans le
souche, et que de l'autre, elles portent un moins bois de deux ans, un ou deux centimètres au-
grand nombre de boutons à fruit. C'est donc le dessus de la grappe la plus rapprochée du haut;
moment de les rabattre ou de les sacrifier. Les le fruit de celte branche qu'on n'a aucun inté-
tiges du groseillier n'ont pas toujours sur leurs rêt à ménager puisqu'elle est condamnée, pro-
sections inférieures un bon bourgeon de rem- fite de celte suppression; elle sert aussi à pré-
placement sur lequel on puisse les rabattre, et parer le bourgeon de remplacement.
le ravalement de la branche ne provoque pas Les indications qui précèdent se rapportent
toujours la naissance de ce bourgeon: c'est par I
I exclusivement au groseillier à grappe, à fruit

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TITnE III. TAILLE ET CONDUITE DES ARBRES FRUITIERS. 129

rouge, couleur de chair, et blanc; les autres à 0 m ,20 ; elles naissent toujours dans les ais-
espèces de groseillier ont une végétation dif- selles des feuilles, comme le montre hfig. 283;
férente et demandent d'autres soins, quoiqu'en Fig. 283.
France on soit dans l habitude de ne leur en
donner aucun.
A. — Groseillier à fruit noir, cassis.

Ce groseillier végète tout autrement que le


groseillier commun à grappe; les veux à fruit
existent tout formés su r le bois de l'année ; tous
les yeux sont à fruit excepté le terminal d'un
bout à l'autre du bourgeon. Les branches du
cassis sont épuisées à la quatrième année; elles
fournissent a volonté des bourgeons de rem- tous les yeux du framboisier sont à fruit. Le
placement: elles n'ont pas besoin d'être rac- framboisier présente en outre un phénomène
courcies comme celles du groseillier commun ; très remarquable et qui lui est propre, il peut
on peut les livrer au cours naturel de leur vé- donner des fruits sur une tige encore herbacée ;
gétation. son bois, pour porter fruit, n'a pas besoin d'être
aoùté; il fait exception à la règle qui veut que
B. - Groseillier épineux.
le bois et le fruit mûrùient ensemble, et qu'il
L'emploi des fruits verts dece groseillier pour ne puisse se trouver des boutons à fruit que sur
l'assaisonnement du maquereau lui a fait don- du bois parfaitement mûr.
ner le surnom de groseillier à maquereau, sous
lequel il est connu dans nos jardins. Sa végéta- S H. — Taille et élagage.

tion suit la même marche que celle du cassis; La nécessaire au framboisier pour
taille est
l'œil terminal est seul à bois ; tous les yeux le faire naître les fruits sur la partie de la tige la
long du bourgeon de Tannée sont des yeux à plus capable de les porter et de les nourrir ;
fruit, 'quelquefois doubles, le plus souvent s'ils n'étaient point taillés, les jets de l'année

simples. Quand l'extrémité des rameaux très ne fleuriraient qu'à leur extrémité supérieure;
flexibles de cet arbrisseau arrive à terre, elle les yeux du bas et même ceux du milieu de la
s'y enracine pour peu qu'elle v rencontre un tige ne s'ouvriraient pas; le fruit, à l'époque
peu d'humidité. La multitude de jets épineux de la maturité , ayant fort peu d'adhérence à
chargés de fruits que ce groseillier pousse dans son support, serait presque entièrement perdu,
tous les sens quand il est livré à lui-même le moindre balancement suffisant pour le déta-
rend sa touffe impénétrable, ce qui nuit à la cher. Si l'on donnait au contraire une taille
qualité du fruit en le privant d'air et de lu- trop courte, le framboisier ne fleurirait que du
mière, et occasionne la perte d'une partie de bas de sa tige; le fruit trop près de terre serait
la récolte qu'il devient impossible de cueillir. sali par le rejaillissement de la pluie; il importe
Les branches qui ont fructifié pendant trois ans donc de faire ouvrir et fructifier de préférence
ont besoin d'èire rajeunies ; les touffes doivent les yeux le plus favorablement placés. On taille
toujours êire élaguées pour que la main pénè- le framboisier à l
n ,30 du sol; les liges les
tre sans piqûre dans leur intérieur. {dus fortes peuvent se taillera 1»>,50 et les plus
aibles à un mètre seulement. Lorsque l'état de
Section IX. — Taille et conduite du framboisier. la température fait craindre des gelées tardives,
on peut différer la taille du framboisier jusqu'à
$ l*
f
.— Végétation naturelle. l'époque où les reprises du froid ne sont plus à
Le bois du framboisier est à peine du bois; craindre ; le framboisier ne gèle jamais que par
son canal médullaire, très large par rapport à la le sommet des tiges; la taille enlève la partie
grosseur des tiges, occupe plus de la moitié endommagée. Il ne faut cependant recourir à
de leur diamètre ; aussi le framboisier quoiqu'il ce procédé qu'en cas de nécessité; une taille
puisse dépasser la hauteur de deux mètres, tardive fatigue beaucoup les souches de fram-
n'est-il en effet qu'un sous -arbrisseau. Ses dra- boisiers ; on s'en aperçoit à la faiblesse des re-
geons prennent en un an toute la longueur jetons et à la diminution des produits de l'an-
qu'ils doivent avoir; l'année d'ensuite ils fleu- née suivante. 11 est remarquable que le fram-
rissent, fructifient et meurent. Il ne reste de boisier gèle assez fréquemment en France, tan-
vivant qu'une souche garnie de nombreuses dis qu'en Laponie, son pa\s natal, il ne gèle
racines traçantes; le framboisier se continue jamais. C'est qu'en Laponie, quoiqu'il gèle huit
ainsi d'année en année par ses drageons tou- mois de l'année une fois le dégel venu, le froid
,

jours surabondants; rien ne peut empêcher le ne reprend plus jusqu'à la fin de la saison ; le
framboisier de deux ans de mourir. framboisier supporte impunément le froid le
Telle est la marche invariable de la végéta- plus intense quand il ne végète pas ; mais une
tion du framboisier. Les productions fruitières rois entré en végétation, quelques degrés de
sont des brindilles ordinairement fort courtes, froid détruisent tous les yeux ouverts.
quoique dans des circonstances très favorables, Les souches de framboisiers seraient promp-
elles puissent atteindre une longueur de 0"\t5 tement épuisées si l'on laissait fructifier tous
tancvifVM. T. V. - 17
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H0IIT1CULTURE. LIVRE VIII.

les jetsde chaque année; le fruit serait petit et


•le mauvaise qualité pour l'obtenir dans toute
;
CHAPITRE V. — Jaiidin FKUTIEI.
sa perfection, il ne faut laisser à chaque sou-
che qu'une quantité modérée de pousses an- Nous avons considéré les arbres à fruit de-
nuelles les têts doivent être éclaircis de ma-
; puis leur naissance jusqu'à leur déclin ; nous
nière à n'en laisser que quatre ou cinq au plus avons passé en revue les soins qu'ils réclament
sur les plus fortes souches et deux ou trois sur aux diverses phases de leur existence, en y
les autres. comprenant les moyens de renouveler ceux qui
sont susceptibles d êire rajeunis. Dans tout ce
$ III. — Framboisier des Alpes. qui précède, nous avons dû ne voir que des
Cette variété peu cultivée porte le nom de arbres isolés, envisagés sous tous leurs aspects
framhoisier des quatre saisons, bien qu'elle ne en rapport avec l'horticulture 11 nous reste à
produise que deux fois l'année elle n'est ce- ;
les introduire dans les jardins c'est le sojel de
:

pendant pas remontante dans le vrai sens du ce chapitre.


mot; seulement les jets de l'année, qui dans le Les arbres fruitiers, dans la plupart des jar-
framboisier commun ne fleurissent que l'année dins, sont rarement l'objet d'une culture spé-
suivante, devaucent dans celte espèce l'époque ciale; on ne leur consacre point un local sé-
habituelle de la floraison du framboisier ; les paré; les plates-bandes du potager sont garnies
yeux du sommet s'ouvrent en brindilles et por- d'arbres fruitiers conduits en pyramides, quel-
tent fruit avant l'hiver qui les surprend tou- quefois en éventail ; les murs à bonne exposi-
jours chargés de fleurs. On les raccourcit à la tion sont couverts d'arbres en espalier. Ajouter
longueur ci-dessus indiquée dès que leur végé- y un carré de pommiers-paradis, c'est tout ce
tation parait suspendue; ils portent une se- qu'on accorde aux arbres fruitiers. Pour nous,
conde récolte au printemps et meurent aussitôt dans le double but de ne rien omettre dans
après avoir donne leur fruit plus petit, mais cette partiede l'horticulture, et d'éviter tout ce
plus parfumé que la grosse framboise rouge et qui pourrait détourner vers d'autres objets l'at-
jaune des jardins. tention du lecteur, nous entendrons toujours
par jardin fruitier un local exclusivement des-
$ ET. — Arbre* fruitier* qu'on ne taille pat. tiné aux arbres à fruit, et où, par conséquent,
tout est subordonné à leur culture.
Nous avons i dessein de ce
rejeté à la lin Nous aurons d'abord à nous occuper des
chapitre les arbres à fruit, soit à noyaux, soit vergers proprement dits, comprenant sous ce
à pépins qu'on ne taille point et qu'il suffit d'a- nom les jardins, trop rares en France, où les
bandonner à leur végétation naturelle en les arbres à fruit à couteau sont conduits en plein-
débarrassant du bois mort; ce sont l'amandier, vent, à haute tige, sur un sol ordinairement
le cognassier, le néflier et le noisetier. gazonné; ils peuvent être protégés par une
L'amandier végète absolument omme le pé- simple haie vive; les murs ne leur serviraient
cher; lorsqu'on félève en espalier pour en oh 3ue de clôture ; l'ombre projetée par les têtes
tenir des fruits précoces destinés à être mangés es arbres rendrait les murailles inutiles comme
verts, on le conduit exactement d'après les espalier. (Pour les vergers agrestes plantés
principes que nous avons indiqués pour le pê- d'arbres fruitiers à cidre, voir tome II. p. 1 45 ).
cher. Ces deux arbres sont d'ailleurs tellement Les jardin» fruitiers proprement dits, moins
identiques au fond, qu'il n'est pas rare de voir étendus quoique pouvant être aussi productifs
les fruits de l'amandier-princesse raccourcir que les vergers, sont peuplés d'arbres conduits
leur noyau, arrondir leur pulpe, et présenter en pyramide, en vase et en éventail ; les murs
les caractères d'une véritable pèche. L'a dont ils sont enclos peuvent recevoir des es-
mandier en plein- vent ne se taille point ; on se paliers.
borne à lui enlever le bois mort. Les jardins à la MonireuiU coupés de dis-
Le cognassier ne peut être taillé, par la rai- tance en distance par des murs garnis d'espa-
son qu'il fleurit exclusivement par l'extrémité liers, appelleront ensuite notre attention. Ils
des branches dont l'œil terminal se façonne auront a nous montrer tout ce que l'industrie
en œil à fruit accompagné d'un sous-œil à bois; horticole peut obienir de produits par la cul-
il forme sa tète de lui-même et a rarcmeni be- ture la mieux raisonnée, appliquée aux n rbres
soin d'être éclairci. à fruit en espalier. Nous traiterons séparément
Le néflier fleurit comme le cognassier et ne de la culture forcée des arbres à fruit, soit
se taille point, pour la même raison. dans les serres, soit sous des vitrages mobiles.
Le noisetier n'a besoin que d'être débarrassé
tous les ans des drageons dont les souches Section I". — Verger.
t'entourent chaque année pendant tout le cours
de leur existence. L'enlèvement des drageons $ I
€r . — Cboix prepvatie* du
et toi.

suffit pour forcer la sève à se porter sur la tige


A. — CAoùr du sot.
principale qui forme naturellement sa tète sans
avoir besoin d'être taillée ; livré à lui même, le Toute bonne terre à blé peut produire de
noisetier croîtrait en buisson, comme le cou- bons fruits; ce dicton populaire est d'une vé-
drier dans les bois, mais il serait moins fertile. I incontestable. Le meilleur sol pour les ar-
trité

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TlTltK III. JARDIN i UUlTIEH. 131

l.r;*s à fruiispépins est une terre à blé où le


a, dité,conviennent aux arbres fruitiers, pourvu
calcaire n'est point abondant; le meilleur sol que le sol soit de bonne qualité. Lorsqu'on plante
pour les arbres à fruits à noyaux est une terre un verger à l'exposition du nord ou à celle du
a blé très ricbe en calcaire II ne faut point es- nord est, il faut le peupler exclusivement des
Sérer de bons fruits à pépins des arbres plantés espèces qui fleurissent tard, afin que les bou-
ans une terre où domine le sulfate de cbaux tons n'aient point à supporter l'effet perni-
ou gypse ( plaire); les terrains gypseux au con- cieux des vents froids aux appro'cbes de la
,

traire sont essentiellement propres à tous les floraison.


arbres à fruits à noyaux. Telles sont les consi-
dérations générales' qui doivent présider au
C. — Préparation du sol.

cboix du sol pour l'établissement d'un verger. La terre où propose de planter un


l'on se
Mais, en debors de ces natures de terrains pour verger doit être ameublie par un labour pro-
ainsi dire privilégiés, on peut, avec quelques fond, et fumée largement un ou deux ans d'a-
soins, obtenir de très bons fruits des terrains vance. Les racines des arbres fruitiers n'ai-
plus médiocres, en s'appuyant, pour le cboix ment pas le fumier frais en fermentation, tel
des espèces, sur les principes que nous venons qu'on le tire de l'étable ou de l'écurie pour l'em-
d'énoncer. Les terres alumineuses et celles où ployer directement à une culture de céréales
la silice domine, quoique impropres à la culture ou de légumes. Lorsqu'on fume immédiatement
des céréales, peuvent fort bien nourrir des ar- avant de ulanter, il faut que ce soit avec du
bres fruitiers très productifs. Le sous-sol exerce fumier très consommé, mis d'avance en tas
sur la végétation de ces arbres une influence pour cet usage. Si l'on n'a à sa disposition que
au moins aussi grande que la qualité du sol. du fumier très ebaud comme celui d'écurie ou
Aucun arbre à fruit, soit à pépins, soit â de bergerie, dans la crainte que, même à un étal
noyaux, ne de l'bumidilé,
résiste ni à l'excès de décomposition très avancé, il ne nuise aux
ni a l'excès de la séeberesse; il est donc ab racines fibreuses (cbevelu), il est bon de le
surde de planter un verger dans une terre, as- mélanger avec deux parties de terre fraiebe de
sez bonne d'ailleurs, mais dont le sous-sol re- nature argileuse; la poussière ou la boue des-
tenant l'eau est pourrissant en biveret brûlant sécbée des routes à la Mac -Adam convient
en été. C'est presque la seule nature de sol qui bien aussi pour ces mélanges. Nous l'indiquons
soit absolument impropre à la végétation des d'autant plus volontiers qu'on s'en sert bien
arbres fruitiers. Les Anglais, cbez. qui les ter- rarement en France, bien qu'elle soit très em-
rains semblables se rencontrent fréquemment, ployée en Angleterre, en Allemagne et en Bel-
mais qui ne craignent pas la dépense quand il gique. Sous tous les autres rapports, il faut
s'agit de lutter contre la nature, établissent un considérer la terre d'un verger comme celle
pavage à un mètre sous terre, au-dessous de la d'un jardin potager et la traiter en consé-
,

place que ebaque arbre doit occuper, remplis- quence; si elle n'indique pas de traces de cbaux,
sent le trou de bonne teire,cl plantent par là et qu'elle ne fasse point d'effervescence avec

des-us. On conçoit que ce moyen de triompher les acides, il n'y a pas d'inconvénient à lui don-

de l'bumidilé du sous-sol ne saurait être à ner un ebaulage ou un marnage modéré, à la


l'usage de celui qui plante des arbres dans Pes- dose de 10 à 12 mètres cubes par bectarc,
fioir d'en porter un jour les fruits au marché. pourvu que ces substances soient bien pulvé-
I y a un autre moyen de préserver les racines risées, et mélangées le plus exactement possi-
des arbres fruitiers de l'influence pernicieuse ble avec la couebe superficielle du sol, sans être
d'un sous-sol peu favorable c'est d'empecber : enterrées trop profondément.' Une dose mé-
ces racines d'y pénétrer il ne faut pour cela
; diocre de sable siliceux (10 à 15 mètres cubes
que deux choses ne pas toucher au sous-sol.
: par beetare produit un excellent effet sur un
)

et rendre la couebe supérieure si bonne, si fer- sol compacte, de nature argileuse. Si le climat
tile, que les racines, toujours attirées de pré- et lescirconstances locales font préférer les
férence vers la meilleure terre, au lieu d'aller fruits à noyaux aux fruits à pépins, les amen-
chercher le tuf pour y périr, s'étendent en tout dements calcaires, surtout le sulfate de cbaux,
sens à peu de distance au-dessous de la surlace soit cru, soit calciné (plâtre), pourront cire !:
du sol, dans sa couebe supérieure. employés à baute dose dans les terres qui en
seraient dépourvues. Il faut ajouter à ces pré-
B. —E parations rétablissement d'un nombre suflisant
Toutes expositions peuvent convenir à
les de fosses et de rigoles d'égouttement, pour peu
rétablissement d'un verger, même celledu nord que le sol montre de disposition à retenir l'eau,
pourvu qu*OQ fasse cboix d'espèces convena- disposition, qui, si elle n'est combattue par
bles. La meilleure exposition est celle du sud- des soins intelligents, cause infailliblement la
est pour toute la partie de la France où les vents perte des arbres à fruit quels qu'ils soient.
d'ouest régnent babituelleincni et souillent avec
violence aux é juinoxes; tous les départements
I). — DrJ'ancnnrnU.
voisins des eûtes de la Mancbe et de l'Océan Les opinions sont très divisées quant aux
som dans ce cas. Dans l'est de la France, l'ex- défoncements. Tous anciens auteurs qui
les
position sud-ouest est préférée a\ec raison. Les ont écrit sur la culture des arbres fruitiers,
pentes bien exposées, quelle que soit leur rapi- soit en France, soit à l'étranger, et le plus grand

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132 HORTICULTURE. LIVhE VIII.

nombre des auteurs modernes, ont insisté sur la t sairepour remplir les trous de bonne terre rap-
néccssité de défoncer le plus profondément pos portée; dans ce cas, nous lui conseillons de dis-
sible la totalitédo terrain destiné à recevoir poser cette terre végétale, plutôt en étendue
une plantation d'arbres fruitiers; mais les au- qu'en épaisseur. Ainsi , toutes choses égales
teurs les plus accrédités parmi les modernes, d'ailleurs, un arbre à fruit végétera aussi bien
particulièrement Abercrombie, Rogers, Neill, dans 4 mètres cubes de terre, remplissant un
Loudon, qui font autorité en Angleterre, où trou d'un mètre de profondeur et de 2 mètres
la culture des arbres fruitiers est portée à un de côté , que dans un trou de même surface,
très baut degré de perfection, rejettent les dé- cubant 6 mètres de la même terre, sur une pro-
foncements profonds, comme plus nuisibles fondeur de 1"\50. Nous indiquons la profon-
qu'utiles. Une longue pratique nous force à deur d'un mètre, comme un maximum qu'on
nous ranger completementà cette dernière opi- n'a presque jamais intérêt à dépasser ; le plus
nion. Un bon laboura la charrue, suivi d'une souvent il vaut mieux que les trous aient plus
façon convenablement soignée à la bêche, ne d'ouverture et moins de profondeur. On donne
dépassant pas 0 m .25 à 0 m ,30, produit en ré- ordinairement aux trous la forme carrée c'est ;

sultat des effets évidemment meilleurs qu'un la inoins rationnelle de toutes ; une forme cir-
défoncement à la pioche à 0 m ,40 ou 0"\50, culaire convient mieux au libre développement
tels qu'on en donnait autrefois à la totalité du des racines et met , avec une dépense égale de
terrain destiné à une plantation d'arbres frui- main-d'œuvre, un plus grand espace à leur dis-
tiers. Il est bien entendu que nous parlons ici position.
uniquement de l'ensemble du verger ; la place Si la végétation de l'arbre est régulièrement
occupée par les trous ne peut se passer d'un conduite , ses racines bien que dans un trou
,

défoncement, quoique moins profond qu'on n'a carré, n'en prendront pas moins une disposi-
coutume de le pratiquer. tion circulaire; les angles, qui ont coûté le

E. — Trous, tranchées* distances. Elus de temps à façonner, et qui augmentent


raucoup le prix dé la main d œuvre, sont à
-

Les trous ne sauraient être creusés trop long- peu près en pure perte, comme le montre la
temps d'avance ; plus la terre des trous reste fig. 284 ; les racines ne prennent jamais d'elles-
exposée aux influences atmosphériques, mieux
Fig. 284.
elle agit sur la végétation des jeunes arbres. II
est inutile de donner aux trous plus d'un mètre
de profondeur; en pénétrant plus avant dans
le sol, on ne fait que solliciter les racines à s'en-
foncer; or, l'expérience démontre que plus les
racines, au lieu de plonger dans la terre, s'éten-
dent horizontalement dans la couche supé-
rieure plus les arbres sont vigoureux et pro-
,

ductifs. Si le lecteur se reporte à ce que nous


avons dit du traitement des arbres fruitiers en mêmes une disposition carrée que quand les
général, il verra qu'en suivant nos conseils, trous trop petits, creusés dans un sol humide,
jamais le jardinier n'aura lieu de se plaindre sont comme des caisses, dont elles ne peuvent
d'un excès de force dans les arbres fruitiers, sortir; mais , même dans ce cas , elles seraient
{misqu'il ne lient qu'à lui de faire servir cette mieux dans un trou circulaire de grandeur
ôrec exubérante a la production du fruit. équivalente. Toutefois, les trous ne sont pas ce
Mais dans l'ancien système , la taille des ar-
, qu'il y a de mieux pour les plantations d'arbres
bres était conduite de telle sorte que le jardi- fruitiers. Lorsqu'on n'est point arrêté par les
nier ne savait que faire d'un arbre trop vigou- considérations d'économie , il est de beaucoup
reux ; il cherchait donc à l'empêcher de déve- préférable d'ouvrir des tranchées continues, de
m
lopper cette richesse de végétation qu'une taille o ,80 à 1 mètre de profondeur et 2 mètres de
raisonnée ne laisse jamais devenir embarras- large , sur toute la ligne que les arbres doivent
sante. Ces motifs, quoiqu'ils ne fussent pas ex- occuper. Ces tranchées s'ouvrent en rejetant
Sicitement énoncés, étaient la véritable cause sur les berges toute la terre à droite et à gau-
« recommandations des anciens auteurs , tant che; on retire, pendant cette opération, les
sur la nécessité des défoncements que sur celle pierres trop grosses et les vieilles racines vi-
de donner aux trous, pour les plantations, la vaces qui peuvent s'y rencontrer ; les pierres
plus grande profondeur possible Nous n'hési- qui ne dépassent pas la grosseur du poing, a
tons pas, quant à nous à reconnaître que des
, moins qu'elles ne soient trop abondantes, ne
m
trous de0,80, et même de 0 ,60, sont très doivent point être rejetées en dehors ; on en for-
suffisants quand le sous-sol est, ou très humide, mera un lit au fond de la tranchée ; il sera bon,
oud uuc nature complètement stérile. Il arrive s'il est possible , d'y mêler quelques plâtras ou

assez souvent qu'un propriétaire aisé, ne vou- décombres de démolitions grossièrement con-
lant pas se priver des plaisirs que procure un cassés; ces débris sont surtout efficaces quand
verjrer, bien que la terre dont il dispose soit ils proviennent de bâtiments anciennement ha-

absolument impropre à la culture des arbres à bités, parce que, dans ce cas, ils sont toujours
fruit, ne recule pas devant la dépense néces- imprégnés d'une plus ou moins grande quantité

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TITRE III. JÀRD1S i KL 111 Bit. 133

de sous-nitrate de potasse (salpêtre). Dans tous arbres, et que de l'autre les récoltes de légumes
les cas, ils servent, ainsi que les pierres, à as- leur enlèveraient une portion de leur nourri-
surer régouttement des eaux de pluie surabon- ture, on laisse au pied de chaque arbre un es-
dantes. Les pierres de plus petites dimensions pace vide qu'on a soin d'entretenir constam-
ne doivent point être séparées de la couche de ment net de mauvaises herbes, et dont on ra-
terre où les arbres seront plantés, excepté lors- fraîchit la surface par de fréquents binages.
que cette terre est par trop graveleuse; si |e Cet espace doit être d'un mètre de côté, la pre-
sut argileux était passé à la claie, il deviendrait mière année, de l n, .50 la seconde, dp 2 mètres
pendant les sécheresses si dur et compacte la troisième ; les cultures jardinières ne doivent
que la pluie le pénétrerait difficilement, et que jamais se prolonger au-delà de la quatrième ou
les influences atmosphériques ne sauraient ar- cinquième année, après quoi le sol est converti
river jusqu'aux racines des arbres. en prairie naturelle à perpétuité, l'espace de
Les arbres fruitiers en plein-vent, a haute 2 mètres carrés restant toujours libre au pied
tige, dont se compose un verger, se plantent à de chaque arbre.
des distances variables qui ne doivent pas dé-
passer 1 2 mètres en tout sens, et ne peuvent être § lî. — Choix dis arbres en pépinière,)

moindres de 10 mètres. Ces arbres doivent vivre Nous ne reviendrons pas sur ce que nous
au moins 4 ans avant de montrer leur premier avons dit relativement au choix des égrains,
,

fruit, en supposant qu'on les plante tout gref- lorsqu'on veut greffer en place les arbres dans
fés; si l'on plante des égrainsou sauvageons, le verger , après 2 ou 3 ans de plantation (rot'r
il faut attendre 2 ou 3 ans de plus. Dans les Pépinière).
circonstances les plus favorables , les arbres Il faut visiter au moins deux fois dans la pé-

d'un verger ne donnent que des récoltes de peu pinière les arbres qu'on se propose de planter
de valeur jusqu'à leur huitième ou dixième
, tout greffés : la première visite doit avoir lieu
année, à dater de la plantation ; ils ne sont en un peu avant la chute des feuilles ; la seconde
plein rapport qu'à quinze ans ; ils continuent à aussitôt que les arbres sont dépouillés. A la
croître en grandeur et en fertilité jusqu'à trente première visite , on examine soigneusement la
ans; tout cela est bien long. Pour ne pas at- qualité du sol de la pépinière pour la compa- ,

tendre si longtemps le prix de sa peine et la rer à celle du sol du verger projeté. A mérite
rentrée de ses avances, le jardiuier a recours à égal, les arbres venus dans une terre moins
plusieurs moyens. D'abord, il plante entre les bonne que celle qu'où leur desline, sont préféra-
arbres à haute tige des lignes alternatives d'ar- bles aux sujets élevés dans une terre de qualité
bres en pyramides ou en vases, et d'arbres supérieure. On tient note des arbres qui se dé-
nains, qui,' après 2 ou 3 ans de plantation, pouillent de leurs feuilles avant les autres de
commencent à rapporter. Comme il n'y a pas même force apparente et de même espèce: c'est
de raison pour les ménager, on les taille de toujours un signe de faiblesse dans les racines ;
manière à leur faire produire le plus de fruit tous ceux qui, bien que robustes en apparence,
possible ; à 8 ans les arbres nains sont épui-
, auront perdu les feuilles de leurs pousses termi-
ses ; en les supprimant, on dégage d'autant les nales avant celles des branches inférieures ,
plein-vents qui sont déjà forts ; 1 ou ô ans plus doivent être rejetés ; l'arbre qui se dépouille du
tard, c'est le tour des arbres de moyenne taille, haut plus tôt que du bas manque de tempéra-
les plein-vents restent alors définitivement en ment.
possession du sol. C'est surtout lorsqu'on fait A la visite, les sujets complètement
seconde
usage de ce moyen, que les tranchées conti- dépouillés laisseront mieux voir leurs imper-
nues sont préférables aux trous. En supposant fections. On
cherche d'abord les traces, s'il en
une distance de 12 mètres entre chaque arbre existe , d'une ou plusieurs greffes manquées ;
en plein-vent , il peut y avoir dans l'intervalle on voit aussi comment et combien de fois l'ar-
un arbre en pyramide et deux arbres nains. bre a été taillé depuis qu'il a reçu la gteffe.
L'arbre en pyramide, comme l'arbre en plein- Les sujets qui n'ont pas pris la greffe du pre-
vent, réclame un trou de 2 mètres de cote, sur mier coud à moins qu'ils n'offrent d'ailleurs
0'".80 à 1 mètre de profondeur; les arbres des marques évidentes *de vigueur et de santé
nains veulent chacun un trou d'un mètre carré; ne doivent point être choisis. On passe ensuite
ainsi ,pour la plantation dans des trous, on à l'examen des productions fruitières. En géné-
aura remué en tout 14 mètres cubes de terres, ral , tout arbre à fruit, soit à pépins, soit à
et pour la plantation en tranchée on en aura noyaux, si dans la pépinière, il est trop avancé
déplacé 24. La différence de dépense n'est pas vers l'époque de sa fructification ne sera ja- ,

énorme. mais un bon arbre dans le venger; les arbres à


Le second mo\.en de recouvrer les avances fruits à pépins , s'ils ont en pépinière des bou-
faites pour la plantation d'un verger, sans at- tons à fruit en abondance, ne peuvent que lan-
tendre la mise à fruit des arbres, consiste à guir dans le verger, quelque soin qu'on en
cultiver en jardin potager le sol entre les lignes, prenne. C'est ce que savent très bien les hommes
ce qui suppose qu'on n'a planté que des arbres du métier ; mais la plupart du temps l'acheteur
en plein-vent. Dans ce cas, connue d'une part inexpérimenléest au contraire séduit par ces
le fumier chaud appliqué aux cultures jardi- marques de fécondité précoce, et le pépiniériste
nières endommagerait les racines des jeunes fait valoir comme une qualité ce qu'il sait bien

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134 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

être un défaut,
afin de se débarrasser des su- de l'hiver suivant mais, en général, on ne
jets médiocres. C'est du bois el non du fruit doit regarder la mise en jauge des sujets des-
que l'arbre doit avoir produit en pépinière et tinés au verger que comme une ressource dont
qu'il doit continuer à produire durant les pre- il ne faut user qu'en cas de nécessité, par exem-

mières années qui suivent sa plantation; le ple quand on est surpris par un froid vif au
fruit venant en son temps , sur des brandies milieu de la plantation ; hors cette circonstance
robustes et bien formées, sera plus beau et plus toute exceptionnelle, moins il y a d'intervalle
abondant ; on obtiendra ainsi des récottes du- entre l'arrachage et la mise en place des arbres,
rables et soutenues. L'arbre qui montre son plus la reprise en est assurée.
fruit en pépinière, après quelques récoltes pré-
maturées, cesse bientôt de produire, et ne pourra
$ lit. — Habillage de» racines.
plus se remettre à fruit. Ceci doit surtout s'en- Lorsque nous reconnaissons la nécessité d'ex-
tendre des arbres à fruits à pépins à haute poser quelques notions de physiologie végétale,
tige, destinés à être cultivés en plein-vent dans indispensables à l'intelligence des principes sur
le verger. lesquels est fondée la pratique rationnelle du
Lorsque choix sont arrêtés, il importe de
les jardinage, nous les plaçons près des opérations
surveiller deux opérations essentielles, l'arra- auxquelles elles se rapportent, afin que le lec-
chage et le transport des arbres de la pépinière teur saisisse mieux leurs liens de relation. Nous
dans le verger. Un temps humide et doux , croyons les notions suivantes sur le mode de
mais couvert, est le plus favorable; il faut se formation et d'action des racines, dignes de
garder d'arracher et d'enlever les arbres par toute l'attention des amateurs de la culture des
un temps sec et froid sous l'influence des vents
, arbres à fruit.
glacés du nord ou du nord-est. On doit veiller Lorsqu'une semence d'un arbre quelconque
a ce que les sujets soient arrachés d jauge ou- commenceà germer, le germe (embryon), avant
verte, c'est à dire à ce que l'ouvrier enlève, en de rien emprunter à la terre, envoie vers le sol
avant du premier rang des jeunes arbres, assez une petite racine (radicule) qui s'y implante en
de terre pour prendre leurs racines en dessous, vertu de l'énergie vitale qui lui est propre. En
sans couper leurs extrémités, et pour pouvoir même temps la partie supérieure du germe
,

les enlever sans leur laire éprouver aucune se- s'allonge en sens contraire, emportant avec elle
cousse. Une gratification, accordée à l'ouvrier les cotylédons de la semence ; c'est le commen-
pour qu'il donne à cette partie de son travail cement du tronc. Si, par une cause quelconque,
toute 1 attention nécessaire, est de l'argent très le haut du germe vient à être détruit , la radi-

bien dépensé. L'écorce des sujets doit être cule meurt ; dans les premiers temps de leur
ménagée lorsqu'on les attache en paquets pour existencecesdeux parties ne peuvent vivre que
les charger sur la charrette ; chaque oeorenuro l'une par l'autre. La nourriture qui sert à leur
qu'elle reçoit peut devenir l'origine d'une plaie accroissement n'est point encore tirée du de-
dangereuse. L orientation des sujets, utile pour
< hors ; pour que la radicule, devenue racine, et
tous les arbres, est surtout nécessaire pour les ar- la tige munie de ses premières feuilles, com-
bres du verger, qui auront bien des années à pas- mencent à puiser des aliments , l'une dans la
ser exposés a tous les vents avant d'être devenus
, terre, l'autre dans l'atmosphère il faut qu'elles
,

assez forts pour pouvoir se prêter réciproque- se soient d'abord incorporé la substance des
ment un peu d'abri le côté du tronc tourné \ ers
;
lobes de la semence (cotylédons), passés à 1 état
le nord dans la pépinière sera noté par une inar- de feuilles séminales; ces feuilles une foisépui-
que (la meilleure est un léger trait de pinceau sées se dessèchent et tombent. Jusqu'ici, que
avec du blanc de plomb), afin qu'on puisse lui s'est-il passe dans la végétation do ce jeune
donner, lors de sa plantation définitive, une arbre? La racine ne s'est formée que par des
situation de tout point analogue à celle à la- courants degeendants, par lesquels le germe
quelle il est habitué. Il faut , disent les jardi -
lui envoyait «a part de la substance des feuilles

niers, que l'arbre ne s'aperçoive pas qu'il a séminales. Ces feuilles n'existant plus, la racine,
changé de place. Dans ce bût, on effectue le 3ui se subdivise et s'étend, prend maintenant
plus rapidement possible le passage de la pé- ans la terre un liquide (sève) qu'elle envoie à
pinière au verger; les trous ou tranchées étant la tige par des courants ascendant». Celle-ci,
prêts à l'avance, et le choix des arbres arrêté, après en avoir absorln? ce qui lui convient pour
on a soin de n'enlever à la fois que ce qu'il est son propre accroissement , renvoie le surplus à
possible de planter immédiatement, sauf à faire la racine par des courants descendants non in-

un plus grand nombre de voyages à la pépi- terrompus. Ainsi, les racines ne se forment pas
nière. Plusieurs auteurs conseillent de mettre par elles-mêmes; elles doivent leur accroisse-
les arbres en jauge dans de bon terreau , pour ment à la substance que leur transmettent la
ne les planter qu'au printemps , un peu avant tige et ses ramifications j cest pourquoi, comme
la reprise de la végétation ; cette pratique peut nous l'avons déjà fait remarquer , une branche
être utile, par exception, pour guelques arbres qui s'emporte, si on la livre à elle-même, trans-
à fruits précoces, originaires du midi qu'on , met aux racines qui lui correspondent un ex-
désire abriter du froid pendant l'hiver, afin que, cès de nourriture qui ne tarde pas à augmenter
Plantés au printemps ils prennent pendant
, dans la même proportion leur force <f aspira-
été la force nécessaire pour résister au froid tion et leur volume. Une fois cet échange de

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TITRE III. JARDIN FRU1TTFU.
substance établi entre les racines et la tige il , lie des racines la plus saine et la plus viv.ve,
n'est plus interrompu tant que dure l'existence alin qu'il s'y forme promptement des racines
do l'arbre ; on biver, il est seulement ralenti : nouvelles. La nécessité de couper net avec nne.
le peu de sève que les racines envoient aux lame bien affilée n'est pas moins évidente: les
brandies dans celte saison est employé à nour- plates déchirées par un tranchant émoussé
rir les yeux, à leur donner la force nécessaire s'opposeraient à cet accroissement rapide qui
pour qu'ils puissent s'ouvrir au printemps et est le but même du retranchement. Quant à la
devenir des fleurs, soit des bourgeons; telle
soit longueur à laisser aux racines amputées, elle
est la marche invariable de la végétation des dépend entièrement de la force relative du su-
racines. jet et de celle des racines. Autrefois on ne con-
La
faculté absorbante des racines réside dans naissait point de milieu ; les uns posaient sur
les extrémités de leurs subdivisions les plu* un billot les racines de l'arbre, et là, à grands
déliées; elles sont munies d'organes particu- coups de serpe, ils coupaient tout, sans di-
liers, nommés spongioles, ou petites éponges, stinction, au niveau du tronc; les sujets les
parce que, comme les éponges, ces organes plus robustes résistaient seuls à une mutilation
s'imbibent de toute substance liquide placée à pareille, encore étaient-ils longtemps à se ré-
leur portée; celte partie des racines est molle tablir d'un traitement aussi sauvage; quelques
et n'a pas encore d'épiderme imperméable jardiniers, au contraire, rognaient à peine le
;

quand elle passe en vielhssant à Priât ligneux, petit bout des plus longues racines. Quant à
elle n'absorbe plus rien par elle-même, elle ne cette dernière méthode, les expériences de
sert plus que de passage au\ liquides absorbés M Lelieur ne laissent aucun doute sur ses
par les spongioles cl transmis à la tige ainsi fâcheux résultats, faciles à prévoir d'après le
qu'à ses ramifications, jusqu'au sommet des mode bien connu de végétation des racines.
plus hautes branches des plus grands arbres. Les arbres objets de ces expériences avaient
Le qui précède suffit pour fan e comprendre été arrachés dans les pépinières dépendantes
toute l'importance du rôle que joue dans la vie des jardins de la couronne, avec des soins mi-
végétale la partie fibreuse des racines des ar- nutieux; aucune racine n'avait été ni blessée
bres, connue sous le nom de rherrlu, dont ni endommagée, aucun effort n'avait été em-
toutes les extrémités sont des spongioles. ployé pour enlever les sujets avant que toutes
Revenons aux arbres qu'il s'agit de planter leurs racines fussent entièrement détachées da
dans le verger. Quelque soin qu'on ail pris de sol; et pourtant, dit M. Lelieur, ces arbres
ménager les racines à l'arrachage, il suffit que n'ont jamais végété convenablement, ils ont
Parbre soit déplacé pour que les fonctions des été dépassés par les arbres de même force
spongioles soient Interrompue! une fois in- ; plantés à côte d'eux après que leurs racines
terrompues, ces fonctions ne reprennent point avaient été raccourcies aux endroits d'où l'on
leur cours; il faut que Parbre forme de jeunes pouvait espérer le plus déjeunes racines et de
racines terminées par des spongioles nouvelles, spongioles. Ces résultats sont d'autant plus dé-
pour que le cours de la vie végétale soit com- cisifs, qu'ils ont été constamment les mêmes
plètement rétabli. La raison pour laquelle nous dans une série d'essais comparatifs renouvelés
avons pris tant de ménagements pour enlever pendant vingt-cinq ans.
le sujet, dans la crainte d'endommager ses Dans l'usage habituel des praticiens éclairés,
racines, c'est que les racines blessées ou rom on laisse a l'arbre assez de racines pour qu'é-
p ies violemment deviennent par cela seul moins lant pose sur le sol il puisse s'y tenir debout,
propres à donner naissance a de nouvelles ra- ce qui suppose une égale quantité de bonnes
cines; car il importe à l'avenir de Parbre qu'il racines à peu près d'égale force dans toutes les
>' ait le moins d'interruption possible dans la directions. Celala suffit, si l'on considère que
circulation de la sève, et que par conséquent tronçons amp'.tés ne seront plus que les sup-
Parbre plante soit bientôt muni d'un nouveau ports des racines à venir, véritablement char-
système déjeunes racines fibreuses pourvues gées de prendre dans le sol la nourriture de
de nombreuses spongioles l'arbre vil par elles
; Parbre; si ces supports étaient trop longs, les
principalement. spongioles naîtraient sur eux trop loin du
Nous voici donc éclairés, par des faits nom- tronc, qu'elles doivent nourrir la sève ayant
;

breux et certains, sur la marche à suivre dans à parcourir un trop long trajei serait aspirée
l'habillage des racines au moment de la plan- avec moins de force, et la santé de l'arbre en
tation ; nous connaissons le but de cette opé- serait compromise.
ration, nous en prévoyons les eonséquences Onne peut apporter trop de soins à l'habil-
avec certitude. D'abord, supprimer tou-
il faut lage des racines; il n'en est pas de cette opé-
tes les parties des racines endommagées ou ration comme de la taille des branches qui, mal
malades; nous savons que de es parties il ne faite une année, peut plus ou moins se réparer
peut naître aucune racine utile à la reprise de les années suivantes une lois l'arbre planté,
;

l'arbre; il en est de même des extrémités des les racines deviennent ce qu'elles peuvent. Les
principales racines qui, maigre toutes les pré- conséquences d'une taille mal faite ne se voient
cautions qu'on a pu prendre, ont toujours plus pas directement, on les présume seulement,
ou moins souffert. Il résulte aussi de ce qui d'après la langueur de l'arbre, mais on ne peut
précède, qu'il importe de trancher dans la par- v remédier

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136 H0RT1CI LTL'RL. Livnt Vin
fenser ses racines. L'usage de brûler à la sur-
§ IV — Plantation. face l'extrémité des tuteurs qui doit séjourner
*
ne reste plus qu'à mettre en place l'arbre
Il en terre les rend plus solides et plus durables.
ainsi prépare, en ayant égard à l'orientation Les liens qui retiennent l'arbre assujetti aux
du tronc. On brasse avec la terre du trou une tuteurs ne doivent être ni assez serres pour le
brouettée de fumier très consommé, pour cha- gêner, ni assez lâches pour risquer de nuire à
que pied d'arbre ; on remplit le trou de ce mé- l'êcorce par le frottement dans ce but, de bons
;

lange, jusqu'à ce que, l'arbre étant posé à sa liens de paille tordue, tels qu'on les emploie
place, le collet des racines se trouve à 0 in 08 ou dans les vergers de la Belgique, sont préféra-
0 m 10 au-dessous du niveau du sol. Avant de bles à des branches d'osier.
recouvrir de terre les racines de l'arbre, on les L'époque la plus favorable pour planter les
plonge dans un baquet rempli d'un mélange de arbres fruitiers est un point de la science hor-
bouse de vache et de terre franche délayées tieulturale sur lequel les auteurs et les prati-
avec assez d'eau pour former une bouillie ciens diffèrent d'opinion. Les uns plantent le
claire. Nous ne saurions trop insister sur cette plus près possible de la reprise de la végéta-
pratique trop souvent négligée; elle influe tion, par conséquent au printemps, plus tôt ou
puissamment sur la reprise des sujets. On plus tard, selon le plus ou moins de précocité
achève alors de remplir le trou, en ayant soin des espèces; les autres piaulent indifférem-
de faire entrer la terre dans les intervalles des ment durant tout le sommeil de la végétation;
racines, de façon à ce qu'il n'y reste pas de d'autres enlin pensent qu'on ne saurait planter
vide; un peu de terreau, lorsqu'on peut s'en trop tôt, et qu'aussitôt que la chute des feuilles
procurer, produit un excellent effet. On tasse annonce le sommeil de la végétation, il est
modérément la terre sur les racines, en ap- temps de planter les arbres à fruit. Nous som-
puyant dessus tout autour avec le talon. La mes entièrement de leur avis. En principe,
terre, fraîchement remuée et fumée, étant plus l'arbre qui a le temps avant les grands froids
volumineuse qu'elle ne doit l'être quand elle do commencer à former ses racines, en profi-
aura pris son assiette, cettecirconstance, jointe tant d'un reste d'arrière-saison, est mieux dis-
au volume des racines, forme toujours autour posé à végéter au printemps de l'année sui-
du tronc un léger talus qui plus tard s'affaisse vante que l'arbre arrache et plante au mo-
de lui-même et revient à peu pris de niveau ment où le travail de la végétation va recom-
a««e le sol environnant; la coupe du terrain mencer. C'est donc, à notre avis, une règle
{fig. 285)
montre la disposition la plus conve- générale qui, pour les contrées méridionales et
tempérées de la France, v compris le climat
Ftf. 7Hb.
de Taris, ne souffre pas d'exception. Dans le
nord de la France, principalement dans le
nord-est) où les hivers sont souvent très rigou-
reux, les jeunes arbres ont quelquefois tant à
nable de ce lalus elle consiste surtout à laisser
; souffrir du froid, qu'il peut être préférable de
autour du tronc un léger enfoncement circu- les laisser en pépinière jusqu'au printemps ;

laire, en forme de bassin, destine à faciliter les dans ce cas, on se hâte de planter aussitôt après
arrosages, si, par suite d'une longue séche- les fortes gelées, en saisissant un intervalle la-
resse, devenait nécessaire d'y avoir recours.
il vorab'c, lorsqu'à la suite d'un dégel la terre
Dans pays découverts, exposés à des \ents
les s'est ressuyée et raffermie; car, s'il fallait at-
violents, il est bon de donner aux jeunes arbres tendre ta clôture définitive de l'hiver, qui se
deux et quelquefois trois tuteurs, ce qui n'em- prolonge le plus souvent jusqu'en avril, o:i
pêche pas d'entourer le tronc avec des ronces planterait beaucoup trop tard. Sous ajouterons
ou des épines, pour préserver leur éeorce de qu'en Belgique, il nous est arrive bien des fois
tout accident. Lorsque le verger est dans une de planter des arbres fruitiers au mois de no-
situation abritée, un seul tuteur suffit à cha- vembre, contrairement à l'usage du pavs, et
que pied d'arbre il faut prendre garde, en
; cjue les arbres, après avoir essuyé plusieurs
plaçant les tuteurs, de blesser les racines. La mois de gelées de 15 à 20*, ont végété au
fig' 286 montre un arbre assujetti à deux tu- printemps avec plus de vigueur que d'autres
Fig. 386. mis en place au mois de mars. Nous devons
donc considérer le mois de novembre comme
le plus convenable de tous pour planter les
arbres à fruit ; on peut planter dès la lin d'oc-
tobre les arbres d espèces précoces qui per
dent leurs feuilles de bonne heure ; car, dès
qu'un arbre a perdu ses feuilles, c'est que sa
végétation est engourdie; il n'y a pas d'incon-
vénient à le déplacer.

§ V. — Soins pi nt-raui.

Les arbres du verger réclament peu de soins


leurs placés assez loin de lui pour ne pas of- entre l'époque de la plantation et celle de leur

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rintc m. JARDIN FRUITIER. 137

mise à fruit racines ont été bien prépa-


; si les qui utilisent, pour nettoyer leurs prairies, l'in-
rées, leur végétation peut être à peu près li- stinct voracc du cochon. Les prairies arborées
vrée à elle-même. Nous avons vu comment ils de la Belgique offrent des tapis d'un vert aussi
veulent être conduits pour favoriser la forma- uniforme que celui du boulingrin du parc le
tion de leur tête. Les pommiers et la plupart mieux tenu ; c'est qu'après y avoir fait paître
des poiriers forment leur tête naturellement ; les vaches, puis les moutons qui tondent l'herbe
le jardinier n'a besoin de s'en mêler que pour de très près, on y lâche des porcs qu'on a
supprimer les bourgeons surabondants qui fe- laissé jeûner à dessein ceux-ci arrachent avec
;

raient confusion, et tenir toujours l'intérieur plus de soin que le jardinier le plus attentif
assez dégagé pour que l'air y puisse circuler toutes les racines pivotantes, sans en laisser
librement. Les arbres à fruits a noyaux ne sont une seule.
pas tous aussi dociles; les cerisiers, particuliè- La terre au pied des arbres ne doit recevoir
rement, ont besoin d'être aidés pour prendre que des binages superficiels, donnés avec des
une bonne forme ; s'ils ne sont dès l'origine instruments a dents émoussées, pour ne pas
conduits sur trois ou quatre branches tenues à blesser les racines. Quelques personnes sont
dislance convenable au moyen d'un petit cer- encore dans l'usage de fumer de temps en temps
ceau, les cerisiers à fruit ferme, ayant leurs le pied des arbres à fruit du verger parvenus à
branches naturellement redressées, poussent toute leur grosseur. Nous leur ferons observer,
en droite ligne une flèche peu garnie qui prend selon la remarque du professeur anglais Lind-
en peu d'années une élévation telle qu'il faut ley, que c'est à peu près comme si elles pré-
une échelle de couvreur pour aller chercher tendaient nourrir un homme en lui mettant
les cerises, au risque de se rompre le cou. Cet des aliments sous la plante des pieds. L'arbre,
excès de vigueur, réparti entre trois ou quatre on ne peut trop le répéter, ne se nourrit que
bonnes branches dont on favorise les ramiliea- par les extrémités de ses racines ; les racines
tions, n'a pas d'inconvénient ; les arbres n'en n'ont point de spongioles près de leur insertion
sont que plus productifs. sur li' tronc de l'arbre elles ne peuvent donc
;

Les Anglais, dans le but de faciliter l'entre- proliter du fumier qu'on enterre hors de la
tien des arbres et la récolte du fruit, ne lais- portée de leurs spongioles. Cependant, une cou-
sent jamais prendre aux poiriers de leurs ver- verture de fumier long, ou bien, à défaut de
gers plus d'élévation qu'aux pommiers : ils ont fumier, une couche épaisse de feuilles sèches
soin pour cela de former au jeune arbre cinq ou de litière, est utile aux arbres fruitiers de
ou six branches d'égale force, entre lesquelles tout âge, en hiver pour diminuer l'action du
la sève se partage ; ces branches, placées dès froid, et en été pour conserver à la terre un
l'origine dans des directions divergentes, ne peu de fraîcheur. La véritable manière de fu-
prennent jamais une très grande élévation. mer les arbres d'un verger, c'est de donner
Tous arbres du verger, quelle c|u'en soit
les tous les deux ou trois ans à toute la prairie
l'espèce, veulent être débarrassés soigneuse- une bonne couverture de fumier à demi con-
ment des drageons qu'ils rejettent du pied et sommé ; l'eau des pluies, en délayant les par-
des pousses qui percent le bois nu-dessous de ties solubles de l'engrais, les fera pénétrer dans
la greffe. Ces pousses , enlevées avant d'être le sol, et les racines des arbres en prendront
passées à l'état ligneux, ne laissent pas de leur part. Si l'on juge nécessaire de fumer un
trace; mais si l'arbre appartient à une espèce arbre fatigué par une production defruits trop
dont le bois est sujet à la gomme, et qu'on abondante, il faut enterrer le fumier, par un
tarde assez à enlever les pousses du suji t pour labour superficiel, dans un espace circulaire
être forcé de recourir à l'emploi de la serpette plus ou moins large en raison de la grosseur
tandis que l'arbre est en pleine sève, il en peut de l'arbre, en commençant à 1 mètre nu même
résulter un écoulement de gomme, et par suite à 1">G0 de dislance, à partir de sa base. Le fu-
une plaie très préjudiciable à l'arbre. Quand mier de porc, pourvu qu'il ail jeté son feu et
ces accidents ont lieu , c'est toujours par la qu'il ne soit plus en fermentation, est celui de
faute du jardinier. tous qui refait le plus promjitement les arbres
La meilleure manière d'utiliser le sol d'un fruitiers malades ou fatigués.
verger, lorsque les arbres ont pris assez de Lorsque les arbres du verger ont atteint seu-
• force pour qu'il ne soit plus possible d'y conti- lement la moitié de leur g rosseur, il faut pour
nuer les cultures jardinières, c'est, comme nous les tailler, s'il en est besoin, en faire le tour
l'avons dit, de le convertir en prairie naturelle. au moyen d'une échelle double ; le plus sou-
Il importe que cette prairie soit maintenue vent on se contente d'appuyer sur les plus for-
exempte de plantes à racines pivotantes; la tes branches une échelle simple. De quelque
carotte sauvage, la centaurée, la chicorée, les façon qu'on s'y prenne, on détruit ainsi inévi-
patiences et toutes les espèces de chardons en tablement beaucoup de productions fruitières,
doivent être soigneusement exclues ; toutes ces surtout dans les arbres a fruits à pépins dont
plantes, outre qu'elles nuisent à la qualité du les boutons à fruit sont placés sur des supports
fourrage plongent dans le sol assez avant pour
, très fragiles. Il vaut beaucoup mieux, lorsqu'il
rencontrer les racines des arbres à fruit et leur ne s'agit que de supprimer des branches mor-
disputer leur nourriture. On doit à cet effet tes, malades ou superflues, qu'il est facile de
imiter la sagacité des Délires et des Hollandais distinguer du pied de l'arbre, se servir de
OtTlCOr.TORK. r. v. —m
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138 HOIU'ICL'LTURE. LIVRE VTII.
l'un des deux ins iraments représentés fig. 68 j
avec an gros pinceau de badigeonnear ; fat
et 69; ces instruments peuvent s'adapter à |
chaux éteinte, délayée dans l'eau, n'ayant au-
des manches aussi longs qu'il est nécessaire ; |
cune consistance, n'adhère point à la surface
en appliquant leur tranchant sur le talon de lu tronc et des grosses branches; les alterna-
la branche à supprimer, il suffit de frapper avec- tives de temps sec et pluvieux la font prom-
un maillet sur le bout de ce manche pour cou- ptemeni disparaître; elle entraine en tombant
per la branche aussi net qu'avec la serpette la les lichens et les mousses, en même temps qu'elle
mieux affilée; parce procédé, l'arbre se trouve sert à la destruction des larves d'insectes.
convenablement élagué, sans qu'un seul de ses Un arbre languissant, lorsqu'il n'a pas plus
boutons ait été détaché. On a lieu de s'étonner de cinq ou six ans de plantation, peut être ar-
que cette excellente méthode, connue et re- raché en novembre ou décembre sans inconvé-
commandée par tous les bons auteurs, soit si nient. On le traite alors exactement comme s'il
peu usitée en France; elle est généralement en sortait de la pépinière on visite avec soin les
;

usage en Angleterre, en Belgique et en Alle- racines pour en retrancher les parties endom-
magne; on croit qu'elle a été originairement magées qui sont ordinairement la cause de son
pratiquée dans les vergers de l'Amérique sep- état maladif; on taille les branches assez court
tentrionale. pour les mettre en harmonie avec les racines
Les arbrw, une fois qu'ils commencent à raccourcies ; la terre du trou est remaniée à
rapporter, veulent être tous les ans visités et tond et renouvelée au besoin ; on s'assure s'il
nettoyés de toute branche morte ou mal placée ; n'existe pas dans le sous-sol quelque infiltration
ces branches se coupent au niveau des bran- qui aurait causé la pourriture des racines, et
ches latérales auxquelles on ne touche jamais ; I on a soin d
y porter remède, au moven d'un
on les laisse pousser en toute liberté. Quelque- lit de gravier "et de plâtras. L'arbre est ensuite

fois les productions fruiiières se montrent en remis en place; on redouble de soins envers
si grand nombre, qu'il faut en supprimer une lui pour qu'il regagne le temps perdu.
partie on retranche alors de préférence celles
; Lorsqu'un jeune arbre pousse inégalement
qui sont placées le moins favorablement pour avec une vigueur désordonnée, c'est le plus
mûrir leur fruit. On ne doit tailler les arbres souvent parce qu'une de ses racines, par une
fruitiers qu'en hiver, pendant le repos de la cause accidentelle par exemple quand elle
, ,

sève. Si toutefois on craint de se trouver en rencontre une veine de terrain plus fertile que
retard, on commence toujours par les arbres à le reste du sol. a grandi outre mesure, ce oui a
fruits à noyaux ; ces arbres étant sujets à la forcé les branches qui lui correspondent a en
gomme souffrent plus que les arbres fruitiers à faire autant. Dans ce cas, on déchausse J'arbre
pépins d'une taille tardive, qui coïnciderait avec pendant l'hiver, et on met à découvert les prin-
le premier mouvement de la sève de printemps. cipales racines ; celles qui ont cause le désordre
Parmi les arbres du verger, les moins vigou- sont retranchées, et par des amendements con-
reux de chaque espèce se taillent aussitôt après venables on empêche que celles qui prendront
la chute des feuilles; les arbres du verger n'ont leur place lassent le même effet.
besoin que d'une légère taille de rafraîchisse- La récolte des fruits des arbres du verger
ment tous les ans, et d'une taille à fond tous les doit se faire avec toutes les précautions néces-
trois ou quatre ans. Lorsqu'on ne laisse pas saires pour ne pas nuire aux boutons à fruit,
trop vieillir les branches des arbres du verger espoir de la récolte prochaine. Les fruits à
et qu'on a soin de pourvoir à leur remplace- noyaux exigent sous ce rapport moins d'atten-
ment par du jeune bois, longtemps avant qu'el- tion, parce que les veux à Iruit sont peu déve-
les soient épuisées, les récoltes sont plus égales, loppés à l'époque de" la récolle. Mais les fruits à
le fruit est plus beau et de meilleure qualité. pépins veulent être cueillis avec les phis grands
Da moment où les arbres fruitiers ont ter- ménagements, par la raison que leur pédoncule
miné leur croissance et quelquefois même
, entouré à sa base de boutons qui sont ou
est
beaucoup plus tôt, leur écorce se gerce en tout seront des productions fruitières, et qui, à cause
sens; les fentes servent d'abri aux insectes; de la nature fragile de leurs supports, se déta-
les portions d'écorces mortes et à demi déta- chent au moindre choc. Le moment favorable
chées se pourrissent par-dessous et musent a pour la recolle n'est indique par la parfaite
la santé de l'arbre. Il est bon d'en débarrasser maiuritédu fruit que pour les fruits à noyaux
;
le tronc et les branches principales en les Trot- plusieurs variétés de fruits à pépins d ete sont
tant avec le dos d'une serpe, avec assez de me meilleurs lorsqu'on les cueille un peu avant
nagements pour ne pas attaquer l'éeorcc vive leur maturité complète, pour les laisser ache-
et le bois. Cette opération doit se faire un peu ver de mûrir sur une planche ; tous les fruits
avant la reprise de la végétation au printemps ; d'hiver sont dans ce cas.
on choisit un temps humide et couvert. C'est On ne peut indiquer que d'une manière gé-
aussi le moment d'enlever les mousses et li- nérale les espèces de fruits convenables pour
chens qui s'attachent aux arbres dans les lieux créer un verger ; chacun se décidera d'après
humides. Lorsque par négligence on ?. laissé les circonstances locales de sol, d exposition et
cette végétatiou parasite envahir l écoree des de température ; le jardinier de profession plan •

arbres, le moyen le plus prompt de les net lera de préférence les arbres dont le fruit lui
toyer consiste à les enduire de lait de chaux promet un débit plus profitable. Nous donne-

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T1TIIK III. JARDIN F RUITIER. 139

rons à la fin de ce chapitre des listes détaillées à fruit, excepté le figuier, ne résiste sans le se-
des arbres à fruit susceptibles d'Être cultivés cours de l'irrigation à la sécheresse des étés de
dans les vergers, sous le climat des différentes Provence. Des vergers spéciaux sont consa-
régions de la France. Disons dès à présent que crés aux arbres de la famille des aurantiacées,
presque tous les fruits à pépins qu'on récolte orangers, citronniers et leurs variétés; ces ar-
sur des pyramides pourraient être récollés en bres y sont traités en grande culture et sont
bien plus grande abondance sur des arbres en l'objet d'une branche importante de l'horticul-
rilcin-vent dans les vergers, absolument comme ture du midi de la France (voir tome II, p. 68).
es fruits à cidre ; les fruits à couteau ne sont Avant de planter un verger d'arbres frui-
en général rares et chers que parce qu'un pré- tiers à noyaux il faut arrêter le choix des es-
,

juge que les démonstrations de l'expérience pèces et déterminer l'espace à laisser à chaque
devraient avoir fait disparaître, empêche la pied d'arbre. Les plus forts n'exigent point au-
plupart des cultivateurs de greffer en espèces delà de 10 mètres en tout sens; huit mètres
de choix des arbres de première force, dont un suffisent aux arbres de dimensions moyennes;
seul parvenu à toute sa croissance enverrait au les cerisiers grelfés à demi-tiges, tels qu'on en
marché autant de beaux et bons fruits que tou- plante beaucoup dans les terres légères aux en-
tes les pyramides d'un jardin. virons de Paris, n'exigent pas au-delà de 6
mètres ; on ne leur en donne souvent pas plus
§ VII. — Vergers d'arbres à fruits k noyaux.
de quatre mais cette distance est trop petite.
,

Tout ce que nous avons dit précédemment L'abricotier est comme le pommier, disposé
sur vergers s'applique à tous les arbres à
les à étendre presque horizontalement les branches
fruit, sans distinction ; nous devons compléter de sa tête. Les pruniers prennent d'eux*mêmes
ces notions par quelques observations sur la une forme un peu moins évasée, à l'exception
formation d un verger exclusivement peuplé des reines -claudes, dont les têtes s'étalent a peu
d'arbres à fruits à noyaux. près comme celles de l'abricotier, ce qui tient
Trois principales espèces d'arbres à fruits à surtout k la pesanteur du fruit , parce que ces
noyaux peuplent les vergers des contrées tem- arbres chargent beaucoup dans les années
pérée» de la France le cerisier, le prunier et l'a-
: abondantes, de sorte que les branches, forcées
bricotier. Au nord du bassin de la Seine l'abrico- de s'incliner sous la charge, ne reprennent
tier uortesi rarementen plein-ventquedanstous point après la récolte leur position primitive et
les départements, entre Paris et la frontière du s'éloignent de plus en plus de la verticale à
nord, on ne rencontre l'abricotier en plein-vent mesure que l'arbre avance en âge. Les cerisiers,
que dans quelques localité? privilégiées , dont considérés par rapport à leur forme et à l'es-
le sol et l'exposition sont spécialement favo- pace qu'il convient de leur accorder dans le
rables à sa fructification. Le cerisier et le pru- verger, rentrent dans deux divisions distinctes.
nier, bien qu'ils soient, comme l'abricotier, Les arbres de la première ont pour type le me-
originaires de l'Asie-Mineure, sont fertiles en risier sauvage à Iruit noir; livrés à eux-mêmes,
plein-vent jusqu'en Russie, par la seule raison ils se ramifieraient fort peu et s'élèveraient ra-
qu'ils entrent en végétation plus tard que l'a- pidement à la hauteur de 15 à 18 mètres.
bricoiier, et que lorsqu'ils sont en ileur, les Arrêtés dans leur croissance par les moyens
gelées tardives peuvent bien rarement les at- que nous avons indiqués, leurs branches n'en
teindre, même dans les pays du nord. C'est conservent pas moins une disposition à mon-
uniquement en raison de sa floraison trop hâ- ter qui rena toujours leurs têtes peu évasées;
live que l'abricotier noue rarement son fruit; ces branches sont grosses et fortes par rapport
il lui faut, en effet, pour cela une lempéralurede à leur longueur ; elles plient difficilement sous
printemps pour ainsi dire exceptionnelle. la charge du fruit, quelle quesoit l'abondancede
Dans la vallée de la Loire et au sud de cette la récolte : s'il survient un grand vent a l'époque
vallée, 1rs vergers d'arbres à fruits à noxaux où elles sont très chargées de fruits murs ou
sont principalement peuplés d'abricotiers et presque mûrs elles cassent au lieu de plier.
,

d'albergicrs l'amandier commence à s'y mon-


; Cette considération doit engager à reserver à
trer; les pruniers et les cerisiers d'espèces à ces arbres, ainsi qu'aux abricotiers, les parties
fleur précoce, les mieux abritées du verger. Les fruits des
y remplacent les espèces tardives
des vergers du nord ; les pêchers cerisiers à branches fortes et redressées sont
y prospèrent
en pleine terre, mais ce sont les espèces dont le en général doux et à chair ferme (guignes , bi-
fruit adhère au noyau et dont la chair blanche garreaux, cerises anglaises).
ou jaune a beaucoup de consistance ; la peau Les cerisiers de la seconde division portent
de ces fruils ne se détache pas à l'époque de la en général des fruits aigres à chair molle (ce-
maturité comme celle des pêches obtenues à l'es- rises proprement dites); leurs branches souples
palier sous le climat de P.iris. Enfin, dans les et minces fléchissent aisément sous le poids
vergers des bords de la Méditerranée, le pêcher du fruit et du feuillage; leur tronc, au lieu de
et le hrujînonier dominent dans les vergers, à monter droit, se ramifie naturellement à partir
côté de l'amandier et du grenadier; ils y at- de la greffe ; il leur faut dans le verger plus
teignent les dimensions de nos pommiers et d'espace qu'aux cerisiers de la première divi-
de nos poiriers en plein-vent, partout où il est sion.
possible de les arroser en été; car aucun arbre Les vergers de pêchers en plein- vent peuvent

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140 HORTICULTURE. L1\IVL VIII.

être d'un produit très avantageux sous


, même Fig. a«7.
le climat de Paris; en faisant choix d'une si-
tuation favorable , il est possible, l'expérience
le prouve, d'obtenir des pêchers en plein-vent
des fruits , sinon égaux en qualité à ceux des
pêchers en espalier, du moins qui en diffèrent
très peu. Dans ce but, il ne faut planter que les
espèces qui fleurissent tard ; les sujets doivent
être ou francs de pied, provenant des noyaux
la défense du verger, en occupant le moins de
des plus belles pêches de chaque espèce, ou
terrain possible. Dans la Belgique wallone et
Î;reffes sur franc, à O^O
de terre. On forme
dans le nord-est delà France, on plante heau-
eur tête sur quatre branches bien espacées; on
a soin qu'elle s'évase convenablement , qu'elle coupdehaies en cornouiller (cornut ttanguine a ;
elles ont l'avantage de formeravec le temps une
ne prenne pas trop d'élévation et que les bran-
clôture très solide, parce que les tiges se gref-
ches intérieures ne forment point confusion
fent naturellement en approche à tous leurs
pour laisser partout un libre accès à l'air et à
points de contact les unes sur les autres; mais
fa lumière. Ces vergers réussissent parfaite-
n'étant point épineuses, elles sont faciles à fran-
ment quand dans une position naturellement
,

abritée, telle que le pied d'un coteau regardant


chir. Les haies de charme ou charmilles fort ,

le sud ou le sud -est, on protège en outre les


en usage autrefois pour enclore les jardins et
les vergers ont le défaut de s'arrêter difficile-
,
pêchers par des lignes de thuyas ou de cyprès,
ou par des haies vives de 1 n, ,50 à 2 mètres d'é- ment à la hauteur voulue et d'étendre au loin
leurs racines, ce qui fait perdre une trop grande
lévation. Le pêcher en plein- vent ne conserve
largeur de terrain. Les haies d'arbustes de sinv-
la qualité de son fruit que lorsqu'on a soin de ne
pie ornement ne sont point en usage autour des
pas le fatiguer par une production excessive, et
vergers; toutefois, il existe à notre connais-
qu'on ne lui laisse tous les ans qu'une réculte
modérée, proportionnée à la force des sujets. sance, dans la commune de la Valette (Var),
uq verger enclos par une haie de rosiers du
$ VIII. — Clôture». Bengale régulièrement taillés à la hauteur de
,

Les haies vives épineuses sont les meilleures


l™,^. Cette haie longe la grande rouie sur une
étendue de près de 100 mètres, et bien qu'elle
des clôtures pour les vergers. Lorsque dans les
soit toute l'année en proieaux dévastations des
intervalles des arbres en plein- vent on ne plante
passants et à celles de plusieurs centaines de
que des poiriers sur cognassier et des pommiers
mille moutons trânshumans, sur le passage
sur doucain ces clôtures peuvent être établies
,

desquels elle est malheureusement placée,


par la voie des semis ; la lenteur de ce procédé
elle subsiste depuis plus de 30 ans. Cet exem-
est dans ce cas sans inconvénient : les premiers
ple montre les services que lerosierdu Bengale
fruits des arbres en pyramide les plus précoces
peut rendre comme clôture dans nos départe-
ne paraissent pas avant la quatrième année
après la plantation on a tout le temps de lais-
ments du midi.
;

ser croître la haie ; elle devient de plus en plus


$ IX. — Frau.
défensive à mesure que les arbres deviennent
plus productifs. Quand les arbres en plein-vent Nous ne pouvons, a moins de multiplier les
seront en plein rapport la haie parvenue de-
, calculs à l'infini donner des indications pré-
,

puis longtemps à toute sa croissance vaudra cises que pour une


localité spéciale; nous choi-
comme clôture la meilleure muraille. Mais si sissons les conditions ordinaires de la culture
dans les intervalles des arbres en plein-vent, des arbres à fruit dans l'un des départements
plantés à 12 mètres les uns des autres, en tout qui voisinent Paris; chacun pourra comparer
;i

sens, on a créé des lignes provisoires de pom- nos chiffres, dont nous garantissons l'exacti-
miers-paradis ou de groseilliers qui rapportent tude, avec, ce qui existe dans chaque localité.
au bout de deux ans , ou bien si , en attendant Nous nous proposons principalement de faire
le fruit des arbres en plein-vent, on emploie le comprendre, par ces chiffres, aux propriétaires
sol du verger à des cultures jardinières, il vaut placés à portée de Paris ou d'une grande ville,
mieux former la haie par plantation que par quels avantages ils peuvent obtenir d'une bran,
semis; le verger sera fermé deux ans plus tôt. che de culture aujourd'hui trop négligée; nous
Les haies d'aubépine, de houx et de robinia, voulons leur faire toucher au doigt ces avan-
soit semées, soit plantées , sont les meilleures tages, autant dans leur propre intérêt que dans
de toutes comme haies défensives. L'églantier, celui du public. Nous considérons à part les
qui, lorsqu'il est seul, végète trop inégalement frais et produits des vergers d'arbres à fruits
à
pour former de bonnes haies , produit un bon pépins; nous répétons les calculs analogues
effet lorsqu'on en mêle quelques pieds de dis- pour les vergers d'arbres à fruits à noyaux.
tance en distance, parmi les autres essences
épineuses. Ces haies doivent être tondues deux
A. — Frais d établissement d" un verger d'arbre*
à fruit* à pépins.
fois par an, de manière à les maintenir sous la
forme que représente la fig. 287. Cette forme Lorsque le sol est très fertile et de nature à
est celle de toutes qui s'accorde le mieax avec présumer que les arbres y prendront un
faire

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TITRE III. ARD1N FltUITIKR. Ht
très grand développement, on ne peut leur avant de rien récolter, ou ire les avances por-
donner moins de 12 mètres d'espace en tout tées au compte précédent :

sens. Une distance de 10 mètres est suffisante


Loyer de 9 ans, à 160 fr. l'hectare, impots
quand le sol est un peu moins fertile , surtout compris
si l'on plante plus de poiriers que de pommiers, Intérêt» de 1,500 fr., à 5 o/o, en 3 ans |* 0 .
ces derniers étant plus portes que les poiriers à Ce qui, joint à la *omme ronde de 1,500 fr.
étendre horizontalement les branches de leur î,« 1,800 .
tête; nous examinerons séparément ces deux
Donne pour le total de la mite dehors ,070 .
conditions pour un verger d'un hectare :
i

Poirier* et pommiers en plein-vent, à I* qu'en raison des frais imprévus, on


mètre» en tout sent, 64 à I fr. 95 r.
Pommier» greffes *ur paradis, 1,540 a 60 c..
. .

770
80 r •
-
peut porter à
M 00 »

Un labour à la charrue tS H Sidegré un peu moindre de fertilité du


le
Une seconde façon à la bêche, à i f. par are. . 1 00 » sol engage à donner seulement aux arbres
Fumier 10 mètres cubes, à il fr., transport 10 mètres de distance en tout sens
(fig. 289),
et épandage compris 110 •

Façon des tranchées et plautation 300 » Fig. 289.


Terreau pour les plantations, s mètre» cubes — - - — —— i i

à S fr SS •

Piquets pour tuteurs, 188, à S par plein-vent,


à 30c 38 40 *J J 1 i l. il. À 1-
Total 1,458 40 1 » 1 & I *i j #:
En portant le total des dépenses à 1 ,500 fr., *J J J 3 1 1 J J i;
nous croyons être très près de la vérité. Les
pommiers-paradis sont plantés à deux mètres
en tout sens les uns des autres, espace plus
-J i t * J J I J if
que suffisant pour ces arbres qui ont peu de
racines ; il reste autour de chaque pied d'arbre m» i & i m> i j
en plein vent un espace libre de nuit mètres
en tout sens ; c'est ce que représente la fig. 288 ;
^4 J i i i i iJ ^
Fif. 288.

c
on ne pourra point remplir les intervalles par
des lignes de pommiers paradis; celle nature
de sol étant présumée plus favorable au poirier,
on plantera à égale distance, entre deux lignes
d'arbres en plein-vent une ligne de poiriers
,

greffes sur cognassier, espacés entre eux de


_ _ «. j ?si .

5 mètres dans lignes, et alternativement,


les
une ligne de pommiers greffés sur doucain,
à la même distance. Nous n'avons repré-
senté ici qu'un des quatre compartiments du
verger, distribué comnv dans l'exemple pré-
cédent ; chacun d'eux sera entouré d'une ligne
n>
de buissons de groseilliers, à 2 1 50 l'un de
jXLt.g^'lr «• c. a JkJtl, c C tj»t s; r alî. l'autre On aura donc, dans cette supposition,
100 arbres en plein-vent, 144 poiriers en pyra-
«»a>Jiaig)*'&r>ra>a«.t Éu>>au mide greffés sur cognassier, 90 pommiers gref-
fés sur doucain et 288 touiïes de groseillier.
on a laissé toutautour du verger, entre la haie L'espace laissé libre autour du verger aura
BB et le premier rang de pommiers-paradis, I
2 ".50 de large ; les allées de dégagement au-
une largeur de quatre mètres CC pour la circu- ront une largeur de 5 mètres :

lation ; c'est aussi pour servir de dégagement


Poiriers et pommiers en plein-vent, à 10 mè-
que deux allées de quatre mètres de large DD
tres en tout sens, 100 arbres à t fr. 85 c. tf 5 r
traversent le verger, en se coupant à angle Poirier» *ur rogna *»ier, «44 arbres à 75 c. . 108 •
droit au point A qui occupe le centre de quatre Pommiers sur doucain», 00 arbres à 75 c. . . 07 50
carrés semblables qu'il eût été. inutile de Groseilliers, tS8 touffes à50c 141 •
reproduire ici. Au bout de huit ou dix ans, les Engrais, façons et fraisdi»er», comme ei-dej»n* 570 •
pommiers-paradis, épuisés ou non, seront sup- 100 tuteurs, à t par plein-vent, à 30 c, pose
primés; le sol recevra une bonne fumure d'en-
grais bien consommé etsera converti en prairie Total* • • , 1,074 r»o
naturelle pour demeurer en cet état à perpétuité.
Les pommiers-paradis ne commenceront à pro- On sera très près de la vérité en adoptant le
duire qu'à deux ans; on aura donc à supporter, chiffre rond de 1.1 00 fr. pour le total des pre-

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142 HORTICULTURE. LIVRE VIII-

miers déboursés ; comme la première récolte ne venons d'examiner, on peu» , avec une avance
pourra être espérée avant la quatrième année, de 2,000 fr., intérêts compris, créer un verger
il laudra ajouter à cette somme: d'un hectare.
l.ojer de 4 anr, à 60
iDléréU à 6 0/0 de l,<00
fr., impôts compii»..
fr., pendant 4 am
. 640 f
«90


B. — Fiait d eiabtitsemeitl d un verger d ai Lie»
à fruiu a noyaux.
880 •
Le terrain que nous supposons d'un hectare
Keut être disposé comme pour un verger d'ar-
Ce qui, joint aux débourses précédents mou-
lant à 1,100''
resà fruits a pépins; deux grandes allées de
Donne jHMir la dépense totale avant toute ré- '

six mètres de large, se coupant à angle droit,


colte 1.960 •
le partagent en quatre compartiments égaux;
Que nous porterons en raison des ras im-
prévus, à 1,000 •
une allée de trois mètres de large règne le long
de la haie, en dehors de ces compartiments. Le
Ainsi, dans les deux suppositions que nous carré A {fig. 290) reçoit vingt-cinq abricotiers

Fig. 290.

m.-* ïàà**- -à-* * ^^***+^*****±+******a


f-*-*5-*i -*l *2 -*±
-**j>*j>-»A*jL»**jÊ.i,*^*j>*^+** JT" ** -»-*
*"'*îî^

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*- _» ^a_^* J^j* j> j J A>i j>^> j^, ^ j j,
•U. W-* _3*L» ! jP-A -**-***-±+*M*^****Ji &** +

A: jfc:
;5r_* _I
*i .#i ^ *^
^.»^ ****** ***js>^,±**mj>* *
^

en plein-vent, à dix mètres en tout sens les à porter fruit à deux ans; il faut donc ajouter
uns des autres; un carré semblable, que nous aux déboursés :

avons jugé inutile de représenter, est occupé


par vingt-cinq cerisiers à branches flexibles, Deux ans de loyer d'un hectare, à t4fl fr.,

impots compris
espacés comme les abricotiers; le carré B est •
Iutérét» de 1 ,600 fr. à 5 0/0, pour deux aus. 160
planté en cerisiers à branches droites ; il en
430 -
Keut admettre trente-six, espacés entre eux de ..
uit mètres en tout sens. Dans un carré sem-
Cette jointe
blable sont plantes trente-six pruniers espacés 1.600
comme les eerisiers à branches droites.
Dans les intervalles des lignes d'arbres en Donne un total de. 1,930 »

plein- vent des carres A, on peut planter deux


9,000 »
lignes de groseilliers à deux mètres l'une de
l'autre; les touffes de groseillier sont à deux aux
Nous devons une mention particulière
mètres dans les lignes. Les intervalles des ar- vergers plantés uniquement en cerisiers greffes
bres en plein-vent dans les carrés B ne peuvent u
à demi-tige, à l ',50 de terre, espacés a six
admettre qu'un seul rang de groseilliers, à deux mètres en tout sens. Un hectare ainsi planté
mètres de distance dans les lignes; un rang de contient seize lignes de seize arbres chacune,
groseilliers à la même distance les uns des au- soit 256 cerisiers; il reste en dehors de la plan-
tres entoure les quatre carrés, ce qui donne
tation un espace libre de trois mètres de large
un total de 1,240 touffes de groseillier. le long de la haie. Les intervalles peuvent ad-

SS abricotiers en plein-vent, à 1 fr. 50 c. . . S7 f 50 mettre des lignes simples de groseillier à deux


• I cerisiers en plein-vent, à I fr. M c. . . . 76 » mètres en tout sens, ce qui, en laissant pour
36 pruniers à l fr. «5 c 45 . le service deux allées à angle droit donne ,

1,940 touffes de groseillier à Mc 620 • 1,1 40 touffes de groseillier.


Engrais, façons et frais divers. 600 •

à 30 c, pose comprise. ... ... 73 256 cerisiers à demi-tige, à 1 fr 25C f »


1,140 loulfe* de groseillier à 5o c 570 »
Total des déboursés 1,451 so Engrais, façons et frais comme ci-dessus . . . 600 »

1,500 50 Total.... 1 ,4*6 •

Les cerisiers et les groseilliers commencent Soit, somme ronde i,soo

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TITRE III. JARDIN FnUITIEH.
Les arbres à cette hauteur n'ont pas liesoin de vent par rester seuls en possession du ter-
finir
tuteurs. rain, n'ont encore rien produit, ou le peu de
fruits qu'ils ont pu donner ne peut être porté
En ajoutant deux ans de loyer et les intérêts
en compie. A partir de la sixième année, les
de* déboursés pendant deux ans, moulant
eusemble à 430' produits de ces arbres croîtront rapidement,
celui des pommiers-paradis restant toujours le
Od trouve un total de 1 50 même ; les frais n'auront point d'augmentation
à subir, de sorte que jusqu à la dixième année le
Soit, somme ronde , 4,000 *
revenu net ne cessera pas de s'aercoitre. Puis le
Nous arrivons, comme on le voit, au même moment viendra où les arbres en plein- vent,
chiffre pour tousles genres de vergers d'arbres parvenus à leur dixième année, rapportant déjà,
à fruits à pépins ou a noyaux. année commune, 5 fr. par an, exigeront la sup-
pression d'une partie des pommiers-paradis.
§ X. - Produils.
En en arrachant deux lignes sur trois, dans
Le du verger, lorsqu'en attendant la mise
sol l'intérieur des carrés, et conservant les lignes
à fruit des arbres en plein-vent on le cultive extérieures, il en restera provisoirement 800
en jardin potager, donne des produits impor- qui donneront, à 60 c. par arbre, 480 fr. ; le
tants, dont nous n'avons point à nous occuper compte de la dixième année donnera par con-
ici. pour ne pas multiplier les chiffres sans né- séquent :

cessité (voir Jardin potager). Nous devons


Fruits des arbres en plein-vent, à 6 fr. par
seulement rechercher quels sont les produits
arbre ."
T,iO f •
des vergers dont nous avons évalué les frais Fruits de> paradis à 60 c. par arbre 400 •
sous quatre conditions différentes :

Total • . . . «00
t° Vergers d'arbres à fruits à pépins en plein-vent et
de pommiers-paradis;
A déduire : frais. 30o f
«° Vergers d'arbres à fruits à pépins, en plein-renl et de
Il reste, net pour la iO* année. 440
e
°
8° Vergers' d'arbres i fruits à noyaux et de groseilliers ; Mais cette diminution momentanée du re-
4» Vergers de cerisiers et de gro>eilliers. venu, causée par la suppression d'une portion
.1° Les produits sont nuls la première année : des paradis, sera bientôt compensée par l'ac-
croissement rapide du pro uit des arbres en
les paradis montrent leur fruit après leur se-
plein-vent qui, une fois mis à fruit, croîtront
conde feuille ; celte première récolte, est peu
importante ; nous ne la portons point en compte,
en fertilité chaque année. A quinze ans, quand
les dernières lignes de pommiers-paradis .seront
afin de ne pas avoir non plus à compter les
supprimées, les plein- vents pourront donner
frais d'entretien qu'elle couvre et au dt-la. Dès la
troisième année, les paradis sont en plein rap-
chacun de 200 à 300 poires ou pommes valant
port; chacun de ces petits arbres peut donner,
de 5 à 10 c. la pièce, produit qui, lorsque les
arbres seront dans touie leur force, vers âge
année commune, dix fruits qui valent de 5 à l

de vingt-cinq à trente ans, pourra facilement


10 c. En portanfle produit annuel de chaque
pou m ht paradis à 60 c, nous sommes au-des-
i
-
être double. De plus, la suppression de tous les

sous de la moyenne, car beaucoup d'arbres pro-


pommiers-paradis aura permis de convertir le
duisent plus d'un franc par an. Le compte de ce
soldu verger en prairie pouvant donner an-
nuellement 3,000 ktlogr. de foin à 100 fr. les
verger donnera à la fin de la cinquième année
après la planlation les résultats suivants 1,000 kilogr. Le compie de la quinzième année
:

donnera par conséquent :

Fruit* de 1.540 pommiers-paradis à UO c.


par au, récolte* des 3 e 4* et 5 B minées. . Fruit desarbresenplein-vtnt,àt0 fr.paraibre l,380 r •
i,7 7*f »
A déJuirc : loyer, impositions et intérêts com- Foin, 3,000 kil. à 100 fr. les 1.000 kil

me au compte des frais, à 300 fr. par au,


pour trois ans 7HO
A déduire: frais,

Bénéfice net 1,904 •


Il reste de bénéfice net I ,tiO
Ces recettes balancent à huit francs près les
Les bonnes années compensant les mau-
dépenses, de sorte que le propriétaire aura créé,
vaises, on aura un revenu moyen de 1,000 fr,
sur un hectare de terrain, avec un déboursé
par an, tons frais déduits. Il faut observer que
de 2,000 fr. , qu'il aura recouvré intégralement,
nous avons porté en dépense l'entretien du ver-
v compris les intérêts, un revenu porté, pour
ger pour 100 fr. par an; une fois les paradis
lacinquième année à 564 fr., ou, somme ronde,
supprimés, l'entretien devient pour ainsi dire
en déduisant de la recette annuelle,
fi50 fr.,
tout-à-fait nul. La prairie, fumée en couver-
montant à 924 fr.,
ture tous les deux ou trois ans, se maintient
Loyer, impositions et intérêts B6u r en bon état, et les arbres en plein-vent, conve-
Frais de culture et d'entretien mo ,
nablement soignés, peuvent vivre un siècle.
Total..;. flous devons appeler l'attention des proprié-
360 »
taires sur une autre considération non moins
Jusqu'ici, les arbres en plein-vent qui doi- importante :c'est l'augmentation du capital

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HORTICULTURE. i.ivnr. vin.

foncier. Nous supposons l'emplacement du ver- Arbres en plein-vent, à 4 mènes carrés par
ger acheté comme terre de première qualité arbre 400"
Arbres en pyramides à 8 mètres 25 c 683
sur le pied de 3 p. 100; étant loué 150 fr., im-
Groseilliers a un mètre carré par toulfe as*
pôts à charge du locataire, il aura pu coûter
957
5,000 fr. Parvenu à un revenu net de 550 fr.
dès la troisième année, ce terrain aura presque Total 8,830
doublé de valeur. Supposons en effet qu'il soit
Cette somme, retranchée des 10,000 mètres
loué 300 fr., ce qui, en raison aes produits, se-
carrés que contient un hectare, laisse à la pro-
rait un lover raisonnable, il vaudrait, au taux
duction du fourrage 7,760 mètres carrés dont
de 3 p. 100, 10,000 fr. Pour tout propriétaire
on peut évaluer le produit à 2,000 kilogr. de
possédant un terrain dans des conditions favo-
rables, et assuré, soit de louer à un prix avan-
foin valant, à 100 fr. les 1,000 kilogr.. 200 fr.

tageux le verger en rapport, soit d'en vendre


Cette récolte a dû commencer la troisième an-
née; il faut donc ajouter aux recettes précé-
aisément les produits, il n'y a pas de meilleure
dentes :
spéculation. Ajoutons que le père de famille,
travaillant pour ses enfants autant que pour Foin des S - , Â* et 5* années, à 800 fr. par an.
lui-même, peut, dans ces circonstances, leur Ce qui porte te total des recettes au bout de
créer à bien peu de frais un capital certain, » ans à |,»65 40
que le temps, en développant la fécondité des
arbres, ne fait qu'augmenter d'année en année. ^
A au moyen
cette époque, le propriétaire,
d'une avance de 2,000 fr., dont il aura recou-
2<> Les produits de ces vergers sont nuls pen-
vré plus de la moitié, indépendamment des in-
dant la première et la seconde année. Les gro-
térêts, aura créé, sur un terrain d'un hectare,
seilliers sont en plein rapport trois ans après
un revenu net de 252 fr., revenu encore peu
la plantation. Leur produit, comme celui des
considérable, mais qui tous les ans s'accroîtra
pommiers-paradis dans le compte précédent,
dans une très forte proportion, les frais restant
n'est pas susceptible d'augmentation ; il devient
les mêmes ; on en jugera en jetant les yeux sur
tout d'un coup à peu près ce qu'il doit être
le relevé suivant :
dans la suite. Chaque touffe de groseillier peut
donner annuellement 2 kilogr. de groseilles, ce sixième Affilia.
qui, pour 288 touffes, donne un total de 576 Groseilles, comme ci-dessus I74 r •
kilogr. de groseilles valant, au prix moyen de Fruits des pyramides, à 1 fr. t0 c. par arbre. 880 So
30 c. le kilogr. 1 72 fr. 80 c. Nous n'avons point
, Fruits de* plein-vents, ilOcnr art
porté en compte le peu de groseilles qu'on a dû loin, 900
récolter la seconde année; cette récolte, peu
Total... 738 »0
importante, cou\rc les frais, d'ailleurs très mi-
nimes, de la taille des arbres pendant les deux SEPTIÈME ABffEE.
premières aimées. Les arbres fruitiers en plein- Groseilles lit
vent feront encore attendre leur premier fruit Fruits des pyramides, à 9 fr. 50 c. par arbre 885 •
plusieurs années les arbres fruitiers en pyra-
;
Fruits des plein-vents, à I fr. 30 c. pa» arbre. i 50 •
mides donneront à cinq ans leur première ré- Foin loo .

colle. A la lin de la cinquième année, le compte


Total i,i 0 7 .
de ce verger présentera les résultats suivants :

HUITIÈME ARHÉB.
Fruits des groseilliers pendant 3 ans, à 17» fr. Groseilles i?» .
par an 816 1
• Fruits des pyramides, à 3 f. 80 c. par aibre. 819 .
Fruits de» pyramides, à 60 c. par arbre 140 JO Fruits des plein-veuts, a 8 fr. 60 c. par arbre. 960 -
Foin 9oo •
Total. . . 050 40

Avances d'après
Total. . . . 1,441 •
le e» frais 8,Ooo .

Différence des dépense* et des recettes Le produit du verger est destiné à s'aug-
t,343 00
menter encore ; les arbres en pyramides qu'on
Les annuels s'élèvent, d'après
frais le compte ne ménage pas puisqu'ils doivent être suppri-
précédent, à :
més à 15 ans, donnent de plus en plus ; les ar-
bres en plein- vent, une fois qu'ils se mettent à
Lover, impôts et intérêts des avances. 800 f fruit, arrivent, après 10 ans de plantation, a un
Entretien 100 produit de 5 fr. par an et les frais n'augmentent
,

pas d'un centime. En tenant compte seulement


Total. . . . 360 »
des récojtes réalisées pendant les 8 premières
années, nous trouvons un lotal de 4,546 fr.
Mais faut porter en recette un autre pro-
il Nous n'avons à déduire de cette somme que
duit dont nous n'avons pas fait mention. Toute les frais pour loyer, impositions, intérêts et en-
la partie du verger qui n'est pas occupée par tretien pendant les 4 dernières années : pour
les arbres à fruit et les chemins, est convertie les 4 premières ces frais ont été portés en
en prairie. Les arbres et les chemins occupent compte ; ils font partie des avances dont le total
2,230 mètres carrés ainsi répartis : se monte, pour ces 4 ans, à 2,000 fr. C'est à

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TlTItE III.
JARDIN FRUITIER.
145
raison de 360 fr. par an, comme
ci-dessus, plein -vent
avancent vers leur maximum
1 ,440 fr. qui, retranchés de 4,546
fr. , laissent de fécondité; le revenu croit rapidement,
comme produit net, 3,106 fr. Cette somma, jusqua ce que chaque arbre en plein-vent
repartie entre les 8 années qui se
sont éoulées donne en moyenne 10 fr. par an, résultat au-
oepuis la plantation , donne un
revenu moyen quel tous les arbres doivent arriver entre
de 388 la 12™
25 c. ou somme ronde, 380 fr.
fr. .
et la 15"* année. Si les arbres à fruits à
aa revenu acluel da verger, il est de noyau
« ne rapportent jamais autant que les arbres
1,400 fr. a 10 ans il dépassera 1,500 fr. pour
;
à
fruits a pépins, ils font attendre
atteindre 2,000 fr. lorsqu'à l'âge moitié moins
de 25 ou 30 leur complète mise à fruit
ans, les arbres en plein-vent, ; ils ont en outre cet
restés seuls dans avantage, que leurs racines occupant
le verger, auront atteint moins
leur plus grand degré a espace, on peut maintenir à perpétuité
de fertdite. ° les
groseilliers qui seuls donnent un revenu
En appliquant à ce verger impor-
l'observation que tant. Quinze ans après la
plantation , les pro-
nous avons faite sur le premier, quant à l'ac-
duits annuels de ce verger pourront
croissement du capital foncier, nous trouve- être :
rons qu'une propriété rapportant Groseilles
au proprié- 744' •
taire qui I exploite lui-même Fruits des arbres en plein
1.500 fr. de re- «'ni, à io fr. par
venu net, peut être louée 800 fr. 1,190 •
, en laissant
ju locaiaire une juste part des produits,
les Totai.... f,g«4 .
n . ,. .

* .™ ! P res<l ue naI*. ce qui, au taux de


3 p. 100, lui assigne une valeur de 26,600 fr.
Déduction faite des frais, montant à 360 •

Les explications données pour les 2


3" siéra de revenu net
pre- < • « « . 1,004
miers genres de verger nous
permettront d'abré- Commeces récolles sont plus sujettes à t«.
ger le compte du 3 e Ce compte,
6 ans après la
.
quer que celles des arbres à fruits à pépins,
plantation, présentera les résultats •
suivants nous ne compterons en moyenne que
l ro et 2 e années, 1,000 fr.
pas de produits. de revenu pour ce verger, parvenu à son
plus
tioisicmc assis. haut degré de fertilité. Ce produit
suppose une
Groseilliers, |,i40 touffes valeur local ive de 600 fr. , et une
donneront a rai- valeur fon-
son de 1 lui. de groseilles par touffe, 9,480 cière de 20,000 fr.
kil.. à 30 c. le kil 4° Les produits de ce verger
. . 744/ . . ne peuvent exac-
01 cerisiers, 9 kil. par arbre, 91 kil. à t! 1
30 50 U
tement se déduire des comptes des autres ver-
gers. Le principal avantage de
ce genre de
Total.... 774 80 plantations c'est de s'accommoder d'un
terrain
Les abricotiers et les pruniers ne
portent pas de médiocre qualité, où les autres ne pourraient
prospérer; le loyer et les frais sont moins éle-
vés et les produits moins considérables.
QUATRIEME Assis. Les
cerisiers, très rapprochés les uns
Groseilljert, comme ci-dessus des autres,
744 r , ne prennent jamais un grand développement
• cerisiers à S kil. à SB c
I
4B 78 quand ;
Premier frmt des pruniers cl ils sont en plein rapport, ils
abricotiers, à donnent
•Oc. par arbre moitié moins que les arbres en plein-vent
30 80 du
verger n" 3. mais ils arrivent beaucoup plus
tôt
Total. , . 930 95 a leur maximum de fécondité. Les
.
groseilliers,
CIRQOIÈMC awsiLb. plus ou moins gênés par l'ombre des cerisiers,
sont aussi moins productifs que ceux des
Groseilliers ver-
"
744 . gers dont nous venons d'examiner les comptes.
Cerisiers, i 1 fr. t8 c par
„bn
.
n A six ans, les cerisiers greffés à demi-tige
Prumer. et abricotiers, a sont
l fr. par arbre. . . 61 .
en plein rapport.
ToTAt.... 881 93 1" et 2"» années, produits nuls.
UXtts» A»«ia. »

TaoïsùsiB Aimât.
Groseilliers.
744 f
Cerisiers, à 3 Groseilliers, 1,140
fr. j,ar arbre ! . . 191 •
touffes, donnant 48 c
Pruniers et abricotiers à l fr. 5o c. par arbre! 91 60 P« touffe sis' .
Cerisiers, 950, à fr par arbre
I 98 8 .
Total. . . . 957 g 0
Total. ... 769 .
La recette totale s'élève pour les 6
premières QUATRIÈME ASTVKI.
années a la somme de
3,433 fr. 50 c. , dont il
laut retrancher pour Groseilliers .
annuels des 4 les frais )3 m
dernières années seulement, Cerisiers, à l fr. 50 c. par arbre. !.*!'.! 384 .
à 360 fr. par an

H Total 897 .
reste de produit net 1,993 fr. 50 c.
Lette dernière somme, CIXQUiiMfe AltHKR,
répartie entre les six
»ns écoules depuis la Groseilliers
plantation du verger 9ls
i°^ pour e
ronde srs
u net 332 fr 25
/e *
°0 fr. par an. Les arbres en
S Cerisiers à 9 fr. 50 c. par arbre. 819
.
.

Total.... 1,088 •
OtTTClfLTSmt.
T. V. ~ 19

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146 HORTICULTUKE. LIVRE VUE.
smixi kitnit.
A. — Fruiu à ptpins.
Groseilliers. ............... 813 •
Cerisieis, à S fr. par arbre 640 » Nous n'avons point la prétention de donner
des catalogues complets des fruits à pépins di-
Total 1,155
gnes d'être cultivés dans les vergers; nous nous
Ces recettes additionnées donnent un total de. 5,901 > bornons à indiquer, avec des remarques sur
chaque série, les espèces dont on peut composer
Le terrain étant de qualité médiocre, sa va- un verger irréprochable, où les plein-vents doi-
leur locative, avant la création du verger, n'é- vent rester définitivement maîtres du terrain.
tait que de 140 impôts compris
fr. les frais à
déduire se réduisent donc à
,

:
;

I. FoirUn «w phm — /, upkupno—M.


Loyer et impôts tiomê d«i c*pèfM'
pour 4 ans S60 r !
'.

|
m , r

de l< maturité dr» fruil*.


Intérêt* de 1,000 fr. a & o/o pour 4 au». . 400 >
Petit muscat (dit 7 eu gueule). .
Frais de culture t so •
Petit-Saiut-Jean

TOTA L t.tto >


r.roi-Saint-Jean (muscat Robert). !
Deux -têtes
Les déduction
recettes, faite de cette somme, Petite blanquette
Grosse blanquette
s'élèvent à 2,794 fr.
Blanquette à longue queue. . . .
Ces recettes réparties entre six ans écoulés de- Epargne (beau prèseut, cuisse ma - \ fin de juillet.
puis la plant, m du verger, forment un
il ii
dame)
revenu net annuel de 465 f •
Rouwlet hâtif
Madeleine
Soit, somme ronde 450
Toutes ces poires sont médiocres, à l'excep-
A 10 ans les arbres de ce verger ont atteint
tion du rousselel hâtif, le meilleur de touie cetie
le maximum de production qu'ils ne doivent pas
série , poire rare en France et moins bonne
dépasser; les cerisiers peuvent donner 4 fr.
qu'en Belgique, où elle est très recherchée; les
par an; les groseilliers donnent toujours les
amateurs qui désirent l'avoir franche d'espèce
mêmes produits; la meilleure réoolie qu'on
doivent s'en procurer des greffes de Belgique
puisse attendre d'un verger semblable est donc ;
la meilleure variété est celle qu'on trouve dans
de :
tous les jardins de la vallée de la Meuse, depuis
Groseilles 6l3 r • Dînant jusqu'à Maestricht ; elle
y est connue
Cerises ........ .......... 1,044 •
sous son vrai nom de Rousselet d été ou hâtif.
To r a l . 1,637
Après elle , la meilleure de celte série est la
poire d'épargne, belle et bonne quand elle est
Et, déduction faite de 390 fr. de frais. . 1,117 prise à son point, mais elle n'a qu'un moment.
Les autres conviennent plutôt au jardinier de
1,100
profession qu'à l'amateur, parce que les arbres
En moyenne, bonnes années compensant
les de ces espèces chargent beaucoup et que leur
les mauvaises, ce verger, en plein rapport, ne fruit, bien que médiocre, se vend très bien,
par
peut donner au-delà de 900 fr. de produit net, cela seul qu'il précède d'un grand mois toutes
ce qui suppose une valeur locative de 500 fr. les autres poires. Il ne doit pas
y avoir dans un
et une valeur foncière de 16,600 fr. verger d'un hectare plus d'un arbre de chacune

$ XI. — Choix des espèces.


de ces espèces un seul des deux Saint-Jean, et
;

une seule des trois blanquettes permettent de se


La plus déplorable confusion règne dans la passer des autres variétés de leur espèce, pour
nomenclature des fruits en France ; des réu- laisser la place à de meilleures poires. Les poi-
nions de jardiniers qui ouvriraient entre eux res comprises dans le tableau ci-dessous suivent
une correspondance suivie, et se communique- immédiatement les précédentes sous le rapport
raient les fruits de chaque région , pourraient de la précocité elles leur sont de beaucoup su-
;

seules, avec beaucoup de temps et de travail, périeures en qualité; les arbres chargent ut»
rétablir la synonymie et permettre à l'amateur peu moins, toute proportion gardée, et si la
de se reconnaître avec certitude dans les cata- vente des fruits ne peut être faite au moment
logues du commerce tandis qu'aujourd'hui
, opportun, les poires ne peuvent se garder seu-
grâce à l'arbitraire de la nomenclature, l'ama- lement 24 heures après leur parfaite maturité.
teur éloigné des pépinières fait souvent venir Le jardinier prudent doit donc se régler sur le
à grands frais ce qu'il a déjà, ou bien le con- débit présume et ne pas s'encombrer d'une trop
traire de ce qu'il a demandé. Il n'est pas en grande quantité de fruits excellents, mais dont
notre pouvoir de remédier à un tel désordre : chacun n'a pas plus de 10 ou 15 jours pour cire
forcés de nous déterminer, nous adoptous les mangé à son point, et peut être considéré comme
noms le plus généralement reçus ; tout ce que perdu le lendemain du jour où il est mûr, s'il n'a
nous pouvons garaulir à nos lecteurs, c'est nue pu être vendu.
nos indications sur les qualités des fruits et l c-
poque de leur maturité sont de la plus scrupu-
leuse exactitude.

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titmî m. JARDIN FRUITIER. 147
Rama <ict wyiwfc £|K»|U«
de U mtturilt dr* fruitt.
faite existe dans les jardins qui environnent
Belle de Bruxelles du 15 août au l* r sept. Malines (Belgique). La mouille-bouehe rayée
Bon-chrétien d'été, Gratiole, fiu d'août. ou culotte de Suisse, espèce excellente, mais
{Gracioli det lui liens.) peu productive, est presque abandonnée pour
Rou-ch rélien turc ou d'Orient. Idem. cette raison. La poire sieulle est une des meil-
Bon-cbrélien William Idem. leures acquisitions récentes de nos vergers. La
Doyenné d'été Idem.
Eoire sanguine d'Italie, dont la chair est mar-
Beurré d'élé fin d'août et septembre.
rée de rouge, est plus curiease qne bonne;
Beurré de Morfonlaine .... Idem. Idem.
Beurré magnifique (poire melon)
sous le climat de Paris, elle produit rarement,
Idem. Idem.
parce que sa floraison est trop précoce.
A l'exception de la dernière qui est plutôt ,
3. Paint i hiver.
belle que bonne, toutes les autres sont excel-
lentes bon-chrétien d'été l'emporte sur tou-
le Nom. d«i r.^rci.
;
fc u ÙmHRsI fruiu.
tes les aulres; il convient surtout en plein-vent r d'Hardampout
dans les vergers au sud de la Loire; sous le I (goulu morce
climat de Paris, l'arbre vient très bien et son Beurre < de Malines . . décembre.
I d'Aretnberg janvier.
fruit est parfait ; mais il fleurit peu et ne donne . . .

\ Raiicé lévrier.
pas tous les ans. Sur le littoral de la Méditer-
Doyenné d'hiver de janvier en avril.
ranée, de Toulon à Antibes, et en Italie jusqu'à SaintGermain de novembre en mars.
Livourne, dans les vergers de la côte, ce poi- Crassane ou cresane de novembre en janvier.
rier est presque seul cultivé en plein-vent. Chaumonlel de décembre en mars.
Bergamuttc de Piques de décembre en avril.
2. Point d automne.
d'hiver de janvier en juillet.
Bon-
Nom» dn «pcect.
de
Epoque
malunUi chrétien
d Espagne .... décembre et janvier.
la
J«né février et 1

Capiaumont .... septembre.


gris septembre et ortobre. L'époque indiquée pour la maturité des fruits
roux Idem. Idrm. désigne la durée du temps pendant lequel cha-
Igaleux ou rrolté . Idem. Idem. que fruit peut éïre mangé dans toute sa perfec-
de Beautnont . . septembre,
tion ; quelques fruits durent beaucoup plus long-
Id'Angoulème . . septembre,
temps que nous ne l'indiquons; mais, sans être
'd'Angleterre. . . septembre et octobre.
d'Amaulis. . Idem. Idem. gâtes, ils ont perdu toute leur saveur.
. .

, Spmce octobre et novembre. Toutes les poires comprises dans les listes
de Sl.-Michel, ou qui précèdent se mangent crues ; les espèces
d'automne. , . . octobre. suivantes se mangent crues, mais elles sont
Seulelet octobre. meilleures lorsqu'elles sont cuites, et on les ré-
musqué octobre et novembre. serve ordinairement pour cet usage; on leur
septembre et octobre.
fait aussi subir une préparation qui les conver-
Mouille* bouche verte-longue. . octobre.
tit à l'état de poires tapées.
Mouille-bouche panachée (cu-
lotte de Suisse) octobre.
4. Point meilleur» i euittt fa* trutt.
Sieulle octobre et novembre.
R<*°?7
Messire-Jean. ........ octobre. îtorai d< a ttptoes
1 de U ,
maturité drt ftulU.
.

Sanguine d'Italie septembre. Martin sec de janvier en avril.


Rousselet de Reims de décembre en mars.
Toutes les variétés de beurré veulent être dé- Bergamolte de la Pentecôte. . . de janvier en avril.
tachées de l'arbre au moment 06 elles quittent Van Mons de décembre en mars.
facilement la branche; autrement, le moindre Léon Leclerc Idem. Idem.
vent les fait tomber, elles se meurtrissent et Duchesse de Berry d'hiver . . . Idem. Idem.
perdent beaucoup de leur valeur: elles achè-
Toutes ces poires, lorsqu'on veut les manger
vent de mûrir sur les dressoirs du fruitier. Leur
cuites , doivent être employées un peu avant
peau contient un principe astringent peu agréa-
leur maturité. Presque toutes se conservent au-
ble au goût ; on ne les mange pas sans enlever
delà des époques indiquées sur les listes; mais
la peau. Toutes les poires de doyenné se man-
passé ces époques elles perdent leur goût, se
gent avec la peau, qui est excessivement mince
flétrissent et n'ont plusaucune valeur. La liste
et qui contient un arôme particulier, de sorte
suivante contient les meilleures d'entre les poi-
que ceux qui pèlent ces poires pour les manger
res qui ne peuvent être mangées crues.
perdent le meilleur; ce sont de toutes les poires
celles qui sont le moins sujettes à ces concré- 6. Peint a euin.
tions de silice si désagréables à rencontrer sous Epo<|U«
Nom d« U mtturit* d«t fruili.
la dent. Ces concrétions abondent trop souvent
dans la poire de messire-Jean, qui sans cela se- Fraoc Real de novembre en i

Catillac ou cotillard de décembre eu avril.


rait beaucoop plus recherchée ; elle est la meil-
Impériale de janvier en avril.
leure de toutes pour la préparation du raisiné. D'une livre de janvier eu mal.
Le doyenné-calebasse, Tune des meilleures poi- De tonneau Idem. Idem.
res qui existent, n'est guère connu bors de la De Chapla) Idem, luem.
Belgique, son pays natal; la variété la plus par- Royale idem. Idem.

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148 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

Avec quelques soins, plupart de ces poires


la tous les fruits précoces, ils ne se gardent pas ;
se conservent d'une année a l'autre sans se on doit donc planter fort peu d'arbres apparte-
rider ni s'altérer en apparence ; mais passé le nant aux espèces hâtives.
mois de mai elles deviennent pâteuses et n'ont
7. Pommu d'ktrtr.
plus de saveur. L'excessive dureté de ces poi-
res au moment où on les cueille fait qu'on s'y 4c U raaluril* du fru'iU.

prend d'ordinaire avec très peu de soin, et c'est ! blanc, ou à cotes. . de décembre en avril,
Calville
a tort; l'effet des contusions, peu visible d'a- rouge d hiver. . . de uovi mbre en mari.
bord, ne tarde pas à se manifester ; les poires franche d'octobre en orlubrr.
se gâtent précisément au moment où elles se- de décembre en avril.
raient vendues avec le plus d'avantages. Les de janvier en janvier.
poires d'automne et les poires d'hiver, tant durée de décembre en avril.
roue,e de novembre en mars.
celles qui se mangent crues que celles qui ne Reinette
pépin d'or. .... de novembre en mars.
fieuvent être mangées que cuites, constituent d'Angleterre. ... de décemlire en mars,
a partie la plus riche de la récolte du verger; de Breiagne rouge, d'orlobre en janvier,
parmi ces poires, le beurré, le bon -chrétien, de Portugal. ... de janvier en avril,
le saint-germain et la crassane doivent être les du Canada .... de
plus nombreuses ; toutes ces poires se cueillent
un peu avant leur maturité ; toutes offrent l'a- La liste suivante ne contient que des pom-
vantage de mûrir, non pas toutes à la fois, mes plus recherchées pour leur beauté que pour
comme les poires d'été, mais successivement, leur bonne qualité:
Epoqur
selon l'âge des branches qui les ont ponces et Nom» drt r.pmi maturité drt
de la frultl.
leur exposition plus on moins méridionale. Cette
d'api. . . de novembre en mars,
particularité est également précieuse pour l'a- D'Astrakan ou te . de février en avril,
mateur qui jouit de ses fruits pendant tout l'hi- D'Eve (i de février en mai.
ver, et pour le jardinier de profession qui vend Joséphine. . . . d'oclubre en janvier,
quand il veut, et ne se trouve jamais, pour cette A <-n.il y . ... de novembre en mai.
partie de sa récolte , à la discrétion des ache- Des quatre goûts d'octobre en <

teurs. 8. Pommu m
Les arbres de la dernière liste (poires à cuire) Ep<x|i>*
Nocil d«t «.paru.
chargent beaucoup et tiennent beaucoup de de U nuturiic do fruit».

{>lace ; ils doivent titre exclus des vergers où Rambour d'hiver décembre et janvier,
Belle fleur de novembre a janvier,
'on n'accorde que 10 mètres en tout sens à
Châtaignier de décembre en mar*.
chaque pied d'arbre ; ce n'est pas trop pour
Court -pendu (kapendu). . de décemb. en déeemb.
eux d'une distance de 12 mètres en tout sens Pomme d'érable décembre et janvier,
d'un arbre à l'autre. Pomme de fer de novemb.
Nous avons donné (page 79) la liste des es-
pèces qui ne viennent pas bien sur sujets de Les meilleures espèces pour greffer sur para-
cognassier toutes les poires à cuire sont plus
;
dis, sont les calville et les plus grosses d'entre
ou moins dans ce cas. Nous croyons inutile de les reinettes, particulièrement celles d'Angle-
dresser des listes séparées des espèces greffées terre et du Canada.
sur cognassier, qu'on peut planter provisoire- Quelques-unes des pommes que nous avons
ment entre les lignes d'arbres en plein- vent ; à indiquées comme pouvant se conserver d'une
l'exception de celles qui ont été signalées comme année à l'autre durent souvent plusieurs an-
,

se refusant à vivre sur des sujets de cognassier, nées; mais les plus durables, après une année
toutes les espèces de poirier peuvent s'élever révolue, restent sans saveur. Les pommes de
indistinctement en plein-vent et en pyramide, fer se conservent jusqu'à trois ans; mais elles
ainsi qu'en vase ou corbeille ; on peut donc sont d'une qualité très inférieure. La reinette
quant au choix des espèces, être guidé par les grise réunit à une très longue durée une saveur
considérations que nous venons dexposer. fine et délicate ; elle supporte de longs trajets
par mer sans éprouver d'altération.
6. Pommu hniint.
R. — Fruits à noyau*.
La nomenclature des fruits à noyau n'offre
Rambour d'été août et septembre.
pas plus de certitude et de régularité que celle
Pomme-framboise août et septerobie.
des fruits à pépins; ce que nous avons dit des
Pomme de neige août et septembre.
Calville d'été fia de juillet.
premiers doit s'entendre également des seconds.
rouge 1. Pichen,

Toutes ces pommes sont médiocres, à l'ex- Nous n'avons point fait figurer le pécher
ception de la pomme-framboise et de la pomme dans le compte ries frais et aes produits d'un
de neige, parfaites l'une et l'autre, mais qui verger sous le climat de Paris parce que l'en- ,

ont le tort de paraître à une époque où les bons trée du verger lui est interdite; néanmoins,
fruits de toute espèce sont dans leur plus grande comme dans quelques localités favorables on
abondance ; ces fruits sont d'ailleurs comme peut obtenir des produits très avantageux d'un

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TITRE III. JARDIN FRUITIER. 149

verger de pêchers en plein-vent , nous devons 4.


indiquer les espèces les plus convenables pour
ce genre de plantation. Ce sont de préférence ,
Nom* d«i tiprcei.
d.i.
MM
à toutes les autres , les pèches à floraison tar- Montmorency
dive qui craignent moins que les pêches pré- Groi gobet (courte queue). . . juillet.
Grotte précoce de Ch&tenay . . fiu de juin
coces l'action funeste des derniers froids.
Grotte tardive (de la Madeleine) fin de juillet.
Royale fin de juin.
r cr lui M pltm-itni ( MU! U climat fie l'uni)
Cerite de pied fin de juillet.
Epoque
Nom» in t«pir«.
<U I* uni uni.- lîri fmiU. Toutes ces espèces sont des cerises propre-
Belle de Vitry du < 5 («pl. au ISoclob. ment dites, à fruit plus ou moins acide, plus
• • • . rond qu'allongé à chair molle et demi-trans-
,

Téion de Venu». • »..»• fin de *ept. et octobre. parente. La cerise de Montmorency ne se ren-
Pourprée tardive octobre. contre plus que dans les vergers d'amateurs;
de la Toumint. fin d'octobre.
les jardiniers de profession y ont renoncé ainsi
qu'a la belle de Choisy, parce que ces arbres
2, Abrieotitrt.
chargent trop peu; ce sont cependant les deux
Nom d«i rtp«cc(.
Epoque cerises les plus parfaites qui existent.
d* U maturité de» fniili.
La cerise de pied est préférée à toutes les
Abricot hâtif (abricotin) . fin de juin, et juillet,
autres pour former les vergers de cerisiers et
Abricot commua fin de juillet,

Abricot de Hollande. . . fiu de juillet.


de groseilliers; l'arbre qui la porte ne se greffe
.

Abricot de Portugal .... I S août. pas et reste toujours fort petit; c'est un usage
Abricot-Albt-rge que nous rapportons sans l'approuver, car cette
Albcrge Moulgamet. • . . Idem. cerise, qui a la vérité charge beaucoup, est de
Abricot-Pêche fin d'août. qualité médiocre.
Abricot royal (nouveau). . Idem.
Abricot Pourret (uouveau). Idem. Guignitn tt Bicarriûutiirt.

Abricot Noor lin de juillet.


Noml «In t ip*c«. , . SHTS. r •.
r ir U auliirik
tir, fratU.

,r juin
M. Lelieur conseille de s'en tenir au seul abri- Cerise-guigne (anglaise) du l au l ,r août.
cot Noor, le meilleur de tous; cet abricot est en Petite guigne rose précoce. . . . 16 juin (15 mai dam la
midi).
effet excellent, mais iln'a qu'un moment, et tous
Groateguignenoire(mauricaude) fin de juin.
ses fruits mûrissent à la fois. Pour le jardinier de
Grot bigarreau rouge fin de juillet.
profession , le meilleur de tous est l'abricot Grotrceurel août.
commun, auquel il peut associer dans le verger
un ou deux pieds d abricotier hâtif et quelques Les de tous ces arbres ont la chair
fruits
a bric oi s- pèches. L'albcrge est très peu pro- ferme opaque ; le meilleur de cette série est
et
ductive au nord de la Loire ; ce fruit n'est à sa la cerise anglaise qui joint à une saveur très
,

place, sous le climat de Paris, que dans le ver- délicate la propriété précieuse de fleurir tard,
ger de l'amateur. lentement, et de mûrir son fruit successive-
Les amandes de tous ces abricots sont amè- ment dans l'ordre de l'âge des branches, de
res; l'abricotier de Hollande est le seul qui sorte que sur les arbres tout formés , on a des
donne des fruits à amande douce. fruits mûrs à cueillir pendant deux mois. Ces
motifs la font préférer a toute autre en Belgique,
où elle est devenue meilleure que dans son pays
natal, l'Angleterre. A Liège , on la nomme en
«tribu lu. patois wallon tempe et tara (précoce et tardive);
du 18 août au 10 sept, en effet, lorsqu'elle est à bonne exposition, elle
Reine-Claude violette . . . fin d'août, est la première et la dernière sur le marché, ce
Moniteur hâtif fin de juillet, qui en rend les produits fort avantageux. On
Jaune hâtive (de Catalogne) dut" au 15 juillet. en plante beaucoup autour de Paris depuis
Mirabelle du l" au 15 août. quelques années ; l'arbre se met vite à fruit, il
Double- mirabelle (drap d'or). . Idem,
est très fertile.
Pruue d'Altesse (impériale). . . fiu d'août.
Perdrigon (de Briguolet). . . . août.
Section II. — Jardin fruitier.

Cette liste ne contient que des fruits de ta- r


$ I* . — Distribution.
ble: les vergers dont nous nous occupons ici
n'en comportent pas d'autres. Les pruniers, Le jardin fruitier diffère essentiellement da
dont les fruits sont exclusivement destinés à verger en ce qu'il n'admet pas d'arbres à fruits
faire des pruneaux, rentrent dans la grande à pépins autres que des vases et des pyramides ;
culture. Parmi les prunes de la liste précédente, les plein- vents a haute tige en sont exclus, à
la jaune h&tive, la prune d'altesse et la prune l'exception de quelques arbres à fruits à noyaux
perdrigon, quoique fort bonnes à l'état frais, Sut ne réussissent
pas sous toute autre forme,
font aussi d'excellents pruneaux; les autres doit être fermé de murs destinés à recevoir
espèces sont exclusivement des fruits de table. des espaliers. Les notions qui précèdent sur le

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150 HORTICULTURE. Ll\ HE VIII.

choix et la préparation du terrain, le choix des cupé moitié par des pommiers greffés sur duu-
arbres en pépinière l'habillage des racines et
, cain et conduits en pyramide , moitié par des
la plantation dans le verger s'appliquent au pommiers-paradis. Les pommiers en pyramide
jardin fruitier; nous n'avons pointa les ré- occupant moins d'espace que les poiriers, peu-
péter. vent être plantés à À mètres en tout sens ; les
A moins que le sol n'en soit absolument im- pommiers-paradis peuvent se contenter d'un
propre à la végétation des arbres à fruits a espace de l m ,50 en tout sens dans un très bon
noyaux, le jardin fruitierdoittoujoursavoirl'un terrain dans un terrain ordinaire , il leur faut
;

de ses compartiments occupé par quelques abri- 2 mètres. Cet espacement nous semble le meil-
cotiers, pruniers et cerisiers en plein-vent. Le leur dans la pratique, pour toute espèce de sol.
surplus est rempli, moitié par les poiriers, moi- La partie du jardin fruitier remplie par les
tié par les pommiers. Les poiriers sont conduits pommiers est désignée dans son ensemble sous
en pyramides et en vases, par lignes alternati- le nom de Normandie. Le sol du jardin fruitier
ves. Quelques arbres des espèces originaires du ne devant pas Cire gazonné, on le divise, pour
midi sont taillés en girandoles ces arbres sont
; la facilité du service, en plates-bandes séparées
espacés entre eux de 5 mètres en tout sens. Le par des sentiers. Toute cette distribution du
compartiment consacré aux pommiers est oc- jardin fruitier, est indiquée dans le plan /ty. 29 1
,

La forme de ce jardin n'étant pas rectangu- petit nombre d'espèces, nous devons insister
laire, les compartiments irréguliers sont occu- ici de nouveau sur la nécessité d'exclure du
pés par des plantations de pommiers- paradis, jardin fruitier les poiriers greffés sur cognas-
de groseilliers AA et de framboisiers B. Les sier. Ce conseil , nous ne l'ignorons pas , est
plates-bandes du jardin fruitier peuvent être contraire à la pratique de la plupart des jardi-
entourées de bordures de fraisiers, non pas en niers; on ne trouve, pour les formes en vase
vue d'y récolter des fraises, mais pour préser- et en pyramide, dans les pépinières, que des
ver les jeunes racines des arbres à fruit des arbres greffes sur cognassier. Mais, appuyés
ravages du ver blanc. Ce ver a une telle prédi- sur l'autorité de M. Lelieur, dont one longue
lection pour les racines du fraisier, que, tant pratique personnelle nous a mis à même de
qu'il en trouve à sa portée , il est attiré vers vérifier les assertions, nous sommes convaincus
elles et respecte celles des arbres. Les meilleurs de la supériorité des arbres greffés sur franc, et
fraisiers pour cet usage sont les caprons , dont nous desirons faire partager cette conviction à
les racines sont très volumineuses. Comme ces nos lecteurs. Dans ce but, nous ajouterons quel-
fraisiers ne remontent pas et qu'ils ne donnent ques développements à ce que nous avons déjà
par conséquent qu'une récolte, aussitôt après dit sur le même sujet en traitant des pépinières.
cette récolle onpeut arracher tous les pieds qui En Angleterre on sème pour sujets propres
,

paraissent souffrants et détruire les vers blancs à recevoir la greffe de loute espèce de poires,
occupés à ronger leur racine. Ces fraisiers sont les pépins de la bergamotte d'été et ceux de la
si robustes , qu'à moins que le ver blanc n'en poire de Windsor (beurré d'Angleterre). « La
ait dévoré la racine jusqu'au collet, ils ne meu- vigueur relative des sujets, dit J. Rogers, peut
rent pas. influer sur la végétation des greffes et le déve-
Nous avons conseillé de planter, entre les loppement ultérieur des arbres de première,
lignes des arbres fruitiers en plein- vent du ver- deuxième ou troisième grandeur. Il est proba-
ger, des lignes alternatives de pommiers greffés ble , ajoute cet auteur, que les sujets obtenus
sur doucain et de poiriers greffés sur cognas- des pépins du petit muscat auraient, à peu de
sier, arbres destinés à être conduits en vases ou chose près, l'effet des sujets de cognassier pour
corbeilles et en pyramides. A l'exception d'un modérer la végétation des poiriers et hâter leur
ti:rl m. JARDIN FRUITIER. 151

mise à frait sans en avoir les inconvénients. » deaux, situés à sept degrés de latitude au sud
Les poiriers greffés sur épine blanche, et, de Londres.
dans certain cas, sur cormier, sont préféra Mes En Angleterre, comme dans les régions
aux arbres greffés sur coing. Il n'y a d'excep tempérées de la France, «m a longtemps con-
tion que pour les jardins placés dans des con- sidéré l'exposition du plein midi comme la
ditiôns de sol et d'exposition tellement favo- meilleure de toutes: on est aujourd'hui bien
rables, que le plus mauvais arbre est pour revenu de ce préjugé; les arbres en espalier au
ainsi dire force d'y fructifier. Qu'on suive plein midi sont souvent erillés par la chaleur
exactement nos instructions qu'on accorde à
,
excessive des rayons solaires au milieu du
chaque arbre assez d'espace pour son libre dé- jour; ces rayons cessent de les échauffer de
veloppement; qu'on lui laisse assez de bois très bonne heure dans l'après-midi les mure
;

pour absorber toute sa sève, qu'on ne cherche légèrement inclinés au sud-est ou nu sud ouest
point, par une avidité mal entendue, à lui sont donc réellement meilleurs, et lorsqu'on a
faire devancer l'époque naturelle desa fructifi- le choix, c'est l'exposition qu'on adopte géné-
cation, et l'on aura en peu d'années des pyra- ralement.
mides et des corbeilles franches de pied, plus
robustes, plus durables et deux fois plus pro-
A. — Hauteur des min s.

ductives que les arbres des mêmes espèces gref- La hauteur des murs peut varier entre 3 et
fés sur cognassier. 4 mètres; elle se règle sur l'étendue du jardin
fruitier ; un petit jardin entouré «Je hautes mu-
$ II. — Espalirri. railles est sombre et d'un aspect desagréable;
Nous avons décrit précédemment la ma- si sa forme est celle d'un rectangle très allongé,

nière de tailler et de conduire les arbres frui- la hauteur des deux murs parallèles des côtés
tiers en espalier, ainsi que la plantation, la les plus longs ne pourra dépasser 3 mètres :
taille et la conduite de la vigne a In Tbomery ; s'il est carré et de grandeur moyenne ( 40 à

il nous reste à exposer le mode de construc-


m
50 ares ) , des murs de 3 ,50 seront d'une
tion des murs d'espalier, les divers genres de hauteur bien proportionnée à son étendue;
treillages, les divers procédés de palissage, le s'il dépasse 50 ares, on pourra donner aux

choix des espèces et les détails de la plantation murailles de clôture 4 mètres de hauteur. Les
des arbres au pied du mur. Nous n'avons à jardiniers anglais ne donnent pas la même élé-
nous occuper ici que des murs d espalier pro- vation aux murs de tous les côtés du jardin; le
pres à servir de clôture au jardin fruitier; mur du nord, dont l'espalier fait face au midi
nous décrirons séparément les autres genres a d'ordinaire 0 m ,50 ou 0°>,60 de plus que les
d'espalier en traitant des jardins à la Montreuil autres; c'est une coutume dont nous ne pou-
et de la culture forcée des arbres fruitiers en vons que conseiller l'adoption, non pas pour le
espalier. nord d'une manière absolue, mais pour le côté
Le jardin fruitier peut n'être entouré de qui correspond aux vents qui régnent le plus
murs qu'au nord à' est et à l'ouest le eôlé
, l ; habituellement aux deux époques de la florai-
sud peut être protégé par une simple haie à son et de la maturité des fruits. Tout le monde
hauteur d'appui qui, donnant moins d ombrage, connaît la mauvaise réputation de la lune d'a-
fera perdre moins de terrain. Si le jardin n'est vril, surnommée en France la lune rousse^
pas exactement orienté vers les quatre points parce que sous l'influence des vents du nord-
cardinaux, on a soin de n'entourer de murs nord-ouest qui régnent à cette époque, les pé-
que les côtés dont l'exposition permet de les tales des fleurs des pommiers, des poiriers, des
courir d'arbres en espalier. Les murs au midi, pruniers et des cerisiers, changent du blanc au
au sud sud ouest et au sud-sud -est, faisant face roux ; cette considération doit engager les pro-
au nord, au nord-nord-est et au nord nord- priétaires à élever davantage les murs du jar-
ouest, ne sont pas.seulement inutiles; ils pri- din fruitier dans la direction des vents que les
vent en outre une partie du jardin fruitier de jardiniers nomment les vents roux.
l'influence directe des rayons solaires. Néan- En Belgique et en Angleterre on utilise
moins une muraille de peu d'étendue, à une comme espaliers des murs bien exposés qui
,n
exposition plus ou moins septentrionale, n'est n'ont pas plus de 2 mètres ou 2 ,32 de haut ;
pas sans utilité dans le jardin fruitier; on y les pêches et les brugnons y réussissent très
plante à l'espalier les arbres dont on désire re- bien on peut aussi couvrir ces murs de vignes,
;

tarder la fructification dans le but d'en pro- de figuiers et de cerisiers; mais l'abricotier, le
longer la récolte. prunier et le poirier, ce dernier surtout , exi-
Les auteurs anglais considèrent la protec- gent plus d'espace ; lorsqu'on les tient palissés
tion accordée aux arbres fruitiers en espalier sur des murs aussi bas, ils sont lents à se
par une muraille à bonne exposition, comme mettre à fruit et ne chargent jamais beaucoup.
l'équivalent de sept degrés de latitude méri- Les auteurs anglais préconisent les murs très
dionale ; ils en donnent pour exemple la cul- bas pour toute espèce d'espalier; un espalier
ture de la vigne en espalier aux environs de de 20 mètres de long sur 2 de haut, dit
Londres ; les espèces qui réussissent le mieux J. Rogers, donne plus de fruits, toutes choses
dans cette partie de l'Angleterre sont celles qui égales d'ailleurs qu'un espalier de même sur-
fructifient en plein air aux environs de Bor- face ayant 4 mètres de haut sur 10 de long.

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162 HORTICULTURE.. LIVRE VIII.

Mais cela tient en grande partie, comme l'ex- sont plus à craindre. Eo France dans, les dé-
plique cet auteur, à ce que le jardinier soigne partements au nord de Paris, l'usage anglais
toujours mieux l'espalier plus bas, par cela des chaperons temporaires offre des avantages
seul que toutes les parties de ses arbres sont réels sur celui des chaperons permanents ; mais
mieux à sa portée, tandis qu'il perd souvent de sous un ciel moins sombre, sous un climat
vue des soins urgents à donner aux parties des moins humide, il est nécessaire, à notre avis,
arbres qui garnissent le haut d'an mur trop que le mur d'espalier ait un chaperon a de-
élevé ; en principe , les murs trop bas n'ont meure (fig. 293) formé de toiles en recouvre-
donc réellement pas l'avantage que les Anglais Fig. 293.
leur attribuent.

B. — Choix des matériaux.

Le choix des matériaux pour la construction


des murs est d'une grande importance ; les meil-
leurs murs sont ceux qui exigent le
moins de. ré-
paration ; les maçons introduits dans le jardin

fruitierpour réparer un mur dégradé sont es- ment maintenues par une faîtière; ce chape-
sentiellement destructeurs. C'est pour cette ron n'a pas besoin d'être saillant de plus de
B,
raison qu'on doit préférer les briques, partout 0 ,2ô à !)'".3n en avant de la surface du mur
où il est possible de s'en procurer, aux pierres dans les espaliers ordinaires. Si l'on doit y
grossièrement tai lées (moellons), générale- ajouter unecouverture temporaire, on plante au-
ment en usage autour de Paris. Il ne faut pas dessous du sommet du mur, dans la maçonne-
épargner la largeur et la profondeur aux fon- rie , des montants quelquefois en fer (fig\ 294),
dations, surtout quand le sous-sol n'est pas
Kg. 294.
des plus solides. Quelques arêtes en pierres
de taille, de distance en distance, rendent les
murs plus durables lorsqu'ils sonl construits
en briques. Ce genre de construction n'exige
pas un enduit continu sur toute la surface du
mur; il suffît de reprendre les joints avec de
bon ciment pour boucher tous les interstices où
les insectes pourraient se loger. Les murs en
moellons ne peuvent se passer d'un enduit le plus souvent en bois (fig. 295), sur lesquels
continu assez solide pour recevoir, sans se dé-
tacher ni se fendre, les crochets pour tenir le
treillage ou les clous pour le palissage au mur.
En Belgique on place d'avance, en construisant
la muraille, soit des crochets, soit des os de
pied de mouton cuits qui durent autant que le
1er. On les dispose d'ordinaire de quatre ,en
quatre rangs de briques; ils sont espacés entre
eux dans les lignes de 0 ,n ,50 à 0™,60, comme on établit des paillassons, au moment où leur
le montre la fig. 292. Ces distances sont celles Srotection peut être utile ( voir Jardins à la
lontreuil). La principale utilité des chape-
Fig. 292.
rons permanents en tuiles consiste à éloigner

t—r T-~~T
39 les eaux pluviales du feuillage et du fruit en
été, et de la souche de l'arbre en toute saison.

35
qui se prêtent le mieux au mode de palissage
On avait imaginé , il y a quelques années,
en Angleterre, de construire pour servir d'espa-
lier des murs formés de montants en fonte de
fer, établis sur des dés en pierre et croisés par
usité en Belgique nous le décrirons en détail
-, de légères traverses de fer forgé; l'intervalle
(t'oi'r Treillages). était rempli par des plaques de pierres plates
ou d'ardoises ; on avait même proposé de les
C. — Chaperons. former de carreaux de vitres comme des fenê-
Les murs destinés à recevoir des espaliers tres; cette invention n'a pas eu de suite, bien
doivent être munis d'un chaperon à leur partie que l'inventeur se fût muni d'un brevet.
supérieure. Les Anglais rejettent l'emploi des
chaperons permanents ; ils les regardent comme
D. — Treillages.

nuisibles pendant l'été, et en effet , sous leur Les treillages les plus usités sont formés
climat, les arbres en espaliers n'ont jamais, de montants croises à angles droits, par des
durant la belle saison, trop de chaleur ni de traverses horizontales, de manière à former
lumière; les auteurs anglais sont unanimes des rectangles ou mailles de 0 ra ,22 de large,
,

pour donner la préférence aux chaperons mo- sur 0m ,25 de hauteur ; les brins de treillage ont
biles qu'on enlevé aussitôt que les froids ne 0 m ,01 d'épaisseur et (K027 de large; ils sont

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JARDIN FRITULR.
fixés les uns sur les autres par des attaches en 296) sont incontestables ; aucun trcillnge ne peut
fil de fer à tous leurs points d'intersection.
Fig. 296.
Pour le palissage de la vigne à laThomery,
m
des montants de bois de 0*D ,04 ou 0 ,05 de
ln
large, sur0 ,0l5 d épaisseur, sont placés per-
pendiculairement à côté de chaque cep de vi-
gne, c'est-à-dire à O m ,55 ou à 0 m ,66 l'an de
"autre, selon l'espacement des ceps. Ces mon-
tants sont coupés à angle droit par des tra-
verses en bois de treillage ordinaire, disposés
horizontalement à 0™, 25 les uns des autres. La
fig. 258 (pag. lit) montre cette disposition et
la manière dont la vigne est palissée sur ce
genre de treillage. supporter la comparaison avec les baguettes de
£n Belgique, on remplace le treillage destiné cornouiller. Les avances qu'il exige sont pres-
au palissage des arbres en espalier, par une que nulles ; les frais ne deviennent sensibles
méthode simple, économique, facile à pratiquer que quand les arbres peuvent déjà les rembour-
partout; nous croyons devoir la faire con- ser par leurs premières récoltes. La surface
naître en détail. D'abord , en règle générale, cylindrique et naturellement polie des ba-
on mur construit en briques et garni de jeunes guettes ne peut servir de retraite aux insectes
arbres fruitiers ne reçoit, l'année de la plan- nuisibles, toujours si nombreux entre les brins
talion , ni treillage , ni rien qui doive en tenir de treillage et le mur. Mais l'avantage essen-
lieu. On a soin seulement , comme nous l'avons tiel des baguettes, c'est que, sans déranger l'ar-
indiqué, de planter dans le mur, en le con- bre , on peut les ôter, les remettre ou les rem-
struisant, des crochets de fer ou des os de placer à volonté, à toutes les époques de la vé-
Eieds de mouton, par lignes régulières. Quand gétation , tandis que pour nettoyer la surface
» arbres commencent à avoir besoin d'être postérieure du treillage plat, ou pour lui don-
palissés , on forme avec une simple baguette ner une couche de peinture au printemps, il
souple, un ou deux demi-cercles concentriques, faut dépalisser tout l'espalier, précisément au
proportionnés à la grandeur de l'arbre qui se moment où les yeux qui commencent à s'ou-
palisse dessus sans difficulté. Le nombre des vrir se détachent au moindre contact. Il ne
demi-cercles s'accroît d'année en année, en manque à la méthode belge, pour devenir d'un
proportion de la croissance de l'arbre ; les cro- usage général, que d'être plus connue. Un se-
chets ou les os de pieds de mouton servent à les mis de noyaux de cornouiller donne à 4 ans
assujettir. Si les arbres sont conduits en pal- une première coupe ; les souches durent des
me tte les baguettes sont posées horizontale- siècles ; nous citerons à ce sujet le bois de Cor-
,

ment sur les mêmes supports ; le treillage gran- nillpn , commune d'Angleur, près Liège , qui

dit avecl'arbre et l'on n'a point à supporter, d'après des titres authentiques , est en essence
en pure perte, des avances toujours très lour- de cornouiller , depuis le temps de Charlema-
des pour un jardin fruitier seulement de 50 gne. Pour le treillage ordinaire en cœur de
ares. Les baguettes employées à cet effet sont chêne , on a beau faire choix de bois de la
des tiges de cournouiller (cornut tanguinea) , meilleure qualité, on a beau le recouvrir de plu-
dépouillées de leur écorce, comme l'osier pour sieurs couches de peinture , on est à peu près
les ouvrages de vanoerie. Ce boisé la fois sou- certain qu'avant que les jeunes arbres soient
et dur comme de la corne , employé seul à assez grands pour couvrir seulement la moitié
J)le
aire des flèches, avant les armes à feu, résiste de l'espalier, le treillage sera pourri. Le bois
très longtemps à l'action de l'air. L'usage en de chêne, exposé aux alternatives de tempéra-
est général dans la Belgique wallonne. De très ture froide , chaude , sèche ou humide, se dé-
grands bois, dans les provinces de Luxem- jelte , se tord , entraine avec lui les crochets
bourg, de Liège, de Namur et du Hainatrt, qui le maintiennent, et se détache du mur ; il
plantés uniquement de cette essence, se cou- faut à tout moment le réparer , ce oui ne peut
pent tous les trois ou quatre ans , et rappor- se faire sans exposer les arbres de l'espalier à
tent plus que les meilleurs taillis. Il n'est pas toute sorte d'accidents. Le treillage n'a réelle-
un canton du territoire français où l'on ne ment en sa faveur que la coutume et le coup
puisse, à très peu de frais, établir un bois de d'œil. Un propriétaire qui n'a pas de motifs
cornouiller. En Belgique , les baguettes de cor- pour regarder de trop près à la dépense est
nouiller se vendent par paquets semblables à flatté de voir autour de son jardin, de création
m
des bottes d'osier; elles out de 3 ,50 à 5 mètres récente , un mur bien blanc, garni d'un treil-
de long. Pour le palissage des arbres en éven- lage tout neuf, peint en vert , en attendant la
tail de grandes dimensions, on emploie deux verdure des arbres; mais cette petite satisfac-
ou trois baguettes à former un demi-cercle. Le tion est le seul avantage qu'il en puisse espé-
même effet peut être obtenu avec de gros brins rer. Ajoutons qu'un bon treillage, bien solide,
d'osier; seulement, ce bois dure moins en est une échelle en permanence pour le passage
plein air que le cornouiller. des voleurs. Le jardinier amateur et le jardi-
Les avantages de ce mode de palissage (fig. nier de profession, doivent donc bannir des
pNTNnniii T. V. -- 90

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154 HORTICULTURE. LIVRE VIII

espaliers du jardin fruitier le treillage ordi- le palissageet laisse à tout moment des branches
naire. S'ils ne peuvent se procurer des baguettes dépnlissécs. Aux environs de Paris, le crépis-
de cornouiller, de coudrier ou môme d'osier sage à chaux, sable et plâtre, le moins cher et
|)our le palissage selon la méthode belge, ils le plus usité, ne se détache pas aisément, pourvu
peuvent toujours adopter le palissage sur fil de qu'on n'emploie pas de trop gros clous ; mais
fer, aujourd'hui fort usité en Angleterre et en comme on ne peut les enfoncer qu'à 0m ,01 ou
Allemagne; il commence aussi à se répandre 0"\02 au plus, ils n'auraient aucune solidité
en France. On établit à cet effet des montants sans le secours des chiffons de laine. Voici
espacés entre eux de 1 mètre , et percés de comment on les emploie les jardiniers se pro-
:

trous pour le passage des fils de fer; ces trous curent à très bas prix, chez les tailleurs, des
doivent être à 0 m ,25 ou 0 m ,30 l'un de l'autre rognures de drap pendant les jours où le mau-
;

sur les montants. On fait faire au fil de fer un vais temps retient la famille à la maison, les
tour sur lui-même à son passage par les trous femmes et les enfants découpent tous ces mor-
des montants, comme le montre la fig. 297, ceaux de drap en petites Bandes de 0 m ,0Z à
m
0 »,04 de large, sur o"\05 à O .0ti de long, les
l

Fig. 297.
bouts étant rognés à angle droit. Au moment
du palissage, le jardinier enveloppe dans une
de ces loques la branche qu'il s'agit de fixer au
mur ; il en réunit les deux bouts, qu'il pose,
pliés l'un sur l'autre, sur la place où le clou
doit être plante le clou traverse d'abord la
;

double épaisseur de la loque, ce qui amortit le


coup etménage le crépissage du mur ; puis, le
pour lui donner plus de solidité. Il est bon, clou ne pénène dans le mur qu'en entraînant
lorsqu'on établit un semblable treillage, do lais- avec lui dans le trou où il se loge une partie
ser le fil de fer se recouvrir d'une couche de de l'étolfe dp laine. Bientôt l'humidité, que la
rouille par l'effet de la rosée des nuits on ; laine attire, fait rouiller la partie du clou qui est
donne alors par- dessus cette rouille une ou enfoncée dans le mur la rouille humide pénètre
;

deux couches d'huile de lin bouillante il en ; la loque et l'enduit du mur, de sorte que le clou
résulte une peinture presque inaltérable. La s'v trouve comme scellé. Tels sont les avanta-
meilleure grosseur pour le fil de fer destiné à ges du palissage à la loque 298); telle est
( fig.
cet usage est de 0-,002 de diamètre. En Angle-
Fig. 298.
terre on assujettit le treillage en fil de fer au
moyen de forts clous, dont la tête est un petit
anneau.
Le fil de fer est certainement préférable au
treillage plat ordinaire; il offre, entre autres
avantages, celui de pouvoir s'établir partielle-
ment a mesure que les arbres grandissent;
toutefois, Pélastieité du fil de fer occasionne
au* espaliers un balancement préjudiciable
aux jeunes branches dont l'écorce encore ten-
dre souffre du frottement continuel contre le
fer, parce que sa surface polie ne permet pas la cause de sa grande solidité. Nous avons fait
de donner aux attaches assez de fixité. On di- des recherches inutiles pour découvrir l'inven-
minue cet inconvénient en plaçant les montants teur de ce mode de palissage, aussi simple qu'é-
ou les attaches pour le fil de fér à des distances conomique; nous savons seulement qu'il était
1>lus rapprochées celle d'un mètre, que nous
; connu sous Louis XIV, et qu'il ne passait pas
ndiquons, doit être regardée comme un maxi- pour nouveau à la fin du dix-septième siècle.
mum qu'il ne faut pas dépasser. Le palissage à la loque est circonscrit dans un
E. — Palissage à la U>tjue.
rayon de quelques myriamètres autour de Pa-
ris ; nous le recommandons comme venant im-
Lorsque nature des matériaux employés à
la médiatement après le palissage sur baguettes
la construction des murs et celle des enduits selon la méthode belge. Il n'y a pas de mode
dont ils sont revêtus permet d'y fixer des clous de palissage plus économique que celui-là :
sans les dégrader, on peut se passer de toute sous ce rapport, nous souhaitons que l'usage
espèce de treillage et palisser directement sur
C'»se s'en répandre; il y a plus de petites
le mur. Il y a dans ce genre de travail deux rses que de grandes.
écueils à éviter ; le plus dangereux c'est la dé-
gradation du crépissage des murs, lequel, bien F. — C/iomc des espèces pour espalier.

que de très bonne qualité, se fendrait et se dé- Le jardinier de profession doit faire choix,
tacherait par plaques . si l'on n'usait de beau- pour garnir ses espaliers, des espèces dont le
coup de précautions pour enfoncer les clous le ; fruit peut être vendu avec le plus d'avantages;
second , c'est le défaut d'adhérence des clous à moins que le sol ne s'y refuse absolument. Je
dans le mur, qui ne permet pas de compter sur pêcher est toujours, près d'une ville, l'arbre, à

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TITRE III. JARDIN FRUITIER. lb5

tout prendre, le plus profitable en espalier; en bonne mais moins productive; elle mûrit dans
y joignant quelques abricot s-pêches, une ou les premiers jours d'août; mais comme elle
deux variétés de cerises précoces et quelques fleurit de très bonne heure, sa récolle manque

f)oires hâtives de premier choix, il a l'espalier assez souvent. La grosse-mignonne et la mi-


e mieux garni dans son intérêt. Le jardinier gnonne hâtive sont' au nombre des pêches qui,
amateur, guidé par d'autres considérations, dans une situation convenable , réussissent le
cherche à réunir le plus grand nombre possible mieux en plein -vent.
de lionnes espèces, dans le but d'avoir une suc-
1. Pick. bo*rdu, t .

cession non interrompue des meilleurs fruits.


Nous placerons donc ici une liste raisonnée des Cette pêche est une des meilleures parmi les
arbres à fruit, soit à pépins, soit à noyaux, qui pêches tardives; le fruit est gros et le noyau
peuvent être plantés en espalier ; chacun choi- fort petit; il mûrit vers le milieu de septembre;
Mra, d'après sa situation, la nature de son ter- il réussit en plein-vent mieux encore que la
rain et le but de sa culture. grosse-mignonne.

À. — Fruit» à noyaux pour «pilier. 3. Pètkê Madtltmê m moj§nnnfleun, ou M*dtl*in»


tardft.

Elle mûrit quinze jours plus tard que la


Les espèces les meilleures pour
vente sont la bourdine à laquelle elle ressemble beaucoup
celles qui joignent une grande fertilité aux avan- pour le goût ; c'est parmi les pêchers à fruit tar-
tages d'une belle forme et d'une coloration flat- dif celui auquel il faut laisser le moins de bois
teuse à fertilité égale, on doit donner la pré-
-,
si l'on veut que le fruit soit beau et de bonne

férence aux espèces qui rapportent également qualité; l'arbre charge beaucoup, mais il ne
tous les ans et qui, soit en raison de leur liv- faut lui laisser qu'une quantité modéréede fruits.
raison tardive, soit par leur tempérament, crai- 4. l'rcht Je Cbttreut* tard»*».
gnent moins que le» autres les retours d'hiver,
si redoutables à tous les pêchers en général. que les deux précédentes,
Elle est meilleure
Ces considérations réduisent dans d'étroites li- et produit davantage; comme ses fleurs ne s'ou-
mites les choix du jardinier qui cultive pour le vrent jamais toutes à la fois, le fruit mûrit suc-
marché; à Montreuil, surnommé à si juste cessivement depuis le 20 septembre jusqu'au
titre Montreuil-aux- Pêches, on ne plante que 10 octobre.
quatre espèces, les plus avantageuses de toutes Ce choix est parfaitement calculé pour avoir
sous le climat de Paris. des pêches à vendre sans interruption depuis
le commencement d'août jusque vers le milieu
d'octobre. Il y a quelques années, on cultivait
On connaît aussi cette pêche sous les noms beaucoup, aux environs de Paris, Pavant-pêche
de belle Bausseet de pêche vineuse. Le nom de blanche, fruit médiocre qui n'avait en sa fa-
belle Bausse est celui d'un jardinier qui a ob- veur que sa précocité; il mûrit en juillet, à
tenu de semis la grosse-mignonne dans toute la bonne exposition. Mais comme sa production
pureté de son type primitif, type altéré à tel est très capricieuse et qu'il a réellement peu
point que chez les pépiniéristes, on n'obtenait de valeur, les jardiniers de Montreuil y ont
plus sous ce nom que des sous-variétés de qua- renoncé.
lité fort inférieure. La grosse- mignonne est une Sur un mur de longueur suffisante pour ad-
des variétés les plus anciennement perfection- mettre douze pêchers, les quatre espèces de
nées; nous ferons observer toutefois que ce choix que préfèrent les jardiniers de Montreuil
mot ne doit pas se prendre dans le sens d'une sont plantées dans la proportion suivante.
antiquité bien reculée. Sous le régne de Hen-
Grosse roiçnonne (tu lle Caime) 6
ri IV, on ne connaissait pas en France de pê-
Pèche buurdine t
ches semblables à celles qu'ont obtenues les Madeleine à moyenne* fleur» i
jardiniers de Montreuil un demi- siècle plus (lievreuie tardive S
tard ; les meilleures pêches pour la table de ce Total ............. tt
prince venaient de Corbeil c'étaient des pavies
:

a chair ferme adhérente au noyau, espèce qui Mais l'espalier d'un jardin d'amateur peut
ne mûrit qu'imparfaitement sous le climat de et doit offrir plus de variété. Le tableau sui-
Paris. A Liège, les religieux du monastère de vant contient les noms des meilleures pêches
Saint-Laurent avaient créé une excellente va- divisées en deux classes; la première comprend
riété de grosse- mignonne hâtive qui s'est per- les fruits dont la peau recouverte de duvet s'en-
pétuée en Belgique sous le nom de triomphe lève aisément. A l'époque de la parfaite matu-
de Saint-Laurent ; elle est très productive et rité, toutes les pêches de cette classe quittent
mérite d'être propagée en France. La grosse- le noyau leur chair est fondante et de peu de
;

mignonne mûrit dans le mois d'août, du 10 au consistance La seconde classe ne contient que
20, selon l'état de la température. des fruits à chair ferme adhérente au noyau.
On peut planter à côté de la grosse-mignonne
qui mérite fa meilleure part de l'espalier, quel-
ques pied* de mignonne-hâtive presque aussi

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156 HOKTICULTURE. LIVRE V1H.

dopter en concurrence avec la belle Bausse;


nous lui devions une mention particulière.

pr DtUXlBMI
Avant-pèche rouge (de Troyes) août.
. i

Avant-pèche blanche 18 juillet. Epoqu» de 11 mituriit itt fn.iu.

Groue mignonne (belle Bausse). 1 0 août. Pavie Madeleine duioauSOi


Triomphe de Saint Laurent (( de
ot-Laurenl
- Patie de Pomponne 18 octobre.
Belgique) 18 aoûl. Pavie jaune ou alberge jaune. . as septembre.
Vineuse de Froment in 18 aoûl. Pavie tardive du 10 au 10 i

Pèche Desie fin de juillet.


Pourprée hâtive fin de juillet. La Pavie de Pomponne est la plus volumi-
Belle beauté lin d'août. neuse et la plus belle des pêches tardives ; il n'est
Belle de Pari» (ou de Malte). . . fiu d'août et septembre pas rare d'en voir qui dépassent la grosseur des
Belle de Vilry (ou admirable) . . 18 i eptembre. deux poings. Sous le climat de Paris, elle n'at-
Pèche Sieulie 1 8 septembre.
teint pas sur l'arbre sa parfaite maturité avant
Madeleine à moyennes fleurs. . fiu de septembre.
les premières gelées blanches dans les années
;
Madeleine de Coursou (on pay-
,r septembre. ordinaires, on est forcé de la cueillir à moitié
sanne) l

Chevreuse bâtive 1
er septembre, mûre et de la laisser mûrir dans le fruitier;
du 20 s. plembre au tO quand il survient des froids précoces, on en
octobre. perd la plus grande partie ; on ne peut la man-
18 septembre. ger dans toute sa perfection que de loin en
,r septembre.
Galande (ou Bellegarde) i loin, quand on est favorisé d'une prolongation
Bourdine 18 septembre. extraordinaire de la belle saison. Telles sont
Téton de Vénus finde »eplembre.
les raisons qui rendent cette pêche si rare sur
Pèche royal de la fin de septembre au
les espaliers des jardins au nord de la Loire;
18 octobre.
Pèche abricotêe (admirable dans le midi, l'arbre en plein-vent est très ro-
jaune) 18 octobre. buste et charge beaucoup, ses récoltes ne man-
Alberge jaune fin d'août. quent presque jamais, ce qui tient à sa floraison
tardive. La Pavie jaune, ou alberge jaune, sous
Quelques pêches de cette classe trouvent le nom de perséque ou pességue, domine dans
place sur l'espalier de l'amateur uniquement tous les vergers de la Basse -Provence où elle est
comrre objets de curiosité; telles sont en par- exclusivement de plein-vent ; sous le climat de
ticulier: 1° la pêche-cardinale de Furstemberg, Paris, il lui faut 1 espalier au plein midi, ainsi
beau fruit, dont la chair rouge de sang est mar- qu'à toutes les pavies, encore ne mûrissent elles
brée à l'intérieur comme celle d'une betterave; que très imparfaitement ; la tardive ne mûrit
2° la nivette, ou veloutée tardive, gros fruit presque jamais.
vert-foncé, d'un côte, violet de l'autre, qui Les Anglais cultivent les pavies avec des
mûrit difficilement ; 3° la pêche à feuilles de soins particuliers, dans les serres à forcer; ils
saule, qui ne prend de couleur qu'à la Tous- donnent le nom de pavies à toutes les pêches
saint et ne mûrit que dans les premiers jours dont la chair adhère au noyau.
de novembre quand elle mûrit, ce qui, sous le
5. BrugMiti.
climat de Paris, lui arrive rarement. La pêcbe-
cardinale n'est pour ainsi dire pas mangeable Ce de la pêche
fruit diffère si essentiellement
crue ; elle ne se mange qu'en compote ; la feuille sous les rapports du goût, de la forme et de la
de saule, dans les années où la belle saison se couleur, qu'on a peine à comprendre comment
Ïirolonge, procure à l'amateur l'agrément d'of- il a pu recevoir la dénomination de pêche à
rir à ses amis d'assez bonnes pêches cueillies peau lisse, et être incorporé sous ce nom par-
sur l'arbre après la Toussaint. mi les pêches. Il est à remarquer que cette er-
La meilleure et la plus précieuse de toute la reur est le fait des pomologistes, car partout
liste précédente, sans excepter la grosse-mi- où le brugnon est cultivé, jamais les jardiniers
gnonne, est la péche-galande.qui doit son sur- ne se sont avisés de le nommer autrement que
nom de bellegarde à sa rusticité. Dans les an- bruçnon; il n'a pas d'autre nom en Touraine,
nées pluvieuses où toutes les autres pêches, où il est aussi commun que la pêche, soit en
surtout aux approches de leur maturité, sont plein-vent, soit à l'espalier. Ce nom prévaut
plus ou moins endommagées, la pêche-galande également en Belgique et en Allemagne. Les
est aussi belle que par le temps le plus favo- jardiniers anglais désignent tous les brugnons
rable; l'absence ou la rareté du soleil ne l'em- sous le nom de nectarines, nom oui peint le cas
pêche point de se colorer; sa fleur résiste à de qu'ils en font ; c'est en effet un aes fruits qu'ils
petites gelées; nous l'avons vu nouer bien estiment le plus, et ils ne conçoivent pas com-
souvent alors que les autres variétés gelaient ment nos auteurs en ont fait ûne pêche. Peut-
sur le même espalier; elle réunit à toutes ces être est-ce tout simplement parce que les livres
qualités précieuses une floraison prolongée qui de pomologie se font à Paris où les brugnons
rend la récolte de ses fruits successive comme sont à peine connus. Quel que soit notre respect
celle des fruits de la Chevreuse tardive. On a pour les décisions des auteurs qui font autorité
lieu de s'étonner qu'elle ne soit pas plus cul- en pomologie, nous ne pouvons admettre les
tivée ; Montreuil et Bagnolct commencent à l'a- brugnons parmi les pêches. Botaniquementpar-

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TITRE 111. JAHD1N FAlilTlEtt. 157

la m, c'est Lien à peu près le même arbre, mais ment quelques rouges du côté exposé au
stries
ce n'est pas le même fruit. soleil ; il ne vaut pas les précédents, mais sa
rusticité et la maturité tardive du fruit qui
Non» dei npitet. Epoque de la mtiunlc Je* fruin.
succède à tous les autres lui méritent une place
Brugnon jaune (pèche jaune lis»*) fin d'octobre.
à l'espalier de l'amateur. Les catalogues an-
Brugnon blanc (pèche Després). i 8 août.
Rruguon rouge (pèche cerise). . fin d'août. glais contiennent plus de 100 variétés de bru-
Brugnon violet bàlif du t er au 1 5 septembre. gnons dont une vingtaine de très bonne qua-
Gros brugnon violet du l s au 30 septembre lité.
Bruguou musqué fin de septembre.

Les espèces de brugnons sont bien plus va- Nous avons donné pour les abricotiers en
rices en Angleterre qu'en France ; l'une des plein- vent la liste des meilleurs abricots; ces
meilleuresaetéobtenueparM.Fair-Child, habile fruits à l'espalier sont plus régulièrement abon-
jardinier des environs de Londres ; elle porle dants, mais moins délicats, moins colorés, et
son nom dans les catalogues anglais ; c'est un au total moins bons que ceux des arbres en
brugnon presque entièrement rond, jaune du plein -vent. L'amateur ne leur accorde donc
côte du mur, rouge du côté qui reçoit le soleil ; qu'une place très restreinte sur ses murs bien
ce fruit , très hâtif, et qui mûrirait très bien à exposés, en donnant la préférence à l'abricot-
l'espalier au midi, sous le climat de Paris, mé- pêche. Le jardinier de profession peut au con-
riterait d'être propagé. Le fruit de tous les traire, si le placement du fruit est assuré,
brugnons n'est bon qu'autant qu'il est venu planter presque autant d'abricotiers que de pê-
{très de terre et près du tronc ; si l'arbre, d'ail - chers en espalier.
eurs peu disposé à s'étendre, est conduit sur
Nome de» etprrei. Kp<vque de !• maturité dt» Jroili.
une trop grande surface, le fruit du haut et ce- Abricot blanc fin de juillet.
lui des extrémités des membres latéraux sera Abricot de Provence du de juillet.
toujours inférieur à celui du reste de l'arbre. Royal-Orange du 10 au 15 juillet.
Cette observation que nous avons eu occasion Abricot aveline 15 août.
Abricot romain du 15 août au er sep-
de répéter constamment pendant 15 ans, lors- I

Ïue nous cultivions les brugnons en espalier en tembre.


Abricot moorpark du 15 août au 15 sep-
elgique, fait préférer le brugnon à tout autre
tembre.
fruit pour garnir en espalier les murs bien ex-
Abricot mtucli 15 juillet.
posés, mais peu élevés, ou bien la partie infé-
rieure d'un grand mur dont le haut est occupé L'abricot musch mûrit difficilement même à
par des poiriers ou des pêchers greffés à haute l'espalier le mieux exposé; son fruit est plus
tige. On ne greffe les brugnons que sur pru- curieux que bon; il offre cette particularité
nier. Les Anglais cultivent exclusivement, que sa chair d'un beau jaune est assez transpa-
pour recevoir la greffe du brugnon, une va- rente à l'époque de sa maturité pour qu'on
riété de grosse prune jaune allongée qu'ils nom- puisse distinguer au travers le noyau qu'elle
ment pear-plum (prune-poire), dont le fruit ne renferme.
se mange pas. Nous donnons ici en faveur des Nous appelons l'attention des horticulteurs
amateurs qui pourraient désirer de les intro- français sur l'abricot royal-orange, le meilleur
duire en France la liste des meilleurs brugnons des abricots précoces. En choisissant pour
anglais et italiens peu répandus ou totalement prendre des greffes les sujets les plus hâtifs,
inconnus sur nos espaliers. et donnant toujours à cet arbre la meilleure
Fair-child précoce (Angleterre) ; ce brugnon place de l'espalier, on arriverait très prompt e-
est très productif ; sa chair est jaune, et quitte ment à lui communiauer le même degré de
le noyau ; il mûrit dans les premiers jours du précocité qui fait tout le mérite de l'abricotin,
mois d'août. et cette espèce, réellement de peu de valeur,
Dutilly (Angleterre) ; rouge foncé au soleil disparaîtrait de nos espaliers. L'abricot royal-
vert clair au côté du mur. Le fruit mûrit vers orange est très productif,' l'arbre se met très
le 15 août; il est de première qualité, mais vite a fruit. Il a besoin de beaucoup d'espace;
sujet à tomber si l'on n'a soin de donner pen- meilleur est toujours celui des extré-
le fruit le
dant les longues sécheresses un peu d'eau au mités des branches les plus éloignées du tronc.
pied de l'arbre qui, comme le fair-child, L'exposition qui lui convient le mieux est celle
charge excessivement. du sud-sud-est.
Brugnon mûrit à la fin de sep-
d'Italie. Il L'abricot romain porte aussi le nom d'abri-
tembre; sa chair jaune et sa peau iaune et
est cot de Bruxelles, parce qu'il est très commun
rou ee comme celle du fair-child ; mais la pulpe sur les espaliers dans toute la Belgique ; les
adhère au noyau ; les Anglais lui donnent le Anglais le nomment abricot de Turquie ou
nom de nectarine-brugnon; il ne faut pas le d'Alger. Il a beaucoup de goût , mais peu de
confondre avec le suivant qui en diffère es- jus c'est un des meilleurs à confire.
sentiellement par le goût, la qualité et l'exté- L'abricot moorpark, originaire de Hollande,
rieur. est celui de tous que les Anglais préfèrent; il
Brugnon de Gênes. Son fruit ne mûrit qu'en ressemble beaucoup à l'abricot- pèche, il se met
octobre; le fruit mûr reste vert, avec sculc- lentement à fruit et ne charge jamais beaucoup,

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158 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

mais il craint moins que les autres les gelées de il est toujours fertile, et son fruit n'a rien perdu
printemps, et, quelque défavorable que soit la de sa qualité.
saison il mûrit toujours assez pour être man-
, Une variété nouvelle, obtenue il y a quel-
geable. Ces deux qualités le recommandent ques années en Angleterre, par la fécondation
aux jardiniers qui cultivent les arbres à fruit artificielle des fleurs du bigarreau avec le

en espalier au nord du bassin de la Seine. pollen de la royale hâtive, y est fort estimée ;
on la cultive exclusivement à l'espalier ; son
7. Pmn«#.
fruit a le volume des plus gros bigarreaux
On ne cultive guère en France à l'espalier que avec la couleur et le goût de la cerise anglaise
les prunes de reine-claude, de mirabelle et de (May-Duke).
monsieur; l'amateur peut y joindre la précoce Nous avons dit, en traitant de la taille des
de Tours et la tardive de Roche-Corbon pour arbres, avec quelle facilité le cerisier se conduit
avoir sur la table les premières et les dernières en espalier; ni le jardinier de profession, ni
prune». Nous recommandons comme curiosité la l'amateur de fruits, n'ont intérêt à plantera
{>rune bifèreqoi donne une première récolte vers l'espalier d'autres variétés que les deux précé-
el5 juillet, et une seconde récolte sou vent aussi dentes, les plus précoces de toutes ; les autres
abondante que la première à la fin de septem- venant à maturité au milieu de la saison des
bre. A la vérité ce fruit n'est pas très bon, mais fruits, n'ont pas besoin du secours de l'espalier
nous le croyons très susceptible d'être amé- pour hâter la récolte.
lioré par des croisements judicieux; on crée-
rait ainsi une variété remontante digne d'être B. — Fruit» à pépin* poor «palier.
cultivée pour la qualité de son fruit comme 1. PùilU.
pour la singularité de sa végétation. La prune
de Brignolles, près de s'éteindre dans son pays Presque toutes les poires de table, de pre-
natal , n'est connue dans le nord de la France mière qualité, comprises dans les listes que nous
que sous la forme de pruneaux ; c'est en outre avons dressées pour le verger, s'obtiennent en-
un excellent fruit de dessert qui mûrirait très core meilleures à l'espalier. Mais comme on a
bien à l'espalier à bonne exposition sous le cli- toujours trop peu de place sur les murs bien
mat de Paris. exposés pour les pêches, les brugnons, les abri-
cots et les autres fruits à noyaux, l'on accorde
8. Ctrittl.
* rarement les situations les plus favorables sur
La meilleure de toutes les cerises pour l'es- l'espalier aux fruits à pépins qu'il est facile
palier est la belle cerise royale hâtive, dont la d'obtenir en abondance sur les arbres en plein-
variété la plus parfaite est connue en Angle- vent, en vase ou en pyramide. On doit en effet
terre sous le nom de May- Duke ; c'est la même se faire une loi de n admettre à l'espalier que
que nous avons signalée comme surpassant tou- les poires qui mûrissent mal en plein-vent
tes les autres pour l'abondance et la qualité de parce qu'elles sont originaires du midi; on peut
son fruit et par la propriété précieuse de mûrir aussi garnir de poiriers très productifs la sur-
successivement , ce qui rend celte cerise à la face la moins bien exposée des murs dont l'au-
fois précoce et tardive, la première et la der- tre côté est couvert de pêchers et d'abricotiers ;
nière. Le doven des arbres de cette espèce il n'y a que le nord-nord-est et le plein nord

existe en espalier, à l'exposition du midi, dans qui leur soient décidément contraires. La liste
le jardin de la résidence royale de Richemond, suivante contient les espèces qui conviennent le
en Angleterre; il a été planté sous le règne de mieux pour espalier à toute exposition, sous le
er
Georges I , vers l'année 1720. Son fruit, qui climat de la France, de la frontière du nord
passe pour le plus parfait de son espèce , est jusqu'au bassin de la Loire.
exclusivement réservé pour la table royale ; il
est d'étiquette que le souverain en mânge au
Poires d'èlé. Poires d fwtr.
dessert le jour de sa fête ( bien entendu quand Poire d'épargne. Saint-Germain.
tombe en Rogers a consigne dans Grime blanquette. Crauane ou crésaoe.
elle été). J.
Gtatinle ou gracioli. Chaumontel.
son Traité de la culture des Arbres à fruits le
Beurré d'ele Bon-cbrélien d'biver.
récit des soins qu'on prenait pour conserver les Beurré d' A * raucbei (bonne-
fruits de ce cerisier sur l'arbre , jusqu'à la fête Louise). Pasie- Colmar.
anniversaire du roi Georges IV, qui était né le Beurré gri». Marie-Louiae.
12 du mois d'août ; on faisait garder la récolte
à vue par une escouade de garçons jardiniers, 2. Pommtt.
pour la défendre des oiseaux ; malheur à celui C'estde tous les fruits celui qui a le moins
des gardiens qui aurait cédé à la tentation d'en besoin du secours de l'espalier. Le pommier
goûter ! convient mieux que le poirier pour garnir avec
Le cerisier de Richemond est depuis plus avantage les faces mal exposées des murs d'es-
d'un demi-siècle, entièrement creux en dedans; palier il peut être productif, même aux plus
;

il ne reste plus, pour établir la communication mauvaises expositions, quoique dans ce cas ses
entre le tronc et les racines, qu'un peu de bois fruits soient moins bons que ceux de même es-
vivant et d'écorce du côié de la muraille. Il ne pèce , récoltés sur les pommiers-paradis. Le
pousse que bien peu de bois tous les ans, mais jardinier de profession ne plante point depom-

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TITRE III. JARDIN FRUITIER. 159

mien en l'amateur doit au contraire


espalier ; amender le sol en le défonçant et l'exposant à
réserver on pan de mur à une exposition un l'air. Nous ne saurions trop insister sur l'op-

peu méridionale pour avoir de bonne heure, et portunité des tranchées continues substituées
dans toute leur perfection la pomme de neige , aux trous pour la plantation des arbres au pied
et la pomme framboise. Sous le climat de Paris, du mur d'espalier. Le peu d'argent qu'on dé-
la pomme d'api, la plus jolie de toutes, quoique pense de plus en main-d'œuvre est bientôt re-
de qualité médiocre, ne parvient à toute sa gagné par la plus prompte mise à fruit des
beauté que sur un espalier au sud-est. arbres el par leur plus grande fertilité. Au
momei
nent ou l'on ouvre les tranchées, c'est- à-
§ III.— Plantation.
dire un an avant l'époque de la plantation, on
Les détails dans lesquels nous sommes en- incorpore à la terre une forte fumure d'engrais
1res sur choix en pépinière des arbres des- bien consommé, dans la proportion aune
linés au verger, l'arrachagc de ces arbres, et brouettée de fumier pour deux mètres cubes de
rhabillage de leurs racines, s'appliquent éga- terre déplacée par ce moy en , le fumier, au
;

lement aux arbres destinés à garnir l'espalier moment où il se trouve en contact avec les ra-
du jardin fruitier. Le tableau ci-dessous indi- cines des arbres, a épuisé toute sa fermentation;
que la moyenne des distances pour les diverses il est également reparti dans toute la plate-
espèces d'arbres à fruits; ces distaDces ne sont bande en avant de l'espalier il rend la terre de
;

pas absolues; ilyadans les pêchers et les abri- cette plate- bande aussi favorable que possible
cotiers desarbresqui, prenant beaucoup plus de à la bonne végétation des arbres. Le sable fin
développement que les autres, exigent beau- qu'il convient d'ajouter comme amendement
coup plus d'espace; mais, en général on peut ,
aux terres trop compactes, la chaux, le plâtre,
s'en tenir aux espacements que nous indiquons. l'argile dont les terres trop légères
ont besoin,
doivent aussi être mêlés un an d'avance à la
Pécktrt,
terre des tranchées. La largeur de la tranchée
Pour la forme à la Dumoutirr 10 i il mel. nepeut être moindre de l m ,50, la meilleure lar-
Pour toutes les autre* formes 4 & S geur moyenne est de 2 mètres. ISous avons dé-
Urugnons. duit précédemment les raisons pour lesquelles
le défoncement ne doit pas dépasser la profon-
Surlesmutsdemoinsdeim.de hauteur. 6 à 7
Sur les murs de plus de S m. de bauh ur.
deur d'un mètre. Lorsque le sous-sol est un
6 à
tuf tout-à-fait stérile ou bien une couche de
Abricotiers. terre glaise imperméable à l'eau , une couche
m
de 0 ,08 ou O'MO degros gravier ou déplâtras
Sur les murs d<* moins de 4 m. de liaut. 8 à 10
Sur les murs de plu* de 4 mètr e* 6 à 8 est indispensable pour l'égoultemeut de la
Le rujal-urange el le MOOrpail a m. déplus. terre.
Ce qui précède ne doit s'entendre que d'une
Pruniers et cerisiers.
terre neuve qui n'a point encore nourri d'ar-
Mime espacement cpie pour Ici abricotiers. bres du même genre que ceux dont on se propose
de garnir l'espalier; lorsqu'il s'agit au contraire
Poiriers.
de replanter un espalier dont les arbres sont
Les espèces les plus vigoureuses 10 à ta met. usés on doit être bien convaincu qu'il n'y a
,

Les même» en éventail sur des mûri Ire» ni main-d'œuvre, ni engrais, ni amendement
hauts 8 a 10 quelconque qui puisse y faire végéter conve-
Le» «sjNM-es le» iiioin» vigoureuse» 7a 8
nablement les mêmes espèces d'arbres fruitiers :
Pommiers. ce serait de la peine et de l'argent perdus; la
terre de la plate-bande doit être renouvelée.
Sur les murs de moins de S lis. de haut . 7 à 8
Cette opération n'est pas en réalité aussi lon-
Sur le» mûri de plu» de 3 m. de bailleur, 6 à 7
gue et aussi coûteuse qu'on pourrait se le figu-
Pour creusement des trous, ces distances
le rer; on ouvre dans le carré du jardin faisant
doivent s'entendre du milieu de chaque trou. face à l'e.îpalier , le plus près possible pour écono-
miser les transports, une tranheée de même lar-
§ IV. — Préparation du sol < 1 IUÎjW eu place des arbre*
geur que celle de la plate-bande à laquelle elle
eir esp.drer.
doit être parallèle. A mesure qu'une Lrouettée
Le succès d'une plantation d'arbres en espa- de terre est retirée d'une de ces deux tranchées,
lier est soumis à tant de chances contraires, elle remplace une brouettée de l'autre, et comme
qu'il doit être prépare de longue main la moin- ; elles ont toutes deux la même profondeur, il ne
dre négligence sullit pour lecompromettre. Les reste pasde vide à combler seulement, comme
;

arbres en espalier sont dans une situation tout- la terre de la plate-bande une fois la planta-
,

à-fait contre nature ; leurs racines ont derrière tion établie, doit avoir une assez forte pente en
elles les fondations du mur qui ne leur laissent avant, à partir du pied du mur, et que ni le
pours'étendre que la moitié seulement de l'espace fumier ni les amendements ajoutés ne sauraient
circulaire naturellement occupé par les racines augmenter d'une quantité suffisante le volume
des arbres en plein-vent. La gêne qui en résulte des terres remuées, on ne pourra se dispenser
ne peut être compensée que par l'art du jardi d'un léger rechargement de terre rapportée au
nier. Ce n'est pas trop d'un an d avance pour I moment de la plantation. Ce rechargement ne

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160 lîoîvnaui'ni:. LIVRE VIII.

doit pas excéder O"9 , 10 d'épaisseur sur la tota- convenable \ la tige dans son jeune âge reçoit
lité de la surface de la plaie- bande ; ainsi, pour l'air de tous les côtés et les racines sont moins

un espalier de 200 mètres de développement, contrariées par le voisinage du mur.


embrassant les deux côtés bien exposés d'un Lorsqu'on plante à l'automne, il n'est pas
jardin fruitier d'un hectare de superficie, le re« nécessaire de mouiller les racines au moment
chargement de la plate-bande de 2 mètres de de la mise en place; mais si l'on plante au
large n'exigera pas plus de 40 tombereaux de printemps et que le bâle de mars se soit fait
terre d'un mètre cube chacun , dépense légère sentir de bonne heure, il faut à deux ou trois
si on la compare aux avantages qu'elle pro- reprises donner de 8 à 10 litres d'eau à chaque
cure. pied d'arbre afin d'accélérer la reprise des ra-

Au moment de mise en place des arbres,


la cines.
on ne perdra pas de vue le tassement que la — Soins généraux.
$ V.
terre fraîchement remuée doit éprouver au
bout d'un certain temps. Les terres légères L'espalier est la partie du jardin fruitier qui
s'affaissent dans une plus forte proportion que procure le plus d'agrément au jardinier ama-
les terres fortes ; mais dans tous les cas, il y a. teur, et celle qui rapporte le plus au jardinier de
affaissement inévitable du sol; il en résulte que profession; c'est aussi celle qui exige les soins
m
l'arbre planté, par exemple, à 0 ,l0 au-dessous lesplus assidus. Nous ne craignons pas de nous
de la naissance des racines, se trouvera par le répéter en rappelant aux horticulteurs qu'il y
fait enfoncé à 0'", 15 ou même à 0<",20 un mois a toujours de l'ouvrage à l'espalier, et que
ou deux plus tard ; c'est ce qu'il laut prévoir en pour tailler, palisser, pincer, fa besogne ne
plantant. A l'exception de nos plus habiles pra- doit jamais être considérée comme finie.
ticiens, le plus grand nombre des jardiniers en La plate-bande dans laquelle vivent les ar-

France enterre trop profondément les racines bres en espalier ne doit jamais être labourée, à
des arbres en espalier. Dans les terres légères, proprement parler ; les racines des arbres, s'y
le dommage qui en résulte est peu considérable ; trouvant pour ainsi dire à fleur de terre, au-
mais dans les terres fortes et sous un climat raient trop à souffrir du contact du fer de la
humide, il n'en faut pas davantage pour faire bêche. Mais de fréquents binages, donnés avec
languir et dépérir toute une plantation, surtout précaution chaque fois que la sécheresse suc-
lorsque les pêchers y sont en majorité. Les ar- cédant à des pluies violentes & scellé la surface
bres plantés trop profondément sont sujets au du sol, sont indispensables ; ces binages se don-
chancre et à toute sorte de maladies qui pro- nent avec précaution au moven d'une fourche
viennent de ce que leurs racines sont trop loin à dents plates , dont les bords sont émoussés ;

de la surface du sol pour que les influences at- ils ne doivent pas pénétrer à plus de 0°\0i
mosphériques leur parviennent directement. ou ()'",() G surface du sol; les
au dessous de la
L'arrangement des racines est la partie la plus mottes de terre sont brisées au fur et à mesure
délicate de la plantation ; les racines souples avec le côté de l'instrument ; on a soin de con-
comme sont celles du pécher, du brugnonier, server à la plate bande son inclinaison en
du prunier et de l'abricotier, ou celles des su- avant. Il est essentiel à la santé des arbres que
jets qui leur servent de supports, doivent être la plate-bande ne nourrisse jamais aucune es-
disposées également à droite et à gauche, de Eèce de plantes, soit
sauvage, soit cultivée; les
façon à ce qu'aucune racine ne prenne sa di- inages doivent donc êlre assez fréaoents pour
rection vers le mur et que pas une des princi- détruire les mauvaises herbes qui dans un sol
pales ne se dirige en avant , direction dans la- souvent remué et nettoyé cessent bientôt de se
quelle elle rencontrerait bientôt le bord anté- montrer. Un binage est nécessaire toutes les
rieur de la tranchée. Tous les auteurs recom- fois que la culture des arbres a forcé le jardi-
mandent de ne point enterrer la greffe des nier à fouler la terre de la nia te- bande, soit
arbres en espalier ; nous sommes de leur avis pour la taille, soit pour le palissage; les mau-
quant aux pêchers et à tous les arbres à fruits vais effets de ce tassement inévitable sont fort
à noyaux, tous plus ou moins sujets à la gomme ; affaiblis quand le jardinier prend la précaution
pour les fruits a pépins, la greffe peut être en- de placer sous ses pieds une planche mince
terrée sans inconvénient lorsque l'arbre a été pendant tout le temps qu'il passe à travailler à
greffé par copulation à quelques centimètres de l'espalier. Ces soins sont surtout nécessaires
terre. Dans ce cas, la partie enterrée de la aux plates-bandes des espaliers plantés de pê
greffe fait l'effet d'une bouture; elle s'enracine chers il ne faut pas oublier que depuis les pre-
;

en peu de temps, ce qui donne à l'arbre une miers beaux jours du printemps jusqu'à la
énergie de végétation extraordinaire. Ce pro- chute des feuilles, cet arbre est toujours en
cédé est donc particulièrement convenable sève, et que par conséquent il ne peut, sans en
pour les arbresqui doivent garnir des murs très souffrir beaucoup, être privé durant tout cet
élevés et qu'on se propose de conduire sous des intervalle des influences atmosphériques sur ses
formes qui permettent de leur laisser prendre racines qui n'ont point de temps de repos da
beaucoup d'extension. printemps à l'hiver.
Les arbres ne doivent point être plantés trop Il ne faudrait, s'il était possible, jamais fa*
près de l'espalier; une distance de 0",20 ou mer les arbres en espalier autrement qu'avec
même de 0 m ,25 en avant du mur, est la plus du terreau. Aux environs de Paris on peut

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TITRE lit. JARDIN FRUITIER. 161

presque en tout temps se procurer à 5 fr. le Lorsqu'on a trop attendu pour f.rroscr les
mètre cube du terreau de eouches rompues, pêchers souffrant par suite de la sécheresse
parce que les maraîchers ne peuvent utiliser pendant les chaleurs de l'été, c'est une faute
tout le terreau de leurs couches épuisées; par- dont il faut subir les conséquences; il n'y a pas
tout où l'on peut s'en procurer, c'est le meil- de remède; des accidents de cette nature n'ar-
leur de tous les engrais pour entretenir la fer- rivent jamais aux espaliers gouvernés par un
tilité du sol où vivent les arbres à fruit de jardinier soigneux qui remue assez souvent la
toute espèce en espalier. L'amateur éloigné terre au pied des arbres pour reconnaître quand
de Paris doit réserver pour cette destination sur le point d'être tout-à-fait desséchée ;
elle est
la plus grande partie du terreau provenant de c'est lemoment où. sans attendre que le feuil-
ses vieilles couches. Lorsqu'il y a nécessité de lage s'arfaissc et se flétrisse, il est temps de
recourir au fumier, et qu'on ne peut se le pro- donner soir et malin à chaque pied d'arbre de
curer assez longtemps d'avance pour le laisser six à huit litres d'eau. La partie de la plate-
parvenir presque à état de terreau, il faut se
I bande sous laquelle courent les racines des ar-
borner à l'étendre en couverture sur la plate- bres en espalier doit être couverte à cette épo-
bande après la récolte des fruits; on lui laisse que, soit de paille, soit de litière sèche, tant
ainsi passer l'hiver et on l'enfouit au printemps pour empêcher les arrosages de tasser trop for-
par une façon superficielle donnée a la plate- tement la surface du sol, que pour prévenir
bande après la taille des arbres. Nous croyons une trop prompte évaporation. En arrosant les
devoir insister sur le tort irréparable qu'on pêchers, on ne doit pas perdre de vue que l'eau
fait aux arbres en espalier en chargeant leurs est essentiellement nécessaire aux extrémités
racines de fumier à demi consommé. L'arbre se des racines les plus éloignées du tronc. Aiusi,
met tout d'un coup à pousser de tous côtés des un jeune arbre peut être suffisamment arrosé
branches inégales qu'il faut réduire; ces re- par l'eau versée dans un creux circulaire au-
tranchements opérés pendant la pleine végéta* tour de sa base; mais, pour un arbre assez
lion de l'arbre rendent le fruit petit et de qualité vieux, dont les racines se sont emparées du
médiocre, et les récoltes s'en ressentent plu- terrain environnant, ce mode d'arrosage ne
sieurs années de suite. M. Lelieur cite l'exem- Suffit plus; l'eau n'arriverait pas à sa vérita-
ple d'un jardinier qui. ayant à sa disposition ble destination, c'est-à -dire au chevelu des ra-
une grande quantité de fumier provenant d'un cines et à ses spongioles. C'est pour cela que
champ voisin, crut faire merveille en fumant nous avons prescrit de donner à la plate-bande
avec profusion ses arbres en espalier, ajoutant une pente inclinée en avant; on creuse au bord
à cette faute celle de tailler aussi court que s'ils antérieur de la plate-bande une petite rigole
n'avaient point été fumes. Ces arbres, qui de- parallèle au mur d'espalier; on prolonge les
puis dix ansdeplantat'on n'avaient jamais mon- deux extrémités de cette rigole en remontant
tre la moindre apparence de gomme, en furent de 0'»,30 ou 0 m ,40 vers le mur, puis l'on verse
couv erts dès le mois de juin l'espalier fut gâte
-
l'eau à l'aide de l'arrosoir, au sommet de la
pour longtemps et ne reprit que bien des an- plate-bande, c'est-à-dire au pied du mur. En
nées plus tard sa fertilité et sa belle végétation. vertu de la pente du terrain, l'eau descend vers
Tant que la production du fruit et la lon- la rigole qui reçoit tout ce qui n'a pas été ab-
gueur des pousses annuelles, sont ce qu'elles sorbe par la partie supérieure du terrain ; cette
doivent être d'après l'Age des arbres, il ne faut quantitcd'cau.qui forme toujours la plusgrande
partiede l'eau répandue, est, à proprement par-
Eas fumer l'espalier, à moins qu'on ne
dispose de
oue dïtang desséchée ou de terre limoneuse ler, la part des spongioles.
déposée par le débordement d'une rivière: ces On n'a point encore suffisamment éclairci la
amendements, les meilleurs de tous pour les raison physiologique pour laquelle l'eau versée
arbres en espalier, peuvent être donnes en tout pendant les fortes chaleurs au pied d'un pê-
temps, de même que les rechargements de terre cher déjà frappé par la sécheresse, loin de ra
neuve. Dans ce cas, on enlève quelques centi- nimer la végétation, ne fait que hâter sa perle.
mètres de terre sur toute la surface de la plate- M. Lelieur s'est assuré, en plongeant un ther-
bande; on en forme des tas de distance eu dis- momètre dans la terre au pied d'un pêcher Ile! ri
tance, et à mesure qu'on les enlève on les rem- qui avait été copieusement arrosé, que cet arro
place par une égale quantité de boue desséchée, sage déterminait dans le sol une élévation con-
de limon ou de terre neuve qu'on incorpore avec sidérable de température ; nous pensons que la
le sol par une légère façon avec la fourche à terre observée par M. Lelieur devait contenir
dents plates. des éléments fermenteseihles à la présence des-
Les pêchers et les brugnoniers sont les seuls quels la production de la chaleur doit être at-
d'entre les arbres à fruits en espalier qui puis- tribuée, chaleur qui a pu être une cause de
sent avoir besoin d'être arrosés pendant les destruction pour les racines du pêcher; mais
grandes chaleurs; les autres arbres dont les un l'ait qui se reproduit constamment dans toute
racines sont plus fortes et plorgent plus avant espèce de terrain est trop général pour n avoir
dans le sol, ne souffrent de la sécheresse que pas aussi des causes générales qui méritent
dans les années d'une température tout-à-lait d'être étudiées. Il n'en est pas moins certain
exceptionnelle, encore est-il très rare qu'ils en que l'eau donnée trop tard aux pêchers en es-
meurent. palier, loin de contribuer à les sauver, ne peut

OHTICI L't'HI T. v. -- :t

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162 HORTICULTURE Livnr vm.
qu'accélérer leur destruction; une fois l'arbre qui, sous cette forme et dans cette situation,
attaqué, la sève arrêtée, le feuillage flétri, il réussissent le mieux. On fait choix d'arbres vi-
n'y a rien à faire ; le pêcher doit être abandonné goureux greffés sur franc, susceptibles par
à lui-même; il ne meurt pas toujours, mais on conséquent de prendre une très grande exten-
ne peut rien pour l'aider à en revenir. Nous sion à droite et à gauche : par ce moyen, un
avons dû insister sur ce fait, parce qu'il est de petit nombre d'arbres suffit pour que le contre-
nature à faire sentir au jardinier la nécessité espalier soit complètement garni, sauf les in-
de veiller sur ses arbres, et de prévenir des ac- tervalles ménagés pour le service de l'espalier.
cidents qui ne pourraient plus être reparés. Durant tout le dernier siècle, en France, en
Tant que durent les chaleurs de l'été, rien Allemagne, en Belgique et en Angleterre, on
n'est plus salutaire pour le pécher en espalier plantait beaucoup d arbres fruitiers en éventail,
3uo de rafraîchir toute sa surface par des on- disposés par lignes parallèles. Ces lignes, espa-
écs de pluie factices données avec une pompe cées entre elles de 4 à 5 mètres, étaient di-
à main, munie d'u:;c houle d'arrosoir; cette rigées de l'est à l'ouest; elles se servaient l'une
opération doit avoir lieu avant le lever ou après à l'autre d'abri et de brise- vent, Cette manière
le coucher du soleil. de planter les jardins fruitiers est passée de
Iîien peu de jardiniers en gouvernant leurs mode en France, bien qu'elle convienne mieux
arbres en espalier, auront égard au conseil |
que toute autre aux jardins de peu d'étendue ;
qu'il nous reste à leur donner; nous les enpa- elle est encore très pratiquée en Angleterre,
(jeons à sacrifier, sans balancer, une partie de surtout dans les comtés du sud. Les éventails
a récolte, lorsque le fruit est trop abondant ;
veulent être soutenus pendant leurs premières
au fond, ce n'est pour ainsi dire pas un sacri- années; on emploie à cet effet, comme pour les
fice; on ne gagne rien à laisser venir à bien arbres en espalier, soit un treillage maintenu
tous les fruits d'un arbre trop chargé ; à la \ c par des piquets, soit du fil de fer fixé à des liges
rité, la récolte est plus considérable en quan- de fer percées que supportent des dés en pierre
tité, mais l'infériorité des produits rend le bé- ou des pieux enfonces dans le sol jusqu'à fleur
néfice presque nul, et bien souvent les récoltes de terre. Les jardins ainsi niantes ont un
suivantes sont compromises pour plusieurs an- aspect propre et régulier qui flatte l'œil, sur-
nées. Les cerisiers et les arbres à fruits à pé- tout à l'époque où les deux côtés des arbres,
pins se dépouillent d'eux-mêmes du fruit sur conduits et taillés exactement comme des es-
abondant ; il n'y a jamais de fruits à ôter au paliers, sont couverts de fruits mûrs. Les treil-
cerisier } il est bien rarement nécessaire d'é- lages ne servent que quelques années pendant
cJuircir les fruits du poirier ou ceux du pom- la formation de la charpente: celle-ci, une fois
mier. La nécessité de supprimer une partie des établie, se soutient d'elle-même. Les jardiniers
fruits à demi formés du pêcher, du brugnonier, anglais donnent de préférence à leurs arbres en
de l'abricotier etdu prunier, résulte de la na- éventail la forme de palinetlc simple, sur une
ture de leurs productions fruitières, dont les seule lige, avec des cordons latéraux à angle
Îtlus fertiles sont,comme on l'a vu, en traitant droit en nombre suffisant. La forme en palmetie
le la taille de ces arbres, des dards ou bou- double nous semble préférable parce qu'elle
quets et des lambourdes. Ces branches, tou- permet de supprimer plus tôt les treillages; la
jours fort petites, sont souvent chargées de huit charpente de l'arbre sous celte to me ayant
ou dix fiuits pressés tes uns contre les autres, naturellement plus de solidité.
qui se disputent la nourriture, de sorte que pas M. Loudon cite comme l'un des plus beaux
un ne peut atteindre la perfection de son es- qui existe en Angleterre un pommier en éven-
pèce à l'époque de sa maturité. Après la sup- tail qui n'a pas moin-, de 31 mètres d'une ex-
pression d'une partie du fruit, ce qui reste doit trémité à l'autre; il a été planté en 1786; il est
se trouver réparti le plus également possible d'une étonnante fertilité; le propriétaire le
entre les branches de l'espalier qui se corres- laisse aller par curios ie sa croissance ne sem-
;

pondent. ble pas près de s'arrêter.

§ Vf. — CIoTitre-t*.<|i;tlicr* cl r\TiituiU. § VII. — Fr.m el produits.

On désigne sous le nom de conlrc-rsj.alicr Les calculs dont nous avons donné les résul-
les arbres en éventail dont on garnit le bord tats pour les arbres en pyramide et les paradis
extérieur d'une plate bande, en ligne parallèle p ovisoirement piaules dans le verger, nous
à un mur d'espalier. La plate bande ne peut dispensent d'entrer dans de grands détails au
dans ce cas avoir moins de 2™ ,50 une largeur ; sujet des Irais et produits du jardin fruitier,
<le trois mètres est la plus convenable pour que puisqu'il est facile, en les prenant pour base,
l'ombre du contre-espalier ne nuise point à l'es- d'arriver pour ce genre de jardins à des résul-
palier, et qu'ils n'aient point à souffrir récipro- tats analogues. Nous donnerons, en parlant des
quement du voisinage de leurs racines ; les ar- jardins à la Monlreuil, le produit des espaliers.
bresdu contre- espalier ne doivent pas dépasser Les lignes de poiriers et de pommiers en pyra-
la hauteur de l m ,70. La vigne cl tous les ar- mide peuvent alterner avec des lignes d'arbres
hres à fruit , soit à pépins soit à noyaux, peu- Conduits en vase ou corbeille, comme on le
vent être cultivés en contre -espalier; mais voyait dans l'école des arbre» fruitiers récem-
le poirier, le pommier cl le prunie; sont ceux ment arrachés au Jardin des Plantesj il vaut

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Timr m. JARDIN FRUITIER. 1G3

mieux quand on adopte cesdeux formes, planter crètent naturellement de la gomme. Cette sé-
les vases et les pyramides alternativement dans crétion ne devient pour eux une maladie que
les lignes, de façon à ce que ni les arbres ni les quand il y a engorgement. Le prunier et le ce-
vases ne se trouvent vis-à-vis les uns des au- risierdont l'écorce est douée d'une certaine
tres; on évite parce moyen l'encombrement souplesse, se débarrassent d'eux-mêmes de la
causé par la trop grande largeur des vases gomme lorsqu'elle est surabondante chez eux ;
parvenus à toute leur croissance. leur écorce se fend pour lui livrer passage. 11
Nous ne terminerons pas ce chapitre sans n'en est pas de même du pêcher et de l'abrico-
rappeler aux jardiniers la nécessité de ménager tier; la gomme s'accumule souvent sous leur
les arbres en pyramide plamésà demeure dans écorce dure et rigide; ces engorgements gom-
le jardin fruitier, principalement quand ils meux se manifestent pendant toute la durée du
commencent à se mettre a fruit ; le produit de mouvement de la sevequi, chez ces arbres,
ces arbres arrivera donc aux chiffres que nous n'est jamais ralentie du printemps à l'hiver,
avons posés, mais il y arrivera un peu plus quoique sa marche soit fort inégale. Lorsque la
tard que celui des mêmes arbres dans le ver- sève du pêcher monte avec une fougue extraor-
ger ; ces arbres, ne devant pas durer, ont été dinaire, on remarque sur l'écorce des branches
taillés en conséquence. des taches livides recouvrant de légers gonfle-
Lorsque le jardin fruitier est consacré ex- ments peu apparents. Si l'on appuie le doigt
clusivement aux pommiers-paradis, un enclos sur les parties gonflées, on reconnaît au tou-
de 50 ares de superficie peut recevoir 2,178 cher la présence d'un amas de suc gommeux
pieds d'arbre à 1°\50 les uns des autres en extravase qui grossit rapidement. Le mal qui
tout sens. Les allées et la plate-bande néces- pourrait en résulter est prévenu par de légères
saire aux espaliers occupent environ un sixième incisions pratiquées en long, soit sur les côtés
de la surface totale du terrain, ce qui réduit le de la branche, soit sur la face postérieure qui
nombre des pommiers-paradis à 1 ,800 dès ; regarde le mur; il ne faut inciser qu'avec
la deuxième année après la plantation ils don- beaucoup de précautions pour ne pas pénétrer
nent, année commune, un produit brut moyen plus avant que l'épaisseur de l'écorce. L'af-
de 60c. chaque, soit pour 1 ,800arbres, 1,08(1 fr., fluence de la gomme passée à l'étal de maladie
sans rompter le produit de 150 mètres de murs est souvent la suite des contusions faites à l'é-
garnis d'arbres en espalier. Quant aux frais corce des jeunes arbres, soit en les arrachant,
d'achat et de plantation des arbres, ils forment soit en les transportant sans précautions de la
d'après le tableau que nousavons donné, p. 142, pépinière au lieu où ils doivent être plantés à
untulalde 1 ,000 f. pour 50 ares; les frais annuels demeure. Son premier effet est de faire périr
de taille, de culture et d'entretien s'élèvent, y par le bas les branches attaquées qui se dégar-
compris les intérêts des avances, à la somme nissent de productions fruitières ; les rameaux
de 180 fr. ; c'est donc un revenu net de 900 fr. d'un an perdent de même par la gomme leurs
crée sur un demi-hectare de terrain au moyen yeux inférieurs. En se reportant aux principes
d'une avance de 1,000 fr. Les paradis donnent que nous avons exposés pour la taille du pê-
tous les trois ans dl'une manière à peu près ré- cher, on comprendra combien il est important
gulière une récolte extraordinaire ; la moyenne de prévenir l'invasion de la gomme dont la sur-
que nous posons est au-dessous de la réalité. abondance détruit les yeux faute desquels on
Nous souhaitons que beaucoup de propriétaires ne peut espérer de bonnes branches de rem-
aux environs de Paris et des grandes villes véri- placement. La gomme n'attaque en général que
fient par expérience l'exactitude de nos chilfres. les pêchers qu'on n'a pas eu soin d'inciser à
temps, et ceux chez qui elle est une maladie
§ VIII. — Maladies des arbres fruitiers. constitutive, provenant soit d'un noyau, soit
d'une greffe pris sur un arbre atteint de la
Les arbres à fruits à noyau sont sujets à des gomme; cette maladie peut aussi, comme nous
maladies différentes de celles qui attaquent les l'avons vu, provenir d'une fumure dpnnée mal
arbres à fruits à pépins ; les principales mala- à propos avec de l'engrais en fermentation.
dies des arbres à fruits à noyau sont la
gomme, le blanc, le rouge et la cloque ; les 7. BUnc.
deux dernières sont particulières au pêcher. La physiologie végétale n'est point encore
Les arbres à fruits à pépins sont particulière- parvenue à rendre compte d'une manière plei-
ment sujets à deux affections, le chancre et le nement satisfaisante des diverses affections
charbon. maladives des arbres fruitiers; celle que les
Le pêcher est de tous les arbres à fruits à jardiniers connaissent sous le nom de blanc ou
noyau le plus sujet aux diverses maladies meunier, se manifeste sous la forme d'une sorte
propres à Cette classe d'arbres fruitiers. d'efflorescence blanchâtre. Le blanc commence
toujours par se montrer sur l'extrémité supé-
rieure des jeunes bourgeons; puis il descend
le plus souvent tout le long des rameaux , jus-
La présence de la gomme dans les arbres à qu à leur insertion sur la branche principale.
fruitsa noyau n'est pas toujours un symptôme Le blanc arrête d'abord tout court le mou-
de maladie; ces arbres, malades ou non, sé- vement de la végétation dn pêcher; ses fruits,

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164 HORTICULTURE. LIVRE vin.

s'ilen reste quelques uns sur les branches les partie, rester saindans la partie abritée, tandis
moins endommagées, se couvrent de taches qui Ïic le côté découvert est en proie à la cloque,
'utilité des chaperons, permanents ou tem-
les rendent pâteux et amers. L'exposition in-
flue puissamment, sinon sur la maladie en poraires (fig. 293 et 294], comme préservatifs
elle-même , au moins sur son intensilé. L'ex- de la cloque, ne saurait donc être révoquée en
position de l'ouest est sous ce rapport préférable doute. La cloque , de même que le blanc , ar-
a celle de l'est ; M. Lelieur cite l'exemple d'un rête tout court le mouvement de la sève: les

pécher palissé sur un pilier carré; les bran- bourgeons attaqués de la cloque cessent de s'al-
ches exposées à l'est étaient en proie au blanc, longer; ils se boursouflent , se contournent et
dont on voyait à peine quelques traces sur les perdent leurs feuilles. Tant que le mal ne s'est
branches palissées à l'exposition du couchant. point arrête de lui-même , il serait inutile et

On ne connaît malheureusement point de re- même dangereux deces bourgeons au-


tailler

mède contre le blanc ; cette maladie se trans- dessous delà partie attaquée, dans l'espoir d'en
met par la greffe et par les semences. Les pê- obtenir de bonnes pousses. Quand la cloque cesse
chers de la Madeleine et leurs variétés passent de s'étendre et qu'on reconnaît sur les bour-
pour être plus sujets au blanc que les autres ; S^cons endommagés les premiers symptômes de
nous avons cependant observé bien des fois ce a reprise de la végétation, c'est le moment
fléau sur des pêchers d'espèces différentes , en qu'il faut saisir pour rabattre ces bourgeons

Allemagne en Belgique et dans le nord de la


,
sur un bon œil. Si la saison n'est pas trop avan-
France. cée, cette taille pourra donner naissance, a\ ant
la lin la belle saison
de à des bourgeons pro-
,

3 Rougi.
ductifs pour l'année suivante; mais la durée
du mal se prolonge quelquefois si avant dans
Quelques espèces de pêchers, particulière-
ment celles qui portent les pêches royales et les l'été, que le bourgeon rabattu n'a pas le temps

pêches admirables, sont sujettes à cette affec- de se refaire avant la chute des feuilles. Dans
tion, qui se manifeste par unecouleur d'un rouge le premier cas, le mal causé par la cloque est

vif, passant au rouge obscur irès foncé, sur à peu près réparé; dans le second, l'arbre est
l'écorce des branches malades; cette coloration beaucoup plus sérieusement endommagé; on
est bientôt suivie de leur mort quelquefois in- peut regarder comme perdue la récolte de l'an-
stantanée , au moment où ils sont chargés de née suivante les bourgeons attaqués ne peu-
;

fruits prêts à mûrir. Quelquefois les arbres ré- vent plus être rabattus qu'à la taille d'hiver,
sistent au rouge un an ou deux, pendant les- ils n'ont par conséquent pas de branches de

quels ils végètent avec une grande énergie et remplacement, et la floraison est presque nulle.
portent même des fruits assez nombreux, mais
détestables, et qui ne conservent aucun des ca- B. — Maladies des arbres à fruits à pr/n'ns.

ractères de leur espèce. Dès lors, comme le I . Cha»trt. >

rouge est, ainsi que le blanc , une maladie in-


curable , il faut remplacer sur- le-chào»p le pê- Cette maladie peut être une affection consti-
cher malade ; on ne ferait que perdre inutile- tutive des arbres, ou bien l'effet accidentel de
ment un temps précieux en essayant de le re- la piqûre d'un insecte. (Voir insectes nuisibles

faire. aux arbres à fruit). Ces deux espèces de chan-


cre attaquent le pommier plus souvent que le
4. Cloqut. pommiers les arbres greffes
poirier; parmi les

La science des physiologistes n'a pas mieux sur paradis sont plus sujets au chancre que les
déterminé les causes de cette maladie que celles arbres greffés sur doucains ; les différentes va-
du blanc et du rouge; mais l'art du jardinier riétés de calville sont plus souvent attaquées du
peut du moins en prévenir et en réparer en par- chancre que les autres espèces de pommiers.
tie les ravages. La cloque est regardée, par les Le chancre constitutif provient toujours d'une
ans . comme un simple accident causé par le faiblesse organique ; c'est une dégénérescence
trouble de la végétation du pêcher, à la suite des tissus par suite de l'altération des sucs con-
des brusques variations de la température at- tenus dans les vaisseaux de l'arbre ; il en ré-
mosphérique ; les autres la regardent comme sulte des ulcères qui gagnent de pi oche en pro-
une maladie constitutive comme le blanc , ca- che si l'on ne se hâte de les arrêter en retran-
pable, de même que cette affection, de se trans- chant jusqu'au vif toute la partie endommagée;
mettre par les semis et la greffe ; dans cette hy- il n'y a pas d'autre remède. Les plaies
doivent
pothèse , le temps contraire ne serait qu'une être immédiatement recouvertes de cire à gref-
des causes déterminantes de l'invasion du mal fer ou d'onguent de Saint-Fiacre. Le chancre
dont l'arbre porterait le germe en lui-même. attaque presque toujours les racines des arbres
Quoi qu'il en soit, la cloque se montre toujours avant de se montrer sur leurs parties cxié-
en premier lieu aux extrémités des bourgeons rieures; c'est ce qui a lieu surtout lorsque cette
de Vannée , quand ils ont été frappés par des maladie est occasionnée par la nature imper-
pluies froides, accompagnées de vents glacés méable du sous- sol qui fait séjourner les raci-
succédant à plusieurs jours dune température nes dans un milieu constamment humide. On
humide et Uede. On voit très souvent un arbre ne peut douter que, dans ce cas, le chancre ne
protégé par un abri qui n'en garantit qu'une provienne de cette cause, lorsqu'on voit cette

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TITRE 111. JARDIN FRUITIER. 1G5

maladie disparaître par le seul fait de la trans- tesse. En nous bornant à décrire ceux des in-
plantation des arbres d'un sol bas et maréca- sectes contre lesquels il est possible de défen-
geux dans une terre saine et aérée. D'ailleurs dre les arbres de nos jardins fruitiers, nous
on voit souvent des arbres provenant des croyons remplir les obligations que nous nous
mêmes semences, élevés dans les mêmes pépi- sommes imposées vis-à-vis des horticulteurs.
nières, d'âge et de force absolument sembla-
I. Tigr*.
bles, dont les uns plantés dans un terrain mal
égoultéss couvrent de cbancres, tandis que les Les jardiniers désignent sous ce nom deux
autres, dans un emplacement convenable, res- insectes du genre iingis détachés par les ento-
tent parfaitement sains. On peut donc mettre mologistes modernes dr genre cimex (punaise).
au premier rang des moyens de prévenir l'in- M. Dalbret dans son traité de la taille des ar-
vasion du chancre dans le verger et le jardin bres fruitiers indique une troisième espèce de
fruitier, l'assainissement du sol par un nombre tigre qui n'existe réellement pas; il a pris pour
suffisant de rigoles et de trancbées. Lorsque une espèce distincte le tiogis à son dernier
l'arbre attaqué du chancre n'a pas plus de cinq état de développement. Ces insectes sont si pe-
à six ans de plantation, on peut l'arracher, re- tits qu'il est fort difficile de les distinguer sur

trancher toutes les racines attaquées, raccour- l'ecorce du pécher et du poirier qu'ils atta-
cir les branches pour les mettre en rapport avec quent de préférence. Le fait le plus remarqua-
le volume des racines, et remettre l'arbre en ble de leur mode d'existence, c'est leur état de
place, immédiatement après avoir amendé ou parfaite immobilité pendant la plus grande par-
même renouvelé la terre du trou ; si l'arbre est tie de leur vie; ils s'attachent à l'écorce des ar-
plus âgé, on se contente de le déchausser pour bres, toujours dans le sens longitudinal, et ils
mettre à nu les plaies des racines qu'on retran- restent la des mois entiers, occupés à sucer la
che sans déranger l'arbre. Lorsque le sol est substance de l'arbre auquel ils occasionnent
bon et qu'il reste à l'arbre une vigueur suffi- des plaies dangereuses qui ont l'apparence de
sante, les plaies ne tardent pas à se cicatriser. blessures ou meurtrissures causées par des con-
tusions. M. Dalbret compare avec raison l'es-
2. Charbon.
pèce la plus commune de tigre à une petite
Cette maladie ne devrait pas exister puis- J;raine de reine-marguerite ; cet insecte en a
u'elle ne provient que de la mauvaise qualité a forme et la couleur. On ne peut essayer de
es sujets élevés en pépinière, et de l'inégalité le détruire que pendant son état d'apparente
d'énergie végétative du sujet et de la greffe. immobilité ; une fois que la jeune génération
Les arbres qui en sont atteints se dépouillent des tigres ou tingis s'est répandue sur les feuilles
de très bonne heure de leurs feuilles en com- ae l'arbre pour en dévorer la substance, il n'y
mençant par le sommet; leurs pousses termi- a plus de remède. Il semble alors que le pêcher
nales se dessèchent et deviennent noires comme ou lepoirieren proie aux ravages du tigre soit at-
si le feu y avait passé; le mal est sans remède; teint d'une maladie particulière; en peu de jours,
ce sont des arbres qu'il faut se hâter de rem- on voit toutes ses feuilles dont le parenchyme
placer; mais jamais le charbon n'envahit une vert (chlorophylle) a été complètement sucé
plantation d'arbres fruitiers , quand les arbres par les tigres, changer de couleur, sans toute-
en ont été choisis avec soin et mis en place dans fois se détacher. Rien n'est plus triste pour
un état de santé vigoureuse; le pépiniériste au- l'œil du jardinier que cette disparition subite
quel on s'adresse se montre indigne de con- de la verdure dans le jardin fruitier. On dit
fiance s'il livre à l'acheteur des arbres portant alors communément que les arbres sont
en eux le germe de cette maladie, car il lui est frappés de la grise, et beaucoup de jardiniers
impossible de l'ignorer- Nous rappelons à ce sont encore convaincus que la grise est une
sujet les conseils que nous avons donnés pour maladie du poirier et du pécher. Plusieurs au-
le choix des arbres dans la pépinière ( Voir teurs conseillent le recépage et le rajeunisse-
page 133). ment des arbres par la greffe en couronne ;
c'est un remède violent, pire que le mal, et
C.— Inteclet nuisibles aux arores à fruit.
dont nous ne saurions conseiller l'emploi que
Le nombre des insectes qui attaquent de ma- quand, après avoir épuisé tous les moyens de
nière ou d'autre l'ecorce, le feuillage ou les se délivrer du tigre, il reparaît plusieurs an-
fruits des arbres de nos vergers est si grand nées de suite et prive le jardinier de tout es-
que si nous voulions tous les décrire, nous sor- poir de récolte. Alors, il faut en effet recéper,
tirions des limites dans lesquelles nous sommes puis greffer immédiatement en couronne , en
forcés de nous restreindre. D'à illeurs ce travail, ayant bien soin de brûler sans retard jusqu'au
aussi complet que possible, n'aurait d'intérêt dernier vestige des branches retranchées. Mais
que sous le rapport de l'histoire naturelle les la plupart du temps, une taille un peu plus
;

moyens de préservation ou de destruction sont courte qu'à l'ordinaire et un nettoyage à fond


ou très insuffisants, ou tout-à-fait nuls. Que de l'écorce des arbres un peu avant le départ
faire contre des millions d'animaux dont les uns de la sève du printemps, font disparaître le
nous échappent au moyen de leurs ailes, et tigre. Les arbres peuvent être nettoyés soit avec
dont les autres se dérobent même à la vue par un lait de chaux très clair, soit avec divers li-
leurs couleurs obscures et leur excessive peti- quides appropriés à cet usage, dont nous don-

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166 HORTICULTURE, ! :\ RK VIII.

nons ci-dessous les recettes les meilleures et ception du liquide de M. Tatin qu'on peut ui»-
les plus usitées. ployer plusieurs fois de suite sans altérer le
feuillage des arbres, tout liquide acide ou al-
Lessive de blanchisseuse (ou enu simple), 4 litres.
calin, assez énergique pour agir sur le corps
noir (»a\on de poiasse) 600 gr.
< kil.
du tigre, opère bien plus sûrement encore la
destruction du feuillage, et fait aux arbres un
La quantité de chaux p varier selon sa tort bien plus grave que celui que les tigres
qualité; toutes les espèces de chaux ne se dé- auraient pu faire.
litent pas avec la même consistance ; ilfaut que Les personnes placées à portée d'une usine
le liquide ait la consistance du lait de chaux de gaz pour l'éclairage peuvent se procurer à
des hadigeonneurs. . très bas prix de l'eau saturée de gaz hydrogène;
cette eau, employée pure pour laver les bran-
COMPOSITION DE M. TATIN.
ches des arbres pendant le repos de la végéta-
Savon de polane » k 600
tion, ou leur feuillage pendant l'été, est excel-
Citas i
lente pour la destruction du tigre; elle entre
Eau. 30 litres.
aussi dans la composition suivante qui s'appli-
On met ces ingrédients mêlés dans un ton- que au pinceau.
neau ; l'on prend d'autre part :
Eau hydrogéné* If lit.
Fleur de «outre. 1««00 Fleur de soutre 800 g»-

30 lurrs. Savon de potasse S ML


On fait bouillir dans l'oau la fleur de soufre On mêle ces substances à froid, et on les fait
enfermée dans un nouet maintenu par un fondre sur un feu doux ; le liquide s'emploie
poids au fond do la chaudière. Après vingt mi- refroidi.
nutes d'ébullition, on mêle ce liquide au pre- Tant de recettes, dit M. Loudon, ont été
mier. Il s'y établit bientôt une fermentation pu proposées par divers auteurs pour la destruc-
tride qui donne au liquide une odeur infecte; tion des insectes nuisibles aux arbres à fruit,
plus cette odeur est farte, plus la composition qu'on a lieu de s'étonner que leurs races sub-
est efficace pour la destruction des insectes ; sistent encore. C'est que pas une de ces recettes
on doit la préparer longtemps d'avance pour n'est applicable assez en grand pour opérer une
qu'elle acquière en vieillissant plus de fétidité. destruction complète de l'ennemi contre lequel
On peut l'employer au pinceau sur les arbres on les emploie, et que cet ennemi se reproduit
dépouillés de feuilles; on peut aussi la répan- avec une prodigieuse rapidité.
dre sur les feuilles des arbres, au moyen d'une
2. XerW
Kompe à gerbe d'arrosoir percée de trous très
ns. On borne le plus souvent l'usage de ce li- Cet insecte, plus connu des jardiniers sous
quide au nettoyage des plantes précieuses dans le nom de punaise, appartient au genre roccus.

la serre et l'orangerie; son prix de revient De même que le tigre, il passe une partie deson
n'est pas tellement élevé, que le jardinier jaloux existence dans un état d'immobilité, collé sur
de conserver ses arbres ne puisse y recourir l'écorce de l'arbre qu'il suce et détruit en y oc-
pour les délivrer des attaques du tigre. Quand casionnant des plaies fort préjudiciables à sa
le tigre est assez multiplie pour occasionner fa santé. On détruit difficilement le kermès en
grise les perles causées par ses ravages sont
, frottant les branches avec une brosse; cet in-
hors de toute proportion avec la dépense que secte adhère avec tant de force qu'il faut, pour
nécessite l'emploi du liquide de M. Tatin. On le détacher, frotter de manière a endommager

peut substituer dans cette recette les cham- l'écorce au détriment de l'arbre. L'emploi des
pignons sauvages aux champignons cultivés ; liquides dont nous avons donné la recette, sur-
les plus vénéneux sont aussi bons que ceux des tout celui de l'eau hydrogénée, est le seul
espèces mangeables. moyen qu'on puisse meure en usage avec quel-
L'huile de lin et l'essence de térébenthine que espoir de succès pour la desiruct ion du ker-
étendues au pinceau sont des remèdes fort ef- mès. La petite fourmi, qu'on a d'ailleurs des
ficaces, mais fort chers, applicables seulement raisons pour détruire à cause des ravages
aux jardins de peu d'étendue où l'on n'a qu'un qu elle exerce dans les jardins, est l'ennemi le
petit nombre d arbres à préserver. plus redoutable du kermès. Lorsque cet insecte
M. Lelieur assure qu il s'est bien trouvé suce les jeunes branches du pécher en pleine
d'un mélange d'eau et d'acide sulfurique em- végétation, il leur fait exsuder un suc brun,
ployé en lotion pour la destruction du tigre; il sucré, semblable à du caramel, dont les four-
ne précise pas la dose d'acide ; nous pensons mis sont fort avides; attirées par ce régal,
qu'on ne peut, sans danger pour les bourgeons, elles enlèvent en même temps les œufs des ker-
dépasser la proportion de ^ta soil un n,re d'a- mès qui, par une loi singulière de l'organisa-
cide sulfurique pour 300 hectolitres d'eau ; il tion de cet animal , ne sont jamais pondus; les
nous semble douteux qu'ainsi délayé l'acide petits n'éclosent qu'après la mort de leur mère,
sulfurique puisse opérer la destruction com- dans son corps dessèche qui leur sert de de
plète du tigre sur l'ecorec des arbres. Ajoutons meure, jusqu'à ce qu'ils soient assez développes
que, d'après noire propre expérience à l'ex- pour en sortir. Les œufs de kermès sont d'une

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TïTIlE S II. JARDIN FRUITIER. 167

Ktitesse extrême, ils sont à peine visibles à même sur douçain, on peut parvenir à les en-
;il no, sous la forme (Fane poussière rou- lever à mesuré qu'ils se montrent, parce qu'ils
geâtre très divisée. C'est à cette destruction vivent toujours par groupes, sans jamais se
des œufs de kermès par les fourmis qu'on doit disperser. Les plaies produites par ces insectes
d'en êt re délivré, souvent pour plusieurs an- doivent être traitées exactement comme des
nées, parce qu'à l'époque où elle a lieu, les cliancres.
mâles et la plupart des femelles sont morts. Il
4. ChtnilUttt
nous est arrive bien des fois de transporter au
pied d'un pécher attaqué des kermès une four- Il n'y a réellemeut que les arbres en espa-
milière que nous avions l'ingratitude de dé- lier, en pyramide, en vase et en buisson qui

truire anrès qu'elle avait fait disparaître les puissent être échenillés avec quelque succès.
œufs de Kermès. Les chenilles les plus faciles a détruire sont
celles dont les œufs, enveloppés d'un enduit
3. Pu. erons.
glutincux, sont collés sous forme d'anneaux
Parmiles insectes ennemis des arbres à autour des jeunes branches des arbres. Toutes
fruit, lespucerons sont, sinon les plus redou- ces branches, à la taille d'hiver, doivent pas-
tables, au moins les plus nombreux, s'il est ser l'une après l'autre sous les yeux du jardi-
vrai, comme le prétendait Réaumur qu'un pu- nier ; il peut, avec un peu d'attention, aperce-
ceron puisse avoir en cinq générations seule- voir et enlever, les anneaux d'œufs de che-
ment 5,904,900,000 descendants, et que dans nilles; ceux qui lut auraient échappé (dosent
le cours d'une année dix générations de cet in- sous l'influence des premières chaleurs du prin-
secte puissent se succéder. On ne peut tenter temps, avant que le feuillage des arbres frui-
d'arrêter cette prodigieuse multiplication que tiers se soit assez développé pour les dérober à
sur les arbres en espalier; ceux qui attaquent la vue ; ces chenilles sont donc les plus aisées
les arbres en plein-vent sont si nombreux, les à détruire. Quant à celles qui attaquent les ar-
léniesde ecorcect les surfaces des feuilles leur
I bres en plein- vent, il est presque impossible d'at-
offrent tant de retraites, que les lavages et les teindre leurs œufs, et fort difficile de détruire
aspersions en épargnent toujours quelques-uns | les chenilles écloscs ; on ne prend le plus sou-
c'en est assez pour qu'en peu de jours l'arbre en vent que les chenilles processionnelles, vulgai-
suit de nouveau tout couvert. Il n'en est pas de rement nommées livrées, qui se filent une sorte
même sur l'espalier ; l'étendue d'espalier occu- d'enveloppe analogue à une forte toile d'arai-
pée par chaque arbre en particulier peut être gnée , sous laquelle elles s'abritent en commun.
soigneusement close avec un drap qu'on a soin Nous ne mentionnerons les vers qui atta-
de mouiller pour le rendre plus imperméable à quent les fruits que pour nous borner à cons-
la fumée; on introduit alors entre le drap et le tater l'impossibilité de les détruire ; la plupart
mur un réchaud ordinaire rempli de charbons de ces vers naissent d'un œuf solitaire déposé
allumés sur lesquels on jetie plusieurs poignées par une mouche dans l'ovaire peu de temps
de tabac à fumer; le plus fort est le meilleur. après la fécondation qui l'a transformé en fruit;
La fumée caustique du tabac maintenue pen- le fruit attaqué n'en parcourt pas moins le plus
dant une demi-heure, détruit complètement les souvent toutes les phases de son développement ;
pucerons qui n'ont contre elle aucun lieu de laprésencedu ver contribue seulement a le faire
refuge. Ce procédé est sûr ; mais on comprend mûrir et tomber un peu plus tôt que les fruits
combien il est dispendieux et difficile à prati- sains c'est un mal sans remède
:

3uer lorsqu'il s'agit de délivrer des pucerons Un autre ver particulier au pommier se loge
es centaines de pêchers couvrant plusieurs ki- dans les boutons à fruit ou à bois, d'ordinaire
lomètres de murs d'espalier, tels qu'on en voit dans les plus gros l'œuf de ce ver est déposé
;

à Montreuil et dans les communes voisines. On par un très petit insecte, soit au sommet, soit à
ne peut alors recourir qu'aux aspersions avec la base du bouton ; le mal qu'il fait à l'arbre ne
Fondes liquides caustiques indiquésplushaut. se borne pas à la perte de l'œil attaqué ; il en
De toutes les variétés du puceron fa plus re- résulte toujours une plaie qui, lorsqu'on la né-
doutable est le puceron surnommé par les na- glige, devient un véritable chancre ; il n'y a
turalistes laniger ou porte-laine, à cause d'une d'autre remède que de rabattre la branche sur
sorte de duvet blanc très fin dont il se recou- un bon œil au-dessous du bouton endommagé.
vre ; duvet qui paraît être fabriqué en commun
par ces pucerons, comme les toiles dont s'en-
veloppent certaines tribus de chenilles. Par- Nous avons dit combien les attaques des vers
tout où des groupes de pucerons lanigères s'é- blancs ou turcs ( larves du hanneton) sont fu-
tablissent sur l'écorce d un pommier, leurs pi- nestes aux racines des jeunes arbres ; on les
qûres produisent des tumeurs qui dégénèrent en préserve jusqu'à un certain point en plan-
en ulcères en tout semblables au chancre cons- tant le long des plates-bandes du jardin fruitier
titutif que nous avons décrit. Les ravages du des bordures de fraisier, ainsi que nous l'avons
puceron lanigère sont sans remède sur les recommandé ; mais dans les années où tes han-
grands pommiers en plein -vent du verger; elles netons pullulent, ce moyen est très insuffisant :
entraînent fort souvent la perte des arbres. c'est un mal qu'il faut se borner à déplorer, :

Mais sur les pommiers greffes sur paradis et pouvoir en arrêter les ravages.

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168 U0KT1CULT011E. LIVRE VIII.

Nous désignons sous le nom de jardins a la


6. Prr<e.or«tUs.
Montreuil des jardins fruitiers exclusivement
Les fruits mûrs de toute espèce sont proie la consacrés à la culture des arbres à fruits en es-,
des perce-oreilles qui multiplient facilement sur palier.
les murs d'espalier dont la maçonnerie laisse
dans le crépissage des fentes et'dcs crevasses § 1
er
. — CoDitruclion de» mure.
où ils trouvent un asile. Ces insectes ont une Les jardins de Montreuil sont coupés de dis-
prédilection marquée pour la corne du pied tance en distance sur toute leur surface par des
des animaux de boucherie. On en détruit une murs qui n'ont pas d'autre destination que celle
grande quantité en suspendant de distance en de supporter des espaliers ; ces murs, dans les
distance quelques-unes de ces cornes le long enclos les mieux tenus, sont a douze mètres les
de l'espalier ; les perce-oreilles ne manquent pas uns des autres. Ils sont construits avec beau-
de s'y réunir tous les soirs; il faut les enlever coup d'économie en moellons que fournit le sol;
dès le point du jour, avant qu'ils se soient dis- on leur donne un enduit de plâtre sur leurs
persés de nouveau sur l'espalier. deux surfaces qui sont ordinairement utilisées
Tous les autres insectes, malheureusement toutes les deux. L'épaisseur de ces murs est de
trop nombreux, qui attaquent de manière ou
m
0 ,32 et leur hauteur de 3 mètres à 3 m ,50; ils
d'autre les arbres fruitiers, tels que la pyrale
j

œ
reposent sur des fondations de 0 m ,40 à 0 ,50
de la vigne, le bombix caya, le charançon et de profondeur. Le mètre courant de ces murs
une foule d'autres, sont des ennemis contre les- ne coûte, à Montreuil, crépissage compris,
quels, jusqu'à présent, l'homme ne peut rien.
Sue 15 fr., malgré le prix élevé Oc la main-
Nous ne pouvons qu'engager les amis de l'hor- 'œuvre aux environs de Paris. Il y a probable-
ticulture à étudier les mœurs et les allures de ment en France bien peu de localités où il soit
ces insectes, seul moyen d'arriver un jour à la possible d'établir pour ce prix des murs aussi
découverte des moyens d'en arrêter la multi- parfaitement appropriés à la culture des arbres
plication. L'un des plus efficaces de ces moyens, en espalier, parce qu'à Montreuil, il n'y a au-
quand la science aura fait assez de progrès pour cun transport à payer; la pierre, la chaux et le
en étendre les applications, c'est d opposer aux plâtre setrouventsurle lieu même où ils doivent
espèces nuisibles les espèces voraces qui vivent être employés. Les jardiniers de Montreuil ne
à leurs dépens. .Ainsi le carabe vert-doré, donnent aucune couleur à leurs murailles mais ;

connu sous le nom de jardinière, fait une guerre comme le palissage à la loque exige l'emploi
à mort aux fourmis; ainsi le joli insecte que d'un nombre prodigieux de clous qui dégradant
tout le monde connaît sous le nom de bête à promptement le crépissage, on est force de le
lion - Dieu détruit les t igres et les pucerons sans
, renouveler souvent il arrive rarement que le
;

attaquer lui-même aucun végétal, puisque son crépissage à plâtre, qui est d'un blanc parfait au
instinct le porte à se nourrir exclusivement d'in- moment où il vient d'être posé, aiteu le temps de
sectes. C'est une voie encore très peu explorée perdre sa blancheur lorsqu'il devient nécessaire
où nous ne doutons pas qu'il n'y ait à faire de de le réparer; de cette façon, les espaliers repo-
nombreuses et utiles découvertes, telle que se- sent toujours sur des murs très blancs, quoiqu'on
rait celle d'un procédé de propagation prompte ne songe point à les faire blanchir à dessein.
et certaine des insectes qui peuvent servir à la Les murs des jardins de Montreuil sont coupés
destruction des espèces nuisibles. Nous nous de quinze en quinze mètres par des pans de
abstenons, par respect pour le public, de re- murs à angle droit avec la muraille principale;
Sroduirc ici les recettes pour détruire un à un ces murs, construits des mêmes matériaux, ont
es animaux dont il existe des millions à la fois; la même hauteur et la même épaisseur-, leur
il en est dont la naïveté rappelle le grain de sel longueur n'excède pas la largeur de la plate-
à mettre sur la queue de l'oiseau pour le pren- bande, largeur qui est ordinairement de 2"\ô0.
dre vivant, et qui n'en sont pas moins constam- Les murs de clôture de chaque propriété sont
ment reproduites dans les ouvrages en posses- construits avec plus de solidité en raison de
sion de la faveur du public horticole. leur destination ; on leur donne ordinairement
m
quatre mètres de hauteur et 0 ,40 d'épaisseur;
— Jardins d la Montreuil, m
les fondations ont 0 ,50 à (T^O de profon-
Section III.
deur, selon le plus ou moins de solidité du sous-
Il n'existe en aucun lieu du monde civilisé sol. La direction générale des murs d'espalier
de culture d'arbres à fruits en espalier con- des jardins de Montreuil varie à l'infini; les
duite avec autant d'intelligence et de perfection jardiniers de celte commune sont convaincus
que les jardins de Montreuil. La description dé- 3u'à Montreuil on peut obtenir en abondance
taillée des procédés suivis par les jardiniers e bonnes pèches à toute exposition ; en prin-
de Montreuil, et l'exposé des résultats qui ré- cipe c'est une erreur, mais ce n'en est jwint
compensent leurs travaux, nous semblent le une à Montreuil dont les jardins, ainsi que ceux
complément indispensable du tableau que nous des communes voisines, s'étendent au bas et
avons tracé de la culture des arbres fruitiers. sur la pente d'une série de coteaux inclinés du
Nous serions heureux de penser qu'il nous a sud-sua-est au sud-sud-ouest, et sur une grande
été donné de contribuer à en répandre le goût longueur, au plein midi. Cette circonstance lo-
en en vulgarisant les principes et les procédés. cale, jointe à la nature d' in sol à la fois riche.

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Tiriit m. JARDIN IRCITILU. ICO

léger et très chargé de sulfate de chaux, per- pratique est fondée sur deux considérations,
met en effet de faire réussir le pêcher à toute l'une d'économie, l'autre de solidité. L'écono-
exposition; mais le même succès ne pourrait mie est très importante; il est tel propriétaire
être espéré ailleurs, en l'absence de l'une ou à Montreuil à qui le crépissage de cinq ou six
l'autre de ces conditions. nulle mètres de murs olfrani une superlicie de
Le plus grand nombre des murs est dirigé trente à trente-six mille mètres carrés sur leurs
du sud au nord, faisant face à l'est et à l'ouest ; deux surfaces, coûterait un capital considéra-
les murs ainsi exposés sont garnis de pêchers ble qu'il n'est pas obligé d'avancer au moment
des deux côtés ; quelques-uns sont dirigés de de la plantation, et qu'il n'avance ensuite par-
Test à l'ouest, faisant lace au sud et au nord; tiellement qu'à une époque où il en est pour
le côté sud est seul garni de pêchers; néan- ainsi dire immédiatement remboursé par l«*s
moins, il y a à Montreuil un certain nombre récoltes. Quant à la solidité, relie des murs
de pêchers exposés au plein nord, dont le fruit ne perd rien par le retard qu'on met à les
ne nous a jamais paru de qualité sensiblement crépir, la partie inférieure étant toujours cré-
inférieure a celui des pêchers mieux exposés ; pie la première, cl la pnrtie supérieure étant
seulement il mûrit plus tard, et les fleurs sont protégée par la saillie du chaperon mais la
;

plus souvent détruites par la gelée. Tous ces solidité du crépissage perdniii beaucoup à at-
murs, quelle que soit leur direction, étaient en- tendre cinq ou six ans que les pêchers lussent
core, il y a trente ans, garnis de chaperons assez grands pour couvrir toute la surface des
d'après le système représenté fig. 294 ; ces murs ; les clous pour le palissage à la loque
chaperons recevaient au besoin une couverture tiennent beaucoup mieux dans un enduit ré-
temporaire de paillassons. On a renoncé pres- cent. L'enduit de plâtre est le meilleur; il doit
que entièrement à celte coutume depuis qu'on être préféré à tout autre lorsque, comme à
a reconnu qu'à Montreuil, elle favorisait la Montreuil, il n'est pas plus dispendieux ; on lui
multiplication des insectes, particulièrement donne trente-cinq millimètres d'épaisseur.
celle d'une espèce de ver fort nuisible au pê- La Pomone française indique un mode de
cher, et qu'on nomme à Montreuil véro ou bâtisse économique praticable partout, et d'au-
verreau. Tous les murs de construction ré- tant plus digne d'être connu, que la dépense
cente sont garnis de chaperons en plâtre oui nécessitée par la construction des murs d'es-
varient de O^.IO à 0"',ir» de saillie en de- palier est la cause principale qui rend si rares
hors de l'aplomb du mur. Ce changement, en Franrc les applications des procédés de cul-
fondé sur une raison toute locale, la rapide ture du pêcher unités à Montreuil, malgré leurs
multiplication des insectes, due à la présence avantages évidents. On établit d'abord les fon-
d'un si grand nombre de mûrs très près les uns dations comme pour un mur ordinaire; on
des autres, n'infirme en rien ce que nous avons peut seulement leur donner un peu moins de
dit de l'utilité des divers genres de chaperons profondeur. On les élève jusqu'à 0 u \2o au des-
dont l'usage est sans inconvénient pour les sus du niveau du sol, puis on pose dessus des
murs qui servent à la fois de clôture et d'es- moules en bois comme pour le pisé ou le bé-
palier. ton. Ces moules sont remplis de pierres gros-
Nous ferons connaître le mode de construc- sièrement brisées par-dessus lesquelles on coule
tion des murs de Montreuil; chacun en voyant du plâtre liquide en quantité suffisante pour
avec quelle sagacité les jardiniers de celte com- remplir tous les interstices. La forme des moulrs
mune, savent tirer parti des ressources locales, doit êire telle que le mur se trouve un peu plus
pourra regarder autour de lui pour agir d'une mince à sa partie supérieure que vers le bas.
manière, sinon semblable, du moins analogue. C'est un véritable béton à plâtre. M. Lelieur
Peu d'entre eux construisent la totalité des assure que le mèlre courant d'un mur ainsi
murs à chaux et à sable ; l'usage le plus général construit, ayant 2",65 de hauteur, ne coûle pus
csi d'employer tout simplement comme mor- plus de G fr. 50 c. à 7 fr., ce qui mei le mètre
tier la terre retirée du fossé qui reçoit les fon- carré de superficie de ce mur de 2 fr. Âb c. à
dations. Mais comme le mur ainsi maçonné 2 fr. 60 c, prix très modique, offrant en outre
dans son entier manquerait de solidité, on lui une économie importante sur le crépissage, car
substitue un bon mortier à base de plâtre, sur les murs ainsi construits n'ont besoin que d'être
une largeur d'un mètre, de deux en deux mè- légèrement repris dans les intervalles peu nom-
tres de distance; de soric que sur trois mètres breux qui restent dégarnis de plâtre lorsqu'on
de longueur de mur, deux sont maçonnés en retire les moules.
simple terre et le troisième en mortier "de plâtre. La construction des murs selon la méthode
Ces intervalles, plus solides que le reste, se des jardiniers de Montreuil est- elle la meilleure
nomment, à Montreuil, des chaines. Les murs d'une manière absolue? Non sans doute; mais
ainsi établis avec leurs chaperons de plâtre, elle est la meilleure dans les circonstances où
restent sans enduit pendant deux ans. Lors- ils opèrent, et c'est en ce point que nous con-

qu'au bout de ce temps les pêchers ont be- seillonsde les imiter.
on commence à crépir les
soin d'être palissés, Nous plaçons ici, pour n'y pius revenir,
murs par bas; on augmente le crépissage
le quelques observations sur les murs d'espalier
d'année en année, de sorte qu'il gagne le haut cl leurs chaperons, qui compléteront tout ce
du mur en même temps que les pêchers. Cette que nous avons à dire à ce sujet.
ORTrcrtTCm. T. V. - tt

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170 HORTIC LTURE. Livnc vin.

Les Anglais qui, à l'exception des pommes et mais souvent insuffisants. Sous le climat de
de quelques espèces de poires, ne récolieni pour Paris, les arbres en espalier à floraison pré-
ainsi dire pas un fruit passable hors de l'espa- coce, très sensibles aux froids de printemps
lier, et qui consacrent aux meilleures espèces et fréquemment ravagés par la gicle qui ac-
de pommiers une partie de leurs murs à bonne compagne les giboulées de mars, réclament
csposilion, apportent à la culture des arbres en outre d'autres moyens de protection. Long-
en espalier des soins loui spéciaux. Ils ont temps on n'a connu, à Montreuil comme ail-
fait une multitude d'essais pour arriver à la leurs, d'autre abri pour les pêchers en fleur*
meilleure direction possible des murs d'es- que de longs rideaux de paillassons attaches
palier; les uns, pour multiplier les surfaces et latéralement les uns aux autres, et fixés à la
varier les aspects, ont élevé des murs en lignes partie la plus saillante des chaperons. Ce genre
flexueuses; d'autres en zigzag, ou sous toute d'abri, pour produire de bons résultats, veut
sorte de plans bizarres tous ces plans ont été
; être employé avec des soins minutieux pour ;

bientôt abandonnés pour en revenir, comme à peu qu'il ne soit pas maintenu avec assez de
Monireuil, aux murs en lignes droites, les plus solidité, et que les paillassons dérangés par un
favorables de tous à la distribution de la cha- coup de vent viennent à frapper contre les ar-
leur solaire sur la surface de l'espalier. Les bres en espalier, ils font tomber en quelques
murs en lignes flexueuses ou brisées offrent, secondes plus de fleurs que la gelée n'en au-
dans les pays sujets comme l'Angleterre à des rait pu faire périr. Eu outre, en raison de leur
coups de vent violents dont hors des contrées épaisseur, les paillassons ont l'inconvénient de
maritimes on ne peut se foire une idée, un in- retenir trop de chaleur ; sous l'influence de
convénient qui seul suffirait pour les faire cette chaleur les bourgeons s'allongent et s'at-
proscrire; le vent frappe avec tant de fureur tendrissent ; lorsqu'ensuite on les expose à l'air

sur les surfaces qui lui font obstacle que, ni libre, lemoindre changement brusque de tem
fleurs, ni fruits, ni feuilles même ne sauraient pératurc les endommage beaucoup plus que
lui résister; dans les essais tentés en Angleterre, ceux des arbres qui n'ont point été abrités. On
il y a eu des arbres devenus en plein été au>si évite une partie de ces inconvénients en sub-
nus qu'à Noël. Nous rappelons ces essais pour stituant aux paillasson! des toiles qu'on fait
engager les jardiniers qui font construire des monter ou descendre au moyen de cordes qui
murs pour lesgarnird'espaliers, àavoir égard au mettent en mouvement des cylindres sur les-
vent le plus habituellement régnant aux epo quels les toiles sont enroulées. Mais, au total,
ques de la floraison et de la maturité des fruits ; ces moyens, dans la culture en grand, sont in-
les murs des jardins à la Montreuil doivent lais applicables. Il ne faut pas qu un jardin à la
i»er enire eux un libre passage à la tempête qui Montreuil ait une bien grande étendue pour
ne doit frapper que sur les surfaces des pans de que l'emploi des toiles, et même celui des pail-
mur à angle droit avec les lignes principales. lassons, entraine des frais énormes il y a dans
;

Nous connaissons près de Lille (Nord de ) Montreuil tel jardinier qui cultive 6*000 mètres
vastes jardins fruitiers établis sous la direction d'espalier ; pour les abriter sous des toiles seu-
deM.deRouvroy, amateur distingué de l'hor- lement d'un côté, il lui en faudrait 18.000 mè-
ticulture. La partie de ces jardins consacrée tres qui au prix très modéré de 60 c. le mètre,
,

aux espaliers a la forme d'un vaste demi cercle, exigeraient une mise dehors de 10,8<i0fr.,
dont l'arc fait face au plein midi; tous les murs dépense qu'en raison des cordes , des poulies
sont des demi-cercles concentriques, de sorte des cyliudres el de leur mise en place, on peut
qu'ils présentent successivement toutes les ex- hardiment porter à 12,000 fr. On n'abrite sous
positions possibles Les pêchers n'occupent que des toiles à Monireuil que quelques-uns des
les expositions plus ou moins méridionales ; le pêchers les plus délicats , et c'est en effet tout
reste est garni de toute sorte d'arbres fruitiers, ce que peut se permettre le jardinier de pro-
parmi lesquels les poiriers sont en majorité. fession, qui ne veut pas se ruiner. Quant au
Cet exemple ne peut guère être imité que par jardinier amateur, s'il a 50 ares de jardin à la
de riches amateurs; à mérite égal, les murs en .Montreuil, il pourra avoir,
y compris les murs
lignes droites pour espalier sont toujours les de clôture, un développement despalicrde près
plus économiques à coustruire. de 600 mètres ; s'il en consacre seulement le
Les personnes que les considérations d'éco- cinquième aux pêchers d'espèces précoces, les
nomie n'arrêtent pas, se trouveront bien de seuls auxquels les toiles soient réellement fort
donner aux chaperons permanents en tuiles utiles, il lui faudra 360 mètres de toile qui
(fig. 293) un épais crépissage en dessous, de pourront lui coûter, pose comprise, 240 fr.;
façon à faire disparaître les joints et les saillies cette dépense, pour un objet qui exige peu
sous une surface plane c'est le meilleur moyen
; d'entretien et qui peut durer fort longtemps,
d'en bannir les insectes qui, sans celte précau- n'est pas exorbitante On ne peut trop recom-
tion, s'y établissent, et sont très difficiles à dé- mander d'ôier les toiles dès que la température
loger. le permet ; du moment où elles ne sont plus
nécessaires contre la gelée, elles sont nuisibles,
$ II. — Abris. car les fleurs des arbres ont encore plus besoin
Les chapetons et les pans de mur à angle du contact de l'air et de la lumière qu'elles
droit avec l'espalier sont des abris fort utiles, n'ont peur du froid et de la grêle.

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titre m. JAKDliN FRUITIER. m
En Angleterre en Ecosse, partout où il est
et palier, en lui donnant un peu de pente en avant;
possible de se procurer en abondance des da- la partie supérieure s'appuie sur le bord du
mages d'arbres conifères et des feuilles de fou- chaperon du mur, comme
représente la fig.
le

gère, on s'en sert pour abriter les arbres en 300. On assujettit les châssis le plus
solidement
espalier. Des brandies de pin sont coupées d'a- possible, pour qu'ils ne soient pas renverses
vance; on a soin avant qu'elles se soient dur- par les vents violents qui régnent souvent dans
cies en se desséchant de les comprimer forte-
, la saison où l'abri des châssis est utile aux es-
ment sous des plancbes chargées de grosses paliers. Les châssis ont l'avantage de se dé-
pierres dans le double but de les aplatir et
, placer à volo'ite; tant qu'on ne craint ni grêle
de les empêcher de perdre leurs feuilles qui ni gelée, on les oie tous les matins ; l'espalier
par une dessiccation lente, sous le poids qui les n'est couvert que pendant la nuit. Ces châssis
comprime gardent leur adhérence à la bran-
, coûtent fort peu, durent plusieurs années, et
che, mais qui tomberaient si elles se dessé- rendent un bon service dans les pavs du nord,
chaient promptement à l'air libre. La manière où ils ont été inventés. L'effet le plus précieux
la plus simple et la plus usitée d'employer de cet abri est de relarder souvent de plus d'un
comme abri, soit les branches de pin, soit la mois la floraison des arbres en espalier, sans
fougère consiste à passer leur extrémité infé-
, que l'époque de la maturité des fruits en soil
rieure entre le mur et les branches de l'arbre sensiblement retardée parce que les arbres
,

qu'un veut garantir du froid on en forme des ; venant à lleurir dans une saison où la tempé-
rangées par étages, de telle sorte que l'arbre en rature leur est tout-à-faii favorable , leur fruit
soit parfaitement couvert. Cette couverture une a bientôt regagne le temps perdu.
fois établie sur l'espalier, ap-ès qu'il a été taille,
ne peut plus s'enlever; il faut la laisser jusqu'à § III. — DrtiiiU de culliur.
ce que l'époque des gelées soit passée. Lors-
qu'un l'enlève il est impossible quelque soin .
Les jardiniers de .Montreuil accordent en
qu'on mette à cette opération . de ne pas déta- gênerai très peu d'espace à leurs arbres; sans
cher un grand nombre de Heurs et de bour- l'excellence du sol de l'exposition et tics pro-
,

geons ; en outre, l'arbre souffre tellement de cèdes de culture, des arbres qui n'ont en
cette charge qu'on lui impose au moment où il moyenne pas plus de 4 ou 5 mures de l'un à
va entrer en végétation, que le fruit en est tou- l'autre ne sauraient prospérer. Mais il faut
jours petit et médiocre, au total, on n'y gagne considérer que les pêchers de .Montreuil ne sont
pas grand chose ; il eût valu presque autant pas, en gênerai, destines à une bien longue
laisser les lleurs courir la chance d'être gelées ; existence; on aime mieux avoir souvent à les
néanmoins cette méthode, usitée de toute anti- renouveler que de prolonger leur durée, ce qui
quité en Suède et en Danemarck, d'où elle a été serait facile en leur accordant plus d'espace et
importée dans les Iles Britanniques, est d'un en les ménageant davantage. Le pêcher est
usage très fréquent dans toute l'F.cosse et le préféré à tous les autres arbres dans les jar-
nord de l'Angleterre. En voici une auire, plus dins de Montreuil; néanmoins, les jardiniers
perfectionnée, presque aussi économique, et ne s'entêtent pas à cultiver le pêcher lorsqu'il
dont nous conseillons l'adoption à tous les ama- ne vient qu'à moitié bien. Il y a déjà bien des
teurs places à portée des landes ou des forêts parties du territoire de la commune de Mon-
OÙ la fougère et les ramilles de pin ne coûtent treuil qui sont fatiguées de nourrir des pêchers;
(jue la peine de les prendre. On forme avec des on s'en aperçoit à la langueur des arbres ré-
perches, grossièrement façonnées, des cadres ou cemment plantes, bien qu'on ait rempli toutes
châssis A, fiy. de la'hauteur des arbres à les conditions qui pouvaient faire espérer qu'ils

2y<j.
végéteraient vigoureusement. Partout où l'on
.101).
peut craindre un mécompte de ce genre, on
plante les pêchers à S mètres l'un de l'autre, et
l'on remplit les intervalles avec des poiriers à
fruit précoce, des cerisiers hâtifs et quel-
ques abricotiers choisis parmi ceux qui se met-
tent le plus vite à fruit. Si les pêchers viennent
bien, on hâte par tous les moyens possibles la
mise à fruit des autres arbres, on les assomme,
comme disent les jardiniers , et du moment où
ils gênent les pêchers, on les supprime. Celte

méthode prudente peut être proposée pour


protéger. On assujettit à leurs traverses BBB les exemple, uans tous les cas où le succès d une
branches de pin ou les paquets de fougères C plantation récente de pêchers en espalier peut
attaches l'un à l'autre par un lien quelconque, être douteux, surtout quand de vieux pêchers
et formant des espècesde guirlandes telles qu'on sont morts à la place où l'on en plante de jeu-
en voit à la porte des herboristes; seulement , nés; s'ils ne réussissent pas. on les supprime cl
il ne doit pas rester de v ide entre les touffes
de l'on a d'autres arbres loin formés pour les rem-
f-'jgère ou branches de pin. Quand tout le
les placer. Mous n'avons rien a dire de nouveau
châssis est garni, on le pose debout devant l'es- sur la manière dont les esDaliers de Montreuil

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172 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

sont taillés et conduits. C'est pour ainsi dire tout aussi bien que leurs pères, dont elles sui-
au pied des espaliers de Montreuil que nous vent journellement les travaux depuis leur en-
avons décrit la taille du pêcher en espalier sous fance. Nous avons dit la part qu'elles prennent
toutes les formes. Ce n'est pas que les jardi- au palissage du pêcher ; il nous reste à parler
niers de Montreuil suivent exactement tous les des opérations dont elles sont exclusivement
procédés que nous avons indiqués. Ainsi que chargées; il y en a deux principales l'effeoil- :

nous avons eu déjà l'occasion de le faire obser- lage et la récolte des fruits. L'effeuillage se fait
ver, nous sommes dans l'obligation de tracer au moment où les pêches sont parvenues à
le tableau de ce qui peut se faire de mieux en toute leur grosseur; donné plus tôt, il fatigue-
horticulture dans un sens absolu ; dans la pra- rait les arbres à qui l'abondance de leur feuil-
tique, chacun est forcé de se renfermer dans lage est nécessaire pour achever de bien nour-
les limites du mieux possible. C'est ce que font rir leur fruit. Nous avons souvent admiré avec
les jardiniers de Montreuil. Ceux qui n ont pas combien de prestesse et de discernement les
un très grand nombre de pêchers à conduire femmes de Montreuil , chargées de ce travail,
mettent à leur besogne un soin et une perfec- enlèvent ou écartent les feuilles qui couvrent
tion dont on n'a point d'idée ailleurs ; les bour- les fruits. A Montreuil on ne se hùte jamais
,

geons pinces à temps, palissés à propos, visités d'effeuiller ; on sait quel tort ferait aux arbres
tous les jours, se façonnent avec une docilité un effeuillage prématuré; d'ailleurs, il suffit
parfaite sous les doigts du jardinier ; toutes les de quelques jours d'un temps favorable pour
branches à fruit disposées en ordre alterne de que les pêches prennent, sous l'influence di-
i liaque côte des rameaux palissées à des dis-
,
recte des rayons solaires, la couleur qui leur
lances égales, présentent la disposition d'une eût manque si l'on n'avait eu soin d'éclaircir
arite de poisson terme par lequel on désigne
, le feuillage. La Pomone française conseille
à Montreuil un palissage bien exécuté. d'effeuiller quinze jours avant leur maturité les
Les jardiniers surchargés de besogne bien , péchera à fruit très rouge; à Montreuil, les
que guidés par les mêmes principes , les appli- pêches aussi parfaites que leur espèce le com-
quent moins rigoureusement ; disons cepen- porta sont souvent cueillies après être restées
dant que, dans nos départements du centre, un 8 ou 10 jours seulement exposées au soleil.
espalier de pêcher tenu comme le plus négligé Lor>qu'on a intérêt à prolonger la récolte, on
de ceux de Montreuil serait encore un modèle, ne découvre les pêches que successivement;
une curiosité citée à plusieurs myriamètres à on découvre au contraire toutes à la fois les
la ronde. pèches d'espèces hâtives dont le prix dépend
A Montreuil les plates-bandes au pied des
, en grande partie de leur précocité. Les feuilles
espaliers sont tenues constamment propres; ne doivent point être arrachées; ce serait dé-
on n'y cultive aucune plante potagère; on n'y truire l'œil qu'elles nourrissent dans leur ais-
laisse croître aucune plante sauvage. Si , dans selle, œil qui peut porter fruit l'année suivante;
quelques endroits particulièrement favorables, on les coupe, soit avec une petite serpette, soit
on sème quelques rangées de pois de primeur, avec l'ongle du pouce , en laissant sul>sister le
ces lignes n'approchent jamais de plus de 0'" ,50 pétiole et s'il est possible, une portion de fa
, ,

ilu pied de espalier; les plates-bandes sont


I feuille plus on en laisse, moins l'effeuillage est
;

d'ailleurs couvertes d'une couche de terreau préjudiciable aux yeux, qui pourtant ont tou-
assez épaisse pour que les pois vivent aux dé- jours plus ou moins à on souffrir. Ces ménage-
pens de celte couche, sans nuire aux pêchers. ments ne sont employés que pour les branches
Pour plus de ménagements, celle culture n'a qui doivent être conservées à la taille; quanta
jamais lieu deux ans de suite à la même place. celles qui doivent être supprimées, s'il y a lieu
On ne rencontre nulle part à Montreuil, sur la de les efleuillcr. on enlève leurs feuilles sans
partie supérieure des murs destinés au pêcher cérémonie, ce qui abrège d'autant l'opération.
en espalier, de ces cordons de vigne que main- C'est j)our ce motif qu'il importe que l'effeuil-
tiennent au-dessus de leurs pêchers nombre de lage ne soit point conlié à des mains inhabiles
propriétaires , bien que les traités les plus ré- qui pourraient détruire tout l'espoir de la ré-
pandus d'accord avec les meilleurs praticiens,
, colte à venir.
soient unanimes pour blâmer cet usage. L'air Les femmes de Montreuil ont un art tout
doit circuler librement entre le dessous des particulier pour juger à la vue de la maturité des
chaperons et le sommet des branches des arbres pèches et de les cueillir sans les froisser, en les
en espalier; la vigne, lorsqu'on la cultive pour faisant tourner sur elles-mêmes, ce qui permet
la production du raisin de table, mérite bien de détacher sans donner aucune secousse à
les
qu'on lui consacre exclusivement une partie de l'arbre et sans faire tomber celles qui les avoi-
mur eu espalier dont elle doit couvrir, non pas sinent. On n'attend jamais la complète matu-
le sommet seulement , mais toute la surface rité des pêches pour les cueillir; elles sont ainsi
(voir Treilles à la Thomery, p. 175). plus faciles à transporter; d'ailleurs, lorsqu'el-
Les femmes prennent une part très active à les sont lout-a-fait mûres, elles ne peuvent sup-
la culture du pêcher en espalier dans les jar- porter l'opération du brossage qui, si elle ne
dins de Montreuil ; nous connaissons déjeunes contribue pas à rendre les pêches meilleures,
et très jolies personnes qui, si on les laissait met à découvert, en enlevant leur duvet, l'éclr-t
faire , tailleraient et conduiraient les arbres de leur couleur appétissante. Chaque pêche est

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TiTne lit. JARDIN FRUITIER. 173

prise délicatement cl frottée légèrement avec le sous-sol la pierre à 1 6,000 fr.


» à ti r , vaut en v iron
une brosse douce avant d'tire enveloppée au moment où nous écrivons (1843). La con-
d'une feuille de vigne, exempte d'humidité, et struction des murs est le principal article de
déposée dans le panier pour être portée au dépense pour l'établissement d'un jardin frui-
marché. Le duvet de la pèche est d'une nature tier à la Montreuil. Les marchés pour ces
caustique; il serait dangereux à respirer ; les constructions se passent à diverses conditions ;
femmes qui brossent les pèches on*, soin de se l'arrangement le plus simple et le plus usité
placer dans un courant d'air; le duvet qui consiste à donner a l'entrepreneur une somme
s'attache inévitablement à leurs mains y cause déterminée par mètre courant ; cette somme
des démangeaisons très vives. On ne péui que est en ce moment de 15 fr. pour des murs de
louer la dextérité avec laquelle un fruit si déli- 3 mètres de hauteur , chaperons compris
cat est emballé dans les feuilles de vignes et si ayant 2", 70 sous chaperon ; le propriétaire n'a
bien assujetti, sans pourtant éprouver aucun dans ce cas à s'embarrasser de rien : l'achat de
froissement , qu'il supporterait, dit M. Lelieur, la chaux, do plâtre, des tuiles pour le chape-
un voyage de plusieurs jours. Celte partie de ron, l'extraction de la pierre, le crépissage des
l'éloge est peut-être exagérée, mais il est cer- murs, tout regarde l'entrepreneur ; il est même
tain qu'il vient à la halle de Paris des pêches charge du transport et de l'approche des maté-
cueillies et emballées à la manière de Monlreuil. riaux. Quoique ce prix soit extrêmement mo-
qui, après un trajet de 2 myriamètres, sont dique, les propriétaires qui ont des chevaux et
fraîches que si l'acheteur les détachait des charrettes nous ont assuré qu'ils trouvaient
"<
de encore de l'économie à se charger des trans-
ports et à fournir la chaux, le plâtre et la
Section IV. — Frais et produits des jardins tuile; dans ce cas, ils ne paient que 9 fr. le
de Monlreuil. mètre courant, pourvu toutefois que la pierre
% 1". - Frai». se trouve sur le terrain; mais c'est ce qui a
lieu partout sur le territoire des trois ou quatre
Le terrain la culture du
présumé propre à communes qoi suivent la culture de Montreuil.
pêcher est fort cher à Monlreuil et aux envi- Le calcul des propriétaires qui prennent ce se-
rons; nous disons présumé, car il n'y a jamais cond arrangement n'est juste que parce qu'ils
de certitude a cet égard; celui oui fait l'ac- font l'approche des matériaux en hiver, épo-
quisition d'un terrain dans le but d'y élever des que où leurs chevaux resteraient à l'écurie.
murs et d'y planter des pêchers, ne sait jamais Pour ne pas multiplier inutilement les chiffres,
d'avance d'une manière certaine si son projet nous prenons pour hase le prix de 15 fr. le
réussira ; il arrive très souvent , par des cir- mèlre courant, à forfait.
constances qu'il est impossible de prévoir, que Un hectare de jardin à la Montreuil exige :
le pêcher ne prospère pas là où tout semblait
devoir faire espérer de cet arbre une riche vé- 1° Mursdeclôture de 4 mclrrsdc hauteur. .. 400 m.
gétation et une fructification abondante. Dans S" Murs intérieurs, à ti m. de dt>tauce, 3
ce cas , lu dépense des murs d'espalier n'est metres de hauteur S00
5° Contreforts à angle droil avec les murs
pas perdue; mais il faut les planter à neuf, en
d'e*|>alier 300
abricotiers, cerisiers et poiriers des meilleures
espèces ; c'est bien du temps perdu pendant le-
Les murs de clôture, plus élevés et plus
quel les intérêts des sommes avancées pour les
épais que les murs intérieurs, coûtent 25 fr. le
constructions , l'achat du terrain et la planta-
mètre courant, tout compris, ce qui donne
tion des pêchers, courent en pure perte. C'est
pour la dépense totale : .

pour celte raison que beaucoup de propriétaires


plantent entre deux pêchers un autre arbre à Quatre cents mi tres de murs de clôture,
fruit, sauf à l'arracher si les pêchers viennent à *5 Ir 10,000 (

à souhait ; par ce procédé, on s'expose sans lisait cents inities de murs iniér., à 15 f. . . i*,0uO
Cualfdfotl», ranime les murs de clôture,
doute à perdre les frais d'achat et de culture
400 mètres 3,000
des arbres qu'il faudra supprimer avant leur
mise à fruit; mais si ce sont les pêchers qui Total 25,
doivent être supprimés, l'espalier se trouve
garni sans perte de temps. Cette végétation ca- Les murs construits, il s'agit de les garnir
pricieuse du pécher, cette impossibilité de d'arbres en espalier. Les murs de clôture ne
compter sur le succès d'une plantation faite peuvent être plantés que d'un côté, quelle que
dans les conditions en apparence les plus fa- soit leur exposition ; ils peuvent recevoir qua-
vorables, ôte une partie de leur valeur aux tre vingt pieds d'arbres à 5 mètres les ans
terrains voisins de Monlreuil, où l'on se pro- des autres. Les murs intérieurs peuvent être
pose de cultiver le pêcher en espalier ; celte plantés des deux côtés; nous ferons obser-
valeur se règle sur l'état des pêchers voisins ver à ce sujet que les jardiniers de Montreuil
dont la vigueur est pour l'acquéreur la plus n'ont, avec raison, aucun égard à la symétrie,
forie garantie de succès. non plus qu'à la direction des murs de clôlure;
Un hectare de terrain dans de bonnes condi- ils ne cherchent que l'exposition la plus favo-
tions, nu et sans clôture, mais renfermant dans rable, de sorte que le plus souvent leurs ligne»

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m H0RT1C JLTUKb. uvnr. vin.

de murs inléricurs ont des longueurs inégales par des ouvriers à gages ou à la journée. Comaie
(fig. 301), parce qu'elles ne sont pas parallèles nous exprimions a lun de ces habiles prati-
ciens notre étonnement sur la rapidité et la
Fig. 301.
perfection de son travail, qui ne laissait pas
prise à la plus légère critique - C'est que ce
:

sont mes arbres, nous répondit-il ; nous nous


connaissons ; je les taillerais les yeux fermés ;

quand je vais en journée pour des jardins bour-


geois , siveux faire aussi bien , il faut que
je
faille moitié moins vite. -
Ces frais énormes deviendraient bien plus
légers si Ton adoptait partout où cela est pos-
sible le mode de construction en béton à plâtre
ou à chaux, selon les localités, tel que l'indique
M. Lelieur; le mèlre courant de ce mur ne
coûtant qoe 7 fr. , il y aurait sur ce seul ar-
,

ticle, une économie de 14,000 fr. et une ré- ,

duction proportionnelle dans les intérêts.

§11. — Produits.

aux murs de clôture. 800 met. de murs intérieurs Un espalier en plein rapport donne de 15 à
garnis d'arbres des deux côtés, à 5 mètres 1rs 20 pêches par mèlre carré , ce qui, pour on
uns des autres exigent 320 pieds d'arbres
,
jardin d'un hectare, présentant, y compris la
nombre que nous portons sans exagération à murs de clôture, une surface d'espaliers de
350, parce qu'on utilise presque toujours la 7,000 mètres, donnerait de 105,000 à 140.000
partie bien exposée des contreforts, en plan- pèches. Mais ce nombre est exagéré , d'abord
tant un arbre dans l'angle que le contrefort parce que la forme carrée et la forme en pal-
forme avec le mur , afin de pouvoir palisx r mette à double tige, les seules qui ne laissent
une de ses ailes sur le contrefort, et l'autre sur presque point de vide sur l'espalier, ne le cou-
le mur. Il faut donc en tout, pour un jardin de vrent jamais complètement vers le bas: en-
1 hectare, 430 pieds d'arbres qui à raison suite parce que sur un si grand nombre d'ar-
de 1 fr. 25 la pièce, coûtent 537 fr 50. Les bres, il est imposable que tous produisent éga-
frais de transport et de mise en place, l'achat lement et soutiennent leurs récoltes tous les ans
du terreau et les autres menus frais, occasion- sans interruption. En portant la moyenne à
nent une dépense d'environ 75 c. par arbre, 80,000 pêches pour un hectare, nous croyons
soit nour 430 arbres, 322 fr. 50. En réunissant être fort près de la réalité ; sans doute, il y aura
ces dépenses, on trouve que 1 hectare de jar- des années où ce chiffre sera de beaucoup dé-
din à laMontreuil, tout planté, a coûté :
passé ; cet excédant de production compense les
mauvaises années. Les pêches se vendent en
Achat du terrain 6,00» r
movenne, année commune, 80 fr. le mille ; il
y
Construction de* mur» 35,000
Achat et planlatiou des arbres
a des pêches vendues 18 fr. la douzaine, et
jtoo
d'autres 3 c. la pièce ; soit, 30 fr. le mille. Une
Total 3i,»C0 moyenne de 80 fr. donne pour le produit brut
d'un hectare 6.400 fr.
ou, somme ronde, 32,000 fr.
La comptabilité est une chose totalement
Il faut ajouter à cette somme les intérêts jus-
étrangère aux jardiniers de Montreuil ; le mot
qu'à l'époque de la mise à fruit, ainsi que les
et la chose leur sont égal» ment inconnus; on
frais de culture. À 5 ans, les arbres étant en
ne doit donc point attendre de nous des chif-
plein rapport, le jardin d'un hectare, à la Mon- fres précis, d'une exactitude irréprochable en ;
treuil, aura coûte :
tablant sur ceux que nous venons de poser, on
Premirrs frais, comme ri-drstus ... .19,000 f trouve qu'un propriétaire ayant dépensé en six
Intérêts pendant six ans, à 5 p. 1 00 9,000 ans, y compris les intérêts des premiers frais,
Impositions 000 une somme d'environ 56 000 fr. dont les ré- ,

Frais de culture, clous, recrépitsage, etc. S.too e


. .
coltes des 3 e , 4* et 5 années lui ont fait re-
Total couvrer un cinquième , a créé sur un terrain
45,800
d'un hectare, avec un déboursé réel qui nV.x
Nous évaluons les frais comme si toute la cède pas en tout 36,800 fr. un revenu brut
.
c!

main d'oeuvre devait être payée, mais c'est ce 6 à 7,000 fr. , revenu qui lui permet de louer
qui n'a jamais lieu ; ee qui fait la richesse des le jardin en cet état, de 3 à 4,000 fr. , en las-
jardiniers de Montreuil, c'est que, de même que sant encore au locataire un bénéfice suffisant.
tous ceux qui vivent du jardinage aux environs La valeur foncière du sol a passé de 6,000
de Paris, ils se marient jeunes, élèvent de nom- 70,000 fr. dans l'espace de 4 ans. Nous ne
breuses familles et font presque toute leur be- comptons le capital que sur le taux de 5 p. 100.
sogne par eux-mêmes, avec plus de soin, d'ac- en raison des frais d entrelien des murs dont ,

tivité et d'économie que s'ils la faisaient faire le propriétaire supporte sa part. Un chef de fa

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TITRE III. JARDIN l UJIT1ER. 175
i

mille qui loue à ces conditions deux hectares Eremière rangée s'établit à 2 mètres de l'espa-
de jardins vit dans l'aisance et fait des écono- er; les autres se suivent en lignes parallèles, à
mies qui lui donnent la perspective assurée 2 lo ,50dedistanceles unes des autres. Oscontre-
d'être propriétaire à son tour, et lui permettent espaliers sont ordinairement formés d'un simple
de voir arriver sans effroi la vieillesse; c'est treillage en tout semblable à celui de l'espalier,
plus que ne peuvent promettre et tenir à l'arti- maintenu par des piquets de distance en dis-
san laborieux des villes la plupart des profes- tance. La promptitude avec laquelle ces treil-
sions industrielles. lages se détériorent et les frais continuels qu'en-
traîne leur renouvellement, ont engagé depuis
Section IV. - Treiilet à la Thomery. quelques années les jardiniers de Thomery à
leur substituer des montants en fer, soudés
$ 1
er . — CuiiïlriK |.<»n de-, unir*.
dans des grès de forme prismatique ces mon- ;

La distribution générale d'un enclos destiné tants percés de trous, supportent drs fils de fer
à la culture des treilles h la Thomery, est la disposés comme le montre la fig. 297 ; quoique
même que celle d'un jardin à la Montreuil les
; l'établissement d'un contre espalier ainsi cons-
murs intérieurs y sont de même disposés en truit coûte le double du prix d'un treillage en
lignes parallèles entre elles, à 12 mètres les uns bois, sa durée et sa solidité le rendent réelle-
des autres; la direction de ces lignes est celle ment économique; il offre a'ailleurs pour la
qui donne l'exposition la plus favorable, sans conduite des cordons de vigne les mêmes faci-
égard à la direction des murs de clôture; les lités que le contre-espalier en treillage. Quel-

contreforts usités à Montreuil, comme brise- quefois, mais rarement, la première rangée de
vents, ne sont point en usage à Thomery. Dans contre-espalier la plus rapprochée de l'espalier
la plupart des enclos on adopte, comme à Mon est un mur véritable, en maçonnerie très lé-
m
gère de O ,20 d'épaiss: ur toût au plus et de
treuil, la direction du nord au sud, faisani
faec à l'est et à l'ouest, pour pouvoir utiliser les 1"\16 de hauteur; cette hauteur doit être con-
deux eotés de l'espalier ; mais les jardiniers qui sidérée comme un maximum qui ne pourrait
tiennent à donner à leurs produits toute la per- être dépassé sans nuire à l'espalier. Les contre-
fection dont ils sont susceptibles, construisent espaliers ainsi construits admettent deux rangs
leurs murs intérieurs de l'est à l'ouest , faisani de cordons de vigne dont les produits peuvent
face au sud et au nord ; le meilleur chasselas être égaux a ceux de l'espalier ; le chaperon du
est toujours celui qui se récolte a l'exposition contre-espalier est à un seul versant.
du plein midi. Par cette distribution on prend L'intervalle entre les lignes de contre -espa-
une des surfaees de l'espalier pour la culture de liers est rempli par des rangées de ceps de vi-
la vigne; le côté du nord peut néanmoins être gne cultives isolement, comme dans les vigno-
garni de poiriers et de pommiers. bles. Il resuite de ce système de culture trois
Les murs destinés à rec evoir les treilles en qualités de chasselas; le meilleur est le produit
espaliers n'ont pas plus de 2 ,n ,15 de hauteur; des espaliers ; les contre-espaliers donnent le
les murs de clôture ont 2 ", 70. Les chaperons raisin de seconde qualité; les ceps isolés don-
sont eu tuile; ils ont une saillie de 0'", 30 de nent la troisième qualité. Les jardiniers qui
chaque côté du mur. Le plâtre étant moins comprennent le mieux leurs intérêts ne mêlent
commun à Thomery qu'à Montreuil, ces murs pas ces trois sortes de chasselas; ils les ven-
sont crépis avee un mortier de chaux et blan- dent séparément; le plus grand nombre gar-
chis avec un lait de chaux lorsque le crépis- nit le fond des paniers avec le raisin de troi-
sage est sec ; on a soin de renouveler ce badi- sième qualité.
geonnée aussi souvent qu'il est nécessaire ; le — Soins généraux.
$ III.
crépissage est entretenu avec des soins minu-
tieux.Nous avons décrit le treillage le mieux Les détails dans lesquels nous sommes en-
adapté au palissage des treilles à la Thomery trés en traitant de la conduite et de la tailîe
{voir pag. 111, Ru. 2ô8). de la vigne à la Thomery (voir p. 1 10 ) nous
A Montreuil, les arbres devant être plantés laissent peu de chose à ajouter; néanmoins ce
au pied du mur d'espalier, il faut nécessaire- sujet est d'une telle importance, il est si rare de
ment que la construction du mur précède la rencomrer du bon chasselas hors des commu-
plantation; à Thomerv, la vigne étant plantée nes voisines de Fontainebleau , que nous erov ons
en avant du mur, on fa laisse végéter pendant ne devoir rien omettre de ce qui peut aider nos
trois ans avant de s'occuper d'élever les mu- lecteurs à obtenir les mêmes résultats.
railles qui doivent la soutenir; on épargne ainsi Ainsi que nous l'avons conseillé pour le pê-
les intérêts d'un capital important qu'il serait cher, nous insistons sur la nécessité de dégar-
inutile de débourser au moment où on plante 1 nir la treille à l'époque du premier palissage,
la vigne; on ne construit les murs que quand en ne lui conservant qu'une quantité de raisin
la vigne arrive à la place que le mur doit oc- en proportion avec sa force et son étendue ; les
cuper. grappes conservées gagnent en qualité plus que

§ II. — Contre-espaliers.
l'équivalent des grappes sacrifiées. Lorsque le
raisin approche de sa maturité, il faut écarter
L'intervalle de 12 mètres d'un mura l'autre ou retrancher les feuilles qui s'opposent à l'ac-
reçoit plusieurs rangées de contre- espaliers; la tion directe des rayons solaires sur les grappes ;

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176 IIOP.TICL'LTIT.F. LIVRE VIII

il beaucoup de discernement pour ne dé-


faut les frais d'un contre-espalier, soit en treillage,
couvrir que les grappes assez avancées, ce soil en fil de fer, sur lequel il pourrait prati-
qu'on reconnaît a la demi- transparence des quer la culture à la Thomery; il ne lut en coû-
grains; les raisins découverts trop tôt sont ex- terait pas beaucoup plus que pour les échaUs
poses à être grillés; ceux qu'on découvre trop dont il est habitué à se servir; cela suffirait
tard, quoique bien mûrs, restent vcrls, et sont pour rendre le bon raisin tellement abondant
moins avantageux pour la vente; ils sont en sur le marché que le mauvais n'oserait s'y pré-
outre réellement moins bons que les raisins do- senter ; les vignerons insouciants seraient alors
rés par le soleil. contraints à sortir de leur routine, ou bien à se
L épamprement, à Thomery et aux envi- contenter de faire de leur verjus du vin de Su-
rons, est confié aux femmes ; 1 expérience leur resne.
a très bien enseigné le moment opportun elles ;

s'y reprennent ordinairement à trois fois diffé- $ IV. — Frais et produit».

rentes, parce que toutes les grappes d'une A. — Frait.


treille ne mûrissent jamais en même temps ; on
ferait beaucoup de ion à la vigne en enlevant
La construction des murs est à Thomery,
avec les feuilles les pétioles qui les supportent ; comme à Montreuil, le principal article de dé-
la feuille doit être coupée à la naissance de la
pense. Un enclos d'un hectare exige 400 mètres
queue ; celle-ci reste attachée à la branche et de murs de clôture, 800 mètres de murs inté-
rieurs, et 3, 200 m de contre-espalier; chaque
continue à nourrir dans son aisselle l'œil ou
bourgeon qui doit s'ouvrir Tannée suivante. intervalle entre deux lignes de murs admet qua-

C'est encore des femmes de Thomery qu'il faut tre rangées de contre-espaliers.

prendre leçon pour l'emballage et l'arrange- Les Irais d'établissement d'un enclos d'un
ment du raisin dans les paniers. La fougère hectare consacré à la culture des treilles à la
(jtteris aquilina) qui sert à cet emballage est
Thomery peuvent être représentés par ap-
récoltée avec beaucoup de soin ; dans les an- proximation par les chiffres suivants :
nées où le raisin est très abondant, les femmes Murs de clôture de «",70 de hauteur, 400
et les enfants de Thomery vont quelquefois mètre* à 15 fr «,000
à la fougère, comme on dit dans le pays, à 3 et Mur* intérieur» de «,IS de hauteur, «00 m.
4 myriamètres de distance. Pour que la fougère àisfr 10,400
Contre-espalier rn fil de fer, 3,300 mètre*
ait le degré de souplesse convenable , on enlève
k 1 fr. 80 c 4,800
les plus grosses tiges, et l'on attache le reste
Achat du terrain 4,ooo
par paquets qu'on fait sécher à moitié à l'air Fumier et main-d'œuvre 800
libre; en cet état, la fougère est très élastique,
elle prévient le tassement du raisin dans les Total «e,oou
paniers, mieux que ne pourrait le faire la paille
La plantation se faisant toujours de bouture,
ou le foin.
l'achat du plant n'est pas porté en compte
Nous ne saurions trop le répéter, la perfec- Les prismes de grès supportant les montant*
tion du chasselas récolte sur les treilles de Tho- m
en fer sont placés à l ,70 les uns des autres;ils
mery et des environs ne peut être attribuée à coûtent à Thomery tout ferrés 1 fr. pièce ; le prix
aucune circonstance particulière de sol, de cli- du mètre courant peut varier selon la grosseur
mat, ou d'exposition ; elle est entièrement due du lil de fer qu'on emploie, article dont le prix est
aux soins que les industrieux habitants de Tho- lui-même très variable, selon la distance où
mery donnent à leurs vignes, soins compara- l'on se trouve des lieux de fabrication. Lors-
bles à ceux que les jardiniers de Montreuil
qu'on se contente d'un treillage en bois sou-
prennent de leurs pêchers. L'indigne verjus tenu par des piquets, la dépense n'est que de
dont à l'exception des années extraordinaire-
,
75 c. le mètre courant, ce qui réduit dans ce
ment favorables, les rues de la capitale sont
cas le total de la dépense à 23,600 fr.
inondées pour la consommation du peuple qui Dans le compte de cette culture, il n'y a
ne connaît pas d'autre raisin, pourrait être point lieu de tenir compte des intérêts pour les
remplacé, pour le même prix, par du raisin ana- trois premières années, puisque les avances
logue à celui de Fontainebleau, si les procédés
pendant ces trois ans se réduisent au loyer du
de culiure en usage à Thomery pouvaient être terrain et à la main-d'œuvre. La vigne à la
généralement adoptés par ceux qui cultivent Thomery ne couvre la totalité des murs qu'à
le raisin de table. Le produit des treilles de
sept ans. A cette époque, un enclos d'un hec-
Thomery ne perdrait à ce changement rien de tare dont les murs intérieurs faisant face au
sa valeur actuelle ; ce chasselas d'élite serait
levant et au couchant sont utilisés des deux
toujours réservé pour la table du riche ; mais une surface de 4,520 m d'espa*
côtés, présente
du moins, le peuple pourrait connaître un rai- lier, et3,712 mètres de contre-espalier. M *
sin mangeable au lieu de ce fruit aigre et mal-
coûté pour parvenir à cet état:
sain, qui cause tant de fièvres et de dyssente- f

ries souvent mortelles. Tout le monde ne peut A clial du terrain 4,000


Plantation et entretien pendant trou ans.. . 1)600
pas, sans doute, aborder la dépense des murs à
Intérêts du prix d'achat, à 5 p. 100 600
la Thomery; mais il n'est pas de jardinier, pas
même de simple vigneron qui ne puisse faire A tr/wter S,** 0

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TITRE III. JARDIN FRUITIE t77
Report 0,«00 monde, qui comparable à ce chasselas
soit
Frais d'établissement des murs cl contre- comme raisin de table, sans excepter les qua-
evpaliers «l,iOO lités les plus sucrées et 1rs plus renommées de
Entretien pendant quatre ans, a 100 f.par an. 1,600
la Provence, de l'Espagne et de l'Italie. Ainsi,
Intérêts à 5 p. 100 des a\ ancra antérieures,
le jardinier de profession n'en doit point ad-
,
5,480
mettre d'autre sur ses treilles; aucune ne lui
Totw S4,»8u serait plus profitable. L'amateur, guidé par
d'autres considérations, peut désirer réunir
R. — Produits. sur ses espaliers les meilleures variétés de rai-
A du moment où la vigne atleint le
partir sin de table autre que le chasselas; il pourra
pied de l'espalier, elle donne des produits qui choisir dans la liste suivante :

ne peuvent être évalués avec précision, mais


/de Fontainebleau, le meilleur de loin,
qui vont en augmentant jnsqu à ce qu'à l'âge i violet (du l'iémoni).
de M-pt ans elle couvre tout l'espalier. Dans 1 noir (du midi de la France).
l'intervalle, les contre-espaliers et les ceps iso- I rote ( du Piémont).
s.
lés ont aussi commencé à produire; on peut, '
petit hàlif.

sans exagération, porter ces divers produite <loré Me Champagne),


pour quatre ans au quart des sommes avancées rouge («/.).
mmqiic.
qui, au moment où l'enclos est en plein rap-
blanc, ou de Frnnlignan.
port, setrouvent, par ces rentrées, réduites à la j
Muscat. i rouge.
somme de 26,000 fr.
(
d'Alexandrie.
Le produit brut des treilles peut être repré- / verdal du Languedoc,
senté par les chiffres suivants : rolomban de Provence,
re qualité. k de Corinlhe blanc. '

E«palicr» Chasselas, l .. . S,00o


*• de Cinnthe violet,
Conire-e «paliers /</„ qualité.... 6,000
de Frankenllial.
Ceps isolé* /«/., 3 e qualité.... 1,000
cornichon.
Total 16,00» Tous ces raisins sont d'autant meilleurs qu'on
Valant au prix moyen de 40 c. le kil 6,400 r les place à une meilleure exposition ; le verdal
ne mûrit pas tous les ans sous le climat de Pa-
Ce produit brut permet au propriétaire d'en ris; les deux corinthes sont dans le même cas;
obtenir un prix de location de 3,500 fr. en lais- le raisin cornichon est plus curieux que bon en
sant une juste part de bénéfice au fermier; la lui-même. Il en est de même des variétés très
valeur foncière de sa propriété a été portée en hâtives dont les plus fréquemment cultivées
sept ans, de 4,000 fr. à 70 mille francs, en ne sont les deux variétés de la Madeleine, le blanc
la comptant qu'au taux de 5 0/0, pour les mê- et le noir, qui, à part leur précocité, n'ont in-
mes raisons qui nous ont fait adopter ce chif- trinsèquement aucune valeur.
fre comme base de l'évaluation de la valeur La collection du Luxembourg à Paris, qui
foncière des jardins à la Montreuil. est loin d'êtrecomplète, compte plus de 600 va-
Nous ferons observer en terminant qu'un riétés de raisin mangeables.
propriétaire de moyenne fortune peut, avecune
avance qui ne dépasse pas ses facultés, trouver Section V. — Culture forcée de$ arbres à fruit.
dans la culture du chasselas à la Thomery,
seulement en contre-espalier, une ressource La culture forcée des arbres à fruit est par-
très importante qui lui permettrait de se livrer, ticulièrement avantageuse dans le nord de la
sans s'obérer, à son goût pour les cultures de France et chez nos voisins de Belgique et d'AI- •

pur agrément. Nous citerons parmi les faits à lemagne; on ne connaîtrait pas ce que c'est
notre connaissance personnelle, un jardin d'un qu'une pêche, un abricot ou une grappe de
peu moins de 66 ares, au Grand Montrouge ; ce raisin en Hollande et dans le nord de 1 Angle-
jardin cultivé par M. Roboam, Israélite pas- terre, si l'on n'y consacrait à la colturc de ces
sionné pour le jardinage, est occupé en entier fruits de grandes serres ( forcing -houset) dont
par des lignes de contre- espaliers de treilles à nous avons donné les modèles (voir page 39).
la Thomery; M. Roboam nous assure qu'il en Ces fruits paient d'ailleurs largement les frais
obtient année commune 2,400 fr., et souvent de leur culture forcée.
3,000 fr. de revenu net; il est vrai qu'il est à Sous le climat de Paris, la culture forcée des
la porte de Paris et qu'on vient lui acheter sur arbres à fruit n'offre, comme spéculation, que
la treille même son chasselas, nui ne le cède en de médiocres avantages; aussi n'y est-elle pas
rien à celui de Fontainebleau de seconde qua- pratiquée sur une bien grande échelle. On force
lité, obtenu sur les contre-espaliers. principalement des pêchers en espalier, au
Nous donnons ici la liste des meilleures espè- moyen de châssis mobiles établis temporaire-
ces de vignes qui peuvent être cultivées en treille ment; on force en même temps, entre le châssis
pour la table. Il n'y a pas de meilleure vigne et le mur d'espalier, des arbres nains en pots
sous le climat de Paris que le chasselas de Fon- (pruniers et cerisiers). Ces deux cultures se
tainebleau ; nous pourrions ajouter qu'il n'en conduisent simultanément.
existe nulle part ailleurs, en aucun pays du Les arbres à fruit ne sont forcés, à propre-
oaTiri i/rvas. T. Y. — ts
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178 HORTICULTURE. livm vin.

mcm parler, que lorsqu'on les contraint a don- ;


pucerons, multiplient avec une prodigieuse ra-
n< r leurs fruits à une époque très différente de pidité; c'est le cas d'employer contre eux les
celle de leur maturité naturelle; on ne peut fumigations de tabac, renouvelées aussi sou-
donc; forcer, dans lu vrai sens du mot, que les vent qu'on s'aperçoit de la présence de ces in-
arbres cultivés, soit dans des bâches, soit dans nombrables ennemis; il est bon aussi de placerde
les serres à forcer. Les pêchers en espalier, de- distance en distance des fioles pleines d'eau miel-
vant lesquels on place des châssis temporaires, léc, pour attirer et détruire les fourmis qui pullu-

sont seulement hdlès; leurs fruits, au lieu d cire lent toujours au pied des espaliers hâtés. Plus
désaisonnts comme ils le sont par la culture tard, on éclaireit les fruits surabondants, et
en serre chaude, sont simplement des primeurs l'on traite du reste le pêcher par le pincement
qui, quant à la qualité, ne le cèdent en rien et le palissage comme les espaliers à l'air
,

aux pèches de saison, parce que le soleil a con- libre. Dès le 15 mai, les châssis vitrés doivent

tribué plus que la chaleur artificielle à leur rester ouverts toute la journée ; au commen-
maturité. cement de juin on les ôle lout-à-fait, pour que
le soleil achève de mûrir les pêches qu'on a
| t*
r
. — Fi tiit» à noyaux M'h à l'espalier.
soin de découvrir , en enlevant les feuilles su-
Ce procédé guère appliqué, près de Pa-
n'est perflues.
ris, qu'aux pêchers choisis parmi les espèces Les pêchers recouverts de châssis ont besoin
les plus précoces. On fixe à cet effet, au moyen d'arrosages modérés , surtout pendant le mois
de crampons scellés dans le mur, un nombre qui précède la maturi tédes fruits, parce que leurs
sullisant de châssis vitrés à la partie supérieure racines sont privées, par la présence des châs-
de l'espalier. L'extrémité inférieure de ces sis, de l'influence des pluies et des rosées; il

châssis repose sur une bordure en planches, leur faut par la même raison , des aspersions
,

semblable au bord antérieur du cadre d'une générales plus fréquentes qu'aux pêchers à l'air
couche ; cette bordure est établie à 2 mètres en libre. L'eau dont on se sert pour ces deux opé-

Avant du mur. Les châssis vitrés sont en outre rations doit être restée entre les châssis elle
soutenus par des montants en bois partant du mur d'espalier, assez longtemps pour s'être

pied du mur, dans une situation inclinée. La mise à la température de l'air renfermé dans
cet espace.
fig. 302 montre la disposition de
cet appareil.
Les pêches bâtées arrivent sur le marché en-
Mr. 302.
viron trois semaines avant les fruits les plus
précoces des meilleurs espaliers à l'air libre;
cela suffit pour que leur prix dédommage am-
plement le jardinier des frais de ce mode de
culture. Les pêchers hâtés, loin d'en souffrir,
ne s'en portent que mieux ; on peut , sans in-
convénient, les hâter ainsi plusieurs années de
suite.

| II. — Germcn cl pruniers nains hatéi.

A l'époque où l'on met en place les châssis


Les deux ouvertures latérales sont bouchées devant l'espalier, on peut placer entre le mur
soigneusement avec des cloisons de planches, et le vitrage une rangée de cerisiers et de pru-
revêtues de doubles paillassons, de manière à niers nains en pots ; ces arbres n'exigent, pour
exclure la température extérieure. On ne met ainsi dire, d'autre soin que quelques arrosages
les châssis devant l'espalier de pêcher qu'à la de temps à autre ils profitent de la tempéra-
:

lin de février ou dans les premiers jours de turc entretenue pour les pêchers, de sorte qu'ils
mars, aussitôt après avoir taille les pêchers et devancent d'un mois l'époque naturelle de la
façonné la terre de la plate - bande. Un four- maturité de leurs fruits. Si l'on dispose d'une
neau portatif, ou un poêle de terre, est placé serre, on y porte les arbres nains les plus avan-
au dehors les tuyaux remplis d'air chaud
; , cés, afin d'accélérer la formation des fruits
mêlé de fumée, sont disposés le long de l'appui commencés à l'abri du châssis placé devant
antérieur des châssis, le plus loin possible des l'espalier. Comme les pots qui contiennent ces
arbres, et parallèlement au mur d'espalier. On arbres ne peuv ent être placés que très près des
n'allume le fourneau que quand la température tuyaux de chaleur, il arrive assez souvent
l'exige ; on soulève les châssis chaque fois que qu'on en perd quelques-uns si l'on chauffe le
le soleil donne; on évite par -dessus tout les poêle un peu trop fort pendant le jour, et qu'il
coups de feu, c'est-à-dire les élévations subites survienne ensuite une nuit très froide ; la pré-
de température, suivies de refroidissement; sence des arbres nains en pots est donc un mo-
rien n'est plus funeste aux arbres hâtes que ces tif de plus pour redoubler de soins dans la con-
brusques changements. L< » bourgeons à bois et duite du fourneau; d'ailleurs, ces arbres étant
les boutons à fleur s'ouvrent prompiement , et un objet de fantaisie qui se paie toujours fort
comme les Heurs n'ont rien à craindre du mau- cher, valent la peine qu'on ne ménage rien
vais temps, elles nouent presque toutes ; en pour les amener a bien, et assurer leur fructi-
même temps les insectes, particulièrement les fication précoce.

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TITRK III. JARDIN FRUITIER. 179

forcer, dont l'intérieur puisse servir de lieu de


$ III. — Vigoe liàtée à l'emplit r.
promenade , le jardinier «le profession a soin
Les dispositions des châssis sont les mémos de diviser sa serre en plusieurs compartiments
que pour hâter les pêchers en espalier (voir fig. séparés, de dimensions moyennes, dont chacun
302 ). Ils doivent être mis en pince devant les est échauffé par un foyer. Cette disposition
treilles dès le 15 février, plutôt avant qu'après, permet de graduer la température et de régler
des que la vigne a reçu la taille et les façons la végétation de telle sorte que le praticien
qu'elle recevrait si son fruit devait mûrir à Vair habile puisse avoir du raisin à cueillir, depuis
libre. Le traitement ultérieur de la vigne sous les premiers jours de mai jusqu'à la lin de dé-
le châssis est d'ailleurs exactement le même cembre.
que celui des treilles livrées au cours ordinaire Le mur antérieur de la serre est ordinaire-
de leur végétation. La vigne hâtée par ce pro- ment percé d'arcades ou d'ouvertures qui per-
cédé doit être fréquemment arrosée et bas- mettent aux racines de la vigne plantée à l'inté-
sinée, même pendant la floraison, avec, de l'eau rieur de s'étendre au dehors dans la plate-bande
mise à la même température que l'air environ qui règne le long de la serre, platc-liandc dont
nant ; les châssis ne doivent être soulevés le sol doit être riche, profond, exempt d'un ex
qu'avec beaucoup de précautions, et par un cès d'humidité, et convenablement engraissé
temps tout-à-fait favorable habituellement on ou amendé selon les exigences de cette cul-
:

ne renouvelle l'air que par les deux extrémités ture. Quelquefois on plante les ceps au dehors
de la partie couverte de l'espalier. On n'enlève et on les fait passer par les ouvertures du mur
jamais les châssis, même aux approches de la antérieur pour les introduire dans la serre;
maturité du raisin ; on les soulève peudant le mais le premier mode de plantation est préfé-
jour ; ils sont tenus constamment fermés pen- rable; il est le plus généralement usité en An-
dant la nuit. Il serait dangereux de laisser trop gleterre. Les treilles sont palissées sur des
de fruit aux vignes hâtées à l'espalier, qui lattes fixées au-dessous des cnâssis à 0 m ,30 de
chargent toujours beaucoup ; on rend le grain distance l'une de l'autre par ce moyen elles ne ;

Slusgroset les grappes plus belles en ôtantavec perdent rien de l'influence de la lumière exté-
iseernement une partie des grains de chaque rieure. En général, le défaut de lumière suffi-
grappe, lorsqu'ils sont à demi formés. sante est le grand obstacle au succès de la cul-
L'espace libre entre la treille et le devant du ture forcée des arbres à fruit en Angleterre,
châssis peut servir à forcer des arbres nains en Hollande et même dans le nord de la France;
en pots , ou des fraisiers également en pots, on peut bien régler la température de la serre ;
dont les fruits sont, dans ce cas. de grande pri- mais on n'a pas le soleil a commandement, et
meur. s'il reste caché plusieurs jours de suite à l'épo-

que où le raisin forcé approche de sa maturité,


$ IV. —
Arbre» à fruit forcé* ilatu la serre.
le raisin manque de couleur et de saveur.
Bien peu de jardiniers en France forcent les Afin de gagner du temps, on élève d'avance
fruits par spéculation ; c'est une branche de en pots, pendant deux ou trois ans, des bou-
l'horticulture qui tend à devenir de moins en tures de vigne qu'on plante en motte dans la
moins avantageuse aux environs de Paris les serre à forcer; il faut aeux ceps par châssis de
,

lignes de chemins de fer ne peuvent manquer l


m ,32 de large. Nous renvoyons pour le choix
de mettre, dans un avenir très prochain, les des espèces à nos observations sur le même su-
fruits du midi aux portes de la capitale. Mais jet à la suite de la culture des treilles à la Tho-
beaucoup de riches propriétaires aiment à voir mery. Toutes les bonnes variétés de raisin
figurer sur leur table des fruits obtenus artifi- peuvent être forcées. En Angleterre, on donne
ciellement hors de leur saison. C'est en leur une préférence presque exclusive à notre chas-
faveur que nous exposons ici la méthode an- selas de Fontainebleau que les jardiniers an-
glaise pour forcer dans la serre les arbres frui- glais nomment muscadine. En Belgique et en
tiers, méthode suivie de point en point en Hol- Hollande, on force de préférence le raisin de
lande, en Allemagne, et jusqu au fond de la Frankenthal, esuèce peu connue en France, qui
Russie. offre sur toutes les autres l'avantage de donner
Les Anglais ne forcent jamais plusieurs es- un raisin doux et très mangeable longtemps
pèces d'arbres à fruit dans la même serre; ils avant qu'il ait atteint sa parfaite maturité, de
ont une serre à part pour chaque espèce ; un sorte que le jardinier marchand n'a jamais rien
établissement bien monté doit avoir: 1° la serre à perdre avec le Frankenthal, quand même il
à la vigne (vinery); 2" la serre aux pêchers ne parvient pas à l'obtenir complètement mûr
peach-houtc) ; 3» la serre aux cerises (cherry- dans la serre. Ce raisin n'est cultivé en France
nouse) ; 4° la serre aux figues (fig-house). Pour que dans nos départements du nord et du nord-
la construction et les dimensions de la serre an- est ; il y en a peu d'aussi bons lorsqu'il peut
Slaise à forcer les arbres à fruit (forring- parvenir à son point de maturité.
ouse). Voir p. 39, fig. 157 et 158. Les ceps transplantés en motte peuvent re-
prendre en toute saison toutefois le printemps
A. —Figue.
-,

et l'automne sont les deux époques les plus fa-


Tandis que les riches propriétaires anglais vorables pour la mise en place des ceps dans la
aiment à se faire honneur d'une vaste serre à serre; il ne faut pas que les racines soient trop

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180 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

profondément enterrées ; plus ellesooorenl près inférieurs de la treille à la Thomery, chaque


de la surface du sol, plus la maturité du raisin cep ayant deux bras latéraux parfaitement
i st précoce. Pour la taille et la conduite de la égaux, disposés horizontalement et bien garnis
,n
vigne dans la serre les meilleurs auteurs an-
,
de coursons, espacés dc0 ,16 entre eux sur
glais modernes, Loudon, Patrick Neill, Rogers, les cordons. C est alors seulement qu'il est
renvoient à la Pomone française, et recon- temps de songer à forcer la vigne. On pose par-
naissent la supériorité de la méthode de 'lin- l dessus des coffres de 3 mètres de long sur
m ,50 de large; le plus grand côté de ces cof-
mer y nue les plus habiles praticiens adoptent l

aujourd'hui en Angleterre , à l'exclusion des fres doit se trouver immédiatement derrière fe


méthodes antérieurement usitées. Toutefois ils treillage qui soutient la vigne, dont un seul cep
n'ont pas su jusqu'à présent se défendre de est enfermé dans chaque coffre le grand côté
;

donner aux bras de leurs vignes une longueur est élevé d'un mètre comme le treillage ; le
démesurée, quelquefois 3 à 4 mètres de cha- petit côté est élevé seulement de 0'",32. Les
que côlé de la tige; ils dérogent ainsi en un châssis vitrés qui recouvrent le coffre ont
m
point très essentiel à la méthode de Thomery l ,32 de large sur l m ,50 de long: il en faut
qu'ils suivent en tout le reste. Le vrai jardi- deux semblables pour chaque coffre.
nier, dit Patrick Neill , aime toujours mieux Il c>t essentiel de ne pas employer à la con-

voir sa treille chargée d'un nombre modéré de struction des coffres d'au ires matériaux quedu
très belles grappes, que de la voir surchargée bois blanc, afin de les rendre aussi perméables
de petites grappes dont les grains ne peuvent que possible à la chaleur des réchauds de fu-
arquérir ni volume ni saveur. mier dont on les entoure extérieurement ; ces
On commence en janvier à chaufferies serres réchauds se placent dans des rigoles de 0 m ,50
à forcer la vigne. Dans les premiers temps, la de large sur 0 ,n ,32 de profondeur. La viene
température ne doit pas dépasser 10 degrés est en outre échauffée par des tuyaux de cha-
le matin et le soir. On la porte successivement leur, ou mieux par un ihcrmosiphom dont le ,

à 1 5 degrés quand les lames se montrent foyer est au dehors. On construit en zinc des
el jusqu'à 18 degrés quand la vigne est en appareils de chauffage à l'eau chaude, qui peu-
fleurs. Tant qu'on entretient cette température, vent échauffer neuf coffres, et ne coûtent pas,
il faut que l'atmosphère de la serre soit main- tout placés, au-delà de 150 fr.
tenue constamment très chargée de vapeur. On La vigne se conduit sous les bâclies comme
cesse d'introduire la vapeur dès que le raisin dans la serre à forcer le raisin y mûrit seule-
;

commence à prendre couleur; c'est aussi le ment un peu plus tard si l'on n'a pas soin de
;

moment de donner à la serre le plus d'air possi- donner, pendant les beaux iours, assez d'air
ble pendant le jour. Le compartiment consacré pour dissiper l'humidité surabondante à l'inté-
à la vigne la plus précoce est chauffé sans in • rieur des bâches, le raisin a beaucoup de peine
terruption jour et nuit; celui dont le raisin à y mûrir mais c'est un inconvén ient dont il
;

doit mûrir le dernier n'a besoin que d'être dépend du jardinier de se garantir.
chauffé de temps en temps pour modérer la
végétation de la vigne, et amener la maturité
B. — P/ehers.
du raisin à l'époque où on la désire. Les serres à forcer les pêchers diffèrent des
La récolte est d'un peu moins de 2 kilogr. serres à forcer la vigne, en ce que les arbres y
par mètre carré de treillage, comme celle du sont le plus souvent traités en espalier, sur le
chasselas sur espalier à l'air libre. mur du fond ; néanmoins, on palisse aussi fort
On peut avec beaucoup moins de frais obte- souvent le pêcher sur un treillage fixé à la face
nir des résultats à peu près semblables en for- intérieure du châssis vitré de la serre, ce qui
çant, ou comme disent les jardiniers, en chauf- met les fruits, aux approches de leur maturité,
fant la vigne, non pas d;ms une serre, mais dans les conditions les plus favorables pour ne
simplement sous une bâche. Ce qui détourne rien perdre des influences bienfaisantes de la
beaucoup d'amateurs de l'emploi de ce pro- lumière extérieure. Patrick Neill s'élève avec
cédé, c'est qu'il faut préparer cinq ans d'a- raison contre la coutume des riches proprié-
vance les ceps destines à être ainsi forcés ;
taires anglais qui font construire à grands frais
voici comment l'opération doit être conduite. des serres, où tout est sacrifié au coup d'œil ;
Les vignes plantées d'abord en lignes à 3 mè- elles servent, à la vérité, de décoration à leurs
tres l'une de l'autre, et à 2 mèires dans les li- jardins, mais ils ne sauraient y obtenir une

gnes, restent en cet étal pendant 3 ans. A cet bonne pêche. Le même auteur conseille à ses
âge on les pro\ ifrne de façon à établir par les compatriotes d'imiter l'exemple des Hollandais
provins une lipne intermédiaire formée de oui, d uis des conditions de climat encore plus
ceps à 2 mètre les uns des autres. Quand ces défavorables qu'en Angleterre , obtiennent de
provins sont sevrés, on a des rangées de ceps à bien meilleures pêches par la culture forcée,
n
l' ,ô0 les uns des autres; les ceps sont espacés non dans des serres , mais dans de simples bâ-
entre eux de 2 mètres dans les lignes. ches, chauffées en partie par le fumier, en par;
On conduit ces vignes sur de légers treillages tie par des tuyaux de chaleur, par le procède
qui ne dépassent pas la hauteur d'un mètre ; que nous avons décrit en détail, pour forcer la
qu^nd elles sont formées, à l'âge de cinq ans, vigne. - Ces bâches, dit-il, n'ont rien d'agréa-
elles doivent représenter exactement les ceps ble à l'œil mais elles remplissent le but de leur
;
TITRE III. JARDIN FRUITIER. 181

construction, elles renferment des arbres vigou- place plusieurs rangées de pots contenant des
reux, chargés d'excellents fruits. fraisiers dont on force les fruils en même temps
On commence à chauffer la serre à forcer que les cerises. Les cerisiers sont palissés sur
le pécher vers le 15 février; si cependant on le mur du fond on commence à les chauffer
;

pratique cette culture en grand , dans plu- au mois de janvier ils n'exigent pas une tem-
;

serres séparées, celles qui contiennent pérature aussi élevée que celle que réclament les
hers les plus précoces peuvent com- pêchers. Quand le fruit approche de sa matu-
un mois plus tôt à recevoir la chaleur rité , on maintient l'atmosphère de la serre à la
ficielle. La température est maintenue température de 18 degrés, le plus également
pendant quelques jours à 10 degrés, pour être possible. La cerise royale anglaise est celle qu'on
portée successivement à 15 degrés. Quand les préfère pour forcer. Ses fruits paraissent sur la
arbres sont en pleine Heur, on commence à in- table des riches , conjointement avec les fraises
er
troduire un peu de vapeur dans la serre, opéra- forcées, du 1 mars à la fin d'avril.
tion qu'on renouvelle de temps en temps, jus-
qu'à ce que le fruit soit bien formé; si la serre
D. — Figues.
n'est point chauffée par la vapeur, on se con- Ce fruit n'est pas assez recherché en France
tente d'arroser fréquemment le feuillage des pour qu'on lui consacre une serre à forcer ; il
arbres avec de l'eau dégourdie que la tempe- , n'en est pas de même en Angleterre, où le jar-
rature de la serre ne larde pas à convertir en din royal de Kew contient une serre de seize
vapeur. Lorsque, par accident, l'air de la serre mètres de long , exclusivement remplie de fi-
se trouve tout à coup tellement sec que les ar- guiers forcés. La végétation des figuiers dans
bres puissent en souffrir, ce dont on est averti ces serres est conduite de manière à les placer
par I bvgromètre, on fait promptement rougir autant que possible dans les conditions de tem-
une pefle, ou le premier morceau de fer qu'on pérature de leur pays natal ; par ce moyen, on
peut avoir sous la main, et l'on produit instan- obtient une première récolte au printemps et
tanément, en versant de l'eau dessus par pe- une seconde à l'automne. Le figuier ne se taille
tites portions, autant de vapeur que l'état de point ; la température de la serre à forcer le
l'atmosphère de la serre en exige. figuier est celle de la serre à forcer le pécher.
Quand le noyau est forme dans le fruit, il On se contente le plus souvent de placer dans
est temns de porter la température de la serre la serre de la vigne ou dans celle des pêchers
à 1 5 degrés on peut dès lors donner de
; quelques figuiers, ordinairement dans des pots.
l'air chaque fois que le temps est favorable. La figue blanche et la petite ligue de Marseille
A partir de la lin d'avril, il ne faut plus que sont celles que les Anglais forcent de préfé-
très peu de feu pendant le jour, dans la serre
, rence. Patrick Neill assure que les figuiers forcés
à forcer les pêchers; on chauffe le soir, pour dans la serre de Kew peuvent produire dans
maintenir une lionne température durant la les bonnes années, pour les desserts des tables
nuit, et le malin avant que le soleil se lasse de la cour, 50 paniers de figues au printemps,
et 150 à l'automne ; quoiqu'il ne désigne pas la
Les pêchers forcés dans la serre sont fort grandeur des paniers ce chiffre de 200 pa-
,

sujetsaux attaques du blanc ou meunier, niers, pour une serre de seize mètres de long,
quand on néglige de leur donner de l'air cl indique une production très abondante.
qu'on n'a pa* soin de maintenir dans la serre
la plus rigoureuse propreté.
Sous ferons observer aux jardiniers français
combien ils ont tort de négliger, dans les serres
à forcer, la culture des arbres à fruit des ré-
gions tropicales. En Angleterre, une serre à
TITRE IV. — CuLTUftfc DES VEGETAUX
forcer le pêcher, gouvernée comme nous ve-
nons de l'indiquer, sans autres soins que ceux
qu'exige la culture forcée du pêcher, donne en Le voyageur qui voit pour la première fois
même temps des fruits de jambos, ceux de di- les jardins potagers des environs de Paria,
verses passillores, des bananes, des mangues, quand même il serait totalement étranger au

des goyaves, et vingt autres variétés de fruits jardinage, ne peut s'empêcher d'admirer la
connus à peine de nom de nos jardiniers; ces rare perfection de leurs cultures ; ce sont en
fruits, nous le repétons, ne sont pas plusdilli- efTet, sous tous les rapports, des jardins mo-
ciles à obtenir que les pêches forcées; il ne se- dèles. Ayant été originairement établis sur des
rait pas non plus fort difficile d'y accoutumer marais desséchés, ils en ont conservé le nom ;
les consommateurs, si nous savions, comme les là point de routine, point de préjugés ; un pro-
jardiniers anglais, faire venir ces fruits presque cédé nouveau est-il reconnu avantageux dans
aussi bons que dans leur pays natal. la pratique? on l'adopte tout aussitôt; une

— plante cultivée peut-elle être remplacée par une


C. - Cerisiers.
autre variété meilleure? on ne balance point à
La
serre à forcer les cerisiers ne diffère de la l'abandonner. Le mot culture maraîchère
serre à forcer le pêcher que parce que le de- exprime donc ce que l'on connaît en France,
vant est occupepardes dressoirs sur lesquels on nous pourrions dire en Europe, de plus perfee

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182 HORTICULTURE, LIVRE vui.

lionne en faitde procédés applicables à cette des légumes est emprunté aux excellentes pra-
branche essentielle de l'horticulture. tiques usitées dans les marais des environs de
Avant de traiter en détail des diverses parties Paris. Nous indiquerons séparément les cultures
de la culture maraîchère, donnons une idée de qui, sousdes climats différents, exigent d'autres
ses principes généraux, principes qui sont de procédés. L'exposé complet de la culture ma-
véritables lois pour tout bon jardinier. Le plus raîchère exige seulement deux divisions la :

important de tous, c'est la prodigalité en lait première comprend les cultures naturelles, api
d'engrais et d'arrosages; le potager a rarement font arriver les récoltesà l'époque voulue par la
trop d'eau; il n'a jamais assez de fumier. C'est nature; la seconde comprend les cultures forcées
ensuivant celte règle invariable que des ter- ayant pour but d'activer la végétation de
rains stériles en eux-mêmes, et qui partout manière à faire devancer aux produits l'époque
ailleurs n'auraient été jugés dignes d'aucune naturelle de leur maturité.
espère de culture, sont devenus avec le temps
les marais les plus productifs des environs de CHAPITRE 1". — Cultures naturelles.
Paris; c'est une expérience que la création de
nouvelles cultures maraîchères conlirme chaque Section — Légumes proprement dits.
année.
Le second principe, non moins important, Dans le sens rigoureux du mot légume, les
c'est de ne pas s'entêter à continuer une culture naturalistes comprennent seulement la forme
qui ne prospère pas. Ainsi le maraîcher, même particulière de quelques fructifications dont les
quand il ne cultive pas de primeurs, a toujours pois et les haricots sont les types les plus con-
sur couches sourdes ou sur plate-bande exposée nus ; les plantes
qui les produisent sont pour
au midi, du plant tout prêt pour remplacer celui celte raison nommées par
les botanistes plantes
qui, selon l'expression reçue, ne travaille pas légumineuses. Selon son acception ordinaire, le
bien. Il y a en effet, pour qui n'épargne pas sa mot légume désigne toute espèce de plante de
peine, plus de profit à sacrifier tout de suite une jardin propre à la nourriture de l'homme, soit
planche de légumes atteints par la gelée, la eu toialilé, soit en partie; c'est dans le second
grêle, les insectes, ou oui languissent pour une sens que nous employons celte expression.
cause quelconque, qu'a s'obstiner à vouloir la Afin d'éviter la confusion entre des cultures
rétablir, pour n'en obtenir que des produits de très différentes, nous indiquons séparément la
qualité inférieure. culture des légumes proprement dits, et la cul-
La prévoyance est la qualité la plus néces- ture des plantes potagères dont la racine seule
saire au maraîcher dans sa culture aucun
;
est comestible, et que par ce motif nous désf*
accident ne doit le prendre au dépourvu ;
gnons sous le nom de Ugumes-racines.
aucun reversde température nedoil l'empêcher Quant à la place que nous avons assignée à
de remplacer une récoltedétruile ou détériorée, chaque plante en particulier, nous avons cons-
par une autre que ses soins amèneront à bien. tamment donné la prioritéaux plus importantes
Le maraîcher sait choisir le moment précis comme aliments, sans avoir égard aux classifi-
qui convient pour chaque partie de son travail; cations de la science.
il prend ses dispositions de manière à pouvoir
§ 1
er .— CUoui.
faire chaque chose en son temps. C'est ainsi
que, pour les salades, par exemple, il combine Le chou légume européen par excel-
est le
les semis de manière à ce que les repiquages lence tous les autres sont modernes en compa-
;

tombent dans un moment où toute autre beso- raison de celui-là. On sait que Rome se passa
gne peut être laissée pour celle-là; en un mot, de médecins durant quatre siècles le chou fut ;

il fait en sorte que ce qui ne peut attendre se pendant celle longue période le médicament
fasse d'urgence, sans pourtant laisser en souf- universel, et il ne parait pas qu'il mourût alors
france aucune autre partie de son travail. plus de malades nue quand les médecins et les
Le maraîcher ne prend jamais un terrain pharmaciens pullulèrent dans la capitale du
trop étendu relativement à ses facultés. On ne monde. Les nombreuses variétés de légumes
compte guère par hectares dans la culture ma- dont l'horticulture s'est successivement enri-
raîchère; un marais de 66 ares ( deux arpents chie n'ont rien fait perdre au chou de son im-

de Paris ) est déjà d'une grande étendue ; il portance l'abondance, le bas prix et surtout
;

n'exige pas moins de 12 à 15 mille francs pour la rare salubrité de ses produits lui méritent

être mis complètement en valeur et rendre tout encore le premier rang dans nos potagers.
ce qu'il est susceptible de produire. Mais il est
presque sans exemple que le maraîcher s'em-
A. — Tixlvuux préparatoire*.
barque dans une opération qu'il ne pourrait Tous terrains conviennent au chou ; il
les
mener à bien ; si les fonds lui manquent, il aime n'y a guère que dans le sable siliceux pur qu'il
mieux n'avoir point de terre, c'est-à-dire se refuse de croître ; à l'aide d'une grande abon-
passer de cloches et de châssis, hors du simple dance de fumier, certaines terres sablonneuses
nécessaire, s'abstenir de toute culture forcée, peuvent même produire d'excellents choux d'ar-
et se borner à la culture naturelle, mais pou- rière-saison. Le succès de cete culture sera cer-
voir la conduire dans toute sa perfection. tain dans le sol le plus sablonneux possible, si
Tout ce que nous avons à dire sur la culture l'on peut l'amender avec de l'argile ou de la boue

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IV. CULTURES NATURELLES. J8S

lie mare en su irisante quantité ; il


et d'étang sol bien ameubli pour laplante qui a précédé
faut que cette boue ait été exposée depuis un le chou, n'a besoin que d'un seul labour,
an à l'air libre, desséchée et pulvérisée, pour pourvu qu'il soit profond et que les mottes
pouvoir s'incorporer parfaitement avec le sable. soient parfaitement rompues; car si la racine
Nous placerons ici une observation qui nous pivotante du chou rencontre une molle dure
a toujours paru dans la pratique d'une très qu'elle ne puisse percer, le chou languit et
haute importance, relativement à l'emploi des meurt très promptemcnl.
amendements et des fumiers. Ces pré ieux Les planches de choux peuvent être labou-
moyens de féconder le sol sont irî-s souvent rées à platquand on n'a pas à redouter un ex-
employés en pure perte dans la culture jardi- cès d'humidité, car le chou est sujet à la pour-
nière. Supposons que, pour amender 1 Gares de riture lorsque l'eau .véjourne sur sa racine.
terre sablonneusedestinée à la culture du chou, Quand le sous-sol nYsi point perméable, cl que
l'on dispose de 3 mètres cubes de boue dessé- les nluics semblent devoir être très abondantes,
chée. Si on la répand en poudre sur toute la on doit façonner le sol en talus de 0,50 de base,
surface du sol, il est de toute évidence que le dont la fig. 303 montre le profil.
sable n'en recevra partout qu'une proportion Fig. 303.
très minime, et que laracinepivotantedu chou
De pourra pas en retirer un grand avantage.
Mais si, après avoir labouré convenablement le
sol, on indique par de légers rayons c roisés la La pente de ces talus doit, autant que le
place du plant de chou, et que l'amendement permet la nécessité de favoriser l'écoulement
soit réparti exclusivement entre ces places, des eaux, être inclinée au midi ; le pianl de
chaque chou végétera dans un mélange où chou se place vers le milieu de celte pente. La
l'argile se trouvera en bien plus forte propor- neige, plus à craindre pour le chou que le froid
tion; la différence de produits dans les Jeux le plus rigoureux, se trouve arrèice par la
cas sera telle que la main-d'œuvre se trouvera pente opposée, parce qu'elle est ordinairement
largement payée, luares reçoivent 4,00U(houx, amenée par le vent du nord.
espacés de 50 centimètres en tout sens chaque
pied de chou pourra donc profiter de plus de 7
;
E. — Choix Je l i graine.

décimètres cubes d'amendement enfoui à une Lorsqu'on ne peut élever des porte-graines
profondeur proportionnée à la longueur de la et récolter soi - même de la semence parfaite-
racine. Il en est de même de l'emploi des engrais; ment tranche d'espèce, on ne doit pas regarder
d'autres légumes, les artichauts par exemple, se au prix pour s'en procurer de première qualité
plantent à 80 centimètres ou même un mètre en s adressant aux maisons de commerce juste-
de distance en tout sens ; on conçoit combien ment investies de la confiance des horticul-
d'engrais se trouvera perdu pour 'leur végéta- teurs. La bonne graine de chou est d'une teinte
tion, au lieude le leurappliquer directement,
si uniforme, presque noire; si elle est inégale et
on répand sur toute la surface du terrain,
le qu'il s'y trouve beaucoup de grains d'un brun-
comme s'il s'agissait d'y semer une céréale. rougeâtre , c'est qu'elle a été récoltée avant sa
Cette fumure générale ne convient réellement parfaite maturité; dans ce cas, elle lèverait
que pour les plantes potagères très rapprochées fort inégalement. Le même inconvénient serait
les unes des autres comme les ognons, les pnr- à craindre si la graine était ridée à sa surface,
reaux, les carottes ou les scorsonères. quoique de la nuance convenable; il faut la
Le fumier d'étable est le meilleur pour la choisir pleine et lisse.
culture du chou dans toute espèce de terrain
néanmoins le fumier d'écurie pourra en tenir
;
C. — Semis.
lieu si le sol est argileux, froid et lent à pio- Un s'est beaucoup occupé de nos jours de la
duire. Dans tous les cas, il ne faut pas songer destruction d'un insecte nommé attise, tiquet
à obtenir une récolte de choux seulement ou puce de terre, ennemi principal des semis de
passable sans fumier, à moins que ce ne soit toutes les plantes crucifères, et des semis de
sur le sol entièrement neuf d'un défrichement choux en particulier. Selon quelques natura-
récent, ou sur la boue d'une marc ou d'un étang listes, lesœufs de l'altise adhèrent au tissu de
amendée à l'air libre pendant au moins une I enveloppe qui recouvre la graine des cruci-
année, et ameublie par plusieurs labours à la fères; ils éclosent au moment même où la
. bêche, donnés avec soin. Les choux peuvent graine lève, et les jeunes insectes se trouvent
acquérir un volume énorme quand on les plante tout portés pour dévorer les feuilles séminales
dans cette boue pure sans mélange d autre dont ils sont très avides.
terre, et que l'eau ne leur manque pas. Le sol Quelque attention que nous ayons apportée
destiné à la culture des choux doit recevoir au dans nos observations microscopiques, d'abord
moins deux bons labours dont l'un au moins en Belgique et plus tard en France, nous n'a-
doit être donné à la bêche. Ceci ne doit s'en- vons jamais pu» nous assurer personnellement
tendre que de la culture du chou en grand , de la présence des œufs d'altise à la surface des
soit en plein champ, soit dans un jardin très graines de crucifères; nous sommes loin ce-
spacieux ; dans les jardins ordinaires une , pendant de douter des résultats des observa-
culture succédant continuellement à l'autre, le tions sur lesquelles celle opinion est fondée. Il

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184 llOUTlClUlhE. LIVRE VIII.

est certain que nous a\ons vu l'altise paraître jusqu'il] bord avec de bon fumier qu'on foule
d'un jour à l'autre sur un terrain occupé par légèrement, et qu'on reeouvrede quelques cen-
un semis de choux, terrain où jamais l'ai lise timètres de terre; puis l'on sème par-dessus,
ne s'était montrée précédemment. Usera donc assez serré. 11 sufiit alors d'abattre la créle des
Krudcnt de laisser tremper pendant 24 heures au râteau pour en-
sillons et d'égaliser le sol
l graine de chou dans une forte saumure, ou terrer la Si le fumier a été enfoui
semence.
dans une solution alcaline très concentrée avant pendant en fermentation, les choux
qu'il était
de la confier à la terre; ce ne peut être dans tous lèveront au bout de 5 à six jours; l'ëlti»e
les cas qu'une précaution superflue qui n'en- pourra s'y mettre et en détruire quelques-uns,
traîne ni grand embarras ni grande dépense. mais bientôt le plant ayant sa racine dans le
On sème ordinairement les choux à la volée, fumier sera devenu assez fort pour braver l'al-
en plate-bande abondamment famée on choi -
; tise qui disparaîtra, morte probablement de
ait a cet effet un terrain un peu frais parmi le faim.
meilleur dont on puisse disposer. Ces semis Ce mode de semis offre encore un autre
ont, comme on vient de le voir, un ennemi re- avantage non moins important ; c'est que le
doutable dans l'altise ; il n'est pas rare que cet plant y croit inégalement, en sorte qu on en
insecte les détruise entièrement sans qu'il soit trouve de bon à prendre pendant 5 à 6 se-
possible de l'empêcher. On a conseillé comme maines on n'est pas alors forcé de précipiter
-,

moyen de destruction de l'altise la fumée les plantations, qui ne peuvent se faire tout à la
d'herbes fraîches; ce remède est en réalité fois. Le plant ainsi obtenu emporte à sa racine,
pire que le mal ; cette fumée, mêlée d'une quand on l'arrache avec précaution, une petite
grande quantité de vapeur d'eau à une haute portion de fumier qui contribue puissamment
température, tue le plant de choux encore plus a sa reprise et à sa rapide végétation durant le
eflicacement que l'altise. On ne peut recourir à premier âge, époque de sa croissance de la-
ce moyen que lorsqu'on est décidé à sacrilier quelle dépend entièrement le succès de celle
un semis qu'on désespère de pouvoir rétablir. culture.
Dans ce cas, il faut disposer le long de la plate-
bande de petits tas de paille ou de branches sè-
D. — ftefjttfuagc.

ches places au-dessus du vent ; on les recouvre A l'approche d'un hiver qui s'annonce
avec des herbes fraîchement arrachées, puis comme devant être rigoureux, au lieu de mettre
on y met le feu. La fumée en courant sur le sol le plant en place à Parrière-saison on le repi- ,

tue toutes les altises. Dès que l'opération est que en pépinière à 0 m ,08 de distance en plate-
terminée, on peut donner un léger labour à la bande bien abritée. On dispose des rames a pois
houe, et semer de nouveau à la même place ; de manière à pouvoir garantir le plant de
l'altise ne reparaîtra pas. Cette expérience que choux de la neige ou des froids excessifs en
nuus avons maintes fois renouvelée tend à étendant sur ces rames des paillassons. Ce
prouver que les œufs de l'altise ne sont pas plant profite peu pendant l'hiver. Si, contre les
toujours adhérents aux semences des plantes prévisions du jardinier, l'hiver se trouvait être
crucifères. Du reste ce moyen de destruction
, doux et que le plant prit trop d'accroissement,
est assuré, mais il occasionne une grande perte on n'attendrait pas le printemps pour le mettre
de temps, et il double la dépense en semence et en place. Dans le cas contraire, on gagne tou-
inain a'œuvre. Le seul moyen réellement pra- jours par cette précaution le temps qnil fau-
ticable , sinon de prévenir les ravages de l'al- drait perdre à attendre le plant provenu des se-
tise, au moins d'en neutraliser l'effet c'est de
, mis de printemps, et l'on évite une perte im-
faire végéter le plant de chou très rapidement. portante en main-d'œuvre à l'automne.
Dès que ce plant est à sa quatrième feuille, il
n'a plus rien à craindre; les mandibules de
E. — Plantation.
l'altise n'ont plus la force de l'entamer. Le La plantation des choux , lorsqu'ils sont
meilleur procédé pour une quantité médiocre l'objet d'une culture de quelque étendue, est
de plant consistera toujours a faire les semis tellement importante que tous les détails de
sur couche sourde rarement l'altise envahit
; cette opération exigent' impérieusement l'œil
les couches; d'ailleurs, en supposant qu'elle s'y du maître. Il doit veiller avant tout à ce que
montre, le plant s'y développe si promptement l'arrachage suive constamment la plantation,
qu'on s'aperçoit à peine des ravages de l'altise. de façon à laisser le plant hors de terre le
Pour les cultures très étendues où les semis sur moins'de temps possible, pour qu'il ne soit pas
couche sourde sont impraticables, on obtient à Ûétri quand on le met en place. Le plant semé
peu près les mêmes résultats par le procédé en planches à la volée a besoin plus que tout
suivant dont une longue pratique nous permet autre d'être arraché avec soin; ses racines ont
de garantir l'efficacité. souvent rencontré en terre des mottes dures
Le sol qu'on se propose d'ensemencer en qu'elles ont bien pu percer, mais qui les rom-
choux est labouré profondément, mais sans re- pent quand on les arrache sans précaution.
cevoir de fumier. On ouvre ensuite avec la Le plantoir ordinaire à manche courbe à ,

binette large ou la houe , des sillons espacés pointe souvent garnie de fer, est à peu près le
entre eux de 0m ,33, profonds de 0">,25, et plus mauvais instrument qu'on puisse cm-
m
larges de O ,33. On remplit ccssiilons presque n'y
1
ployer, et l'on n'en emploie pas d'autre. 11

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UTllt IV. CL LU UtS N UL K ELLES 185

a que la grande rusticité des plantes pour les- et le milan des Vertus, ou chou frisé d'Alle-
quelles on s'en sert qui puisse expliquer com- magne.
ment il peut encore, tel qu'il est, rendre d'assez Le milan commun pomme très lentement ;
bons services. Il tasse fortement la terre autour ses pommes sont petites et ses feuilles très clo-
de la racine qui se trouve avoir à percer un sol quées; sa rusticité est si grande, qu'il continue
rendu compacte, précisément à la place où il à grossir sous l'influence a'un froid de plusieurs
serait le plus nécessaire qu'il fût parfaitement degrés au-dessous de zéro ; c'est son principal
ameubli. mérite.
Lorsqu'on doit exécuter de grandes planta- Le milan des Vertus est le plus avantageux
tions, il faut, outre celui qui arrache le plant et de tous pour le jardinier marchand ; il tient le
l'apporte sur le terrain, un bon ouvrier servi milieu entre les choux à feuilles cloquées et les
deux enfants. Le premier enfant passe dans cabus dont il a le volume, avec une saveur plus
Cr; lignes avec le plantoir à deux branches il ; délicate. On ne doit pas le semer plus tard que
fait deux trous à la fois, sans avoir besoin de la première quinzaine d'avril.
mesurer les intervalles avec une jauge ; le se- On sème de même au printemps le chou pré-
cond enfant porte une brassée de plants dont il coce d'Ulm, le pancalier de Touraine et le mi-
dépose un pied vis à-vis de chaque trou ; l'ou- lan nain, dont la pomme se forme rez- terre.
vrier les suit et achève la mise en place. Le chou à jets, ou spruyt de Bruxelles,
La principale précaution à prendre dans celle occupe chaque année plus d espace dans nos
dernière partie de l'opération consiste à main- potagers ; les semis de ce chou commencent au
tenir la racine parfaitement droite dans le trou printemps, pour se continuer jusqu'en été, afin
ouvert par le plantoir; si elle se trouvait re- de fournira la consommation d'hiver; les der-
plie sur elle-même, la reprise serait moins niers semis doivent être les plus abondants ce ;

certaine , ou bien le plant ne ferait que lan- sont les plus avantageux pour le jardinier. Le
guir, sans pouvoir végéter convenablement, chou spruyt résiste au froid mieux encore que
quelles que soient d'ailleurs la fertilité du sol et les milans des variétés les plus rustiques les ;

la bonne qualité des engrais. jets repoussent, quelque froid qu'il fasse, à me-
A moins que les choux n'aient été plantés par sure qu'on les enlève. On n'a pas réussi jusqu'à
un temps pluvieux, il faut les arroser immé- Iiréseni à obtenir le chou spruyt parfaitement
diatement. Lorsqu'on en a seulement un carré rane d'espèce au moyen de sa graine récoltée
de peu d'étendue, on peut donner ce premier en France on est toujours dans la nécessité de
;

arrosage avec de l'eau dans laquelle on aura faire venir la semence de la Belgique, son pays
d'avance délayé du fumier court c'est un : natal.
moyen assuré de hâter la végétation des choux. Toutes les variétés de choux peuvent pom-
La distance entre les lignes de choux varie mer sur semis en place. Lorsqu'on pratique les
de 0"\40 pour les plus petites espèces, jusqu'à semis sur fumier en rayons comme nous l'a-
,

1 mètre pour les plus volumineuses; on leur vons indiqué on peut en laisser quelques nus
,

donne dans les lignes des dislances semblables; convenablement espacés, ils pommeront comme
la plantation en quinconce donne, pour des les autres. L'usage de les transplanter est fondé
distances égales, plus d'aisance au développe- principalement sur l'impossibilité d'éviter par
ment des choux. le semis en place la perle d une grande quantité
de semence.
F. — Détail* de cultive.
Les plantations de choux de printemps se
Les choux se sèment et se plantent à deux règlent sur l'époque des semis successifs; daus
époques, au printemps et à l'arrière-saison. les terrains secs, et où de vastes plantations ne
Choux de printemps. Toutes les variétés à pourraient être facilement arrosées , il est bon
feuilles plus ou moins clofjuées ou frisées se de planter assez tôt pour que le plant ne soit
sèment au printemps, depuis février jusqu'en pas surpris par les chaleurs de l'été avant d'a-
niai , de sorte que les choux semés les derniers voir acquis la force de leur résister.
ne sont bons à cueillir qu'en décembre et jan- Choux d'automne. Les choux d'arrière sai-
vier. On pourrait les lemer en automne, ei ils son ou à feuilles lisses , aussi désignés en
.

vieudraient à bien comme les choux cabus, général sous le nom de choux cabus, se sèment
quoique un peu plus tard ; mais on perdrait ainsi depuis la fin de juillet jusqu'au 15 septembre.
I avantage qu'ils possèdent par-dessus tous les Deux variétés l'emportent sur toutes les autres,
autres choux de résister au froid, et même de ce sont le chou blant d'Alsace, aussi nommé
devenir plus tendres et meilleurs après qu'ils chou à choucroute et chou quintal , et le chou
ont éprouvé l'effet des premières gelées sé- blanc de Bretagne ou chou nantais, qui peut
rieuses. dans les bons terrains égaler le chou d'Alsace,
Les choux à feuilles ctoquées portent en gé- avec l'avantage de réussir dans des terrains
néral le nom de choux de Milan ; en Belgique, médiocres où le chou d'Alsace ne viendrait pas.
on les nomme avec plus de raison des savoie, Son défaut est de ne pas résister aux fortes ge-
puisque c'est de la Savoie qu'ils paraissent lées.
s'être répandus en France, en Italie et en Alle- On sème à la même époque le choa blanc de
magne. Deux variétés sont plus cultivées que Bonneuil, ou de Saint- Denis, le gros cabus de
les autres en France; ce sont le milan commun Hollande et le ehou trapu de Brunswick.
loam-tTOM I'. V. — 24

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186 H0RT1CI L i t RE. i.i \ rl vin.

Ces variétés sont les seules cultivées parmi .


ce qui leur serait bien plus funeste que les plus
les cabus, et, sous le rapport du produit, les rudes gelées. Avec celte précaution, et celle de
seules qui méritent de l'être ; quelques autres, tenir en tout étal de cause le pied des choux
comme le chou conique de Poméranie pour- ,
bien garni de fumier, il arrivera à peine une
ront devenir communes ; elles ne sont encore fois en vingt ans qu'on soit forcé de semer des
que des objets de curiosité et ne figurent point choux cabus en février et mars, pour tenir lieu
sur les marches. du plant d'arrière-saison.
Chou rouge. Ce chou n'est guère usité à Pa- On sème aussi en septembre toutes les va-
ris et au sud de Paris, que comme médica- riétés de choux précoces à pomme allongée ;
ment ; mais dans les départements du Nord et les principales variétés sont, le chou d'York, le
du Pas-de-Calais, il se mange aussi communé- chou pain de sucre , le cœur de boeuf et le mi-
ment que le chou blanc d'Alsace dont il n'est
, lan à pomme longue. Il importe de faire ces
qu'une variété sa culture est exactement la
;
semis , soit sur couche sourde soit sur fu-
,

même que celle du chou blanc. Dans le nord mier en rayons, et non pas à la volée, si l'on
de la France , de même qu'en Belgique et en veut en retirer un bénéfice important ; de la
Angleterre, on sème beaucoup de choux rouges force du plant dépend la précocilé des produits,
au mois d'août, pour pouvoir repiquer le plant qui seule détermine leur valeur vénale. H faut
en automne et livrer les choux à la consom-
, que leur végétation soit sinon complète, au
,

mation à la fin de l'hiver, époque de l'année où moins assez avancée en avril et mai, pour
ce chou est principalement employé comme qu'ils puissent paraitre sur le marché à demi
salade, soit seul, soit avec des endives ou sca- pommes avant la grande abondance des légu-
roles, et des betteraves rouges cuites au four; mes frais de toute espi ce au printemps. 11 est
on le mange cru, coupé par tranches très min- très vrai que les choux hâtifs vendus à celte
ces, assaisonné de vinaigre, de sel et de beurre époque ne valent rien, n'ayant au lieu de pomme
fondu au lieu d'huile c'est un mets auquel il
, ; que quelques feuilles centrales à peine fermées;
faut être accoutumé. En Angleterre, on cultive mais, tels qu'ils sont, ils trouvent des acheteurs
de préférence un chou rouge nain , de couleur à un très bon prix, et c'est tout ce qu'il faut au
pourpre très foncée, qu'on fait conlire dans le jardinier marchand intéressé à rendre le plus
vinaigre, et qu'on sert en hors-d'œuvre sur lût possible son terrain libre pour d'autres cul-
toutes les tables, comme des cornichons. tures.
Chou non pommé. Ces choux sont peu
vert, Peu de consommateurs sav ent que les choux
cultivés en France, excepté dans nos déparle- d'York, pain de sucre et cœur de bœuf sont
ments de l'ouest; ils ont pour caractère de n'ê- préférables sous le rapport de la saveurà toute*
tre bons à manger que quand ils ont été at- les autres espèces, quand on les laisse pommer
tendris par les gelées, et de ne jamais pommer, complètement. Le chou d'York, le meilleur de
de quelque manière qu'on les cultive; ce sont tous, forme une lêle petite, mais serrée, plus
des sous-variétés du chou branchu, ou chou à tendre et plus délicate que celle de pas un des
fourrage, cultivé principalement pour la nour- choux le plus communément livres a la con-
riture des bêles a cornes. Les Anglais en font sommalion. On ne les vend jamais en cet état ;

un cas particulier ; cultivent seize variétés


ils le jardinier perdrait trop à leur laisser long-
de chou vert, dont la plus estimée est connue temps occuper le sol d'ailleurs, des choux
;

sous le nom de chou vert d'Ecosse. On la sème d'un si petit volume ne pourraient éire prisés et
au printemps et en été, de manière à pouvoir payés convenablement que par un irès petit
repiquer le plant successivement, pour avoir nombre de connaisseurs. Mais tout jardinier
des choux verts bons à couper, depuis les pre- amateur qui veut savoir ce que c'est qu'un
mières gelées jusqu'à la fin de l'hiver. chou pommé de toute première qualité, doit
Les choux d'automne se sèment quelquefois I)lanter du chou d York franc d'espèce, et le
au printemps ; mais comme les semis faits dans aisser pommer pour le manger à la fin de juin.
celte saison font arriver les produits à une Nous devons une mention particulière à deux
époque où leur valeur vénale est moindre de : espèees de chou, l'une et l'autre également
près de moitié, à cause de l'abondance et du employées comme léguâtes par les Chinois,
Las prix des autres légumes , on ne doit semer le pê-tsai, et le pak-choï.
des choux d'automne au printemps que quand Lepê-tsai, plus spécialement nommé chou
l'hiver a détruit le plant mis en place ou en I de la Chine, connu depuis bien des années en
pépinière à l'arrière- saison, inconvénient qu'il Europe, n'est devenu commuudansnos jardins
est presque toujours possible d'éviter avec un potagers que depuis peu de temps par les soins
peu de soin. des missionnaires français. Au premier aspect
Si , par exemple , après avoir planté sur un on le prendrait plutôt pour une salade que
labour à plat, on voit les vents se fixer au nord pour un chou sa feuille, d ailleurs très variable,
;

et à l'est, de très bonne heure en décembre, a d'ordinaire la forme, la consistance el le vert-


signe à peu près certain d'un hiver abondant blond de la laitue-romaine. C'est sous tous les
en neige, il est encore temps de former des rapports un des meilleures légumes connus,
talus derrière les lignes de choux pour les
, beaucoup plus convenable aux estomacs déli-
arantir du côté du nord et empêcher la neige cats que nos meilleurs espèces de choux. Le
e s'accumuler à leur pied et sur leurs feuilles, nê-lsai a très peu d** racines; il pivote moins

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TITRE IV CULTURES NATURELLES. 187
que les choux d Europe ; il peut réussirdans difficilement atteints parla gelée; cependant la
les terrains les plus légers ;une couche de terre neige fondue et gelée successivement leur est
végétale de 0"',08 à O.IO lui suffit telles : quelquefois funeste. La perte est peu considé-
sont les principales qualités qui le recomman- rable quand le jardinier est assez à portée d'une
dent. Néanmoins, le pê-tsai n'a point encore grande ville pour trouver immédiatement le
pris place parmi les cultures maraîchères, pour débit de ses choux. Ils doivent être arrachés
Idusieurs motifs qui l'en éloigneront encore deux jours d'avance on les lait dégeler lente-
;

ongtemps selon toute apparence. D'alnrd le ment sous un hangar ou dans une cave, puis
pê-tsai n'a presque pas de consistance ; à l'épo- on les porte aussitôt au marché. Le consomma-
que où il doit êire repiqué, les racines ne sont teur ne trouvera aucune différence appréciable
que de simples filaments, les feuilles sont moins entre ces choux et ceux que la gelée n'aurait
solides que celles de la romaine cultivée sous pas atteints, pourvu qu'il ne les garde pas au-
châssis, le tout est si fragile que pour peu delà de deux ou trois jours, car ils tomberaient
qu'on y touche sans précaution, l'on ne peut alors infailliblement en putréfaction.
manquer d'écraser la plante en la repiquant Au printemps, les choux doivent être binés
Ensuite, il est très difficile de le décider à dès premiers beaux jours, pour que le sol
les
pommer; nous avons toujours éprouve plus de profite des rayons du soleil; il faut ensuite bi-
facilité à faire pommer le plant de pè-tsai prove- ner les carres de choux aussi souvent que l'état
nant de graines de 2 ans. bien qu'il nous ail été de la saison le fera juger nécessaire jusqu'à la
impossihle d'empêcher le plus grand nombre En général, pour le chou comme pour
récolte.
des pieds de monter. Le mode de culture qui beaucoup d'autres cultures, un binage dai s la
convient le mieux au pè tsai, est de point en saison sèche vaut plusieurs arrosages. Deux
point celui que les maraîchers suivent pour la carrés de choux placés côte à côte dont un
culture en grand de la laitue-romaine ( voir seul sera biné présenteront, après une sécheresse
Laitue). opiniâtre, une différence de valeur de r>0 pour
Le pak-choi est aussi un chou, botanique- cent. La culture en grand des choux pour la
ment parlant comme légume, la grosseur de
; consommation de Paris ne permet pas les arro-
ses côies blanches et tendres et l'aspect de ses sages en 1840, Bonneuil, Aubervilliers et le
-,

feuilles lisses, luisantes, d'un très beau vert, Bourget, qui contribuent le plus à l'approvi-
lui donnent grande ressemblance avec
la plus sionnement de Paris pour ce genre de légume,
la carde-poiree de nos jardins. Sa culture est la ont perdu presque tous leurs choux par la
même que celle du pè-tsai; il a comme ce lé- , sécheresse du printemps; ceux-là seuls qui ont
gume, une disposition à monter qu'il est très reçu plusieurs binages ont résisté a l'action
difficile de combattre. desséchante des vents d'cst.que les autres n'ont
Les plantations de choux, quelle qu'en soit pas pu supporter.
l'espèce, doivent être visitées peu de temps
après leur reprise; il ne faut pas balancer à sa- G. — Conseivatioti.

crifier ceux qui ne végètent pas convenable Lorsqu'on ne cultive pas les ehoui assez en
ment ; on doit toujours avoir du plant en grand pour faire de leur conservation l'objet
reserve à cet effet. Les choux plantés à la fin d'une spéculation pendant l'hiver, on peut se
de septembre ou dans le courant d'oeiobre ne borner à arracher les choux à l'approche des
réclament plus de soins particuliers jusqu'au premiers froids, vers la fin de novembre ou
printemps ils passent ordinairement très bien
; dans le courant de décembre, et à les replanter
l'hiver en pleine terre, à moins que les neiges côte à côte, inclines au midi, dans des jauges
ne soient très abondantes, et qu'il ne survienne ou fosses peu profondes, de sorte que le som-
un troj) grand nombre de gelées et de dégels met des pommes se trouve au niveau du sol ;
successifs. Dans ce cas, l'eau de la neige ton- on les laissera découverts tant que la tempéra-
due s'introduit entre les feuilles qui environ- ture le permettra; on les garant ira de l'atteinte
nent la pomme du chou, et lorsqu'elle n'est des grands froids, avec des paillassons OU de la
qu'à demi formée, elle ne peut résister a l'ac- litière. Il ne faut pas compter sur l'effet de ce
tion de cette eau convertie en glace à plusieurs procédé au-delà des premiers jours de janvier ;
reprises c'est du reste une circonstance qui se
; il est impossible d'empêcher l'infiltration de
pr< sente rarement sous le climatde Paris lors ; l'humidité dans le sol, et par conséquent la
qu'elle a lieu, il n'y a pas de remède tous les ; pourriture des choux on aurait tort cepen-
;

choux assez avances pour pouvoir être vendus dant de regarder comme perdus les choux dont
un prix quelconque, doivent être sur-le-champ les extérieures seraient pourries
feuilles le ;

portés au marché le reste est perdu. On voit


; chou présente cette particularité que le cœur
combien il importe, à tout événement, de planter ne contracteaucune saveur désagréable, quand
de bonne heure, et de faire avancer le plus même ses feuilles extérieures sont en putré-
possible la végétation des choux aussitôt après faction.
leur plantation, afin qu' ils aient au inoins une Si l'on veut tirer de la conservation des choux
certaine valeur, s'il arrivait qu'un hiver désas- tout le parti possible et ne pas commencer la
treux obligeât à essayer d'en tirer parti avant vente de provision réservée avant lévrier et
la
leur entier développement. mars, voici, entre divers movens proposés, ce-
Les choux entièrement pommes sont plus lui qu'une constante expérience en France et

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188 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

Pig. 305.
en Belgique nous permet de recommander
comme le plus avantageux.
Dans le courant du mois d'octobre, on fait
choix d'un are de terrain dans la partie la plus
saine du potager ; au centre de ce terrain on
plante une perche effilée et charbonnée à son
extrémité inférieure elle ne doit pas excéder de
-,

plus de trois mètres le niveau du sol ; quatre au :


1res perches plantées aux quatre coins du carré pour une époque de Tannée où il n'a presque
sont inclinées de manière à se rattacher à la plus rien à porter au marché elle n'entraîne
;

perche du milieu. On garnit les intervalles avec pas de mise dehors considérable, et laisse le
on treillage formé de tout ce qu'on peut avoir terrain libre au moment où il doit être rais en
de vieux echalas ou de vieilles lattes de rebut j culture; elle s'applique avec le même avantage
il sufiit que le tout présente assez de solidité
à la conservation de plusieurs autres espèces
pour pouvoir porter des paillassons ; l'ouver- de légumes. Durant les fortes gelées, il est pru-
ture doit être placée du côté du midi (fig. 304). dent de former tout autour, extérieurement, un
,D
talus de litière de 0 ,50 de hauteur, et de dou-
Fig. 30 i.
bler la couverture du côté du nord.

H. — Frais et produits.

Lorsque le chou est cultivé en grande cul-


ture en plein champ, ses frais et ses produits
diffèrent essentiellement de ceux de sa culture
jardinière proprement dite. Dans le premier
cas, le terrain lui est consacré exclusivement
toute l'année ; dans le second il se mêle à
,

d'autres cultures, ou bien il leur succède, ce


qui complique la comptabilité relativement à
cette production, considérée séparément.
Quelle que soit la température, le terrain Les choux précoces, dans la culture maraî-
ainsi couvert sera parfaitement sec, longtemps chère, s'allient ordinairement aux fraisiers de
avant la saison convenable, pour y placer les première année {voir Fraisiers). Loin de souf-
choux en réserve. Ce moment venu, on trace frir de ce voisinage, la fraisière ne s'en trouvera
dans l'intérieur de la réserve deux sentiers qui que mieux pendant l'hiver. Supposons 30 are»
se croisent à angle droit pour faciliter la circu- ainsi cultivés chaque planche de fraisiers lon-
;

lation ; le reste de l'espace est occupé par les gue de 10 mètres, large de l m ,-<0, pourra rece-
choux. On ouvre un premier sillon dans lequel voir trois rangées de choux préeoces, de 20
on place, non pas droits, mais dans une posi- choux chacune, soit 60 choux. Un are compre-
tion inclinée, les choux arrachés avec toutes nant six planches semblables, 30 ares recevront
leurs racines; les têtes doivent se toucher, mais 10,800 choux, susceptibles, s'ils viennent bien,
sans être trop serrées; il ne faut leur ôter d'être vendus de 5 à 10c. la pièce, moyenne 8c,
qu'une partie des feuilles extérieures. En creu- soit, pour 10,800 choux, 864 fr. Celle recelte
sant le second sillon, la terre rejetée couvre les importante n'ôtera rien aux produits des frai-
racines du premier rang, et ainsi des autres. siers, ear elle sera réalisée avant l'époque où la
Une réserve de 10 mètres en tout sens, ainsi présence des choux pourrait être nuisible au
remplie, peut recevoir 1,600 choux, chaque développement des fraises. La même opération
tête de chou pouvant occuper un carré de se répète avec le même avantage sur les plan-
0 ,u ,25 de côté, et chaque mètre carré conte- ches de fraisiers de troisième année qui doivent
nant 16 carrés semblables; mais, déduction être détruits après avoir donné leur troisième
faite de l'espace pris pour les sentiers, ce nom- récolie. Les frais à déduire de ces produits sont
bre se réduit à 1,500. Les choux, au moment difliciles à évaluer. Presque tous, hors le prix
de les «jeitre en réserve, valent, année com- du plant et la main-d'œuvre pour la plantation
mune, de 5 à 7 c. la pièce, moyenne 6 c. ; con- des choux, pourraient, à la rigueur, être portés
servés jusqu'en février et mars, ils ne seront au compte île la culture des fraisiers; car, en
pas vendus moins de 1 5 à 25 c. moyenne 20 c. ;
, supposant qu'on n'y mêle pas de choux, celte
c'est une valeur de 90 fr. convertie en une va- culture n'exige ni moins de fumier, ni moins
leur de 300 fr. On voit qu'il y a beaucoup de de frais de toute espèce.
latitude laissée au chapitre des accidents. Voici , par approximation, la part de ces
Lorsqu'au peut conserver plusieurs ares de frais qui nous semble pouvoir être attribuée
terrain a ce mode de conservation, on donne à aux choux précoces.
la réserve la forme d'un toit, en donnant aux
perches la disposition que représente la fig. 305. Sur h loyer
La réserve économique dont nous donnons Mu lu main iJ'xuwe 14"
PlaiU à»
ici le modèle, offre à très peu de frais au jar-
dinier les moyens de se ménager des recetles Ut

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TITItK IV. CU LIT R LS NÀTU P, FLLFS. 189

Celle somme retranchéedu produit brut indiqué de Hollande, et la traitant comme de la graine
ci-dessus laisse 645 francs de bénéfice net. Ce de chou, ils doivent avoir des pommes sembla-
chiffre est plutôt en-deça qu'au-delà du béné- bles à celles qu'obtiennent nos laborieux ma-
fice réel ; ainsi, par exemple, le jardinier achète raîchers.
rarement du plant de choux ; quand il l'élève — Choir de
A. I t graine.
lui-même, il ne lui cuie presque rien. Nous
l'avons compté au prix ordinaire de vente, 50 Lorsqu'on se propose de récolter la graine
c. le cent, ou 1/2 centime la pièce, prix évi- de choufleur, il faut faire choix des plus belles
demment trop élevé pour le jardinier. pommes, et prendre dans celles-ci les plus
Le chou ne se prête à sa reproduction fré • blanches, portées sur les tiges les plus courtes.
quente sor le même sol qu'à la condition qu'on On n'oubliera pas de ne laisser à proximité des
lui prodiguera les meilleurs engrais. En prenant porte-graines aucune autre espèce ou variété
la précaution de planter la seconde récolte dans de chou en fleur, car le choufleur est très sus-
les intervalles des rangées de la première, on ceptible de croisement. Le premier effet de tout
peut planter des choux deux fois dans une an- croisement du choufleur avec un autre chou,
née sur le même sol voici, dans ce cas, le maxi- c'est de le rendre sujet à borgner, mot qui ex-
;

mum de production d'un hectare de très bon prime la division et le développement séparé
terrain. des boutons, à l'époque où ils devraient former
la pomme du choufleur. La graine, dont les
FRAIS.
oiseaux et particulièrement les linots sont fort
Loyer et impositions 500 avides, ne doit être écossée que quand elle est
Trente mètres cubes d'engrais, à 8 fr. le m. r. s 40
parfaitement mûre ; mais dès que les siliques
l abour plnntalion
1 1 ItO
ont acquis une couleur jaunâtre, il n'y a pas
Plant «S»
d'inconvénient à arracher les pieds avec pré-
950 caution, et à les transporter en un lieu abriteoù,
pourvu qu'on leur garnisse la racine de terre
PRODUITS.
ou de sable un peu-frais, ils achèveront de mûrir
PRiniiaa aicuLTi. leur graine tout aussi complètement qu'en
Deu* cents rangée* de choux de 900 chacune, plein air etavec plus de sécurité.
à 0"\80 de distance, donnent 40,000 choux, La graine de choufleur dans le commerce est
à 5 c. la pièce .*••... 9,000^ toujours d'un prix élevé; mais comme on n'en
M COR DR HKCOI/H. emploie jamais une grande quantité à la fois, on
ne doit pas regarder au prix pour l'avoir de
Cent rangées de choux de 100 cliarune, a I
mètre de distance, dounent 1 0,000 choux,
première qualité. C'est d'ailleursunedcsgraines
i • c I* pièce Roo potagères qu'on doit .acheter de confirmée, car
rien ne la distingue de celle des autres choux ;
9,000 la couleur d'un noir luisant est l'indice d'une
Frais comme ci-dessus. .. . 050 maturité complète.
Bénéfice net l.RIO Le choufleur, hotaniquement parlant, n'a
pas de variétés, ni de sous-variétés; il n'est lui-
Ces chiffres, nous ne pouvons trop le répéter, même qu'un accident, sans caractères botani-
ne peuvent être que des approximations il ; ques qui lui soient propres, à l'exception de ses
n'y a peut-être pas une seule des vastes cul- pommes de fleurs étiolées qui constituent la
tures de choux qui approvisionnent Paris de ce partie comestible. On distinguedans la culture
légume, dont il soit tenu une exacte compta- maraîchère les choufleurs a pomme tendre,
bilité ; mais nous sommes certains de n'avoir demi-dure et dure.
point exagéré les produits. Lorsqu'un terrain 1° Le choufleur à pomme tendre est le plus
ne donne qu'une recolle de choux, les produhs facile de tous à cultiver, il lui faut peu de temps
sont encore à peu près les mêmes, parce que pour former sa pomme; il est peu difficile sur la
les choux n'occupent pas le terrain toute l'an- qualité du terrain; mais, dans la culture ma-
née, et qu'ils sont remplacés par une autre raîchère on lui préfère les autres variétés ,
récolte aussi avantageuse. parce que sa pomme, toujours peu serrée, est
très sujette à s'ouvrir, ce qui loi ôte toute va-
$ II. — Choufleur.
leur pour la vente. La plante est petite ses ;

Nobjardins potagers ont peu de produits aussi feuilles sont plus étroites que celles des autres
sains que le choufleur : sa culture, également choufleurs; le choufleur à pomme tendre con-
profitable au jardinier marchand et agrcnhlc vient particulièrement aux jardins bourgeois.
au jardinier amateur, réussit toujours avec un 2° Le ehoufleur a pomn.c demi -dure est le
peu de soin; l'ignorance des bons procédés, et plus cultivé, et, à tout prendre, le meilleur de
surtout la crainte de prendre un peu plus de tous; la plante est foric, à feuilles larges et
peine qu'on n'en prend d'ordinaire pour la longues, un peu lente à former sa pomme qui,
culture potagère loin desgrandes villes, sont les par compensation, se maintient plus longtemps
seules causes des mécomptes de beaucoup de que celle du choufleur tendre, et acquiert par
jardiniers des départements, qui pensent qu'en une bonne culture un plus gros volume.
faisant venir la graine de choulleur de Paris ou 3" Le choufleur à pomme dure est le moins

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190 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

cultivé dans les malais des environs de Paris, |


de mai, pour donner leur pomme à la fin de
parce qu'il occupe trop longtemps le terrain; I l'automne; ils ont contre eux les chaleurs pré-
il est aune lenteur desespérante à former sa coces, qui pourtant ne leur sont pas funestes
pommequi. une fois formée, devient plus grosse, quand on se donne la peinede les arroser suffi-
plus Manche et plus ferme que celle du ehou- samment. On sème une troisième fois du 15 au
lli ur demi-dur. Dans les jardins bourgeois, on 25 du mois d'août pour se procurer le |>lant
plante toujours quelques chouilcurs durs destiné à passer l'hiver les pommes provenant
;

d'arrière-saisuu ; ils succèdent à tous les autres de ce dernier semis se récollcnt les premières au
et résistent bien aux premiers froids, même en commencement de l'été de l'année suivante.
plein air.
C. — Rrpiquage.
B. — Srmii.
Le niant de choufleur passe rarement de la
La bouse de vaches, sans mélange de litière,
plate-bande sur laquelle il est né, à la place
est pour le choutleur, durant la première pé-
qu'il doit occuper jusqu'à son entier dévelop-
riode de sa croissance, le plus favorable de tous
pement , sans avoir été mis quelque temps en
les engrais. Les maraîchers des environs de
pépinière opération qui contribue dans tous
,
Paris n'en font point usage parce que leurs
les cas au succès de sa culture. Le plant des-
autres cultures laissent toujours assez d'espace
tine à passer l'hiver en pleine terre se repique
libre sur de vieilles couches épuisées qui font
en plaie-bande à l'exposition du midi ; il lui
le même effet pour les semis de choufleurs. Il
faut plutôt du terreau que du fumier, afin qu'il
n'en est pasde mêmedans les départements, où
ne soit pas surpris par le froid dans un état
bien des amateurs qui font la dépense de 2 ou
trop avancé de végétation auquel cas il serait
3 couches sont regardés par leurs voisins ,

exposé à fondre et à périr. On plante ordinai-


comme des prodigues en train de se ruiner.
rement par groupes très rapprochés les chou-
Dans les pays où les bêles à cornes sont en
fleurs repiqués pour qu'ils puissent recevoir
grand nombre, il est aisé de ramasser, soit
l'abri d'une cloche de verre; il vaut mieux ne
dans les étables, soil sur les pâturages, quel-
les abriter qu'avec des paillassons et leur don-
ques brouettées de bouse qu'il est bon de laisser
ner un peu plus d'espace. Le meilleur mode
sécher à l'air, afin de la pulvériser grossière-
de conservation du plant consiste à le repi-
ment avant de l'employer. Trois brouettées
3uer dans la bâche économique , en ayant soin
suffisent pour une planche de 4 mètres de long
e la découvrir la nuit comme le jour, tant
sur un mètre 50 de large, espace pour lequel
qu'il ne gèle pas car le plant est très .«ojei à
,
16 grammes de graine sont plus que suffisants.
s'élioler faute d'air (voir Bâche économique).
Les semis, quant à la distance des rayons et à
Les autres repiquages ont lieu quand le plant
la préparation du terrain, se font exactement
a atteint la hauteur de 0 m ,12 à 0 ,n ,15 le plant
comme les semisdechoux en rayons, avec cette ;

qu'on se propose de repiquer ainsi au prin-


seule différence que la bouse y remplace le fu-
temps doit recevoir très peu d'eau jusqu'au
mier, et que les rayons en doivent être rem-
moment du repiquage, et être ensuite fréquem-
plis, de manière à ce qu'on en puisse recouvrir
ment arrosé tant qu'il reste en pépinière ; il se
très légèrement la graine en rabattant la terre
repique, en lignes, à 0-,10 en tout sens.
de la crête des sillons celle graine ne doit pas
;

dire foulée (voir Choux). Lorsqu'on sème sur D. — Plantation.


couche sourde ou sur plate-bande garnie de
0 m ,l0 de bon terreau, il faut semer à la volée, La plupart
des choufleurs qui se mangent à
le plus également possible ; laquantité de graine Paris sont mis en place sur couche; c est le
est la même que pour le semis en rayons sur moyen le plus fréquent d'utiliser les couches
bouse de vache. L'altise n'est pas moins avide après qu'elles ont donné une récolte de melons
des cotylèdonsdu chouilcurquede ceux de tous ou d'autres produits qui les laissent libres de
les autres choux ; nousavons dit, en traitant de bonne heure (voir Culture forcée). La terre qui
la culture du chou, ce que nous pensons des convient aux choux convient également aux
moyens de détruire cet insecte qui multiplie choufleurs plantés en pleine terre ; ils se dis-
avec une prodigieuse rapidité. Les semis en posent en quinconce, à 0™,50 dans les lignes
sont d'autant moins endommagés que la végé- espacées entre elles de 0 m ,40. De quelque ma-
tation du plant est plus rapide; les semis en nière que le plant ait été élevé, il faut l'artacher
rayons sur bouse de vache équivalent, pour la de manière à ce qu'il emporte à sa racine le
promptitude de la végétation, à ceux qu'on lait plus possible de fumier ou de terreau la rapi- ;

sur les meilleures couches où l'on puisse semer dité de la plantation en assure le succès. A
la graine de clioufleur. moins que le temps ne soit excessivement hu-
On sème le choulleur à 3 époques principales. mide, on donne un lc§er arrosage pour atta-
la racine du plant a la terre ; puis on
laisse
Les premiers semis ont lieu à la fin de février cher
ou au commencement de mars ; ce sont les plus leplant manquer d'eau pendant une quinzaine
de jours. L'expérience a démontré qu'après
avantageux, mais le plant, quoique abrité, est
quelquefois détruit par les gelées tardives ; les avoir ainsi langui quelque temps , il donnait
chouileurs de ce premier semis se cueillent . plus promptement des pommes de meilleure
en automne. Les seconds semis se font à la fin |
qualité, et qu'il était moins sujet à borgner

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TITRE IV. CULTURKS N VriRF.LLFS. 191

que si on l'arrosait largement aussitôt après formées s'enlèvent avant les premiers froids
1 avoir mis en place. soit en motte, soit avec le plus de terre possi-
ble à la racine ; on les dégarnit de feuilles et on
E. — Détails de culture. les dispose côte à côte dans la réserve écono-
Les choufleurs demandent des arrosages mique, absolument comme les choux ( roir
d'autant plus abondants que la formation de Choux, conservation ). Ils continuent de gros-
leurs pommes est plus avancée; vers la Un, ils sir, sans toutefois atteindre au volume qu'ils
ne peuvent en recevoir moins de deux par auraient acquis en suivant le cours ordinaire de
jour ,et si la température est chaude ou leur végétation; mais comme ils dureront bien
très sèche il leur en faut bien trois ou quatre.
, plus avant dans l'hiver que ceux qu'on a cueil-
Dans ces arrosages, l'eau ne doit point être lis à parfaite maturité, ils se vendent toujours

versée sur la pomme, qu'il faut également pré- un bon prix, et sont une ressource précieuse
server de la pluie et du soleil dans ce but ; pour l'amateur d'horticulture. Les jardiniers
on la couvre avec une feuille prise sur sa tige. anglais ne repiquent pas les choufleurs qu'ils
On peut laisser choufleurs découverts la
les se proposent de conserver pendant l'hiver, ils
nuit , à moins que le temps ne soit à la pluie ; les sèment en place à bonne exposition dans ,

de ces précautions dépend en grande partie les premiers jours de juillet, à O m ,35 en tout
le succès de cette culture. Lorsque, par des sens, et les arrosent modérément pour obtenir
causes quelconques, la végétation du choufleur les premières pommes à la fin de septembre;
se trouve retardée à V arrière-saison ou que , c'est toujours le choufleur à pomme tendre
l'hiver devance son époque ordinaire, ce qui qu'ils cultivent de celte manière. Vers le pre-
n'est pas rare sous le climat inconstant de la mier novembre les pommes de ces choufleurs
France centrale, il est facile de hâter la forma- ont atteint leur développement complet; on les
tion des pommes de choufleur en déchaussant dépouille de leurs grosses feuilles; ils sont en-
chaque pied pour lui donner une poignée de su le levés en motte avec le plus de terre pos-
i

noir animal, qu'on recouvre de terre en tassant sible, et places à l'abri dans un lieu où ils ne
légèrement il faut dans ce .cas arroser
; plus puissent être atteints par la gelée le plus sou-
;

largement que de coutume. vent dans une cave exempte d'humidité. Nous
ne pensons pas qu'il soit nécessaire de s'abste-
F. — Conservation. nir de repiquer les choufleurs semés en juillet
Les plantations de choufleur doivent avoir pour arriver au même résultat ; la transplanta-
été calculées de manière à ce qu'en novembre tion qui hâte la formation des têtes ne peut
il y ait des planches prêtes à être récoltées, et être au contraire que favorable.
d'autres à peu près à moitié de leur végétation ;
c'est la provision d'hiver. Les choufleurs en-
G. — Frais et produit».

tièrement mûrs se conservent bien pendant un La culture des choufleurs offre toujours de
mois ou deux posés simplement sur des ta-
, très grands bénéfices quand elle est bien con-
ou dressoirs dans un lieu bien sec, où
blettes duite; les frais et les produits sont très dif-
ilsne puissent être atteints par la gelée. On ficiles à bien apprécier dans les environs de
peut aussi les suspendre, la tête en bas, à des Paris, parce que rarement un terrain leur est
clous disposés de manière à garnir les dres- consacré en entier et pendant toute l'année,
soirs dessus et dessous. Dans tous les cas , on ce qui complique les comptes du loyer et du
coupe la tige le plus près possible du collet de fumier. On plante les choufleurs à 0 m ,50en
la racine ,et l'on retranche les feuilles en leur tout sens; un arc de terrain en reçoit par
laissant 0 ,n ,08 de la côte qui les supporte. Lors- conséquent 20 lignes de 20 chacune, soit
qu'on veut les vendre ou les employer, il faut, 400 pieds de choufleurs. Le prix est à Paris
un jour ou deux d'avance, faire tremper les excessivement variable, de 10 à 60 c. ; quel-
tiges dans l'eau jusqu'à la naissance de la quefois un beau choufleur forcé, de grande
pomme ; ils sont alors presque aussi bons qu'au primeur, se vend jusqu'à 1 fr. 50 c. Une
moment de la récolte, pourvu qu'on les con- moyenne de 30 c. approche beaucoup de la vé-
somme immédiatement car s'ils attendent seu-
; rité comme prix de vente pour les jardiniers
lement 48 heures , ils fondent en cuisant et ne qui, ne consacrant à la culture du choufleur
laissent qu'un paquet de filaments dont il est qu'un espace borné, les obtiennent tous dans
impossible de tirer aucun parti. C'est ce qui leur plus grande perfection. Un are de chou-
arriverait infailliblement par suite d'une con- fleurs donne donc 120 fr. de produit brut réa-
servation trop prolongée. Les choufleurs au , lisé au milieu de la belle saison , lorsque le sol
bout d'un temps plus ou moins long, devien- peut encore porter, soit une seconde récolte de
nent hors d'état de reprendre leur fraîcheur, choufleurs, soit une ou deux autres récoltes
et restent nécessairement filandreux. Comme d'une valeur égale. Les frais sont, par approxi-
rien ne l'annonce au dehors, l'acheteur peut mation :

aisément y être trompé , mais il n'est trompé


qu'une fois, et le jardinier qui se respecte doit, loyer flfr.

même dans son intérêt, s'abstenir d'une fraude Ptaniff ts


M.nH-»IVnvn» 83
si coupable.
Les choufleurs dont les pommes sont à demi | Total 60

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192 IlOttTlfl'I.TURF.. uvnr vm.
«luire de 120 fr. de produit
a déd rut !reste
. . tivees en Angleterre; il est facile de s'en ro- ;

pourr bénéfice net, 60 fr. par are, ou pour 33 |


curer de la graine à Paris. Le brocoli, ave.- t'e?
arcs (ancien arpent de Paris) 1,980 fr. Les cul- soins convenables, peut rn
réussir partout
tures successives peuvent donner dans la même France; au sud de la Loire, il réussit mieux
année on profit aussi considérable que celui dei que le choufleur.
choufleurs ; on voit combien il est avantageux 1° Brocoli pourpre d'automne. Sa tête est
de faire entrer ce légume dans la rotation des d'un vert mêlé de violet on le sème en mai il
; ;

cultures maraîcbères de pleine terre. donne successivement ses lèles depuis la fin
d'août jusqu'au commencement de décembre.
Jlll.- Brocolis.
2° Brocoli pourpre hdtif. Il s'élève à près
Le brocoli, variété de chou qui offre avec le d'un mètre; il donne, outre sa tête principale,
choutleur la plus grande analogie, n'en est de petites têtes latérales dans les aisselles des
qu'une sous-variété. Considéré comme légume, feuilles qui sont comme les fleurs d'un vert
11 est préférable au choufleur sous le double clair mêlé de violet.
rapport de la délicatesse et du volume de ses 3° Brocoli pourpre nain. C'est le plus lent
têtes. Le brocoli, originaire d'Italie, est peu à croître de tous les brocolis ; il ne finit de
cultivé en France, non pas que sa culture olfre former sa tête qu'en avril et mai de l'année qui
plus de difficulté que celle du choufleur, mais suit celle où il a été semé; la niante tout en-
Sarce qu'il est moins généralement apprécié tière n'a pas plus de 0"\32 de hauteur; la
es consommateurs au goût desquels le jardi- pomme qui affecte une forme presque coni-
nier de profession est obligé de se conformer. que est assez grosse et d'un goût délicat.
On peut lui appliquer de tout point les procé- 4° Brocoli vert à tite serrée. Sa tête ne de-
dés de culture que nous indiquons pour le vient jamais très grosse; elle est d'un beau
choufleur, en lui réservant dans le potager la vert elle mûrit en janvier et février.
;

situation la mieux abritée et l'exposition la 5° Brocoli jaune soufre. Il se sème en avril


{•lus méridionale; il se conserve pendant pour donner ses têtes au mois d'avril de l'année
'hiver de la même manière que le chou et le suivante. Les jardiniers anglais le distinguent
choufleur quand il est tout formé à l'époque entre les meilleurs.
des premiers froids; mais un grand nombre 6° Brocoli à grosse tête. On le sème en mars
d'espèces n'achèvent de former leur tête qu'au pour obtenir sa tête à la même époque de l'an-
printemps de l'année qui suit celle où elles ont née suivante. Ce brocoli pousse avec beaucoup
été semées. Les brocolis les moins avancés à de vigueur; les pieds doivent être espacés à un
l'entrée "de l'hiver doivent être levés en motte mètre les uns des autres en tout sens.
avec le plus de terre possible ; on creuse à la 7° Brocoli de Porlsmouth. C'est le plus gros
même place un trou assez profond pour que la des brocolis connus ; les têtes ont souvent jus-
plante dégarnie de ses feuilles inférieures y qu'à 0 œ ,65 de circonférence; il doit être
puisse tenir à l'aise, en laissant seulement au comme le précédent, espacé à 1 mètre.
dehors la tête qu'on a soin de couvrir de litière 8° Brocoli à bractres. M. Knighl, célèbre
sèche pendant les gelées. Les brocolis ainsi horticulteur anglais, a obtenu récemment celle
traités végètent lentement pendant l'hiver, et belle variété; chaque ramification de sa tête est
terminent leur croissance au printemps. protégée par une bractée qui se rabat par-
Un habile jardinier anglais, M. Wood,qui dessus et la couvre presque en entier.
pendant 14 ans s'est occupé spécialement de 9« Brocoli de JJanemarck ou de Sibérie.
la culture du brocoli, a reconnu que le meil- Excellente variété tardive. Il serait à désirer
leur engrais pour cette plnntc consiste dans un que la culture de ce brocoli se répandil dans le
mélange de sable de mer et de crottin de che- nord de la France; elle résiste parfaitement en
val. Les jardiniers éloignés de la mer rempla- plein air, sans aucun abri, aux hivers les plus
cent facilement le sable de mer par du sablon rudes du climat de la Grande-Bretagne ses ;

fin arrosé d'eau salée. têtes, d'un vert pâle, ne le cèdent en rien nour
Le brocoli peut être cultivé sans transplan- le volume et la qoali lé à celles des autres bro-
tation, par semis en place. A cet effet on mar- colis.
que les places comme pour une plantation, à
0'",65 de distance en tout sens, et à un mètre § iv. — Pois.

pour les deux espèces les plus volumineuses. La culture des pois, même aux environs des
On sème quatre graines à chaque place pour villes qui absorbent d'énormes quantités de
pour
ne conserver que le pied le plus vigoureux, fwis verts, est une des moins lucratives
qu'on traite du reste comme du plant trans- e jardinier de profession ; il est probable qu elle
planté. serait depuis longtemps abandonnée, si ce lé-
Les Anglais, très amateurs de brocolis, en gume ne possédait au plus haul degré la faculté
ont un grand nombre de variétés, toutes déri- de croître et de fructifier sans aucune espèce
vées du blanc et du violet par des croisements |
d'engrais. Les pois cultivés avec une dose de
hybrides, soit accidentels, soit artificiels. Les fumier d'écurie semblable à celle qu'exigent
amateurs de cet excellent légume, trop peu ap- les autres légumes, poussent de larges feuilles,
précié en France, nous sauront gré de leur in- des tiges d'une longueur démesurée, et donnent
di.j er les meilleures espèces de brocolis col- à peine quelques fleurs stériles pour la plupart ;

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TITRE IV CULTURES NATURELLES. 193
c'est doncmeilleur produit pour lequel on
le
puisse utiliser les terrains qu'il est impossible c. — p ois h vcosser secs.
de fumer. Paris ne doit qu'à cette seule cir- Pour toute la France septentrionale et cen-
constance de litres de pois verts
les millions trale, le
gros pois vert normand à très grandes
livrés chaque année à sa consommation.
rames est celui qui produit le plus en sec; il
Parmi les diverses espèces de pois qui sont est
presque le seul employé à la préparation
l'objet de la culture jardinière, le plus des
grand larmes de légumes cuits. Dans nos
nombre est cultivé exclusivement pour sa graine départe-
ments du midi, ce pois ne résiste pas à la sé-
à demi formée : quelques-unes sont cultivées à cheresse; il est remplacé par le pois
la fois pour leur graine et pour la cosse qui
montant
la de Provence, dont le grain très gros est néan-
renferme; celle-ci étant dépourvue de parche moins assez bon, quoique moins délicat que
le
min intérieur, est mangeable, et donne aux pois pois vert normand. Le pois
qui la produisent le nom de mange tout. Enfin,
chiche, connu
dans nos départements du midi sous le nom
deux ou trois variétés ne sont cultivées que de
pois pointu, en raison de sa forme,
est un des
pour leur graine entièrement mûre; mais ces
p us recherchés pour manger en sec; on l'em-
dernières sont plutôt l'objet de la grande cul- ploie aussi réduit en farine; il
ne rame point et
ture que de la culture jardinière proprement dilferc tellement des autres plantes
dite.
du môme
genre qu'à la première vue on le prendrait dif-

A. — Pois à r'cosser.
ficilement pour un pois; contrairement aux
tres pois, il ne peut réussir qu'avec
au-
beaucoup
Pois de Marly. Si le goût ne devait pas
1. d engrais.
être le seul arbitre de la qualité d'un mets Les espèces que nous venons d'indiquer sont
nous dirions que le meilleur de tous les pois à les seules qui nous semblent mériter
d'être cul-
écosser, quant à la finesse de la saveur et à tivées; toutefois, le jardinier, pour
se confor-
l'abondance des produits, est le pois de Marly, à mer au goût des consommateurs, est souvent
grandes rames, espèce tardive qui n'est presque force d'adopter des variétés de pois
peu recom-
consommée que par le peuple, attendu qu'elle mandâmes en elles-mêmes. C'est ainsi qu'un
vient sur les marchés à une époque où les pois de nos confrères, placé près d'une petite ville
sont à si bas prix qu'ils ne peuvent plus figurer du Morbihan, fut tout désappointé, il a quel-
y
sur la table des riches. ques années, de ne pas trouver d'acheteurs pour
2. Pois Michaux. Cette espèce, que nous d'excellents pois Michaux dont il avait fait venir
mettons seulement au second rang, se place la graine de Paris. Les palais
peu délicats des
ordinairement en première ligne; la variété consommateurs bretons n'en appréciaient nul-
Erécoce à rames constitue à proprement parler lement le mérite; ils préféraient des pois durs
petit pois de Paris. Nous ne connaissons et coriaces, gros comme des balles de pistolet ;
î
à
ce pois d'autre défaut que sa propension à con- les autres, disaient-ils, fondaient en cuisant, et
tracter une amertume peu agréable quand il il ne restait rien à manger.
est
cultivé plusieurs années de suite dans le
terrain, surtout si ce terrain n'est pas
même D. — Choix de
de pre-
mière qualité; mats convenablement cultivé et Peu de semences sont plus exposées que les
intercalé entre d'autres cultures, pois secs aux atteintes des bruches, surtout dans
il est excel-
lent. Le Michaux nain de lesespèces de choix ; mais ces insectes ne s'en
Hollande, très re-
cherché comme précoce, a le défaut très grave prennent ordinairement qu'aux cotylédons, en
de produire fort peu. respectant le germe qui est apparemment moins
3. Pois de Clamart. C'est le meilleur d'entre
de leur goût, en sorte qu'on aurait tort de re-
les pois tardifs après le pois de Marlv. C'est jeter comme impropres à être semés les pois
celui qu'il faut semer lorsqu'on désire prolon- percés par les vers; la plupart du temps ils
ger les récoltes par les semis les plus tardifs. lèvent tout aussi bien que ceux qui n'ont point
À. Pois de Knight. Ce pois est tardif et très été attaqués. Le meilleur moyen de conserver
productif; il«est excellent, quoique un peu gros, aux pois leur faculté germinalive, c'est de ne
ce qui lui nuit pour la vente. les écosser qu'au moment de les semer, et de
garder les cosses pleines étendues sur un plan-
1*. — Pois mange-toitt. cher parfaitement sec.

La saveur et
les qualités de toutes les va- E. — Préparation du sol.
riétés de pois sans parchemin sont peu
diffé- Aucun "terrain ne convient mieux aux pois
rentes entre elles; le blanc à grandes cosses
est qu'un sol entièrement neuf, soit qu'il ait été
le meilleur pour la pleine terre
; toutefois, nous
récemment défriché, soit que pendant plusieurs
recommandons aux amateurs l'excellente va-
années il n'ait porté aucune récolte. Nous avons
riété connue en Bretagne, et particulièrement
à dit combien une fumure d'engrais récent d'é-
Nantes, sous le nom de pois sans parche,
par table ou d'écurie est contraire à la fructifica-
suppression de la dernière syllabe. Nous avons
tion des pois quand le sol semble trop maigre,
;
trouvé ce pois préférable môme au mange-tout
le .seulengrais qui influe d'une manière efficace
blanc à grandes cosses; il est seulement un
peu sur production des pois, est le terreau de
la
"••productif.
feuilles mortes ou tout autre terreau de nature
OBTrCCI.Timt
t. v. — 85
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194 HORTICULTURE. LIVItE VIII.

purement végétale, appliqué soit seul, soit en mière. Les pois de Sainte-Catherine gèlent tou-
mélange avec des cendres de bois, de tourbe jours pendant l'hiver, mais non pas jusqu'à la
ou de houille. racine dès les premiers beaux jours de la fin
;

Les cendres de toute espèce, mais principa- de février, deux tiges latérales remplacent de
lement les cendres de bois, conviennent très chaque côté la lige principale atteinte par la
bien aux pois et activent leur végétation avec gelée. Excepté dans quelques localités privilé-
beaucoup d'énergie. Le meilleur moyen de les giées, ces tiges sont toujours peu productives;
employer à cette culture consiste à les répan- c'estune culture d'amateur, sur les produits de
dre sur le sol après qu'il a reçu deux façons à Inquelle le jardinier de profession ne peut pas
la bêche ; on enterre alors les cendres par un compter.
léger hersage au râteau, et l'on sème immédia- Les seconds semis, presque aussi aventurés
tement. Mais, pour opérer de cette manière, il que les premiers, se font dans les premiers
faut posséder une assez grande quantité de |
jours de février ; on les nomme communé-
cendres, car, pour en obtenir un résultat sen- i ment pois de la Chandeleur. On y emploie les
sible, il n'en faut pas moins de 15 à 20 lilres mêmes espèces que pour les semis de la Sainte-
par are. Si l'on n'en a qu'une quantité médio- Catherine ils ont en générai un peu plus de
;

cre à sa disposition, il vaut mieux ne pas ré- chances de succès que les premiers. Comme
pandre les cendres sur tout le terrain et les ré- primeur, leurs produits ne sont guère devancés
server pour les appliquer sur la semence nu par ceux des autres que de quelques jours, après
moment de la recouvrir. Dans les pays exposes un hiver doux ; quand l'hiver a été rigoureux,
à des pluies surabondantes, on assure l'égoul- les seconds semis remplacent les premiers qui
tement du sol destiné à la culture des pois, en sont entièrement perdus.
Je fortnant en gros billous dont on creuse légè- Ces époques ne sont que de simples indica
rement la crête pour y semer des lignes de pois ; lions peu précises; il arrive souvent à Paris
dans le midi, au contraire, on façonne toute la que les froids les plus rudes viennent en février ;
surface du sol en rigoles, au fond desquelles on nous avons vu bien des fois la Seine prise pen
sème, afin de mieux préserver les pois des ef- dant ce mois justifier le proverbe A la Chan-
:

fets de la sécheresse. deleur, grande duulrur. Dans ce cas, on ne


peut semer les premiers pois en pleine terre
F. — Semis. qu'à la fin de février.
On sème les pois, soiten lignes espacées L'époque la plus générale des semis de pois
entre elles de 0 m ,l6 àO",32, selon les espèces, en pleine terre, à toute exposition, commence
soit par touffes espacées dans des propor- à la fin de mars et dure jusqu'à la fin d'avril
tions analogues. La première méthode convient (de la Saint-Joseph à la Saint-Marc). On peut
mieux aux nois nains qui n'ont pas besoin d'ê- continuer à semer des pois de quinze en quinze
tre ramés ; la seconde s'applique de préférence jours, pendant tout l'été, en ayant soin de ré-
aux pois à rames. Dans les localités où l'excès server les pois de Clamart et ceux de Mark
de l'humidité est à craindre, les semis en lignes pour les derniers semis. Les autres espèces lè-
valent mieux pour toutes les espèces, ramées vent, poussent et même fleurissent aussi bien à
ou non, parce qu'il s'établit toujours entre les l'arrière-saison qu'au printemps mais leurs
,

lignes des courants d'air qui facilitent l'évapo- fleurs sont presque loutes'stériles. Les pois,
raiion. On a soin de donner aux lignes la di- même ceux des espèces tardives, ne peuvent
rection la plus conforme à celle des vents qui être semés plus tard que la fin de juillet, encore
régnent ordinairement dans la contrée. Les ceux qu'on sème dans la dernière semaine de ce
pois de toute espèce doivent au contraire être mois sont-ils fort exposés les nuits froides de
:

semés par touffes plutôt qu'en lignes, dans les l'arrière-saison , même lorsqu'il ne gèle pas,
lieux ou ou
1 Les
craint l'excès de la sécheresse. suffisent pour arrêter la fécondation des fleurs
touffes conservent mieux l'humidité au pied des et rendre nulle la récolte des pois confiés trop
liantes réunies plusieurs ensemble. Dans ce tard à la pleine terre.
Lut, on fait les trous plus profonds qu'il n'est
nécessaire, pour qu'après avoir recouvert suf-
G. — Détails de culture*

fisamment les pois, il un rebord saillant


reste La première partie de la culture des pots est
•qui puisse servir à butter les pois quand ils ont la plus importante; quand ils ont été semés
atteint la hauteur de 0"',10. Par ce moyen, la convenablement dans un sol bien préparé, le
racine est préservée plus longtemps possible
le succès en est certain. Les pois de toute espèce
«des effets du manque d'humidité. ont besoin d'un binage lorsqu'ils atteignent la
Sous le climat de Paris, on sème les premiers hauteur de 0 m ,10 à 0 ,U ,15; avant de les biner,
po'K, vers le 25 novembre, sur plate-bande ou si le sol est maigre et que la végétation semble
cornière bien abritée, à l'exposition du midi on ; languissante, on peut leur donner au pied un
les somme vulgairement pois de Sainte-Cathe- peu de terreau ou de cendres qu'on enterre par
rine. Le pois de Hollande et le pois Michaux à le binage Les pois nains veulent être bines
rames sont les meilleures espèces pour les se- deux fois à quinze ou vingt jours d'intervalle.
mis destinés à passer l'hiver en pleine terre la ; Les pois à rames ne peuvent guère être bines
seconde de ces deux espèces nous a toujours qu'une fois, parce que les rames une fois pla-
paru, -quant au produit, préférable à la pre- cées s'opposent aux binages successifs.

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TiTtti: n. Cl LIT K ES NAIT K ELLES. 195

On doil pincer les pois des premiers se- mais c'est un profit des plus aléatoires. Ainsi
mis quand ils sont en fleurs, afin d'en liftier que nous l'avons dit la culture des pois en,

(a fructification. Cette opération consiste à en- grand ne paierait pas ses frais si elle n'utilisait
lever les sommités des tiges pour les empêcher des terrains momentanément impropres, faute
de s'emporter, et faire tourner toute la sève au d'engrais, à d'autres cultures; elle offre aussi
profit de« fleurs développées les premières à la l'avantage d'une récolte réalisée assez tôt pour
Kartie inférieure des plantes. On diminue ainsi être suivie d'une autre plus productive avant
l production, mais on gagne du temps, et c'est la fin de la saison. Dans la grande culture, les
beaucoup quand on cultive pour les marchés frais sont diminués de 50 fr. parce qu'on n'em-
des grandes villes. A Paris, il n'est pas rare de ploie point de cendres; le sol est aussi rare-
voir les pois vendus 5 et 6 fr. le litre le lundi, ment loué sur le pied de 300 fr. l'hectare. Mal-
ne valoir que 50 à 60 c. le samedi de la même gré tout cela, il reste sur la culture des pois
semaine; les premiers arrivés ont done un im- en pleine terre très peu de bénéfice réel {voir
mense avantage, et l'ahondance des produits Culture forcée).
n'est plus, dans ce cas, qu'une considération
importance tout-à -lait secondaire. § V. — Fèves.

Lorsqu'on veut cultiver sans rames des pois Les fèves sont peu cultivées dans les jardins
destinés à être rames, on peut y suppléer jus- du nord et du centre de la France à Paris, ce ;

qu'à un certain point en couchant sur le sol les légume ne ligure sur les bonnes tables que
tiges lorsqu'elles commencent à fleurir; leur comme primeur il est du reste classé parmi les
;

extrémité se relève d'elle-même elle se sou- ; légumes communs traités en grande culture.
tient mieux et produit davantage que si la Dans tout le midi de la France les lèves sont, au
plante n'avait point été couchée. Il suffit pour contraire, l'un des légumes les plus recherchés ;
cela de maintenir les pois avec des houts de néanmoins nous n'avons rencontre presque
lattes ou de treillage. Ce mode de culture ne partout dans les jardins du midi, que la va-
peut être recommandé; lorsqu'on manque de ra- riété de fève cultivée aux environs de Paris
mes, il ne faut cultiver que des pois nains nous ; sous le nom de levé de marais plusieurs autres ;

l'indiquons seulement comme un moyen de ren- fèves seraient cependant préférables à la fève
dre l'absence de rames moins desavantageuse. de marais pour l'usage qu'en font les méridio-
Les jardiniers qui emploient, à la récolte des naux qui les mangent crues, sans aucun assai-
pois, des femmes à la journée, doivent veiller sonnement. En Angleterre, où les fèves se man-
avec soin à ce quelles ne déracinent pas les gent cuites, comme à Paris, on cultive plusieurs
plantes qui adhèrent fort peu au sol à cette variétés de ce légume ; on estime particulière-
époque de leur végétation. ment les fèves précoces, et, parmi celles-ci,
celles dont le grain reste petit et l'enveloppe
H. — Frais et produits. tendre assez longtemps pour qu'on en puisse
FRAIS.
jouir à l'état frais pendant six semaines.

Location de 33 are*, à 300 fr. l'hectare . . . . lOOf A. iuix des espèces.


Semeuces, 100 litres à »0 c 90
doit être déterminé d'après le goût de»
11
Cendres. 80
Uaiu-d'œuvre 120 consommateurs quand on cultive pour le mar-
ché ; nous n'avons à indiquer ici que les espèces
Tôt»!. ...... 360 jardinières.
1 . Fève de Mazagan ou de Portugal. Le nom
,

L'article main-d'œuvre comprend les la-


de cette fève est cilui d'un petit établissement
bours, les binages et la récolte. Pour les pois à que possédaient autrefois les Portugais sur la
rames, il faut ajouter environ CO fr., montant côte d'Afrique, près du détroit deGilbraltar. La
de l'intérêt et du dépérissement des rames, ce fève de Mazagan reste toujours petite; c'est la
qui porte le total des frais à 420 fr.
plus précoce et en même temps la meilleure de
toutes. En Angleterre, elle perd en quelques
PRODUITS.
générations sa précocité; les relations fréquentes
On ne peut guère obtenir de 33 ares de bon entre l'Angleterre et le Portugal permettent de
terrain au-delà de 1,200 litres de pois écossés renouveler la semence en la tirant de son pays
vendus en pleine saison de 40 à 50 c, moyenne natal.
45 c; c'est un produit total de 540 fr., qui ne 2. Fève verte de Gênes. Elle est seulement
dépasse les frais de culture des pois à rames que un peu moins précoce et un peu plus grosse que
de 120 fr. ce qui ne laisse qu'un bénéfice net
, la précédente ; c'est une des meilleures à man-
très incertain et très minime pour le jardinier. ger crues; elle est peu productive, chaque stli-
Il arrive très souvent qu'on obtient à peine de que ne contenant au plus que 3 fèves, et bien
33 ares 800 à 900 litres, les frais restant les souvent deux seulement.
mêmes. Tout l'espoir d'un profit quelconque 3. Fève verte de la Chine. Elle diffère peu,
réside uniquement dans le prix élevé qu'on quant au goût, de la fève de Gênes, mais elle
peut obtenir des 50 ou 60 premiers litres de la est très tardive. La fève verte de la Chine reste
récolte, susceptibles d'être vendus depuis 6 jus- toujours d'un beau vert, même quand elle est
qu'à 3 fr., en moyenne 5 fr. 50c., soit 275 fr.; mûre et sèche, couleur qu'elle conserve en cui-

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HORTICULTURE. LIVRE VIII.
IDG

sant ; dans une terre fertile elle est très pro- à déplacer au besoin à défaut de paillassons,
,

ductive. on peut employer des rames à pois sur les-


i. Fève à fleurs rouges. Elle se recommande
quelles en jette de la litière sèche pendant les
froids rigoureux.
par sa précocité; sa saveur particulière, très
[>rononcée, n'est pas du goût de tout le monde ; Les sommités des fèves doivent être pincées
es Anglais, qui pourtant font grand cas de cette au moment de la floraison pour empêcher la
fève, 1 ont surnommée avec raison earhj asper,
fleur découler; l'impossibilité de pratiquer cette
opération dans la grande culture explique seule
âpre et précoce.
Windsor. Elle est connue en la différence énorme du produit des lèves trai-
5. Fève de
France sous le nom de fève à longues cosses. tées en plein champ, comme toute autre ré-

Dans la culture en grand, elle mérite une pré- colte agricole, et des fèves cultivées dans les

férence exclusive, parce qu'elle est aussi bonne jardins.


En Angleterre on souvent marcher de
et d'un tiers plus productive que la fève de ma-
fait

rais, qu'on lui préfère sans autre motif que


front la culture des fèves et celle des pommes
l'habitude. de terre jardinières sur le même terrain ; dans
6. Fève en éventail. C'est la plus petite de ce cas on donne aux lignes de pcwimes de terre
toutes les fèves et l'une des meilleures. Elle ne
un mètre de dislance; les lignes de lèves s'éta-
,n blissent au milieu de cet intervalle, non par
dépasse jamais la hauteur de 0°»,t5 à 0 ,20 ;
elle pousse du pied des tiges latérales qui attei-
semis, mais par repiquage ; les jardiniers an-
glais considèrent la fève comme aussi facile à
gnent presque la hauteur de la tige principale,
transplanter que le chou, la salade, ou toute
et donnent à l'ensemble de la plante la forme à
laquelle elle doit son nom. Cette fève n'est autre plante du même genre.
point assez productive pour le jardinier de pro- Pour les vrais amateurs de fèves, tels qu'il
fession ; le jardinier amateur ne peut en choisir s'en rencontre beaucoup en Angleterre et dans
le midi de la France, les fèves tardives ont au-
une plus agréable au goût et plus curieuse par
son aspect bizarre ; elle est la plus avantageuse tant de prix que les précoces; on les rend aussi

à forcer sans châssis comme grande primeur. tardives que possible en coupant au niveau du
sol toute la plante au moment où elle commence
B. — Détails de culture. à fleurir. Si l'on a soin ensuite de l'arroser lar-
fève, quelle qu'en soit l'espèce, a besoin de
La gement pendant les chaleurs de l'été, la plante
beaucoup d'espace; sif lie est remée trop serrée, reforme promptement une ou plusieurs tiges
que l'air ne circule pas librement autour de qui fleurissent et fructifient à l'arrière-saison;
et
chaque plante, elle s'allonge outre mesure, elle ce traitement peut s'appliquer avec succès à
fleurit très peu, et ses fleurs ne tiennent pas, de
toutes les espèces de lèves, pourvu que la sup-
sorte qu'onn'obtientqu'unerécoltede fourrage. pression des premières tiges soit faite assez tôt
Dans la culture jardinière, on sème par touffes pour laisser aux secondes le temps de porter
à 0 m ,25 de distance dans un sens et 0 m ,50 dans fruit. La plupart des variétés précoces peuvent

l'autre; les espèces naines précoces ont besoin, n'être retranchées (ju'après avoir donné en
pourètreproductives,de presque autant d espace
1
vert une première récolte ; si l'automne se pro-
que les plus grandes. On sème en novembre les longe, on peut espérer en novembre une se-
conde récolte égale à la première.
fèves précoces, au pied d'un espalier au plein
midi; il suffit de les abriter sous des paillassons § VI. — Haricot.
pendant les fortes gelées. Si l'on ne seme qu'un
La culture de ce légume, introduit depuis la
rang ou deux très près du mur, il sullit pour
plus haute antiquité de ITndo, son pays natal,
les abriter d'un seul rang de paillassons
appuyés contre le mur, comme le montre la dans le midi de l'Europe, est une des plus pro-
ductives de toutes celles que peut pratiquer un
fig. 3Ôji.;sidans la crainte de nuire aux ar-
jardinier. Aux portes d'une grande ville, les
Fig. 305 lis. siliques à demi formées,si connues sous le nom

de haricots verts, obtenues presque toute l'an-


née par la culture artificielle, sont pour f hor-
ticulteur-marchand la plus avantageuse et la
moins aventureuse des primeurs; dans les lieux
éloignés des grands centres de consommation,
le grain récolté sec est d'une conservation fa-
bresen espalier, on sème les fèves plus près du
cile ; il se transporte aisément et trouve partout
bord de la plate-bande, on les couvre pendant
des acheteurs. Peu de plantes légumineuses ont
les gelées sous deux rangs de paillassons, dis-
été plus diversement modifiées par la culture ;
poses comme le représente la fig. 306. Ce
chaque grande division de notre sol possède sa
Fig. 306. variété de prédilection qui dégénère plus ou
moins en se déplaçant. Nous indiquerons les
principales, en groupant séparément les hari-
cots dont on recherehe particulièrement le
grain, soit frais, soit sec, ceux qui se mangent
genre d'abri est le plus facile de tous à placer et seulement en vert, et ceux dont la cosse restant

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 197

verte et tendre jusqu'au moment où le grain est turc, dans des circonstances où tout autre ha-
entièrement formé, sont désignes sous le nom ricot refuserait de croître.
de mange-lout. Cette division, fondée sar les Les meilleures variétés de haricots à écosser,
usages économiques des diverses variétés de après ceux qui précèdent, sont le flageolet des
haricots, nous semble mieux adaptée à l'horti- environs de Paris, le gris de Bagnolet, le rouge
culture que la division hasée sur des caractères d'Orléans, le rouge de Suisse, le ventre-de-
botaniques par M. deCandolle, et celle qu'on biche, connu dans l'ouest sous le nom de pois
suit généralement dans les traités de jardinage, de savon, enfin le blanc d'Amérique et le mo-
comprenant en deux sections les haricots à hawk , variété nouvellement introduite , qui
rames et les haricots nains. parait être excellente.

A. — Haricots à écosser, B. — Haricots verts.

1 Haricot de Soissons. Nous devons placer


.

Tous haricots, à l'exception de ceux


les
en première ligne le haricot de Soissons; ce
d'Espagne et du Pérou dont la cosse est recou-
n'est point, à proprement parler, une variété
verte d'une peau chagrinée, peuvent être man-
commun à grain
distincte, c'est le haricot blanc
gés en vert, de même que tous les haricots verts
plat. Mais, dans l'arrondissement de Soissons
peuvent être consommés en sec ; mais quelques
(Aisne), une culture très soignée, dans un sol
espèces sont plus spécialement recherchées
particulièrement favorable, a porté très ancien-
pour la délicatesse de leurs siliques vertes
nement le haricot à son plus grand degré de
1 . Haricot nain de Hollande. Les jardiniers
perfection ; en sorte que, partout ailleurs, la
des environs de Paris ne cultivent presque pas
même variété, quoique très bonne, est infé-
d'autre variété pour grande primeur, depuis
rieure au véritable haricot de Soissons. On cul-
qu'ils ont reconnu, qu'à égalité de frais et de
tive dans l'Aisne les deux variétés du haricot
soins , ce haricot devance toujours les autres
blanc commun l'une à très grandes rames
,
de 8 à 10 jours.
l'autre naine et très basse; la première est de
2. Haricot nègre de Touraine. C'est un ha-
beaucoup la meilleure.
ricot nain aussi bon que le précédent pour être
2. Haricot sabre. Il doit son nom à la forme
mangé en vert, mais beaucoup moins hûtif. Il
et à la longueur de ses rosses qui atteignent
faut le cueillir très fin il perd une partie de
souvent la longueur de O^ô à 0"',30. On en ;

sesbonnes qualités lorsqu'on laisse prendre aux


connaît deux variétés, l'une à grandes rames,
siliques vertes trop de développement.
l'autre naine. Leurs produits sont également
3. Haricot nain jaune du canada. Il se re-
bons; mais le haricot sabre nain offre l'incon-
vénient fort grave de ne pas soutenir ses cosses,
commande par l'absence des filaments et de la
membrane intérieure ou du parchemin qui se
qui en raison de leur longueur, traînent sur le
,
rencontre dans les siliques des autres espèces
sol et
y pourrissent, pour peu qu'il soit humide :
quand le grain commence à s'y former.
on ne peut donc le cultiver avec succès que sur
un sol parfaitement sain. Le haricot sabre à C. — Haricott mange-tout.
grandes rames est au moins égal au haricot de
Soissons, quoiqu'il ne soit pas aussi générale- 1. Haricot prudhomme ou predomme. C'est
ment estimé. En Belgique et dans le nord de la le mange - tout le plus complètement digne de
France, on coupe en minces lanières sessiliques ce nom ; ses siliques restent tendres et char-
avant que le grain n'y soit formé; elles se man- nues jusqu'au parfait développement de la
ent ainsi, soit fraîches, soit conservées avec graine qui d'ailleurs, récoltée sèche, réunit
5 u sel ; c'est une ressource précieuse pour toutes les qualités des meilleurs haricots, mais
l'hiver. on lui donne rarement cette destination. En
3. Haricot blanc d'Espagne. Ce haricot, le Belgique on cultive, sous le nom de haricot
plus productif de tous, quoiqu'il ne soit pas le princesse, une excellente variété de haricot
plus délicat, a contre lui sa susceptibilité à l'é- prudhomme.
gard du moindre froid qui le fait périr en un Haricot rouge de Prague. Il est presque
2.
instant, et la nécessité où l'on est de lui donner aussi productif mais un peu moins délicat que
de irès fortes rames, ce qui rend sa culture très le précédent
; l'un et l'autre ne réussissent bien

coûteuse. Néanmoins, même sous le climat de que dans un sol très riche et frais; en terre
Paris, sa culture offre de très grands avantages ;
sèche et maigre ils donnent peu et deviennent
son grain très volumineux est le plus profitable coriaces.
de tous pour la préparation des farines de légu- Celte liste pourrait être beaucoup plus nom-
mes cuits dont l'usage devient de jour en jour breuse ; nous croyons devoir nous borner aux
plus commun en France. espèces et variétés réellement recommandâmes
À. Haricot gris rayé. Tous nos départements et dignes d'être cultivées. Les haricots de Lima
de l'ouest, comprenant l'Anjou, le Poitou, le et du Cap, actuellement assez répandus dans
Maine et l'ancienne Bretagne, ne connaissent nos jardins, n'y peuvent occuper une grande
presque pas d'autre haricot-, on l'y nomme place , tant qu'on n'en aura pas obtenu par la
puis gars. Quoique peu productif, il convient culture une variété moins sensible au froid ; il
au climat de ces contrées et au caractère des leur faut un espalier en plein midi, même dans
habitants, en ce qu'il vient presque sans cul- nos départements des bords de la Loire; ils ne

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198 IïOi.TICLLTUUE. LIVRE VIII.

réussissent en plein champ que sur nos fron- un moindre degré; on applique ces engrais
tières méridionales. directement sur la graine avant delà recouvrir

de terre. Leur effet principal consiste à rendre


Haricots à très grandes rames. solubles les substances végétales que contient
! d'Espagne blanc el violet. le sol, et à en faire profiter fa plante; c'est, pour
ainsi dire, lui faciliter la digestion des aliments
thrr. que la terre peut lui fournir.
prndb Nous recommandons comme excellent dans
la pratique le procédé suivi par les maraîchers
Haricott à rames moyenne*.
des environs de Paris, pour les semis de hari-
(ronge de Prague, cots en plate-bande au pied des murs d'espalier
savon, on *enlre-de-birbe.
à l'exposition du midi. On sait que le moindre
riz.
froid tardif détruit les haricots, qui ne sup-
Haricots nains. portent pas la température inférieure à zéro ;
il arrive donc très souvent que les semis trop
nain de Hollande.
hâtifs sont faitsen pure perte. Afin d'obvier àcet
flageolet.
inconvénient, on répand sur le sommet d'un
|

nègre de Tournitie.
Haricot nain jaune dn (blinda tas de fumier quelnucs centimètres de bon ter-
gri* rayé (poi» gar» de Bretagne) reau ; l'on y sème les haricots très près les uns
'blanr. d'Amérique. des autres, et l'on humecte légèrement j en peu
Blobawk. de jours les haricots lèv ent. Si le temps se mon-
tre propice, quelques arrosages favorisent l'ac-
CULTURE DU HARICOT. tion de la couche, les haricots prennent leurs
premières feuilles en très peu de jours. Ils sont
D. — Ptf'paration dit sol.
alors bons à repiquer en place, en lignes, à
Un ou deux labours préparatoires et une fu- bonne exposition. Mais si i'ciat de la saison
mure composée d'engrais consommé suf- Wn fait craindre quelques gelées, on s'abstient d'ar-

fisent au haricot lorsque le sol est de bonne roser les semis de haricots et on les recouvre
qualité; s'il est maigre ou trop compacte , c'est de quelques centimètres de litière sèche. Ils
une excellente précaution que de façonner en bravent en cet état une gelée de 2 ou 3 de-
gros billons, avant l'hiver, la terre* qu'on se grés; leur végétation est en quelque sorte sus-
propose d'ensemencer en haricots au printemps. pendue au premier beau temps on la ranime
;

Le haricot peut occuper 3 ou 4 ans de suite le en un moment en découvrant et arrosant à pro-


même sol, sans qu'on remarque une diminu- pos. Les haricots, ainsi repiqués, devancent
tion sensible soit dans la quantité, soit dans la
, toujours ceux qu'on sème en place dans les
qualité de ses produits. mêmes conditions. Ce procédé, très simple,
évite toute chance de perdre la semence par une
E. — Sent s.
gelée imprévue, sans occasionner aucun retard
Il comme l'ont assuré
n'est point indifférent, préjudiciable à la vente des prodoits. L'époque
quelques auteurs, de semer le haricot en touf- des premiers semis de haricots en pleine terre
fes ou en lignes. La première méthode conser- varie d'année en année, selon la température;
vant mieux l'humidité du sol, est préférable on peut regarder la semence comme perdue
partout où le climat et la nature du terrain lorsque le haricot, sorti de terre, peut être at-
font redouter une trop rapide évaporalion ; en teint par la plus petite gelée blanche. On peut
Belgique et en Hollande, où l'humidité est tou- ensuite semer successivement tout Tété, de 15
jours surabondante au point que quelquefois la en 15 jours, jusqu'au mois d'août. Les semis
fleur du haricot ne peut nouer, on favorise de ce dernier mois ne donnent que du haricot
l'évaporation par les semis en lignes. vert.
Les semis par touffes se pratiquent dans des
fosses disposées en quinconce. On place dans
F. — Détails de culture.

chaque trou, profond de 0 m , 1 0, depuis 3 jusqu'à Les haricots de toute espèce doivent être bi-
7 haricots selon la vigueur des espèces ; cha-
, nés dès qu'ils ont pris leur quatrième feuille,
que trou est rempli de la terre prise dans celui ou même plus tôt, si la terre a été battue par les
qui le suit. L'espace entre les lignes de trous pluies, puis durcie par la sécheresse. Les va-
m
varie de 0 m 16 à 0 ,32. Lorsqu'on ne dispose
, riétés montantes reçoivent alors leurs rames ;
que d'une petite quantité d'engrais pour la cul- si l'année s'annonce'comme devant être plutôt

ture du haricot, on peut se dispenser de fumer humide que sèche, et que la végétation des
la terre en la labourant, et réserver l'engrais haricots semble languir on fera bien de ré-
,

pour le placer dans les trous, en même temps pandre au pied de chaque touffe un peu de
que les haricots au moment des semis. A défaut cendre ou de bon terreau sec, qu'on recouvrira
ae bon fumier, la cendre de bois, même en par un léger buttage. Cette opération doit être
très petite quantité, produit sur la végétation faite avec d'autant plus de soin qu'une fois les
des haricots un effet très énergique. Les cendres rames mises en place il est difficile de la re-
,

de tourbe, et même celles de houille , grossière- nouveler.


ment tamisées, sont également utiles, quoique à Dans les pays exposés aux vents violents, on

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TITIIL XV CULTURES NATURELLES. 199

incline lesrames , au lieu de les planter verti- La fleur du haricot est fort peu adhérente ;

calement, et Ton ajoute à leur solidité en les elle se détache aisément, surtout quand la,
croisant et les liant deux à deux près de leur plante a souffert de la sécheresse. Il importe!
sommet, comme le représente la fig. 306 615. Il donc beaucoup de ne pas lui imprimer de trot;;
fortes secousses pendant la récolte du hari-!
Fig. 3ug4«.
cot vert, récolte qu'on commence quand la
plante est encore chargée de fleurs. Les femmes
chargées de ce soin aux environs de Paris
laissent croître pour cet usage l'ongle de leur
pouce, en sorte qu'elles coupent net le support
du haricot vert, sans ébranler la plante. Ces
détails ne doivent point sembler minutieux,
car les produits peuvent être diminués de plus
de moitié, à frais égaux, faute de précautions
suffisantes dans la manière de les récolter.
Dans nos départements méridionaux où les
haricots font constamment partie de la nourri-
ture des habitants des campagnes, des essais
suivis d'un plein succès ont démontré la possi-
bilité de cultiver très en grand les haricots
d'Espagne, de Lima et du Cap, dont les racines
sont vivaces. Il suffit de les butter après la
récolte, et de les préserver de la gelée avec de
est bon de charbonner les rames par l'extrémité la litière ou des feuilles sèches ; les rejetons
qui doit séjourner en terre afin d'en prolonger
, qu'elles produisent au printemps sont aussi
la durée. Les perches de chêne et de hêtre sont productifs que les haricots semés chaque an-
les meilleures pour les haricots de grandes di- née il y a économie de main-d'œuvre, et l'on
;

mensions ; elles ne doivent pas avoir moins de épargne la semence. Pour répéter cette expé-
2 mètres à 2 m ,50 hors de terre. Les perches de rience sous le climat de Paris, il faut arracher
pin, moins coûteuses que les autres, mais aussi à l'arrière- saison les racines des haricots vivaces
moins durables, peuvent les remplacer, pourvu après avoir retranché les tiges desséchées, les
qu'on les dépouille de leur écorce gercée , car conserver à la cave dans du sable frais, les
les tiges sarmenteuses du haricot aiment à s'en- replanter à la fin d'avril, et leur donner dn
rouler sur une surface lisse; elles languissent reste les mêmes soins qu'exigent les haricots
sur une écorce rude et rugueuse. annuels.
Les haricots nains veulent être binés au
FRAIS.
moins deux fois , et trois ou quatre fois quand
la séc heresse se prolonge et qu'il est impossible sont peu considérables lorsqu'on traite le
Ils
de les arroser. Noos ne pouvons trop insister haricot en grande culture, et qu'on laisse au
sur ce fait trop peu apprécié des horticulteurs, ciel le soin de l'arroser, mais aussi, les produits
que les binages réitérés suppléent jusqu'à un sont réduits dans une proportion équivalente.
certain point au défaut d'eau. On ne peut nier 1. Haricots nains non arrosés. Nous les sup-
qu'une terre absolument desséchée ne soit im- posons assez près d'une ville pour pouvoir être
propre à toute espèce de végétation ; mais c'est vendus en partie en vert, en partie en grain
un préjugé de croire qu'en remuant fréquem- frais écossé et le surplus en sec ainsi que cela ,

ment sa surface on augmente les effets perni- se pratique dans les villages à quelque dis-
cieux de la sécheresse. L'expérience prouve au tance de la capitale ; voici par approximation
contraire que les racines des plantes, surtout les frais pour 33 ares ( un arpent de Paris, an-
celles qui, comme les racines du haricot, ne cienne mesure) :

pénètrent pas très avant dans le sol souffrent


,

moins de la privation d'eau , lorsqu'on ne per- Localiou du lerrain, à raison de 300 fr. l'hecl. loor
met pas à la surface du sol de se durcir et Deu* labours, dont un à la bêche 40
qu'on donne accès aux influences atmosphéri- Fumitrret cendres iso
Srmeuce, un hectolitre 40
ques toujours si puissantes sur toute espèce de
Sentis el binages 40
végétation. Ainsi , dans un sol sec et qui n'a
Récolte
ris été biné, les racines sont comme
étranglées
leur collet: la plante devient malade; les Total
feuilles, qui devraient lui puiser sa principale
nourriture dans l'atmosphère, sont troublées 2. Haricots nains arrosés. Ce mode de cul-
dans leurs fonctions par l'état maladif des ra- ture n'est avantageux qu'aux portes d'une
cines ; il en résulte trop souvent la mort du grande ville ; la presque totalité des produits se
végétal , détruit bien moins par la sécheresse vend en vert ; rarement on en rencontre plus
en elle-même que par le défaut des soins de de 8 ou 10 ares traités de cette manière dans
culture, destines à en combattre et à en atté- un seul jardin.
nuer les fâcheux effets. *

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200 HORTICULTURE. LlVftE «m.

Location du terrain ( 33 arcs) 100 1


faite des frais montant à 680 fr., il reste
Deux labours à la bècbe 60 420 fr. 55 c. de bénéfice net. Ce serait sur le
Fumicv et cendres 1 60
pied de 1,261 fr. 65 c. de bénéfice net par hec-
Semences «0
tare, mais rarement on consacre à cette culture
Semis et binages 60
1B0
un aussi grand espace à la fois. Il ne faut pas
Arrosages
100 perdre de vue qu'elle commence tard et finit de
Récolle
Bonne heure ; en sorte qu'elle est précédée et
Tôt ai 680 suivie d'autres récollesaccessoires presque aussi
productives.
3. Haricots à rames en grande culture.
3. Haricots à rames en grande culture. Le
Lojer de 33 ares, à too fr. l'beclare 33 produit d'un hectare, lorsque la saison est favo-
Trois labours à la cbarrue 30
rable, peut aller jusqu'à 30 hectolitres; dans le
Engrais 60
Soissonnais il ne descend jamais au-dessous de
Semences 40
Semis et binages 30 20 hectolitres. Les prix sont très variables.
Intérêt des rames 140 Cette année (1843), 1 hectolitre de bons hari-
Récolle et battage «0 cots de Soissons vaut de 60 à 80 fr. ; habituelle-
ment il ne vaut jamais moins de 45 à 50 fr. ;
Total 383
nous pensons être fort près de la vérité en
L'article de 140 pour l'intérêt des rames
fr.
évaluant le produit moyen d'un hectare à
a besoin d'explication. 33 ares reçoivent à rai- 900 fr. ; déduction faite des frais montant à
son de 400 rames par are à 0 m ,50 de distance 383 fr., il reste 517 fr. de bénéfice net, etc.
en tout sens, 13,200 rames qui à 5 fr. le cent, § VII. — Epinards < t lïtragonrs.
valent environ 560 fr., dont l'intérêt à 5 0/0
donne seulement 28 fr. Mais il faut ajouter à Les traités anglais d'horticulture admettent

cette somme un cinquième du capital, les rames comme une importante subdivision des plantes
ne pouvant durer au-delà de 5 ans le dépé- ;
potagères la réunion des végétaux analogues
rissement annuel est donc de 1 12fr. qui, ajoutés aux epinards, dans ce sens que leurs feuilles se
a 28 francs, valeur de l'intérêt du prix d'achat mangent cuites et hachées; ils
les désignent tous

des rames, donnent 140 fr. Nous avons supposé ensemble sous le nom intraduisible de spinac-

les rames de chêne ou de hêtre, à 2 ,B ,60 de lon- eous plants. Peu déplantes potagères sont plus
gueur. rustiques que l'épinard commun. Les fleurs
mâles et les fleurs femelles naissent sur des
PRODUITS. pieds séparés; l'épinard est la seule plante ali-
Le prix du haricot vert varie souvent à mentaire cultivée dans le potager qui offre
Paris de plus de moitié d'une année à l'autre. cette particularité. La culture de l'épinard a
Depuis quelques années seulement, l'usage principalement pour but d'en obtenir une gran-
s'est établi de vendre ce légume au poids, ce qui de abondance de feuilles larges et succulentes,
facilite l'évaluation dos produits. £n 1839, les et de retarder l'époque de sa fructification, ou,

haricots verts se sont vendus à la halle 25 c. le comme disent les jardiniers, d'empêcher les

kilogr. : en 1840, ils ont valu 50 c. Nous ne épinards de monter. Cette dernière condition
parlons ni des haricots verts de primeur, ni est toujours fort difficile à remplir -.lorsque l'été

des derniers récoltés, presque aussi chers à la est sec et chaud, elle est impossible.

fin d'octobre qu'au printemps, mais de ceux L'épinard offre pour principal avantage celui
qui se sont vendus par grandes masses en pleine de fournir à nos cuisines un légume frais, à une
saison. Une moyenne calculée sur les six der- époque de l'année où il n'y en a presque pas
nières années donne 35 c. le kilogramme. d'autre; sous ce rapport, les semis d'automne,
1. Haricots nains non arrosés. Un are peut
dont les produits se recollent tout l'hiver, sont
les plus utiles au jardinier de profession. Lors-
rendre dans une année de fertilité ordinaire
50 kil. de haricots verts à 35 c.soit 17 fr. 50 ; que ces semis sont levés, et que l'épinard mon-
8 litres de haricots écossés frais à 25 c, soit tre sa quatrième feuille, on couvre le sol de li-

2 fr., et 2 litres de haricots secs à 40 c, soit tière ou de fumier long, ce qui se nomme pail-

80 c. C'est un produit total de 20 fr. 30 c, par ler. Cette couverture a pour but de diminuer

are, soit pour 33 ares, 669 fr. 90 c. l'action du froid sur les racines des plantes,

Les frais ci-dessus évalués à 400 fr. laissent afin de rendre leur végétation plus active pen-
un bénéfice net de 269 fr. 90 c. pour 33 ares ;
dant l'hiver. Les feuilles exposées à l'air pren-
c'estenviron sur le pied de 900 de bénéfice
fr. nent après les fortes gelées toute l'apparence
net par hectare. extérieure des plantes détruites par le froid ;
elles se flétrissent, changent de couleur, et ac-
2. Haricots nains arrosés.
quièrent une demi-transparence, indice ordi-
1 verts, 80 kil. par are, à 35 c. le kil. 18 f • naire de l'action funeste du froid sur les feuilles
écossés frais, 1 S litres à 98 c. le lit. 3 78 des autres plantes; elles ne sont cependant pas
secs, 4 litres à 40 c. le litre 160 gelées. Les maraîchers des environs de Paris
Totat. des produits d'un are. 33 35 connaissent parfaitement l'art de leur rendre
leur aspect naturel en les faisant tremper une
C'est pour 33 ares 1,100 fr. 55 c. ; déduction heure ou deux dans de l'eau à quelques degrés

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TirilL IV. CL LTUIIKS NATURELLES. 201

seulement au-dessus de zéro; on les étale ensuite


sur de la paille pour les faire sécher, ou plutôt
5 IX. — Belle ou poirêe.

ressuyeravant de les porter au marché. Nous Cette plante est si peu employée, elle tient
avons éprouvé bien souvent par nous-mêmes ordinairement si peu de place dans les jardins,
de cette méthode; les épinards ainsi
l'utilité où elle est seulement cultivée comme accom-
traités ne sont pas seulement plus verts et pagnement de l'oseille dont elle adoucit l'aci-
de meilleure apparenec, ils sont en outre beau- dité, que nous nous serions abstenus d'en faire
coup meilleurs que ceux qu'on aurait cueillis mention si elle n'était l'une de celles dont il
par une forte gelée, sans prendre aucune pré- serait le plus à souhaiter que la culture s'éten-
caution pour les faire dégeler. Les trois prin- dit assez pour qu'elle fît partie des aliments or-
cipales variétés d'épinards cultivées dans les dinaires du peuple des villes. La poiréc à gros-
jardins sont l'épinard à feuille ronde, ou plu- ses eûtes, ou carde-poirée, peut, par sa rusticité
tôt émousséc et l'épinard à feuilles aiguës
, et la facilité de sa culture, fournir à très bas
triangulaires; on connaît sous le nom d'épi na rd prix un aliment sain et agréable, très usité en
de Hollande ou de Flandre, une variété de l'é- Franche-Comté et en Angleterre où elle est sur-
pinard triangulaire à feuilles plus larges; les nommée l' asperge des pauvres. Les côtes sé-
plantes sontbeaucoup plus fortes; cette variété parées du reste de la feuille et liées par paquets
se sème très clair. L'épinard d'Esquermcs, à comme des bottes d'asperge, se mangent de la
feuille de laitue, estunesous-variélé de l'épi- même manière, se prêtent aux mêmes assaisonne -

nard de Flandre. ments, et coûtent cinq ou six fois moins cher. La


L'épinard a pour succédant e la tétragone, bette à eûtes, ou carde-poirée, vient partout.sans
plante de la Nouvelle-Zélande, aujourd'hui très autres soins de culture que quelques arrosages
commune dans nos jardins où elle tend à rem- pendant l'été; lorsqu'on prend la précaution
lacer l'épinard, au moins pendant l'été; elle de couvrir les plantes de litière sèche avant les
t1

remplace avec d'autant plus d'avantage premiers froids, on peut en manger pendant
qu'ellemonte difficilement et résiste aux plus tout l'hiver.
fortessécheresses; le goût et la couleur des
de ces deux plantes sont exactement les
feuilles
§ X. — Ognon.

mêmes. Le capitaine Cook en fit manger en ne fait mention d'aucune culture


L'histoire
abondance à ses matelots, qui la trouvèrent ex- jardinière dans laquelle l'ognon ne figure pas
ce fait resta longtemps si complète-
cellente; au premier rang, dès In plus haute antiquité;
ment ignoré que la tétragone apportée en An- l' Ecriture a consacré la réputation méritée des
en 1772, par sir J. Bancks, y fut traitée
gleterre ognons d'Egypte, si regrettes des Israélites. Le
comme plante de serre chaude; elle est aussi climat des pays chauds convient mieux à l'ognon
rustique que les diverses variétés d'épinards. que celui des contrées septentrionales; en ac-
On mange quelquefois comme des epinards quérant une maturité plus parfaite, il perd en
les de l'arroche ou belle-dame, plante
feuilles grande partie celte ûcrete qui provoque les
peu cultivée et peu digne de l'être, dont l'usage larmes et rend son goût peu agréable lorsqu'il
principal se borne à adoucir la trop grande est mangé cru. En Italie, en Espagne, et même
acidité de l'oseille pendant l'été ; l'arroche se dans le midi de la France, on peut peler et cou-
cultive comme l'épinard. per des ognons sans pleurer, et les manger crus
sans répugnance.
§ VIII. — Oscille.
L'ognon a produit par la culture un très
Les hachées comme
feuilles d'oseille cuites et grand nombre de variétés, dont les plus culti-
les epinards, sont un des aliments végétaux les vées sont, dans les pays tempérés, le blanc, le
plus saluhres de tous ceux que le potager peut violet et le jaune; ce dernier, plus facile à con-
fournir. Les sous-variétés de l'oseille sont peu server, est préféré par la plupart des horticul-
tranchées quant aux caractères extérieurs ; on teurs; il occupe des champs d'une très grande
donne généralement la préférence, aux env irons étendue dans le voisinage de toutes nos gran-
de Paris, à l'oseille douce à large feuille, d'une des villes. Presque toutes les espèces d' ognons
acidité modérée, obtenue par la culture à Bel- se multiplient exclusivement de graine; l'ognon
levilleet connue sous le nom d'oseille de Bellc- bu Ibi l'ère se multiplie en outre par les 1ml billes
ville; elle est sujette à dégénérer de graine croissant le long de sa tige, et l'ognon-patate
mais elle garde ses qualités spéciales quand on produit à sa base, lorsqu'il est butté, un très
la multiplie seulement par séparation des ra- grand nombre de cayeux. Malheureusement,
cines. Aucune
plante potagère n'est plus rusti- ces deux ognons ne peuvent acquérir toutes
que que et n exige moins de soins de
l'oseille, leurs qualités oue dans les pays chauds dans la ;

culture; les gelées ralentissent sa végétation France centrale, et à plus forte raison dans le
qui ne s'arme jamais complètement; les feuil- nord de l'Europe, ils ne donnent que des pro-
les de l'oseille ne gèlent pas. duits inférieurs en qualité à ceux des autres es-
On commence à cultiver en Suisse l'oseille pèces.
des neiges, dont les propriétés semblent être les
mêmes que relttSt de l'oseille des jardins, avec A. — Semis.
cettediflérencequ'ellepoussemêmesouslaneige L'ognon, quelle qu'en soit l'espère, entre de
avec presque autant d'énergie qu'au printemps. ui-mêmeeri végétation, soit an printemps, soi:
oRTtcifr.TVai. T, v. — îs
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202 HORTICULTURE. nu;:. VIII.

même en hiver lorsque les froids tardent à se I s'arrache pour être vendue à demi formée vers
faire sentir. Il faut dans ce cas planter ceux le milieu de l'été.
qu'on destine à servir de porte-graines, dès Quelque soin qu'on apporte à semer l'ognon,
qu'ilscommencent à végéter, sans quoi ils s'é- il ne lève jamais assez également pour qu'on

puiseraient, et ne pourraient fructifier au prin- ne soit pas forcé d'éclaircir le plant au moins
temps suivant. On les plante en bonne terre de une fois, quelle qu'en soit la destination. Un
jardin, douce, meuble et fumée Tannée précé- horticulteur des environs d'Orléans (Loiret),
ro
dente; ils se placent à 0 ,32 en tous sens, en M. Nouvellon, a trouvé moyen le premier de
lignes parallèles. Une couverture de litière sè- parer à cet inconvénient en semant la graine
che est nécessaire pour les garantir de la gelée. d'ognon tellement serrée qu'il est impossible
Lorsqu'il règne des vents violents à l'époque où aux bulbes de se développer ; devenus gros
leur graine approche de sa maturité, il faut sou- comme des pois, ils cessent de croître ; ils sont
tenir par des tuteurs les tiges fistuleuses, sans alors arrachés et conservés au sec pour être
quoi la graine serait perdue. Elle se conserve employés comme niant l'année suivante ; on les
très bien un an dans ses capsules; il est bon de
IB
plante en rayons a 0 ,16 ou O^O
de distance
ne pas tarder plus de deux ans à s'en servir, en tout sens, selon la grosseur des espèces ; ils
quoiqu'elle puisse conserver pendant trois ans donnent des récolles abondantes et plus assu-
sa faculté germinative. rées que celles qu'on obtient des semis ordi-
Le sol oien labouré et surtout débarrassé naires. Dans la culture en grand de l'ognon,
soigneusement des pierres et des cailloux qui les premiers éclaircis peuvent être utilisés
peuvent s'y rencontrer, est ratissé et divisé en exactement de la même manière que les
planches, après qu'on l'a laissé se tasser pendant petits bulbes obtenus par le procédé de M. Nou-
une huitaine de jours. Quelques horticulteurs vellon.
fument immédiatement avant de semer, mais —
B. Détails de culture.
nous croyons qu'il vaut mieux que la terre ait
déjà produit une récolte sur la fumure avant L'ognon, sous le climat de Paris, ne se re-
de recevoir un semis d'ognon. En Angleterre, pique pas ; dans le midi de la France on ne
il existe aux environs d'Hexham, de vastes sème ordinairement qu'en pépinière pour repi -
m
champs consacrés à la culture de l'ognon ; on quer en lignes à 0. 20 en tout sens ; il résiste
étend le fumier très consommé sur la surface bien à la si cheresse et devient fort gros quand
du sol ameubli par un labour donné avec beau- le sol lui est favorable. Il arrive très souvent

coup de soin, on sème sur le fumier, et l'on sous un climat humide et froid et dans un sol
recouvre la graine en répandant dessus, à la lent à produire, que la mauvaise saison sur-
main, de la terre prise dans les sentiers qui sé- prend ognon encore vert, en pleine végétation.
I

parent les planches. Cette culture offre cela de S'il était récolté dans cet état, il ne pourrait se
particulier que le même sol produit sans inter- conserver, inconvénient d'autant plus fâcheux
ruption pendant vingt ans et plus des récoltes que la principale consommation de ce légume
d'ognon dont la dernière n'offre pas de diffé- a lieu pendant '.'hiver. On bâte sa maturité en
rence sensible avec la première. Les jardiniers tordant les feuilles pouren arrêter la végétation.
anglais dont cette culture est la principale oc- Cette opération se fait à la main dans les cul-
cupation regardent comme le meilleur d«* tous tures de peu d'étendue ; dans la grande cul-
les engrais, quand ils peuvent s'en procurer, le ture, ce serait une besogne interminable ; on la
sang de bouenerie, mêlé à de la chaux vive avec fait moins bien à la vérité, mais plus vite et à

une petite quantité de terre franche ; ce mélange moindres frais, au moyen d'un rouleau de bois
préparé un an d'avance, s'emploie en poudre léger, ou même tout simplement, d'une futaille
très sèche, répandue en même temps que la vide qu'on promène sur les planches d'ognon.
graine; il a perdu au bout de ce temps toute Ce mode de culture pratique aux environs de
odeur ammoniacale. Ils font aussi un usage Paris, l'est aussi sur une très grande échelle
fréquent d'un compost de gazons entassés avec près de Guérande ( Loire-Inférieure dans uq
J
des lits de chaux et conservés un an avant sol riche quoique mêlé de sable ; l'ognon
y
d'être employés. acquiert une qualité même supérieure à celle
La quantité de semence à employer par are de rognon des environs de Paris. La conserva-
varie selon les espèces et aussi en raison de tion de l'ognon est assez difficile à la suite
F usage auquel on destine l'ognon. Lorsqu'il doit d'un été pluvieux ; il moisit, se ramollit, et
être en partie ou en totalité consommé avant entre promptement en décomposition. Le meil-
d'avoir atteint toute sa grosseur, il faut semer leur moyen pour le garder le plus longtemps
deux fois plus serré que quand l'ognon doit possible consiste à le suspendre par ses fanes
achever toute sa croissance sans avoir besoin tressées en bottes, et accrochées par des clous
d'être éclairci. à une perche placée perpendiculairement dans
Aux environs de Paris, on sème a raison de un lieu sec et Lien aéré ; les jardiniers de Cué-
30 grammes de graine par planche de 10 mètres rande qui entendent fort bien la conservation
m
de long, sur l ,32 de large , toutes les espèces de l'ognon, ayant à lutter contre le climat le
d'ognon d'hiver, et de 60 grammes de graù.e plushumidede l'Europe, n'emploient pasd'autre
pour les planches des mêmes dimensions en- procédé, et ils approvisionnent pendant l'hiver
semencées en ognon blanc, dont la moitié les deux départements du Morbihan et de la

'
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titre iv. CULTURES NATURELLES. 203

Loire-Inférieure sur les limites desquels leurs pour trois ans dont une bonne, une médiocre et
jardins se trouvent plaeés. une mauvaise année, la moyenne ne peut guère
s'élever au-delà de 1,800 fr. qui, déduction
C. — Frais.
faite de 750 fr. de frais qui sont a peu près les

La culture de Pognon exige beaucoup de mêmes tous les ans, laisse un bénéfice net de
main-d'œuvre et n'est pas toujours avantageuse 1,050 fr. pour un hectare de terre consacré à la
parce que très souvent, sous le climat de Paris, culture de l'ognon.
maigre tous les soins possibles, la récolte man- —
$ XI. Poireau ou porrvau
ue.soit par la sécheresse, soit par les attaques
3 es insectes ; puis, une récolte abondante se Paris et les autres grandes villes consom-
perd aux trois quarts parla pourriture dans les ment des quantités énormes de poireaus ; ce
greniers, avant le moment de pouvoir être ven- légume, dont le goût ne plaît pas à beaucoup
due. Malgré tous ces désavantages la culture ,
de palais délicats, offre au peuple l'avantage
de Pognon peut se continuer avec bénéfice, les d'une saveur forte et généralement recherchée
bonnes années compensant les mauvaises ; mais qu'une petite quantité de poireaux toujours à,

elle ruinerait le cultivateur qui s'y livrerait bas prix, communique à la soupe, ce mets dont
exclusivement, s'il manquait des ressources personne en France ne peut se passer. La cul-
nécessaires pour en supporter les revers inévi- ture du poireau est simple, facile, peu coû-
tables. Tout cela rend le produit net delà cul- teuse, et sujette à peu de chances de perte; les
ture de l'ognon Tort difficile à déterminer; nous grlécs ordinaires , sous le climat de Paris , ne
ne donnons donc les chiffres ci-dessous que l'endommagent pas sensiblement, de sorte que
comme approximatifs ; les fraiset produits sont sa conservation n'exige presque ni soins ni
ceux d'une année favorable ; il est clair que dépense , et (jue le prix du poireau ne devient
les doivent être doublés et les produits
frais jamais très eleve, si ce n'est dans les hivers
réduitsde moitié lorsque sur deux années, il y très rigoureux et très prolongés. Tous ces
en a une mauvaise. avantages justifient suffisamment l'espace con-
sidérable consacré à la culture du poireau dans
Location d'un hectare de lerre 300*
les plaines au nord de Paris ; on en trouve là
Fumier , s0

Maiii-d'trmrr
des champs de plusieurs hectares, sans que
350
Frais accessoires jamais il en résulte aucun encombrement de
BO
produits sur le marché.
Totai. T50
Le poireau est bisannuel, c'est-à-dire qu'il
Ce dernier article comprend le loyerdu local ne monte en graine que la deuxième année de
destiné à la conservation des ognons pendant sa croissance; mais comme ce sont seulement
l'hiver, et les autres menues dépenses qui s'y les tiges qu'on emploie il n'a pas l'inconvé-
:

rattachent. La main-d'œuvre est grossie par nient des autres plantes bisannuelles qui occu-
les soins de surveillance et l'arrangement pour pent trop long temps le sol ; on en obtient même
la vente, car il n'y a que les plus petits ognons facilement deux récoltes successives dans le
qui se vendent au décalitre les autres doivent
;
cours d'une année.
être triés et parés pour paraître sur le marché,
soit verts, soit secs.
A. — Semit.
Les pieds réservés pour porte-graines aa
D. — Produits. printemps de leur seconde année doivent être
L'ognon blanc, semé assez serré pour être mis dans une terre fertile, mais fumée seule-
éclair» lorsqu'il a atteint la moitié de sa gros-
i
ment de l'année précédente. Quelques jours
seur, donne un produit à peu près certain, avant la parfaite maturité des graines , on
parce qu'il sert d'assaisonnement obligé aux cueille les têtes du poireau que l'on conserve
,

petits pois dont on sait que la consommation au sec, sans les égréner, si ce n'est au moment
est énorme. Mais il ne peut être ainsi traité que d'employer les semences qui achèvent de mûrir
dans la petite culture, parce qu'il exige trop de dans leurs capsules et s'y conservent mieux
soins et de main-d'œuvre pour arriver pré- que de toute autre manière. Au-delà de deux
cisément au moment convenable pour être ans, une grande partie de la graine de poireau
vendu avec avantage. Un are de terrain ainsi ne lève pas.
employé peut produire environ 60 boites On sème en lignes, distantes entre elles de
d'ognon blanc à demi grosseur, dont le prix ne 0m ,08 seulement il n'y a aucun inconvénient
;

descend pas au-dessous de 25 c. la botte et va à semer très serré pour ménager l'espace. La
souvent a 50 c. En 1840, il ne s'en est pas croissance du plant est beaucoup plus rapide
vendu à Paris au-dessous de 40 c. En prenant lorsqu'on répand sur la graine, avant de la re-
30 c. pour moyenne, cette première recette est couvrir de lerre, un peu de cendres de bois
de 18 fr. ; l'ognon qu'on laisse achever sa crois- ou même de charrée ayant servi à faire la les-
sance peut valoir de 20 à 30 fr., moyenne sive.
25 fr. : un are aura donc produit 43 ff. ; ce
serait sur le pied de 4,300 fr. l'hectare; mais
B. — Préparation du sol.

dans la culture par hectares, on ne peut pas Une terre fertile et substantielle est néces-
compter sur plus de 2,500 fr. de produit brut saire au poireau pour qu'il prenne tout son dé-

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201 110UTICULTLRL. LIVRË VIII.

veloppemcnt : mais il est souvent avantageux humide et couvert est le plus favorable à ce
de le cultiver, même en terre légère, sauf à travail à moins qu'il ne soit décidément à la
;

l'obtenir moins gros , lorsque le débit est assuré pluie, il faut attacher le plant à la terre par
à un prix convenable ; c'est au jardinier à tra- quelques arrosages. Il n'a plus besoin ensuite,
vailler, comme disent les maraîchers de Paris, jusqu'à la récolte, que de plusieurs sarclages et
« les yeux tournés vers la halle». Le poireau, binages superficiels pour maintenir la propreté
de même que toutes les plantes bulbeuses, des planches, et d'un peu d'eau s'il survient de
craint le contact des fumiers en fermentation, grandes sécheresses. Le poireau , traité en
surtout lorsqu'ils sont fortement imbibés d'u- grande culture , ne peut presque pas être ar-
rine de bétail : le dégagement du gaz ammo- rosé ; il est vrai que le développement de ses
niac est funeste à toute cette tribu de végé- feuilles donne en cette saison au sol un om-
taux. Telle est la raison qui fait considérer brage qui s'oppose en partie à févaporation ;
comme pernicieux pour le poireau l'engrais le poireau périt rarement par la sécheresse.
d'établc toujours très humide, tandis que le fu- Les jardiniers qui ne consacrent au poireau
mier plus sec des chevaux et des bêtes à laine qu'une petite étendue de terrain peuvent aisé-
ne lui fait aucun tort. Dans la culture jardi- ment en obtenir deux récoltes par an, mais ra-
nière, où les récoltes se succèdent sans inter- rement elles se succèdent sur le même terrain ;
ruption, il est toujours facile de laisser passer on sème à différentes époques, en ayant égard
sur une culture précédente l'effet du fumier au temps où l'on prévoit que le terrain sera
frais ; si l'on est obligé de fumer immédiatement libre entre deux cultures d'autres légumes.
avant de planter le poireau, on ne donne à cette
plante que du terreau, ou au moins du fumier
D. — Frais.

très consommé. On a pu voir dans la lettre de Le poireau étant, comme le chou et les autres
M. le supérieur de la Trappe, insérée dans la légumes communs, traité en grande culture
première partie de cet ouvrage ( voir Notions pour la consommation de Paris, on a des don-
préliminaires), combien les habiles horticul nées précises seulement sur la comptabilité de
leurs qui ont créé les admirables jardins de La ce genre de culture car, pour les planches de
:

Meilleraie trouvent l'engrais exclusivement poireaux qui tiennent leur place parmi toute
formé de débris végétaux, supérieur à tous les sorte d'autres légumes dans les jardins-maraî-
engrais trop animalisés pour les cultures jardi- chers, il est impossible d'évaluer avec quelque
nières. Près des grandes villes, on ne peut ap- certitude les frais de culture.
pliquer ce principe d'une vérité évidente, parce
Location d'un lieclarc de lerrain 300
3ue les cultures de pleine terre vivent des restes
Plaiil loo
es cultures forcées, lesquelles ne peuvent être
Fumier • aoo
alimentées que par les fumiers animalisés, seuls Maiii-d'ueuvre 500
propres à la construction des couches ; on s'en
rapproche cependant par le grand nombre Total 1,100

d'usages auxquels s'emploie le terreau dans le-


quel les principes animalisés ont presque dis-
D. — Prodttiu.
paru ; mais, dans les localités plus isolées 840,000 poireaux, divisés en 33,000 bottes
l'engrais provenant des végétaux décomposés de 25 chacune, vendues en moyenne 10 c. la
peut être préparé en grande quantité et appli- pièce, donnent de produit brut 3,380 fr. après ;

qué presque seul aux cultures maraîchères. avoir soldé le compte des frais ci dessus, mon-
Cet engrais, donné en abondance au poireau, tant à 1 ,100 fr. , il restede bénéfice net 2,200 IV.
peut en doubler les produits. pour un hectare de terrain de première qualité
cultivé en poireaux.
C. — Plantation. L'article main-d'œuvre porté à 500 fr. peut
Le plant du poireau doit être arraché et sembler un peu élevé ; mais nous pensons qu'il
paré à mesure que le jardinier le met en place, en coûte cette somme, soit 5 fr. par arc, en
ce qui n'offre aucune difficulté pour celui qui nous basant sur le temps ordinairement em-
sème lui- même la graine de poireau, à portée loyé par les habiles ouvriers des environs de
du terrain destiné à recevoir les plantations. aris pour préparer le plant, le mettre en
Lorsqu'on l'achète, il faut, sous peine de per- place , arracher le poireau parvenu à maturité
dre son argent , choisir le plant fraîchement et le soigner jusqu'au moment de la vente.
arraché et le planter immédiatement. Les ra- En retranchant des produits 200 fr. pour les
cines fibreuses sont raccourcies, et les feuilles 18 à 20.000 poireaux qui peuvent manquer
supérieures rognées brin à brin ; cette partie accidentellement dans les 600 planches d'un
de l'opération exige déjà une dépense considé- hectare, il reste encore environ 2,000 fr. de
rable en main-d'œuvre. En effet, le poireau se produit net.
plante par lignes parallèles, à 0 ,n ,10 de distance Au moment où nous écrivons ( février 1843)
en tout sens ; ainsi , une planche de 10 mètres le poireau de grande culture se vend à la halle
de long, sur l">,40de large, en reçoit 1,400; de Paris de 30 à 40 c. la botte , et le poireau
un are comprenant six planches semblables des maraîchers, de qualité supérieure de 50 à ,

en exige 8.400, et il n'en faut pas /noins <\» 60 c. ; mais il ne s'en vend à ce prix que de
810,000 pour planter un hectare. Un temps petites quantités. Le produit d'un hectare

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 205

vendu sur ce pied donnerait pour la grande mande la même nature


de terrain que l'ognon;
culture 1 1 ,500 fr. , et pour la culture maraî- on la multiplie de graine semée une première
chère 18,150 fr. de produit brut; mais cette fois à la lin de février, et une seconde fois à la
cherté ne se présente que rarement, et ne se fin de juillet sous le climat de Paris ; dans le
,

prolonge jamais pendant plus de 10 ou 15 midi, les semis de ciboule peuvent se faire beau-
jours., coup plus tôt. Le plant se met en place six se-
maines environ après qu'il est levé ; la distance
§ XII. - Ail.
est de 0 m ,15 en tout sens; on plante ordinai-
La culture de n'a pas une grande im-
l'ail rement deux plants à la même place, dans le
portance dans le nord de la France, où, de but de forcer les feuilles à s'allonger, cette par-
morne qu'en Angleterre et en Belgique, on ne tie de la ciboule étant utilisée presque en entier
fait usage de l'ail que comme assaisonnement, comme le bulbe. Trois espèces de ciboule sont
et toujours en très petite quantité ; il n'en est généralement cultivées ; la ciboule commune
pas de même dans nos départements du midi, la blanche hâtive, un peu plus petite, et la ci-
où, de même qu'en Espagne et en Italie, l'ail Tait boule, ditevivace, qui talc beaucoup et donne
partie essentielle et indispensable de la nourri- rarement des graines fertiles ; on la multiplie
ture du peuple Sa culture est la même que celle par la séparation de ses caïeux.
de l'ognon; il se plaît dans les mêmes terrains, La civette ou ciboulette, aussi connue sous
se plante et se récolte aux mêmes époques. le nom d'appétit , n'est cultivée que pour ser-
ne se reproduit pas ordinairement de
L'ail vir d'assaisonnement à la salade ; on en plante
semences, même dans les pays où il est traité quelques touffes dans le potager, en bordure
en grande culture; on se contente de séparer le long des plates-bandes; elles se multiplient
les caïeux dont la réunion, sous une seule lu- par séparation. La civette est la plus petite des
nique , prend l'apparence d'un ognon ; ces plantes alliacées cultivées dans le potager; ce
caieux tiennent lieu de plant; on les met en n'est qu'une variété naine de la ciboule , dont
place au mois d'avril sous le climat de Paris,
, elle a le goût et les propriétés.
et dès le mois de février dans le midi de la
France. § XV. — Asperges.
L'ail se plante en lignes, à
15 en tout
m L'asperge se rencontre à l'état sauvage en
,

sens, dans les terres médiocres, et à O^O Sicile ,en Italie, cl dans toute la partie de la
dans lus terres très fertiles, où les plantes pous- Basse - Provence comprise entre la mer el les
sent avec plus de vigueur. montagnes, de Toulon à Amibes; elle se plaît
On connaît, sous le nom de rocambole, une de préférence sur les bords incultes des ruis-
variété d'ail originaire du Daneinarck, impro- seaux et des ravins. L'asperge sauvage ne
prement nommée ail d'Espagne, ayant pour dépasse pas la grosseur d'un tuyau de plume,
caractère propre de produire le long de sa tige mais elle s'élève aussi haut, et même plus
des bulbilles dans les aisselles des feuilles ; ces haut que l'asperge cultivée; son goûl est plus
bulbilles peuvent être employés comme plant relevé, et incomparablement plus délicat que
de même que les caïeux ; la'culture de la ro- celui des meilleures asperges de nos jardins.
cambole est la même que celle de l'ail ; on l'em- L'asperge ne se mange pas partout au même
ploie aux mêmes usages. point de végétation ; en Belgique, et dans tout
le nord de l'Allemagne, on n'attend pas que
§ XIII. — Eclialoie.
l'asperge sorte de terre et qu'elle contracte par
On cultive en France deux variétés d'écha- son exposition à l'air une couleur verte ou vio-
lote : l'une, originaire du nord de l'Europe, lette; dès que le soulèvement de la terre indi-
fleurit de bonne heure et donne des graines que la place d'une asperge prête à sortir, on
fertiles; l'autre, originaire de la Palestine, va la chercher sous terre , en la coupant avec
fleurit tard et donne rarement de bonnes grai- précaution le plus près possible du collet de la
nes; la multiplie, comme l'ail, par la sépa-
on racine; elle est alors entièrement blanche,
ration des caïeux. L'échalote est une plante tendre, mangeable presque en entier, mais
plus délicate que l'ail ; les caïeux, s'ils sont un d'une saveur peu prononcée. Il faut beaucoup
peu trop enterrés, sont sujets à pourrir ; ils d'adresse el d'habitude, en récoltant les as-
doivent être plantés presqu'à fleur de terre perges de celte manière, pour ne pas blesser
dans un sol plutôt sec qu'humide , à l'exposi- les griffes et couper les asperges du même pied,
tion du midi. Du reste, les procédés de culture qui sont à moitié chemin , entre la griffe et la
et les usages de l'échalote sont les mêmes que surface du sol. La récolte des asperges hors de
ceux de l'ail. lerre évite cette chance de perte.
Les produits de l'asperge cultivée sont telle-
JXIV. - Ciboule et mette. ment avantageux sa durée prolongée par des
,

La ciboule est un véritable ognon; son goût et soins bien dirigés offre des bénéfices si cer-
ses propriétés alimentaires sont exactement les tains, qu'on a lieu de s'étonner du peu d'espace
mêmes que celles de l'ognon. La culture de la qu'elleoccupe en général et spécialement du
,

ciboule est très avantageuse aux environs des peu d'extension que sa culture a prise aux en-
grandes villes, où elle est employée pendant virons de Paris, dont l'approvisionnement en
tout l'été comme assaisonnement. La ciboule de- asperges se tire en grande partie des environs

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20C HORTICULTURE. I.1VIIE VIII

d'Orléans (Loiret). La cause en


uniquementest rester cette opération de criblage n'est pas
;

dans les frais et les avances nécessaires pour nécessaire quand le sol est très doux et ne con-
la formation des planches d'asperges , avances tient que quelques pierres faciles à enlever
dans lesquelles on ne peut commencer à ren- pendant qu'on travaille les défoncemenls. Le
trer qu'au bout de trois ou quatre ans. Néan- fond des fosses, rendu aussi uni que possible,
moins, il n'y a pas en jardinage d'avances mieux est garni d'un lit de gravier, mêlé de menus
employées, comme nous le démontrerons en branchages brisés, épais de 0"\05. On ne doit
traitant des frais et produits de la culture de se dispenser de cette précaution que dans un
l'asperge. sol naturellement très sain et sous un climat
,

Le mode le plus avantageux de former les peu sujet à un excès d'humidité, toujours fu-
planches d'asperges consiste dans les semis en neste aux planches d'asperges. Par-dessus ce
place ; néanmoins, comme on gagne deux ans litde gravier et de branchages, on en étend
sur l'époque des premières récoltes , en se ser- un second de bon fumier d'écurie, à demi con-
vant de plant élevé en pépinière , ou pris dans sommé, épais de 0 m ,32, fortement comprimé.
des planches en plein rapport, ce dernier pro- C'est sur ce deuxième lit de fumier qu'on place
cède est encore fort en usage. La partie essen- la terre criblée destinée à recevoir, soit les se-
tielle de l'asperge, par rapport à sa culture, mis, soit les plantations d'asperges. L'excédant
consiste dans son tubercule, nommé griffe par de la terre non employée reste en ados des
les jardiniers; la griffe est composée d un deux côtés de la planche c'est un inconvé-
;

grand nombre de ramifications divergentes nient pour les semis, car les jeunes asperges,
cylindriques, obtuses à leur extrémité et pour- lorsqu elles sortent de terre, n'ont jamais trop
vues d'un nombreux chevelu qui seul constitue, d'air et de lumière pour en diminuer les fâ-
;

à proprement parler, les racines de la plante ; cheux effets, on doit laisser entre chaque plan-
ces ramifications se nomment doigts. Les grif- che d'asperges , outre le sentier une autre ,

fes d'asperge ont un mode de végétation qui )lanche de même largeur, sur laquelle on re-
leur est propre ; à quelque profondeur qu'elles ,
eue la terre enlevée qu'on y répand selon le
soient enterrées, elles tendent constamment a >esoin. De cette manière, la terre, répartie sur
se rapprocher de la surface du sol, comme si une grande surface, ne forme point d'ados et
s'appuyant sur les extrémités obtuses de leurs ne donne point d'ombrage.
doigts, elles se soulevaient par un effort volon- Le procédé que nous venons de décrire est, à
taire. Si Ton examine attentivement la cause notre avis et d'après une longue expérience,
,

de ce phénomène, on verra qu'il provient tout le plus rationnel. Beaucoup de jardiniers sont

entier de la manière dont les doigts de la griffe encore dans l'usage de défoncer le sol à 1 mètre
se renouvellent. Ces doigts meurent en partie et d*y enfouir 0-,66 de fumier avant d'y cul-
tous les ans; ils se vident et ne laissent sub- tiver des asperges ; des fosses si profondes et
sister qu'une peau semblale à une partie d'in- une si grande quantité d'engrais ne sont autre
testin, espèce de sac qui ne tarde pas lui-même chose que de l'argent et du travail dépensés en
à se détruire. Les doigts vides sont remplacés pure perte. Les griffes d'asperge ne s'enfon-
chaque année par de jeunes doigts partant du cent point perpendiculairement dans le sol ;
bas des tiges, immédiatement au-dessus de celui elles plongent dans une position inclinée, qui
qui vient de mourir. Ce seul fait explique com- donne à leur ensemble l'apparence d'un enton-
ment la griffe , constamment re-
si elle n'était noir renversé mais très évase car les doigts
, ,

chargée de terre et de fumier,


de terre; sortirait s'écartent peu de la situation horizontale. Il est
elle aurait surtout à souffrir du vide formé donc inutile de placer au-dessous une épais-
sous le collet ou plateau par la destruction
, seur de fumier avec lequel les griffes ne sont
successive des doigts inférieurs. C'est sur la jamais en contact, et qui par conséquent ne
connaissance de ces faits que sont basés les contribue en rien à la végétation des asperges.
principes de la culture de l'asperge. 11 suffit qu'il s'en trouve assez pour que les fila-

ments ou racines fibreuses, portant (les griffes,


A. — Préparation du terrain. puissent y plonger et y trouver une nourriture
Les semis d'asperge en pépinière réussissent convenable. La largeur des planches ne doit
parfaitement en bonne terre de jardin sans , pas excéder l m ,32, de manière à ce que, pour
autre préparation qu'un bon labour à l'au- cueillir les asperges, on ne soit jamais obligé
tomne et un autre au printemps, avec une de poser les pieds sur la planche dont le sol ne
bonne fumure d'engrais d'écurie ou d'étable, doit pas être foulé. En général , les fosses doi-
selon la nature de la terre. Les semis en place vent être calculées de manière à ce que les se- ,

exigent au contraire les mêmes préparations mis ou plantations étant terminés, leur niveau
du sol que les plantations des griffes qui ont m
soit encore à 0 ,l0 au-dessous du sentier.
passé deux ans en pépinière ; nous devons donc En Angleterre, dans les environs de Londres,
d'abord faire connaître ces travaux prépara- où la culture de l'asperge occupe des centaines
toires. d'hectares et où il n'est pas rare de voir un
Le sol destiné à la culture de l'asperge doit seul jardinier consacrer 50 ou 60 hectares à
êtré défonce en automne à la profondeur de cette culture, on prépare le terrain comme
O ,65 à 0 m ,70 ; on enlève toute la terre et on
m nous venons de l'indiquer, avec cette seule dif-
la passe à la claie, car aucune pierre ne doit y férence que les fosses sont comblées dès la pre-

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titïie iv. CULTURES I ,\TUK ELLES. 207

mière année jusqu'au niveau du sol de sorte , des autres ;de cette manière , si l'on emploie
que, par les rechargements suceessifs , elles fi- un peu plus de terrain, les griffes peuvent s'é-
nissent par prendre une forme bombée', plus tendre à l'aise ; lorsqu'on les arrache, elles ne
élevée que le niveau des sentiers de service sont point enchevêtrées les unes dans les autres,
ménagés tout à l'entour. et l'on n'est point exposé à briser leurs doigts,
On ne doit pas croire , d'après ce qui pré- ce qui leur fait toujours un tort considérable.
cède, qu'il soit impossible d'obtenir de très Les semis n'ont besoin que de sarclages fré-
bonnes asperges sans employer des procédés 3uents ; il ne faut les arroser qu'en cas de sé-
de préparation du sol aussi dispendieux ; en icresses très prolongées. Si , à l'époque des
Lorraine, principalement aux environs de premiers sarclages, on trouve des graines res-
Nanci , on se contente de labourer profondé- tées à découvert, il est encore temps de les re-
ment le sol et de lui donner une bonne fumure ; couvrir de terre, elles ne tarderont pas à re-
les produits de l'asperge violette, seule cultivée gagner les autres. La graine d'asperges doit
dans cette partie de la France, n'en sont pas être très peu couverte ; le meilleur procédé,
moins satisfaisants. Mais, près des grandes lorsqu'on dispose d'une quantité suffisante
villes, les fosses garnies de fumier donnent une de terreau, consiste à en répandre quelques
plus grande quantité de grosses asperges , pour centimètres sur la graine déposée dans les
lesquelles on trouve toujours des acheteurs ; ce rayons, sans rabattre la terre par-dessus.
mode de préparation du sol doit être préféré.
Tout sol fertile, à moins qu'il ne contienne
D. — Semis en place.
une trop grande quantité de pierres et de cail- La méthode des semis en place commence à
loux , est propre à la culture des asperges. se substituer à celle des plantations de griffes
L'opinion qui exclut cette culture des terres partout où l'asperge est cultivée en grand en ,

fortes et compactes est un pur préjugé; seule- Hollande , en Angleterre et en France. Il est
ment an sol de cette nature doit être mélangé évident que, pour nos jardiniers, dont les res-
avec une forte proportion de bon terreau. Pour sources sont beaucoup plus bornées que celles
obieuir de belles asperges dans une terre forte, de nos voisins , un procédé qui diminue les
il faut la diviser à l'automne en hillons de0"\40 avances presque de moitié doit contribuer
d'élévation, sur 0"'.50 de large, afin que l'action puissamment à étendre la culture des asperges ;
des gelées et des dégels pendant l'hiver contri- son seul défaut c'est de faire attendre 4 ans les
bue à l'ameublir. Au printemps suivant, on premières rentrées. Aussi, tout amateur pressé
prépare les fosses comme ci-dessus, au moment de jouir, et ne voulant cultiver l'asperge que
des semis ou des plantations. pour les besoins de son ménage, préférera tou-
jours avec raison les plantations dont on com-
B. — Choix de In graine.
mence à récolter les produits au bout de deux
Lorsqu'on se propose de récolter soi - même ans.
la graine destinée aux semis, on réserve les Le sol étant disposé convenablement , dans
asperges les plus belles et les mieux formées les premiers jours- d'avril on trace sur les
,

parmi celles qui sortent de terre les premières. planches, de l m ,40 de largeur, trois rayons ,
Comme rien ne distingue des autres celles qui le premier au milieu de la planche, les deux
ne doivent porter que des fleurs mâles et par autres à 0 m ,25 des bords de chaque côté. Les
conséquent stériles, on doit en laisser plutôt semences y sont déposées à 0"',50 l'une <!c
plus que moins, afin de n'en pas manquer. Les l'autre, en échiquier. On les recouvre en répair-
premières asperges ont sur celles qui sortent dant du terreau par-dessus comme pour les
,

plus tard, l'avantage d'un plus long espace de semis en pépinière. Lorsqu'on sème deux grai-
temps pour mûrir leur graine. Les baies se ré- nes à chaque place, au lieu d'une, afin de lais-
coltent en novembre, ou à la fin d'octobre, ser en plat e seulement la plante la plus vigou-
lorsque la température a été longtemps douce reuse il ne faut pas les semer trop près l'une
,

à Parrière-saison. Dès qu'elles sont cueillies, on de l'autre, afin de pouvoir enlever celle qu'on
les met tremper pendant 12 ou 15 jours dans supprime, sans endommager la griffe con-
de l'eau , pour que leur pulpe s'y décompose ; servée ; mais comme on ne sait jamais d'avance
on les lave ensuite à grande eau, et on les laisse laquelle des deux graines donnera le meilleur
sécher dans un lieu bien aéré; elles conservent plant, et qu'on ne peut par eonséquent sup-
plusieurs années leur faculté germinative. primer toutes les doubles du même côté , il en
résulte dans les lignes une irrégularité d'espa-
C. — Semis en pépinière.
cement qui peut devenir très préjudiciable aux
On sème asperges en mars et avril , sur
les asperges, quand leurs griffes ont pris tout leur
on sol riche et léger, fortement fumé, soit à la développement. Lorsqu'on est sûr de la graine
volée, soit en lignes; la seconde méthode est la qu'on emploie, il vaut mieux ne mettre qu'une
meilleure, non pas quant à la végétation du plant seule semence à chaque place, sauf à remplir
qui réussit bien dans tous les cas, mais parce les vides au moyen du plant élevé en pépinière.
qu'elle pernvi d'enlever plus facilement les grif- Les griffes supprimées dans les semis à de-
fes sans les endommager. Les graines doivent meure sont utilisées pour les plantations après
être espacées dans les lignes de O^OS à (r™,lO avoir été élevées en pépinière pendant deux
environ, les lignes étant à 0 m ,16 les unes ans.

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208 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

France oîr elle dépasse


de plusieurs cen-
le sol
E. — Plantation.
,

timètres, avant d'être récoltée, il est aisé de la


Les griffes de deux ans provenant des semis couper entre deux terres sans atteindre le pla-
en pépinière doivent être préférées pour les teau ni endommager les pousses qui sont à
plantaiions d'asperges; celles de irois ans sont moitié chemin, entre le plateau et l'extérieur. "

plus sujettes à manquer, parce que les doigts Dans nos départements méridionaux , on
des asperges se sont tellement allongés qu'il est donne quelques légers arrosages aux planches
presque impossible de n'en point casser une d'asperges a la suite des grandes sécheresses
partie, soit en les arrachant, soit en les plan- qui feraient périr les griffes si elles y restaient
tant. Ces deux parties de l'opération doivent trop longtemps exposées ; dans le centre et le
autant que possible être conduites à la fois; le nord de la France, les asperges n'ont jamais
succès est d'autant plus assuré que la griffe besoin d'être arrosées.
passe moins de temps exposée à l'action de l'air.
On plante avec les mê nés chances de réussite, G. — Culturr de l'asperge en terre forte.

soit en automne, vers la lin de septembre, soit Nous donnons ici, en détail, la culture des
en mars et même en février, pour les départe- asperges en terre forte et compacte, telle qu'elle
ments au su de la Loire. En Angleterre, le
I est pratiquée avec un succès remarquable par ,

climat, plus humide que le nôtre , ne permet M. Michel habile horticulteur des environs
,

pas de planter en automne. d'Aix ( Bouches du- Rhône). Lesjardiniers qui


Les soins donnés à la plantation des griffes cultivent dans des conditions analogues ne peu-
sont le point le plus essentiel de toute la cul- vent mieux faire que d'jmiter les procédés sui-
ture de l'asperge. Après avoir tracé les lignes vis par M. Michel.
sur le sol bien préparé, et marqué sur les lignes Le sol préalablement défoncé en automne est
,

la place de chaque griffe, on y dépose une mis en gros bi lions pour qu'il puisse profiter de
bonne poignée de terreau ou de très bonne l'action des gelées et des dégels au printemps il ;

terre de jardin de manière à former une pe-


, se trouve très bien ameubli on établit les fosses
:

,n
tite eminence de forme conique. On pose sur en février; elles ont environ 0 ,50 de profon-
cette éminence le plateau de la griffe, dont les deur; elles reçoivent 0 m ,32 de fumier de brebis,
doigts étalés en tout sens, de façon à ne pas imbibé d'engrais liquide, et sont ensuite com-
se croiser, sont ainsi placés dans leur position blées jusqu'au niveau du sol. Les griffes y sont
la plus naturelle. On se bâte de recouvrir la placées en lignes séparées entre elles par des
griffe avec une ou deux poignées de terre, afin
m
intervalles de 1 mètre, et à 0 ,32 de distance
qu'elle ne souffre pas du hâle; quand toutes les dans les lignes. Cet arrangement , qui donne
griffes sont placées , on achève de charger la trop d'espace dans un sens et trop peu dans
planche pour que le sommet des griffes soit l'autre, est nécessaire pour la suite de la cul-
TO
recouvert de 0 ,05 à 0"\08 d'épaisseur. Ce ture. Au mois d'octobre on répand 0 ,25 de
procédé, qui demande seulement un peu d'at- terreau ou de fumier très consommé, seulement
tention évite la plupart des chances de des-
, sur les lignes des plantations, sur une largeur
truction des griffes qui périssent presque tou- de0"\32. On ouvre alors une rigole à égale
jours lorsque , placées horizontalement tout à distance de deux lignes parallèles, et on en re-
plat , il se forme un vide sous leur plateau et jette la terre sur le terreau dont on vient de
que leurs doigts fragiles, forcés de céder au charger les asperges ; il ne faut donner à cette
poids de la terre dont ou les recouvre , sans m
rigole que 0 ,32 de large et n'y prendre que
être soutenus par-dessous., se rompent au point la terre exactement nécessaire pour enterrer le
de leur insertion sur le plateau. terreau , parce que les mêmes rechargements
de terreau et de terre doivent se renouveler
F. — Détails de culture.
chaque année à la même époque, de sorte qu'au
Les premiers frais étant faits, il n'y a pas bout de quelques années il se sera formé ainsi,
de culture moins dispendieuse et plus facile que sur les asperges, des ados ou bi lions séparés
celle de l'asperge elle ne demande qu'un léger
: par des rigoles, disposition inverse de celle
binage donné au printemps , avec une fourche qu'on suit en terre ordinaire. Les asperges
à dents recourbées, et d'assez bonne heure pour ainsi traitées en terre compacte sont fort belles;
ne pas endommager les pousses sous terre, une elles durent environ 10 ans en bon rapport.
fumure par dessus ce binage , étendue sur les On peut en prolonger la durée en les ména-
planches sans l'enterrer, une autre en automne, geant, c'est-à-dire en laissant monter une par-
après qu'on a retranché les liges des asperges tie de la récolte. C'est une précaution que, dans
montées, et des rechargements de terre pour tous les cas , nous recommandons aux jardi-
maintenir la hauteur des planches , à mesure niers jaloux de leurs véritables intérêts. M. Mi-
que le fumier placé au fond des fosses s'affaisse chel ne plante de cette manière que des griffes
en se décomposant. La récolte exige de grandes de 3 ans ; il commence à récolter dès la seconde
précautions dans les pays où , comme en Bel- année.
gique éten Hollande, on va chercher l'asperge
en terre dès que sa tête commence à fendre le H. — Culture de l'asperge dans let vignes.

sol , afin de l'avoir parfaitement blanche, sans Dans quelques communes au sud du dépar
quoi elle ne trouverait pas d'acheteurs. Mais en tement de la Seine, et sur une grande partie

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f ITRE IV, CULTURES NATURELLES
des coteaux qui bordent la Loire dans les en- provigne dans toutes les directions, à travers
virons d'Orléans (Loiret), la culture de l'as- les asperges, de manière à avoir en 3 ou 4 ans
perge en plein champ s'allie avec celle de la une vigne pleine, où les ceps sont espacés de
vigne par un procédé très simple, très avanta- O^SO en tout sens.
geux, et dont la pratique prendrait une grande Quand cette jeune vigne est en plein rap-
extension sans la difficulté de se procurer les port, il n'y a plus d'asperges. Cependant, nous
engrais qu'il exige. en connaissons dans la commune de Vitry, ou
Le sol destiné à cette double culture est dé- chaque année au printemps on a récolté des
foncé à 1 mètre s'il est possible, sinon, aussi pro- asperges dans des vignes si vieilles, qu'il a
fondément que le permet l'état du sous-sol. Ces fallu finir par les arracher personne ne se sou-
;

défoncements se font, soit avec deux charrues venait d'y avoir vu planter les asperges.
3ui se suivent, soit avec lahoueàdeux longues Dans le département de la Seine, comme
ents. On façonne les planches à l'ordinaire, en dans celui du Loiret, la culture de l'asperge
leur donnant une largeur de l m ,40 et laissant, dans les vignes se rattache à une particularité
entre chaque planche, des sentiers de 0«,40 sur des mœurs de famille que nous croyons bonne
lesquels on laisse en ados une partie de la à faire connaître. A la naissance d'un garçon,
terre des planches pour la leur rendre les an- on consacre 33 ou 66 arcs de terrain ( 1 ou 2
ncs suivantes, en sorte que les planches se arpents) à cette double culture ; c'est la part
m
trouvent à environ 0 , 16 au-dessous du ni- de l'enfant ; il s'élève sur le produit dont l'ex-
veau du sol environnant. Les asperges s'y plan- cédant est mis de côté pour l'établir. Parvenu
tent à la profondeur de 0 ra ,25, en échiquier, à l'âge de 20 ans, il trouve une bonne vigne
sur trois lignes , à la distance d'environ pleine , avec quelques restes d'asperges , à l'é-
0-,50 dans les rangs et entre les rangs. Cette poque où ses bras ont acquis toute leur vigueur
partie de la besogne terminée, on plante la vi- pour la bien travailler.
gne le long d'un des côtés de la planche seule- Le proverbe dit que , par celte culture , un
ment, soit de boutures, soit de plantes enraci- arpent élève un homme.
nées, espacées entre elles de 1 mètre, ou même
de l-,32. Cette plantation se fait dans l'angle I. - Frais.
delà planche et du sentier, de manière à laisser Nous avons exposé les motifs pour lesquels
U libre disposition des ados pour recharger les l'asperge ne doit pas, à notre sens, être cul-
planches (l'asperges; le sol ainsi employé ne tivée en planches contiguës les unes aux au-
reçoit point de lumièr. Dès la seconde année tres. Il nous semble en effet préférable , sur-
on loi rend quelques centimètres de terre prise tout pour les semis en place, de faire suivre
sur les ados. La troisième année les ados doi- une planche d'asperges aune planche consa-
vent avoir disparu ; la v igne commence à crée à d'autres cultures. De cette manière,
avoir besoin d'échalas. La quatrième année on non - seulement la terre n'est point accumulée
enlève avec une petite houe plate, à bord bien dans d'étroits intervalles en ados élevés qoi
affilé,toute la surface des planches d'asperges, interceptent l'air et la lumière, mais encore on
àO-'.lO d'épaisseur; cette terre s'entasse dans double le temps pendant lequel le même sol
les intervalles des planches. Si l'hiver s'annonce peut être utilise pour celte culture. La terre qui
comme devant être doux, on donne cette façon a produit des asperges dont la durée varie de
dès la fin de décembre ; si l'on craint un hiver 15 à 30 ans, cesse de pouvoir en produire pen-
rigoureux, on attend la fin de février. Aussitôt dant un temps qu'on ne peut fixer à moins
l'opération terminée, soit en hiver, soit au de 12 ou 15 années. Nous avons vu, près de
printemps, on remplace la terre enlevée par Brie-sur-Mnrne, une grande culture d'asperges,
one égale quantité de bon fumier, soit d'étable, parfaitement conduite, échouer complètement,
soit d'écurie, mais abondant en matières ani- parce que le jardinier qui la dirigeait ignorait
males et débarrassé de litière longue , non dé- que le même terrain avait porté pendant 25 ans
composée ; c'est la partie la plus dispendieuse de des plantations d'asperges, détruites depuis
toute cette culture. Tous les ans, au mois d'oc- 11 ans lorsqu'il les recommença. Si toutes les
tobre ou vers le 1 er novembre , on rejette par- planches se touchent et qu'elles occupent la
dessus le fumier la terre enlevée avant la fu- totalité du sol , la culture une fois épuisée ne
mure ; tous lesans on la déplace de nouveau peut plus être renouvelée à la même époque ;
pour fumer. Les asperges ainsi traitées durent si elles n'en occupent que la moitié, on peut,
16 ans , dont 12 en plein rapport. Au bout de lorsqu'on les détruit, les refaire dans les inter-
ce temps , elles commencent a s'éclaircir ; dès valles et continuer ainsi à perpétuité.
lors, comme elles ne rapporteraient plus la va- Les calculs que nous donnons ci-dessous pour
leur du fumier dont elles ont reçu pendant 13 un hectare de terrain s'appliquent donc en
ou 14 ans une abondante ration annuelle, on réalité à deux hectares de superficie , dont les
cesse de leur en donner et de s'occuper de leur planches d'asperges couvrent seulement la
culture; elles durent encore souvent 8 à 10 moitié.
ans avant de disparaître tout-à-fait. On re- Les trois principaux objets de dépense pour
porte toute l'attention sur les vignes, qui, con- l'établissement d'une culture d'asperges sont :
venablement traitées, ont commencé à produire le loyer du sol , la main-d'œuvre et le fumier ;

» 3 ans el sont dans toute leur vigueur ; on les leurs prix varient tellement d'un lieu à un autre,
OBTICUfTOHI. t. v. — 1T
210 HORTICULTURE. Livne vnt.

une moyenne qui


qu'il est impossible d'établir Les semis en place réduisent les dépenses de
n'aurait pas de sens concluant. Nous donne- la première année, et par conséquent les inté-
rons ces prix pour trois cultures: l'une, aux rêts des avances pendant les 14 années sui-
portes de Paris dans l'arrondissement
; l'autre , vantes ; les frais sont représentés par les chif-
de Monldidier (Somme); la troisième, près de fres suivants :

Nancy ( Meurlhe). Chacun pourra les modiûer


selon les circonstances locales de sa situation.
Loyer .... 500 f
Nous indiquerons aussi les frais comparât ifs Funiier. . . . 1,800
des planches établies par plantation de griffes Maiu-d'œutre. 400
élevées en pépinière, et par semis en place. Semence . . . ss

CULTURE DASPEHUES PRES PARIS. Total. . . . 9,595 •

I-KàU II Kl- A.N .M t.


DirxiRMft A*ait.

Lover d'un heclaie SOu Loyer soo


• Fumier.
Mjui-d'iruwe 600 • Main-d'erutre 40 •
• Intérêt! de 9,898 fr., i 8 p. 100 I1C 85

Toi • Total. . . 666 i»

TlOUliMI ".m.
Loyer •
Loyer 300 .

Fumier. tuO •
Fumier. . . . . . • SUU •
Main-d'uMivre 40 •
Main-U oeuvre. • « 40 •
Iniéièts de 3,191 fr. 35 c, à 8 p. 100. 159 55
Tut al. . . . 840
Total. . . «l>9 55

Ainsi les frais des trois années qui précèdent


coude auuce, de •
la première récolle s'élèvent ensemble à la
Somme à laquelle il faut ajouii-r, pour les iu -
léréuà S p. 100 de 3,150 fr. . . . 50
somme de 3,890 fr. 80 c. dont les intérêts à
,

5 p. 100 grèvent les 12 années suivantes, le


30 cours entier de la culture étant dans ce cas de
1 5 ans. Les frais annuels sont donc pendant
Cette somme a été réellement dépensée en
12 ans exprimés par les chiffres suivants :
deux ans, avant la réalisation d'aucun produit.
Les années suivantes resteront grevées pen- Loyer 300 »

Fumier. 900 •
dant tout le cours de la culture, de l'intérêt à
Main-d'oruvre 50 •
6 p. 100 des frais des deux premières années, Intérêt» 194 50
c'est-à-dire de 192 fr. 25 c. Les frais annuels
seront donc, pendant 12 ans : Total 74 4 50

Loyer 500 • En portant cette à 750 fr. , comme


somme
Kt'iuier 400 dans le compte précédent, on trouve une dé-
Maiu-d'uwrre 80 «
pense totale de 12,824 fr. 80 c. , au lieu de
Intérêt! 19* H 13,597 fr. 50 c Cette différence est en réalité
Total. 749 50 plus considérable ; plusieurs articles pourraient
être supprimés ou réduits, comme la semence
La main-d'œuvre augmentée de 10 fr. est gu'on récolte ordinairement soi-même, et le
à cause du temps employé nécessairement à fumier qu'on prend souvent sur des couches
cueillir et arranger les produits ; on peut ex- démolies, où il a rendu plus que sa valeur-, on
primer les frais annuels par le chiffre de 750 fr. peut donc être assure de ne trouver aucun
a cause des faux frais, comme liens d'osier mécompte en agissant d'après nos calculs.
pour les bottes d'asperges , transport au mar-
ché et autres dépenses minimes qui pourtant CULTURE D'ASPERGES PRÈS MONTDIDKB.
doivent être comptées. Au bout de 14 ans, dont r maniât Aimas.
12 seulement auront donné des récoltes, on Loyer d'un hectare ... I50r »

aura dépensé une somme totale de 13,597 fr. Fumier . 600 •

50 c. Main-d'truvre 500 •


Nous avons vu des cultures d'asperges con- Griffe* da>pcrge« 300

tinuées, sans diminution sensible dans la qua- Total 1,550 •

lité ni dans la quantité des produits, depuis


lus de 30 ans mais c'était dans des jardins où
:
DICX1ÈMK ABIlâE.
F iso •
on ne demandait aux planches d'asperges que Loyer
la consommation d'un ménage, et où la récolte Fumier
Maiii-d'autrc. 30 •
s'arrêtait dès la fin de mai. A Aubervilliers, la
Intérêts de 77 5(»
durée moyenne est de 12 à ans, y compris M 1,550 fr., à 8 p. 100 . . -

les deux premières années improductives. Total S" M»

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 211
TSQISliMK AH XÛ. BXOXÙKS .'.jm i .

Loyer I50 f . Loyer 100f .


Fumier HO . Fumier. .. 50 •
Main-d'œuvre 40 Main-d'ceuv 30 *
Intérêt» de i,ê«7 fr. 50 c, à S p. 100 . . 91 35 Intérêts. . si as
Totai 401 35
Total. 231 35
somme de 401 fr. 35 c. repré-
Cette dernière
Cette dernière somme, portée à 240 fr. pour
sente donc
dépense annuelle pendant tout le
la
les années suivantes, à cause des frais de ré-
cours de la culture, de sorte qu'au bout de 14
colte et de vente, donne par approximation
ans, la somme totaledes frais estde 6,643 f. 70 c.
La culture à laquelle nous avons emprunte 4,400 fr. de frais pour tout le cours de la cul-
les chiffres ci - dessus a été établie par planta-
ture, somme très différente du total des frais

tion si elle l'eût été par semis, les frais au-


précédemment indiqués. Mais comme on le ,
;
verra par les produits, cette méthode écono-
raient été diminués de 4 à 500 fr. En réalité
n'a pas été dépensé par hectare autant t|ue
i!
mique est celle par laquelle les asperges re-
viennent le plus cher au cultivateur; ce qui
ous l'avons indiqué

le fumier et les griffes
;

d'asperges sont portés en compte comme s'ils


n'empêche pas qu'elle ne soit pratiquée avec
raient été achetés aux prix du pays mais les
avantage par celui dont les ressources ne lui
;
)ermettent pas d'en adopter une meilleure ; en
.liffes étaient élevées en pépinière, et le fumier
lorticulture comme en toute autre industrie
roduit en partie dans l'exploitation ce qui ,
es bénéfices sont proportionnés aux avances
•udait la somme des frais beaucoup moins
aussi bien qu'à l'intelligence et à l'activité du
-levée que celle à laquelle nous avons cru de-
travailleur.
•<ir les porter; nous supposons ceux qui vou-


raient opérer d'après nos chilfres, obligés de J. — Produits.
>ut acheter.
Avant de rechercher le produit en argent
à notre connaissance dans les en-
Il existe ,

virons de Londres, de grandes cultures d'as-


d'un hectare cultive en asperges considérons ,

d'abord quantité d'asperges qu'on peut ré-


la
perges destinées à l'approvisionnement de cette
capitale; chacune d'elles occupe en movenne
colter annuellement dans un hectare.
L'espacement qui nous semble le plus con-
50 hectares ; quelques unes sont beaucoup plus
venable comporte 60 griffes par planches de
étendues. Le fumier et la main - d'teuvre sont
10 mètres de long sur l m ,40 de large; un are
certainement plus chers à Londres qu'à Paris,
contient 6 planches semblables, soit 360 griffes;
qu'on juge de la masse de capitaux dont 'hor- l

1 hectare en reçoit donc 36,000. L'asperge


ticulture dispose dans ce pays. Si on la om- <

violette ordinaire donne de 25 à 30 jets par


pare à l'exiguïté des ressources de nos horti-
grilfe ; il en faut laisser à la fin de la saison
culteurs, on ne s'elonnera pas de la cherté des
environ un cinquième ; c'est donc une récolte
asperges à Paris et du peu de terrain consacré
de 20 asperges par griffe. Un hectare donne
à leur culture, comparativement aux besoins.
d'après cette base, 720,000 asperges. Un quart
Ce n'est point à un capitaliste français qu'un
de ce nombre, soit 180,000, sont de première
jardinier lera comprendre qu'une avance de
grosseur; elles se divisent en bottes, dont cha-
300,000 fr., improductive pendant 2 ans, de-
viendrait une source de fortune pour lui comme
cune contient en moyenne 75 asperges. Le
pour le travailleur chargé de la faire valoir.
surplus , soit 540,000 se divise en bottes, dont
chacune en contient environ un cent , tant
Dans la culture de l'asperge, telle que nous
venons de la décrire, tous les travaux s'exécu-
moyennes que petites beaucoup de bottes, for-
;

tent à bras, sans le secours de la herse ni de la


mées d'asperges de moyenne grosseur, n'en
ont que 80 ; mais vendues pour être
les petites,
charrue. Dans la Meurlhc il existe d'assez
grandes cultures d'asperges, près de Nancy
mangées aux petits pois, ont souvent plus de

elles ont été établies sur des labours profonds


;
120 brins à la botte. Un hectare rend donc an-
à
nuellement 2,400 bottes de grosses asperges,
la charrue, suivis de hersages ; le sol a été lar-
et 5,400 bottes d'asperges petites et moyennes.
gement fume, mais sans aucun déplacement de
terre, remplacée par un lit de fumier. Les as-
Ces produits sont ceux des cultures des en-
virons de Paris et de l'arrondissement de Mont-
perges y viennent fort belles. Cette méthode est
fort économique
didier, conduites l'une et l'autre d'après le
; les frais indiqués dans un
excellent travail de H. Chaillon, ancien jardi
même système.
nier de M. Rotschild, aujourd'hui jardinier-
Lorsqu'on cultive exclusivement la grosse
asperge de Hollande ou de Gand , qui ne pro-
nwraicher près Nancy, ne se montent, par
duit que des jets de première grosseur, parce
hectare, qu'aux sommes ci-dessous exprimées :
qu'on doit laisser monter tous les petits, le
miMlÈRK AXHKE. nombre des griffes n'est plus que de 45 par
Loyer d'un beclare
IOO f • planches, soit 270 par are et 27,000 par hec-
**
0|nier
3'.»0 • tare. Chaque griffe ne donne en moyenne que
Main-d'œuvrv sio • 12 asperges; un hectare en produit 'donc seu-
Griffe* obtenue, eu pépinière;
" *s •
lement 324,000 qui divisées par bottes de
, ,

T0T*L 1,0*5 • 75 brins, donnent un total de 4,200 bottes, au

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212 HORTICULTURE. livre vin.

lieu de 7,800 ; valeur de chaque botte


mais la CULTURE PRÈS MONTDIDIER-
est plus considérable et il n'y a pas de diffé- Produits 37.440 f •
rence bien sensible. Frais 8,613 70
Dans la culture telle qu'on la pratique aux
Bénéfice 30,760 su
environs de Nancy, le nombre des griffes étant
le même, on ne peut en espérer plus de 8 à 10
CULTURE PRÈS NANCY.
jets par griffe , en moyenne 9 ; un hectare en
produit donc 324,000 mais au lieu d'un quart
;
Produits IS.3J3 »

en première grosseur, on en obtient tout au Frais 4,400 •

plus un sixième, soit 54,000, formant 720 bot-


Bénéfice 7,9 li »
tes ; les 270,000 asperges, petites ou moyennes,
forment 2,700 boites; mais comme les petites § XVI. — Artichaut.
y sont en majorité la valeur vénale n'en est
,

jamais très élevée. M. Chaillon porte de 800 fr. Ce légume est un de ceux qui, sous le climat
a 1 ,000 fr. le produit brut d'un hectare, ce qui, de Paris et du centre de la France, exigent le
plus de soins, de frais et de main-d'œuvre,
r)ur 3,420 bottes, donne un prix moyen de 30 tandis que sous le climat du midi, il croît pour
32 c. ; quoique les prix de Nancy et ceux de
Paris soient très différents, il est évident qu'une ainsi dire tout seul nous indiquerons les doux
:

moyenne aussi basse suppose une proportion méthodes. L'artichaut est d'une digestion facile
très faible de grosses asperges. En résumé, nous et d'un goût généralement recherché; les doux

trouvons pour résultat de la culture des as- variétés principales que distingue seulement la

perges les produits suivants, comme moyenne forme de leurs feuilles calicinales jouissent des
du rendement d'un hectare :
mêmes propriétés; l'une et l'autre tiennent par-
tout une grande place dans le jardin potager,
PARIS et MOMTDIDIER- Botle» à la grande culture en plein champ
et se prêtent
f»t b«cur».
avec beaucoup de facilité.
(grosse* 4,400
moyennes et petites. 5,400 A. — Multiplication.
Asperge de Gand, grosses 4,900
L'artichaut se multiplie, soit de graine, soit
NANCY.

^-;; —
de drageons que les jardiniers nomment œille-
A,per6 c «oi«ue,...
n •;; 9
™ tons. Le dernier mode de multiplication est le
meilleur à tous égards, tant à cause de la plus
forte végétation du plant provenant d'œilletons,
La valeur de ces produits en argent est dif-
à établir avec précision. Les asperges pré-
ficile
qu'en raison du retard que les semis occasion-
coces sont toujours à Paris d'un prix élevé; les nent dans la récolte; mais, dans les contrées
sujettes à des hivers très longs, tour à tour
grosses asperges ne descendent jamais au-des-
sous d'un fr. ; les petites descendent très rare- froids et humides, l'artichaut est exposé à tant
ment au-dessous de 40 c. En considérant le d'accidents qu'on est quelquefois heureux d'a-
nombre des grosses asperges proportionnelle- voir recours aux semis.
ment aux petites et moyennes, un prix commun 1. Semis. —Les têtes d'artichaut dont on se
de 60 c. nous semble très rapproche de la vérité. propose de récolter la graine pour la semer
doivent être choisies parmi les plus belles de
7,800 bottes à 60 c forment une recette an-
nuelle de 4,680 fr. pendant douze ans, soit chaque espèce ; lorsque la fleur commence à
,
s'ouvrir et que les fleurons du centre ont acquis
56,160 fr.
Les asperges cultivées près de Montdidier une belle couleur violette, on tord la tige de
sont vendues a Amiens, à Abbeville, et dans les manière à donner au calice une situation ren-
autres villes des environs; il n'en vient point à versée qui met la graine à l'abri du bec des oi-
Paris. Des calculs établis comme ci-dessus nous seaux, particulièrement des chardonnerets qui
portent à croire que le prix moyen obtenu du en sont fort avides. Les porte-graines ne doi-
cultivateur doit être fort près de 40 c. vent avoir qu'une seule tête ; toutes les pous-
ses latérales doivent avoir été supprimées a me-
7,800 bottes à 40 c. forment une recette,

annuelle de 3,120 fr. , pendant douze ans, soit sure qu'elles se montrent. La graine d'artichaut
37,440 fr. se sème à la fin d'avril ou dans la première se-
Le prix moyen de 30 c. la botte, obtenu à maine de mai, selon l'état de la température,
Nancy, donne pour 3,420 bottes, 1,026 fr. de soit en place, soit en pépinière; les semis en

recette annuelle, soit pour 12 ans 12,312 fr. place sont les meilleurs il faut semer trois ou
;

Mettant en regard les frais et les produits, quatre graines, à 0 m ,08 de distance, en trian-
on trouve que les capitaux avancés pour ces gle ou en carre: la meilleure distance est celle

trois cultures ont donné les bénéfices indiqués d'un mètre en tout sens entre le milieu de cha-
dans le tableau ci-dessous :
que semis particulier; si le sol est très favora-
ble, et les engrais abondants, comme aux en-
CULTURE PRÉS PARIS. virons de Paris, on peut donner aux rangées
Produit» 88,190' • de semis un mètre dans un sens et 0-,o0 dans
Frais, intérêts compris 13,597 50 l'autre.
en lignes, soit «
Bénéfice 43,t>»4 80 Les semis en pépinière, soit

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runt iv. CULTURES NATURELLES. 213

la ne peuvent avoir quelque chance de


volée, un terrain qui n'a pas encore été cultivé en
succès que dans un sol léger, mêlé de fumier jardinage, il est bon de le défoncer un an d'a-
très consommé, et recouvert à la surface de vance à la profondeur de 0'",40, et de lui faire
0 n ,l0 de bon terreau. La graine est déposée produire avec une demi-fumure une récolte
dans le terreau à la profondeur de 0 m ,05; elle quelconque; l'artichaut ne réussit jamais bien
doit être un peu comprimée; quelques arrosa- sur un sol neuf, pas même sur une prairie rom-
ges lui sont nécessaires quand le temps est très pue. Dans les contrées septentrionales, la dis-
sec avant le moment où elle sort de terre elle ; f>osition que nous avons recommandée pour
met de vingt à trente jours à lever. Le grand es plantations de choux d'hiver est excellente
inconvénient des semis, c'est qu'ils ne repro- pour les artichauts, et préférable aux planta-
duisent pas les espèces Tranches ; leurs feuilles tions à plat (voir Choux, fig. 303). Dans les
deviennent souvent longues et grêles, armées pays méridionaux, on façonne le sol en plan-
de piquants aux extrémités de leurs divisions-, ches étroites avec des rigoles d'arrosage, dis-
les jardiniers disent dans ce cas que l'artichaut position représentée fig. i et 2 («otrpage 15).
tourne au chardon. Dès qu'on s'en
file et qu'il
aperçoit, il supprimer les pieds
faut sans retard
C. — Plantation.
qui tournent au chardon, parce qu'étant tou- On
plante les artichauts, soit au printemps,
jours beaucoup plus forts que les autres, ils ne soit en automne, quand le plant provient d'oeil-
pourraient manquer de les étouffer et de les letons, et en automne seulement lorsqu'il pro-
faire périr. Dans les semis en place, on peut vient de semis. La température et la nature du
eboisirdès que les feuille s ont acquis seulement sol doivent servir de règle à cet égard ; néan-
m
0 ,10de longueur; on conserve le pied le plus moins, les plantations de printemps nous ont
fort, pourvu toutefois que les feuilles ne mon- toujours paru préférables quant a la beauté
trent point un commencement d'épines, auquel des produits; elles ont de plus l'avantage d'é-
eas, le pied le plus faible, mais sans piquants, viter les vides que l'hiver laisse toujours dans
devrait être préféré. Le plant élevé en pépi- les rangs des plantations d'automne; mais
nière se met en place à la fin du mois d'août, celles-ci donnent des produits un peu plus hâ-
pour donner une récolle de bonne heure en tifs. Dans la France centrale, on plante géné-
juin de l'année suivante. ralement à un mètre en tout sens ; nous croyons
2. Œilletons. —
Les terres cultivables de cette distance trop grande; d'autres plantent à
toute la France suffiraient à peine à emplover un mètre dans un sens et a 0 m .50 dans l'autre ;
les œilletons d'artichaut qu'on supprime cha-
m
nous croyons la distance de 0 ,80 en tous sens
que année, s'ils devaient être plantes en totalité; de beaucoup préférable. La première donne par
rien n'empêche donc d'apporter le plus grand hectare 10,000 pieds, la seconde 20,000, la
soin dans le choix des œilletons, et dans la ma- troisième 15,625. Un sol de fertilité ordinaire,
nière de les séparer de la plante-mère, qui ne convenablement défoncé, amendé et fumé, peut
doit en conserver que deux ou trois ; nous pen- recevoir ce dernier nombre de pieds d'artichaut
sons qu'en général, il ne faut pas en laisser plus par hectare, et donner une récolte de qualité
de deux et qu'on ne doit en laisser trois qu'aux sensiblement égale à celle que produiraient
pieds les plus vigoureux; il n'y a d'ailleurs 10,000 pieds sur le même sol à un mètre en
aucun inconvénient à n'en pas conserver da- tout sens. Beaucoup de jardiniers sont encore
vantage; accroître la quantité des produits aux dans l'usage de planter deux pieds au lieu d'un,
dépens de leur qualité est une méthode vicieuse à quelques centimètres l'un oie l'autre; la gros-
qui ne donne en dernier résultat aucun béné- seur des artichauts en est tellement diminuée,
fice réel. qu'il y a perte réelle à suivre cette méthode; les
Les œilletons destinés à être plantés doivent inconvénients en sont peu sensibles sur un sol
fore choisis sains, droits, charnus et pourvus particulièrement favorable et engraissé avec
dé jeunes racines; oa les détache de la tige- prodigalité; les mêmes ressources mieux em-
mère en lestirantdu haut en bas, de manière à ployées donneraient des résultats encore plus
leur laisser toujours un talon qui donnera bien- avantageux. On doit assurer la reprise du
tôt naissance à des racines nouvelles; le plant plant par de bons arrosages renouvelés une ou
pourvu d'un bon talon reprend souvent sans deux fois par Jour, selon la température, jus-
racines. Les œilletons les plus forts en appa- qu'à ce que les feuilles nouvelles annoncent la
rence, mais dont les feuilles sont coriaces et les formation des jeunes racines. En Angleterre, on
racines presque ligneuses, doivent être rejetés; donne aux rangs d'artichauts l m ,32 d'inter-
•Iï ne
donneraient, sur des tiges hautes et fortes, valle; les pieds y sont espacés entre eux de
que des artichauts mal conformés, petits, durs, ,n
0 ,60; il y en a par conséquent 12,250 par
« de nulle valeur. hectare; mais on cultive les intervalles; cette
méthode n'a rien qui doive la faire préférer à
B. — Préparation du terrain. celle qu'on suit en France. Dans nos départe-
Le sol destiné aux plantations d'artichaut ments du midi, la culture de l'artichaut s'allie
doit être labouré profondément
et fumé sans -
avec celle du melon en pleine terre, lorsqu'on
parcimonie, car c est, comme disent les jardi- dispose d'une quantité d'eau suffisante; les
niers, une plante dont
les racines mangent planches sont séparées par des rigoles d'arro-
beaucoup. Lorsqu'on destine à cette culture u
sage ; elles ont ordinairement l ',40 de largeur,

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214 IIOUTICULÏURE. LIVRE VIII.

mais les artichauts n'en occupent qu'une par- végétation des artichauts expose une partie des
,u
tie; les pieds sont espacés entre eux de 0 ,75. têtes à être surprise par les premiers froids
avant d'être assez développée pour pouvoir
D. — Détails de culture.
Earaiire sur le marché. Dans ce cas, on coupe
Les artichauts n'ont réellement besoin d'ar- ;s tiges près de terre et on les porte à l'abri,

rosages qu'au moment de leur plantation, et soit sous un hangar, soit dans la réserve éco-
25 ou 30 jours avant le développement des nomique; les tiges sont plongées dans du sable
m
pommes. On conçoit que cette partie de leur irais, à la profondeur de 0 ,25-, l'artichaut
culture devient excessivement dispendieuse continue à grossir, sans toutefois devenir tel
lorsqu'on la pratique sur une très grande qu'il aurait été en pleine terre par un temps
échelle, comme dans les plaines au nord de favorable. En décembre et janvier, les têtes de
Paris, et dans celles des environs de Laon grosseur médiocre se vendent facilement à un
(Aisne); aussi, les jardiniers dont la culture de bon prix ; le jardinier amateur ne doit pas né-
l'artichaut est la principale industrie en lais- gliger ce moyen de prolonger la consommation
sent-ils la majeure partie venir selon qu'il plaît d'un légume frais à l'époque de l'année où l'on
à Dieu de les arroser, reportant sur une por- est presque réduit aux légumes secs. Les arti-
tion seulement la main-d'œuvre dont ils dispo- chauts ainsi traités restent frais pendant ôO à
sent. De cette manière, ils ont une quantité 60 jours; plus tard, leurs feuilles calicinales se
limitée de très beaux artichauts, et quelquefois raieraient de brun, et la partie mangeable de-
une récolte passable d'artichauts médiocres; viendrait coriace, ce qui oterait aux artichauts
quelquefois aussi, quand la température est très toute leur valeur. Au mois d'octobre on sup- .

sèche, comme elle l'a été en 1840 et en 1842, prime dans les pieds de trois ans destinés à êire
la récolte est presque nulle partout où l'arro- arraches tous les œilletons défectueux, afin
soir n'a point passé. Il faut convenir aussi que que les bons profitent seuls des derniers beaux
ce n'est pas une petite besogne que de mouiller jours; on a par ce moyen du plant de première
à fond deux fois par jour, à raison de 12 litres qualité pour les plantations du printemps sui-
à chaque fois, les 1 2 à 1 5 ,000 pieds d'artichauts vant.
qui couvrent un hectare de terre ; pendant un A l'approche des premiers froids, il faut s'oc-
mois environ que dure la saison des arrosages cuper de butter les artichauts qui ont souvent
pour l'artichaut, un hectare n'absorbe pas bien moins à souffrir du froid en lui-même que
moins de 3,600 hectolitres par jour, soit, pour des précautions prises sans discernement pour
30 arrosages, l'énorme quantité de 10,800,000 les en préserver. La gelée ne fait pas un tort
litres d'eau ; et bien des jardiniers de Gonesse, sensible à l'artichaut, Uni qu'elle n'atteint pas
du Bourget et des communes voisines, en ont ses racines. L'opération du buttage a pour but
plusieurs hectares ! de mettre une plus grande épaisseur de terre
L'artichaut végète fort inégalement; cette entre lesracinesde l'artichaut et l'air extérieur.
circonstance contribue à rendre sa culture en Elle remplit parfaitement cet objet quand le
grand avantageuse, parce qu'elle évite l'en- buttage est donné par un temps sec , la terre
combrement d'une recolle arrivant toute à la étant suffisamment égouttée ; la gelée pénètre
fois. Pour de printemps , rien n'est
la récolte d'autant moins avant dans la terre , qu'elle la
})lus profitable au jardinier. On doit retrancher, trouve moins humide. Mais le buttage seul ne
e plus près possible de terre, les tiges qui ont suffit pasà la conservation des piedsd'arlicbaut
donné leur pomme, et ne pas permettre que les pendant l'hiver; il faut encore préserver les
Cmes accessoires, ordinairement peu deve- feuilles de la gelée et de la pourriture. A cet
, ées lorsqu'on coupe la première, achèvent effet, on les raccourcit en ne laissant entières
,

leur croissance complète , ce qui épuiserait la que celles du centre, et on les recouvre soit de
plante. Ces pommes sont vendues à moitié de paille sèche , soit de feuilles mortes qu'on de-
leur grosseur, pour être mangées crues sous le place toutes les fois que le temps le permet.
nom a artichauts d la poivrade. Lorsqu'on veut Dès le mois de février, il faut découvrir les ar-
obtenir de chaque pied une seule pomme aussi tichauts la nuit comme le jour, tant qu'il ne
volumineuse que possible , ce qui est le plus gèle pas, sous peine d'en perdre les trois quarts
avantageux pour les artichauts arrosés, on re- par la pourriture. On ne saurait apporter trop
tranche toutes les pommes accessoires à mesure de soin à éviter, en buttant les artichauts, de
qu'elles se montrent. On les laisse au contraire laisser pénétrer de la terre, soit entre les côtes
devenir aussi grosses que le sol et la vigueur des grosses feuilles , soit sur les feuilles du
de la plante le permettent , lorsqu'on se pro- centre.
pose de supprimer un carré d'artichauts qui a Au printemps,lorsqu'on œilletonne les arti-
lait son temps. L'artichaut pourrait durer un chauts, il faut mener l'opération très vite . dé-
grand nombre d'années; mais au bout de trois chausser le pied , ôler les œilletons en en lais-
ans, la qualité des produits diminue tellement, sant seulement un ou deux, pris parmi les meil-
qu'il vaut mieux renouveler la plantation; il leurs, et remettre la terre en place ; tout cela ne
a même beaucoup de terrains où l'artichaut k demande pas plus de 25 à 30 secondes lorsque
-,
égénère après deux hivers et veut être ra- deux jardiniers opèrent à la fois sur le même
jeuni. pied, ce qui est nécessaire, surtout quand on
Pour la récolte d'automne, l'inégalité de la œilletonne les artichauts pendant le hàle de mars.

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r r-.i: IV. CULTURES NATURELLES. 215

artichauts semblent souffrir do la sc-


Si les que œilletons mis en place sans être bien
les

oneresse, il ne faut pas craindre de les arroser enracinés d'avance périraient presque tous.
en mars, quand même le climat ferait appré- On les plante à() m ,l0 les uns des autres dans
hender dos gelées tardives dans ce dernier as,
; « des carrés coupes de rigoles qu'on remplit d'eau
on augmentera la eouverturede manière à eut- deux fois par jour; en moins de 15 jours, les
pécher la gelée d'atteindre les racines. œilletons ainsi traités ont poussé de fortes ra-
On voit combien de main-d'œuvre exige la cines ils peuvent alors être mis en place et
;

conservation dos artichauts en hiver; ces pro- résister à la sécheresse. Ce procédé est princi-
cédés sont presque impraticables dans la cul palement en usage à H v èn s où la culture de .

lure en grand. A la suite des hivers longs et l'artichaut occupe plus de 150 hectares de
rudes les artichauts en plein champ quoique
. , terres.
buttes et couverts, meurent presque tous, soit Los feuilles de l'artichaut liées et blanchies
parce que les couvertmes n'ont pas assez d'é- comme les cardons, les remplacent avec avan-

paisseur, soit parce que les fouilles du cour, tage au goût de beaucoup d'amateurs; leur sa-
trop longtemps couvertes, s'étiolent et pourris- veur est seulement un peu plus forte (voir Car-
sent. Mais dans un carre de jardin de dimen- dons La fleur d'artichaut est la meilleure de
.

sions moyennes, il est facile de donner à quel- toutes les présures; elle ne communique aucun
ques centaines de pieds d'artichaut tous les mauvais goût au fromage; elle est préférable
soins qu'ils réclament. H ion n'est plus nuisible sous tous les présure ordinaire.
rapports à la

aux artichauts que de les couvrir avec du fu- On fora bien, à la campagne, d'en réserver
mier en fermentation : la litière sèche, la paille toujours une provision pour cet usage.
elles feuilles, surtout celles de châtaignier,
plus faciles que les autres à déplacer sans les
E. — Fiait et f>rot/uilM.

disperser, doivent seules être mises on eontact F hais.


avec le cœur de l'artichaut; si l'on se sert de
fumier, ce ne doit être que pour recouvrir les Nous les avons calculés pour une culture
racines s'il touche au\ feuilles, il ne peut que
;
continuée pendant trois ans, durée ordinaire
faire pourrir la plante. des plantations d'artichauts.
Pour la culture d'artichauts limitée à un pe-
tit nombre de pieds, il y a un procédé plus sim-
Lover .-t impoutioM 300'
Êle et plus sur, mais impraticable en grand,
60 meires ubes d'engrais, à 8
« fr. le m. cube.. 480
in enlève à l'automne les artichauts avec 550
Achat ilu plant
toutes leurs racines, et on les plante dans de Main-d'icnvrc 3<>o
la terre sèche dans une cave qui ne soit pas pour abri» 100
Paille el fviiillfs
trop humide. Il n'v a plus à s'en occuper jus-
Total 4.U0
qu'au printemps. Dès que les gelées ne sont
plus àcraindre, on remet les artichauts en place MU.
UMAIIMC AN
après les avoir œilletonnés; on leur garnit le
I.our el imposition*. . 3 (M)
bied de bon fumier et l'on arrose laigomcnt.
. .

3 j inèlref tubes J i ngran . S.O


La récolte de ces artichauts devance do 15 <oo
Main-dVruvrc
jours au moins celle des artichauts qui ont 100
Paille et feuilles
passé l'hiver on pleine terre. Les jardiniers
maraîchers des environs de Paris, qu'une lon- ToTAI
gue habitude d'observation met à même de
tixoimi Mr. A**»».
prévoir les hivers rigoureux, se ménagent par
Frais égaui à cet» de la deuxième année koo
cp procédé une provision précieuse d'œilletons
qui quelquefois, après un rude hiver, sont payés Total dei frais pour trois ans. 3,030
40 et '.() fr. le mille à ceux qui ont pu en con-
server, de sorte que. pour garnir un hectare, Plusieurs artieles auraient pu être ou sup-
le phnt seul occasionne une dépense île 700 à prunes ou minucs; tels sont l'achat du plant
800 fr. que rus .souvent on n'achète pas: nous le
D.ms les contrées méridionales, l'artichaut portons au prix du marché aux fleurs à Paris,
n'a besoin pour passer l'hiver que d'un léger en is;:î les feuilles qui ne coûtent rien à la
;

buttage qu'on défait au printemps. La manière campagne la paille pour couverture, qui sert
;

d'œilletonner est la même; l'arrosage au moyen plusieurs années de suite nous les portons en ;

des rigoles se donne par imlnhition à très peu compte pour compenser mille faux frais qu'on
tic Irais; la culture de l'artichaut est donc ne peut évaluer, et qui grossissent toujours
beaucoup plus facile dans le midi que dans le d'une manière imprévue, les frais de culture
centre et le nord de la France, mais aussi, calculés d'avance.
file n'est praticable que là où l'on dispose d'une
PltODUITS.
ISSU grande quantité d'eau vive . ce qui n'est
pas nécessaire sous un climat moins expose Un hectare de terre recuit, comme on Ta vu,
;iux terribles sécheresses do nos département* en moyenne, 16,000 pie !s d'artichaut. Sup-
méridionaux. Le printemps est ordinairement posons qu'il en manque 1,000, restent 14,0o0
si sec dans le Yar et les Uouclies du-lihùne, Chaque pied peut donner, soit une grosse

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216 HOHTICULTUUE. LIVHE VIII.

pomme et deux moyennes, soit deux moyennes la différence entre 3,030 fr. de frais et 6,210 fr.
et trois ou quatre petites. Le prix moyen est de recette, soit 3,180 fr. En nombres ronds,
très difficile à déterminer. A Paris les arti-
, c'est 3,000 fr. de frais et 6,000 fr. de recette
chauts les plus gros et les plus précoces se brute en trois anf ; soit 1 ,000 fr. de produit net
vendent aux revendeurs de 20 à 30 centimes par an par hectare.
la pièce; le paquet de 8 à 10 artichauts à la
poivrade vaut, en primeur, de 40 à 50 c. En
§ XVII. — Cardons.
|)leine saison, les gros valent de 10 à 15 c; Les côtes blanchies de cette plante , dont la
es moyens, de 5 à 10 c. ; les paquets de petits saveur a beaucoup de rapports avec celle de
artichauts, de 10 à 15 c. Les derniers arti- l'artichaut, ne sont pas assez généralement
chauts et ceux que l'on conserve pour être goûtées pour que la consommation en soit fort
vendus en hiver, dépassent quelquefois le prix étendue ; les cardons ne peuvent donc occuper
des plus précoces. D'après ces données, une qu'un espace très limité dans le potager du
moyenne de 30 c. par pied n'est pas trop éle- jardinier de profession. Quatre espèces sont
vée pour le produit annuel des cultures d'ar- principalement cultivées: le cardon d'Espa-
tiebaut qui approvisionnent Paris. 14,000 gne , le cardon de Tours le cardon à côtes
,

ftieds d'artichaut à 30 c, portent le produit rouges et le cardon inerme ou à côtes pleines.


>rut d'un hectare à 4,200 fr. Ce produit doit Ce uernicr est le meilleur à tous égards; il est,
être diminué de 800 fr. pour la première an- comme son nom l'indique, tout- à-fait sans
née, en raison du nombre de pieds qui ne mon- piquants et presque dépourvu de fils inté-
tent pas. Le produit brut des trois années au rieurs, toujours désagréables à rencontrer dans
bout desquelles on détruit les plantations d'ar- les côtes des cardons des autres espèces. Il est
tichaut peut donc s'élever approximativement à désirer que le cardon inerme soit substitué
à 1 1 ,800 fr. Nous pourrions citer telle culture dans la culture au cardon de Tours qu'on lui
de 33 ares (un arpent de Paris), qui a produit prélère généralement ; ce cardon n'offre sur le
2,000 fr. par an telle autre culture de 16 ares,
-, cardon inerme aucun avantage; les piquants
qui a donné en un an 1 ,200 fr. Ce serait sur dont il est armé causent souvent aux jardiniers
le pied de 6,000 fr. et de 7,200 fr. par an par des blessures très lentes à guérir. On ne mul-
hectare, ou pour trois ans, 18,000 à 21,000 fr. tiplie le cardon que de semences , tellement
On conçoit aisément que les produits d'une semblables à celles de l'artichaut, qu'il faut
culture de plusieurs hectares ne peuvent se beaucoup d'habitude pour ne pas les confondre.
comparer à ceux d'une petite culture, où cha- Ces semences se récoltent comme celles de l'ar-
que pied est soigné individuellement comme tichaut, sur des fleurs dont on a eu soin d'in-
une plante de collection; c'est l'histoire des cliner la tige en la tordant, afin qu'elles soient
mécomptes qui suivent tous les calculs basés tournées vers la terre , pour les préserver de
sur des essais en petit. la pluie qui pourrit souvent la graine quand
Le jardinier qui consacre un hectare déterre on les laisse dans leur situation naturelle. Le
à la culture de l'artichaut, en soigne ordinai- cardon se sème en place, comme l'artichaut,
rement de son mieux 16 ares; le produit de dans les mêmes conditions et à la même dis-
cette partie de son champ lui rapporte, à moins tance entre chaque pied ; on accélère sa crois-
de revers extraordinaires, de 800 fr. à 1 ,000 fr. : sance par des arrosements d'autant plus abon-
moyenne, 900 fr. par an, et pour trois ans, dants que l'été est plus chaud. Vers le milieu
2,700 fr. C'est le plus certain de sa récolte. Les de juin, le cardon n'a encore poussé que des
m
artichauts des 84 ares restant, peu ou point arro- feuilles souvent longues de 1"\50 à 2 ; c'est à
sés en été, rarement découverts et recouverts à ce moment de sa végétation qu'il faut l'arrêter
propos en hiver, ne lui donneront pas tous les pour le rendre propre à. l'usage auquel on le
ans un produit brut aussi élevé que celui de 16 destine. A cet effet, on réunit les feuilles par
ares traitées avec tous les soins nécessaires. Une leur sommet au moyen d'un lien de paille tor-
bonne année compensant une mauvaise cha- , due sans trop les comprimer. On enveloppe
,

que pied de ces 84 ares donnera en moyenne ensuite toute la plante , maintenue dans une
10 c. par an, soit pour 11, 7 60 pieds, 1 ,170 fr., position verticale, d'une chemise de paille lon-
et pour trois ans, 3,510 fr. qui, ajoutés à la gue, placée dans son sens naturel, les épis vers
recette de 2,700 fr. obtenue des 16 ares bien le haut; plusieurs attaches en paille maintien-
soignés, porte le produit brut total à 6,210 fr., nent cette couverture. On butte ensuite la terre
même en faisant au chapitre des accidents une m
autour du pied , ce qui recouvre de 0 ,05 à
ro
très large part. Nous ne portons point en re- 0 ,06 de terre l'extrémité inférieure de la paille
cette les œilletons, qui ont souvent à Paris une et l'empêche d'être déplacée par le vent.
valeur considérable. Les pieds d'artichaut Le cardon ainsi couvert blanchit et s'étiole
ayant souffert cette année (1842) par la séche- d'autant plus vite et plus complètement, que
resse et les pucerons, le plant ne peut valoir, son enveloppe de paille est plus épaisse. H ne
au printemps de 1843, moins de 2 fr. le cent, faut lier les cardons que successivement . en
et il n'y en aura pas pour tous les amateurs. donnant à leurs chemises de paille des épais-
^
En résumé , nous trouvons pour produit net seurs différentes. Cette précaution est très né-
d'un hectare d'artichauts traités selon la ma- cessaire pour que les cardons ne blanchissent
'

nière ordinairement eu usage autour de Paris, pas tous à la fois ; car, une fois blanchis, ils ne

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 217

restent pas en cet état; ils pourrissent très ra- ledéfoncer à la profondeur de 0 ,60 et le fu-
m
pidement s'ils ne sont consommés, et, comme mer sans parcimonie avec du fumier à demi
nous l'avons dit , la consommation en est très consommé. On laisse le sol ainsiremué se ras-
limitée. À l'entrée de l'hiver, on enferme dans seoir pendant une semaine ou deux puis on ;

une cave sèche ou dans la réserve économique ouvre des fosses larges de 1"\40 et profondes
quelques touffes de cardons qu'on a eu soin de
m
de 0 ,50 la terre qu'on en extrait
; est déposée
semer assez tard pour qu'ils soient bons à lier en ados sur les deux bords.
vers la fin d'octobre c'est la provision d'hiver.
:

On se garde bien de lier les pieds qu'on destine C — Plantation.


à porter graine l'année suivante; on les traite La préparation du terrain en fosses, telle
comme des pieds d'artichaut. uenous l'avons indiquée, est destinée au mode
3 e plantation qui réunit le mieux les conditions
g XVIII. — Céleri.
essentielles de production et d'économie ; cha-
Nos voisins de l'est et du nord font plus de aue fosse reçoit trois rangs, l'un au milieu, les
cas que nous de cet excellent légume dont les , eux autres'à 0 m ,32 de chaque côté. I>es pre-
propriétés digestives ne sont pas assez géné- miers semis sur couche donnent dans les pre-
ralement appréciées en France. A Paris, le miers jours de juin du plant bon à mettre en
guère employé que comme assai-
céleri n'est place ; les autres semis fournissent à des plan-
sonnement accessoire dans la soupe grasse et tations successives qui se prolongent jusqu'en
la salade, ce qui ne permet pas à sa culture automne , de sorte qu'on peut jouir de cette
d'occuper un grand espace. Néanmoins, depuis production presque toute l'année.
quelques années, la consommation du céleri Dans les jardins de peu d'étendue destinés
tend a s'accroître, surtout depuis l'introduction seulement à une production restreinte , on ob-
en France d'une excellente espèce connue de tient le céleri plus promptement et plus beau,
toute ancienneté en Allemagne sous le nom de en plantant les rangs sans fosse sur un sol .

(éleri-rave. bien engraissé, à la distance de 0™ ,80; mais


Le céleri est une des productions indigène! ce mode de plantation , quoique préférable en
de notre sol; on le trouve à l'état sauvage dans lui-même, ne serait pas assez avantageux pour
les parties humideset marécageuses des dépar- le jardinier de profession.
tements des Bouches- du -Rhône et du Var; la
nature l'avait doué de toutes les propriétés qui
D. — Détails de culture.

le rendent utile comme aliment. Du jeune plant Le céleri demande beaucoup d'eau à toutes
de céleri sauvage, transporté dans les jardins les époques de sa croissance lorsqu'il est mis;

et cultivé comme le plant obtenu de semis, en place par un temps sec et chaud il ne lui ,

n'en défère pas essentiellement. Sur tout le faut pas moins de trois ou quatre arrosages par
littoral français de la Méditerranée, le céleri jour; plus il est mouillé, plus il atteint promp-
sauvage est si bien apprécié , que les paysans tement la longueur de 0 m ,30 à 0 m ,40. Par-
provençaux le nomment par excellence la bonne venu à cette dimension, on attache toutes
les feuilles de chaque plante avec un lien de
jonc ou de paille; on commence alors l'opéra-
A. - Semis. tion essentielle de cette culture, qui consiste à
La
récolle de la graine de céleri n'exige au- l utter le céleri en lui rendant la terre prise,
cun soin particulier, et n'est point sujette, soit sur les ados, soit dans les intervalles des
comme beaucoup d'autres, à dégénérer par le lignes lorsqu'elles sont suffisamment espacées.
croisement, parce que cette plante a peu de va- Le huilage ne doit laisser à découvert que
riétés ; néanmoins, on fera bien de ne pas pla- l'extrémité supérieure des feuilles; la terre
cer les porte graines du céleri-rave trop près mêlée de fumier ne tarde pas à activer la vé-
de reux du céleri commun, qui pourraient les gétation, de sorte qu'au bout de huit jours un
fairedégénérer. On sème les premiers céleris second huttage devient nécessaire; il est suivi
sur couche sous châssis, à la fin de février et d'un troisième huit jours plus tard, après quoi
dans les premiers jours de mars; les premiers le céleri est bon à récolter. Le sol peut être tout
semis en pleine terre se font en avril et peuvent aussitôt disposé pour recevoir une nouvelle
être continués jusqu'en juin. La graine doit plantation qui réussira comme la première. Le
être fortpeu recouverte ; il faut entretenir sur céleri récollé le dernier en automne se con-
lessemis une humidité constante par de fré- sen e très bien à la cave dans du sable frais
quents arrosages, même avant que le plant ne pendant l'hiver. La culture du céleri-rave est la
commence à se montrer, sans quoi la graine ne même, à l'exception des buttages dont il n'a
lèverait pas. pas besoin, parce que la partie comestible con-
siste dans le collet de la racine, tendre et volu-
fl. — Préparation du sa!.
mineux par lui-même sans être butté.
La nature du terrain sur lequel le céleri croit
naturellement indique pour sa culture un sol
E — Fraie et produits.

profond et iiumide, ou très largement


fertile, La culture du pas assez d'impor-
céleri n'a
arrosé s'il se prête trop facilement à l evapo- tance et n'occupe pas le sol assez constamment
ration. Quelle que soit sa constitution, on doit pour que son compte puisse être bien exacte-
B'JIll II ILTDH. T. V.— 3S

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213 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

ment quant aux frais; le plant


établi, surtout est de beaucoup la meilleure sous ce rapport ;
s'élève sur des couehes qui ont servi avant et les Anglais ne cultivent presque pas d'autre
qui servent après à une loule d'autres usages: laitue de printemps.
le fumier mis dans les fosses de céleri n'est pas
laitues d'Été.
épuisé par cette récolte; on ne lui consacre pas
non plus des journées entières do travail, si ce blonde de Versailles. . grmn bl.vxï c.
n'est quelquefois à l'époque dos labours et des Lailue. . turque graine noire
plantations ; les évaluations, môme approxima- '.

de Cène» id.

tives, sont donc très difficiles à établir.


Quant aux produits, un are de terrain peut Ces trois variétés sont les laitues d'été par
recevoir en juin, dans 5 fosses, 15 rangées excellence: toutes trois forment des pommes à
de céleri de 30 plantes chacune, soit 450 pieds, la fois grosses et tendres, qui se font très vite

vendus de 5 à 10 centimes la pièce à leur ma- et montent très difficilement; elles sont donc

turité; c'est un produit brut de 30 à 35 fr. pour les plus avantageuses pour le jardinier-mar-

une réeolte qui se renouvelle au moins deux chand. On cultive aussi dans les marais les

fois dans une saison et qui a déjà été précodée espèces suivantes parmi les laitues d'été :

d'une ou plusieurs autres récoltes de plantes


blonde de Berni graine noire.
potagères plus ou moins productives.
— royale lie/.

XIX. — Lailues. — trapue graine blondir,


$ Laitue.
— de Malte id.
Il n'existe aucun pays dans le monde où il — de Kalavia .... id.
se consomme autant de salades qu'en France chou de ha la via id.

un dicton populaire assure que le soMat fran-


çais ne réclame pour nourriture que doux cho- Ces deux dernières laitues d'été deviennent
ses soupe et salade. Parmi les salades , la lai-
: énormes, mais leur saveur est peu recherchée,
tue tient sans contredit le premier rang. La lai- légèrement amère elles ne sont réellement bon-
;

tue n'est connue en France que depuis le règne nes qu'à être cultivées en plein champ, comme
de François I* r ; les premières graines de laitue cela se pratique en Angleterre, en Belgique et
semées 'en France avaient été envoyées de dans le nord de la France, pour la nourrituredrs
Rome à Paris, au cardinal d'Estrées, par Rabe- porcs qui on sont très avides; aussi, après avoir
lais, vers l'an 1540: les lettres de Rabelais en eu un moment de vogue extraordinaire, ces doux
font foi; en 1562 la laitue fut introduite en laitues ont-ellesété bannies dos jardins pour res-
Angleterre ; avant la fin du seizième siècle elle ter dans le domaine de la grande culture. Dnns
était commune dans toute l'Europe. les terrains médiocres, surtout lorsqu'on veut
avoir de la laitue mangeable sans se donner
A. — Choix des espèces.
beaucoup de peine, on peut choisir la Initue
Aucuneplante potagère n'a varié par la cul- rousse de Hollande, la plus rustique de toutes,
ture autant que la laitue. Le choix des espèces et la laitue blonde paresseuse, qui pourrait se
à cultiver doit être déterminé en partie par la nommer aussi laitue des paresseux, puisque,
nature du terrain, en partie par le but dnns sans aucune espèce de soin , livrée à sa végé-
lequel on cultive. Toutes les laitues montent tation naturelle, elle finit toujours par pommer.
vite et pomment difficilement dans les sols
LAITUES D'HIV tR
chauds, trop secs et trop légers ; dans les terres •

fortes et froides, elles poussent avec une len- ( de la Passion graine LIanclic.
teur désespérante. Le jardinier marchand fait Laitue. . . . < morine id.
choix des espèces les plus avantageuses pour la [ crêpe, ou petite crépe. . . id.

vente : ce sont toujours celles dont la végéta- Pelile laitue noire graine noire.
tion rapide laisse le terrain le plus tôt libre
pour d'autres cultures. Les listes suivantes in- Ces laitues n'ont d'autre mérite que leur très
diquent les meilleures variétés de laitues, clas- grande rusticité, qui leur permet, moyennant
sées sous les rapports qui doivent le plus in- quelques abris, de passer l'hiver en pleine
fluer sur le choix du jardinier. terre, dans une plate - bande à bonne exposi-
tion , de nommer de très bonne heure au
et
Laitues à pommes tondes {lmt a es proprement dites). printemps. Elles conviennent spécialement
comme laitues de grande primeur sur couche,
sous cloche ou châssis (voir Cultures forcées).
I daiifihiue graine noirv. Les maraîchers nomment laitues à couper
; cordon rouge graine blanche. celles qu'on sème fort épais, pour les couper
'
petite blonde (mon te vite). id. au collet de la racine, dès qu'elles ont leur qua-
trième feuille. Toutes les laitues, sans distinc-
Ces trois variétés ont toutes plus ou moins le tion, peuvent Être traitées ainsi. Deux variétés,
défaut de monter très souvent avant d'avoir la laitue-chicorée et la laituc-épinard , sont en
formé leur pomme, ou très peu de temps après outre particulièrement propres a cette destina-
l'avoir formée ; ce que les jardiniers expriment tion: la laitue -épinard repousse du pied et
en disant qu'elles ne tiennent pas. La première peut être coupée plusieurs fois.

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 219

Laitues à fuiwes allongée» ( laiiues romaines). Les laitues de printemps se sèment en mars,
pour être repiquées en avril; les laitues d'été se
verte hàiive. de printemps et d'été,
sèment depuis le 15 avril jusqu'à la fin de juil-
verte maraîchère, d été.
let, pour se succéder sans interruption ei don-
grise maraîchère (la plus grosse connue).
ner tout rétédu plant bon à repiquer, à mesure
Romaine. . ^ rouge d'bivrr, peu sens Lie au froid,
alpliange, à feuilles épaisses,
3 o'on récolte les laitues pommées; les laitues
blonde maraîchère, 'hiver se sèment à trois ou quatre reprises
blonde de Brunoy. entre le 15 août et le 15 septembre, pour être
transplantées avant la Toussaint et passer l'hi-
Toutes ces romaines sont bonnes et méritent ver en place; on les recouvre de paillassons ou
; les plus avantageuses sont la
d'être cultivées de litière pendant les grands froids qu'elles sup-
romaine verte maraîchère d'été et la grise- portent bien, sous le climat de Paris, dans une
ma rai chère ,
qui est d'été et d'arrière - saison. position abritée; en général, les dernières se-
Los Anglais cultivent plusieurs variétés de ro- mées et par conséquent les dernières repiquées,
maine, égales en bonté aux nôtres, mais pou ont plus de chances pour résister que les laitues
connues en France ; la brune de Hambourg et qui, mises en place trop tôt, sont surprises par
la romaine de Kensington sont les deux meil- le froid dans un état trop avancé de végétation.
leures. La laitue à couper, qui ne se repique pas, se
Nous devons une mention spéciale à la ro- sème au mois de janvier, sur couche sous châs-
maine à feuille d'artichaut vulgarisée par
, sis. Quand l'hiver n'est pas rigoureux, on peut
M. Mathieu de Dombasle; elle est tendre et semer dès le mois de décembre, sur couche
fort bonne elle devient fort grosse lorsqu'on
; sourde, dans la bâche économique. Au prin-
a soin de la lier de bonne heure elle résiste ; temps on recommence les semis en plein air sur
bien aux premières gelées blanches, de sorte plate-bande recouverte de terreau; on peut les
qu'on peut en manger fort tard en automne , continuer pendant tout l'été, de 15 en 15 jours.
avantage que ne possèdent pas les autres ro-
maines d'élé. On la mange aussi, cuite. C. — Détails de culture,
— Semis et repiquage». La mise en place à l'arrière-saison n'a
laitue
B.
besoin que d'un peu a'abri durant les plus mau-
Les laitues, quelle qu'en soit l'espèce, se sè- vais jours de l'hiver, et d'un peu d'eau pendant
ment en bonne terre de jardin, plutôt légère que les premières sécheresses de printemps. La ra-
forte; la graine doit être fort peu recouverte, cine de laitue est, après la racine de fraisier,
surtout si la terre est tant soit peu argileuse. celle que les turcs ou vers blancs (larves du
On sème à la volée, très clair, à moins que la hanneton) attaquent le plus volontiers. Le mal
laitue ne soit destinée à être coupée à sa qua- est sans remède pour les laitues d'hiver, parce
trième feuille. qu'à l'époque de leur mise en place, les vers
Les laitues à pomme ronde n'ont pas néces- blancs se tiennent dans le sous-sol à une pro-
sairement besoin d'être repiquées elles pom- : fondeur telle qu'on ne peut les y aller cherener
ment très bien en place comme on le voit par Mais quand on façonne le terrain au printemps
celles qu'on laisse de distance en distance sttr pour recevoir du plant de laitues d'été, les vers
la planche où les laitues ont été semées en pé- blancs qui se tiennent à cette époque de l'année
pinière, et qui ne présentent aucune différence beaucoup plus près de la surface du sol devien-
avec les laitues transplantées. Le plus souvent, nent très visibles, parce que leur couleur tran-
les laitues ne se sèment point en pépinière; on che sur le brun foncé de la terre de jardin on ;

se contente de mêler un peu de graine de laitue peut donc, avec un peu d'attention, en détruire
dans les semis d'ognon quand le plant est bon
; au moins la plus grande partie. Plus tard,
à repiquer, on l'éclaircit en en laissant seulement si l'on voit une laitue languir et se flétrir
ça et là quelques pieds qui pomment sans nuire presque subitement , il ne faut pas hésiter à
beaucoup aux ognons, surtout quand on a soin l'arracher; on trouve presque toujours le ver
de faire choix des espèces qui croissent vite et blanc occupé à ronger sa racine. Quelques
ne font pas de trop grosses pommes elles sont ; arrosages, d'autant plus fréquents que les lai-
enlevées de trop bonne heure pour gêner la vé- tues sont plus avancées dans leur végéta-
gétation des ognons. Les laitues se plantent en lion, rendent les pommes plus blanches et
quinconce, les plus grosses à 0"\40, les moyen- plus tendres; les sarclages sont inuliles, que le
nes à tr,30, et les plus petites h 0 m ,2Û les unes terrain ait été au moment de la
ou non paillé
des autres. La principale précaution à prendre plantation; les aux dislances
laitues plantées
consiste à éviter de lasser trop fortement la que nous indiquons s'emparent du terrain as-
terre; la racine pivotante de la laitue veut plon- sez promptement pour étouffer toute autre vé-
ger facilement dans un sol pénétrable; moins gétation.
elle trouve de résistance, plus la végétation de
la plante est vigoureuse et rapide. C'est pour la
D. — Culture mat akltere de la laitue ,

même raison qu'on a soin de pailler les plan- Les procédés usités par les maraîchers des
ches de laitue avec de la litière sèche ou du environs de Paris pour la culture de la romaine,
fumier long, pour empêcher l'eau des arrosages doni la capitale et ses faubourgs consomment
de rendre la terre trop compacte. des millions tous les ans, sont peu connus et

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220 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

peu pratiques ailleurs; nous en devons à nos romaine d'hiver; les


délicate de la culture de la
lecteurs la description abrégée; les jardiniers mains adroites des femmes et des enfants la
qui cultivent à portée des villes industrielles pratiquent avec plus de succès que les doigts
ou des villes de garnison ne peuvent faire rudes des hommes ; car rien n'est moins résis-
mieux que de les mettre en pratique; la salade tant et plus fragile que le plant de romaine ob-
de romaine est celle que le soldat et l'ouvrier tenu sous cloche, lorsqu'on l'arrache pour le
préfèrent à toutes les autres. repiquer, sept ou huit jours seulement après
Cette culture pourrait à la rigueur prendre qu'il est sorti de terre.
place parmi les cultures forcées; mais comme Les repiquages se font comme les semis,
elle se termine toujours en plein air, bien qu'elle sous cloche, sur une terre préparée delà même
se commence avec le secours des moyens arti- manière; on a soin de donner aux planches un
ficiels d'accélérer la végétation, nous croyons peu de pente au midi. Si l'on craint les atta-
pouvoir la placer ici, sans déroger à notre plan. ques des taupes-grillons (courtilières), on en-
Les semis de romaines d'hiver se font en levé toute la terre de la planche, comme s'il
trois fois, à cinq jours d'intervalle, en com- s'agissait d'ouvrir une fosse pour une plantation
mençant au 4 et finissant au 15 du mois d'oc- d'asperges ; on garnit le fond et les côtés avec
tobre; ce n'est pas qu'on s'attache à ces dates de vieux paillassons, et l'on replace la terre
précises avec une exactitude superstitieuse ; qu'on laisse se rasseoir un jour ou deux, pour
c'est uniquement parce que, presque toujours, éviter que le plant ne se trouve déchaussé par
sous le climat de Paris, ces époques coïncident le tassement qu'éprouve toujours naturellement

avec une température convenable. Quant à la un sol ainsi remué.


division des semis en trois fois différentes, elle Il y a d'ordinaire de 1,000 à 1,200 plants de

est fondée sur le nombre réellement prodigieux romaine à prendre sous une cloche ; on peut
de romaines que chaque maraîcher aurait à re- calculer sur cette base l'espace qu'exigent les
piquer à la fois, s'il semait tout le même jour ; repiquages. Le plant se repique en lignes, en
car le plant de romaine parvenu au point de échiquier, à environ 0 m ,04 de distance ; chaque
croissance qui permet de le repiquer, ne peut cloche conserve un espace circulaire vide d'en-
m
viron 0 ,0ô tout autour de son bord intérieur;
pas attendre; tout le succès ultérieur de cette
culture est fondé sur le tact infaillible qui fait elle peutadmettre 30 plantsrepiqués. On compte
reconnaître au maraîcher le moment précis où ordinairement sur 36 cloches pour recevoir le
il convient de repiquer la romaine, opération plant repiqué d'une clockée de semis. Les trous
qui doit être enlevée le plus rapidement pos- pour le repiquage se font avec le doigt, en évi-
tant sur toutes choses de tasser trop fortement
On n'emploie pour ce mode de culture que la terre et de froisser le plant et sa racine qui
deux variétés de romaine, la verte hâtive, et la n'ont presque pas de consistance ; il importe
grosse romaine grise. Quelque bonne que puisse que chaque trou soit assez profond pour que la
être la qualité de la terre où l'on doit semer la racine ne s'y trouve pas repliée à son extrémité
romaine en octobre, il faut toujours lui incor- inférieure. Les repiquages parce procédé peu-
porer moitié de son volume de bon terreau de vent se faire aussi bien sous châssis que sous
couches rompues; pour une planche de 10 mè- cloche ; mais si l'on repiquait de cette manière
tres de long sur un mètre 30 de large, la cou- du plant élevé en plein air, il ne pourrait man-
m
che végétale, étant supposée de 0 ,60 d'épais- quer d'y languir et d'être attaque d'une mala-
seur, ilfaut environ trois mètres cubes de ter- die particulière, connue des jardiniers sous le
reau, qu'on ne laisse point étendu sur la sur- nom de blanc, ou meunier. Il faut que le plant
face du sol labouré; on le répand au contraire de romaine repiqué sous châssis ou sous clo-
le plus également possible avant le labour, puis che ait commencé sa végétation dans les mê-
on le mélange exactement avec la couche vé- mes conditions.
gétale en la labourant. La planche ainsi prépa- Les soins à donner au plant repiqué se bor-
rée est garnie d'autant de cloches de verre nent à couvrir les cloches de paillassons ou de
Si'elle en peut recevoir; on sème sous ces clo- Htière longue qu'on déplace pendant le jour,
ies, médiocrement serré; la romaine verte tant qu'il ne gèle que modérément. Si le froid
peut être sans grand inconvénient semée un devient plus vif, cet abri nesulïit plus; il faut
peu moins clair que la romaine grise. La graine remplir les intervalles des cloches avec de bon
se recouvre très légèrement d'un peu de terre fumier d'écurie, qu'on retire aussitôt que le
mêlée de terreau, tamisée par-dessus; les clo- temps se radoucit, pour le replacer en cas de
ches sont replacées à mesure sur les espaces besoin.
semés; on a soin que leurs bords entrent de Le plant de romaine ne souffre pas sensible-
quelques millimètres dans le sol pour prévenir ment du défaut d'air sous la cloche tant qu'il
1 évaporation. Le plant lève au bout de quatre n'a pas pris l'air, et c'est ce qu'on a soin d'é-
ou cinq jours; il craint les coups de soleil on
; viter tant que la chose est possible; mais il
doit avoir soin de l'en préserver en couvrant arrive assez souvent que le mois de décembre
au besoin les cloches avec des paillassons. On étant doux et humide, le plant prend un accrois-
peut ordinairement commencer à repiquer le sement tel, sous les cloches, qu'il ne saurait
plant de romaine dix ou douze jours après qu'il attendre le mois de mars, époque à laquelle il
a été semé; celte opération est la partie la plus doit être confié sans abri à la pleine terre ; on

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rms iv. CULTURES NATURELLES. 221

est forcédans ce cas de l'endurcir peu à peu d'arbres (bourrées) qui, sans les ombrager trop
en soulevant le bord des cloches du eôlé du fortement, empêchent les oiseaux d'y arriver.
midi, afin d'y laisser pénétrer l'air extérieur Nous avons eu recours, pour l'exposé de la
chaque fois que le temps le permet. C'est une culture maraîchère de la romaine, à l'excellent
très grande augmentation de main-d'œuvre, travail de M. Poiteau sur le même sujet, publié
car une fois qu'on a commencé à soulever les dans le Journal d'Agriculture pratique, tome
cloches par le beau temps, il faut continuer III, p. 57.
sous peine de voir le plant fondre et dépérir.
A mesure que la saison avance, l'intérieur E. — Frais et produits.

des cloches se trouve naturellement dégarni Les frais de la culture de la laitue sont comme
par l'enlèvement successif du plant qu'on trans- ceux de toutes les cultures maraîchères, com-
plante à différentes époques, soit sous cloches, pliqués de frais relatifs à d'autres cultures,
soit sous châssis, sur couche froide, tiède ou pour le fumier, la main d'oeuvre, l'usage des
chaude, afin d'en avoir une suite de récoltes cloches et des châssis, de telle sor le qu'il est pres-
non interrompue. On plante ordinairement que impossible de les déterminer exactement.
quatre plants de romaine sous une cloche. La La laitue à pomme ronde demande le même sol
romaine sous cloche ou sous châssis ne pourrait et la même quantité d'engrais que Pognon, à la
pas se fermer, ou, comme disent les maraîchers, culture duquel elle est souvent associée. Les
se coi/fer d'elle-même on la lie avec un brin
; frais pour dix ares de terrain sont donc à peu
de jonc lorsque sa végétation est assez avancée. près représentés par les chiffres suivants :
La laitue gotte et la petite laitue crêpe peu-
vent être soumises exactement au même traite- Loyer sur le pied de 300 fr. l'hectare 30
ment que la romaine; on en plante également Fumier et terreau 400
Main-d'œuvre GO
quatre pieds sous une cloche; on y peut ajouter
Frais accessoires 60
une romaine au milieu.
Le plant de romaine élevé sous cloche peut 350
être risqué dès la fin de décembre en plein air à
bonne exposition; il réussit quelquefois, mais Ces fraispour dix ares semblent énormes,
c'est une partie de la récolte sur laquelle on ne puisqu'ils ne s'élèvent pas à moins de 4,500 fr.
peut compter le reste se plante d'abord dans
; pour un hectare, si l'on comptait par hectares
les plates- bandes les mieux abritées, puis dans dans la culture maraîchère. Ils ne sont cepen-
tous les carrés du marais, depuis le 15 février dant pas exagérés, si l'on songe que dix ares
jusqu'au 1 5 avril. On ne doit pas négliger, pour de terrain admettent 1,500 cloches (15,000
ces dernières plantations, de découvrir tout-à- par hectare), ou 700 mètres courants de châssis
fait leplant plusieurs jours à l'avance, en ôtant vitrés, représentant un capital dont il faut por-
les cloches d'abord le jour, ensuite jour et nuit. ter en compte, non-seulement l'intérêt, mais
Les semis sur couche sourde découverte, aussi le dépérissement. Il est vrai que les clo-
puis sur simple plate-bande à l'air libre, com- ches et les châssis, de même que le fumier et le
mencés en mars, et renouvelés à dix ou quinze terreau, servent dans le cours d'une année à
jours d'intervalle, fournissent du plant pour plusieurs cultures; il est très difficile d'assigner
continuer la culture de la romaine en été quand a chacune la part des frais qu'elle doit réelle-
le plant élevé sous cloches est épubé. ment supporter. Le maraîcher d'ailleurs ne s'en
Presque toutes les romaines se ferment d'elles- met nullement en peine; il lui suffit de savoir
mêmes; mais comme pour le maraîcher le temps en gros à la fin de l'année ce qu'il a dépensé, et
vaut de l'argent, il n attend pas que les romai- ce qui lui reste, quand il lui reste quelque chose.
nes soient coiffées naturellement; il leur donne Dix ares de terre sont divisées en 80 planches,
un et quelquefois deux liens de jonc, qui for- dont chacune admet en moyenne 90 pieds de
cent leurs feuilles intérieures à blanchir et hâ- laitue, soit pour les 80 planches 7,200, réduits
tent le moment où elles pourront paraître sur le à 7,000 par celles qui ne viennent pas à bien.
marché, en cédant la place à d'autres cultures. v Dans les six mois que dure la grande consom-
Si l'on tient à conserver pures les bonnes mation de ce genre de salades a Paris, la plan-
qualités de laitues à pommes rondes et de lai- tation se renouvelle trois fois ; on a donc 2 1 ,000
tue^ romaines, on réservera pour porte- laitues sur 10 ares de terrain ; c'est sur le pied
graines les plus beaux échantillons, en choisis- de 210,000 par hectate, quantité qui peut être
sant ceux qui se coiffent le plus vite, sans avoir portée à 280,000 si l'on continue a cultiver le
besoin d'être liés; on leur donnera de temps en même terrain de la même manière pendant
temps quelques arrosages avec du jus de fumier toute la saison ; mais c'est ce qui ne se fait pres-
étendu d'eau. De toutes les graines, la graine que jamais, le sol étant occupé par d'autres
de laitue est celle dont les oiseaux sont le plus produits non moins avantageux.
avides elle est particulièrement du goût des
:

chardonnerets contre lesquels il est assez dilfi- «1,000 laitues ou romaines, à S e. %/* valent 525 r
cilede la défendre. On peut, sans inconvénient,
un peu avant la maturité complète des graines, Ce produit est donc sur le pied de 5,250 fr.
lever les pieds en motte, les transplanter au pied par hectare, ce qui laisse , tous frais déduits,
d'an mur, et placer au-devant des branches 1,750 fr. de produit net; mais cette somme ne

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222 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

représente pas la totalité du bénéfice obtenu la première, sur laquelle elle a l'avantage d'une
sur les produits d'un hectare de terrain cultivé végétation un peu plus rapide. Depuis quelques
en laitue, puisque cette culture n'occupe le années, M. Marin a obtenu une excellente va-
terrain que pendant six mois de l'année. riété de scarole, dont la fleur est blanche; les
fleurs des autres scaroles et celles de toutes les
§ XX. — ChicorM, chicorées cultivées sont bleues comme celles
La chicorée cultivée présente deux espèces de la chicorée sauvage dont toutes ces plantes
tellement distinctes, que beaucoup dejardiniers ne sont que des variétés perfectionnées par la
les regardent comme des plantes fort éloignées culture. On connaît aussi dans les jardins d'a-
l'une de l'autre, quoique botaniquement par- mateurs une scaroleblonde,àfeuilles très larges,
lant, elles soient trèsrapprochées; l'une porte dite à feuilles de laitue; elle ne se recommande
le nom de chicorée proprement dite, l'autre par aucune qualité spéciale; sa délicatesse et sa
celai de scarole. Dans le nord de la France, de promptitude à pourrir la font exclure avec
même que dans ta Belgique wallonne , la scarole raison des cultures maraîchères.
est connue sous le nom d'endive. Ces deux
plantes se mangent crues, en salade, ou cuites,
B. — Détails de culture.

apprêtées comme des épinards; en France, on La graine de chicorée veut être fort peu re-
lait cuire de préférence la chicorée, quoique la couverte; tout ce qui est enterré un peu trop
scarole soit égalemeut bonne lorsqu'elle est cuite. profondément ne lève pas. On sème clair en
Peu de plantes potagères sont aussi salubres plate-bande située dans la partie la plus décou-
que la chicorée elle possède naturellement une
; vertes la mieux aérée du jardin potager. Lors-
saveur amere très forte dans la chicorée sau- qu'on veut semer de bonne heure au printemps,
vage, à peine sensible dans la chicorée cultivée, on ne peut employer que de la graine de chi-
surtout lorsqu'on en mange seulement le cœur corée d'Italie; on "ne peut semer la chicorée
étiolé, dont la culture a fait presque complète- de Meaux avant le mois de mai, sous peine de
ment disparaître l'amertume. la voir monter en graine et se refuser absolu-
ment à pommer. Les semis en pleine terre se
A. — Cltoir des espices.
continuent tout l'été; les plus avantageux sont
La chicorée frisée, cultivée dans les jardins, ceux qui se font les derniers pendant le mois
offre trois variétés principales: d'août; le plant qui en provient donnant ses
La chicorée de Meaux, longtemps cultivée pommes à une époque où il n'y a plus ni laitues
seule autour de Paris ; rondes ni romaines pour salades, se vend plus
La chicorée d'Italie, qui remplace aujour- facilement et à un prix plus élevé. On peut
d'hui la première; laisser sur les planches des semis un nombre
La chicorée rouennaise ou corne de cerf, suffisant de pieds de chicorée pour les garnir;
moins répandue que les deux autres. ces pieds formeront des têtes aussi fortes que
En substituant, dans la culture en grand, la celles des pieds transplantés. (Pour les semis
chicorée d'Italie à la chicorée de Meaux les , sur couches, voir Cultures forcées.)
maraichersdes environ* de Parisont fait preuve On transplante le plant de chicorée environ
de discernement ; le mérite de cesdeux variétés, un mois après qu'il est levé; s'il a été bien
m
quant au goût et à la grosseur des têtes, est à traité, il doit avoir à cet âge de 0 m ,l0 à 0 ,l5
peu près égal ; mais la chicorée de Meaux, se- de hauteur. La chicorée se plante en quinconce
mée de bonne heure au printemps, monte sou- à 0™,35 en tout sens; lorsque le terrain est
vent en graine sans vouloir pommer, tandis paille , sa végétation est rapide. Celle plante
que la chicorée d'Italie, à quelque époque qu'on demande beaucoup d'eau jusqu'au moment où
la sème, ne monte pas; c est un avantage in- les touffes semblenl assez fortes pour être liées.
appréciable dans la culture maraîchère. La chi- On réunit toutes les feuilles extérieures étalées
corée rouennaise est, comme celle de Meaux, sur le sol et on les attache avec un brin de
très sujette à monter, il ne faut pas semer la jonc, de manière à renfermer les feuilles inté-
graine de chicorée nouvellement récoltée, le rieures; il leur faut 12 à 15 jours pour blanchir.
plant provenant de ces semis aurait deux fois Il ne faut lier la chicorée que par un temps sec;
plus de disposition à monter que celui qu'on si l'on renferme de l'humidité dans les touffes,
obtient en semant la graine conservée pendant elles pourrissent infailliblement. Les arroswes
trois ou quatre ans. On croit communément dont la chicorée a besoin, après être liée, uoi-
que la graine de chicorée frisée ne conserve vent se donner au pied des plantes avec le bec
pas au-delà de six ans sa faculté germinalive ; de l'arrosoir prive de sa gerbe si les tètes :

nous en Avons semé très souvent de beaucoup étaieut mouillées intérieurement , comme il
plus ancienne , dont pas une n'a manqué. La arrive quelquefois après de fortes pluies , elles
même observation s'applique à la graine de pourriraient. Lorsque les premiers froids pré-
scarole. On cultive principalement deux varié- coces surprennent les chicorées dans un état
tés de scarole; l'une, connue sous le nom de très avancé , on se contente de les couvrir de
grande scarole , taie beaucoup et donne des paillassons; mais si leurs têtes ne sont qu'à
pommes très volumineuses: c'est la plus répan- demi fermées comme la gelée les prenant en
,

due ; l'autre qui porte le nom de scarole ronde, cet état les détruirait en quelques jours, voici
est aussi bonne , mais un peu plus petite que
comment on prévient cette perte: toutes les

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES.
chicorées sont liées, quel que soit leur volume, Des couches de fumier chaud ont été pré-
puis arrachées et posées la tête en bas sur la parées d'avance dans des -caves ou dans de
place où elles ont végété. A moins qu'il ne sur- vastes carrières abandonnées où elles occupent
vienne une série de temps froids et pluvieux, un espace considérable à l'abri de la lumière et
les chicorées blanchissent très bien dans celte de l'air extérieur ; les bottes de chicorée sau-
position ; les têtes sont moins fortes, mais aussi vage sont plantées debout dans ces couches,
tendres , et au total aussi bonnes que si elles très près les unes des autres. Au bout de quel-
avaient achevé de se former dans leur position ques jours, la chicorée pousse des feuilles par-
naturelle. Les chicorées et les scaroles d'arrière- faitement blanches, longues, minces, demi-
saison se conservent très bien dans la réserve transparentes; quand elles ont atteint la lon-
,n m
gueur de 0 ,15 à 0 ,20, on retire les racines
économique. Les procédés de culture de la
chicorée s'appliquent, sans aucune différence, de la couche et on les nettoie pour la vente.
à la scarole. Afin de ne pas avoir à vendre toute la récolte
à la fois, on dresse les couches l'une après l'au-
C. — Chicorée sauvage.
tre et l'on arrache la chicorée successivement,
Cette plante, que la nature la produit,
telle de manière à en avoir à vendre tout l'hiver.
telleque la grande culture l'obtient en masses Ce procédé serait excessivement coûteux
pour fourrage ou pour convertir sa racine en pour d'autres que ceux qui l'emploient ; mais
café indigène, est admise dans la culture ma- le fumier des couches qui ont donné cette ré-
raîchère. Lorsqu'on désire la mançer verte, colte sert ensuite, soit pour des couches à cham-
comme salade de printemps et d'été, on la pignons, soit pour d'autres cultures forcées.
sème très serré pour la couper comme la petite Quant à la main-d'œuvre, Cette culture vient
m m
laitue, lorsque ses feuilles ont 0 ,05 ouO ,06 à l'époque où les maraîchers sont le moins
de longueur ; elle forme en cet état une excel- pressés de besogne; ils sont d'ailleurs les gens
lente salade, légèrement amère, mais fort saine du monde qui regardent le moins à leur peine.
quand on y mêle des tranches de betterave cuite Les jardiniers qui cultivent dans d'autres
au four. Cette salade est fort recherchée des conditions peuvent se borner au procédé sui-
Parisiens au printemps; c'est pour les gens du vant , moins coûteux et moins compliqué. Les
peuple une sorte de médicament autant qu'un pieds de chicorée préparés comme ci-dessus,
aliment. sont étendus dans une position horizontale,
Le second usage de chicorée consiste à la
la tous du même côté; on les recouvre de lits al-
convertir en bar ht- de capucin, nom sous lequel ternatifsde terre légèrement humide, en lais-
on désigne les longues feuilles étiolées de la sant seulement le collet de la racine à décou-
chicorée sauvage, obtenues par divers procédés vert. Ces lits doivent être établis comme les
qui méritent d'être connus, car cette feuille couches, dans des caves ou des souterrains
constitue la plus saluhre et la moins coûteuse Earfaiteinentobscurs, à l'abri des courantsd'air.
des salades d'hiver. Il s'en fait tous les hivers es pousses nouvelles ne tarderont pas à se
à Paris une énorme consommation elle s'allie ; montrer.
fort bien à la mâche et a la betterave cuite. A Paris, la chicorée ne donne qu'une récolte,
Les jardiniers de Montreuil et d«« Bagnolet, les parce que l'usage veut qu'on vende la barbe
mieux placés de tous pour cette culture, louent de capucin avec ses racines ; les acheteurs la
à a>sez bons prix les plus mauvais terrains des préfèrent en cet état. Si l'on ne consomme pas
environs, spécialement les parties graveleuses en une lois la totalité des feuilles , le surplus
de la plaine qui s'étend entre Montreuil Vin- , gardant ses racines se conserve frais deux ou
cennes et Saint-Mandé. Ils y sèment au prin- trois jours , avantage qu'on perdrait en ache-
temps de la chicorée sauvage; ces semis se tant les feuilles sans les racines, quoique les
font très épais, et assez tard pour que la chi- racines soient sans usage. Mais si l'on peut
corée ne monte pas En novembre , soit au débiter les feuilles séparément, on obtient deux
commencement soit à la fin du mois , selon
, ou trois récoltes successives des mêmes racines
l'état de la température , on arrache avec soin qu'il suffit de laisser en place sans les déranger.
toutes les plantes avec leurs racines ; ces ra- C'est ce que font les marins dans les voyages
cines sont en général simples et droites, l'é- de long cours, afin d'avoir de temps en temps
paisseur des semis ne leur ayant pas laissé un peu de salade à distribuer aux équipages.
d'espace pour s'étendre et se familier. Alors, La chicorée disposée , comme on vient de le
hommes, femmes et enfants prennent chaque voir, avec des lits de terre , est placée à fond
plante une à une, et suppriment toutes les de cale dans des caisses sans couvercle, posées
feuilles, excepté la feuille centrale naissante sur le flanc {fig. 30?).
Î|u'il importe de respecter; cette opération se
Fig. 307.
avec une promptitude et une dextérité mer-
ait
veilleuses ; chaque travailleur, à mesure qu'il
a effeuillé une plante , la pose à côté de lui de
manière à former un tas où toutes les racines
sont disposées dans le même sens. Quand tout
est effeuillé on en forme des bottes d'environ
,

0 m ,20 de diamètre
<

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2U HORTICULTURE. LIVRE nu.
S'il s'agitd'obtenir ce produit en petite quan- sources et ledes ruisseaux a fait naître
lit ,

tité pour la consommation d'une seule famille, l'idée de la soumettre en grand à une culture
on dispose tout simplement dans un coin de régulière, idée mise d'abord à exécution en
cave quelques cercles de tonneau posés sur des Allemagne. Aujourd'hui, de vastes cressonitres
lits de terre de jardin. Les plants de chicorée assurent l'approvisionnement de la capitale;
y
sont placés de telle sorte que tous les collets des nous avons fait connaître les procédés de la
racines soient en dehors des cercles, et toutes culture du cresson établie depuis 181 1 à Saint-
les racines en dedans. On empile à hauteur Léonard près Sentis (Oise), par M. Cardon,
d'homme les couches successives de racines et maire de cette commune (voir tome II, p. 160).
de terre : la récolte se fait tous les huit jours, Cette culture sort par son importance et l'é-
très commodément , sans déranger les cercles tendue de terrain qu'elle occupe , du domaine
{fig. 308). du jardinage. Elle peut cependant être imitée
Fig. 308. en petit, partout où le moindre filet d'eau peut
être conduit dans un fossé dont on égalise le
fond qu'on recouvre de 0 ,u ,05 de bon terreau.
Les plants de cresson posés simplement à plat
sur le fond de ce fossé, s'y enracineront d'eux-
mêmes. Il faut prendre garde d'introduire dans
les plantations de cresson de fontaine le siutn
Des soins judicieux de culture et une série nodiflorum , plante dangereuse qui ressemble
de semis effectués avec les graines des plantes beaucoup au cresson.
les plus développées, ont fait obtenir à M. Jac-
quin (de Paris) une variété de chicorée sauvage S XXIII. — Mâche.
remarquable par le volume extraordinaire de La mâche (valcrianella) indigène en Europe,
ses touffes et l'ampleur de son feuillage; il est est une petite plante annuelle très usitée en
probable que, traitée par l'un des procédés France comme salade ; en Angleterre on la

décrits ci-dessus elle donnerait en hiver une


, mange aussi cuite, hachée comme des épinards.
excellente salade de feuilles étiolées. Dans le nord de la France on la nomme dou
cette la variété à larges feuilles, la seule qu'on
§ XXI. — Dent-de-Lion (
Pissenlit).
;
rencontre dans les jardins de toute la Belgique
Depuis quelques années, cette plante recher- wallonne, y est connue sous le nom d'ora' lie de
chée de tout temps à l'état sauvage comme sa- lièvre. Deux variétés de mâches sont cultivées
lade de printemps , est l'objet de soins de cul- dans nos jardins, la mâche commune et la mâ-
ture qui peuvent faire espérer de la voir figurer che d'Italie, dont les feuilles sont plus larges
parmi nos salades les plus salubres. On avait et d'un vert moins foncé. La semence de mâ-
remarqué que les meilleurs pissenlits sauvages che est la plus menue des graines potagères; il
étaient ceux dont les taupes, dans leur travail faut avoir soin, pour la récoller, de secouer sur
souterrain avaient recouvert le cœur d'un et
, un linge, sans les arracher, les tiges de la plante
quelquefois de deux décimètres de terre; des encore verte, car les graines mûrissent succes-
pissenlits semés à dessein et recouverts d'une sivement. Plus tard , on arrache avec précau-
couche deO m ,20de terre légère au moment de tion les porte-graines qu'on laisse sécher à l'om-
leur entrée en végétation, ont donné des feuilles bre dans un lieu un peu frais ; on les secoue de
longues, minces, blanches, analogues à la barbe nouveau pour obtenir le reste de leurs graines,
de capucin. Pour les avoir en cet état, il faut, dont on perd toujours, de quelque manière
dès que la pointe des feuilles se montre au de- qu'on s'y prenne , la plus grande partie. Cette
hors, les couper entre deux terres. Nous ne graine, perdue ou dispersée par le vent, se
doutons pas qu'en choisissant toujours les grai- conserve très bien en terre d'une année à l'au-
nes des plus beaux échantillons et les semant tre, aussi est-on assuré de retrouvera perpé-
dans le terrain le plus favorable, on n'obtienne tuité des mâches dans un jardin où quelques
du dent-de-lion rechargé de terre au printemps pieds ont une fois porté graine. Les semences
une salade aussi bonne et moins embarrassante de mâches conservent pendant bien des années
à faire croître que la chicorée barbe de capucin. leur faculté germinative.
La saveur de ces deux salades, que nous avons On peut semer des mâches tous les 15 jours,
goûtées comparativement est à peu près la
, du printemps à l'automne, à la volée, parmi
même ; celle au pissenlit étiolé est cependant un d'autres cultures, quand on n'en veut qu'une
peu moins amère. petite quantité, ou séparément quand on les
cultive pour le marché ; elles n'exigent du reste
§ XXII. — Cresson de fontaine.
aucune qualité particulière de terrain, aucun
On connaît la salubrité proverbiale du cres- soin spécial de culture. Les semis du mois
son de fontaine que les revendeuses colportent d'août donnent des mâches à cueillir succes-
au printemps dans les rues de Paris en l'an- sivement tout l'hiver. Les mâches possèdent
nonçant sous son antique surnom, la santé du au suprême degré la propriété de résister au
corps, La consommation toujours croissante de le° r
froid; les plus fortes gelées interrompent

cette plante qu'on s'est contenté longtemps de


, végétation, mais elles repartent à chaque dégel.
un
cueillir à l'état sauvage dans les bassins des Le nom de cette salade indique la nature

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 225

peu coriace de set feuilles quand elle croit sans veurque sa grande rusticité; le persil à feuille
soin sur un terrain médiocre ; elle est au con- frisée et le persil à larges feuilles, dont la sa-
traire tendre et excellente lorsqu'elle végète sur veur est la même, lui seraient préférés s'ils
on bon terrain, avec le fumier et les arrosages n'étaient beaucoup plus délicats et plus sensi-
que réclament toutes les autres salades. bles au froid. D'ailleurs ce sont de simples sous-
variétés, dont la graine reproduit souvent le
$ XXIV. — Raiponce. persil commun. La seule espèce réellement
Les feuilles et la racine de cette jolie plante distincte est le persil à grosse racine, dont la
bisannuelle, indigène en Europe, sont excel- racine charnue, peu employée en France, si ce
lentes en salade. En Angleterre, où Ton en fait n'est sur notre frontière du nord, est fort usitée
un cas particulier, la raiponce paraît en outre en Belgique et en Hollande , comme assaison-
comme hors-d'œuvre sur les meilleures tables, nement indispensable pour le poisson.
à côté des petites raves et des radis. La rai- Toutes les variétés de persil sont bisan-
ponce , semée trop tôt au printemps, monterait nuelles ; les pieds qu'on destine à porter graine
en graine à l'automne, et périrait immédiate- doivent être mis à part à l'automne et soignés
ment après ; on ne doit pas commencer à semer pendant l'hiver, surtout s'ils appartiennent aux
avant juillet; on continue ensuite, de 15 jours sous- variétés sujettes à dégénérer. En coupant
en 15 jours, jusqu'à la fin d'août. Les racines fréquemment les feuilles du persil ordinaire et
et les feuilles naissantes forment une excellente lui donnant de l'eau en abondance pendant les
salade de printemps. La graine de raiponce n'a chaleurs de l'été, on peut le maintenir plu-
pas besoin d'être enterrée ; il suffit de l'atta- sieurs années et l'empêcher de monter ; mais
cher à la terre par un léger arrosage. On ac- une fois qu'il a porté graine il meurt.
corde rarement un local séparé à la culture de
$ XXVI. — Cerfeuil.
la raiponce ; on l'associe à celle des autres
plantes potagères ; elle profite des engrais et Cette plante annuelle, indigène en Europe,
des arrosages qui ne lui sont pas exclusivement croit partout , presque sans soins de culture ;
destioés. Semée sur une vieille couche, la rai- elle monte en graine très facilement ; il faut la
ponce est plus tendre et meilleure qu'en pleine semer en été tous les 1 5 jours si l'on veut jouir
terre, pourvu qu'on l'y sème assez tard pour sans interruption de ses feuilles, très usitées
qu'elle ne monte pas avant la fin de l'automne. comme fourniture de salade. Dans quelques
parties de l'est de la France, principalement
S XXV.— Pmil.
dans les Vosges et la Haute-Saône, on ne mange
De tomes les planteses potagères employées jamais la soupe grasse en été sans y mêler une
comme assaisonnement, it, le persil est la plus dose de cerfeuil cru, haché, suffisante pour la
î

usitée il mérite donc une place spéciale dans


; rendre toute verte. Les semences du cerfeuil
le jardin potager. Durant toute la belle saison, doivent être fort peu recouvertes ; elles lèvent
on se contente d'en avoir quelques bordures au bout de quelques jours.
Qui profilent par contre-coup des arrosages On connaît dans les jardins une variété de
destinés à d'autres cultures. Mais en hiver, son cerfeuil à feuilles frisées , qui dégénère encore
prix est quelquefois si élevé sur les marchés de plus facilement que le persil frisé; lorsqu'on
Paris, que peu de produits de cette saison sont veut la conserver, il faut choisir les prairies
plus avantageux pour le jardinier. Pour avoir des sujets les plus étoffés et les semer très clair
en hiver de oelles récoltes de persil on sème, , à part , dans un endroit ombragé , le plus loin
plutôt clair que serré, dans la seconde quin- possible des planches de cerfeuil commun. Le
zaine de juillet, en terrain léger, qu'on arrose cerfeuil et le persil se confondent souvent avec
de temps en temps ; le persil reste souvent plus la petite ciguë > mhusu cynapium) qui , lors-
ie 40 jours en terre sans lever. On soigne ces qu'elle est peu développée, ressemble beau-
slanches au moyen d'un bon paillis et d'arro- coup à ces deux plantes; ses feuilles sont seu-
sages fréquents , jusqu'à l'approche des pre- lement plus aiguës, et d'un vert plus foncé; la
miers froids. On les couvre alors pendant la petite ciguë est un poison très dangereux ; les
nuit avec des paillassons ou de la litière longue planches de cerfeuil , comme celles de persil
Qu'on enlève pendant le jour quand il ne gèle doivent , pour cette raison , être sarclées avec
pas, et même la nuit lorsque le temps est déci- un soin minutieux.
dément doux et humide. II faut avoir soin,
quand on cueille le persil en hiver, de ne pas § XXVII. — Pourpier.

enlever les feuilles trop petites, ce qui empêche- Lacuisine, et par une conséquence né-
rait les autres de repousser. Nous avons vu cessaire, le jardinage, ont presque entièrement
souvent, pendant 1rs hivers rigoureux, le persil abandonné celte plante que nous ne mention-
payé à la halle de Paris à un prix équivalent à nons que pour mémoire. Sous Louis XIV, le
celui des légumes les plus chers de cette saison, pourpier figurait comme légume cuit ou comme
et trois ou quatre fois plus élevé que celui des salade, sur les meilleures tables; les deux salades
épinards on de l'oseille, eu égard à l'étendue du diner décrit par Boilcau se composaient :
comparative du terrain consacré à sa culture.
L'une de pourpier jaune, rt l'autre d'herbes fadrS,
Le persil commun, dont les feuilles sont sup-
portées sur de très longs pétioles, n'a en sa «a- ce qui semble indiquer que le pourpier
OftTIClLTOtl. r. v. — t»
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226 HORTIC ULTIME. i.ivr.Evin.

(portulaca olereaca) dont la feuille est verte, I carotte violette d'Espagne à chair jaune; nous
était regardé comme préférable au pourpier lui avons reconnu, sous le climat de Paris, deux

doré (portulaca sativa), le seul qu'on rencontre défauts qui s'opposeront longtemps à sa culture
encore dans quelques jardins. Le pourpier est sur une grande échelle : elle ne se garde pas,
cependant en lui-même un fort bon légume, aussi sur le choix du terrain
et elle est très difficile ;

sain qu'agréable lorsqu'on le mange cuit à l'é- mais elle peut devenir précieuse pour nos dé-
levée* bien que, comme salade, il ne soit pas du partements méridionaux; elle est tendre et
goût de tout le monde. En Belgique et sur toute très sucrée.
notre frontière du nord, on cultive beaucoup
le pourpier doré; il forme la base d'un potage
A . — Choix de Li graùit, préparation du sol.

très connu dans tout le nord de la France sous Aucun caractère extérieur n'annonce avec
le nom de ioupe verte. Le pourpier commun quelque certitude depuis combien de temps la
est passé à l'état de mauvaise herbe dans tous graine de carotte a été récoltée; on ne peut
les jardins où il a été cultivé; sa graine très !
donc l'acheter que de confiance: passé quatre
fine conserve indéfiniment dans le soi sa faculté j
ans, elle ne lève plus. Lorsqu'on la sème au
germinative, ce qui le rend indestructible. On |
bout d'un an seulement, elle lève à la vérité,
ne sème le pourpier doré qu'au mois de mai la ;
mais de bisannuelle, la plante devient annuelle
plus petite gelée le fait périr; il n'exige aucun et consequemment elle monte dès la fin de son
soin spécial de culture; la terre légère lui con- : premier été, ce qui rend les racines ligneuses
vient mieux que la terre forte. et de nulle valeur. Le jardinier ne peut être
parfaitement en sûreté contre l'un ou l'autre
Section H. — Légumct-racines de ces deux inconvénients qu'en récoltant lui-
même la graine de carotte qu'il se propose de
$ 1". — Caroile». semer.
Parmi leslégumes-racines, la carotte tient à Deux bons labours à la bêche et une bonne
juste titre premier rang, tant pour son goût
le fumure sont nécessaires pour les semis de ca-
agréable que pour son extrême salubrité comme rottes. Les légumes racines en général et les ca-
aliment. Pendant quatre siècles Rome n'a pas eu rottes en particulier, demandent l'engrais le
d'autre médicament que le chou; nous pensons plus annualise possible. Lorsqu'on ne peut leur
qu'il ne serait pas plus difficile de maintenir la donner qu'un engrais où les substances végé-
santé publique sans autre secours que celui de tales dominent, nous conseillons, d'après notre
la earotte. propre expérience, d'y mêler une petite quan-
La culture a produit un grand nombre de tité de noir animal, qu'on peut actuellement se
variétés de carottes; des essais récemment procurer presque partout ; la meilleure manière
renouvelés prouvent que la carotte sauvage de l'employer consiste à en saupoudrer le fumier
peut, selon les terrains et le mode de culture, re- étendu sur le sol, au moment de l'enfouir à la
devenir semblable à la plupart des variétés cul- bêche; on trouvera une énorme différence dans
tivées. Mous n'avons point à nous occuper de les produits obtenus avec ou sans addition de
celles qui, comme la jaune du Palalinat, la muge noir animal.
et la blanche de Flandre, sont traitées en grande
culture pour la nourriture du bétail. En Belgi-
li. — Semis.
que, les Flamands partagent avec leur bétail La graine de carotte, surtout celle des espè-
leur provision de carottes ; ils ont un poût si ces les plus délicates, est très sujette à nuiter,
prononcé pour leurs carottes crues, qui sont c'est-à-dire qu'après avoir levé, lesjeunes plan-
en effet de très bonne qualité, que personne en tes se flétrissent et meurent sans cause appa-
Flandre ne résiste à la tentation d'en arracher rente. On
ne doit donc pas craindre de semer
2uelqucs-unes en passant le long d'un champ. très serré, sauf à éclaircir plus tard; ce qui,
<e pacbter (fermier) lorsqu'il sème des carottes dans tous les cas, est inévitable, la nature et la
à proximité d'un chemin, dit tour à tour en je- conformation de cette graine ne permettant ja-
tant chaque poignée de graine voilà pour moi,
: mais, même à la main la plus exercée, de ren-
voilà pour les passants. dre des semis assez parfaits pour n'avoir point
La meilleure des carottes jardinières est la à y retoucher. Pour ceux qui n'ont pas une
toupie de Hollande. Les maraîchers des envi- grande habitude de ce genre de semis, nous
rons de Paris en ont crée une sous-variéle très conseillons comme excellente la pratique de
supérieure même à son type originel; ils ap- mêler la graine avec partie égale en volume,
portent le plus grand soin à n'en pas laisser de sable lin ou de terre sèche pulvérisée. On
ahérer la graine qui ne tarderait pas à dégéné- sème la carotte en place, à la volée; il faut re-
rer en d'autres mains. Cette graine n'existe pas couvrir très légèrement la semence, et arroser
dans le commerce, on ne peut se la procurer même avant qu'elle ne commence à lever, pour
qu'en s'adressa n aux maraîchers. Apres la pré-
t en hâter la germination, parce que beaucoup
cédente, les meilleures carottes jardinières sont d'insectes en sont avides; quand elle séjourne
la jaune, la blanche de Breteuil courte et ra- trop longtemps en terre avant de lever, il n'eu
massée, obtuse par le bout, et la blanche à col- reste presque plus; tout est dévoré. On peut
let vert. On a prôné nouvellement comme une aussi semer en lignes dont la dislance varie se -
bonne acquisition pour notre horticulture, la lon le volume des espèces, de 0 ,n ,15 à 0 m ,25;
titiu: IV. CLLTUHLS NATURELLES. 227

mais dans ce cas, il est difficile d'empêcher Dans la culture maraîchère,


carotte toupie
la
qu'en plusieurs endroits les semis ne soient de Hollande ne reste jamais en terre jusqu'à ce
beaucoup trop serrés dans le rayon, ce qui rend qu'elle ait acquis tout son volume ; on la vend
plus difficile l'opération de réclaircissage. par bottes, lorsqu'elle est parvenue à la moitié
Le meilleur de tous les pr. cédés pour re- ou aux trois quarts de sa grosseur. Les autres
couvrir la graine de carottes, c'est de répandre espèces destinées à devenir très volumineuses,
par dessus de bon terreau, à 0'",02 ou o ra ,03 soni éclaircies successivement à quatre ou cinq
d'épaisseur; mais on n'en a pas toujours à sa reprises différentes. Celles qu'on enlève ainsi
disposition. Dans ce cas, un peu de bonne terre pour faire place aux autres peuvent déjà pa-
franche de jardin, répandue le plus également raître sur le marché, en concurrence avec les
possible sur la graine de carottes, produit, à toupies de Hollande, quoiqu'elles soient d'un
peu près le même effet. On commence les se- goût moins délicat.
mis de carottes dès le mois de février, sur plate- La conservation des carottes durant l'hiver
baode bien abritée à l'exposition du midi; on est très facile, pourvu qu'on les préserve des
continue les mois suivants jusqu'en juin ; les atteintes de l'humidité dans une cave ou dans
premiers et les derniers semis sont principale- la réserve économique. Si l'hiver est très doux,
ment destinés à donner des carottes qui se con- comme cela a lieu irès souvent sous le climat
somment à moitié de leur grosseur. On sème de Paris les carottes pousseni à la fin de dé-
,

aussi dès la fin du mois d'août des carottes qui cembre ou dans le courant de janvier des feuilles
doivent passer l'hiver en terre pour donner une étiolées qui finiraient par rendre les racines
récolte de bonne heure au printemps. Celte mé- coriaces et de nulle valeur; il ne faut pas hé-
thode est excellente quand le climat ne fait siter, dans ce cas, à défaire les las ou les silos et
point appréhender des froids excessifs, car la à retrancher le collet de toutes les racines qui
carotte, pourvu qu'elle ait acquis assez de force commencent à végéter. Dans des silos bien
avant l'hiver, ne craint pas les gelées ordinai- construits, semblables à ceux où l'on conserve
res sous le climat de Paris. Il est bon de donner les pommes de terre, les carottes jardinières peu-
aux planches de carottes semées avant l'hiver, vent se garder d'une année à l'autre sanséprou-
une couverture de fumier long, moins pour les ver aucune altération. La carotte toute formée
préserver du froid qu'elles pourraient suppor- a de nombreux ennemis; les vers, les mille-
ter sans cette précaution, que pour activer au Fieds et plusieurs espèces d'insectes aptères,
printemps leur végétation, et rendre la première attaquent avant l'époque de l'arrachage et
récolte plus hâtive, ce qui , près des grandes défient tous les procédés de destruction qu'on
villes, influe beaucoup sur les prix. pourrait essayer contre eux. La larve d'un in-
secte diptère ronge aussi fort souvent le collet
C. — Détails de culture.
des racines de cette plante. Cet insecte n'est à
Les quinze jours qui suivent la levée de la craindre que pour les récoltes de carottes pré-
graine de carotte sont l'époque critique pour coces; les carottes tardives n'en sont jamais
cette culture ; le jeune plant est souvent détruit attaquées, parce qu'à l'époque où leurs racines
presque en entier par une petite espèce d'arai- commencent à grossir, l'insecte qui s'en nour-
gnée qui multiplie prodigieusement, surtout rit a subi sadernière transformation et est passé

dans les terrains où le calcaire domine. Les depuis longtemps à l'état de mouche.
entomologistes rendraient un grand service au On conserve ordinairement les porte graines
jardinage, s'ils trouvaient un procédé sûr et dans une jauge à part, pour les mettre en place
facile de la détruire. On en diminue les ravages au printemps vers la fin de février, à G", 50 de
au moyen d'arrosages fréquents avec de l'eau distance en tout sens. Les maraîchers des en-
dégourdie au soleil, ou mieux, mise à une tem- virons de Paris et les cultivateurs de la vallée
pérature douce en la faisant séjourner dans la de Saint- Chéron, spécialement adonnes à la cul-
serre, quand on en a une à sa disposition. ture de diverses graines potagères, mettent
11 faut se hâter d'éclaircir les semis de ca- actuellement en place avant l'hiver les carottes
rottes qui en ont besoin, sans attendre que le destinées à porter graine, avec la seule pré-
plan enlevé soit assez gros pour pouvoir être caution de les couvrir durant les fortes gelées;
vendu ; le plant arraché, même très jeune, peut elles souffrent moins que dans les jauges ou à
être repiqué dans les endroits trop clairs. Il la cave, et donnent de la graine de meilleure
reprend aisément, pourvu que la racine ait été qualité. 11 ne faut récolter que la graine des
enlevée sans se rompre et qu'en la mettant en principales ombelles de chaque tige, quand on
place on ne replie pas sur elle-même son ex- tient à conserver chaque espèce ou variété de
trémité inférieure, ce qui l'empêcherait de pro- carotte dans toute sa pureté.
filer. La difficulté d'échapper a ces deux incon-

vénients est la seule qui s'oppose à la culture D. — Frais et produits.

de la carotte par le moyen du repiquage pro-


,
cédé qui serait sans cela beaucoup plus avan- Loyer d'un are de terrain 10 *
tageux que les semis en place; mais il ne peut Senu-nre. 8
réussir que par des soins trop minutieux hn^rau %%
, qui

occasionneraient une trop grande dépense en Main-d'œuvre 10


main-d'œuvre. Total de* frai* pour un are. »o

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2?8 HORTICULTURE. LIVhE VIII.

Ces frais sont moindres en n'alité, tant parce grandes villes du nord, de l'ouest et du centre,
que le jardinier récolte lui-même la graine de jusqueset y compris Lyon, ont adoplé le scor-
carotte dont il a besoin, que parce que l'engrais sonère à l'exclusion du salsifis , non pas qu'il
a déjà servi avant d'être applique aux carottes lui soit supérieur en qualité , mais parce qu'a-
qu'on sème rarement sur une fumure neuve. vec des soins convenables, le scorsonère peut
Quant au loyer, quoique ce soit sur le pied de donner des racines assez grosses pour être
1 ,000 fr. l'hectare il n'y a pas d'exagération
, vendues dès la première année, tandis que le
parce que nous n'entendons évaluer ici que la salsifis ne peut réellement être vendu que la
culture de la carotte printanière, à laquelle il seconde année de sa culture. Nous croyons utile
faut et le meilleur sol et la meilleure exposi- de faire connaître ici l'excellente coutume des
tion. revendeuses de légumes à Lyon et dans les
autres grandes villes du midi; elles livrent aux
PnODOlTS.
consommateurs les salsifis et les scorsonères
Le grand avantage de cette culture sous le . tout épluches, ratisses, lavés, prêts à être cuits;
rapport de son produit en argent, consiste dans ellesn'y perdent rien, puisque le temps qu'elles
la précocité. L'évaluation en est pour ainsi dire y emploient se passerait toujours à attendre les
impossible , tant les prix sont variables ; nous chalands dans l'inaction le consommateur y
;

donnerons comme maximum de production ra- gagne, outre un temps précieux, l'avantage de
rement dépassé, mais assez souvent atteint, le ne point acheter les racines gâtées. Quiconque
produit d'un are dans notre propre culture, à établirait cetusage à Paris y trouverait assu-
Saint-Mandé, en 1840. Une planche de 10 mè- rément son compte. C'est de cette manière
n,
ires de long sur l ,32 de large, ensemencée en seulement que la classe ouvrière de Lyon, si
février, a donnésuccessivement, depuis le 20 mai nombreuse et si occupée, peut profiter de ce
jusqu'à la fin de juin, 30 bottes de carottes dont légume dont tant de ménages se privent à Paris,
5 ont été vendues 1 fr. 50 c, 12, I fr., et les faute de temps nécessaire pour le préparer.
autres depuis 30 jusqu'à 80 c. la botte, en
moyenne 55 c. Le total du produit de cette
,
A. — Pir'faration du toi, choix de la graine.

seule planehe, très bien placée à l'abri du mur Une légère, fumée seulement l'année
terre
en terrasse du' cours de Vincennes a donc été , précédente avec un engrais riche en substances
en 1840 de 26 fr. 65 c. Un are contenant 6 animales convient particulièrement au salsifis
,

planches semblables a dû donner, dans les mê- et au scorsonère il leur faut un labour profond,
;

mes circonstances, 159 fr. 90 c. Un hectare de surtout au dernier, lorsqu'on ne veut lui laisser
la même culture aurait rendu 15,990 fr. qui, occuper le sol que pendant une seule saison.
déduction faite de 5,000 fr. de frais a 50 fr. par La graine de ces deux plantes est une de
are, laissent 10,990 fr. de bénéfice net. Mais, celles qui conservent le moins longtemps la fa-
dans ce genre de culture, on ne compte pas par culté germinalive et qui la perdent le plus faci-
hectare; celui qui en a plus de deux ou trois lement; la graine de deux ans est rarement
ares à la fois en a trop en raison de la main-
, , bonne; dans celle d'un an, on peut toujours
d'œuvre interminable qu'il faut dépenser pour compter sur un cinquième et quelquefois sur un
éclaircir, sarcler, arroser, cueillir, habiller et quart de graine stérile qui ne lève pas. Pour
vendre les carottes printanières. en juger à peu près, on coupe transversalement
Le prix dépend chaque année de l'état des une vingtaine de ces semences vers le milieu
cultures de petits pois; quand ce légume man- de leur longueur et l'on' compte celles dans les-
que autour de Paris , la carotte le remplace. quelles le germe est apparent. Quant à l'âge
Les maraîchers savent très bien prévoir, d'a- qu elles peuvent avoir, nul caractère certain ne
près la température , une récolte de petits pois permet de l'apprécier.
abondante ou médiocre , et régler leurs semis
de carottes en conséquence. En 1840, il n'y a
B. — Semis; détails de culture.

presque pas eu de petits pois autour de Paris. Lorsqu'on peut consacrer au salsifis ou scor-
Partout ailleurs et dans les années ordinaires, sonère un terrain d'une assez grande étendue
c'est toujours une très bonne culture qui laisse et dont le prix de location n'est pas trop élevé,
au milieu de la saison la place libre pour une ou on sème très épais au printemps afin qu'à l'au-
même deux récoltes d'autres légumes. tomne de la première année il se trouve environ
la moitié des racines assez grosses pour être
S II. — Sabifii et scorsonère.
récoltées. Les autres continuent à profiter jus-
La culture de ces deux racines est la même, qu'à l'année suivante. Si l'on sème dans le but
ainsi que leur usage alimentaire. Elles offrent de tout récolter dès la première année, ce qui
une particularité qui ne se reproduit dans au- est le plus avantageux dans -les terrains très
cun autre légume-racine; elles restent tendres chers, près des grandes villes, il faut semer
et continuent à grossir sans se dessécher après beaucoup plus clair. Les semis en ligne sont
une première floraison, et n'atteignent leur dé- préférables aux semis à la volée , cette graine
veloppement complet qu'après avoir porté étant du nombre de celles qu'il est le plus facile
graine deux fois de suite. de répandre uniformément. Dans un bon sol
Depuis 25 à 30 ans, les cultures maraîchères convenablement préparé, on peut ne laisser
IO
qui approvisionnent de légumes Paris et nos qucO ,15 de distance entre chaque ligne; il

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TJTRE IV. CULTURES NATURELLES 229

en faut un peu plus dans une Icrre médiocre. vets dont la forme se rapproche plus ou moins
On sème depuis les premiers jours de février de celle d'un ognon. Les autres navets ne sont,
jusqu'à la fin d'avril; les semis les plus avan- a proprement parier, pas même des sous -va-
tageux sont ceux qu'on fait vers le milieu de riétés; ce sont tout simplement des produits
mars. Une fois que la graine lève, elle n'exige accidentels d'une localité particulière ou d'un
presque plus de soins de culture; sa végétation mode spécial de culture ; aussi les désigne- 1 -on
devient promptement assez vigoureuse pour avec raison par le nom des lieux où ils ont été
s'emparer totalement du sol et étouffer la mau- obtenus et conservés, mais dont ils ne peuvent
vaise herbe. Lorsque le printemps est sec, on sortir sans altération. Tels sont, aux environs
est quelquefois forcé d'arroser plusieurs fois les de Paris , le navet de Ferneuse , le plus doux
semis qui ne lèveraient pas s'ils n'étaient ar- des navets à chair ferme, et le navet de Claire-
rosés. fontaine, le meilleur des navets à chair fon-
Le scorsonère peuvent rester
salsifis et le dante ; ni l'un ni l'autre ne persistent hors des
tout I hiver en terre sans inconvénient ; leur territoires de Ferneusc et de Clairefontaine ;
racine ne gèle pas, pourvu qu'on ait soin, cha- encore le navet de Ferneusc n'est-il déjà plus
que qu'on en arrache eu hiver, de n'y point
fois ce que nous l'avons vu il y a trente ans. On a
laisser çà et là des vides et d'enlever par ordre cherché à l'obtenir plus volumineux et il a dé-
les rangées de racines qui se suivent. généré.

C. — Frais etptvduùs. A . — Choix de ta graine.

La culture du scorsonère est plus avanta- On doit attendre graine de navets au


la
geuse dans une terre de fertilité moyenne et moins deux ans avant de s'en servir. Lors-
d'un prix modéré, que dans les terres de pre- qu'on la sème Tannée qui suit immédiatement
mière qualité qui se louent près des villes à des celle où elle a été récoltée, les navets montent
prix exorbitants. Dans ces circonstances, les et n'atteignent pas leur grosseur ordinaire.
fraisrépondent à peu près aux chiffres suivants : C'est que le navet n'est réellement pas une

arpeul de Paris), pour


plante naturellement bisannuelle; il ne le de-
Loralion de A3 airs (
deux ans 66 f vient que par la précaution que prennent les
Fumier (00 cultivateurs de le semer a l'arrièrc-saison, afin
*4 de porter l'effort de la végétation sur la racine,
30 seule partie utile de la plante. S'il est semé au
printemps , il redevient annuel cl monte avant
Total des fiais potir doux ans . no d'avoir formé sa racine , quel que soit l'âge de
Produits: environ 3,000 hottes , vendues en la graine; cependant, la graine du navet long
moyenne au prix actuel, 25 c. la pièce, soit blanc à collet rose , semée de bonne heure au
750 qui, déduction faite de 220 fr. de frais,
fr. {irintemps, donne quelquefois de bons navets.
laissent 530.fr. de bénéfice net pour deux ans I est donc très important pour cette culture de

ou 265 fr. par année. La culture de ce légume s'assurer de l'âge de la graine ; les caractères
est en réalité plus avantageuse que ce chiffre extérieurs ne l'indiquent point avec certitude.
ne semble l'indiquer, tant parce que le produit
se réalise souvent en entier dès la première
B. — Préparation du sol; semis.
année, que parce qu'elle laisse le terrain libre Les terres fortes ne conviennent point au
de bonne heure la seconde année et qu'elle navet : il ne prospère que dans un sol léger et
exige peu de main d'oeuvre. Elle offre de plus sablonneux; il peut croître dans du sable sili-
très peu de chances de perte et peut se traiter ceux presque pur et même y devenir excellent;
fort en grand sans qu'on ail à craindre l'encom- mais alors il lui faut une bonne fumure d'en-
brement des produits dont le fdébit est assuré grais substantiel. Les terres où le navet croit de
daus les villes pendant l'hiver. préférence n'ont pas besoin de labours multi-
pliés et profonds ; un seul labour suivi d'un
§ III. — Navels. hersage leur suffît. Le navet, traité en grande
II pas de plante potagère plus facilement
n'est culture pour la nourriture des bestiaux plus
et plus profondément modifiée que le navet par que pour celle de l'homme, s'obtient le plus
le sol et le climat. A l'exception de quatre ou souvent en récolte dérobée;' aussitôt après la
cinq variétés réelles et persistantes, les diffé- moisson des céréales on le sème sur un seul
,

rcutes sortes de navets changent de façon à labour superficiel; il atteint avant l'hiver tout
ievenir méconnaissables, d'un lieu à un autre, son développement. Le turneps est cultivé de
et ne se reproduisent pas identiques par leurs celte manière avec un plein succès dans le nord
semences. On ne peut regarder comme des va- de la France ainsi qu'en Belgique. Le navet
riétés que le blanc allongé, le navet
véritables long d'Alsace qui pousse moitié hors de terre,
à collet rose du Palalinat le navet noir d'Al-, se seme avec le sarrasin dans tous nos dépar-
sace, le gris de Morigny, le jaune de Hollande, tements de l'ouest; il lève et reste presque sta-
le jaune long des Etats-Unis récemment im- , tionnais jusqu'au moment où le sarrasin lui
porté d'Amérique, et le turneps ou rahioule du cède la place; alors, pour peu que le temps
Limousin, qui constitue une espèce toul-à-fait f/>it humide, il prend un volume énorme en
distincte, à laquelle se rattachent tous les na- fort peu de temps; il ft'trsi pas rare d'en ré-

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230 HORTICULTURE. I l \ Kl. VIII.

coller qui pèsent 2 ou 3 kilog. et qui atteignent d'un chardon ; elle est connue dans tout le midi
O^O
I

la longueur de à 0 ,60. Tous ces exem- de la France, et particulièrement aux environs


ples montrent combien la culture du navet est de Montpellier, sous le nom de cardouUle. De-
facile, cette plante étant plus que toute autre uis quelques années seulement on a songé à,

rustique et peu exigeante quant aux façons et à introduire dans les jardins comme succédanée
la qualité du sol. du salsifis et du scorsonère; mais ses pro-
priétés alimentaires sont connues et utilisées
C. — Détails de culture.
de toute antiquité. La racine sauvage du sco-
Le navet est un légume trop commun pour lyme d'Espagne, dépouillée de son centre li-
que le jardinier lui consacre des soins assidus ; gneux et coriace se vend par paquets sur les
,

une fois semé, il ne veut plus qu'être éclairci; marchés de nos villes du -midi ; ce centre li
il détruit ordinairement de lui même les mau- gneux diminue et finit par disparaître par la
vaises herbes qui l'environnent, ce oui dispense culture. Aux environs de Toulon (Var) nous
de le sarcler, à moins que, dans le but de l'ob- avons eu souvent occasion de manger des raci-
tenir très gros, on ne Vait semé fort clair. Le nes de scolyme cultivée; elles nous ont paru
navet parait rarement dans le jardin potager; égales aux salsifis et aux scorsonères, lorsque la
il est du domaine de la grande culture. Ceux plante avait cru dans un terrain frais, ou arrosé
(ju'on destine à l'approvisionnemenl de Paris pendant l'été ; la racine du scolyme venu dans
sont l'objet d'une culture à part, sans mélange une terre graveleuse et sèche conserve du ,

«avec d'autres légumes. Lorsque les maraîchers moins dans le midi, une saveur forte, peu
sèment des navets, c'est toujours pour utiliser agréable, et une consistance fibreuse et coriace.
les dernières semaines de beaux jours qui pré- Le scolyme vient également bien partout avec
cèdent immédiatement la mauvaise saison; le de l'eau.
sol a déjà produit largement de quoi payer les On sème le scolyme en mai et juin ; semé
labours, l'engrais et le lover; il ne reste au plus lot, il monte immédiatement, et sa racine
compte des navets qu'un peu de main-d'œuvre n'est plus mangeable ; cependant , même dans
pour semer, éclaircir et récolter; le tout ne le midi, toutes les plantes ne montent pas la
compose que des fractions de jou rnées de tra vai I première année; les graines récoltées sur les
C'est un produit qui, comme les derniers épi- pieds qui ne portent graine qu'au bout de deux
nards, rapporte peu, mais ne coûte presque rien. ans, ne peuvent manquer de donner naissance
Le navet possède à l'exclusion de tous les
, à des plantes régulièrement bisannuelles tan- ,

autres légumes-racines, la propriété très re- dis que dans son état actuel, une planche de
marquable de ne pas se détériorer pendant scolyme contient toujours des pieds annuels, en
l'hiver après avoir poussé des jets étioles qu'on majorité, un assez grand nombre de pieds bi-
utilise comme aliment en Angleterre, quoique sannuels, et enfin des pieds vivaces. La culture
ce soit, à notre avis, un mets détestable. On sait du scolyme d'Espagne est la même que celle da
que la pomme de terre et la carotte, après salsifis et du scorsonère
sauf l'époque des se-
,

qu'elles ont produit des pousses étiolées dans mis, parce que les graines confiées trop tôt à
les caves où on les garde en hiver, perdent la terre donnent presque toutes des plantes an-
toutes leurs qualités alimentaires; le navet, au nuelles ,qui montent en graine avant d'avoir
contraire, n'en est point sensiblement altère ; formé des racines mangeables.
sa conservation n'offre de difficulté que sous le Le scolyme d'Espagne préfère à tout autre
rapport de l'humidité, dont les atteintes le font sol une terre légère et profonde; mais il peut
pourrir plus promptement que les autres lé- également bien réussir dans une terre forte,
gumes-racines. pourvu qu'il soit abondamment arrosé pendant
l'été. Quoique ce légume soit une production
D. — Fraù et produits.
des pays chauas, il ne craint pas les hivers
A dont presque tout le sol
Clairefontaine , ordinaires sous le climat de Paris ; il suffit de
sablonneux est consacré aux navets, 50 ares le couvrir de litière pendant les plus grands
de terrain (arpent de Beauce. grande mesure) froids; il est facile de prévoir que, lorsqu'il se

sont loués 36 fr. Les frais de semences, la- sera multiplie assez longtemps par ses graines
bours, engrais et récolte, ne dépassant pas récoltées dans nos départements septentrio-
100 fr.; la principale dépense en main-d'œuvre naux , il deviendra tout aussi rustique que le
consiste dans le temps qu'il faut perdre pour scorsonère qui comme lui , nous est venu
,

conduire les navets à Paris, dont Clairefon- d'Espagne, et qui pourtant passe l'hiver en
taine est éloigné de 5 myriamètres ; le tout ne terre sans être altéré par la gelée. Qu«-lques-
dépasse jamais 150 fr. uns des auteurs qui ont écrit sur la culture da
On peut récolter, sur 50 ares, 1,500 bottes scolyme d'Espagne, recommandent de le semer
de navets , vendues aux revendeuses à raison en lignes espacées entre elles de 0™,50, et de
de 15 à 20 c. la botte. C'est un produit de 225 l'éclaircir ensuite de manière à ce que les plan-
à 300 fr. , qui, déduction faite des frais, ne tes se trouvent à 0 m ,25 l'une de l'autre dans les
laisse pas plus de 1 00 à 150 fr. de bénéfice net. lignes. Un tel espacement, dans une bonne terre
ordinaire de jardin, a pour résultat de faire croî-
S IV. — Scolyme d'Espagne,
tre des racines longues et grosses comme des
Cette plante a tous les caractères extérieurs panais j elles ne sont jamais aussi délicates que

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T1TIIE IV. CULTURES NATURELLES. 231

lorsqu'on semant plus serré on ne permet pas cultivé en Italie commeplante potagère cons-
aux racines de dépasser le volume ordinaire des tituait une espèce ou une variété différente du
saUiiis. Dans ce but, il faut semer, soil en ,
fenouil sauvage. Les deux graines semées com-
lignes, soit à la volée assez clair pour que le
, parativement ont donné des plantes sans diffé-"
plant m développe promptement ; quinze ou rence appréciable.
vingt jours après qu'il esl levé, on l'éclaircit
pour que chaque plante ait seulement un espace } VI. — Radis.

île U"\20 en tout sens. Le scoly me d'Espagne I Les différentes variétés de radis se rangent
n'est pas encore aussi répandu dans nos jar- en deux divisions naturelles, dont l'une com-
dins qu'il mérite de l'être. Nous avons vu dans prend les radis proprement dits, dont la racine
le midi les médecins l'ordonner aux convales- a la forme du turneps, l'autre les petites raves
cents, qui s'en trouvaient fort bien. dont la racine a la forme du navet long. Les
Quelques essais dans le but de n'assurer de radis et les petites raves sont originaires de la
la conservation des racines de scolyme, ont Chine , d'où ils ont été apportés en Europe à
donné des résultats satisfaisants; des caisses la lin du moyen âge ; on a des traces de leur
ont été remplies de bottes de ces racines avec culture en Angleterre dès l'année 1684, époque
un peu de sable frais ; les racines ont très bien à Inquelle leur introduction en Europe n'est
supporté une assez longue' traversée pendant pas représentée comme récente. Les principales
la saison la plus défavorable de l'année 1841. variétés de radis cultivées en France sont le
rose commun, le blanc commun, le blanc hâtif
5 V. — Fenouil. de Hollande , le rose demi-long de Metz , le
Les feuilles et les tiges de cette plante meu- violet et le jaune à chair blanche, assez rare
rent tous les ans après avoir fleuri et porté dans nos jardins. Le rose commun est le plus
graine ; la racine seule est vivace. Le fenouil généralement préféré; le rose demi-long de
est originaire d'Espagne, mats naturalisé de Metz est très répandu depuis quelques années.
temps immémorial dans le midi de la France, Le radis est peu difficile sur le choix du
où il se rencontre dans tous les lieux incultes. terrain; un sol ferme et un peu frais est celui
Il croit également dans toute espèce de ter- qui lui convient le mieux. Lorsqu'on le sème
rains, même au milieu des pierres, mais il ne en terre légère, il est bon de comprimer forte-
prend tout son développement que dans une ment le sol en y passant le rouleau ; si Ton n'o-
terre profonde et substantielle. Le fenouil in- père que sur un terrain de peu d'étendue, on
feste souvent les prairies de la Basse-Provence, peut se contenter de le piétiner le plus égale-
au bord de la Méditerranée, au point de donner ment possible avant d'y répandre la graine de
à leur foin une odeur forte d'anis, qui en dimi radis qui doit être très légèrement recouverte.
nue beaucoup la valeur. On le recherche dans On sème des radis tous les huit jours pendant
tous nos départements du midi pour la nourri- la belle saison, à partir du mois de mars; il ne
ture des lapins ; il donne à leur chair une sa- faut leur ménager ni le fumier ni les arrosages,
veur fori agréable. si l'on lient à les avoir tendres et pleins; leur

La culture du fenouil est fort simple; il se qualité dépend surtout de la rapidité de leur
sème au printemps, aussitôt après les gelées, croissance. Les semis d'été doivent être faits
et se transplante un mois plus tard, en terre dans un endroit ombragé; les radis trop expo-
ordinaire de jardin ; plus elle esl fraîche et sés au soleil d'été se fendent vers la base et se
profonde , plus le fenouil y prospère. On ne vident à l'intérieur; en cet état ils ne sont plus
cultive guère le fenouil en France que pour ses mangeables.
raines qui sont employées à quelques usages
, Les principales sous-variétés de la petite
omestiques et fort usitées dans la médeciue rave sont la rose, la blanche et la violette ; une
vétérinaire. En Italie, on mange les tiges du terre légère leur convient mieux qu'aux radis ;
fenouil coupées avant la floraison. Plus la plante le sol où on les sème n'a pas besoin d'être com-
a été arrosce , plus ses tiges sont grosses et primé.
charnues. Elles peuvent se manger apprêtées La dernière récolte des radis et des raves
comme les cardons ; les Italiens les préparent semés en automne, peut être arrachée et mise
cuimne du macaroni, avec du fromage parme- en jauge pour passer l'hiver ; ils se conservent
san. Les Anglais font servir les feu il es du fe- >
fort bien par ce procédé , moyennant une lé-
nouil hachées à l'assaisonnement de certains gère couverture pendant les grands froids. En
poissons ; ils les emploient aussi comme four- Angleterre, on les place à la cave dans du sable
niture de salade. De quelque manière qu'on frais. Mais en France, les radis sont toujours à
veuille apprêter les tiges de fenouil, il faut tou- si bas prix en hiver et il est toujours si facile
jours commencer par les faire blanchir dans de les forcer en toute saison, qu'ils ne valent
l'eau bouillante et par jeter la première eau
, pas la peine qu'oa prendrait à les conserver.
pour leur enlever l'excès de saveur aromatique (Voir Cultures forcées.)
qui les rend désagréables à beaucoup de person- Les Anglais ont longtemps fait usage des
nes en France. C'est toujours un aliment très jeunes feuilles de radis cuites, apprêtées comme
échauffant dont l'usage fréquent serait nuisible
, des épinards ; ils les mangent encore crues en
aux estomacs qui n'y sont point accoutumés. salade, soil seules, soit mêlées à des mâches ou
Noos avons voulu nous assurer si le fenouil à du cresson. Ils tirent aussi parti des graines

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232 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

vertes radis; elles sont confites au vinaigre


du bonne, et une variété courte qui a la forme et
avec leurs cosses à demi formées; on les em- le volume de la carotte-toupie de Hollande.

ploie en cet état comme des câpres. Celle dernière est la meilleure de toutes quand
Les missionnaires français ont introduit ré- on se propose de manger les panais à demi
cemment de la Chine un gros radis violet de la formés. Nous engageons les amateurs français
grosseur des navets longs ordinaires; ce radis à en essayer la culture ; ils auront un bon lé-
est excellent, il se mange cru ou cuit, apprêté gume de plus dans leurs jardins.
comme les navels. Le panais long de Guernescv parvient quel-
On désigne improprement sous les noms de quefois à la longueur de l m ,33; on en voit
radis noir, radis gris, gros radis ou radis d'hi- souvent du poids de 2 kil. à 2 kil. 500 gr.
ver, le raifort cultivé, grosse racine qui se garde Lorsqu'on veut obtenir des panais de ce poids
aisément tout l'hiver dans du snhle frais. On et de ce volume , il faut les semer dans un sol
mange les raiforts crus comme les radis dont riche , profond et bien défoncé. Les semis se
ils ont le goût; ils ne conviennent qu'aux esto- font dans les premiers jours de mars ; on celai r-
macs robustes. Le raifort cultivé ne doit pas cit six semaines après, pour laisser les plantes
être semé avant le mois de juin ; semé plus tôt, espacées entre elles de U ,l u à 0 m ,15 dans les
l[1

il monterait en graine et sa racine ne serait lignes. Lindley conseille de laisser au premier


plus mangeable. Les semis ne peuvent se pro- éclaircissage deux* plantes à chaque place et
longer au-delà du mois d'août ; semé plus tard, d'en supprimer une lorsque, sans avoir toute
le raifort n'aurait pas le temps de former sa sa grosseur, elle peut pourtant déjà être utilisée.
racine avant l'hiver. Le panais cultivé a sans doute pour origine
Il ne faut pas confondre les diverses variétés le panais sauvage. Des essais récents ont fait
du raifort cultivé, avec le raifort sauvage, à ra- connaître la possibilité d'obtenir des graines du
cine longue, jaune au dehors, blanche a l'inté- panais sauvage des racines mangeables. Les
rieur, d'une saveur très âcre, qui cependant est grainesde panais sauvage semées au mois d'août
du goût de quelques amateurs et se rencontre avaient déjà donné, au mois de mars de l'année
dans quelques jardins; le raifort sauvage se suivante, des racines dont la récolte s'est pro-
Elaît sur le bord d'un fossé traversé par un longée jusqu'au mois de mai. Cette nouvelle
Ict d'eau vive. On l'emploie râpé , réduit en variété parait avoir la propriété remarquable
pulpe, avec du vinaigre, pour remplacer la de continuer sa végétation pendant l'hiver, de
moutarde; aussi porte-t-il dans le nord et l'est manière à permettre à la plante semée très tard
de la France les noms demoularde d'Allemagne de former ses racines en dépit du froid. Ces
et de moutarde de capucin. faits ne reposent encore que sur un trop petit

§ m— Panais.
nombre d'expériences ; ils ont besoin d'être vé-
rifiés.
Les usages de ce légume sont assez restreints
en France; on en fait encore une assez grande § VIII. — Pommes de terre.

consommation en Bretagne, où le panais s'ac- Quoique la pomme de


terre appartienne es-
commode à l'éluvée comme la carotte. Aux sentiellement à la grande culture , une place
environs de Paris, le panais est fort peu cul- doit cependant lui être réservée dans le jardin
tivé, parce qu'on le fait seulement servira potager; nous n'avons à nous occuper ici que
donner du goût au bouillon gras. Cependant de la culture des espèces de pommes de terre
le panais, lorsqu'il n'est encore que de la gros- que nous nommerons jardinières. Rarement
seur du doigt, n'a pas celte saveur fortement ceux qui cultivent la pomme de terre en plein
aromatique et excessivement sucrée qu'il con- champ lui accordent assez de soins pour l'ob-
tracte en vieillissant et que peu de personnes tenir mûre de très bonne heure. Cependant,
trouvent de leur goût il n'a pas à cet âge un
; comme les premières pommes de terre se ven-
goût beaucoup plus Ion que la carotte; il est, dent toujours très bien, ils apportent au mar-
comme salubre et de facile digestion.
la carotte, ché des tubercules à demi mûrs, qui ne sont
Les semences de panais ne sont pas toujours pas toujours sans danger pour la santé publique.
fertiles ; on doit, pour cette raison, semer épais, La culture jardinière de la pomme de terre a
sauf à éctaircir plus tard. La graine ne doit pour but de parer à cet inconvénient ; comme
pas être trop profondément enterrée; il faut emploi du sol, elle ne peut offrir quelque avan-
cependant qu'elle soit exactement recouverte, tage qu'autant qu'elle donne les produits les
sans quoi elle ne lève pas; le meilleur mode de plus précoces possibles. Le jardinier fait choix,
semis, pour échapper a cet inconvénient, con- pour cette raison, des variétés les plus hâtives,
siste à semer en rigoles de (r,03 de profon- et il ne néglige rien pour en accélérer la vé-
deur, qu'on remplit de bon terreau. gétation. Les pommes de terre jardinières les
Les meilleurs panais cultivés viennent des plus hâtives vmt, dans l'ordre de leur précocité:
îles de Jersey et Guernescy; les jardiniers an-
glaisne manquent jamais de tirer de ces îles la La naine \ Alite

graine de panais dont ils om besoin. On cultive I.a marjol u (kidnry emly dos Anglais).

dans ces îles le panais long , le seul générale-


I.a pomme de terre pdil-ϔl {>>ink ejre).
La stian-.
ment répandu en France, deux autres variétés It- doigt de dame,
longues, le panais coquin et le panais de Lis- l a line bâlivc.

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TITRE IV. CULTIHES NATURELLES. ?33

On pcat aussi planter de bonne heure pour a soin que l'œil unique laissé à chaque tuber-
luccéder aux précédentes comme pomme de cule soit tourné en dessus; ils se placent , se-
m
lon leur volume, à 0"\20 ou 0 ,25 les uns des
terre d'élé, la pomme de terre aux yeux Meus,
de Belgique, la meilleure de loules; elle est autres, à quelques centimètres seulement de
mûre au milieu de juillet. profondeur. A mesure que la lige se développe,
Les amateurs qui tiennent à avoir tout l'hiver on doit la butter solidement, car sa végétation
pour la table les meilleures pommes de terre est rapide. et si le vent la détruisait, l'opération
possibles, doivent accorder tous les soins de la serait manquée. Vers la lin d'octobre, les jeu-
culture jardinière aux trois espèces ci-dessous, nes tubercules auront déjà la grosseur d'un
toutes trois également bonnes: œuf de pigeon. 11 n'y aura plus qu'à couv rir les
plantes de litière longue et plus tard de fumier
Jaune plaie de Hollande, dite langue de bœuf.
chaud pour les préserver des gelées. Les tu-
Vilelolte ou videlotle de Paris.
bercules continueront à grossir; on pourra les
Cornichon de lerre, ou corne do chèvre de Belgique.
récoller successivement tout l'hiver; ils auront
La naine hâtive, lamarjolin et le doigt de exactement le même goût que les pommes de
'
dame, ont sur toutes les autres l'avantage d'oc- lerre précoces récoltées dans leur saison na-
cuper très peu d'espace, de prendre peu de turelle.
développement et de pouvoir se planter très Dans les comtés du sud de l'Angleterre, on
serrées , soit en touffes, selon l'usage des en- sème les pommes de terre précoces à l'arrièrc-
virons de Paris, soit en lignes, selon l'usage saison, à la même époque que les céréales d'hi-
d'Angleterre. ver; on les couvre comme des artichauts pen-
Pour obtenir des pommes de terre mûres de dant la mauvaise saison; elles passent ainsi
très bonne heure, on plante des tubercules en- fort bien l'hiver; leurs tubercules sont mûrs
tiers dans du terreau, sur couche tiède, à fleur dès les premiers jours de mai. Le climat du sud
de terre, et l'on pose des cloches par-dessus. de l'Angleterre est à peu près celui de la vallée
Les jets nombreux que ces tubercules donnent de la Loire ; à partir de cette vallée, il n'est
en quelques jours, sont détachés et traités pas douteux que dans tous nos déparlements
comme des boutures. On les met en place à méridionaux la pomme de lerre ne puisse être
bonne exposition , dans une position presque de la même manière dans les jardins.
traitée
horizontale qui ne laisse dehors que l'extré- En Provence , on a reconnu par expérience
mité supérieure ; le reste est recouvert seule- la possibilitéd'oblcnirdans les terres arrosablcs
ment de quelques centimètres de terre. Le sol deux récoltes de pommes de terre précoces
où l'on plante ces boutures ne doit point avoir dans la même année, en semant immédiate-
été récemment fumé ; les produits, moins abon- ment les tubercules récoltés au mois de juin.
dants que ceux qu'on obtiendrait sur une fu- (Pour la culture en grand de la pomme de terre,
mure récente, seront beaucoup plus hâtifs, par voir tome I, page 425.)
conséquent plus avantageux pour la vente. De
plus, ils atteindront promptemenl leur parfaite
§ IX. — Oxalii crenata.

maturité ; n'auront point cette saveur vi-


ils Les Péruviens cultivent de toute antiquité
reuse qu'on remarque cher toutes les pommes ro.ro/is crenata comme plante alimentaire;
de terre livrées trop tôt à la consommation; ses feuilles, d'une acidité agréable, très peu
ils pourront aisément paraître sur le marché différente de celle de l'oseille, se mangent de la
depuis la fin de mai jusqu'à la Un de juin. même manière et quelquefois aussi en salade,
Les Anglais font un cas particulier des pom- mais avec de l'huile et du sel seulement, sans
mes de terre récemment récoltées ; ils les pré- addition de vinaigre; ses tubercules se man-
fèrent de beaucoup, pour l'usage de la cuisine, gent apprêtés comme des pommes de terre.
aux espèces d'arrière -saison conservées pour Voxalis crenata, quoique déjà parfaitement
laconsommation d'hiver. Voici par quel pro- naturalisée en Europe, n'a pas encore pris dans
cédé ils se procurent tout l'hiver des pommes nos potagers la place qui lui reviendra peut-
de terre à l'état frais. être un jour ; on n'a pas le dernier mol de celte
%
On choisit de très gros tubercules réservés culture. Ce qui permet d'en attendre beaucoup
à dessein parmi ceux des espèces les plus pré- dans l'avenir, c'est sa disposition naturelle a
coces; on les enterre à la profondeur de 1«°,50, dévier de son type primitif, disposition qui
dans une terre parfaitement sèche , à l'abri de lorsqu'on pourra la multiplier de ses graines
toute infiltration d'humidité; on foule forte- mûries en Europe, doit donner lieu à de nom-
ment la terre pour ôter tout accès à l'air ex- breuses variétés parmi lesquelles il s'en trouvera
térieur et empêcher les pommes de terre en- sans doute chez qui disparaîtront les défauts de
fouies d'entrer en végétation. Vers le milieu de celle qu'on connaît actuellement dans nos jar-
juillet de l'année suivante, on déterre ces tu- dins.
bercules et on leur ôlc à chacun tous leurs On plante Voxalis crenata à un mètre de
Jeux , à l'exception d'un seul réservé à égale distance en tout sens, en terre légère, mais
istance des deux extrémités. On les plante en substantielle, exempte autant que possible de
cet état dans une terre plutôt sèche qu humide, pierres et de gravier. Dans les départements au
dans une plate-bande à l'exposition du midi ; sud de la vallée de la Loire , on peut la mettre
cette plate-bande ne doit point être fumée. On en place au printemps aussitôt que les gelées ne
OKT'.rif.TCRt. l . v. - 30

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234 H0IIT1C iLiimt. LiviiLvm.

semblent plus à craindre au nord de cette


; facilement les confondre, on s'étonne que son
vallée, il vaut mieux l'avancer en la plaçant usage soit si peu répandu. Le topinambour pa-
sur coucbe tiède, vers le milieu de mars; rait en assez grande quantité au printemps sur
comme on ne pourrait la planter à demeure à les marchés des petites villes de la Basse Pro-
l'air libre avant le mois de mai, les tubercules, vence; il s'y vend communément au prix très
très lents à se former, seraient surpris par le modique de 10 à 15 c. le kilogr. il n'est acheté
;

froid, et la récolle serait nulle. Les tubercules que par les pauvres gens.
Hâtés sur coucbe donnent une multitude de Un motif, assez plausible du reste, fait ex-
ttges qu'on peut detaeber pour les planter clure cette plante de beaucoup de jardins;
isolément , comme des l>outures. A mesure c'est la difficulté de s'en débarrasser ; une fois
qu'elles se ramifient , il faut les étendre sur le qu'elle s'est emparée du terrain, il semble (pie
soi et les charger de terre en ne laissant de-
, ce soit à perpétuité ; le moindre fragment de
hors que 1'extreiniié de chaque pousse: elles se tubercule suffit pour la reproduire; rien n'égale
redressent en continuant à croître dans des l'énergie et la ténacité de sa végétation. La
directions divergentes on continue h les butter
; culture du topinambour est la même que celle
de 15 en lô jours, jusqu'à la fin du mois d'août. de la pomme de terre ; si l'on peut lui accorder
Alors la plante emploie sa sève à former ses un bon terrain largement fumé, il peut donner
tubercules et ses tiges ne s'allongent presque d'énormes produits; livré à lui-même, sans soins
plus. C'est pour pouvoir recevoir ces buttages de culture, dans le coin le plus stérile du jar-
réitérés que cette plante, d'abord fort petite, din, il viendra toujours, et donnera une récolte
a besoin d'un si grand espace; si le sol lui est passable, là où nulle autre plante utile ne sau-
favorable tout le terrain finira par être cou-
. rait végéter. Nous avons dû mentionner le to-
vert de buttes coniques se touchant par la base pinambour à cause de toutes ses qualités reeom-
et pleines de tubereules (Voxali* crenata. On mandables comme plante potagère, et parce
en obtient communément de 500 à 600 pour qu'il nous semble mériter une place parmi nos
un ; cette production extraordinaire peut, dans légumes-racines ; du reste, de même que la
des circonstances particulièrement favorables, pomme de terre, c'est une plante essentielle
être portée jusqu'à 1 ,800 fois la semence aussi,
; ment propre à la grande culture pour les usa-
dans la grande culture Voxulis crenata peut-
. ges industriels et l'alimentation du bétail Quoi-
elle être appelée à rendre de très grands ser- que le topinambour soit originaire du Brésil, on
vices, si l'on peut parvenir à créer une variété ne connaît pas de racine plus complètement
dont les tubercules soient plus gros, plus pré- insensible que la sienne aux gelées, quelle que
coces, et qui exige moins de main-d'œuvre soit leur intensité; l'on n'a donc point à se
pour sa culture. préoccuper de sa conservation pendant l'hiver
Considérée comme légume-racine, Voxalis on la laisse en place pour l'arracher au moment
crenata est un tuberculeaussi bon etaossisalubre de s'en servir. La plante paraît fort disposée à
queïa pomme de terre dont il s'éloigne par une varier par la culture on en possède déjà quel-
;

saveur particulière, mais agréable. Ceux qui ques variétés dont la chair est jaune ou d'un
trouvent son acidité trop prononcée peuvent blanc tirant sur le jaune; elles ont été obtenues
le faire d'abord blanchir dans l'eau bouillante de semis par M. Vilmorin. Ces semis, poursuivis
pour l'en débarrasser. Les tubercules û'vxaUt avec persévérance, feraient probablement ar-
crenata peuvent recevoir autant d'assaisonne- quérir une variété à tubereules plus gros que
ments divers que la pomme de terre. La cou- ceux du topinambour commun, et exempts de
leur des tubereules d'oxulis crenata n'est pas cette persistance qui est un des principaux obs-
f)ersistante; souvent, après avoir semé seu- tacles à la propagation de sa culture.
ement des tubercules jaunes, couleur nankin, ( Pour la culture en grand du topinambour,
r
on en trouve à la récolte un grand nombre voir tome I* , page 451. )
de parfaitement blancs; ils ne diffèrent en rien
des jaunes quant à la qualité. § XI. f Betterave.
Comme les tubercules <ïojalis crenata ne De même que la pomme de terre et le topi-
commencent à se former en terre que Tort lard nambour, la betterave est une plante de grande
en automne, il est bon de les y laisser le plus culture ; nous n'avons à traiter ici que des es-
longtemps possible ; tant que 1 état de la tem- pèces jardinières, et de leur culture dans le
pérature ne donne pas lieu de craindre de fortes jardin potager. On cultive dans les jardins pour
gelées, ils profitent dans le sol. Une fois arra- l'usage alimentaire quatre variétés de bette-
chés, ils se conservent aisément dans une cave rave, la grosse rouge commune, la petite rouge
saine, si on a soin de les stratifier dans du sa- de Castelnaudary, ta jaune commune et la jaune
ble sec; ils passent ainsi très bien l'hiver sans de Castelnaudary ; la seconde et la quatrième,
altération. moins volumineuses que la première et la troi-
sième, ont uné saveur beaucoup plus délicate
5 X. — Topinambour. elles méritent une préférence exclusive comme
;

Lorsqu'on a goûté sans prévention cet ex- légumes-racines. On sème les betteraves en pé-
cellent tubercule, analogue pour le goût aux inière, sur couche sourde, ou sur plate- bande
fonds d'artichauts avec lesquels un aveugle, ien garnie de terreau, à bonne exposition,
jugeant seulement d'après h saveur, pourrait depuis le 15 avril jusqu'à la fin de mai semec ;

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T1TAE IV. CULITULS ISA ! UKELLLS. 235

Irop tôt, la betterave monte et sa racine est rieur,mais elles ne dépassent pas le double du
perdue. Elle n'exige aucun soin particulier de volume d'un gros melon cantaloup;
culture et n'est pns difficile sur le choix du ter- 3° La grosse courge blanche, presque aussi
rain toute bonne terre de jardin lui convient.
;
grosse que la jaune des environs de Paris, mais
Dans les contrées maritimes, un peu de vase vide en dedans, et par conséquent peu profi-
de mer desséchée et pulvérisée est un excellent table;
amendement pour le terrain où l'on doit planter 4° La grosse verte, à peau lisse, souvent

des betteraves. Il est bon de les repiquer très marbrée de vert plus clair un peu moins vide
,

jeunes, les grosses espèces à 0"» 50 les unes des que la précédente ;
autres, et les plus petites à 0"' 35 en tout sens, 5° La
verte à côtes, l'une des plus sucrées,
en évitant avec soin de retourner dans le trou le employée dans son pays natal (la Hongrie) à
bout de la jeune racine sur lui-même. Une fois la fabrication du sucre.
reprise, la betterave n'exige plus que quelques Chacune de ces citrouilles a de nombreuses
binages. A moins d'absolue nécessité, il ne faut sous- variétés ; celles des n°* 1 , 2 et 5 , sont de
point arroser la betterave qu'on destine à la beaucoup préférables à la grosse citrouille
provision d'hiver, elle se conserverait diffici- jaune; quiconque a mangé de ces courges frites
lement ; les deux variétés rouge et jaune de à la manière provençale, ne peut se figurer que
Castelnaudary conviennent surtout dans les ce soit le même fruit. Cultivées sous le climat
terrains légers; elles supportent facilement la de Paris, avec des soins convenables, l'expé-
sécheresse et sont de très bonne garde, pourvu rience prouve qu'elles ne dégénèrent pas; si
qu'on les conserve à l'abri de l'humidité. elles sont exclues des cultures maraîchères,
On mange la betterave cuite au four, mêlée c'est uniquement en raison de leur volume trop
avec différentes salades d'hiver ; elle est aussi petit et de leur produit hors de proportion avec
fort usitée comme légume dans l'ouest de la les conditions sous lesquelles cultivent les ma-
France, où l'on est dansl'usage de l'assaisonner raîchers des environs de Paris; en les indi-
avec beaucoup d'ognon; c'est un aliment très quant, nous avons cru rendre service aux ama-
salubre. teurs qui n'étant point arrêtés par les mêmes
,

(Pour culture en grand de la betterave


la considérations peuvent trouver dans la cul-
,

champêtre, voir tome II, page 37. ) ture des bonnes courges du midi, dont il est
facile de se procurer la graine, d'abondantes

— Culture det plan ressources pour varier leurs aliments végétaux


111.
à fruiu comestible*. pendant l'hiver. Toutes ces citrouilles se con-
servent parfaitement ; il faut les cueillir un peu
% I
er
. — Citrouille ou potiron. avant leur parfaite maturité, avant que leur
feuillage n'ait commencé à se flétrir.
Peu de fruits offrent un plus grand nombre Toutes les courges se cultivent par les mêmes
de variétés et sous- variétés que la citrouille; procédés. Ces plantes, comme toutes celles de
dans la grande culture, à partir de la vallée de la famille des cucurbitacées, sont constituées
la Loire en s'avançant vers le midi, la citrouille de telle sorie que leurs racines ne craignent
est d'une grande ressource comme nourriture pas le contact immédiat du fumier en pleine
pour les bêles bovines ; sous le climat de Paris fermentation, qui ferait pourrir ou mourir d'in-
on ne la culti\c que comme fruit alimentaire digestion tant d'autres plantes potagères. On
pour la nourrilure de l'homme. L'espèce la plus pourrait donc , sans inconvénient, les semer à
cultivée aux environs de Paris, est la grosse même le fumier, et c'est ce que font beaucoup
citrouille jaune , originaire d'Amérique ; elle de maraîchers lorsqu'ils ont un tas de fumier
peut acquérir un volume énorme; elle atteint qui ne doit pas être employé avant le temps
fréquemment dans nos marais le poids de 100 qu'exige la végétation des citrouilles ; elles y
kilojrr. Depuis quelques années, on a substitue deviennent monstrueuses.
à la presque sphériuue la citrouille
citrouille On sème les citrouilles en place, dans des
de forme aplatie , :onnue sous le nom de boule
m
fosses de 0 ,50 de diamètre, sur 0«n,4(> de pro-
de Siam; elle a les mêmes qualités que la ci- fondeur, dont le fond est garni de 0 m ,30 de
trouillesphérique, avec l'avantage de se con- bon fumier fortement comprimé, recouvert de
server plus longtemps
, parce qu'en raison 0 m ,05 à 0"\08 de terreau. Chaque trou reçoit
de sa forme , elle n'a presque pas de vide in- deux ou trois graines on ne laisse subsister
;

térieur. que le pied qui semble le plus vigoureux. On


La nomenclature des citrouilles ou potirons donne ordinairement deux tailles à la citrouille :

nommés courges dans le midi, est assez mal la première, pour la faire ramifier, consiste à
établie ; les variétés les plus recommandablcs supprimer la pousse terminale, quand la plante
sont, outre la grosse jaune sphérique et la a environ 0 ,n 30 de longueur la seconde, pour
, ;

boule de Siam : arrêter sa croissance et forcer la sève à se por-


|° La courge messinèze à peau blanchâtre , ter vers le fruit, consiste à supprimer la partie
unie, à chair rouge ; supérieure de chaque tige sur laquelle il y a un
2° La courge muscade, en forme de poire, à fruit noué ; cette suppression doit laisser au
peau jaunâtre, lisse, à chair couleur de sang : moins une lige de 0^,40 au-dessus de chaque
l'une et l'autre n'ont presque pas de vide inté- fruit. Lorsqu*on tient à obtenir les plus grosses

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236 HOItTICULlUKE. LIVRE VIII.

citrouilles possibles,on ne provoque point la Parmi les es|>èces de courges grimpantes, les
ramification des plantes; on ne leur laisse croî- plus dignes d'être cultivées, sont les suivantes,
tre qu'une seule tige, à laquelle on ne laisse dqpt le fruit ne se mange pas :

qu'un seul fruit ; dans la culture ordinaire,


Courge congoarde, ou gourde de pèlerin
chaque pied porte deux tiges et deux fruits. {fig. %it).
Courge massue, » fruil très allonge {fig, SIS).
Aucune plante potagère n'exige des arrosages Courge calebMte {Jtg. Su).
aussi fréquents et aussi abondants que la ci-
trouille; ce n'est qu'à force d'eau qu'on peut rv . 311.
hâter assez sa végétation pour que les fruits
soient mûrs au moment des premières gelées ;

avant de les rentrer, il est bon, lorsque le temps


est sec, de laisser les citrouilles achever de
mûrir au soleil.
Le plus souvent, au lieu d'attendre l'époque
où ii de semer les citrouilles en pla-
est possible
ce, on sème en pots dès le mois de mars
les ;

les pots sont enterrés dans une couche tiède


recouverte d'un châssis quand la saison lui
; Fig. 314, 312, 311.
permet de supporter le plein air, le plant est
Toutes ces courges ont besoin d'être ra-
déjà tout forme ; il gagne ainsi deux mois sur
mées; là dernière, qui peut acquérir dans des
les citrouilles semées en place. Le plant de ci-
conditions favorables un volume énorme, doit
trouille, même lorsqu'on le transplante avec
être conduite en espalier le long d'un mur et
toute la terre du pot dans lequel il a crû, souf-
solidement assujettie, sans quoi le poids du
fre toujours plus ou moins au moment de sa
fruit détacherait et romprait la tige qui n'a
mise en place ; on a eu soin de l'accoulumer
jamais beaucoup de consistance. On pratique
au plein air plusieurs jours d'avanee la trans- ;
au sommet de toutes ces courges une ouver-
plantation doit se faire par un temps couvert,
ture qui permet d'y introduire un instrument
mieux le soir que le matin. Si le temps e>t beau,
quelconque pour les vider et les nettoyer à
on place au-dessus de chaque plant irois ba-
Iintérieur; elles retiennent très bien les liqui-
guettes réunies par le sommet, comme le mon-
des ; elles tiennent lieu de boites et de tiroirs
tre la fi y. 309 on jette, en cas de besoin, sur
;
pour conserver toute sorte de graines jardi-
Fig. 310, 309. nières qui y sont parfaitement à l'abri de l'hu-
midité et des atteintes des souris.

5 II. — Concombres et cornichons.

La culture de ce fruit, originaire d'Asie,


est encore la même que celle de la citrouille;
comme il mûrit plus vite, le concombre peut
ces baguettes un morceau de vieux paillasson, se semer un peu plus tard que la citrouille,
qui doit, sans recouvrir le plant en entier, mais toujours de la même manière, dans des
l'ombrager seulement, en lui laissant le contact trous remplis de fumier comprimé et recouvert
ic l'air dont il a besoin, La fig. 310 montre
de terreau. Ce n'est guère que dans nos dépar-
cette disposition.
tements au sud de la Loire que le concombre
est cultivé en grand dans les jardins, et qu'il
Le mode de culture que nous venons de dé-
fait partie des aliments les plus usités; sous le
detous points aux plantes de la
crire s'applique
môme famille dont les fruits, dans la première climat de Paris, sa consommation est très li-
période de leur croissance, seraient tous ali- mitée. Les concombres ne supportent pas tous
la pleine terre; plusieurs espèces ne sauraient
mentaires, si nous voulions en faire usage. Il
en est de même, pour le dire en passant, des donner leur fruit par la culture naturelle, on
est forcé de les semer et de les élever plus d'à
fruits superflus que nous retranchons aux pieds
de citrouille trop chargés; ces jeunes fruits, de moitié sur couche avant de les risquer en plein
air. Les concombres qui supportent le mieux
la grosseur d'un melon ordinaire, pourraient
la pleine terre sont :
être utilisés de la même manière que les con-
combres, dont ils ont à peu près la saveur. Le concombre blanc long.
La seule variété de petite taille assez com- Le blanc bâlif.
munément cultivée aux environs de Paris est Le gros blanc de forme ramassée.
le Giraumon, plus connu des maraîchers sous Le liAtif de Hollande, tournant du blanc au jaune en
le nom de bonnet turc, parce que son fruit of- mûrissant.
Le concombre serpent.
fre une ressemblance grossière avec un turban
Le cornichon.
fig. 311. 11 est fort sucré et de très bon goût
quand il parvient à parfaite maturité, ce qui Les trois premières espèces sont les plus ré-
lui arriveraitrarement sous le climat de Paris, pandues; on cultive, en outre, mais plutôt
si l'onne prenait la précaution de l'avancer en comme curiosité que pour l'usage alimentaire,
élevant le plant sur couche. quelques variétés, à très petits fruits, propres

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TITRE IV. CULTU fl£S. JN ATL R F.LLES. 237

seulement à être confits dans le vinaigre, telles Nous donnerons cultare forcée du mee
la
sont: Ion avec tous les procédés propres à en fair-
avancer la fructification ( voir Cultures for-
Le concombre à bouquet*, dit de Russie, très bâtiL
cées ).
Le concombre aradâ, à fruit hérisse.
Le concombre du Liban.
Nous donnerons, sous le nom de culture na-
turelledu melon, celle que chacun peut prati-
(Pour les concombres de primeur, Toir Cukurtiforcéet.) quer, quelque limitée que soit l'étendue de
son jardin et de ses ressources; culture
Le seul de tons cesconcombres qui ait réel-
n'ayant pas pour but d'obtenir des melons mûrs
lement une grande importance, en raison de
avant l'époque qui doit en amener naturelle-
l'espace qu'on lui consacre et des bénéfices de
vient la maturité. Nous v joindrons les procé-
sa culture, c'est le cornichon. A la rigueur,
dés de la culture dite dé pleine terre, parce
tout concombre a commencé par être corni-
u'elle occupe des champs d'une grande éten-
chon ; le fruit vert de toutes les espèces de
ue mais nous ferons observer au lecteur que,
;
concombres peut être cueilli fort jeune, lors-
même pour ce genre de culture, les racines de
qu'il est seulement de la grosseur du petit doigt,
la plante ne devraient jamais se trouver en
et être confit au vinaigre. Mais l'espèce, par-
contact avec le sol; elles ne devraient végéter
ticulièrement réservée pour cet usage à cause
que dans le fumier.
de son ^oût délicat et de sa belle nuance verte,
porte spécialement le nom de cornichon. Le A. — Travaux préparatoires.
cornichon se sème toujours en place, en pleine
Le jardinier doit consacrer aux melons deux
terre, dans des trous pleins de fumier recou-
couches Tune chaude, l'autre sourde (voir
:
vert de terreau ; il serait imprudent de hasar-
Courhes). Leur étendue est proportionnelle à
der ces semis avant le milieu de mai, la moin-
la quantité de melons qu'on se propose d'ob-
dre gelée blanche pouvant détruire sans re-
tenir; dans tous les cas, la couche chaude ne
mède la plante nouvellement levée. Les corni-
doit pas dépasser le quart des dimensions de
chons sont d'autant meilleurs qu'ils sont cueillis
ta couche sourde.
f)lus jeunes; il faut mettre beaucoup de soin à
Il est quelquefois assez difficile, loin des
a récolte, qui dure plusieurs mois; pour ne pas
grandes villes, dans les localités éloignées des
trop endommager les plantes, les cornichons
grands établissements d'horticulture, de se
doivent être cueillis à la naissance de leur
procurer du terreau de bonne qualité en quan-
pédoncule.
tité suffisante pour couvrir les couches à me-
Après le petit concombre vert, le plus usité
lons. Cet embarras n'existe jamais que pour les
comme cornichon, le concombre serpent est
deux premières années; car au bout de ce temps,
celui qui convient le mieux pour être traité de
les premières couches, devant être démontées,
la même manière; l'un et l'autre veulent beau-
fournissent une provision de terreau qui se
coup d'eau pendant tout le cours de leur végé-
renouvelle constamment de la même manière.
tation; c'est le point essentiel de cette culture
Le terreau ne doit pas être employé pur; il
qui, bien conduite, peut être très productive.
faut le mélanger, ou, selon l'expression reçue,
Pour obtenir la graine de toutes les espèces de
le couper avec partie égale de bonne terre* de
concombres parfaitement mûre, il faut laisser
jardin passée au crible.
pourrir sur place quelques uns des plus beaux
fruns, et ne récolter la graine que quand la
A défaut de terreau, voici comment on peut
en préparer artificiellement, en ayant soin de
pulpe est presque entièrement détruite. La
s'y prendre six mois d'avance. On enlève sur
graine de concombres conserve plusieurs an-
le bord des chemins et le long des haies des
nées sa faculté germinative.
gazons qui ne doivent pas avoir plus de CM» .,08
,u

S Ht. — Melon. à 0 ,10 d'épaisseur; on les stratifié en lits


m
de 0 ,30 avec toutes les mauvaises herbes
Nous avons maintenu, pour nous conformer qu'un jardin de quelque étendue ou un champ
à l'usage adopté par les jardiniers, et aussi occupé par une recolle sarclée fournissent tou-
pour éviter de créer un terme nouveau, la dis jours abondamment à l'état frais. Chaque lit
tinction admise entre la culture naturelle doit être recouvert de débris de chaux qui
du melon et sa culture forcée. Il n'y a pas coûtent meilleur marché que la chaux en pier-
de culture naturelle du melon en France ; pour res, et produisent le même effet, pourvu qu'ils
obtenir le fruit de cette plante dans toute la soient assez récents pour conserver leur caus-
fierfeclton qu'il est susceptible d'acquérir, il ticité, ce dont de s'assurer avant
il est facile
oi faut toujours des soins qui constituent réel- de s'en servir. Le lit de chaux peut avoir 0™,04
lement une culture artificielle. Il est vrai que,
m
à 0 ,05 d'épaisseur, plutôt plus que moins,
dans beaucoup de départements, ces soins sont l'excès n'étant pas à craindre. On donne au
entièrement négligés ; mais alors les résultats tas un volume proportionné au besoin pré-
sont tels, qu'un auteur moderne, M. de Plancy, sumé de terreau ; on le termine par un dernier
a eu raison de dire ; - Quand on demande à lit de gazons plus épais que les autres, le tout
nos jardiniers des melons ou des conseils, ils doit avoir la forme d'un toit arrondi au som-
les donnent aussi mauvais les uns que les met. Après avoir abandonné à elle-même l'ac-
autres. - |
lion de la chaux sur les matières végétales ,

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m HORTICULTURE. LIVRE VIII.

pondant quinze à \ ingt jours, on démonte le bien appropriée au goût des consommateurs
tas; on en mélange exaclement touies les par- anglais auxquels elle est destinée.
ties, en reporiant vers le centre tout ce qui Les procédés indiqués dans les traités de
semble moins avancé en décomposition ; si la jardinage pour distinguer la graine bonne ou
température est sèche, il est bon d'humecter mauvaise, soit au poids, soit par l'essai dans
légèrement ;puis, le tas est rec onstruit et livré l'eau, les semences qui surnagent étant suppo-
de nouveau à la réaction lente de ses éléments sées défectueuses, sont tous ou puérils, ou il-
jusqu'au moment où on l'emploie. 11 suffit alors lusoires. La graine de melon, pourvu qu'elle
de passer le terreau artiliciel à la claie, et de n'ait pas été exposée à une température trop
Je mélanger par partie égale avec du fumier à élevée qui, en faisant rancir l'huile qu'elle con-
demi consommé, qui ne doit pas être trop im- tient, en aurait endommagé le germe, lève très
bibé d'urine de bétail. M. le marquis de Cham- bien après dix ans et plus de conservai ion, et
bray donne celte recette dans son Traité de la le plant qu'elle donne n'a pas dégénéré. Le pré-
culture du melon ; dans la pratique, nous nous jugé qui veut qu'on garde cette graine au moins
sommes toujours bien trouvés d'ajouter à ce trois ans avant de l'employer, n'est pas mieux
mélange, au moment d'en garnir la couche, une fondé en raison ; laissez pourrir en place un
assez forte dose de colomhine sèche en poudre, melon d'arrière-saison, ses graines lèveront au
provenant do nettoyage du colombier et du printemps suivant ; il n'est pas rare dans le
poulailler. Le melon, de même que les autres midi de voir du plant ainsi obtenu accidentel-
cucurbitacées, ne craint nullement l'action di- lement, servir pour la grande culture, et don-
recte des engrais les plus chauds; la colomhine ner des melons supérieurs en qualité à ceux
est celui de tous qui semble convenir le mieux qui proviennent de graine conservée trois ans.
à sa végétation. Après que le fumier de la cou Le seul indice à peu près sûr de la bonté de
che a été humecté, et foulé de manière à pré- la graine de melon, c'est son épaisseur; lors-
senter une surface aussi unie que possible, il qu'elle est trop plaie et semble vide à l'inté-
doit être recouvert de ce mélange à l'épaisseur rieur, il est très probable qu'elle ne vaut rien,
de 0", 18 ou 0 m ,20. et que le germe et les cotylédons en étant des-
séchés, cette graine ne lèverait pas.
B. — Choix de la graine.

Lorsqu'on mange un bon melon, parfaite-


C. — Semis.
ment à son point de maturité, réunissant tou- Trois méthodes sont généralement en usage
tes les qualités qu'on demande à l'espèce ou à pour semer les melons sur couche toutes trots ;

la variété qui convient le mieux au pays, ou à ont leurs avantages ; nous indiquerons les cir-
celle qu'on préfère, soit comme la plus mar- constances qui peuvent faire préférer l'une ou
chande, soit comme la plus agréable au goût, l'autre. Le procédé le plus généralement em-
on ne saurait mieux faire, pour s'assurer du ployé par les jardiniers de profession comme le
plant exactement semblable, que d'en recueil- plus expéditif et le plus économique, consiste à
lir la graine et de la laisser sécher à l'ombre. semer tout simplement sur la couche chaude,
Ce n'est pas à dire pour cela que tous les pieds dans le terreau qui la recouvre, à quelques cen-
obtenus de ces semences donneront des fruits timètres de profondeur. Quant à la distance,
parfaitement identiques avec celui qui les aura elle est déterminée par le mode de transplanta-
produites; souvent la reproduction du melon tion qu'on se propose d'employer plus tard. Si
offre de singulières anomalies. 11 ne faut donc l'on doit faire usage des instruments nommés
pas trop se hâter d'accuser de négligence les tran$plantoir et lève - melon ( voir ces mots
,

marchands de graines à qui l'on s'est adressé au chapitre des Instruments de jardinage), il
pour avoir telle ou telle variété, lorsque toutes est nécessaire, pour pouvoir s'en servir avec
les semences ne donnent pas les produits qu'on facilité, de laisser entre les semis un certain es-
en attendait ; c'est une particularité inhérente pace; oo commence donc par prendre sur le
à la nature du melon, comme nous en avons terreau l'empreinte «le la base du cylindre de
fait mille fois l'expérience. Cette considération fer-blanc lut ruant le corps de l'instrument, et
doit engager à semer toujours plus de graines l'on fait autant de semis de trois ou quatre
qu'il n est nécessaire; avec un peu d'habitude graines chacun, que la couche peut recevoir de
d'observation, on reconnaîtra sans peine, dans ces empreintes circulaires, en laissant cinq à
la forme et la nuance des premières feuilles du six centimètres d'intervalle entre chacune
plant, des différences qui sont toujours an- I d'elles. La distance peut être un peu moindre,
nonce de différences encore plus prononcées quand on sème dans l'intention de lever le plant
dans le fruit ; ces pieds, fussent-ils les plus vi- avec la truelle de jardinier, pour le trans-

fiureux, doivent être supprimés, si l'on tient planter.


maintenir la pureté d'une variété particu- La seconde méthode non moins usitée, con-
lière. C'est ainsi qu'en agissent les maraîchers siste à semer en pots, deux ou trois graines
les environs de Paris pour leurs cantaloups si dans chaque pot. Le fond du pot, muni de son
iustement regardes comme égaux aux meilleurs ouverture ordinaire, doit être garni à l'intérieur
qui se mangent à Rome, leur pays natal; les d'un morceau de tuile arrondi, pour faciliter le
cultivateurs normands en font autant pour la dépotage. On enterre les pots bord à bord dans
variété qui porte le nom de Honfleur. variété si la couche, jusqu'à l'époque de la transplanta-

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TlînE iv. CULTURES NATURELLES. 1>39

lion. Une partie des jardiniers des environs de un peu dérangés, ils auront plus de vigueur
Paris, et presque tous ceux de la Normandie, pour se refaire que ceux qui proviendront des
sont dans l'usage de semer ainsi. autres modes de semis.
La troisième méthode, un peu plus minu- Une quatrième méthode employée surtout,
tieuse à pratiquer, est surtout à l'usage du jar- par les jardiniers de profession consiste à tran-
dinier amateur ; elle serait difficilement appli- cher avec la truelle tout autour du plant le ter-
cable à une grande culture, quoique, sous tous reau maintenu suffisamment humide, et à en-
les autres rapports, elle l'emporte sur les mé- lever la motte ainsi formée, avec le même ins-
thodes précédentes. Ou taille à cet effet des trument. Un maladroit perdrait une partie de
gazons carrés, 0 m ,10 de côté sur 0 ,0$b
m
son plant en essayant cette méthode; quand
d'épaisseur; dans les racines de ces ga 7.0ns on en possède l'habitude, elle est irèsexpédi-
retournés, on pratique avec une serpette llve; elle ne s'applique qu'au plant semé à nu
bien tranchante une ouverture en forme d'en- sur le terreau de la couche chaude.
tonnoir, qui doit pénétrer jusqu'aux tiges,
La transplantation n'est pas toujours néces-
afin qu'elle puisse plus tard laisser égoutter
saire ; il y a des semis en place qui réussissent
l'eau des arrosages. Les gazons ainsi préparés
bien, maisils 11e doivent être fait» que dans le
sont remplis de terreau et enterrés dans celui
courant du mois de mai.
de la couche de manière à ce qu'il les recouvre
Les trous destinés à recevoir les melons
à quelques centimètres d'épaisseur; on y sème
transplantes sur la couche sourde doivent être
alors la graine de melon, comme si elle était
prêts d'avance ; chaque pied sera arrosé modé-
semée en pots, selon la seconde méthode. Les
rément une fois ou deux; le plus souvent un
parties végétales de ces mottes de gazon for-
seul arrosage suffit ; l'eau ne doit être versée
ment en se décomposant, indépendamment de
qu'avec heaucoupde précautions, et jamais ré-
la terre h melon, une excellente nourriture pour
pandue sur le cœur de la jeune plante; il faut
les jeunes plantes; elles allirent à elles les ra-
arroser tout autour, à une certaiue dislance du
cines latérales qui deviennent plus fortes aux
collet des racines.
dépens du pivot central l'influence salutaire
;

de cette action se fait sentir pendant tout le


La distance pour le repiquage varie selon le
cours de la végétation du melon. développement propre à chaque espèce de me-
Quel que soit le mode de semis que l'on ait lon elle peut aussi varier selon l'espace dont
,

adopte, il faut avoir soin de placer la pointe de on dispose. Lorsqu'on peut étendre les couches
chaque semence dirigée vers le bas, pour en à volonté, il est l>on de donner aux espèces les
faciliter la germination; il en est de même des
plus vigoureuses 1 mètre 25 c. en tous sens, et
graines de toutes les plantes cucurbitacées. un mètre seulement à celle* qui s'étendent un
peu moins.
D. —- Transplantation.
E. — Epoques det terni* et lransplnntation$.
Les trois manières de semer que nous venons
de décrire correspondent à trois manières de Dans culture naturelle du melon, le temps
la

transplanter; toutes trois ont pour but et pour convenable pour ces deux opérations est très
condition essentielle de déranger et même de variable d'une année à l'autre, la température
secouer le moins possible la jeune plante, en la seule en décide. Les semis se faisant toujours
transportant de la couche chaude sur la cou- sur couche chaude abritée, on pourrait semer
che sourde, en sorte que l'action de ses racines de très bonne heure au printemps, mais il y
ne soit ni troublée ni suspendue. Rien ne rem- aurait plus de perte que de profil. Le plant ne
plitmieux ce but que l'emploi du transplantoir pouvant être risqué sur la couche sourde que
ou, à son défaut, celui du lève -melon, qui n'est quand les intempéries des saisons qu'il ne peut
qu'un transplantoir simplifié. Il ne faut pour supporter ne sont plus à craindre, il arrive
sVn servir avec succès qu'un peu d'adresse qui quand on sème trop lot, qu'il reste trop long-
s'acquiert en une scuIp leçon. temps sur la couche chaude; alors les pieds
La transplantation des plantes semées en pot s'allongent outre mesure, ils deviennent lan-
est la plus facile de toutes. On pince le pot guissants et presque incapables de supporter la
dans la paume de la main gauche de manière transplantation. Si cependant on les tran>
à ce que l'axe du pot occupe une position ho- plante en cet étal, leur fructification, déjà très
rizontale; avec la main droite, on introduit un tardive dans les circonstances les plus favora-
petit bâton dans le fond du pot, on pousse la bles, sera tellement retardée que les fruits pour-
tuilequi en bouchait l'ouverture, et fa terre se ront très bien arriver à l'époque où leur matu-
trouvant ainsi détachée d'un seul coup, le me- rité est impossible.
lon est transplanté en motte sans éprouver le La transplantation doit se faire environ trois
moindre dérangement. semaines aprèsque la graine est sortie de terre;
Lorsque les .-.nuis ont été faits dans des ga- mais quand le temps est défavorable ou que le
lons, il faut que la main plonge avec dextérité plant parait encore trop délicat, on peut diffé-
dans le terreau, pour soulever le gazon sans rer celte opération d'une semaine ou deux sans
ébranler les racines du plant. Avec un peu grand inconvénient. La transplantation pour
d habitude, ce moyen réussit aussi bien que les la culture naturelle peut être considérée comme
Mires; d'ailleurs, si quelques pieds se trouvent faite en temps convenable, tant que poorTef-

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HORTICULTURE. LIVRE VIII.

fectaer on n'a pas différé plus lard que la fin mer; ces branches ne cessent entièrement de
du mois de mai. se montrer que quand les melons réservés sont
devenus assez forts pour attirer a eux toute la
F. — Taille Ju melon. sève. Chaque plaie causée par la suppression
Nous ne sommes plus au temps où chaque d'une branche doit être immédiatement sau-
(ardinier faisait un secret des notions que le poudrée de terreau bien sec pour en accélérer
lAsard ou l'expérience pouvait lui avoir fait la cicatrisation.

acquérir. L'art de tailler les melons est presque Telle est, pour le melon, la taille la plus
devenu de nos jours l'art de ne pas les tailler simple; elle n'exige ni longues études ni sur-
Les jardiniers les plus expérimentés reconnais- veillance perpétuelle chaque jour elle fait de
;

sent aujourd'hui l'inutilhé de ces rognures per- nouveaux prosélytes parmi les cultivateurs
pctuellles qui n'al>ou tissent qu'à développer maraîchers, et tout le monde est d'accord sur
une foule de hranehes se croisant clans tous les ce point que jamais Paris n'a été approvisionné
,

sens et n'ajoutent rien ni à l'abondance du fruit en melons de qualité plus parfaite.


ni à sa qualité, fait dont tout jardinier exempt
de préjugés peut se convaincre par la pratique.
Nous prendrons donc, en ce point comme en Beaucoup de jardiniers tiennent encore pour
tout le reste, la science où elle en est de nos l'ancienne méthode; des ouvrages assez récents
jours, et nous donnerons en premier lieu la ont même été consacrés à la préconiser; nous
taille qui nous semble la plus rationnelle dans croyons donc ne pouvoir nous dispenser de U
l'étal avance de notre horticulture. décrire sommairement.
Après l'étêtement tel que nous l'avons indi-
t. TtilU modrrn:
qué, il se développe deux branches latérales;
De toutes les opérations de la taille, la plus ces branches sont taillées au-dessus de leur
nécessaire est celle de Yétitemcnt, par laquelle second nœud, dès qu'elles ont montré leur cin-
on supprime la tige provenant directement du quième feuille. Chacune d'elles, ainsi arrêtée
germe delà graine et sortie la première d'entre dans sa croissance, en produit deux autres
les cotylédons. Cette tige livrée à elle même qu'on laisse croître de même jusqu'au déve-
absorberait toute la vigueur de la plante et ne loppement de leur cinquième feuille ; on les ra-
souffrirait, pour ainsi dire, aucune branche bat encore sur leur second nœud , et chacune
accessoire-, elle fructifierait, mais très tard, et d'elles donne encore ses deux branches laté-
jamais ses fruits n'auraient ni le volume ni la rales, en sorte que le nombre total des branches
qualité des melons produits par les branches oui se bornait à deux à la première taille, est
latérales. Ce retranchement peut avoir lieu sur de 4 après la seconde et de 8 après la troi-
la plante très jeune, même avant sa transplan- sième. On continue ainsi jusqu'à une cinquiè-
tation, ce qui a toujours lieu quand la saison me taille, après laquelle on n'a pas moins de
contraire force le jardinier à laisser grandir le 32 branches. Alors seulement, on choisit, parmi
plant plus qu'il ne le voudrait sur la couche les fruits déjà assez gros, ceux qu'on juge à
chaude. Il vaut mieux, sous tous les rapports, propos de conserver, et l'on sacrifie les autres
ne faire cette première taille qu'après que la avec les branches qui les portent. En résultat,
reprise de la plante est complète et que le dé- il ne reste toujours que le nombre nécessaire
veloppement de nouvelles feuilles montre de branches à fruit ; tout ce qui survient plus
qu'elle est en pleine végétation. tard est supprimé , comme dans la taille mo-
Cette suppression opérée , on pourra laisser derne on ne voit donc pas la nécessité d'une
;

la plante croître et s'étendre sans la gêner en si grande complication de besogne pour arriver

rien, et attendre pour la tailler de nouveau que à un but qu'on peut atteindre bien plus simple-
les fruits soient non-seulement noués, mais ment.
encore assez développés pour permettre de dis-
tinguer aisément ceux qui annoncent la végé-
G. — Bouture».
tation la plus vigoureuse. Ce choix fait, on A l'époque de la taille du melon, si la saison
arrête la branche a fruit à deux nœuds au-des- n'est pas trop avancée, on peut utiliser les
sus du melon conservé. Si l'on veut que ces branches retranchées et s'en servir pour multi-
fruits aient toute la qualité désirable, il n'en plier le plant au moyen des boutures. Il ne faut
faut laisser que trois ou quatre sur les pieds les pourtant user de ce procédé qu'après avoir cal-
plus forts, deux ou trois sur ceux d'une fore* culé s'il reste encore assez de beaux jours pour
moyenne et un seul sur les plus faibles, quelle qu'on puisse espérer de récolter les fruits de ces
qu'en soit l'espèce. Dans le cas où, cultivant boutures.
pour la vente, on devrait tendre vers une pro- Dans ce cas , on supprime les feuilles infé-
duction plus abondante, il vaudrait mieux en- rieures et les boutons de fleurs qui les accom-
core accorder moins d'espace à chaque pied de pagnent ; puis , on plante les boutures dans le
melon que de lui laisser plus de fruits qu'il n'en terreau de la couche , non pas droites , mais
peut convenablement nourrir; la qualité du dans une position légèrement inclinée; il ne
fruit en serait moins détériorée. faut laisser qu'un œil au dehors ; en sept ou
A mesure que la végétation développe de huit jours, elles sont parfaitement enracinées.
nouvelles branches à fruit, il faut les suppri- On pourrait traiter ces boutures comme le

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 2il

plantvenu de semence et les lever en motte ches , on pourra sans inconvénient laisser les
pour les transplanter mais il vaut beaucoup plantes et leurs fruits à l'air libre, sauf le cas
-
,

mieux les faire en place, sur la couche sourde; d'un été qui serait excessivement pluvieux;
elles y réussissent très bien. Une fois qu'elles mais alors, de quelque façon qu'on les cultive,
ont repris, on les traite pour le reste de leur les melons ne vaudront rien. On tiendra tou-
culture exactement comme on traite le plant jours à portée des planches de melon de vieux
après sa transplantation. paillassons qu'on puisse jeter rapidement par-
dessus si l'on était menace d'un orage; car tout
H. — Détails de culture.
orage peut être accompagné de grêle, et la moin
Il ne pas au melon d'être semé en ter-
suffit dre grêle peut endommager les tiges du melon
reau bien préparé à l'époque la plus convena- au point de faire périr le fruit presqu'au mo-
ble, repiqué en place avec précaution et taillé ment de la récolte. A partir de l'enlèvement
conformément à sa nature; il lui faut encore des cloches, les arrosages seront donnés e
des soins journaliers desquels dépend entière- courant et en tenant l'arrosoir aussi élevé que
ment la qualité du fruit. On peut, en s'abste- possible, pour produire l'équivalent d'une pluie
nant de la plupart de ces soins , obtenir des très divisée. L'eau, ainsi que nous l'avons déjà
melons en même nombre cl d'aussi belle appa- dit, aura été d'avance exposée au soleil, cir-
rence qoe par la bonne culture; seulement, ils constance qui établit seule une distinction en-
seront fades et vides, tandis que dans les au- tre le vrai sens des mots bassinage et arrosage
tres la pulpe abondante et parfumée ne laissera qui sont quelquefois employés indifféremment
libre à l'intérieur que la place occupée par les l'un pour l'autre.
semences. Nous n'avons pas indiquédans ce qui précède
Du moment où les semences sont confiées à le choix à faire entre les cloches et les châssis
la couche, soit à nu, soit en pot, soit en ga- garnis soit de verre, soit de papier ou de cali-
zon, il faut tenir le châssis constamment fermé cot imbibés d'huile, pour la première partie de
jusqu'au moment où les cotylédons, portant la culture du melon; elle réussit également
avec eux leur enveloppe, soulèvent le terreau. bien, même sur une grande échelle, par l'un
Si le temps est beau . comme il arrive souvent ou l'autre de ces deux moyens. Presque tous les
au commencement de mars, on donnera un melons de llonfleur viennent sous du papier
peu d'air en soulevant légèrement le châssis huilé; tous ceux desenvirons de Paris viennent
entier, ou mieux en ouvrant un carreau mobile, sous verre ; les uns ne sont en rien meilleurs
lorsqu'on s'est ménagé cette facilité. A partir que les autres. Nous conseillerons toujours «a
de ce jour, si les châssis sont vitrés, on les jardinier de profession qui cultive pour la
essuiera soigneusement tous les deux jours vente, de préférer le verre lorsqu'il peut s'en
pour le moins, afin d'enlever l'humidité qui s'y procurer. Les panneaux vitrés ont l'avantage de
condense ; si elle tombait en gouttes sur le plan ne pas se renouveler fréquemment et d'exiger
récemment levé, elle le ferait fondre et périr. peu de frais d'entretien ; il en est de même des
Si le terreau devient trop sec , on bassinera cloches. Le papier, quoique en Normandie on le
légèrement la couche avec de l'eau dégourdie fasse servir deux ans de suite, n'est réellement
au soleil, mêlée d'un peu de colombine. Il faut bon que pour un an ; le calicot peut durer trois
être très sobre d'arrosages à l'égard du plant ans s'il est de bonne qualité. Ces matières con-
de melon ; pendant toute la durée de sa végé- viennent surtout au jardinier amateur qui peut
tation , cette plante craint l'eau surabondante s'occuper lui-même pendant l'hiver à en cou-
beaucoup plus que la sécheresse. vrir ses cloches et ses châssis et qui sait les tenir
Quand le plant commencera à montrer sa en bon état à très peu de frais. (Voir Instru-
seconde feuille , on rechargera la couche tout ments de jardinage.
entière avec de bon terreau, afin que les jeunes Quand le fruit approche de sa maturité, une
ieds de melon en soient rechaussés jusqu'à la tuile, ou mieux une petite planche passée entre
i auteur des cotjlédons ou feuilles séminales. la couche et le melon, l'empêche de mûrir trop
Il est bon de ne pas opérer ce rechaussement inégalement. On peut , lorsqu'il est très volu-
trop tôt, dû-ton dépenser plus de terreau et de mineux , sans donner une torsion trop forte à*
main-d'œuvre en s'y prenant un peu plus tard ; la lige, exposer successivement plusieurs côtés
le plant ne pourra qu'y gagner. Peu de jours du melon a la chaleur directe du soleil.
après il est bon à être mis en place.
, Plusieurs variétés de melons n'annoncent
Après la transplantation, on laissera les me- leur maturité que par l'odeur qu'ils répandent ;
lons reprendre à couvert, sous cloche, et quand la plupart des cantaloups en mûrissant restent
le soleil sera trop piquant, on étendra sur les d'un vert pâle ; quand ils jaunissent, c'est qu'ils
cloches des paillassons ou de la litière. Cette sont trop mûrs. Les sucrins d'Angers et plu-
seconde opération est inutile dans le cas où le sieurs autres, restent d'un vert très foncé jus-
temps se maintient chaud et couvert ; mais ces qu'à ce qu'ils tombent en corruption lorsqu'on
conditions de température se rencontrent ra- les abandonne à eux-mêmes. L'instant de la
rement au mois de mat sous le climat de Paris. maturité doit être saisi à point nommé, car il
Dès que les melons sont bien noués, ou, comme passe très vite. En Touraine, on cueille de pré-
disent les jardiniers, bien attachés, les branches férence les melons entamés par les chats qui ne
étant sorties de tous côtés de dessous les clo- leur font jamaisde bien grandes blessures, mais
*«)1TICULTU»B. T. V. — 31
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HORTICULTURE. tivm vril

ni goûtent un peu à tons les meilleurs froits I ment le pîed échauffé par les engrais 1rs plus

3e la melonière , sans jamais s'y tromper. actifs.

I. — Culture du melon enplnne terre.


J. — ComervaUon des melons.
La culture naturelle du melon, même lors-
Cette culture a toujours pour point de dé-
qu'elle a le mieux réussi, laisse toujours beaucoup
part la culture artificielle sur couche chaude,
à désirer sous un rapport essentiel; les frniis
au moins pour élever le plant. Après la trans-
viennent tard et l'on a bien peu de temps à en
plantation, l'emploi des cloches est encore né-
jouir. Les chaleurs du mois d'août, pemlant
cessaire ; les melons en plein champ comme sur
lesquelles le melon bien mûr est un aliment
couche sourde, ne peuvent être abandonnés
aussi sain qu'agréable, sont passées lorsque
ù eux-mêmes en plein air que quand ils ont
commence la récolte du melon obtenu par ce
acquis toute leur force. La culture des melons
mode de culture; il est rare que cette récolte
en Normandie, culture si justement renommée,
puisse se prolonger au-delà des premiers jours
offre l'équivalent d'une culture sur couche
d'octobre; ainsi, sous le climat de Paris, lors-
sourde. On commence par former le plant sur
qu'on traite le melon de cette manière, on n'en
couche chaude couverte, et quand on le met en
peut manger que pendant environ quatre à cinq
place en plein champ, à l'aide du transplantoir
semaines, et cela à une époque où la tempéra-
et du lève-melon, c'est dans des fosses remplies
ture moins élevée en rend la consommation
de 50 à 60 centimètres de bon fumier garni de
moins utile. C'est là sansdoutc un inconvénient
terreau.
des plus graves : les départements du midi n'en
Quelques cultivateurs de cette partie de la ressentent point les effets, mais pour ceux do
France sèment le melon en place; ils ne peu- centre et du nord, ils sont assez sensibles pour
vent, dans ce cas, commencer leurs semis que
donner, indépendamment de la mode et du bon
fort avant dans le mois de mai quand il n'y a ,
ton, une valeur réelle aux produits plus pré-
plus aucun retour de froids tardifs à redouier.
coces de la culture forcée. Par compensation,
Ces semis, protégés par des cloches, sont trai- les melons provenant de la culture naturelle,
tés pour la taille, les soins et la conduite gé-
arrivant les derniers à l'arrière-saison, sont les
nérale de leur culture, conformément aux prin-
meilleurs de tous pour la provision d'hiver.
cipes que nous avons exposés.
Il est bon d'observer que, dans les pays
Dans le midi de la France, à partir de Lyon, tempérés ou froids, les personnes aisées passant
on cultive le melon en plein champ et réelle- en hiver la plus grande partie de leur temps au
ment en pleine terre, c'est-à-dire qu'après avoir coin du feu, ont aussi grand besoin des fru i t

élevé le plant sur couche chaude, on le confie rafraîchissants en hiver qu'en plein été; le jar-
à des sillons profonds en terre légère fortement dinier cultivant à proximité d'une grande ville
fumée ou bien à des trous circulaires pleins peut donc se tenir pour assuré de vendre ai-
de fumier recouvert de la terre du ehamp. sément, et à un prix avantageux, les melons
On ne donne ensuite aux melons aucun arro- qu'il aura su conserver pour les débiter à celte
sage, hors les cas d'excessive sécheresse, en époque. Parmi les divers modes de conserva-
supposant que l'eau soit à portée et que la tion usités ou proposés, nous en indiquerons
main-d'œuvre ne soit pas à trop haut prix. On trois qui nous semblent tous mériter, sous dif-
se dispense aussi de les tailler, sauf le retran- férents rapports, l'attention des jardiniers.
chement du premier jet et quelques suppres-
sions sur les branches à fruit. C'est ainsi qu'on 1. Pmëdé proftnçaî pour ccnitrvtr let inttont.

en use en Dauphiné en Provence, ainsi


et Nous donnons à ce moyen de conserver les
qu'en Roussillon et dans tout le Bas-Langue- melons le nom de procédé provençal parce ,

doc; mais dans tous nos départements du midi, que nous l'avons vu pratiquer en Provence;
même en y comprenant les villes on trouve ,
toutefois, nous ne pourrions affirmer qu'il soit
difficilement un acheteur pour les melons qui originaire de cette contrée.
dépassent le prix de 50 c. il est naturel que
; Les melons doivent être cueillis un peu avant
les jardiniers tiennent peu à la qualité et que leur complète maturité; on leur laisse un bout
la culture tende uniquement vers la plus grande de tige de quelques centimètres de longueur
production possible. En effet, la consommation qui sert à les suspendre à la place où ils doi-
est immense; à la vérité, tous ces melons ne vent passer l'hiver. Des clous à crochet fixés
valent rien. Le meilleur ne supporterait aucune aux pièces de charpente dans un grenier, con-
comparaison avec ceux qu'une culture plus viennent très bien pour cet usage dans les pavs
soignée sait obtenir dans des contrées l>caucoup où, comme en Provence, les gelées sont rares
moins favorisées sous le rapport du climat et de peu de durée. Chaque melon ainsi sus-
spécialement aux environs de Paris. pendu est revêtu d'une enveloppe de paille
De tous ces faits nous paraît résulter ce que attachée d'abord autour de la lige, puis retenue
nous regardons comme un axiome de jardinage par un nœud de ficelle à la partie inférieure, de
pour la culture du melon, savoir, que la terre manière à préserver du contact de l'air toutes
la meilleure et la mieux fumée ne suffit pas à les parties du melon.
la végétation du melon, et que, pour don- Ce procédé ne fait que retarder la maturité
ner de bons fruits, il faut qu'il ait constam- du melon plus l'enveloppe de paille estépaisM',
;

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TITRE IV CULTURKS NATURELLLS. 243

plus le melon parviendra promptement à son On choisit des futailles enbon état, pour
point de maturité parfaite, après quoi il com- qu'elles ne puissent donner aucun accès à l'air
mencerait à se gâter. Les melons empaillés extérieur. Les feuillettes sont préférables aux
doivent donc être visités très souvent pour être grands tonneaux; les melons en plus petit
livrés à la consommation à mesure qu'ils mû- nombre s'y conservent mieux, et si quelque
rissent. Sous le climat de Paris, ils ne vont pas cause accidentelle introduit la pourriture dans
beaucoup au-delà du mois de janvier; on a une pièce la perte est moitié moins consi-
,

tout le mois de décembre pour les vendre avec dérable.


autant d'avantages que ceux qu'on obtient à la Le fond de chaque futaille est garni d'un lit
m
de cendres de 0 ,08à 0 m ,l0 d'épaisseur. On y
même époque par la culture forcée en serre
chaude, et ils leur sont évidemment de beau- pose une première rangée de melons, exacte-
coup préférables. ment débarrassés de toute humidité extérieure,
Le mode de conservation des melons dans la et qu'on a brossés pour déloger les insectes qui
paille peut se pratiquer sur une grande échelle pourraient s'être cachés dans les rugosités de
sans beaucoup de frais et d'embarras ; dans les leur écorce. Les melons doivent laisser entre
contrées exposées à des hivers longs et rigou- eux et le bois de la futaille un espace de 0 m ,04
reux, il a l'inconvénient d'exiger un très grand à 0 m ,05 ils doivent être séparés entre eux par
;

local préservé de la gelée, condition quelquefois le même intervalle On continue à tamiser des
.

très difficile à remplir. cendres par-dessus les melons, jusqu'à ce


qu'elles les recouvrent, à l'épaisseur de 0"n ,08
ouO m ,!0.
On place dans le fond d'une caisse carrée, en Pour établir un second rang il est bon de ,

bois blanc, de dimensions convenables, un lit fixerdans la futaille, au moyen de petits tas-
de feuilles sèches de pécher, de 5 à 6 centi- seaux, soit des bouts de latte disposés en croix,
mètres d'épaisseur, sur lequel on dispose les soit des claies d'osier à claire-voie, si l'on veut
melons de manière à ce qu ils ne se touchent en faire la dépense; on évite par là de fai e
point entre eux et qu'ils ne soient point en supporter aux melons des rangées inférieures
contact avec les parois de la caisse. On remplit le poids de toutes celles qu'on place au-dessus.

a\ec les mêmes feuilles les interstices que laisse Tous les rangs étant établis de même jusqu'à
cet arrangement, etl'on en recouvre les me- l'orifice de la pièce, on termine par une couche
lons de manière à cequ'il ne reste aucun vide de cendres, on ferme la futaille et on la con-
dans la sans trop fouler les feuilles. Il
caisse , serve dans un lieu sec, à l'abri de la gelée.
se forme dans la caisse , fermée hermétique- On a proposé de remplacer les cendres par
ment , une atmosphère mêlée d'acide hydro- du son ou de la sciure de bois ; mais d'une part,
cyanique en vapeur; il est probable que cette ces substances moins divisées que la cendre,
atmosphère s'oppose à la fermentation qui doit admettent plus d'air entre leurs fragments, de
amener à l'air libre la maturité du melon. Si l'autre elles sont sujettes à s'échauffer, le son
l'on trouvait quelque difficulté à se procurer surtout. Le sable et la terre pulvérisée qui pour-
des feuilles de pécher en quantité suffisante, raient suppléer aux cendres ont pour défaut
cet arbre n'étant pas aussi commun qu'il de- essentiel leur trop grande pesanteur.
vrait l'être, on pourra, dans nos départements Quand on entame cette réserve, il faut rem-
du midi, les remplacer par des feuilles d'aman- placer par une égale quantité de cendres cha-
dier. que melon qu'on enlève , jusqu'à ce que toute
Quoique la recette que nous reproduisons une rangée soit ôtée ; on abaisse alors le dessus
recommande d'employer des caisses, nous pen- de la futaille et comme en raison de la forme
,

sons que des tonneaux plus facilesà fermer du tonneau, ce couvercle se trouve insuffisant
exactement, seraient préférables. pour recouvrir complètement la rangée suivante,
on répand tout autour des cendres disposées
Procédé «•/!«.
en talus, de 0™, 15 à 0 m ,20 de hauteur. Chaque
3.

Ce procédé consiste à renfermer les melons couche est successivement traitée de la même
dans des cendres séparées, par le tamisage, manière.
des fragments de braise qui y sont ordinaire- C'est faute d'avoir pris toutes les précautions
ment mêlés ; dans la pratique, il exige quelques que nous venons de décrire sommairement,
précautions desquelles dépend entièrement le que beaucoup d'expérimentateurs négligents
succès. chargeant souvent des domestiques insouciants
Les cendres doivent être parfaitement sè- de soins qu'ils devraient prendre eux-mêmes,
ches; le contraire arrive souvent, lorsque les ont discrédité ce mode de conservation, parce
cendres contiennent beaucoup de sous-carbo- qu'il ne leur a pas réussi. Nous pouvons affirmer
nate de potasse, sel qui s'y treuve toujours en que, pratique de point en point comme nous
plus ou moins grande quantité, et qui attire l'indiquons, il réussira toujours.

puissamment l'humidité atmosphérique. Dans On peut conserver par le même procédé des
•es localités voisines des grands établissements œufs, et des fruits à pépins de toute espèce.
de buanderie, on fera bien de préférer aux cen-
dres neuves les cendres lessivées (charrée) qui K. — Frais et produits.

ne contiennent presque plus de potasse. Les frais de la culture des melons, soit natu-

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244 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

sont toujours très élevés,


relie, soit artificielle, vriers employés soit au mois, soit à la semaine.
et les produits en sont toujours soumis à beau- Les soldats qui travaillent passagèrement re-
coup de chances défavorables; c'est cependant, çoivent 20 et 25 c. par heure selon leur acti-
,

à tout prendre, l'une des branches les plus lu- vité ; s'ils travaillent plus de 6 heures, ils ont

cratives de l'industrie maraîchère. Nous tâche- droit à un demi-litre de vin. Un arpent, com-
rons d'en évaluer les bénéfices pour un are de posé de 33,33 ares , ou du tiers de 1 hectare,
terrain, supposé dans le voisinage de Paris. coûte en moyenne, pour toute sorte de cultures
maraîchères, environ 500 journées à 3 fr.,
FRAIS.
soit 1,500 fr. C'est à peu près par are 15 jour-
Nous pensons peuvent être assez exac-
qu'ils nées, soit 45 fr. ; mais les jardiniers, dont le
tement représentes par les chiffres suivants :
terrain n'est pas fort étendu , font eux-mêmes
'
Loyer, à raison de 1,000 fr. l'hectare 10 la majeure partie du travail que réclame la cul-
Fumier et terreau 133 ture du melon, et comme ils ne tiennent jamais
Main-d'œuvre compte de leur propre peine, tous ceux -qui sont
188 dans ce cas, s'ils tenaient une comptabilité, ne
porteraient rien au compte de main-d'œuvre
Essayons de justifier ces chiffres. Un are de pour cet article.
superficie doit, pour la culture naturelle du Les couches sourdes peuvent durer deux
melon, être divisé en G planches, ayant cha- ans la majeure partie des frais ne se reproduit
;
m
cune une largeur de 1 ,33, sur une longueur de pas la seconde année pour laquelle la dépense
10 mètres ; ces planches sont séparées par des se borne aux chiffres suivants :
sentiersde 0",40de largeur ; la facilité du ser-
'
Loyer 10
vice exige en outre un sentier de la même lar-
Terreau . C
geur, coupant les autres à angle droit, à égale
Main-d'œuvre 45
distance des deux extrémités de la planche.
Les 6 grandes planches se trouvent ainsi •I
subdivisées en 12 petites, dont chacune, pour
être convertie en une couche sourde, emploie
La dépense deux années s Wvant
totale de"s

une charretée de fumier, valant au prix actuel à 249 fr. chaque année n'est grevée que de la
,

moitié de cette somme, soit 124 fr. 50 c


(1843) la somme de 14 fr. Mais il n'est pas
nécessaire d'employer aux couches sourdes du
PRODUITS.
fumier neuf (ro»r Couches). Le fumier dont on
se sert, avant déjà été utilisé, et pouvant l'être Rien que le prix des me-
n'est plus variable
encore à f'état de terreau, cet article n'excé- lons, sans parler des années pluvieuses et froi-
dera pas, pour chaque planche, 20 fr. et pour , des, où ils ne valent rien et ne trouvent point
les 6 planches , 1 20 fr. Le terreau nécessaire d'acheteurs ; nos chiffres ne sont que des à
pour les recouvrir peut être évalué à 6 fr. peu près :
On ne peut porter au compte de la culture 96 melon* a I fr. 50 c. la pièec l*4 f

naturelle des melons la dépense de la couche «88


etpour deux récoltes
chaude, qui n'est employée que temporairement
à nourrir le plant. Une seule couche chaude D'où il résulterait clairement que le maraî-
suffit pour fournir du plant à un are de ter- cher aurait donné sa peine presque pour rien ;
rain en couches sourdes; la couche chaude un bénéfice de 39 fr. par an, représentant à
coûte environ 35 fr. à établir; en raison du peine l'intérêt de ses avances et l'entretien de
temps pendant lequel elle est occupée par le son matériel ; et pourtant il y a un profit red
plant de melons, on ne peut mettre à sa charge beaucoup plus considérable ; en voici l'explica-
au-delà du cinquième de cette somme, soit tion :

7 fr. Les 12 compartiments de couches compris


La semence ne peut être évaluée ; le plus dans un are ne donnent réellement que 96 me-
souvent elle ne coûte rien du tout. La main- lons par an$ déjà même, chez la plupart dos
d'œuvre est l'article le plus difficile à bien ap- jardiniers, ils n'en donnent que 48, car on s'est
précier; le caractère propre de la culture ma- aperçu de l'amélioration sensible qu'apporte
raîchère c'est de passer incessamment d'un dans'ia qualité du fruit la suppression de tous
objet à un autre, en ne consacrant à chacun les melons, à l'exception d'un seul par pied, et
que des fragments de journée. A la fin du mois, il n'est pas douteux que tous les maraîchers
le maraîcher comparant à la totalité de la be- ne suivent incessamment cette méthode, l'es-
sogne faite les journées qu'il a payées , pour- prit de routine leur étant totalement étranger.
rait à peine arriver à établir le compte exact Mais la couche sourde a été établie dès |e
de la main-d'œuvre pour chaque produit ; ce mois de mars ; (die n'est pas restée inoccupée
calcul d'ailleurs ne lui servirait à rien, et il n'y jusqu'au moment où elle a reçu les melons ;
en a pas un qui songe à y perdre son temps ; longtemps avant l'époque de la récolte des me-
voici cependant quelques données. lons, du plant de choux ou de choufleurs, pré-
A Paris il n'y a pas une journée d'ouvrier
, paré d'avance, est mis en place et commence à
jardinier qui coûte moins de 3 fr. ; on donne croître pendant que les melons finissent de
ordinairement 2 fr. et la nourriture aux ou- mûrir. Sans entrer dans des détails reproduits

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TITRE IV. CULTIRLS NATIIVLLLLS. 245
ailleurs, nous pensons que ces produits acces- infiltration,au moyen de rigoles où l'eau cir-
soires ne sauraient donner moins de 80 fr. par cule entre les planches. Les couches sourdes
are, tous frais particuliers déduits, ce qui porte sont remplacées par des trous remplis de fu-
la recette annuelle à 224 fr. , soit, pour 2 ans, mier recouvert de terreau où l'on transplante
,

448 fr. , donnant sur 249 fr. de dépenses un les melons élevés sous châssis ; la dépense en
excédant de 199 fr. , ou pour un arpent de fumier est donc assez faible. Quoiqu'on ne
33 ares, un bénéfice net de 6,567 fr. puisse évaluer tous ces frais avec exactitude,
Nous le répétons, tous ces chiffres ne sont parce que les jardiniers de Marseille ne s'oc-
que des approximations, nui toutefois ne peu- cupent pas plus de comptabilité que les maraî-
vent s'écarter beaucoup de la réalité sur une chers de Paris , nous pensons que les chiffres
période de plusieurs années ; mais il y a sou- suivants approchent beaucoup de la vérité :

vent des dilfércnccs de plus de moitié d'une


Loyer 8 f 80
année à l'autre.
Kngrai* 80 •
11 ne faut pas perdre de vue que la culture
Main-d'œuvre *o •
naturelle du melon est le mode le moins lucra-
tif d'obtenir cet excellent fruit ; si les maraî- 78 80
chers la pratiquent , c'est que d'une part elle
Les melons ne sont pas cultivés à part ; les
fait suite à la culture artificielle ou forcée,
planches dont ils occupent le milieu sur un seul
dont les produits sont épuisés de bonne heure,
rang nourrissent en outre des deux côtés deux
et que de l'autre , elle entre comme élément
rangées de salades ou de légumes divers, selon
principal dans un système de rotation de cul-
la saison. Le produit de ces cultures peut être
tures sur couches sourdes, qui permet d'utili-
évalué à 40 fr. par an ; il reste 38 fr. 80 c. , à
ser ces couches toute l'année, sans interrup-
la charge de 96 melons, ou même de 144, car
tion.
à Marseille on laisse souvent 3 melons à chaque
Ce qui précède doit s'entendre exclusive-
pied. Dans la première supposition , 96 melons
ment de la culture maraîchère des environs de
reviennent à 41 c. , et dans la seconde, 144
Paris; le jardinier amateur, s'il a un cheval et
qu'il n'achète pas le fumier nécessaire aux cou-
melons reviennent à 27 c. On en vend beau-
coup à Marseille, au prix de 25 à 30 c. ; ils
ches, obtiendra, en soignant lui-même ses me-
sont venus presque sans soins et sans fumier ;
lons, une recolle plus que suffisante pour la
à la vérité, ils ne valent rien du tout. Les .
consommation de sa maison, sans autres frais
bons melons, inférieurs pourtant aux cantaloups
que ceux de premier établissement des châssis
de Paris, se vendent de 40 à 60 c. en moyenne,
et des cloches, dépense qui sera très légère s'il
car, dans la primeur, ils valent jusqu'à 1 fr.
remplace le verre par du papier huile ou du
calicot gommé , selon la méthode de Honflcur
On a donc pour le produit d'un are :
{voir Instruments de jardinage). Dans le cas Légumes et salades 40 ' •
où il achèterait le fumier, rien ne l'empêche- 90 melons à 00 c, ou 144 à 40 c 87 00
rait de suivre l'exemple du jardinier marchand,
97 00
en obtenant sur les couches une foule d'autres
produits dont la valeur, quoiqu'elle ne doive Les recettes excédant les dépenses de 19 fr.
pas être réalisée en argent, n'en serait pas 60 c. pour un are de terrain, c'est pour un ar-
moins une compensation très réelle des frais, pent de Paris (33 ares), environ 612 fr. de
et permettrait de manger de très bons melons bénéfice net.
à très bon marché. Supposons qu'il consacre à Quoique la culture soit différente et la main-
cet objet 6 planches ,occupant 50 centiares de d'œuvre moins ménagée, les résultats sont à
superficie, la dépense évaluée comme ci-dessus peu près les mêmes pour la culture du melon
sera, pour deux ans , de 124 fr. 50 c. En re- en Normandie. Des calculs analogues à ceux
tranchant de cette somme 80 fr. , valeur des qui précèdent donnent 80 fr. 50 c. de frais
produits autres que les melons, il reste à la et environ 100 fr. de recette par are, soit 19 fr.
charge de cette culture 44 fr. 50 c. à répartir 50 c. de bénéfice net.
entre 96 melons, ce qui les met au taux très On voit que, malgré l'élévation des frais et
modique de 46 c. la pièce ; ils reviendront à l'incertitude des recettes, il n'y a pas de cul-
92 c. si, pour les avoir plus beaux et meilleurs, turc qui soit, à tout prendre, aussi productive,
on se contente d'en laisser un seul sur chaque et il faut bien qu'il en soit ainsi, car elle ne
pied. peut jamais être pratiquée que sur une petite
Dans les localités éloignées de Pari» et des étendue de terrain ; les soins constants qu'elle
grandes villes, la dépense pourra être diminuée exige ne seraient pas suffisamment récompensés
de moitié, en raison de la moindre valeur des par'de moindres bénéfices, et cette culture se-
terrains, et du prix moins élevé des fumiers. rait abandonnée.
Aux environs de Marseille, où la culture na-
turelle des melons est très suivie , le prix d'un § IV. — Melon d'hiver ;
pastèque.

are de terrain propre à cette culture est de Les melons d'hiver, connus aussi sous le
8 fr. 80 c. , sur le pied de 880 fr. l'hectare. La nom de melons d'eau, parce qu'en effet leur
main - d'oeuvre n'est pas très dispendieuse chair se résout presque en entier dans une eau
parce que tous les arrosages se donnent par plus ou moins sucrée, ont des propriétés tota-
2^6 HORTICULTURE. i.unK vin

Icment différentes de celles des melons culti- l'autre cas, la terre où ces melons sont repi»
vés sous le cl mai de Paris et dans tout le reste
i qués doit recevoir une bonne poignée de co-
de la France, à l'exception seulement de nos lombine en poudre; il est bon de délayer aussi
départements les plus méridionaux, sur le litto- de temps en temps un peu de colombinc dans
ral de la Méditerranée. Ils se distinguent exté- l'eau dont on se sert pour les arroser. On les
rieurement par uneécorce lisse, ordinairement met en place vers le 15 mai, en leur réservant
verte, ou bigarrée de vert foncé et de vert clair; l'exposition la plus chaude de tout le jardin;
leur chair est ou rouge ou d'un blanc verdâ- comme les plantes prennent beaucoup de dé-
{
tre; leur saveur tr« s sucrée, mats un peu fade; veloppement, il leur faut beaucoup d espace;
ils sont dépourvus d'odeur. Ces melons se re- on ne peut leur donner moins de 2 mètres d'in-
commandent par deux qualités précieuses : tervalle entre chaque pied sur une plate-bande
d'une part, ils se conservent tris facilement, et d'un mètre 40 de large. On les taille comme les
sont pour cette raison réserves pour la con- cantaloups sur deux branches, puis on les laisse
sommation d'hiver; de l'autre, ils ne sont pas aller; on pourrait également se dispenser de
fiévreux comme les autres variitésde melons; les tailler, mais ils se ramifieraient moins et
on peut en manger impunément des quantités seraient moins productifs. Nous avons insisté
illimitées, sans s'exposer ni à la fièvre ni mùnc sur la nécessitéde ne laisser à chaque pied de
à une simple indigestion ; dans la liasse-Pro- melon cantaloup qu'un ou deux fruits au plus, si
vence, les enfants en mangent pour ainsi dire l'on tient à les avoir dans toute leur perfection ;

toute la journée il est sans exemple que per-


; on peut, au contraire, laisser aux melons d'hiver
sonne en ail jamais été incommodé. Les Pro- lous les fruiti qui nouent, sans qu'il en résulte
vençaux disent proverbialement : que c'est aucune diminution appréciable ni dans leur
plutôt boire que manger. grosseur ni dans leur qualité; il suffit d'arrêter
Ces deux considérations peuvent faire dési- les branches à fruit à deux yeux au-dessus du
rer que la culture des melons d'hiver se propage dernier fruit noué.
sous le climat de Paris; avec des soins conve- Les engrais les plus chauds, tels que la co-
nables elle y réussirait aussi bien qu'en Pro- lombine, ou, à son défaut, le crottin de lapin,
vence. Aucun melon d'hiver ne vaut assuré- de chèvre ou de mouton, doivent être prodi-
ment ni le cantaloup, ni môme le melon brodé, gués aux melons d'hiver, ainsi que les arrosa-
aujourd'hui banni des jardins par le cantaloup ; ges qui ne sauraient être trop abondants. Ce
mais c'est quelque chose d'avoir en été des n'est Das que ces melons ne résistent parfaite-
melons qui désaltèrent sans donner la fièvre, ment a la sécheresse ils la supportent même
;

et d'en prolonger la consommation jusqu'à la beaucoup mieux que toutes les autres qualités
lin de février. de melons, mais leur fruit est d'autant plus
Les espèces cultivées en France sont : gros et d'autant meilleur qu'ils ont été mieux
1° Le melon d'hiver proprement dit, ou me- arrosés. A Cavaillon, les jardins où l'on traite
lon de Cavaillon , du nom des jardins de Ca- cette culture en grand sont, non pas arrosés,
vaillon qui en appiovisionnent tout le midi de mais submergés, et cela aussi souvent qu'il est
la France jusqu'à Lyon ; la chair est d'un blanc nécessaire pour que le sol, sous un soleil ar-
verdâtre ; dent, soit maintenu constamment humide.
2° Le melon de Malte à chair rouge; La pastèque, ou courge-pastèque, qui se dis-
3 n Le melon de Malle à chair blanche ; tingue des melons d'hiver par son volume
4° Le melon d'hiver à chair rouge, le plus souvent énorme et par ses grosses graines noi-
difficile de tous à faire fructifier, même dans le res conienues dans une chair rouge, très
midi, où il est rare pour cette raison ; aqueuse, demi transparente, se traite exacte-
5° Le melon du Pérou ; ment comme on vient de l'indiquer.
G» Le melon-muscade des États-Unis
7° Le melon d'Odessa, originaire de Perse
;

;
§ V. — Tomate ou pomme d'amour.
très gros, rayé de vert et de jaune. Cette plante, originaire du Mexique, a éié
Les trois premières espèces sont seules gé- importée en Europe dès la fin du seizième siècle;
néralement cultivées; la première est la plus elle est annuelle et très sensible au moindre
répandue. froid ; il suffit d'une nuit très fraîche pour la
Pour obtenir sous le climat de Paris de bons faire périr, même quand le thermomètre ne
melons d'hiver, il faut les semer dès la lin de descend pas jusqu'au degré de la glace fon-
décembre, ou au plus tard dans les premiers dante. A Paris et dans presque tout le reste de
jours de janvier sur couche chaude; des que le la France, les fruits de celte plante ne servent
plant montre sa quatrième feuille, il est bon à que de simple assaisonnement, aussi la con-
repiquer. Les repiquages peuvent se faire éga- sommation et la culture en sont-elles assez J>or-
lement bien, soit à même la couche, soit dans nées. Dans le midi les tomales, frites dans
,

des pois qu'on enterre jusqu'au bord dans la l'huile avec des ognons, sont un mets très
couche; cette dernière méthode est préférable, commun, qui fait parlie en été des aliments
parce que les melons d'hiver souffrent moins à habituels du peuple ; il en est de même dans
l'époque de leur mise en place définitive, quand toute l'Italie. On ne cultive en grand dans les
ils peuvent être transplantés avec toute la terre jardins du midi de la France que deux espèces
du pot où ils ont été repiqués. Dans l'un et de tomates la rouge et la jaune à gros fruit.
:

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TiTiiE iv. CULTUttES 1S ATUK ELLES. 24T

A Paris, on cultive en outre lu rouge hâtive à plein air sur leur tige leur maturation com-
feuilles légèrement crispées; c'est la meilleure plète; ce procédé est fort usité en Angleterre;
pour grande primeur (voir Cultures forcées). ilpourrait l'être également sous le climat de
Les tomates à fruit peu volumineux, la petite Paris ; ce serait le moyen de prolonger de plus
jaune, la petite rougi-, la tomate -poire et la to- d'un mois l'usage des tomates.
mate-cerise, n'ont aucune propriété particu- La tomate reprend sur la pomme de terre
lière qui les recommande; elles ne sont que de par la greffe herbacée avec une telle facilité
pure curiosité; leur goût ne diffère eu rien de qu'il semble que ce soit la même plante. Cette
celui des autres tomates à gros fruit. Dans le greffe doit se faire,pour que l'expérience réus-
midi, les tomates cultivée» en plein champ, sisse, à une époque qui laisse à la tomate, dont
presque sans soins de culture, donnent tou- elle retarde un peu la végétation, le temps de
jours à l'arrière-saison, lorsqu'elles ont souf- mûrir ses fruits. Ce n'est qu'un objet de curio-
fert de la sécheresse, une dernière récolte de sité qui peut cependant être utile dans un très
fruits peu développés qui ressemblent parfaite- petit jardin où l'on peut ainsi obtenir deux
ment aux tomates à petit fruit ; leurs graines, recolles à la même place, l'une de tomates,
comme nous nous en sommes assures, donnent l'autrede pommes de terre; car la récolte des
des plantes qui, convenablement traitées, por- tubercules n'est en rien diminuée par la pro-
tent des tomates aussi grosses que leur espèce duction des tomates.
le comporte; les sous-\ arietes de tomates nous
ont toujours paru avoir une très grande pro-
§ VI. — Aubergine on nirlongctw.
pension à varier par la culture, quant à la forme Celte plante annuelle, originaire d'Afrique,
du fruit ; elle» pourraient bien n'être pas autre donne un fruil oblong, d'un \ io'et obscur, qui,
chose que de simples accidents. dans le midi, se mange coupé par tranches et
Les tomates pourraient rarement parvenir à frit dans l'huile; c'est un aliment indigeste
parfaite maturité en pleine terre, sous le climat dont peu d'estomacs s'accommodent on le voit ;

de Paris, sans le secours des couches sur les- quelquefois figurer sur les marchés à Paris,
quelles on les fait lever dès le mois de février, mais toujours en irès petite quantité. On mange
pour être mises en pleine terre à bonne expo- aussi une variété à fruit blanc, ayant la gros-
sition vers le 15 du mois de mai. La place qui seur et la forme d'un u uf de poule. Ce fruit,
convient le mieux aux tomates est le pied d'uu encore plus indigeste ijue l'aubergine violette,
mur d'espalier au plein midi : mais comme la contient un principe vireux qui en fait un
tomate est une plante fort avide, et quelle fe- véritable poison, quoique peu violent; aussi
rait un tort considérable aux arbres à fruit l'aubergine à fruit blanc, également connue
dont un mur d'espalier bien exposé est ordi- sous le nom d'herbe aux œufs, est-elle plutôt
nairement couvert, il ne faut accorder aux to- cultivée comme curiosité que pour l'usage ali-
mates un tel emplacement qu'avec précaution, mentaire*
c'est-à-dire en les plantant à égale distance La culture de ces deux plantes est la même
entre deux arbres, ou bien en avant sur le que celle de la tomate; seulement, sous le cli-
bord de la plate-bande. Dans tous les cas, on mat de Parts, il est prudent de repiquer chaque
aura soin de lever le plant eu motte, et de pied séparément dans un pot de grandeur suf-
donnera chaque pied une bonne quantité de fisante, alin de pouvoir les rentrer en cas de
fumier à demi consommé. La distance entre mauvais lemps à l'arrière-saison, car le moin-
chaque pied doit être au moins de 0",40. A dre froid les ferait périr.
Paris, on est dans l'usage de palisser les toma-
tes sur des bouts de treillages, ou mieux sur le § Vit. — Fraisier.

mur lorsqu'il y a moyen ; on pourrait égale-


ment, en donnant à la terre un bon paillis,
A. — Travaux iiréitaratoirts.

suffisamment épais pour conserver la propreté Le terrain où propose d'établir une


l'on se
du fruit, laisser les liges courir sur le sol, fraisière doit être découvert, à l'exposition du
romme cela se pratique souvent en Angleterre, sud ou de t'est. Quant à sa nature, toutes les
sans que la maturité du fruit en soit retardé*'. variétés ne prospèrent pas dans le même sol.
On supprime les extrémités des tiges quand Le plus grand nombre recherche une terre
elles portent un assez grand nombre de fruits riche et substantielle, plutôt légère que trop
bien noués; si elles continuaient à croître et à compacte ; une ou deux variétés, par exception,
fleurir, le fruit forme tardivement ne mûrirait demandent une terre forte, avec peu d'engrais
et le fruit noue le premier serait moins et beaucoup d'humidité; quelques autres ne se
. Quand la mauvaise sais m surpn n les1 plaisent que dans les schistes feuilletés alomi-
tomates à peu près formées, mais non colorées, neux en décomposition.
on peut les détacher de la plante, en leur lais- Nous indiquerons en premier lieu la culture
sant à chacune un bout de tige de quelques des espèces qui donnent plusieurs récoltes à la
centimètres de longueur, les déposer sur des suite les unes des autres, et que pour cette rai-
dressoirs dans une serre tempérée et les pré- son les jardiniers ont nommées perpétuelles ou
server d'un excès d'humidité; elles achèveront remontantes. Les procédés généraux de cette
d'y mûrir, et ne présenteront que bien peu de culture s'appliquent à tous les fraisiers. Nous
différence avec les tomates qui achèvent en donnerons séparément les indications qui con-

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248 IIOKTIC L 1.11 li h. L1VEE V 1 II

cernent la culture de quelques espèces qui exi- toujours cent fois plus nombreux que les vers
gent des soins spéciaux. tout formés, échapperaient à l'attention la plus
Le terrain doit être préparé par un bon la- scrupuleuse; ensuite, parce que les lombrics
bour à la bêche et une fumure abondanic en ne nuisent en rien à la végétation du fraisier,
fumier d'écurie à demi consommé; cette façon puisqu'ils n'attaquent aucune substance végé-
doit précéder la plantation de quinze jours pour tale.
le moins. On donne aux planches une largeur 11 estrare que la sécheresse se fasse sentir à
de 1">,30 et aux sentiers qui les séparent, 0 m 40
, l'époque où l'on plante les fraisiers: si la terre
à 0" n ,4ô. La crainte de perdre du terrain ne ne se trouvait pas assez humide, on la mouille-
doit jamais engager le jardinier à donner aux rait légèrement, non pas au moment de planter,
planches plus de largeur ; il faut qu'étant placé mais vingt-quatre heures auparavant.
sur le bord, son bras atteigne aisément au mi-
lieu, sans qu'il soit obligé de poser le pied sur B. — Choix du plant defmiutr.
la fraisière ; car, si la culture est bien conduite
I . Plant de itmenc*.
et que le sol favorable, les fraisiers,
lui soit
même en supposant qu'on enlève les coulants à On doit regretter que les jardiniers amateurs
mesure qu'ils se forment, doivent couvrir la ne multiplient pas davantage les semis de frai-
terre de façon à ce qu'on ne puisse y marcher siers;il est probable qu'ils modifieraient essen-

sans les endommager. tiellement plusieurs des variétés actuellement


Pendant ces travaux préalables, il faut re- cultivées, et qu'ils pourraient, soit en obtenir
chercher avec le plus grand soin les vers blancs de nouvelles, soit rendre remontantes quelques-
ou turcs, destinés à devenir des hannetons; la unes de celles qui ne produisent qu'une récolte
racine du fraisier est celle que ces animaux par an. Il est remarquable en effet que le long
destructeurs préfèrent à toute autre il leur
: catalogue des fraises n'offre que quatre variétés
arrive assez souvent de détruire complètement remontantes, encore pourraient-elles en réalité
des fraisières d'une grande étendue. Lorsqu'on se réduire à deux. La rareté des semis a pour
ne cultive que quelques planches de fraisiers cause principale la facilité de multipliera vo-
ftour la consommation d'un ménage, on se dé- lonté, en les maintenant parfaitement pures, les
ivre à coup sûr des turcs en défonçant le sol variétés de fraisiers, au moyen des jets produits
m
à 0 ,40, et garnissant le fond de la* fosse avec par leurs fils ou coulants, ou par le décliirage
m m
0 ,08 à 0 1 0 de feuilles sèches de châtaignier, des touffes des deux espèces qui ne tracent
,

de platane ou de sycomore les premières sont


; pas. Les semis peuvent se faire indistinctement
les meilleures toute espèce de feuilles autres que
;
en automne et au printemps. Dans le pre-
celles que nous indiquons ne serait pas assez mier cas, le plant doit passer l'hiver sans éire
coriace pour remplir le but qu'on se propose replanté. Si l'on ne veut pas obtenir une très
d'atteindre. Les vers blancs sont dans l'usage, grande quantité de plant, on peut semer en
pour éviter le froid, de s'enfoncer en terre aussi terrine, à l'ombre; il faut arroser au moins
avant qu'ils trouvent du sol pénétrable. Au une fois tous les jours jusqu'à ce que la graine
retour de la belle saison, ils se rapprochent de soit levée. Une bonne terre franche, mêlée de
la surface du sol pour chercher les racines moitié de terreau, convient parfaitement à ces
dont ils se nourrissent ; s'ils rencontrent un semis. Plusieurs praticiens conseillent, pour se
obstacle qu'ils ne puissent franchir, il faut f>rocurer de la graine de fraisier de bonne qua-
qu'ils périssent. Ce procédé est sûr. mais im- ité, d'écraser le fruit bien mûr dans un peu

praticable sur une grande échelle. Il en est un d'eau, et de recueillir les semences ainsi lavées.
autre d'un succès non moins assuré, dont nous Nous croyons qu'à l'exception des espèces à
conseillons l'emploi aux jardiniers de profes- fruit très charnu, comme les caprons et les
sion qui cultivent le fraisier en grand, lorsque ananas, il vaut mieux laisser sécher à l'ombre,
le grand nombre des hannetons leur donnera mais à une température assez élevée, le fruit
lieu de craindre une multiplication extraordi- tout entier, dont on détache ensuite les semen-
naire des vers blancs pour Vannée suivante. Il ces ; elles reçoivent dans ce cas un complément
s'agit seulement de semer dès que les chaleurs de maturité* qui fait qu'on n'en trouve pour
du mois d'août sont passées, du colza assez ainsi dire pas une seule qui ne lève, ce qui n'a
clair pour que les plantes avant l'hiver aient pas lieu par l'emploi de la méthode de lavage.
déjà pris un développement considérable alors ;
Le plant provenant de semis faits au prin-
on les enterrera soigneusement par un bon la- temps peut être transplanté très jeune sans in-
bour à un fer de bêche de profondeur, et tous convénient; celui qui provient de semis d'au-
les vers blancs périront. Le suc acre du colza tomne est toujours plus fort, parce qu'il a passé
frais en décomposition tue rapidement les vers l'hiver avant d'être transplanté; il faut donc
blancs, comme nous nous en sommes souvent semer beaucoup plus clair à l'automne qu'au
assurés par des expériences directes. printemps.
Quant aux lombrics ou vers de terre, bien
2. Plant éi toulantt tt d* touekts-mirtt.
que plusieurs traités de jardinage en conseil-
lent fa destruction dans les fraisiers, nous pen- Lorsqu'on se propose de prendre du plant
sons que cette opération serait de la peine in- dans une planche de fraisiers traçants, on en-
utile, d'abord, parce que les vers naissants, lève, à mesure qu'ils se montrent,' tous lescoa-

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If CULTURES NATURELLES. 5<9

jusque vers le milieu de juillet. On ôte


laots,
dans le courant du mois d'août, après les plus
D. — Epoque des ternis et plat

fortes chaleurs, le paillis dont le sol avait été On peut semer et planter, le fraisier, soit au
jusqu'alors recouvert, et on laisse tracer les printemps, soit à l'automne, et obtenir de ces
fraisiers, en les arrosant largement. Dès la fin deux méthodes des résultats également satisfai-
de septembre, les coulants ont produit une sants. Lorsque l'hiver s'annonce comme devant
grande quantité de jeune plant bon à être repi- être rigoureux, et qu'on n'a pas de puissants
qué; souvent même, la fraise des Alpes des motifs pour désirer de se hâter, on doit retar-
quatre saisons donne, dans l'espace de cinq à der le semis jusqu'au printemps, pour trans-
six semaines, des rejetons qui s'enracinent, planter en automne. Lorsque le plant de semis
fleurissent et portent fruit comme la souchedont est préparé d'avance ou qu'on se propose d'em-
ils proviennent. Il ne faut pas les enlever tous ployer du plant provenant de coulants, les mê-
indistinctement, à moins qu'on n'ait une très mes considérations doivent déterminer le choix
grande plantation à faire et que l'espace con- entre le printémps et l'automne. La plantation
sacré à la production du plant ne soit un d'automne peut faire gagner une année aux
p»*u trop borné; on doit préférer ceux qui sont espèces qui ne remontent pas ; il leur arrive
nés le plus près de leur pied central, et rejeter souvent, lorsqu'on les plante au printemps, de
comme moins bien disposés pour une fruetiQ- ne rien donner, non-seulement la première an-
cation abondante ceux qui naissent à l'autre née, mais encore la seconde, et de ne montrer
extrémité des coulants. Ceci doit s'entendre de leur fruit que la troisième année, en sorte
touies les fraises traçantes, sans exception. qu'elles occupent le terrain deux ans et demi
Lorsque la plantation doit être retardée jus- sans rien produire. Étant plantées à l'automne,
qu'au printemps de l'année suivante, on laisse elles donnent très peu de chose au printemps
subsister tous les coulants sans y toucher, jus- suivant, sauf quelques exceptions que nous si-
qu'au moment de les repiquer en place ; dans gnalerons, mais elles donnent à coup sûr une
ce cas, il est bon de répandre sur la planche pleine récolte l'année d'ensuite ; elles n'ont donc
quelques centimètres de bon terreau ; le plant occupé le terrain que dix-huit mois inutile-
en recevra plus de force pour résister à l'hiver. ment ; c'est une considération importante pour
établir le prix de revient de leurs produits.
C. — Transplantation .
On ne doit donc pas semer et planter à la
Le plant , arraché avec précaution après une même époque toutes les espèces de iraisiers. En
bonne pluie ou un arrosage équivalent, doit thèse générale, l'automne est préférable au prin-
être immédiatement replanté, sans qu'on laisse temps pour planter les fraisiers qui ne remon-
ses racines se flétrir par le contact de l'air. On le tent pas.
débarrasse soigneusement de toutes les feuilles Les remontants sont si fertiles qu'on
fraisiers
jaunes ou pourries; on ne lui en laisse ordi- s'aperçoit à peine d'une différence appréciable
nairement que deux y compris celle du
, entre fe produit définit! des plantations faites
cœur; toutes autres sont retranchées; il
les soit au printemps, soit en automne. Quelques
faut aussi raccourcir les fibres des racines jardiniers des environs de Paris ont l'habi-
m m
lorsqu'elles dépassent 0 ,05 à 0 .06. La né- tude de planter leurs fraisiers des 4 saisons
cessité de cette dernière préparation résulte de en automne, entre les rangs des choux d'York
la crainte que les racines trop longues ne se les plus précoces. Ces choux, arrachés et ven-
retournent dans le trou pratiqué par le plan- dus longtemps avant qu'ils aient formé leur
toir, accident très fréquent qui fait souvent pomme (voir Choux), donnent un produit avan-
périr une partie du plant. Les racines, suf- tageux, et ne nuisent en rien aux fraisiers.
fisamment raccourcies, ne tardent pas à en Pendant les mois de mars et d'avril, si le prin-
produire de nouvelles qui assurent la reprise temps a élé froid et tardif, comme il l'e.st d'or-
du plant en le rendant moins susceptible de se dinaire sous le climat de Paris, il faut être jar-
soulever hors de terre par l'effet des gelées et dinier et avoir planté soi-même les fraisiers
des dégels successifs. Le fraisier, de même que pour les retrouver dans les planches de choux,
plusieurs autres plantes, s'il n'est pas bien at- tant ils sont languissants et chétifs ; mais, dès
taché à la terre par ses racines à l'époque des que les choux sont enlevés, les fraisiers cou-
petites gelées suivies de dégels au printemps, vrent tout le sol en quelques semaines, et don-
est sujet à sortir de terre, comme si quelque nent du fruit avec profusion.
force inconnue le repoussait par-dessous; il Les plantations de fraisiers au printemps se
importe donc que le sol soit rendu facilement font en avril. Il n'y a aucun avantage à les faire
pénétrable par un bon labour, et que les raci- plus tôt. Le plant mis en place à l'entrée de
nes, au moment de la transplantation, restant la bonne saison profite immédiatement , ou
parfaitement droites, comme nous l'avons dit, comme disent les jardiniers : // part tout de
donnent promptement naissance à un nouveau suite, et ne reste point à languir. 11 donne
ehevelu. La distance pour les fraisiers de petite quelques semaines plus tard que le plant d'au-
dimension est de 0"',33 ; pour les grandes es- tomne; en récompense il produit davantage à
n
pèces, elle peut être portée jusqu'à Ô' ,50 en même.
l'arrière-saison, et le résultat est le
tous sens le plant doit être disposé en quin-
-, Le printemps est plus favorable que l'au-
tomne à la reprise du plant provenant des sou-
OtTircf.TLT.t. T. V. — 3*
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250 HORTICULTURE. M MU. VIII.

ches do fraisiers dépourvues de coulants. Dans santé, peuvent former d'excellents paillis;
ce cas on choisit pour les déehirer le moment
, chaque jardinier se décidera d'après les res-
où la végétation commence à y développer les sources a sa disposition , mais dans aucun cas
premières feuilles nouvelles. Il ne faut pas le sol de la fraisière ne peut se passer d'une
craindre de mettre en place le plant de ces couverture quelconque, si l'on veut avoir de
quand même il n'aurait pres-
sortes de fraisiers, bonnes fraises en abondance.
que pas de racines détachées du talon la re- ; Les fils ou coulants se montrent en même
prise est assurée pourvu que la transplanta-
,
temps que les hampes ou tiges à fleurs. Lors-
tion ait lieu immédiatement , et en terre suffi- qu'on tient à la .première récolte, on retranche
samment arrosée. les coulants à mesure qu'ils se montrent, cl
développement des fleurs
K. — Détails de culture. l'on favorise le
des fruits par des arrosages fréquents. On peut
et

Le fraisier, indépendamment de l'excellence mouiller les fraisiers en plein soleil , pourvu


de son fruit, pour lequel il est le plus généra- qu'on mouille largement; ils n'en profitent que
lement cultivé, est en outre un objet de curio- mieux.
sité,une plante de collection. Les Anglais et propose, en sacrifiant la première
Si l'on se
les Belges portent le goût de cette culture récolte, d'en obtenirde très riches à {'arrière-
beaucoup plus loin que les jardiniers du reste saison, il développer les cou-
faut laisser se
de l'Europe. L'une des collections les plus com- lants ainsi que les premières fleurs ; puis, au
plètes que nous connaissions en ce genre est moment de la pleine floraison, on coupera à
celle de M. Garnier, jardinier-fleuriste à Sainte quelques centimètres au niveau du sol toute la

Walburge, près Liège, en Belgique. plante, coulants, fleurs et feuilles. On donnera


En France, et principalement aux environs tout aussitôt un bon arrosage, et l'on conti-
de Paris, la fraise des Alpes remontante, con- nuera a traiter comme les autres planches de
nue sous le nom de fraise des A saisons a tué , fraisiers celles qu'on aura soumises à cette
pour ainsi dire toutes les autres. Elle est la opération. ïl leur faut ordinairement de six se-
première, comme précoce, et la dernière comme maines à deux mois pour revenir au point où
tardive ; elle l'emporte sur toutes les fraises, en quand elles ont été tondues; alors
elles étaient
saveur et en parfum ; aucune ne résiste mieux elles restentcouvertes de fleurs et de fruits
au climat et ne se maintient mieux sans dégé- qui se succèdent avec profusion jusqu'aux pre-
nérer ; ajoutons à tous ces avantages sa fécon- mières gelées.
dité prodigieuse, et nous ne serons pas surpris Il ne faut jamais compter sur la pluie pour

de n'en rencontrer presque pas d'autre sur les se dispenser d'arroser les fraisiers ; les vieux
tables les plus somptueuses comme sur les plus jardiniers disent que le fraisier aime mieux
modestes. boireVeau du puits que Veau du ciel. En ef-
Le bu» que le jardinier se propose doit beau- fet, dans
les années où les pluies d'été sont fré-
coup influer sur le mode de culture qu'il con- quentes , les fraisiers quoique bien moins
,

vient d'appliquer aux fraisiers; nous croyons mouillés qu'ils ne l'auraient été avec l'arro-
devoir nous attacher surtout à décrire les pro- soir, jaunissent et ne donnent que des fruits
cédés de la culture la plus productive, sans sans saveur. Dans les intervalles des pluies, le
omettre d'indiquer ensuite ceux qui ne peuvent jardinier doit forcer les arrosages ; il n'a pas
3ue contribuer à varier les jouissances du jar- d'autre moyen de combattre l'effet pernicieux
inier-amateur. de la pluie en été sur les fraisiers.
Aussitôt après la reprise du plant quelle qu'en
, Quelques jours après un orage, un jardinier
soit l'espèce,il faut, avant de lui donner les expérimenté peut affirmer, sans risque de se
premiers arrosages dont il a toujours besoin, tromper, en voyant deux planches de fraisiers,
pailler les planches de fraisier, dans le double que I une était sèche et l'autre mouillée au mo-
but d'y maintenir une fraîcheur nécessaire à la ment où elles ont toutes deux reçu la pluie ;
végétation, et d'obteur le fruit dans un tel état leur aspect est très différent; leurs produit*
de propreté qu'on n'ait pas besoin de le laver au ne le seront pas moins durant le reste de la
moment, de le servir, ce qui lui ôte toujours saison. Il probable que ce singulier el-
est très
une partie de sa valeur. Le paillis le plus con- fel est dû à grande quantité d'électricité dout
la
venable se fait avec du fumier long ; les arro- est chargée pendant été l'eau des pluies d o-
I

sages font pénétrer dans la terre toutes les rage. Il importe donc de mouiller copieusement
parties solubles et fertilisantes de ce fumier la ; menacé par l'appro-
les fraisiers, lorsqu'on est
paille brisée qui reste sur le sol forme une ex- che des nuées orageuses.
cellente couverture. On aura soin de ne pas La manière de cueillir les fraises influe
laisser les cœurs du jeune plant engagés sous beaucoup sur la durée et l'abondance des re-
colles. Chaque hampe porte plus ou moins
(Je
le paillis: ils ne tarderaient pas à prendre
mûrissent
le dessus, mais ils auraient beaucoup à en fleurs qui se changent en fraises et
l'une après l'autre; quand provenant
souffrir. les fruits
Lorsqu'on manque de
fumier long, du des premières fleurs sont mûrs, il y * sur
chaume récemment arraché, des herbes sèches, même tige des fleurs et des fruits encore verts.
0
de la mousse , si la proximité d'une foret per- Si l'on enlève le fruit sans couper son ^PP .,'
met de s'en approvisionner en quantité sulli comme la cuisinière le fait souvent dans K*

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fITilE IV. CULTURES NATURELLES. 251

inrdins bourgeois, pour s'épargner la peine I peut continuer à cueillir des fraises josmie fort
d'éplucher les fraises, on donne, à la vérité, ]
avant dans le mois de décembre, avec la seule
peu d'ébranlemeni à la plante, mais le support précaution de placer et de déplacer les paillas
qu'on y laisse entraîne souvent, en se dessé- sons, selon le besoin. Les fraises obtenues par
chant, la pêne de toutes les fleurs et de tous ce procédé sont peu colorées, fort acides, et
les fruits portés par la même tige. On peut de peu de valeur réelle, mais elles se vendent
prendre modèle sur la promptitude et la dex- très bien, à cause de leur rareté. Iteaueoup de
térité des femmes chargées de ce travail déli- Jardiniers trouvent cependant plus de bénéfice
cat aux environs de Paris. Il peut y avoir moi- a détruire dès le mois d'octobre les planches
tié de différence dans les produits de deux de fraisiers de deux ans pour consacrer
fraisières de même étendue, cultivées du reste immédiatement le terrain à d'autres cul-
avec les mêmes soins, dont l'une sera récoltée lures.
maladroitement, et l'autre par des mains exer- Nous avons indiqué l'emploi des paillassons
cées. comme le plus économique; le succès serait
C'est à la fin d'oetohre, dans les années or- encore plus certain en se servant de châssis
dinaires , qu'on enlève les derniers coulanls vitrés posés sur les planches de fraisiers à l'é-
produits par les fraisiers d'un an ; ces fraisiers poque des premiers froids. (Voir Cultures for-
passent l'hiver en cet état, sans autres soins de cées. )
culture. Au printemps on donne un bon bi-
nage, par-dessus lequel on renouvelle le pail- F. — Cultures particulières de quelque» fraisiers,
lis, et l'on recommence la même culture que
I. B"tnon de Gaillo*.
l'année précédente. Après la récolte des der-
nières fraises de la seconde année, on arrache Les de cette variété sont tellement
fruits
tous les fraisiers, et l'on donne au terrain une semblables à ceux de la fraise des Alpes des
autre destination, car il ne faut pas recom- quatre saisons que, lorsqu'ils sont cueillis, il
mencer immédiatement une nouvelle fraisière est impossible d'y remarquer la moindre diffé-
sur le même emplacement où l'on vient d'en rence ; c'est exactement la même fraise; seu-
détruire une ancienne; il est bon de laisser lement la plante qui la produit n'a pas de cou-
au moins deux ans le sol se délasser par d'au- lants. Ce fraisier, lorsqu'on le cultive en plan-
tres cultures. ches, exige précisément les mêmes soins nue
Quelques jardiniers laissent subsister trois celui des quatre saisons; il fleurit un peu plus
ans les fraises remontantes; il vaut mieux les tard au printemps et se prête mieux que tout
détruire après deux étés. La troisième récolte autre aux procédés indiqués pour obtenir des
peut bien quelquefois être aussi abondante que fraises jusqu'à l'arrivée des grands froids. Mais
les deux autres sur un sol et dans des circon- on lui donne rarement une autre destination
stances particulièrement favorables ; mais, en que celle de servir, comme bordure, à garnir
général, on risque de ne pas récolter la troi- les plates-bandes le long des allées. Dans ce
sième année de quoi couvrir les frais de cul- cas, on se dispense de le pailler; son feuillage
ture. très touffu soutient les tiges chargées de fruit
Les planches de fraisiers qu'on se propose et empêche les fraises de toucher la terre. Ce-
fie détruire parce qu'elles ont fait leur temps, pendant, après les arrosages ou les pluies vio-
sont celles à qui on laisse ordinairement pro- lentes, quelques pieds ont été couc hés ; beau-
duire en automne le plant dont on a besoin. coup de fraises chargées de terre ou de sable
Comme elles sont encore dans toute leur vt- ne peuvent paraître sur la table avec cette
Scur après cette production, on peut achever fraîcheur qui distingue les fraises cueillies sur
les épuiser en prolongeant leur fructifica- un paillis, et servies sans avoir besoin d'être
tion au moyen de quelques abris. Le plus sim- lavées.
ple de tous se donne avec des paillassons. Dès On remédierait à cet inconvénient si l'on
qu'on a arraché le plant et enlevé tous les cou- avait soin, comme le font quelques habiles jar-
lants, on plante entre les rangées de fraisiers diniers, de planter le buisson de Gaillon en
deux rangs de piquets qui ne doivent pas avoir bordure, au fond d'un large sillon de 30 centi-
m
plus de 0 m ,l8 à 0 ,20 hors de terre; ces pi- mètres au moins, ouvert à la houe sur le bord
quets sont espacés entre eux de 0m ,60. On en- de la plate-bande. La forme évasée de ce sil-
toure chaque planche d'un gros bourrelet de lon permet d'y placer un paillis à demeure,
paille solidement tordue. Dès que les premières aussi bien que sur une planche de fraisiers. Si
gelées blanches se font sentir, on répand un la bordure en parait un peu moins agréable à
peu de bon fumier entre les rangs des fraisiers la vue, c'est ce dont le jardinier-maraîcher
par-dessus le paillis. et on couvre les planches ne se met point en peine. Quant au jardinier
tous les soirs av ec les paillassons. Les bourre- amateur, il peut avec un peu plus de dépense
lets de paille disposés tout à Pentour, et les remplacer la paille par la mousse ; l'aspect de
piquets dans l'intérieur des planches, soutien- ses bordures n'aura plus rien de choquant, en
nent les paillassons et les empêchent de frois- les supposant même placées au bord des pla-
ser les fraisiers. De cette manière, à moins tes-bandes d'un parterre, et H pourra en man-
qu'il ne survienne de fortes gelées en novem- ger les fruits sans les dépouiller par le lavage
bre, ce qui est rare sous le climat de Paris, on d'une partie de leurs précieuses qualités. Ajou-

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252 iionucuLTiKi:. LIVRE VIII.

tons que buisson do Gaillon, s'il nVst point


le coup de carbonate do chaux et celui de Mon- ,

paille de manière ou d'autre, risque de brûler, treuii est un humus mêlé de gypse ou sulfate de
en dépit de tous les arrosages, et de laisser des chaux (pierre à plâtre). C'est aussi dans un sol
vides qui nuisent au coup d'œil bien plus en- analogue qu'on devra cultiver le plant tiré di-
core que la vue de la paille ou du fumier. rectement de son pays natal, afin d'en obtenir
Les fraisiers de celte variété doivent être des fruits qui ne soient point sujets à dégé-
déebirés tous les deux ans et renouvelés au nérer.
moyen des nombreux rejetons fournis par
3. Frmititr »*Uo*ê i

•leurs souebes. Si Ton attendait jusqu'à la troi-


sième année, les touffes seraient devenues tel - La fraise écarlate de Virginie est probablement
icment serrées que les jets sortant du milieu la souche originaire de la wallone écarlate qui
s'étioleraient comme des cœurs de salade, et n'est mentionnée dans aucun catalogue, parce
finiraient par pourrir, sans donner aucune ré- que les Belges écrivent fort peu et se conten-
colte. tent de très bien cultiver. Ce fraisier transporté
La distance ordinaire pour les plantations de temps immémorial sur les coteaux schisteux
en bordure est de 0"\30; lorsqu'on les rajeu- des provinces de Liège et de M a mur (Belgi-
nit, faut avoir grand soin de disposer le
il que), y a modifié la couleur, le parfum et même
nouveau plant dans les intervalles des places la production de son fruit, au point que nous ne
occupées par les pieds qu'on vient de détruire; craignons pas de le proclamer la meilleure des
quelques baguettes plantées dans le sillon fraises qui ne remontent pas. Une terre forte,
serviront de guides pour les premiers plants ; argileuse, amendée avec de l'engrais très con-
les autres se trouveront à leur place si l'on sommé, tel qu'est celui des couches démontées,
conserve exactement la distance. On ne doit avant qu'il soit passé tout-à-fait à l'état de ter-
pas oublier de les fumer et de les arroser lar- reau, lui convient mieux que toute autre ; mais
gement, si l'on ne veut pas que leur fruit dé- cette fraise s'accommode de toute espèce de ter-
génère. rain. Sa végétation est si puissante, et elle s'at-
tache si solidement au sol par ses nombreuses et
2. Fraititr d* tlonlreuil ou dt Stontlhirj.
fortes racines, qu'on l'emploie comme le meil-
La culture de ce fraisier est la même que leur des gazons pour empêcher l'éboulement des
celle du fraisier des Alpes des quatre saisons; terrains schisteux en pente rapide; dans cecaa
mais pour que son fruit développe les formes on la laisse filer en liberté sans toucher à ses
bizarres et le volume extraordinaire qui déter- coulants; elle n'en est pas moins productive,
minent sa valeur sur le marché, il faut en re- parce que les jeunes pieds finissent toujours par
nouveler fréquemment le plant en le tirant étouffer les anciens, et se perpétuent ainsi sans
directement du territoire de Montlbéry, où qu'il soit besoin de les rajeunir. Nous avons ol>
cette variété a été or iginai rement obtenue par servé maintes fois des plantations très ancien-
la culture de la fraise des bois. Il est probable nes de ce fraisier, faites, non point en vue d'en
que la beauté de la fraise de Montreuii est due obtenir du fruit, mais uniquement comme ga-
surtout à ce que les jardiniers de ce village sa- zon les fraises avaient diminué de volume sans
;

crifient le fruit de la première année, en laissant dégénérer sous les autres rapports; la produc-
la plante acquérir une grande vigueur sans la tion était toujours très abondante.
poussera la produel ion ; ils ne commencent à ré- On voit combien il serait à désirer que la
coller réellement qu'à la se onde année, el leurs culiuredecette variété se propageàten France;
fraisiers, en durant trois ans, ne leurdounent elle est inconnue aux environs de Paris. Le
que deux recoin s. Le plant peut servira trois fraisier w allon écarlate doit être planté en sep-
renouvellements sans dégénérer, dans l'espace tembre; la récolte est déjà très abondante au
de neuf ans; les jardiniers les plus soigneux ne printemps suivant ; placée à bonne exposition,
remploient à cet usage que deux fois en six ans, celte fraise peut être très précoce. Les hampes
après quoi ils achètent de nouveau plant à ou tiges à fruit sont basses et le fruit est très pe-
Montlbéry sant; il faut, pour celle raison, que le paillissoit
La fraise de Montreuii est remontante, mais plus épais que celui qu'on donne à la fraise des
après qu'elle a donné ses premiers fruits re- quatre saisons; le paillis serait inutile si on lais-
cherches pour leur beauté remarquable, ceux sait pousser tous les coulants; ils couvriraient
des pousses suivantes nesont plus que des frai- bientôt le sol mais ce serait aux dépens de la
;

ses de bois, ayant à peu près le volume et la sa- qualité et de la quantité des fruits.
veur de la fraise des quatre saisons, et con- Le fraisier wallon écarlate, bien qu'il ne re-
servant la forme globuleuse, marque de leur monte pas, donne d'excellents produits qui se
origine. succèdent pendant six semaines; c'est à peu
Mous ne doutons pas que, dans bien des lo- près le double de la durée des autres espèces
amateurs ne puissent par-
calités, les jardiniers non remontantes. Il ne craint ni l'ombre des
venir à rendre par la culture la fraise des grands arbres, ni l'exposition du nord; seule-
bois égale à la fraise de Montreuii; ces essais ment, dans ces circonstances, sa récolte sera
auront d'autant plus de chances de succèsqu'ils plus tardive.
seront tentés dans un sol pluschargédccalcairc; Ce fraisier partage, avec tous ceux qui ne re-
celui des environs deMontlbérv contient beau- montent pas, le défaut d'occuper inutilement le

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 253
sol pendant un peu plus de dix mois sur douze. pour féconder les autres. Or, ces plantes étant
Pour obvier à cet inconvénient, on peut aussitôt stériles, n'ayant par conséquent pas de fruit à
après la récolte arracher les neuf dixièmes des nourrir, poussent une quantité surabondante
fraisiers; le dixième restant suffira pour four- de coulants qui s'emparent promptement de
nir plus de plant qu'on ne saurait en employer, tout le terrain aux dépens des plantes fertiles,
et le sol restera immédiatement libre pour et bientôt ces dernières se
trouvent anéanties.
d'autres cultures. Ce procédé que nous avons Il y a quelques années, M. Lindley, profes-

souvent mis nous-même en pratique ne donne seur et célèbre horticulteur anglais, mit en
qu'une seule récolte, et il oblige a renouveler pleine terre quelques pieds de fraisiers d'une
les plantations tous les ans, mais les autres pro- variété que les Antilaisnomment haut bois, Tort
duits qu'on obtient sur le même sol pendant le sujette à cet inconvénient. Soupçonnant qu'il
reste de Tannée forment une compensation plus s'en trouverait plusieurs de stériles, il n'y laissa
que suffisante. Dans les localiies où le sol est se développer aucun coulant la première année,
moins précieux, on peut ne sacrifier les planches axant soin de les retrancher dès qu'ils se mon-
que tous les deux ans; la seconde recolle sera traient La seconde année, cinq plantes sur six
plus abondante que la première, pourvu qu'on se trouvèrent stériles; elles furent toutes sacri-
ait eu soin d'enlever les coulants. fiées, et la plante ferii'e demeura seule en pos-
LVwndance des coulants s'oppose à ce que session du sol. A mesure que les coulants de
le iMJjier wallon éearlatesoit employé comme celte plante étaient suffisamment enracinés, on
bordure; si l'on négligeait seulement pendant les plantait dans une plate bande séparée; ils
quinze joursde lesôter, ilscouvriraient de leurs donnèrent unerécoltedes plusahondantes; tous
rejetons les allées et les plates-bandes. Les jar- les coulants qu'ils produisirent à leur tour fu-
diniers qui ne craindront pas ce léger surcroit rent fertiles. Queluues-unes des plus belles
de main d'oeuvre pourront maintenir ces bor- fraises provenant de la plante-mère furent
dures cinq ou six ans, et môme plus ; leurs pro- choisies pour porte -graines ; leur semence
duits n'auront pas sensiblement diminué. Nous donna, comme on pouvait s'y attendre, des
les avons vus résister mieux que toute autre plantes, les unes stériles, les autres fertiles.
variété aux étés les plus secs sans aucun arro- Toutes les plantes stériles furent supprimées;
sage. M. Lindley ne conserva parmi les plantes fer-
Ces trois exemples de culture suffisent pour tiles que celles dont le fruit réunissait au plus
traiter convenablement la culture naturelle de haut degré toutes les qualités propres à leur
toutes les variétés de fraisier. Nous avons in- espèce. Leurs coulants, traités comme on
sisté spécialement sur la culture du fraisier des vient de l'indiquer, donnèrent une excellente
Alpes des quatre saisons, parce que sa fraise est récolte; tous les coulants, sans exception, ne
et doit rester en possession presqueexclusivedes produisirent que des pieds fertiles.
marchés; ce que nous avons dit de la fraise wal- Il demeure donc prouvé que, dans la culture

loneécarlate s'applique à toutes les fraises non des fraisiers de cette espèce, on doit arracher
remontantes, notamment aux caprons et aux tous les pieds stériles et ne prendre des cou-
ananas. Les jardiniers-maraîchers en ont pres- lants que sur les pieds fertiles. Par ce procédé
que abandonné la culture, parce qu'elles récla- très simple, on pourra cultiver avec autant de
ment des soins et des frais toute l'année pour succès que les autres, et même faire figurer sur
ne produire qu'un* fois l'an. Il y en a même les marchés des villes, plusieurs variétés de frai-
plusieurs espèces qui ne donnent aucune ré- siers négligées précédemment parce qu'il s'y
colte la première année; ces variétés rentrent rencontrait trop peu de plantes productives.
dans le domaine du jardinier-amateur.
Nous consignons ici une observation que
H. — Finis et produits.

nous n'avons trouvée dans aucun traité. Toutes Un propriétaire de la commune de Saint-
les espèces de fraisier craignent singulièrement Mandé, voulant connaître à peu près le pro-
levoisinagede l'hélianthe, vulgairement nommé duit de la culture du fraisier des quatre saisons,
soleil; un seul pied de celte plante peut, même fit, en 1838, l'expérience suivante :

à une certaine distance, tuer plusieurs rangées Un are de terrain, exactement mesuré et
de fraisier. Lorsqu'on veut par une expérience divisé en six planches; portait mille pieds de
directe, que nous avons souvent répétée, mettre fraisier à leur seconde année; l'hiver ne les
ce fait en évidence, on plante un pied de soleil avait point endommagés, et ils avaient au
au milieu de la fraisière; il est bientôt entouré printemps la plus belle apparence. Les frais,
d'un cercle entièrement vide. exactement notés, donnèrent les chiffres sui-
vants
G. — Pmcrtié anglais ftonr obtenir des récoltes de
:

fruits des espèces defraisiers leplus souvent stériles.


Location du terrain. a'
Plusieurs espèces de fraisiers qui figurent Fumier «i
dans beaucoup de collections produisent un Plan! 30
Maiu-dicuvre 145
grand nombre de pieds stériles que les jardi-
niers nommentplantes m'iles. Persuadés (pie Total 313
ces plantes sont recllem nt mdlcs, ils croient
nécessaire d'en conserver au moins une rticle main-d'œuvre a besoin d'être ex-

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254 HORTICULTURE. LIVRE Vlît.

pliqac il se compose essentiellement de cent


: 240 fr. environ, somme
qui serait plus consi-
arrosages, dont chacun employait le quart dérable s'il ne fallait défalquer une partie de la
d'une journée d'ouvrier à 3 fr., soit 75 fr., et main-d'œuvre, les cueilles étant moins fréquen-
de quatre-vingt-deux cueilles, dont chacune tes etmoinsabondantesquedurant laseeondean-
employait une demi-journée de femme, payée née. Appliquant la même considération à la troi-
1 fr. 50 e. par jour, soit 61 fr. 50 c. ; le surplus sième année, nous poserons les chiffres suivants.
est pour les sarclages, et aussi pour quelques
FRAIS.
menus frais, tels que le transport et l'achat des
paniers ou cogérons. «40' .

Deuxième /'./. 91* •

Le produit fut évalué en argent.. 393' 60 Tronic tue id ISS


Frai» an .
Frai* dei trois année*. 640 •

Différence, ou bénéfice net. 181 60


Cette somme, répartie entre les trois années
La récolte dont une partie seulement fut
, que doit durer la fraisière, donne 213 fr. 33 c.

réalisée en argent, et le reste consommé à la par année.


maison, se composait de six cent cinquante-six
cageronsde fraises dont les prix, comparés à Première année S*.C f
40
ceux de la halle, donnèrent en moyenne 60 c, Deuxième »</. .. 303 60
non comme prix payé par les consommateurs,
mais comme représentant ce qu>* le jardinier
Produit des troi* année*.. 1.040 •
aurait reçu des revendeurs auxquels il vend .

habituellement ses produits. Soit,pour chaque année 340 fr. de produit


Cette culture ne fut contrariée ni par le ver brut, et 126 fr. 67 c.de bénéfice net, représen-
blanc, ni par les orages ; le local bien abrité tant 12,667 fr, pour un hectare. Nous sommes
permit d'obtenir une partie des fraises en pri- certain qu'en réunissant les produits de plu-
meur elle fut donc faite dans les circonstances
;
sieurs petites fraisières de 8 à 10 ares chacune
les plus favorables; étant d'ailleurs conduite pour composer le produit d'un hectare, on irait
avec les soins les plus minutieux, ses résultats même au-delà de cette somme, dans quelques
peuvent passer pour un maximum de produc- années particulièrement favorables.
tion rarement atteint, et jamais dépassé. Un Dans la culture en grand les résultats sont
hectare de fraisiers dans les mêmes conditions bien différents : souvent, comme cela est arrivé
aurait rendu 65.600 cagerons de fraises, va- celte année (1842), la sécheresse fait périr tous
lant 39,360 fr., et réprésentant un produit net, les fraisiers qu'on ne peut arroser ; cette plante
tous frais déduits, de 18,160 fr. est sujette à des maladies dont on ignore la
L'expérimentateur n'étant pas jardinier de cause les vents d'est au printemps la font
;

profession, ne pouvait en croire ses yeux ; nous jaunir et languir ; alors presque toutes les fleurs
avons cité ce tait pour montrer comment cette avortent, et la récolte est nulle. En tenant
culture, qui exige des frais excessifs, peut néan- compte de toutes ces considérations, nous trou-
moins récompenser le jardinier qui n'y consa- vons, par approximation, les chiffres suivants:
cre qu'une étendue de terrain n excédant pas
auelques ares de superficie, car tout change FRAIS.
es qu'on étend cette culture à plus d'un demi- Location d'un arc de terrain pour trois aus. . .
°r

arpent de Paris, valant 16 ares 66 centiares.


Dans ce cas, il est impossible d'obtenir une Plant et main-dVutre
fraisière également productive sur tous les
Total trois aos...
points; il y en a toujours une partie en souf-
france; la destruction du ver blanc devient
beaucoup plus difficile, et les chances de perle Première unnrV. 130
sont inévitables, les frais restant les mêmes. Deuxième id. . .
tTO
Quoique dans les communes de Montreuil. Ba- U.%. 93

gnole! Fontenay. et dans celles des environs,


,
39,
Total __
le fraisier occupe près de 200 hectares, il est
rare qu'un seul jardinier en ait un hectare à la Différence ou béuéGre net pour Iroi» an*. **
fois. Dès que la fraisière dépasse 33 ares 33 (1 1
qui
arpent de Paris), on abandonne au ciel le soin Le produit d'un hectare n'est dans ce cas
r
de l'arroser quand il lui plaira; on réserve pour de 5,300 fr. pour trois ans, ou 1,776 fr. \™
une partie seulement lçs arrosages, ce qui di- année ; mais il v faut ajouter le prix d'une ré-
première
minue les frais et les produits. Mous allons in- colte de choux d'Yorèk obtenue la
vendu;»
année, à raison de 360 choux par are,
diquer les uns et les autres par approximation.
Dans une culture aussi soignée que celle de de 5 à 10 c. avant la première floraisoo
W
80 ce qu
l'expérience que nous venons de décrire, les fraises, moyenne 8 c, soit 28 fr. ç.,
recem
frais de la première année sont augmentés du porte la recette totale à 8,180 fr., et la
prix du plant et de celui de la main-d'œuvre annuelle à 2,726 fr. •

pour plantation, ce qui les porte à Tels sont, à exacte compta»


défaut d'une

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TITI1E IV. CULTURES NATURELLES. Ko
lité presque impossible à obtenir, les produits la récolte, sont utilisés le reste de l'année pour
de la eolture do fraisier des quaire saisons aux d'autres produits-, c'est ce oui réduit les chif-
environs de Paris-, elle n'est réellement très fres du loyer de la terre et au fumier.
profitable que quand on peut lui consacrer tons
jp* soins et tous les frais qu'elle réclame, ce Section IV. — De diverses plantes potagères.
qui ne peut avoir lieu que sur un espace borné.
Pour les caprons. les nnanas et tous les frai- Avant d'aborder la culture forcée des plan-
tes potagères, nous devons mentionner celle
siers qui ne remontent pas, le produit est en-
rore plus faible, à moins qu'on ne prenne^ le de quelques végétaux que leurs propriétés spé-
parti de n'en jouir qu'une seule année, et d'en
ciales et leurs usages restreints ne nous ont

arraeber les neuf dixièmes pour disposer du pas permis de classer dans les divisions précé-
reste du terrain, ainsi que nous l'avons con-
dentes. Les unes sont principalement employées
Dans la première supposition, c'est-à-
seillé.
comme assaisonnement de la salade; elles
dire en laissant la totalité de la fraisière en sont connues des jardiniers sous le nom de
place pendant trois années, on ne pourra lui fournitures de salade ; les autres, par leur
consacrer, comme on le fait en Belgique, que
odeur pénétrante, éloignent du linge et des vê-
des terrains de peu de valeur, et il n'y aura tements les insectes nuisibles, ou bien elles
pas beaucoup de main-d'œuvre à y dépenser, peuvent être conlltes au sucre; ce sont les
si ce n'est pour la plantation et les récoltes. plantes aromatiques; d'autres, enfin, pren-
Quelques espèces durent pour ainsi dire indé- nent rang parmi les plantes médicinales qui,
finiment, mais leur durée moyenne ne doit pas
totalement exemptes de danger, sont, pour
dépasser celle des fraises remontantes, quand on
cette raison, du domaine de la médecine do-
veut en obtenir des produits satisfaisants; les
mestique.
frais et produits répondent alors à peu près aux
chiffres ci-dessous :
§ I". — Fournitures de salade.

A. — Cresson nlt/ioit.

f Cette plante, dont le véritable nom est pas-


location d'un are de terrain pour troi* ans. . 6 »

Fumier 50 serage (lepidium sativum), mais dont le pre-


Main-d'œuvre *'> • mier nom est le plus usité, est annuelle et d'une
croissance très rapide. Le cresson alénois ou
90 »
Total dea frais pour trois ans. . .
passerage est regardé avec juste titre comme
la meilleure de toutes les plantes employées
PRODUITS.
comme fourniture de salade. Il relève par' son
r,
année, 0 cueilles à 8 cagerons 5 60 c. 88 «0
I
goût prononcé, mais agréable, la saveur tou-
f — |9 cueilles à lOcaReroosà 60 c. 74 •
jours un peu fade des premières salades de
3* — s cueilles a 8 cagerons a 60 c. S* 40
printemps, obtenues par la culture forcée; il
139 80 aide puissamment à la digestion ; l'u.sage In
bituel de cette plante est très utile à la santé.
Kffètencc, ou bénéfice net par are 43 80
C'est celte communauté de propriétés qui
«i pour nn hectare 4,300 jointe à une certaine analogie de saveur, l'mt
ranger le passerage parmi les cresson», bien
Ce qui retient à une recette annuelle Je. . . . 1,433 33
Su'il soit,
hotaniquement parlant, assez éloigné
u cresson véritable (cresson de fontaine).
Mais en adoptant un meilleur mode de cul-
ture, et donnant, dès la première année, aux
On ne cultive guère en France dans les pu -
tagers qu'une seule espèce de passerage, le
fraisiers qui ne remontent pas le fumier et les
cresson alénois commun ; on en connaît cepen-
arrosages dont ils ont besoin pour produire im-
dant trois autres espèces: le passerage dore,
médiatement une bonne récolte, on arrivera
le passerage à feuilles frisées et le passerage à
aux chiffres suivants :
larges feuilles. Les Anglais,, qui font souvent
FRAIS. usage de cette plante, en ont deux variétés
de plus qu'ils nomment passerage de Norman -
Location du terrain l'a die l'une à larges feuilles, l'autre à feuillrs
:
Fumier 7 »
frisées; toutes possèdent les mêmes propriétés.
Main-d'œuvre 60 •
Le cresson alénois n'est bon qu'autant que
sa feuille est cueillie fort jeune. Souvent en ete,
dix ou douze jours après qu'il est levé, il monte;
puis il fleurit, et porte graine avec une in-
18 cueilles i 18 cagerc c 108 croyable rapidité ; une fois monté, il ne vaut
plus rien. Il faut donc le semer tous les huit
48 .
jours, en petite quantité à la fois, depuis kg
3y VU HU6 8CUIC flODCC . « . . 4,800 » premiers jours de mars, en plate bande bien
exposée. En été, il lui faut beaucoup d'eau ;
Il ne faut pas perdre de vue que les neuf plus il est arrosé, plus il reste tendu et déli-
H après cat; la sécheresse le rend fort et coriace.

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550 HORTICULTURE. uvnE vin.

utilité commefourniture de salade; ses pro-


T». — Euragcn.
priétés astringentes corrigent les propriétés
Cette plante, originaire de Sibérie, est vi- trop laxatives de la laitue pendant les fortes
vace; elle ne dure guère que 4 ou 5 ans, lors- chaleurs. On ignore assez généralement que la
qu'on lui laisse accomplir le cours naturel de racine de la pimprcnelle peut être utilisée
sa végétation; mais lorsqu'on l'empêche de fleu- comme légume-racine, ainsi que cela se prali-
rir,en supprimant à mesure qu'elles croissent 3ue chez les peuples du nord de l'Asie ; c'est,
'es tiges florales, seule partie usitée de la plante, u un mets assez médiocre, quoique très
reste,
elle peut durer indéfiniment. On peut multi- salubre. La pimprenelle se sème en bordures;
plier l'estragon de graine semée en mars, en lorsqu'on veut l'employer comme fourniture de
plaie-bande exposée au midi ; mais comme l'es- salade, on la maintient tendre, en ayant soin
tragon n'est pas sujet à dégénérer, il vaut de l'arroser et de la couper assez souvent pour
mieux se conieitter de séparer les touffes à l'empêcher de monter. On la multiplie aussi
l'automne, et de les planter en bordure à bonne par séparation des touffes à l'arrière-saison.
exposition ; car l'estragon, en dépit de son ori- Tous les terrains lui conviennent. Elle est si
gine boréale, est devenu en Europe assez sen- peu difficile, sous ce dernier rapport, que, dans
sible aux froids tardifs qui rendent les prin- la grande culture, elle offre une ressource pré-
temps si funestes à un grand nombre de nos cieuse pour convertir les terrains les plus in-
plantes cultivées. Tous les terrains convien- grats en bons pâturages pour les bêtes à laine.
nent à l'estragon, à l'exception seulement des
terres trop compactes et trop humides.
E. — ChenilUue et limaçon.

Plusieurs petites plantes légumineuses appar-


C. — Pence-pierre oti passe-pitrre
tenant aux genres scorpiurus et medicago, in-
( criiluiitim mariiitnum )
digènes des contrées méridionales et tempérées
L'usage de celte plante est de nos jours pres- de l'Europe, ont leur fruit ou silique conformé à
que entièrement abandonne, quoiqu'elle se re- peu près comme la chenille verte qui ronge les
commande par des propriétés saluhrcs, très choux et les salades. Ces siliques vertes, quel-
réelles, et par une saveur agréable. Elle ne pa- quefois contournées en spirale comme un ver
raît presque plus sur nos marchés ; on ne la roule sur lui-même, offrant aussi quelque ana-
rencontre que rarement dans les jardins de logie avec un petit limaçon, n'ont qu une sa-
quelques amateurs. Nous nous souvenons en- veur herbacée qui n'ajoute rien au goût d'une
core du temps, où, durant la saison des corni- salade; elles n'y paraissent que comme curio-
chons, on entendait crier dans les rues de sité pour laisser croire aux personnes délica-
Paris par les revendeurs ambulants: passe- tes qu'elles ont mordu dans une chenille; leur
Pierre à confire; la passe-pierre, conlite au seul mérite est d'être parfaitement innocentes.
vinaigre avec les cornichons, forme un excel- Elles se multiplient de graine; toute bonne
lent hors-d'œuvre; elle communique un très terre de jardin leur convient; comme les plan-
hon goût aux cornichons. Dans tout le nord de tes qui les portent sont rampantes, elles ont be-
la Grande-Bretagne et dans toute la partie ma- soin de beaucoup d'espace \ ce n'est pas trop
ritime de la Bretagne française, la perce-pierre, de 0 m ,30 à 0 m ,40 entre chaque touffe.
nommée aussi passe pierre, ou herbe de Saînt-
Pierre, croit naturellement entre les rochers,
F. — Capucine et bouiTache.

sur le bord de la mer ; les jeunes gens mettent fleurs de capucine et les fleurs de bour-
Les
souvent une sorte d'amour- propre à s'exposer rache, les secondes ordinairement posées dans
aux plus grands dangers pour aller cueillir la les premières, forment un très bel ornement,
perce- pierre sur des pentes rapides qui sur- et ce qui vaut mieux un excellent assaisonne-
plombent l'Océan. ment pour les salades d'été. Ni la capucine ni
La perce-pierre ne peut être cultivée avec la bourrache ne sont cultivées dans les jardins
succès que dans un sol sablonneux, très léger ; potagers pour cet usage; l'une a sa place dans
la place qui lui convient le mieux est le pied le parterre, l'autre a la sienne dans le compar-
d'un vieux mur assez dégradé pour qu elle timent réservé pour les plantes médicinales,
Euisse implanter dans les crevasses ses nom- nous avons dû seulement les mentionner ici,
reuses et fortes racines. On la sème au prin- parce qu'elles sont réellement au nombre des
temps; elle n'exige aucun soin particulier de meilleures fournitures de salades (voir Parterre
culture; mais jamais la perce-pierre cultivée et Plantes médicinales).
ne vaut la passe-pierre sauvage récollée sur les
rochers des bords de l'Océan.
G. —
Onemploie encore comme fourniture de sa-
I).— PimprtneUe (poterium sanguisoi-ba). va-
lade quelques plantes trop communes pour
usitées
Si cette plante n'étaitpas particulièrement du loir la peine d'être cultivées; les plus
tous les
goût des lapins domestiques, pour l'usage des- sont : la roquette qui se plaît dans
véroni-
quels elle est principalement cultivée, elle aurait lieux incultes, sur les terrains secs ; la
lecres-
disparu de nos jardins et serait abandonnée; ce que beccabunqa, qu'on rencontre avec
serait dommage, car bien que sa saveur ne soit I son dans -
k« ruisseaux,, et le
uc.o tous les Ij^"^
pas du goût de tout le monde, elle n'est pas sans I corne de cerf, qui se trouve partout.

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TITRE IV. CULTURES NATURELLES. 257

nombre de personnes à qui plaît le goût de rôtie nement. Dans le nord de la France, il n'va pour
dernière fourniture, et qui désirent la manger ainsi dire aucun mets de viande de eoenon qui
plus tendre qu'elle ne l'est à l'état sauvage, en ne soit assaisonné de marjolaine, usage égale-
récoltent la graine et la sèment en terre légère; ment suivi en Belgique, en Hollande et dans
la plante ne devient tendre que par des arrosa- une partie de l'Allemagne; aussi n'y a-t-il pas
ges multipliés. de jardin où l'on ne rencontre quelques touf-
fes de marjolaine. Sous le climat de Paris, la
§ II. — Piaules nromatiqiMM. sarriette est l'assaisonnement obligé des fèves

— Lavait Je, de marais; elle est cultivée exclusivement pour


A. thym, hyisope , twnarin, marjolaine
et sarriette.
cet usage, et toujours entrés petite quantité.

Ces plantes, pour la plupart, n'ont pas assez


K. — Angélique ,
anis, cumin, coriandre.

d'importance pour qu'on leur accorde dans le L'arome répandu dans toutes les parties de
potager un compartiment séparé; on les obtient ces plantes, ainsi que dans leurs semences, est
en quantité plus que sulfisante pour les usages aeeompagné d'une saveur agréable, dont les
auxquels elles sont propres, en les cultivant en confiseurs savent tirer parti ; tout le monde
bordures autour des compartiments du pota- connaît l'angélique confite de Chàteaubriand,
ger. Celles de ces plantes qui appartiennent à dragées d'anis de Verdun.
et les
la Camille botanique des labiées (lavande, tbym, L'angélique croit naturellement dans les ter-
basilic) demandent une terre légère et une ex- rains humides, fertiles et ombragés, de nos dé-
position ebaude. La lavande réussit parfaite- partements du sud et du sud-ouest; elle est
ment en bordure en avant de la plate-bande bisannuelle ou tout au plus trisannuelle, lors-
qui règne le long d'un mur d'espalier. Le thym qu'on lui permet de suivre le cours naturel de
vient à toute exposition et dans toute sorie'de sa végétation; mais comme elle est principale-
terrains; c'est la plus rustique des plantes aro- ment cultivée pour ses tiges à demi développées
matiques indigènes. On ne le multiplie, ainsi que les confiseurs emploient, l'enlèvement de
que la lavande, que par la séparation des touf- ces tiges avant la floraison permet à l'angéli-
fes. La lavande reprend difficilement sans ra- que de durer plusieurs années; une fois qu'elle
cines; le tbym, au contraire, s'enracine tou- a fleuri et porté graine, elle meurt. La culture
jours lorsqu'on le recouebe au printemps dans de Tangélique est des plus simples ; à Chateau-
une rigole de G">,15 de profondeur; les plan- briand, l'angélique employée par les confiseurs
tes doivent y être disposées en ligne continue, vient avec peu ou point" de soins de culture
sans intervalles entre «'Iles ; il ne faut pas leur dans les fossés de la ville. Le point essentiel de
laisser plus de 0*"U5 bors t!c terre. Le tbym cette culture, c'est que l'eau ne manque point
et la lavande s'emploient en assez grandes à la plante pendant l'été: si elle souffre de la
quantités : le tbym pour les bains aromatiques, sécheresse, ou même si elle ne végète pas dans
la lavande pour la préparation de plusieurs un sol constamment humide, ses tiges, bien
genres de parfumerie; il peut donc être avan- qu'on ait soin de les cueillir très jeunes, sont
tageux de cultiver ces deux plantes aromati- minces, dures, coriaces, et remplies de fila-
ques en assez grande quantité, lorsqu'on est ments semblables à des ficelles ; en cet état, les
assuré d'en avoir le placement. La lavande est confiseurs les rejettent avec raison. L'angéli-
la meilleure des plantes aromatiques de pleine que de l>onne qualité se vend avantageusement
terre pour la conservation du linge et des vê- aux confiseurs ; il ne faut pas laisser prendre
tements dans les armoires. On emploie aussi aux tiges trop de développement avant de les
pour le même usage plusieurs plantes qui, dans couper; elles se cueillent ordinairement au-
les départements au sud de la Loire, sont de dessus de la première gaîne, avant que les
pleine terre telles sont en particulier le ro-
: boutons de la Heur ne commencent à se mon-
marin et l'hyssope. Sur notre frontière méri- trer.
dionale, ces plantes existent en si grande abon- On sème l'angélique à la fin de juillet, aussi-
dance dans les terrains incultes, qu'on ne tôt que la graine eu mûre; on pourrait aussi
prend pas la peine de les introduire dans les la semer au printemps; mais dune part, la
jardins. graine perd très vite sa faculté germinative,
Nous mentionnerons ici pour mémoire le de l'autre on gagne un an sur la croissance
l'aurone ou armoise citronnelle, plan-
basilic et de la plante en la semant en été. La graine doit
tes qui sont essentiellement du domaine du j
èire arrosée constamment en terre, ou bien elle
jardin sur la fenêtre, du moins sous le climat ne lève pas. On repique le plant fort jeune,
de laFrance eentrale et septentrionale, dont en ligne, à 0 m 60 l'un de l'autre. En Angleterre,
elles ne peuvent supporter les hivers ; on ne où celle culture est fort bien conduite, on ne
les rencontre, en pleine terre, que dans nos transplante l'angélique que sur le bord d'un
départements les plus méridionaux; elles veu- ruisseau ou d'un fossé parcouru par un filet
lent une terre légère, et ne redoutent pas la d'eau courante. Les tiges sont bonnes à couper
sécheresse même très prolongée. au mois de mai de la seconde année, quand
La marjolaine et la sarriette, dont la culture on a semé en été, et seulement à la même épo-
est la même que celle des plantes précédentes, que de la troisième année, quand on a semé
sont principalement cultivées comme assaison- au printemps.
MoaTxrr.TCM. T. V. — 33
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258 HORTICULTURE. livre vin.

L'anis, cultivé seulement pour sa graine dont Plantes anùres (tiges ou racines).
tout le monde connaît les usages dans la parfu- Absinthe.
merie ainsi que dans la préparation des bon- Centiaue (herbe à la grotlc).
bons et des liqueurs, se traite à pou près comme Petite renlaurée.
l'angéliqucmais il n'a pas besoin d'autant d'hu-
midité, bien qu'il réclame des arrosages très Ces deux dernières sont pour ainsi dire in-
fréquents pendant les chaleurs. La coriandre, dispensables quand on ne pf ut les trouver en
dont les graines beaucoup plus grosses que abondance à sa portée, à l'état sauvage.
celles de l'anis ont à peu près la même odeur Plante* .«/«mi/nvi ami tjt iiniodù/ues.
avec une saveur beaucoup plus sucrée, réclame
une exposition plus chaude et mieux abritée; Menthe p.. urée. ( Le?, me ni lu* >aiiva;;r« toul tueiî
eflicace.s.)
cette plante, originaire de l'Asie, craint le froid
Méiose, (.11, à son (lél.uil, ili iico énltale.
et supporte bjen la sécheresse. La coriandre
Sitsgr.
veut une terre légère et profonde; les graines I omoiinlle i>>ni:i ne.
se récoltent en septembre. Vah ruine oflu'inaV.

S nu Plantes médicinales. Plumes imigatiWs.


Nous sommes de ceux qui croient qu'il faut Itlinl ariie el iha|mnl:r.
laisser la médecine au médecin , et recourir, Biïoiwe.
dans tous les cas de maladie sérieuse, aux hom- Piaules astringentes.
mes qui ont fait de l'art de guérir l'étude de
Bistorie.
toute leur vie; rien ne nous semble plus dan-
Toiuicntillc.
gereux que la simple présence dans les jardins
de ces plantes douces de propriétés médicinales Quelques plantes médicinales, telles que la
tellement énergiques que, même a faible dose, camomille romaine et le pavot blanc, figurent
elles peuvent empoisonner, et que le médecin aussi dans le parterre, comme plantes d'orne-
expérimenté n'y a recours qu'avec; une extrême ment. Plusieurs arbustes de bosquet fournis-
prudence. Nous n'avons donc rien à dire des sent aussi des fleurs utiles en médecine, comme
plantes narcotiques ou vireuses, telles que la le sureau; des baies purgatives, comme le ncr-
belladone, la jusquiame lacigué; nous pen- ; des fruits rafraîchissants, comme le l>cr-
,
Krun
sons que le propriétaire, qui n'est ni médecin, eris (épine-vinette); ou des fruits astringents,
ni pharmacien, commet une haute impru- comme le rosier ; tous ces produits recollés eu
dence, une faute grave en les admettant dans
, temps unie fournissent, sans déparer ni le bos-
son jardin, où elles peuvent causer les accidents 3uct ni le parterre, un supplément aux pro-
les plus fâcheux. Le plus grand nombre des uiis du jardin des plantes médicinales.
plantes médicinales dont l'usage est sans dan- ( Pour la culture en grand de quelques plan-
ger, se rencontre partout en France dans les tes médicinales, cotr t. Il, p. 56 et suiv.
lieux incultes, malheureusement trop communs
et trop étendus dans tous nos départements; RÉSUMÉ.
ainsi l on trouve toujours sous sa main, parmi
les plantes émollientes, la mauve, la pariétaire: Nous terminerons ici la liste des plantes po-

parmi les dépuratifs, la bardanc, la patience; tagères dont la culture naturelle en pleine terre
parmi les amers, la petite centaurée, la gen- présente assez de particularités pour exiger des
tiane. On doit se méfier, à l'égal des poisons, indications spéciales; il nous reste à exposer
des plantes purgatives de nos climats, telles que dans un ordre analogue les notions de la culture
la mercuriale et la graiiole; une purgation trop artificielle des plantes potagères qui, sous le
forte ou prise à contre temps, est un véritable climat de la France, n'accomplissent pas le
empoisonnement passager, dont les consé- cours entier de leur végétation, si l'art do jar-
quences sont souvent très sérieuses. dinier ne les y contraint, ce qu'exprime parfai-
On voit combien est borné le nombre des tement le terme usuel des maraîchers de Pa-
plantes médicinales dont la présence dans un ris Forcer les plantes. Avant d'aborder celte
:

Carré annexé au otager nous semble sans in-


|
section importante du jardinage, nous croyons
convénient ; ees plantes varient nécessairement utile de résumer ici, sans craindre de nous ré-
selon les localités; elles varient surtout en rai- péter, quelques préceptes essentiels déjà ex-
son du nombre des espèces sauvages usitées en primés, mais non pas réunis, dans le travail
médecine, que chacun peut trouver dans les précédent.
lieux incultes voisins de sa demeure, et qu'il La loi générale qui préside aux assolements
estpar conséquent inutile de cultiver. s'applique au jardinage de même qu'à la grande
Sous le climat de Paris, nous pensons qu'on culture, quoique d'une manière moins absolue.
feraprudemment de s'en tenir à la liste sui- Supposons, pour achever de bien faire com-
vante: prendre le mode de cette application, un jardin-
maraîcher créé sur un sol neuf, dans toutes
J- tantes à Jlcuvs 1»
les circonstances les plus favorables pour
Violette (de Parme, qualité du terrain, l'eau, les clôtures et l'ex-
Bouillon blanc. position ; admettons encore que toutes les par-

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TITHE IV. CULTURES NATURELLES. 259

ties on soient également fertiles, également i La fraisière doit, après ses trois
ans révolus,
propres à recevoir les couches pour la culture quitter le sol pour trois ans, et le parcourir en
artificielle. Ces conditions se trouvent a peu entier en npuf ans, s'il lut est propre dans
près complètement réunies dans plusieurs ma- toutes ses parties. Les pois trop longtemps
rais de la vallé*' de récamp, enireSaiut-Mandé portés par la même terre deviennent amers et
et Bercy; nous avons particulièrement en vue durs, comme il est arrivé aux pois autrefois
l'enclos qu'exploitent chacun par moilié avec excellents, aujourd'hui dégénérés de Champi-
une rare habileté, MM. Deberg et Dulac fils. gny (Seine); Clamart. Meudon, Marly, conser-
Les couches, dans de telles circonstances, sont vent, en suivam scrupuleusement le précepte
la base de l'assolement; il est quadriennal si de ne faire revenir les pois que tous les trois
elles occupent le quart du terrain; il est de ou quatre ans à la même place, la réputation
cinq ou six ans si les couches occupent un es- méritée de leurs pois, les meilleurs des envi-
pace moins étendu. Elles doivent, en principe, rons de Paris. L'artichaut, après ses trois ans
couvrir successivement toutes les parties du de culture, \eut une année d'intervalle. Le sal-
jardin, soit qu'on les détruise chaque année, sifis et le scorsonère, après deux ans de durée,
soit qu'on jupe convenable de conserver plus veulent également un an de quelque autre cul-
d'un an des couches usées, comme nous le di- ture pour ne pas dégénérer.
rons en traitant des cultures artificielles. Il Les autres légumes reviennent sans incon-
n'est pas toujours possible de suivre cette vénient tous les ans sur le même terrain con-
marche quant au déplacement des couches; venablement engraissé; quelques-uns, entre
très souvent les dispositions du sol ne laissent autres le haricot, semblent même plus produc-
pas le choix et ne permettent pas de changer tifs quand ils ont été continués a la mwne
la place des couches une fois qu'elles sont éta- place plusieurs années de suite. Ces cultures
blies. Le terrain que ne couvrent pas les cou- peuvent donc se passer d'assolement, et se con-
ches ne peut être soumis rigoureusement à une tinuer sans interruption à perpétuité. C'est ce
rotation régulière des cultures, à cause de la qu'on observe autour de Paris dans la petite
nécessité de se conformer aux besoins de la culture maraîchère comme dans la grande cul-
consommation qui ne sont pas les mêmes cha- turc des légumes communs. Grâce à l'abon-
que année. Ainsi, les salades, les fraises, les dance des engrais, bonneuil, Aubervilliers et
melons couvrent les trois quarts de nos marais les Vertus produisent à perpétuité, sans dégé-
durant les étés secs et chauds; un été pluvieux nérescence, leurs choux et leurs ognons, les
et froid les fait presque disparaître. Mais il n'en meilleurs de ceux qui se cultivent pour la con-
est pas du sol d'un jardin potager comme d'un sommation de la capitale. Il en est de même
champ qui reçoit à peine ou tout juste la dose des salades, objet d'un si prodigieux débit; elles
d'engrais qu'ii lui faut pour porter une récolte, reviennent tous les ans a la même place sans
et qui l'épuisc. pour peu que la même culture altération sensible depuis le règne de Fran-
y er
soit continuée un peu trop longtemps dans le; çois I ;mais cela n'est possible qu'à force
potager, la terre n'est pour ainsi dire qu'ac- d'engrais. Nous l'avons dit, il faut le repéter,
cessoire; si elle est bonne, tant mieux, les ré- le potager n'a jamais trop d'engrais ; presque
coltes n'en seront que meilleures lut-elle mé-
; toujours il en a trop peu. Si le sol porte trois
diocre ou même mauvaise, les légumes y croî- récoltes dans l'année, il faut qu'il soit fumé
tront toujours, moyennant une dose d'engrais trois fois; hors de celte loi, point de jardin po-
suffisante. En jardinage, l'engrais est tout : tager.
bien des plantes, surtout parmi les cucurbita- Bien des amateurs économes hausseront les
cées, melons, cornichons, concombres, ci- épaules à cette recommandation, en se prome-
trouilles, ne se trouvent jamais en contact avec nant avec satisfaction au milieu de leurs plan-
le sol, dont, par conséquent, la qualité importe ches maigrement fumées une fois par an, et qui
peu à leurs racines. pourtant se couvrent d'une végétation passa-
La principale considération qui doive diri- ble. Mais aux yeux du vrai jardinier, ce n'est
ger le jardinier-maraîcher quant à l'emploi de point un potager, qu'un enclos ou les légumes
son terrain, c'est celle du mode û> végétation font à peine en six mois ce qu'ils peuvent faire
fie certaines plantes qui ne peuvent revenir en six semaines, et dont il ne sort que des pro-
Ircquemment à la même place, en raison de duits bons uniquement à exercer la patience de
leur nature épuisante, et plus encore à cause la cuisinière et à faire renchérir les combusti-
des sécrétions qu'elles laissent dans le sol. bles.
L'asperge est la plus exigeante des plantes à cet Le maraîcher n'a pas toujours le choix des
égard; après avoir occupé le sol pendant 12 fumiers près des grandes villes, les boues et
;

ou lô ans, elle n'y peut revenir qu'au bout le fumier d'ecurie sont à sa portée en grande
d'un intervalle de temps de même durée; nous abondance. Pour les localités moins favorisées
avons dit comment on obvie à cet inconvénient sous ce rapport, nous rappelons au jardinier
en séparant les planches d'asperges par des que les légumineuses proprement dites, pois,
espaces de mêmes dimensions, occupes par fèves, haricots, préfèrent aox engrais trop ani-
d'autres cultures, et plantés en asperges quand malisés ceux dont les végétaux sont la base ;
lespremières sont usées, ce qui donne un as- les cendres de bois sont particulièrement utiles
solement perpétuel. aux pois de toute espèce l'engrais provenant
;

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260 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

de végétaux décomposés, soit seul, soit en com- elle a clé si longtemps la base n'était pas déjà
post avec la chaux, est le plus actif pour toute à demi ruinée aux environs de Paris.
espèce de plantes potagères. Les jardiniers pla- Les couches sont la base indispensable de
cés à portée d'une huilerie, peuvent tirer un toute culture forcée nous avons indiqué leur ;

grand parti des tourteaux de colza réduits en construction, et tout ce qui tient aux divers
poudre, engrais purement végétal. procédés pour y entretenir la chaleur (cotr
Après les engrais et presque au même degré, Couches). Nous nous bornons à rappeler ici
l'eau est la base de la cullure maraîchère. Le aux horticulteurs placés dans des circonstances
jardinier des pays chauds et secs ne perdra pas i où il leur serait difficile de se procurer du fu-
de vue que biner fréquemment le sol, c'est mier d'ecurie en abondance à un prix raison-
l'arroser, car c'est le rendre accessible aux in- nable, le parti qu'ils peuvent tirer du thermo-
fluences de l'air et de la rosée des nuits qui ne siphon qui donne, avec beaucoup d'économie,
profite point aux racines des plantes quand une chaleur très égale et très facile à régler.
une croûte dure et impénétrable les en sépare.
Quand il peut arroser à son gré, qu'il n'oublie Section I
ro
. — Légumes proprement dit».

pas de pailler le sol, pour ne pas le durcir, mais


surtout qu'il se souvienne qu'en été il vaut
S 1
er
- — Aipcrgpj,
mieux ne pas arroser du tout que d'arroser Plusieurs maraîchers des environs de Paris
avec parcimonie. font de la culture forcée des asperges leur prin-
cipale industrie pendant l'hiver. Cette culture
exige d'énormes avances ; elle n'emploie que
des griffes de trois ans élevées dans ce but
sans aucun bénéfice jusqu'au moment de les
CHAPITRE II. - Culture forcer des végétaux forcer, et qui reviennent toujours à un prix très
C0.t1ESTIRI.ES. élevé, soitqu'on lescultive d'avance, soit qu'on
lesachètetoutes forméesau moment de s'en ser-
L'horticulteur , avec un peu d'argent et vir. Dans le premier cas, on dispose les griffes
beaucoup de soins, ne connaît point de mauvais de manière à ce qu'elles occupent le moins d'es-
climat, point de mauvaise saison. La culture pace possible, sans cependant se nuire récipro-
forcée des plantes potagères a pour but de faire quement assez pour ne pas atteindre leur gros-
arriver leurs produits à maturité, soit avant, seur ordinaire. Dans le second, toutes lesgrilfes
soit après l'époque fixée par la nature; elle doivent se toucher; les asperges deviennent
rend possibles des récoltes qui, sans son se- alors minces, effilées, vertes dans toute leur
cours, seraient interdites aux climats froids ou longueur, et néanmoins tendres et de fort bon
tempérés Longtemps elle a constitué une goût; elles ne peuvent être mangées que pre-
branche d'industrie importante et lucrative aux Rarées de la manière connue en cuisine sous
environs des grandes villes; elle tend à perdre ; nom d'asperges aux petits pois. Cette diffé-
de jour en jour de son importance industrielle, rence dans les produits de la culture forcée de
à cause de l'établissement des voies rapides de fasperge en hiver nécessite deux procédés di-
communication; nous voyons approcher le vers qui doivent être décrits séparément.
moment où Paris recevra directement les pro-
duits du midi de la France à plus bas prix que
A. — Asperges forcées blanches.
les maraîchers parisiens ne peuvent les obtenir Il ans d'avance si l'on met
faut s'y prendre 4
artificiellement. Dès aujourd'hui, la remonte du en place du plant de 2 ans, et 5 ans d'avance
Rhône étant assurée en trois jours par les bateaux si on procède par la voie des semis en place.
I

à vapeur, les melcns d'hiver de Cavaillon et L'asperge, cultivée d'après la méthode ordi-
les cantaloups des en virons de Marseille peu vent naire jusqu'à ce qu'elle ait atteint toute sa
être rendus a Paris en 6 jours pour 45 à 50 c. la grosseur, a dû, seulement dans le principe,
pièce ;ils coûtent, pris sur place, de 50 h 60 c; être disposée en planches de grandeur conve-
ils ne reviennent donc pas à plus d'un franc, nable pour recevoir des cadres ou coffres gar-
rendus à Paris, sauf les déchets et les accidents nis de châssis vitrés; ces planches sont espa-
du voyage; les bons cantaloups de primeur cées entre elles par des passages de 0 m ,60 de
coûtent le double, non pas au consommateur, large, destinés à recevoir des rechaufs. Le mi-
mais au maraîcher parisien. Du jour où un che- lieu de l'hiver étant le moment le plus favora-
min de fer existera seulement de Paris à Chû- ble pour vendre les asperges blanches forcées,
lons- sur-Saône, il n'y aura plus d'avantage à l'on calcule en conséquence le commencement
cultiver les melons de primeur aux environs de de l'opération, qui dure de 30 à 40 jours depuis
Paris. Mais il restera toujours pour le jardinier- le placement des châssis jusqu'à la dernière
amateur le plaisir que peut lui procurer la cul- coupe d'asperges. La valeur des produits, à
ture forcée des plantes potagères, plaisir très part leur précocité, dépend surtout de la lon-
vif et très réel, puisqu'il n'est autre que celui gueur des pousses; il est donc essentiel de
de la difficulté vaincue, du travail couronné de charger de terre les planches immédiatement
succès; nous croyons donc devoir donner à avant de les forcer. On emploie à cet usage
,u
cette partie de l'horticulture autant de déve- la terre des sentiers qu'on défonce à 0 ,50 au-
loppements que si l'industrie lucrative dont tour de chaque planche pour y placer les re-

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TJTHE IV. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 261

chaufs comme auiour d'une couche chaude consiste à forcer sur place de vieilles planches
ordinaire; quand le sol a de la consistance cl d'asperges qui touchent au terme de leur vé-
qu'il n'est pas de nature à s échauffer très ra- gétation et sont à demi épuisées. On les traite
pidement, cette profondeur peut être dépassée comme nous venons de l'indiquer en rempla-
sans inconvénient. Il ne s'agit plus que de ré- çant les châssis vitrés par des claies, ou par
pandre sur toute la surface de la planche d'as- âcs châssis recouverts, soit de papier huilé, soit
perges & de bon fumier qui ne soit ni trop de toile de coton gommée. Les produits ne sont
sec ni trop humide, et de placer sur le tout les jamais tout -à -fait égaux en qualité à ceux
coffres et les châssis. Quand il ne survient pas d'une culture forcée régulière ; ils ne parais-
de froid excessif, on peut attendre les premiè- sent pas nnn plus sur le marché juste au mo-
res pousses dix ou douze jours après la mise en ment le plus favorable pour la vente; mais ils
place des châssis; on ùte alors le fumier qui ont coûte si peu, qu'il y a plus que compensa-

garnit le dessus de la plante, et l'on surveille tion. Nous engageons, d'après notre propre
les rechaufs pour les remanier ou même les re- expérience, les jardiniers dont les planches
faire à neuf, car l'essentiel, c'est que la tempé- d'asperges sont presque épuisées à user de ce
rature ne baisse pas une lois que les asperges moven d'en utiliser la destruction, alors qu'en
ont commencé à donner. Srolongeant leur existence, ils n'en obtien-
Bien qu'elles soient connues sous la désigna- raienl plus que des produits insignifiants.
tion A'asperges blanches, il ne faudrait pas of-
frir aux amateurs parisiens des asperges for-
B. — Asperges vertes forcée*.

cées tout -à- fait blanches; ils n'en voudraient


On plante les griffes sur des couches chau-
pas. On a soin en conséquence de ménager,
des ordinaires au moment où leur premier feu
entre le châssis viiré et la surface de la cou-
est passé; les griffes doivent avoir trois ou qua-
che, un espace suflisant pour que l'asperge,
tre ans; celles de quatre ans sont les meilleu-
après être sortie de terre, y prenne un certain
res. On les dispose l'une contre l'autre pour
accroissement et s'y colore en violet clair ti-
qu'en se soutenant mutuellement, leurs doigts
rant plus ou moins "sur le vert, quand l'état de
se trouvent dans une position presque droite,
l'atmosphère a permis de retirer fréquemment
ayant seulement leur extrémité inférieure po-
les paillassons dont les vitrages restent cou-
sée sur la couche; les collets des griffes sont
verts pendant les grands froids. Dans le dépar-
séparés de la surface de la couche par un es-
tement du Nord, de même qu'en Belgique et
pace vide qu'on remplit en faisant couler en-
en Hollande, on mange l'asperge parfaitement
tre les doigts des griffes de bon terreau gras
blanche, sans aucune nuance de verl ou de
en suffisante quantité; les collets doivent res-
violet, tanteelic qu'on force en hiver que celle
ter à découvert. Cela fait, on pose les châssis
qui se récolle en pleine terre au printemps.
et l'on entretient avec soin la chaleur de la
Dès que la terre en se soulevant, indique la
couche; les asperges commencent à pousser
présence d'une pousse d'asperge à fleur de
dès les premiers jours, aussi leur végétation
terre, on va l'y chercher au moyen d'un cou-
promptement. Ceux qui se
s'epuise-t-elle très
teau dont la longueur est calculée pour ne pas
livrent en grand à ce genre de culture forcée
ai teindre le collet des griffes.
doivent planter successivement au moins trois
La culture forcée de l'asperge blanche serait
ou quatre fois dans le courant de l'hiver.
ruineuse et disparaîtrait de tous les jardins à
l'exception de ceux des riches, si les griffes C. — Procédés anglais.
étaient tout -à- fait perdues après avoir été
chauffées; elles pcu\ent se remettre par une Les Anglais pratiquent fort en grand la cul-
bonne fumure et une année de repos; toute- ture forcée des plantes comestibles; les pro-
fois,elles ne reviennent à leur produit ordi- duits de ce genre de culture trouvent de nom-
naire qu'avec beaucoup de peines et de soins -, breux acheteurs en Angleterre, où toutes les
très souvent les planches sont tellement dé- richesses sont concentrées dans un petit nom-
peuplées qu'il faut les détruire. On ne doit bre de mains, de sorte qu'il n'y a, pour ainsi
donc pas s étonner du prix quelquefois exorbi- dire, que de grands propriétaires. En outre, la
tant des asperges blanches forcées en hiver ;
rigueur du climat dans tout le nord de la
indépendamment du fumier et de la main- Grande-Bretagne est telle que, sans le secours
d'œuvre, ce produit doit représenter en quel- de la culture forcée, on y jouirait à peine pen-
ques semaines la valeur des récoltes de cinq dant quelques semaines des produits les plus
années, dont quatre de préparation et une de communs de nos jardins potagers. Les procédés
repos. Telle est la marche suivie aux environs anglais pour la culture forcée de végétaux co-
de Paris; il faut toute l'habileté de nos maraî- mestibles sont consignés dans un grand nom-
cher* pour pouvoir réaliser quelquefois de très bre d'ouvrages fort répandus; ces procédés
grands bénéfices; mais il leur arrive assez sou- sont imités en Belgique, en Hollande, en Alle-
vent de ne pas faire leurs frais, même en ven- magne, en Russie ; il importe donc de les faire
dant 18 et 20 francs une botte de soixante à connaître. Ce n'est pas qu'en général, les jar-
soixante-dix grosses asperges. diniers anglais fassent sous ce rapport mieux
Un autre procédé, bien moins dispendieux que les nôtres, mais ils font autrement, parce
et qui rend les chances de perte presque nulles, qu'ils sont placés dans d'autres conditions; leur

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262 IlOPiTIC ULrURh. livre vin.

exemple peut Être profitable à ceux qui se d'humidilé que ta chaleur lui en enlève par
trouvent dans des conditions analogues. évaporât ion.
Pour foreer l'asperge, les Anglais préfèrent Les jardiniers anglais n'emploient pas le cou-
la chaleur de la vapeur ou celle du thermosi- teau pour récolter les asperges forcées; dès
plton, et l'emploi dos bâches maçonnées en bri- qu'elles ont deO^OG à 0",08 nors de terre, ils
ques à celles des simples couches recouvertes écartent le terreau tout autour, font glisser
de châssis. Ils ont raison, car en dernier résul- leurs doigts le long de la tige jusqu'au collet
tat, ces procédés coûtent moins et donnent des de la racine, et détachent la base de l'asperge
produits plus réguliers et plus certains avec en la tordant; par ce moyen, ils ne risquent
moins d'embarras; mais pour les imiter en ce pas d'endommager les asperges naissantes
point, il faut disposer de fonds considérables -, voisines de celles qu'ils enlèvent.
or on sait que les fonds sont le côté faible du En lui donnant les soins convenables, une
jardinage français. Les griffes sont placées, soit bâche de 9 à 10 mètres de long sur l m ,l0 de
dans du fumier, soit dans du tan, quelquefois large, peut fournir assez d'asperges pour la con-
dans un mélange de tan et de fumier par par- sommation d'une famille depuis Noël jusqu'au
ties égales ; le tan qu'on emploie à cet usage printemps. On ne la charge d'abord qu'à moi-
doit Être à demi usé : sa chaleur doit être tié; la seconde partie, qui a servi d'abord à
complètement anaisée. Souvent aussi l'on d'autres cultures, reçoit les griffes d'asperges
construit avec de bon fumier le dessous de assez à temps pour que ses produits succè-
la couche, et avec du vieux tan la partie supé- dent sans interruptionà ceux de la première
rieure, sur une épaisseur de 0m,30 à 0"',40. Si partie.
l'on fait usage de fumier seul, ou bien d'un Les jardiniers anglais qui forcent les asper-
mélange de fumier et de feuilles, il faut que la ges sur couche ordinaire couverte d'un simple
fermentation soit calmée, et que la plus forte châssis suivent exactement le procédé eo
,

chaleur soit dissipée. Dans ce cas, on réserve usage à Paris, tel que nous l'avons indiqué.
les portions les plus sèches et les plus divisées
pour former le dessus de la couche. Enfin, un S II. — Hanrol» vrrt».

autre moyen fort en usage consiste à planter C'est principalement vers la culture forcée
les griffes d'asperges dans du tan qui a déjà de cet excellent légume qu'est dirigée l'indus-
servi à élever du plant d ananas de première triedes maraîchers spécialement occupés de la
année, et qui ne donne plus aucune chaleur; culture des primeurs aux environs de Paris.
on applique aux côtés de celte tannée la cha- Ce n'est pas seulement, comme on pourrait le
leur de la vapeur ou du thermosiphon. croire, un objet de pure gastronomie; le ha-
Les auteurs anglais ne sont pas d'accord sur ricot vert est considéré avec raison comme le
l'âge qae doivent avoir les griffes d'asperges f)lus facile àdigérer de tous les légumes frais;
pour être forcées avec le plus d'avantages; les es médecins l'ordonnent souvent en hiver aux
uns préfèrent les griffes de deux ou trois ans ; personnes convalescentes ou valétudinaires
d'autres ne forcent que des griffes de quatre assez riches pour le payer. Nous avons dit
ans au moins et de huit ans au plus, qui ont comment, au moyen de quelques abris peu dis-
déjà donné en pleine terre une ou plusieurs re- pendieux, il est lacile de prolonger à peu de
colles. Nous pensons que l'asperge parvenue à frais les récolles tardives de haricot vert, jus-
toute sa croissance, a l'âge de deux ou trois qu'à l'arrivée des premiers froids: les mêmes
ans, est au point le plus convenable pour don- moyens servent à hâter au printemps les pre-
ner par la culture forcée un grand nombre de mières récolles de pleine terre. Il reste néan-
jets vigoureux ;mais si l'on a à sa disposition, moins un long intervalle pendant lequel le ha-
à un prix modéré, des griffes un peu plus ricot vert ne peut être demandé qu'à la cullurc
âgées, pourvu qu'elles ne soient point épui- forcée.
sées, on peut en espérer des produits satisfai- Pour forcer le haricot vert, on ne peut se-
sants. mer en place, la végétation serait trop lente;
On commence l'opération dans la première il faut semer très serre, en pépinière sur cou
semaine de novembre pour obtenir les premiers che chaude, dès les premiers jours de janvier.
Croduits à Noël, époque de réjouissance et de L'usage le plus généralement suivi est de ne
onne chère chez les Anglais. La température semer qu'après le 15 janvier; beaucoup do
est portée d'abord à 10 degrés ; elle doit ne pas jardiniers sont encore persuadés que les semis
dépasser 16 degrés, et être maintenue le plus ne réussiraient pas avant cette époque recom-
également possible le succès de cette culture
; mandée dans les traités les plus répandus;
en dépend ; un seul moment de refroidissement c'est un pur préjugé. Quand par l'état de la
subit ou bien un coup de chaleur trop vif suffit saison et l'espoir d'une vente avantageuse le
Kour tout perdre; c'est ce qui rend si commode jardinier croit avoir intérêt à gagner du temps,
i chaleur essentiellement égale et durable du il peut sans crainte, sous le climat de Paris, se-

thermosiphon. On donne de l'air, non-seule- mer dès le commencement de janvier le hari-


ment pour laisser dissiper l'humidité surabon- cot nain de Hollande et le haricot flageolet.
dante, mais ausM pour colorer les asperges à Le nain de Hollande est un peu plus précoce; le
mesure qu'elles poussent. Quelques arrosages llageolet esl plus robuste et sujet à moins d'ac-
modérés rendent à la couche seulement autant cidents. Quaud les deux premières feuilles sont

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r; T i;:. iv. CULTURE rOHCEE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 263

l>icnformées, c'est-à-dire trois ou qualrc jours soit assezdouce pour permettre de risquer les
après la levée, le haricot est bon a repiquer ; haricots en plein air. On les met alors en place
en tardant davantage, on perd du temps in- I
avec toute la terre des pots, sans briser là
utilement. Le lant de haricot craint les cou-
|
moite; ils supportent fort bien par ce moyen

ches trop chaudes, un coup de feu suffit pour la transplantation qui, sans cette précaution,
le faire jaunir et griller ; il faut maintenir en- leur serait funeste ; leurs produits devancent
suite à une bonne température la couche où le de quinze jours ceux des haricots les plus
plant a été mis en place à demeure. On repique précoces qu'on puisse oblcnir en" pleine
par touffes de quatre plants; ces touffes sont terre.
disposées en lignes espacées enire elles de
0 .32; on laisse 0 », 16 seulement d'intervalle
ra 1 S lit. — Pois mu,
entre les touffes dans les lignes. Il faut bassi- La culture forcée des
pois, de mênieqùe toutes
ner légèrement avec de l'eau dégourdie pour les cultures qui ne couvrent pas leurs frais,
assurer la reprise ; on doit donner de l'air au- est au jardinier-marchand ; il doit
interdite
tant que la température le permet, principale- s'en tenir aux procédés que nous avons indi-
ment pendant la floraison. La fructification qués pour bâter autant que possible au prin-
peut être hâtée en forçant les liges à se cou- temps la fructification des pois en pleine terre;
cher, au moyen de bouts de lattes ou de treil- mais pour l'amateur qui peut en faire la dé-
lage. L'elTei de ce procédé est peu sensible sur pense, rien n'est plus agréable que d'obtenir,
le vrai haricot nain de Hollande qui reste tou- au cœur de l'hiver, le plus délicat de nos legù-
jours très près de terre; il n'est réellement mes Irais. Les petits pois forces sont toujours
utile que pour le haricot flageolet qui s'élève de beaucoup supérieurs aux petits pois eonscr
davantage. Les premiers pro lutts peuvent être vés, quelle que soit la perfection à laquelle on a
récoltés au bout de trente -cinq à quarante porté de nos jours l'art de préparer les conser-
jours. Les semis des premiers jours de janvier ves alimentaires.
peuvent donner des produits pour la vente vers La meilleure place pour établir des couches
le milieu de février. Les prix sont très varia- à forcer les nois est sans contredit l'intérieur
bles d'une année à l'autre; dans le cours d'un d'une serre bien aérée, ou d'une bâche ; mais
hiver ordinaire, ils varient le plus souvent de- rarement on peut leur consacrer un scmhlablé
puis 25 et 30 francs jusqu'à 5 et 6 francs le emplacement réservé pour d'autres destina-
kilogramme; au y a rarement à perdre
total, il tions. On force les pois sur des couches chau-
sur eette culture forcée qui, bien conduite, n'a des ordinaires, avec la seule précaution de leur
contre elle aucune chance défavorable. donner peu d épaisseur, afin qu'elles ne soient
En Angleterre, le plus souvent, la culture pas sujettes aux coups de feu.
forcéedes haricots se pratique dans le même Les premiers semis peuvent commencer dès
localque celle des ananas; le haricot est une la tin de novembre et se continuer de dix ert
plante de l'Inde: quoique parfaitement neclt- dix jours jusqu'à la fin de janvier ; ceux qu'on
maié, il ne craint pas une température élevée, Tait vers le 15 décembre sont ceux qui onl lé

telle que la veulent les ananas. Lorsqu'on lui plus de chances de succès. La couche pour les
1

consacre un local séparé, les couches sont dis- semis doit être garnie à sa surface de 0"\l0
posées comme qu'on destine aux as-
celles de bonne terre franche de jardin le terreau ne
;

I
erges; elles peuvent sans inconvénient être convient pas pour cet usage. Il faut semer as-
un peu plus chaudes; au début une température sez clair, afin que le plant prenne de la force
de 15 degrés, portée ensuite et maintenue en- en pépinière, car il supporte le repiquage plus
tre 18 et 20 degrés, est la plus convenable. Le difficilement que le haricot. Dès qu'il atteint la
dessus de la couche doit être recouvert de hauteur de 0"\06 à 0"\08, il est bon à mettrè
bonne terre légère de jardin, celle de toutes en place. La couche destinée au repiquage des
que les haricots préfèrent ; on sème comme à pois ne doit être que tiède on doit la charger
;

Paris, en pépinière, pour repiquer en lignes de bonne terre ires meuble et pas trop grasse,
espacées enire elles de 0 W 35; les haricots sont sans la ménager. L'usage ordinaire est de don-
a 0'"08 l'un de aurre dans les lignes. Le reste
l ner au revêtement en terre 0"\20 d'épaisseur.
de la culture est le même qu'en France; seu- Il arrive assez souvent que les fibres des raci-

lement, di s que les haricots verts commen- nes, attirées par la chaleur de la couche, ren-
cent à donner, on n'arrose plus les plantes que contrent le fumier. Dès qu'elles y Ont touché,
tous les deux jours; l'arrosage suit immédia- les pois s'emportent et ne peuvent plus pro-
tement la recolle qui se fait de même à un jour duire que du feuillage ou bien, si la couche
;

d'intervalle. est un peu chaude, ils grillent et meurèni;


Le haricot souffre difficilement la transplan- dans l'un et l'autre cas il n'y a pas dé récolté*.
tation quand elle le prend à un état de végéta- 11 est donc plus sûr de recouvrir 1* couche de

tion trop avancé les Anglais, pour cette rai-


,n m
0 ,25 à 0 30 de bonne terre; on peut alors
;

son, sèment en pots (trois haricots dans cha- sans crainte repiquer les pois en donnant à la
que pot), au commencement du printemps; ces racine la situation verticale qui lui est natu-
pots restent enterrés dans la couche, ou placés relle, au lieu de l'incliner plus ou moins, ce
sur les dressoirs de la serre à forcer, jusqu'à 3 ni retarde la croissance du plant. On repique
ce que, dans le courant de mai, la température eux plants côte à côte, en lignes espacées

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264 liUllTlCULTUKE. LIVRE VIII.

m
enlrc elles de O ,20 ; on peut ne laisser que jardinier de profession , et une production non
,u
0 ,1O de distance entre chaque touffe de deux moins agréable qu'utile au jardinier-amateur.
1
plants. Quand les pois ont O ",!^ de hauteur, Nous essaierons de combattre ici des pré-
il est temps de les coucher en posant sur le ventions trop répandues contre l'usage d'une
bas des liges des bouts de lattes, comme nous substance alimentaire généralement suspecte,
l'avons recommande pour les haricots verts. et non sans motif, eu égard aux accidents aux-
11 faut veiller à ce qu'au moment du couchage, quels elle a fréquemment donné lieu. Les na-
la terre de la couche ne contienne pas trop turalistes modernes s'accordent pour placer les
d'humidité. Cette pratique exécutée au mo- champignons sur la limite entre le règne végé-
ment convenable, n'a pas seulement pour effet tal et le règne animal mais plus près du règne
,

de hâter la floraison son but principal est de


: animal. Kn effet, leur substance est très azotée:
déterminer l'émission de tiges latérales, sou- cuits dans l'eau, leur bouillon offre tous les
vent plus productives que la lige du milieu ; caractères et jusqu'à l'odeur d'osmazôme des
elle a donc une grande influence sur la récolte. bouillons de vian le les plus concentrés. Les
Dès que la partie supérieure des tiges s'est re- champignons, quant à leur effet alimentaire,
dressée d'elle, même, il faut retirer les lattes; se comportent exactement comme les substan-
l'effet qu'on en attendait est produit; c'est or- ces animales ils rassasient promptement et
;

dinairement l'affaire de quatre ou cinq jours ; ne peuvent être pris qu'en médiocre quantité,
pendant tout ce temps, si la température est comparativement aux autres aliments végé-
douce, il faut tenir les châssis ouverts pendant taux. Pris au moment convenable de leur dé-
le jour. On ne peui se dispenser découcher veloppement ils ne peuvent faire aucun mal
, ;

les tiges des pois forcés, que lorsqu'on sème ils sont seulement dans le cas de tons les mets

sur couche des pois 1res nains, disposés à tuller très nourrissants ils donnent de violentes in-
;

naturellement. Chaque tige de pois ne doit digestions lorsqu'on en mange trop à la fois.
produire que trois ou quatre fleurs aussitôt ; Mais, le même champignon qui, cueilli en
qu'elles sont suffisamment épanouies, on sup- temps utile, n'aurait offert qu'un aliment salu-
t)iïrce les pousses supérieures, afin de forcer bre, cueilli quelques heures trop tard devient
es premières fleurs à nouer; sans cette pré- un poison. On sait combien est malsaine touie
caution, elles couleraient; la récolte n'en se- viande seulement un peu trop mortifiée ; les
rait que plus abondante, parce que d'autres champignons cessent en fort peu de temps d'ê-
fleurs fertiles en bien plus grand nombre ne tre mangeables et passent très rapidement à
tarderaient pas à leur succéder; mais le but une putréfaction complète.
de l'opération serait manqué. Il est trop vrai d'ailleurs que les trois espèces

En Angleterre, les pois se forcent ordinaire- de champignons sauvages bons à manger sous
ment dans la plate-haode qui règne au pied de le climat de Paris et dans toute la France,
l'espalier, dans la serre à forcer les cerisiers le midi excepté, le champignon eomettible
(cherry bouse) les pois profitent de la tem- (fig. 315), le champignon effilé {fig. 316)
; elle
pérature calculée pour la végétation forcée des Kg. ilb, 316.
cerisiers.Quand on leur accorde une bâche
séparée,on attache une grande importance à
graduer la température en chauffant plus ou
moins selon le besoin. On donne en commen-
çant de 8 à 10 degrés qu'on porte successive-
ment à 12, puis à 15 quand les pois entrent
en fleurs, ou enfin à 1 8 et 20 degrés quand les
cosses commencent à s'emplir; ce procédé
rend la végétation di s pois très rapide ; les ar-
rosages doivent être donnés en proportion de
l'élévation de la température.
On force exactement de la même manière
les fèves de marais; elles ne produisent pres-
que rien si, au moment de la floraison, l'on
n'a pas soin d'enlever les sommités pour forcer mousseron {fig. 317), ressemblent, à s'y raé-
les fleurs inférieures à nouer. 317, 317 lu.
La meilleure de toutes les variétés de fèves
Jour la culture forcée est la fève en éventail,
ont le grain ne grossit pas et dont la plante
reste toujours basse, en donnait deux ou plu-
sieurs tiges latérales.

§ IV. — Champignons.

La culture du champignon, à l'exception


des environs de Paris et de quelques grandes
villes, est très peu pratiquée en France; elle
offre cependant de très grands avantages au prendre, à des espèces tri s dangereuses; il

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HTftE iv. CULTURE FORCÉE DES ÉCLTAUX COMESTIBLES. 2ÏÛ
pas moins vrai que les eebs {fig.ZXl 6w)etles sorti , et qui doit donner naissance à ses suc
oronges , si communs dans le midi , où tout le cesseurs.
monde en mange impunément, sont mortels Il faut aux couches à champignons très peu
sous le climat de Pans. Pour n'en citer qu'un d'humidité et une température aussi égale que
exemple trop célèbre, nous rappellerons la mort possible, qui ne doit pas dépasser 12 degrés
funeste du cardinal (aprara, légat du Saint- centigr. , ni descendre au-dessous de 10 degrés.
Siège pour le Concordat sous l'empire. Ce pré- Les Anglais attachent beaucoup d'importance
lat ramassa des oronges dans le uois de Vin- à la culture des champignons, pratiquée chez eux
cennes; en dépit de toutes les représentations, sur une très grande échelle. Nous croyons utile
il voulut absolument les manger, disant que de faire connaître quelques uns des procédés
les Français laissaient perdre, par préjugé, les recommandés par les horticulteurs les plus dis-
mels les plus délicats en mourut ainsi que
; il , tingues de cette nation pour la production ar-
le cuisinier italien qui les avaitapprêtés ; mais tilicielle et la conservation du blanc de cham-
tout danger disparaît en s'en tenani aux cham- pignon.
pignons de couches, car les couches ne peuvent M. Nicol recommande un procédé usité long-
produire que des champignons comestibles, et temps avant lui par Miller, ci consigné dans
aucune autre espèce ne saurait y croître. Les son Dictionnaire du jardinage; il consiste à
champignons cultivés sont exempts de toute former les couches, moitié de pur crottin de
espèce de danger, pourvu qu'ils soient cueillis cheval, moitié de terre légère, par lits de 0«\ tO
et employés frais, c'est-à-dire avant que leur à 0 m ,l 5 d'épaisseur, sans y mettre le blanc les ;

chapeau ne se soit étalé, et tandis que les bords couches se transforment elles-mêmes en une
en sont encore repliés en dedans ; il n'y a donc masse de blanc, et donnent une année entière,
aucune comparaison à faire entre les champi- quelquefois même d< ux ans de suite; mais elles
gnons sauvages et les champignons cultivés. sont lentes à produire, et il faut les attendre
Les premiers n'ont sur les autres qu'un seul plusieurs mois. On n'obtiendrait aucun résultat
avantage, immense, à la vérité, aux yeux de si on
y employait du crottin d'animaux nourris
bien des gens ils ne coûtent que la peine de
: au vert il ne viendrait pas de champignons.
;

les ramasser ; mais, d'une part, ils ne donnent M. Nicol affirme avoir appris celle particula-
on tout que pendant 4 ou 5 semaines par an; de rité à s>-s dépens.
l'autre , ils peuvent être mêles à des champi- M. Wales emploie un mélange dedeux parties
gnons nuisibles ; les autres sont tous bons et de fumier de vaches, une partie de feinter de
donnent toute l'année. mouton et une de fumier de cheval. Ces sub-
Dans plusieurs grandes villes, entre autres stances, exactement divisées et passées à la
à Nantes (Loire -Inférieure), les accidents cau- claie, sont mises en tas de forme conique dans
sés par les mauvais champignons étaient de- un lieu sec d'une température de 10 a 12 de-
venus si fréquents depuis quelques années, que grés; le blanc s'y met quelquefois en trois se-
l'autorité a dû préposer un pharmacien à leur maines; quelqueiois, surtout pendant l'hiver,
inspection, opération longue et délicate, qui il se fait attendre deux mois et demi. Le blanc

malgré toute l'expérience de l'inspecteur, peut ainsi obtenu est supérieur à celui qu'onramasse
encore laisser échapper quelques champignons au pied des champignons sauvages, ou sur les
vénéneux. couches épuisées. Le temps le plus convenable
pour cette préparation est le mois de mars,
Détails de euhure.
avant que les animaux n'aient commencé à re-
Les couches disposées comme nous l'avons cevoir une partie de leur ration en fourrage
indiqué (voir Couches) ont surtout besoin
, vert.
d'être tenues à l'abri du contact de l'air et de M. Mac Phail construit des briques analo-
la lumière. Des celliers parfaitement obscurs, gues pour la forme et le volume aux briques à
de grandes caves très saines, ou d'anciennes bâtir, en se servant d'un mélange de fumier
carrières abandonnées, exemptes d'humidité, de vache, de mouton et de cheval, par parties
sont les emplacements les plus convenables pour égales, avec une partie de feuilles de fougère
cette culture. sèche brisée, et une quantité d'eau suffisante
L'obstacle principal , loin de Paris, consiste pour donner au mélange la consistance voulue.
dans la cherté du blanc de champignon, et Les briques étant façonnées, on pratique dans
dans la de s'en procurer de bonne
difficulté chacune d'elles un trou dans lequel on place
qualité. Nous avons décrit le procédé que M. Pi- un fragment de blanc de champignon qu'on re-
rolle donne comme le tenant du hasard on peut ; couvre avec le morceau enlevé pour faire le trou;
toujours faire prendre ainsi le blanc naturelle- les briques sont ensuite placées en tas, mais de
ment à de l>on fumier de cheval , d'âne ou de manière à laisser entre elles un peu d'espace
mulet, et en obtenir d'excellents champignons pour la circulation de l'air; en peu de temps,
en abondance. On doit apporter beaucoup de chaque brique devient une masse de blanc qu on
soin dans la cueillette des champignons sur la peut employer aussitôt pour garnir des couches
couche ; on est certain d'arrêter la production a champignons.
si l'on ne sait pas détacher légèrement le pied Quoique cette singulière substance soit fort
du champignon, en le faisant tourner sur lui- délicate de sa nature, et qu'un rien la fasse
même, sans déranger le blanc duquel il est périr, néanmoins clic peut conserver pendant
Moaricti.itci. T. V. - 34

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HORTICULTURE. LIVRE VJ1I.

plusieurs années son énergie productive, pourvu donne aux champignons. On pourrait employer
qu'on en réserve dans un lieu bien
la tienne les germes (ihreux ramassés au pied des mo
mégarde, dit Miller, près
sec. J'avais laissé par rilles sauvages pendant le mois de juin. V En-

du fourneau de ma serre, une grande quantité cyclopédie d'horticulture de Loudon cite, mais
de blanc de champignons; il y était devenu sans aucun détail, un jardinier, Ht. Lightfoot,
tellement sec que je le regardais comme en- qui aurait obtenu des morilles de semences; les
tièrement perdu j'essayai de m'en servir ; je
;
morilles n'ont point de semences ; peut-être en
le irouvai plus productif que tout autre. pourrait-on semer des fragments ; ce serait en-
Les hortii ulieurs allcniHnds ont emprunté richir nos jardins d'un produit toujours cher,
des Russes l'usage de faire venir en hiver des et justement recherché.
champignons en serre chaude. On utilise à cet
effet les places obscures et libres dans la serre, Section II. — Légumes -racines et salades.
sans nuire au coup d'œil. On y dispose sur des
dressoirs des caisses longues et profondes; du Cette partie de la culture forcée des végé-
reste, le procédé de culture et la couche pour taux comestibles est très négligée en France
obtenir des champignons sont les mêmes qu'en bien que peu de jardiniers s'en occupent sé-
France. Quelquefois, en Angleterre et en Alle- rieusement ; et pourtant, ceux qui s'y livrent
magne, on consacre à la culture des champi- aux environs de Paris, obtiennent des légumes-
gnons un local construit exclusivement pour racines forcés, en hiver, un prix très avanta-
cette destination ; outre les couches posées à geux ; on ne force guère, aux environs de Paris,
terre, il en contient un grand nombre d'autres que deux légumes-racines, la pomme de terre
sur des dressoirs, par étages (voir Serre à et la carotte.
forcer, fig. 158, page 39).
Champignon effilé (agaric** attenuatus). — $ I". — Pomme de terre.

Ce champignon d'un goût presque aussi agréa


, - On doit préférer, pour culture forcée, la
la

bleque le champignon comestible ordinaire, est marjolin, ou l'une des variétés les plus précoces
supporté par un pédoncule long et mince au- des pommes de terre jardinières. On les planic
quel il doit son nom. Les champs cultivés, spé- séparément, vers le milieu de janvier, dans des
cialement ceux qui ont reçu leur fumure l'année Kots remplis au tiers de leur hauteur avec de
précédente, en sont littéralement couverts onne terre légère ; puis on achève de remplir
après la moisson, en Bretagne et dans tout les pots jusqu à ce que les tubercules soient

l'ouest de la France, où on le connaît sous le seulement recouverts de quelques centimètres


nom très impropre de petit potiron; nous de la même terre. Ces pots sont placés soit dans
n'avons jamais vu qu'il ail donné lieu à aucun une couche chaude, soit sur des dressoirs, dans
accident. On peut l'obtenir artificiellement par une serre à forcer. A la fin de fev rier, les pom-
un moyen très simple; il consiste à enterrer à mes de terre qu'on a eu soin d'arroser modé-
quelques centimètres de profondeur, dans une rément selon le besoin, sont levées en motte,
situation horizontale, en terre légère, des ron- et transplantées dans une couche préparée
delles de bois vert de peuplier, depuis la fin comme pour forcer l'asperge ; on les met en
d'août jusqu'au milieu du mois d'octobre. Si le place à 0 n>,30 de distance, en tout sens; il feot
temps était excessivement sec, il faudrait ar- avoir soin de leur donner de l'air aussi souvent
roser légèrement. que la température le permet. Les tubercules
Morille (fig. 318).— On n'en a point essayé la sont bons a récoher eu mars et avril ; ils suc-
cèdent à ceux qu'on obtient des pommes de
Fig. 318.
terre profondément enterrées, pour les empê-
cher de végéter au printemps, puis déterrées et
plantées en pleine terre à l'air libre, vers la lin
de juillet (coi'r Pommede terre, culture natu-
relle, page 232).
Le procédé suivant peut être pratiqué à peu
de frais par ceux qui cultivent d'autres pri-
meurs dans une bâche ou une serre à forcer.
Une pousse de pomme de terre détachée du tu-
bercule est plantée au fond d'un pot de grandes
dimensions, aux trois quarts vide, dans une
bonne terre légère de jardin, convenablement
arrosée.A mesure que la plante s'allonge, on
remet de temps en temps de nouvelle terre dans
le pot, jusqu'à ce qu'il soit plein, en laissant
dehors seulement l'extrémité supérieure de la
plante. Ce procédé réussit particulièrement
culture, quoiqu'elle offre tout autant de chances quand les pommes de terre ainsi cultivées sont
de succès que celle des champignons nous ne placées dans une serre spacieuse à forcer des
;

pouvons qu'engager les amateurs à des essais arbres à fruits, parce que les plantes ont besoin
sur couche, avec plus d'humidité qu'on n'en de beaucoup d'air quand elles sont en pleine

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TITRE IV. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 267

végétation. En renouvelant successivement les pomme de terre; il suffit de les garantir de la


plantations, on peut jouir des produits pendant gelée. En commençant de très bonne heure la
tout l'hiver, du 15 janvier au 15 mars. culture forcée de la'capucine tubéreuse, au plus
Il arrive assez souvent, quand on conserve tard vers la fin de janvier, on est à peu près
des pommes de terre dans du sable frais, qu'elles sûr d'avoir des fleurs au milieu de Tété ; ces
s'y enracinent, et donnent naissance à de pe- fleurs ont dans ce cas toutes les chances pour
tits tubercules qui sont quelquefois vendus donner des graines fertiles dont on peut espérer
comme des produits de la culture forcée; c'est des variétés, comme on en a obtenu en si grand
une fraude difficile à reconnaître. Les petites nombre de la pomme de terre.
pommes de terre ainsi obtenues ne valent rien, M. Hamon, jardinier en chef du Jardin des
et ne sont mangeables qu'autant qu'on les em- plantes de Lyon, qui s'est particulièrement oc-
ploieimmédiatement ; elles ne peuvent se con- cupé en dernier lieu de la culture du iropœlum
server au-delà de quelques jours. tuberosum % regarde cette plante comme très

$ II. — Carotte.
facile à cultiver, très productive, très propre
à rendre d'importants services, soit dans la
On sème sur couche tiède à la
les carottes grande culture, soit dans la culture jardinière.
fin de décembre, en ménageant la chaleur dans On objecte, dit M. Hamon. que c'est une plante
les premiers temps pour la porter successive- des régions intertropicales; mais il en est de
ment de 10 à 18 degrés. On éclaircit de très même de la pomme ae terre et du haricot, que
bonne heure, et l'on entretient une humidité cependant nos paysans et nos jardiniers ne
suffisante en donnant de l'air de temps en songent point à abandonner.
temps. Les carottes ainsi traitées ne sont pas
destinées à devenir plus grosses que le petit $ IV. — Batate.
doigt ; elles se vendent à cet étal à des prix tel- Nous adoptons ce nom traduit de l'espagnol
lement avantageux, que peu d'autres cultures (batatas); les Espagnols l'avaient emprunté à
forcées sont plus profitables. En semant suc- la langue des naturels de l'Amérique méridio-
cessivement à quatre reprises diflérentes, à dix nale. On désigne si souvent sous le nom de
jours d'intervalle, on prolonge la récolte des patate la pomme de terre et ses variétés, qu'il
carottes forcées jusqu'à celle des premières nous a semblé nécessaire d'appliquer exclusive-
carottes précoces de pleine terre. La carotte ment le nom de batate au tubercule du convol-
toupie de Hollande est celle de toutes qui se vulus balatas.
prête le mieux à la culture forcée. La destinée de cette plante est assez remar-
On peut forcer exactement de la même ma- quable. Introduite en Europe depuis plus de
nière des panais qui se mangent très jeunes, trois siècles, elle y a d'abord joui a'une grande
comme les carottes , des radis et des petites réputation comme objet de gastronomie ; on lui
raves. Pour les radis, on couvre la couche, non attribuait, en outre, des propriétés médicales
pas avec du terreau, mais avec de bon n terre •
imaginaires. Tombée depuis dans l'oubli, la
de jardin, plutôt forte que légère; le petit radis batate, dont la saveur est agréable quoiqu'elle
rose, et le rose demi-long de Metz sont les meil- soit un peu trop sucrée au goût de quelques per-
leurs pour la culture forcée. sonnes, commence à être accueillie avec un peu
plus de faveur; cependant, la consommation
J III. - Capucine tubéreuse (tropœlum tubeivsum).
de ses tubercules fait peu de progrès et ne sem-
La culture de ce tubercule se commence sur ble pas destinée à devenir jamais fort étendue,
couche ets'achève en pleine terre il n'aurait ; au moins sous le climat de Paris. La batate
pas le temps de se former sous le climat de peut donner, par la culture forcée, des tuber-
Paris si l'on ne hâtait sur couche tiède la vé- cules bons à être cueillis depuis le 15 juin jus-
gétation de la plante, afin d'en obtenir des qu'à l'entrée de l'hiver.
pousses nombreuses dont chacune peut deve- Pour obtenir des bâtâtes de primeur, il faut
nir une bouture qu'on repique en place, à commencer à forcer la plante sur couche tiède
bonne exposition, dès que les gelées ne sont dès la fin de février; on continue les plantations
plus à craindre. Les tiges doivent être buttées de quinze en quinze jours, jusqu'à la fin d'avril.
a plusieurs reprises, à mesure qu'elles s'allon- On recouvre de 0 m ,04 ou 0m,05 de bon terreau
gent ; elles donnent par ce procédé un grand une couche tiède ordinaire, sur laquelle on
nombre de tubercules. Leur saveur est forte et pose les tubercules à plat, très près les uns des
piquante, accompagnée d'une odeur musquée autres, en ayant soin toutefois qu'ils ne se
qui ne plaît pas en général aux palais euro- touchent pas; on couvre ensuite de 0 m ,06 à
péens; cependant, plusieurs peuples de l'Amé- 0 m ,08 de terreau les tubercules ainsi disposés,
rique du Sud font de ces tubercules leur nour- lis ne tardent pas à émettre une multitude de
riture habituelle; on sait d'ailleurs combien les jets dont chacun est déjà garni de racines qui
végétaux alimentaires peuvent être profondé- lui sont propres, moins de quinze jours après
ment modifiés par la culture. Les tubercules de qu'ils ont dépassé le niveau de la couche; ces
la capucine tubéreuse ont sur tous les autres jets sont traitéscomme du plant enraciné. Si la
tubercules alimentaires l'avantage de se con- saison est assez avancée pour qu'il soit possible
server d'une année à l'autre, sans s'altérer, sans de les mettre en place en plein air, dans une
se flétrir, et de ne point germer comme la plate -bande bien exposée, on leur donne depuis

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268 IJ0UT1C JLlUît. LIVRE VIII,

0'«,50 jusqu'à 0°',80 d'espace en tout sens, se- rejoignent celles des salades de pleine terre. La
lon le volume que doivent acquérir les plantes laitue crêpe et la romaine verte sont les meil-
et leurs tubercules, volume très variable d'une leures pour la culture forcée; elles ont cela de
espèce à l'autre. Un large espacement est tou- particulier qu'elles parviennent à toute leur
jours nécessaire à la batatc pour pouvoir butter grosseur sans avoir jamais reçu d'air, à aucune
les rameaux qui courent dans toutes les direc- époque de leur existence aussi ce procédé est-il*,

tions sur le sol. opération qui se fait àdeux ou nommé par les jardiniers culture à l'étouffée.
trois reprises différentes.Les produits, dans ce
cas, sont beaucoup plus abondants que quand Section III. — Planta à fruitt comestibles.
les pieds sont plantes très près les uns des au-
tres, et que les tiges ne sont pas buttées. La nature n'offre à l'homme aucune produc-
Les bâtâtes de primeur, qu'on a commencé tion qui l'emporte sur les fruits comestibles.
de très bonne heure à forcer sur couches, ne Nous avons dit comment on peut prolonger la
peuvent être mises en place que sur couche, jouissance des fruits des arbres par la culture
afin d'y terminer le cours entier de leur végé- forcée (t?oïrCulture forcée des arbres fruitiers) ;
tation ce sont celles qui ont le plus de chances c'est encore aux procédés artificiels qu'il faut
pour donner des fleurs et des graines fertiles. recourir pour obtenir dans toule leur perfection
La batate, au moment où on la transplante, a et dans toutes les saisons de l'année les fruits
besoin d'être garantie contre les rayons solaires des plantes, parmi lesquels se trouvent les deux
par un châssis recouvert d'an paillasson, lors- plus délicieux produits alimentaires du règne
qu'elle est sur couche, et par un abri tempo- végétal, l'ananas des régions tropicales, et la
raire semblable à celui qu on donne en pareil fraise des pays tempérés.
cas aux citrouilles lorsqu'elles sont en pleine
terre ( voir page 236. fig. 309 et 310). La ba-
$ 1
er
. — Ànana».
laie veut beaucoup d'eau à toutes les époques Le de cette plante est sans contestation
fruit
de sa végétation. le meilleur de tous ceux que la nature prodigue
Les tubercules, au moment de la récolle, à l'homme dans les contrées interlropicales.
doivent, si le temps le permet, rester quelque L'horticulture est assez perfectionnée pour per-
temps à l'air et au soleil, pour dissiper une meure d'obtenir ce fruit parfaitement mûr en
partie de leur eau de végéiaiion; ils en sont Europe, quoiqu'il ne puisse être compare avec
plus faciles à conserver. Les tubercules des celui des plantes venues sur leur sol natal. La
balaies de primeur ne se récollent pas lous à la consommation des ananas est fort étendue dans
fois : comme ils ne se développent que succes- les pa\ s riches; bien que la production aug-
sivement, on les met à découvert en écartant mente d'année en année, on ne remarque pas
la terre avec précaution, ei l'on enlève seule- une bai>se de prix considérable; la culture des
ment ceux qui sont bons à être cueillis, ce qui ananas est et sera longtemps encore une des
ne nuit pas au développement ultérieur de ceux plus productives aux environs des grandes
qui restent. villes.
On conserve tubercules de batate dans
les L'ananas, étant originaire des contrées les
du sable fin ou dans de la terre bien, sèche plus chaudes de l'ancien et du nouveau conti-
passée au crible ; il est bon que la température nent, exige en Europe un plus haut degré de
du lieu où on les garde se maintienne le plus chaleur artificielle que toute autre plante cul-
également possible à 8 ou 10 degrés; moins tivée pour ses fruits. Cette circonstance a donne
mieux les balaies se conservent.
elle varie, lieu à une erreur encore trop généralement ac-
Dans le midi de la France et dans quelques créditée, qui fait regarder l'ananas comme une
parties de l'Italie, particulièrement en Toscane, plante délicate et difficile à cultiver. Il n'y a
la balaie commence à prendre rang parmi les pas longtemps encore, il ne fallait pas parler
végétaux de grande culture pour la nourriture en France de culltver l'ananas sans avoir, sinon
des hommes et celle des animaux. (Pour la une serre cliaude, au moins une bâche con-
culture en grand de la batate dans les pays struite et chauffée à grands frais pour ce seul
méridionaux de l'Europe, voir Journal d'agri- objet. Aujourd'hui, tout horticuluur sait que
culture pratique, t. V, p 217.) ce fruit incomparable n'a nullement besoin
du secours d'un foyer pour crois rc et mûrir;
$ V. - Salad. ».
une couche chaude avec une bonne tannée
Si l'on se reporte a ce que nous avons dit lui suf lit L'ananas, pour parvenir à parfaite
.

(
page 219 ) de la culture naturelle des salades maturité, n'est pas plus difficile à élever que
qui se commence sur couche sous cloche ou châs- le concombre de primeur, dit un auteur an-
sis,pour se terminer en pleine terre à l'air libre, glais; il est moins sujet aux atlaques des in-
on verra que nous avons peu de chose à ajou- sectes que le pêcher ; les insectes, lorsqu'ils l'at-

ter relativement à leur culture forcée. En effet, taquent, lui font moins de tort que les chenilles
il de semer et de reniquer d'assez bonne
suffit n'en font au hou, le plus commun de nos lé-
«

heure en octobre et novembre, pour que le plant gumes ; ses chances de destruction sont donc
mis en place sous cloche ou sous châssis, sur excessivement réduites, et sa culture, bien di-
couche tiède, y termine sa croissance avant le rigée, réussit constamment. Parmi les espèces
printemps, et donne des salades dont lesrécokcs les plus avantageuses à cultiver, les plus pre-

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titre iv. CULTURE FORCEE DES V ÊCÊTAUX COMESTIBLES. 269

coces sonl colles que les Anglais nomment la mais les fruits sont d'une qualité inférieure,
reine, et la reine moscovite, peu connues en soit pour le goût, soit pour le volume. Les An-
France, où on leur préfère comme hâtif l'ana- glais commettent la faute contraire, en don-
nas de Oyennc
sans épines; pour le volume, nant aux ananas une terre trop forte; les
il de la Trinité et le vio-
faut choisir l'ananas plantes y prennent une vigueur excessive qui
let «l'A ntigoa
; lorsqu'on tient plus à la gros- tourne presque toute au profit des feuilles, et
seur qu'il Ta finesse du fruit, c'est l'ananas d'O- retarde la fructification. Aussi, Speechly, celui
laïti et le blanc de la Providence qui doivent de tous les auteurs anglais qui s'est le plus
iire préférés enfin, si l'on ne cultive qu'une
*, spécialement occupé de la culture des ananas,
espèce pour la vente, il n'en est pas qui réu- recommande-t-il comme un précepte essentiel
nisse les conditions de volume et de qualité à de proportionner la dose de sable à la nature
nn degré plus parfait que l'ananas violet d'An- de la terre des gazons. Lorsque cette terre est
ligoa; cette espèce et celle que les Anglais un sol léger, le sable est inutile. Toutefois cet
nomment blak-Jamaïca , donnent les ananas habile praticien préfère un sol plutôt trop léger
les meilleurs et les plus parfumés. que trop fort, parce que, dans une terre de cette
nature, les jeunes plantes peuvent gagner une
A. — Pr/parau'on de la tenv jtour les aiionat.
année sur le temps nécessaire à leur fructifica-
On forme un mélange intimement incorpore tion.
de deux parties de terre normale; une partie
de terre ae bruyère, une partie de terreau et
n. — Choix du plant.

une partie de fumier gras. Ce compost doit L'ananas produit rarement en Europe des
être tenu à l'abri et préparé six mois d'avance; semences assez mûres pour servir à sa multi-
néanmoins, en cas de presse, on n'est pas in- plication ; mais la nature y a pourvu en don-
dispensablement obligé d'attendre aussi long- nant à cette plante, outre un grand nombre
temps, pourvu que l'on multiplie les façons à d'œilletons qui naissent du bas de la tige, une
la bêche. touffe de feuilles surmontant le fruit, et sus-
Les Anglais font usage d'un autre mélange ceptible de donner naissance à une plante nou-
moins dispendieux en ce qu'il n exige pas de velle ; cette touffe estconnue des horticulteurs
terre de bruyère que, dans certaines localités, sous le nom de couronne. Les couronnes sont
ou ne peut se procurer qu'à grands frais. aussi bonnes que les œilletons, pourvu qu'on
Au mois d'avril ou de mai, on lève sur une ne plante que celles qui ont une vigueur suffi-
pelouse, dont le sol doit être une terre forte sante; la seule indication qu'on puisse donner
et gazons épais seulement
substantielle, des à cet égard est prise de la base delà couronne,
deO m ,05 à 0'%06; les meilleurs de tous sont nommée talon par les jardiniers; toute cou-
ceux qui reposent sur un sol d'un brun rou- ronne dont le talon n'a pas au moins 0 m ,20 de
geàtre. On les étend, le vert en dessous, dans circonférence doit être rejetée. Les œilletons
une pâture où l'on conduit fréquemment les sont considérés comme d'autant meilleurs qu'ils
moutons, .-.fin qu'ils soient bien pénétrés d'u- se sont formés plus haut sur la tige le long de
rine et mêlés d'excréments. A la fin de l'été, laquelle ils naissent ordinairement l'expérience;

on met en tas tous ces gazons bien hachés avec prouve que ceux qui partent de la naissance
letranchant de la bêche, el incorporés de ma- des racines donnent rarement de bonnes plan-
nière à former un tout bien homogène. Une tes. Lorsqu'on détache la couronne du fruit ou
fois ou deux chaque mois, on retourne les tas, les œilletons de la lige, comme toutes les par-
et on leur donne une façon à la bêche. Au bout ties de l'ananas sont charnues et très succu-
de six mois, la terre ainsi préparée est bonne lentes, le talon du plant est toujours extrême-
à employer; elle n'en vaut que mieux lorsqu'il ment humide; s'il était planté dans cet état, il
est de la laisser vieillir d'une année à
possible ne manquerait pas de pourrir en terre, et ne
l'autre; on doit
se garder de la passer à la pousserait point de racines. Il faut donc, après
claie, elle deviendrait trop compacte. Celte avoir coupé net le bas du plant avec une lame
terre n'est jamais employée pure. Pour les jeu- bien tranchante, laisser ensuite la plaie se ci-
nes plantes, trois parties sont incorporées avec catriser pendant huit jours au moins avant de
une partie de lerreau de feuilles de chêne pour- planter. plant d'ananas supporterait même
Le
ries et une demi- partie de sable grossier; pour un d'un mois et plus. Lorsqu'on veut
délai
les plantes prêtes à donner leur fruit, les pro- former une nouvelle plantation d'ananas, il faut
portions sont trois parties de terre et deux de choisir l'époque de l'année où il s'en consomme
terreau auxquelles on ajoute un vingtième en le plus, soit au cœur de l'été pour les glaces,
volume de suie de cheminée. Ces composts se soit en hiver dans la saison des réunions et des
font toujours plusieurs mois d'avance; ils doi- soirées; on peut alors, en s'entendant avec
vent être travaillés à plusieurs reprises pour se quelques glaciers ou confiseurs, se procurer
trouver parfaitement homogènes au moment à très peu de frais des couronnes; on n en rece-
où l'on a besoin de s'en servir. vra qu'une petite quantité à la fois; mais s'il
Les jardiniers français commettent généra- faut un mois ou deux pour compléter le nom-
lement la faute de donner aux ananas une terre bre qu'on désire, on verra que les premières
trop peu substantielle; ils cueillies ne végéteront pas moins bien que les
y trouvent, à la vérité,
• avantage d'une fructification plus prompte, autres.

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270 HORTICULTURE. Livnç vin.

On do :
t l'intro îuelion dede l'ana-
la culture avoir trop chaud sur la couche, et qu'au-des-
nas en Europe à un horticulieur de Leyde en sous de 25 degrés centigrades il ne peut que
Hollande, M. Le Court, Français d'origine, |
languir.
oui fit venir des Antilles les premiers plants Lorsqu'on n'emploie pas d'autre chaleur que
d'ananas, empaquetés dans de la mousse; il celle du fumier, il est bon de renouveler très
rontinua longtemps à faire ainsi traverser l'At- souvent les réchauds, et d'avoir toujours une
lantique au plam d'ananas, sans qu'il parût en bâche disponible pour le moment où la cou-
souffrir, bien que la navigation d'Amérique en che épuisée doit être démontée et refaite à
Europe fût dans ce temps là beaucoup plus neuf. Il en est de même de In tannée qui ne
lente que de nos jours. garde guère au-delà de trois mois une chaleur
Ses fins amateurs d'ananas qui tiennent à suffisante pour les ananas. On combine le plus
conserver pures leurs variétés, rejettent, comme souvent ces deux moyens en échauffant par la
mélangées de plusieurs espèces qu'on ne peut vapeur la bâche aux ananas, et les tenant plon-
distinguer avant la venue du fruit, les cou- gés d.ms une couche de tan dont la fermenta-
ronnes vendues par les consommateurs; il est tion lente est par elle-même une source de cha-
certain que la reproduction par les œilletons leur. La température de la bâche aux ananas
des plantes dont on a vu le fruit n'est pas su- ne doit jamais tomber au-dessous de 25 degrés
jette à cet inconvénient. la nuit comme le jour; il faut. autant que pos-
sible la maintenir à 30 degrés; la plante sup-
C. — Plantation. porte très bien 10 degrés de plus. Lorsqu'on
L'ananas est une plante triennale qui ne donne peut entretenir celte chaleur dans la bâche au
son fruit que la troisième année, sans cepen- moyen des conduits remplis de pierres échauf-
dant employer trois années révolues pour son fées" par la vapeur, ou de couches de pierres
entier développement. La culture des ananas de sur lesquelles reposent les pots contenant les
variétés très hâtives peut être menée à bien en ananas, la tannée peut être remplacée par de
dix-neuf mois; c'est son terme le plus court; la mousse entassée entre les pots. Sans la diffi-
elle dure ordinairement deux années compre- culté de se procurer partout de la mousse en
nant la seconde tout entière, six mois de la quantité suffisante, la tannée serait supprimée
première et six de la troisième. Les trois épo- presque partout. On a proposé récemment en
3ues de la croissance de l'ananas obligent à Angleterre de substituer au tan le son, et spé-
iviser en trois compartiments l'espace consa- cialement le son d'avoine, 1res abondant en
cré à sa culture. Dans le premier, il est placé, Ecosse, où le gruau d'avoine forme la base de
comme en pépinière, dans des pots ayant 0 ,n 10 , la nourriture d'une grande partie de la popula-
m
à 0",15 de diamètre, eiO'M8 à 0 ,20 de pro- tion. Il n'est pas aouteux que le son en fer-
fondeur ; ces pois ont dans le fond deux ou mentation ne doive produire une chaleur élevée
trois fentes pour l'egouttement de l'eaa; ils et durable, mais il doit être excessivement fa
sont remplis de gros sable à O'-.OS ou 0m,O4 de vorable à la production de toute espèce d'in-
hauteur le reste est occupé par la terre dont
; sectes. Les feuilles de chêne, surtout si on
nous avons donné la composition. L'on y place les ramasse au moment de leur chute, lors-
ro
le plant à 0 ,03 ou 0"\04 de profondeur, en qu'elles n'ont encore subi que peu d'altération,
ayant soin, pour mieux assurer la reprise, de sont à tous égards le meilleur élément de cha-
retrancher toutes les petites feuilles du bas en- leur artificielle pour les couches destinées aux
vironnant le talon. Nous ne saurions trop re- ananas.
commander de bien s'assurer au moment de la
plantation que le talon et les coupures sont
1). — Dt'failt de culture.

parfaitemeut cicatrisés, sans quoi la reprise du Les ananas ne se plantent pas forcément
plant est presque impossible. Il ne faut pas dans des pots ; on peut leur faire passer un an
Idaeer les pots indistinctement dans la bâche ;
dans le terreau de la bâche, ils n'en auront que
es plants les plus forts doivent être mis en plus de vigueur. Les ananas passent d'ordi-
arrière, et les plus faibles sur le devant. Il est naire un an, et jamais moins de 10 mois, dans
avantageux de tenir le vitrage de la bâche aux la bâche pépinière. Il n'est pas nécessaire

ananas de première année aussi bas que possi- d'attendre, comme on le fait pour d'autres cul-
ble, sans qu'il puisse néanmoins loucher aux tures, que la couche récemment établie ait jeté
plantes. son feu; on |;eut y mettre immédiatement les
Les ananas passent sur la seconde division pots d'ananas, eût-elle de 40 à 45 degrés, le
la majeure partie de la seconde année ils ne ; plant ne s'enracinerait que plus facilement.
passent à la troisième que quand ils montrent Après l'avoir légèrement bassiné avec de l'eau
leur fruit. à la température de la bâche , il faut le laisser
Nous l'avons dit. et nous devons le répéter dans un repos parfait, à l'abri de l'air et d'une
Ici-, l'ananas peut croître, prospérer et mûrir trop vive lumière, jusqu'à ce que les feuilles en
parfaitement sur une couche chaude ordinaire; se développant annoncent que les racines soni
elle lui suffit, sans autre chaleur artificielle à formées. L'abondante vapeur humide et chaude
tous les âges de sa croissance; on la fait, pour gui s'exhale de la couche au moment de sa plus
cet usage, aussi chaude que possible, en par- forte fermentation étant concentrée sous le
,

tant de ce principe que l'ananas ne peut jamais vitrage , est singulièrement favorable à la ve-

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TITRE IV. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 271

gétation dos ananas dorant leur premier âge. mesure, ne feraient que retarder la fructifica-
On les arrose ensuite selon le besoin et on leur tion. En Angleterre on se contente, avant de
donne de l'air quand la température du dehors rempoter les plantes de retrancher seulement
,

le permet. Il est bon pendant les nuits d'hi- les racines altérées et vieillies, en conservant
ver de couvrir les vitrages avec des toiles main- soigneusement les nouvelles ; en France , on
tenues par des cylindres alin de pouvoir, au suit généralement la méthode du rempotage à
moyen do deux cordes , les faire descendre ou nu, c'est-à-dire qu'on retranche toutes les ra-
monter à volonté. Les arrosages peuvent cire cines, jeunes ou vieilles, et qu'on laisse à la
donnés avec beaucoup de ménagements pen- force végétative de la plante le soin d'en refaire
dant toute la durée de la culture des ananas, d'autres. Cette pratique ne paraît pas avoir de
pourvu qu'on bassine fréquemment les feuilles, grands inconvénients lorsque du reste la cul-
sans humecte:- la terre, et qu'on eni retienne ture est bien conduite. Au lieu du gravier qu'on
dans l'atmosphère de la bâche une humidité avait dû mettre au fond des premiers pots pour
chaude, indispensable la végétation de cette
ii l'égouttement, il vaut mieux, dans le même
plante.La plupart des auteurs recommandent but, garnir les pots avec des fragments d'os
un arrosage par semaine, en automne et au brisés , par-dessus lesquels on pose les ananas
printemps, et deux par semaine en été; nous dans la terre convenablement préparée. Les
ne connaissons rien de plus défectueux que ces os attirent les racines de l'ananas qui puise une
prescriptions générales chaque niante végète
; alimentation très substantielle dans la décom-
a sa manière ; il fout les surveiller pour leur position lente de la gélatine.
donner à boire selon leur soif et non pas avoir Le même retranchement de la totalité des
des jours d'arrosage pour toutes les plantes racines se répète à chaque rempotage, princi-
altérées ou non. Le principe général que nous palement lorsqu'on a fait passer aux plantes
avo.is posé en parlant des arrosages dans l'oran- une partie de la seconde année en pleine terre,
gerie et les serres, s'applique dans toute sa ri- soit dans la bâche aux ananas, soit en plate-
gueur à la culture des ananas dès que la vé-; bande dans le jardin, sous un vitrage, au pied
gétaiion devient stalionnairc il faut cesser
, d'un mur, à l'exposition du midi. Dans ce der-
d'arroser Les plantes n'ont rien à gagner à In nier cas. les racines sont devenues si longues
prolongation forcée de leur végétation par un qu'il ne faut pas songer à les faire entrer dans
excès de chaleur dans la bâche, il vaut mieux un pot ; il n'est pas non plus possible de les
lui suivre son cours naturel. Les An-
laisser rogner ; la moindre coupure leur est mortelle
glaisdonnent à leurs ananas, dès la reprise de et elles se refont très difficilement; il faut donc
leur végétation au printemps, des arrosages les enlever en totalité. Si l'on disposait d'un
nuiritifs avec un engrais liquide consistant en espace su l'Usant dans une bonne serre chaude ,

colombine mêlée de croit in de daim, délayés il n'est pas douteux qu'on n'obtint des ananas

dans de l'eau. Ce dernier article indique assez beaucoup plus beaux et meilleurs en leur lais-
que le plus grand nombre des cultures d'ananas sant achever en pleine terre la dernière année
en Angleterre est eiabli chez, les très grands de leur végélaiion. Nous avons vu pratiquer
seigneurs, dont les parcs sont peuplés de daims. ce procède en Belgique, avec le plus grand
En France , le crottin de chèvre ou de mouton succès.
peut parfaitement s'unir à la colombine dé- L'ananas a pour ennemi principal une sorte
layée dans l'eau, pour former un excellent en- de punaise blanchâtre, que les jardiniers nom-
grais liquide à l'usage des ananas. ÎSos jardi- ment peu. Miller dit que cet insecte, inconnu
niers se garderaient bien, pour la plupart de , dans les serres à l'époque où les ananas furent
nourrir aussi fortement'leurs plantes ; elles en importés pour la première fois en Europe, y
seraient trop retardées; aussi jamais, ou bien est venu avec les premiers plants d'ananas ap-
rarement, voyons-nous sur nos tables ces ma- portés d'Amérique en Hollande. L'infusion de
gnifiques ananas que savent faire croître les tabac est le meilleur moyen de s'en débarras-
horticulteurs anglais qui n'en récollent presque ser. Daas ce cas, on dépote les plantes, on se-
aucun, quelle que soit l'espèce avant la troi-
, coue le terreau adhérent aux racines, on rat-
sième année. tache les feuilles ensemble , mais sans les pres-
De toutes les opérations de la culture de l'a- ser, et l'on plonge le tout dans un baquet plein
nanas, la plus importante pour arriver à un de cette infusion. A la température de 30 à 3à
l'on résultat est celle du rempotage. L'ananas degrés, elles peuvent y séjourner sans incon-
partage avec quelques autres végétaux la fa- vénient pendant 8 à 10 minutes. On les sus-
culté de remplacer chaque année par de nou- pend ensuite la tête en bas, pour les laisser
velles racines celles de l'année précédente, qui i egoutter; puis on les replante, elles insectes
Crissent d'elles-mêmes à mesure que les autres sont ordinairement détruits. Bien peu de nos
ir succèdent. Lorsque l'ananas a rempli de plantes de serre les plus vigoureuses résiste-
ses racines le premier pot dans lequel il a été raient à une pareille opération; l'ananas ne
planté, sa croissance serait entravée si on ne parait pas en souffrir tant qu'il n'a pas encore
se bâtait de lui donner un pot plus grand montre son fruit.
;

toutefois il ne faut pas dans l'opération du rem- Quand le fruitde l'ananas est cueilli, la cul-
potage, loi donner un pot de trop grandes di- ture de la plante n'est pas encore entièrement
mensions; les racines, en se développant outre terminée 5 il faut, si l'on veut en obtenir du

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272 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

plant de bonne qualité, relrancher lous les la cultnre des ananas 3C0 fr. On peut ne pns
,

œilletons à l'exception de deux ou trois, cou-


,
tenir compte du plant qu'on se réserve ordinai-
per la tige au-dessus du dernier œilleton , et rement dans la vente des fruits; d'ailleurs cette
donner quelques arrosages; en peu de temps le culture une fois établie, on a toujours des œil-
plant est bon à êire employé. Cette dernière letons à jeter. Les pots, dont il faut trois assor-
opération est très importante, car elle pout faire timents au moins, la colombine, qu'on n'a pas
gagner plusieurs mois à la fructification des toujours gratuitement, la terre d'ananas, le tan
ananas. ou la mousse, et d'autres menues dépenses de
peuvent s'élever ensemble à environ
E. — Frai* et prmluitt.
détail,
60 fr.

PUAIS. Le
jardinier qui n'aurait toute l'année que
ses ananas à soigner, se croiserait les bras les
Les frais de cette culture sont presque tou- trois quarts du temps, mais il lui faudrait des
jours fort élevés, en raison du temps et du lo- aides à l'époque des plantations et à celle des
cal qu'il faut lui consacrer. Nous avons dit que rempotages. Nous croyons être fort près de la
les ananas exigeaient trois compartiments, réalité en admettant que le cours complet de la
l'un pour la bâche-pépinière, l'autre pour les culture des ananas, telle que nous la supposons,
plantes de seconde année, le troisième pour demande 80 journées entières, prises par frac-
les plantes à fruit. Comme chaque année les tions, et valant, à raison de 3 fr. par jour,
plantes acquièrent un volume plus considé- 240 fr.
rable, la seconde bâche doit être plus grande Il faut ajouter à ces diverses dépenses l'en-
que la première, et la troisième plus grande tretien et le loyer des bâches, ainsi que l'inté-
que ta seconde, non toutefois dans les propor- rêt des 400 francs dépensés pour établir les
tionsque les ananas rendraient nécessaires, s'ils tliermosiphons, dont nous ne comptons pas les
croissaient tous de la même manière ; mais lors frais d'entretien , parce qu'ils n'ont presque
même qu'on ne cultive qu'une seule espèce, les jamais besoin de réparations.
œilletons n'ayant pas tous la même vigueur Toutes ces dépenses réunies donnent les chif-
végètent fort Inégalement; c'est un avantage fres suivants :

pour le jardinier qui pourrait être embarras-^


3G0 f
d'un trop grand nombre de fruits à vendre à (^urrase
Main-d'œuvre 910
la fois, et n'aurait dans ce cas d'autre ressource
,

Frais diver* «O
que de les retarder en abaissant la température Lojer 300
àet serres
de la troisième bâche, ce qui non -seulement IniérëH du prix du llicrmosiplioi» •»•••• 20
nuit à la qualité du fruit, mais encore peut en
faire perdre une partie Heureusementces fruits Tôt» t.
précieux viennent l'un après l'autre, de sorte
PRODUITS,
que le local n'a pas besoin de correspondre
exactement pour la 3' année au volume des 430 à 3 fr. la pièce 8,t50

plantes faites, comparé à celui des œilletons


Différence, ou i.iTdbénéfice ne! . .

récemment plantés.
Nous supposerons en premier lieu que la Chaque ananas obtenu par ce procédé re-
culture des ananas est conduite par le moyen vient à un peu moins de 2 francs 18 centimes.
du thermosiphon, et que la bâche-pépinière Le total du capital employé, en supposant les
ayant à l'intérieur un développement de 10 mè- bâches construites exprès, se trouve, par ap-
tres de long sur 3 mètres de large, peut recevoir à proximation, de 5,000 francs; il a donc pro-
l'aise 450 ananas. Le local pourra consister, duit un intérêt de 25 fr. 40 cent, pour cent
soit en trois bâches séparées, soit en une seule en deux ans, ou 12 fr. 70 cent, par année.
construction à trois compartiments, isolés par D'après la manière ordinaire de compter, ce
des cloisons vitrées. Dans le premier cas, la se- bénéfice de 12 fr. 70 cent, pour cent étant con-
conde bâche aura 13 mètres de long et la troi- sidéré comme le salaire du travail du produc-
sième 18 mètres ; dans le deuxième cas, l'en- teur, le prix des journées devrait être retran-
semble des trois compartiments aura un déve- ché de la somme des dépenses, ce qui porterait
loppement de 39 mètres de long, la largeur étant le bénéfice à 1,510 fr., soit 15 fr. 10 cent, pour
toujours de 3 mètres cent d'intérêt annuel du capital.
Deux thermosiphons semblables à celui dont Mais ce bénéfice est en réalité beaucoup
,

nous avons donne la description {voir Chaleur plus considérable, soit parce que les ananas les
artificielle, Thermosiphon i , sufliseni pour plus beaux et les plus précoces sont vendus de
chauffer un semblable local. Deux foyers, brû- 10 à 15 francs et quelquefois davantage, soit
lant enmoyenne pour 40 c. de tourbe par jour, Karce que, indépendamment des ananas,
les

peuvent coûter, a 80 c. par jour pendant six âches contiennent des fraisiers ou des fleurs
mois, 144 fr. , mais comme on ne peut pas se forcées en pots placés sur des dressoirs, dont
procurer partout de la tourbe, et que tout autre les produits obtenus presque sans frais parti-
combustible est d'un prix beaucoup plus élevé, culiers viennent en déduction des frais de cul-
cette dépense sera presque partout de 180 fr. ture des ananas. , .

par an, et pour deux ans , durée ordinaire de Lorsqu'on chauffe les bâches par le procède

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TirnE iv. CULTURE FORCÉE DES VÊCÊTAUX COMESTIBLES. 273
économique de vapeur combinée avec l'em-
la doit pas acheter le fumier ; dans ce cas, la dé-
ploi des pierres concassées recouvertes de pense se réduit presque à rien, puisqu'il n'y a
mousse, les frais d'établissement sont à peu de déboursés réels en argent que le capital des
près les mêmes que ceux du tbermosiphon ; châssis vitrés, et 5 francs de menus frais.
mais comme on n'a besoin que d'un seul foyer, Ajoutons qu'il en est de l'amateur comme du
et qu'on l'allume plus rarement que les deux jardinier de profession lorsqu'il continue sa
foyers du ihermosiphon dans l'exemple précé- culture ; les frais pour les années qui suivent
dent, on trouve sur le ebauffage une économie les deux premières vont en décroissant, et les
de 200 francs, et sur la main-d'œuvre, pour la produits peuvent aisément être doublés; les
même raison, une réduction de 60 francs, ce prix que nous donnons sont d'ailleurs ceux
totale à 720 francs au lieu de Paris, beaucoup trop élevés pour les dépar-
Sut porte la dépense
e 980, la recette restant la même dans ce ; tements.
cas, le bénéfice net setrouve porté à 1,530 fr. Oue l'amateur d'horticulture peu favorisé
Ilne faut pas oublier que ces chiffres sont de la fortune ne dédaigne point, quand il est
de simples approximations ; la culture de l'a- placé près d'une grande ville, la riche culture
nanas, une fois en train, il s'établit un roule- de quelques bâches d'ananas. Ce travail, qui
mont qui ne laisse jamais vide aucun des trois ne sera pour lui qu'un délassement, lui per-
compartiments, de telle sorte que, si le pre- mettra de peupler sa serre des plus belles
mier contient 450 ananas, il peut, dans le Elantes exotiques, sans grossir son modeste
cours d'une année, en fournir aux bâches sui- udget.
vantes trois ou quatre fois autant jardinier,
après la première période
;

de sa culture, c'est-
le
§ II. — Fraisier.

à-dire dès la troisième année, aura presque La


généralement estimée que le
fraise est si
toujours des ananas à vendre ; il en vendra soin de l'obtenir hors du temps où elle peut
plus ou moins, selon son habileté à les faire être récoltée en pleine terre, lait partie essen-
croître et la qualité des espèces cultivées dans tielle de la besogne du jardinier qui s'occupe
ses bâches; mais il n'y a pas d'exagération à de culture forcée; on récolle les dernières frai-
admettre que sa troisième bûche se videra au ses à l'air libre, en octobre; celles de Tannée
moins deux fois dans le cours d'une année, et suivante ne sont mûres qu'au mois de juin ;
Îu'en réalité, il aura vendu par an, non pas c'est durant cet intervalle que la fraise doit
50, mais 900 ou 1,000 ananas. Sans doute, il être forcée. L'opération dure de 60 à 70 jours,
faut tenir compte du chapitre des accidents, depuis le moment où les fraisiers entrent dans
quoique cette culture bien conduite en ait réel- la serre, jusqu'à la récolte des premiers fruits.
lement fort peu à redouter. On peut, à fa rigueur, commencer à forcer le
Nous avons choisi le compte d'une culture fraisier dès le 15 octobre, mais le succès est
d'ananas durant la première période de deux très aventuré; rarement on obtient de très
ans, pour montrer les dépenses qu'elle néces- bons résultais de la culture forcée du fraisier,
site; mais, pour les périodes subséquentes, les lorsqu'on commence avant le mois de janvier ;
produits sont nécessairement beaucoup plus plus on commence près de l'équinoxe de prin-
devés que pour la première. temps, plus les produits sont abondants et
Mous donnerons, en faveur des amateurs qui délicats; on doit être approvisionné de frai-
ne disposent que de ressources limitées, le prix siers mis d'avance en pots et prêts à être for-
de revient de 40 ananas, nombre bien suffisant cés, pour pouvoir regarnir la serre de vingt en
pour la consommation d'un ménage, et qu'on vingt jours, jusqu'au 15 mars. Les fraisiers
peut obtenir parfaitement mûrs au moyen de qu'on commence à forcer en mars sont tou-
la modique dépense de 110 francs répartie jours les plus productifs ; leur fruit est beau-
ainsi qu'il suit; il est bien entendu que la coup meilleur que celui des fraisiers forcés
main-d'œuvre ne doit pas figurer dans ce pendant l'hiver.
compte, le plaisir de cultiver soi-même cette
ambroisie végétale devrait plutôt compter
À. —
Préparation du plant.

parmi les bénéfices de sa culture. Les qu'on se propose de forcer doi-


fraisiers
vent être mis en pots longtemps d'avance ; le
Trois couches chaude* avec leur» réchauds ... 75 1 jardinier qui n'a point à se préoccuper des
Terre, pois, colomhine, ele 5
considérations de temps, d'espace et d'argent,
Iolèrèls des châssis vitrés 30
met tous les ans au printemps dans des pots
Total. 110 de grandeur convenable, des fraisiers qu'il doit
forcer l'hiver suivant; c'est la meilleure mé-
Les couches et leurs réchauds absorbent au thode, c'est-à-dire celle qui donne les produits
moins pour 150 francs de fumier; mais comme, les plus beaux et les plus certains. On choisit
après avoir servi à cet usage, le fumier qui du plant de coulants de l'année précédente,
doit être renouvelé fréquemment a encore au sain et vigoureux; on met de trois à cinq plants
moins la moitié de sa valeur, la dépense se ré- m
dans un pot de 0 ,16 de profondeur surO ,16
œ
doit en effetà 75 francs. de diamètre à sa partie supérieure; la terre
Il arrive très souvent que le propriétaire, s'il dont on remplit les pots doit être la plus fer-
babite la campagne, possède un cheval, et ne tile dont on dispose on la débarrasse avec le
;

ORTIClLTCHt. T. V. — 35
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274 HORTICULTURE. L1VBE VIII.

plus grand soin des vers et des larves d'insectes été forcés se placent en terre, dans une posi-
nuisibles qui peuvent s'y rencontrer. Le plant tion ombragée; en leur donnant les soins né-
veut être attaché à la terre par un bon arro- cessaires, ils peuvent être forcés une seconde
sage au moment de sa mise en pot. On enterre fois et donner l'hiver suivant une seconde ré-

les pots dans une plate-bande bien exposée; on colte aussi abondante que la première.
arrose souvent et largement ; les boutons des
§ III. — Melon.
fleurs sont supprimés ainsi que les coulants à
mesure qu'ils se montrent. Le melon est, que le fait observer
ainsi
Lp jardinier qui doit forcer les fraisiers dans M. Lindley, la seule plante annuelle cultivée
le but" d'en vendre les produits ne met le plant dans les jar.Jins qui donne un fruit mangeable
en not qu'au mois de juillet ou d'août, soit etmême assez bon. à l'étal sauvage, c'est-à-
qu'il se serve de plant de coulants de l'année, diretel qu'il croit dans son pays natal (Asie-

mit qu'il mette en pot des fraisiers de deux ans Mineure), sans avoir été modifié par la culture.
qui ont déjà porté une récolte; dans les deux Par compensation, le melon est de toutes les
cas, le résultat est à peu près le même. Lors- plantes de sa tribu (cucurbitarées) celle qui
que saison de forcer est commencée, le
la eroit le plus lentement, de quelque manière
plant destiné à être forcé le dernier doit at- qu'on s'y prenne pour hâter sa croissance.
tendre son tour sous châssis, dans une situa- Ainsi le concombre, plante très voisine du me-
tion seulement assez abritée pour qu'il ne souf- lon, bolaniquement parlant, peut donner son
fre pas du froid ; il importe qu il n'ait pas fruit mûr par la culture forcée 50 et même 45
assez chaud oour' entrer prématurément en vé- jours après avoir élé semé ; les melons les plus
gétation. hâtifs, forcés dans les circonstances les plus
favorables mettent toujours au moins de 7â à
B. — Détails de culture.
80 jours avant de donner des fruits mûrs. Mais
Le peut êire forcé à une très haute
fraisier cette durée de la végétation du melon peut
température ; c'est ce qui a lieu lorsque le jar- être de beaucoup augmenlée par l'époque à la-

dinier qui s'adonne particulièrement à la cul- quelle on a commencé leur culture forcée. Le
ture de l'ananas, garnit la serre aux ananas de minimum de 75 jours ne s'obtient que pour les
dressoirs qu'il couvre de pots de fraisiers. Les .melons semés en mars, aux approches de l'é-
fraises ne sont dans ce cas qu'un produit ac- quinoxe, époque à partir de laquelle les jeunes
cessoire, auquel on ne peut, bien entendu, sa- plantes peuvent profiler des longs jours et de
crifier la santé des ananas, considérés comme la vive lumière qui leur auraient manqué en

le produit principal. La plupart des fraisiers hiver. Quand on force des melons à partir de
ainsi chauffés avec excès portent très peu de décembre, il leur faut de 110 à 120 jours pour
fleurs; mais comme leur culture ne cause aussi donner des fruits mûrs si l'on commence à la
;

que très peu de dépense et de peine, on se con- fin de janvier, il faut de 90 à 100 jours. Les
tente du peu de fraises qu'on en obtient. Lors- melons semés à ces deux époques ne valent
qu'on accorde aux fraisiers un local spécial, pas ceux qu'on commence à forcer un mois
ce qu'on doit faire quand on veut en forcer une plus tard, à la fin de février; ils ne les devan-
bonne quantité, il ne faut leur donner en com- cent pas de plus de 8 à 10 jours, mais cette dif-
mençant que 10 degrés; au moment de la flo- férence en donne une très importante sur les
raison, on porte la température à 15 degrés prix. Les melons forcés encore plus tard, du
er
maintenus pendant la formation du fruit. Si 20 mars au 1 juin, sont les meilleurs de tous;
l'on fait marcher de front la culture des frai- mais ne sont pas de grande primeur, parce
ils

siers et celle des ananas, on peut porter dans 3u'ils ne devancent pas d'assez loin les melons
la serre aux ananas les fraisiers dont les fruits e pleine terre.
sont à moitié de leur grosseur: une haute tem- Ainsi que nous l'avons déjà fait observer, on
pérature en accélère la maturité. ne mangerait pas un seul melon mûr en France,
Trois espèces sonf essentiellement propres à excepte sur notre extrême frontière du midi,
la culture forcée leurs produits se succèdent
; si l'on ne hâtait sur couche les melons destinés

dans la serre comme ils se succèdent naturel- à terminer leur croissance en pleine terre. Les
lement en pleine terre à l'air libre, ce sont : procédés que nous avons décrits en traitant de
1° La fraise des Alpes des quatre saisons; la la culture naturelle du melon sont les mêmes
variété dépourvue de coulants (buisson de Gail- pour la culture forcée ; nous n'avons rien à
lon) est la meilleure. ajouter à ce que nous avons dit des méthodes
2° La fraise écarlate ; la meilleure est l'é- de transplantation et de taille du melon. {Voir
carlate de Virginie. culture naturelle, page et suivantes.)
3° La ananas : le gros capron com-
fraisé Pour la culture forcée, les semis en pot sont
mun est le plus avantageux. préférables aux semis à même la couche qui
Les fraisiers forcés doivent être fréquem- exigent plus tard un repiquage en pot, puis une
ment arrosés; on ne doit, lorsqu'ils sont en transplantation. Les jardiniers anglais suivent
fleurs, les arroser qu'au collet de la racine ; constammenteette dernière méthode recomman-
l'eau répandue sur les feuilles et les fleurs di- dée par tous leurs auteurs qui seraient fort
minue sensiblement les produits. Après la ré- embarrassés de la justifier. On enterre les pois
colte, les pots contenant les fraisiers qui ont jusqu'au bord dans la couche; lorsqu'ils onl

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TITIIF. IV. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 275

besoin d'être arrosés, on les bassine avec de avoir des récoltes qui se succèdent sans inter-
l'eau dégourdie dans laquelle on a délayé un ruption, on continue de semer de 15 en 15
peu de colombine en poudre pour activer leur jours, jusqu'au printemps. Plus les jours allon-
végétation. Pendant la première période de leur gent plus on avance vers le beau temps, et
,

croissance, depuis les semis jusqu au moment où plus la végétation des concombres forcés est
le fruit est bien noué, les melons forcés veu- rapide. Les premiers semés ne mettent pas
lent une température de 16 à 18 degrés, et moins de 60 à 70 jours pour donner leur fruit ;
plus tard 18 à 25 degrés, en augmentant pro- les derniers donnent dos fruits bons à être
Sressiveroent jusqu'à l'époque de la maturité cueillismûrs en 40 ou 50 jours.
es fruits ; on ne peut trop recommander de Les concombres se multiplient également bien
n'arroser les melons forcés qu'avec beaucoup de boutures ; il faut les planter dans le terreau
de prudence, et seulement pour éviter une sé- de la couche, dans une position très oblique, et
cheresse absolue; rien ne nuit plus aux melons les couvrir d'une cloche jusqu'à ce qu'ils aient
forcés que des arrosages trop abondants. repris, puis les accoutumer peu à peu au con-
Les jardiniers anglais obtiennent de leurs tact de l'air, et les traiter ensuite comme du
melons forcés deux récoltes de suite , et la se- plant de semis.
conde de ces deux récoltes est souvent meil- Le concombre forcé veut 14 à 15 degrés la
leure que la première. Cette méthode s'appli- nuit, et 16 à 17 degrés pendant le jour jusqu'à
que surtout avec avantage aux melons dont les l'époque de sa floraison; on peut alors aug-
fruits ont mûri dans la première quinzaine de menter graduellement la chaleur pour la porter
juin. Aussitôt que le fruit est cueilli, on taille à 20 degrés, et l'y maintenir avec beaucoup
court pour provoquer deux pousses latérales d'égalité au moyen de réchaufs placés à cet
qu'on taille elles mômes quelques jours plus effet sur les côtés de la couche (voir Couches,
tard, ce qui donne en tout quatre bonnes pous- p. 34). Les concombres sont bons à êtrecueillis
ses. On renouvelle alors avec précaution le de 15 à 20 jours après que le fruit est noué.
terreau du dessus de la couche autour de cha-
que plante qu'on arrose largement jusqu'au 5 V. —
Tomates et piment
moment de la Qoraison, après quoi l'on n'a plus La facilité de conserver pour la consomma-
qu'à traiter ces melons comme du plant de se-,
tion d'hiver le suc exprimé à froid des tomates
mis qui serait parvenu au môme état de végé-
mûres à l'arrière-saison donne peu d'intérêt
tation. Quand les nuits deviennent fraîches, on
à la culture forcée de ce fruit culture qui
,
couvre les châssis de paillassons on donne de
;
n'offre du reste aucune difficulté. Au lieu de
l'air, tant que la température le permet, et de
semer au printemps, comme on le fait pour
l'ombre pendant les journées de grande cha-
avancer les tomates qui doivent achever de
leur, et l'on obtient des melons mûrs vers la
croître et de fructifier en plein air, on sème
On de septembre , quelquefois plus tôt. En
dès la fin de janvier, et l'on transplante de
France, ce procédé n'est pas suivi, et il mérite
bonne heure sur couche tiède. Une tempéra-
peu de l'être, si ce n'est sur notre frontière du
ture de 10 à 12 degrés suffit jusqu'aux appro-
nord. Partout ailleurs les melons ainsi obtenus,
ches de la maturité du fruit; on peut alors la
quoique très bons sans aucun doute, se trou-
porter à 15 ou 16 degrés. Les tomates forcées
veraient en concurrence avec la grande abon-
n'ont pas assez de valeur pour trouver place
dance des melons obtenus en pleine terre par
dans la serre à forcer ou les bâches du jardi-
la culture naturelle. En Angleterre, au con-
nier de profession ; elles ne peuvent être qu'un
traire, on ne cultive pas de melons autrement
objet d'agrément pour le jardinier amateur.
que par la culture forcée, par conséquent les
Les piments ou poivrons, dont le fruit, d'une
fruits de la seconde récolte se placent avec
saveur poivrée trèsprononcée, s'emploie comme
presque autant d'avantages que ceux de la pre-
assaisonnement ne sont cultivés en grand que
,
mière.
dans le midi où l'on en connaît 3 ou 4 variétés

§ IV. Concombre. qui toutes ont des propriétés identiques. Sous le
climat de Paris on ne peut obtenir ce fruit que sur
La consommation du concombre en France
couches , exactement comme les tomates. On
j

n'est pas très étendue, si ce n'est dans nos dé-


voit quelquefois figurer comme plante d'orne-
I

parlements du midi où la douceur de la tem-


ment sur le marché aux fleurs, à Paris, des
pérature et la brièveté des hivers permettent
piments chargés de leurs fruits mûrs d'un beau
uen jouir très longtemps sans recourir aux
rouge ; ces fruits séchés au soleil s'emploient
procédés de la culture forcée Sous le climat de
Paris il n'en est pas tout-à-fait de même
comme épice, mais toujours en très petite
; mais
quantité.
*i les concombres
étaient aussi généralement
recherchés à Paris qu'ils le sont , par exemple,
Liste des produits qu'on peut obtenir chaque mois
Angleterre, rien ne serait plus facile que
d'un jardin fruitier et potager bien tenu, sous
d en avoir presque toute l'année.
le climat de Paris.
A la fin de janvier et dans les premiers jours
Qe février, on sème sur une
couche chaude, Les listes suivantes constituent une sorte de
préparée comme pour les melons, les con- calendrier approprié au jardin fruitier et au
combres de grande primeur. Lorsqu'on tient à potager, inutile sans doute au jardinier qui tait

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276 1I0RTIC LlVltE Yttl.

son métier, mais fort utile à tout amateur, à


Mors».
tout propriétaire qui veut n'être pas tout-à-
fait à la discrétion de son jardinier, et connaî- Mêmes produits qu'en février; mais les espèces de
tre d'avance quelles sont les productions que fruits conservés frais dans le fruitier deviennent
celui-ci doit savoir lui fournir successivement, moins nombreuses.
sauf le chapitre des accidents et des mécomptes Il faut ajouter aux fruits forcés les premiers concom-
causés par les intempéries des saisons. Nous bre* ; les fraises et le raisin forcés doivent donner eo

considérons, pour plus d'ordre et de clarté, abondance.


comme appartenant à chaque mois de l'année,
les produits qui, récoltés durant les mois anté- Avril.
rieurs, peuvent avoir été conservés, et être
o. Plantes fraîches de pleine terre.
livrés à la consommation aux époques que nous
indiquons. Les choux pommés, y compris les choux rouges, sont
puisés • il ne reste en pleine terre que lesspruyts,

Janvier. ou choux de Bruxelles, et quelques choux «cris. Les


premiers choux d'York et rœurs-de boeuf son! bons
à être cueillis à la fin d'avril. Radis et petites raves.
a. Plantes de pleine terre, à l'état frais.
Chou d'Altace, «le Milan, cbou rouge, chou wrl, f. Fruits.
sproyt de Bru ici 1rs, épinards, oscille, per»il, pointe, Poires, pommes, les dernières grappes de raisio,noif,
belle, poireaux, mâches. noisettes, amandes.

6. Plantes fraîches, sur couches, sous châssis. g. Produits forcés.


Laitue, chicorée, céleri, cresson alénois, radis roses, Mêmes produits qu'en mars, auxquels il faut ajouter
petite» rare», radis noirs (raifort), champignons. les premiers melons forcés. Les haricots verts, les
pois et les fèves forcés doivent élr« en pleine ré-
c. Produits conservés frais. colte; prunes el cerises sur arbres nains en pots;

Carottes, navets, pommes de terre, topinambours, le reste comme ci-dessus.


oxalis, panais, betteraves, salsifis, scorsonères, sco-
Ijmes d'Espagne, artichauts, choufleurs, brocolis. Mal.
d. Produits conservés secs. a. Prodoits frais de pleine terre.
Haricots, fèves, pois, lentilles, ognons, ail, écbalol-
Choux d'York premiers choux blancs pommés,
,
cfcoa-
tes, coriandre, anis, fenouil.
fleurs, brocolis, premiers pois verts sur les costié-
res bien exposées, radis el petites raves, salades d»
e. Plantes et fleurs sèches.
toute espèce, asperges en pleine récolte, petit»
Thim, aange, marjolaine, mélisse, camomille romaine, ognons, ciboules, civette, fournitures de salaJe de
fleurs pectorales. toute espèce.

f. Fruits. e. Plantes et fleurs aromatiques et médici-


Pommes, poires, coings, nèfles, raisin, amandes, noix, nales.
noisettes, châtaignes. Sauge, menthe, marjolaine, mélisse, fleurs pectosales
Quelques grappes de raisin, prunes, cerises du a l'état frais.
nord, et groseilles, peuvent avoir été conservées jus-
qu'à celte époque sur la branche qui les a nourrie», et Fruits.
f.
paraître au dessert à 1 eut frais.
Derniers produits du fruitier.

g. Produits forcés.
g. Produits forcés.
Haricots ferls,pommes de terre, salades, radis.
Haricots vert» cl en grain» frai», concombres, ananaï,
Ananas, meloos d'hiver, raisin, fraises, oranges, gre-
melons, fraises, pêches, ligues, cerises, groseilles,
nades, et autres fruits des tropiques peu répandus,
prunes.
qui se forcent comme l'orange (jamboa ou .un rose, j

mangue, banane, goyave, etc.), balaie.


•Juin.

Février. a. Plantes fraîches de pleine terre.


Toutes les espèces de choux d'été, de choufleurs et
Pour les lettres a, 6, d, e, mêmes produits
de brocolis ; haricots verts, el à la fin du mois ha-
qu'en janvier.
ricots en grains pois verts, fèves de toute espèce;
;

carottes, turneps, radis ; pommes de terre nouvelles;


c. Produits conservés frais.
épinards, tétragone, oseille, arrache, bettes; asper-
Les artichauts, choufleurs et brocolis conservés sont ges; artichauts précoces; salades de toute espèce et
épuisés ; le reste comme en janvier. fournitures de salades ogooos, ciboules et civettes,
;

i l'état frais.
f. Fruits.
Poires, pommes, nèfles, coings, raisins conservés, b. Plantes fraîches sur couches.
amandes, noix, châtaignes. Champignons.

g. Produits forcés. e et d. Les produits conservés secs et frais sont


Mêmes produits qu'en janvier ;
asperges forcées. à peu près épuisés.

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TITRE IV. CULTURE FORCÉE DES VÉGÉTAUX COMESTIBLES. 377
e. Plantes et fleurs aromatiques et médici-
nales.

Angélique pour confire ; fleur» et plante* du mois


précédent, à l'état frai» ;
on commence à les sécher a. Plantes fraîches de pleine terre.
pour P hiver. Tous les produits du mois précédent ; céleri-rave.

f. Fruits. 6. Plantes fraîches sur couches.


Premières cerises précoces à P es palier au commence- Champignons.
ment du mois; pleine récolte de cerises i la (in du
mois; fraises, groseilles, framboises; le fruitier e. d et e. Comme le mois précédent.
n'offre pins que les fruits à coque ligneuse (noix, Fruits.
f.
'
s, amandes).
Tous ceux du mois précédent, moins les variétés pré-
coces épuisées raisin blanc et noir.
g. Produits forcés. ;

Les mêmes que pour le mois précédent; de plus, abri- g. Produits forcés.
cols.
Tous ceux du mois précédent. |

Juillet.
o et b. Plantes fraîches de pleine terre et de I

couches.
a. Plantes fraîches de pleine terre.
Tous les produits du mois précédent, moins les asper-
Choux pommés, choux de Milan, choufleurs, brocolis,
derniers pois verts «l'arrière-saison, derniers hari-
cots frais en grains, haricots verts ; pommes de terre,
eet d. Les produits conservés frais sont épui-
topinambour, oxahs crenata, carottes, navets, pa-
sés; les produits en grains secs pour la
nais, salsifis, scorsonère, scolrme, artichauts, car-
consommation d'hiver (pois, fèves, hari- dons, céleri, céleri-rave ; ail, ognons, poireaux,
cots) commencent à se renouveler. èchalotles; dernières salades de pleine terre
; four-
e. Plantes et fleurs aromatiques et nitures de salades; mâches et raiponces.
médici-
nales.
b. Plantes fraîches sur couches.
Comme le mois précédent.
Champignons.

f. Fruits.
c Produits conservés frais.
i, brugnons, abricots, précoces prem ières ,
Citrouilles, giraumoos; pommes de terre et tons les
d'été, premières pommes précoces, dernières
cerises, groseilles, framboises, fraises, melons et
concombres.
d. Produits conservés secs.
Dans le fruitier, fruits à
pois, fèves, et tous les légumes secs ;

g Produits forcés. aromatiques (.mis. fenooil, coriandre).

I*s mêmes que ceux du mois précédent. e. Plantes et fleurs sèches.


Toutes les plantes aromatiques et médicinales récol-
lées en clé.

a. Plantes fraîches de pleine terre.


f.
Fruits.
Tous les produitsdu mois précédent de plus, topinam-
;
Pommes, poires, coings, nèfles, amandes, noix et noi-
bours, betteraves jaune et rouge, salsifis, scorso-
settes fraîches ; premières châtaignes ; dernières
nère, scoljmc, ail, ognons, échalotlcs, cardons, ci-
pêches d'automne a l'espalier, quelques pêches de
trouilles et giraumons, tomates et aubergines.
plein-vent; prunes et abricots d'espèces tardives, i
b. Plantes fraîches sur couches. l'exposition du nord ; figues, groseilles, fraises, der-
nières framboises; raisins blancs en pleine récolle;
derniers melons de plein air.

ctld. Sans usage à cause de la grande abon- g. Produits forcés.


dance des produits frais récolte de légu- ;
Ananas, grenades; fruits des tropiques; balaies.
mes secs pour la provision d'hiver.
t. Récolte et conservation de plantes aroma-
tiques et médicinales.

f. Fruits a. Plantes fraîches de pleine terre.


poires, prunes, pêches, brugnons, abricots, Toutes celles du mois précédent;
figues, groseilles, fraises, framboises ; amandes fraî-
ches, noix pour cerneaux, noisettes fraîches; me-
lons, fraises, framboises. 6. Plantes fraîches sur couches.

?. Produits forcés.
raisin, figues oranges, ci- e. Produits conservés frais.
;
trons, grenades goyaves et fruits des tropiques en Tous ceux du mois précédent plus,
; ;

abondance. brocolis, chicorée, scarole.

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278 ilUKllU LTURE. LIVRE VIII.

d. Produits conservés secs. avec un peu de peine, qu'on peut regarder


comme le plus agréable des délassements, un
Tous ceux du mois précédent.
parterre aussi beau aussi riche de fleurs de
,

«. Plantes et fleurs sèches. pleine terre que le possesseur d'un parc de 100

1c* plantes aromaiiquc* et médicinale! récol- hectares, entretenu par une dépense annuelle
Tonltt
tées en été. de 40 à 50,000 fr. , comme on le voit fréquem-
ment en Angleterre.
f.
Fruits. Le mot parterre ne signifie en effet, dans sa
Pn-ninet. paires, coings, nèfles, amandes, noix, noi- véritable acception, qu'une ou plusieurs plates
*eil<-s, châtaignes ; dernières groseilles en plein air; bandes garnies toute l'année des fleurs qu'a-
• écrite* «le novembre (rurUksilé) ; raisin* conservés mène chaque saison. L'heureux climat de la
sur le sarment melons conservés
;
France , sur tous les points de notre territoire,
est tellement favorable à toute espèce de végé-
g. Produits forcés.
tation que partout rétablissement d'un par-
,
Ananas; premières salade* cl premiers radis forcés;
terre est une chose aussi facile qu'agréable;
La talc».
seulement les départements du midi ont à souf-
frir une moindre interruption de jouissances,
Décembre
en raison de la brièveté des hivers. L'on ne
de pleine terre. choisit ordinairement l'emplacement d'un par-
a. Plantes fraîches
terre que lorsqu'il est à créer, près d'une habi-
Chou s d'Alsace, chou de iMilan, chou rouge, chou
vert, chou sprujt Je Bruxelles (en pleine récolle);
tation récemment construite; mais, comme il

épinards, oseille, perail, poireaux, mâches. n'exige aucune disposition spéciale qui rende
le sol qu'il occupe impropre à toute autre des-
6. Plantes fraîches sur couches. tination, il peut toujours être déplacé, ce qui

Champignons, salades radis, petites raves. donne à cet égard une assez grande latitude.
La nature du sol et celle du climat doivent
c. Produils conservés frais.
influer sur le choix ; en général , on place le
Tous ceux du mois précédent. parterre mieux au nord qu'au midi des bâti-
ments habités ; la raison en est simple. Les
d. Produits conservés secs.
fleurs ont presque toutes une disposition natu-
Tous ceux du mois précédent. relle à incliner leur corolle vers le soleil dont ,

plusieurs suivent très exactement la marche


e. Plantes et fleurs sèches.
sur l'horizon. Supposez le parterre au sud de la
Toutes les plantes aromatiques et médicinales recol-
maison à la décoration de laquelle il doit con-
lées ea été.
courir, on ne verra jamais des fenêtres de la
Fruits. maison que Venvers des fleurs, tandis que s'il
f.
est au nord elles tourneront vers les fenêtres
Pommes, poires, coings, nèfles ;
châtaignes, amandes,
uoix, noisettes raisin conservé sur le cep, groseilles toute leur parure. Si cette condition ne peut
;

empaillées ; melons empaillés être remplie, le parterre doit être mis à l'est
ou à l'ouest de la maison, afin que les fleurs
g. Produits forcés. montrent leur corolle , sinon de face au moins ,

Ananas, melons d'hiver, balaies. de trois quarts. Toutes les formes peuvent être
données aux planches du parterre, selon son
étendue et le goût de celui qui le dessine ; néan-
moins, quelques plates-bandes rectangulaires,
dirigées autant que possible de l'est à l'ouest,
TITRE V. — Culture des végétaux seront réservées pour les plantes qui, présen-
d'ornement. tant dans le même genre un grand nombre
d'espèces ou dans la même espèce un grand
- Flobicultube.
,
er
CHAPITRE I .
nombre de variétés, se cultivent par séries, et

portent spécialement le nom de fleurs de col-


Section V*. — Fleurs de pleine terre.
lection.
er — Parterre. Choix du local; préparation du En général , la forme à donner aux plates-
$ I . terrain.
bandes du parterre est subordonnée au point
Nous donnerons à de notre ira- cette partie de vue sous lequel ces plates-bandes doivent
rail autant de développement que le permet le être vues le plus habituellement elles ne doi- ;

cadre dans lequel nous sommes forcés de nous vent jamais, quelle que soit celte forme, avoir
renfermer. Les jardins paysagers, avec leurs une largeur telle que les plantes y fassent con-
dépendances d'orangeries et de serres chaudes fusion.
et tempérées , ne sont accessibles qu'à un bien La plus grande dépense pour la création d'un
petit nombre d'amateurs, tandis qu'un parterre parterre, comme pour celle de toutes les autres
s'improvise sur une surface de quelques mèlres parties du jardin, consiste dans l'amélioration
de terrain ; celui qui dispose seulement de 3 ou du sol. Très souvent la qualité de la terre n'est
4 ares, et qui peut leur consacrer une dépense pas prise en assez grande considération lors-
annuelle de 100 à 200 fr. , aura certainement, qu'on bâtit une maison de campagne; la vue,

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rnntv. rLUKlCl LTURE. 279

le paysage ,proximité d'une propriété dé-


la , comme en Belgique
gleierrc, , il se passe rare-
terminent le choix de l'emplacement puis , ment, même au cœur de l'été, plusieurs jours
quand la maison est bâtie on songe nu jardin , de suite sans pluie, ce qui exempte les jardins
et l'on reconnaît la plupart du temps que le ter- du fléau destructeur de cette poussière calcaire
rain ne se prête pas au jardinage. Alors, vien- si préjudiciable à nos fleurs quand le parterre
nent les defoncemculs les remblais les terres
, , est trop voisin d'une grande route.
rapportées; nul ne sait où de telles dépenses le
conduiront lorsqu'il entre dans cet le voie, même § II. - Bordure,.
pour un terrain de peu d'étendue. Une faute que La place du parterre étant choisie , dessinée
nous avons vu se renouveler presque toujours, et amendée selon le besoin, il faut s'occuper de
augmente encore des frais déjà très considé- legarnir. Le premier objet auquel on doit son-
rables ; on répand la terre rapportée sur toute ! ger, c'est à se procurer des bordures pour les
la surface du parterre, puis on en dessine les compartiments. L'antique buis nain jadis en ,

allées ; il en resuite que le sol des allées, dont possession exclusive de soutenir les plates-
laqualité est évidemment indifférente , reçoit bandes bizarrement dessinées des jardins pri-
autant de bonne terre que tout le reste. Il faut vés et publics, s'harmonisait assez bien avec la
marquer avec des piquets la place des plates- tristesse monotone de leurs longues lignes
bandes, en extraire, pour consolider le sol des droites on le retrouverait à peine dans quel-
;

allées, les pierres ou la terre trop compacte, et ques jardins de châteaux habités par d'anciennes
reporter sur la place que doivent occuper les familles à idées surannées en horticulture. Dans
fleurs toute la terre de bonne qualité dont on
, les parterres de quelque étendue on préfère à
peut disposer. Cette observation est beaucoup toute autre bordure le gazon, fréquemment ar-
plus importante encore pour le parterre que rosé et tondu très court toutes les semaines, en
pour le potager, car dans celui - ci on ne laisse été , pour qu'il ne vienne jamais à graine ce ,

que les allées et les sentiers nécessaires au ser- qui emplirait les plates-bandes de mauvaises
vice, tandis que le parterre est essentiellement herbes. Pour les parterres de dimensions bor-
un lieu de promenade auquel il faut de larges nées on emploie de préférence les bordures à
,

allées. fleurs , soit annuelles , soit vivaces ; les der-


Lorsquele parterre peut être orné d'un bas- nières ont de plus que les autres l'avantage de
sin alimenté par un filet d'eau vive, cet embel- soutenir la terre en toute saison , ce qui n'est
lissement facilite beaucoup la culture; pour pas sans importance dans les jardins sablés
lesparterres qui n'ont pas cet avantage , quel- dont les allées ne sont pas très larges; le pea
ques tonneaux enterrés , comme nous l'avons de terre aui descend perpétuellement des plates
indiqué pour le potager (voir Arrosage) , sont bandes dans ces allées, finit par envahir le sa-
indispensables. En les tenant constamment ble et par en rendre l'effet presque inutile,
remplis bord à bord, loin de nuire au coup quant à la propreté.
d'œil, ils font au contraire un effet très agréa-
ble lorsqu'on a soin de les entourer d'un gazon
A. — liordum vivactt.

toujours vert, mêlé d'iris , de glayeuls et d'au- Les plantes propres à servir de bordures,
tres plantes amies de l'humidité, munies de soit vivaces, soit annuelles, sont nécessaire-
larges Touilles qui dissimulent les bords des ment peu nombreuses; lesprincipales conditions
tonneaux. qu'elles doivent réunir sont 1° une touffe ser-:

Une couche sourde est nécessaire pour four- rée qui puisse constituer des lignes parfaite-
nir toute l'année au parterre le plant de fleurs ment pleines ; 2" une verdure agréable, persis-
dont il a besoin, mais quand un potager est tant après l'époque de la floraison ; 3* une flo-
joint au parterre, la place naturelle de cette raison suffisamment prolongée ; 4° des tiges ou
couche est à la suite des autres, dans le pota- hampes qui ne s'élèvent pas assez pour mas-
ger sinon
; il faut
, la placer dans le lieu le quer les fleurs derrière elles dans la plate
moins apparent du parterre. bande. Chaque horticulteur doit choisir , selon
En Angleterre et en Belgique, on suit à l'é- la localité, les plantes qui rentrent le mieux dans
gard des parterres un usage moins générale- les conditions que nous venons d'énoncer. Nous
ment répandu en France il consiste a donner
; indiquons ici quelques - unes des plus usitées ;
dans les jardins paysagers un très large déve- leur mode de culture fera juger par analogie ,

loppement au parterre, et à en faire, pour ainsi de celui que réclament les autres.
dire profiter le public, en le plaçant dans une
I. Thym.
situation qui le rende visible du'dehors. Tous
les voyageurs qui ont parcouru la route de Onpeut, à volonté, planter les bordures de
Bruxelles à Malines, pendant l'été, savent thym (pg. 31 8 6., soit nu printemps, soit en au-
qu'elle doit à cette attention de la part des pro- tomne; mais à l'exception des contrées exposées
priétaires, l'aspect d'un jardin de 25 kilomètres; à des hivers très rigoureux, la plan talion en
nous citerons , entre autres, la propriété de automne est la plus a\ antageuse, parce que les
M. le baron de "Wellcns, à Troisfont aines , qui racines étant formées avant l'époque des grands
fait jouir les passants d'un parterre de 2 mètres froids, la plante peut au printemps faire servir
de large, parallèle à la grande route sur une , toute son énergie vitale à la production des
longueur de 200 mètres. Il est vrai qu'en An- fleurs.

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280 HORTICULTURE, L1YKE VIII.

ment plus belle mais pour bordare,


; elle a l'in-

convénient grave de donner des fleurs trop


lourdes pour leurs tiges, que la moindre averse
suffit pour coucher et salir ; puis elles sont tou-
jours moins nombreuses que les fleurs de l'œil-
let-nain, semi-double.

3. Dfltit.

Cette petite plante, plus connue sous le nom


Pour créer une bordure de thym, ou la ra- de pâquerette a fleur pleine {fig. 320), se plaît
jeunir , si le sol et l'exposition sont convena- Fig- 321, 320.
bles, il ne faut pas s'occuper des racines, mais
choisir les touffes, enracinées ou non, qui pré-
sentent la végétation la plus vigoureuse et les
planter inclinées dans un sillon de 0 m ,20 à
0 m ,25 de profondeur, en laissant seulement
dépasser la partie supérieure des tiges, à la
m
longueur de 0 ,05. Ce mode de plantation sans
racines est un véritable bouturage, qui n'exige
d'autre précaution que celle de tasser forte-
ment la terre sur les tiges enterrées. Lorsqu'on surtout dans les terrains frais, qui lut convien-
n'est pas dans l'intention d'utiliser les produits nent particulièrement ; une touffe peu volumi-
de ces bordures, et qu'on ne cherche pas par neuse suffit pour une grande longueur de bor-
conséquent à leur donner le plus grand déve- dure, parce qu'on peut la diviser presque à
loppement possible, il est bon de les planter l'infini, chaque pied enraciné, si petit qu'il
très serrées; le thym reprend toujours, car sa soit, devenant rapidement une grosse touffe
force végétative est très grande ; planté trop qui se couvre de fleurs pendant près de six se-
épais, il donne des tiges moins hautes, ce qui maines ; il ne faut la planter qu'au printemps
vaut mieux pour les plantes de la plate- bande. pendant les premiers beaux jours du mois de
Lorsque le thym est tondu très court dès les mars. Il faut observer principalement dans
premiers jours du printemps, ses tiges à fleurs celte opération l'état des racines fibreuses-, lors-
poussent plus nombreuses et plus fournies. II qu'elles ne sont pas saines, les pieds, même vi-
ne faut jamais attendre plus de trois ans pour goureux en apparence ne reprennent pas, ce
,

arracher et rajeunir les bordures de thym. 3 ni produit des vides dans la bordure. Les bor-
OEilit mignardit».
ures de bellis doivent être renouvelées tous les
2.
deux ans; elles pourraient durer bien plus
De même que le thym, l'œillet - nain, connu longtemps, mais à mesure que les touffes s'é-
des jardiniers sous le nom de mignonette ou tendent, les fleurs dégénèrent.
mignardise , peut cire planté sans racines, et Parmi les bordures vivaces que chacun peut
donner des bordures parfaitement fournies ; il se procurer partout, à aussi peu de frais que les
est seulement un peu plus difficile sur la qua-
précédentes , les plus agréables sont les prime-
lité du terrain. Il ne doit pas non plus être
vères et les violettes simples cl doubles, spécia-
planté tout-à-fait aussi épais, parce qu'il taie lement la simple remontante, qu'on peut, a\ec
beaucoup. Du reste, il est rustique et supporte des soins de culture très faciles, obtenir en
également bien les froids rigoureux et les sé- fleurs pendant dix mois de l'année.
cheresses prolongées. Sa fleur, dont tout le
monde aime l'odeur, analogue à celle du gé- 4. Arinair* on tablint d» Mahon.

rolle, dure plus d'un mois. Elle est plus durable Rien de plus délicat et de plus gracieux que
encore, lorsque les touffes, étant assez épaisses, cette petite plante avec sa verdure d'émeraude
bordent une plate - bande dirigée de l'est à rehaussée par le blanc d'argent de ses fleurs
l'ouest ; dans ce cas, les boutons exposés au employée
(fig. 321). Jusqu'ici, elle n'a guère été
midi s'ouvrent près de 15 jours avant les au- qu'en raison de la rapidité avec laquelle elle
tres; la floraison, pour l'ensemble, est plus pro- s'étend, presque sans le secours d'aucune terre
longée. végétale aussi sert-elle avec avantage, dans
;

La meilleure variété d'œillet-mignardise pour les jardins paysagers, à masquer ou à dé-


bordure porte une fleur d'un rose clair, elle est corer de belles taches de verdure, des pans de
semi-double et faiblement couronnée, c*est-à- rocher. M. Fion, dans son jardin d'hiver, en a
dire marquée au centre d'une tache seulement formé des bordures d'un très bon effet. Le sable
un peu plus foncée que le reste de la corolle et la terre de bruyère dans laquelle le sable
( fig. 319). Les fleurs de cette variété ont l'a- domine, lui conviennent de préférence aux
vantage, comme bordures, de résister parfai- autres sols elle peut donc former de char-
;

tement aux pluies d orages, et de former de mantes bordures la où les autres fleurs propres
belles lignes sans interruption. La variété du à cet usage auraient beaucoup de peine à
même œillet à fleur très double, à fond blanc croître ; son seul inconvénient parait être dans
couronnée de pourpre foncé, est incontestable- la force de sa végétation qui lui fait en peu de

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TITRE V. PLOJUCULTUAE. 281
temps envahir un grand espace mais il est fa-
, d'une culture à part , sans mélange avec d'autres
cile de la restreindre en rognant les bordures fleurs.
chaque fois qu'on les trouve trop larges, comme
on le fait pour les bordures de gazon. $ 1
er
. — Multiplication des plantes d« parterre.

Les moyens les plus usités pour multiplier


B. — Bordures annuelles. les plantes de parterre sont les semis, les bou-
:

tures, les marcottes, la séparation des rejetons


Ces bordures sont desimpie décoration , elles et f eclat des racines.
n'ont point, comme les précédentes, l'avantage
de soutenir toute l'année les bord» des plates- a. — Statu,
bandes du parterre mais elles ont celui de
; C'est le mode le plus simple et le plus usité ,
pouvoir se suceéder et de donner ainsi dans parce qu'il est le moins dispendieux. Les ama-
l'année plusieurs floraisons. Lorsque les plates- teurs qui ne récoltent pas eux-mêmes toutes les
bandes sont très larges, comme elles le sont graines de fleurs que réclame l'entretien de
toujours quand le parterre fait partie d'un leur parterre, doivent apporter une grande at-
rand jardin paysager, on peut, en arrière de tention dans le choix des graines achetées, et
a bordure vivace, semer à plusieurs reprises ne point craindre de s'adresser aux marchands
une bordure annuelle, qu'on arrache pour re- les plus sûrs, quand même ils devraient payer
nouveler le semis dès que ses fleurs sont flétries. un peu plus cher; car de tous les petits contre-
Peu de fleurs remplissent mieux cet objet que la temps (jui contrarient la bonne tenue d'un par-
petite hespéride maritime, pluseonnue sous le terre, il n'en est pas de plus désagréable que
nom de giroflée de Mahon (fig. 322); elle est celui qui résulte d un semis de graines dont on
Bg. 323, 322. attend inutilement la végétation.
Les semis qui ne réussissent point en place,
se l'ont mieux sur couche sourde que sur le sol
le mieux amendé. On peut reserver à cet effet
une couche usée dans le potager, ou, à défaut
de cette ressource, enterrer une charretée de fu-
mier à demi consomme, à 0 in ,32 de profondeur,
le bien fouler jusqu'à fleur do terre et le cou-
vrir deO m ,!5 de bon terreau. Les semis de
annuelle, mais remontante, c'est-à-dire suscep- plantes annuelles sur couches ont surtout l'a-
tiblede refleurir peu de temps après sa pre- vantage d'en hâter et d'en prolonger la florai-
mière floraison, si, dès <|uo celle-ci est passée, son, de sorte qu'on peut jouir plus d'un mois
on a soin de la tondre immédiatement et de d'une fleur qui livrée à sa végétation natu-
,

l'arroser selonle besoin. Les semis peuvent relle, ne durerait pas plus de huit jours.
êtrerenouvelés trois fois dans l'année; ceux Le changement brusque et complet de ré-
d'automne, destinés à fleurir au printemps, ne gime ne nuit pas moins aux plantes qu'aux
périssent que dans les hivers très rigoureux. animaux. Une balsamine, par exemple, trans-
La culture des bordures vivaces s'allie avec portée peu de temps avant sa floraison , d'un
celledes bordures annuelles, quand on emploie milieu très nourrissant comme le terreau
,

les crocus comme bordures (voir Plantes de d'une couche sourde, dans un sol pauvre et
collection). dur, en supposant qu'elle n'y pérbsc pas n'y .

Les crocus (fig 323) donnent leur fleur dès donnera qu'un feuillage maigre et des fleurs
les premiers jours du printemps, et ne portent chétives. Le plant de toutes les fleurs annuel-
qu'un feuillage peu apprirent, presque filiforme; les, élevé sur couche, doit recevoir, au mo-
on sème derrière eux une bordure annuelle, de ment de la transplantation, une bonne poignée
manière à pouvoir, sans la déranger, retirer de de fumier ou de terreau à chaque pied, il faut
terre en temps convenable les buliies de crocus. en outre, en f enlevant avec précaution, con-
server autour du chevelu de la racine une por-
Section II. — Plantes d'ornement. tion du terreau de la couche.
Les semis en place des plantes annuelles qui
Ce terme qui comprend à la rigueur tous les ne supportent pas le repiquage, telles que le
végétaux cultivés pour la beauté de leurs fleurs 334.
Fif, 325,
ou de leur feuillage, ne s'applique, selon l'usage
des jardiniers, qu'aux plantes de pleine terre,
qui peuvent figurer comme ornement dans
nos jardins. A part toute division scientifique,
ces plantes peuvent être rangées en deux gran-
des classes, les planta dr parterre proprement
dites,c'est-a-dire toutes les plantes d'ornement
de pleine terre, à l'exclusion des plantes de
col-
lection, et les
plantes de collection, c'est-à-dire
toutes les plantes d'ornement de
pleine terre,
dont les espèces et les variétés sont l'objet
, con\ olvulus tricolor ou belle de jour (fig. 324),
T. V. _ 30
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282 HORTICULTURE. LIVRE Tiff.

l'ipomée, belle de nuit {fig. 325) , les pavots général, les boutures doivent être prises sur .

annuels (fig. 326), les la\ ateres (fig. 327) et des les rameaux les plus vigoureux dans le mo-
,

Fig. 327, 326. ment de leur plus forte végétation.


C. — MarcatUi,
Les marcottes réussissent principalement sar
les plantes à tiges articulées, comme la sapon-
naire(/ty. 331), l'œillet {fig. 332), et quelques

Fig. 331, 332.

centaines d'autres, doivent toujours être faits,


selon les espèces , soit sur terreau, soit sur fu-
mier, recouvert de bonne terre.

B. — Bouium.
Ce moyen, qui pourrait être employé sur une
très grande échelle, le serait en efiet, si les
antres n'étaient à la fois plus sûrs et plus fa- autres. Le renflement des tiges donne très ai-
ciles. Dans l'état actuel de l'horticulture , l'on sément naissance aux racines dont la formation
ne multiplie guère de boutures que quelques peut encore être favorisée par une incision peu
Etantes annuelles et bisannuelles à fleurs Jou- profonde, pratiquée à la partie inférieure d'une
les qu'on ne serait pas certain d'obtenir dou-
.
ou de deux articulations. Parmi les plantes de
bles de graine ; les boutures de plantes vivacen parterre on ne marcotte guère que les œillets
réussissent moins aisément. Les plantes qu'on et quelques lychnis. Le marcottage des œillets
bouture le plus communément, sont la lychnide est très facile et réussit toujours avec un peu
de Chalcédoine {fig. 328) , croix de Malte de soin. On déchausse circulairement la plante-
Fig. 328, 329.
mère à quelques centimètres de profondeur,
sur nn rayon variable en proportion de la lon-
gueur des" tiges à marcotter ; on étale ebarune
d'elles séparément, en les débarrassant des
feuilles plus ou moins endommagées, et l'on
retranche l'extrémité des feuilles destinées à
rester en dehors; on assujettit les marcottes au

moyen de petites crossettes de bois, et l'on


butte la terre par-dessus, en la pressant légère
ment. Pour les variétés à tiges minces, comme
l'œillet de Condé, l'incision n'est pas néces-
saire; elle n'est indispensable qoe pour les
œillets à tige forte et dure, comme l'œillet pro-
lifère à fond blaric. La condition principale à
remplir pour obtenir des marcottes bien enra-
cinées, c'est de maintenir la portion de la tige,
d'où doivent naître les racines, dans une posi-
tion plus basse que celle de leur insertion sur
ftg. :j3o.
la plante-mère {fig. 333). Si cette portion res-

Fig. 333.

tes analogues. On placé dans des pots celles taitdans une position horizontale , la nourri-
qui doivent être rentrées
pendant l'hiver. En ture arriverait trop facilement de la plante-

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TITRE V. FLORICULTURE.
Fig. 339,
mère à marcotte, et rien ne la solliciterait à
la
chercher dans l'émission de racines nouvelles
des moyens d'existence qui lui soient propres.
Un crochet en bois maintient chaque marcotte
dans la position convenable. Nous n'entendons
point parler ici des œillets de collection et de
fa manière de les marcotter {voir Plantes de
collection).

D. — Séparation des rejetons.

Toutes les plantes traçantes, telles que les

potentilles (fig. 334), les a'chillées (fig. 335) et

Fig. 335, 334.


(fig. 339) et les delphinium vivaces (fig. 340

Fig. 340.

quelques renonculées (fig. 336), se prêtent

336.

peuvent être ainsi dédoublés tous les ans, sans


qu'à l'époque de la floraison il en résulte dans
le volume des touffes une diminution sensible
tant l'activité de leur végétation est prompte à
reproduire l'équivalent de la partie enlevée.

$ III. — Choix des plantes de parterre.

L'horticulteur, surtout quand ses ressources


lui permettent de se donner, pendant toute l'an-
née, un parterre aussi complètement garni que
d'elles-mêmes à ce mode de reproduction. Les le comporte le climat sous lequel il cultive,
rejetons ou stolnnes sont séparés, soit au prin- doit diriger toute son attention vers le choix et
temps , soit à l'automne ; ils peuvent l'être en la succession des plantes de parterre de façon
été avec le même succès, moyennant des arro- à couvrir ses plates- bandes pendant chaque
sages abondants. Ces plantes sont en général saison de l'année des fleurs le mieux assorties,
toujours trop disposées à s'étendre, de sorte sous les deux rapports essentiels des dimen-
(tue l'on est dans la nécessité, chaque année, sions et des couleurs.
de rajeunir les touffes en en retranchant le su-
perflu , sans quoi elles envahiraient prompte- A. — Dimensions.
ment tout le parterre. Lorsque la plate-bande est accessible des
— Eclat des racines. deux côtés, les plantes les plus élevées doivent
E.
en occuper le milieu, et si l'étendue de la
Ce mode de multiplication s'applique à une plate-bande admet plusieurs rangées parallèles,
foule de plantes vivaces d'un très bel effet dans on dispose les fleurs par rang de taille, en pla-
les plates-bandes. On enlève toute la touffe çant les moins élevées vers les bords Si la
soit au printemps, soit à l'automne, et l'on en plate bande n'est accessible que d'un seul côté,
forme deux touffes égales, en déchirant le col- les fleurs seront en amphit éâtre, les plus
let de la racine, mais de manière à ce qu'il hautes occupant le bord le plus éloigné de l'al-
reste suffisamment de chevelu de chaque côté; lée. Lorsque les plates- bandes ne sont pas rec-
l'on peut aussi trancher la touffe par le mi- tangulaires , la raideur des lignes droites et la
lieu, soit avec un couteau soit avec le tran-
, symétrie des espacements égaux ne sont pas
chant de la bêche. Les aconits, les asters nécessaires à la beauté du coup d'oeil ; on ne
ifi9- 337) les
, polémonium (fig. 338) les
phlox , doit avoir égard qu'à la végétation présumée

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284 HORTICULTURE.
des plantes ponr leur accorder à chacune un arbustes qui, comme certains chèvrefeuilles
espace tel qu'il n'y ait dans le parterre ni vide, (fig. 342), refleurissent à l'arrière saison.
ni confusion. Fig. 342.
La fig. 341, représentant la coupe d'une
Fig.ZU.

fli
9
*1

plate-bande occupée par des fleurs de hauteurs


diverses, fait suffisamment comprendre le
parti qu'on peut tirer pour la bonne ordon-
nance d'un parterre des différences de déve- C. — Classement des plantes de parterre.
loppement entre les plantes appelées à le dé-
Les traités anglais d'horticulture attachent
On suppose que cette plate -bande, adossée une grande importance au classement des
à un massif, ne doit être vue que d'un côté; plantes de parterre, relativement à leur culture.
nous n'y avons admis, comme exemple, que Nous ne pouvons qu'engager chaque horticul-
des plantes annuelles, et parmi celles-.:] les ,
teur, selon sa localité et les ressources dont il
plantes qu'on peut partout se procurer avec le dispose, à se former, pour son propre usage,
moins de peines et de dépenses. un tableau des plantes qu'il peut introduire
successivement dans son parterre, en les clas-
A. Persioaire. sant selon la méthode anglaise , par hauteurs,
B. Nicoliane (tabac) )ar couleurs , et par époques de floraison. On
C. Hélianthe (soleil moyen). >eut aussi , pour éviter la confusion , diviser
D. murante.
es plantes de parterre en vivaecs, bisannuelles,
E. Tagèlc (inllet d'Inde, passe- velours).
annuelles, et mettre à part celles qui offrent
F. Lupin à fleur Ideue.
des caractères spéciaux , comme les plantes
B. — Couleurs. bulbeuses, ou celles qui ont une destination
particulière, comme les plantes aquatiques.
La floraison de printemps et celle d'été, lais- Ces tableaux, dont nous donnons ci après
sent toute latitude au jardinier pour assortir et quelques modèles, peuvent être dressés ou mo-
marier les couleurs des fleurs dont la variété difiés pendant la morte saison, et servir de
double l'effet dans le parterre ; à la floraison règle au jardinier pour toute l'année, en ren-
d'automne, les fleurs jaunes sont en telle ma- dant impossible de sa part l'oubli d'aucun des
jorité, qu'on doit ménager avec le plus grand moyens d'embellissement dont son parterre est
.-oin celles qui présentent d'autres couleurs. Les susceptible; nous en recommandons l'usage
plus communes, tels que les liserons et même avec instance. Ceux que nous donnons sont
les haricots à grappes, d'un rouge vif, ne sont dressés pour le climat de Paris; ils peuvent
point à dédaigner ; des semis tardifs, oui ne servir pour toute la partie de la France qui
sont point destinés à porter graine, remplissent s'étend depuis la frontière de Belgique jusqu'à
cet objet jusqu'aux premières gelées. On peut la Loire. Nous n'avons pas prétendu les rendre
aussi employer dans le même but, quand la complets; chacun, selon sa localité, remplir*
'

largeur des plates-bandes le permet , quelques facilement les principales

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TITRE V. FLOÎUCULTtJRE.

PLANTES VIVACES DE PARTERRE.

HAUTEUR DES PLANTES. T HAUTEUR DES PLANTES.

DE 0»,05 A 0"*,15. DE 0 m ,15 A 0«»,32. DE 0",05 A 0-.15. 0-.15 A 0",32.

FLEI'RS JAUNI
Mb pâquerette
Hépatique
(fig. 330). Ara bide rose.
Tussilage odorant 348).
Anémone à (leurs de renoncule. Adonis de printemp*.
Anémone palmée (fig.
(fig. 343). {fig. Ficaire, 347).
Primevère. Violette de F Irh jaune, Corydale ju
Saxifru {fig. SU). l'oicntilie. Polëiitille.
Tussilanc a feuilles panachées.

OHlis pâquerette. Arabide (pi FLEURS BLEUES.


Ilepaiiiiijue, Corydaie. Hépatique 'plusieurs variétés). Anémone des Apennins.
Hellébore (fig. 34G). Po'.enlille.
Gentiane acaulc (fig. 34*). Irl« pumila.
Mandragore. Tussilage (9 variétés) Véronique.
Véronique (3 variétés).
Potenilile (fig. 3-4). Valériane.
Violette
Primevère double.
! et doub FLEURS DE PLUSIEURS COLLEURS.
FLEURS VERTES. I Auriculc (plusieurs variétés).
Adota moschatclltna. 1 n llcborevert. Violette tricolore (pensée). | l'ardantlius de la Chine.

FloraUnn d'avril.

HAUTEUR DES PLANTES. HAUTEUR DES PLANTES.

DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,25. DE 0,25 A 0,50. DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,25. DE 0,2.» A 0,50.

I I. Kl US ROUGES. FLEURS JAUNES.


Corydales à longues Corluse de Anrolle du Canada Dnba f3 Adonis des Apennins Atysmim (9 espèce*).
Heurs (fig. 5I!»|. le. (fig. 350).
Oitosiua {fig. 3*4). Pliiilangérei/iy.323).
Aurieule variétés) AlgMiun, corbeille Ai»co!ie.
Pbloi subulé (3 va- Phlox soyeux (3 va- Gyrosclle. (r.

ricics . ricics). Aspenile. Renoncule (3 espè- d or. Chcliiioiiie.


Primevère (6 espe- Primevère (3 I.yrhils visqueux. ces). Anémone 3 var ). boronic ( 3 espè-
~
ce»). ces). I
Saxifrage {S espée). Violette à grandes Onot>mn e»pèt - ; ces) (fig. 5S6J.
11" ui s. Pi
FLEURS POURPRES Pcuséc jaune.
a liges basses.
Iris Pulsatille (fig. 3SI). FLEI'RS BLANCtlES.
Primevère (S var .). Cardaniinc double. Iris.
TmyJlage. Gyrosclle. Pul Arabide des Alpes. Anémone ( 5 espe f
Aspérule.
Violette. Ins (4 espèces). Arcnairc de priul. ces), Gyrosclle.
Bellis. Cardamine (S espè- liis deSweii.
FLEURS BLEUES. Primevère. res). Mandrake.
Mvosol'a. Pulsatille. Sa\ifrasc(4V./.357) Jcffcrsonia (fig."»). Pulmonaire.
Globulaire. Pulmonaire azur iris du Népaul. SoManelle. Parrya, (3 espèces). Tussilage.
Sijid.ii.> Ile
(3 espè- (fig. 303). Polctiioine. Puamon a feuilles Phlox nivea
ces) ./";• 383). Phloi. Pulmonaire. l'anémone s. et d.j Primevère (3 espè-

S63.

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2SC HORTICULTURE. LIVRE VIII.

HAUTEUR DES PLAINTES.

DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,30.


|
DE 0,30 A 0 50. DE 0,50 A 0,65. 0,65 ET AU-DESSCS.
î

i
FLEURS BOUGES.
Anthyllide [fig. r.v> Bugle rampante [variélél Ancolie du Canada. Chœrophyllum rose. Géranium à feuille d'ane-
Arcnaire. Anémone. Aster. Géranium (i ~|'< r- 1

. moue.
Aspérule (TArcadle. Aiilhvllnle. Chrysanthème (fig. 563). Lyt-hnis (i emiScttj, Ile$|ièride (5 espèces
Epimèdc {fig. 360). IluguVi (variété). IK ntHalre [i espèce» Jig. l'ivoioe f* e-peces t-i plu- douille»).
Eiodium. GEilel. 363}. sieurs variétés/. Marne (1 espèces).
(uranium (5 espèces). Gyro«eIK» (Ciliet, fig. 333. Bistorle {fig. 36:.). Ouonis \i espèces).
I.ychois. hrigéron. Itenoile du CbiU. consoude de Bohême. . HfulMB (i espèces et plu-
Orchis. Lainie rugueuse Géranium. Silèoe de Virgin*. Meurs variétés).
Phtox a feuilles épaisse. PhU» (i «-spèccs). Pivoine (7 espèces, fig. Pavot a bractées {fig.
Primevère (5 espèces). Pain»Daim. 3i.4). 306).
Saponaire ocyraoide. Tradescance (
variété Phl-.x. Valériane (3 espèces).
Si cne sans lige. /Ip. sr.it. Pulmonaire à grandes 0.
Valériane (3 espèces). Saxifrage i» espèces).
TITRE V. FLORICULTURE. 28^

HAUTEUR DES PLANTES.

DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,30. DE 0,30 A 0,50. DE 0,50 A 0,65. 0,65 ET AU-DESSUS.

FLEURS JAUNES.
MjmOM (8 espèces). Anlhylllde (a espèces). Corydate. Ainica (i espèces, fia. Doronlc (1 espèces),
I Knrlère {* es|>cees). Astragale (* espèces, fig. Renoue (3 espèces). 368). "auge.
Lysiiuaque (S espèces, 388). Renoncule (5 es|>èees et Asphodèle. Cousoods.
fig 307). Cheirantc (quaraniain). pl.variétés douhics). Chélidoinefflcur double).
Poii-iiiille. Iris. Polenlitle. Doroiiic (3esp ,fig. 370).
il culc (i espèces). Potentille (3 espèce:*). Renoncule (1 espèces à
Nivifrage (s espèces). Renoncule (4 espèces). fleur double).

FLEURS BLANCHES.
AiHliooacefJesp.,/'. 4M). Anémone (5 espèces). Aclée {fig. 37ij. t Aspbo<lèlc [fig. 373) Acléc.
Anthylliite f* espèces). Anémone U espères). (F-illet. AsiitKMlète
Arubis i espèces). Campanule t4 esiR-ccs). <.ei auium. Lupin.
(simple et dou.) Aspérulc odorante. Gypsophie lri s (i espèces).
j

Mauve.
(Killet. Astrance \fig. 371). Orobe On.be. Pétunia.
BrMalS l'Iialangèrc fleurde lys. l1voinc(3irariétés) Sauge argentée,
t
1
'<!<'. Œillet. Reni (i espèces a ihalangere r
laie
l'igaïuon (4 espèces).
èces).
Ireliide. fli-ursdoubles). PoMmokie (4 Spu ée («Imp. double).
Iru naiue. Sauge. Sceau de Saic_. |
Valériane.
Saxifrage. Saxifrage, Valériane [fig. 374)
l'igainon.
Tradescance (a espèces).

FLEURS BLEUES.
(« espèces, Aneollc. Campanule t3 espèces). Ancolie (nombr. variét.). Iris (S espèce*).
S1SL il'lilox de
'

fig. la Caroline. espèce).


Iris (4 Cet amuin 13 espèces sim- Uipln (ï espèces).
tMlfane. Trailescance (i espèces). Luplu (3 espèces). ples et iloubles). Sauge (3 espèces).
Mm penché. I Vérouique (3 espèces). Keûâta. h t» (4 espèces), Consoudc (3 espèces).
l'olewoinc. sauge (3 espèces).
(3 espèces).

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28.S HORTICULTURE. LIVRE VIII.

FloralHon de juin.

H M I i l K DES PLANTES.

DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,30. DE 0,30 A 0,50. DE 0,50 A 0,65. 0,65 ET AU-DESSUS.

FLEIRS ROUGES.
A»tcnnaria Alptoa Anlliyni* fS variétés).
(/5g. Acl.illée û feuille d'asple- Muflier (4 variétés). Aconit napet.
S7H) Circé ifig. SI»}. niuaa Anculie. Convolviilns scamraonée
Aspcrule (3 variétés, fig. ClwvofKKje (9 variélés). BeUiiiie a grandes Ocurs. CalyMezIe (* variétés, (fig. 384).
3T7). MtnUMM 3 variétés, fig, <:un mille. fig. 381). Di K iiaie (J variétés).
Pyrolc. Krhium. niciaroe. Monardc (3 variélés, fa.
gmpmlw 13 varié- silène de Pcnsylvanle. l.i'iirn du Chili.
Véfoimrue du C lucasc. MrlmU (t variété*).
niKitalc.
Géranium (* variélea).
383) .
Piitamôn (i variété»),
tés fig. 378).
Teocriniuni mulliuorc. Sangs. valériane 13 variété»,/^.
SUticcc. Slachya. 384) .

FLEURS BLEUES.
(4 variétés), Astérocéphalc (3 varié- Adénophorc (3 variété?, Aconit (plus, variétés). Aconit (plusleura varié-
.«anule (4 variétés). tés). fig. SCI). Ancolie <3 variétés), tés).
Clnlulaire (3 variété^. Campanule fi variété») Astrrotvphalo (3 varié- fx-lphinium (plusieurs va- Campanule (5 variété» .
Dracucéptialed'AulrMie. tés). rieié*). Clématite à fcu.lle* eii-
388), Ilurinin des Pyrénées Campanui<> fr. variétés). iris (2 variétés). liéres.
Poténtnlnafi variétés). {fig. 387). Commclînc (Jig. r.90i. Phyteuma (4 variétés). IXlpliinuin (plusieurs»
Polygafel amer {fig. 3») Sculellaire (3 variétés, Géranium (S variétés). Polemoine 19 variétés;. netes).
Pulmonaire (i variétés .
fig. asn. Pharrlir uipinnécrf.591). Lupin |Kjlyplillle.
Vcroni«iuc(4 variété*). Sau«e à srandes Ocurs. Saujçe (i variétés) fcciiinops épineux (fa.
" variélés).
Véronique (i variétés). 3UI).

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ntàt v. FLORICULTURE. 289

Floraison de juin (Suite).

HAUTEURS DES PLAINTES.

DE 0,05 A 0,15. DK 0,15 A 0,30. DE 0,30 A 0,50. DE 0,50 K 0,05. 0,65 ET AU-DESSUS.

km; r n s j.ylxes.
Alétris dorée (ftg. 593). Achillée (i variétés). Aconit (plusieurs varié- Aconit (plusieurs varié- Aconit (plusieurs varié-
Anémone patate ( ftg,
Alysson. tés). tés). lé?).
34S). A»clépiade tubéreuse. Aralie. Asphodèle (3 variétés). ItaNamiie (3 variétés, ftg
Colurla. Pliyleuroa (ftg. 399). Astragale. AsiraKalc {7 v orlétés). 407).
Coronillc Ibérique (ftg. Caitlia i'i Unir dnuble. Ruphinlme lluplèvn- (ftg 405).
Iftj. 401). Cinéraire (ï variétés).
39i). (jEnothorr |4 variétés). Corydale. O-plialaire lit se. Gentiane.
Gnaptialium Immortelle. oiHtMnixIlimi ifig. 400). hschscltitltzia (3 variétés. Cinéraire (ftg.. MM). t.ysimaque (3 variétés).
Ilypniis tftg 5tt5J. Tro'le d'turope et d'A- ftg. 4us). Doronic (Puri ont. InnaMo (3 variétés).
Opliioguu du Japon ifig. iucri(|uc. Eruerocallc (3 variétés). Emerocalc (3 variétés). Pigamon (plusieurs va-
300). Orabe (4 variété»), OKnotticrc. riétés)
PolenliUe (5 variétés), l'igamon (i vai icics). Sauge glmineu «c.
saxifrage (3 variétés). Trigunelle (ftg. 4o3j.
s<tluin (i variétés). Gremil d'Orient (fig. 104).
SJdérile (fia. 381).
LTulairo(/<y.B»}.

403, 404, 405, 406. 407.


0)BTICCt.TO»K. T. V. — st
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290 HORTICULTURE, LÎVItE vni.

liorafnon de Joln (
Suite).

HAUTEURS DES PLANTES.

DE 0,05 A 0,15. DE 0,15 A 0,30. DE 0,30 A 0,50. DE 0,50 A 0,65. 0,65 ET AU-DESSUS.

I I n n> BLANCHES.
Anaryrlus f fig. «11). Arum taché. Aporyu (3 Aconit
Céraste (3 Yarlélé*). Campanule a feuille d'al- 41»;. upindèle
Dryag fs Tariétcs. Arenaire (4 iraricrta). liîiir*". Aselépiade. Clématite i

fig
408). corydaie. Céraste (i variétés). Cyn luobusn. nelésj
Gala\ {fig. 409). (.>|.fO|.|.ile Julienne. Dictante. Lupin polyphiile.
(fig. 4IS).
CKnoihèro (i Yarictés,/S<7. Oimlir>cMt {fig 41B). Iris de Floieoce (fig. Phvlcuma en épis. notante.
410/. ivllaria [/S. Mjfj. 41 M. Pyrélre à grande» Oeurs.
PyroJe (5 variété»). Ofcnothcrn »|Hri<>*a. Sanicle {fig- H»'.
Alk'-kenpe (/../. tl«). Spireeulraaire(/ifl.4*)).
Soirée reine de» pré*,
l'igaraon (ïï variétés, fig.
Ail).

412,

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tlTRE V. FL01U CULTURE. 591

PLANTES BISANNUELLES.

FLEURS JAUNES. FLEURS RLEUES.

Acjfiws patavlnus. Ibérlde naine. OEnothè.re (3 var.) (fig. 4i6). Campanule on épis.
(Eilletdela Chine (fig. 4«t). à r. uillesde lin. Souci. Lobélia brûlante.
de Montpellier. iadrotace u var) (ftg. 4*4). Corydale dorée. Campanule de Sibérie.
pubesmit. Arabide ii va rie les). Palrinfa enronata [fig. 4î7). Mauve de Crète.
Silène spatule* i/ig.4Mj. Sedutn ii variétés). Reseda pliyteuma. Trachélie Mené [fig. 4311).
ruhella. Koni^ta (i variétés). Véaicaire slnuée. Anchuse panirulée.
ARroMemme double. Campanule nioveune. Audryale roucinée [fig. 4M). Cynoulose bicolurc.
Lavatcre Iwsannuelle. SilèA*' iP Italie. Cérlnthe yfig. 459). Delphlnium staphisaigre.
Mathiole de Tariarle. Lunaire blanche [fig. 445). Jusauiamc pale. Verbena [fig. 43!).
Muflier (3 variété)) (fig. ii3). Ilespéride blanche. Calliopsis d'Atkinson. Vicia I

Hespérkle bipennée. Sauge blanche. Crepide bisannuelle.


Ontatirée
Cw>oRlose.
Sause étalée.
Alhéa rose.

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592 HORTICULTURE. livre vm.

PLANTES ANNUELLES
Floraison d'été.

n.r.tRS ROUGES. FLEURS ni. v M. II ES. FLEIQS JAUNES. FLEURS BLEUES.

Butoca multiflorc. Campanule. Alyssum (corbeille d'or). Verveine- genlflle.


Centraulhus [fig. 433}. Ctarkia. Capu< inc. Astragale {fig 438).
Seoeçon é!egaut. Omplulade (fig. 43G). Liiuire. ue rortogai \pg.
ciroiie *oj,.
Couvolvulits de Slliérie. itatura. OEooibère. Améthyste {fkj. 440).
Antirrliynum (muflier). <; lia. S4IIICI. Nigelle.
Clauriura (fig. 45ô). Lavai jre. Mcliiot d'Inde. Sauge.
Œillet prohlere. Mau%e. frisée. TOgéir rnac d'Inde. fx Ipliinium.
Krodiuin incarnat fig. *M). Pavot soniuifcic. Kelmie UH1N|U00i |
Campanule.
Nicuilaue (labac; Col»la fig. -*."i7i.
• Mcliloi hleu.
Malo|>c à gr. fleurs, {fig. 43s). m lianilif (soleil). Rolwc [fig. 411).
Am.iranthc. Ruubcka. Néinopliile fig. 4«).
Polygouum d'Orient. Lu] tin bleu.

41, *«.

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T1TBE V. FLORICULTURE.
Noos croyons de pousser plus loin ces
inutile à mesure que s'est accru le nombre des
affaibli
exemples; ce qui précède doit suffire pour végétaux exotiques introduits en Europe, et que
mettre les horticulteurs à même de former des se sont vulgarisés les procédés de culture de
tableaux analogues pour toute Tannée. Les ar- ces végétaux; beaucoup d'amateurs préfèrent
bustes, de jour en jour plus nombreux , culti- aujourd'hui, la dépense étant la même, une
vés pour leurs fleurs, doivent trouver place sur serre garnie de plantes qui se succèdent en
ces listes. fleurs presque toute l'année , à une collection
Nos lecteurs remarqueront que nous avons de tulipes dont on ne jouit qu'une fois par an.
indiqué comme propres à garnir le parterre, Telle est la raison principale pour laquelle le
plusieurs fleurs sauvages qui n'y figurent point prix jadis excessif des tulipes a considérable-
ordinairement, et quelques plantes de terre de ment baissé et doit baisser encore. En Angle-
bruyère. Les premières, telles que la nature les terre, une collection de 700 tulipes de choix
a faites, nous semblent au moins égales à beau- qui coûtait encore il y a vingt ans 6,250 fr.
coup de fleurs obtenues par la culture; elles ne coûte plus actuellement (1843) que 2,500 fr.
sont d'ailleurs susceptibles de gagner beaucoup En Hollande, une collection lable, un peu
par les soins du jardinier. Quant aux secon- moins nombreuse, mais plus riche en beaux
des, quoique les plantes de terre de bruyère échantillons, vaut encore de 3,800 fr. à 4 ,200 fr.
exigent quelques soins particuliers, et qu'elles Pour le moment, les plus belles collections, les
soient l'objet d'une culture à part, on peut [>lus estimées des amateurs, sont moins nom-
néanmoins les mêler aux autres plantes de >rcuses en Hollande qu'en Belgique où elles
parterre, surtout lorsqu'on n'en a pas un assez n'ont pas de prix déterminé, parce que presque
grand nombre pour en remplir un compar- toutes appartiennent à de riches amateurs qui
timent séparé. Dans ce cas, il suffit de les ne voudraient vendre à aucun prix. A Paris, les
planter dans une manne d'osier, remplie de collections de tulipes à la disposition du com-
U'Fre de bruyère, et enterrée dans la plate- merce, peu inférieures à celles de Belgique, va-
bande ; aussi, en leur donnant à cha-
on peut lent encore de 4 à 500 fr. le cent, en mélange;
cune un de grandeur suffisante plein de
csj tari' il y a des variétés très rares dont un seul ognon

terre de bruyère, se dispenser d'y joindre un se paie de 3 à 500 fr.


panier; nous avons eu fréquemment occasion Il existe des collections de 2,000 ognpns et
de remarquer que les racines des plantes de plus, mais, quoi qu'en disent ceux qui les possè-
terre de bruyère ainsi cultivées , se repliaient dent, elles contiennent des répétitions ; le nom-
sar elles-mêmes, plutôt que de pénétrer dans la bre des variétés ne dépasse pas 800, et même,
terre de la plate-bande quand elle ne leur con- on peutdire qu'au-delà de 600 il faut faire de
venait pas. La principale utilité du panier con- celte culture sa principale occupation pour re-
siste dans le terreau qu'il fournit en se décom- connaître des différences réellement impercep-
posant au bout de quelques années. tibles.
A part toute passion , la réunion de 600
Section II. — Plantes de collection. fleurs toutes différentes, avec leurs nuan-
ces vives, d'une richesse incomparable, est
Les fleurs de ces plantes sont celles de toutes réellement une des plus belles productions du
qui donnent aux amateurs d'horticulture le plus régne végétal. Il ne manque a la tulipe que
de jouissances ; dans bien des pays, notamment l'odeur; elle a l'éclat des couleurs, l'élégance
en Belgique et en Hollande, on ne donne le des formes et la durée de la floraison ; elle y
nom d'amateurs, en horticulture, qu'à ceux qui joint au plus haut degré la persistance dans la
s'occupent exclusivement des plantes de collec- forme, la taille et la couleur, et quoique pour
tion. Ces plantes ont toutes, quoiqu'à des de- se maintenir dans toute la perfection que les
Eres différents, le défaut essentiel de coûter amateurs en exigent, elle réclame des soins
tort cher. Toutefois,comme il y a plus de pe- assidus, la tulipe n'en est pas moins une plante
tites bourses que de grandes, nous donnerons vigoureuse, peu difficile sur le climat et la qua-
à la suite de cet article les moyens qu'un ama- lité du sol ; nous pouvons rapporter à ce sujet
teur dont les moyens sont bornés peut mettre une expérience directe.
en usage pour se former à peu de frais de fort Un jeune paysan de la province de Liège
belles planches de toute espèce de plantes de (Belgique), travaillait comme manœuvre dans
collection. d'un château dont le propriétaire était
le jardin
Les plantes dont nous allons décrire la cul- un riche amateur de tulipes. Il trouva moyen
tore sont de pleine terre et n'ont besoin ni des de soustraire de très petits caîeux négligés
serres ni de l'orangerie pour passer la mauvaise comme sans valeur, et s'amusa à les planter
dans un coin du jardin de son père, dans un
maigre mal En quelques années,
§ t
,r . — Tulip«. sol
il
et cultivé.
eut toute la collection ; les ognons grossirent,
La passion des tulipes, si l'on peut employer leurs fleurs se fermèrent et devinrent d'une
Çctte expression, ne subsiste plus qu'en Hol- beauté remarquable, quoiqueTort inégales, sans
ande et en Belgique. Le goût exclusif professé aucune espèce de soin, sans même recevoir de
longtemps pour cette fleur en France, en AÏIc- couverture en hiver ; à la vérité, le coin de
BKgnc et en Angleterre, s'est graduellement terre où elles végétaient était passablement

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HOBTIC LTURE. i »vul vin
294

âbritéda côté da nord. Cette collection, acquise


H — Semis.
pour quelques pièces de cinq francs par un con-
naisseur, est devenue entre ses majns, par une importe de laisser parfaitement mûrir la
Il

bonne coliure à laquelle nous avons nous-mê- graine dans sa capsule avant de la récolter ; au
me participé, l'une des plus belles de toute la risque d'en perdre une partie, on doit atteudre
Belgique. Quoique les ognons eussent souffert que la capsule soit devenue de couleur brune,
pendant bien des années, ils se sont prompte- et qu'elle commence à s'ouvrir d'elle-même,

inent refaits et ont atteint presque tous leur seul signe certain d'une complète maturité. On
plus grande perfection. sème au printemps, en plate-bande de terre lé-
On peut conclure de ce fait que la tulipe est gère mêlée avec moitié de terreau de deux ans;
une plante essentiellement robuste, rustique, celui qui provient du fumier de vaches est le
capable de survivre à beaucoup d'accidents meilleur ; le fumier de cheval et son terreau
que ne supportent pas d'autres végétaux plu» sont contraires à la tulipe à toutes les époques
vigoureux en apparence. La flg. 443 repré- de son existence. A la fin de l'été, on laisse
complètement dessécher la terre où l'on a semé
Wig. 443. les tulipes, on au crible fin, et l'on en
la passe
sépare ainsi jeunes bulbes qu'on traite en-
les
suite comme les caïeux. En général, les semis
en terrine ont plus de chances de succès que
ceux qu'on fait en pleine terre, parce qu'il est
plus facile de préserver les jeunes plantes d'un
excès de chaleur ou d'humidité qui leur nuirait
également.
Les tulipes obtenues de graines ne montrent
leur fleur que la quatrième ou la cinquième
année. Cette fleur est, dès la première fois
qu'elle s'épanouit, tout ce qu'elle doit être sous
le rapport de la hauteur de sa tige et du déve-
loppement de sa corolle ; si elle est trop basse,
trop petite, ou mal conformée, il n'y a pas de re-
mède, elle restera telle toute sa vie, et elle n'est

bonne qu'à être supprimée. Mais il n'en est pasde


même sous le rapport de la couleur; ses nuan-
sente deux tulipes réunissant les conditions ces confuses pendant les premières années, de-
exigées des amateurs. viennent enfin nettes et vives, en sorte qu'on
doit conserver les fleurs d'une belle forme,

A — Muldplicaùon. portées sur des tiges élancées, avec l'espoir


fondé de les voir devenir un jour toutes dignes
La tulipe se multiplie de graines et de caïeox. d'entrer dans la collection de l'amateur le plus
Les graines ne reproduisent pas constamment difficile.
les mêmes nuances dans les fleurs des ognons
qui en proviennent; néanmoins, il n'est pas
C. — Caûux.
indifférent de semer la graine de telle ou telle La culture des caïeux de tulipes a sur les
fleur ; on ne peut attendre quelque succès que semis l'avantage de donner des résultats cer-
des semis de graines récoltées sur des plantes tains etconnus d'avanée. On ne doit considérer
dont les fleurs avaient le bas des pétales et comme mûrs et bons à mettre en pépinière
l'onglet d'un blanc, très pur. Les caïeux, au que caïeux qui, quel que soit leur volume,
les
contraire, donnent toujours des fleurs de tout se détachent facilement de Pognon. Cette sé-
point pareilles à celles des ognons sur lesquels ils paration a lieu à l'époque où l'on déterre les
sont nés. Malgré oette perpétuité dans la suc- ognons après leur floraison. On les plante daus
cession des qualités de la fleur, les différences la même terre dont nous donnerons la prépa-
entre ces fleurs ne constituent point aux yeux ration pour les plantes parfaites la distance ;

des naturalistes de véritables variétés : toutes, et la profondeur se mesurent d'après la gros


sans distinction, appartiennent au genre lu- scur des caïenx. En Hollande et en Belgique,
lipa, et à la variété gesneriana; les mille noms où l'on change de place les tulipes à fleurs tous
qu'elles portent dans les collections sont exclu- les ans ou tous les deux ans an plus tard, on
sivement du ressort de l'horticulture. Un fait réserve, pour élever les caïeux, la planche
très remarquable, et qui ne nous paraît pas suf- que les tulipes viennent de quitter ; ils s'y dé-
fisamment étudié, c'est le peu d influence que veloppent rapidement. Il ne faut les arroser
la fécondation réciproque parait exercer sur les que quand une sécheresse très prolongée coïn-
tulipes ; comme elles fleurissent toutes à la fois cide avec le moment de leur première végéta-
est
et très près les unes des autres, il est impossi- tion, car plus tard la sécheresse ne leur
ble que cette communication n'ait pas lieu cha-
I
que favorable. On ne doit employer, pour les
que année sans qu'on en signale d'effet sen- couvrir pendant l'hiver, que de la litière extre-
sible sur les produits de leurs graines.
I
mement sèche ; on peut les découvrir de très

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rirne v. 1L0KICULTUKE. 295-

bonne heore au printemps ; ils sont insensibles Beaucoup d'amateurs d'horticulture regar-
aux petites gelées. On donne ordinairement à dent toute espèce d'engrais comme funeste aux
la plate-bande qui reçoit les eaïeux en pepi tulipes; c'est un préjugé fondé cependant sur
nière une forme bombée, afin de faciliter l'é- un lait, mais sur un fait mal observé.
suolirment qui, dans les années pluvieuses, Les plantes bulbeuses d'ornement, tulipes,
leur est indispensable. jacinthes, crocus, lys, fritillaires. meurent très
promptement sous 1 influence de l'ammoniaque;
D. — Préparation du tetr^m. on peut s'en assurer par des expériences direo
La tulipe, comme nous l'avons dit, est peu tes. Tout fumier frais, mêlé d'urine de bétail»
difficile sur la qualité du sol; celui qu'elle pré- contenant des sels à base d'ammoniaque, ap-
fère est un sol substantiel mais sain, ce qu'ex- pliqué sur les bulbes, les fait périr. Si, par
prime fort bien le proverbe flamand « foule
: exemple, pour couvrir pendant l'hiver une
terre qui produit de bon froment peut produire pianeiie de tulipes ou de jacinthes, on emploie
de bonnes tulipes. » L'emplacement doit être de la litière trop fortement imprégnée d'urine
choisi dans le lieu le plus aéré «le tout le jar- de bétail, et qu'on laisse les pluies entraîner
dto Dans son pays natal, la tulipe ne se ren- les sels ammoniacaux jusque sur les bulbes, on
contre à l'état sauvage que dans des lieux dé- en perdra certainement un grand nombre, et
couverts. Quelques horticulteurs, lorsque le lous, sans exception, seront plus ou moins en-
sol de leur jardin leur semble suffisamment dommagés. Mais il ne s'ensuit pas que la cul-
favorable, y plantent tout simplement leurs ture de ces plantes ne comporte la présence
ognons de tulipe, sans aucun amendement ils ; dans le sol d'aucune espèce d'engrais ; les ra-
profilent des sécheresses de l'été pour pulvéri- cines fibreuses des bulbes ont an contraire à
ser et passer au crible la terre qui doit rece- souffrir dans un sol maigre qui se durcit et ne
voir les tulipes; du reste, ils l'emploient sans leur offre pas une alimentation suffisante. Le
mélange. Ce procédé, le plus simple de tous, fumier, ayant épuisé sa fermentation pour
ne réussit complètement que sur on terrain passer à Petat de terreau, remplit parfaitement
particulièrement propre à cette culture; en cet objet. Le terreau provenant du fumier de
Hollande ei en Belgique, où le sol est certaine- vaches est le meilleur; on doit le conserver
ment le meilleur que l'on puisse désirer pour trois ans avant de s'en servir; il ne faut l'em-
tes plantes bulbeuses, on le prépare de la ma- ployer que presque sec ; il est alors d'une grande
nière suivante. On commence par défoncer les utilité aux tulipes dont il active la végétation
planches à 0m ,50 de profondeur, puis on en- d'une manière très sensible.
lève toute la terre qu'on dépose en ados sur le
bord de la fosse, au moins six mois à l'avance. E. — Plantation.
Cette terre est passée à la claie pour en séparer Avant de planter les ognons de tulipe, on
exactement toutes les pierres on a soin en-
; doit les passer tous exactement en revue pour
suite de la remuer fréquemment à la bêche rejeter ceux qui pourraient être endommagés,
avant de s'en servir. Les fosses sont remplies ce qu'on reconnaît à leur ramollissement et à
au moins 15 jours avant le moment choisi pour une légère moisissure qui se manifeste autour
la plantation qui, sous le climat de Paris, ne du plateau. Quant au choix des bulbes, pour
doit pas se faire plus tard que le 10 novembre, en faire l'acquisition, il ne peut être fait que de
mieux avant la Toussaint, à moins que l'humi- confiance ; tel ognon rare vaut plusieurs pièces
dité de la température ne s'y oppose. Les d'or et ne diffère en rien de tel autre qui vaut
fosses reçoivent d'abord une couche de terre 30 centimes. On recommande néanmoins de
d'environ 0 ,20 d'épaisseur; si le sol n'était préférer les bulbes de forme allongée terminés
pas parfaitement sain, quelques débris de bran- par une pointe bien prononcée, à ceux qui
chages étendus sous celte première couche de sont ramassés et comme aplatis; toutefois,
terre ne pourraient qu'assurer l'égouttement. c'est une indication peu précise. On pres-
très
On forme ensuite un mélange, de terre et de crit aussi de rejeter ceux qui ont perdu leur
terreau par parties égales, et l'on en remplit la tunique brune extérieure; cette pellicule est si
fosse à P épaisseur de 0 œ ,40. Enfin, par-dessus mince et si peu adhérente qu'elle se brise et
ce second lit, on en donne un troisième de tombe en fragments au moindre contact ; des
terre semblable à celle du fond, épais seule- ognons parfaitement sains peuvent en être dé-
ment de 0 m ,05. Comme la fosse n avait que pouillés en tout ou en partie sans avoir rien
0",50 de profondeur, ces trois lits successifs perdu de leur valeur. Les traités anglais d'hor-
dépassent de beaucoup ses bords; c'est pour ticulture conseillent d'enlever cette tunique an
cette raison qu'on les met en place 15 jours moment de la plantation ; nous croyons cette
d'avance, afin qu'ils éprouvent un tassement pratique tout-à-fait indifférente.
qui ne rende plus les bords de la planche su- En France comme en Belgique, on ne dis-
périeurs en hauteur au sol de l'allée que de pose les tulipes que sur cinq rangs, à 20 centi-
quelques centimètres ; une bordure de pierres mètres les uns des autres, ce qui exige une lar-
platesou de gazon prévient les éboulements ;
geur totale de l m ,25, y compris les deux bords.
W gazon a l'inconvénient de servir de retraite En Angleterre et en Hollande, on forme les
aux insectes et aux limaces qui peuvent nuire planches de sept rangées avec le même espa-
wx bulbes des tulipes. cement, mais seulement pour les collections

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296 110UT1C ULTURE. LivftE vui.

très nombreuses dnns ce cas, il est nécessaire de manière à ce que les plus gros en aient
;
m
0 ,10 et les plus petits au moins 0"\08 au-
que la planche soit accessible des deux côtés.
Ces deux modes de plantation réclament cha- dessus de leur partie supérieure. La planlatioa
cun une manière différente de disposer les terminée, on peut passer le strike sur la plan-
plantes. che, du côié dépourvu de cran», afin de régu-
Pour les plantations sur cinq rangs , on lariser sa surface. Si la planche est bombée, le
donne au borti de la planche le plus éloigné de milieu ne doit pas avoir au-delà de 0 in 10 au- ,

l'allée,8 à 10 centimètres d'élévation de plus dessus des bords ; si elle est inclinée, le bord
m
qu'au bord antérieur, ce qui donne à la plan- antérieur doit être de 0 ,l0 plus bas que le
che, du côté du spectateur, une légère incli- bord opposé.
naison très favorable à l'effet des tulipes qui se F. — Détails de culture.
trouvent en amphithéâtre au moment de la
floraison; l'on a soin en outre de réserver les Les tulipes ne souffrent sensiblement que
fleurs les plus élevées pour les derniers rangs pendant les hivers pluvieux, lorsqu'on n'a pas
et de planter les plus petites en première soin de les préserver d'un excès d'humidiié
ligne. qu'elles redoutent par-dessus tout; il ne faut
Pour les plantations sur sept rangs, on les couvrir que durant les très grands froids,
donne à la surface de la planche une forme soit avec de la litière bien sèche, soit avec de
bombée, en réservant pour le rang du milieu vieux paillassons; à cet effet on garnit la plan-
les fleurs les plus hautes. L'on ne peut alors che avec des branchages pour que la couverture
en bien voir que la moitié à la fois mais , en
;
ne touche pas immédiatement à la terre. Cette
tournant autour de la planche, on voit à plus couverture, on ne peut trop le répéter, nuit
petite distance le rang plus élevé dont l'ob-
le aux tulipes dès qu'elle ne leur est plus néces-
servateur, dans la plantation sur cinq rangs, saire, et si l'on n'avait pas soin de l'ôter et de
m
est à l ,25, tandis qu'il n'en est qu'à 0 m ,70 la remettre selon le besoin, il vaudrait mieux
dans la plantation sur sept rangs. Toutefois le ne pas couvrir les tulipes du tout ; l'impression
premier de ces deux arrangements est toujours d'un froid modéré est plus utile que nuisible
celui qui donne à la floraison le plus riche coup aux ognons de tulipe pendant l'hiver.
d'œil. Un amateur anglais a invente pour la A la lin de février toutes les tulipes mon-
plantation des tulipes sur sept rangs un instru- trent plus ou moins leur première feuille. La
ment en bois qu'il nomme strike (fig. 444) pâleur de leur verdure et la maigreur de leur
végétation indiquent dès lors suffisamment
Fig. 444.
celles qui ont souffert de l'hiver et qui sont
atteintes de pourriture. Il faut tout aussitôt les
enlever à l'aide du transplantoir (voir Instru-
ments de jardinage, fig. 130), supprimer avec
une lame bien tranchante la partie endommagée
de l'ognon, et laisser la plaie se cicatriser à l'air
libre. Cette opération ne peut se faire que par
une journée très sèche, durant ce que Ion
Fig. 445. nomme généralement le hâle de mars. Des ac-
cidents semblables ont toujours lieu chaque
gu'on pourrait appliquer, en lui donnant une hiver même dans les collections les mieux soi-
forme aplatie, à la plantation sur cinq rangs gnées; pour éviter les vides qui pourraient en
(fig- 445). La longueur de l'instrument, moins résulterdans la planche au moment de la flo-
m
les deux poignées, est de l , 60 dans le pre- raison, on plante toujours à part une réserve
m
mier cas, et de l .25 dans le second; les rai- proportionnée au nombre total des lml ho;
nures marquent d'un seul coup la place des l'usage bien dirigé du transplantoir permet de
rangées de bulbes, et rendent la courbe ou le remplacer les plantes malades par d'autres
plan incliné d'une régularité parfaite. bien portantes et do tenir constamment la
On doit autant que possible choisir un temps planche au complet. Dès que les plaies des
couvert, mais sec, pour planter les ognons de ognons malades sont cicatrisées, on replante
tulipes. Les places étant marquées, on
y pose ces ognons dans la réserve à la place de ceux
chaque ognon en appuyant légèrement, car il qui sont venus les remplacer dans la planche de
importe que les racines", en sortant du bourre- tulipes. Si par l'effet du hâle de mars la terre
let qui entoure le plateau, ne rencontrent pas se recouvre d'une croûte dure, un léger binage
une terre trop foulée. On verse ensuite sur m
à 0 ,05 ou 0 m ,06 de profondeur, donné avec
chaque ognon une ou deux poignées de terre précaution, favorise la végétation des tulipes
sablonneuse sèche, de manière à ce qu'il se et contribue à assurer la beauté de leur florai-
trouve totalement caché dans une petite butte son. Il ne faut laisser recevoir aux tulipes qu'une
de forme conique; cette précaution est très ou deux ondées de printemps ; elles n'ont du
nécessaire pour la conservation des bulbes reste pas besoin d'arrosagesartificicls. Il est donc
qu'elle préserve de beaucoup de maladies. On utile de placer de bonne heure sur la planche
achève ensuite de charger la planche en y ré- le châssis destiné à recevoir une tente pendant
pandant de la terre sans déranger les ognons, la floraison. On peut ainsi leur ménager selon

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TITRE V. FL01UCULTU11E. 297

le besoin l'eau da en observant de main-


ciel, dinaire douze ou quinze jours après la pleine
tenir toujours la terre plutôt sèche qu'humide. fleur. On ne laisse porter graine qu'au petit
Sous le climat de Paris la température toujours nombre d'ognoos dont on veut utiliser la se-
fortinconstante au printemps est sujette a des mence ; les capsules des autres doivent être en-
retours de gelée très dangereux pour toute levées pour ne pas fatiguer inutilement les
espèce de végétation. Les tulipes en souffrent ognons.
surtout lorsque la gelée, succédant brusque- L'enlèvement des ognons est une opération
ment à la pluie, surprend remplis d'eau les fort importante pour la conservation et l'entre-
cornets formés par les feuilles naissantes au tien des collections. Retiré de terre avant le
fond desquels repose le bouton de la fleur. Les moment convenable, Pognon devient flasque
vrais amateurs ne craignent pas, pour préve- et dépérit ; il ne donne que des fleurs insigni-
nir les accidents qui en résultent, de pomper fiantes pendant plusieurs années ; retiré trop
cette humidité, soit avec un morceau d'eponge, tard, son suc s'épaissit; il donne à la fleur de
soit avec une petite seringue; le second de ces l'année suivante trop de matière colorante, les
deux procédés, quoiqu'un peu moins expéditif nuances se brouillent, la fleur est altérée pour
que le premier, est le plus commode. A la fin longtemps et ne se remet qu'avec peine. 11 faut
d'avril beaucoup de tulipes sont en fleur ; il choisir, comme pour la plantation, un temps
est temps de poser la tente sur le châssis sans couvert, mais sec, et saisir le moment où les
attendre la pleine floraison. L'on ne doit bais- feuilles commencent à jaunir sans être dessé-
ser la tente que pendant les pluies d'orages et chées. Comme il est presque impossible que
lorsqu'un soleil très vif exige un abri momen- tous les ognons de tulipes aient végété avec une
tané, encore doit-il être donné avec discerne- égalité parfaite, on laisse en place ceux qui ne
ment. Les pluies violentes abattraient et dé- semblent point assez avancés lorsqu'on retire
truiraient les tulipes ; il faut donc les en pré- de terre le plus grand nombre.
server d'une manière absolue, ce qu'on fait en Les ognons de tulipes de collection se con-
l>ai*>ant la tente jusqu'à terre de tous les co- servent dans des casiers dont le devant est à
tes. Les modérées qui leur nuiraient
pluies claire- voie pour faciliter la circulation de l'air
aussi, quoiqu'à un moindre degré, n'exigent et prévenir la moisissure. Ces casiers sont nu-
pas une clôture aussi complète; la toile ne doit mérotés ; chaque ognon y reprend tous les ans
descendre jusqu'à terre que du côté où souffle la place qu'indique .son numéro d'ordre joint sur
le vent ; l'autre côté doit laisser au moins un la liste générale à sa désignation particulière,
mètre entre le sol et le bas de la toile afin de ; de sorte qu'à l'époque de la plantation rien n'est
laisser entrer l'air dont les tulipes ne sauraient plus facile que de les remettre dans l'ordre
se passer. L'effet nuisible du soleil consiste convenable pour faire le mieux ressortir leurs
d'une part à altérer les nuances des tulipes, de avantages.
l'autreà hâter l'épanouissement et la chute des
pétales que l'amateur cherche au contraire à
II. — Jacinthes.

retenir le plus longtemps possible. Mais sans le Les variétés de jacinthes sont encore plus
secours de l'air et de la lumière, les tulipes ne arbitraires et plus difficiles à distinguer que
sauraient acquérir ni leur complet développe- celles de tulipes; ce ne sont pas non plus des
ment, ni le plus grand éclat de leurs nuances. variétés naturelles; toutes appartiennent au
Quand le temps est beau, la tente ne doit ja- genre hiacinthus et à l'espèce orientalis. Du
mais être abaissée plus qu'il n'est nécessaire temps de la plus grande vogue de cette jolie
pour préserver les tulipes du contact direct des fleur, vers le milieudu dernier siècle, les ca-
rayons solaires; dès qu'ilsont perdu de leur force, talogues imprimés alors tous les ans en Hol-
il pour faire profiter les fleurs
faut la relever lande et en Angleterre portaient plus de 2,030
de l'air chaud
de la lumière dont elles ont
et noms; ils n'en contiennent pas aujourd'hui
besoin. Les en souffrir,
tulipes peuvent, sans plus de 400, et ce serait beaucoup que de por-
conserver la tente pendant trois semaines au ter à 300 le nombre des variétés offrant des
moins, et ne pas recevoir d'eau pendant tout le différences assez saillantes pour être incontes-
temps de leur floraison. tables. Il y a eu des exemples d'ognons vendus
Quelques tulipes d'ailleurs fort belles sont en Hollande 4,200 fr. Aujourd'hui, les mêmes
sujettes à ce que les amateurs nomment des ca- causes que nous avons signalées en parlant de
prices; elles ne fleurissent pas pendant une an- la tulipe ont influé sur la culture de la jacinthe.
née ou bien elles ne donnent pendant deux
, Peu d'ognons parmi les plus rares se vendent
années que des fleurs défectueuses. C'est le cas en Hollande plus de 200 fr.; on peut acquérir
de recourir à la réserve au moyen du trans- à Harlem, terre classique de cette culture, de
plantoir ; les tulipes peuvent avec, un peu d'a- très belles collections au prix moyen de 300 fr.
dresse être déplacées en pleine fleur sans en le cent. Les collections ordinaires, déjà d'une
souffrir. Du reste les caprices des ognons ne beauté remarquable, se paient en ce moment à
sont jamais durables, et les années suivantes Harlem de 60 fr. à 80 fr. le cent. A Paris, elles
ils se remettent à donner d'aussi belles fleurs valent de 100 à 120 fr.; quelques ognons très
qu'auparavant. rares se vendent de 200 à 300 fr. la pièce.
La tente ne doit être ôtéc que quand les pé- Quoique la jacinthe simple bleue, jaune, rouge
tales commencent à tomber, ce qui a lieu d'or- et blanche, ait une valeur réelle à cause du

WlIiCt.MtU, T. V. — 38
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2S3 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

nombre de ses fleurs et de son odeur suave, qui se reconnaît à sa couleur d'an noir très
c:le est exclue des collections qui n'admettent fonce. On sème , soit en octobre , soit au com-
que les jacinthes semi-doubles et doubles ; les mencement de mars presque à Heur de terre,
,

premières partagent avec les simples la faculté dans des terrines profondes, remplies de vieux
de se reproduire. terreau mêlé de sable , par parties égales. On
Longtemps on n'a cultivé que la jacinthe ne donne aucun autre soin à ces semis, que
simple : un jardinier hollandais. Peter Voer- de les préserver, soit du froid, soit de la pluie,
helm, obtint vers lîlO la première jacinthe à en rentrant les terrines au besoin. Le ji-une
fleur double plant ne doit jamais être arrosé. Lorsque sa
La jacinthe n'a sur la tulipe que l'avantage feuille s'est séchee d'elle-même , on recharge
de l'odeur; du reste, ses nuances sont beau- les terrines de quelques centimètres de terreau
coup moins variées; les jaunes surtout sont et l'on n'y touche plus, jusqu'à l'année sui-
fort peu nombreuses, de sorte que, dans une vante. Après la chute des secondes feuilles, on
planche de jacinthes, trois couleurs seulement déterre les bulbes qu'on traite ensuite de tout
dominent, le rouge, le bleu et le blanc. La ja- point comme les caïeux.
cinthe est plus difficile que la tulipe sur la qua- Quelques-uns des ognons obtenus de semis
lité du sol une particularité trop souvent mise
;
fleurissent la quatrième année ; on peut comp-
en oubli par les horticulteurs , a fait fréquem- ter sur la moitié des fleurs pour la cinquième
ment échouer la culture de la jacinthe sans année, et sur la totalité pour la sixième: il se
cause connue c'est que cette plante est de
: trouve toujours parmi ces premières fleurs des
celles qui ne peuvent s'éloigner de la mer à plus simples, des semi doubles et des doubles. C'est
d'une certaine distance sans dégénérer, parce alors seulement que l'espoir du jardinier se
qu'il n'y a pas de soins de culture qui puissent trouve comblé ou désappointé. On regarde les
suppléer à l'atmosphère particulière aux con- semis de jacinthes de collection comme cou-
trées maritimes, à l'air de la mer. C'est ainsi ronnés d'un plein succès, lorsqu'à l'époque de
qu'en Angleterre, dès qu'on s'écarte des cotes, la floraison l'on possède encore la moitié des

les ognons de jacinthe finissent par périr en 4 plantes qui ont levé , et que parmi les plantes
ou 5 ans , et ne durent jamais au-delà , même à qui fleurissent il s'en trouve, sur cinq cents,
Londres, qui n'est pas bien éloigné de la Man- une seule digne de figurer dans la collection de
che. En Belgique, pays tout plat, que les vents l'amateur. Ceci ne veut pas dire qu'on en doive
de mer balaient sans obstacle , la jacinthe est jeter 499; seulement, celles qui ne sont pas
encore très belle et dure de 15 à 20 ans, jus- simples font double emploi, en ne reproduisant
que dans la vallée de la Meuse, à 140 kilom. de que celles qu'on possède déjà, et c'est beaucoup
la mer, en ligne directe; en Hollande, la ja- d'en avoir, sur cinq cents, une seule réelle-
cinthe vit près d'un siècle sans dégénérer. La ment nouvelle.
fig. 446 représente une jacinthe semi-double,
digue de ligurer dans une collection d'amateur.

B. — Caïeux.
On les plante , soit au commencement d'oc-
Fig. 446. tobre , soit immédiatement après qu'ils ont été
séparés des ognons ; les circonstances de loca-
lité et de température déterminent le choix à
faire entre cesdeux époques. On les traite ul-
térieurement comme les ognons parfaits; il
faut avoir soin de ne les recouvrir qu'en pro-
portion de leur grosseur. Dans les pays éloi-
gnés de la mer, où la jacinthe de collection
dégénère et meurt en quelques années, il faut
avoir la précaution d'élever toujours assez de
caïeux pour qu'ils remplacent les ognons épui-
ses.Quant à la production des caïeux. il suflit
pour la provoquer d'enterrer très peu profon-
dément les ognons ; ceux qu'on recouvre d'une
Œ
épaisseur de 0 ,08à 0™,10, n'en produisent
point ou presque point.

C. — Préparation du terrain.
A. — Multiplication; ternit.
Les Hollandais font une sorte de secret de
La jacinthe, de même que la tulipe , se mul- leur terre à jacinthes mais ils en divulgue-
,

tiplie de semences de caïeux ; comme la tu-


et raient la composition qu'elle ne donnerait pas
lipe, elle donne des
variétés par les semences et le moyen de les égaler dans la culture de cette
se perpétue identique par les caïeux. Le but plante, puisque avec leur recette ils ne peuvent
des semis étant d'obtenir des variétés doubles, donner l'air de leur pays, première base de
les graines des jacinthes semi- doubles sont pré- leurs succès. Chacun peut modifier cette com-
férables à celles des Heurs tout-à-fait simples. position, conformément à la nature du sol dont
Il faut attendre la parfaite maturité de la graine il dispose , en partant de ce principe, que, plus

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mnE V. FLORICULTURE. 299

la température est humide, plus la jacinthe s'il est planté trop tôt, il par l'hiver
est surpris

réclame un sol léger qui s'égoutte facilement.


,
en pleine végétation et meurt également.
Voici les proportions le plus généralement em- Sous le climat de Paris, l'époque de la plan-
ployées en Hollande et en Angleterre; elles tation, variable selon la température, s'étend
sont applicables à un sol substantiel et riche, du 20 septembre au 10 ou 15 octobre. Elle nè
quoique léger, pour un sol compacte et argi- peut avoir lieu dans tous les cas que sur un sol
leux, la proportion du sable peut être augmen- modérément humide ; si des pluies prolongées
tée avec avantage.
*
menaçaient de causer un retard très préjudi-
ciable' aux ognons, il faudrait couvrir les plan-
D. — TtTTt d jacinthe
ches de paillassons jetés par-dessus des demi-
i erre iranrne ne jarain ...... 4 parues. cerceaux fichés en terre par les deux bouts,
Sahle. . . . 4 espèce d'arcade sous laquelle il s'établit un
Terreau de fumier de vaches. . . S courant d'air qui dessèche très promptement le
Feuilles pourries I
sol ; on choisit ensuite une belle journée pour

Total 13 effectuer la plantation.


Les jacinthes se plantent le plus communé-

On ne peut faire entrer dans ce compost les ment en planche plate, inclinée vers le bord de
feuilles de châtaignier, de noyer, et les autres l'allée,sur quatre ou cinq rangs, à 0,">16 les
feuilles trop dures qui se décomposent diffici- uns des autres ; les bulbes sont à la même dis-
lement les feuilles de tilleul, d'orme, de bou-
; tance entre eux dans les rangs. L'exposiiion du
leau, sont les meilleures pour cet usage les ; midi est très favorable aux ognons de jacinthe;
Hollandais y emploient la feuille de tilleul à c'est celle qu'on leur donne ordinairement.
l'exclusion de toute autre elle oc doit pas être
; Dans ce cas, il faut placer chaque ognon, non
entièrement réduite en terreau au moment où point à plat sur la planche, ce qui ferait pen-
l'on s'en sert. Le terreau de fumier de vaches cher son axe en avant hors de la verticale,
,

doit avoir deux ans au moins s'il en a trois, il ; mais un peu en arrière, comme le montre la
n'en vaut que mieux. Ces substances bien in- fig.447. On les recouvre ensuite en répandant
corporées ensemble sont préparées au moins
Fig. 447.
six mois d'avance et mises à l'abri sous un han-

gar; le mélange conserve ses propriétés pendant


six ou sept ans. En Hollande, on n'y cultive ja-
mais les jacinthes ni la première année, ni deux
ans de suite. On commence par lui faire jeter
son premier feu sur une culture d'iris, de jon- lecompost par-dessus avec précaution par ce ;

quilles et de narcisses, culture qui alterne en- moyen le plateau de l'ognon se trouve mieux
suite tous les deux ans avec celle des jacinthes. exposé aux influences favorables du soleil pen -
Le défoncement de la planche se fait au mois dant les premiers beaux jours de printemps.
de septembre quinze jours avant la plantation ; Les ognons de jacinthe, classés et numérotes
B,
on enlève la terre jusqu'à 0 .32 seulement, et comme ceux de tulipe, se placent autant que
on la remplace par le compost auquel on donne possible alternativement, un blanc, un bleu et
m
au moins 0™ ,08 ou 0 , 1 0 d'élévation au - dessus un rouge; les jaunes font suite au\ séries blan-
du bord de la planche; le tassement qu'il ches, et les panachés aux séries de la couleur
éprouve réduit son élévation à 0 ,n ,04 ou 0«n,05 qui forme leur fond.
au moment d'y placer les ognons de jacinthes.
La forme convexe ou inclinée se donne régu- F. — Détails de culture.
lièrement à l'aide du strike, comme pour les Les ognons de jacinthe, une fois plantés, ont
planches de tulipes. beaucoup d'ennemis; les mulots, les limaces et
En Belgique, dans la province de Liège, on une foule d'insectes destructeurs en sont par-
obtient de très belles jacinthes de collection ticulièrement avides; on ne peut les en préser-
avec un compost formé de trois parties de ter- ver que par une surveillance continuelle. Le
reau de fumier de vache, deux parties de terre meilleur remède contre les limaces consiste
de bruyère et une partie de terreau de feuilles ;
dans un lit d'ecailles d'huîtres grossièrement
il doit "être, comme celui de la recette hollan- concassées; les lames coupantes des débris
daise, préparé six mois à l'avance. d'écaillés sont difficilement franchies par les li-
maces, surtout quand les bords de la planche
E. — Plantation. sont soutenus par des bordures en pierres pla-
Les bulbes de jacinthe, comme tous les au- tes qui empêchent ces débris d'être en partie
tresbulbes, ont beaucoup à souffrir lorsqu'ils entrainés dans l'allée. Les ognons de jacinthe
ne sont pas plantés au moment convenable. II sont plus sensibles au froid que ceux de tuli-
n'en est pas d'un bulbe comme d'une graine ou pes ; il n'y a pas d'inconvénient à les couvrir
comme ae certains tubercules dont l'action vé- de bonne heure, pourvu que ce soit avec de la
gétative est interrompue tant qu'ils ne sont pas litière parfaitement sèche ; encore est-il pru-
plantés; le bulbe, planté ou non, pousse quand dent de la soutenir sur des rames a pois, afin
son temps est venu ; s'il attend trop longtemps qu'elle ne touche pas le sol, car le peu de sub-
la terre dont il a besoin, il s'épuise et meurt stances ammoniacales, dont la litière n'est ja-
;

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H0M1CULTUUE. livue VIII.

mais entièrement exempte, peut faire aux ja- de grosse laine verte ;nous avons vu en Bel-
cinthes un tort irréparable. Lorsque le froid Sique les plus belles collections maintenues par
atteint les ognons de jacinthe, ce qui arrive es cercles de fil de fer peints en vert, fixés aux
quelquefois en dépit de toutes les précautions tuteurs, sans qu'il en résultât le moindre in-
dans les hivers très rigoureux, il produit sur convénient. Les fleurs ne pourraient en souf-
ces bulbes un effet très singulier; dès le pre- frir que dans le cas où, la planche n'étant pas
mier dégel la fleur sort de l'ognon mais quelle
; suffisamment abritée, elles seraient souvent et
fleur? A peine s'élève-t-elle d'un décimètre au- fortement agitées par le vent elles éprouve-
;

dessus du sol ; Todeur et la couleur ne sont raient alors un frottement violent contre le fil
pas moins alierées; puis Pognon gelé est at- de inconvénient est toujours facile à
fer; cet
teint de pourriture et meurt. 11 est souvent très prévenir. La beauté de la floraison et la conser-
difficile d'éviter de tels désastres parce qu'une vation des collections de jacinthes dépendent en
couverture trop chaude, telle qu'il la faudrait grande partie de la manière de traiter les ognons
pour éviter l'effet de la gelée durant un hiver depuis la fin de leur floraison jusqu'au mo-
très rigoureux, aurait un autre inconvénient; ment de les planter de nouveau. La méthode
elle ferait partir les jacinthes en hiver; alors hollandaise, adoptée par tous les amateurs les
feuilles et fleurs s'étioleraient avant la saison plus expérimentés en Angleterre et en Belgi-
de la floraison naturelle, et I on n'y gagnerait que, consiste à laisser mûrir les ognons sur le
rien. terrain pendant trois semaines au lieu de les
Mais l'ognon de jacinthe, même gelé, même faire sécher à l'air libre. Voici comment on
à moitié pourri, n'est jamais entièrement perdu, conduit cette importante opération. Dès que les
la vie se réfugie dans le dernier fragment de feuilles commencent à jaunir, ce qui a lieu
tunique qui n'est pas encore décomposé; si 15 ou 20 jours après la floraison, on retranche
l'ognon ne se rétablit pas, il donne au moins avec une lame bien affilée toute la plante,
des caïeux qui le remplacent au bout de quel- feuilles et tige, à quelques centimètres au-
ques années. Il ne faut donc jamais jeter un dessus de la naissance du bulbe, puis on l'ar-
ognon de jacinthe, quelque endommagé qu'il rache avec toutes ses racines fibreuses qu'on
paraisse; nous en avons eu de très précieux, débarrasse de toute la terre qu'elles retiennent.
attaqués par le cœur au point de ne conserver On pose ensuite chaque bulbe à côté de la
que quelques-unes des tuniques extérieures, place où il a fleuri, de manière à ce qu'il pré-
après l'enlèvement de la partie atteinte de sente sa pointe au nord et son plateau au sud.
pourriture ; plusieurs, traites comme nous l'a- On répand sur chaque ognon de la terre
vons indiqué pour les ognons de tulipe, se sont sablonneuse très sèche, de manière à en for-
entièrement refaits ; les autres ont donné des mer un cône qui le recouvre complètement;
caïeux en grand nombre. Quelquefois l'ognon, il reste 1 8 à 20 jours dans cet état. La planche
très sain au moment de la plantation se sépare durant ce temps est abritée seulement autant
en deux sans cause apparente, et ne fleurit pas ; au'il le faut pour prévenir l'effet des pluies et
il n'y a pas de remède; il n'est plus bon qu'à es rayons a'un soleil trop ardent du reste
;

produire des caïeux. Une réserve nombreuse elle ne saurait être trop aérée. On enlève ensuite
entretenue par une culture de caïeux en nom- les fibres qui se sont complètement séchées, et
bre suflisant est indispensable pour qu'il n'y l'on place l'ognon dans le casier après l'avoir
ait pas de vides dans la planche de jacinthes de débarrassé de ses caïeux et nettoyé soigneu-
collection. sement. La plupart des amateurs enveloppent
La jacinthe commence à fleurir sous le cli- chaque bulbe séparément dans une feuille de
mat de Paris au commencement d'avril, et beau- papier. Mous n'avons jamais trouvé cet usage
coup plus tôt dans les années où le printemps utile ; les bulbes à découvert dans leurs cases
est datif; en 1843, il n'était plus question des sont plus facilement visités ; le contact de l'air
jaciitihes avant la fin d'avril; la température sec ne saurait leur être nuisible. Ils se conser-
est encore très variable à cette époque ; les ge- vent aussi très bien dans du sable fin très sec;
l*Vs blanches et les giboulées mêlées de neige mais si au moment où ils y sont placés quelque
et de grêle sont fréquentes. On en préserve les ognon se trouve atteint d'une plaie peu appa-
jacinthes au moyen d'une tente; elles suppor- rente, elle a tout le temps de s'étendre, et sou-
tent sans paraître en souffrir une gelée de deux vent l'ognon pourri fait pourrir ses voisins
degrés ; ce n'est pas la plante développée, mais avant qu'on s'en soit aperçu ; la conservation à
seulement le bulbe qui est sensible au froid ; découvert nous a toujours semblé la meilleure
jamais à la fin d'avril le frotd n'est assez intense dans la pratique.
pour pénétrer jusqu'à l'ognon, surtout quand la Quelques horticulteurs traitent encore les
terre est préservée d'un excès d'humidité. Les ognons de jacinthe par un autre procédé.
plus belles jacinthes, parfaitement doubles, Après la floraison ils laissent la tente sur la
quoique munies d'une hampe assez volumi- planche jusqu'à ce que la terre en soit complè-
neuse, ne peuvent cependant se soutenir sans tement desséchée. Les fibres des bulbes ainsi
appui ; on plante à cet effet près de chaque que les feuilles et les fleurs passées ne tardent
ognon de petits tuteurs , peints en vert pour ne pas à se dessécher aussi. Alors seulement les
pas nuire au coup d'œil ; on recommande en bulbes sont enlevés, nettoyés et conservés
général de les lier à ces tuteurs avec des brins comme on vient de l'indiquer. Cette méthode

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TITRE V. FLORICULTURE. 301

épargne quelques soins, mais elle est toujours de renoncules ne sont pas d'un prix excessif.
dangereuse en ce qu'elle peut laisser grandir En Belgique, elles ne dépassent pas 30 fr. le
les plaies des ognons endommagés qui auraient cent, premier choix ; on en a de fort belles à
dû subir un retranchement immédiat. La ja- 25 et même à 20 fr. A Paris, elles valent de
cinthe est une si belle fleur, elle récompense 40 à 50 fr. le cent, et sont moins belles que celles
silargement les soins du jardinier qu'il ne doit de Belgique sous le double rapport de la va-
pas les lui ménager avec trop de parcimonie ; riété, des nuances et du volume des fleurs.
nous conseillons donc de suivre la méthode Les renoncules se multiplient de semences
hollandaise de préférence à toute autre. prises sur les fleurs semi-doubles et sur les dou-
bles dont les ovaires ont été artificiellement
§111. — Renoncules.
fécondés; les semis ne reproduisent pas les
Cette plante est, comme
les précédentes, ori- variétés ; on ne peut les perpétuer avec certi-
ginaire a'Asie, mais plus anciennement impor- tude que par la séparai ion des jeunes griffes
tée en Europe. On a des traces de sa culture en qui se forment chaque année autour des an-
Angleterre dès la fin du seizième siècle. Les ciennes.
variétés de cette fleur sont innombrables, mais
peu précises et difficiles à classer autrement
A. — Scmù.
que par des divisions arbitraires et variables. La graine de renoncule est souvent stérile;
Des catalogues, imprimés en Angleterre vers les graines fécondes portent vers le bas une
1790, portent plus de 2,000 noms de renoncules petite marque bien connue des jardiniers fleu-
dont on retrouverait difficilement la trace au- ristes. Si , en prenant une pincée de graines
jourd'hui. Les collections de renoncules, bien qu'on étale sur un morceau de papier blanc,
moins coûteuses que celles de tulipes et de ja- cette marque est apparente sur le plus grand
cinthes, ne sont pas moins agréables pour l'é- nombre des semences, on doit semer très clair,
clat et la variété aes nuances qu'elles reprodui- car elles lèveront presque loutes dans le cas
;

sent presque toutes à l'exception du bleu franc ; contraire, on doit semer très serré. Les semis
une renoncule parfaitement bleue serait sans se font, selon la méthode ordinaire, soit en
Srix ; mais elle n'a jamais été obtenue. Cette août, soit en octobre, en pleine terre ou en ter-
eur offre une particularité fort singulière; rines profondes. La seconde époque est la
lorsqu'elle estparfaitement double, elle ne de- meilleure, car dans tous les cas les renoncules
vient pas pour cela stérile d'une manière ab- ne lèvent qu'en novembre, quand même on en-
solue; les anthères seules sont oblitérées et con- tretiendrait la terre constamment humide; les
verties en pétales ; les organes femelles subsis- semis prématurés ne font donc que donner aux
tent avec leur propriété productive. Si l'on graines plus de chances d'être détruites en terre
féconde artificiellement ces organes en secouant par les insectes. La graine de renoncule est
au-dessus le pollen des fleurs semi-doubles qui très lente à germer; il ne faut la recouvrir que
toutes sont complètes et fertiles, on obtient des fort légèrement, en saupoudrant avec de bon
graines qui donnent les plus belles variétés. Ce terreau un peu frais la plate -bande sur laquelle
moyen de varier les couleurs et les dimensions on les a répandues. Une fois semées, ces grai-
des renoncules n'est connu et pratiqué que nes ne doivent pas rester à sec jusqu'au mo-
depuis vingt ans environ ; il permet à l'amateur ment où elles lèvent; quoique l'excès de l'hu-
soigneux de se procurer, pour ainsi dire indé- midité leur soit contraire, néanmoins, comme
finiment, des variétés nouvelles. le travail de leur germination est fort lent, si
La renoncule naît d'un tubercule que les jar- r>endant qu'il s'accomplit il est interrompu par
diniers nomment griffe il partage avec les grif-
; a sécheresse, le germe naissant périt: c'est
fes d'asperges la propriété de se soulever spon- cette circonstance seule qui fait le plus souvent
tanément pour se rapprocher de la surface de échouer les semis de renoncules.
la terre et de se
rajeunir en formant tous les Lorsqu'on place dans l'orangerie ou dans la
ans de nouveaux doigts à la place des anciens serre tempérée les terrines où l'on sème les re-
qoi deviennent vides et disparaissent. La vie noncules, on peut sans inconvénient différer les
végétale sommeille pendant un temps indéfini semis jusqu'en janvier. Ceux de pleine terre
dans les griffes des renoncules ; si on les con- doivent être couverts pendant les grands froids
serve un an ou même deux ans sans les planter, avec de bonne litière ; ils ne craignent pas,
elles ne poussent point d'elles-mêmes
comme comme les plantes bulbeuses, le contact des
[es ognons
; lorsqu'ensuite on les remet en terre, matières animales en décomposition. Lessemis
leur floraison est
P' us belle et plus abondante de renoncules ainsi traités , donnent leur fleur
qoe si elles avaient fleuri tous les ans; aussi, delà seconde à la quatrième année; c'est-à-dire
les nomme-t-on griffes reposées. Souvent il leur au plus tard après trois ans révolus. Lorsque
arrivede se reposer d'elles-mêmes; après avoir le temps n'a pas été très favorable et que les
donné une profusion de belles fleurs dans toute jeunes plantes ont poussé faiblement au prin-
«ur perfection, l'année suivante, ou bien elles temps, il ne faut pas y toucher, mais seulement
remontent pas, ou bien elles ne donnent que enlever les feuilles desséchées et répandre0'",0â
quelques fleurs insignifiantes; mais l'année de bon terreau par-dessus et leur laisser passer
suivante elles refleurissent aussi brillantes l'hiver en pleine terre, sauf à le* préserver des
<!* auparavant. Les collections de belles griffes atteintes de la gelée.

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302 HORTICULTURE. LivnE VIII.

Nous devons à l'obligeance de M. Iîosset plante nouvelle , mais qui ne fleurira qu'une
amateur passionné de cette culture, pour la* année plus tard. Les griffes séparées se traitent
quelle il est renommé entre les horticulteurs de ultérieurement comme celles qu'on obtient par
Liéçe (Belgique), la communication d'un autre les semis
mode de semis au moyen duquel les renoncules
atteignent , dans le cours d'une année , toute
C— Préparation du terrain.

leur perfection. Il consiste à semer en terrine De


toutes les plantes de collection, la renon-
dans de la bouse de vache recueillie dans la
, cule est celle sur la floraison de laquelle la pré-
saison où le bétail est nourri au vert. On laisse paration du sol exerce le plus d'influence. La
celte bouse se dessécher de manière à ce qu'elle raison en est dans le mode de végétation decette
se réduise en poudre, qu'on passe au crible plante, dont les filaments partant de la griffe,
j

grossier ; puis on l'humecte légèrement au mo- vont chercher à plus d'un mitre de profondeur
ment des semis et l'on continue à la tenir hu- leur nourriture en plongeant perpendiculaire-
mide par des arrosages donnés avec un arrosoir ment tant qu'ils ne trouvent pas a'obstacle. La
à boule très fine, pour éviter le tassement. Les force, le volume et la beauté des fleurs, sont
graines semées au commencement de mai lèvent toujours en raison directe de la nourriture
a la Gn du même mois. Dès qu'on reconnaît donnée à ces fibres qui s'arrêtent quand elles
que le jeune plant a suspendu sa végétation et rencontrent un sol impénétrable, ou languis-
Suc ses feuilles jaunissent en automne, on porte sent dès qu'elles ont atteint la mauvaise terre,
« terrines à l'abri pour que le sol où elles ont quand même les griffes auraient sous elles
vécu se dessèche complètement, après quoi on 0'",32 ou Q m ,HQ de terre de première qualité.
le passe au crible fin pour en séparer les griffes La culture des renoncules exiçe donc le dé-
qui consistent en deux ou trois lobes fort petits foncement du sol à un mètre de profondeur
avec quelques filaments imperceptibles. Au mois pour le moins. La terre doit être débarrassée
d'octobre, on les plante séparément dansd'autres seulement des plus grosses pierres et ameublie
terrines plus grandes ou dans des caisses qu'on par plusieurs labours soignes à la bêche mais ;

lace dans l'orangerie , le plant repiqué doit il ne faut pas qu'elle soit passée à la claie
S
tre espacé en proportion de sa grosseur. Au lieu comme le font quelques amateurs ; elle éprouve
de bouse de vache sans mélange, on leur donne alors un tassement qui la rend trop compacte,
à l'époque de cette première transplantation un et les renoncules n'y prennent jamais tout leur
mélange de celle ou les semis ont été faits au développement. Les renoncules n'exigent point
printemps et de bonne terre franche de jardin un compost particulier; une bonne terre nor-
par parties égales. Elles y profitent si rapide- male de jardin, fortement fumée avec du famier
ment, qu'au printemps suivant leur floraison, de vache et de cheval par égale portion, l'un et
comme nous en avons souvent été témoin, égale l'autre à demi décomposés, mais non lout-à-fait
ou même surpasse celle des griffes de plusieurs réduits en terreau, leur suffit sans autre sub-
années. stance. Lorsque la terre est trop compacte par
Rien n'est plus variable ni plus inégal que un excès d'argile, une petite quantité de sable
la floraison des renoncules à une foule de fleurs
; fin qui ne doit jamais dépasser un huitième de
parfaites, succède un petit nombre de fleurs la totalité de la terre évaluée en mètres cubes,
chétives; la griffe qui a servi de porte-graine ne peut qu'être utile à la bonne végétation des
est plusieurs années sans donner de bonnes renoncules. Le dernier labour doit précéder de
fleurs; en outre, sans cause apparente, les re- 10 ou 15 jours la plantation des renoncules;
noncules, comme nous l'avons dit, se reposent sans cette précaution, la terre, venant à se tas-
un ou deux ans dé suite. Il en résulterait des ser après avoir reçu les renoncules , pourrait
vides nombreux dans les planches de renon- contrarier leur végétation. Le parfait égoutte-
cules, sans la facilité que donnent semis de
les ment du sol est une condition indispensable de
tenir toujours en réserve un assortiment de cette culture; s'il retient l'eau, les griffes y
griffes jeunes et vigoureuses dont la floraison pourrissent si complètement, qu'à peine en re-
est assurée, pour remplacer dans la planche les trouve-t-on les débris. Si l'on n'avait à sa dis-
griffes dont on se méfie ou qu'on veut laisser position qu'une terre marneuse ou crayeuse,
se reposer. absolument impropre à la végétation des re-
noncules, on pourrait employer le terreau de
B. — Jeunes grijjes.
gazon préparé en levant, dans une bonne prai-
Elles sont pour les renoncules ce que les rie ou sur une pelouse de bonne nature , des
,n
caïeux sont pour les plantes bulbeuses il faut ; gazons épais de 0 ,l 6. Ces gazons, hachés avec
les séparer avec précaution des plantes-mères le tranchant de la bêche , et tenus constam-

qui, en perdant un ou plusieurs de leurs tuber- ment humides pendant un mois ou deux, doi-
cules, reçoivent une blessure souvent mortelle. vent être fréquemment retournés et prépares
Lorsqu'une variété précieuse et rare n'a donné six mois avant le moment de s'en servir.
que peu de jeunes griffes et qu'on craint de la On emploie le terreau de gazons en mélange
perdre, on peut, au moyen d'une lame de canif avec partie égale de fumier de vache très con-
Lien affilée, séparer l'un de l'autre les yeux de sommé; il permet de cultiver partout les re-
la griffe-mère. Pourvu que chacun de ces yeux noncules qui réussissent très bien dans ce sol
conserve deux ou trois doigts, il formera une artificiel.

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TITRE V. FLORICULTURE.
ID
pandant par-dessus On8 .04 ou 0 ,05 de terre
D. — Plantation.
mise en réserve à cet effet.
L'effet d'une planchede renonculesdépenden L'un des plus précieux avantages des collec-
grande partie du mélange des variétés dont on tion de renoncules, c'est de pouvoir être plan-
peut assortir les couleurs de manière à en faire tées à différentes reprises, ce qui leur permet
valoir tout le charme. Les plus estimées sont de succéder pendant presque toute la belle sai-
celles de couleur foncée joignant à ce mérite
. son aux plantes de collection dont la floraison
celui d'une forme régulière et d'un diamètre est épuisée. Néanmoins, les plus belles fleurs
qui ne doit pas être moindre de 0 m ,0S. Les sont toujours celles qui proviennent des plan-
amateurs attachent un grand prix aux variétés tations faites en octobre, et préservées du froid
dont la fleur d'un brun-violet contraste vive- pendant l'hiver.
ment avec le vert-clair de son feuillage et avec La seconde plantation se fait en avril, quand
les fleurs à fond clair; on en obtient qui, vues les geléesne sont plus à craindre. On peut con-
à quelque distance, paraissent presque noires. tinuer à planter en mai et juin, pour avoir des
La/ty. 448 montre une renoncule de collection fleurs jusqu'en automne; ces plantations tar-
semi-double de forme régulière. dives réussiront toutes également bien, pourvu
qu'on les arrose très souvent, en leur donnant
Fig. 448.
peu d'eau à la fois.
R. — Détails de culture.

Les renoncules, plantées en octobre com- ,

mencent à se montrer hors de terre en novem-


bre. Au lieu de répandre simplement de la li-
tière par-dessus pendant les gelées, il vaut
mieux se servir de bouts de cerceaux ou de
rames à pois, supportant de vieux paillassons ;
non que le contact de la litière nuise aux renon-
cules comme aux tulipes et aux jacinthes, mais
parce qu'il est plus facile par ce procédé de les
couvrir et de les découvrir au besoin j en par-
tant de ce principe , qu'elles n'ont jamais trop
d'air, et que la couverture leur est préjudi-
ciable du moment où elle cesse d'être néces-
saire. A l'époque de la floraison, il ne faut pas
Les renoncules ayant besoin d'arrosages mo- attendre que les fleurs soient entièrement flé-
dérés, mais presque continuels , on ne peut tries pour les retrancher , afin de favoriser le
«tonner aux planches une inclinaison semblable développement des fleurs successives. On ne
à relie des planches de tulipes et de jacinthes; doit enlever qu'avec beaucoup de précautions
l'eau des arrosages y serait trop inégalement les griffes dont les feuilles jaunissent et se des-
repartie , et il serait trop diflicile d'empêcher sèchent ; la meilleure méthode consiste à lais-
qu'elle n'entraînât continuellement la terre ser bien essuyer la terre par un temps couvert,
*eri le bas. On dresse donc les planches à plat, et à la soulever le long de chaque rangée de
au niveau du sol. Beaucoup d'insectes recher- griffes, de manière à ne pas loucher avec la
chent et dévorent en terre les 'uIrtcuIcs des bêche l'extrémité inférieure des tubercules ; on
renoncules; c'est toujours une bonne précau- émiette ensuite la terre doucement entre les
tion do les faire tremper pendant quelques heu- mains, on met à part les jeunes griffes récem-
res, au moment de les planter, en se servant ment produites, et l'on retranche avec soin des
pour cet usage d'une eau mêlée de suie de che- anciennes toutes les parties attaquées ou en-
minée dont l'amertume éloigne les insectes.
, dommagées. On leur donne ensuite un léger
Les lignes se tracent à des distances égales, de lavage dans un panier à claire - voie, puis on
O'MO entre elles ; les griffes se plantent dans les laisse sécher à l'ombre avant de les enfer-
les à des distances proportionnées à la
lignes, mer dans les tiroirs destinés à leur conserva -
force qu'elles doivent acquérir en végétant ; si tion. L'usage le plus général est de les conser-
toutes étaient également espacées la planche
, ver par séries de couleurs alin de pouvoir les
,

serait trop remplie en certains endroits, et dé- mélanger à volonté à l'époque des plantations.
garnie dans d'autres. En Belgique, les ama- Les renoncules porte-çraines, soit semi-dou-
teurs de renoncules ne manquent jamais, en bles . soit doubles , artificiellement fécondées,
plantant les griffes de s'assurer qu' il ne reste
, se plantent à part, parce qu'elles ne doivent
point de vide au dessous, circonstance qui serait pas recevoir d eau à partir du moment de leur
très préjudiciable à l'émission des libres dont la pleine floraison, tandis que celles de la collec-
plante doit tirer sa nourriture. Le meilleur tion doivent être arrosées légèrement une ou
moyen pour obtenir ce résultat avec certitude, deux fois par jour, tant qu'elles sont en fleur.
consiste à poser chaque griffe sur une petite
butte de terreau, avant de la recouvrir. § IV. — Anémones.
On recouvre les griffes de renoncules en ré La culture de celte plante diffère peu de celle

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304 HORTICULTURE. livre vin.

de renoncule que nous venons de décrire en


la sont à lafin'de leur premier été encore plus
détail. Les griffes d'anémones, plus fortes que petites que celles des renoncules : lorsqu'on les
celles de renoncules, veulent être plus espacées sème en terrines, le crible les sépare sans en
dans les lignes, et plus profondément enterrées. laisser perdre aucune; semées en pleine terre,
De même que la renoncule, l'anémone produit il s'en perd toujours une partie. Les soins gé-

une quantité de racines filamenteuses qui s'en- néraux de .culture sont les mêmes que pour la
foncent dans le sol en ligne perpendiculaire; on renoncule; on peut également, en plantant à
ne peut en espérer une belle floraison si le sol, plusieurs reprises, obtenir des floraisons suc-
préparé comme pour les renoncules, n'a pour le cessives pendant près de trois mois. Les col-
inoins l m ,25 de profondeur. Les catalogues les lections d'anémones sont d'un effet très riche
plus récents, imprimés en Angleterre, ne don- dans le parterre, à cause du volume des fleurs
nent point au-delà de 74 variétés d'anémones ; et de l'éclat de leurs nuances. En Angleterre,
nous croyons qu'il en existe au moins le dou- les griffes d'anémones de collection sont encore
ble , très faciles à distinguer, parées des plus d'un prix assez élevé ; en France , sans être
vives couleurs, mais négligées parce qu'elles moins belles, elles sont à la portée de toutes
sont passées de mode. Ces variétés se perpé- les bourses.
tuent par la séparation des griffes ; on en ob-
tient de nouvelles au moyen de semis. La fia. S V. - Œillet.
449 peut donner une idée des conditions de Cette plante , de tout temps recherchée, et
l'une des plus anciennement cultivées pour l'or-
Fig. 449.
nement des parterres en Europe , passe pour
être originaire d'Afrique. Sa culture en France
est devenue en quelque sorte historique, en
servant de délassement au grand Conde, pen-
dant sa captivité dans le donjon de Vincennes.
Avant la Révolution on montrait encore dans les
fossés de cette forteresse des œillets issus en ligne
directe de ceux que le grand Condé y cultivait
de ses propres mains, sous la minorité de
Louis XIV. L'œillet se recommande par la
beauté des couleurs , l'élégance de la forme, et
surtout par la délicatesse de son parfum.
Comme plante de collection il se recommande
,

par une grande variété de teintes; il n'existe pas


d'œillets franchement bleus, quoiqu'on en pos-
sède un grand nombre de toutes les nuances,
violettes et ardoises , qui se rapprochent plus
ou moins du bleu. En Angleterre, où le goût
forme et de régularité exigées dans les anémo- des œillets est très répandu, parce que cette cul-
nes de collection. ture est considérée comme de bon ton, et plaît
On sème la graine d'anémone au mois d'août ; spécialement aux dames de qualité, on a des
lorsqu'elle lève, ce n'est jamais avant deux catalogues de plus de 350 espèces ou variétés
mois et demi et même trois mois, depuis le
, d'œillets , divisés par classes que grossissent
moment des semis; très souvent elle passe l'hi- chaque année les fleurs nouvelles obtenues par
ver en terre et ne lève qu'au printemps de l'an- les semis. En France, la culture des œillets,
née suivante. On ne peut obtenir de graine mise en oubli pendant assez longtemps, reprend
que des fleurs simples les doubles ne sont telles
; faveur ; la mode, qui exerce son influence capri-
que par la conversion des organes femelles en cieuse sur le goût des fleurs comme sur toutes
pétales, et la fécondation artificielle est impos- les choses de goût, admet actuellement dans les
sible. Les semis donnent toujours un assez collections d'œillets d'amateur toutes les fleurs
rand nombre de fleurs doubles. La graine réellement belles et bien conformées, qui eu
5 'anémone est revêtue d'un duvet qui rend les étaient exclues autrefois.
semis fort difliciles a bien exécuter; quand Quoiuue le prix des œillets d'amateur soit
elle n'est pas bien répartie sur la surface du moins élevé que celui des tulipes et des jacin-
terrain, le jeune plant manque d'espace pour le thes, quelques variétés se vendent encore assez
développement de ses racines. On obvie à cet souvent fort cher. En 1838, nous avons vu
inconvénient en frottant longtemps entre les offrir 300 fr. d'un seul pied d'œillet , bizarre-
doigts la graine d'anémone, mêlée à du sable pourpre , récemment obtenu de graine.
lin elle perd par cette trituration tout son du-
; Les variétés d'œillets de collection sont beau-
vet, et sesème alors comme toute autre graine. coup plus fugitives que celles de toutes les au-
L'anémone se sème mieux en terrines et en tres fleurs de collection. Elles ne se perpétuent
caisse*, qu'en pleine terre, moins dans le but pas de semence ; les boutures et marcottes re-
d'assurer le succès des semis que pour ne pas produisent le plus souvent, mais non pas con-
perdre une partie des griffes vierges. Quoique stamment et avec certitude, les fleurs de leur
destinées a devenir très volumineuses, elles plante-mère ; enfin, les soins de culture les plus

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TITRE V. F LO RI CULTURE. 305

minutieux n'empêchent pas toujours les plus La terre . com-


égalisée avec soin , doit être
beaux œillets de dégénérer sans cause connue primée légèrement avec une planche; sur une
et l'on ne parvient pas toujours à les rétablir surface parfaitement unie il est plus facile de ,

de marcottes ou de boutures; c'est donc de voir si les semences sont répandues bien égale-
toutes les cultures de plantes de collection de ment ; elles doivent être recouvertes d'un cen-
pleine terre celle qui exige les soins les plus at- timètre seulement de terre tamisée pardessus
tentifs et les plus constants c'est une des rai-
: et égalisée avec le dos du râteau. On arrose
sons qui doivent en rendre le goût plus durable. légèrement et à plusieurs reprises, pour éviter
L'œillet de collection, par excellence, a été de découvrir les graines et de les déplacer ; ou
loagtemps exclusivement . l'œillet flamand , étend ensuite un paillasson par-dessus la plan-
semi-double, à fleur de grandeur moyenne ; les che ensemencée pour empêcher la terre
,

pétales doivent avoir leurs bords parfaitement de se durcir et pour favoriser la germination
entiers, retroussés avec élégance, ponant sur un qui s'obtient ordinairement au bout de huit
fond parfaitement pur, blanc ou rose, maisnré- jours. Aussitôt qu'on voit la terre soulevée par
férablement d'un blanc de lait, des lignes lon- les germes, on enlève lj?s paillassons et l'on
gitudinales d'une ou plusieurs couleurs nettes donne de temps à autre au jeune plant un léger
et tranchées. Les collections d'œillets flamands bassinage avec de l'eau dégourdie au soleil.
ne sont jamais très nombreuses, parce qu'elles Dès que le jeune plant prend sa sixième feuille
n'admettent pas les œillets à pétales dentelés ; et qu il atteint la hauteur de 0 ro ,07 à 0 m ,08, il
au contraire, les collections qui admettent est bon à transplanler. Le plant d'œillets se
toutes les belles variétés peuvent contenir des repiqucà0"\l0ou0"U2cn loutsens; il n'exige

centaines de fleurs différentes. d'autres soins que d'être préservé des grandes
pluies et des coups de soleil trop ardents; il ne
A. — Multiplication. craint pas en hiver le froid sec , même très
intense les dégels accompagnés de verglas et
;
1. Semti.
suivis immédiatement de gelées, peuvent seuls
Les œillets de collection semi-doubles don- lui être funestes c'est alors seulement qu'il a
;

nent des graines fertiles, mais en petit nombre; besoin d'être garanti. Mais si l'on rentrait les
ces graines sont toujours lort chères. En Bel- pots contenant le jeune plant d'oeillet dans l'o-
gique , la bonne graine de véritable œillet fla- rangerie, ou même dans une chambre habitée,
mand vaut 1 fr. la graine; il est vrai qu'il s'en quand la température, quoique très froide, ne
vend fort peu; la culture des œillets, dans ce peut lui être nuisible, on lui ferait un tort con-
pays, est entre les mains d'un certain nombre sidérable. Les œillets de semis, convenablement
d'amateurs aisés qui échangent entre eux les traités, fleurissent la seconde année, c'est-à-
semences qu'ils récoltent et en livrent bien peu dire au bout d'un an révolu. On obtient très
au commerce. Les œillets obtenus de semis, difficilement des semis des variétés réellement
lorsqu'ils réunissent les conditions exigées pour nouvelles l'amateur qui s'est livré toute sa vie
;

entrer dans une collection d'amateur, valent à cette culture est heureux lorsque, dans tout
mieux que les boutures et marcottes; ils sont le cours de son existence , il a pu avoir 5 ou 6
moins sujets à dégénérer. Les Anglais, qui sè- œillets nouveaux; mais il a eu tous les ans des
ment beaucoup d'œillets, tirent la graine , soit centaines de très beaux œillets appartenant aux
de Suisse, soit de Vienne en Autriche; elle variétés déjà connues.
voyage et conserve plusieurs années ses facultés
1. Marcotte i et boulant.
Rerminatives, pourvu qu'on la tienne dans des
flacons très bien bouchés. Dans les pays où L'œillet de collection pas ordinairement
n'est
l'automne est froid et humide, la graine, mûre d'une constitution assez vigoureuse pour don-
en apparence, n'est pas toujours féconde, et ner un grand nombre de pousses bonnes à mar-
très souvent elle ne lève pas. Les semis se font cotter. Lorsqu'à la première floraison des semis,
dans la première quinzaine d'avril dans des on reconnaît une très bonne fleur, il faut pro-
pots ou des terrines qu'on place en plein air uver, pour la multiplier, des pousses susceptibles
dans une situation ombragée, mais bien aérée ; d'être marcottées; la plante n'en portera jamais
on peut aussi semer en pleine terre, mais avec plus tard un aussi grartd nombre. Les tiges de
moins de chances de succès, parce que l'œillet, l'œillet étant très fragiles, il est bon de s'abste-
dans son premier âge, a besoin d'être préservé nir pendant quelques jours d'arroser les plantes
d'un excès de chaleur ou d'humidité, ce qui est qu'on se propose de marcotter, aOn de rendre
plus facile lorsqu'il est en terrine ou en pot. leurs tiges plus flexibles. Les marcottes au pied
La terre pour les semis d'œillets est la même
. , de la plante se font dans la terre du pot, comme
que pour les plantes faites (voir page 30G). nous l'avons indiqué pour le marcottage des
On seme aussi avec succès en terre franche ou plantes de pleine terre (voir Marcottage).
en terre de bruyère, l'une et l'autre mêlées avec Beaucoup de traités d'horticulture recomman-
partie égale de bon terreau. Nous reproduisons, dent dejoindre à l'incisionhorizontale desnœuds
comme excellents à suivre pour les semis en de la tige à marcotter, une autre incision lon-
grand , les détails du procédé indique pat |
gitudinale qui fend cette lige sur une petite
M. Kagonnot-Codefroi , dans son traite de la longueur, ce qui se nomme marcotte à talon.
culture des œillets. Nous croyons cette pratique plus nuisible qu'u-
«IIKT.I ttl TLrtf. T. v. — 3»

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306 HORTICULTURE. hv»e vm.

tile ; les sujets faibles , au lieu de s'enraciner, centrales, qui ne recommencent point à pousser

pourrissent et meurent ; il vaut donc mieux s'en avant la formation^des nouvelles racines. Ce-
^

tenir à l'incision horizontale. pendant beaucoup de praticiens ne sèvrent les


Le plus grand nombre des marcottes ne se marcottes qu'à la fin ae l'automne, ce qui doit
fait point dans la terre du pot, mais dans des fatiguer beaucoup les plantes-mères.
pois à part, exclusivement adaptés à cet usage L'époque la meilleure pour le marcottage est
(/<</. 4 50). Les plantesd'œillets de collection , seu-
celle de la pleine floraison des œillets. Beau-
coup d'amateurs, pour ne pas nuire au coup
Fig. 450.
d'œil de leurs collections attendent que les ,

œillets à marcotter aient passé fleur; mais


alors, leur végétation n'étant plus assez active,
le succès de l'opération devient très incertain.
Les marcottes enracinées, mises dans des pots
de dimensions convenables, suivent le traite-
ment ultérieur des plantes parfaites; elles fleu-
rissent au printemps suivant, un peu avant les
vieilles plantes ; les boutures se font à la môme
époqueetdansla même terre que les marcottes.
Ce moyen de multiplication est préférable à
tout autre pour les variétés plus sujettes que
les autres à dégénérer; elles doivent être mises
en terre dans une situation courbée, de ma-
nière à ce que la partie qui doit s'enraciner se
trouve placée horizontalement.

lement âgées de deux ou trois ans, ne poussent


li. — Pn'/>riration du sol.

2ue rarement et faiblement du pied ; les pousses En Belgique, la terre pour les œillets est for-

marcotter sont situées à différentes hauteurs mée d'un de terre franche normale et de
tiers
sur la tige; il faut les marcotter sans les de- deux de terreau bien consommé; on pré-
tiers
ranger. On emploie communément un pot de pare le mélange bien incorporé plusieurs mois
très petites dimensions muni d'une fente laté-
. avant de s'en servir. En Angleterre, on com-
rale; la marcotte s'y insère, dégarnie de feuilles, pose la terre à œillets de 3 parties de fumier de
comme le montrela figure 450; on le remplit en- cheval très consommé deux parties de terre ,

suite de terre à œillets, on recouvre de mousse franche et une partie de sable fin. Comme on
sa surface et on l'arrose fréquemment mais , la prépare un an d'avance, le fumierqu'on prend
très peu à la fois. ordinairement dans les couches épuisées après
Les vrais amateurs ne sauraient employer avoir produit des concombres ou des melons,
rien de plus convenable pour cet usage que le se convertit en terreau de sorte que les deux ,

cornet double en zinc on en plomb laminé, s'ou- recettes reviennent à peu près au même. Quant
vrant à charnière (fig. 451). La seconde cavité au sable nous croyons que dans toute terre
,

tant soit peu compacte et argileuse, sa présence


Fig. 4SI.
dans la proportion d'un sixième ne peut qu'être
utile aux œillets. Il est à remarquer que, quand
les couleurs d'un œillet se brouillent et s allè-

rent, on le rétablit quelquefois en le plantant rn

pleine terre, en terre franche sans fumier;


mais il ne pourrait continuer à y végéter long-
temps sans s'altérer de nouveau. M. Ragonnot;
Godefroi , habile horticulteur qui s'est occupe
spécialement de la culture des œillets, considère
une bonne terre à blé ordinaire, argilo- siliceuse,
facile à diviser, comme très convenable à
la

végétation des œillets.

<:. — Di.nh tir cul


des
Les œillets sensés en terrines ou dans
bonne
se tient constamment remplie d'eau; une me- pots sont souvent repiqués pendant fa
saison en pleine terre avant leur première wt-
che de coton en vertu de la capillarité, p< rte
,
pianu-
à volonté une humidité suffisante sur la terre \
raison on ne met .-.lors en pots que les
;

de la marcotte qui onl donné des Heurs dignes de figurera^


Quel que soit le mode de marcottage em-
|

i la collection; les autres servent a orner m


e [in
ployé, il est bon de séparer les marcottes de la
'
plates- bandes du parterre. Les marcottes
plante-mère aussitôt qu'elles sont enracinées, bouluresenraeinces.ainsiquelesbonnesniani
cou
cequialieu d'ordinaire au bout de 30 à 40 jours; de semis se cultivent dans des pots a la
o
on s'en aperçoit à l'allongement des feuilles dition d'uu rempotage annuel. Beaucoup

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TlTI'.r. V FLORICULTLKE. .307

maicurs compromettent leurs collections en ne i faible pour les soutenir; on lui donne un tuteur
donnant aux œillets que dos pots trop petits; de bois, ordinairement peint en vert; deux ou
sur les dressoirs où on les dispose trois attaches en fil de laiton très mince, suffi-
Els, ot la floraison, font un meilleur effet que sent pour la maintenir ces attaches ne doivent
:

es plus grands , parce qu'ils permettent point être assez lâches pour que la tige agitée
de rapprocher davantage les fleurs; mais il vaut par le vent éprouve des frottements qui pour-
mieux avoir égard principalement à la conser- raient l'endommager. L'œillet redoute excessi-
vation des plantes. Dans ce but, les dimensions vement l'excès de l'humidité; il a besoin de
les plus convenables sont 0 m .25 de diamètre à très peu d'eau, même pendant les chaleurs; il
l'orifice supérieur, 0 m ,16 de diamèlre à la base ne faut jamais submerger la terre des pots, il
et Û-.20 de bauteur. faut seulement :a rafraîchir. Les arrosages doi-
L'époque la plus convenable pour mettre en vent d'ailleurs être proportionnés à la force de
pot les jeunes œillets qui ont donné leur pre- végétation de chaque plante en particulier. Les
mière fleur et rempoter les anciens, est du tO œillets qui languissent et ceux dont on désire
au 20 mars, selon la température. Les gradins obtenir des pousses nombreuses et vigoureuses
en bois (fig. 452), sur lesquels ces pots sontran- pour pouvoir les marcotter, se trouvent très
Fig. 4à2.
Lien d'un liquide formé de 20 litres d'eau dans
lequel on a délayé lkilog. de tourteau decolza;
ce genre de fumure, car c'est un véritable en-
grais, est très usité en Belgique et en Angleterre.
Lorsqu'en dépit de tous les soins, une plante
d'œillet en pot végète faiblement on doit pour
,

lui rendre la viçueur la mettre en pleine terre


et supprimer, des qu'il se montre le bourgeon
,

central qui doit donner naissance à la tige des-


tinée à porter les fleurs. La plante n'ayant pas
de fleurs à nourrir, se repose et se fortifie; elle
donne en outre un grand nombre de drageons
qui permettent de la multiplier.
Beaucoup d'oeillets sont sujets à un incon-
vénient provenant de l'abondance et de la pe-
santeur oes pétales le calice ne pouvant plus
;

les contenir, se fend entre deux de ses di v isions


;

la fleur perd dans ce cas la régularité de sa


forme et dépare la collection; on nomme crivards
és, ne doivent être rentres sous un hangar ou les œillets dont les fleurs ont habituellement ce
ans uue orangerie que passagèrement , pen- défaut. Lorsqu'on prévoit qu'un œillet ne s'ou-
dant les fortes pluies ou les orages qui pour- vrira pas bien, on peut, quelques jours avant la
raient les endommager; en tout autre temps, floraison inciser le calice avec un canif entre
,

ils doivent rester dehors ; l'œillet ne saurait chacune de ses divisions, en faisant les incisions
«voir trop d'air. Pour prévenir la chute des aussi égales que possible; elles ne doivent pas
pots par les coups de vent.il est bon d'assujet- pénétrer plus avant que l'épaisseur du calice.
lir chaque rangée de pots au moyen de deux Si, malgré cette opération, l'œillet se déchire
rercles en fil de fer peints en vert , adaptés à encore on entoure le calice d'une bague en
,

la planche qui supporte le gradin supérieur, laiton semblable à celles qui retiennent la tige
pomme le montre la fig. 452. Pour rempoter les fixée au tuteur.
œillets on les enlève en motte, en ayant soin de L'œillet en fleur a pour ennemi Pinsecle
ne pas détacher la terre adhérente aux princi- nommé perce-oreille; pour l'en délivrer, on
pales racines; on doit, dans ce but, saisir pour suspend le soir à chaque tuteur un ou deux
celte opération délicate le moment où la terre ergots de veau, de porc ou de mouton; les per-
despotsest au degré convenable de consistance, ce oreilles ne manquent pas de s'y retirer a la
plutôt trop sèche que trop mouillée. Tandis chute du jour, et il est facile de les détruire.
qu'on tient la motte dans une position renver- L'œillet comme nous l'avons dit
, a besoin
,

sée, on détache légèrement en frottant avec le de beaucoup d'air et ne craint pas le froid sec;
dos d'une lame de couteau une petite épaisseur il faut le garantir des vents froids et des pluies
de terre tout autour de la motte; on place en- excessives, et le rentrer lorsqu il y a apparence
wite au fond du pot assez de terre a œillet pour de neige ou de verglas. Du reste il vaudrait ,

que la motte, replacée sans être brisée, affleure mieux qu'il fût exposé tout l'hiver aux in-
le bord du pot comme avant tempéries de la saison que de rester enfermé
le dépotage; puis ,

on remplit les vides en répandant de la terre dans une orangerie qui ne serait pas suffisam-
neuve tout autour et en pressant légèrement. ment aérée.
On ne laisse point aux œillets de collection La végétation de l'œillet étant complètement
toutes leurs fleurs; ils ne doivent en donner interrompue pendant l'hiver, on ne lui donne
que 4 ou 5 chacun pour qu'elles soient dans d'eau durant cette saison que la quantité abso-
toute leur perfection. La tige est toujours trop lument nécessaire pour l'empêcher de se dessé-

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30S HOUTlCCLTUftE. uvbe «n.
cher complètement. An reiourdu printemps, la fortune. En Angleterre, où sa culture est portée

terre des pots doit rire binée avec précaution à un haut degré de perfection, les plus belles
dès qu'on s'aperçoit que les œillets recommen- auricules ne se rencontrent ni dans les parter-
cent à pousser. res des riches, ni même chez les horticulteurs
Peu de plantes exigent plus de soins que de profession ; on va les admirer dans le très
l'œillet de collection les plus habiles horticul-
; ficiil parterre, ou même tout simplement sur la
teurs, s'ils n'ont l'habitude de cette culture ènêtre du modeste logement de l'ouvrier ma-'
spéciale, y échouent très souvent. Nous citerons nufacturier de Manchester et de Birmingham.
l'exemple récent de la Société d'horticulture de Il en est de même en Belgique, où le goût des

Londres, qui ayant acquis une superbe collec- fleurs est la passion et le principal délassement
tion de plus de 300 œillets, les perdit presque de l'ouvrier ; goût que nous voudrions voir se
tous pour les avoir conliés à un jardinier très répandre en France, au détriment des caries et
habile du reste, mais qui n'avait pas la pratique du cabaret; nous ne l'avons remarqué, à bien
de ce genre particulier de culture. peu d'exceptions près, que chez les populations
des départements du nord de la France, où les
$ IV, — Crocui. mœurs sont restées belges sous tant d'autres
Cette charmante fleur, très peu cultivée en rapports.
France, se recommande pourtant par une foule Les amateurs d'aoricules sont fort difficiles
de qualités précieuses, au premier rang des- à l'égard des conditions exigées d'une fleur
quelles faut placer la facilité de sa culture,
il pour qu'elle puisse être admise dans la collec-
qui réussit dans toute espèce de terrains Elle tion. Les anciens traités admettaient quatre
précède, au printemps, toutes les autres tleurs classes d'aoricules de collection les pures, à
:

de collection quand les ognons sont convena-


; fleur d'une seule couleur, les liégeoises à deux
blement assortis, ils restent en fleurs depuis le couleurs, les anglaises ou poudrées, et les dou-
15 février jusque dans les premiers jours d'a- bles. Aujourd'hui les doubles sont entièrement
vril; les gelées tardives et les mauvais temps exclues, comme offrant trop peu de variété dans
n'arrêtent pas leur végétation. On connaît 25 leur floraison; les pures, réellement moins belles
espèces de crocus, désignées sous des noms par- que les deux autres, sont peu recherchées, sauf
ticuliers; mais il en existe un bien plus grand un petit nombre de très belles plantes; l'intérêt
nombre et les semis, dont on obtient la fleur
; se concentre sur les liégeoises et les anglaises;
au bout d'un an, peuvent donner des variétés la supériorité des premières nous semble in-
à l'infini. Les principales couleurs sont le : contestable. Une fleur parfaite d'auricule de
jaune d'or (crocus de Messie, pg. 323), le jaune collection doit montrer à son centre ses étamines
d'or rayé de pourpre (crocus de Suite), le jaune (paillettes) et son pistil (clou), au niveau de
soufre (crocus soufre), le blanc rayé de pour- l'ouverture du tube de la corolle. La moitié de
pre et de jaune (crocus à deux fleurs), et le vio- son diamètre doit être ou d'un blanc mat pur,
let-pourpre (crocus de Piaplcs) tous ces crocus ; ou d'un jaune clair; le reste, c'est-à-dire le
fleurissent au printemps ; quatre ou cinq espè- bord extérieur, doit être d'une couleur foncée,
ces fleurissent en automne. Les semis se font veloutée, diminuant d'intensité depuis la par-
aussitôt que la graine est mûre, vers la fia d'a- tie qui louche au cercle intéricurjaune ou blanc
vril ou les premiers jours de mat. jusqu'au limbe qui doit toujours être plus clair.
La culture des crocus est des plus simples; La ftg. 452 bis représente une auncule lie-
on ne lève les ognons que tous les trois ans. Fis. bit.
Dans cet intervalle, chaque ognon a donné assez
de caïeux pour pouvoir être remplacé par d'au-
tres prêts à porter fleur, pour peu qu'il se t rou vc
endommage. Les feuilles très menues du cro-
cus ne se montrent qu'après la fleur. Lors-
qu'on le place en oordure ce feuillage , ,

presque inaperçu, permet de placer en seconde


ligne des semis de bordures annuelles, après
que la floraison du crocus est épuisée. En Hol-
lande et en Belgique, où l'on cultive beaucoup
de crocus, ils sont toujours à très bas prix;
aussi en rencontre-t-on des collections dans
presque tous les jardins, où elles réjouissent la
vue par l'éclat de leurs couleurs, à une époque
où if n'y a presque ni fleurs ni verdure dans
les plates-bandes du parterre.
dans
geoise blanche et bleue, digne d'entrer
5 V. — Atiriculc ou oreille d'ours.
une collection d'amateur; on remarquera
la

toujours ctre
Cette jolie fleur, à laquelle l'odeur seule man- force de la lige florale; elle doit
soni
que pour prendre rang parmi les plantes de telle qu'au moment où tous les fleurons
sans
collection les plus précieuses, est essentielle- épanouis, elle puisse en supporter le poids
ment la fleur de l'amateur peu favorisé de la cesser d'être parfaitement droite.

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îïthe v. FLOU [CULTURE. 300

Les auricules se multiplient, soit de graine, quage, le niant se met en pot, à demeure.
soit par le déchirage des souches, en laissant à Lauricuie, ncu sensible au froid, réussirait
chaque morceau une portion des racines; mais aussi bien en pleine terre qu'en pots mais au- ;

le premier moyen est le meilleur et le plus usité. cune plante n'a plus d'ennemis ses feuilles, :

On ne doit multiplier par séparation que les épaisses et tendres, et ses souches charnues,
variétés difficilement ou rarement obtenues de sont un mets de prédilection pour les limaces
semence ; les séparations se font au printemps, et une foule d'insectes dont il est impossible de
à l'époque, variable d'année en année, de la re- les. débarrasser complètement en pleine terre.

prise de la végétation. La" culture en pots offre de plus cet avantage


qu'on peut prolonger la floraison en dispo-
A. — Semis. sant les pots à l'abri sur le dressoir à œillets,
Le succès des semis d'auricules dépend en , tant que les auricules sont en fleur. Ceux qui
majeure partie, du choix de la graine. On met ne se sont jamais livres à cette culture ne peu-
à part les sujets qu'on destine à servir de porte- vent s'imaginer à quel point cette plante bien
graines, choisis parmi les plantes jeunes et vi- traitée peut différer d'elle-même ; on cite
goureuses, qui donnent leur seconde ou leur comme une rareté , une auricule chargée de
troisième fleur. Cette séparation a pour but de 133 fleurs, obtenue en Angleterre, par un jar-
prévenir les croisements accidentels qui doivent dinier nommé Henri Show, en 1768; on trouve
naturellement s'opérer entre un grand nombre fréquemment en Belgique et en France, à Lille,
de fleurs épanouies dans le voisinage les unes Douai, Valenciennes, Maubeuge, des auricules
des autres. Ces croisements s'opèrent à volonté, réunissant sur un seul pied près de 100 fleurs,
en secouant sur la tlcur qui doit porter graine principalement dans les variétés bleues. Ces
le pollen des élamiries d'une belle variété ; on mêmes pieds, négligés seulement pendant une
peut aussi, selon la méthode anglaise, retran- année , donnent a peine 5 ou 6 fleurs pâles et
cher le pistil des fleurs employées à cette fécon- chélives.
dation, afin de étamines, ce
qui rend
faire profiter les
le pollen plus abondant, du
et le succès
B. — Prfpaiaiion du terrain.
croisement plus assuré. La terre destinée aux Le compost servant de terre aux auricules
semis est la même que pour les plantes faites. est assez difficile à bien préparer
; souvent on
La graine mûre en juin ou juillet se conserve se borne à mêler de bon terreau de fumier de
dans ses capsules jusqu'au mois de janvier ou vaches avec de la terre de bruyère, par parties
de février, où elle se sème en terrines, à fleur égales. Ce mélange, bon en lui-même, est seu-
de terre. Quelques amateurs, pour ne pas s'ex- lement un peu froid ; les auricules y viennent
ploser à perdre une partie de la graine, qui ne fort belles, mais elles poussent lentement et
lève pas quand elle est trop recouverte, ne la fleurissent tard.
couvrent pas du tout ils exposent les terrines
: On préfère généralement aujourd'hui le
des semis pendant quelques minutes à une pluie compost anglais , adopté par les amateurs lié-
douce, dont l'effet suffit pour enterrer la graine geois, très curieux de cette culture.
d'auricule. Il faut avoir grand soin de tenir les
COMPOST ANGLAIS POUR LES ACRICULES.
terrines à l'air, autant que la saison le permet,
etde les arroser modérément jusqu'au moment Terre de bruyère f pailie.

où la graine lève. Le meilleur moyen consiste à l'.ois pourri de saule. I

Sable de rivière Ires fia S


placer à côté des terrines un vase rempli d'eau,
Terreau de feuilles 4
autant que possible, dégourdie au soleil; un
Terre franche de jardin 4
morceau d'étoffe épaisse, plongeant dans le li- Terreau de fumier de vaches 1 *
quide, est disposé de manière à porter, par l'ef-
fet de la capillarité, une humidité salutaire sur
•4
la terre ensemencée en auricules, sans lui faire Les doses de cette recette doivent être prises,
éprouver aucun tassement. Sans toutes ces pré- non en poids, mais en volume. Les ingrédients
cautions, les semences les plus délicates, qui de ce compost doivent être plusieurs mois d'a-
sont toujours celles des meilleures variétés, vance mêlés exactement et remués à la pelle, à
mettent deux ans à lever, ou même ne lèvent plusieurs reprises, avant de s'en servir.
pas du tout. Dans les pays très humides, et froids au
Les semis, convenablement traités, lèvent au printemps, comme l'Angleterre et la Hollande,
bout de trois semaines ou un mois. Il ne faut on se trouve bien d'humecter ce compost avec
mettre les terrines à l'air que 15 ou 20 jours du jus de fumier en fermentation, ou avec une
•près que le plant est levé. légère solution de sous-carbonate d'ammonia-
Le plant d'auricules est très délicat lorsqu'il ; que, afin d'activer la végétation des auricules.
montre sa sixième feuille, on le repique, en On ajoute aussi, dans le même but, au com-
terrines ou en caisses , à 0 m ,05 de distance en post, un peu de crottin de moutons.
tout sens. L'usage ordinaire est de l'y laisser C'estdonc bien à tort que quelques praticiens
jusqu'à ce que les jeunes plantes se touchent sont dans l'usage, d'éviter pour l'auricule, au-
mais on peut devancer celte époque, au moins tant que pour les plantes bulbeuses, le contact
I
our les sujets les plus vigoureux , car tous ne de tout eugraisanimalisé, et de n'employer à sa
v?çèlcnt pas également bien ; au secend repi- culture que des engrais de nature purement

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310 HOKTIUJLTUiiE. LIVRE VIII.

végétale. Non- seulement l'auricule supporte !a Il manqae au dahlia deux qualités essen-
présence des substances ammoniacales, mais tielles l'odeur et la beauté du feuillage. 11 ra-
:

encore elles sont très utiles au développement cheté ces défauts par la richesse et la variété
complet de sa végétation. des nuances, et plus encore par la flexibilité de
sa nature, qui permet à la culture d'en faire
C. — Détails de culture. Iiresquc à volonté une plante naine ou un épais
On ne cultive généralement en pleine terre misson de plusieurs mètres de hauteur.
ue lesauricules communes ; toutes les variétés Le nombre des variétés , actuellement exis-
e collection se cultivent dans des pots dont tantes, monte à plus de 1,000; une telle
m
les dimensions ordinaires sont 0 ,20 de dia- liste, beaucoup trop volumineuse pour prendre
mètre à l'orifice supérieur; 0"\I5 de diamètre place dans cet ouvrage, serait d'ailleurs in-
à la base, et 0 m ,25 de profondeur. Ces dimen- complète, et par conséquent inutile, dès l'année
sions nous ont toujours semblé un peu faibles ; prochaine. Les amateurs , jaloux de se former
les auricules, selon leur force, se trouvent bien une belle collection, doivent recourir aux cata-
d'un peu plus d'espace laissé à leurs racines. logues imprimés chaque année par les princi-
L'opération du rempotage, qui ne doit se paux horticulteurs-marchands.
faire qu'après la floraison, exige beaucoup Le prix des dahlias n'est jamais très élevé;
d'attentions et de soins. On laisse la terre des les variétés anciennes sont accessibles aux plus
pots devenir presque entièrement sèche de . modestes fortunes; on en vend à Paris de
manière à ce que les plantes soient à demi fort belles sur le marché aux fleurs, de 20 à
,

flétries ; en cet état, la motte se détache facile- 60 en détail. Pour une collection de
c. le pied,
ment ; il suffit pour cela de renverser le pot en 4 à 500 plantes, le prix moyen est de 30»
soutenant la terre , et de lui faire faire un tour 40 fr. le 100. Il n'y a que les variétés nou-
sur elle-même. Quelle que soit la grandeur du velles qui, n'ayant qu'une valeur de fantaisie,

pot, le chevelu des racines de l'auricule le rem- sont payées de 10 à 25 fr., et même au-delà, par
plit entièrement , de sorte que la motte en est les amateurs riches, pressés de les ajouter à leur
entourée, comme d'un réseau. Il ne faut ra- collection; au bout d'un an ou deux, elles ren-
fraîchir que l'extrémité des racines, lorsqu'on trent dans la classe des anciennes, et retom-
1res trouve dans un état parfaitement sain mais -, bent aux mêmes prix.
lorsqu'elles sont plus ou moins attaquées, il faut Les qualités que les amateurs recherchent le
retrancher jusqu'au vif toute la partie endom- f)lus dans la fleur de
dahlias, sont la pureté et
magée; on en agit de même à l'égard delà a vivacité des nuances, la régularité dans U
souche, qui forme une espèce de tubercule ex- disposition des fleurons et la sphéricité parfaite
térieur. On laisse les plaies se sécher pendant des fleurs. Ainsi , le volume des fleurs, joint a
quelques heures à l'air libre, mais hors du con- l'éclat des nuances, ne suffit pas pour faire ad-
tact direct des rayons solaires \ on les recouvre mettre une plante nouvelle dans les collections
ensuite avec une composition formée de cire d'amateur ; il faut encore que le centre de la
vierge et de poix-resine, par parties égales, fleur ne soit pas déprimé, ce qui arrive le plus
espèce d'emplâtre qui tombe de lui - même souvent aux fleurs très grosses, et que les fleu-
quand les plaies sont cicatrisées. rons ou ligules, improprement nommés pétales,
L'auricule , à toutes les époques de sa crois- soient placés avec la symétrie la plus régu-
sance, craint plus l'excès de l'humidité que ce- lière. Les fleurs les plus volumineuses, lors-
lui de la sécheresse ; il ne faut l'arroser que qu'elles remplissent ces conditions, sont les
quand les feuilles, en se ramollissant , en indi- plus recherchées; ce sont aussi les plus diffi-
quent la nécessité. C'est pour cette raison que ciles à obtenir. La fig. 453 montre un dahlia à
beaucoup de jardiniers sont dans l'usage de fleur parfaite.
coucher les pots d'auricules dans une position
Fig. 453.
horizontale, lorsqu'il survient de fortes ondées;
il vaut mieux, dans ce cas, prendre la peine de

mettre à couvert les pots d'auricules en fleurs,


car l'eau surabondante leur serait très nuisible.

S VI. — Dahlia.

Cette plante est nouvelle en Europe, compara-


tivement aux autres plantes de collection, puis-
que son importation du Mexique ne remonte pas
au-delà des dernières années du dix-huitième
siècle. Retrouvée en 1804, à l'état sauvage au
Mexique, son pays natal, par M. de Humboldt,
ce n'est que depuis cette époque qu'elle est réel-
lement devenue plante de collection, ci que les
horticulteurs se sont appliqués à utiliser la pro-
priété précieuse dont elle jouit, de donner par
la culture des variétés innombrables, toutes
faciles à conserver et à propager. Lu aucun pays au monde, la passion des

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T5TRK V. FLORICULTL'RE. 311

dahlias' n est poussée à un plus haut degré qu'en même mélange pour les recouvrir complète-
Angleterre. Les Sociétés d'horticulture , très ment jusqu'au collet de la racine qu'on nomme
nombreuses dans ce pays, en encouragent le couronne cette partie doit rester à découvert.
;

goût par de fréquents concours où des prix La meilleure position à donner aux tubercules
considérables sont offerts aux horticulteurs pour favoriser l'émission des jeunes pousses est
qui peuvent obtenir des variétés nouvelles, ou une situation inclinée, afin que les jets, en pre-
perfectionner les anciennes. Ces prix ne sont nant la direction verticale qui leur est naturelle,
pas toujours décernés à ceux qui s'en sont se trouvent légèrement recourbés à la base,
rendus les plus dignes par des soins assidus, forme favorable à leur reprise. Quelques arro-
couronnés d'un plein succès. - Trop souvent, sages avec de l'eau simplement dégourdie ac-
dit M. Paxton, les concurrents de mauvaise célèrent la végétation des tubercules; néan-
foi savent corriger artificiellement les défauts moins ils doivent cire donnés avec prudence;
des fleurs mises au concours, en y insérant des si la vapeur condensée à la surface interne du

fleurons parfaits, à la place des fleurons aé- vitrage qui recouvre la couche semble très
fectoeux ; ils dérobent ainsi des prix qu'ils ne abondante, il faut s'abstenir d'arroser.
méritent pas, et leurs fraudes sont très diffici- Les jets de dahlia s'enlèvent avec une por-
lement reconnues par les juges des concours. tion de la couronne détachée au moyen d'une
lame bien tranchante, dès qu'ils ont atteint la
A. — Multiplication. hauteur de 0 œ .08 à 0'"10. On leur laisse dé-
Les dahlias peuvent être multipliés soit dans passer cette élévation lorsqu'il s'agit d'une
le but de continuer les variétés obtenues , soit plante peu vigoureuse dont on veut un grand
dans l'espoir de s'en procurer de nouvelles. nombre de sujets; on fait alors de chaque pousse
Dans le premier cas, on propage cette plante, deux boutures en laissant à chaque bouture
,

de bouture , soit par la séparation des tu-


soit deux yeux pour le moins; mais la reprise est
bercules, soit en greffant sur tubercules; tous plus aventurée el le nombre total des plants
ces procédés maintiennent les variétés sans al- enracinés n'esi pas, en dernier résultat, aug-
tération. Les variétés nouvelles ne peuvent menté de beaucoup par ce procédé.
s'obtenir que par la voie des semis. La méthode précédente de forcer les tuber-
cules de dahlias à donner un grand nombre de
t. Boutures.
jets propres à être employés comme bouture,
Les tiges de dahlias reprennent avec une est la plus rationnelle et celle qui offre le plus
grande facilité lorsqu'elles sont séparées de la de chances de succès; l'horticulteur de profes-
plante-mi-rc peu de temps après leur naissance ; sion et l'amateur assez riche pour posséder tous
cueillies plus tard, elles peuvent reprendre, mais les accessoires d'une culture jardinière perfec-
avec moins de certitude. On place ces boutures tionnée, ne sauraient en employer une meil-
dans les conditions les plus favorables, en sa- leure. Mais à défaut de toutes ces ressources,
crifiant sur couche au printemps des tuber- on obtiendra de très bonnes boutures en met-
cules qu'on épuise en enlevant toutes les tiges tant les tubercules dans des potsd'une grandeur
à mesure qu'elles se montrent , et en s'en ser- proportionnée à leur volume, pleins de terreau
vant pour boutures. Mais lorsqu'on craint de mêlé d'un peu de sable et de débris d'écorces,
perdre une variété nouvelle ou très rare, et et placés dans une chambre modérément chauf-
qu'on désire la multiplier avant de l'exposer fée, assez près des fenêtres pour profiter de
aux chances de destruction que l'hiver amène l'influence de la lumière. On aura soin de ne
toujours avec lui , on utilise comme bou- les jamais arroser avec de l'eau trop froide.
tures les pousses de l'année , avant qu'elles Les jets obtenus par Tune ou l'autre de ces
aient ressenti les atteintesdes premières ge- méthodes, se plantent séparément dans de pe-
lées blanches de l'automne ; c'est surtout dans tits pots ou godets remplis, soit de sable pur,
ce cas qu'il convient de bouturer le dahlia à suit de terre de bruyère, afin de leur éviter une
i'arricrc-saison. humidité surabondante qui leur est toujours
Boulurcs de printemps. —
On force les nuisible. Ces pois sont placés, soit dans une
dahlias au printemps sur une couche tiède couche tiède recouverte d'un châssis, soit dans
ordinaire dans laquelle les feuilles doivent en- les mêmes conditions que les tubercules. On ne
trer au moins pour un tiers. Sur celte cou- perdra jamais de vue le principe applicable à
che, parvenue au degré de chaleur conve- toutes les boulurcs des plantes succulentes,
nable, on étend un lit de terreau mélangé par savoir, qu'elles perdent toujours par la tran-
(«nies égales avec du sable fin; quelques dc- spiration plus qu'elles ne reçoivent tant qu'elles
»ris d'écorces et de bois pourri tels qu'il est ne sont pas complètement enracinées; on évi-
facile de s'en procurer dans le voisinage des tera donc de les exposer à l'action desséchante
chantiers où des piles de bois ont séjourné du hâle et à l'influence directe des rayons so-
longtemps, ajoutent à l'effet de ce mélange ; la laires, et ellesne seront exposées à l air libre
terre normale ou le terreau pur seraient trop que quand de leur végétation indiquera
la force
pourrissants. Les tubercules des dahlias sont qu'elles sont en état de le supporter. Jusque-là
couches côte à côte par lignes parallèles sur la les boutures resteront couvertes, soit d'une
couche ainsi préparée, de façon à en recouvrir cloche, soit d'un châssis. Le plus souvent, pour
toute la surface; on les saupoudre ensuite du les boutures délicates, on réunit ces deux

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312 HORTICULTURE Livnt: vin.

moyens; on recouvre d'une cloche plusieurs Les tubercules épuisés après avoir fourni
pois ronlenant chacun une bouture et enterrés ainsi sur couche un grand nombre de pousses
jusqu'au bord dans la couche {fig. 454), puis on propres à faire des l>outures, sont ruines, ils ne
peuvent se rétablir par aucun moyen.
Fig. 454. On sait qu'une culture habile et surtout soi-
gnée , peut , avec, le moindre fragment «l'un
végétal, obtenir un individu d'espèce semblable;
avec un seul œil, on peut reproduire un dahlia.
Les boutures avec un seul œil se font en fen-
dant une tige de dahlia munie de deux yeux;
car les yeux du dahlia sont toujours disposés
deux à deux vis-à-vis l'un de l'autre. On pra-
tique souvent h la hase du rameau servant de
bouture une fente qui en facilite la reprise
rabat le châssis par- dessus la cloche, ce qui 455).
(fig.
donne une double protection aux boutures, soit
Fig.
contre l'évaporation, soit contre l'action di-
recte des rayons solaires.
Les tubercules mis en pot ou sur couches en
février, donnent au commencement de mars des
pousses bonnes à former des boutures ; il ne faut
les risquer en plein air que quand toute crainte
«A
de gelée blanche est évanouie.
Les jardiniers marchands ou les amateurs
qui possèdent des collections très nombreuses
étant forcés de ménager l'espace toujours trop
étroit dans la serre ou sous les châssis, font leurs Boutures d'automne. —
On choisit pour cet
boutures de dahlias dans des pots fort petits, usage les pousses latérales de la tige principale,
ce qui les met dans la nécessite de leur donner en réservant leur extrémité supérieure ; elles se
des pots plus grands vers le milieu de l'été pour taillent au-dessus du troisième ou du quatrième
qu'ils puissent y compléter leur croissance à œil, en ayant égard à leur vigueur. Mises en pots
1 air libre; car une fois qu'ils ont pris racine, sous châssis et traitées comme les précédentes,
le sable et la terre de bruyère où ils ont com- elles sont ordinairement bien enracinées et peu-
mencé à végéter ne leur suffisent plus; il leur vent même fleurir avant l'hiver ; il faut se hâter
faut un sol plus substantiel. On pratique ce de les accoutumer graduellement à l'air libre,
mode de bouturage du commencement de mars en profilant des derniers beaux jours. Le plant
au 15 mai; les dahlias prennent racine en 20 ainsi obtenu peut languir et mourir, s'il o'a
jours au moins et 40 jours au plus. pas pris assez de force quand vient la mauvaise
Les boutures exigent des soins continuels, saison. La nécessité de propager des plantes
soit avant, soit après leur reprise tous les pots
; rares qu'on craint de ne pas conserver, doit
ne doivent pas être arrosés à la fois, tous n'exi- seule faire préférer les boutures d'automne à
gent pas la même qu unité d'eau ; l'on en juge cellesde printemps, dont la réussiteest beaucoup
au plus ou moins de sécheresse de la terre des plus assurée, et qui, dans tous les cas, donnent
pots; quand celte terre est trop humide, l'ex- des sujets plus vigoureux.
trémité inférieure de la bouture pourrit et
2. Séparation des tubercule*.
n'émet point de racines. La couche ne doit avoir
qu'une chaleur modérée-, lorsqu'on emploie la La méthode la plus rationnelle pour diviser
chaleur artificielle du thermosiphon, le sable un pied de dahlia en plusieurs touffes au moyen
pur remplace le fumier avec avantage; les pots de la séparation de ses tubercules, consiste à
a boutures y sont plongés jusqu'au bord. Mal- planter le pied tout entier dans une plate-bande
gré la double protection d'une cloche et d'un a l'exposition du midi , en laissant la couronne
châssis pour amortir l'effet des rayons d'un à Pair libre; on attend le développement des
soleil trop vif, il faut encore, pendant les jour- I jeunes pousses, et dès qu'elles paraissent assrt

nées très chaudes, étendre sur les châssis des distinctes,on divise le collet de la plante-mère
I

toiles ou des paillassons. avec une lame bien affilée, en laissant à chaque
Lorsque les boutures enracinées reçoivent portionmunied'unœilau moins, un ou plusieurs
des pots plus grands remplis non plus de sable tubercules. Le plus souvent, on laisse les tu-
ou de terre de bruyère, mais de bonne terre bercules à l'air libre sur des dressoirs, jusqu'à
franche de jardin il ne faut pas les exposer
, ce que, l'époque de la végétation naturelle
immédiatement à l'air extérieur; on les replace étant arrivée, les yeux se développent d'eux-
sous le châssis pour leur donner de l'air peu à mêmes et permettent d'opérer la séparation
peu, seulement au moment où leur végétation avec discernement. Dans ce cas, il faut se hâter
interrompue par le rempotage reprend son de diviser les pieds, parce que les jets venus aux
W
I

cours.ee dont on s'aperçoit à l'allongement |


dépens des tubercules restés à l'air libre,
des pousses terminales. ! ont plus ou moins fatigues , ce qui ne pourrait

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I1TUE V. FLORICCLTIUL. 313

manquer d'altérer la beauté de leur floraison, mince (fig. 456). Il y a cependant des dahlias qui
si l'on ne se hâtait de les planter. Du reste, il Fig. 456, 458.
457,
s'en fout de beaucoup que ic dahlia tel que Ta
,

fait la culture moderne, soit une plante délicate;

sauf sa susceptibilité à l'égard du froid, c'est


une plante rustique , aussi peu difficile à faire
croître que l'humble pomme de terre.

3. Grtjf* sur lubtrtulu.

Les variétés délicates ou les individus peu


vigoureux ont besoin de ce mode de propagation
qui n'est réellement qu'une bouture rendue émettent des jets d'un si gros diamètre , qu'ils
plus forte par son insertion sur un tubercule. ne peuvent être greffés que sur de gros tuber-
La greffe ne modifie pas le dahlia; les qualités cules de formes ramassées (fig. 457). Les tuber-
du tubercule greffe n'ont aucune influence sen- cules gros ou petits, sur lesquels on se propose
sible sur celles de la plante toujours parfaite- de greffer, ne doivent émettre après l'opération
ment semblable à celle sur laquelle la greffe a aucun jet qui leur soit propre, jet qui compro-
été prise. On réserve donc pour cet usage des mettrait l'existence du rameau greffé. C'est
tubercules de peu de valeur, tels que les semis dans le but de prévenir l'émission de ces pousses,
les produisent toujours en trop grand nombre. qu'on retranche la létc destubercules; [à fig. 458
Une fente pratiquée dans le sens de la longueur montre la manière de disposer les greffes dans
du tubercule reçoit, au moment de la reprise la substance des tubercules. Les ligatures les
de la végétation', un rameau taillé en coin par meilleures pour les assujettir, sont des liens de
son extrémité inférieure. Les deux pièces sont laine dont l'élasticité est d'autant plus avanta-
assujetties l'une à l'autre par des ligatures de geuse que le rameau grelïe grossit davantage;
jonc ou de laine; le point de jonction est en toutefois, les ligatures ne sont pas de rigueur:
outre mastiqué avec de la terre détrempée. La nos plus habiles horticulteurs, parmi ceux qui
greffe ainsi préparée est ensuite traitée de font leur spécialité de la culture du dahlia, ne
tout point comme les boutures; elle ne réussit ligaturent pas leurs greffes; ils se contentent de
pas constamment, surtout à cause de l'inégalité planter les tubercules greffés dans une terre
de pression qui s'oppose à la prompte soudure suffisamment compacte, comprimée tout au-
des bords de la greffe avec le tubercule. Nous tour; les greffes ne se dérangent pas.
croyons qu'un instrument propre à donner au Nous avons dit que les greffes devaient avoir
bas de la greffe une forme exactement sembla- quatre feuilles. Chacune de ces feuilles porte un
ble à celle de la cavité destinée à la recevoir œil dans son aisselle; deux de ces quatre yeux
dans la substance du tubercule rendrait ce sont enfermés dans la substance du tubercule;
genre de greffe d'un succès infaillible. Nous ces yeux n'ouvrent pas ils donnent naissance
,

avons figuré un gretfoir dans des conditions à aux racines; les deux autres constituent la nou-
peu près analogues; mais pour la greffe du velle plante. H importe de ne pas enfermer dans
dahlia sur tubercules, il nous semble exiger le tubercule une trop grande longueur de tige
quelques perfectionnements ( voir Greffoirs, au-dessous des deux derniers yeux ; les racines
Instruments de jardinage, fig. 80 à 84). qui naîtraient de cette portion de tige n'auraient
A l'époque où les dahlias à fleurs doubles jamais une grande vigueur; l'expérience dé-
étaient encore une rareté , la greffe pour leur montre que la beauté des fleurs pourrait en è ire
multiplication avait beaucoup plus d'impor- altérée. D'ailleurs, cette partie de tige superflue
tance qu'elle n'en a de nos jours; elle fut prati- ne donne pas toujours naissance à des racines;
quée pour la première fois, en 1824, par quelquefois elle pourrit et compromet l'existence
M. Blake , horticulteur anglais. Aujourd'hui même de la greffe. Lorsqu'on a de pressants
l'on réserve ce moyen pour propager, de con- motifs pour hâter la reprise d'une greffe de
cert avec les boutures , les espèces précieuses dahlia et éloigner autant que possible les chances
et nouvelles pour lesquelles les horticulteurs défavorables, on pratique une incision latérale
marchands ont souvent un si grand nombre dans toute la longueur d'un tubercule, et l'on
de demandes, que tous les modes de multipli- adapte dans l'incision une greffe qui dépasse son
cation employés à la fois sont encore insuffi- extrémité inférieuredeO" ,02 àO ,03; la/ty. 459
sants. représente cette disposition. Durant l'année qui
:

On peut greffer en hiver comme en été ; dans suit la reprise de cette greffe , elle forme de
ce cas , on force les tubercules à entrer en vé- jeunes tubercules qui permettent , à l'arrièrc-
gétation pour se procurer des greffes , en les saison, de supprimer le tubercule sur lequel on
traitant comme pour obtenir des boutures. Les a greffé. On voit à la partie A du rameau
pousses peuvent être employées pour greffer greffé un œil réservé sur ce rameau c'est une ;

dès qu'elles ont développé deux paires de précaution essentielle toutes les fois qu'on pra-
feuilles. tique ce genre de greffe. Supposé crue la partie
Les meilleurs tubercules pour recevoir la supérieure du rameau vienne à périr, on dé-
greffe sont ceux dont le collet est allongé et couvre le tubercule de façon à mettre au jour
OHtlCLLTCIÏ. T. V. — 40
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314 HORTK ILTUKE. livee vin.

l'œil réservé A (fig. 459) -, cet œil donne lieu à charnue du tubercule (fig. 461) une ouverture

Fig. 458. Fig. 461.

une plante aussi bonne que celle qu'auraient très voisine de l'écorce; on insère dans celte
pu fournir les yeux supérieurs; c'est donc une ouverture une greffe de forme convenable (A,
ressource qu'il ne faut jamais négliger. secours
fig. 461) qui lient parfaitement sans le
La greffe donne un moyen puissant de mo- d'une ligature.
difier les dimensions des* plantes , sans rien La greffe a surtout pour avantage sa grande
changer, du reste, ni à la forme ni à la couleur promptitude comme moyen de reproduction;
des fleurs. En 8^8, quatre ans après le premier
1
tandis que la bouture , ainsi que nous l'avons
essai de greffe du dahlia par M. Blake, la dit, emploie souvent six semaines pour repren-
même greffe répétée à Saint- Cloud par M. Da- dre, la greffe en huit ou dix jours peut cire
vid, donna pour résultat une plante semhlahle parfaitement enracinée.
de tout point à celle qui avait fourni la grr ffe, Lorsqu'on reçoit à l'arrière-saison , en sep-
mais beaucoup plus petite. L'horticulture s'em- tembre ou octobre, un dahlia distingué qu'on
para aussitôt de cette observation. Aujourd'hui, est curieux de reproduire très vite, on peut,
dit dans son excellent traité de la culture du môme à cette époque de l'année , recourir à la
dahlia, M. Augustin Legrand,ce moyen de ré- greffe ; il faut, bien entendu, garantir la plante
duction a reçu de tels perfectionnements qu'on des rigueurs de la saison. Dès que la tige com-
peut réduire" à volonté au tiers ou à la moitié mence à végéter, on la pince pour forcer la
un dahlia d'une élévation exagérée, et l'on jouit plante à faire tourner plus vite sa sève au pro-
également de toutes ses beautés. Le procédé le fit des tubercules. De cette manière, sans sacri-
plus usité consiste à tailler en bec de flûte le fier en totalité ou en partie les tubercules de la
Bas de la greffe en ayant soin que l'incision
,
plante-mère en les forçant en hiver pour en
pratiquée a l'endroit ou se trouvent deux yeux obtenir des greffes ou des boutures, on a pour
places en regard l'un de l'autre enlève l'un de le printemps suivant des sujets tout formés,
ces yeux rameau ainsi taillé s'insère dans
; le dont on peut espérer la plus riche floraison.
une entaille de forme et de grandeur conve- Il est bon d'observer que la greffe, insérée
de
nables, pratiquée sur le bord du tubercule, de quelque manière que ce soit dans un tubercule,
sorte que l'œil conservé affleure l'écorce du ne reproduit son espèce que quand les tuber-
tubercule chargé de nourrir la greffe disposi- ,
cules qu'elle fait naître sont sortis d'un œil a*
tion que représente la fig. 460. Le tubercule ainsi la greffe. Ainsi, l'on peut greffer sur un tuber-
Fig. 460. cule un rameau de dahlia dépourvu d'yeux a sa
partie inférieure, et cet te greffe peut reprendre,
mais elle ne donnera pas de tubercules capables
de perpétuer la plante; sa seule utilité réelle
consiste à donner des jets plus ou moins nom-
breux qui , bouturés ou greffés avec des yeux
à leur partie inférieure, donneront des tuber-
cules vigoureux. Ces secondes greffes ne fleu-
rissent pas toujours dans l'année mais
elles
;

donnent des sujets très robustes pour l'année


sa
traité meurt assez souvent, mais après que la suivante. L'amateur qui ne ménage pas
{5reffe a repris, et il n'entraîne point la mort de peine peut suivre le conseil que nous loi don-
a greffe; souvent aussi il devient énorme. des tuber-
nons ici de préférer, à la séparaiion
en
Dans l'un et l'autre cas, soit par sa mort soit , cules, ce moyen de maintenir sa collection
par la nourriture qu'il absorbe pour grossir, il rajeunissant les sujets tous les ans et abandon-
s'oppose à la formation prompte des tubercules nant les vieux pieds. Beaucoup d'amateurs dm
qui
propres aux racines de la greffe. Ces lenteurs, vent à ce procédé la beauté de végétation
plantes
ces ent raves diminuent les d mensions du dahliai distingue leurs collections formées de
pratiquée
grelfc qui n'en représente pas moins exacte-
, qui ne sauraient vieillir. La greffe
parue
ment la variété dont il est originaire avec un rameau dépourvu d'yeux à sa
On peut aussi pratiquer dans la substance dont
inférieure, sans bouton* ni bourrelet,

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TITBK V. FLORICULTURE. 315

base est aussi éloignée que possible des deux la rosée estentièrement dissipée. A l'époque de
veux ou des deux feuilles laissées à sa partie la maturité de la graine, on rejette les semences

supérieure, permet de voir fleurir très promp- du centre qui sont presque toujours stériles, et
tcment un dahlia, ce qui convient surtout au celles du bord extérieur; la fleur a dû rester
commerce journalier des fleurs. La base tout- enveloppée jusqu'à cette époque. Recueillies
à-fait nue de la greffe est nourrie par tubercule par un temps sec. les graines de dahlia doivent
pendant toute lu durée de la bonne saison, après être séparées immédiatement de leur coque et
quoi n'ayant pas travaillé pour l'avenir,
,
conservées l'hiver dans un lieu sec sans être
n'ayant pas produit de tubercules qui lui soient trop chaud , pour être semées en février de
propres, elle meurt, et tout est dit. Ainsi s'ex- l'année suivante.
plique le bas prix de certains dahlias, souvent Les semis se font, soit sur couche tiède re-
ires beaux, mis en vente en pleine fleur sur les vêtue de terreau qu'on a soin de n'humecter
marchés, pendant la saison : ce ne sont en réa- que légèrement, soit en terrines remplies de
lité que des plantes annuelles; l'année révolue, terre légère quoique substantielle ; dans ce der-
il n'en reste rien. Il faut donc, lorsqu'on achète nier cas, on place les terrines très près du vi-
des dahlias en pois , faire bien attention au trage dans la serre ou de la fenêtre dans l'ap-
collet de la racine , afin de vérifier si et com- partement. Le plant se repique très jeune à
ra m
0 ,03 ou O ,04 en tout sens, dans les mêmes
ment laplante a été grelfée, pour savoir si on
achète une plante annuelle ou une plante vi- conditions observées pour les semis ; on doit
vacc. le mettre en pots dès qu'il a atteint la hauteur

— Semis. de(K08 à 0,10; le reste de sa culture est


B.
semblable à celle du plant obtenu de bouture ou
La fleur du dahlia appartenant à celles que de greffe sur tubercule
lesbotanistes nomment composées, c'est-à-dire On ne peut préjuger d'avance les qualités
formées d'un grand nombre de fleurs complètes des fleurs au dahlia; il faut donc attendre, pour
rassemblées dans un réceptacle commun, n'a se prononcer, la floraison de tous les pieds ob-
pas à proprement parler de pétales. Les fleurs tenus de semis. Lorsque ces pieds ne fleurissent
non composées, les roses, par exemple, devien- pas la première année, quelques amateurs Im-
nent doubles, parce que leurs étamines ou or- patients les placent en hiver dans la serre
ganes mâles se sont convertis en pétales ; il ne chaude pour les forcer à fleurir. Ce procédé
peut en être ainsi pour le dahlia. La fleur sim- compromet des fleurs souvent précieuses dont
pledudahlia contient un grand nombre de fleu- les tubercules peuvent périr après avoir donné
rons peu développés les fleurons de la circon-
; une floraison prématurée ; il vaut mieux laisser
férence ou rayons ont seuls pour envelopper leur végétation suivre son cours naturel. On
leurs organes sexuels un cornet ou ligule plus utilise pour la greffe les tubercules des sujets
ou moins grand ; la forme, la couleur, le nom- qu'on ne juge pas dignes d'être conservés.
bre et la disposition des ligules constituent le
mérite des dahlias; dans les fleurs pleines, tous
C. — Préparation du toi.

les fleurons sont pourvus de ligules ; le but de Le dahlia croit naturellement au Mexique sur
la fécondation artificielle des fleurs de dahlia des plateaux élevés dont le sol est léger et sa-
doit être de favoriser le développement des blonneux. Quelque modifié que soit le dahlia par
ligules. la culture, ce fait primitif doit toujours être pris
doit laisser aux dahlias destinés à ser-
On ne en grande considération dans les procédés à
vir de porte-graines, que quelques-unes de leurs employer pour façonner le terrain qu'on lui
fleurs les plus belles et les mieux formées; les desline. L'expérience a prouvé que le dahlia
pieds seront choisis parmi les meilleures varié- beaucoup mieux dans un sol maigre et
réussit
tés. Quoique le dahlia ne se reproduise point médiocrement fumé que dans une terre trop
identique de semence, néanmoins on ne peut fertile et trop riche. Dans ce dernier cas, ses
espérer de bonnes variétés que des plantes déjà tubercules deviennent énormes, ses tiges et son
parvenues par la culture à leur plus haut degré feuillage prennent un développement extraor-
de perfection. Les porte-graines se plantent dinaire; mais, de toute cette végétation luxu-
dans une situation isolée du reste de la collec- riante, il sort à peine quelques fleurs dépourvues
tion-, on ajoute à cette précaution celle d'en- de tout mérite et indignes de figurer dans la
velopper d une gaze ou d'une mousseline très collection du véritable amateur. Le dahlia
claire les fleurs au moment de leur épanouisse- planté dans un sol tout-à-fait maigre et stérile,
ment ; on prévient ainsi tout croisement acci- tombe dans l'excès contraire; ses tiges restent
dentel que pourrait causer le transport du pol- courtes et minces, son feuillage est peu fourni ;
len di s autres fleurs par le vent ou par les toute sa force végétative s'emploie à produire
insectes. On féconde artificiellement les fleurs une multitude de fleurs, mais dont chacune est
des porte-graines en secouant sur leur disque peu développée ; il ne peut acquérir toute sa per-
épanoui la poussière des fleurs des plus belles fection qu'entre ces deux extrêmes.
variétés prises parmi celles dont le mérite pour La terre où l'on se propose de cultiver des
la couleur ou la forme contraste le plus vive- dahlias doit donc être amenée artificiellement
ment avec celai de la fleur fécondée. Cette à ce point intermédiaire ; si elle est forte, com-
opération se fait de dix heures à midi, quand pacte et substantielle, il lui faut une proportion

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316 liOUTlCULTlltE LIVRE VIII.

assez considérable de sablede rivière, de feuilles elle serait tout-à fait inutile. Dans tous les cas,
à demi décomposées, de ramilfes provenant de il no faut confier les dahlias à la pleine terre
la tonte des haies, et d'autres débris végétaux que quand toute crainte de gelée est évanouie;
dont la putréfaction lente entretient longtemps car le nombre infini de variétés de dahlias ob-
le sol dans l'éiatde division et d'ameublisscment tenu par les semis n'a jusqu'à présent apporté
3ui suit un bon labour. Le fumier proprement aucune diminution sensible dans la délicatesse
it , et même le terreau trop gras et trop nutritif, de cette plante, quine peut résister au moindre
doivent être exclus de la terre préparée pour froid , bien qu'elle soit robuste et peu délicate
recevoir une plantation de dalilias. à moins que à beaucoup a'aulres égards.
cette terre ne soit excessivement maigre et sté- Toutes les partiesdes tubercules endommagées
rile; encore, dans ce dernier cas, ne faudrait- il ou malades, sont retranchées avec soin jusqu'au
pas en être prodigue. vif; puis on classe les dahlias par hauteurs,
La culture du dahlia peut prospérer sur toute pour les disposer en amphithéâtre , afin que les
espère de sol convenablement amendé eu se plus élevés ne masquent pas les plus petits, et
conformant à ces indications, et en cherchant par couleurs, pour pouvoir les marier de ma-
autant que possible à placer cette plante dans nière à en faire ressortir, tous les avantages.
les mêmes conditions que sur son sol natal. L'espacement ne doit pas être moindre d'un
Aucune plante d'ornement n'est susceptible mètre en tout sens; la distance de l ra ,32 n'est
d'être aussi profondément modifiée par l'in- même pas trop grande pour les plantes les plus
fluence de la terre où elle végète; plus on dé- fortes. On plante les tubercules dans des trous,
sire diminuer ses dimensions et accroître le en laissant la couronne à découvert. Lorsque
nombre de ses fleurs, plus on doit s'appliquer le sol et le climat sont naturellement secs, on
à rendre le sol maigre, léger et sablonneux; s'il laisse autour de la couronne une petite excava-
est humide, il doit être parfaitement assaini par tion en cuvette, sauf à la combler par un léger
des rigoles d'égouttement avant d'y planter les butlage, si l'abondance des pluies rend cette
dahlias. précaution nécessaire. Les tuteurs destinés à
Une situation parfaitement aérée de tous soutenir les hautes tiges des grands dahlias
côtés , suffisamment éloignée par ce motif des doivent être mis en terre en même temps que
arbres et des habitations, plutôt en pente que les tubercules ; c'est le moyen le plus sûr de ne
plate , plutôt à mi-côte que trop basse ou trop pas blesser les tubercules, comme cela n'arrive
élevée, est la meilleure à tous égards, ce qui que trop souvent quand les tuteurs sont plantés
n'empêche pas que des collections magnifiques seulement au moment où les plantes en ont be-
ne prospèrent dans des positions privées d'une soin. Quelques horticulteurs emploient jusqu'à
partie de ces avantages. La disposition adonner trois tuteurs pour une seule plante de dahlia de
a surface du sol dépend en grande partie de
la première force; nous pensons qu'un seul tuteur
la manière dont la collection doit s'harmoniser peut suffire aux plantes les plus touffues lors- ;

avec le jardin où elle est plantée; on ne peut qu'on en donne deux ou trois à chaque pied, il
prescrire de règle à cet égard. Si la terre conte- est impossible que le feuillage du dahlia les
nait une trop grande quantité de grosses pierres masque complètement et ils nuisent beaucoup
,

ou de cailloux capables d'endommager les tu- au coup d'œil à l'époque de la floraison. Les
bercules dvs dahlias, faudrait les enlever et
il riches amateurs anglais ont adopté pour les
les remplacer par de la terre rapportée, appro- dahlias un modèle de tuieur en 1er (fig. 462)
priée à cette cul turc; mais si sa nature est com-
Fig. 402.
pacte et tenace, la présence d'une certaine
quantité de gravier ou de pierres de petites di-
mensions ne produit qu'un bon effet quant à
la végétation des dahlias.

D. — Plantation.

Le on visite
terrain étant choisi et préparc,
avec soin les tubercules, soit qu'ils aient été
avancés en pots dans la serre tempérée, soit
qu'on se soit borné à attendre l'époque de leur
végétation naturelle pour les mettre directe-
ment en pleine terre a demeure. Dans tout le
nord de la France de même qu'en Belgique et
en Angleterre, le premier procédé est le plus
avantageux. La précocité des hivers ferait
perdre une partie des tleurs surprises par les
premières gelées, si les plantes n arrivaient en
pleine terre dans un état de végétation qui leur
lait devancer de près d'un mois l'époque natu-
relle de leur floraison. Sous le climat de Paris,
cette précaution est déjà peu nécessaire ; à partir auquel il n v a rien à reprocher, si ce
n'est son

de la Loire jusqu'à nos frontières méridionales, prix élevé qui , pour une collection un peu

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TITRE V. FLORICULTURE. 317

nombreuse, entraîne des frais énormes. Les On ne peut espérer une floraison parfaite en
gros fils de fer qui terminent ses extrémités, et laissant développer tous les boutons de chaque
la mobilité des brandies latérales qu'on déplace tige ; il faut supprimer très jeunes ceux que 1 on
à volonté au moyen de leurs vis de pression, juge superflus; on a soin, pour ne pas déparer
permettent d'assujettir chaque tige de fleur, la plante, de couper les pédoncules de ces bou-
sans la déranger de sa position naturelle, sans tons le plus bas possible dans l'aisselle de la
donner par conséquent aux plantes cet aspect feuille ou ils ont pris naissance. Nous avons dit
gêné et guindé qui nuit tant à leur beauté en comment par la greffe on peut modiGer à vo-
leur donnant une certaine ressemblance avec lonté les dimensions d'un dahlia trop grand et
une botte de céleri. trop touffu; on peut aussi arriver au même
résultat par la taille. A l'époque de la mise en
E. — Dit iih de culture. place, on a soin d'enterrer les tubercules assez
Los dahlias mis en place dans un sol bien profondément pour que les deux yeux les plus
préparé, n'ont besoin d'être arrosés que dans voisins du collet soient recouverts de 0 m ,05 à
es cas de grande sécheresse longtemps pro- 0 m ,06 de terre. L'effet de ce traitement doit
ongée ; on leur donne alors un peu d'eau, mieux être de faire pousser à la plante une forte tige
e soir que le matin, et l'on cesse dès que l'hu- principale et deux drageons. La tige se taille
midité de l'atmosphère le permet. Des arrosages au niveau du sol lorsqu'elle a atteint la hau-
teur de t m ,20 à 0
IU
trop fréquents et trop abondants n'altéreraient 25. Huit jours après cette
.

pas d'abord les dahlias d'une manière bien sen- taille, on retranche de même au niveau de terre
sible mais lorsqu'après leur floraison il s'agi-
; l'un des deux drageons. Le seul drageon con-
rait de retirer les tubercules hors de terre pour servé, affaibli par les deux pertes successives
les conserver, leur substance charnue se trou- de sève que cause à la plante une taille opérée
verait tellement aqueuse, qu'à peine hors de au moment où la sève est dans sa plus grande
terre elle commencerait à pourrir et qu'on per- activité, ne dépassera pas la hauteur de '",30
1

drait ainsi presque toute la collection avant le et ne formera point une touffe énorme, comme
printemps suivant. Dans les terrains très secs, si la plante avait été livrée au cours naturel de

sujetsà se gercer pendant les grandes chaleurs, sa végétation.


on peut conserver au pied des dahlias un degré Après la floraison, il n'y a pas d'inconvénient
d'humiditésuffisantpoursedispenserdclesarro- à laisser les tiges se faner sous l'influence des
ser, en
y déposant une petite quantité de fumier premières gelées blanches qui ne sauraient at-
d'étable qui sert de couverture et s'oppose à teindre les tubercules. On les déterre après
l'évaporation. Mais celle pratique, bien que avoir coupé les tiges flétries, et on les conserve
bonne en quelques circonstances est toujours , dans du sable sec ou môme simplement à dé-
dangereuse, parce que s'il arrive qu'elle soit couvert, sur des dressoirs, pourvu que ce soit
insuffisante ei qu'il faille en venir à des arro- dans un local où ni la gelée, ni l'humidité ne
sages même très modères, l'eau venant à tra- puissent les atteindre. Quand les collections
verser la couche supérieure du sol trop forte- sont nombreuses, on s'épargne une panie de la
ment engraissée par le séjour du fumier, porte besogne pour l'époque de la plantation, en dis-
sur les tubercules un excédant de nourriture posant les tubercules conservés dans l'ordre
dont l'effet inévitable est de gâter entièrement suivant lequel ils doivent être mis en place.
la floraison; la plante alors s'emporte, ses tiges Le même sol peut recevoir plusieurs années
et ses feuilles forment une épaisse touffe sem- de suite la collection de dahlias, pourvu qu'on
blable à un gros arbrisseau; les fleurs sont rares marque chaque année la place occupée par les
et tout-à-fait insignifiantes. Entredeux dau- tubercules, et qu'on les replante l'année sui-
gers, le moindre nous semble encore celui que vante dans les intervalles.
présentent les arrosages simples, qu'on peut Pendantle temps que les tubercules du dah-
toujours régler à volonté, tandis qu'on ne peut lia passent en pleine terre, ils ont surtout à
repondre , quand on emploie le fumier pour se redouter les attaques des larves du hanneton,
dispenser d'arroser, que cet espoir ne sera pas connues sous le nom de turcs ou vers blancs.
déçu et qu'il ne faudra pas recourir à l'arrosoir, Un labour préparatoire, profond et très soigné,
au risque de gâter la fleur. par ira ne lies très minces, permet bien de dé-
Les tiges de dahlia doivent être solidement truire tous ceux de ces insectes parvenus à l'état
assujetties à leurs tuteurs par des liens de jonc de vers blancs ; mais les jeunes larves peu dé-
qu'il faut visiter souvent, surtout après de grands veloppées et peu apparentes , échappent en
vents et des pluies d'orage , parce que l'inser- grand nombre aux recherches les plus actives.
tion des tiges sur la couronne est très fragile, Le meilleur moyen de destruction pour ces en-
et qu'une fois renversée, une tige chargée de nemis du dahlia, est celui qu'indique M. Pi roi le ;
boutons et de fleurs est à peu près perdue. L'art il consiste à planter de bonne heure au prin-

de l'horticulteur ajoute beaucoup à la beauté temps, en fraisiers et en laitues, plantes dont


du dahlia par une taille raisonnée qui, ne lui les racines sont recherchées avidement par les
laissant qu'un nombre de tiges en proportion larves de hanneton , l'espace que les dahlias
& v ec sa force et sa hauteur lui fait former uue doivent occuper plus tard. A mesure qu'un pied
tête où le feuillage est ménagé pour
élégante de laitue ou de fraisier se fane et languit, on
»ir« valoir et ressortir la richesse de la fleur. l'enlève et l'on trouve les larves réunies en

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318 nor.Tir.uLTunr. Livns vm.

grand nnml.ro autour de In racine à demi dé- boutons, dévorés par on limaçon que les reener-
vorée; lorsqu'ensuitc le moment est venu de ches les plus minutieuses né purent lui faire
mettre les dahlias en place, on peut conserver découvrir; la troisième nuit, H veilla avec de
de distance en distance quelques rangs de frai- la lumière et prit le coupable en flagrant délit;
siers et repiquer autour de chaque dahlia quel- ce fut ainsi qu'il sauva le dernier bouton qui
ques pieds de laitue; tant qu'elles trouveront à allait subir le sort des deux autres. Nous rap-
ronger les racines de l'une ou de l'autre de ces portons ce fait parce que les limaçons ne lais-
,

deux plantes , les larves de hanneton n'atta- sent pas toujours après eux ces traces luisantes
queront pas les tubercules des dahlias. qui indiquent leur passage et qu'on impute
La courtlltère ou taupe grillon , heureuse- ainsi très souvent à d'autres causes des ravages
ment moins commune, mais plus destructive occasionnés par les seuls limaçons, contre les-
: encore que la larve de hanneton est beaucoup
, Îuels on ne saurait déployer trop de vigilance,
plus difficile à détruire. En effet, lorsqu'on doit toe poignée de son, ou mieux un peu de colle
planter une collection seulement de 600 dahlias de pâte, sous de grands pots entrebâillés, sont
espacés à un mètre en tout sens et que le terrain un puissant moyen d'attirer les limaçons et par
qu'on leur destine est infesté de courtilières, ce conséquent de les détruire.
n'est pas une petite besogne aue d'essayer de
l'en débarrasser. M. Pirolle indique un procédé § Vit. — Chrysanthème
sûr, qui consiste à enterrer des pots exacte-
Cette belle plante fut apportée de la Chine
ment bouchés par le fond sur le parcours des en Europe vers 1790. Le jardinage européen
gr.leries souterraines que les courtilières se
n'en posséda longtemps qu'une seule espèce,
creusent à fleur de terre. Pour que ces insectes sans variétés la fleur primitive, origine de
:

tombent dans ce genre de piège il faut que le


,
toutes les autres, est encore actuellement corn*
pot soit enterré de façon à ce que son orifice
{>rise parmi les plus estimées; clic est d'un
supérieur soit à quelques centimètres plus bas >run pourpre très foncé. Les collections ac-
que le niveau du sol. Dans ce but après avoir
,
tuelles contiennent des centaines de variétés
enfoncé le pot dans la terre à la profondeur
,
3ui, bien que très persistantes, ne sont cepen-
convenable on le recouvre d'un pot de même
,
ant pas distinguées par des caractères bota-
grandeur, en sens inverse ; le sol convenable-
niques qui puissent les faire admettre comme
ment humecté pour lui donner une consistance variétés réelles , scientifiquement parlant ;
suffisante, ne s éboule pas dans le premier pot
elles n'existent que dans le langage ae l'hor-
lorsqu'on retire le second. Quand la courtilière,
ticulture Ces variétés, dont la fiq. 463 indique
suivant la galerie, arrive au piège, elle ne ren-
contre pas l'orifice do pot, qui la ferait reculer; Fig. 163.
elle y tombe nécessairement et elle y tombe
rarement feule, parce que, dans sa détresse,
elle appelle ses camarades à son secours, de
sorie qu'on en trouve d'ordinaire plusieurs
dans le même pot. La peine qu'exige ce pro-
cède ne doit point empêcher d'y avoir recours
quand on est malheureusement force de se dé-
livrer des courtilières; nous ne pouvons, à ce
sujet, que reproduire les sages paroles de M. Pi-
rolle: «Celui-là n'est pas cultivateur, pour le-
quel toute peine n'est pas légère, pourvu qu'elle
réussisse. »
Les perce- oreilles qui mangent les boutons
et les fleursdes dahlias, se détruisent au moyen
des sabots de veau et de mouton, comme nous
l'avons déjà indiqué {voir Œillets). Nous ajou-
terons que, lorsqu'on a la précaution d'employer
ce moyen dès le commencement de la saison
en attachant les ergots ou sabots aux tuteurs
des dahlias, la destruction des perce-oreilles est
complète longtemps avant l'époque de la flo- le port et la forme, sont classées d'après
raison des dahlias. leur plus ou moins d'analogie avec trois ao-
L'amateur jaloux de la conservation de ses tres fleurs; la renoncule, la reine-margoe-
fl»urs doit aussi donner activement la chasse rite et le souci, ce qui donne trois séries dans
aux limaçons qui s'en prennent, comme les lesquelles se rangent toutes les chrysanthèmes
perce oreilles, aux boutons du dahlia. Il y a connues, et toutes cellesqui peuvent êtrechaque
quelques années, M. Pirolle avait reçu d'An- année conquises par la culture. Les chrysan-
gleterre un dahlia nouveau dont il attendait la thèmes offrent toutes les nuances de jaune, de
floraison avec impatience: la plante ne portait fauve, de rose, de rouge et de pourpre: les
que trois boutons. Pendant deux nuits consé- tons bleus purs manquent seuls, jusqu'à pré-
cutives, M. Pirolle vit disparaître deux de ces sent ; mais on a le blanc le plus pur, et le brun-

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TITRE V. FLOIUCULTURF. ma
pourpre si foncé que, vu à distance, il semble avec des brins de jonc ou des fils de laine rap-
presque noir. prochés les uns des autres.
Peu de fleurs de collection ont une floraison Les chrysanthèmes poussent naturellement
plus prolongée et plus variée que celle de la un grand nombre de tiges florales; on n'en
chrysanthème; l'élégance de son feuillage et laisse subsister qu'une ou deux sur les porte-
l'odeur agréable quoique faible que répand graines: on retranche en outre aux liges con-
toute la plante ajoutent encore à son mérite ; servées tous leurs boutons hors deux ou trois,
ces qualités justifient le goût des Chinois pour et l'on active la végétation de la plante par des
cette plante qui figure dans tous leurs jardins: binages et des arrosages fréquents.
c'est leur fleur de prédilection. La graine de chrysanthème doit être semée
Mais tous ces avantages sont compensés par aussitôt après la récolte; elle peut cependant
un seul défaut; la chrvsanihème ne peut fleu- conserver jusqu'au printemps suivant sa fa-
?
rir avant l'entrée de l liiver; elle a de trop en culté germinative; mais les semis qui suivent
rusticité ce qui manque à tant d'autres belles immédiatement la récolte de la graine ont plus
plantes d'ornement. Les essais pour hâter sa de chances de succès que les semis de prin-
floraison n'ont pas eu jusqu'à présent beaucoup temps. Le plant forme promptement de fortes
de succès. Il faut que les premières gelées soient racines, il doit être repiqué très jeune; on le
venues pour que les chrysanthèmes fleurissent, traite ensuite comme les plantes toutes for-
el l'observation démonirc que quand par ha- mées. Les chrysanthèmes obtenues de semis
sard elles fleurissent d'assez bonne heure en faits à la fin de novembre, garanties du froid
automne, c'est que l'hiver doit être très pré- dans une orangerie, montrent leur fleur à la
coce. Cette particularité île leur mode de végé- fin d'octobre de l'année suivante.
tation, amène comme on. le voit la floraison Sous le climat de Paris, les chrvsanthèmes
des chrysanthèmes à une époque où le par- produisent difficilement des graines fertiles;
terre dépouillé, les arbres nus, et la tempéra- cependant quelques tentatives, couronnées de
ture déjà froide rendent la promenade au jar-
, succès, doivent encourager les amateurs. Dans
din très peu attrayante c'est donc une faible
; la vallée de la Loire et au sud de cette vallée,
ressource pour l'ornement du parterre; mais les chrysanthèmes donnent des graines fertiles
c'en est une très grande pour l'ornement de aussi facilement que toutes les autres plantes de
l'orangerie. On v transporte à l'entrée de l'hi- pleine terre. Un grand nombre des plus belles
ver les chrysanthèmes fleuries ou près de fleu- chrysanthèmes qui figurent actuellement dans
rir, qu'on a eu soin de cultiver à cet effet dans les collections proviennent des semis persévé-
des pois; elles interrompent la monotonie des rants de M. de Bois-Giraud , professeur à la
masses de feuillage dépourvu de fleurs que faculté de droit de Toulouse. L'horticulture a
présentent en hiver les arbres et arbustes d'o- les mêmes obligations à M. de Chabran, offi-
rangerie. cier en retraite, à Bar-sur Aube; le climat peu
favorable sous lequel il cultive ajoute à ses con-
A. — Multiplication. quêtes le mérite de la difficulté vaincue; ses
Onmultiplie les chrysanthèmes par la voie semis, quoique moins souvent heureux que
des semis, dans le but de conquérir des variétés ceux de M. de Bois Giraud à Toulouse, ont
nouvelles, et de bouture ou par la séparation pourtant donné assez de résultats pour que
des touffes, lorsqu'on veut simplement conser- nous soyons autorisés à ranger les chrysanthè-
ver les variétés anciennes. mes parmi les plantes qui peuvent être multi-
pliées de graine sous le climat de Paris.
I. Semis.
2. Boumm.
Toutes les chrysanthèmes, même les plus
doubles, peuvent porter graine ; on ne doit ce- La chrysanthème présente dans son mode
pendant choisir comme porte-graines que les de végétation un phénomène très digne de l'at-
•leurs médiocrement pleines, les seules qui of- tention des physiologistes; les ti^es de celte
frent des chances ceri a ines d'obtenir des graines plante s'enracinent à tout âge-, il surfit de les
fertiles, quelle que soit leur couleur. On plante planter dans une bonne terre de jardin conve-
les nablement arrosée, et de les ombrager de ma-
porte-graines dans une situation ombragée,
et surtout abritée. Quoique ces plantes aient nière ou d'autre jusqu'à ce qu'elles aient pris
absolument besoin du plein air et qu'elles ne racine; du reste, jeunes ou vieilles, herbacées
puissent produire de bonnes graines dans un ou ligneuses, garnies seulement de feuilles ou
»eu renfermé, néanmoins les fleurs deviennent chargées de boulons defleursdéjà Ir -savancés,
difficilement fécondes lorsqu'à l'époque de la les boutures de chrysanthème s'enracineront
"oraison elles ne restent pas dans le repos le toujours; on peut donc choisir, à volonté, pour
plus parfait.
Après leur avoir choisi une place boutures, toute espèce de tige de chrysanthè-
bien abritée,
telle que l'angle formé par la me. Ce choix n'est cependant pas indifférent ;

rencontre de deux murailles à bonne exposi- par un effet très remarquable de leur manière
j'oo.il faut
avoir soin de lesassujettir à de bons de végéter, ces boutures, selon l'état de la tige
Rieurs auxquels les tiges florales doivent être mise en terre pour en obtenir des racines, don-
en plusieurs endroits, principalement le nent des plantes destinées à atteindre des de-
* P r <» possible de la naissance des fleurs, grés très divers de développement, degrés qu'il

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350 HORTICULTURE UV1E VIII.

est possible de prévoir d'avance. Ainsi, par un porteraient que des fleurs chétives et de peu de
procédé différent, l'horticulture modifie à son valeur. On ne laisse aux belles plantes de col-
gré les dimensions des chrysanthèmes comme lection que deux ou trois tiges sur chacune des-
celles des dahlias, et cela, sans apporter aucun quelles on retranche une partie des boutons à
'
changement à la beauté de la floraison. fleurs ; les Chinois ne conservent le plus sou-
Pour obtenir des plantes très développées, vent qu'une seule tige et deux ou trois fleurs &
de touiela hauteur que la chrysanthème peut leurs chrysanthèmes; on obtient ainsi des bou-
atteindre, on prend pour boutures, au mois de tons réservés des fleurs parfaites. La chrysan-
mars, des tiges longues et vigoureuses; on les thème cultivée en pleine terre et livrée à elle-
place isolément dans des pots spacieux, rem- même, porterait des tiges presque ligneuses et
plis de bonne terre franche de jardin; on les deviendrait un sous-arbrisseau, mais ses fleurs
arrose largement avec de l'eau dans laquelle dégénéreraient et seraient méconnaissables.
on a fait infuser un peu de bon fumier; elles On retranche toutes les tiges après la florai-
doivent être dépotées trois fois dans le courant son ; elles sont remplacées par de nombreux
de la belle saison; on leur donne à chaque fois rejetons qui portent des fleurs l'année suivante.
des pots plus grands, remplis de la terre la plus Pour maintenir une collection de chrysanthè
substantielle possible. mes dans toute sa perfection, il faut renou-
Si l'on désire des plantes de moyenne gran- veler les plantes de bouture de manière à n'en
deur, on ne met les boutures en terre qu'au avoir jamais de plus de deux ou trois ans;
mois de mai ; on fait choix dans ce cas de celles qu'on laisse vivre plus longtemps de-
branches un peu moins fortes on ne les change
; viennent trop volumineuses, et gênées dans les
que deux fois de pot dans le courant de l'été, pots, elles finissent par ne plus donner que di s

et on les arrose moins largement, en se servant fleurs insignifiantes.


d'eau pure pour cet usage Les chrysanthèmes se recommandent aux
Enfin lorsqu'il s'agit de se procurer des amateurs peu favorisés de la fortune ; par la
plantes qui ne doivent pas dépasser la hauteur modicité de leur prix, au moment où nous
de 0 ro ,16 à 0 ,n ,20, on prend pour bouture des écrivons (1843) elles valent en très beau choix
extrémités de branches sur lesquelles les bou- de 50 à 1<;0 francs le cent. Leur culture n'est
tons de fleurs sont déjà très apparents; l'opé- ni compliquée, ni dispendieuse ; elles ont en
ration se fait dans ce cas au mois d'août. Ces outre un grand attrait pour le véritable ama-
boutures, traitées du reste comme les précé- teur dans Ta possibilité d en conquérir de graine
dentes, ne doivent point être dépotées. Elles une foule de belles variétés qui se perpétuent
s'enracinent très promptement; leur végéta- ensuite de bouture sans dégénérer.
tion suit son cours régulier; elles fleurissent
tout comme si elles étaient restées sur la plante- S VIII. — Pensées.
mère; seulement, elles ne grandissent plus; On exige plusieurs conditions d'une belle
elles restent à la hauteur qu'elles avaient au pensée pour qu'elle puisse être admise dans
moment de leur mise en terre, sauf le prolon- les collections d'amateurs. La première de
gement ordinaire des pédoncules des fleurs. Il toutes, c'est la forme; elle doit être ampk
résulte de ces faits constamment reproduits étoffée, et aussi rapprochée que possible du
dans la pratique, que plus les boutures de rond parfait, comme le montre la fig. 464. Il

chrysanthèmes sont prises à une époque rap-


prochée du moment de leur floraison, plus leur Fig. 464.

force végétative se détourne du reste de la


plante pour se porter sur la fleur; de là la di-
versité de dimension des plantes obtenues de
boutures prises à divers degrés de développe-
ment. Les plantes naines que donnent les tiges
florales bouturées au mois d'août sont éminem-
ment propres à décorer les appartements, ou
les orangeries et les serres froides et tempé-
rées, peu spacieuses, encombrées en hiver
d'une multitude d'autres plantes dépourvues de
fleurs.

B. — Détails de culture.

Les chrysanthèmes qu'on n'élève pas en


pleine terre ont besoin de pots très grands,
remplis de terre très substantielle, car ces
plantes sont d'un haut appétit ; il leur faut des
arrosages plus fréquents qu'à toute autre plante
de collection. Les chrysanthèmes ont une dis-
position naturelle à pousser une multitude de faut ensuite que la partie centrale, qu'on
tiges qui, si Ton voulait les laisser toutes croi- nomme vulgairement, le masque, soit saillante
tre, formeraient des touffes énormes, mais ne I et bien dessinée; enfin, les amateurs recher-

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TITRE V. rLouicuLTtnr.
client comme une
condition indispensable, la tion de la pensée, a fait découvrir récemment
distribution régulière des couleurs sur les pé- un moyen sûr de récolter les graines de pensée,
tales inférieurs et latéraux, les pétales supé- sans s'assujettir à des soins si minutieux. La
rieurs étant ordinairement d'une seule couleur. tige florale qui porte la pensée est recourbée
Si toute la fleur est bigarrée, comme dans la par le haut, parce que les fibres végétales
fig. 465, elle n'en est pas moins reçue, pourvu u'elle renferme s'allongent plus rapidement
'un côté que de l'autre jusqu à l'époque de la
Ftg. 4C5. pleine floraison; mais du moment où la fleur
passe, l'effet contraire a lieu ; les fibres les plus
courtes s'allongent à leur tour, et la tige.de cour-
be qu'elle était, devient droite; la capsule que
porte cette tige suit le mouvement; les graines
qu'elle contient sont complètement mûres et
bonnes à récolter, du moment où la tige est ar-
rivée a une situation parfaitement verticale;
cette indication est infaillible. Les capsules
sont redressées, et par conséquent les graines
sont mûres, un jour ou deux avant que les
capsules s'ouvrent et dispersent les graines
que leur couleur brune rend dans ce cas fort
difficiles à retrouver sur le sol environnant;
en les récollant d'avance, cet inconvénient est
évité Cette observation est due à M. Ragonnot-
Godefroi, de Paris, habile horticulteur, qui a
obtenu de nombreux succès dans la culture des
pensées de collection.
que les bigarrures se correspondent, et que la On sème les çraines de pensée à mesure
fleur n'en soit pas plus chargée d'un côté que qu'elles viennent a maturité, depuis la fin de
de l'autre. Les pensées d'une seule nuance vio- juin jusqu'à la fin d'août ; la graine doit être
let foncé, ou bleu très foncé, approchant de la
modérément recouverte. Le plant doit être re-
nuance du velours noir- bleu, sont également piqué une pr-emière fois à un mois, et une se-
admises dans les collection? , pourvu qu'elles conde fois à deux mois; ces repiquages acti-
réunissent les conditions exigées, de forme et vent sa végétation.
de grandeur.
De toutes les fleurs de collection , la pensée P. — Détails de culture.
est celle qui réunit le plus d'avantages; elle
jointà l'él égance des formes, à rinfînio variété Les pensées se plaisent mieux en pleine
des nuances, le privilège unique d'une floraison terre que dans des pots; une bonne terre or-
naturelle qui commence dès les premiers beaux dinaire leur suffit. Il est bon d'enlever à la
jours du printemps, pour ne s'arrêter qu'aux plate-bande où l'on cultive les pensées quel-
premières gelées de la fin de l'automne. Si l'on ques centimètres de terre, afin qu'elle soit un
peu au-dessous du niveau du sol environnant ;
y ajoute la modicité de son prix comparative-
ment à celui des autres plantes de collection, par ce moyen, l'eau des arrosages ne déborde
ei la facilité de sa culture, on aura lieu de s'é- pas dans l'allée, et le sol de la plate-bande se
tonner que eette (leur charmante ne soit pas maintient plus longtemps frais. Si le sol est na-
plus commune dans nos parterres. turellement humide, cette précaution devient
inutile.
A. — Multiplication.
§X. — Lobéliai.
Les pensées se multiplient par la voie des
serais qui peuvent, ou reproduire les bonnes Quel que soit notre respect pour les botanis-
fleurs déjà connues, avec toutes les qualités tes, nos indications s'adressant spécialement
qui les font rechercher, ou donner des variétés aux horticulteurs, nous croyons devoir nous
nouvelles. On choisit toujours pour porte- conformer à l'usage général des jardiniers, sous
Eaines les fleurs les plus parfaites, et surtout Seine de n'être pas compris du plus grand nom-
plus grandes. La récolle des graines de-
« re , toutes les fois que cet usage îr écarte des
mande quelque attention. La graine, peu de distinctions introduites récemment par les bo-
temps après >a parfaite maturité, s'échappe des tanistes, sans être passées dans la langue du jar-
capsules qui s'ouvrent d'elles-mêmes, et devient dinage. Ce que nous avons à dire des lobélias et
pareeue circonstance assez difficile à recueil- de leur culture comprend toutes les plantes
lir. On s'est longtemps contenté, pour obvier du genre originairement dédié au botaniste
à cet inconvénient, de coiffer d'un petit sac en Lobel quoique tout récemment les botanistes
,

papier les capsules avant la maturité de la en aient détaché deux groupes pour en former
graine, méthode fort incommode, qui gênait lesgenres rapuntium et tiphocampilot.
1» pjante, et n'atteignait pas toujours son but. Il n'existe |>as dans la nature de plus beau
Une observation attentive du mode de végéla- rouge que celui des fleurs de lobélia ; beaucoup
MTKOLTVII, T. T. — 41

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322 HORTICULTURE. LIVRE VIII

de personnes dont la vue est délicate ne peu-


vent fixer longtemps leurs regards sur les lobé-
lias fulgens et splendent.
Lés plus belles d'entre les lobélias sont de
pleine terre, pourvu qu'on leur donne en hiver
une légère couverture de litière ou de paille.
En Belgique, où ces belles fleurs se rencontrent
dans tous les jardins, même dans le plus mo-
deste parterre du paysan, comme la giroflée et
la julienne en France, on ne cultive les lobélias
que dans des pots afin de pouvoir les rentrer en
hiver il suffit de placer ces pots dans un lieu
;

sec, où la gelée ne puisse les atteindre.

A — Multiplication.

Les lobélias paraissent avoir peu de disposi-


tion à s'écarter de leurs types ; les semis repro-
duisent toujours l'espèce qui a fourni la graine.
On n'a pas, par conséquent, uu intérêt direct (rardioalis (/!g 466).
à propager les lobélias par la voie des semis et lîlIgfM,

l'on préfère en France la séparation des reje- splenileiu.


i.obeiias iguca.
tons nombreux que donnent tous les ans les
punirea.
vieilles plantes; ou les œilietonne en octobre, j
'
liyhride pourpre,
comme des artichauts, en laissant à chaque nphililira.
œilleton un talon enraciné. En Angleterre, on
regarde comme de meilleure qualité le plant
Li première est la plus rustique et la plu<
obienu de graine, et l'on n'emploie presque pas
répandue; la dernière, quoique moins robuste
d'autre moyen de multiplication pour les lobé-
et plus sensible au froid s'élève très bien sur
.

lias.
les bords des pièces d'eau et des réservoirs on
La graine de lohélia se sème aussitôt qu'elle
bassins dont le parterre est souvent accompa-
est mûre, parée qu'elle perd très promptement
gné. Les racines des lobélias syphititica et fui-
sa faculté germinalive; elle ne lève qu'au prin-
gens ne sont point sujettes à pourrir sous l'eau,
temps suivant. Les semis se font en bonne terre
pourvu qu'en hiver elles soient assez recouver-
légère, mais riche ils doivent être très peu re-
;
tes pour que la gelée ne puisse les atteindre;
couverts. Les pots ou terrines dans lesquels on
car si elles ne sont garanties que par quelques
a semé des lobélias doivent passer l'hiver sous
centimètres d'eau, et que toute l'eau qui les re-
un châssis froid ; on ne doit pas laisser la terre couvre soit celée, elles périssent. Ces plantes
se dessécher. Au printemps, quand le jeune
n'ont rien à redouter des gelées du printemps,
plant est levé, on lui donne peu à peu le plein
parce qu'elles ne commencent à entrer en vé-
air ; il doit être repiqué dès qu'il montre sa troi-
gétation que quand l'eau sous laquelle elles sont
sième feuille. On place chaque pied dans un pot
placées prend une température douce, ce qui
très petit ; on les change de pot deux fois pen-
n'a lieu qu'à une époque de l'année où les ge-
dant l'été, en leur donnant à chaque fois des
lées ne sont plus à craindre. Les racines des
pots plus grands; ils atteignent ainsi la force
lobélias qui vivent sous l'eau se renouvellent
de supporter la pleine terre si Ton juge à pro-
d'elles-mêmes par la formation des œilletons
pos de les y placer; mais il est toujours plus
3ui se garnissent de jeunes racines à la place
commode de les laisser fleurir dans des pots es anciennes . mortes de vétusté.
qu'on enterre dans la plate-bande, afin qu'ils
Les autres lobélias ne vivent pas au-delà de
concourent à l'ornement du parterre.
trois ans, soit dans les pots, soit en pleine terre;
Les œilletons séparés des vieilles plantes se
quand on tient à conserver chaque espèce dans
traitent exactement comme le plant obtenu de
toute sa beauté, il faut les œilleionner tous les
graine.
ans, afin d'avoir toujours déjeunes pieds vigou-

B - Détails de culture. reux, prêt s à remplacer les vieilles plantes épui-


sées; aucune plante ne se prête mieux que les
Les lobélias de toute espèce veulent beaucoup lobélias à ce mode de rajeunissement.
d'eau depuis instant où les épis des fleurs com-
I Lorsque les lobélias terrestres ont passé fleur,
mencent à se montrer jusqu'à la fin de leur flo- il ne faut pas trop se hâter de retrancher les ti-
raison qui peut durer plusieurs mois si l'on a , ges défleuries; les jardiniers anglais et belges
soin de les préserver de l'action directe des ont grand soin de retirer de terre les pots des
rayons solaires, en les plaçant dehors, dans lobélias à mesure qu'elles ont passé fleur ils ;

une position ombragée. Les espèces suivantes les rentrent dans un heu sec, et laissent mourir
supportent facilement la pleine terre sous le peu à peu les tiges de l'année ; ils ne les retrait
climat de Paris : chent que quand elles sont complètement sèches;
c'est une sage précaution que tout jardinier pro-

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mm. v. I i.ORl CULTURE. 3?3

dent doit muter s'il lient à la conservation de à augmenter le nombre des espèces et variétés
ses plantes. d'iris , qui dépasse déjà le chiffre de 100 et
Nous ferons obs-rver à cette occasion com- grossit chaque année.
bien il importe de ne tailler prématurément, ni Les graines d'iris se sèment aussitôt qu'elles
les lobélias, ni aucune autre plante dont la ra- sont mûres le jeune plant ne montre sa fleur
;

cine vivace donne naissance tous les ans à des qu'au bout de 3 ou 4 ans. On sème dans
tiges annuelles. La tige
retranchée, alors qu'elle l'espoir d'obtenir des variétés nouvelles-, on
conserve un reste d'existence, fait un effort pour propage les anciennes en divisant au prin-
revivre, elTort inutile qui épuise la racine et très temps les touffes de racines tuberculeuses ou
souvent la fait périr. Nous dirons aussi à ce su- bulbeuses. Une terre légère, pas trop substan-
jet qu'il ne faut pas attribuer à une autre cause tielle, amendée avec du sable lorsqu'elle est
la mort de beaucoup de rosiers de Bengale et de trop compacte, et largement arrosée, convient
la Chine, qui sont en réalité de serre froide, mais parfaitement aux iris qui, du reste, s'accom-
qui peuvent être de pleine terre, à la condition modent de presque tous les terrains s'ils ne
qu'on les tondra rez-terre tous les ans, et de bien sont pas trop secs, et de toutes les expositions.
couvrir la souche, comme on le fait en Belgique. Dans les départements du centre de la France,
Tous ces rosiers sont, comme on sait, perpé- lespaysans sont dans l'usage , de temps immé-
tuellement remontants ; la sève n'y est jamais morial, de garnir de racines d'iris germanique
complètement en repos. Si l'on ne saisit pas ou d'iris naine, l'extérieur de la voûte de leurs
pour les tailler un moment où le mouvement fours ; ces racines , plantées dans une couche
de la sève soit aussi ralenti que possible, les chi- de terre souvent fort peu épaisse, ne produisent
cots meurent au-dessous de la taille et entraî- que des plantes peu développées dont la florai-
nent la perte des racines. son n'a rien d'égal à ce qu'elle pourrait être
Les lobélias, convenablement cultivées, peu- dans de meilleures conditions ; mais il est re-
vent atteindre de très fortes dimensions. Les marquableque les iris, ainsi placées, ne meurent
Anglais suppriment souvent l'épi terminal point et fleurissent, bien ou mal, tous les prin-
avant la floraison, immédiatement au - dessus temps: ce fait seul atteste la grande vigueur
de la dernière ramification. Cette opération de végétation des iris, et leur rusticité.
donne aux épis latéraux une force de végéta- Les iris de collection ne sont point classées
tion étonnante; ils forment une touiïe magni- d'après des caractères botaniques invariables ;
fique, chargée de la plus riche végétation; toutefois , elles se rangent dans deux grandes
leur rouge elincelant contraste admirablement divisions , fondées sur un caractère constant :

avec le bleu-clair des campanules pyramidales la présence ou l'absence de filaments que les
près desquelles on les place dans le parterre, jardiniers nomment barbe, à la partie infé-
pour faire valoir leur elfet ornemental. rieure des pétales. Toutes les espèces et variétés
Nous classons les lobélias parmi les fleurs de d'iris rentrent dans la classe des fleurs barbue*
collection , parce que ce genre compte plus de {fig. 467) ou des fleurs sans barbe {fig. 468).
150 espèces, dont un grand nombre appartient
Fig. 4S7.
à la serre chaude et à la serre tempérée ; toutes
ces plantes sont originaires du Nouveau-
Monde, et particulièrement du Mexique.
Toutes les lobélias portent des fleurs rouges
ou pourpres, a l'exception de trois espèces (eri-
nus, licol or et pubescens}, qui donnent des
1

fleurs bleues ; ce sont de très jolies petites plan-


tes de serre tempérée.

§ XI. — Iris

Les ne sont devenues plantes de collec-


iris
tion que depuis peu d'années précédemment ;

ce genre ne complaît qu'un petit nombre d'es-


pèces et de variétés, presque toutes de pleine
terre, parmi lesquelles l'iris naine et l'iris ger-
manique plantes robustes , exigeant peu de
,
Quand les iris ont terminé leur floraison , il

soins de culture, sont au nomhrc des fleurs de faut bien se garder de remuer le sol autour des
pleine terre les plus répandues. Mais depuis touffes à une certaine distance du collet des
que plusieurs horticulteurs distingués se sont racines c'est le moment où les souches émet-
,

adonnés à la culture des iris et en ont obtenu tent, dans toutes les directions, des racines
par leurs semis de nombreuses variétés qui se nouvelles qui préparent la floraison de l'an-
,

recommandent, les unes par la beauté et les née suivante ; si elles sont dérangées dans ce
dimensions de leur fleur, les autres par leur travail, la plante n'aura l'année d'après qu'une
odeur fine et recherchée, beaucoup d'amateurs floraison avortée.
ont pris goùl à cette culture, et l'iris a pris
place parmi les plantes de collection. M. Lé- S XII. — F( jmique

mon (de Belleville) a concouru très activement Le riche

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S?4 HORTICULTURE. LIVRE VIII

client obligé du jardinier fleuriste*, il veut, la En appliquant le même principe aux jacinthes
bourse à fa main, des jouissances promptes, et aux œillets, on verra grossir en quelques an-
préparées par le travail d'autrui, travail dont nées ses collections, et l'on trouvera un plaisir
son argent est le légitime salaire. En indiquant, de plus dans les relations toujours amicales que
d'après notre propre expérience, les moyens font naître les échanges entre amateurs. La
de former à peu de frais de belles collections voie des semis, pour les plantes bulbeuses et
de plantes d'ornement de pleine terre, nous ne les œillets, ne doit pas non plus être négligée;
prétendons pas engager les riches amateurs à les riches amateurs sèment très peu, parce que,
sortir de cette voie, qui est dans leurs habitu- comme nous l'avons dit on obtient bien rare- ,

des , et qu'ils suivent naturellement ; nous re- ment des variétés réellement nouvelles par ce
gretterions de les en détourner, puisque tout le mode de reproduction le moins expéditif de ,

monde y trouve son compte. tous. Il n'en est pas de même de celui qui tra-
Mous nous adressons uniquement ici aux vaille à se former des collections de ces plantes.
amateurs dont le modeste budget n'admet pas Toute bonne fleur, quoique déjà connue, sans
de dépenses extraordinaires; en suivant nos valeur aux yeux de celui qui en possède plu-
avis, ils parviendront à posséder chez eux ce sieurs échantillons , peut être une acquisition
qu'autrement ils ne pourraient admirer que précieuse pour la collection naissante ; les se-
chez les autres, et l'on sait que ce n'est pas du mis, s'ils donnent peu de fleurs nouvelles, don-
tout la même chose. Quant au commerce des nent toujours beaucoup de bonnes fleurs
fleurs, il n'y perdra rien ; nous ne connaissons Les semis sont la manière la plus économi-
personne qui ait songé à supprimer son équi- que de créer les collections de toutes les plantes
page, parce qu'il y a des omnibus. qui comme les renoncules , les anémones les
, ,

C'est surtout en horticulture qu'il appartient auricules, et les pensées, montrent leurs fleurs
an pauvre de vivre des miettes échappées de la très promptement; il est d'ailleurs toujours
table du riche. Les plantes de collections, pos- facile de s'en procurer des graines. Tournefort
sédées par des amateurs opulents, donnent cha- rapporte à cette occasion une petite superche-
que année une masse de rejetons ou de caïeux rie dont il avait été témoin ; nous la citons en
qui ne sont pas utilisés en totalité. Quand on a faveur des dames qui pourraient trouver occa-
réservé les meilleurs pour les élever en pépi- sion d'en faire leur profit.
nière, dans le but de réparer les pertes présu- M. Bachelier, grand amateur d'anémones,
mables et de maintenir les collections au com- en avait une superbe collection qu'il cultivait
plet, on jette le surplus. C'est à l'amateur éco- avec des soins jaloux. Un conseiller au parle-
nome à avoir l'œil sur les collections de tout ment , à qui il avait refusé constamment des
genre qui peuvent exister dans son voisinage, semences de ses belles anémones , ne pouvant
dans la possession d'amateurs plus favorisés en obtenir ni par prières, ni par argent, s'avisa
que lui des dons de la fortune. Ceux-ci , le plus de faire une visite à M. Bachelier , avec quel-
souvent, se font un vrai plaisir de distribuer leur ques-uns de ses amis qui étaient du secret. 11
superflu; quelquefois aussi les jardiniers sont au- sortait de l'audience ; il était en robe; il avait
torisés à s'en défaire; le léger bénéfice qu'ils en ordonné à son laquais, qui la portait, de la
retirent ne peut pas rendre les éléments d'une laisser tomber sur la planche des anémones
collection inaccessibles aux fortunes bornées. qu'il désirait avoir, et dont les graines étaient
Ce que nous venons de dire des plantes de mûres. Il se promena longtemps en conversant
collection s'applique à bien plus forte raison à sur divers objets, et quand ils vinrent auprès
toutes les plantes vivaces d'ornement , dont la de la planche d'anémones, un gentilhomme de
croissance rapide exige des dédoublements an- bonne humeur commença une histoire qui fix*
nuels; c'est ainsi que le jardin du château peut de M. Bachelier. Alors le laquais,
l'attention
alimenter de son trop plein le jardin de la mai- qui n'était point un sot , laissa traîner la robe
son de campagne, lequel peut rendre le même sur la planche ; les semences, garnies de duvet,
service au jardin de la chaumière , car le goût s'y accrochèrent en grand nombre ; le laquais
des fleurs et les plaisirs que ce goût procure ne fa ramassa aussitôt, et cacha sa conquête dans
sont interdits à personne. un pli. conseiller, après avoir pris congé,
Le
Noos avons ait à dessein qu'on réunissait se retira chez lui , recueillit avec soin les
ainsi les éléments d'une collection; avec un semences fortement attachées à sa robe les ,

simple noyau, on parvient facilement à se sema et par ce moyen se procura de très belles
compléter, pourvu que ce noyau se compose fleurs n
en entier d'espèces de choix. Supposons, par Nous ajouterons qu'une robe un peu longue,
exemple, qu'on ait obtenu, comme nous venons surtout si l'étoffe est de laine, peut donner les
de l'indiquer, une vingtaine seulement de caïeux mêmes résultats, sans le secours d'an laquais.
de tulipes, parmi lesquelles se trouvent 5 ou 6
échantillons de prix, tels que le feu d'Austerlitz Section IV. — Planta de parterre remarquabltt
ou le tombeau de Louis XVI. En multipliant uni- à divers titres.
quement ces variétés toujours recherchées , on
peut échanger ses doubles contre des centaines S 1
er . — Plante» bulbeuses.

de caïeux de tulipes moins précieuses, mais Indépendamment des plantes de collection


qui font nombre. nous devons une mention spéciale à plusieurs

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TITRB v

séries
;

de plantes de pleine lerre, propres à


FLORICULTURE.
la ,
deux ou trois an, -
il. ^
^
deeoration du parterre, afin d'indiquer les soins
particuliers à donner à plusieurs d'entre elles
et Ja meilleure manière de tirer pa r
& i
n
lis^I*
pE
identiquement*
i-
la

IV^T^
nlànii
P „
C qui ,es a
r *Pp)du,sent

P° r,cs
Particulièrement
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1
effet ornemental; nous commencé 1 nc Pé-
5
par
P les
* ** ^rïï^rf?» ,a ^rre de bruyère pure. Le
piantes bulbeuses. I
Pf«Pf g ,
Cha,ka mal é ,e climat
presque
A. — Lis. '

nolato H?
POIaire «ï
dp snn nnv« n.i. t 2
'
.

sous le climat de Pans,


Le* lis, au nombre de plus de 20, suppor- ce qui ne doit point
nn
tant parfaitement la pleine terre
sous le climat lt
I ve runTfî
hiver
qai
une fois passe,
^scnaT
«le Pans, joignent presque tous au mérite d'une l'été commence aussitôt
presque sans transition, tandis
floraison riche et prolongée celui
d'une odeur que pour l'Eu-
rope temnérée, l'hiver
suave ; une bonne terre de jardin leur •
n'est jaLis /mi les
suffit fro.ds tardifs surprennent
si elle est trop compacte
, et sujette à retenir
les plantes en pleine
végétation et suffisent pour
1 eau, il faut I amender avec un détruire même
peu de sable ou celles des climats les
(Je terre de bruyère avant d'y plus septentrionaux.
planter
les ognons
de qu'un excès d'humidité fait très facile-
!is ,

ment pourrir. Les espèces les plus recomman-


1*. — Tulipes.
dâmes sont : En dehors des collections, plusieurs
tulipes
a un mente réel, indigènes du midi
de l'Eu-
Lis à /leurs blanches. rope, doivent prendre place
dans le parterre
Qui ne connatt la jolie petite
i longues fleurs, surnommé trompette tulipe naine duc
-
du Japon (Jig. 4«8), d'un blanc pur en
t. de rhol, rouge vif bordée de
i,lé-
jaune clair, qui
fièrement pourpre en dehors. fleurit une des premières à
l'air libre, et donne
LU
eximium, à floraison tardive, sous ehàssis ses fleurs si
parfumées, au milieu
magnifique, fond blanc, lavé de rose. de I hiver? Les autres tulipes
I , . „ — — de pleine terre
sont
I . .

Lis àjleurs jaunes orangies et rouges. salage, à fleur jauue-, elle double facilement,
gallique, .lus petite, verte eu dehors, tachée de
^'orangé d'Autriche. (

rouge.
/ nain, de couleur safranée, flagellé de rouge.
de Ccb, jaune, rouge en dehors,
I turban, ou de pompone, à pélales roulées en
de l'Ecluse (ftg. 47
1 des Pyrénées, plus jaune que le précédent. Tulipe 1), rose bordée de bleu:
Ires petite. 1
y
du Canada.
œil du soleil, rouge-jaune cl pourpre; couleur»
Lit / M, Pfrbe . ,e P' u * du genre (Jig. 470).
très vives.
jdu Kamlschalka, presque égal au précédent,
turque (trois variété» de diverses
f
tigré de la Chine, fleur rouge-orangée, piquetée de couleurs).
"-!, jaune ou
noir. blanche, rayée de rouge.
artagon commun, à fleur» roulées en dehors.
prolifère, ou lis jaune commun des Alpes.
^

\!
tdcPcntylvanie ou de Philadelphie.

Fièr. 469,

foutes ces plantes sont très rustiques et fa-


a cultiver; une bonne terre ordinaire
ciles
de
jardin leur suffit. On peut laisser les ognons
en
terre toute l'année, mais il vaut
mieux, après
la floraison, traiter les ognons
comme nous l'a-
Oet068Ca,e886 multi P en P*r 1*
-
,' t »* séparation vons indiqué pour ceux des tulipes de collection,
auirp*
»ut!S — x Le prouiere,
ro,ifere
sp a?l,p,,e
I
.
'
...
1 CD oa!re
lif
P » et quelques et es replanter avant l'hiver (voir Plantes
de
Par ,es bulbi,,e » collection).
Tai,tn, d ns ?,e Alsse,,es des
L
'loi

WXîu
5gï
ï . f fc»i"«* le
Ces bulbilles se détachent deux- C — FridUaires.
l renncnl racine dans le sol.
avecrW
«es
! On peut, Trois espèces de fritillaires sont admises dans
soins convenables, les faire fleurir en nos jardins : la couronne impériale, la plus rc-

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326 HORTICULTURE. livre vin.

uandue de toutes, U fritillaire de Perse et la le climat de Paris. On a soin, par ce motif, de


fritillaire de méiéagre ou damier. la cultiver dans des pots qu'on rentre dans l'o-
La friiillàire couronne impériale (fig. 472) rangerie ou la serre froide à l'entrée de l'hiver,
et qu'on enterre dans la plate-bande au retour
Fig. 472.
du printemps. Le croisement artificiel de la fri-
tillaire de Perse (fig. 474) avec les deux autres

f ig. 474.

est une très belle plante, précieuse dans le par-


terre en raison de la précocité de sa floraison.
On en possède une douzaine de variétés, toutes
de pleine terre, à fleur orangée, jaune et diver-
espèces de fritillaires donne naissance à des
sement panachées. Une bonne terre ordinaire
sous-variétés hybrides dont on peut toujours
de jardin leur suffit; elles peuvent se passer
espérer d'accroître le nombre, ce qui rend la
d'abri pendant l'hiver sous le climat de Paris.
culture de ce genre très digne d'intérêt.
La fritillaire de méleagre (fig. 473), ou fri-
Pig. 473. § IV. — Jacinthe».
Si nous nous conformions à la nomenclature
adoptée par les botanistes , nous n'aurions
qu'une seule jacinthe, la jacinthe étalée, jolie
fleur odorante d'un bleu clair, à mentionner
après la jacinthe orientale ou de collection,
dont nous avons décrit la culture en détail
Nous préférons suivre l'usage des jardiniers (pi
continuent à designer sous le nom de jacinthes
les espèces que les botanistes ont détachées (Je
ce genre pour en former le genre museari.
La jacinthe musquée est une petite fleur in-

signifiante, de couleur indécise, entre jaune et


violet obscur; elle n'est précieuse que par son
odeur qui tient du musc et de la vanille Les
ognons de cette jacinthe sont très petits et
tout-à-fait rustiques. Une bordure de jacinthe
musquée répand dans le parterre une odeur
tillaire damier, doit son nom à la bigarrure de très suave pendant près d'un mois que dure sa
1

sa corolle offrant des rapports avec les casesd'un floraison. Celte plante est peu difficile sur It

damier et le plumage de la pintade (meleagris). •choix du terrain. On traite les ognons ooii'.me
Les cnïeux qui servent ordinairement à la ceux de la jacinthe orientale; ils se rcpUn'ent
multiplier ne doivent être relevés que tous les à la même époque, mais sans exiger les mêmes
trois ans. Cette fritillaire offre un grand nom- soins de culture.
bre de variétés qui toutes se ressemblent par La jacinthe monstrueuse, aussi nommée ja-
la forme et par la disposition des couleurs; cinthe de Sienne ou lilas de terre, n'a de remar-
elles diffèrent seulement par les nuances. Elles quable q;ue la bfcarrerie de ses fleurs formées
ont assez de persistance pour se reproduire de lanières longues et étroites, entortillées les
constamment de graine aussi bien que par leurs unes dans les autres et présentant l'aspect d'une
caïeux, qui fleurissent deux ou trois ans après sorte de plumet ébouriffé. Les touffes de cette
est
leur séparation de la plante-mère. plante font un bel effet dans le parterre ; elle
La fritillaire de Perse ne présente avec les aussi rustique que la précédente.
deux autres espèces du même genre que des La jacinthe a toupet , ou vaciet , est une
rapports éloignés; sa fleur est d'un bleu vio- plante sauvage indigène dans toutes les con-
et
lacé d'une nuance très délicate. Elle craint le trées tempérées de l'Europe. Sa singularité
froid un peu plus que les deux autres, quoi- la nuance admirable des fleurs bleues
qui for-
digrw
qu'elle supporte bien les hivers ordinaires sous ment le sommet de son épi la rendent très

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TITRE V. FLORICULTURF
de prendre place dans parterre à côté des
le pèce à fleur jaune (tigridia conrhiflora) qui
autres jacinthes. Elle se plaît dans tons les ter- sert de base à tous ces croisements.
rains frais; sa floraison* est très prolongée ; elle Quoique la tigridia conchiflora ait été con-
n'exige aucun soin particulier de culture. sidérée comme une espèce par les botanistes,

S V. - Tigridia.
elle semble n'être en effet qu'une variété et
môme une variété peu persistante. Un habile
Cette plante, l'une des plus bizarres pour ta horticulteur, M. Jacques, qui sème beaucoup
forme et des plus riches de couleur de toutes de tigridias, a obtenu des graines de la tigridia
celles qui peuvent orner en été nos parterres, conchiflora, en 1842, des tigridias pavonias et
a été apportée, en 1796, du Mexique, son pays d'autres sous-variétés hybrides, dont une ad-
natal; elle a contre elle un grand défaut ses : mirable qu'il a nommée speciosa. Ces succès
fleurs, réellement admirables, ne durent que doivent encourager les amateurs à chercher
quelques heures. En Belgique, où les tigridias par les semis des sous- variétés nouvelles. La
sont fort estimées, on les plante en massifs, en graine se sème en terre légère aussitôt qu'elle
plaçant les ognons en quinconce, à 0 m ,0ô les uns est mûre; les semis réclament les mêmes soins
(les antres; comme les fleurs sont fort larges par
qu'on donne aux semis de tulipes et de jacin-
rapport au volume total de la plante, ces mas- thes de collection ; le jeune plant doit être pré-
sifs, pendant cinq à six semaines que dure la
servé avec soin des atteintes des premiers froids
floraison des tigridias. ont tous les jours un auxquels il est très sensible.
assez grand nombre de fleurs ouvertes. La ti-
gridia présenteun phénomène particulier dans § VI. — Gimpanule pyramidale.
son mode de végétation : ses fleurs s'ouvrent
L'espèce commune de campanule pyrami-
successivement, et la tige qui les porte continue
dale peut, lorsqu'elle est bien cultivée, attein-
à croître et à produire de nouveaux boutons,
dre la hauteur de plus de 2 mètres et se couvrir
longtemps après que les fleurs épanouies les ,

premières se sont flétries ; c'est ce qui explique


du haut en bas d'une multitude innombrable
de clochettes d'un bleu légèrement violacé qui
la longue durée de sa floraison.
produisent le plus brillant effet dans le par-
Les bulbes de tigridia sont très sensibles an
terre, depuis le commencement de juillet jus-
froid ; il ne faut pas les confier à la terre avant
le milien de mai sous le climat de Paris. Une
qu'à la fin de septembre. Cette campanule est
vivace, mais il lui arrive souvent de se rami-
bonne terre ordinaire de jardin leur suffit; ils
fier, de pousser une énorme touffe de feuilles,
craignent le fumier récent. Si l'on veut les cul-
et de ne porter qu'un très petit nombre de
tiverdans un sol maigre, ce sol ne doit recevoir
pour engrais que du terreau très consommé. fleurs quand on la cultive en pleine terre dans
Les tigridias ont une pente naturelle à dévier un humide. II est plus fa-
sol trop gras et trop

de leur type primitif; les caïeux reproduisent


cilede donner à cette plante la terre légère
bien l'espèce qui lui convient et de lui ménager les arrose-
, mais la graine donne des sous-
variétés quelquefois très éloignées de la plante
ments, lorsqu'on la cultive dans des pots qu'on
qui les a fournies. C'est ainsi qu'à Lille M. de enterre dans la plate-bande du parterre au mo-
Rouvroy, a obtenu des tigridias dont la fleur, ment de la floraison. La fig. 476 représente le
d'ailleurs semblable à la tigridia commune, Fy. 476.
avait douze divisions au lieu de six. On con-
naît deux espèces distinctes de tigridia qui se
croisent entre elles très aisément, ainsi que les
hybrides provenant de ces croisements. Il en
résulte un nombre indéterminé de sous-varié-
tés, dont quelques unes surpassent en mérite la

tigridia pavonia que représente la fig. 475, en

Hg. 475.

a une tige de pyramidale. Cette


panule se prête facilement aux formes capri-
cieuses que quelques jardiniers aiment à lai
faire prendre en assujettissant ses tiges florales
J
à des baguettes arquées

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328 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

toutefois elle n'esi jamais que lorsqu'on


si belle terrain de véritables buissons de fleurs. Toutes
favorise son plein développement sous la forme ces considérations les rendent dignes de plus de
parfaitement droite qui lui est naturelle et à soins qu'on ne leur en accorde en général daus
laquelle elle doit son nom. nos parterres. Nous devons ajouter que les asters
Les variétés de campanules toutes recom-
, vivaces fleurissent, non pas tous à la fois, mais
mandâmes par l'élégance de leurs formes et la les uns après les autres, et quelques-uns pendtnt
durée de leur floraison, sont très nombreuses; plus de deux mois sans interruption. Tous les
ce sont des plantes rustiques, faciles à cultiver asters vivaces sont de pleine terre sous le climat
sous tous le* rapports; on en compte plus de de Paris; les premières gelées n'arrêtent même
seize espèces distinctes, dont les plus remar- pas la floraison des espèces les plus robustes
quables sont la campanule élégante et la cam- qui fleurissent jusqu'à la Hn de décembre dans
panule élevée. Celte dernière, naturellement les plate-bandes du parterre, où elles accom-
droite et presque aussi haute que la pyrami- pagnent très bien les chrysanthèmes de collec-
dale, porte des fleurs moins nombreuses, mais tion qui sont à cette époque dans toute leur
plus grandes, et d'une nuance aussi riche quoi- beauté. La liste suivante indique les plus belles
que un peu plus foncée; elle est récemment espèces d'asters vivaces, avec 1 époque de leur
introduite dans nos jardins. Toutes ces cam- floraison.
panules sont de pleine terre sous le climat de Août.

m— corJalus, petite fleur blanche à élaniiue» rouget.


'

1 à fleur de belli», fleur blanche.


S
4 _,^_J latifolius. tleur bleue.
Plusieurs qualités précieuses rendent cette (sibériens, fleur bleue azurée,
jolie plante annuelle indispensable à nos par- puucl&tu», couleur lila«, fleur* en larges ombelle».
terres; outre la richesse et la variété de ses rorvinbo»ui, graudes fleure d'un bleu rougeilre.
couleurs uniformes ou panachées, elle a plus
SirTEMBnr.
que toute autre plante annuelle de pleine terre
la facultéde pouvoir être avancée aisément Aoribuodus, larges fleurs d'un blanc pur.
sur couches sous châssis, de manière à prolon- blandus, d'un blanc bleuâtre,
evaneus, bleu foncé,
ger pendant tout Tété sa floraison dans le par-
Aster < n- Iii-, lilas clair.
terre. Le plant s'élève de graines semées à
1

païens, jolie fleur large, bleu foncé,


on
diverses reprises; repique successive-
le
globosu», très petite fleur blauche à
ment, à mesure que la floraison des autres
rouges.
plantes d'ornement passe et laisse des vides à
Ucroaat.
remplir. La balsamine fleurit jusqu'aux pre-
mières gelées. f iomhm, fleur panachée de
\ile l.i NomclleAnglelrrre. fleur
L'attention des amateurs d'horticulture s'est
Aster à feuille de saule, bleu pâle.
portée depuis peu sur ce beau genre, enrichi
I n. uUl.il.», fleur» Manche» d 'abord,
récemment de plusieurs espèces nouvelles '
rouge
parmi lesquelles plusieurs ont des dimensions
doubles de celles des balsamines déjà connues. Novembre et Décembre.

S HII. — A$ler. /larlrU*,


[ 1"',KQ.
ou altissiiuu», blanc, pouvant

Qui ne connaît l'aster sinensis sous son nom Ipurpurrut, fleurs d'un violet- pourpre,
Aslrr
vulgaire de reine-marguerite? Cette jolie plante, i bailleur.
si riche de floraison, si variée de couleurs uni- f
gt.inditlurus, belles fleurs d'un bleu pur, niénif

formes ou panachées, n'est pas moins indis- V hauteur.


pensable que la balsamine a l'ornement du —
IX. Plantes aqualitpies.
parterre. Comme elle, on l'avance en la semant
J)

sur couches, afin d'en jouir plus tôt et plus ,L'n bassin n'est pas moins agréable qu'olile
longtemps. dam un parterre. Beaucoup de propriétaires
Indépendamment de la reine- marguerite, le s'exagèrent la dépense qu'entraîne rétablisse-
genre aster fournit à nos parterres un grand ment d'un bassin, se le figurant pavé en pierres,
nombre d'espèces et de variétés vivaces pour avec des bords en maçonnerie revêtus de
la plupart, c'est-à-dire à racines vivaces, don- pierres polies ou même de marbre blanc, comme
nant tous les ans des tiges florales à la place ceu\ de Versailles et de Saint-Cloud. Des bas-
de celles qui meurent après avoir fleuri. Les sins ainsi construits sont d'un bel effet dans les
asters vivaces se contentent de tous les terrains, vastes jardins publics, où ils s'harmonisent
même des plus maigres; ils résistent à toutes avec les grandes lignes de l'architecture des
les expositions, même plus défavorables.
les palais. Mais, à côtédu parterre d'une habita-
Placés dans de meilleures conditions, ils de- tion champêtre, un bassin ne doit pas figurer
viennent méconnaissables par l'ampleur de leurs autre chose qu'un étang naturel, a'une gran-
formes et la richesse de leur floraison ceux : deur proportionnée à celle du jardin. Une cou-
qui, en mauvais terrain, ne forment qu'une che de lerre glaise bien battue, d'une épaisseur
touffe médiocre de 0"".60 à 0,70. s'élèvent à de t>,25 à f>,30, et des bords revêtus de ga-
plus de 2 mètres et deviennent dans un bon zon valent à cet effet mieux que les

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IHBB V. 1 LOKKXLTl RF. 2:9

lions en maçonnerie et les revêtements de mar- butôme à ombelle (fig. 479) ; foules ces planies
bre. Ainsi, pour remplir son double b'Jt d'agré-
Fig. 47y.
ment et d'utilité, le bassin n'exige pas une très
grande dépense; il suffit qu'il retienne l'eau.
Les bords du bassin, lorsque celui-ci est une
dépendance du parterre, doivent en être, pour
ainsi dire, la continuation. Les plantes aquati-
ques dont on garnit les bords du bassin peuvent
êire plantées dans des pots remplis d'une terre
convenable; ces pots sont assujettis dans la
lerrr glaise qui forme le fond. L'eau qui les
recouvre dissimule cette disposition particu-
lièrement convenable pour les lobelias des es-
pèces qui se plaisent au bord de l'eau. On peut
aussi placer ces plantes dans des espèces d'en-
caissements formés par des pierres et des sco-
ries incorporées dans la terre glaise. Les ma-
rais, sous le climat de l'Europe tempérée,
nourrissent une multitude de plantes indigènes
à floraison gracieuse, telles que la sagittaire associées aux lobélias et aux autres plantes
(fis- ffl)* l'bottonia palusiris (fig. 478), cl le aquatiques des contrées lointaines, contribuent
à orner les bords des bassins joints au parterre,
Fig. 477,
et à donner à ces bords l'aspect d'une riche
plate-bande circulaire, garnie de fleurs du prin-
temps à l'automne.
La grandeur et la forme du parterre déter-
minent la forme et la grandeur du bassin : de
ses dimensions dépend l'admission ou le rejet
des plantes telles que les nymphéas qui occu-
pent à elles seules un très grand espace, et
sont par conséquent déplacées dans les bassins
dont la surface a trop peu d'étendue. La fig. 480
donne une idée de la manière dont peuvent être
disposés par étage les pots contenant des plan-
tes qui se plaisent sous l'eau à diverses pro-
fondeurs ; ces pots ne doivent point être à des
f>rofondeurs telles qu'on soit obligé de meure
a pièce d'eau à sec pour les déplacer ou les
renouveler au besoin.

Fig. 480.

La liste suivante comprend les plantes aqua- feuillage en fer de flèche


tiques et marécageuses propres à orner sous le (fig. 477).
climat de Paris les bords d un bassin ou d'une syphilitique, fleur rouge,

pièce d'eau. I fulgens, fleur rouge (fig. 4U6).

de Dorlmann, fleur bleue.


Hvdrocotvle, fleur ronge.
Lysimaque, fleur jaune, liges élevée*.
Util palusiris, fleur jaune lustrée.
Salicaire, fleur rouge en longs épis.
Cahba, fleur jaune terne, eo cornet.
Epilobe, fleurs nombreuses, d'un rouge violacé.
Myosotis, fleur bleu de riel.
Cinéraire des marais, fleur jaune.
Kutôtne à ombelle, fleur rouge pèle
{fig. 479).
AciiiMM-arpe, fleur blancbc eo étoile. § X. — Plantes d'ornement pour divers usages
NjMfbéa, large fleur blanche ; variété double, uiagui-
ûque; fouilles très grande*.
v 'llarsia. fleur jaune, lurnte bizarre.
Le jardinier doit toujours avoir présentes a
Meoyanlhe ou trèfle d'eau, fleur blunche. lapensée toutes les ressources dont il peut dis-
Mottonia palustris, plante élégante, fleur rose, MTtt- poser pour l'ornement du parterre ; s'il s'y ren-
c '»*
(fig. 478). contre une raine ou un mur d'un aspect peu
Msvrici Lient. T. V. — 4*
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330 HORTICULTURE. LIVRE VU!.

agréable qu'il soit nécessaire de dissimuler, il (fig. 481); les


les fera disparaître sous de%âjdeaux de vigne
Fig. 481
vierge, de clématites, de SÇnonia radicans,
auxquelles il joindra, si l'exposition est méri-
dionale, la glycine de la Chine et le jasmin
blanc, consultant à cet égard la nature du sol
et la température locale; s'il dispose d'un frag-
ment de rocher, il en couvrira les anfraetuosi-
tés avec des plantes grasses, parmi lesquelles
la nombreuse tribu des sedums indigènes lui
offre une grande variété de fleurs jaunes, blan-
ches et roses S'il veut garnir un petit espace
d'un gazon fleuri, il se souviendra de la stel-
laire et de l'arénaire. Enfin, parmi les plantes
annuelles dont les semis bien ménagés sur cou-
che sourde prolongent la floraison tout l'été, il
sera toujours muni de plant de coréopsis et de lement, comme le calycanthus (fig. 482): quel-
zinnia élégants, de plusieurs variétés. ques-uns à cause de la beauté de leurs fleurs,
Les semis en place de plantes annuelles d'or- comme le Stewartsia pentagyna, {fig. 483).
nement qui ne supportent pas le repiquage ont
aussi leur utilité par la variété de riches cou- Fig. 483.

leurs que donnent plusieurs de ces plantes :

telles sont surtout pour le bleu pur, la belle de


jour (convolvulu* tricolor); pour le rouge et
le jaune, la belle de nuit (mirabilii); pour une
foule de nuances riches et variées les pavots
annuels-, pour l'odeur, le précieux réséda, que
rien ne peut remplacer sous ce rapport.
Dans l'état avancé de l'horticulture on Fran-
ce le partewe d'un amateur aisé ne peut se
,

passer des plantes exotiques; nous accorde-


rons à leur culture l'espace qu'elles réclament;
disons dès à présent que toutes celles de ces
plantes qui, comme les verveines, les pélargo-
niums, les calcéolaires, les cinéraires, et même
beaucoup de cactées, d'éricas et d'épacris, sup-
portent le plein air pendant une partie de l'été,
peuvent et doivent être à cette époque mêlées Ces arbustes sont distribués dans des
dans les ptates-bandes du parterre avec les partiment s dont les formes et les dimensions
plantes indigènes. Les pots enterrés ne per- varient selon la disposition de l'ensemble do
mettent pas de les distinguer des plantes de jardin. Si l'espace est borné, ils font suite au
pleine terre, et l'on en jouit momentanément parterre proprement dit et lui servent d'enca-
comme si elles vivaient sous leur climat natal, drement. Beaucoup d'amateurs préfèrent s'en
sans compromettre leur existence, puisque les tenir aux arbustes, pour des jardins de peu
pots peuvent toujours être déterrés et rentrés d'étendue où, en France, on a le mauvais
dans la serre, si la température l'exige. goût d'entasser sur une surface insuffisante des
masses de grands arbres oui s'étouffent réri
y XI. — Arbustes d'oruemeot de pleine terre.
proquement, le tout afin de pouvoir dire d'un
Nous avons dit quel parti l'on peut tirer d'an enclos de quelques ares mon bosqutt, et s'il
:

grand nombre d'arbustes d'ornement de pleine approche d'un nectare mon pare. :

terre pour la décoration des parterres à plates- Si le terrain ne manque pas, les bosquets
bandes d'une certaine étendue il est facile; d'arbustes servent très bien de transition pour
d'en juger par ceux qui figurent avec tant d'a- rattacher le parterre au jardin paysager. Dans
vantages dans les parterres des jardins publics. ce cas. on place en première ligne les moins
En Angleterre, on réserve dans tous les grands élevés; les autres les suivent, par gradation;
jardins particuliers un emplacement distinct les plus hauts se confondent avec les massifs
pour ces arbustes ; cet espace prend le nom de d'arbres d'ornement disposés dans le même or-
shrubbery, mot pour lequel il faudrait créer le dre, et d'après le même principe. Souvent,
mot arbusterie si l'on voulait le traduire en une allée principale est garnie des deux côtes

français, car le motet la chose qu'il représente de massifs d'arbustes auxquels on donne peu
nous* manquent également. d'épaisseur en leur faisant suivre tous les con-
Parmi les arbustes d'ornement de pleine tours d e la promenade . Ou and la vue ne doit poi nt
terre, les uns sont recherchés à cause de la être masquée, les massifs d'arbustes ne régnent
beauté de leurs fleurs et l'éléganpe de leur que d'un côté de l'allée principale, et ils se de
le sureau à feuille laeiniée tachent sur une grande pelouse dont Punrfor-

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TITRE V. FLOKICULTURE 331

mite est rompue par des groupes d'arbres de on avance vers Te midi, plus les arbustes à
formes variées. feuilles persistantes peuvent être nombreux et
Noua avons aux arbustes d'ornement de variés dans les massifs; les lentisques (fig.
grandes obligations, dit un auteur anglais, en 486), les arbousiers {fig. 487), les oléand
raison de la part d'agrément que leur présence
Fig. 486, 487.
ajoute à nos bosquets et à nos jardins. S'ils ne
portent pas de fruits mangeables, ils n'en ren-
dent pas moins, sous d'autres rapports, de nom-
breux services. L'hiver, ils abritent notre pro-
menade; l'été, ils nous prêtent leur ombrage; la
variété de Heurs et de feuillages divers que pré
sente leur réunion forme une décoration des
plus gracieuses, obtenue avec très peude frais,
et presque sans soins de culture. Les massifs
d'arbustes sont, dans un grand jardin, un objet
de première utilité, soit comme abri, soit en
masquant des choses d'un aspect peu agréa-
ble. Ils ont souvent pour objet, soit de décorer
le lieu qui sert le plus souvent de promenade à

portée de l'habitation, soit de conduire pour


ainsi dire à couvert à un point de vue qui, pour les myrtes et toutes les espèces de
produire tout son effet, veut être démasqué tout sont de pleine terre dans le Var. En Italie, on
a coup, sansavoirétéd'avancc aperçu ni devine. possède un si grand nombre d'arbustes de
Distribués habilement, par groupes, pour être pleine terre à feuilles persistantes , qa'il y a
vus à distance, les arbustes concourent puis- aux environs de Rome de très grands jardins
samment à orner le paysage; en un mot, sous paysagers, plantés uniquement d'arbres et d'ar-
une foule de rapports, ils ne sont pas moins bustes de cette nature, de sorte que, pour ces
nécessaires qu'agréables. Nous traduisons avec jardins, quoique le climat de Rome ne soit
plaisir ce passage, pour montrer à nos jardi- point tout-à-fait exempt de froid, on peut dire
nier» quelle ressource ils négligent en n'accor- qu'il n'y a réellement pas d'hiver; sous le cli-
dant pas aai arbustes d'ornement de pleine mat de Paris, les choix sont nécessairement
terre la plare qui leur appartient, soit à la beaucoup plus restreints; en Angleterre, dans
suite des Heurs, comme complément du par- les massifs d'arbustes, les espèces à feuilles
terre, soit comme intermédiaire entre lepar- persistantes sont employées en nombre égal
terre et lesbosquets du jardin paysager. avec les espèces à feuilles caduques; les arbus-
l*s plantes de parterre, même les plantes tes grimpants à tiges sarmenteuses ne sont
Nivacesou bisannuelles, occupent si peu d'es- point compris dans ce calcul.
pace dans le parterre en hiver, qu'à cette épo- —
$ XII. Arbustfkde Irrretle bruyère.
que de l'année elles sont à peine visibles. Les
arbustes, au contraire, frappent la vue pen- Nous avonsdécrit en détail les qualités et
dant toute l'année ; il importe beaucoup, pour les usages de la terre de bruyère et des com-

cette raison, d'introduire dans les massifs d'ar posts qui peuvent en tenir lieu*(t>oir Composts).
bustes une certaine quantité d'arbustes tou- Des expériences récentes qui n'ont pas encore
jours verts tels que le laurier-tin (viburnum) reçu la sanction du temps, donnent lieu d'es-
484), et l'alisier (cratœgus) 485), qui, pérer qu'au moins pour un grand nombre de
{fip. {fig.
plantes, l'horticulture ne tardera point à être
F!g. 484, 485.
affranchie du tribut que lui impose l'achat de
la terre de bruyère qui, à Paris, ne coûte pas
moins de 15 fr. le mètre cube. On ne peut nier
néanmoins que la terre de bruyère ne soit
quant à présent,le miheu le plus favorable à la
végétation vigoureuse des racioes d'un groupe
nombreux de plantes et d'arbustes, la plupart
à feuilles persistantes, compris pour cette rai-
son par les jardiniers sous le nom de plantes
de terre de bruyère.
Cette terre est aussi nécessaire au plus grand
nombre des plantes qui vivent dans la serre
tempérée et la serre chaude; nous traiterons
séparément de leur culture; nous n'entendons
parler ici que des plantes de terre de bruyère
qui supportent l'hiver en plein air sous le cli-
»ns avoir la tristesse des ifs, des cyprès, des mat de Paris, et qui réclament seulement quel-
[noyas et des arbres conifères, conservent au ques abris pendant les premières années de leur
bosquet un peu de verdure «toute l'année. Plus existence.
|

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332 HORTICULTURE. li\iu: vin.

Deux grandes tribus, les rhododendrums et seau, dont les tiges sont à peine ligneuses. Il se
|

les azalées, dominent dans les massifs de plantes i distingue des autres plantes de terre de bruyère
de terre de bruyère. Le plus grand nombre des par sa lacililé à supporter l'atmosphère épaisse
rhododendrums est de pleine terre; les azalées et concentrée des lieux habités, circonstance
j

se partagent en deux tribus, sous le rapport de I qui, jointe à l'absence d'odeur, fait de l'hor-
la rusticité.La première comprend les azalées I tensia une fleur d'appartement. L'hortensia m;
originaires du Caucase ét de l'Amérique, qui multiplie de boutures faites avec de jeunes
perdent leurs feuilles et résistent au froid de pousses de l'année, munies de 3 nœuds au
nos hivers les plus rigoureux la seconde com-
; moins on peut aussi marcotter l'hortensia de
-,

prend les azalées originaires de ITnde, qui con- la même manière que l'œillet. Ces deux mo\ens
servent leurs feuilles, et ne peuvent sortir de combinés peuvent donner du plant dont la flo-
la serre tempérée que pendant la belle saison. raison bâtée ou retardée prolonge la jouissance
Les rhododendrums et les azalées peuvent figu- de cette jolie fleur qui dure peu dans tout son
rer au rang des plantes de collection, tant les éclat. On a beaucoup disserté sur la faculté
croisements hybrides et les semis en ont mul- que semblent posséder certains terrains riches
tiplié les variétés ; celles du seul rhododendrum en oxyde de fer, de donner une couleur bleue a
arboreum à fleur rouge et à fleur blanche sont la fleur naturellement rose de l'hortensia ; il
au nombre de plus de 150; on en possède en est certain que M. Fintelman, à Posldam, a
outre une vingtaine d'autres espèces dont cha- longtemps obtenu des hortensias à fleur bleue,
cune peut donner par la fécondation artificielle en les cultivant dans une terre d'un noir ar-
une quantité indéterminée de variétés nou- doisé, formée de bois pourri, exposée à l'air et à
velles. Les variétés d'azalées ne sont pas moins riiumidilc depuis plus de 100 ans, au fond
nombreuses que celles de rhododendrums. d'une vallée ombragée et obscure ; des bon
( Pour les moyens de multiplication des tures des mêmes plantes en terre de bruyère
plantes de terre de bruvère, coi'r Pépinières, ordinaire ne donnaient que des fleurs rosse.
page 87). Des essais plus récents , renouvelés en France,
Toutes les plantes de terre de bruyère exi- ont fait croire à quelques horticulteurs qu'on
gent une situation ombragée ; elles craignent touchait au moment de pouvoir changer du
en été les ardeurs du soleil ; les expositions du rose au bleu, pour ainsi dire à volonté, non-
nord et du levant leur conviennent mieux que seulement les fleurs de l'hortensia, mais une
celtes du couchant et du sud. La floraison de foule d'autres fleurs roses. Nous appelons seu-
ces plantes commence dès les premiers jours lement sur ces faits l'attention des personnes
de mars, par les daphnés; elle se continue en qui pourraient désirer d'expérimenter dans le
avril et mai par les azalées et les rhododen- but d'avancer la solution de cette question in-
drums, auxquels s'associent les kalmias, les téressante qui, même pour l'hortensia, ne nous
ledums, les andromèdes, qui se succèdent une semble point résolue.
partie de l'été. En Angleterre, certaines terres particulières
Beaucoup d'amateurs, principalement ceux ! à quelques localités ont la réputation de pro-
oui disposent d'un grand espace, sont dans duire des hortensias à fleur bleue ; on cite sur-
I usage de cultiver les plantes de terre de tout le ham jaune de Uampslead, que les ama-
bruyère par séries, dans des compartiments teurs d'hortensia bleu font venir à grands frais
séparés, dont chacun ne contient que des va- de Hampstcad à de très grandes distances.
riétés d'un seul genre. Ces massifs ont l'incon- En Bretagne, quelques terres légères ferrugi-
vénient de n'offrir qu'une floraison passagère, neuses ont a cet égard la même célébrité. Nous
et de rester par conséquent dépourvus de fleurs rappelons aux cultivateurs d'hortensia rose
pendant les trois quarts de la belle saison. Dans qui ne pourraient se procurer aisément de la
les massifs de plantes de terre de bruyère de terre de bruyère, la composition que les jardi-
divers genres, les mélanges peuvent donner niers anglais lui substituent avec un succès
une succession de fleurs depuis les premiers constant pour celte plante . bien plus cultivée
beaux jours jusqu'à la (in de juin. en Angleterre qu'elle ne Test en France elle ;

Les plantes de terre de bruvère peuvent fa- est formée de 4 parties de bonne terre franche
cilement être forcées en pois dans la serre on ; de jardin 4 parties de terre de marais dessé-
.

obtient ainsi un certain nombre de plantes en chée et pulvérisée , et 2 parties de sable lin le .

fleurs dont on enterre les pots dans la plate tout parfaitement mélange longtemps avant de
bande ; on les retire à mesure que la floraison s'en servir.
des mêmes plantes en pleine terre rend leur La liste suivante contient l'indication des
présence inutile. grincipales espèces de plantes de terre de
Parmi les arbustes d'ornement de terre de rayère, cultivables en plein air, sous le climat
bruyère , nous devons une mention spéciale de Paris :
aux hortensias à fleur rose et à fleur bleue.
Auléet à feuilles caduque».
L'hortensia ou hydraneea, importée en Europe
Léduim.
par sir G. Banks célèbre naturaliste anglais,
,
Kaloiia.
vers 1788, est originaire de la Chine et du Ja-
Rbodura,
pon ; c'est, dans son pays natal , un arbuste Danlmés.
véritable ; ce n'est en Europe qu'un sous arbris- Andromède*.*

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TITRE V. FLOIUCULTURE,
Fig. 488. sons de cognassier du Japon, on peut leur ac-
corder un coin de muraille à bonne exposition;
ils y fleurissent en espalier 10 ou 15 jours avant
les buissons privés du même avantage.
Les pêchers nains, à fleurs doubles, le pru-
nellier et l'aubépine à fleur double, et les nom-
breuses variétés de l'alisier, sont encore au
nombre des plus gracieux arbustes d'ornement
de la famille des rosacées. L'aubépine à fleur
double offre cette particularité remarquable,
que la fleur, d'abord blanche au moment où
elle s'ouvre, passe graduellement au rose, et
finit par être tout-à-fait rouge avant de s'ef-
feuiller.
Les perfectionnements récemment apportés
dans les procédés de l'horticulture et les im-
portations dues aux voyageurs naturalistes,
ont enrichi depuis dix ans nos jardins d'une
Rhododendron*» (Jig. 488). foule d'arbustes d'ornement précieux à divers
AMlcpiaile. titres. Les tamarix, dont les 16 espèces culti-
Ci»les. vées méritent toutes le surnom d'élégants , ac-
Varrininnu. cordé à l'une d'elles , ne sont plus aujourd'hui
nhlreuribiM pre«o\
[fig «is). l'ornement exclusif des jardins de nos départe-
ments méridionaux ; tous réussissent en pleine
% XIII. — Arhmlrs d'ornement à floraison remarquable.
(erre dans une position abritée sous le climat
L'élégante tribu des rosacées fournit à nos de Paris , et si l'hiver a fait périr une partie de
jardins une grande partie de leur parure , leurs branches, il suffit de les retrancher pour
non-seulement par les collections de rosiers qu'elles soient promptement remplacées.
qui lui servent de type , mais aussi par une Les groseilliers sanguin et à fleur de fuchsia,
foule de genres secondaires, parmi lesquels le dernier, moins répandu qu'il ne mérite de
figurent au premier rang, comme arbustes, les l'être, sont des importations qui datent seule-
pyrus, les cydonia, les mespilus, les cratœgus, ment de 10 à 12 ans; rien n'est plus gracieux
dônt tous les ans l'horticulture multiplie les va- au printemps que les épais buissons du gro-
riétés. seillier sanguin, dont les boutons, d'un rouge
Les cydonia ou cognassiers du Japon , sont vif, s'ouvrent en grappes de fleurs du plus
précieux à cause de leur jolie fleur d'un rouge beau rose.
vif (fig. 489), offrant beaucoup d'analogie avec
$ X.IV. — notiers.
Fig. 489.
Nous avons décrit en détail la culture des
rosiers de pleine- terre dans la pépinière, les
moyens de les multiplier par les semis, la greffe,
le marcottage et les boutures, ainsi que les
soins qu'ils exigent avant d être en état de figu-
rer dans nos parterres au premier rang des ar-
bustes de collection. Nous devons maintenant
les prendre dans cet état, et les considérer sous
le point de vue de leur effet ornemental et des
jouissances que les roses procurent aux ama-
celle du camélia simple. La fleur du cognassier teurs de l'horticulture, comme fleurs de col-
du Japon reste très longtemps en bouton avant lection. Afin de ne pas confondre des objets
de s'épanouir: à l'époque où les boutons se entièrement distincts, nous nous occuperons
montrent, les branches sont dégarnies de feuil- seulement ici des rosiers qui supportent la
les, et l'ensemble du jardin ne montre encore pleine-terre sous le climat de Paris les autres ;

que bien peu de fleurs ; les buissons touffus du trouveront place parmi les plantes d'orangerie
cognassier du Japon, couverts d'abord de bou- et de serre tempérée.
tons, puis de fleurs innombrables, sont d'un
très bel effet, surtout lorsqu'ils se détachent A . — Choix de f emplacement.
sur la verdure sombre d'un massif de rhodo- Une un air pur. qui se re-
situation aérée,
dendrums au feuillage épais, dépourvu de nouvelle constamment, sont plus nécessaires
fleurs à cette époque. On possède deux variétés aux rosiers au'à tous les autres arbustes d'or-
de cognassier du Japon , l'une à fleur rose, nement ; quelques-uns de ces arbustes, comme
l'autre rose panachée de blanc, obtenue il
y a l'hortensia, supportent même l'atmosphère
quelques années par M. Berlin, de Versailles. épaisse et stagnante des lieux habités; pour les
Lorsqu'on ne dispose que d'un local trop borné rosiers cette atmosphère est mortelle. A Paris
pour consacrer un espace suffisant aux buis- les innombrables rosiers vendus tous les ans

0
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HOKTlCLLTUilK. I IVRK VUI.

au marché aux fleur*, pour l'ornement des jar- origines de tant de noms propres d'hommes et
dins sur les fenêtres , vivent rarement plus de lieux; toutefois, nous ne hasarderons pas
d'une année; ceux qu'on essaie de faire vivre les premiers un terme nouveau; nous nous
dans les rares jardins de l'intérieur de Paris, bornons à le proposer aux horlw ulteurs. Don-
espèce de fonds de puits enfermés de tous les nons une idée des dispositions principales d'un
côtés par des murs de 25 à 30 mètres d'éléva- rosarium anglais.
tion, y végètent misérablement et donnent à Les rosiers y sont plantés par séries une ;

peine quelques fleurs, entièrement méconnais- seule série avec ses subdivisions, occupe un
sables. La fumée de charbon de terre est par- compartiment à part les rosiers qui se res-
;

ticulièrement nuisible à certaines espères de semblent le v'us sont toujours places à côté l'un
rosiers. A Liège (Belgique) la rose double , à
, de l'autre, afin qu'au moment de la floraison,
fleur jaune, ne fleurit pas sur la rive droite de la différence des roses soit plus facile à saisir.

la Meuse, tous ses boutons avortent, et cela En effet, deux roses très peu différentes, vues
parce qu'à l'époque de la floraison des roses ,
séparément, loin l'une de l'autre, passeront
les vents d'ouest et de sud-ouest qui régnent
,
aisément pour deux échantillons de la même
constamment, accumulent la fumée des usines fleur, tandis tjue, vues côte à côle. leurs diffé-
de tous les environs au pied des coteaux qui rences si légères qu'on les suppose, seront re-
,

bornent cette partie de la vallée de la Meuse. marquées, pourvu qu'elles soient réelles.
A Londres, la même cause, mais plus intense Quand les plantations ont pour but principal
et plus développée produit des effets encore
,
de tirer tout le pani possible de l'effet orne-
plus remarquables sur la végétation des rosiers; mental des rosiers, on les plante en mélange;
les rosiers de toute espèce fleurissent mal et les variétés sont soigneusement assorties; on
végètent péniblement, non - seulement dans réunit celles qui offrent le plus d'analogie entre
l'intérieur de Londres, mais dans un rayon de elles pour la taille et pour le feuillage, tandis
5 à 6 kilomètres aux environs la rose jaune
; que leurs fleurs présentent des nuances vive-
double n'y a jamais fleuri à l'air libre ; la rose ment tranchées. On évite avec soin, dans ce
remontante , l'une des plus rustiques parmi les cas de mêler les rosiers à très petites fleurs
,

roses cultivées , y perd sa faculté précieuse, avec ceux dont la fleur est très développée, car,
qui lui a valu le surnom de rose de tous les ainsi que le remarque Loudon, l'effet des gran-
mois. Loudon , dans son Encyclopédie du des roses n'y gagnerait rien , celui des petites

Jardinage, pose en fait qu'il n'y a pas de roses serait perdu.


rosier cultive, ou même sauvage," qui puisse On place fréquemment , au centre du rosa-
végéter avec vigueur, soit dans l'intérieur, rium, un rocher artificiel, sur lequel s'étendent
soit très près des grandes villes, à cause de la les rosiers à tiges sarmenteuses, qui ne peuvent
fumée, dont l'air est continuellement chargé; trouxer place parmi les autres, en raison de
il a surtout raison pour les grandes villes leur mode particulier de végétation. Lorsque
manufacturières de 1 Angleterre où il se fait
, cette ressource manque, on peut isoler cette
une énorme consommation de houille , de partie du jardin par un treillage sur lequel on
sorte que ce qu'on y respire peut à peine se palisse les rosiers sarmenteux ; ces rosiers for-
nommer de l'air. Ces faits suflisent pour dé- ment ainsi des haies du milieu desquelles s'élè-
montrer qu'on ne peut espérer une belle végé- vent de distance en distance des rosiers greffes
tation et une floraison parfaite des rosiers plan- sur églantier à haute lige, ce qui ajoute Iwau-
tés sous l'influence d'un air concentré, ou coup à reflet ornemeutal de ce genre de clô-
chargé de fumée et de vapeurs malsaines. ture.
Les rosiers n'exigent point un sol d'une na- En Belgique, les rosiers sarmenteux com- ,

ture particulière ; une bonne terre franche de pris sous le nom de rosiers pyramidaux, sont
jardin leur suffit. plantes séparément en massifs; chaque pied est
supporté par une longue perche; il se couvre
B. — Arrangement du haut en bas de fleurs innombrables qui se
Les Anglais excellent dans l'art de faire va- succèdent pendant 5 à 6 semaines. Ces fleurs
loir, par un mode judicieux de plantation le , sont semi-doubles, mais de nuances très va-
mérite de leurs collections de rosiers. Le sol riées, les unes foncées, les autres presque Han-
consacré à ces collections est d'ordinaire, dans ches ; elles font un effet très pittoresque dans
les grands jardins, annexé à la portion du par- les grands jardins. Quand le sol et l'exposition
terre affectée aux arbustes; on lui donne en leur conviennent ,on ne peut se faire une idée
anglais le nom latin de rosarium II serait à dé- du luxe et de la rapidité de leur végétation.
sirer, maintenant que les collections de rosiers En France et en Belgique, la plupart des
et les écrits sur la culture des rosiers sont très amateurs de rosiers aiment cet arbuste comme
mutipliés en France, qu'on s'entendit pour les avares aiment l'argent , c'est-à-dire pour
adopter, comme traduction de ce mot, le terme lui-même, sans se mettre en peine deJVffet
équivalent de roseraie , par analogie avec les pittoresque du rosarium, par rapport à l'en-
noms déjà reçus des terrains plantés d'une seule semble du jardin. Les rosiers y sont cultives
espèce d arbres ou dirait alors roseraie comme
; dans des plates-bandes toutes droites, telles
on dit oseraie et châtaigneraie, comme on di- ?u'on eu voit au Luxembourg à Paris, dont
sait autrefois pommeraie , saussaie et chênaie. ensemble occupe un espace de forme rectan-

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TITRt V. 1 LOlliCLLTURL
gulaire. Il résulte de cet arrangement (|u'à de sept rosiers semblables, dont le plus élevé
"époque de la floraison des roses, Pcail ne sait doit être au point central de toute la plantation.
où se reposer; il faut oublier l'ensemble, cir- Les rosiers sur églantier à hautes tiges, ap-
culer dans les allées qui séparent les plaies- partenant à des espèces qui forment naturelle-
bandes, et admirer chaque rose isolément l'une ment des têtes très volumineuses, peuvent être
après l'autre. On peut assurément donner in- I
fort bien plantés, soit seuls, soit par petits
dividuellement aux roses toute l'attention groupes de quatre ou cinq au plus, dans une
qu'elles méritent , sans sacrifier ainsi l'effet pièce de gazon dont le vert uniforme fait res-
pittoresque d'une partie du jardin ; car, à l'ex- sortir leur masse fleurie. Les rosiers en boisson
ception des espèces remontantes qui ne sont se plantent avec avantage en avant des autres
pas les plus nombreuses, les rosiers ne fleuris- arbustes, sur le bord des massifs d'arbustes
sent qu'une fois tous les ans, après quoi l'espace d'ornement, et dans une situation analogue
occupé par la collection est dépourvu de fleurs dans les massifs du jardin paysager où les ro-
pour tout le reste de l'année. siers de toute grandeur ne sont jamais de trop.
Les Anglais aiment à donner aux plates-
bandes de leurs jardins de roses des formes va-
— Détails de culture.
riées et pittoresques ; souvent ils forment de Pour produire des fleurs parfaites, les rosiers
l'ensemble une sorte de labyrinthe, dont les de collection doivent Être taillés avec beaucoup
plates-bandes ont assez de largeur pour ad de soin, non dans le but de leur faire porter le
meure, sans nuire aux rosiers, une succession plus grand nombre de fleurs possible, mais
de fleurs annuelles pendant toute la belle sai- pour obtenir seulement un nombre modéré de
son. Nous avons vu ce système longtemps mis très belles Heurs. Le vieux bois est rabattu tous
en pratique avec un goût parfait dans le jardin les ans sur un jeune rameau de l'année, qu'on
botanique de Nantes, qui possédait, il y a 15 taille lui-même sur un ou plusieurs yeux, en
ans, l'une des collections de rosiers les plus raison du nombre de roses qu'il doit donner
remarquables qui fussent alors en France. l'année suivante. Les rosiers des espèces déli-
Les fig. 490 et 491 peuvent donner une idée cates ont souvent beaucoup à souffrir de la
de eette manière de disposer une plantation de taille d'hiver ou de printemps qu'on donne sans

rosiers; les rosiers y sont plantes Mir deux inconvénient à ces deux époques aux variétés
rangs qui se contrarient à 1 m ,50 l'un de l'autre
,
plus robustes. Rien n'est plus dangereux que
dans les lignes, dans des compartiments larges de ne tailler les rosiers qu'au moment où leurs
de 2 mètres, séparés par des sentiers de 0 m ,80. yeux commencent à s'allonger, méthode vi-
Dans la fig. 490, le compartiment central est cieuse pratiquée par beaucoup de jardiniers
ignorants, et qui cause la perte d'un grand
Kg. 490. nombre de rosiers greffés à haute tige, mo-
ment le plus favorable pour tailler les rosiers
délicats, et mêmetoute espèce de rosiers, c'est
celui qui suit immédiatement la floraison; on
peut alors, sans aucun risque, supprimer le bois
épuisé et raccourcir au besoin les jeunes bran-
ches qui viennent de porter leur contingent de
roses; on les rabat toujours sur un bon œil ac-
compagne d'une feuille en bon état ; on les laisse
ainsi prendre de la force jusqu'au mois d'octo-
bre. On supprime au printemps suivant les
branches malades ou défectueuses dans leur
forme. En général, lorsqu'une branche fait con-
fusion ou qu'elle prend une mauvaise direction
occupé par cinq rosiers pyramidaux, qui ram- sur un rosier bien portant, on peut sans incon-
pant le long d'un rocher artificiel; dans la vénient la supprimer quand même elle n'offri-
f*S- 491, le compartiment du centre est garni rait point à sa base d'uni pour la remplacer; le
bois manque bien rarement d'émettre plusieurs
Fig. 491.
jets, dont on conserve le mieux placé.
Quelques séries de rosiers dans lesquels on
recherche la floraison la plus abondante pos-
sible, ne se taillent pas du tout, il suffit de les
nettoyer des branches mortes ou souffrantes,
et de supprimer de temps en temps les rameaux
surabondants qui rendraient les têtes trop
épaisses et trop volumineuses. II y a des rosiers
qui, comme le rosier à cent-feuilles ordinaire,
supportent très bien au printemps le retranche-
ment de toutes les pousses destinées à fleurir.
Cette suppression les force à émettre de nou-
veaux jets qui fleurissent à l'automne; cette

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Hoiviir.ui/riKr. Li\ra. \iu.

seconde floraison estsouvent plus belle que leur tour déjeunes racines non moins robustes;
n'aurait clé la première. 11 ne faut pas sou- aussi voit on les fleurs des rosiers soumis à ce
mettre les rosiers deux ans de suite à ce traite- traitement égaler ou surpasser les fleurs des
ment qui ne peut être applioué qu'aux sujet* les jeunes sujets les mieux portants.
plus robustes. Cette manière de rajeunir les rosiers épuises
Quant aux rosiers en buisson qui font partie n'est point applicable aux rosiers francs de
des massifs dans les jardins paysagers, il suffit de pied ; ils se rajeunissent d'eux-mêmes fort long-
les tondre, sans aucunes cérémonies avec une temps, comme les églantiers, au moyen de pous-
paire de cisailles de jardinier. ses annuelles qui permettent de supprimer les
Rien ne dépare une collection de rosiers en anciennes. Quand la fleur dégénère et que la
fleurs comme la vue des calices effeuillés et des souche semble décidément épuisée, il n'y a
fleurs fanées; on doit avoir soin de retrancber d'autre ressource que de la remplacer; il y a
jour par jour les Heurs à mesure qu'elles passent, toujours dans les massifs un peu anciens de ro-
à l'exception de celles qu'on réserve pour porte- siers francs de pied, un certain nombre de per-
graines. tes annuelles; ces pertes étant prévues, le jar-
Les rosiers greffés à haute tige n'ont jamais dinier doit toujours avoir en pépinière, htm
une bien longue existence; leur courte durée de jeunes rosiers pour remplacer les morts.
tient surtout à la grande différence que pré- Il est toujours utile de tenir en réserve dans

sente le mode de végétation des églantiers ser des pots un bon nombre de rosiers de la Chine
vanl de sujets, comparés à celui des rosiers gref- et de Bengale, greffés sur églantier, apparte-
fés sur ces sujets. L'églantier, livré à lui-même, nant aux espèces les plus sensibles au froid. On
pousse chaque année du collet de sa racine on les rentre dans la serre froide ou l'orangerie
certain nombre de jeis très vigoureux qui attei- pendant l'hiver; ils devancent au printempsla
§nent dans le cours d'un été la hauteur des jets floraison des rosiers de même espèce qui ont
e deux ou trois ans; ils ne fleurissent que l'an- passé l'hiver dehors; ils remplacent ceux qui
née suivante; ils se ramifient beaucoup, fleu- ont pu succomber à la suite des hivers rigou-
rissent encore à la troisième année de leur reux.
existence, et meurent à la quatrième : tel est Dans le nord de l'Allemagne, les nombreux
le mode invariable de leur végétation. amateurs de rosiers greffés a haute tige entou-
L'églantier n'est donc réellement vivaee que rent chaque compartiment planté de rosiers,
par la souche qui vit indéfiniment et qui donne avec un double treillage assez serré, en osier,
a perpétuité des générations successives de li- soutenu par des piquets; les deux rangs de ce
ges destinées à vivre 3 ou 4 ans. Les racines treillage sont concentriques, à un décimètre
suivent la même marche; il s'en forme chaque seulement l'un de l'autre. On plante en dedans
année de nouvelles, correspondant aux jeunes du treillage interne les rosiers grimpants qui
liges de l'année; les racines des tiges épuisées craignent le froid, tels que la rose Banks et la
meurent avec elles. On comprend combien sont rose Bougain ville ; on les palisse sur la surface
différentes les conditions de végétation d'un interne de ce treillage. A l'approche des pre-
églantier qui sert de support à une greffe de miers froids, on remplit de feuilles sèches in- I

rosier, même quand ce rosier n'est pas remon- tervalle entre les deux treillages; chaque mas-
tant ; faute de pouvoir se rajeunir, au bout sif de rosiers se trouve ainsi protégé par un
d'un temps qui ne dépasse jamais 4 ou 5 ans, mur de feuilles, impénétrable au froid; on y
il meurt. En Angleterre, on prolonge la durée ajoute l'abri d'un toit mobile formé de perrli^
des rosiers greffés sur épiant ier. en les déplan- assujet ies aux piquets de l'enceinte; ces perrl.es
t

tant tous 1rs trois ans vers le milieu de février, i supportent un treillage àclairc- voie et unecou-
avant la reprise de la végétation. On retranche verture de chaume ou de roseaux. Dés les pre-
les racines endommagées, on raccourcit toutes miers beaux jours, tous ces préservatifs contre
les racines bien portantes, on supprime pres- le froid sont enlevés pour rendre l'air aux ro-
que iout ce qui peut exister de chevelu qui se siers, longtemps avant qu'il* recommencent à

trouve, àcette époque de l'existence des rosiers, entrer en végétation.


ou nul, ou presque mort; la tête est en même Les auteurs anglais recommandent comme
temps soumise à une taille sévère qui provoque un compost très propre à la végétation des ro-
une pousse très aetive; la terre des trous est ou siers un mélange par parties égales de bon ter-
renouvelée, ou engraissée avec du fumier très reau, et de poussière de grande route ce com- ;

consommé; le rosier ainsi disposé y est remis un très bon amendement lorsque
post est aussi
en place tout aussitôt l'opération doit être con-
;
où les rosiers doivent être plantés est
la terre
duite assez rapidement pour que la racine du compacte et trop argileuse. Cette recelte est
rosier ne reste pas exposée à l'air au-delà du bonne; toutefois elle ne doit être mise en pra-
temps rigoureusement indispensable. tique qu'avec beaucoup de réserve et d'atten-
Par ce procédé usité de même en France par tion la poussière des grandes routes pavées
-,

un grand nombre d'habiles praticiens, les ro- i n'est qu'un mélange de la terre des débords
siers greffés sont totalement rajeunis; ils peu- avec beaucoup de crottin triture sous les pieds
vent 1 êire ainsi tous les trois ans, à perpétuité, des chevaux, et une certaine quantité de 1er
parce que les souches sonl vivement sollicitées provenant des fers des chevaux et des rou*
a émettre des jets vigoureux qui produisent à des voitures; la poussière des routes à la M*

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riirih v ILOItHlLÏLUE. 337

cadam d'elle-même selon la nature aes


diffère partements des Parisiens, occupe de très
roches employées à l'empierrement ; il est aisé grands espaces; tout le monde connaît de répu-
de prévoir quelle différence d'action des élé- tation la charmante vallée de Fontenay qu'em-
ments aussi divers peuvent avoir sur la végé- bellissent les roses; le village situé au centre
tation des rosiers, selon que les pierres des de cette vallée se distingue des autres commu-
routes sont calcaires, granitiques ou siliceuses; nes du même nom, très nombreuses en France,
c'est ce que le jardinier doit considérer avec par son antique surnom de Fontenay aux roses;
soin avant de s'en servir comme amendement toutefois, il n'y a pas de rose de Fontenay pro-
pour le sol où doivent végéter ses rosiers. prement dite; on ne cultive sur le territoire de
cettecommune que les roses à cent-feuilles, les
D. — CuLuivs partie u lie s rte quelques rosiers.
roses de tous les mois et les roses de Provins.
Plusieurs espèces de roses ont, indépendam- Une autre commune, celle de Puteaux, possède
ment de leur effet ornemental, un but d'utilité une variété de roses oui porte son nom. Là des
oui motive leur culture en grand aux environs terrains peu fertiles donnent un revenu impor-
des grandes villes; telles sont en particulier la tant au moyen de la culture des rosiers qui s'y
rose rouge de Provins, dont les fleurs semi- cultivent par longues files continues formant
doubles, récoltées un peu avant leur complet des espèces de haies très basses, espacées entre
épanouissement, séparées de leur calice, et eiles de 0 m ,60 seulement; ces rosiers sont re-
desséchées avec soin, sont très usitées en mé- montants; il serait impossible de calculer le
decine comme médicament astringent, et la nombre de roses que peut donner un hectare de
rose à cent-feuilles ordinaire, employée pour ce terrain ainsi cultivé ; un habile jardinier de
la distillation de l'eau de roses et la préparation Puteaux, consulté par nous à ce sujet, après
de l'attar ou huile essentielle de rose, très re- examen fait avec nous sur le terrain, en porte
cherchée des parfumeurs. La distillation des le chiffre à environ 50 par mètre carré, ce qui
roses soit pour l'eau distillée, soit pour l'huile fait 500,000 par hectare, évaluation que nous

essentielle,en absorbe des quantités énormes; regardons comme trop faible. Ces millions de
la proportion ordinaire est ae 3 kil. de pétales roses vont à l'alambic ; la rose de Puteaux n'est
séparés des calices, pour deux litres d'eau dis- cultivée que pour être distillée; la rose à cent-
tillée. feuilles se vend par bottes de 100 à 120 envi-
L'huile essentielle de rose n'est contenue ron, du prix moyen de 40 à 50 centimes, re-
dans les pétales de cette fleur qu'en très petite vendues ensuite en détail par petits bouquets
uantité; les variétés les plus odorantes ne de 10 à 12 roses chacun, aux prix de 5 a 10
3 onnent pas au-delà de
y+ôz ^e ^ eur P°^ s P ar centimes, par les bouquetières ambulantes ;
la distillation ; la rose à cent-feuilles qu'on dis- qu'on juge par là de l'argent que peut rendre
tille communément en France pour cet usage un hectare de rosiers! Aussi les terres propres
n'en contient jamais plus de 30 grammes pour à cette culture, quoique fort maigres, ont- elles
100 kil. c'est un peu moins de y^j.
de pétales ; une valeur élevée; elles se louent à des prix
A Paris, lesparfumeurs et les pharmaciens ne exorbitants. Les rosiers ne les occupent ce-
savent jamais positivement à cet égard ce qu'ils pendant que 3 à 4 ans, après quoi ils cèdent le
achètent , parce que les roses se vendent sans terrain à d'autres cultures pour revenir aux
être effeuillées c est- à-dire avec leurs calices roses au bout de 3 ou 4 autres années,
qu'il faut séparer pour distiller les pétales seuls, par une rotation régulière. Le rosier de Pu-
et dont le poids, très variable, ne peut pas être teaux se prête mieux que tout autre à cette ro-
évalué d'avance avec précision. tation , parce qu'il est facile à détruire ; c'est
Les roses pour distiller se vendent à la halle son principal mérite. Au contraire, le rosier
de Paris par lots du poids moyen de 50 kil., commun à cent-feuilles et le rosier remontant
elles ont valu cette année (1843) 20 fr. les ordinaire (rose des 4 saisons ou de tous les
50 kil. dans la pleine saison. mois), sont pour ainsi dire indestructibles.
En Allemagne, on cultive pour distiller une Lorsque la terre en est lasse au point que leur
variété de roses connue dans ce pays sous le floraison devient rare et sans valeur, on a beau
nom de rose de Francfort c'est une rose peu
: les arracher; le moindre filament de racine ou-

méritante comme fleur, elle est semi-double ; blié en terre donne des drageons qui infestent
son calice turbiné est très gros par rapport au le sol pendant des années, au grand détriment

volume de la fleur qui s'ouvre mal ; mais son des autres cultures ; la rose de Puteaux mérite
odeur est très forte et elle surpasse toutes les donc à cet égard la préférence dont elle est
autres roses par l'abondance de sa floraison; l'objet.
ces deux qualités ont motivé son importation
en Angleterre où depuis quelques années la
E, — Classification des rosiers.

rose de Francfort, peu répandue en France et Rien n'est plus variable et plus arbitraire que
peu digne de l'être, est cultivée en grand pour la nomenclature des rosiers telle que l'ont faite
la distillation. les horticulteurs marchands dans leurs catalo-
Dans plusieurs cantons autour de Paris, la gues il en est à peu près des noms donnés aux
-,

culture des rosiers en plein champ, dans le but roses comme de ces figures de cire qui ont été
unique d'en vendre les fleurs coupées, soit pour tour à tour le grand Tamerlan et Ibrahim-Pacha;
distiller, soit pour égayer à peu de frais les ap- la même rose sera, selon l'époque, l'impératrice
CRTICULTOtl T. v. - «9

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333 HORTICULTUKK. LIVRE VIII.

Joséphine, la reine Amélie, duchesse ou la gueur de leur végétation, très propres à la dé-
d'Angoulème. Mais, en dehors de ces change- coration des bosquets dans les grands jnrdins
ments capricieux, quelques horticulteurs émi- paysagers; ces rosiers ne se taillent point.
nenls, entre autres M. Lindley en Angleterre,
et M. Vibert en France, ont cherché à asseoir
v i ttiRu. — Rosiers pi mi/rcnclles.
sur des hases réelles une classification des ro- Leur nom est tiré de
ressemblance de leurs
la
siers d'après les caractères fixes des principales feuilles à avec la
follioles petits et arrondis,
séries, bien que ces séries ne répondent pas à feuille de la pimprenelle (poterium sangui
des variétés et des sous-variétés admises par les sorba). Les roses à fleurs simples, assez nom-
botanistes. L'adoption d'une bonne classifica- breuses dans celte tribu, sont fort jolies et
tion des rosiers n'est pas sans importance; une donnent des milliers de fleurs; la plupart des
fois les sériesadmises et leurs caractères essen- roses pimprenelles sont semi -doubles et dou-
tielsbien établis, l'amateur ne sera plus exposé, bles ; ces rosiers ne se greffent pas, ils s'élèvent
aussi souvent qu'il l'est actuellement , à faire en buissons, francs de pied ; il ne faut les tailler
venir à grands frais de fort loin une rose insi- qu'avec beaucoup de ménagement oour ne pas
gnifiante, ou bien une bonne rose qu'il a déjà nuire à leur floraison.
sous un autre nom. Pour ce motif, nous croyons I^esdeux plus belles roses de cette tribu sont :
devoir donner un aperçu de la méthode de clas- 1° la reine des pimprenelles, rose tendre, semi-
sification de M. Lindle'v et des caractères prin- double; 2° la pimprenelle-Hardy, rose hlanelio
cipaux des tribus de rosiers, selon sa méthode. très double, rayée de lignes pourpres, d'un très
bel effet quoique peu développée.
TKUD. - Rosiers à fleurs de cistes.
vi' tribu - Rosiers à cent feuilles.
Ils doivent leur nom à la ressemblance de
leur Heur avec celle des cistes qui, sous le nom C'est In plus nombreuse de toutes les tribus:
de muçugles, décorent au printemps les collines la nomenclature en serait plus facile à retenir
du midi de la France. Les fleurs de ces rosiers si Ton en eut composé au moins trois tribus,
sont simples, et leurs pétales plus ou moins ayant chacune de nombreuses subdivisions;
échancrées. toutefois, nous la donnons conformément à
Les deux principales espèces de cette tribu l'usage adopté parmi les amateurs de roses.
sont 1* La rose à feuille de berberis, remar-
: Les rosiers cent-feuilles proprement dits
quable entre toutes par son feuillage simple; comprennent deux divisions les roses à calice :

la fleur est jaune, les pétales ont une tache nu. et les roses mousseuses.
pourpre à l'onglet ce rosier est rare en France.
;
Les roses cent-feuilles, à calice nu, réunis-
2° La rose Hardy, récemment obtenue dans les sent dans la même division des fleurs très diffé-
semis de M. Hardy, au Luxembourg; ses rentes; la plus belle de toutes, celle qui mérite
feuilles ont sept folioles. plus que tout autre le nom de reine des fleurs,
porte le nom de rose des peintres <fig. 492).
n« tribu. — Rosiers féroces.
Ilsméritent leur nom par le nombre et la Fig. 4«ji.

force de leurs aiguillons; les deux principales


espèces sont 1° La rose du Kamtchatka, vio-
:

lette simple; 2° la rose du Parnasse, violette


double.

m» TniBu. — Rosiers bractèolés.

sont caractérisés par la longueur et le dé-


Ils
veloppement des bractées qui accompagnent le
calice.Les rosiers de cette tribu réclament une
position abritée; leurs fleurs sont doubles, les
unes blanches , les autres carnées. Les deux
principales sont : 1° la rose Marie-Léonida,
d'un blanc pur; 2* la victoire modeste, à cœur
carné.

iv tribu — Rosiers cannelles.


Les caractères de cette tribu sont peu tran-
chés; elle comprend des fleurs simples, semi-
ioubles et doubles, isolées et en grappes. Les Tout est remarquable dans cette tribu, depuis
plus remarquables sont la rose-stfufre, jaune la belle rose foncée de Nancy, et l'unique blan-
double très pleine, et la rose Boursault, semi- che, admirables de forme et 'de volume, jusqu'à
double, qui sert de type à toutes les variétés et la petite rose pompon, la plus élégante des pe
sous-variétés de roses pyramidales. Ces ro- lites roses. Ces rosiers ne fleurissent qu'une fois,
siers, en général, ne font point partie des col- mais leur floraison est assez prolongée.
lections et ne se greffent point sur églantier;
ils sont, par l'ampleur de leurs formes et la vi-
1. Roses mousseuses. —
Ces roses ne diffé-
|
rent des précédentes que par l'espèce de véçe-

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TITRE V. FLORÎCULTURE. 339

talion on forme de mousse qui garnit la partie rouge en dehors, sont les plus belles de cette
supérieure des tiges florales ainsi que le calice division.
et ses divisions; elles ont d'ailleurs tous les Rosiers hybrides remontants.
6. — Les ro-
caraetères des ros*-* cent-feuilles, à calice nu. siers hybrides qui fleurissent sans interruption,
La rose mousseuse ferrugineuse, à fleur cra- ou seulement à plusieurs reprises, et qui pro-
moisie (de la collection du Luxembourg), et la viennent de croisements opérés sur des roses
Zoë, dite mousseuse partout, sont les plus belles cent-feuilles remontantes, sont rejetés dans
de cette division. cette division, moins à cause de leur analogie
2. Hybrides de cent-feuilles. — Ces rosiers, entre eux que par la difficulté de les classer
peu différent* des cent-feuilles proprement dits, ailleurs. Ces rosiers se distinguent des autres
proviennent des croisements artificiels ou acci- rosiers remontants par un caractère qui leur
dentels des roses cent-feuilles des deux divisions est propre tous leurs rameaux sont florifères,
:

précédentes avec toutes sortes d'autres rosiers. sans exception, de sorte qu'ils n'ont jamais de
On sait qu'il n'y a pas de rose bleue ni verte ; branche ovpourvue de boutons à fleur. La rose
c'est parmi les hybrides de cent-feuilles que se comte de Paris, d'un rouge violacé, à fleur très
rencontrent les nuances violacées les moins développée, et la rose coquette de Montmo-
éloignées du bleu. Les plus remarquables, sous rency, sont les plus estimées de cette division.
ce rapport, sont l'Admiration, d'une belle
: 7. Rosier de Damas. — Le rosier de Damas,
nuance lilas-foncé, et la rose Laure ou rose compris dans la tribu des cent-feuilles selon la
lilas. méthode Lindley , la plus généralement en
3. Hybrides de Belgique. —
Elles provien- usage, constitue une espèce distincte admise
nent des mêmes croisements que celles de la par les botanistes {rosa damascena). Ses ca-
division précédente; mais comme les horticul- ractères distinctifs sont des rameaux de gran-
:

teurs belges ont constamment choisi pour les j


deur inégale , dont les plus longs ont une
croisements hybrides les variétés à calice al- j
tendance remarquable à se courber en dehors ;
longé, ce qui constitue pour eux une beauté de j
des sépales (divisions du calice) très longs et
convention, ils ont donné par là aux rosiers réfléchis ; un ovaire oblong qui devient, après
hybrides provenant de leurs semis un caractère la floraison, un fruit très allongé. Les premiers
particulier qui en fait une division à part. rosiers de Damas paraissent avoir été apportés
Les fleurs de ces hybrides, au lieu d'être de leur pays natal en Europe vers la fin au sei-
l mbées ou creuses au centre, sont ordinaire- zième siècle.
ment plates au moment de leur épanouissement Les couleurs rose, rouge vif et carné, do-
complet. La rose miroir des dames, rose blanche minent dans les roses de Damas ; il y en a aussi
à cœur carné, et la rose triomphe de Rouen, de pourpre foncé et d'autres à fleurs panachées
d'un rose vif, sont les plus parfaites de cette sur fond blanc. On remarque entre les plus
division. belles de cette division : 1° l'admirable de Da-
4. Rosiers bifères. — Ces rosiers, par leur mas, blanche bordée de rose ; 2° la belle d'Au-
mode de végétation et l'abondance de leur flo- teuil rose très clair; 3° la rose-Léda, fond
raison deux fois renouvelée, diffèrent tellement blanc, panachée de lilas clair.
des cent-feuilles et de leurs hybrides que l'on 8. Rosiers de Provence. — C'est à cette di-
a peine à concevoir les motifs pour lesquels on vision que commence la confusion inextricable
les a classés dans une subdivision des cent- des caractères, confusion produite par les croi-
feuilles. Leurs fleurs, presaue toutes très plei- sements hybrides entre les roses cent-feuilles
nes, sont le plus souvent bombées au centre. des divisions précédentes et ceux des divisions
Les plus parfaites de celte division sont la : suivantes. Les couleurs blanc et carné domi-
rose-Anlinoûs, pourpre foncée tirant sur le vio- nent dans les roses de cette division qui pour-
let, de forme très régulière, et la rose finan- rait être supprimée puisque les auteurs qui ont
cière, très bombée, d'un rose clair. traité de la classification des roses ne sont pas
5. Rosiers remontants (roses perpétuelles). d'accord sur les sous-variétés qui doivent en
— Le mérite principal des rosiers compris faire partie, non plus que sur leurs caractères
dans celte division des cent-feuilles, c'est de On distingue, parmi les plus belles :
distinctifs.
-

0 la
blanche-fleur à fleur bombée, d'un blanc
donner des fleurs pendant toute la saison. Ces 1

fleurs s'ouvrent moins bien que celles des autres très pur 2° la rose émerance, d'un blanc jau-
;

divisions de la même tribu; elles sont aussi nâtre, excessivement double; 3° la rose-Néron,
moins pleines et leurs formes sont, en général, très double, panachée de rouge sur un fond
moins régulières, mais la durée de leur floraison cramoisi-violet.
compense ces légères imperfections que l'hor- 9. Rosiers de Provins. —
Cette division est
ticulteur peut espérer de faire disparaître par la plus nombreuse de toutes celles de ta tribu
des croisements judicieux et des semis persévé- des cent-feuilles; elle est elle-même pour cette
rants, sans détruire chez ces rosiers la précieuse raison partagée en deux sous-divisions, dont
activité de végétation en vertu de laquelle l'une ne comprend que des fleurs à couleur
leurs fleurs se succèdent sans interruption, du unie, l'autre que des fleurs panachées. Le type
printemps à l'automne. primitif du rosier de Provins, tel qu'on le cul-
La rose du roi, d'un rouge vif,- et .a rose- tive encore pour l'usage médical, donne une
prince -Albert , pourpre foncé en dedans et rose semi-double ou double, mais peu pleine,

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3<û HORTICULTURE. LIVflE fin.

d un rouge foncé tirant sur le pourpre, à ovaire rosiers cynorrhodons, qui, pour cette raison,
allongé ; l'onglet des pétales est blanc. La rose leur sont généralement préférés.
«le Provins est très féconde, faculté qu'elle a
ix» tribu. — Rosiers cynorrhodons.
transmise à ses innombrables sous-variétés
hybrides. Cette faculté d'en obtenir un grand Ils ne sont cultivés que pour recevoir la
nombre de graines fertiles est la seule raison greffe des autres rosiers des espèces les plus
de la préférence que beaucoup d'amateurs ac- vigoureuses. Leurs caractères sont suffisam-
cordent à cette rose dont les semis sont tou-
,
ment connus (t?oir Pépinières, p. 92).
jours plus fréquents que ceux des autres di- x» t«i»c. — Rosiers indiens.
visions.
Cette nombreuse tribu est partagée en deux
On distingue entre les plus belles parmi les
provins d'une seule couleur : 1° la belle de divisions que dislingue suffisamment l'odeur
Marlv, d'un rouge vif tournant au violet; 2° la de leurs fleurs, agréable et très prononcée dans
la première dont les fleurs portent le nom de
rose beauté parfaite, pourpre clair ; 3° la rose
Lacépède, rose tournant au lilas. roses- thé, et faible ou presque nulle dans la
Parmi les roses de Provins panachées ou seconde division dont on connaît les fleurs
ponctuées, on distingue l° la belle de Foote-
:
sous le nom de roses du Bengale. Dans l'Inde,
nay, rose, tachée de blanc mat; 2° la rose leur pays natal, toutes ces roses sont perpé-
splendeur, couleur rubis-clair, marbrée de tuellement remontantes l'hiver, sous cet heu-
;

blanc; 3° la rose reine -marguerite, pourpre, reux climat, étant inconnu, l'on a des roses
ravée de blanc. Cette dernière est aussi nom- toute l'année.
mée tricolore, surnom qu'elle justifie par deux Les rosiers indiens se distinguent de ceux
nuances distinctes de pourpre sur lesquelles d'Europe par leurs feuilles luisantes en dessus,
tranchent des raies d'un blanc pur. glauques en dessous, et leurs folioles oblon-
gues,acuminées, à découpures peu profondes.
vu» tri bu. — Rosiers velus. Les premiers rosiers indiens ont été apportés
Leors roses se distinguent par les piquants en Europe en 1805, par un voyageur anglais.
?
minces, raides et serres de leurs tiges le calice
;
Ils se sont promptement répandus dans toute

est visqueux et hérissé de piquants plus fins l'Europe.


que ceux de la lige, et ressemblant à des poils 1. Rosiers-thé. —
Toutes les roses-thé sont
rudes. Les folioles des feuilles sont elliptiques en général de nuances pâles; le plus grand
et obtuses. Le plus grand nombre des rosiers nombre offre une forme très évasée, des péta-
velus porte des roses, soit blanches, soit de les grands et peu serrés, un cœur vert et une
nuances carnées, et roses très claires. Les fruits nuance d'un blanc jaunâtre tout spécial, dont
qui leur succèdent sont fort gros et arrondis. la rose Elisa sauvage est le type le mieux ca-

Les Anglais les nomment roses à fruit en pomme ractérisé. La plus odorante des roses-thé, dont
(appU learing). Les plus remarquables d'entre le nombre, déjà très grand, s'accroît chaque

les roses velues sont 1° la grande pivoine,


:
année par des acquisitions nouvelles provenant
fleur d'un rose vif, très développée; 2° la rose des semis des amateurs, est la rose-Goubaull,
céleste-blanche, l'une des plus parfaites parmi rouge clair à centre aurore, grande et belle
les blanches. rose très pleine.

vin» trimt. - Rosiers Rouillé*.


2. Rosiers- Bengale. —
Ces rosiers sont si
connus répandus qu'il est inutile de dé-
et si
Ces rosiers sont de véritables églantiers; ils Leurs sous-variétés sont
crire leurs caractères.
ont pour caractères distinctifs des aiguillons encore plus nombreuses que celles des rosiers-
très recourbés, des folioles rugueuses et des thé. La rose-Cels, très florifère, et la rose- Fré-
pédoncules hérissés de nombreux piquants très déric Weber, sont au nombre des plus belles
lins; leurs feuilles, froissées entre les doigts, de celte division. On admet comme subdivision
exhalent une odeur très prononcée de nomme- des rosiers du Bengale les rosiers de la Chine
reinette mûre. Leurs tleurs simples les rap- à fleur d'un rouge éclatant, plus généralement
prochent des églantiers proprement dits, ou désignés sous le nom de Bengale pourpres ou
rosiers cynorrhodons, avec lesquels nous pen- sanguins. Ces rosiers sont d'une excessive dé-
sons qu'ils pourraient être réunis sans incon- licatesse; leurs tiges, à peine ligneuses et peu
vénient. Tout le monde connaît l'églantine garnies de piquants, ne prennent jamais une
jaune soufre (la toute jaune) et l'églantine grande élévation; les fleurs, souvent solitaires,
jaune en dehors, couleur de feu en dedans (la sont portées sur de longs pédoncules glabres,
rose capucine), l'une et l'autre très répandues ainsi que le calice. Les rosiers de la Chine
dans nos parterres et nos bosquets ; elles ap- craignent le froid plus que les autres rosiers de
partiennent à cette tribu. La toute jaune donne l'Inde; ils ne supportent les hivers sous le cli-
une sous-variété double qu'il ne faut pas con- mat de Paris qu à la condition d'être rabattus
fondre avec la cenl-feuilles soufre. presque rez terre et couverts de litière, de fa-
Tous les églantiers de cette tribu peuvent çon a ce que le froid n'atteigne pas leur racine
recevoir les greffes de toute sorte de rosiers, dont le collet donne, du printemps à l'automne,
mais le succès est moins certain que lorsqu'on une succession de tiges llorilères. En général,
opère sur les églantiers proprement dits, ou les roses-thé, les roses de Chine, et les roses

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TITRE V. FL0K1CLLÏURE.
du Bengale des sous-varieies les plus délicates, Fig. 493.

sont plus parfaites quand les rosiers qui les


portent ont été cultivés dans des pots et ren-
trés pendant l'hiver dans l'orangerie ou la serre
froide. Larose sanguine et la rose éblouissante
sont lesplus parfaites des roses de la Chine.
Les rosiers de l'Inde ont produit par les croi-
sements hybrides une foule de sous-variétés
dont on forme une division à part sous le titre
d'hybrides du Bengale, quoiqu elles aient entre
elles très peu de rapport; le seul caractère qui
leur soit commun, c'est de ne pas remonter et
de ne fleurir qu'une fois par an, encore ce ca-
ractère n'est il pas absolu. Ces hybrides sont
pour la plupart de nuances foncées rouges et
pourpres tirant sur le violet obscur. La plus re-
marquable, sous ce rapport, est la rose gloire
des Hellènes, d'un pourpre ardoisé, de gran-
deur moyenne , mais très double. On cite en-
core, dans la même sous-division, le triomphe soient pas florifères; ils prennent, en général,
d'Angers d'un cramoisi éclatant, et le velours de grandes dimensions, surtout lorsqu'ils sont
épiscopal, à fleur bombée, d'un beau violet conduits en cordons ou palissés en espalier
velouté. contre un mur.
Les roses- Lawrence , remarquables par leur On greffe les rosiers du Bengale sur les
petitesse et la perfection de leurs formes, sont grandes variétés de rosiers-Noisette ces greffes
;

pour les Bengale ce que les pompons sont pour réussissent très bien et donnent des sujets du-
les cent- feuilles ; la rose-Désirée est une des '

rables, parce qu'il ,y a beaucoup d'analogie


plus jolies et des plus petites de cette sous- entre le mode de végétation des Bengale et ce-
division. lui des Noisette.
On admet encore, sous le nom de roses de
Bourbon, une autre sous-division de rosiers de xi« TaiBC. — Rosiers à styles soudés.
l'Inde qui renferme un très grand nombre de Cette tribu a pour sous-divisions les rosiers
sous- variétés fort belles, offrant entre elles peu toujours verts, les rosiers multiflores et les ro-
d'analogie; les plus remarquables sont, dans siers musqués. Tous craignent le froid et ne
les couleurs foncées, la rose Paul- Joseph, re- «
supportent bien la pleine terre qu'en espalier
montante, pourpre foncé, et, dans les couleurs sous le climat de Paris; l'espalier leur est d'au-
claires, la jolie rose Poil eau d'un rouge vif, et tant plus nécessaire, qu'en général leurs ra-
la rose-Vclléda, très double, d'un rose tendre. meaux, très allongés et charges d'une multitude
3. Rosiers- Noisette. —
Ces rosiers, si com- de bouquets de petites fleurs très doubles, ont
plètement différents de tous les autres, sont peu de soutien. On s'en sert avec avantage
classes parmi les hybrides des rosiers de l'Inde, pour garnir des palissades ou des berceaux.
par ce motif qu'ils sont regardés comme obtenus
originairement par le croisement hybride de la
xti r THiBt;. — Hotiers de Banks.

rose du Bengale et de la rose musquée. Le pre- caractères des précédents à un


Ils offrent les
mier rosier- Noisette a été apporté des Etats- plus haut degré; leur force de végétation est
Unis en France, en 181 4, par M. Noisette, frère telle qu'en peu de temps ils peuvent couvrir de
du célèbre horticulteur auquel il a été dédié. leurs innombrables tiges sarmenteuses de gran-
Les sous-variétés hybrides obtenues en grand des surfaces de muraille. Ces rosiers craignent
nombre du premier rosier- Noisette, ont con- les fortes gelées, et ne réussissent qu'à une ex-
servé assez de ses caractères généraux pour ne position méridionale. Les deux principales va
pouvoir être confondus avec les rosiers d'au- rictés de la rose-Banks sont la blanche très
cune autre subdivision ; il n'y a pas de tribu odorante, et la jaune beurre frais dépourvue
dont les caractères distinctifs soient plus nets, d'odeur.
plus tranchés et plus persistants. La méthode de classification que nous ve-
. Les roses Noisettes, petites et très doubles, nons d'indiquer sommairement laisse beaucoup
n'ont que peu ou point d'odeur. Les couleurs clai- à désirer quant à la désignation des caractères
res dominent dans les roses Noisette; plusieurs distinctifs des tribus de rosiers et de leurs prin-
se rapprochent plus ou moins du jaune : telles cipales-divisions. Chaque rose en particulier
sont en particulier la rose-Chamois et la rose- est, en général, mal décrite, mal définie les -,

Desprezdont le fond est jaune, tournant au rose. noms, livrés à l'arbitraire et au caprice, for-
Le rosier- Noisette a pour caractère essentiel ment un véritable chaos; l'amateur, qui obtient
la disposition de ses fleurs par bouquets ou une variété nouvelle ou qu'il croit nouvelle, n'a
groupes très nombreux sur tous les rameaux, pas de moyen assuré ni pour reconnaître si
comme le montre la fig 493 ; dans les rosiers- cette rose est déjà dans les collections, ni pour
Noisette, il est rare qu" tous les rameaux ne la classer convrnablement si c'est réellement

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HORTICULTURE livre vui.

une acquisition. On sait que les Hollandais, tempérée, sans autres soins particuliers, surfit

pour conserver la réputation et le prix élevé de pour les faire fleurir abondamment tout l'hiver.
leurs plantes bulbeuses de collection, avaient En Angleterre, on dédaigne de forcer les ro-
formé un jury d'horticulteurs expérimentés, au siers de l'Inde, parce que leur fleur est trop
jugement desquels toute jacinthe ou tulipe sup- peu odorante; on force de préférence les va-
posée nouvelle devait être soumise avant de riétés les plus odorantes parmi les roses de Pro-
pouvoir figurer dans les collections. Rien ne vins. On élève pour cet usage des rosiers de
serait plus sage et plus facile que d'ajtpliquer Provins qui passent une année entière en pots,
cette méthode à la classification des rosiers. 11 dans une situation ombragée, avant d'entrer
existe déjà en France un grand nombre de .so- dans la serre à forcer. Ils reçoivent peu d'eau
ciétés d'horticulture ; ces sociétés se font ordi- et peu de soleil, mais beaucoup d'air; leurs
nairement représenter aux congrès scientifiques pousses sont pincées à mesure qu'elles se mon-
3ui ont lieu périodiquement sur divers points trent, afin de les empêcher de fleurir. Les ro-
e la France. Les plus distingués de nos horti- siers ainsi préparés sont introduits dans la serre
culteurs s'y rencontrent et peuvent aisément à différentes époques, pour donner une succes-
s'y concerter pour résoudre les questions de no- sion de fleurs pendant tout l'hiver. On donne
menclature. Nous ajouterons que le commerce à l'atmosphère de la serre à forcer les rosiers
des rosiers en particulier a bien assez d'impor- une température qui ne dépasse pas d'abord 8
tance et remue assez d'argent pour mériter degrés, et qu'on élève de semaine en semaine,
qu'on s'occupe sérieusement de mettre fin à la pour la porter graduellement à 10, 15 et 20
confusion qui règne dans la classification des degrés, chaleur qui doit être maintenue avec le
rosiers ; nous faisons des vœux pour qu'un con- plus d'égalité possible, pendant toute la durée
grès d'horticulteurs soit appelé a régler ce point de la floraison des rosiers forcés.
et plusieurs autres non moins importants. Dans L'application de ce procédé ne nous semble
l'espoir que ce vœu ne peut tarder à se réaliser, convenir qu'aux riches amateurs; d'une part.il
nous nous abstenons de proposer ici une ré- ne réussit pas toujours, de l'autre il entraine
forme qui n'aurait pas assez d'autorité pour trop de frais pour être à la portée des horticul-
avoir quelque chance d'être adoptée. teurs de profession qui veulent forcer les ro-
siers dans le but d'en vendre les Heurs coupées
F. — Culture forcée des rotiers.
pendant l'hiver.
Les rosiers des variétés bilêres et remon-
tantes sont ceux qui, par la culture forcée, Section V. — Plantes d'ornement quinesuppor
donnent le plus facilement leurs fleurs pendant tentpat la pleine terre.
la mauvaise saison ; les roses de l'Inde en par-
ticulier, lorsqu'on leur donne dans la serre une Le goût des plantes réellement belles appar-
température convenable ne font eu continuant
, tenant aux contrées intertropicales est telle-
à végéter et à fleurir que ce qu'elles feraient ment répandu, ces niantes sont d'ailleurs de-
sous leur climat natal. Le moyen le plus simple, venues tellement vulgaires, que le nombre des
usitédans ce but, consiste à couvrir d'un châssis serres destinées à leur servir d'abri pendant le
vitré, à l'arrière- saison, des rosiers plantes temps où la température extérieure descend an-
d'avance très près les uns des autres pour cette dessous de zéro, s'accroît de jour en jour; on
destination ; on entoure ces châssis de réchaufs peut même dire qu'au moment où nous écri-
de fumier qu'on renouvelle quand le thermo- vons, il n'y a pas un propriétaire doué de quel-
mètre indique que leur chaleur est épuisée, et que aisance qui ne songe à joindre à son par-
l'on donne de l'air assez souvent pour que les terre l'indispensable ornement d'une serre-
rosiers n'aient point à souffrir d'un excès d'hu- Celte révolution qui s'accomplit actuellement
midité qui engendrerait la moisissure. Les ro- en France est accomplie depuis longtemps on
siers soumis à ce traitement doivent être tenus Angleterre et en Belgique. Nos parterres, dit
avec la nlus grande propreté ; dès qu'on s'aper- un auteur anglais, nous paraîtraient nus et
çoit qu ils sont attaqués des pucerons, ce qui parmi les plantes indigènes qui sup-
tristes, si
manoue rarement d avoir lieu, on donne sous portent nos rudes hivers, ils n'offraient à nos
le châssis une forte fumigation de tabac qui regards pendant la belle saison les élégants p<-
détruit ces insectes. largoniums et les aimables verveines. Noos
Les rosiers forcés par ce procédé peuvent traiterons en premier lieu des plantes de col-
fleurir tout l'hiver, si l'on a soin de ne pas lection qui supportent le plein air en éle, niais
placer tous les châssis en même temps , et de qui réclament l'abri d'une serre pendant hi- I

régler la température sous les châssis de façon ver; ces plantes sont, sous le climat de Paris t

à ne pas avoir tous les rosiers en fleurs* en les pélargoniums, les verveines, les cinéraires,
même temps. les calcéolaires et les mézembrianthèmes.
Mais, le plus souvent, les rosiers ne sont Les collections de ces plantes forment une
point forcés dans un local à part ; on en place série à part, en ce qu'elles peuvent toutes végé-
un certain nombre sur les dressoirs de la serre ter dans les mêmes conditions de température,
tempérée pendant l'hiver, principalement par- passer le même temps en plein air, et se con
mi les groupes de plantes dépourvues de fleurs server l'hiver dans la même serre, ce qui les
en cette saison. La température de la serre
distingue suffisamment des plantes d'orang*-
'

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TITRE V. FLORICULTURE. 343

rie. Ce pas que beaucoup d'amateurs


n'es! goniums de collection, elle entièrement
est
n'ayant à leur dispostion qu'une orangerie, ne concentrée dans les feuilles; l'odeur des feuilles
puissent, en les tenant près des jours, y con- n'est agréable que chez un petit nombre d'es-
server assez bien les plantes de cette série ; pèces dont par compensation, la fleur est à
mais on ne peut néanmoins les considérer peine apparente; les autres exhalent lorsqu'on
comme des plantes d'orangerie, parce qu'elles les froisse entre les doigts une odeur forte,
ne sauraient s'y maintenir toutes dans cet état analogue à celle de la térébenthine, et décidé'
de belle et vigoureuse végétation qu'elles con- ment mauvaise dans plusieurs espèces. Le goût
servent dans une serre appropriée à leur na- ou pour mieux dire, le caprice de la mode a fait
ture. cultiver exclusivement un certain nombre de
pclargoniumset négliger beaucoup d'autres qui,
§ I
er . — l'élargoniuuu.
convenablement soignés, ne leur seraient pro-
Le genre pélargonium a été délacbé par les bablement pas inférieurs. Nous ne tenterons
botanistes du genre géranium la première de ; même pas de donner une idée de la classifica-
ces deux dénominations longtemps rejetée des tion et de la nomenclature toute arbitraire des
jardiniers, est aujourd'hui généralement ad- pelargoniums de collection; nous nous bor-
mise. Le nom donné à ce genre vers 1750, nons a souhaiter qu'une réunion d'horticulteurs
par un botaniste allemand nomme Burman, re pris parmi ceux dont les noms font autorité,
poussé d'abord par l'illustre Linné, puis réta- pose à cet égard, comme nous le demandons*
bli de nos jours par l'Héritier, est dérivé d'un pour les rosiers, les bases d'une classification
mot grec qui signilic cigogne; il esi justifié par j
méthodique dans laquelle on puisse toujours se
l'analogie de formes que présente avec le bee reconnaître, et qui ne permette pas de faire
de cet oiseau la capsule conique allongée et passer une ancienne variété pour une acquisi-
pointue qui renferme la graine des pelargo- tion nouvelle, à la faveur d'un nom nouveau.
niums. Donnons d'abord une idée du genre de serres
Les pelargoniums sont au nombre de ces le mieux approprié à la conservation des pélar-
plantes qui doivent tant aux soins intelligents goniums. Le temps qu'ils passent dans la serre
de l'homme, que l'horticulture a droit d'en être est l'époque critique de leur existence lesama- ;

fièrecommed une vérilableconquête. Il y asans i tcurs,et à plus forte raison les horticulteurs
doutede fort beaux pelargoniums sauvages dans de profession qui en élèvent des collections très
leur pays natal mais aucun n'approche de la
; nombreuses doivent leur consacrer un local
,

perfection que la culture a donnée aux variétés spécial s'ils veulent les voir prospérer.
sans nombre qu'elle a su créer par les croise- La serre aux pélargoniums doit être exposée
ments hybrides. Ces plantes ont besoin plus de manière à commencer à recevoir les rayons
que toute autre des soins les plus assidus. Le solaires à 1 1 heures; elle doit surtout être par-
plus beau pélargonium acheté en pleine santé, faitement éclairée; la lumière est tellement né-
dans tout le luxe de sa floraison splendidei cessaire aux pélargoniums qu'il semble qu'elle
languit et meurt s'il est négligé. Ces plantes li- soit selon l'expression de M. Neumann
, une ,

vrées à elles-mêmes, soit eu pots, soit en pleine partie de leur existence.


terre, pendant le temps où elles peuvent se le sol où la serre est construite est sain
Si
passer d'un abri, deviennent méconnaissables. et exempt d'humidité on peut sans inconvé-
, ,

Si le sol est maigre, elles donnent à peine sur nient le creuser de manière à ce que les sen-
.

de longues liges grêles, quelques fleurs insigni- tiers intérieurs soient à 0m ,70 ou même à un
liantes; s'il est au contraire très fertile, elles ! mètre au dessous du sol environnant ; cette dis-
ne poussent que de grosses tiges chargées d'un position augmente l'espace intérieur en hau-
fcuillage épais, et ne donnent presque point de j
teur. sans accroissement de dépense ; elle cou-
fleurs. trih se aussi à température plus douce
rendre la
Les pélargoniums sont presque tous origi- en hiver dans l'intérieur de la serre, sans le
naires des environs du Cap de lionne- Espé- secours de la chaleur artificielle. Mais si le sol
rance; plusfeurs se rencontrent à étal sauva- l offre la moindre trace d'humidité ou d'infiltra-
ge dans quelques parties 3e l'Australie et de la tion il ne faut pas hésiter à le remplacer par
,

Polynésie; enliu on en a trouvé quelques-uns à des plâtras, du gravier, ou une terre rapportée
l'île Sainte-Hélène et dans l'archipel des îles exempte de toute humidité; dans ce cas, le sol
Canaries. Le nombre des espèces, sans comp- de l'intérieur de la serre doit être maintenu
ter les variétés et sous-varietes, serait très con- au niveau du sol extérieur. Les serres pour les
sidérable s'il fallait s'en rapporter à l'opinion pélargoniums se construisent très bien en ap-
des botanistes ; Decandolle en admettait 369 pentis, à un seul versant ; les côtés peuvent être
en 1824, et Robert Sweet n'en comptait pas en maçonnerie, mais ils sont mieux en vitrages;
moins de 730 en 1839; évidemment ils pre- le foyer servant à chauffer la serre au besoin
naient pour des espèces distinctes les variétés doit être placé dans un retranchement séparé,
et sous-variétés produites par l'hybridation ; servant de vestibule, à l'une des extrémités. Les
ce genre n'en reste pas moins très riche en es- proportions ordinaires d'une serre de ce genre
pèces. sont, pour une longueur de 8 mètres, 3 mètres
L'odeur des pélargoniums ne réside pas dans m
d'élévation et 3 ,50 de large.
la fleur constamment inodore chez les pélar- Les plantes y sont disposées sur des gradins

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344 HORTIC JLTURE. livbe vin.

dont la hauteur est calculée de manière à les on ne voie devant soi la mauvaise saison; mais
tenir aussi prèsque possible des vitrages, afin les pelargoniums qui fleurissent tard ne sont

qu'ellesne perdent rien de l'influence salutaire pas choisis d'ordinaire pour porte - graines.
de lumière. L'espace libre , peu éclairé , qui
la Toutes les graines récollées avant le mois
reste disponible en arrière des gradins le long d'août peuvent êlre semées immédiatement;
du mur du fond , peut être utilisé pour la con- celles qu'on récolterait plus tard ne pourraient
servation des orangers, lauriers, myrtes, gre- être semées qu'au printemps de l'année suivante.
nadiers , oléandres et de toute celte série de
,
Les semis se font dans des pots remplis de
plantes et d'arbustes compris sous le nom de bonne terre légère de jardin, mélangée par
plantes d'orangerie, plantes dont la végétation partie égale avec de la terre de bruyère, Tune
est interrompue pendant l'hiver, et qui souf- et l'autre passées au crible, afin qu'il n'y este i

frent peu de l'hivernage dans une situation peu ni pierre ni débris ligneux qui puissent gêner
éclairée. le développement des jeunes racines qui sont

d'une exirême délicatesse. Il est bon de ne pas


A. — Multiplication. emplir les pots jusqu'aux bords, afin de pou-
Les pelargoniums se multiplient de graine et voir plus aisément tenir la terre suffisamment
de bouture. Les semis ont pour but unique humide par des arrosages abondants. La graine
d'obtenir des variétés nouvelles ; les boutures de pélargonitims veut êlre fort peu recouverte;
reprennent avec tant de facilité qu'on n'em- on se contente de tamiser par-dessus un peu
ploie pas d'autre moyen pour propager les es- de terre de bruyère. Cette graine lève fort in-
pèces et variétés anciennes. également ; une" partie sort de terre au bout de
On laisse souvent à la nature le soin d'opé- huit jours; puis on en voit lever successive-
rer des croisements qui ne peuvent manquer ment, pendant plusieurs mois il n'est pas rare
;

d'être fréquents entre des centaines de plantes que la graine de pélargonium lève après être
fleuries à fa fois, et placées près l'une de l'autre restée en terre pendant 18 mois. On enterre
pendant tout le temps de leur floraison ; on les pots jusqu'aux bords, dans une couche tiède
peut aussi isoler les plantes et les féconder avec ou même sourde, recouverte d'un châssis vitré,
Je pollen d'espèces choisies, dans l'espoir d'ob- afin de pouvoir lui donner à volonté de l'om-
tenir par le semis de leur graine des variétés mo- bre et de l'air, selon l'état de la température.
difiées d'une certaine manière prévue ou désirée. Le jeune plant doit êlre repiqué tout jeune, dès
Lorsqu'on a fait choix de deux variétés entre qu'il prend sa troisième feuille ; on le repique
lesquelles on veut opérer un croisement, il faut alors, un à un, dans des pots étroits et pro-
considérer d'abord leur force respective } la fonds, qui lui conviennent mieux que les pots
plus forte des deux plantes doit être réservée trop évasés, ayant peu de profondeur.
pour porte-graine. Au moment où elle est dans Les jeunes pélargoniums, récemment repi-
tout l'éclat de sa floraison, on lui retranche, qués, veulent être ombragés sous châssis, jus-
avec les plus grandes précautions, toutes les qu'à leur parfaite reprise, puis, habitués à l'air
étamines , sans Dlesser le style. En même temps [>eu à peu , si la saison le permet afin que
,

on retranche la moitié des pétales et le style de eurs tiges herbacées puissent prendre un peu
la fleur qui doit servir à féconder la première; de solidité avant l'hiver, ce qui contribue puis-
on ne lui laisse que les étamines. Au moment samment à la beauté de leur floraison l'année
où l'on s'aperçoit de leur plein développement suivante. Les pélargoniums montrent presque
on détache la fleur ainsi mutilée ; on la saisit toujours leur fleur au printemps de l'année qui
délicatement par le pédoncule, et l'on frotte suit celle où ils ont été semés quelques plantes,
;

très légèrement les anthères de celte fleur sur parmi celles qui lèvent tard, ne fleurissent
le style des fleurs de la plante porte - graines, qu'au second printemps. La fig. 494 représente
en s assurant qu'il est resté du pollen attache
Fig. 494.
au style de chacune de ces fleurs. On laisse
toujours plusieurs fleurs aux porte - graines,
mais on leur en supprime une partie afin de
concentrer leur action vitale sur les Heurs fé-
condées artificiellement. Du moment où la fé-
condation artificielle est accomplie, on place les
porie-graines dans une situation abritée, isolée
du reste de la collection.
L'heure la plus favorable pour la fécondation
artificielle des pelargoniums, est entre 1 1 heures
et midi ; la température de la serre, au moment
où l'on opère, ne doit pas descendre au-dessous
de 25 degrés.
Les capsules qui renferment la graine doi-
vent être visitées fréquemment ; aes qu'elles
s'entr'ouvrent , on saisit la graine par ses ai-
grettes et on l'enlève pour la semer aussitôt
a moins que la floraison ayant été très tardive.

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whb v. ILOUICLLllKL. 345

un pclargonium de collection a fleur de forme de son insertion, mais sans endommager la ti-
régulière. ge, est plantée isolément dans un petit pot ou
godet, de 5 à 20 millimètres seulement de dia-
II. — Boutures.
1

mètre, remplie de terre de bruyère passée au


Les pélargoniums de collection, quels que crible fin ; le pédoncule ne doit être enfoncé
soient les soins qu'on leur donne, ne vivent dans la terre du pot que de 3 ou 4 millimètres.
pas au-delà de trois ans sans dégénérer; il est Les pots sont enterres jusqu'au bord dans une
donc nécessaire de les renouveler constam- couche tiède recouverte d'un châssis qui ne
ment de boutures , pour maintenir les collec- laisse presque pas d'intervalle entre les feuilles
tions au complet et dans tout leur éclat Les bouturéeset le vitrage. Un œil qui devient bien-
boutures reprennent en tout temps avec une tôt une jeune pousse ne tarde pas à se montrer
étonnante facilité; les deux époques les plus au bas de chaque pétiole des feuilles bouturées;
favorables sont les premiers jours du printemps quand ces pousses prennent leur seconde feuille,
et la fin de juillet jusqu'à la première quinzaine il est temps de commencer à leur donner de

d'août. Plus tard, les boutures n'ayant pas le l'air peu à peu en soulevant les châssis ; on les
temps de prendre assez de force avant l'hiver, traite ensuite comme des boutures ordinaires.
auraient Beaucoup à en souffrir; elles fleuri- Ce procédé, pour réussir, exige une grande ha-
raient mal au printemps suivant, et l'on en bileté et des soins minutieux. Les boutures de
perdrait une grande partie. Les pélargoniums feuilles craignent également la sécheresse el un
(lecollection sont soumis, comme nous le di- excès d'humidité ; il est essentiel de ne les déta-
rons plus bas, à une taille régulière qui four- cher de la plante qu'au moment de les mettre
nit toujours assez de sujets propres à servir de dans les pots, afin que la surface coupée prenne
boutures. A l'époque du rabattage, on met à Pairle moins possible. Les pots sont changés à
part les branches les plus saines et les plus vi- mesure qu'ils deviennent trop petits en raison
goureuses, en terre légèrement humide, dans de l'accroissement des jeunes plantes.
une situation ombragée; elles y restent jusqu'au
moment de s'en servir. A celle époque, on ra- C. — Détails dr culture.

fraîchit leur extrémité inférieure au moyen Les pélargoniums, pour donner des fleurs
d'une lame très affilée, et l'on supprime en parfaites, ont besoin d une terre appropriée à
même temps leur pousse terminale, de manière leur végétation; voici la recelte donnée par
a ce que leur longueur totale n'excède pas MM. Chauvière et Lemaire dans leur traité de
O^IO aOm ,12. Les boutures se font en bonne la culiure des pélargoniums; elle mérite d'au-
terre de bruyère ordinaire elles ne doivent
; tant plus de confiance, que M. Chauvière n'en
pas t ire enfoncées de plus de 0 m ,03. Si les pois emploie pas d'autres dans son bel établisse-
où elles sont placées peuvent en admettre plu- ment, et ses pélargoniums y végètent admira-
sieurs, il faut les espacer à 0"\03 ou 0 ,04 blement.
Tune de l'autre. On peut placer ces pots dehors,
* l'ombre ou dans la serre tempérée, égale- Terre Je brujèrc sableuse S parties.
ment à l'abri de l'action directe des rayons so- Terre franche normale 3
laires; il suffit ensuite de les arroser de temps
Terreau de feuilles, très consommé, s
Poudretle ou colombioe |
en lemps avec modération ; ces boutures ne
manquent jamais de s'enraciner. 10 partie*
Lorsqu'on désire hâter la reprise des boutu-
res de pélargoniums faites un peu tard, dans le Le mélange de ces substances doit être in-
mois d août, afin que leurs pousses soient con- time; on le prépare longtemps d'avance cl Ton
solidées avant l'hiver, on place les pots qui les a soin de le remuer assez souvent avant de
eonliennent dans une couche tiède recouverte l'employer. Il ne convient qu'aux plantes que
d'un châssis. Cette couche doit être assez rem- nous pourrions nommer adultes, qui ont aiteint
plie pour ne laisser entre les pots et le verre du tout leur développement; il serait trop exci-
châssis qu'un espace de 0 ,n ,20 à 0"\25 au plus, tant pour le jeune plant de semis ou de bou
en sorte que les boutures s'y trouvent très près tures.
du verre, ce qui dispense d'ajouter au châssis Beaucoup de jardiniers retranchent de cette
I* protection d'une cloche. On traite d'ailleurs ; au Jardin
recette la poudrette et la colombine
ces boutures, une fois qu'elles sont reprises, du Roi, oul'on admire de très beaux pélargo-
comme du plant obtenu de graines. niums, ces deux ingrédients ne sont jamais
Il arrive assez souvent qu'une variété nou- employés.
velle de pélargonium obtenue récemment de se- La taille est l'opération la plus délicate de ia
mis ou bien achetée fort cher à l'étranger, vé- culture des pélargoniums. Cette plante, ainsi
gète faiblement, et ne donne pas assez de pous- que nous l'avons dit, ne peut être livrée à sa
ses pour pouvoir être multipliée de boutures. végétation naturelle. Si I on veut en obtenir
On a recours dans ce cas au bouturage des une riche floraison , il faut la restreindre dans
feuilles, procédé pratiqué avec tant de succès de iustes limites, la forcer à répartir sa sève
par M. Chauvière, horticulteur, qui s'occupe également entre toutes ses branches , et faire
spécialement des pélargoniums. Chaque feuille tourner son énergie vitale au profit de la pro-
détachée avec son pétiole le plus près possible duction des fleurs.
oiTirciToai. T. . — 44
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Ut HORTIC! LTURE. livre vin.

Les pélargoniums se façonnent avec une comme il avantageux de rempoter les pé-
est
grande docilité sous la main du jardinier; le largoniums par un temps pluvieux ou du moins
jeune plant soit de semis, soit de bouture, peut
, couvert, calme et humide, si au moment de
être arrêté sans en souffrir à la hauteur qu'on la taille qui ne peut être retardée sans incon-
m
désire lui donner; cette hauteur varie de 0 ,l5 vénient, la température est chaude et sèche,
à O^^O jusqu'à la naissance des tiges; elle se et qu'il règne des vents violents, il vaut mieux
calcule d'après la place que les plantes toutes laisser s'écouler quelques jours pour opérer par
formées doivent occuper sur les gradins. On les une journée favorable.
laisse filer droites jusqu'à ce qu'elles dépassent La motte enlevée du pot et tenue dans une
cette élévation de 0 m ,04 ou 0 m ,05 ; alors on situation renversée, est d'abord grattée légère-
leur supprime la pousse terminale en laissant ment pour détacher tout autour une portion de
seulement 2 ou 3 pousses latérales pour former l'ancienne terre qui entraine avec elle un peu
la tête; les autres pousses situées plus bas le de racines endommagées; on coupe net le bout
long de la tige sont retranchées, en laissant des grosses racines qui peuvent alors se trou-
toutefois subsister les feuilles dans l'aisselle ver à découvert. La quantité d'ancienne terre
desquelles elles ont pris naissance, parce que à supprimer ne peut être précisée; on ôtcà
la présence de ces feuilles sert à la fois à don- peu près les deux tiers de la motte des plantes
ner de la force à la tige et à favoriser la forma- grandes et vigoureuses, et un tiers seulement
tion des jeunes racines. de celle des plantes plus jeunes ou plus faibles.
L'époque la plus convenable pour tailler les Les pots nouveaux où l'on va replacer les pé-
pélargoniums est le mois d'août et le commen- largoniums, ont ordinairement 0 n, ,01 ou 0"\02
cement de septembre; ils sont alors depuis tout au plus de diamètre de plus que les pots
longtemps à l'air libre; on a eu soin trois se- d'où les plantes viennent d'être retirées. Le
maines ou un mois d'avance de les arroser seu- trou situé au milieu du fond des pots doit être
lement pour les maintenir verts, afin que leurs bouché avec un morceau de poterie cassée il ;

tiges puissent devenir moins aqueuses et plus ne faudrait pas qu'il fût fermé trop herméti-
consistantes. Deux conditions sont essentielles quement; il doit au contraire laisser filtrer l'eau
dans cette opération, l'emploi d'une lame par- superflue des arrosages. On étend par dessus
faitement affilée et une coupe exactement ho- ce tesson un lit de mousse très mince, légère-
rizontale. On ne laisse en général aux plantes ment comprimée, précaution fort utile qui em-
dans toute leur force que trois branches, qua- pêche l'eau qui s'échappe par l'ouverture infé-
tre au plus, d'égale force, espacées entre elles rieure des pots d'entraîner avec elle les parties
de manière à donner lieu à une tête de forme nutritives du sol qu'elle tient en suspension.
régulière. Les plus jeunes ne doivent conserver Cela fait, on commence à mettre dans les pots
3uc deux branches; quant aux pélargoniums assez.de terre pour que la motte posée dessus
c 4 ans et au-delà, auxquels leur force per- affleure à peu près l'orifice supérieur du pot
mettrait de laisser un plus grand nombre de qu'on achève Je remplir en versant la terre
branches, nous pensons qu'ils ne doivent plus pulvérulente, tout autour de la motte; un lé-
à cet âge figurer dans la collection, dont les ger arrosage doit toujours suivre le rempotage
vides annuels peuvent toujours être remplis au pour assurer la reprise des plantes.
moyen d'une pépinière de jeune plant élevé de Si après cette opération il surv ient des pluies
boutures. Quelques traités conseillent d'utiliser trop prolongées, les pélargoniums ne doivent
pour faire des boutures les vieilles plantes usées, pas y rester exposés; il vaut mieux, dans ce
dont les touffes très ramifiées peuvent en effet cas, les mettre momentanément à couvert que
fournir beaucoup de boutures; mais comme .la de coucher simplement les pots sur le flanc,
matière pour cet usage ne manque jamais, comme le font beaucoup de jardiniers, pour
puisque toute la collection subit une taille gé- empêcher la pluie de les mouiller trop forte-
nérale tous les ans, nous ne pouvons conseiller ment.
de bouturer les tiges des vieilles plantes; nous Quelques anciens jardiniers seulement tien-
sommes d'avis qu'on ne doit au contraire em- nent encore à la vieille méthode de ne laisser
ployer pour boutures que les branches prove- les pélargoniums en plein air qu'au milieu
de-

nant de la taille des pélargoniums jeunes et dans là belle saison; les horticulteurs de nos jouis,
toute leur force. éclairés par l'expérience, savent que ces plaines

Les branches conservées aux pélargoniums ne donnent une floraison parfaite que lors-
deux yeux, à partir de leur inser-
se taillent sur qu'elles ont profité de bonne heure de l'air libre
tion sur la tige principale. qui ne leur lait que du bien toutes les fois que
Les pélargoniums ont besoin d'être changés de
la température ne descend pas au dessous
de pots tous les ans, soit pour être places dans zéro. . ,

des pots plus grands, s'ils sont encore dans Les pots contenant les pélargoniums destines
leur période de croissance, soit pour recevoir à orner le parterre peuvent être enterres dans
de nouvelle terredans le même pot; celte plante, les plates- bandes dès qu'il a cessé de geler.
Ceux
en raison de l'activité de sa végétation, épuise des pélargoniums de collection qui doivent
très vite la terre. places
fleurir sur les gradins de la serre sont
L'opération du rempotage peut suivre im- dehors, dans une position abritée, depuis la fin
médiatement celle de la taille; cependant, des gelées jusqu'au commencement de leur

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TITllK V. IL0K1CULTUUE.
floraison. On les rentre alors pour mieux jouir comme on vient de le voir, on peut toujours,
de de leurs fleurs réunies et
l'effet pour rendre presque sans frais et avec très peu de peine,
leur floraison un peu plus durable qu'elle ne le avoir en réserve uns ample provision de fu-
serail en plein air. Les panneaux de la serre tures dont on sacrifie une partie pour la tlorai
doivent à cette époque rester ouverts jour et son forcée ou retardée ; c'est un des principaux
nuit. mérites de celte plante comme fleur de collec-
Quand les fleurs sont passées, on reporte les tion :il suffirait à lui seul pour justifier la
pots au dehors afin que les plantes, taillées et faveur toujours croissante dont elle est l'objet.
rempotées comme nous l'avons dit, profitent du 11 ne nous reste plus qu'à indiquer comment

reste de la belle saison pour prendre de la force les pélargoniums doivent être traités pendant
et préparer leurs jeunes pousses à donner l'an- l'hiver. Le point important de leur culture du-
née suivante des fleurs parfaites. rant cette saison, c'est de les empêcher de
Dans les collections nombreuses, où l'on ne continuer le cours de leur végétation, de les
craint pas de sacrifier un certain nombre de ; engourdir en quelque sorte, mais sans com-
plantes, on peut en réserver quelques-unes promettre leur vitalité, afin qu'au retour du
dans les principales séries, pour hâter ou re- printemps ils puissent fleurir avec toute la per-
tarder leur floraison, de façon à ce que la serre fection propre à chaque variété. S'ils ont trop
ne soit jamais complètement dépourvue de chaud dans la serre, ils partent à contre-temps;
plantes en fleurs. D'ailleurs, la plupart des leurs liges à demi étiolées sont sans vigueur
pélargoniums, quoiqu'ils ne soient pas naturel- pour la floraison du printemps. Il ne faut pas
lement remontants, le deviennent quand on a que la température intérieure de la serre des-
soin de couper les fleurs à mesure qu'elles se I
cendc au-dessous de 4 ou 5 degrés au-dessus
passent, sans laisser aux capsules contenant la de zéro; mais il est inutile qu'elle s'élève au-
I

graine le temps de se former. On peut donc delà. L'appareil de chauffage n'est nécessaire
leur faire donner ainsi une succession de fleurs, :
dans la serre aux pélargoniums que pour les
du printemps à l'automne. Ce traitement ne cas imprévus, pour les froids intenses ou pro-
s'applique en général qu'aux plantes épuisées longés; il ne sert presque pas dans les hivers
qui doivent être remplacées année suivante
1
[
ordinaires. La serre construite dans les dimen-
et qu'on n'a, par conséquent, aucune raison de sions que nous avons indiquées conserve long-
ménager. temps d'elle-même une température douce tant
Les pélargoniums sont au nombre des végé- que le froid n'est pas très vif au dehors; un
taux chez qui l'action vitale n'est jamais inter- i peu de litière sèche, entassée sur le devant
rompue; rien n'est donc plus facile que d'en, jusqu'à la naissance du plan incliné, et des pail-
obtenir des fleurs en toute saison par la culture lassons étendus sur les vitrages, maintiennent
forcée il suffit de placer les plantes qu'on veut
: celte température si le froid augmente sans
forcer dans la serre tempérée à l'entrée de devenir excessif. Enfin il ne faut recourir au
l'hiver, puis dans la serre chaude au moment foyer qu'au cas d'absolue nécessité, et dans ce
où elles montrent leurs boutons. Ces plantes cas, chauffer avec le plus de ménagement pos-
n'exigent du reste aucun soin particulier; il sible.
leur faut très peu d'eau tant qu'elles n'ont pas Tant qu'il ne gèle pas, il est bon de donner
de boutons, et des arrosements fréquents lors- I de l'air en levant les panneaux vitrés pendant
qu'elles sont en fleurs. La floraison forcée des le jour, afin de prévenir un excès d'humidité.
pélargoniums peut ainsi être obtenue tout l'hi- Si cependant une suite de temps pluv ieux avait
ver et rejoindre la floraison naturelle du prin- rendu trop humide l'intérieur de la serre, ce
temps; dnns ce but, il faut n'introduire les ! dont on s'apercevrait sans peine aux goutte-
plantes que successivement dans la serre à lettes condensées sur les vitrages el jusque sur
forcer, afin d'en avoir toujours quelques-unes les feuilles des pélargoniums, il deviendrait
en fleurs. nécessaire de faire un peu de feu pourchasser
Pour retarder les pélargoniums, on sacrifie cette humidité qui ferait jaunir et moisir les
la floraison du printemps en supprimant un plantes, et finirait même par compromettre
peu avant l'apparition des boutons les sommi- leur existence. Lorsqu'on allume le foyer dans
tés des liges qui doivent fleurir. Ces tiges le but de chasser un excès d'humidité, il faut
sont promplement remplacées par d'autres qui veiller avec le plus grand soin à ce que le ther-
fleuriront néanmoins, mais d'autant plus tard momètre suspendu dans la serre ne monte
que leurs pousses florales auront été retran- jamais au-tlela de 12 degrés, et qu'il n'y reste
chées à un état plus avancé de végétation. Par que le temps strictement indispensable pour
ce procédé très simple, l'on peut avoir des pé- sécher la serre, sans quoi les pélargoniums. qui
largoniums en fleur jusqu'à rentrée de l'hiver; ne demandent pas mieux que d'être forces,
les derniers soumis à ce traitement sont encore partiraient aussitôt, et leur floraison de prin-
en fleur au moment où les premiers d'entre temps serait compromise. Nous ne saurions
ceux qu'on force dans la serre commencent à trop insister sur ce point : la chaleur artificielle,
fleurir. On voit que les pélargoniums peuvent toutes les fois qu'elle n'est pas nécessaire aux
aisément donner une suite de fleurs non inter- pélargoniums, leur est nuisible el quelquefois
rompue pendant toute l'année. Ce résultat peut mortelle, parce que, si l'on ne continue pas à
être obtenu d'autant plus facilement que , les chauffer, ce qui les forcerait à fleurir en

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348 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

plein hiver, uu seul jour de chaleur un peu variétés de presque toutes les nuances, cxcc|iie
trop forte leur fait émettre des commencements le bleu, faculté qui donne à l'amateur, occupe
de jeunes pousses si délicates que le moindre de cette culture, le plaisir toujours très vif d'ob-
froid les saisit et entraine souvent la perte de tenir chaque année dans ses semis des fleurs
toute la plante. tout-à-fait nouvelles. Les calcéolaires tirent
Du reste, comme le fait observer M. Paxton, leur nom de forme de leur corolle, qui ressem-
la
quand il y a dans la serre un excès d'humidité, ble assez à un chausson, conformément à l'cly-
c'est presque toujours la faute du jardinier-, mologie latine de son nom. La forme de la fleur
l'air extérieur peut être saturé d'humidité pen- et la disposition des organes reproducteurs sont
dant plusieurs semaines sans que celte humi- les seuls caractères communs à toutes les cal-
dité pénètre dans une serre bien construite et céolaires qui diffèrent entra elles sous tous les
bien gouvernée. autres rapports ; les unes sont de très petites
Les pélargoniums ne doivent recevoir d'eau plantes à feuillage entier et cotonneux, a tiges
pendant l'hiver que tout juste ce qu'il faut molles, herbacées ; les autres sont des sous-ar-
pour les maintenir vivants; de fréquents bi- brisseaux ou même des arbustes à tiges sous-
uages, donnés avec soin à la surface de la ligneuses et ligneuses. Elles ne différent pas
terre des pots, permettent d'arroser très rare- moins entre elles sous le rapport de la durée;
ment et seulement quand on voit décidément j
les unes sont annuelles, les autres vivaces.
les plantes souffrir de la sécheresse. Les arro- j
Parmi les calcéolaires de collection, on en compte
sages d'hiver, lorsqu'ils sont nécessaires, ne 60 qui constituent des espèces reconnues par
doivent être donnés qu'avec le goulot de l'ar- les botanistes ; les autres, au nombre de plus
rosoir privé de sa gerbe; la terre seule doit de 200 et dont la liste grossit incessamment,
,

être humectée l'eau qui rejaillirait sur la tige


: sont des conquêtes de l'horticulture.
ou sur les feuilles, ne pouvant être en cette Les calcéolaires sont originaires du Chili et
saison assez rapidement absorbée par l'air en- du Pérou ; propagées d'abord par les horticul-
vironnant, y séjournerait trop longtemps et teurs anglais, elles se sont promptement ré-
pourrait y occasionner des plaies dangereuses. pandues en France et dans le reste de l'Europe*
Ce n'est qu'en été que les pélargoniums peu-
A. —
- MultivUcatton
vent recevoir l'eau sous forme de pluie au
moyen de la gerbe d'arrosoir; encore faut- il Les calcéolaires se multiplient de graine pour
s'abstenir de ce procédé d'arrosage quand les obtenir des variétés nouvelles, et de bouture
plantes sont en fleur. pour propager les variétés anciennes. Presque
Nous avons puisé une grande partie des no- toutes les calcéolaires donnent des graines fer-
tions qui précèdent sur Ta culture des pélar- tiles qui ne reproduisent pas constamment la
goniums dans le traité spécial de cette culture plante sur Inquelle elles ont été récoltées. Ces
par M. Paxton, et dans l'ouvrage récemment graines, très peu volumineuses, lèvent diffici-
publié sur le môme sujet, par MM. Chauvière lement pour peu qu'elles soient trop enterrées,
il Lcmaire. inconvénient qu'on évite en ne les enterrant
$ If. — Calcrolaires. pas du tout ; on se contente de les semer à la
surface de la terre, qu'on maintient au degré
Ce joli genre de plantes (fig. 495) connu et d'humidité convenable par des bassinages fré-
FiS . 495. quents. La graine de caleéolaire se sème aussi-
tôt qu'elle est récoltée elle lève ordinairement
;

au bout de 15 jours ; la terre la meilleure pour


ces semis est la terre de hruvère pure, ou bien
celle dont nous avons indiqué les éléments
pour la culture des pélargoniums; toutefois il
arrive souvent qu'il reste en terre des graines
qui lèvent beaucoup plus tard ; ceux qui ne
veulent rien perdre au plant des variétés rares,
sèment en terrine : quelquefois des calcéolai-
res lèvent successivement pendant six mois et
plus. Le plant de caleéolaire veut être repique
très jeune ; cette plante , dont les racines sont
fort délicates, même dans les espèces ligneuses,
n'aime point à être dérangée, n'importe à quelle
époque de son existence ; on la repique pour
cette raison, soit en pleine terre, à la place ou
elle doit fleurir dans la bâche de la serre tem-
pérée, soit dans des pots assez petits pour que
classé botaniquement depuis 171 4, et introduit (a motte n'ait pas besoin d'être dérangée lors-
en Europe en 1773, est resté très longtemps qu'on la change de pot pour lui en donner un
oublié; la faveur dont il jouit actuellement ne plus grand. La culture à même la bâche donne
date que de 1830 ; il la mérite surtout par sa plus aisément des plantes vigoureuses, qu'
propension naturelle à donner d'innombrables fleurissent abondamment ; la culture en p*> ls

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irrur. %. rLOr.Ull/linK. 349

donne plus de pour sortir et rentrer les


facilité Les caleéolaires n'ont une valeur élevée que
caleéolaires et tes faire concourir en été à lorsque des variétés nouvelles sont offertes aux
l'ornement du jardin. Le plant repiqué veut être amateurs riches, pressés de les ajouter à leur
entretenu par des bassinages modérés ; il craint collection; en Angleterre, à l'époque où paru-
autant l'excès de l'humidité que la sécheresse. rent les premières caleéolaires hybrides, 1832,
Durant l'hiver, les jeunes caleéolaires veulent MM.Young(d'Edimbourg), les ont vendues jus-
comme les pélargoniums, le plus de lumière qu'à 50 fr. la pièce (2 liv. sierl.) ; à Paris , au
possible dans la serre, et une température qui moment où nous écrivons (1843), une collec-
ne dépasse pas 10 degrés et ne descende pas tion de 50 caleéolaires de bon choix, contenant
plus l»a s que 4 ou 5 au-dessous de 0. Les cal- l>caucoup de nouveautés, vaut de 50 à 60 fr.
eéolaires anciennes qu'on multiplie de bou- Les nouveautés n'ont pas de valeur déter-
ture reprennent très facilement, pourvu qu'on minée.
prévienne leur dessèchement en empêchant la
transpiration ,jusqu'à ce qu'elles se soient for-
$ III. — Virv cuirs.

mé de jeunes racines c'est ce qu'on nomme


: Les verveines, indépendamment de leurs ca-
boutures à l'étouffée. On place sous une cloche ractères botaniques, se partagent, sous le rap-
plusieurs boutures faites en terre de bruyère port de l'horticulture, en deux grandes classes,
dans de très petits pots; les bords de cette clo dont Tune comprend les verveines à tiges li-
che doivent Âtrer en terre de quelques millimè- gneuses qui sont de jolis sous-arbrisseaux de
tres tout autour, afin d'empêcher l'introduction serre tempérée, et les verveines à tiges herba-
de l'air ; la couche est en outre recouverte de cées, qui constituent à proprement parler les
son châssis vitré. Quand les boutures mon- verveines de collection. Les premières fleuris-
trent quelques feuilles nouvelles, indice cer- sent en épi; leurs fleurs sont peu développées-,
tain de leur reprise, on ôlc d'abord les cloches elles ont une agréable odeur quelquefois répan-
en tenant le châssis fermé ; puis on soulève par due dans toutes les parties de la plante, comme
degrés les panneaux pour habituer les jeunes chez la verveine de Miquelon ; les secondes fleu-
plantes à l'air ; on les traite ensuite comme le rissent en corvmbe ou en épi serré et loulfu ;
ftlant obtenu de semis. Les espèces de calcéo- leurs fleurs, plus grandes, sont presque toutes
aires à tiges ligneuses et sous- ligneuses , sont inodores, mais elles se succèdent avec profu-
celles qui reprennent le plus facilement de bou- sion pendant tout l'été.
tures; époque la plus convenable pour commen-
I Les plus remarquables des verveines herba-
cer à les bouturer est la fin d'octobre ; les plan- cées sont : 1° la verveine jVIélindrcs, dont les
tes convenablement soignées passent très bien graines ont été envoyées en 182C, de lluenos-
l'hiver; elles fleurissent au printemps suivant. Ayrcs, à M. Perry, horticulteur anglais qui le
premier les a introduites en Angleterre, et a
tt. — Détails de culture.
commencé à mettre les verveines en faveur;
Les caleéolaires croissent naturellement au 2° les verveines à feuilles de chamœdrys, toutes
Chili et au Pérou , dans des vallons humides ,
plus ou moins odorantes; 3" la verveine élé-
au pied des montagnes; l'humidité et la cha- gante , inodore , recommandablc par l'abon-
leur sont donc les deux bases indispensables de dance de sa floraison ; 4° la verveine gentille,
leur végétation ; les espèces sous - ligneuses et (pulrhella) (fig. 496;, la plus répandue dans
ligneuses veulent un sol riche, tel qu'un mé-
fif. 496.
lange de bon terreau et de terre de bruyère ;
ces caleéolaires déploient tout le luxe de leur
végétation dans la plate-bande où l'on peut les
laisser tout l'été; leurs fleurs s'y succèdent sans
interruption jusqu'en automne ; on les rentre à
la même époque que les pélargoniums Le rem-
potage est pour les caleéolaires une opération
délicate dont elles ont toujours beaucoup à souf-
frir à cause de l'excessive délicatesse de leurs
racines ; il faut donc ne les changer de pots
qu'en cas de nécessité, et les déranger le moins
possible, c'est-à-dire laisser leur motte entière
en la plaçant dans un not plus grand , et l'en-
tourer dé terre nouvelle.
Aucune plante n'est plus sujette que les cal-
eéolaires aux attaques des pucerons ; dès qu'on
remarque sur une seule plante une feuille rou-
lée sur elle-même , on unit sans tarder donner
une abondante fumigation de tabac, renouvelée les parterres où elle est aussi cultivée sous le
tant que les pucerons n'ont pas complètement nom de verveine de sa bine.
disparu car ces insectes détruisent en très peu
,

de temps les caleéolaires sur lesquelles on leur A. — Multiplication.


permet de multiplier en liberté. 1 Les verveines se multiplient exclusivement

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350 HORTICULTURE. LIVRE VkU

de bouture pour la propagation des variétés peu rigoureux Nousavons vu l'hiver dernier les
.

anciennes; les semis ont pour but d'obtenir des touffes de verveine pulchella qui décorent les
variétés nouvelles. Ces organes reproducteurs massifs du Jardin du Roi supporter presque sans
sont très petits chez les verveines il faut beau-
; couverture 5 degrés de froid, et donner ensuite
coup d'adresse pour enlever, sans blesser le au printemps la plus riche floraison. Celle ver-
pistil, les élamincs de la fleur sur laquelle on veine, dont les liges rampantes courent dans
veut opérer un croisement ; malgré la difficulté tous les sens ei s'enracinent à chaque ai licula-
de cette opération, elle réussit toujours avec tion, donne des centaines de corymbes redres-
un peu de soin, et les graines de la plante fé- sés de jolies fleurs écartâtes; il y en a une va-
condée artificiellement donnent toujours une riété à fleur d'un blanc pur. Une seule bouture
hybride qui tient des deux plantes employées de celte verveine plantée sur un terrain de-
pour le croisement. Si toutes les plantes ainsi couvert, garnit, avant la lin de l'été, un espaça
obtenues étaient admises dans les collections, circulaire de 0 m ,60 à 0 ,n ,70 de rayon ; il faut
elles seraient innombrables ; mais elles ne font, l'arroser avec abondance ; elle vient également
pour ainsi dire, qu'y passer ; au bout d'un cer- bien sur la base d'un rocher qu'elle couvre
tain temps, les nouvelles font abandonner les complètement, pourvu que la touffe soit plan-
anciennes qui passent de mode ce qui main-
, tée dans un bon terrain tenu toujours frais par
tient les collections dans des limites raison- des arrosages fréquents.
nables. La graine se sème en terre de bruyère La floraison de touies les verveines peut être
aussitôt après la récolte; elle doit être, ou très prolongée et rendue plus abondante par l'enlè-
peu recouverte, ou répandue seulement sur le vement des premiers boutons à fleurs dès qu'ils
sol qu'on tient constamment humide comme , commencent à se montrer; plus tard, pendant
pour les semis des calcéolaires; elle lève aussi l'été, en supprimant l'extrémité des principales

fort inégalement; une partie de la graine ne tiges florales, on les oblige à se ramifier et à
sort de terre qu'au bout de plusieurs mois, donner un bien plus grand nombre de fleurs.
unique la plus grande partie ne mette pas plus La verveine gracieuse en particulier, si on né-
a
e quinze jours pour lever. Du reste, il n y a gligeait de pincer ses sommités, ne donnerait
pas de comparaison à faire entre ces deux plan- presque que des feuilles.
tes sous le rapport de la rusticité : les verveines Toutes les verveines vivaces se dédoublent
sont fort peu délicates; quelques-unes, comme facilement; le moindre fragment de louffe en-
la pulchella et ses sous-variétes hybrides, vien- racinée produit en peu de temps une
nent partout et se contentent de tous les ter- volumineuse qui fleurit avec profusion.
rains. Le plant se repique fort jeune; il doit
passer l'hiver dans la serre, pour fleurir dehors $ IV. — Cinéraires.

dans le parterre au printemps prochain ; il ne L'attention des horticulteurs ne s'est portée


faut lui donner que des pots très petits, placés que depuis quelques années seulement sur les

près des jours, et fréquemment arrosés cinéraires . dont l'hybridation a multiplié les
Les boutures de verveine se font en pleine sous- variétés au point de les élever au rang de
terre, à l'air libre, à la fin d'avril ou de mai, à plantes de collection. La plupart des cinéraires
demi-ombre, sans autre précaution que de les de collection n'appartiennent pas, botanique-
arroser très souvent. Les boutures de verveine ment parlant, au genre cinéraire ; elles se rap-
faites au printemps ne se repiquent pas on met ; portent en grande partie au genre senecio,
seulement les plantes en pois à l'arrière saison genre très nombreux, qui ne peut tarder lui-
pour les conserver l'hiver dans l'orangerie où même à être divisé en plusieurs genres secon-
elles doivent être traitées comme les plantes ob- daires; ces questions ne sont pas de notre res-
tenues de semis; elles montrent leur fleur pres- sort ; nous nous en tenons au langage des jar-
qu'aussitôt qu'elles sont enracinées. diniers, qui donnent à toutes les plantes dont

— nous nous occupons le nom de cinéraires.


B. Détails de culture.
Le bleu et le violet dominent dans les nuan-
Les verveines, en général, se comportent ces des cinéraires de collection ; ces nuances se
mnl dans les pots; elles ne doivent y rester que distinguent par leur vivacité et leur variété
le temps nécessaire pour leur hivernage, car graduée pour ainsi dire à l'infini on en ob- ;

el'es ne supportent pas plus de 4 ou 5 degrés tient beaucoup dont les rayons extérieurs sont
de froid en hiver; c'est du moins l'opinion des de deux couleurs, blancs, tordes de carmin, de
horticulteurs les plus expérimentésà cet égard. pourpre ou de violet.
Toutefois, nous avons lieu de penser que cette La culture de lotîtes ces plantes est à peu de
opinion se modifiera par des essais persévé- chose près celle des pélargoniums el des calcéo-
rants, et que l'on finira par ranger les verveines laires. Les semis se font soit sur couche ti<de
,

parmi les planiez de pleine terre annuelles par dans la serre tempérée, soit en terrines, qu'on
leurs tiges, vivaces par leurs racines, sous le enterre dans la couche ce dernier mode est l<
;

climat de Paris, à la seule condition de leur meilleur, parce que les graines de cinéraires
donner une situation abritée et de couvrir les lèvent très inégalement; en semant en terrines,
touffes de litière sèche pendant l'hiver. Celte on ne risque pas de perdre une partie du plant
dernière précaution n'est même pas indispen- comme on y serait exposé en semant à même
sable pour plusieurs espèces pendant les hivers la couche quand celle-ci doit recevoir une autre

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titre v. FLOKICl I/IU1W-. 351
uesunauon. Ix\s variera
destination. variétés anciennes se propa :
ou fieoide annuelle se multiplient de graines
,

gent principalement par la division des iouffes


touffe; semées aussitôt après leur maturité, en bonne
a l'arrière saison; elles reprennent aussi très ; terreordinairede jardin, et repiquées fort jeunes
farPome.it de bouture. dans des pots de grandeur convenable; il leur
Les cinéraires veulent peu d'eau à toutes les faut très peu d'eau à toutes les époques de leur
époques de leur existence; il ne leur en faut existence. Les autres espèces, quoiqu'elles puis-
presque pas en hiver; elles vivent très bien sent également donner des graines fertiles, se
«fans des pots qu'on enterre dans les plates- multiplient de boutures qui reprennent très fa-
bandes du parterre où elles peuvent rester de cilement. Il ne faut pas les mettre en terre aus-
la fin d'avril au 15 octobre-, on les rentre sitôt après qu'on les a détachées de la tige; on
ensuite dans l'orangerie. Il ne faut pas con- doit laisser la plaie se sécher, ou pour mieux
server au-delà de deux ou trois ans au plus les dire, se ressuyer à l'air libre, sans quoi les bou-
touffes des cinéraires, dont la fleur dégénère à tures pourriraient et ne formeraient pas de ra-
mesure que les plantes vieillissent on doit tou- ; cines. Les espèces de ce genre sont très nom-
jours Pire muni déjeune plant pour remplacer breuses on n'en compte pas moins de 248,
;

les plantes épaissies. La fig. 497 représente un admises par les botanistes, sans compter les va-
cinéraire de collection. riétés. Toutes les variétés de mézembrianthèmes

«fr. '«97. donnent en abondance des graines fertiles; si


l'on préfère les multiplier de bouture, c'est
parce que, par ce dernier procédé, on obtient
plus promptement des sujets vigoureux, d'une
riche floraison.
Les croisements hybrides ont déjà donné de
fort belles sous-variétés
de mézembrianthèmes ;
plusieurs hybrides d'une beauté remarquable,
ont été obtenues récemment au Jardin du Roi.

B. — Détails de culture.

La terre qui convient le mieux aux mézem-


brianthèmes est un sol léger et graveleux ; les
espèces à tiges sous-ligneuses craignent plus
que les autres un excès d'humidité; il ne faut
5 V. — Mcmobriaitlhèiiio*.
les arroser que pendant qu'elles sont en végé-
Le nom de cette plante est formé de deux tation il n'y a aucun danger à laisser la terre
;

mots grecs qui signifient fleur de midi quoi- ,


des pots se dessécher complètement pendant
que beaucoup de mézembrianthèmes ne s'ou- l'hiver. Plus le sol où végètent ces plantes est
vrent que le soir, et que d'autres ne fleurissent pauvre et aride, moins elles prennent de déve-
que pendant la nuit. Los jardiniers les dési- loppement, mais aussi, plus leur floraison est
gnent plus généralement souslenomde ficnïdes, abondante cultivées dans un sol riche, elles
;

nom tiré de la ressemblance du fruit de plu- ne donnent presque que des tiges et des feuilles
sieurs espèces avec celui du figuier. Aux envi- et ne fleurissent presque pas. Elles ont plus à
rons du cap de Bonne-Espérance, les llolten- souffrir de l'humidité que du froid et quoi- ,

tots mangent le fruit du mezembrianthcmum qu'elles ne puissent être considérées comme de


edule, fruit assez fade et peu agréable au goût, pleine-terre, sous le climat de Paris, il en est
mais qui n'a rien de malfaisant. Quelques mé- beaucoup qui résisteraient à l'air libre à nos , ,

zembrianthèmes sont annuelles et bisannuelles, hivers ordinaires dans une situation abritée.
les autres sont vivaces ; elles se distinguent par Les mézembrianthèmes à liges sous - ligneuses
la succulence de toutes leurs parties et par passent très bien la belle saison en pleine-terre;
leurs feuilles charnues, dont la substance offre on les rentre en hiver dans l'orangerie toutes ;

beaucoup d'analogie avec celle des feuilles de les autres, cultivéesdans des pots, peuvent être
plusieurs sedmus. Ce sont en général des plantes sortiesun peu plus tôt, et rentrées un peu plus
peu délicates qui résistent bien à la sécheresse tard que les pélargoniums et les calceolaires.
et à la chaleur; on les voit souvent fleurir sur Les Anglais tirent un très grand parti des
des rochers entièrement dépourvus de terre mézembrianthèmes pour décorer la plate-bande
végétale. Leurs fleurs sont inodores pour la gui règne le long du mur antérieur des serres,
plupart elles ne sont cultivées que pour la vi-
; à l'exposition du midi ces plantes y soni cul-
;

vacité de leurs couleurs rose, feu, jaune, et tivées en pleine-terre, les plus grandes le long
pourpre clair. Quelques espèces indigènes en du mur, et les plus petites sur le devant ou ;

Egypte et en Italie, y croissent en grande abon choisit pour cette destination les espèces qui
d-nce; on les brûle pour extraire de leurs cen- contrastent par la couleur de leur fleur
le plus,
dres la potasse qu'elles contiennent en grande et la forme bizarre de leur feuillage, telles que
quantité. les mézembrianthèmes, inclaudcns, aurenlium,

A. — > Multiplication.
deltoïdes, perl'oliatum barbatum. et quelques
,

autres. Leur situation en avant de la serre per-


La méxembrianlhèine glaciale et la tricoiore, met de leur donner très aisément la protection

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HOHTK.lLTlttK. LIVRE MU.

u mporaire d'un châssis mobile pendant l'hiver, lia éminemment propre à la décoration de nos
châssis qu'on enlève aussitôt que la saison le appartements; une fleur odorante n'y pourrait
permet. Par ce moyen ces plantes fleurissent être supportée; supposez, par exemple, oranger
I

tout Tété, et plusieurs espèces donnent encore avec ses émanations enivrantes, doué d'une
des tleurs au milieu de l'hiver. floraison aussi variée que celle du camélia, il
Les mézembrianthcmespomoridianum , noc- ne pourrait le remplacer dans les lieux habités.
tiflorum et linguiforme, ne s'ouvrent que le Les seules variétés douées d'une odeur faible
soir et ne restent épanouies que pendani la mais agréable sont les camélias myrthifolia,
nuit. L'une des plus belles plantes du genre mé- Colvillii, picturata, et Nannetiana-aiba; leur
zcmbrianthème est la ficoïde aurore (fig. 498), Barfum très doux n'est sensible que quand leur
eur est exposée à faction directe des rayons
Fig. Vj8. solaires: ces camélias peuvent être destines à
devenir la souche de toute une tribu de camé-
lias à fleurs odorantes. On ne doit désespérer
d'aucun perfectionnement à introduire dans la
culture du camélia , lorsque l'on considère le
Point de départ de cette culture et combien
arbuste a dévié de sa souche primitive, et
cela dans un espace de temps assez court.
Le camélia fut apporté du Japon en Angle-
terre en 1 739 par le père Camelli, jésuite, qui lui
donna son nom. Il parait que le père Camelli
n'importa point en Europe le véritable type
original du camélia sauvage, arbre de plus de
30 mètres d'élévation retrouvé plus tara dans
les forêts du Japon par un voyageur moderne;
l'Europe ne reçut alors qu'un camélia déjà mo-
difié par la cul ture dans les jardins des Japon-
nais. Le camélia dans sa nouveauté lut fort à la
dont la nuance indéfinissable, entre pourpre et mode; il fut prompteincnt importé d'Angleterre
couleur de feu, est d'une vivacité éblouissante. en France, en Hollande, en Italie, en Alle-
Les mézembrian thèmes terminent la série des magne; il n'y a pas aujourd'hui de serre en
plantes de collection qui, ayant besoin d'abri Europe où l'on ne soit assuré de le rencontrer.
pondant l'hiver, peuvent passer le reste de l'an- Quelque temps après, les grandes espérances
née, soit en pleine-terre, soit dans dos pots en- qu'on en avait d'abord conçues s'évanouirent;
lerrés dans la plate - bande, et concourir ainsi sa vogue fut arrêtée par la difficulté de le faire
à la décoration du parterre, comme les plantes fructifier, de sorte qu'il resta borné à une seule
d'ornement de pleine-terre, sous le climat de variété à fleur rouge simple, et tomba bientôt
;

Paris. dans l'oubli. En 1806, on en reçut de la Chine


;

§ VI. — Camélias. et du Japon plusieurs variétés* nouvelles; les

importations se renouvelèrent en 1808, 1809 et


La culture de cet arbuste n'est point pour les 1810; tous ces nouveaux camélias différaient
amateurs d'horticulture l'objet d'un goût pas- essentiellement entre eux; ils différaient aussi
sager soumis au caprice de la mode, comme beaucoup du premier camélia connu, délaissé
celle de tant d'autres plantes jadis en grande depuis près d'un demi-siècle; plusieurs d'entre
faveur, aujourd'hui négligées; la faveur dont eux fructifièrent; nos camélias actuels sont
jouit le camélia est durable, parce qu'elle repose I leur postérité. Les amis de l'horticulture se

sur des qualités réelles, précieuses, et qui ne se |


souviennent avec reconnaissance de celte bran-
rencontrent point dans d'autres genres de vé- I
che de camélia donnée par l'impératrice José-
gétaux d'ornement. Elégance des formes, beauté phine au jardinier Tamponnet qui sut si bien la
et persistance du feuillage, variété inépuisable ! mettre à profit. Personne, à cette époque si
de nuances et de dimensions dans la corolle, I rapprochée de nous, n'aurait osé prédire les
magnificence et durée de la iloraison, tous ces destinées de cet arbuste déjà acquis à la pleine
avantages réunis justifient une prédilection qui terre dans l'Italie méridionale au moment ou
semble avoir déjà résisté à l'épreuve du temps. nous écrivons, et qui probablement avant que
Si le camélia les partage plus ou moins avec ce siècle s'achève, ornera les bosquets de toutes
d'autres fleurs, il en est un qu'il possède en les contrées tempérées de l'Europe. Le camélia
propre, et qui n'appartient qu'à lui parmi les est un végétal singulièrement robuste, capable
arbustes de serre tempérée; il peut fleurir en de vivre dans toute sorte de terrains, cl de sup-
plein hiver, quand la nature est attristée par le porter plusieurs degrés de froid. Ce n'est pas
sommeil de la végétation. La fleur du camélia n'a I que nous donnions a aucun amateur le conseil
réellement qu'un défaut; elle n'est pas odoran- d'en faire l'expérience; ne pas mourir n'est pas
te. Mais d'une part ce défaut peut être corrigé vivre; la culture des végétaux d'ornement 1
par la culture; de l'autre il n'est pas sans com- I
pour but, non de les empêcher de mourir, mats
pensation; c'est lui qui rend la fleur du camé- de développer leur parure dans tout son édat,

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I-.TJ K V. FMMMCULTURE. 353

seule récompense des soins de l'horticulteur. La R — Choix des pots et caisses.


fig. 499 représente un camélia de collection.
Lorsque le camélia dépasse la hauteur d'un
Fig. 499. mètre à un mètre 50 cent., ce qui lui convient
le mieux, c'est la pleine terre. Les camélias de
grandes dimensions, pour être cultivés dans
les conditions les plus favorables à leur crois-
sance, devraient donc être en pleine terre dans
la plate-bande du conservatoire. On peut en
voir de très beaux dans le jardin d'hiver du
M. Fion, ils ont acquis en pleine terre une
beauté peu commune, bien qu'ils soient trai-
tés, non dans le but de leur plus grand déve-
loppement, mais dans celui d'en obtenir une
multitude de fleurs destinées à la vente journa-
lière pendant la saison des bals et des soirées.
Mais bien peu d'amateurs peuvent, dans l'état
actuel de i'horliculiurc en France, recourir à
ce procédé qui exige au moins un mètre en tout
sens pour chaque grand camélia nos serres ;

sont en général trop petites, et l'espace y est


trop précieux. Les camélias vivent donc pres-
A. — Choix de la terre. que tous dans des caisses ou dans des pots. Les
caisses ont sur les pots une supériorité incon-
Aucune espèce de terre ne convient mieux testable ; supportées par des pieds qui les isolent
au camélia que la terre de bruyère naturelle, et, complètement, elles ne sont point accessibles
à son défaut, la terre de bruyère artificielle aux vers qui s'introduisent souvent dans les
(voir Composts). Celte terre est en effet la pots; les camélias y sont mieux à tous égards:
plus favorable de toutes à la végétation de toute malheureusement le prix des caisses est telle-
espèce de Heurs exotiques. Dans les pays où ment supérieur à celui des pots, que ces der-
celte terre manque, le camélia est cultive dans niers sont toujours préférés, excepté pour les
des terres plus ou moins analogues ; à Venise grands camélias quand on ne les met point en
on emploie sans mélange la terre de taule, for- pleine terre dans la serre. La matière des pots
mée de bois pourri et de feuilles mortes dans n'est point indifférente à la santé des camélias;
le tronc creux des vieux saules; à Milan, l'on beaucoup de belles dames en perdent fréquem-
se sert de la terre de forêt, mélange de sable et ment pour avoir voulu les élever dans de pré-
de terreau de feuilles; à Florence, on donne cieux vases de porcelaine ou de tôle vernissée,
au camélia la terre de châtaignier, mélange de ne sachant pas «ue dans des conditions iden-
terreau de feuilles de cet arbre avec une terre tiques sous tous les autres rapports, ces mêmes
légère sablonneuse; enfin, les jardiniers anglais arbustes auraient prospéré dans des pots de
préparent pour les camélias un mélange de sa- terre cuite valant de 10 à 15 centimes. Les di-
ble lin de rivière, de terreau de feuilles et de mensions des pots ne peuvent être déterminées
lerre légère de jardin par parties égales; tous d'une manière absolue; quand l'espace manque,
ces mélanges se rapprochent beaucoup de la on peut jusqu'à un certain point réduire le vo-
terre de bruyère naturelle qui doit être préférée lume des pots en en renouvelant fréquemment la
partout où il est possible de s'en procurer. On terre et se servant pour arrosages de bouillons
doit l'employer aussi récente que possible, c'est- de fumier très substantiels. Il faut à un camélia
à-dire aussitôt qu'elle a été prise sur les lieux où
,M m
de ,50de hauteur une caisse de 0 ,20 en tout
,

elle se produit ; la seule préparation à lui donner sens ou un pot de grandeur équivalente. Quelles
consiste à la passer à la claie pour en séparer les que soient les dimensions des pots, le diamètre
pierres et le plus gros des mottes et des racines; de leur orifice supérieur doit être des quatre
elle relient ainsi une partie de débris végétaux cinquièmes de leur prorondeur, le diamètre du
qui, en continuant à se décomposer lentement, fond doit être des quatre cinquièmes de celui
sonttrès favorables à la santé du camélia; c'est de l'orilice supérieur, (fig. 500). Les pots trop
donc à tort, à notre a vis, que quelques jardiniers
mettent en tas la terre de bruyère et la laissent Fig. 500.

vieillir deux ou tro's ans avant de l'employer


pour camélias. Nous avons dit qu'il conve-
les
nait de passer la terre de bruyère à la claie, il
faudrait bien se garder de la cribler; elle de-
viendrait bientôt trop dure, trop compacte, et
les racines du camélia ne pourraient s'y éten-
dre librement. On ne doit cribler la terre de
bruyère que quand on la destine à recevoir des
boutures de camélias.
OKICVI.TVM, T. T. — 43
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3M HOKTlCULTlUfc. Li\nt vin.

f;rands sont plus nuisibles qu'utiles aux camé- et de fleurir abondamment, 5e m.inticnl dans
tas comme à toule autre espèce de plantes de lesproportions qu'il ne doit pas dépasser, sous
serre; quand la moue de terre est trop volu- peine de laisser envahir la serre par un peiit
mineuse, il de donner aux
est difficile d'éviter nombre de très grands eamelias A chaque
racines un excès d'humidité qui n'est jamais à nouveau rempotage on garnit le fond des po'-s
craindre dans des pois plus petits. de gros gravier ou, ce qui est préférable, de
fragments de poterie; la motte, snil qu'on ra-
C. — Serre aux camélias» fraîchisse les racines, soit qu'on s'abstienne d'y
Les serres à un seul versant ne conviennent loucher, est toujours entourée de quelques cen-
point aux camélias; quelque soin qu'on prenne timètres de terre nouvelle.
de les retourner fréquemment, l'inégale repar-
ution de la lumière les Tait toujours pousser |{. — Anvsagei.
plus d'un côte que de l'autre; pour peu qu'on
néglige de les déplacer, ils deviennent sem- Le camélia doué d'un feuillage abondant et

blables à ces bouquets placés sur les autels, persistant, perd beaucoup parla transpiration;

qui. devant être vus seulement par-devant, sont la terre nourrit doit donc êlre lenue tons
qui le

totalement dégarnis par-derrière. C'est ce qui laminent humide par des arrosages bien ména-
n'arrive jamais dans une serre «à deux versants; gés, car s'ils étaient trop abondants, les rari-

la lumière plus également distribuée permet nu


nes, ne pouvant absorber à mesure la quantité

camélia d'y prendre naturellement la forme d'un d'eau avec laquelle elles se trouveraient en con-
arbuste gracieux où les branches, le feuillage tact, ne tarderaient pas à pourrir. Il importe

et les fleurs sont repartis avec la plus élégante beaucoup de ne point laisser passer pluflrtirs
symétrie. jours de suite sans arroser les camélias; foi e
de cetie précaution, il arrive assez souvent
I) — Rempotage. qu'un camélia meurt de sécheresse, bien qu'on
On peut rempoter en toute saison lorsqu'il lui donne de l'eau tous les jours? c'est qu'il

s'agit seulement de donner un pot plus grand à avait éie précédemment pris par la sécheresse.

un camélia qui se trouve à l'étroit ; ce besoin La terre de bruyère en se desséchant devient


de l'arbuste est indiqué par plusieurs symptô- une véritable pierre où les racines <!u camélia

mes évidents: les pousses nouvelles jaunissent, sont comme incrustées; en cet état, elle devient

les boutons à fleurs se dessèchent et tombent, Imperméable, à l'eau; arrosez la tant que vous
les racines sortent par le trou inférieur du pot ; voudrez, l'eau filtrera le long des parois du
alors, en quelque saison de l'année que ce soit, pot et s egouttera par le trou inférieur, sans que
il faut rempoter eu évitant d'offenser les ra- les racines s'en ressentent. Dès qu'on soup-
cines et en laissant à cet effet la motte aussi çonne un tel accident, il f.iut dépoter sans re-
entière que possible. Hors ce cas exceptionnel, lard, enlever soigneusement to >te la terre de>-
deux époques sont particulièrement convena- séchée, rafraîchir les racines, et leur donner la
bles pour rempoter les camélias. La première meilleure terre nouvelle dont on dispose. L'ar-
commence aussitôt que la floraison est termi- buste doil alors cire rabattu très court et placé
née, pour durer jusque vers la fin de mai: la sur une bonne couche tiède sous châssis, où il
seconde commence quand la sève devient sta- ne tarde pas à se refaire, car il est naturellement
liormaire; elle se prolonge jusque vers le lô .très robuste et capable de supporter beaucou;»
octobre; on ne peut les déterminer ni l'une ni d'accidents sans périr.
l'autre avec plus de précision; elles varient se- Un excès d'humidité endommage les ramé
lon la température, d'une année à l'autre. Les lias qu'une sécheresse ir«>p pro-
tout autant
camélias peuvent rester trois ans dans les mé longée; premier effet d'un arrosement mal
le

mes pots; ceux qu'on leur donne au ImuI de ménagé chute des boutons, accident
c'est la
ce temps doivent avoir en diamètre et en pro- irréparable qui détruit pour une année tout en
fondeur, quelques centimètres de plus que les tière les espérances de l'horticulteur. Les bou-
précédents. Mais, en suivant constamment celle tons du camélia adhèrent 1res peu à leur pé-
régression pendant toute l'existence des ar- doncule; il suffit, pour les faire tomber, que
E
ustesqui peuvent vivre fort longtemps, on ar- l'atmosphère de la serre soit un peu iropcliar
riverait à des dimensions colossales; heureu- gée de vapeurs humides, quand même la terre
sement cela n'est pas nécessaire; après 3 ou 4 des pois n'aurait pas reçu plus d'eau qu'il m
rempotages dans des pots toujours plus grands, lui en revient. La couleur des écailles do câlin
on peut revenir à d'autres de moindres dimen- peut faire présager cet accident; lorsqu'elles
sions sans nuire sensiblemen* aux camélias. On restent verdàlres, on peut juger que la floraison
détache alors entièrement la terre adhérente se fera régulièrement; si elles jaunissent, le
aux racines pour les mettre lout a fait à nu; bouton, ayant d'ailleurs les apparences de la
on en retranche une bonne partie, puis on leur santé, on peut craindre qu'il ne tombe avant (le
rend aussitôt, le plus rapidement possible, une fleurir; si elles sont noirâtres, il est à peu près
certain que le boulon ne fleurira pas Ces
in-
terre plus substantielle que celle qu'on vient de
leur reiirer; il ne faut pas oublier de réduire dications peuvent servir de n'gle aux acheteur!
les branches dans la même proportion. Par ce inexpérimentés et leur éviter de grands desap-
moyen, l'arbuste, sans cesser de se bien porter poinlements. On a proposé, comme un moyen

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TITRE V. FLOlUa i/U KF. 355

assuré, de prévenir la chute des boutons de Feu i morte»


tir* S kilogr
Fiimii r de mouton» «0
camélia et de les forcer à fleurir, de les mettre litre».
PonJrelie so
en contact prolongé avec des mèches de colon
Colombiiie so
plongeant dans l». vase rempli dVau; ces mè- Vin 3
ches, en vertu île la capillarité, versent sur les Eo 1,300
boulons un arrosage très lenl, mais eonsam-
meni entretenu. C'esl un procédé pratiqué fré- Ce mélange bien brassé est abandonné à lui-
quemment ci avec succès pour arroser reri aines même à l'air libre pendant 40 à 50 jours au ,

marcoltes suspendues (|ui ne reprendraient j


bout desquels il forme un bouillon très nourris-
point auiremrni. Ilesi possible qu'il prévienne, sant, qu'en raison de sa nalure trop subsiant ielle
clans quelques ciiconsianees particulières, la et trop excitante il faut administrer aux camé-
chu e des boulons du camélia; il esl impratica- liasavec de grandes précautions. Les arbustes
ble sur une grande échelle; nous ne l'indiquons bien portants ne doivent jamais le recevoir dans
que comme pouvant parfois rendre service. l'intérieurde la serre, mais seulement pendant
Ajoutons que, ans une serre bien gouvernée,
< letemps qu'ilsdoivent passer en plein air. épo-
il est rate qu'on ail lu-soin de chercher un re- que où, perdant beaucoup plus qu en tout autre
mède contre un mal qui, le plus souvent, n'est temps pnr la transpiration, un aliment répara-
causé que par une culture négligée. teur leur est salutaire.
L'eau dont on arrose les camélias ne doit Indépendamment des arrosages qu'on vient
être ni trop froide ni irop pure, pourvu qu'elle d'indiquer, il faut bassiner fréquemment le
ne soil point seleniteuse. Une eau de mare un feuillage des camélias avec de l'eau pure au .

peu trouble est la meilleure de toutes; mais il moyen d'un arrosoir à boule percée de trous
ne faut l'employer que quand elle a été assez très lins. On
doit éviter de lasser trop forte-
longtemps exposée au soleil ou chaufTée artifi- ment la terre des pots en versant dessus sans
ciellement, de manière à se trouver à la même précaution l'eau des arrosages ; elle doitêtre ré-
tempérulure que la lerredes pois; celle condi- pandue de près et très doucement.
tion esl ires importante pour la santé des ar-
bustes. Le moyen le plus simple et le plus sûr
F. — Soins généraux.
c'est d'avoir à cet elfel dans l'intérieur de la La
terre des pots des camélias réclame de fre -
serre un réservoir proportionné à la quaniilé quents binages ; ils doivent éire donnés avec un
d'eau qu'exigent les arrosages de plusieurs instrument quelconque à dents obtuses , pour
jours; quand même celle eau éprouverait un ne point offenser les racines lorsqu'on néglige
;

commencement de corruplion, elle n'en vau- ce soin, il se forme à la surface de la terre une
drait que mieux. A part l'inconvénient de sa croûie verdàtre plus dure que le reste; celte
mauvaise odeur, l'eau croupie, loin de nuire croûte ne doit être conservée que pendant les
aux camélias, comme le croient quelques jardi plus forles chaleurs; alors loin d'être nuisible,
niers, leur esl lionne et salutaire; si elle est elle peut contribuer à conserver par-dessous
corrompue, c'est parce qu'il s'y est engendré une fraîcheur salutaire et s'opposer à l'endur-
une multitude d'animalcules microscopiques cissement complet de la motte. Aussitôt après
qui, n'ayant qu'une existence éphémère, s'y l'époque des grandes chaleurs, on a soin de la
Sont prompt curent décomposés. briser avec précaution par un bon binage, et de
En hiver, c'est-à-dire sous le climat de Pa- biner ensuite assez souvent pour qu'elle ne
ris, du 15 novembre au 1 er mars, l'eau ne doit puisse plus se former jusqu'à l'année suivante.
jamais être donnée le soir l'heure la plus favo-
; Si les camélias pouvaient toujours être élev és
rable est de 9 à 10, dans la matinée. Au prin- dans des conservatoires, ils n'auraient pas be-
temps et en automne, on arrose aussi le matin, soin d'être mis en plein air; on peut citer
une demi-heure ou une heure plus iùl qu'en hi- comme un modèle en ce genre celui de M. de
ver; en élé, il ne faut arroser que le soir, après Ilouveroy près de Lille (Nord; ; presque tous les
le coucher du soleil, afin que l'arbuste en profite camélias grands et moyens y sont en pleine
pendant la nuit et se trouve mieux prémuni terre ; les plus petits seulement vivent dans des
contre la chaleur du lendemain. Ces arrosages pois. La maçonnerie est pres-iue nulle; elle se
sont indispensables ; ils sont de fondation et ne réduit aux appuis indispensables pour la char-
doivent jamais êirc négligés. Les caméhas en pente qui supporte les châssis. Les montants
n '-clament quelqucfoisd'autrcs qui sont indiques sont dissimules par des plantes grimpantes
par l'état de leur végétation ou par celui de la qu'on rabat près de terre après leur floraison;
température extérieure. Quelque soin qu'on en pendant l'été les châssis, d'abord partiellement
prenne, il y a toujours quelques malades dans ouverts, sont enlevés tout-à fait les camélias ;

u. c collection un peu nombreuse de camélias; se trouvent ainsi tout à la fois en pleine terre
on peul aussi considérer comme malades, et et en plein air; l'effet désagréable des char-
traiieren conséquence, les arbustes qu'on vient pentes est masqué par des glycines de Chine,
de dépoter pour leur donner des pots plus petits des bignonias, des thunbergias et d'autres belles
que ceux ou ils vivaient précédemment, et re- plantes sarmenieuses ariistement conduites;
trancher une partie de leurs racines. Dans ce c'est un exemple qui peut être suivi en petit
cas au lieu d'eau simple, on emploie pour les
, comme en grand, et qu'on ne peut trop recom-
arroser la composition suivante : mander aux véritables amateurs.

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HORTICULTURE. LIVBE VIII.

La place que los camélias doivent occuper blanc d'Kspagne mêlé d'un peu de colle délayée
dans li' jardin doit toujours êire abritée, soit dans de l'eau suffit pour rendre opaques les
naturellement par un mur ou un massif de vitres par lesquelles le soleil pourrait arriver
grands arbres, soit spécialement, par un abri directement sur les camélias, lorsque l'on ne juge
permanent ou temporaire; les abris végétaux pas nécessaire de supprimer tout-à-fait la lu-
sont les plus agréantes et les meilleurs. Si les mière en abaissant les toiles et les paillassons.
camélias doivent revenir tous les ans à la môme
place, on peut planter pour leur servir d'abri
G. — Multiplication ; boutures

un rideau de cyprès ou de thuyas en pleine Les variétés de camélia qui reprennent le


terre; s'ils doivent être changés de place, on plus facilement de bouture donnent leurs tleurs
dispose dans des pots de manière à les protéger, plus promptement que lorsqu'on les propage par
des plantes grimpantes à croissance rapide la greffe c'est pour cette raison qu on emploie
;

qu'on met en place longtemps avant les camé- quelquefois ce procédé de multiplication, quoi-
lias, pour qu'ils trouvent leur abri tout préparé. que la greffe soit le moyen le plus usité. On choi-
L'aristoloche à larges feuilles et la cobéa sont sit pour boutures de jeunes pousses de l'année
les plantes les plus favorables pour ombrager qu'on dépouille de leurs feuilles seulement à la
les camélias. partie inférieure, en ayant soin de respecter cel-
1 époque la plus convenable pour sortir tes les du sommet. Ces boutures se font en terre de
camélias de la serre ne peut être précisée avec bruyère criblée au crible fin, à l'étouffée, suit
exactitude; elle est variable comme la tempé- sous cloche, soit simplement sous châssis,
rature de chaque année sous le climat de Paris. pourvu que le châssis soit bas et qu'il ferme
On se repent souvent de les avoir sortis trop exactement La terre, pour ces boutures, doit
tôt ci l'on n'a jamais à regretter de les avoir cire maintenue plutôt fraîche que trop mouil-
mis trop tard en plein air. Il faut que la tempé- lée; elles craignent le soleil et n'ont pas besoin
rature soit exlraordinaircment propice pour d'une température élevée.
au'on doive sortir les camélias avant le 15 mai.
ien n'est plus blâmable que la routine de cer-
tains jardiniers qui vident et remplissent leurs On a rarement recours à ce moyen pour
serres à jour et à heure fixes ; la rentrée des ca- multiplier directement les belles variétés de ca-
mélias ne doit pas être retardée passé le 15 oc- mélias qui viennent beaucoup mieux de greffe,
tobre; mais, pour peu que les pluies froides de mais on s'en sert habituellement pour se pro-
l'arrière- saison devancent leur époque ordi- curer un grand nombre de sujets destinés à être
naire, il ne faut pas balancer à rentrer les ca- greffés. Dans ce but, on établit, soit en plate-
mélias dès les premiers jours d'octobre , en bande dans la serre, soit dans une bâche sé-
choisissant un beau temps, afin que les feuilles parée à l'exposition de l'est ou du nord, des
soient rentrées parfaitement propres et sèches. pieds vigoureux de camélia rose simple, des-
La température ordinaire de la serre froide tinés à taire l'office de mères; on les rabat à
suffît aux camélias; quelques jardiniers croient quelques centimètres au-dessus du sol pour
devoir donner un peu plus de chaleur que de provoquer l'émission de rejetons nombreux
coutume aux camélias immédiatement après qui, parvenus à une longueur suffisante, re-
qu'ils viennent d'être rempotés; nous croyons prennent facilement par h.* procédé du mar-
que c'est une erreur; quelques degrés de cottage simple. Tandis qu'ils s'enracinent, la
chaleur de trop font en effet végéter rapi- souche mère pousse d'autres jets qui renou-
dement les camélias; mais leurs pousses allon- vellent chaque année la provision de marcottes
gées sont pâles et sans vigueur ; elles sont à Cendant un temps indéterminé toutefois, il est
;

moitié étiolées. L'époque de l'année où les ca- on de renouveler les mères quand on s'aper-
mélias exigent les soins les plus assidus s'étend çoit que leur vigueur commence à s'épuiser.
du commencement de mars au milieu de juin.
2. Griffé.
Leur végétation est alors en pleine activité, tout
leur avenir dépend des soins qu'ils reçoivent Il n'existe pas d'arbre ni d'arbuste connu
durant cette période de leur existence, ltien ne qui reçoive la greffe avec une facilité pareilles
leur est plus nuisible en général que l'action di- celle du camélia; il peut être greffé à tout âge,
recte des rayons solaires, du moment où ils à toute grosseur, et toujours avec un succès
sont devenus vifs et pénétrants, car en hiver, égal ; la greffe semble même réussir mieux en-
ils ne leur font que du bien. On les en préserve core sur les vieux sujets que sur les jeunes; il
au moyen de toiles ou de paillassons étendus en résulte un grand avantage pour l'amateur
sur les vitrages précaution surtout nécessaire
, de ce beau genre. Si son choix a vieilli par
quand on vient d arroser les feuilles des camé- suite du grand nombre de variétés nouvelles
lias; car si le soleil les frappe en ce moment, il provenant de semis qui sont tous les ans mises
se forme sur les feuilles des taches semblables en circulation, il n'a, pour remettre sa collec-
à des brûlures qui les font sécher et tomber. tion au courant de ce qu'il y a de plus nou-
Toutes les fois que le temps le permet, il est bon veau, qu'à couper la tête aux camélias passes
d'enlever quelques-uns des panneaux vitrés, de mode, et à les greffer en camélias plus mo-
surtout lorsquon approche du moment de dernes. On sait que ces derniers so maintien-
mettre les camélias en plein air. Un enduit de nent longtemps chers, tandis qu'on peut se

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TITRE V. FUiaiCULTUftE. Iô7

procurer à très peu de frais des greffes pour des centaines de fruits dont les graines sont
rajeunir toute une collection. fécondes; aussi est-ce par milliers que se comp-
Lorsque la culture du camélia était moins tent les échantillons de camélias dans ce beau

firatiquee et moins bien connue, on regardait pays, où il est sur le point de figurer parmi les
a greffe du camélia comme une opération dif- arbres de pleine terre complètement natura-
ficile etd'un succès incertain ; on avait recours lisés. En France, en Belgique, en Angleterre,

à divers procédés spéciaux ; on sait aujourd'hui en Allemagne, les seules espèces dont on puisse
que presque tous les moyens connus de grelfer raisonnablement espérer des graines fécondes
peuvent s'appliquer à cet arbuste, pour lequel sont celles qu'on a obtenues en Europe, et spé-
fa greffe Faucheux est la plus usitée. (Voir cialement clans chaque contrée où il s'agit de
Greffe. les faire fructifier. Sous le climat de Paris, les
)
meilleurs camélias à élever pour porte-graines
3. Stmit.
sont en ce moment (1843) les camélias pinck,
Ce moyen de multiplier les camélias devient antonia, pomponia, semi-plena, warrata, punc-
de jour en jour plus usité; des soins mieux di- tata simplex, dianthiflora, papaveracea et sta-
rigés permettent d'espérer des fruits d'espèces minea; mais parmi les nouvelles variétés hy-
longtemps considérées comme stériles sous brides, nul doute qu'il ne s'en trouve incessam-
notre climat. Il n'y a pas de camélias réelle- ment qui égalent ou surpassent les précédentes
ment stériles; non-seulement les variétés à en fécondité. A Gand (Belgique) de très beaux
fleurs simples et semi-doubles, mais même plu- fruits ont été obtenus en 1840 d'un camélia
sieurs variétés à fleurs doubles, sont suscep- carnea.
tibles de fructifier. Celles oui manquent d'éta- Les porte-graines doivent être choisis de
mincs, on peut les féconder artiliciellement, moyen âge et de moyenne taille, bien portants,
ou, pour nous servir du terme consacré, les mais sans excès de vigueur; la première chose
hybrider avec le pollen des espèces pourvues à faire c'est de leur choisir une place parfaite-
d'étamines. Un fait nouveau, récemment ob- ment isolée. Les camélias destinés à recevoir la
servé en Angleterre, peut rendre ces croise- fécondation hybride ont besoin, pendant celte
ments encore plus fréquents et nlus faciles. Un opération délicate, de beaucoup de lumière et
jardinier avait reçu d'un confrère du pollen de la plus parfaite tranquillité ; la moindre se-
d'un cactus cereus\ dont il se proposait de fé- cousse, le moindre ébranlement, peuvent rendre
conder les (leurs d'un épiphyllum; ces fleurs la fécondation impossible. On supprime d'a-
n'étant point encore épanouies, le pollen, plié vance les élamines qui peuvent exister dans la
dans un papier, fut conservé sec, d'abord dans fleur à féconder ; d'une autre part, on doit avoir
la poche du gilet du jardinier, puis sur le bord eu soin de hâter la végétation du camélia dont
d'une cheminée de cuisine. Au bout de quinze les fleurs doivent fournir le pollen, afin qu'elles
jours, i'épiphyllum fleurit, et la fécondation devancent les fleurs à féconder. L'expérience
put être tentée; elle réussit beaucoup mieux prouve que, bien que les étamines de ces der-
que si eût été faite selon la méthode ordi-
elle nières fleurs aient été enlevées, la fécondation
naire, avec le pollen récent. La même expé- n'est parfaite qu'autant qu'elle peut avoir lieu
riençe fut répétée avec le même succès entre î avant l'époque où ces étamines auraient rcmpl
Il AMSfl I i\ln*AA n n r% a a •
a nar*»» a as a. «
É a a a a » a a » *t n
leurs fonctions si on les avait conservées.
«. k • rt
les fleurs de deux rosages placés à environ
' . k . < i. t I i~\ j -v I ~» a at. a >

45 kilom. l'un de l'autre. Cette propriété du C'est le matin, vers l'heure du lever du soleil,
pollen est-elle particulière aux cactus et aux que le pollen doit être répandu sur les fleurs de
rosages, genres bien éloignés l'un de l'autre? camélia. Les uns prennent les fleurs mâles bien
Se retrouverait-elle dans le pollen du camélia? épanouies et les secouent sur les fleurs à fécon-
Combien de temps le pollen ainsi conservé der; les autres regardent comme plus sûr d'ap-
peut-il garder sa faculté fécondante? Toutes pliquer directement sur les stigmates le pollen
ces questions, faciles à résoudre par une série au moyen d'un pinceau fin. L'un et l'autre pro-
d'essais des plus simples, offrent un grand in- cédé peuvent également réussir; ils doivent être
térêt. Si le camélia peut être ainsi fécondé, répétés plusieurs jours de suite, toujours à la
voilà la porte ouverte à toute une série d'hy- même heure. Tant que dure la fécondation, on
bridations nouvelles, dont on peut espérer un s'abstient de mouiller le feuillage des camélias.
nombre indéfini de nouvelles variétés. Obtenir L'hybridation réussit mal d'une fleur simple
des camélias nouveaux, tel est le but de tous sur une autre fleur simple; elle réussit bien
les semis; si ce but est rarement atteint, si d'une fleur semi-double ou double, par le pollen
sur mille sujets un seul à peine est jugé digne d'une fleur simple. Après la fécondation, il est
de s'inscrire au catalogue des nouveautés, les bon de retrancher en partie, ou même en tota-
999 autres sont, ou des reproductions d'espèces lité, les boutons à bois do camélia porte-graines,

connues et méritantes, ou d'excellents sujets afin que sa sève ne soit pas détournée au préju-

f>our recevoir la greffe. Aussi


l'émulation pour dice des fruits.
es semis est-elle générale parmi les amateurs Le fruit du camélia est un drupe enamu à
de camélias. 3 lobes ; il atteint ordinairement le volume d'une
Dans le midi de l'Europe, beaucoup de ca- noix, et quelquefois celui d'une pomme d'api.
mélias sont fertiles; à Milan, à Florence, à Sa couleur verte, qui tire d'abord sur le rouge,
Naples, on les voit courber leurs branches sous oasse au brun à l'époque de la maturité àe§

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358 HORTICULTURE. UVM VIII.

{(raines. Il ne faut pas attendre, pour récolter tion pendant l'hiver sous notre climat, ra^ae
es fruits du camélia (fig SOI), qu'ils tombent tère qui n'est en elles qu'un accident ; ainsi
sans aller plus loin vers le sud que notre fron-
tière méridionale, sur tout le littoral français
de la Méditerranée, l'oranger, le citronmer,
l'arbousier, végètent tout l'hiver et le grena-
dier ne perd pas ses feuilles. L'orangerie n'est
à proprement parler qu'un abri pour l'hiver-
nage d'un certain nombre de végétaux, ce qoe
les Anglais expriment par le mot conserta-
tory; les végétaux ne peuvent en effet que se
conserver dans l'orangerie; ils ne peuvent
y
grandir, ils ne peuvent pas davantage s y multi-
plier; des que leur végétation reprend so*neours
au retour de la belle saison, ils ont bâte de sor-
tir de l'orangerie, ils ont soiTde l'air extérieur.
A dépense égale, la serre offre tant d'avan-
tages évidents sur l'orangerie , qu'on a lieu de
s'eionner qu'on n'ait pas encore renoncé à
construire des orangeries. Il y a pour cela une
raison, une seule, mais elle est d'un grand
d'eux-mêmes; dès que l'enveloppe charnue for- poids aux yeux de l'amateur riche de l'horti-
mant le drupe commence à se fendre, la graine culture. Toutes les serres ont pour but princi-
^est mûre; il faut la recueillir aussitôt, la faire
pal la vie et la santé des plantes exotiques qui
sécher à l'ombre, et la semer sans perdre
doivent y végéter; leur construction est su-
de temps; c'est une petite amande dès hui-
bordonnée à cet objet essentiel ; pour remplir
leuse, sujette à rancir promplement et à perdre
Cette condition, elle est assujettie à des prin-
par là sa faculté germinative. On sème en terre
cipes, à des règles fixes dont on ne peut s'e-
de bruyère mêlée a\ec de bon terreau. Le
carter (roir Serres, page 38 et suivantes). L'ar-
jeune plant n'est ni délirât, ni difficile à élever;
chitecte chargé de bùlir une serre est furi em-
il faut lui maintenir le pied plutôt frais que trop
barrassé entre le propriétaire qui veut une
humide, et le préserver soigneusement des construction élégante en harmonie ivec l'ha-
coups de soleil pendant son premier été. bitation et les jardins qui en dépendent et le ,

Nous avons emprunté une grande partie des jardinier qui s'oppo>eavec raison à tout ce qui
notions qui précèdent à l'excellent traité de
pourrait diminuer le bien-être de ses plantes.
M. l'abbe lierlèse.
S'a^it-il au contraire de construire une oran-
Section VI — Plantes d'orangerie et de terre». gerie, l'architecte a ses coudées franches: il y
peut ajuster tout autant d'ornements d'architec-
Le goût des personnes aisées pour les plnntes ture qu'on lui en demande, sans que le jardi-
exotiques, dont la cohure exige l'orangerie ou nier ail à se plaindre telle est la raison qui
:

en progrès en France; de là la
les serres, e>t peut seule expliquer pourquoi il y a encore des
grande extension qu'a prise depuis peu d'années propriétaires qui font construire des orangeries.
lecommerce de ces niantes dont plusieurs séries Toutefois, l'exemple des horticulteurs de pro-
importantes sont devenues des collections*; fession qui ont renonce aux orangerie depuis
telles sont en particulier les cactées et les or- longtemps doit finir par prévaloir, par ce seul
chidées plantes entièrement dilférenles du
,
motif que les plantes d'orangerie passent par-
règne végétal , et qui n'ont jamais été en plus faitement l'hiver dans la serre froide ou tempé-
grande faveur que de nos jours. rée, tandis que les plantes de serre végètent
Conformément à la marche que nous avons mal dans l'orangerie.
suivie pour lesautres parties de la floricnlture, Le service intérieur d'une orangerie exige
nous donnerons séparément la culture des deux sentiers ou passages, l'un près du mur du
plantes de collection qui appartiennent à l'o- fond, l'autre sur le devant On s'abstient ordi-
rangerie et aux serres ; nous indiquerons en nairement de placer aucune plante en contact
suite la culture générale des plantes de toute immédiat avec le mur du fond de l'orangerie,
espèce qui peuplent habituellement les divers 3 ni conserve toujours plus ou moins d'humi-
genres de serres. ité, à moins qu'on n'y ail pourvu au moyen

$ I
er . — Culture de* piaules d'orangerie.
d'un enduit tiydrofuge. Les Anglais ont à cet
égar.) une excellente coutume le bût imenl dont
;

Ces plantes, dans l'ordre naturel de leur im- le devant sert d'orang. rie est double; le mur

portaoce pour l'ornement des jardins, viennent du fond supporte une seconde construction en
immédiatement après celles dont nous venons a peatis; ce n'esi souvent qu'un simple han-
de passer en re\uela culture; elles appartien gar, mais c'en est assez pour préserver de
nent à des familles et à des genres très éloignés toute humidité le mur du fond de l'orangerie.
les uns des autres ; elles ont pour caractère Le premier rang au fond de l'orangerie, à II
commun le sommeil complet de leur végéta- place la plus obscure et la plus éloignée de<

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TITRE V. FLOïUCULTtmt. 359

jottrs. est toujours réservé aux végétaux qui . rendent de grands services dans le midi en ,

perdent leurs feuilles pendant l'hiver, et n'ont prévenant les éboulemenls sur le bord des eaux
par conséquent pas hesoin de lumière durant torrentueuses.
cetie saison. Les autres se placent par rang de Les nériums de collection se divisent en deux
taille, lesplus grands en arrière et les plus pe- séries, reconnaissables à un caractère très pro-
tits sur le devant. Les plantes herbacées oc- noncé; les nériums d'Europe , formanl la pre-
cupent, sur deux rangs de gradins, loule la mière série, ont l'entrée du tube de leur co-
partie antérieure de l'orangerie, le plus près rolle garni d'un cercle de filaments fort courts ;
|M)ssib!e des vitrages. les neriums de l'Inde, formant la seconde série,
La direction des plantes d'orangerie n'exige ont à la même place une frange de longs lila-
qu'un peu d'à tient ion ; tant qu'il e gèle pas, les
i menis. Les nériums de l'Inde sont odorants;
plantes qui conservent Jeurs feuilles ont hesoin les neriums d'Europe sont à peu près inodores.
de beaucoup d'air; dès qu'il gèle, il faut s'abs- Les collections de nériums sont peu répan-
tenir d arroser hors le cas de nécessité absolue. dues dans le ni rd de la France; elles se re-
Celle nécessité n'existe réellement que quand la commandent par la variété des couleurs et la
terre des caisses et des pots est desséchée jus- longue durée de la floraison, qui se prolonge
qu'au fond, ce dont on peut toujours s'assurer pendant 3 ou 4 mois, sans le secours de la cul-
au moyen d'une sonde. Quand le froid se fait ture forcée
sentir, on ferme les châssis et les volets inté Les nériums se multiplient de boutures, qui
rieurs, si les fenêtres en sont munies, et l'on reprennent avec une grande facilité, et de se-
étend par-dessus des paillassons simples ou mis rails au printemps en terrine ou sur cou-
doubles; on n'a recours au poêle qt:e quand le che sourde, mais toujours dans la terre à oran-
thermomètre descend au dessous de zéro, en- ger, la plus favorable de toutes a la végétation
core ne faut-il chauffer qu'avec les plus grands des nériums (roir Composts, pag. 14). Les bou-
ménagements. A mesure que le temps devient tures faites avec des jeunes pousses s'enra-
dus doux, on laisse les fenêtres ouvertes plus cinent aisément à l'air libre, dans une position
r
ongtemps, et l'on finit par les ouvrir même la ombragée pourvu que l'eau ne leur manque
,

nuit avant Pépoque où les plantes d'orangerie pas; les l>outures de nériums de l'Inde ont be-
peuvent supporter le plein air, afin de les y soin, pour s'enraciner, de la protection d'un
habituer par degré. châssis vitré.
La simple substitution d'un toit en vitrage La graine des nériums doit être récollée un
au toit en tuiles ou en ardoises de l'orangerie, peu avant sa complète maturité et conservée
ajoute beaucoup à son utilité, sans en diminuer dans les capsules où elle achève de mûrir. Ces
sensiblement l'effet architectural. L'orangerie capsules très allongées, sont formées de 4 val-
à loil vil ré rentre tout-à-fait dans les condi- ves qui s'ouvrent latéralement , comme celles
tions du genr- de serres, nommées par les An- de l'cpilobe ; les graines sont munies d'aigrettes
glais , cuit ter ralory ou grem-kouse (maison soveuses le vent les disperserait au loin si l'on
-,

verte, habitation des végétaux toujours verts). n'apportait la plus grande attention à les re-
Les camélias , les pétargoniums et les calcéo- cueillir au moment opportun.
laires y trouvent assez de lumière pour s'y con- Les semis ont déjà fait obtenir dans les deux
server jusqu'à l'époque où ils peuvent êirc pla- séries d'Europe et de l'Inde un grand nombre
cés à i'air libre. Lorsqu'on juge à propos de de variétés hybrides ; leurs couleurs varient du
conserver a l'orangerie son loil en ardoises ou ronge vif au blanc pur, avec toutes les nuancs
en luiles on ne peut du moins se dispenser
, intermédiaires de rose; elles offrent en outre
d'isoler eniièremenl ce toit du reste de la cous de fort beaux tons jaunes, cuivrés et couleur de
traction au moyen d'un plancher; les plantes Teu. Le plant se repique très jeune dans des
renfermées l'hiver dans l'orangerie ont alors pots assez profonds pour que ses racines puis-
an -dessus d'elles un grenier qui rend l'intérieur sent s'y développer librement.
du bâtiment beaucoup plus sain et moins aisé- Les neriums veulent beaucoup d'eau pen-
ment penetrable au froid extérieur. dant tout le temps où ils sont en végétation;
mais en hiver, quand leur végétation est inter-
A — Nérùtmê, l tuners-roses.
rompue , il ne leur faut qu'un ou deux arrosa-
Parmi les arbustes d'orangerie nous devons ges irès modères pour les empêcher de le des-
une mention particulière aux lauriers - roses sécher complètement. On recommence à les
Înérium), élevés depuis quelques années par arroser peu à peu avant de les metlrc en pleim
es amateurs au rang d'arbusles de collection. air , à mesure qu'ils montrent des dispositions!
Les nerioms tirent leur nom d'un mol grec qui à recommencer à pousser ; du reste , on les
signifie humidité, parce qu'ils se plaisent dans traite absolument comme les autres arbustes
les lieux humides et marécageux; ils sont in- d'orangerie.
digènes dans tout le midi de Europe, à partir I Depuis une vingtaine d'années on a beau-
du midi de la France; on les retrouve le long coup multiplié les nériums rose et carné, à fleur
des rivières et des torrents dans toute l'Asie double ces arbustes, très recherchés du peuple
-,

orientale. Les longues racines du nérium-oléan -


de Paris, ont l'avantage de résister longtemps
der, laurier- rose ordinaire racines souvent
, à la privation d'air, pourvu qu'ils ne manquent
aussi volomineuscv que !«• buisson extérieur. pas d'eau, et de fleurir bien ou mal tous les ans.

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860 HOKTICI LTURE. livre vin.

soit dans la chambre soil sur an balcon, même


, faveur des caisses de petites dimensions; ils
privé de soleil ; aussi s'en vend-il sur les mar- ont raison, sans doute, quant aux orangers qui
chés de Paris des quanlilés prodigieuses. Parmi doivent être contenus dans de certaines limites,
les plus belles variétés des nériums de l'Inde, à plus forte raison pour les arbres nains; mais
on remarque le nérium odorum à odeur de vio- . s'il s'agit d'orangers de première grandeur, une
m
lette, le splendens, dont on a obtenu une sous* caisse de l ,30 en tous sens, n'est pas trop
variété panachée de jaune, et le nérium-Ragoo- grande pour un orançer de 2 m ,50 à 3 mètres
•not, dont les fleurs serai-doubles et panachées de hauteur ; ceux d une grandeur un peu
de rouge et de blanc sont d'une rare beauté. moindre veulent des caisses de dimensions re-
Les collections de nériums , déjà fort nom- lativement semblables; c'est la proportion
breuses , le deviennent de plus en plus par les qu'on observe dans les grandes orangeries de
acquisitions nouvelles que les semis procurent Paris et de Versailles ; elle a pour elle la sanc-
chaque année ; l'une des plus belles et des plus tion d'une longue expérience; il suffît de rap-
complètes qui existent, est celle de la résidence peler le fameux oranger connu sous le nom de
royale de Neuilly. connétable, encore plein de vigueur et de santé;
B. — Orangers et citronnier*.
il est toujours le plus beau de l'orangerie de

Versailles, qu'il habite depuis 159 ans ; il date,


Ainsi que nous avons eu précédemment oc- avec certitude, du commencement du quinzième
casion de le faire observer, le règne des orangers siècle. Cet oranger, obtenu de pépins vers 1405,
est passé , ils ne sont plus qu'un accessoire dans à Pampelune, en Navarre, puis envoyé en
la culture des végétaux d'orangerie ; on leur France sous le règne de François 1 er , offre tout
préfère avec raison une réunion d'arbustes l'intérêt d'un monument historique il passe ;

dont les fleurs et le feuillage offrent plus de


Bour avoir été compris dans la confiscation des
variété en n'exigeant pas plus de soins et de iens du connétable de Bourbon.
dépenses. Néanmoins , dans les grands jardins Les jeunes orangers doivent être dépotés
publics les grands orangers , vénérables par
,
tous les ans et rempotés aussitôt après qu'on
,
leur haute antiquité et les souvenirs qui s'y rat- a visité et rafraîchi leurs racines, si l'on y re-
tachent, sont encore, avec juste raison , chers marque quelques parties endommagées ou ma-
aux amis de l'horticulture beaucoup de châ-
;
lades. A mesure qu'ils vieillissent on leur donne
teaux conservent et entretiennent leurs garni- des caisses au lieu de pots puis des caisses de
;
tures de vieux orangers, qui paient si large- plus en plus grandes qu'on change d'abord
,
ment, par l'odeur délicieuse de leurs fleurs, les tous les deux ans, ensuite, au bout de 6 ou
soins qu'on leur accorde. ans seulement. On donne aux grands orangers
Quant aux orangers nains, sans rivaux parmi des caisses dont les panneaux s'enlèvent séparé-
les arbustes de leur taille pour la facilité de
ment, ce qui permet de visiter facilement leurs
leur culture et des avantages qu'ils réunissent,
racines pour s'assurer si elles sont en bon état
,
ils seront toujours à la mode.
(voir fïg. 1 38). L'époque la plus favorable pour
On cultive douze espèces distinctes d'oran- rempoter ou rencaisser les orangers de tout
Scrs, dont les variétés sont au nombre de plus âge et de toute espèce, est le commencement
c 100, et pourraient encore s'augmenter si l'on
du mois de mars. (Pour la terre à orangers, voir
s'occupait davantage de leurs croisements ;
composts, pag. 14.)
mais peu d'amateurs s'adonnent à ce genre de En général, dit M. Poiteau, on fait aujour-
culture , d'autres genres sont en possession de
d'hui toutes les terres plus légères qu'autre-
la faveur du public.
fois, et l'on a raison ; on est obligé d'arroser
t. Multiplitalion. plus souvent, mais les plantes poussent mieux ;

Nous avons indiqué procédés de multi-


les
leurs racines sont moins grosses et plus nom-
plication en usage dans les pépinières du midi breuses.
pour se procurer du plant d'oranger (voir p. 3. mu».
85). Les jardiniers - fleuristes de Paris sèment
dans ce but des pépins de citrons, qu'il est La taille de l'oranger en pleine terre se borne
aisé de se procurer à bas prix et en grande à un élagage modéré tous les deux ou trois ans
quantité. Ces pépins, semés sur couche chaude, et à la suppression des branches gourmandes
lèvent promptement et donnent au bout d'un qui détourneraient la sève aux dépens du reste
an ou deux , quelquefois au bout de 8 ou 10 de l'arbre ;• cette taille a pour but la produc-
mois, des sujets propres à recevoir la greffe de tion du fruit ; elle sort du domaine de l'horti-
toutes les variétés d'oranger. On laisse prendre culture. La taille de l'oranger chez les jardi-
aux sujets de citronnier plus ou moins de force niers-fleuristes a pour objet unique la produc-
et d'élévation , selon la nature des oranges tion des fleurs pour la vente, sans se mettre en
qu'on se propose de greffer dessus ; les oran- {>eine de la régularité de la forme ; elle provoque

gers nains , principalement les charmants pe- a formation du plus grand nombre possible de
tits orangers de la Chine, se greffent à ou O^O branches à fruit qu'on se contente d'arrêter par
,n
0 ,30 de terre. le pincement lorsqu'elles menacent de s'empor-
ter. Ce n'est que dans les orangeries des jardins
2. Rempotas» M rtntaistmtat.
publics ou dans celles des propriétaires assez
Les jardiniers ont en général un préjugé en riches pour ne pas tenir compte du profit, que
la

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TITRE V. ' 1 LORla LTUllE. 361

Uillede l'oranger csl dirigée vers son véritable un al>ondant pour que l'eau ressorte p.ir
assez.

bat, la santé des arbre*, leur durée et la régu- le fond de la caisse. Mais on ne peut poser de

larité de leurs formes; l'oranger s'y prête d'ail- règle fixe à ce sujet, pas plus que pour l'époque
leurs admirablement, il n'y a qu'à seconder la à laquelle il convient de sortir et de rentrer 1rs
nature sans la contraindre, tant cet arbre a de orangers; tout dépend de la température tou-
dispositions à répartir également sa sève dans jours très variable d'une année a l'autre sous
des branches également espacées. Lorsque les le climat de Paris. Pour éviter de rendre par le

orangers sont tout formés, on leur donne tous tassement la terre des caisses d'orangers trop •
les ans une taille d'entretien qui se borne au compacte, circonstance qui leur est très nui-
retranchement des branches mortes ou malades, sible, on en recouvre la surface avecune couche
et de celles qui font confusion ; cette taille se épaisse de crottin de cheval 5 l'eau passant à
donne en plein air, au mois de septembre ; travers cette couche, s'infiltre sans comprimer
tous les 4 ou 5 ans on les taille à fond, en sup- la terre, et entraîne en outre avec elle, au pro-
primant tout autour des têtes les branches qui fit des racines de l'arbre, les parties solubles du

tendent à faire dépasser aux arbres le volume fumier. Lorsque le temps reste longtemps sec,
u'ils doivent avoir, volume proport ionné à celui il est bon de donner aux têtes des orangers de

3 es racines, telles que les comporte la quantité fréquentes ondées factices, pour rafraîchir leur
de terre contenue dans les caisses. Au printemps feuillage, indépendamment des arrosages don-
suivant, la tête des orangers taillés à fond se re- nés à la tcire des caisses.
fait très promptement, surtout quand on a soin Le collet des racines de l'oranger ne doit pas
de pincer, pour les faire ramifier, les branches être recouvert de terre; l'influence de l'air sur
qui, par leurs bifurcations, peuvent le plus fa- cette partie de l'arbre est favorable à sa bonne
cilement remplir les vides résultant de la taille. santé on a soin de la laisser à découvert en for-
;

Aucun arbre ne se rajeunit plus facilement mant tout autour un creux ou bassin circu-
que l'oranger lorsqu'on veut remplacer par du laire. Cette disposition offre encore un avantage
jeune bois des branches épuisées de vieillesse en ce qu'elle fait pénétrer plus sûrement l'eau
;

le rabattage provoque toujours l'émission d'un des arrosages au centre de la motte qui souvent,
nombre surabondant déjeunes pousses, parmi faute de cette précaution, peut se dessécher et
lesquelles on réserve les mieux placées pour se durcir au point de ne plus pouvoirêtre péné-
refaire la tête de l'arbre. On emploie le même trée par l'eau, au grand préjudice des orangers.
moyen pour rétablir des orangers souffrants, Les orangers réussissent très bien en espa-
parce qu'ils ont été mal gouvernés. Dans ce lier le long du mur de fond d'une serre à for-
eas, le siège du mal est presque toujours dans cer; dans celle situation, ils peuvent donner
les racines; on décaisse l'arbre malade: on des fruits à peu près mûrs, non seulement sous
détache toute la terre adhérente à ses racines, le climat de Paris, mais même sous le climat
dont on retranche toutes les parties attaquées, humide de In Hollande et sous le climat rigou-
en même temps que la tête est réduite par un reux du nord de l'Ecosse.
rabattage sévère sur ses principales branches En Angleterre, les orangers de différentes
;

puis l'oranger est remis dans la caisse avec de tailles sont souvent cultivés en pleine terre
nouvelle terre, et il s'y refait à vue d'œil. dans des serres construites exprès. Les plates-
Pour des orangers de dimensions moyennes bandçs de l'intérieur de ces serres sont garnies
qu'il s'agit de remettre en bon état, on peut, de primevères de Chine, de violettes perpé-
comme le conseille le Bon Jardinier, après les tuelles, et d'autres fleurs de petite taille mêlées
avoir traités comme on vient de le dire, les re- à un gazon qu'on a soin de tondre souvent
planter, non point dans de la terre à oranger, pour qu'il se maintienne toujours très court et
mais dans du terreau pur, à même la bâche d'un beau vert. La fig ô02 montre la coupe et
d'une serre tempérée; ils s'y refont beaucoup
Fig. 502.
plus vite; on les remet plus tard dans leurs
caisses, en ayant soin, au moment où on les
relirede la bâche, de leur laisser le plus de ter-
reau possible après les racines ; le reste de la
caisse est rempli avec de la terre à oranger.
4. Ditaiti *lt tullurr.

On sait qu'en général toutes les plantes d'o-


rangerie ne veulent presque point d'eau pen-
dant le repos de leur végétation; on n'arrose les
orangers dans l'orangerie que pour les mainte-
nir verts; à mesure que la température s'élève
« que le moment approche où les orangers
pourront être placés dehors, on arrose un peu
plus souvent et plus largement. Les orangers
ont surtout besoin de beaucoup d'eau pendant
qu'ils sont en Heurs; on dit communément que
sur trois arrosages, on doit en donner au moins

OHTirVtTURI. T. V - 40

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163 HORTICULTUHF. LIVRE VIII.

la fig. 503 le plan d'une serre de ce genre qui cultive en espalier sur le mur du fond d'une
serre à un seul versant , de même que l'o-
Fig. 50J.
ranger.

$ D. — Eric*».

Ce joli genre de plantes, que M. Poiteau a si

bien caractérisé en disant que les éricas sont


des arbres en miniature , est en cITct composé
de plantes à tiges ligneuses, même clic/. les plus
petites espèces. Leur nom est dérive d'un mot
grec qui signifie fragile, parce qu'en effet, leurs
tiges très peu succulentes, se cassent facile-
ment.
Les éricas ont été longtemps fort négligées de
riiorticulture qui ne s'ai lâchait point a turf
doit être vitrée de tous les côtés, et n'avoir de {
parti de leur effet ornemental; jusqu'à la fin du
a appui On voit dans
maçonnerie qu a hauteur d'appui. |
siècle dernier, on n'en connaissait que trois
la fi'/. 502 la disposition des conduits de cha ou quatre espèces de petite taille répandues
leur; ces conduits ne doivent donner en hiver dans toutes les contrées inculicsde l'ouest et du
qu'une température habituelle de 5 à 6 degrés, nord de l'Europe, et une seule espèce de grande
température qui, dans aucun cas.nedoiidepas- taille, la bruyère d'Espagne, qui s élève à *",50
ser 10 degrés. Une orangerie
orangen de celle espèce département du Var. Mais
sur les collines du dep
forme un charmant jardin d'hiver. depuis que le Cap de lionne- Espérance est
Les orangers nains, particulièrement les pe- j
tombé entre les mains des Anglais, les collée-
tits orangers de la Chine, dont la fleur esl pré- j
teurs des grands établissements d'horiieuhure
ferahle à toute autre pour la préparation de !
ont envoyé en Angleterre des graines des plus
l eau de fleur d'oranger, se placent entre les belles espèces indigènes dans cette partie de
grands orangers, près des jours; les orangers l'Afrique; dès lors, les éricas sont devenuesdes
de grande taille, livrés à leur végétation nalu- |
plantes de collection. Le goût de celte culture
relie, forment de gracieuses allées couvertes, !
a été tout aussitôt importe en France; on voyait
garnies de fleurs presqu'en lout lemps;on peut \
dejààParisen 1802 des collections de bruyères
même y récolter quelques fruits mangeables, i de plus de 200 espèces ou variétés.
La culture des citronniers, cédratiers, limel- J
Nous n'insisterons point sur les services que
tiers, et de toutes leurs variétés, se rapporte de j
celte jolie plante rend à l'humanité tians les
point en point à celle de l'oranger; tous ces contrées stériles; nous nous bornerons a rap-
arhres exigent la même terre, la même tempé- j
peler qu'elle forme à elle seule le coucher du
rature, la même taille, el les mêmes soins gé- |
montagnard écossaiset latoiiuredesa cabane;
ncraux de culture. Ils apportent une agréable i
les abeilles récoltent dans ses 11. urs un mi' un
I

variété dans les plantations d'orangersen pleine peubrun, mais très abondant ; les anciens Pirtes
terre sous l'abri d'une orangerie vitrée, selon la d'Ecosse fabriquaient une sorte de bière avec
méthode anglaise. 1
les jeunes pousses de la bruvère de leur pavs,
usage encore pratiqué de nos jours dans les iles
c. — BMnmben, Westerncs; enfin les grandes bruyères sont la
Les deux variétés de cet arbre, l'une à fleur base du chauffage dans la Basse Provence; le
d un rouge éclatant, l'autre d'un blanc jau- biscuit pour la. marine, à Toulon, n'est cuit
nuire, exigent les mêmes soins de culture que qu'avec des fagots ou fascines, dont la grande
les orangers; ils veulent seulement être taillés bruvère d'Espagne forme la base, associée au-
un peu différemment, parce qu'il est dans leur m v ries et aux arliousiers; ces fascines son-
nature de ne donner des fleurs que sur l'extré- nées ordinairement avec des branches flexibles
mité des pousses de l'année; le but de la taille de laurier rose.
est donc de provoquer sur toutes les parties du Le nom de M. Francis Masson, horticulteur
grenadier l'émission dejels annuels assez, forts anglais, se raliache à l'importation en Europe
pour fleurir, et assez nombreux pour qu'au des premières bruyères d'Afrique, que cet ex-
moment de la floraison, les fleurs soient égale plorateur zelc alla chercher lui-même aux en-
mrnt répart iessur toutesles branches de l'arbre. virons du cap de lionne Espérance vers le
- ,

Dans ce but. on supprime annuellement un cer- commencement du règne de Georges III. Beau-
tain nombre de branches secondairesépuisées; coup d'éricas sonl de magnifiques arbustes
elles sont remplacées par déjeunes pousses qui d'une grande richesse de floraison, et d'un luxe
fleurissent abondamment; cette taille se donne étonnant de végétation, lorsqu'on les cultive
en hiver, pendant le repos de la sè\e; l'epo ,ue en pleine lerre dans le conservatoire (voir page
In plus convenable esl la (in de février. Dans 4î); d'autres sont remarquables par leur pe-
l'-s années chaudes cl sèches, le grenadier à liiesse et la délicatesse de leurs formes; toutes
fleur simple donne des fruits à peu près mûrs sont jolies, gracieuses ou bizarres; plusieurs
sous le climat de Paris il en donne de tout-à-
; ont une odeur agréable.
fait mûrs et en grande quantité, lorsqu'on le L'horiiculmre française est dépassée par les

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TLORICULTURE. 363

Anglais et même
par les Belges et les Allemands Les jardiniers anglais ont coutume de recouvrir
pour Inculture des éricas. « Le climat, ou plu- d'une cloche et d'un châssis les pots où ils ont
tôt l'atmosphère trop sèche de la France, dit semé des graines de bruyère; on rend l'air peu
M. Poileau.nelcurest pas favorable; on a. jugé à peu au jeune plant à mesure qu'il se montre.
coin ennuie de renoncer à la culture des espèces Lorsque la graine n'est pas trop ancienne-
difliriles, et de s'en tenir à celles dont la con- ment récoltée, el e lève presque toute en 6 se-
servation est plus facile. » maines. Le plant d'éricas peut être exposé à l'air
Quel que soit notre respect pour le vénérable libre plusieurs heures de la journée, depuis le
doven de l'horticulture française, nous ne pou- commencement de l'éle jusqu'en septembre; il
vons être en ce point de son avis; nous pensons est alors bon à être repiqué. Les j««unes plantes
avec MM. Hcndcrson et Loddiges, juges très se repiquent une à une dans des pots d'un 1res
compétents en celle matière, que la culture des petit diamètre remplis de terrede bruv ère pure.
cneasde toute espèce, n'est pas plus difficile (pie On marcotte rarement les éricas. qui ne se
celle des géraniums; seulement, elle exi^e un prêtent que difficilement à ce procède de pro-
peu plus de soin et d'attention, et beauroupplus pagation; erieas-massnnii, rciorla, pelio-
les
de main-d'œuvre; c'est là le fond de la ques- ittla, sonl les" moins
difficiles à marcotter, en-
tion, le nœud de la ddlieulie. Les cricas n'étant core ne mettent-elles pas moins de deux ans à
point encore en France en assez garnie faveur s'enraciner
pour cire payées à un prix proportionne à la Les cricas peuvent f tre boulurées en tout
peine que donne leur culture, les hortieulteurs- temps; les An Jais, main es en celle matière, ne
marrhands ont négligées; les amateurs uni
les mettent les bout ures d'éricas en lerrequ'nu mois
suivi leur exemple, leur attention se trouvant de juin; en Allemagne on commence en février,
détournée vers d'autres genres plus à la mode ; pour finir au mois de mai. Les jeunes pousses
mais il ne s'ensmt pas du mut que les éricas qu'on emploi»' pour boutures doivent être cou-
soient plus difficiles à bien cultiver que les pées 1res net et horizontalement ; il e*l important
plantes que la mode leur préfère. Les cricas pour la reprise qu'elles ne soient ni comprimées
sont les seules d'entre les plantes exotique.* que ni deehin'es. La partie inférieure destinée a éire
les insectes n'atiaquenl jamais, ou presque ja- mise en terre doit être dépouillée de ses feuilles,
mais. qu'il ne faut point an acher, mais retrancher,
suit avec une lame de canif, soit avec des ci-
A. — Multiplication. seaux très fins. Les boutures d\ ricas se placent
La graine des div erses espèces d'éricas con- dans des pois rempli-, soit de terre de bruv ère
serve très longtemps sa Inculte germinalive; la sableuse, soit de sable pur; on enterre ces pois
nature semble avoir destine celte graine à être dans une couche tiède: ils sont ensuite recou-
la provision d'hiver des petits oiseaux chan- vert de cloches par dessus lesquelles on rabat
teurs, dont plusieurs n'ont souvent pas d'autre les châs-is, jusqu'à ce qu'on reconnaisse a ral-
ressource. Les capsules qui la re; ferment sont longement de la pousse terminale que les bou-
construites de manière à ne pas s'ouvrir natu- tures sonl enracinées. Les boutures d'éricas
rellement, et à résister fort longiempsaux chocs s'enracinent facilement mais le temps qu'elles
,

divers auxquelles elles sont exposées, tant leur mettent à former de jeunes racines est très
tissu est solide, quoique très mince; la graine variable. Les unes c'est le plus petit nombre,
,

de bruyère s'y conserve souvent d'une année sonl enracinées au bout de deux mois; les
à l'autre, et même plus longtemps. Quelques autres emploient à ce travail depuis trois mois
espèces seulement donnent en Europe des jusqu'à un an Lorsqu'on a mis les boutures en
graines fertiles; la graine des autres espèces terreau moisdejuin, on en a un certain nombre
s'obiient chez les marchands de graines qui In à repiquer à la lin de septembre; presque toutes
font recoller au cap de Bonne K.-pérance: elle
- les autres pourront être repiquées en mars l'an-
arrive ordinairement en Europe durant l'hiver; née suivante. Dès que ces boutures recom-
les semis ont plus de chances de suco s quand on mencent à grandir, signe assuré de leur re-
les remet aux premiers jours de mars. Les prise, il faul commencer à leur rendre l'air,
graines recollées en Europe se sèment aussitôt d'abord au milieu du jour, puis de plus en plus,
qu'elles ont atteint leur maturité, pourvu que à mesure que le moment appnx he où il faudra
leur maturité n'ait pas lieu plus tard que la lin les repiquer. Les boutures repiquées se traitent
d'octobre; autrement il vaudrait mieux les comme le plant obtenu de semis.
conserver dans leurs capsules jusqu'au prin-
temps suivant, pour les sèmera la même époque
B. — Débuts de culture.

Sue les graines envoyées d'Afrique. On sème La mieux a toule espèce


terre qui convient le
ans un mélange de terre de bruyère et de sable de bruyère, c'est sans contredit la terre de
fin siliceux, par parties égales, légèrement bruyère pure, pourvu qu'elle ne soit pas trop
tassé; les pois ne doivent pas être remplis jus- compacte, auquel cas il faudrait y ajouter,
qu'au bord. La graine veut être fort peu cou- comme le font les Anglais, une ceriaine dose
verte par un peu du même mélange qu'on ta- de sable. A défaut de lerre de bruyère on peut
mi«p par-dessus; on l'entretient constamment cultiver avec succès les éricas lans un mélange
h'imide par de fréquents bassinages donnés avec de terreau de feuilles passé au crible lin, el de
un arrosoir à boule percée de trous très fins sablf» siliceux par partie* égales. Le sable
.

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HORTICULTURE. LIVRE vin.

employé pour ces deux mélanges doit être En effet, partout où croissent les bruyères,
choisi parmi ceux qui ne contiennent pas de soiten Europe, soit en Afrique, c'est toujours
tract s d'oxyde de fer, car la plus petite quantité dans des contrées découvertes, exposées pres-
de cet oxyde peut faire aux ericas un lort très que toute Tannée aux venta les plus violents ;

scnsihle. La même lerre ne convient pas à comment pourraient-elles donc supporter la


touics les bruyères; il en est parmi celles du privation d'air ?
cap de Bonne-Espérance, qui croissent naturelle- Les éricas sont d'ailleurs bien moins sensi-
ment dans des crevasses de rochers presque bles au froid pense communément
qu'on ne le ;

dépourvues de terre on doit donner à ces es-


; des expériences faites en Angleterre ont prouve
pèces une terre plus sableuse, dans des pots que plusieurs d'entre elles entre autres l'érica-
,

plus petits que ceux qui conviennent aux autres persoluta, peuvent demeurer quelque temps
éricas en général, toutes les bruyères se con-
; dans de la terre gelée sans que leurs racinrs
,

tentent de pots assez petits, relativement au meurent pourvu qu'on ne les expose pas Im-
,

volume des plantes, Llles n'ont pas besoin, médiatement après à une température élevée
comme le pensent beaucoup d'horticulteurs en et qu'on ait soin de faire dégeler la terre peu à
France et en Allemagne , d'être fréquemment peu.
rempotées le rempotage n'est nécessaire que
; Il ne faut chauffer la serre aux éricas qu'en

quand les racines remplissent exactement toute cas de grand froid, quand les couvertures de
la capacité du pot. Voici ce que dit à cet égard paillassons et de litière sont jugées insuffisante*
M. Henderson, habile horticulteur écossais, pour empêcher la gelée d'y pénétrer; le point
qui a cultivé pendant 30 ans la plus belle col- important c'est d'en éloigner l'humidité et d'y
lection d'éricas qui fût en Europe. «Jamais je laisser pénétrer en abondance, en toute saison,
ne donne un nouveau pot à une érica,que celui l'air et la lumière. La/ùj. 504 représente l'cnea
qu'elle occupe ne soit complètement rempli par grandiflora, l'une des plus belles du genre.
ses racines; quand elles se comportent bien,
il v en a que je ne dérange pas pendant 3 et
meme4ans,etqui, loind'ensouffrir, fleurissent
parfaitement. J'ai des pieds d'erica-retorta,
dont les touffes très serrées , n'ont pas moins
,

U,
de 0"',50 de tour, sur 0 ,40 de hauteur ; ces
plantes sont dans des pots de d m ,15 de dia-
mètre; des pieds d'érica-infundihulilormis qui
ont 0"',80 de tour et 0"\90 de hauteur, et
d'autres d'cricn-pilosa qui n'ont pas moins de
2 mètres de tour, sur l ro ,80 de hauteur, vivent
et prospèrent dans des pots de 0 m ,25 de dia-
mètre je ne les dépote que tous les S ans ; ils
;

végètent avec vigueur et se couvrent de fleurs


depuis le collet de la racine jusqu'au sommet
des liges. «
Les éricas végètent plus ou moins en tout
temps; elles veulent donc être arrosées toute
l'année, en proportion de leurs besoins, très
fréquemment et toujours peu à la fois; il ne
faut jamais attendre que la terre soit tout à- Les espèces et variétés d'éricas sont très
faii sèche et que les plantes commencent à se nombreuses; elles se classent d'après plusieurs
flétrir. Quand ces accidents arrivent, ce qui caractères dont le plus saillant est la disposi-
doit toujours être attribué à la négligence du La première section comprend
tion des feuilles.
jardinier , il faut se hâter d'enterrer dans une les éricasà feuilles opposées ; la bruyère com
couche tiède recouverte d'un châssis les plan- mune fait partie de cette section, dont la plante
la plus remarquable est l'érica lutea ou
imb-el-
tes qui ont souffert de la sécheresse ; on peut
beau
aussi les porter dans la serre tempérée, et là les lis , à rameaux retombants, à fleurs d'un
arroser largement; elles ne tarderont point à jaune. Dans la seconde section, les feuilles sont
se refaire. Mais si la sécheresse a pris les ra- ternées, quelquefois quaternées ; l'érica -cine-
cines, et qu'elles soient sérieusement attaquées, rea, l'une des plus nombreuses du genre, Wl
ne
le mal est sans remède ; il ne faut pas attribuer partie de cette section. La troisième section
à une autre cause la mort fréquente des éricas comprend que des éricas à feuilles quaternées;
ap-
cultivées dans des appartemerils ou confiées à l'érica-arborea, la plus grande du genre,
sec-
des jardiniers peu soigneux. partient à cette section. Dans la quatrième
Les éricas ne sauraient avoir trop d'air et lion, les feuilles sont disposées par six ; 1
en*"
trop de lumière. « Pour moi, dit M. Henderson, formosa, dont les fleurs pourpres sont longues
sec-
je lève les vitrages de la serre aux éricas, même de 27 millimètres, est comprise dans cette
des
en hiver, tant qu'il ne gèle pas et que le temps tion ; elle nasse avec raison pour l'une
est clair; je laisse le vent souffler dessus tant plus belles bruyères connues.
leur»
qu'il lui plair, elles ne s'en portent que mieux, » Les éricas de la cinquième section ont

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rime v PLOMCULTURE.
feuilles ternées ;leur caractère distinctif est de fatigues et de périls pour conquérir de temps
tiré de la disposition des étamines dont les an- en temps une fleur inconnue ; c'est dire assez
thères sont dépourvues des poils qui les accom- à quels prix élevés reviennent les plantes ré-
pagnent dans les espèces précédentes , et ren- cemment introduites. Les cactées se prélent
fermées le plus souvent dans la corolle. On re très bien aux croisements hybrides auxquels
marque dans cette section l'érica-versicolor, on doil déjà un grand nombre de très belles
dont les fleurs sont ordinairement de deux cou- variétés dans les plus beaux genres de cette
leurs. famille.
Les détails dans lesquels nous sommes entrés Les cactées, cactus ou cac tiers, car les au-
sur la culture des éricas s'appliquent intégra- teurs les désignent sous ces différents noms,
lement aux épacris, jolies plantes de la Nou- ont reçu le nom de cactus ou cactos, d'un na-
velle-Zélande, aujourd'hui aussi répandues dans turalisée grec, Théophrasle, qui l'appliquait
nos serres que les éricas. Les épacris, indépen- spécialement au cactus-opuntia, dont le fruit
damment des semis et des houtures qui réussis- servait de son temps et sert encore aujourd'hui
sent très bien, se multiplient de marcotte avec de nourriture aux Siciliens, pendant une partie
beaucoup plus de promptitude et de facilité que de l'année. On a étendu plus tard celte déno-
les éricas, auxquelles elles ressemblent beau- mination aux plantes , où , comme chez les
coup; la fig. 505 représente l'épacrisgrandiflora ;
opuntias , la lige et les feuilles ne font qu'un ;
presque toutes sont armées d'épines, les unes
Fig. 505.
molles et inolïensives , les autres dures et pi-
quantes, disposées par faisceaux divergents; tel
est surtout le mélocacte, que Linné nommait
le hérisson des végétaux.
Le plus grand nombre des cactées habite le
nouveau continent, où on les rencontre depuis
le cours supérieur du Missouri, dans l'Amérique
septentrionale , jusqu'au pays des Patagons , à
l'extrémité de l'Amérique méridionale. Ces con-
trées immenses, encore imparfaitement connues
et très rarement par les naturalistes,
visitées
doivent contenir bien des cactées inconnues;
on pense que nous n'en connaissons pas encore
loui-à-fait la moitié, bien que les collections
contiennent environ 600 espèces, et plus de
100 variétés.
Les botanistes ne sont point d'accord sur la
classification des cactées , nous devons laisser
celle discussion aux botanistes; nous ferons
ses corolles tubulées rouges, terminées par un observer seulement qu'il doit nécessairement
limbe découpé, blanc, liseré de vert, ne le cèdent y avoir beaucoup de provisoire dans la classi-
en rien aux bruyères les plus remarquables; on fication régulière d'une famille de plantes dont
compte dix -hu il genre» distincts d'épacris, tous on connaît à peine la moitié; à quoi il faut
riches en espèces, sans les variétés dont les se- ajouter cette particularité, nue parmi les cac-
,

mis tendent à grossir le nombre. Les épacris tées cultivéesdans nos collections, il en est
comme les bruyères, semblent se plaire beau- beaucoup qui n'ont jamais fleuri, et dont par
coup entre elles; avec les mêmes soins de cul- conséquent les caractères botaniques les plus
ture dans des conditions parfaitement sembla- imporians n'ont pas pu encore êire exactement
bles d'ailleurs, les épacris ne prospèrent pus déterminés. Les principales tribus de la fa-
lorsqu'on les cultive en mélange avec d'autres mille des cactées sont :
plantes. 1° Melocactes. Ces plantes doivent leur nom

à leur ressemblance avec un melon à côtes ;


$ in. — Caclérs.
les fleurs naissent au sommet, sur une excrois-
Les plantes de la famille des cactées ne res- sance qui semble une plante greffée sur une
semblent à celles d'aucune autre famille végé- autre ;
tale; la singularité de leur aspect et la variété 2° Echinocactes. L'ensemble de leurs formes
de leurs formes bizarres justifient, autant que est sphérique, ainsi que celle des mélocactes ;
!» r»re beauté de leur floraison, la faveur tou- leurs arêtes très prono cées , sont hérissées
jours croissante dont elles sont l'objet. Celte d'epines, dispo>ées par faisceaux divergents;
faveur est portée en Angleterre à un degré in- 3° Mammillaires. Leur forme est arrondie ou
connu partout ailleurs ; plusieurs grandes mai- oblongue; elles sont couvertes de mamelons
sons d'h mu culture de ce pays font rechercher disposés en spirales, et dont chacun porte une
dans toutes les contrées encore inexplorées des touffe d'épines ou de poils soyeux ;
deux hémisphères les cactées nouvelles pour 4° Cierges (cactus proprement dits). Ils se
•es introduire dans
les serres d'Europe ; les col- disiinguent par l'aspect tout particulier de leurs
**cteur$ de cactées s'exposent à toute sorte tiges anguleuses, droites, souvent simples,

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HORTICULTURE. livre vm.

quelquefois rameuses, avec ou sans faisceaux ,


floros malheureusement ce cactus, cômm«
;

d'épines mais toujours sans feuilles distinctes


, presque tous ses congénères, fleurit pendani U
de la tige; nuit, ei ses fleurs ne restent ouvertes que ten-
&° Epiphylles. Les fleurs, comme le nom l'in- dant quelques heures seulement ; mais elles
dique, naissent sur les feuilles, c'est-à-dire sui- valent bini la peine qu'un veille pour les ad-
tes bords des liges aplaties, allongées et décou- mirer; elles n'ont pas moins deO' n .«JO de lon-
pées, qui, superposées les unes aux autres, font gueur y compris le calice; le diamètre de la
en même temps l'office de feuilles chez ces corolle , dont les pétales sont d un blanc pur,
plantes singulières; dépasse souvent O'Viô; elles eommeneetil à
6° Opuntias. I-a disposition générale de ces couvrir entre 7 et 8 heures du soir; vers 11
plantes est la même que celles des épiphylles: heures elles sont lout-à-faii épanouies; elles
mais elles s'en distinguent aisément par leur s alïaissent entre 3 et 4 heures du matin, et fiont
plus grande épaisseur et !a ressemblance de tout -à il flétries avant le jour. Le carius-
l i

chacune de leurs articulations avec une ra- grandiflorus fleurit en juillet; il a souvent jus-
quette; qu'à 7 ou 8 fleurs ouvertes à la lois, et quand
7° Pereskies. Ces plantes, par leurs liges la plantées! vigoureuse, ces fleurs se sueccdrnt
presque ligneuses et leu rs feui les trèsdtsti ncies,
I plusieurs nuits de suite. Elles répandent une
s'éloignent beaucoup de toutes les autres cac- odeur délicieuse, analogue à celle de la vauille.
tées, auxquelles elles ne se rattachent que par Depuis quelques années, rien n'est plus r nnv
des rapports peu saillants. mun que le cereus-speciosissimus dont la fleur
8° Rhipsalis. La différence de ces plantes rouge et pourpre n a pas d'égale dans cette
avec les autres cadees est aussi fort grande; famille quant à l'éclat des couleurs. Plusieurs
.

les rhipsalis vivent dans leur p«ys Datai aux epiphyllesen approchent beaucoup, san«louie-
dépens des grands végétaux , comme le gui fois égaler. Le cactus Il igcllifoi inis fleurit
I

dans nos forets. avee une excessive abondance an mois de «lai;


Le.» pereskies et les rhipsalis s' écartent essen- ses lie ns restent ouvertes pendant plusieurs
tiellement des autres raclées; elles exigent jours; sis liges arrondies et molles, couvertes
d'autres soins de culture, et semblent former de piquants mous et innflensifs ont besoin ,

l'anneau qui rattache la famille des cactées au d'être soutenues. Tous ces cactus cuninliuent
resle de la végétation. puissamment à l'ornement des jndins cl des
Les melocactes, dans leur pays natal, attei- serres, lant par la richesse de leur floraison
gnent quelquefois des dimensions énormes; on que pur le contraste de leurs formes avec celles
en voit souvent à la Jamaïque dont la masse n'a j
des autres végétaux,
pas moins de 0"\75 de hauteur sur 2 ou 3 met.
de eirconfereuee ; ces plantes ne parviennent A. — Miihiplicu'on.
jamais en Europe à la moitié de celle taille. Tons cactus se multiplient très aisément
les
Leur fruit d'un beau rouge, de la grosseur d'une
, de boutures; quelques-uns d'entre eux, surtout
prune de mirabelle, se mange en Amérique ; parmi les opuntias ont une disposition éton-
,

elles fructifient rarement en Europe Les chè- n une a émettre des racines et à s'attacher au
vres recher« lient les melocactes, quelles savent sol sur b quel on dépose, même sans l'enterrer,
très bien delaeher avec leurs cornes, des ro- le moindre de leurs fragment». Nous avons vu,
chers auxquels ils sont fixés par les racines ; dans le Var, des délira d'opuntias provenant
puis elles les roulent sous leurs pieds pour en de l'étalage de que'ques plantes en loiMinagefl
détacher les piquants qui ne tiennent pas beau- qu'on avait dû tailler pour les rétablir, s'ema-
coup et pouvoir manger le reste sans se bles-
. eimT sur les h »rds d'un l »rrcot , parmi de^
ser la bouche. cailloux mules après avoir été eni raines, pen-
Quelques cierges ou cactus, proprement dant plus «le 20 kilom. par une pluie d'orage,
.

dits, portent «les fruits mangeables dans leur et devenir en peu de temps des plantes vigou-
pays natal tels sont en particulier ceux du
; reuses; on n'avail pourtant retranche et jeté a
cactus Répandus. D'autres, tels que les opun- l'eau que des parties malades sur la reprise des-
tias . ont une grande importance économique : quelles on n'aurait certes |»as dû compter, si

on sait que la cochenille vient sur un opuntia; ellesavaient été plantées comme boutures.
les fruits d'une autre espèce d opuntia sont tel On emploie ordinairement pour boutures les
loi ne ni sucres qu'on en peut extraire du sucre extrémités des liges âgées d'u.i an extrémités ,

très pur en grande abondance ces deux es-


; que. dans quelques espèces, on retranche pour
pèces forment des clôtures à la lois fruitières forcer les pi mies a fleurir. 11 faut laisser Ut |»l>' e
et défensives, en Afrique, en Grèce et en Sicile; se cicatriser à l'air libre avunl de mettre I»
elles réussissent également bien en pleine terre bouture en terre; faute de cette précaution
à l'air libre, dans nos départements méridio elle pourrirait el ne donnerait pas de racines;
naux. ces boutures se font dans des pots, en lerre do
Les plus belles plantes d'ornement de la fa- bruvère. sous cloche ou sous châssis; pour les
mille des cactées appartiennent au genre ce- espèces délicates provenant des contrées rqua-
reus (eierg- s ou eaetus. proprement dit»). Le loriales, il est bon d'enterrer les pots dans une
règne véfrètal possède neu de productions aussi couche tiède pour faciliter leur reprise.
remarquables que la fleur du cereus- grandi- On multiplie de graines les espèces dont le

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r » i ut v. FLORlCl'LTUKE. 86"

fruit peut mûrir dans nos serres ; elles se prêtent aux c aciersne descend pas au-dessous de 10
très bien aux croisements qui ont déjà donné degrés, bien que beaucoup de cactées puissent
en Angleterre des variétés hy brides. Les cactus supporter une température beaucoup plus
sont au nombre des plantes dont le pollen, ou basse ;mais on pense que plusieurs cehino-
poussière fecoudanledesétamines. peut être con- cactes , mélocacies et mammillarias, souflri-
servé Ion g cm ps sec et cm pl o v é ensu t e a vee su c -
t i raient si le thermomètre de la serre descendait
ces à la te< ondation artificielle. Les semis se font au-dessous de 10 degrés. On regarde comme
en terre de bruyère aussitôt après la maturité
, très favorables à la santé des cactées pendant
d<«s graines qui* sont quelquefois très lentes à l'hiver, les émanations du sol; on a soin en con-
b%»r. Excepté l'espoir d'obtenir des variétés séquence de ne couvrir le sol de la serre d'au-
hybrides les amateurs de cactées n'ont d'ail-
, cun pavé ni plancher, et de poser seulement
leurs aucun motif pour les multiplier de graines sur les sentiers, soit des grillages plats, en fonte
qu'on pourrait obtenir de leur pays natal, le de fer, soit des cadres à jour en bois. Les serres
moindre fragment bouturé pouvant servir à les aux cactées doivent être parfaitement saines ;

propager. l'humidité est mortelle aux cactées pendant


l'hiver ; on les arrose rarement, depuis le mois
B. — Détails de euhune.
d'octobre jusqu'au printemps ; on ne les arrose
Les cactées dont se composent les collections fréquemment que quand elles sont en végéta-
d'amateurs sont originaires de climats si divers, tion. Il est quelquefois utile de les bassiner
elles végètent dans des conditions si variées pour dégager leur epiderme de la poussière qui
sous leur climat natal, qu'on est convaincu, s'y attache; cette opération doit être faite le
dès qu'on essaie de les cultiver et qu'on en matin d'une belle journée, afin que l'humidité
possède un certain nombre, de la nécessité de soit promptement séchée et ne séjourne pas sur
leur consacrer au moins deux serres , l'une les plantes ; on établit un courant d'air pour
chaude, l'autre froide ou tempérée, ou bien faciliter l'evaporation.
d'isoler par une cloison deux ou plusieurs par- Les cactées ne sortent de la serre qu'au mi-
ties de la même serre, dont chacune est main •
lieu de l'été, à l'époque des grandes chaleurs;
tenue à une température différente de celles des les plus délicates n'en sortent jamais ; les autres
deux autres. Les cactées, même celles des con- ne sont exposées à l'air libre que dans la situa-
trées équatoriales, qui vivent à une grande élé- tion la mieux abritée. Quelques jours avant de
vation sur les hautes montagnes, y endurent les sortir, on les habitue à l'air en les couvrant
souvent plus de froid qu'elles ne peuvent en d'une toile pour les préserver des coups de so-
«voir à souffrir durant les hivers du climat leil qu'on regarde comme nuisibles à plusieurs
tempéré de l'Europe centrale. La même obser- d'entre elles.
vation s'applique au sol qui leur convient ; les Les épiphylles et les rhipsalis qui, dans leur
ones \i\ent dans des terres fortes, argileuses, pays natal, ne vivent qu'à l'ombre des grands
»ur un sol riche et fertile, d'autres sur des ter- bois ou en parasites sur des arbres à feuillage
rains arides, entre des crevasses de rochers, où touffu, ont toujours besoin de protection contre
H existe à peine des traces de terre végétale; l'action directe des rayons solaires.
elles puisent toute leur nourriture dans l'at- On rempote les cactées au printemps, au
mosphère; quelques-unes se plaisent dans les moment de la reprise de leur végétation ; quand
terrains gypseux; d'autres enfin prospèrent au les racines sont attaquées de pourriture, on les
bord de l'océan, dans des terrains fortement retranche en entier, puis on pose la plante sans
Imprégnés de sel. Et pourtant, ces plantes cul- terre, sur une table dans un lieu sec; elle ne
livres dans la même terre, soumises à In même tarde pas à émettre de nouvelles racines. Dès
température, vivrai très longtemps et fleuris- que ces racines se montrent, on les met en terre
sant quelquefois; c'est que peu de plantes pos- et l'on commence à donner aux plantes rem-
sèleni une énergie de vitalité gale à celle i!es « potées des arrosages modérés.
caetees ; elles peuvent beaucoup soulfiïr sans Le traitement que nous venons de décrire
mourir: mais, comme nous l'avons déjà fait est celui auquel on soumet les cactées dans les
observer, ne pas mourir n'est pas vivre ; le but serres du Jardin du Roi, ou leur végétation est
oe l'horticulture doit être de faire vivre les très satisfaisante; en Angleterre, la eullurc des
{liantes, de leur faire développer tout le luxe de cactées est conduite d'après les mêmes erre-
eur végétation. ments; mais en Allemagne, on traite les cactées
En France et en Angleterre, on traite les d'une manière entièrement opposée, et il ne pa-
cactées comme plantes de serre chaude sèche. rait pas qu'elles s'en trouvent moins bien.
Les serres où l'on cultive les cactées sont cons- Dans un traité publié par les journaux d'hor-
truites àun seul versant, à l'exposition du plein ticuliure d'Allemagne, et reproduit en français
midi; l'on n'y construit point de bâches à l'in- par 1' II»rtirultrur unit er>el, M. le doetcur Al.
térieur; toutes les cactées
y sont dans des pots, Herg, de Berlin, expose son procède de culture
•or des tablettes ou des gradins qui et 1rs résultais (| u'il en obtient sous un ciel
remplissent
joute la serre. On
donne à toutes les cactées beaucoup plus rigoureux que le climat de
indifféremment, une terre composée d'un tiers Londres et de Pari-. Cet horticulteur po-e d'a-
de lerre franche et de deux
tiers de terre de hord en fait que iouie> les cactées, quel que soit
Bruyère. En hiver, la température de la serre leur climat natal ont forcement une

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368 H OR TIC ULrUHE. LIVRGVIH

de repos absolu, les unes par le froid, les autres lit de plâtras de 0 ra ,15 d'épaisseur, recouvert
par la sécheresse. Celles acs pays dans lesquels d'une égale épaisseur de bonne terre de jardin,
l'ordre des saisons est l'inverse de ce qu'il est sans autre cérémonie. Toutes les cactées y sont
en Europe, peuvent être très facilement ame- plantées indistinctement au mois de mai, après
nées à sommeiller complètement pendant nos qu'on a visité soigeusement leurs racines et
hivers, et à végéter seulement pendant nos supprimé toutes les parties malades ou endom-
étés; elles peuvent en conséquence supporter magées; ellrs forment de nouvelles racines au
impunément pendant l'hiver une sécheresse bout de quinze jours. Il faut avoir soin d'étaler
absolue, et être privées totalement d'humidité, leurs racines en les plantant, et de leur donner
sans qu'il en résulte le moindre inconvénient; relativement à leur grandeur, un espace pro-
la langueur apparente dont elles sont frappées portionné à leur accroissement présumé, car
disparait au printemps du moment où on leur elles deviennent toujours beaucoup plus volu-
rend l'eau dont elles ont besoin seulement pen- mineuses en pleine terre que dans des pots. A
dant qu'elles sont en végétation. Il n'y a d'ex- I
partir du jour où elles sont mises en pleine terre,
ception que pour les cactées parasites, dont la i les cactées doivent être arrosées copieusement
culture est celle des orchidées (ro/r Orchidées). j
matin et soir, de manière à ce que la terre soit
Par suite du même principe, il ne faut pas don- saturée d'eau; ces arrosages abondants sont
ner aux cactées originaires des pays tempérés, continués jusqu'au mois de septembre; on ne
I)lus de 4 à 6
degrés au-dessus de zéro pendant j
donne aux catflées, durant tout cet intervalle,
'hiver, et 3 ou 4 degrés de plus seulemeot aux aucune espèce d'abri, ni contre la pluie, ni
cactées des pays les plus chauds. Lorsqu'on contre le soleil ; elles restent à l'air libre la nuit
donne à ces plantes en hiver un peu d'humidité comme le jour. En cet état, elles végètent avec
et une température trop douce, elles continuent une grande énergie ; presque toutes fleurissent ;

à végéter a demi, au détriment de leur florai- plusieurs donnent des fruits mûrs et des graines
son I été suivant. Il y a des mammillaires du fertiles.M. Berg cite une mammillaria longi-
Mexique et plusieurs échinocactes qui suppor- mamma qui. bien qu'à une exposition peu mé-
tent très bien une température beaucoup plus ridionale, doubla de volume en deux mois et
basse pendant tout l'hiver; une gelée passa- demi. Des cactées du Mexique, arrivées au mois
gère, qui ne se prolonge que quelques heures d'août, mises sans retard en pleine terre et trai-
ne leur fait aucun tort même quand le thermo-
, tées comme les autres, s'enracinèrent aussitôt
mètre descend à plusieurs degrés au-dessous de et végétèrent avec vigueur, principalement dis
zéro ; plusieurs opuntias passent très bien l'hi- céreus senilis et des pilocéreus.
ver en pleine terre sous le climat de Berlin. Les Vers le 15 septembre, les cactées sont re-
cactées en Europe sont en végétation depuis mises dans des pots proportionnés au volume
avril jusqu'en octobre; elles veulent alors beau- des racines qu'il faut bien se garder de blesser
coup d'eau; il faut les arroser copieusement, en les arrachant. Chaque plante est d'abord
et plusieurs fois par jour. M. Berg a observé mise dans son pot vide ; puis on fait couler entre
que quand les racines des cactées pourrissent en les racines de la terre pulvérisée parfaitement
été, ce n'est jamais par excès d'humidité, c'est sèche, qu'on attache aussitôt aux racines par
par suite des alternatives d'humidité et de sé- un bon arrosage. Il est inutile de placer au
cheresse. Souvent après avoir été bien mouil- fond des pots un lit de tessons de poterie; il

lées, les racines des cactées en contact avec les suffit d'en poser un seul fragment au-dessus de
parois des pots sont frappées d'un coup de cha- l'ouverture du fond du pot. Les pots contenant
leur trop vive qui les surprend dans un milieu les cactées qui ont passé l'été en pleine terre
trop sec ; lorsqu'ensuite on songe à les arroser ne sont pas rentrés immédiatement on laisse;

de nouveau, elles pourrissent, ce qui n'aurait la terre se ressuyer à l'air libre on les rentre
;

pas eu lieu si elles avaient été maintenues suffi- ensuite, non dans une serre, mais tout simple-
samment humides, sans interruption. ment dans une chambre bien éclairée, exposée
Rien ne favorise tant la végétation des rac- au midi là les cactées, disposées sur des gra-
;

lées, suivant M. Berg, que de leur faire passer dins près des jours, ne reçoivent pas unegoutle
l'été en plein air et en pleine terre; à l'époque d'eau jusqu'au printemps suivant. Il importe
où elles sortent de la serre pour être mises en que la chambre exempte d'humi-
soit saine et
I)leine terre à l'air libre, elles ne font pas d'a- dité; on n'y allume un peu de feu que quand
>orJ de bien rapides progrès; leur végétation on le juge nécessaire pour en éloigner la çelée;
n'a pas d'abord, en apparence, la même acti- la température ne doit pas s'élever au-delade 4
vité que celle des cactées qui restent dans leurs à 8 degrés. Les cactées ainsi traitées se rident et
pots dans la serre ; mais c'est qu'elles commen- prennent un aspect languissant, mais il ne faut
cent par se fortifier, par devenir en quelque pas s'en inquiéter. Au printemps, dès qu'on re-
sorte ligneuses, ce qu'elles ne font pas dans la marque en elles les premiers symptômes de I*
serre un peu plus tard, elles regagnent en peu
; reprise de leur végétation, on commence par
de jours le temps perdu. les bassiner légèrement avec de l'eau dégourdie
M. Berg prépare pour mettre ses cactées en au soleil, ce qui fait promptemeut disparaître
pleine terre ce qu'il nomme une couche; c'est leurs rides et leur aspect fatigué ; on les accou-
tout simplement une -plate-bande défoncée à tume à l'air par degrés; elles sont arrosées plus
O^Ode profondeur dans laquelle il place un souvent et plus largement, à mesure que le mo-

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TITRE V. FLGRICULTUHE. 369

ment approche de les remettre en pleine terre de toutes les orchidées dignes de figurer dans les
pour les y traiter comme l'année précédente. collections.Nous avons dit que les collections
Assurément, cette manière de cultiver les de cactées comprenaient probablement à peine
cactées choque toutes les idées reçues à l'égard la moitié des cactées existantes ; les collections

de la culture de ces plantes, surtout en ce qui d'orchidées ont encore plus à grossir. Les plus
concerne la sécheresse absolue de leur terre belles orchidées sont ce qu'on nomme épiphy-
pendant l'hiver; néanmoins elle a pour elle tes, terme qui exprime leur végétation parasite
le succès, et les horticulteurs les plus éclairés sur et aux dépens d'autres végétaux.
en France et en Angleterre, quoiqu'ils suivent Les orchidées épiphytes ne se rencontrent
une autre méthode, doutent depuis longtemps que dans les lieux a la fois les plus chauds et
que la culture de serre chaude, continuée par lesplus malsains du globe, au fond des vallées
habitude, soit la meilleure pour les cactées. lesplus écartées des deux continents, où l'air
La méthode allemande offre cet avantage im- stagnant et les exhalaisons marécageuses con-
mense qu'elle met la culture des cactées à la cenlrent une chaleur humide tellement dange-
portée de tous ceux qui disposent en hiver d'une reuse pour l'homme, qu'il a fallu pour les aller
chambre saine et bien éclairée, et en été d'une chercher dans une pareille situation cette ardeur
plate-bande de parterre exposée au midi, tandis passionnée du naturaliste qui ne calcule ni les
que cette cullufe, en restant confinée dans la obstacles ni les dangers. Avant de nous occu-
v rre chaude, n'est permise qu'aux amateurs per de la culture des orchidées, nous devrions
favorisésde la fortuné. On sait que les cactées, donner un aperçu de leurs principales espèces
de même que les plantes bulbeuses, entrent en et des bases de leur classification mais leur no-
;

végétation au printemps, même quand on ne menclature est fondée sur des caractères si com-
leur donne ni terre ni humidité; il en est qui, pliqués, qu'il nous faudrait entrer à ce sujet
conservées depuis des années dans une armoire, dans des détails de pure botanique; nous de-
émettent tous les ans des racines qui meurent vons donc nous borner à signaler les genres les
faute d'aliment mais les plantes ne meurent
; plus remarquables, en renvoyant pour les des-
pas, quoique, bien entendu, elles ne fassent au- criptions scientifiques aux traités spéciaux.
cun progrès, et il n'est pas douteux qu'avec des Oncidium. Ce genre est un des plus bizarres
soins convenables, ces plantes qui ont tant parmi les orchidées épiphytes; l'oncidium altis-
souffert ne soient toujours prêtes à végéter et simum et l'oncidium cartnaginiense s'élèvent à
à fleurir : quelle énergie de force vitale ! près d'un mètre de haut ; l'oncidium papilio res-
Ces faits et d'autres de même nature nous semble, à s'y méprendre, à plusieurs papillons
donnent lieu de penser que les cactées pour- de l'ordre des bombyx; la fig. 506 représente
raient être traitées sous le climat de Paris
comme elles le sont à Berlin, et se comporter 506.

en pleine terre mieux qu'en pots, dans une


chambre mieux qu'en serre chaude. C'est dans
cette conviction que nous avons cru devoir
décrire en détail le procédé de M. le docteur
Berg, pour la culture des cactées.

$ IV.— Orchidé».
Rien de plus bizarre, de plus étrange, de plus
excentrique sous tous les rapports qoeles plantes
de la famille des orchidées; elles semblent s'é-
carter encore plus que les cactées du reste du
règne végétal. Tout est curieux dans ces sin-
gulières productions , et leurs formes et leurs
,

couleurs, et leur mode particulier de végétation ;


plusieurs ont une odeur enivrante plus ou moins
analogue à celle de la vanille. l'oncidium lindenii, remarquable par la vivacité
Il n'y a pas encore bien des années, la cul- de ses nuances jaune et pourpre.
ture des orchidées était le partage exclusif de La floraison des oncidiums est très prolon-
quelques adeptes; il fallait presque être sorcier gée; mais, par compensation, elle se fait quel-
pour réussir dans cette culture; aujourd'hui, quefois très longtemps attendre; il y a des
l'on n'est pas véritablement horticulteur si l'on oncidiums, d'ailleurs très bien portants, qui
ne sait faire fleurir les orchidées ; on n'est même restent 3 ou 4 ans sans fleurir. Dans ce cas, on
plus véritablement amateur de fleurs si l'on ne risque jamais rien de les inonder fréquem-
n'attache pas de prix aux admirables plantes de ment de vapeurs tièdes, et de les tenir cons-
cette famille. Elles ont en effet tout l'attrait des tamment à une température très élevée; cela
plus belles ptantes des autres genres, et en outre seul peut les décider à fleurir. Les pseudo-
celui d'une grande difficulté de culture dont il bulbes ou rhizomes des oncidiums ont une très
faut triompher, et d'un grand nombre de nou- grande énergie de vitalité; quelque flétris
veautés à acquérir, car ils'en faut de beaucoup qu'ils paraissent, il ne faut jamais désespérer

que l'horticulture européenne soit en possession de les rétablir par des soins convenables.
MOIT1CDI.TUBI. T. T. —47

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370 HORTICULTURE. uvm vin.

Remarquable entre les Fig. 50».


Cdltleya (fig. 607)
Fig. 507

Brama. Le»tleursdecegenre,peu nombreux


en espèces, sont d'un jaune pâle ou d'un vert
orchidées par le développement de ses fleurs jaunâtre, tachées de brun; elles se recomman-
jaunes ou violettes. dent par la bizarrerie de leurs formes. La fig.
Dcndrobium. Demi-terrestre et demi-épi- 610 représente la brassia maeulata.
phyte, ce genre comprend des plantes qui, Fig. 510.

comme le lierre de nos climats, peuvent prendre


naissance dans le sol, mais qui à mesure qu'elles
croissent vivent aux dépens des plantes aux-
quelles elles s'attachent, la fig 508 représente le
.

Matrillaria. L'un des plus brillants parmi


lesgenres de cette famille , le genre maxillaria
donne des fleurs à pélales charnus, très déve-
loppées et d'une odeur très suave. La fig •«
représente la maxillaria d'Harrison.
Fig. 511.
dcndrobium formosum, d'un blanc pur, mar-
qué au centre d'une tache couleur de feu.
Slanhùpèa. Les fleurs d'une odeur très suave
naissent sur des hampes pendantes, plus bas
que le niveau du collet des racines on les cul-
:

tive pour cette raison dans des vases suspendus.


Les nuances indécises, d'un blanc jaunâtre, de
l'ensemble de la corolle sont rehaussées par
des stries d'un pourpre très foncé d'un effet
admirable. C'est parmi les stanhopéas qu'on
peut espérer le plus de nouveautés dans la fa-
mille des orchidées; il est probable que les plus
belles fleurissent encore à l'ombre des forêts
impénétrables des parties inexplorées du Mexi-
que; comme les oncidiums, elles sont très len-
tes à fleurir. La
fig. 609 représente
la stanho-
péa calc«olata, l'une des plus belles du

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TITRE V. FLORICULTURE. 371
a 2 °,80 de long sur un mètre de large il est
A. — Serre aux orchidée». placé au centre de la serre ; les deux autres, un
;

Les conditions d'existence des orchidées exi- peu moinsgrands, occupent les deux extrémités
gent une serre qui îeur soit sinon exclusive- opposées. Une petite bâche règne en avant de
,

ment, du moins principalement consacrée. Nous cette serre, le long de son mur antérieur ; elle
donnons ici en faveur des amateurs de cette cul- est destinée aux orchidées de l'Amérique du
ture deux serres également bonnes dans ce sens Nord, qui ne supportent pas une température
que toutes les deux remplissent également bien aussi élevée que les orchidées des contrées tro-
leur but, et que les orchidées, y croissent aussi picales; il suffit de leur donner de l'ombre en
bien qu'on peut le désirer : elles sont cependant été et une couverture de paillassons en hiver.
l'opposé l'une de l'autre. Dans la construction La serre aux orchidées, au jardin de l'École
de la première on a eu seulement en vue la pros- de médecine de Paris, est construite comme la
périté des orchidées, sans s'arrêter aux consi- précédente, à un seul versant ; elle est adossée
dérations d'économie ; dans celle delà seconde, a un mur en terrasse très élevé à l'exposition ,

on a cherché à obtenir au contraire le meilleur du plein midi. Les orchidées y sont disposées
résultat aux moindres frais possibles; la pre- en majeure partie sur des bûches de bois de
mière a été construite à Chatsworth en Angle- chêne placées les unes horizontalement, au
,

terre, l'autre à Paris, dans le jardin de l'Ecole milieu de la serre, les autres perpendiculaire-
de médecine; elles caractérisent assez bien la ment le long du mur du fond; quelques frag-
manière de procéder de l'horticulture anglaise, ments de terre de bruyère tourbeuse garnissent
comparée à l'horticulture française. la base de leurs pseudo- bulbes qui sont fixés ,

La serre aux orchidées, à Chatsworth, (fia. aux bûches par des liens de fil de plomb mais ;

518), a 20» de long, et 4« de large. Le mur du ces liens deviennent bientôt inutiles, tant les
orchidées s'attachent fortement au bois par les
Fig. SI2.
racines qu'elles poussent dans toutes les direc-
tions. Quelques autres principalement des
,

stanhopras sont suspendues par des fils de fer


,

aux montants des vitrages elles vivent dans ;

de petits paniers à claire-vote, remplis de frag-


ments de terre de bruyère tourbeuse ; la serre
est échauffée par un thermosiphon. Son extrême
simplicité contraste vivement avec le luxe de la
serre anglaise pour les orchidées , plantes qui
pourtant ne se portent pas plus mal dans la
serre du jardin de l'École ae médecine que
dans celle de Chatsworth.

B Muli '
i'c t

On ne saurait douter que


orchidées ne se
les
multiplient de graines dans leur pays natal
fond est élevé de 3 m .50 ; celui du devant n'a que c'est lamarche uniforme de la nature pour tous
0 m ,75 5 mais comme il est surmonté d'un vitrage les végétaux ; mais l'art de l'horticulture n'a
droit, de O ro ,65 de hauteur, point de départ
le pas jusqu'à présent utilisé pour les orchidées
du vitrage incliné est à 1°»,40 do sol, ce qui ce moyen de multiplication ; elles ont d'ailleurs
donne à ce vitrage une inclinaison de 25 degrés. plus de facilité que beaucoup d'autres à se re-
La serre contient à l'intérieur, au lieu des bâ- produire par la séparation ae leurs parties. Il
ches, deux espaces vides maçonnés sur les cô- semble que la nature ait voulu par-là compenser
tés, et recouverts en dalles minces ; ces deux en quelque sorte la difficulté avec laquelle fonc-
espaces d'inégale grandeur renferment des con- tionnent leurs organes reproducteurs, qui don-
duits de chaleur A A, qui échauffent leur atmo- nent très rarement des semences fertiles, en
sphère particulière ; c est ce qu'on nomme, en raison de leur conformation différente de ce
Angleterre, chambre à air chaud. L'air échauffé qu'elle est dans les autres plantes phanéro-
est introduit dans la serre par les bouches de games.
chaleur BB, qui s'ouvrent sur le passade régnant Quelques horticulteurs anglais entre autres ,

dans toute la longueur de la serre la largeur


; M. R. Brown, auraient, s'il faut les en croire,
du passage est de l^O. Lea orchidées sont obtenu des graines fertiles des orchidées aussi
placées dans des pots, sur le dessus des cham- facilement que de toute autre famille de végé-
bres à air chaud, ou bien elles sont cultivées dans taux néanmoins tous les horticulteurs en gé-
;

des vases suspendus aux châssis des vitrages. néral, même les Anglais de bonne foi, convien-
On a utilisé en outre les montants de ces châssis nent de cette vérité, que les organes reproduc-
en les faisant servir de support à des orchidées teurs de la plupart des orchidées ne sont encore
a tiges grimpantes. Trois bassins ornés de plan- que très imparfaitement connus , et qu'on ne
tes aquatiques contribuent par une évaporation peut leur faire porter graine dans nos serres
continuelle à entretenir une grande humidité quelque soin qu'on mette à les cultiver.
dan» l'atmosphère de cette serre ; le plus grand I Les orchidées grimpantes , à longues tiges

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372 HORTICULTURE. MME Mil.
que les renanlliéra et les Flg. à 13.
sarmenteuses, telles
vanilles, se multiplient en divisant tout simple-
ment leurs tiges en plusieurs morceaux garnis
de racines, selon la nature particulière des
tiges de ces plantes chaque fragment consi-
; ,

déré comme une bouture, n'a pas besoin d'être


mis en terre on le suspend dans une situation
;

convenable, avec la seule précaution d'entou-


rer de mousse son extrémité inférieure pourvu ;

qu'il soit placé dans une atmosphère suffisam-


ment chaude et humide, il végète aussi vigou-
reusement que s'il n'eût point été détaché de la
plante-mère. Les autres genres, tels que les
oncidiums et les catasetums sont munis d'or-
,

ganes particuliers, nommés rhizômes ou pseudo-


bulbes, qui diffèrent des bulbes véritables en
ce qu'ils ne sont formés ni d' écailles ni de tu-
niques. Chacun de ces pseudo-bulbes est ordi- plus elle est récente, meilleure elle est pour cet
nairement muni à sa base d'un œil ou bour- usage. Après avoir coupé les mottes de terre
geon il donne naissance à une plante nouvelle
;
de oruyere tourbeuse, de la grosseur néces-
lorsqu'on le détache pour le planter séparément. saire, on en remplit les pots et les terrines beau-
On doit éviter avec le plus grand soin de mul- coup au-delà de leurs bords supérieurs ; ils y
tiplier les orchidées avec des pseudo - bulbes doivent être disposés en forme de pyramide,
trop petits ou trop peu vigoureux comme on , dépassant l'orifice des pots d'environ les deux
le lait communément on doit choisir au con-
; tiersde leur profondeur ; c'est dans cette pyra-
traire les meilleurs pseudo - bulbes pour pro- mide qu'on assujettit la plante au moyen d'an
pager les orchidées , tout comme on fait choix tuteur qui doit plonger jusqu'au fond du pot.
des meilleurs caïeux pour multiplier les plantes Cette sorte d'échafaudage aurait très peu de
bulbeuses. Les pseuuo-bulbes détachés se trai- solidité et se dérangerait au moindre choc, si
tent de tout point comme les plantes parfaites. les fragments de terre de bruyère n'étaient
joints les uns aux autres par de petites che-
C. — Détails de culture.
villes de bois qui les traversent dans différentes
«La première connaissance que doit acquérir directions.
un cultivateur habile, dit M. Paxton, c'est Ces fragments, ainsi disposés, ne se touchent
celle des circonstances au milieu desquelles que par un petit nombre ac points , et laissent
chaque espèce de plantes croît naturellement ; entre eux de nombreux intervalles ; les racines
cette connaissance doit servir de base à sa ma- des orchidées, qui s'emparent bientôt de ces
nière de les cultiver.- Guidé par celte règle fon- espaces vides, s'y trouvent eu contact immédiat
damentale , le jardinier donne à ses orchidées avec l'air chaud, chargé de vapeurs humides,
des situations diverses, conformément à ce qui contribue autant que la terre à leur alimen-
3u'il sait de leurs habitudes natives. Au Jardin tation. Il n'y a pas d'époque fixe pour changer
u Roi, où cette culture est conduite avec une la terre des orchidées ; on ne doit pas les déran-
rare perfection , beaucoup d'orchidées sont ger tant qu'elles sont en végétation ; or, comme
lacées dans des pots ou dans des terrines sem- Ta marche de leur végétation varie d'une espèce
E
lables à celles qui servent pour les semis; à l'autre, il n'y a jamais dans la serre aux orchi-
d'autres sont flxés par des fils de plomb à des dées comme dans les autres serres, de rempo-
branches d'arbres; la ligature est enveloppée tage général, truand une orchidée a pris dans
de mousse; d'autres enfin sont suspendues en la terre de bruyère, en contact avec ses racines,
l'air, dans des petits paniers en fil de fer, garnis tout ce que celte terre contenait de substances
de mousse , disposition qui convient particu- nutritives à sa convenance, on reconnaît qu'elle
lièrement aux stanhopéas aux érias à plu-
, . a besoin de terre nouvelle au ralentissement de
sieurs épidendrums , et au plus grand nombre sa végétation et à la pâleur de sa verdure; il
des dendrobiums. Tant que les orchidées sont faut st* hâter de le changer de terre, quelle oue
en végétation , la mousse dont leur base est soit la saison. Après cette opération, les orchi-
garnie doit être entretenue constamment hu- dées ne doivent être arrosées que très sobre-
mide. ment pendant un certain temps.
Les pots et les paniers où l'on place les or- La position que réclament les orchidées doit
chidées sont remplis de fragments de terre de être conforme a leur nature, et surtout à celle
bruyère tourbeuse , de la grosseur d'une noix. qu'elles auraient dans les forêts où elles crois-
La fiij. 513 représente un de ces paniers rem- sent à l' état sauvage. C'est ainsi que les orchi-
pli de mousse et de terre tourbeuse. M. Pax- dées épiphytes languissent dans une position
ton fait remarquer avec raison que la terre redressée , tout en recevant d'ailleurs les soins
de bruyère convenable aux orchidées doit les plus judicieux ; elles ne prennent jamais cette
être employée pour leur culture immédiate- position naturellement sur le tronc ou les bran-
ment après avoir été enlevée sur le terrain; ches des arbres qui leur servent de support. En

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TITRE V. FLORICILTUKE. 373

en recherchant la cause, M. Neumann a recon- naturellement une température plus élevée.


nu par une observation attentive que Peau qui Le second procédé consiste à construire la
séjourne entre les écailles des bourgeons de ces maçonnerie en deux parties distinctes qui lais-
orchidées lorsque leur situation est trop droite, sent entre elles un espace rempli d'air, comme
les empêche de se développer ; la nature y le montre la fig. 514. On conçoit facilement
avait pourvu en les faisant croître naturellement Fig. 514.
dans une position assez inclinée pour que cette
humidité nuisible puisse aisément s'égoutter.
Plusieurs orchidées préfèrent à toute espèce
de terre la mousse à demi décomposée; la meil-
leure mousse pour cet usage appartient au genre
sphagnum. On en forme des paquelsd'un vo-
lume en rapport avec celui des plantes; elles
ne tardent pas y étendre leurs racines dans
tous les sens ; elles y végètent parfaitement, comment le froid est arrêté par le milieu vide
pourvu que la mousse soit maintenue toujours de ce genre de maçonnerie; il est à remarquer,
numide par de fréquents arrosages. Ce milieu en outre, que le vide commençant beaucoup au-
singulier convient spécialement aux racines des dessous du niveau du sol, à une profondeur où
orchidées appartenant aux genres vanda, aeri- il ne gèle jamais sous le climat de Paris, rien

des, vanille, sarcanthus, saccalobium, renan- n'empêche les émanations de l'intérieur de la


t liera;plusieurs épidendrées et quelques onci- terre de se répandre dans cet espace vide et d'y
diums s'en trouvent également bien. maintenir une température de beaucoup supé-
On a longtemps admiré dans la serre du cé- rieure à celle de l'air extérieur.
lèbre horticulteur anglais Cattley, une caisse Lorsque le sol est assez sain pour permettre
peu profonde, de près de dix mètres de long, de creuser la bûche à une profondeur plus con-
suspendue en l'air par des fils de fer flxés aux sidérable que celle que nous avons indk|uée, il
montants des vitrages, et remplie de toute une s'établit dans son intérieur une atmosphère hu-
collection d'orchidées qui y étalaient tout le luxe mide et douce, particulièrement favorable à
de leur étrange Uoraison; cette boite était à de- certains genres de végétaux. Lesnériums qui,
mi pleine de bois pourri recouvert d'un lit épais partout où ils vivent a l'état sauvage, envoient
de mousse verte. Ce système, étendu à toute la leurs racines chercher à une grande profondeur
longueur d'une serre, permettrait d'y loger un sol humide et frais pendant la sécheresse, et
convenablement une collection très nombreuse qui habitent de préférence le bord des eaux, vé-
d'orchidées, dans un local très restreint. gètent parfaitement sous le climat de Paris lors-
?|u'on leur fait passer l'hiver dans une bâche
$ V. — Serre froide, bâche froide, châssis froid.
roide creusée à près d'un mètre au-dessous du
On nomme, en général serres froides, toutes
, niveau du sol environnant. Le châssis qui re-
les serres dans lesquelles il n'est jamais néces- couvre toutes ces bâches de petites dimensions
saire de faire du feu. La plus simple des serres est toujours à un seul versant ; il ne doit être
froides est une bâche qui, réduite à ses plus pe- incliné que de 10 ou 1 5 degrés tout au plus ; ses
tites dimensions, n'est plus qu'un châssis froid, vitrages doivent fermer hermétiquement. Les
suffisant cependant pour protéger, contre les plantes bulbeuses, et spécialement les liliacéesdu
hivers des contrées tempérées de l'Europe, un cap de Bonne-Espérance, que l'on cultive ordi-
grand nombre de plantes dignes d'intérêt, qui nairement dans ce genre dcoâcRe, ont besoin de
ne supportent pas la pleine terre. beaucoup de jour il ne faut les couvrir que
;

quand la température extérieure l'exige impé-


et châssis froid.
rieusement et se hâter de les découvrir toutes
,

Les Anglais, qui font un grand usage de ces les fois qu'elle se radoucit; l'intérieur de la bâ-
sortes de bâches, emploient différents procédés che ne doit contenir ni terre ni tannée. Toutes
pour empêcher la gelée d'y pénétrer; le plus les plantes qui doivent y vivre se cultivent dans
simple de tous consiste à les entourer tout au- des pots ; il vaut mieux pour les plantes conte-
ro
tour d'un fossé profond de (T,40 à 0 ,50. Ce nues dans ces pots que la terre soit remplacée
fossé, soit qu'on le laisse vide, soit qu'on le ar du sablepur ou par du mâchefer, dans lequel
remplisse de feuilles ou de litière sèche pendant es vers et les insectes ne peuvent pas se multi-
le

l'hiver, contribue puissamment à préserver de 1>lier. Les châssis restent ouverts pendant toute

la gelée intérieur de la bâche. Tous les jardi-


l' a belle saison, le jour comme la nuit, à l'ex-
niers savent que lorsqu'il gèle dans l'intérieur ception des jours très pluvieux pendant lesquels
d'une bâche ou d'une serre quelconque, la gelée ils doivent rester fermés, pour ne pas exposer les

se communique toujours du sol extérieur au plantes bulbeuses aux inconvénients d une hu-
sol intérieur à travers l'épaisseur des murs. Cet midité excessive. Lorsque l'hiver est très rigou-
effet doit avoir lieu bien plus rarement lorsque reux, il devient quelquefois nécessaire de subs-
la couche de terre, placée au dehors et refroidie titueraux feuilles età la litière sèche desréchaufs
jusqu'au degré de congélation, est contact m de bon fumier en pleine fermentation. On re-
avec un espace vide ou avec une épaisseur suf- nouvelle ces réchautsau besoin, en observant
fisante de feuilles et de litière oui conservent seulement qu'ils ne doivent pas produire à l'in-
31', HORTICULTURE. LIVRE VIII.

térieurde la bâche une élévation de température dinairement ce genre de serre en bois, en lui
de plus de 4 ou 5 degrés au-dessus de zéro. donnant de distance en distance des arci-bou-
Les plantes bulbeuses, cultivées dans la bâche tants, ou jambes de force en fer. Les jardiniers
froide, se rempotent au mois de juillet en terre nomment cette construction bâche hollandaise,
de bruyère pure, plutôt un peu sablouneuse que bien qu'actuellement en Hollande on construise
trop compacte. Elles ne veulent en toute saison fort peu de serres de ce modèle. La serre froide,
que des arrosages modérés; elles pourraient, fig. 516, est principalement destinée à recevoir
pour ainsi dire, se passer d'eau d'une manière
absolue à l'époque où elles ne sont point en vé-
gétation.
Nous avons reconnu, eo parlant de la culture
des plantes bulbeuses de collection (jacinthe et
tulipe), l'impossibilité d'empêcher ces plantes
d'entrer en végétation lorsque l'époque naturelle
du mouvement de leur sève est arrivée ; on ne
peut donc retarder la floraison des plantes bul-
beuses, mais on peut facilement la hâter en
donnant de bonne heure, au moyen des ré-
chaufs, une température douce au châssis froid,
et beaucoup d'air, tant qu'il ne gèle pas ces ;

plantes fleurissent par ce moyen dès les pre-


miers jours du printemps. des plantes et arbustesen pleine terre dans un sol
Les genres ixia {fy. 515), gladiolus et lache- approprié* leur nature: ce sol est ordinairement
la terre de bruyère pure ou mêlée avec moitié de
Fig. 515.
bon terreau. Lorsqu'on la construit en fer.au
lieu d'être angulaire elle peut être curv iligne, et
rentrerdans la condition de celledont nous avons
donné le plan et la coupe (voir fig. 502 et 503. p.
361) pour laculture des orangers en pleine terre.
Dans l'un et l'autre cas, elle admet les mêmes
plantes qui doivent y recevoir les mêmes soin»
de culture ; seulement, la serre froide en fer
laisse plus facilement pénétrer le froid extérieur,
et certaines variétés délicates parmi les plant»
de serre froide ne réussissent pas dans cette
serre aussi bien que lorsque sa charpente est en
bois. La serre froide est principalement destinée
aux camélias, aux azalées de l'Inde, aux espèces
délicatesde rhododendrums, aux magnoliacées,
et à un grand nombre d'arbustes des genres voi-
sins, à feuilles persistantes.
Quelques degrés de froid n'endommagent pas
sensiblement ces végétaux, pourvu néanmoins
nalia, sont ceux'auxquels convient le mieux la que l'action des petites gelées ne se prolonge
culture que nous venons d'indiquer dans le châs- pas; il vaut toujours mieux ne négliger aucun
sis froid. moyen d'empêcher d'une manière absolue qu'il
ne gèle dans la serre froide, en évitant toutefois
B. — Serre froide. la nécessité d'y allumer du feu. Tous les moyens
Toutes expositions conviennent à la serre
les que nous venons d'indiquer pour les châssis
froide, excepté l'exposition du plein midi, en- froids sont excellents, et peuvent être employés
core cettedernière exposition n'a-t-elle d'incon- dans ce but pour la serre froide. En hiver, les
vénient réel que celui d'obliger à ombrager les deux versants de la serre froide ne sont pas trai-
plantes au moyen des toiles ou des paillassons. tés de la même manières le versant, dont l'ex-
Elle se construit ordinairement à deux versants, position est la plus méridionale, n'a besoin que
l'un et l'autre inclinés de 30 à 40 degrés. Le d'une couverture de paillassons qu'on ne place
j

toit n'est pas terminé par un angle, mais par que quand la gelée vive se fait sentir, et qu'on
une petite plate-forme (A fig. 516) de 0<",60 à retire aussitôt qu'il ne gèle plus, afin de laisser
0 m ,80, qui règne sur son sommet dans toute sa les plantes profiter librement de l'influence sa-
longueur ; une balustrade en fer, légère mais so- lutaire de la lumière; le côté le plus exposé au
lide, lui sert de couronnement des deux côtés. vent froid reçoit ordinairement une couverture
Cette disposition, qui permet à un ouvrier de de planchesou de voliges par- dessus on lit
marcher au besoin sur le sommet de la serre épais de feuilles sèches. Le tout ensemble forme
pour le service des toiles et des paillassons, sup- un excellent abri sous lequel la gelée pénètre
pose qu'on lui a donné une assez grande solidité fort difficilement dans la serre froide; mais
pour supporter cette charge. On construit or- aussi il en résulte une obscurité complète qui

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TITRE V. FLORICI LTURE. 375

serait funeste aux végétaux ae serre froide ai elle une atmosphère chargée de trop d'humidiië, il
ae prolongeait au delà de trente-cinq à quarante
-
est inutile de creuser le sol de celte serre au-
jours. Sous le climat de Paris, il est rare que les dessous du niveau du sol environnant; il est
gelées durent aussi longtemps sans interrup- bon, au contraire, d'élever le sol de la serre de
tion. On aura donc grand soin même lorsqu'on quelques centimètres au-dessus de ce niveau
jugerait imprudent de découvrir le côté exposé dans le cas où l'on pourrait craindre qu'il ne
au froid, d' enlever au moins pendant la journée fût pas parfaitement sain. La température
les paillassons du versant opposé. Du moment moyenne de la serre tempérée doit être de 10 à
où les fortes gelées ne sont plus à craindre, on 12 degrés en hiver, et de 20 à 25 en été; elle
découvre la serre froide des deux côtés, sauf à ne doit pas dépasser 30 degrés sous l'influence
paillassons, s'il survenait des de la plus forte chaleur extérieure. Les plantes
y replacer les
froids tardifs qui, sous le climat de Paris, ne de serre tempérée ne doivent pas être mises en
peuventjamais être bien rigoureux. Ces plantes contact avec l'air extérieur toutes les fois que
n'ont besoin en toute saison que d'arrosages le thermomètre placé dehors, à l'ombre et à l'air
très modérés. Les soins ordinaires de propreté libre, descend au-dessous de 6 degrés. Si comme
,

et d'entretien leur suffisent ; en un mot, la serre il arrive quelquefois, la température de l'inté-

froide est celle de toutes qui peut procurer à rieur de la serre se trouve être momentanément
l'amateur le plus d'agrément avec le moins de un peu trop élevée alors que celle du dehors est
peine et de dépense. Une serre semblable à celle inférieure à 6 degrés, et qu'il soit nécessaire
dont nous indiquons la construction, mais dou- d'ouvrir les châssis pour laisser échapper la
ble, c'est-à-dire à quatre versants, dont le mi- chaleur superflue ou pour faire évaporer un
lieu est supporté par un rang de piliers, couvre excès d'humidité, on ne doit ouvrir que les ven-
un assez grand espace pour constituer un très tilateurs situés à la partie tupèrieure de la
beau jardin d'hiver, genre de serre dont le goût serre; on se gardera bien, dans ce cas, d'établir
se répand de plus en plus depuis que les progrès aucun courant d'air froid que les plantes de la
de l'horticulture ont fait reconnaître la possibi- serre tempérée ne pourraient pas supporter.
lité de cultiver convenablement dans la serre On peut, pendant la belle saison, tenir les pan-
froide un grand nombre de végétaux que pen- neaux de la serre constamment ouverts pen-
dant longtemps on n osait pas laisser sortir de la dant le jour; ils pourraient impunément rester
serre tempérée. Lorsqu'on voit les camélias, les ouverts pendant la nuit, la plupart du temps,
eucalyptus, et lesmétrosiderosrésisteren pleine sous le climat de Paris cependant ce climat est
;

terre ainsi que beaucoup de cactées, dans le dé- tellement variable et sujet à des transitions ai
partement du Var, pourvu qu'on leur accorde brusques du chaud au froid, qu'il est toujours
une situation abritée, comment douter que ces plus prudent de tenir les châssis fermés pendant
végétaux ne se trouvent encore mieux dans une la nuit.
serre froide, où ils ont la même température La serre tempérée admet, en général, toutes
en été, et une protection bien plus efficace en les plantes originairesde l'Afrique méridionale,
hiver? du Mexique et des parties montagneuses du
Lorsqu'on veut convertir une serre froide en Brésil ; elles ne réclament que des arrosements
serre tempérée, ou même en serre chaude-sè modérés, qui pourraient mc'me être supprimés
che, en y adaptant un appareil convenable de impunément pendant une partie de l'année
chauffage, il n'y a rien à changer à sa construc- pour celles d'entre ces plantes dont le feuillage
tion ; il suffit de quelques modifications dans n'est pas persistant, et dont, par conséquent, la
les distributions intérieures pour placer les bâ- végétation est presque complètement suspendue
ches et les tablettes destinées à recevoir les pendant tout l'hiver. Tant que dure la belle
plantes en pots. Une serre à deux versants ren- saison, il faut seringuer fréquemment, autant
tre alors dans toutes les conditions d'une bonne dans le but de maintenir le feuillage parfaite-
serre tempérée ou chaude. ment propre que pour le rafraîchir par une hu-
midité salutaire. Dans tous les cas, l'eau em-
$ VI. — Serre tempérée. ployée aux arrosages comme aux seringages
Les serres tempérées peuvent être construites doit toujours être à la température de la serre,
sous toutes sortes de formes, angulaires ou cur- qui sera munie d'un réservoir où l'eau doit sé-
vilignes, à un ou plusieurs versants. Leur char- journer assez longtemps avant d'être employée
pente peut être en bois ou en fer les plantes pour prendre la température convenable. Quel-
;
y
peuvent être cultivées en pleine terre ou dans ques plantes de serre tempérée exigent des
des pots, dans des bâches, sur des gradins ou soins particuliers de culture; nous entrerons àt
aor des tablettes. La serre tempérée se prête ce sujet dans quelques détails.
jusqu'à un certain point à l'ornementation ar- La famille des protéacées renferme un grand
chitecturale , et il est toujours possible, sans nombre d'espèces remarquables par la beauté
nuire aux plantes, de la construire avec assez de leur floraison ; ces plantes ne veulent être
d'élégance pour qu'elle contribue à la décora- arrosées que graduellement, à l'époque de la
tion du jardin dont elle fait partie. L'exposition reprise de la végétation. Toute transition brus-
d'onze heures est celle qui convient le mieux que de la sécheresse à l'humidité, et récipro-
à la serre tempérée. quement, peut leur être funeste ; ainsi, aux ap-
Les plantes de serre tempérée n'exigeant pu proches de l'époque où leur végétation est mu-

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376 H0KTICUL1LRE. L1VBE VIH,

pendue, il faut s'y prendre de longue main pour Les plantes du genre bégonia qui croissent
diminuer successivement les arrosages; on les au Mexique;
rend de plus en plus rares et modérés, pour finir Les passiflores, princeps, kermésinael édulis.
par no plus donner aux protéacées que la quan- Tous les aloés;
tité d'eau strictement nécessaire afin de pré- Toutes les agavés ;
venir un dessèchement complet. Les protéacées Le plus grand nombre des mélocactes, échi-
ne peuvent rester dans une terre épuisée sans nocactes et mammillaires;
commencer immédiatement à dépérir ce dépé- ; Toutes les péresciacées;
rissement, dont le jardinier doit surveiller avec Toutes les broméliacées du Mexique et du
attention les symptômes, est le seul indice ra- Cap;
tionnel de la nécessité de les rempoter et de Le thamnus elephantipes ;

leur donner une nouvelle terre. Ces plantes Trois espèces d angelonia.
sont du nombre de celles qui n'aiment point à Les plus belles plantes grimpantes et volu-
être dérangées, et qu'il faut s'abstenir de rem- biles propres à la serre tempérée sont la man-
poter tant que cette opération n'est pas absolu- nettia cordifloraet plusieurs espèces de bigno-
ment nécessaire. Il est probable que l'attention niacées.
continuelle que les protéacées exigent de la
$ VII - Serre chaude.
part du jardinier est la seule cause pour laquelle
elles sont jusqu'à présent si peu répandues dans Ce genre de serre est celui qui permet de
nos serres; mais ces soins, pour le véritable cultiver lé plus grand nombre de niantes exo-
amateur, ne doivent être considérés que comme tiques de grandes dimensions, indigènes dans
un plaisir de plus; on en est d'ailleurs ample- les parties les plus cliaudes des contrées tropi-
ment récompensé par la magnificence de leur I cales. La serre "chaude est plus coûteuse à cons-
floraison truirc et à entretenir que la serre tempérée ; les
La terre de bruyère sablonneuse, mêlée avec végétaux dont elle est remplie ont en général
un peu de sable de rivière lorsqu'elle parait une valeur plus élevée la direction d'une serre
;

trop compacte, est celle qui convient le mieux chaude exige aussi de la part du jardinier plus
aux plantes de la famille des protéacées ; c'est de soins et une connaissance plus approfondie
celle qui offre le plus de rapports avec le sol des détails les plus délicats de la science horti-
dans lequel elles croissent naturellement dans cullurale. Toutes ces raisons réunies expliquent
l'Australie et l'Amérique méridionale ainsi , suffisamment pourquoi les serres chaudes sont
qu'aux environs du cap de Bonne- Espérance. rares en France ; néanmoins, beaucoup d'ama-
La serre tempérée a toujours besoin d'un teurs opulents ont pris goût de nos jours à la
certain nombre de plantes grimpantes ou volu- culture des plantes tropicales, et il n'est plus
biles qui concourent puissamment à sa décora- permis à un jardinier de bonne maison de ne
tion. Lorsqu'on veut les avoir dans toute leur pas savoir gouverner une serre chaude. Ajou-
beauté, il faut leur ménager un espace où elles tons en faveur des amateurs moins favorises de
puissent végéter en pleine terre; leur végéta- la fortune que , pour l'homme retiré des affai-
tion sera toujours beaucoup plus belle qu'elle res, qui fait de la culture des fleurs sa principale
ne peut l'être lorsqu'on les cultive dans des occupation, et qui veut être lui-même son jar-
pots. Parmi ces plantes, plusieurs bignoniacées dinier, il n'est ni très coûteux, ni très difficile de
se recommandent par la beauté de leur floraison se donner la jouissance d'une serre chaude de
et l'élégance de leur feuillage. Le mannettia moyenne dimension \ et quant à l'acquisition
cordiflora a besoin d'appuis cylindriques au- des végétaux souvent fort chers dont cette serre
tour desquels ses tiges volubiles puissent s'en- doit être garnie, la patience et le travail peu-
rouler. Il ne faut pas oublier de suspendre dans vent suppléer à l'argent; tous ces végétaux
la serre tempérée quelques-unes de ces plantes précieux se propagent , les uns de graine , les
qui vivent dans un vase ou dans une corbeille autres de bouture ; les graines et les boutures
remplie de bois pourri et d'écorce d'arbre mêlée s'obtiennent souvent pour rien, toujours à un
de mousse ; leurs rameaux, chargés de fleurs prix modique; le plaisir de voir croître les
qui retombent avec élégance tout autour du plantes et la satisfaction de pouvoir les regar-
vase, produisent le plus brillant effet Parmi les
. der comme son propre ouvrage, doublent aux
plantes de ce genre, les œschinantus ramosis- yeux de l'amateur le prix des végétaux dont à
simuset grandiflorus, plantes récemment intro- force de soins il a réussi en quelques années à
duites, sont au nombre des plus dignes d'orner peupler sa serre chaude.
la serre tempérée Toutes les plantes de serre chaude ne peu-
Toutes ces plantes craignent en toute saison vent pas végéter dans les mêmes conditions ; si
les coups de soleil; elles veulent, par consé- l'on voulait leur donner aussi exactement que
quent, être préservées, au moyen des toiles, de possible celles de leur pays natal il faudrait
,

Faction directe des rayons solaires. Cette pro- au moins quatre serres chaudes séparées, ou,
tection leur est surtout indispensable au mo- comme le font les Anglais, quatre divisions
ment de la reprise de la végétation. dans la même serre, soumises chacune à un
On peut cultiver dans la serre tempérée régime différent. On ne peut se dispenser de
toutes les protéacées du cap de Bonne-Espé- cultiver les plantes de serre chaude en deux
rance ; grandes séries au moins l'une comprenant
,

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FL0K1CULTLKE.
celles qui recherchent la chaleur sans humidité, et on le rattache au mur du fond, au moyen
l'autre , celles qui se plaisent dans une atmo- d'un toit également vitré, Incliné seulement de
sphère à la fois humide et chaude. La première 15 à 20 degrés, comme on le voit dans la serre
de ces deux séries se plaît naturellement dans chaude dont la /<'g. 517 représente la coupe. Les
une serre chaude-sèche, et la seconde dans une plantes de serre chaude végètent ordinaire-
terre chaude-humide. ment dans des pots ou des caisses disposés
dans des bâches et sur des tablettes ou des gra
A. — Serre chaude-sèche. dins. Beaucoup de jardiniers sont encore dans
-

Elle se construit à l'exposition d'onze heures l'usage de garnir l'intérieur des bâches où les
où à celle du plein midi ; cette dernière expo- pots sout plongés, avec une couche épaisse de
sition n'a pas en réalité l'inconvénient qu'on fumier ou de matières quelconque en fermen-
lui attribue dans plusieurs traités spéciaux, de tation, dans le but de faire profiter les plantes
soumettre les plantes à l'action trop vive des de la chaleur que cette couche dégage. Cette
rayons solaires qui peuvent les flétrir et même disposition nous semble essentiellement vi-
les griller. Que la serre soit bâtie à l'exposi- cieuse. Les plantes, dans leur pays natal, ne
tion d'onze heures ou qu'elle soit au plein midi, reçoivent pas de chaleur souterraine ; ce n'est
il est nécessaire, dans un cas comme dans l'au- pas du dedans au dehors , mais bien du dehors
tre, d'étendre des toiles sur les vitrages pen- au dedans, que la terre où elles vivent est
dant les grandes chaleurs toute la différence
;
échauffée. Nous pensons donc que les plantes
c'est nue la serre, à l'exposition du midi, a be- de serre chaude doivent recevoir toute la cha-
soin d'être ombragée plus tôt et plus longtemps. leur dont elles ont besoin , non du milieu dans
Le mur du fond de la serre chaude-sèche lequel leurs pots se trouvent plongés, mais ex-
doit avoir une grande épaisseur, surtout lors- clusivement de l'atmosphère de la serre, échauf-
qu'il est extérieurement exposé à l'air libre, et fée elle même par un appareil de chauffage arti-
qu'un bâtiment quelconque ne lui est point ficiel , approprié aux dimensions de la serre.

adossé du côté du nord. On donne ordinaire- Les couches de matières en fermentation ont
ment à ce mur une épaisseur de 0 m ,50 ; il doit en outre un inconvénient très grave; les ma-
être construit avec des matériaux essentielle- tières qui fermentent, telles que le fumier, la
ment propres à exclure le froid et l'humidité, tannée, ou toute autre substance du même
et à retenir la chaleur ; des briques de bonne genre, diminuent de volume; elles s'affaissent
qualité, recouvertes d'un enduit hydrofoge, et sur elles-mêmes, ce qui dérajage nécessairement
liées entre elles par un bon mortier de chaux les pots; dès que la situation de ceux-ci n'est
hy draiée , forment une excellente maçonnerie plus parfaitement horizontale , l'eau des arro-
pour les murs de la serre chaude. sages glisse en partie à leur surface, sans péné-
La charpente peut être en fer lorsqu'on veut trer dans la terre qu'ils contiennent , de sorte
lui donner la forme curviligne ; mais on la cons- que bien des plantes souffrent de la soif, alors
truit le plus communément en bois. Dans ce qu'on croit leurs racines suffisamment humec-
cas, le vitrage antérieur peut avoir une incli- tées. Enfin , la chaleur des couches, par cela
naison de 50 degrés et même plus, afin que les seul qu'elle est le résultat de la fermentation,
grands végétaux à tiges élancées se trouvent à ne saurait être que fort inégale , comparée à la
Paise dans l'intérieur de la serre. Mais comme marche si sûre et si facile a régler du thermo-
sous une inclinaison semblable il faudrait don- siphon , le meilleur de tous les appareils de
ner au mur du fond une hauteur prodigieuse chauffage pour toute espèce de serres.
pour que le vitrage puisse finir par le rejoindre, Les bâches de la serre chaude ne doivent
on arrête le vitrage à la hauteur convenable, être remplies que de bonne terre de jardin dans
laquelle croissent librement un certain nom lire
Fig. 517. de plantes grimpantes qui concourent à l'or-
nement de Ta serre ; ces plantes végètent tou-
jours beaucoup mieux en pleine-terre que dans
des potjs. On peut aussi, pour éviter la présence
des vers de terre, remplir seulement dans la bâ-
che un espace suffisant de bonne terre pour les
plantes grimpantes, et garnir le reste de la bâ-
che avec des scories de forge de maréchal (mâ-
chefer), dans lesquelles les vers ne peuvent se
multiplier. Nous devons dire àce sujet, pour n'y
plus revenir, qu'il est très vrai et parfaitement
constaté que les vers de terre (lombrics) ne
peuvent attaquer directement aucune plante de
serre ; ils sont même absolument dépourvus^
d'organes propres à cet usage. Mais quand ils
pénètrent dans les pots , surtout dans ceux de
petites dimensions où vivent des végétaux dé-
licats, ils leur font un tort très réel en en bou-
leversant la terre, en dérangeant les racines fi-
ORTICCLTCm T. v. — 49

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.•578 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

breuses, en s'appropriant les parties nutritives jour, le matin et le soir. Il faut observer, quant

du sol qu'ils digèrent, et qui sont leur seule au seringage du matin , que lorsque le soleil
nourriture. Lesjardin.ersont donc parfaitement donne directement sur les feuilles des plantes
raison dans leur aversion pour les lombrics, et de serre chaude, pendant qu'elles sont encore
la guerre qu'ils leur font est fondée sur des mouillées, ces feuilles sont comme brûlées par
griefs très légitimes. ledouble effet d'une chaleur trop vive et du re-
Une en bon bois de chêne, ayant de
tablette froidissement produit par une rapide évapora-
m m
0 ,40 à 0 $0 de large, règne sur le devant de tion ; il est donc nécessaire de tenir les serres
la serre, ayant pour appui son mur antérieur.
ombragées jusqu'à ce que l'eau des seringages
Comme cette partie de la serre est toujours la se soit peu à peu dissipée, et gue le feuillage
moins échauffée, on y place de préférence les des plantes ait eu le temps de se reauyer,
plantes à floraison brillante qui n'exigent pas comme disent les jardiniers.
une très haute température, et qui ne s élèvent Il n'y a pas d'indication précise pour l'heure
pas très haut; telles sont principalement les à laquelle il convient d'ombrager les serres;

plantes comprises dans la liste suivante : tout dépend de l'état de la température exté-
rieure, qui doit seule servir à cet égard de règle
(
plusieurs espères). pour le jardinier attentif.
S.ilirai iniilrs.
I
La plus grande partie des plantes de serre
G chaude-sèche peuvent être rempotées aussitôt
belleri.
après la fin des grands froids, vers la fin de fé-
Sioningia velutiaa.
hirsuia.
vrier ou dans les premiers jours de mars. Le
loogiflora. mouvement de seve, en quelque sorte sas-
la
surinameoris. pendu chei ces plantes, permet alors de rogner
a scandes». sans inconvénient les racines et d'en renouveler
Hibiscus fulgens. la terre, soit partiellement, soit en totalité. Quel-

Heliolropium 1 ques plantes ne supportent pas ce renouvelle-


J
ment complet de la terre où elles végètent; on
tformoaa.
ne peut qu enlever leur motte sans la briser, et
«triant,
a bispida.
en retrancher avec beaucoup de prudence les
re 8 in *- parties qui ont été en contact avec les parois du
Am-r-ii ii i
Amaryllttj
fu|gjda pot ; puis on replace dans son pot la motte di-
minuée, et l'on remplit le vide qui en résulte
Ces plantes moins sensibles au froid de
, les avec de la terre neuve. Ce mode de rempotage
toutes celles qui vivent dans la serre chaude convient particulièrement aux plantes com-
ne doivent pas éprouver pendant les plus grands prises dans la liste suivante :
froids une température inférieure à 8 degrés ;
(toutes le* espèce*).
le maximum de la chaleur qu'elles éprouvent
Chrpophyllum ( toule* les espèces).
en été ne doit pas dépasser 35 degrés. Il est Rorragiuéts (plusieurs espèces),
presque impossible d'empêcher que, durant les laurier»,
fortes gelées, les plantes posées sur la tablette
j
Myrislicéeson muscaJier», toute* le» e*pèer».
j

de la partie antérieure de la serre chaude n'é- Caryopbyllus ou géroflr», )

prouvent par moments on refroidissement pas-


sager qui fait baisser le thermomètre jusqu à 7 Le» liliaccea de serre chaude supportent bien
et même 6 degrés; pourvu que ce froid momen- un rempotage complet tous les ans, mais seu-
tané ne se prolonge pas, et qu'on s'occupe, aussi- lement après leur floraison, lorsque les feuilles
tôt qu'on s'en aperçoit, de le faire cesser, les commencent à jaunir. Les crinums n'ont besoin
plantes n'en souffrent pas sensiblement; mais d'être rempotés que tous les deux ou trois ans;
s'il se prolongeait , elles ne pourraient le sup- dans l'intervalle d'un rempotage à l'autre, on
porter. enlève chaque année une portion de la terre de
Tant que dore la belle saison, les plantes de leurs pots, qu'on remplace par de nouvelle
serre chaude veulent être arrosées très large terre.
ment, et surtout très souvent ; un arrosage le Parmi les plantes de serre chaude, les glo*i-
matin et un autre le soir ne sauraient leur suf- nias et les gesnerias, genres très en faveur
fire; il faut, surtout à l'époque des grandes aujourd'hui a cause de la lœauté et de la du-
chaleurs, visiter les pots plusieurs fois par jour, rée de leur floraison, exigent quelques soins
et arroser ceux qui paraîtront en avoir besoin. particuliers. Ces plantes préfèrent en général,
C'est aussi la saison de l'année où le feuillage a toute autre situation, une position ombragée
des plantes a besoin d'être rafraîchi par des se- où les rayons du soleil ne les frappent jamais
de
ringages fréquents. Lorsqu'en été l'on voit le directement. A mesure qu'elles approchent
l'époque du repos de leur végétation, on les
ar-
cteH- couvert pendant la matinée, s'éclaircir peu
per-
à peu, lorsque les nuages semblent se fondre en rose ae moins en moins quand elles ont ;

s'elevant dans l'atmosphère, on peut être cer- du leurs tiges, ce qui a lieu vers la fin d'octo-
tain que la journée sera chaude et sèche; c'est bre ou dans les premiers jours de novembre,
elles
le moment où les plantes de serre chaude veu- ne leur faut plus que très peu d'eau; mais
lent être seringoèes tu moins deux fois par ne peuvent cependant supporter une sécheresse

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T1THE V. KLOIUCULTURE. 379

absolue. On
perd souvent des gloxinias, des Les expériences récentes de M. Neumann,
g cm ht as, et aussi des martinias, rien que pour
i chef des serres au Jardin du Roi, prouvent que
avoir négligé trop longtemps de les arroser toutes les plantes du genre strelitzia qui figu-
pendant le repos ae leur végétation. rent sur la précédente, pourraient égale-
liste
Ces plantes doivent être rempotées au prin- ment prospérer dans la serre tempérée; elles
temps, dès qu'on s'aperçoit qu'elles vont ren- aiment par-dessus tout à vivre dans un air sec
trer en végétation. La terre qui leur convient et chaud, en ayant leurs racines dans une terre
est un mélange par parties égales de terre lé- toujours humide; elles vivent en effet dans leur
gère sablonneuse et ae terreau de feuilles. Elles pays natal le pied dans l'eau et la tête au soleil.
ont besoin d'arrosages très fréquents et très Noos insistons sur le conseil que nous avons
abondants à l'époque où elles commencent à donné de décorer la serre chaude- sèche au
émettre leurs tiges florales. moyen des plantes grimpantes qu'on peut faire
'Le même traitement convient aux plantes courir le long d'un iil de fer partout où leurs
appartenant aux genres caladium, arum et à guirlandes de fleurs peuvent se déployer sans
plusieurs bégonias, dont la base est formée d'un nuire aux autres plantes; ta liste suivante com-
tronc charnu; la mantizia salvatoria, et la me- Erend les noms des plantes grimpantes et volu-
thonica simptex exigent aussi le même mode de iles qui croissent le mieux dans la serre chaude-
-1.-1-
culture. Ces plantes ne sont, à proprement par- BgBBi
ler, ni de serre chaude-sèche, ni de serre chaude-
humide ; à défaut de celte dernière serre, il faut Combretum purpureum. ,
lia indica.
leur donner dans la première les places les plus
jtis floribuoda.
humides pendant l'été.
graodifolia.
Les maotizias, les methonicas, les plantes i
vent
appartenant aux genres kempfœria (zidoaire) lalliacea.
zingiber {gingembre) et quelques plantes du Bignooia . . / speciosa.
maranta, ne perdent leurs feuilles dans la |
equinoxialh.
serre chaude que dans le courant de novembre panicnlata.

et de décembre, et ne recommencent à végéter purpufea. «

Letlonia nrnaïa.
que dans le mois de mars; les arrosages et repo-
Convolvulu* nervosus.
que du rempotage de ces plantes doivent être ré- Allamanda catbarlira.
glés en conséquence de la marche de leur végé- Ipotnasa borsfolli*.
tation. Mimosa scandent
La suivante contient les
liste noms des Clitoria ternala.
plantes de serre chaude les plus A bras precatorius.
par la richesse de leur floraison. Passiflora (dix espèces).
,

. i , | tabiosa.
Aristolochia
augutta. (
inlubala.
ovata. Boiigainville* spectabilis.
regina*.
Slrelitiia major. B. — Sert* ckaudt-kumitte.
juncea.
tpatulaïa. Ce genre de serre convient particulièrement
augustifolia. aux végétaux des contrées les plus fertiles des
lainlense. régions tropicales, surtout à ceux des contrées
a nubile. marécageuses et des vallées des grands fleuves,
wallicbianum.
où la réunion d'une température élevée et
d'une atmosphère humide développe un luxe
eruhescens.
<giganleum.
de végétation inconnu partout ailleurs. Aucune
i pulrberrima. situation ne convient mieux à la serre chaude-
breonii. humide qu'un mur en terrasse exposé au midi
Euphorbia 'plendens. ou au sud légèrement sud-est; la masse de terre
jacquiniflora que soutient ce mur contient toujours néces-
R a vénal a madagasrari sairement plus ou moios d'humidité il en ré- ;
Carolinea priucepi.
sulte un état permanent de moiteur dans Pat-
indict -
Mangifer.!
*
mosphère de la serre , état spécialement favo-
I
racemosa
Euphoria rable à la santé des plantes qui doivent y vivre.
li-lchi.
crii,8U - On ajoute encore au besoin à cette humidité
Justid...|
en creusant le sol de la serre à quelques déci-
mètres au-dessous du sol environnant.
La charpente de la serre humide, lorsqu'on
On peut joindre à cette liste le latania rubra, la construit en bois, est très promptemenl dé-
les draceenss, les jatrophacées, les bignoniacées truite,même quand on choisit du cœur de
en arbre, les jasminées et les capparidées. Les chêne de première qualité, tandis qu'une char-
plantes de cette dernière famille demandent au pente en fer, revêtue d'une peinture conve-
moins 15 degrés de chaleur; au-dessous de nable, peut durer indéfiniment. Nous avons
cette température, elles dépérissent. déjà exprimé notre opinion relativement aux

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380 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

inconvénients que présente le fer employé à la les années pluvieuses, un excès d'humidité
construction des serres-, ces inconvénients dans l'atmosphère de la serre chaude • humide.
sont surtout sensibles à l'égard des châssis Dans ce cas, il ne faut pas craindre de
vitrés; mais rien n'est plus facile que de les faire du feu dès le mois de septembre, pour
éviter en associant le bois au fer dans la con- dissiper ces vapeurs surabondantes quoique ,

struction de la serre chaude-humide. 11 suffit, la température intérieure de la serre ne soil pas


dans ce but, de construire en fer toutes les assez basse pour exiger à cette époque de l'an-
Ïièces principales de la charpente, et en bois née le secours de la chaleur artificielle.
i meilleur qu'il soit possible de se procurer Nous avons vu comment certaine» parties de
les châssis destinés à recevoir les vitrages. Par la serre chaude-sèche réunissent jusqu'à uo
ce moyen, les plantes dans l'intérieur de la certain point les conditions d'une serre chaude-
serre n'ont point à souffrir de l'excès d'ombre humide; il en est de même de la serre chaude-
résultant du trop grand volume d une char- humide , dont toutes les parties ne sont pas
pente en bois qui intercepterait trop de lumière, humides au même degré. Cependant , si l'on
et les vitrages ne risquent pas d'être cassés par peut, dans de certaines limites, faire d'une serre
l'inégalité de dilatation du verre et du fer. chaude-sèche une assez bonne serre chaude-
Les châssis de la serre chaude-humide doi- humide , cette dernière serre ne peut jamais
vent être ajustés avec le plus grand soin, afin devenir une bonne serre chaude-sèche trop ;

de procurer à l'intérieur de cette serre une de causes dont on ne peut modifier les effets,
clôture hermétique; ils doivent tous les ans concourent à tenir son atmosphère constam-
recevoir une ou deux couches de peinture, lant ment chargée de vapeurs humides. Les parties
pour assurer leur conservation que pour empê- les plus ombragées, où l'air est plus stagnant
cher qu'il ne s'y établisse quelque fente par et l'évaporation plus lente que dans le reste de
laquelle un courant d'air froid pourrait s'intro- la serre, conviennent de préférence à tout
duire dans la serre. Aussitôt qu'on reconnaît autre emplacement, aux fougères, aujourd'hui
l'existence d'une semblable fente, il faut s'em- fort cultivées comme ornement dans les serres
presser de la boucher avec du mastic. Les chaudes, en raison de la beauté de leur verdure
châssis de la serre chaude-humide exigent, sous et de l'élégance de leur feuillage. Il en est qui
ce rapport, une surveillance de tous les jours. croissent très bien le long d'un mur humide ;
Les bâches doivent être construites en dalles tels sont entre autres les pol y podiums phymo-
minces, d'une grandeur proportionnée à celle todes et scandens.
de la serre et aux dimensions des végétaux Quelques plantes qui recherchent l'ombre,
qu'on se propose d'y cultiver. Les observations accompagnée de la chaleur humide, peuvent
aue nous avons faites relativement à la pro- très bien servir à tapisser le mur du fond
duction de la chaleur dans les bâches de la de la serre auquel elles s'accrochent par les
,

serre chaude-sèche, au moyen des matières racines qu'elles émettent en grand nombre le
animales et végétales en fermentation, s'ap- long de leurs tiges, comme le lierre de nos cli-
pliquent également aux bâches de la serre mats ; c'est ce que ne manquent pas de faire
chaude-humide; ces bâches n'ont pas besoin les piper nigrum et bétel, le lie us scandens, et
de chaleur interne; il suffit que les plantes re la vanilla aromalica ou planifolia , ainsi que
,

çoivent. par l'intermédiaire de l'atmosphère, la vanilla pomponia. Toutes ces plantes crai-
une chaleur suflisante provenant d'un appareil gnent beaucoup le soleil; le renouvellement
de chauffage convenablement dirigé. La tem- fréquent de Pair ne leur est pas nécessaire
pérature moyenne de la serre chaude-humide comme à beaucoup d'autres végétaux elles ne ;

ne peut pas descendre à moins de 10 degrés ; semblent pas souffrir sensiblement du défaut
elle ne doit pas non plus dépasser un maximum de ventilation ; mais les arrosages et les serin-
de 30 degrés. Les bâches sont tout simplement gages doivent leur être prodigués. Il ne faut
remplies de terre, sur laquelle sont placés les seringuer les plantes de serre chaude - humide
pots dans lesquels vivent les plantes. que lorsque le soleil est déjà assez bas sur l'ho-
Cette disposition serait inutile si la serre rizon.
chaude ne devait contenir que des plantes de Il n y a pas pour les plantes de la serre
pleine terre, à qui la température et l'humidité chaude - humide d'époque de rempotage géné-

de cette serre conviennent en toute saison ; ral ; comme toutes ces plantes végètent avec
mais, comme on l'a vu précédemment, beau- une très grande activité, elles ont bientôt épuise
coup de plantes, pour végéter convenablement, les parties nutritives de la terrede leurs pots;
veulent passer dans la serre chaude-humide dès qu'on s'en aperçoit au ralentissement de
tout le temps que dure leur et ai de végétation, leur végétation , on doit remplacer, soit en
et dans la serre chaude-sèche l'époque de leur en
totalité, soit partiellement, la terre épuisée,
sommeil, ce qui n'est possible que pour les usant des mêmes précautions que nous avons
plantes cultivées dans des pots. précédemment indiquées. .

Les pots ne sont pas moins nécessaires pour quel-


La suivante contient les noms de
liste
les plantes de petite taille , qu'il faut à cer- ques-unes des plantes exotiques les plus remar-
la
taines époques rapprocher des jour$ en les po- quables parmi celles qui se plaisent dans
sant sur la tablette qui règne le long du vitrage. serre chaude-humide.
Il règne quelquefois à l'arrière-saison dans
,

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TITRE V. FLOIUCULTURE.
plantes de serre sont puisées en grande partie
Hedy«4»,un, . .
dans le traité des serres par M. Neumann,
angu$( fol u|a
chef des serres au Jardin du Roi ; nous em-
'coronarium.
pruntons à un excellent article du même
|
lebrina.
iruncala.
horticulteur les détails suivants sur la culture
. . !

I birolur. de la vanille, niante que ses usages économi-


svguinum. ques rendent aigne à tous égards de fixer l'at-
seguinutn variegatum. tention des amis de la culture des plantes exo-
odorum. tiques
. violaceiim.
. {
§ VIII. - Culture de la vanille.

iiiqosiim.
Peu de plantes sont aussi rustiques et exigent
1
sagiltiefolium.
moins de soins que la vanille dans son pays na-
tal ; l'odeur exquise de ses siliques, objet d'un
Les plantes de précédente sont a
la liste
commerce très important, les fait rechercher et
feuilles persistantes , ou
perdent leurs , si elles
payer fort cher par les confiseurs, les distilla-
feuilles, c'est insensiblement, celles qui tom-
teurs et les glaciers entre aussi, comme
elle
bent étant remplacées aussitôt par celles qui ;

assaisonnement, dans plusieurs mets sucrés.


repoussent ; toutes ces plantes, dans une serre
chaude-humide bien gouvernée, végètent avec
A Cayenne, la culture en grand de la vanille
se pratique tout à-fait sans cérémonie. Cette
autant d'activité et de vigueur que dans leur
plante, dit M. Neumann, ne demande pas de
pays natal.
grandes avances à ceux qui l'exploitent ; il ne
Les végétaux de la liste suivante, apparte-
lui faut ni labour, ni taille, ni écnalas; plantée
nant à la famille des palmiers, les rois du règne
sous des bois, dans des ravins très chauds, elle
végétal, ne se plaisent dans la serre chaude-hu-
pousse avec vigueur sur les guazuma à feuilles
mide qu'autant que l'humidité n'y est point en
d'orme et sur tous les arbres à écorec molle et
excès.
spongieuse, m
icoccinea (bananierï.
Pour on horticulteur intelligent, ce seul fait,
sapientum. observé sur les lieux par l'habile horticulteur
discolor. qui le rapporte, vaut toute une instruction dé-
sinensi» ( bananier taillée sur la culture de la vanille ; on voit, en
bihaï.
| effet, que cette plante, sur son sol natal, se dé-
\ speciosa.
Heliconia. / pulirrrulenta.
veloppe sous les mêmes conditions et dans les
.

psillararum.
mêmes localités que les orchidées, à la famille
braiiliensis. desquelles elle appartient; sa place est donc
toute marquée dans la serre chaude-humide et
résina;- major. dans la serre aux orchidées pour ceux qui
Mata, s'adonnent à la culture spéciale de celte famille
spatulacea de végétaux ; l'ombre, la chaleur et l'humidité
jiinrea.
sont les éléments de son existence. On 13e peut
\augutla.
se faire une idée de sa force de végétation, à
Bégonia (toutes le» espèces à feuilles penistanles).
trinervia.
moins de l'avoir observée ; dans les serres du
utilis. Jardin du Roi, la vanille pousse des racines
inermis. aériennes qui s'allongent jusqu'à 2 mètres et
bromatlitefolia, au-delà, cherchant une terre où elles puissent
refléta, s'enfoncer. Ces racines s'accrochent à tout ce
Su'elles rencontrent, même à du bois couvert
sylveslris

e peinture ; si deux d'entre elles viennent à se


croiser, elles reprennent l'une sur l'autre.
Les plus remarquables d'entre les plantes qui La vanille se multiplie très aisément de bou-
se plaisent, en été, dans la serre chaude-hu- tures faites en terre Iranche à la fois légère et
mide, mais qui veulent passer l'hiver dans la substantielle ; elle n'exige, pour se développer
serre chaude- sèche, sont comprises dans la liste rapidement, aucun soin particulier de culture;
suivante : il lui faut, comme à toutes les plantes de serre

chaude-humide, beaucoup d'eau pendant l'été


***** |2"£Sw et très peu pendant l'hiver, tant que dure le
Couroupita Guyi sommeil de la végétation. Mais le point impor-
Cecropia peltata. tant n'est pas seulement de faire végéter et
Carie* popaya. fleurir la plante, on cherche surtout à en obte-
Coffra arabica (cafféier).
nir ces siliques qui portent dans le commerce
le nom de vanille, comme toute la plante qui
Il faut ajouter à cette liste toutes les plantes les produit. La floraison de la vanille est très
appartenant aux genres psidium, astraprea, rapide ; les fleurs s'ouvrent l'une après l'autre ;
pterospermum et combretum. chacune ne dure pas au-delà de vingt-
d'elles
Les notions qui précèdent sur la culture des quatre heures. La conformation particulière

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38* HORTICULTURE.
des organes reproducteurs de la vanille rend de botanique, a obtenu par le même procédé
presque impossible la fécondation naturelle, du des siliques parfaitement mûres d'une autre
moins dans la serre, en Europe; or tome fleur espèce de vanille le résultat ne peut donc être
-,

qui n*a pas élé fécondée tombe sans donner douteux. Trois espèces, ou plutôt trois variétés
naissance à une silique, circonstance d'autant de vanille, sont cultivées dans nos serres; leurs
plus regrettable que les siliques récoltées dans siliques ont également les qualités exigées de
les serres,en Europe, ont exactement la même la vanille comme produit commerçable. La^.
et pourraient avoir dans le commerce la 518 représente la vanille à feuilles planes.
même valeur que la vanille d'Amérique; pour
Fig. 618.
mieux dire, il est impossible de distinguer l'une
de l'autre. Les fleurs ne produisent des siliques
que lorsqu'elles ont été artificiellement fécon-
dées, opération assez délicate à cause de la
manière dont ces fleurs s'épanouissent. Si la
floraison est trop avancée, la fécondation ne
réussit pas; elle réussit encore moins si la fleur
n'est ouverte qu'a demi. Après de nombreux
essais, M. Neumann s'est assuré que l'heure la
plus favorable pour féconder artificiellement la
vanille est entre dix heures du matin et midi.
Les siliques qui succèdent aux fleurs fécondées
ne sont mûres qu'au bout d'un an ; elles sont,
nous devons le répéter, parfaitement sembla-
bles et égales en parfum comme en qualité à la
meilleure vanille du commerce. A Cayenne, on
prépare les siliques de vanille par le procédé
suivant on les récolte avant leur maturité,
:

lorsqu'elles ont acquis tout leur volume et que


leur couleur passe du vert au jaune on
; les en- S IX. — Plantes aquatiques de i

file ordinairement douze par douze, comme on Bien peu d'amateurs s'adonnent en France
le fait en Europe pour les haricots verts qu'on se à la culture des plantes aquatiques de serre
propose de faire sécher pour les conserver. Ces chaude ces plantes se recommandent pourtant
;

chapelets de vanille sont trempés quelques ins- par la réunion d'un nombre de qualités pré-
tants seulement dans de l'eau en ébullition, cieuses dont la première est d'exiger peu de
puis retirés aussitôt et suspendus à des cordes soins, et de venir pour ainsi dire toutes seules.
dans une chambre où le soleil puisse avoir ac- Les plantes aquatiques, une fois qu'on leur a
cès pendant plusieurs heures de la journée. Le donné la quantité d'eau nécessaire, n'ont plus
lendemain, toutes ces siliques sont huilées lé- besoin que d'une ventilation fréquente et d une
gèrement l'une après l'autre, tant pour en éloi- température égale à celle de la serre chaude-
gner les mouches qui craignent l'huile, que humide, chaleur qu'il est facile d'entretenir ta
pour que les siliques, en perdant leur humi- moyen d'un appareil de chauffage approprié i
dité, conservent encore une certaine souplesse. l'étendue de la serre. Du reste, if ne leur faut
Elles perdent, par la dessiccation, environ les ni arrosage, ni nettoyage, ni rempotage, ni
trois quarts de leur volume; elles contractent taille fréquente des tiges et des racines, ni aa-
en même temps une couleur d'un brun presque cun de ces soins minutieux que réclament tou-

noir, et leur arôme devient beaucoup plus pro- tes les autres plantes de serre à divers degrés,
noncé qu'il ne l'était à l'époque de la récolte. et qui rendent leur culture si assujettissante
On les frotte d'huile une dernière fois avant de pour le jardinier. Voici quelques indications
les détacher pour les renfermer dans des pots sur la manière dont on gouverne en Angleterre
de terre vernissée, où on les conserve jusqu'à les plantes aquatiques de serre chaude. La serre
ce qu'elles soient livrées au commerce. chaude aux plantes aquatiques ne peut avoir
Ces procédés de préparation n'ont rien que trop de lumière : par ce motif, elle se construit
de fort simple. Il n est pas douteux pour nous mieux à deux versants qu'à un seul ; l'inclinai-
que la culture de la vanille ne soit non-seule- son des deux versants ne doit pas dépasser
ment possible et facile, mais même très profi- vingt à vingt cinq degrés, parce que ces plan-
table dans une serre bien dirigée. Les produits tes ne veulent pas être trop éloignées des vi-
de cette culture ont toujours une grande va- trages elles en seraient trop loin dans une
:

leur; l'amateur peu favorisé des dons de la serre dont les panneaux seraient inclinés. La
fortune peut, s'il consacre à la vanille la moitié longueur de cette serre est toul-à-fait arbitraire;
se
jde sa serre chaude -humide, y trouver une res- elle dépend du nombre des plantes qu'on
source suffisante pour peupler l'autre moitié propose d'y cultiver ; la hauteur ne doit pas
des orchidées les plus précieuses. dépasser trois mètres au centre ; les bâches se-

par
Les succès obtenus par M Neumann en fé-
. ront remplacées par deux bassins séparés
condant artificiellement la vanille ne sont point un passage. L'eau de ces bassins sert à la fois
aquau-
un fait isolé; à Liège, M. Morren, professeur de nourriture aux racines des plantes

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F LORI CULTURE. 383

qoes et de support aux feuilles de ces plantes c'est presque ia seule des pentes aquatic
qui flottent à la surface de l'eau. On les place dont lesgraines conservent indéfiniment leur
sous l'eau dans des pots, afin de pouvoir retirer faculté germinative. On sème en bonne terre
de l'eau celles dont les racines sont tubercu- légère, dans des pots plongés dans l'eau de
leuses pendant le sommeil de leur végétation et manière à ce que la surface de leur terre n'ait
les déplacer toutes à volonté à mesure qu'elles au-dessus d'elle que 0»,05 à 0 m ,06 d'eau main-
fleurissent ou que leur floraison est passée. tenue à une bonne température. Le plant doit
Les plus grandes peuvent se placer dans des être repiqué très jeune dans des pots qu'on
baquets ou dans des pots très évasés. Quant à place au fond de l eau ; les feuilles ne tardent
la terre où plongent leurs racines, sa qualité est pas à atteindre la surface du bassin où elles
à peu près indifférente aux plantes aquatiques; s'étendent horizontalement. Peu de plantes
elles tirent toute leur nourriture de Vair et de aquatiques vivaces ont une floraison plus
l'eau. prompte et une végétation plus rapide que le
On multiplie ces plantes soit de «raine, soit nelumbium; on volt pour ainsi dire pousser
par la séparation de leurs racines. Les graines cette plante dont la fleur est souvent ouverte
de presque toutes les plantes aquatiques de moins de quatre mois après que la graine a été
serre chaude perdent leur faculté germinative semée.
très promptement et veulent être semées au Il n'est pas nécessaire d'avoir une serre sem -
moment même où on les récolte. La graine du blable à celle que nous avons décrite, eique les
nelumbium speciosum peut se conserver long- Anglais nomment aquarium, pour cultiver avec
temps et même voyager sans s'altérer, pourvu i
succès les plus belles d'entre les plantes aqua-
qu'on la conserve dans des bouteilles bien tiques. Elles prospèrent également, soit dans le
bouchées et remplies d'eau. On sème les grai- bassin de la serre chaude, soit même dans des
nes di s plantes aquatiques sous l'eau, dans des baquets de grandeur convenable, enterrés dans
pots ou des baquets remplis de terre la terre
; la bâche delà serre tempérée elles contrastent ;

des marais est celle qui leur convient le mieux ; Sir l'ampleur de leur feuillage et de leurs
elles lèvent promptement et végètent sans eurs avec les autres végétaux qui peuplent les
soins particuliers. On repique le plant fort serres. La liste suivante comprend les plantes
jeune dans des pots séparés. les plus dignes d'être cultivées parmi les plan-
Les genres suivants sont, parmi les plantes tes aquatiques qui ne supportent pas le plein
de cette catégorie, ceux oui se propagent le air sous le climat de Paris.
mieux de graines :nymphéa, limmocharis,
Plantes aquatiques a fleurs bleuet.
menyanthe8, pontederia, nelumlmim, apono-
geton et euryale. On y peut joindre, a cause Noat d« pUnlti Ep<x|u* d« la tofiixw
de leur intérêt historique et économique, le cy- Hetcreulhera reuiformU Juillet rt août.
perus papyrus et le riz. Les plantes des genres c * rule * De ju.n eu septembre.
Nymphe*
r . . !
limmocharis, menyanthea, pontederia et apo- ' I cyanea ... Id.
nogeton se multiplient en outre très aisément Herpestris strict* A où i

par la séparation de leurs racines, opération Nelumbium jamaicente I)e juin rn août.
Thalia dealbati Juitlrl el août.
fréquemment nécessitée par leur rapide végé-
Id.
tation. Les deux derniers genres sont assez Sature*
dilatai* ..A... Mm rt juin.
rustique» ils supporteraient à la rigueur les
;
Iinceolata D'août i>n octobre,
hivers doux sous le climat de Paris, dans une cnuaiprs Sepii-mbre el uclultfU*
pièce d'eau à l'air libre, quoiqu'il soit toujours
plus prudent de ne pas les y exposer. fiantes aquatiques à fleurs blanches.
Les plantes du genre nymphéa oni de grosses I distachvon Mai el juiu.
racines tuberculeuses; tous les ans, à la lin on
) angtittifolia D'avril eu septembre.
de l'automne, on examine ces racines, afin de pla De juin en septembre.
séparer les plus petites, qui tiennent lieu de IpauriQora Juillet el août,

Clant, pour la multiplication de ces plantes, et araulis De juin en aoill.

s plus grosses, qui forment des plantes toutes ,


pinnala Id.
Cephalotus follieularis Juin.
faites devant fleurir l'année suivante. Ces ra-
Desmanlhus triquetris Juillet el août.
cines se placent dans des pots de grandeur con-
Vftlarsia indiea De juin en septembre.
venable remplis de terre légère ; on les tient
Victoria résina Janvier.
presque à 9*t durant tout l'hiver, dans le but
de les empocher de végéter ; au printemps, on Plantes aquatiques à fleurs jaunes.
recommence à les arroser largement jusqu'à ce
Limuorbaris plomierii De juin en novembre.
que les feuilks se montrent ; alors on place les
Nelumbium luteum De juin en aot'u.
pots au fond de l'eau, près des jours; les nym-
phéas ainsi traités fleurissent toujours abon- Nepeulbès phyllompluVa Juillet el aoul.
damment.
Par ce motif, les nelumbiums, dont les fleurs Plantes aquatiques à fleuvs mttget.
magnifiques peuvem être obtenues en été lors-
Eunalcfero» De juillet eu
qu'on sème la graine au commencement du Impatient Datant Id.
printemps, se multiplient toujours de semence ; Nymphéa rubra Juillet «I tout.

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384 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

La plus admirable dos niantes aquatiques est Les jardins ornés ne commencent en France
sans contredit celle que les botanistes anglais que sous les derniers Valois, à la suite des
ont nommée, en l'honneur de leur reine, Victo- guerres d'Italie, quand nos rois eurent la mal-
ria regina. Cette plante fut découverte, en eureuse idée d associer les Médicis à leur
1837, par M. Schomburgk, sur la rivière de trône. A cette époque, l'Italie avait depuis long-
Berbice, dans la Guiane anglaise. Les feuilles temps de très beaux jardins, où le charme
de cette plante gigantesque n'ont pas moins naturel des sites était rehaussé par le luxe mer-
d'un mètre 50 de diamètre dans son pays na- veilleux de la sculpture et de l'architecture;
tal ; la fleur est formée de plusieurs centaines c'était la tradition des jardins antiques dont
de pétales passant du blanc pur au rose clair ;
Rome avait emprunté Part à la Grèce, qui
m
elle n'a pas moins de 0 ,30 à 0 m ,35 de diamè- l'avait reçu des Orientaux, en le modifiant
tre; c'est par conséquent la plus grande fleur selon son génie. Cette tradition , en Italie,
de tout le règne végétal. La culture de cette n'avait jamais été complètement perdue elle ;

plante est celle de l'euryaleet du nelumbium. fut l'origine des jardins symétriques, dont
l'époque brillante fut en France le long règne
de Louis XIV.
Les jardins français, ainsi qu'on les nommait
alors, furent de bon ton dans toute l'Europe,
C'UPITRE 11. — Jardins paysagers. surtout en Angleterre, où Charles II en avait
importé la mode. L'exagération des défauts
Section l
re
. — Notions générales. propres à ce genre de jardins fut bientôt portée,
Le style des grandes compositions pour les en Angleterre, jusqu'aux dernières limites de
jardins, a varié d'âge en âge, comme les idées l'absurde. Le dégoût très naturel que ces com-
dominantes de chaque siècle. Le moyen-âge positions inspiraient aux hommes de bon sens
dédaigna l'art d'orner de vastes espaces pour île ce pays, venant à coïncider avec les ambas-
en former des jardins publics ou particuliers sades célèbres des Anglais en Chine, on se mit
d'un grand style; en France, les Francs eurent aussitôt à imiter les jardins du céleste empire
bientôt laissé tomber dans l'oubli ce que les avec la même exagération qu'on avait mise à
Romains leur avaient légué de remarquable en copier les jardins français symétriques; de 1»
ce genre, comme dans toutes les branches des les jardins anglais adop'tés avec enthousiasme
arts. La chronique nous montre le roi Franc par la mode en France.
Childebert allant de son palais à la messe, ma- Aujourd'hui, le mot et la chose commencent
ritalement avec la reine Ultrogotte, à l'église à passer. Les contemporains anglais, français,
de Saint-Vincent, aujourd'hui Saint-Germain- allemands, adoptent d'un commun accord le
dcs-Prés, sans sortir de ses jardins. Ce roi ha- terme, très rationnel à notre avis, de jardin
bitait l'ancien palais des Thermes de l'empe- paysager ; ce terme nous parait être la seule
reur Julien, palais dont les débris subsistent vraie définition des grands jardins ornés de
encore rue de La Harpe les jardins du palais
; notre temps. C'est de ce point de vue que nous
des Thermes s'étendaient donc sur tout l'espace donnons un aperçu de l'état actuel de cette
compris entre la rue de La Harpe et Saint-Ger- branche de notre horticulture.
main-des-Prés ayant au nord la Seine pour
, Les notions que nous nous proposons d'ex-
limite. C'était une trace du passage de la gran- poser à ce sujet sont puisées en partie dans
deur romaine; un roi Franc n'aurait certes pas l'excellent traité de M. le chevalier Van Scxell,
eu l'idée d'une création semblable. directeur des jardins royaux en Bavière. Ce
livre, dicté par le bon sens et le bon goût,
est
Quelques siècles plus tard le Louvre rési- , ,

le seul sur cette matière qui résume les


dence féodale des rois de France, n'avait pro- idées

bablement pas de jardins; du moins la chroni- des


et les besoins de notre époque, à l'égard
que mentionne en plusieurs passages les vignes jardins paysagers.
Îui couvraient la rive de la Seine devant le Afin de mieux établir la limite qui sépare le
.ouvre situation qui aurait dû être naturelle- style des anciens jardins de celui des jardins
ment celle du jardin, s'il y avait eu un jardin. modernes, et de montrer comment et d»n J

Sous les premiers Valois, l'hôtel Saint-Paul, quelles proportions nous concevons l'alliance
demeure habituelle de ces princes, sur l'empla- des arts et des beautés naturelles pour l'orne-
cement actuellement occupé par le collège ment de ces compositions, nous ferons voir
Charlemagnc, eut de très grands jardins qui comment le retour à des idées moins exclu-
rejoignaient le bord de la Seine jusque vis-à-vis sives s'est opéré dans les jardins de la Grande-
des
de File aux Anguilles, qui fut depuis l'ile Lou- Bretagne, celte terre classique des parcs et
des
viers, aujourd'hui réunie à la rive droite de la vastes jardins, parce qu'elle est aussi celle
nous tradui-
Seine. Les noms des rues du Figuier et de la fortunes colossales. Dans ce but,
suivants
Cerisaie, vestiges historiques des jardins de sons, en les abrégeant, les passages
sujet,
l'hôtel Saint-Paul, rappellent un verger plutôt d'un écrit très remarquable publié sur ce
ans.
qu'un parc les rues du Fauconnier et dos Lions
; en anglais, par M. Hope, il y a vingt-cinq
an-
montrent l'emplacement d'une ménagerie jointe - Citait la grande mode, il y a quelques
au verger royal, objet d'admiration sous le rè- dans ta
nées, en Angleterre, de rechercher
tes
gne du sage roi Charles V. composition des jardins tout ce qui pouvait

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TITRB V. JARDINS 1>A\S\UKS. 385

l'aire prendre pour des produits de la nature, dans le dessin des parties du jardin constituant,
sans le secours de Part et de l'industrie hu- à proprement parler, le jardin d'agrément, ou
maine ; la mode d'alors blâmait sans distinction dissimuler cette intervention ; dans le dernier
toutes traces de la main de l'homme dans le cas, l'emploi des moyens artificiels tend à pro-
dessin d'un parc ou d'un jardin; elle avait duire des effets susceptibles de plaire aux yeux
surtout proscrit tout ce qui pouvait ressem- et à l'intelligence, mais seulement en se rap-
bler à une intention de symétrie et de régula- prochant le plus possible des formes irrégu-
rité. Peut-être, en recherchant mieux qu'on ne lières et indéterminées de la nature entièrement
l'a Tait jusqu'à ce jour, le but et la destination libre; dans la seconde hypothèse, on emploie
d'un jardin, trouverait-on peu rationnel de ouvertement, et sans chercher à les masquer,
renfermer les formes et les ornements des jar- les ressources de l'art, et l'on fait contraster
dins dans des règles si strictes et si limitées. vivement l'irrégularité des lignes du paysage
- Quelle fut, dans les temps primitifs, l'ori- naturellement agreste, avec la symétrie dés ou-
gine aes jardins? La difficulté d'aller récolter vrages réguliers de l'art humain. Ne perdons
à de grandes distances des plantes usuelles et pas de vue celte vérité, que la symétrie entre
cueillir des fruits mangeables sur des arbres aussi bien dans le plan des œuvres de la na-
épars çà et là, parmi un grand nombre de ture que dans celui des travaux de l'homme;
plantes'et d'arbres inutiles ou nuisibles, a dû seulement, la nature n'en fait l'application qu'à
probablement donner la première idée d'un ses plus petits ouvrages, admirables par leur
jardin, en faisant sentir la nécessité de réunir régularité; elle cesse de s'y astreindre des
>rès de la demeure de l'homme les végétaux, qu'elle opère sur des masses pfus considérables,
>ase de sa subsistance. Ce point de départ du sur des espaces plus étendus.
ardinage est encore, de nos jours, l'objet de Nous avons dit qu'il fallait rechercher dans
cette branche importante de l'horticulture con- la création du jardin paysager le plaisir des
temporaine, qui a pour but d'approvisionner yeux et celui de l'intelligence. En effet, l'ab-
l'oflice et la table. La portion du jardin chargée surde ne saurait satisfaire l'esprit; il choque et
spécialement de satisfaire, non pas seulement la déplaît partout où il se montre. Or, rien ne
vue, mais encore l'estomac, a dû nécessaire- semble plus absurde aux yeux de l'homme de
ment rejeter le désordre et la confusion de la bon sens, que ces efforts dispendieux pour imi-
simple nature ; il a fallu isoler entre eux les vé- ter la nature dans ce qu'elle a de laid et de dés-
gétaux utiles de chaque espèce, après les avoir agréable, tandis, qu'au contraire, l'esprit est
séparés des végétaux inutiles il a fallu consa-
-, satisfait à l'aspect des travaux d'art qui, par
crer à chaque genre de plantes un espace de exemple, auront réussi à convertir un aride co-
forme régulière pour lui donner des soins spé- teau dépouillé de végétation en un riant et frais
ciaux de culture, conformément à sa nature et paysage. Bien loin d'ajouter à la beauté de son
à son genre d'utilité. œuvreendissimulant l'intervention de la main de
Nous voici conduits à conclure de cet exposé l'homme, l'auteur d'une création de ce genre
de l'origine du jardinage, que l'une des beautés n'aurait fait par là, à ce qu'il nous semble,
les plus réelles parmi celles que nous pourrions qu'en diminuer le prix, en retranchant quelque
nommer intellectuelles, c'est celle qui résulte, chose du plaisir qu'on éprouve toujours natu-
dans toute œuvre de Part ou de la nature, de rellement à l'aspect d'une œuvre bien exécutée,
l'accord parfait, de l'exacte relation entre le d'un travail couronné de succès. Voudrions-
but proposé et les moyens employés pour at- nous que chacune de nos maisons construites
teindre ce but. De même qu'on peut regarder en pierre, ressemblât le plus possible à une ca-
l'opposition des formes et des couleurs comme verne, ou que nos vêtements de laine offrissent
l'un des éléments essentiels de la beauté dans la plus exacte ressemblance possible avec une

les objets qui frappent la vue, de même une toison non lavée? Ce serait pourtant l'applica-
beauté très réelle résulte de l'opposition entre tion du même principe. Ce n'est pas à dire nue
le vague, les lignes mal arrêtées d'un paysage nous voudrions que la terre dans nos jardins
dépourvu de symétrie, et les couleurs vives, les fût toujours et partout disposée en terrasse, que
formes distinctes, la gracieuse mosaïque d'un l'eau figurât seulement sous forme de jet d'eau,
sol soigneusement cultivé par compartiments que toutes les plantations fussent des avenues
réguliers et symétriques il semble que ce soit
; ou des quinconces, pas plus que nous ne pour-
une pierre précieuse qui brille dans un mon- rions souffrir à l'Opéra une interminable série
ceau de minéraux bruts, ou mieux, un riche d'entrechats, de menuets, ou de pas graves.
tapis étendu sur un coin d'une agreste vallée. L'imitation du paysage naturel doit à notre
On voit ainsi clairement, qu'au moins dans avis se réduire à la reproduction de ce que la
la partie du jardin consacrée aux productions nature offre de véritablement beau, sans entre-
utiles, nous pouvons produire accessoirement prendre de ces monstruosités extravagantes qui
un aspect satisfaisant, non-seulement pour la n'atteignent qu'au ridicule; car en cherchant
vue, mais aussi pour l'intelligence, sans nous l'imitation des grandes scènes de désordre, dont
astreindre aux formes irrégulieres de la nature la beauté tient à cette grandeur qu'il est hors
livrée à elle-même. du pouvoir de l'homme d'atteindre dans ses
Il reste maintenant à rechercher s'il vaut œuvres, le travail de l'homme dégénère com-
mieux laisser paraître l'intervention de l'art plètement en caricature. Sans doute, du sein
. ao*Tici;t.TVM T. v. — 49

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3sn HOr.TICULTURK. M VUE VIII.

des arènes les plus sauvages de la nature in- plus riches qui se détachent sur la plus riche
culte, il jaillit souvent des effets grands, impo- verdure. Comment ne point admiierces sta-
sants, sublimes ; mais l'art ne doit point aspirer tues, ces balustrades, ces vases artislement
à tes reproduire. entremêlés aux massifs d'arbres verts; ces
S'il existe dans quelques parties reculées de montagnes vues dans léloignement, à travers
les longues colonnades des portiques; ces
ran-
notre domaine une roche sourcilleuse, un pré-
cipice effrayant, un torrent qui gronde, une gées de cactus et d'aloês, étalant le luxe de leur
végétation dans des vases de granit et de por-
sombre et impénétrable forêt séculaire, c'est
une faveur de la nature; gardons-nous d'en phyre, vases aux formes régulières, mais moins
gâter les sublimes impressions en y mêlant les svmétriques, pour ainsi dire, que celles dont la
conceptions rétrécies de l'art humain : il serait nature a pare ces magnifiques végétaux? Et
là bors de sa place. Mais ce sont là de ces objets qui ne serait frappé des oppositions entre les
que nous ne voulons pas avoir constamment chers-d'œuvre de l'art et ceux de la nature, H
prêtant l'un à l'autre un charme de plus par
le
sous les yeux ; ils perdent tout leur prix en ces-
sant de nous impressionner, s'il nous faut, bon contraste de leur genre de beauté, surtout
gré mal gré, les regarder chaque fois nue nous quand ces beautés se déploient sous le ciel d»-
l'Italie, dans cette contrée considérée à si
juste-
ouvrons Ja fenêtre. D'ailleurs, si dans les alen-
tours de l'babitation, nous disposons toujours titre comme la première école du vrai beau?

d'un espace sulfisant pour les ouvrages d'art Mais il faut goût, ce sixième sens si uV-
que le

appropriés au jardinage, la place manque é\i- veloppé chez préside à toutes ces
les Italiens,

demment pour de véritables précipices, pour choses. C'est précisément l'absence de goui
adopter en Angleterre, avec pt*
des roebers dignes de ec nom. Ce qui convient qui avait lait

autour de la maison, c'est un choix judicieux sion. la symétrie et la régularité dans l arran
de plantes et d'arbustes indigènes ou exotiques, gement de nos jardins, tellement encombres
a\ec
dont les fleurs joignent à l'élégance des formes d'objets d'arts de toute sorte, entassés
l'éclat des couleurs et la suavité de leurs par- profusion, sans harmonie avec la nature du
fums; la place de ces plantes est là dans des pavsage environnant, qu'à la fin nous nous en

pois, dans des caisses comme les orangers, ou sommes trouvés rassasiés, rebutés; c'est en-
dans les plates-bandes d'un parterre, comme core la même absence de goût qui nous a
fait,

les rosiers et les jacintbes. Commentpourrait- dans ces derniers temps, nous précipiter dans
de
on entreprendre de les fairepasser pour les l'excès contraire. Repoussant tout vestige
productions naturelles d'un sol abrupte et tour- l'ancienne régularité des lignes de nos jardins,
comme on un fantôme on a ete
menté? Trouverait-on plus agréable un torrent repousse dont'
nos
précipite de rocher en roeber à la porte longtemps obsède, nous avons construit
Jui se
ae la maison, qu'une paisible rivière bordée de demeures champêtres dans des sites si peu Bill
fleurs, déployant ses gracieux contours près pour le séjour de l'homme, qu'elles y semblent
de
d'une habitation élégante? Nous concevons tombées des nues puis, sans prendre plus
;
de
l'application à la composition du jardin pay- souci du vrai beau que de l'agrément réel
rendu
sager du principe de l'imitation de la nature nos maisons de campagne, nous avons
les
le paysage, vu de l'habitation dans
toutes
inculte, mais nous la concevons seulement dans
dans
des limites rationnelles; nous rejetonsd'une ma- directions, aussi dépourvu d'harmonie
ar-
nière absolue l'exclusion de l'art, la' loi qu'on son ensemble que discordant avec le style
Pars
veut lui imposer de se cacher comme un intrus chitectural de l'habitation elle-même.
irregu-
qui n'a que faire dans le dessin et l'ordonnance cette confusion de lignes sinueuses,
n'avon>
des jardins paysagers. Nous admettons ouverte- lières, qui serpentent sans but, nous
n
ment et de plein droit les objets d'art dans ces pu déraciner tout-à-fait les traces de l'art;

jardins, comme ornements de détail. La profu- s'y laisse apercevoir, mais sous une forme

compo-
sion de ces objets est là sans doute un luxe de fois insipide et ridicule ; le style de ces
sont pas
très mauvaisgoût; mais pourquoi, par exemple, sitions rappelle ces vers blancs, qui ne
poésie.
verrions-nous avec moins de plaisir le cristal de la prose, et sont encore moins de la
pour
d'une source parce qu'il s'échappe d'une urne Est-ce là imiter la nature? La nature a
dans ses
réellement belle en elle-même, pour retomber elle l'espace, l'étendue, la grandeur ;
que ces
dans un bassin d'un dessin irréprochable? Si plus grandes scènes, elle ne déploie
cw
l'emplacement est bien choisi, si le dessin en vagues, mais inimitables beautés, résultant
est élégant et correct, un objet d'art renfer- l'opposition des formes et des couleurs JW
pein
mant en lui-même une beauté réelle ne peut de- grandes masses. La nature, dans ses plus
nommer
venir laid et déplaisant, par cela seul qu'il con- ouvrages, dans ce que nous pourrions
cha-
court à la décoration d'un jardin paysager. ses œuvres de prédilection, appartenant à
Les voyageurs qui n'ont pas fait abstraction 3ue règne, prodigue la régularité, la symeine.
de leurs propres sensations pour s'en tenir à ans des formes et des couleurs.
la disposition
de vaines et étroites théories, ne peuvent re- Examinez les rayons des paillettes du givre,
m
fleur. ?
fuser leur admiration aux jardins suspendus de facettes du cristal, les pétales de la
méta-
Gênes et aux splendides villas des environs de organes des insectes dans leurs diverses
ou
Rome; c'est quelque chose d'admirable, en morphoses; contemplez la figure humaine .

partout
çffet, que ce contraste tranché des marbres les seulement la configuration de l'œil;

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TITRE V. JARDINS PAYSAGERS. S87

vous serez frappé de la régularité, de la symé- jardins symétriques. Dans l'ancien svstftme, on
trie, de l'harmonie des œuvres de la nature. ne pouvait établir que des lignes droites sur
S'il est vrai que l'art ne soit autre chose que des surfaces planes; les accidents de terrain,
Je développement des règles posées par la na- trop considérables pour qu'il fût possible de
ture elle-même, il n'est pas vrai que ces règles songer à les faire complètement disparaître,
excluent la symétrie, il n'est pas vrai non plus devaient être convertis en terrasses ; le reste
quel'étrangetéel le caprice soient des sourcesde du sol était, avec des frais énormes, déblayé
beauté réelle pour les jardins paysagers. A de tout ce qui pouvait interrompre l'uniformité
force de renchérir sur la sauvagerie des sites, de sa surface. Or, on sait que dans toute créa-
ne pouvant les mettre en harmonie avec nos tion de jardins paysagers, la plus grande dé-
habitations, ce sont nos demeures champêtres pense est toujours celle qu'entraînent les déblais
que nous voudrons mettre en harmonie avec et les remblais; les autres dépenses ne sont
nos parcs; alors, il n'y aura pas d'autre moyen rien, comparées à celle-là. De plus il était im- ,

que d'en faire des antres ou des carrières. possible de profiter de manière ou d'autre pour
les jardins symétriques des arbres qui pouvaient
5 I
er
. —
Scène» naturelles propres à entrer dans la se rencontrer d'avance sur le terrain; comme
composition du jardin paysager.
on ne pouvait se permettre de sortir des plan-
A. — du terrain. tations en ligne droite, tout arbre hors de
l'alignement du tracé, quelque regrettable qu'il
Si nous examinons les paysages tels que les fût d'ailleurs , devait disparaître; et c'était le
forme la nature avec une variété infinie sur plus grand hasard du monde si tous ne se trou-
toutes les parties de la surface de notre mère vaient pas dans le cas d'être supprimés. Le
commune, la terre, nous reconnaissons dans jardinier, plus libre dans ses allures lorsqu'il
quelques-unes de ces scènes la nature à peu de s'agit pour lui de tracer un jardin paysager,
choses près dans son état primitif; d'autres regarde au contraire les accidents de terrain
nous la montrent plus ou moins modifiée par les pentes, les monticules, les vieux arbres, s'il
les diverses révolutions qui ont bouleverse la en existe, comme des hasards heureux qui fa-
surfaee du globe à différentes époques ; à peine cilitent son travail, et qu'il est heureux d'en-
trouve-t -on deux sites qui offrent exactement châsser dans sa composition.
le même caractère.
Le règne végétal contribue pour sa part à B. — Dimt usions des jardins paysagers.
cette variété, non-seulement par les différences Ily a sans doute des proportions au-dessous
énormes qui existent entre les genres et les desquelles un jardin paysager devient ridicule
espèces, niais aussi par la répartit ion des plan- de petitesse; mais c'est une erreur de croire,
tes entre les différentes contrées. Ainsi, tandis comme quelques auteurs l'ont avancé, qu'il
que dans les régions boisées, les masses végé- faut au jardin paysager un très grand espace,
tales sont l'objet le plus apparent du paysage, comme si la nature ne produisait pas très sou-
d'autres régions semblent dépourvues de vé- vent, sans l'intervention de l'homme, des effets
gétaux, et l'aspect de ceux qu'elles contiennent réellement beaux et pittoresques sur des ter-
se perd dans l'immensité des plaines ou des rains de peu d'étendue. Lorsque la contrée en-
montagnes arides le sommet des plus hautes
; vironnante est riche en effets de ce genre, et
montagnes a pourtant sa végétation qui lui est que le jardinier sait combiner ses plans de ma-
propre, mais cette végétation est formée de nière à suppléer à l'espace qui lui manque, en
plantes qui, par leur petitesse, échappent à l'œil faisant concourir à l'ornement du jardin l'as-
de l'observateur placé au bas de la montagne, pect des objets extérieurs, il n'a pas besoin
et ne concourent point à l'effet du paysage. d'un grand espace pour réunir les effets les plus
Parmi tous ces objets si différents les uns des Sracieux que ce genre comporte ; seulement
autres, il n'y a rien dont le jardinier paysagiste évitera d'entasser sur une surface de moins
ne puisse irer parti d'une manière quelconque ;
t d'un hectare des scènes qui veulent 1 ou 2 ki-
l'esprit d'observation , le talent de saisir du lomètres de développement ; il se souviendra
premier coup d'œil les ressources naturelles qu'il est de ces beautés d'un ordre supérieur
propres à donner du charme à ses compositions, qu'il faut laisser à la nature, et qu'il est hors de
constituent l'une des qualités les plus indispen- la puissance de l'homme de reproduire.
sables du jardinier paysagiste; c'est toujours,
C. — Choir d objets pittoresques.
fiarmi les talents qu'il doit avoir, celui dont il
ui faut faire preuve avant de songer à en dé- Les plus hautes élévations artificielles dans
ployer aucun autre. Il faut qu'il se préoccupe un jardin pavsager, soit pour rompre l'unifor-
avant tout de la nécessité de mettre son œuvre mité d'un sol' trop peu accidenté, soit pour pro-
en harmonie avec les scènes romantiques de la curer un beau point de vue, ne peuvent guère
nature qui l'environnent. dépasser dix mètres de hauteur perpendicu-
Ce principe, généralement adopté, établit une laire. Une rivière artificielle est très large quand
différence très notable entre la somme de tra- elle a de quinze à vingt mètres de largeur; on
vail et aussi la somme d'argent qu'exige, pour lac creuse de main d'homme est immense, et
une égale étendue de terrain, un jardin paysager coûte des sommes exorbitantes, s'il couvre seu-
dans le goût moderne , comparé aux anciens lement dix à douze hectares Ni l'un ni l'autre

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388 HORTICULTIWK. i ivhk vill.

de ces deux objei > no peut être trop petit sans térise parfaitement en leur donnant le nom
tomber dans le ridicule; il y a d'ailleurs des de grottes grotesques.
moyens, dont nous parlerons ailleurs, d'aug-
menter leur étendue apparente par les illusions $ II. — Constructions et ornements d'architecture,

d'optique. 11 ne faut point creuser de lac arti- Quoiqu'un jardin paysager bien composé
ficiel si l'on ne peut lui accorder une étendue doive satisfaire l'esprit et les yeux sans le
d'au moins huit hectares; au dessous de cette secours de l'architecture, les ornements d'ar-
étendue, ce ne sera qu'un étang ou une pièce chitecture employés avec discernement peu-
d'eau, qui n'exige pas de si larges proportions. vent cependant ajouter beaucoup aux ressour-
On doit regarder comme les très bienvenus, ces dont on peut disposer pour son embellisse-
dans le site où l'on doit créer un jardin paysa- ment ils servent d'autant mieux à lui donner
;

ger, les ruisseaux et les cours d'eau de toute un caractère déterminé, que lorsqu'ils se ren-
espèce; les uns seront dirigés autour des bois contrent dans les passages naturels, c'est pré-
et des bosquets, tantôt s'éloignant, tantôt se cisément là leur destination, et l'effet qu'ils
rapprochant des allées, ou s'enfoneant sous produisent inévitablement. Il faut beaucoup de
d'impénétrables ombrages ; les autres, s'échop- tact et de goiït pour que les édifices adaptes à
panl d'entre les masses de rochers, iront par la décoration d'un jardin paysager soient dans
un cours paisible et des contours gracieux, de justes proportions avec son ensemble ; ces
s'encadrer dans un vallon plein de charmes, où édiiiees ne doivent pas non plus être en trop
leurs bords seront pour ainsi dire masqués grand nombre, ou trop rapprochés les uns des
sous des masses de Heurs offrant la plus bril- autres, faute que peut à peine racheter la per-
lante variété de couleurs et de formes, puis ils fection de ce genre d'ornement dans quelques
se perdront dans le lac ou la pièce d'eau qu'ils uns des jardins paysagers les plus célèbres de
serviront à alimenter; d'autres glisseront sans l'Europe. 11 est inutile de dire que les ruines et
bruit entre des rives ombragées d'arbustes les monuments de l'antiquité, lorsqu'on est as-

hauts et touffus, invitant aux plaisirs du bain, sez heureux pour en rencontrer sur son terrain,
de la pèche, ou de la promenade en nacelle ; doivent être soigneusement encadrés dans le
tous ces genres de cours d'eau rentrent dans paysage, au sein duquel ils produiront toujours
la classe des objets que l'art peut imiter dans les scènes les plus pittoresques.
leurs proportions naturelles, avec une parfaite
vérité qui permet à peine de reconnaître s'ils
A. — Temples.

sont l'ouvrage de l'homme ou celui de la nature; Les temples sur le modèle de ceux que l'an-
ils donnent de la vie et de l'activité aux scènes tiquité païenne consacrait au culte de ses dieux,
du paysage. Une cascade naturelle est encore se présentent en première ligne ; c'est la que
une bonne fortune dans un jardin paysager; les Grecs et les Homains déployaient tout le
un groupe de saules pleureurs, une urne, sont luxe de leur architecture; c'est là qu'étaient
des ornements à leur place près d une cascade employés ces modèles variés de colonnes et de
naturelle; ils sont un attrait de plus pour le pilastres qu'ils ont légués à l'architecture mo-
promeneur; ils l'obligent, en quelque sorte, à derne. C'est dans ce genre de construction que
s'y arrêter. l'œil saisit le mieux l'effet des divers ordres
Les bosquets, les épais fourrés, les massifs d'architecture, parce que rien qui leur soit
d'arbustes tlorirères, les lapis de verdure des étranger n'attire et ne détourne attention de I

{>rairies naturelles, les vallons émaillés de fleurs, l'observateur. Les temples, dans les jardins
es collines aux pentes adoucies, couronnées modernes, peuvent être consacrés aux divinités
d'arbres et d'arbustes d'ornement, sont encore que personne ne prend au sérieux, Flore, Pan
de ces éléments de beauté naturelle que l'art et Pomone ; ils le sont aussi très souvent a
peut et doit imiter dans la composition des deux divinités dont le culte ne passera pas,
paysages artificiels. Les rochers artificiels ne l'Amour et l'Amitié.
doivent pas non plus en être exclus, bien qu'il L'architecture romaine diffère peu de celle
soit fort difficile de leur donner une apparence des Grecs les ouvrages des Romains se dis-
;

naturelle ; nous y reviendrons. tinguent toutefois par un caractère particulier


Les grottes sont, de tous les objets naturels de solidité et de durée. Le style gothique est
qui peuvent entrer dans un paysage, le plus principalement propre aux constructions adap-
difficile à imiter d'une manière* satisfaisante, tées au service des cultes chrétiens une cha- -,

e'est-à-dire sans trop laisser apercevoir l'imita- pelle privée dans un parc ne peut être conve-
tion; on en voit en Angleterrequelques exemples nablement construite quedans ce style éminem-
qui font la plus complète illusion ces œuvres
; ment religieux. Nous ne pouvons que blâmer
d'art sont toujours excessivement dispendieu- l'introduction dans nos jardins paysagers de
ses. Nous ne parlons point de ces grottes
ici l'architecture dépourvue de grâce et de çoùt
de marbre sculpté, ornement des jardins sy- des Chinois; celle des Arabes et des Hindous
métriques avec leur accompagnement obligé de est moins connue et rarement en usage, quoi-
niches et de statues ; c'est là ce que M. Th. Le- qu'elle soit beaucoup plus diene d'être étudiée
clerc, nomme à si juste titre du naturel de con- et imitée.
vention; il ne peut en être question dans les Le choix de la situation d'un temple neit
jardins paysagers j M. Von Sckell les carac- pas sans importance on peut se conformer a
;

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TITRE V. J.\UULV> PAYSAGE!'.*. 389

l'usage «les anciens qui eonsii uisaient la façade


de leurs temples à l orient. Un temple dédié à
C. — Statues.
l'Amour ou à quelque autre aimable divinité, Les jardins modernes rejettent ce peuple de
n'est point à sa plaee au fond d'un sombre tail- statues dont les jardins symétriques de l'ancien
lis, où rien n'invite à l'aller visiter: il lui faut style étaient encombrés'; sur les deux côtés
la place la plus gaie et la plus engageante de d'une avenue sur une place carrée ou circu-
,

tout le jardin, celle où la nature étale tout le laire ,au milieu d'une pièce d'eau grande ou
luxe de sa parure sur les plantes et les arbustes petite, partout des groupes cl des slatuesetaient
couverts de fleurs, celle où le murmure d'un jugés indispensables; la nécessité de réunir un
ruisseau semble inviter les oiseaux à animer nombre si prodigieux de statues dans un grand
de leurs concerts le bosquet sacré dont le tem- jardin faisait que, le plus souvent, on était peu
ple est toujours environné. Un temple consacré difficile sur l'exécution quantité engageait
; la
a Bacchus est bien placé, si de son portique la à fermer les yeux sur la qualité; on peut voir,
vue s'étend sur des vignobles ; on peut consa- à la bnnte du goût français, un exemple déplo-
crer à Cérès un temple dont la situation do- rable de cette prodigalité de ligures rcar ce ne
mine de vastes plaines chargées d'épis. sont pas des statues) dans l'un des plus beaux
H. — Obélisques, colonnes, colonnes tronquées. jardins publics de la capitale , au jardin du
Luxembourg. S'il est vrai que le médiocre soit
Les jardins paysagers peuvent emprunter à pire que le mauvais, c'est assurément dans les
l'architecture égyptienne des obélisques; indé- productions des arts; le médiocre est là tout-
pendamment des inscriptions dont on peut cou -
a-fait intolérable; n'ayez point de statues dans
vrir ses surfaces, un obélisque peut aussi fort un jardin, ou, si vous* en avez, que ce soit des
bien recevoir en Europe son antique destina- chefs-d'œuvre. Le dieu Pan sur un rocher près
tion; les Egyptiens orientaient les angles d'un d'une fontaine, une nymphe qui se bai? ne dans
obélisque aux quatre points cardinaux, et s'en une rivière que surmonte une roche, dans un
servaient comme de l'aiguille d'un cadran so bosquet sous un épais ombrage, un faune épiant
la ire. Quelques pierres plates disposées à cet la nymphe au bain , ces statues et beaucoup
cfTet à des distances convenables sur le sol, d'autres en harmonie avec chaque site, s'en-
peuvent marquer le passage de l'ombre de l'obé- cadrent fort bien dans le jardin paysager, et
lisque aux différentes heures de la journée. La peuvent contribuer à l'embellir; hors de là , il
place d'un obélisque dans un jardin est sur la ne faut de statues que dans les temples , et
pente douce d'une colline, ou près des eaux, par comme il n'en faut qu'un très petit nombre , il
exemple sur la rive d'un lac, dont la surface est moins difficile d'exiger en elles un haut de-
réfléchit ce monument. Quant aux pyramides !
$ré de perfection artistique que lorsqu'il en ,

3ue Pline nomme des monuments de là folie du fallait toute une armée.
espotisme, parce que cent mille hommes ont
été, dit-on, employés pendant vingt ans pour en D. — Bâtiments isolés.

construire une seule, ces constructions, une


fois qu'elles sortent des proportions colossales
Les jardins paysagers admettent encore, en
propres à étonner par leurs masses imposantes,
nombre proportionné à leur étendue, quelques-
unes de ces constructions isolées qui peuvent
n'ont plus aucune valeur architecturale; des
recevoir diverses destinations soit pour un ,
pyramides en miniature, telles qu'on en voit
salon de lecture, soit pour une salle de bain
dâns quelques grands jardins, ne sont que ri- ,

décorés l'un et l'autre d'ornements analogues


dicules.
Les colonnes isolées sont plus usitées et d'un à leur usage. Les constructions de ce genre,
destinées seulement à réunir quelques amis pour
meilleur effet dans les jardins; elles peuvent
être surmontées du buste ou de la statue d'un
une aimable causerie rappellent par des in-
,

scriptions ou quelques bas- reliefs leur consé-


personnage historique à la mémoire duquel
cration à l'étude , à l'amitié , à la constance.
elles sont ordinairement consacrées. Lorsqu'on
leur donne d'assez grandes proportions, elles
Chacun de ces détails mis en sa place, concourt
à l'effet pittoresque de l'ensemble , mais tou-
contiennent un escalier et sont couronnées
jours et seulement à la condition que le goût le
d'une plate-forme entourée d'une rampe ; dans
plus épuré préside au choix de l'emplacement
ce cas, on les construit sur les points au jardin
Î|ui dominent la vue la plus étendue ; lorsqu'on
au style de l'architecture, et surtout à celui des
eur donne cette destination, elles ne pu-
ornements , dont la profusion , dans un jardin
paysager, est toujours déplacée
vent avoir moins de trois mètres de diamètre,
afin que l'escalier intérieur puisse avoir une
E. — Chaumière.
largeur suffisante. On dispose aussi avec avan-
tage, dans des parties écartées et solitaires du Dans un parc d'une grande étendue, on aime
jardin paysager, des colonnes tronquées, peu à rencontrer, au sortir des jardins somptueux
élevées, qui supportent, soit des urnes de forme décorés du luxe des arts, une modeste habita-
antique, soit des bustes de personnages célè- tion rustique, dont le toit de chaume et les ac-
bres. cessoires champêtres doivent être d'une pro-
preté coquette 9 ei d'une simplicité soignée,
rappelant à l'esprit , non la misère contrastant
390 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

fcvec l'opulence, mais bien le bonheur et l'ai- d'une ruine, l'imagination puisse rec^nsiruire
sance acquis, bien rarement, hélas! par le tra- sans effort l'édifice en son entier, et qu'il ut
vail dans Thumble condition du laboureur; lel soit pas possible de se méprendre sur ce qu'a
doit être, à ce qu'il nous semble, le caractère dû être cet édifice avant de tomber en ruines.
d'une chaumière véritable dans un parc. Nous Les débris de ruines, tels que des fûts et des
ajouterons que Pimpression en est encore plus chapiteaux de colonnes ou des fragments de
certaine et plus satisfaisante pour l'esprit comme corniches qui peuxeni être dispersés aux alen-
pour les yeux, quand le propriétaire d'un vaste tours, doivent porter le même caractère que
jardin paysager établit réellement dans la chau- les parties qu'on suppose restées seules debout;
mière qui contribue à décorer son parc une fa- ; l'illusion cesse à l'instant si l'œil ne retrouve
mille laborieuse dont l'aisance n'est point une pas pour ainsi dire , la place qu'ont dû occu-
,

fiction, et qui peut figurer naturellement le per ces débr is dans l'édifice, lorsqu'il subsistait
bonheur de la vie champêtre. en entier; à plus forte raison, il n'y a pas d'il-
lusion possible quand on entasse au pied d'une
F. — Constructions diverses ; maison d'habitation.
ruine des fragments d'architecture ou de sculp-
Toutes les constructions indispensables, la ture en désaccord par leur style ou seulement
maison du jardinier, les serres, l'orangerie, par leurs proportions, avec le bâtiment tel qu'il
peuvent et doivent servir d'ornement, chacune peut être reconstruit par la pensée.
dans le style qui lui est propre; mais c'est sur- Dans le but de rendre l'illusion aussi com-
tout la maison d'habitation qui par le choix,
plète que possible , une ruine artificielle doit
judicieux de son emplacement et le caractère être construite d'après le plan d'un bâtiment
de son architecture, doit être l'ornement prin- complet, et la place de ce qui manque doit être,
cipal du jardin paysager, celui qui, des parties sinon visible distinctement , au moins suffisam-
les plus reculées, sert de point de vue celui, , ment accusée sur le terrain. Une précaution
enfin vers l'agrément duquel tout l'ensemble
, non moins indispensable , c'est de calculer U
de la composition doit converger. La place na- construction des ruines de manière à ce que
turelle d'une maison dans un parc, est au point leur défaut de solidité ne soit qu'apparent et ,

d'où l'on découvre la plus belle vue à l'abri , que même quand elles ont l'air prêles à se-
des vents violents qui régnent le plus habituel- crouler sur les passants on puisse néanmoins
,

lement, à l'exposition du midi dans les pays s'en approcher et pénétrer sans danger au mi-
froids et tempérés, à celle du sud-est ou du sud- lieu de leurs débris.
ouest dans les pays chauds à l'est plein sous
, C'est seulement quand l'ensemble de la ruine
les climats ardents où le soleil de midi doit être est bâti, qu'on s'occupe de donner aux partie*
évite comme un fléau. La hauteur de ce bâti- saillantes et anguleuses, telles que sont les cor-
ment principal, sa forme , son étendue, son niches, les chambranles des portes et les em-
caractère enfin , doivent être étudiés selon les brasures des fenêtres, l'apparence des dégrada-
règles du bon sens et du bon goût, et s'harmo- tions causées par l'action lente des siècles. Cette
niser parfaitement avec le paysage. Soyez sûr apparence est plus naturelle et semble mieux
que vous aurez mal choisi la place de votre ha- causée par le temps lorsqu'on frappe au hasard
bitation, si partout ailleurs que sur l'emplace- sur ces parties saillantes avec un corps obtus
ment dont vous avez fait choix, une personne Sue lorsqu'on a recours au marteau du
tailleur

de goùl trouve qu'une autre habitation pourrait e pierre ; dans ce dernier cas, il est presque im-
être à sa place , et cadrer tout aussi bien avec possible qu'on ne reconnaisse pas quelque part
l'ensemble du jardin paysager. d'une manière évidente les traces de la inaiime
l'homme, là où pour conserverJillusion, il fa" 1
m
G. — Ruines. ne voir que la main du temps.
Les ruines produisent un effet très pittores- L'architecte chargé d'élever une ruine, fac-
quand leur situation est choisie avec asst z tice dans un jardin paysager ne perdra pas de
rc\ et
discernement pourqu'il semble naturel qu'on vue l'effet que doivent produire leurs débris

y ait jadis élevé un édifice actuellement ruiné ; les signes de leur dégradation, vus à diverses
elles sont un contre-sens alors qu'on les ren- distances. La place des ruines artificielles doit
contre là où rien n'a pu , dans aucun temps I
être éloignée de l'habitation et du centre des
justifier l'existence de la construction dont elles |
jardins, autant que possible dans un lieu élevé,
figurent les vestiges. La grande difficulté con- i qu'on puisse apercevoir de loin, dans plusieurs
siste à leur donner une apparence telle qu'elles directions, ei sous plusieursaspects. Lepaysage,
puissent paraître l'ouvrage du temps et non aux environs des ruines, doit avoir un carac-
celui de l art , ou d'une destruction violente et tère grave et solennel, ce doit être une solitude
récente. On choisit ordinairement pour con- silencieuse, où nul autre bruit ne se fait e ""
struire une ruine artificielle des pierres brutes tendre que celui d'une harpe éolienne, où des
oui ont l'air d'avoir été rongées de vétusté; on taillis mêlés de ronces et de broussailles for-
donne aux murs une grande épaisseur, en y ment un fourré impénétrable, où quelque érable
pratiquant des crevasses et d'autres marques antique, quelque chêne séculaire, croissant a
extérieures de l'action destructive du temps travers les crevasses des murs tapissés de
comme si elles avaient résisté a ses efforts pen- mousse et de lierre, semblent des témoins vi-
dant des siècles. Il est essentiel qu'à l'aspect vants de leur antiquité. C'est dans des lieux

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TirftK V. JARDINS PAYSAGERS. 391

pareils que disposé à accepter


l'esprit est toul De telles niaiseries n'inspirent aux gens sen-
comme aniiques des ruines artificielles; c'est sés que du degoùl elles doivent être bannies
;

là que ces ruines produisent la plus complète d'un jardin paysager, où les beautés de la na-
;
lure sont prises au sérieux, où tout est calculé
pour que la poésie des arts et celle du paysage
se prêtent un mutuel secours, où rien ne peut
Les formes gracieuses et variées que peuvent être admis de toutes ces choses ridicules mar-
recevoir les ponts construits sur les cours d'eau quées du cachet de la grossièreté, du mauvais
dont le jardin paysager peut être traversé, goût et de la sottise.
concourent à sa décoration, dont ils sont une
partie indispensable. On peui employer à leur Section 11. — Plan sur le papier ; tracé tur
construction le bois, le 1er ou la pierre; tou- le terrain.
tefois, les culées doivent toujours être en pierre,
afin que lorsqu'il y a îles réparations à faire Nous avons dit à quel point il importe, pour
au pont, celte partie plus solide et plus durable la création d'un jardin paysager, que celui qui
que le reste, ne soit pas dérangée; car la con- l'entreprend étudie à fond tous les détails du
struction des culées d'un pont entraine forcé- terrain, tous ses accidents, l'effet gênerai du
ment la dégradation des rives sur une assez site, et ce qu'il peut renfermer d'avance d'ob-
grande étendue. Un pont de bois reposant sur jets pittoresques à conserver, à encadrer dans
des culees de pierre de taille pourra être ainsi sa composition, et de ressources naturelles à
renouvelé bien des fois avant qu'il y ail aucune utiliser dans le but de ne rien perdre des beautés
réparation à faire à ses culees. de tout genre que peut admettre le jardin pro-
M. Von Sckell blâme avee sévérité les ponts jeté. Ce n'est qu'après ces études préliminaires
formé! de pièces de bois revêtues de leur écorce, au'il faut songer à arrêter les principales lignes
laquelle ne tarde guère à se couvrir de mousse d'un plan, d'abord sur le papier, -et plus tard
cl a occasionner la pourriture du bois qui garde sur le terrain. Plus ces premières études au-
une apparence de solidité, et s'écroule un beau ront été faites avec soin, plus il sera facile
jour sous les pieds des promeneurs. Il saisit d'obtenir tout l'effet désiré de la composition,
cette occasion pour signaler le ridicule de cer- avec le moins possible de frais et de travaux.
tains monuments indignes de figurer dans les Ce qui grossit outre mesure le chiffre de la dé-
jardins d'un bomme de bon sens, et dont la pense présumée pour la création d'un jardin
seule présence est un indice assuré du défaut paysager, c'est la nécessité de modifier le plan
absolu de goût et de jugement cbez le proprié- primitivement conçu, de défaire ce qui avait
taire qui leur donne accès parmi les scènes été fait, parce que dans l'exécution il se ren-
d'un jardin paysager. J'ai vu, dit M. Von Sckell, contre des obstacles sur lesquels on n'avait pas
dans un parc dont le propriétaire me faisail les compté; quand on en est là, on ne sait plus où
honneurs, on ermite loge dans le creux d'un les frais s'arrêteront. Mais ces circonstances
chêne colossal ; on n'avait oublié pour l'illusion fâcheuses ne se présentent jamais que faute
qu'une circonstance c'était d'éclairer l'inté-
: d'un examen assez approfondi de la localité;
rieur de l'arbre creux il y reguail une obscu--
; on doit avoir tout prévu et préparé avant de
rité telle que l'ermite (qui, du reste, était de mettre les ouvriers sur le terrain.
bois) n'aurait pu lire le texte sacré.
Plus loin, une tour isolée était consacrée à $ I
er
. — l'Un sur l<*|>apii-r.

la mémoire du duc de Marlborough, si popu- En dessinant plan d'un jardin paysager en


le
laire sous le nom de Malbrouck. Une fenêtre projet, il faut, si l'on ne veut agir au hasard, se
entr'ouverte laissait entrevoir la duchesse, représenter les objets tels qu'ils seront, non pas
poupée habillée de satin rose, tenant un téles- au moment où l'exécution du plan sera termi-
cope, et s Venant (comme l'indiquait une in- née, mais plusieurs années après, quand le tra-
scription): «Je vois venir mon page. » Les vail de la nature aura complété le travail de
murs de la tour étaient lapissés d'inscriptions l'homme, que les arbres et arbustes auront
reproduisant tout au long la chanson de Mal-
: grandi et se seront mis en rapport avec la
brouck s'en vai'-en pierre. place qu'on leur accorde; ce sont ces rapports
Dans le même parc, on introduisit M. Von auxquels il faut d'avance avoir égard pour ne
Sckell dans une sorte de trou fort obscur, dont pas tomber dans la suite dans l'un ou l'autre da
l'entrée représentait une arcade lapissée de ces deux inconvénients : l'encombrement ou la
vigne peinte à la détrempe ; il faisail très noir nudité. Quant au premier, il est évident que
dans cette cavité décorée du nom de grotte ; là, des bosquets trop près l'un de l'autre, des ar-
on présente au visiteur un grand fauteuil muni bres trop rapprochés dans le même bosquet, ne
d'un coussin épais; à peine assis, il se lève ef- paraîtront tels qu'après un assez long espace
frayé, croyant avoir écrasé sous le coussin un de temps, au bout auquel on peut, à la vérité,
chat qui pousse des hurlements atroces ; le fau- supprimer les arbres superflus, mais non chan-
teuil contenait un appareil destiné à imiter les ger l'ordonnance du jardin sans tout boulever-
cris d'un chat qu'on écrase ingénieuse et pi-
; ser. Si vous avez mis deux massifs d'arbres
quante surprise ménagée par le propriétaire à ou d'arbustes là où le terrain n'en comportait
ses hôtes! qu'un seul, vous pourrez bien éclaircirla plan-

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392 HOliTlCLLTLRE. LIVRE \HI.

talion dans chacun de ces deux massifs, mais ger dans des circonstances aussi favorables.
ils subsisteront tous 1rs deux alors que vous Disons-le toutefois, à la honte d'un grand nom-
aurez reconnu qu'il vaudrait mieux n'en avoir bre de propriétaires opulents, ce ne sont pas
planté qu'un seul dans l'origine. Nous ferons les sites pittoresques qui manquent, c'est la vo-
encore observer, eu égard à la croissance des lonté de débourser quelque argent pour les

arbres, toujours trop lente au gré du proprié- embellir. Nous avons des départements entiers
taire pressé de les voir grandir, que cette où l'on ne rencontre pas un seul jardin paysa-
croissance est ralentie dans les premières années ger, et où, pour ainsi dire, tout est jardin dans
quand les arbres, trop rapprochés, se nuisent le paysage il ne s'agirait que de tirer parti,
;

mutuellement. Le second inconvénient, la nu- souvent a très peu de frais, des beautés natu-
dité, peut plus aisément disparaître lorsque le relles de la contrée, beautés qui, faute de goût,
temps, par une cause quelconque, ne fait pas ne sont pas même remarquées la plupart du
acquérir aux arbres lesdimensionssur lesquelles temps
on avait compté ; il ne s'agit que de replanter
dans les intervalles. Toutefois, ces repeuple- $ lf .
— Tracé sur le terrain.

ments tardifs d'un bosquet trop maigre dans Une plan arrêté après des études se
fois le
l'origine ne remplissent pas toujours le but qu'on rieuses et approfondies, il est temps de com-
se propose en replantant. Parmi les arbres mencer à le meltrc à exécution ; il faut d'abord
comme parmi les hommes, les gros mangent les en transporter le trace sur le terrain. Un pre-
petits; un jeune arbre, planté tardivement entre mier tracé n'est qu'une ébauche incapable de
des arbn s déjà forts, trouve la place déjà en donner une idée de ce que sera l'œuvre ache-
partie occupée par les racines de ses voisins ;à vée, surtout en raison des mouvements artifi
mesure que les siennes s'étendront, il faudra ciels du terrain, des collines et des valions arti-
qu'elles disputent leur nourriture à celles d'ar- ficiels, dont on ne peut que marquer la posi
bres beaucoup plus forts que lui, et jamais, pour lion par des piquets, de mêmt qu'il est impos-
celle raison, l'arbre planté après coup ne re sible d'indiquer autrement les modifications
joindra, à moins de soins particuliers, ceux qui 3u'on se propose d'apporter par des déblais et
ont sur lui seulement quelques années da- es remblais, à l'inclinaison des pentes natu-
vance. relles dont le terrain sur lequel on opère peut
L'accroissement probable des arbres d'après être accidenté.
la nature du sol, celle du climat, et celle aussi Des pieux de hauteur suffisante doivent
de chaque espèce d'arbre employée dans les indiquer les points culminants des parties du
plantations du jardin paysager, est au nombre terrain qu'il faudra exhausser; ces points et
de ces faits connus d'avance sur lesquels le
, ceux qui marquent la profondeur des excava
jardinier expérimenté ne saurait se tromper de tions à effectuer seront géométriquement déter-
beaucoup. C'est au moment où il trace son pro- minés, afin que l'ouvrier, agissant seulement
jet sur le papier qu'il doit se figurer ce que sera des bras, ne soit pas exposé à grossir les frais
son œuvre dans trente ou quarante ans, afin par un travail inutile.
de calculer sa composition dans la prévision Le tracé de la place que doivent occuper les
des divers états par lesquels elle doit passer à bois et les bosquets se fait différemment; les
des époques déterminées. Sans doute il ne faut lignes de ce tracé doivent être attaquées avec
pas sacrifier complètement le présent à l'ave- hardiesse sur le terrain, au moyen du bâton
oir ; mais il faut encore moins sacrifier totale- ferré ; elles ne doivent figurer que les princi-
ment l'avenir au présent, et abuser de la con- paux contours, sans s'arrêter aux détails; ce
fiance d'un propriétaire, en lui livrant des bos- premier travail fait, les lignes sont indiquées par
quets en fort bon état, à l'usage de trois ou des piquets éloignés l'un de l'autre de 5 à 6
quatre ans, mais qu'il lui faudra refaire dix ans mètres ; pour des lignes d'un très grand déve-
plus tard. loppement, ils peuvent même être beaucoup
Il y a des circonstances où le plan est, pour plus écartés. Dans l'exécution, on ne perdra pas
ainsi dire, tout tracé, où l'art ne peut que suivre de vue que la nature ne dessine pas les limites
les indications de la nature; c'est lorsque la dis- des forêts et des champs découverts, par des
tribution naturelledes eaux, des rochers,des bois lignes nettement arrêtées, mais par des tran-
et des prairies est déjà par elle-même pleine de sitions que ne peut représenter une ligne ré-
poésie et de charme sans l'intervention de la gulière.
main de l'homme. Il lui suffit dans ce cas de Lorsque quelque portion des limites exté-
faire mieux ressortir par quelques moyens arti- rieures de la forêl semblera, d'après le trace sur
ficiels les beautés naturelles du site, en démas- le terrain,trop monotone, et dépourvue d'elfet
quant les objets trop peu apparents, donnant pitorresque, on marquera sur divers point*
une direction plus favorable aux eaux vives, et choisis avec discernement, à 15, 20 ou 30 mè-
distribuant avec goût les objets d'art; c'est là tres de la lisière du bois, la place de divers
tout ce qu'il peut avoir à indiquer sur le plan, arbres isolés, ou de groupes d'arbres, choisis
ainsi que le tracé des allées et des sentiers ; les parmi ceux dont la verdure ou plus claire ou
trois quarts de la besogne sont faits avant plus foncée que celle des massifs en avant des-
qu'elle soit commencée. Mais on conçoit com- quels ils sont destinés à être vus, permet à leurs
bien il est rare d'avoir à créer un jardin paysa- formes de se dessiner sur ces massifs avec plos

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rirRE v. JAilDINS PAYSAGE!» S. 393

d'avantages que s'ils étaient de la même nuance. elle lesdéplace, au contraire, sans beaucoup
En général, la varîélé des tons dans les masses de peine, pour continuera couler selon la pente
de feuillage qui doivent se détacher les uns sur générale du terrain. Une masse d'eau moins
les autres est un objet très important, auquel importante cède forcément à tous les aecidents
on ne peut se dispenser d'avoir égard dans la de terrain qu'elle rencontre sur son passage et
composition des bosquets qui font partie d'un qui l'obligent à multiplier ses détours.
jardin paysager; une trop forte proportion de Les rivières d'une médiocre largeur offrent
feuillage d'un vertsombre attriste le paysage et donc plus de variété et plus de ressources pour
lui teinte mélancolique; le vert clair,
donne une la décoration du jardin paysager que n'en peu-

si bien nommé par les peintres vert gai, pro- vent présenter les rivières d'une trop grande
duit dans le paysage l'effet contraire. On peut largeur; mais, grande ou petite.il faut une ri-
aussi tirer un très bon parti sur la lisière d'un vière dans un jardin paysager, quand ce ne
bosquet, de ces arbres qui, eomme le sumac de serait qu'un ruisseau; il ne peut pas (ire dé-
Virginie, sans perdre leur feuillage de très pourvu d'eau d'une manière absolue: c'est l'eau
bonne heure prennent dès le mois d'août une
,
qui anime les scènes de paysage artificiel ; c'est
teinte jaune passant au rouge vif, et conservent encore l'eau qui attire et qui retient dans le
celte riche nuance jusqu'à ce que leurs feuilles jardin paysager les rossignols et toute la tribu
tombent à l'entrée de l'hiver. des oiseaux chanteurs.
Nous placerons ici quelques observations sur Les bords des rivières artificielles doivent
les lignes onduleuses, ces lignes pleines de offrir des pentes adoucies plutôt que des pen-
charmes qui se représentent si fréquemment, et tes abruptes. Les bords escarpés, outre l'incon-
toujours avec grâce, dans les paysagesnaturels. vénient très grave de dérober à la vue une
l,a plupart, des jeunes jardiniers dépourvus portion de la largeur de la nappe d'eau, en ont
d'expérience, dit m. Von Sckell, ne votent au- |
un autre bien plus grave en raison des acci-
cune difficulté dans le tracé des lignes ondu dents nombreux dont ils peuvent être cause.
leuses; le compas à la main, ils combinent des Mais quelques roches couronnées d'arbres verts
portions de cercle de manière à reproduire sur à leur sommet, entourées à leur base d'une cein-
c terrain une multitude de contours semblables turc d'arbustes florifères, s'avançant jusque
à un S majuscule, et croient avoir atteint la 1 dans la rivière artificielle et la forçant à former
perfection du genre. Mais , qu'ils étudient la un gracieux détour pour continuer à couler
nature ; partout où elle nous charme par des plus loin entre des rives dépourvues d'escar-
1

lignes onduleuses répandues largement à Ira- ;


pements, apportent à la fois de la variété et du
vers les paysages ou la main de l'homme n'a charme dans la décoration du jardin paysager,
point passé, elle ne procède pas par des cour- j
Lorsqu'une rivière artificielle ne dépasse pas
lies géométriques; elle ne crée pas de portions , la largeur de deux mètres à deux mètres cin-

de cercle; elle apporte dans celte parue de ces quante, on peut, vers le milieu de son cours la
j

œuvres cette variété qui ne permet pas que '

partager en deux bras égaux embrassant un


deux grains de sable soient identiquement sem- 1
espace de forme oblongue, ordinairement con-
blables; c'est cette variété, source du pittores- sacré à un parterre garni de fleurs en toute
que, qu'il faut savoir imiter dans lesligneson- ,
saison. Lorsqu'on adopte cette disposition, il
duleuses qui entrent dans le plan d'un jardin ne faut pas que les deux bras de la rivière of-
paysager. front en regard l'un de l'autre des sinuosités
disposées dans le même ordre; leurs détours
$ W. - Trace de» rm«r« et de* n.,«e a „*.
|
doivent être distribués avec goût , mais en évi-
Les rivières dont la largeur approche de 30 tant soigneusement une symétrie trop régulière
mètres sont rarement admises dans la compo- qui ne pourrait sembler naturelle. On n'ou-
silion des jardins paysagers, d'abord parce bliera pas de combiner le tracé des allées et
qu'elles exigent, pour ne pas dégénérer en ma- celui de la rivière artificielle de telle sorte que
res d'eau croupie, une masse d'eau vive con- j
celle-ci soit alternativement visible et cachée,
Mamment renouvelée dont on ne peut disposer j
tantôt s'éloignant, tantôt se rapprochant des
que dans des circonstances toul a fait excep- atiees et des sentiers , et ramenant à chaque dé-
tionnelles; ensuite parce qu'il en coûte des tour le promeneur vers une partie de ses bords
sommes énormes pour leur creuser un lit d'une ornée de quelque objet digne de fixer l'atten-
telle largeur sur une grande étendue. Les lignes tion. Tantôt la rivière disparaîtra sous d'épais
3ni dessinent les bords des rivières artificielles buissons, tantôt elle se montrera à découvert
'une grande largeur doivent être tracées har- effet dont la répétition qui prête à un très grand
diment ; elles ne peuvent présenter qu'un pe- nombre de scènes pittoresques, offre un attrait
tit nombre de détours peu rapprochés les uns particulier, et inspire toujours au promeneur
des autres; les rivières étroites, au contraire, le désir de les visiter de nouveau.
peuvent offrir dans leur passage à travers le
jardin paysager des sinuosités très multipliées. § IV. — Lacs et |mcc« d'eau ; illusion* d'opliqae.

Cette règle est fondée sur l'observation de la Les parcs des particuliers ont rarement des
nature; une masse d'eau d'un certain volume dimensions assez vastes pour admettre dans
ne se laisse pas facilement arrêter par les obs- 1
leur enceinte un véritable lac naturel ; la dé-
tacles qu'elle peut rencontrer sur son cours; ! pense nécessaire pour creuser une pièce d'eau
MOîiTirmrr». T. V. — 50

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394 HoitriciLTiitr. LIVRE VIII.

digne du nom de lac sort d'ailleurs des limites De même dans un paysage, une petite tour
,

d'une fortune privée, fût ce une énorme for- placée près d'une grande semble moitié plus pe-
tune de finance. Lorsqu'un parc aboutit aux tite ; de deux hommes, dont l'un est vu près
rives d'un lac naturel, les poirfls de vue vers une d'un vaste palais, l'autre près d'une cal«ne, à
vaste nappe d'eau ordinairement bornée par des la même distance, le premier, quoique de même
accidents de terrain pittoresques et variés doi- taille, paraîtra beaucoup plus petit que le se-
vent être ménaçés en grand nombre dans la cond. De même, des figures de grandeur colos-
distributiondu jardin, surtout dans ses parties sale sculptées sur la façade d'un bâtiment,
,

couvertes et ombragées où se trouvent les sta- l'écrasent et diminuent en apparence ses pro-
tions et les lieux de repos. portions. Le soleil, à son lever ou près de son
Quant aux pièces d'eau artificiellement creu coucher, parait beaucoup plus grand que lors-
sées dans un parc, lorsqu'elles ont assez d'é- qu'il est élevé sur l'horizon, et cela uniquement
tendue pour figurer un lac, il faut toujours parce que son disque est vu du même coup
qu'un de leurs bords au moins soit découvert d'oeil avec des objets terrestres dont il fait res-
et permette à la vue d'embrasser un vaste hori- sortir la petitesse.
zon. Les autres parties des rives du lac doivent Les illusions de ce genre sont innombrables;
être parsemées de grands arbres isolés, dispersés il serait superllu d'en multiplier les exemples;
cà et là avec des touffes de buissons et d'arbus- le dessinateur de jardins paysagers doit savoir
tes à tiges peu élevées ; quelques fabriques font en d'une manière judicieuse. Voici
tirer parti
un très bon effet en animant le paysage. quelques points essentiels qui peuvent le guider
Il arrive très souvent que la pièce d'eau, dans cette partie importante de ses opérations.
dêM un jardin paysager, ne peut pas recevoir Un temple de douze à quinze mètres de haut,
l'étendue qu'il serait désirable de lui donner. dont la façade est supportée par des colonnes
C'est alors qu'il faut recourir aux moyens ar- de 0 m G0 àV"70 de diamètre, proportions très
tificiels d'en dissimuler la petitesse par des illu- convenables dans un jardiii paysager d'one
sions d'optique. La portion des rives de l'étang étendue médiocre, sera complètement écrasé
artificiel où l'œil plonge à perte de vue sur un et paraîtra d'une petitesse choquante s'il est
horizon découvert doit être tout-à-fait unie, dominé par de grands arbres ayant près da
basse, et presque au niveau de la surface de double de sa hauteur. On doit éviter par la
l'eau, de telle sorte que le spectateur, placé même raison de planter sur une éminence de
dans une barque, sur l'étang, à quelque dis- 2"'50 à 3 mètres de haut des arbres destinés à
tance de la rive, ne puisse aisément en discer- devenir avec le temps sept ou huit fois plus
ner les limites et soit, par ce moyen, trompé hauts, sous lesquels celle éminence finirait par
sur son étendue, qui doit lui paraître avoir disparaître ; au contraire, la même élévation,
bien au-delà de sa grandeur véritable. Lors- garnie seulement d'arbrisseaux à Heurs, choisis
qu'on veut produire une illusion complète, parmi ceux qui ne s'élèvent pas, conservera son
par rapport a l'étendue véritable d'une pièce caractère, et l'œil du spectateur ne perdra rien
d'eau ou d un étang, il ne faut laisser subsister de l'effet qu'elle est appelée à produire dans le
aux alentours, à portée de la vue, aucun de ces paysage.
objets dont les dimensions réelles sont trop En général, les arbres très élevés ou destinés
counues, tels qu'un buisson ou une chaumière; à le devenir sont bannis des petits jardins,
il serait ^trop facile déjuger, par comparaison qu'ils tendent à faire paraître encore plus
avec ces objets, de l'étendue de la surface qu'on petits.
désire empêcher le spectateur d'apprécier avec Il est toujours facile de dissimuler par des

précision. C'est ainsi qu'un chêne colossal, de plantations artistement ménagées la clôture
trente mètres de haut, s'il se trouve au bord d'un servant de limite au jardin paysager; dansée
étang artificiel, dans un parc, fera paraître cet cas, aucun sentier ne doit régner ni le long, ni
étang plus petit qu'il ne l'est en effet. C'est au trop près de cette clôture. Le paysage extérieur
jardinier paysagiste à connaître les ressources semble une dépendance, une continuation des
ujue les lois de l'optique et de la perspective lui bosquets, lorsque ceux-ci ont été dessinés et
offrent pour grandir ou diminuer les objets. plantes par une main habile, et qu'on n'a né-
L'optique et la perspective, comme sciences, gligé aucun moyen de grandir pour œil du l

ne peuvent être connues que par des éludes spectateur l'étendue véritable du jardin paysa-
spéciales les lois de ces sciences ne sauraient
; {;er; cette ressource ouvre un champ san$
trouver place ici; rappelons toutefois quelques- imites à l'exercice du talent du dessinateut
unes de ces données, qui, par leur précision et toutes les fois que les jardins à créer se trou-
leur simplicité, mériteraient d'être vulgaires. vent encadrés dans une contrée pittoresque.
Si les décorations d'un théâtre d'enfants sont Le bon sens el le bon goût permeltem assu-
en proportion avec la taille des acteurs, elles rément de produire artificiellement des illusionf
feront disparaître leur petitesse aux yeux des d'optique qui trompeni sur la dislance de la*
spectateurs, par cela seul que le spectateur 3uelle sont vus les objets, et ne permettent pas
manquera d'objets de comparaison ; qu'un apprécier du premier coup d'œil leurs vraies
homme de taille ordinaire vienne à se montrer dimensions ; le bon goût est au contraire blesse
au milieudesenfantssur un théâtre ainsi décoré, autant que le bon sens par ces façades posti-
cet homme vu de la salie fera i'tflei d'un géant. che» de temples derrière lesquelles il n'y a pas

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TITRE V. JARDINS PAYSAGERS. 395

de temple, ou par ces ponts figurés sur lesquels des piquets place des divers genres de che-
la
on ne passe point; ce sont là des illusions qu'il mins et d'allées nécessaires dans le tracé d'un
n'est pas permis d'admettre dans la composi- jardin paysager; il y à toujours des mouve-
tion des jardins paysagers, et qui n'ont d'autre ments artificiels de terrain à produire par des
caractère que celui du ridicule. déblais et des remblais ; les chemins ne peu-
Les rives du lac artiliciel doivent être peu vent être définitivement dessinés sur le sol que
élevées sur la plus grande partie de leur con- quand ces travaux ont été exécutés. Aucun
tour; les avantages de cette disposition sont chemin sentier ou passage n'est l'ouvrage de
,

évidents; d'abord, il y a moins de terre à dé- la nature ; tous sont l'ouvrage de l'homme et
placer, et la dépense, toujours très lourde de quelquefois celui des animaux. La ligne droite
quelque façon qu'on s'y prenne, est diminuée est celle que les chemins suivent naturellement
d'autant; ensuite les personnes qui se promè- quand divers genres d'obstacles naturels ne s'y
nent en bateau sur le lac lorsque ses bords ont opposent pas , ou que le but auquel aboutit le
peu d'élévation , ne perdent rien de l'aspect du chemin n'est pas hors de vue.
paysage, tandis qu'elles n'en voient rien ou Les jardins dans le goût moderne rejettent
presque rien, si les rivages du lac ont seule- d'une manière absolue les allées en ligne droite;
ment quelques mètres au-dessus du niveau de c'est à ton chaque fois que des motifs plausi-
la surlace de l'eau. bles ne rendent pas raison de leurs détours.
Si Ton a profilé de la masse considérable de Aussi, les allées tortueuses sans motif sont-elles
terre déplacée par le creusement du lac, et qu'où généralement négligées par ceux qui fréquen-
s'en soit servi pour former une colline artifi- tent le jardin; ils coupent au plus court à tra-
cielle, cette colline devra être assez loin du lac vers les pièces de gazons, quand la chose est
et séparée de ses bord par assez d'objets diffé-
; possible, plutôt que de s'assujettir à parcourir
rents, pour éloigner toute idée de relation en- inutilement le double de l'espace nécessaire
tre l'un et l'autre ; car si l'aspect de la colline pour se rendre d'uu point à un autre, lin che-
rappelle de quelque manière qu'elle est l'ou- min étant et ne pouvant être que l'ouvrage de
vrage de riiomme, et que les matériaux pour l'homme, l'industrie humaine peut s'y montrer
la former ont été pris à la place occupée par le à découvert; ceux qui traversent le jardin
lac, l'un et l'autre cessent aussitôt de faire il- paysager doivent être dessinés avec goût et tou-
lusion, et il n'est plus possible de les prendre jours avec symétrie, leurs bords restant exac-
pour des ornements naturels du paysage. tement parallèles entre eux sur toute la lon-
Le lac, lorsqu'il vient d'être creuse et que gueur de leur parcours, quels que soient d'ail-
l'eau n'y a point encoreété amenée, parait tou- leurs leur forme et le nombre de leurs circaitit
jours avoir beaucoup au-delà de son étendue •

véritable; une fois rempli d'eau, il paraîtra S I


er
. — Largeur et tracé des divers genres d'allées.
sensiblement diminué. Cet effet d'optique tient
uniquement à ce que le lac vide offre aux re- Les allées d'un parc destinées au passage des
garas une surface creuse, concave, surface voitures portent le caractère des roules ordi-
réellement plus grande que ne peut l'être la sur- naires donl elles ont la largeur et la solidité;
face plane de l'eau, lorsque le lac en est rem- quand elles ne sont pas en ligne droite ou pres-
pli. Rien n'est plus facile que de se laisser que droite, elles n'admettent pas de détours
prendre soi-même à cette illusion, et de se aussi multipliés que peuvent l'être ceux des
trouver désappointé en voyant combien le lac allées destinées seulement aux promenades à
qui semblait si grand lorsqu'il était vide, parait pied ; ces détours seraient dangereux daus les
rapetissé dès qu'il est plein. allées de ce genre, parce qu'ils ne permettraient
Pour apprécier sans grande erreur l'effet pas aux piétons de voir venir d'assez loin dans
d'un lac avant d'en commencer le creusement, une direction opposée, les cavaliers et les voi-
on marque ses contours avec des piquets, puis tures, ce qui pourrait donner lieu à de déplo-
on ouvre d'abord quelques tranebées dans les- rables accidenls. Voici la largeur la plus con-
quelles on établit au moyen du niveau à bulle venable pour les divers genres d'allées :
d'air des lignes de piquets dont le sommet est
Clu-mins pour le» voilures Sm à «">
exactement à la même bauteur que doit attein-
Allée» pour les piéton »eulemetil. . i.80 à 4
dre le niveau de l'eau du lac. L'apparence pers- Scutier* o,t»0 à i,30
pective de ces lignes de piquets donne une
idée assez exacte de l'étendue apparente que Les sinuosités trop multipliées dans les allées
doit avoir le lac terminé et rempli d'eau. sont fatigantes et n'offrent aucune beauté réelle;
La prise d'eau du lac et son dégorgeoir doi- elles ne sont supportables que dans le tracé des
vent offrir une différence de niveau suffisante sentiers étroits, qui serpentent ordinairement,
pour que le lac puisse être aisément mis à sec, des rochers, soit dans les parties les
soit entre
soit pour la pêche, soit pour le curage lorsqu'il moins praticables du jardin paysager, où les
est nécessaire. du terrain justifient suffisamment les
difficultés
détours que font ces sortes de sentiers.
Section 111. — Chemins, allées, untitrt. Une allée de 300 mètres à un kilomètre de
développement, à travers un vaste parc, a bien
Il est impossible de marquer d'avance par plus de grâce quand elfe se déploie en une

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HORTICULTURE. LIVHL VIII.

courbe majestueuse prenant insensiblement les uns des auires quand les allées sont étroites
i

son changement de direction, que quand elle est et qu'elles font de fréquents détours.
compliquée d'un grand nombre de détours sans
objet; son effet pittoresque est dIus agréable
§ II. Chemins creux allées rrenses. —
à la vue; il est aussi plus rationnel, plos con- On rencontre souvent dans les paysages na-
forme au bon sens comme au bon goût, par turels des sentiers ou chemins creux , dirigés
conséquent plus satisfaisant pour l'intelli- à travers des rochers abrupts ; quelquefois ils
gence. passent sous la voûte d'une roc e percée, soit
Le tracé des allées d'un jardin paysager est naturellement, soit de main d'homme ; ces sen-
plus que toute autre partie du dessin laissé au tiers doivent être ménagés de telle sorte que,
jugement et à l'appréciation du dessinateur ; dissimulés par les accidents de terrain , ils ne
c'est à lui de diriger ses allées vers les objets permettent pas de distinguer comment un pro-
les plus variés, les plus agréables à la vue, les meneur, vu à quelque distance , a pu arriver
plus séduisants pour les promeneurs. Les lignes jusqu'à un lieu qui parait inaccessible. Ce sont
des allées qui montent sur la pente d'un coteau de ces effets dont on doit profiler quand la dis-
ou qui descendent vers un vallon sont moins position des lieux s'y prêle , mais que Ton a
I

faciles à bien tracer que celles qui rencontrent bien rarement lieu d'imiter quand les éléments
sur leur parcours un terrain tout uni, parfaite- n'en existent pas tout disposés d'avance.
ment nivelé; c'est pour cela que des allées, fort Les jardins paysagers peuvent au contraire
belles et fort gracieuses en apparence sur le recevoir un embellissement qui n'est point à
papier, font souvent un si mauvais effet sur le négliger, par la création artificielle d'un autre
terrain; c'est que le papier est une surface genre d'allées creuses. Ces chemins sont creu-
plane, qui ne peut donner une idée exacte d'un ses dans des parties du terrain où il n'existe
I

terrain accidenté. On ne triomphe de ce genre point de rochers. Les deux pentes qui les en-
de difiicultés que par des essais, des tâtonne- ferment sont couvertes de toute sorte d'arbus-
i

ments répétés jusqu'à ce qu'enlin on s'en tienne tes et d'arbrisseaux à tiges sarmenteuses, tels
à un tracé qui semble satisfaisant, qui donne que des chèvrefeuilles et des clématites aux- ,

aux allées dans leur passage à travers les col- quels se joignent d'autres arbustes florifères
lines et les vallées la direction la plus gracieuse, indigènes, l'aubépine, l'églantier, le prunellier,
la plus conforme à la nature au terrain. On I
le cornouiller; on leur associe une profusion
aura é^ard, en traçant sur le terrain toute es- i de fleurs sauvages des champs et des prairies.
pèce d ailées, à trois points principaux qu'il est
I
Du milieu de cette masse de plantes et d'ar-
essentiel de ne pas perdre de vue 1° préférer
: bustes entrelacés les uns dans les autres, et
aux sinuosités non motivées des courbes pures qu'on laisse croître en toute liberté sans les
et correctes; 2° à chaque changement de di- tailler, s'élève de distance en distance, un pru-
|

rection laisser distinctement voir la raison du nier, un amandier, un cerisier. Quelquefois


I

détour, et justifier sa nécessité; 3° motiver aussi un érable sycomore, et quelque au tra«grand


l'existence des principales allées par celle des arbre forestier croit au milieu de ce fourré ; la
objets auxquels elles aboutissent. pente du terrain ne lui permet pas de se for-
Les allées d'un jardin paysager sont dés ou- mer un tronc perpendiculaire ; sa lige et ses
vrages d'art, qui doivent garder leur caractère branches s'inclinent et semblent se balancer
sans jamais emprunter celui des sentiers irré- gracieusement au-dessus du chemin creux.
guliers, tap;ôtlarges,tani Al étroits, tracés comme Les allées creuses ont un genre de beauté
au hasard à travers les bois , les champs et les qui leur est propre; elles ont un caractère con-
prairies. Quand leur tracé est bien arrêté, on templatif et solitaire , qui invite aux épanche-
le dessine des deux côtés sur le terrain , dans ments et aux confidences de l'amitié; ce carac-
toute la longueur de chaque allée, par une pe- tère tient à ce que les pentes qui les dominent
tite rigole ne quelques centimètres seulement cachent à l'œil tout le paysage environnant; ces
de profondeur, dans laquelle on répand des se- allées doivent aboutir, s'il est possible , à un
mences de gazon mêlées de graines de trèfle. point d'où la vue peut s'étendre au loin sur un
Dans la suite, la nécessité de tondre lort sou- paysage qu'on avait à dessein évité de laisser
vent ces gazons, jointe à diverses autres causes soupçonner au promeneur, avant qu'il fût sorti
accidentelles, peut altérer les contours des al- de l'allée creuse. Ces allées pleines de charmes
lées et
y produire des déviationsdésagréables à sont de celles dont on ne s'éloigne jamais sans
la vue; pour les prévenir, il suffit de planter se prometire d'y revenir. Nous recommandons
quelques piquets peints de la couleur du sol au jardinier de couvrir leurs deux penies op-
et enfonces presque jusqu'à fleur de terre; posées de plantes et d'arbusles aussi variés que
de cette manière , ils ne sont pas assez ap- possib'c, en calculant toutefois leur distance
parents pour produire un effet disgracieux, d'aorès la force relative de leur végétation , et
et ils remplissent le but qu'on s'était proposé les dimensions que chacun d'eux , selon sa na-
en permettant d'apercevoir et de rectifier sur- ture, doit atteindre dans la suite, afin que les
le-champ toute déformation du dessin primitif plus petits et les plus délicats ne périssent point
des allées. On peut donner à res piquets un éloulTés par 'es plus vigoureux.
;

ecartement de six à dix mètres, le long des Quand lalléoomise se prolon^ suffisam-
fraudes allées ; ils doivent être plus rapprochés ! ment , les penies latérales ne sont pa> garnies

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titm v. .1 \ni)iN> i>wsu;i ns. 397

sur toute leur étendue d'un fourre semblable presque toujours, un sentier serpentant sur
de plantes et d'arbustes divers ; de dislance en la pente de ce coteau se \oie distinctement

distance, les arbustes font place à des groupes de l'intérieur du jardin, on peut, sans en dé-
de grands arbres à liges élancées, dont les têtes ranger en rien l'ordonnance, dessiner une ou
se confondent à une grande hauteur au-dessus plusieurs des principales allées, de telle sorte
de l'allée; les rayons <iu soliil glissant à tra- qu'en vertu des lois de la perspective, elles
vers le feuillage et entre les branches de ces semblent devoir, derrière un massif d'arbres
grands arbres, versent des flots d'une lumière et d'arbustes rendu à dessein impénétrable à la
vive et dorée sur les loulTes d'arbustes , ce qui vue, rejoindre le sentier comme s'il en était la
double leur effet pittoresque aux yeux du pro- continuation; cet artifice très naturel, lors-
meneur solitaire. qu'il est employé avec goût, aide puissamment
Les pentes latérales des allées creuses ne à l'illusion. Noos pourrions citer un grand nom-
auraient avoir une inclinaison de plus de qua- bre de parcs en Belgique dans lesquels un
rante cinq degrés; c'est un maximum qu'elles moulin, une maisonnette gracieuse, une cha-
ne doivent pas dépasser si l'on ne veut uu'elles pelle isolée, situés hors de l'enceinte du jar-
soient dégradées à tout moment par de fré- din paysager, s'y rattachent si naturellement
quents éboulements. en apparence, uniquement par la distribution
Les indications qui précèdent s'appliquent des allées combinées avec les sentiers décou-
seulement aux allées creusées de main d homme verts au dehors, qu'il faut aller se heurter
sur un sol naturellement dépourvu d'élévations contre une haie oo contre un mur de clôture
et de dépressions, allées où par conséquent tout {)our se persuader que ces objets extérieurs ne
est artificiel. ont pas partie intégrante du jardin paysager.
D'autres allées creuses se rencontrent plus Lorsque le jardin pavsager est en lui-même
fréquemment dans les jardins paysagers, avec assez étendu pour qu'il ne soit pas nécessaire
un caractère romantique dû entièrement à la de recourir aux moyens artificiels de le faire
nature. Deux pentes naturelles peu distantes paraître plus grand, il est bon de faire en sorte
l'une de l'autre, gracieusement inclinées et ar- qu'à travers les intervalles entre les massifs et
rondies, couvertes d'un gazon lin et frais, om- les plantations, une allée fréquentée soit visible
bragées de groupes de grands arbres formant d'une autre allée à quelque distance; les pro-
une sorte de bosquet transparent qui laisse meneurs, tantôt cachés, tantôt découverts,
entrevoir ou deviner la suite du paysage, sont animent le paysage. Cette disposition serait
séparées par une sorte d'enfoncement qui, sans blâmable dans un jardin trop peu étendu, parce
avoir les caractères abrupts d'un ravin , en a que, dansée cas, les personnages étant vus de
cependant à peu près la siiuation. C'est là que trop près, leur taille bien connue servirait de
l'artiste sait faire serpenter une allée, ou, sui- point de comparaison, et rendrait plus sail-
vant l'espace un simple sentier, qui devient
, lant encore le défaut de grandeur et d'espace
l'une des parties de toute sa composition les dans l'ensemble de la composition.
plus fréquentées des promeneurs, surtout si la Lne allée qui gravit la pente d'un coteau
pente en est ménagée de manière à pouvoir [>ar des sinuosités calculées pour en adoucir
être gravie sans trop de fatigue. a roideur, est surtout agréable, lorsqu'à me-
On doit recommander comme une règle ap- sure qu'on la parcourt on découvre, en appro-
plicable à toute sorte d'allées dans \f0> les chant du sommet du coteau, une partie d'un
genres de jardins paysagers , de ne pas multi- beau paysage dont la \uc inspire nécessaire-
plier à l'excès les allées ni les sentiers ; quand ment le désir de voir le reste. Quelquefois la
un trop grand nombre d'allées coupe trop fré- pente trop rapide ne peut être suffisamment
quemment les massifs d'arbres et les bosquets, adoucie que par des allées en zigzag, avec des
elles font paraître les plantations maigres et angles très multipliés; on peut aussi, dans
morcelées elles en diminuent par conséquent
-, quelques passages, recourir à des marches
l'effet pittoresque. d'escalier, soit en pierre, soit en bois de chêne.
C'est principalement par la distribution des Dans ce cas, chacune de ces marches n'aura pas
comme nous l'avons dit,
allées qu'il est possible, une hauteur de plus de 0"\15 ; une distance de
de grandir en apparence un terrain de peu d'é- 0 m ,40à 0 in ,60 entre chaque marche doit être
tendue consacre a un jardin paysager, en dissi- suffisante. Le point de rencontre de deux al-
mulant avec soin les clôtures qui ne doivent lées ne doit former ni un angle droit, ni à plus
être aperçues d'aucun point, d'aucune des al- forte raison un angle obtus ; leurs lignes se
lées, grandes ou petites; les allées ne doivent joindront avec beaucoup plus de grâce si en
par conséquent, aboutir ni les unes ni les autres se rencontrant « lies ne forment qu'un angle
aux limites du jardin, et celles qui conduisent plus ou moins aigu.
aux portes n'y doivent arriver que par un dé-
tour, afin que la porte ne soit aperçue que $ Ht. — Méthode de M. Ton SckeU.
d'une petite distance ; tout ce qui tend a la faire Nous devons ici faire connaître à nos lec-
soupçonner détruit toute illusion à l'égard de teurs la méthode employée par M. Von Sckell
l'étendue réelle du jardin paysager. pour-tracer sur le terrain les allées des jardins
Si du cote du jardin règne uu coteau qui paysagers. Avant de dessiner leurs contours
n'en fait pas partie, et que, comme il arrive par des lignes de piquets, conformément uu

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398 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

plan plus détaillé possible, tel qu'il doit avoir


le breuses déviations qu'il faut corriger plus tard ;
été tracé d'avance sur le papier, M. Von la méthode de M. Von Sckell permet an con-

Sckell détermine par des jalons les points les traire de marcher debout, de promener ses re-
plus saillants, les parties les plus importantes gards sur le paysage placé devant soi, de les
du jardin en projet. Il ne faut pas, dans cette arrêter sur le but auquel aboutit la ligne qu'on
partie de l'opération, s'astreindre à suivre le trace, et cela sans interrompre le tracé il est ;

lan avec une exactitude trop scrupuleuse, donc beaucoup plus facile, par ce procédé, de
'il se trouve dans l'axe d'une allée un arbre mettre du premier trait le tracé de chaque
précieux à conserver, l'allée se dérange pour ligne en harmonie avec l'ensemble de la com-
respecter l'arbre ; on modifie de même, si la position.
nécessité s'en fait sentir dans l'exécution, le On sait qu'en peinture, la correction du
tracé des cours d'eau ou de toute autre ligne dessin concourt à la perfection plus encore que
du plan sur le papier. Ce plan ne doit être la vérité du ne peut faire ex-
coloris, laquelle
considéré que comme une base d'opérations, cuser les fautes graves du dessin; de même, la
admettant toutes les modifications qui peuvent correction des lignes importe essentiellement
paraître utiles dans l'application sur le terrain; à la beauté du jardin paysager, et les incorrec-
Il détermine seulement l'emplacement des dé- tions dans cette partie de la composition ne
tails principaux, tels que lacs, rivières, colli- peuvent être rachetées par la beauté des dé-
nes, vallons, temples, ponts et chutes d'eau. tails.

L'Instrument employé par M. Von Sckell Nous insistons sur la nécessité de ne pas re-
pour le tracé des jardins sur le sol, est un bâ- garder en arrière en traçant les allées sur le
ton cylindrique ferré à son extrémilé inférieure, terrain, afin de ne pas perdre par l'aspect
long de l m ,80 à 2 mètres, et d'un diamètre d'autres objets, la pureté de la ligne dont on
ftroportionné à sa longueur. On tient ce bâton est occupé.
erré la pointe sur le sol, de manière à ce Les allées les plus larges peuvent être bom-
,n
qu'elle porte à terre à oro.30 ou 0 ,40 en ar- bées lorsque l'écoulement des eaux l'exige,
rière de celui qui s'en sert. Au moyen des pourvu que la courbe de leur section ne soit
fioints déterminés d'avance sur le passage des pas assez forte pour devenir désagréable au
ignés d'après le plan, on peut, en marchant promeneur. La proportion la plus convenable
m
droit devant soi, la tête haute, sans regarder est 0 , tO d'élévation au milieu pour une allée
en arrière, donner aux lignes toute la grâce de trois mètres de large, et 0 ,15 pour une
et à leurs sinuosités tout le naturel désirables. allée large de cinq mètre*.
L'artiste est suivi de deux ouvriers qui plan-
tent des piquets sur les lignes à mesure qu'il Section IV. — Déblais et remblais.
les indique; mais il ne faut d'abord que poser
ces piquets, sans les fixer à demeure, parce Lorsque letracé est achevé, le travail doit
qu'il peut y avoir lieu plus tard à des rectifi- commencer par les déblais et les remblais, par
cations. Lorsqu'il a conduit une ligne jusqu'au ce motif que la terre, les pierres et le sable
bout, il revient sur ses pas, et peut déjà, par provenant du creusement des lacs, des pièces
l'aspect des piauets, juger l'effet de son tra- d'eau, des rivières ou des vallons artificiels,
vail il le rectifie, s'il y a lieu, et fait marquer
;
sont immédiatement conduits là où, d'après le
définitivement les lignes sur le terrain par un plan_ils doivent être utilises pour combler des
travail superficiel à la bêche: les piquets sont enfoncements d'un effet peu agréable, donner
alors plantés à demeure sur les lignes, à l'ex- de la solidité aux allées, et former des éléva-
ception des lignes provisoires telles que celles tions artificielles. Cette partie du travail est,
3ui marquent les limites des massifs d'arbres et nous Pavons pins dispendieuse de toutes
dit, la
es bosquets. celles qui se rattachent à la création d'un jar-
« Ce procédé, dit M. Von Sckell, exige sans din paysager ; c'est aussi celle où les fautes
doute un sentiment parfait des beautés natu- commises sont les plus difficiles et les plus
relles, développé par la pratique, et une eon- coûteuses à réparer; elle exige donc beaucoup
naissance approfondie du dessin; mais aussi, : de reflexion et une surveillance continuelle
il l'emporte sur toutes les autres manières de , On aura soin que la place où les matériaux dé-
tracer, sous le double point de vue de la grâce i
blayés doivent être utilisés soit assignée d'à
des contours et de l'imitation de la nature; vanec, alin qu'ils ne soient jamais déposés sur
quarante ans de pratique et de succès me per- j
une partie du terrain où ils ne pourraient pas
mettent d'en garantir la supériorité. » rester. Une lois les terrassements commencés,
D'après le procédé ordinairement en usage, on regardera le plan comme une règle désor-
celui qui transporte sur le sol les lignes princi- mais invariable à laquelle on n'appnrtera plus
pales du plan d'un jardin paysager se sert aucune modification ultérieure en ce oui tou-
d'un bàion ferré de la longueur d une simple che aux détails qui nécessitent des déplace-
canne; il est par conséquent obligé de marcher ments de terre; ce sont ces changements après
penché vers la terre, et de relever de temps en coup qui grossissent outre mesure les frais de
temps la tête pour recommencer ensuite à re- ce genre de travaux. Un point très essentiel,
garder en marchant la pointe de son bâton ; il c'est d'organi>er le service des tombereaux par
est impossible qu'il n'en résulte pas de nom -
les remblais, de manière à ce que les allées tt

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TITRE V. JARDINS PAYSAGrHS. 399

les venues se suivent sans interruption, et que lignedépourvuc de grâce et de naturel. Cet obs-
les charretiers ne perdent pas de temps à at- tacle serait presque nul s'il était possible de
tendre les chargements ; il importe aussi de ré- donner aux ouvriers un plan auquel ils au-
fer les transports de façon à rendre les trajets raient à se conformer; presque tous les ou-
f;r
pnrcourir aussi courts que possible; car il
_ parcourir vriers terrassiers ont l'intelligence d'Un plan,
arrive assez souvent que, faute de surveillance, et savent le mettre à exécution. Mais pour une
des terres qu'on pouvait employer très près du colline à élever de main d'homme, cette res-
lieu d'où on les avait enlevées, sont inutile- source manque; le plan ne peut indiquer par
ment transportées au loin ; c'est du temps et des lignes des formes en relief; un mât élevé
de l'argent dépensés en pure perte. au point central inarque la hauteur que doi-
vent atteindre les remblais; quant au reste,
$ |«*. — colline» arliGmlle*.
c'est à l'auteur du plan à en assurer le succès
Les collines rompent l'uniformité du sol; par une surveillance continuelle; il ne perdra
elles donnent de la variété et du charme au donc point de vue ses ouvriers, et dirigera lui-
paysage \ lorsque leurs formes sont gracieuses, même tous les travaux de terrassement,
elles empruntent un attrait particulier de leur ,
Axant de façonner les surfaces d'une colline
situation sur la lisière d'un bois ou bien en artificielle, et' de leur donner les formes les
avant d'un bois à quelque distance ; les masses j
plus agréables conformément à leur situation
du feuillage servent dans ce cas à faire rcssor- et à l'effet qu'on en espère, on considère de
tir avec avantage les contours de la colline. On diverses distances la masse des terres rappor-
eprouve toujours du plaisir à gravir une col- tées, afin de faire recharger ou rabaisser les
line dont le sommet promet un riche point de Eariies qui sembleraient en avoir besoin; il est
vue une construction ornée, quand elle occu-
; on aussi de laisser reposer quelque temps
pe le sommet d'une colline, produit plus d'effet cette masse afin que le tassement s'op- re avant
quant à la décoration du paysage que lors- de donner à la colline artificielle les façons ex-
qu'elle est placée sur un terrain peu élevé. térieures, plantations, tracé des allées et des
11 ne suffit pas qu'une colline élevée de main sentiers, constructions ou autres ornements
d'homme réunisse les conditions de forme et de que le tassement des terres pourrait déranger
situation qui répondent le mieux au but qu'on plus tard, s'il n'avait eu lieu a avance. Un tem-
s'est proposé en l'élevant ; il faut encore, et ple ou toute autre construction élevée sur une
c'est la le plus difficile, que sa place soit si bien colline artificielle doit avoir des fondations très
choisie qu il semble qu'une colline en cet en- solides, à une grande profondeur dans le sol, si
droit a dû nécessairement être l'ouvrage de la l'on ne veut s'exposer à le voir s'écrouler d'un
nature Le sentiment du vrai et du beau est, moment à l'autre.
on doit en convenir, la plus sûre des règles à —
§ II. Vallons artificiels.
cet égard; on peut cependant être guide par
quelques considérations qu'il n'est pas inutile Il le charme des val-
est inutile d'insister sur
de faire connaître. lées naturelles ombragées d'arbres louffus, ta-
II est impossible qu'une colline artificielle !
pissées d'un gazon émaillé de fleura, et traver- ,

goit prise pour un ouvrage de la nature dans sées par le cours sinueux d'une rivière ou d'un
une vaste plaine uniforme, au milieu d'un can- ruisseau; les jardins paysagers leur doivent
ton où la nature n'a créé aucune élévation. Si comme on sait, leur attrait principal, et il est
cependant on juge à propos d'élever sur un ter- presque indispensable de créer des vallons ar-
rain uni une colline artificielle, on la placera, tificiels lorsqu'on doit composer un jardin pay-

non pas au centre, mais vers Tune de ses ex- sager sur un sol auquel manque ce genre d'or-
trémités; d'autres monticules de grandeur in- I
nement naturel.
égale, et de simples ondulations de terrain, ser- I L'opération du creusement d'un vallon art i-

viront à mettre cette élévation eu harmonie '


ficiel doit être menée rapidement ; il ne faut
avec le paysage environnant ; elles lui donne- |
pas permettre que ouvriers attaquent les
les
ront une apparence naturelle que ne pourrait terrassements sur plusieurs points et comme
avoir dans une situation semblable une colline 1 auhasard.il pourrait arriver aisément dans ce
isolée. Les dimensions de tous ces mouvements cas que le sol se trouverait en certains endroits
artificiels d'un sol qui manque naturellement creusé trop profondément. La meilleure ma-
de mouvement, doivent être calculées d'après nière de creuser un vallon artificiel, c'est d'at-
l'étendue totale du paysage. taquer le creusement par des tranchées trans-
LÀ création d'une colline artificielle rencon- versales, ouvertes dans le sens de la largeur du
tre dans l'exécution un obstacle difficile à vain vallon; par ce moyen on a toujours devant les
cre ; ce n'est pas une de ces opérations que yeux une ligne concave donl les moindres ir-
puisse accomplir lui même celui qui en a le régularités sont faciles à apercevoir; on est en
outre guide parla coupe du terrain non encore
Elan dans la tête ; il faut qu'il fasse agir des
ras souvent inintelligents, et il sait d'avance atiaque, qui prévient mute erreur sur la pro-
que pas un de ceux dont il est forcé de se ser Rindeur du rreuseiueut. La lerre des déblais est
vir n'est accessible au sentiment des beautés rejetéc sur les côtés, de façon à prolonger les
naturelles d'un paysage, et ne sait distinguer pentes du vallon artificiel ;* il en résulte une
tjn pli de terrain d'un effet pittoresque, d une |
profondeur double de celle do creusement

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400 HOItTICULTURK. 1 1\ nr. vin.

profondeur qui doil avoir été calculée en con- Il est souvent


de sacrifier un ornement
utile

séquence et non pas* comme si après l'enlè-


, naturel, quelle que soit sa valeur pittoresque,
vement des terres, le sol environnant devait lorsqu'il détruit par sa présence dans un lieu
conserver son niveau primitif. quelconque un autre effet pittoresque d'une
Une forme compassée et régulière est un dé- plus grande valeur. Ainsi la colline naturelle la
faut qui dans un vallon creusé de main d'hom- plus gracieuse, le rocher aux formes les mieux
me décèle aussitôt son origine, et s'oppose adaptées à l'ornement du paysage environnant,
absolument à ce qu'il puisse passer pour l'ou- seront abaissés ou même supprimés complète-
vrage de la nalure qui varie à l'infini les formes ment, s'ils masquent par leur position une chute
des vallées et les sinuosités des lignes de hau- d'eau ou quelque grand effet de paysage dont
teurs dont elles sont environnées. la perte ne pourrait être compensée par la con-

Lorsque le sol est naturellement humide et servation des objets sacrifiés. Nous en disons
marécageux, ce qui rend tout creusement im- autant de toute espèce de colline ou d'élévation
possible, les vallons artificiels deviennent beau- naturelle; il faut, avant d'en arrêter la con-
coup plus dispendieux , parce qu'ils doivent servation, s'assurer, quel que soit leur charme
être formés en entier de terres rapportées pri- individuel, s'il n'y a pas plus à perdre qu'à ga-
ses souvent à une assez grande distance. Dans gner à les maintenir,et s'il n'y a derrière elles
ce cas, la terre entassée sur le sol non remué rien qui soit plus digne et plus capable de con-
l'orme une li^nc qu'il faut dissimuler avec soin, courir à la décoration du jardin paysager.
car lorsqu'elle veste visible, cette ligne est un La présence d'un marais dans un jardin
indice frappant de l'origine artificielle du val- paysager ne peut être supportée ; un ruisseau
lon, et toute illusion à cet égard cesse d'être décrivant de nombreux méandres en fera écou-
possible; des plantations et des pièces de gazon ler les eaux stagnantes; les t erres égoultées doi-
artistement disposées, masquent très bien ces vent être ensuite rechargées des terres rap-
lignes qu'il importe de ne laisser apercevoir portées sous lesquelles disparait toute trace au
sur aucun point. marécage primitif.
Nous devons insister sur la nécessité de rom- Lorsqu'il s'agit de créer une grande compo-
pre, par quelques mouvements artificiels de sition pittoresque sur un sol généralement
terrain, l'uniformité monotone d'une surface stérile etpauvre, où les plantations auraient
toute unie, réellement intolérable dans un jardin peu de chances de succès, on peut, après exa-
paysager, quelle que soit son étendue; qu on ne men fait des points les plus fertiles du sol, y
suppose pas qu'il en résulte toujours nécessai- prendre la bonne terre qui s'y rencontre, el en
rement d'énormes déplacements de terres qui recharger les parties du jardin qu'il est indis-
ne peuvent avoir lieu sans des frais exorbi- pensable de garnir de bosquets et de planta-
tants; il suffit souvent d'une ondulation dont tions. m'est arrivé souvent, dit M. Von Sokell,
11

la profondeur totale est de moins d'un mèire, de me décider à creuser un lac ou une vallée
pour produire l'effet désiré; une trentaine de artificielle, uniquement par le besoin de re-
tombereaux de terre remuée suffisent pour cela ;
charger certaines parties du terrain avec de la
mais il faut que ces déplacements soient opérés terre fertile que je ne savais où me procurer
avec discernement, avec goût, là où ils concou- par tout autre moyen, et faute de laquelle il
rent avec le plus de puissance à détruire l'uni- aurait fallu renoncer à la création d'un jardin
formité de la surface, privée de plis et d'acci- pavsager. On ne doit recourir à cet expédient
dents de terrain. qu autant que la nalure et la disposition du
Nous ferons remarquer ici, comme un point paysage environnant peuvent s'y prêter mais ;

très important, la nécessité de faire ressortir, lorsqu'il réussit, on y gagne non - seulement
avant de songer à lui créer des formes nou- sous le rapport de l'effet pittoresque du lac ou
velles, tout ce que pouvait avoir de pittoresque du vallon artificiellement creusés, mais aussi
la forme ancienne et primitive du terrain sur sous le rapport non moins essentiel de la vi-
lequel on opère. Par exemple, une pente adou- gueur de la végétation sur les points peu fer-
cie et gracieuse dans l'origine a ele dégradée tiles de la composition; car rien n'est plus
et défoncée par des éboulcments, ou par les triste dans un jardin paysager que l'aspect de
ravages des débordements d'une rivière; avant ces bosquets d'arbres souffrants dont la végé-
de créer des eollines artificielles par de dis- tation misérable accuse un sol impropre à leur
pendieux remblais, reconstruisez cette pente nourriture, sur lequel ils ne peuvent que lan-
naturelle par l'imagination; figurez-vous son guir quelque temps, et périr avant d'avoir at-
état primitif, et reiablissez-le tel qu'il était teint la moitié de leur croissance.
avant les dégradations qui l'ont rendu mécon-
naissable. C'est en faisant disparaître ainsi les
§ III. — Cit-iwfMiit des hm et pièces d>au.

traces de destruction provenant de causes vio- Nous avons dit combien l'eau est indispen-
lentes et accidentelles qu'on peut souvent ré- sable pour donner la vie au paysage ; le reflet
tablir l'harmonie dans les diverses panies du dans le miroir liquide d'un lac des objets en-
paysage naturel, sans recourir à de nouvelles vironnants, diversement éclairés aux diffé-
créations; c'est un grand art, en toute chose, rentes heures du jour, est un des effets les
que celui de savoir ne rien perdre des ressour- plus pittoresques et les plus agréables de tous
ces que nous offre libéralement la nature. ceux que le jardin paysager peut offrir aux re-

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TITRE V. JARDIN FRUITIER. 401

gards des promeneurs. Sous un autre point de


vue, quoi de plus agréable pendant une belle Section V. — Emploi des arbres d'ornement
journée d'été, qu'une promenade en bateau sur dam le jardin paysager.
un lac parsemé d'îles, où des musiciens cachés
par des massifs d'arbustes font retentir l'air
$ I
er
. — Distribution naturelle des arbres.

d'une harmonieuse symphonie? L'hiver lui- Avant de rechercher la distribution la plus


même qui détruit le charme de toutes les autres avantageuse dans les diverses parties du jar-
parties du jardin paysager, donne au lac un din paysager, des espèces nombreuses <r ar-
attrait d'un autre genre, quand la glace forme bres d'ornement qui supportent la pleine terre
à la surface un solide cristal sur lequel les pa- en hiver sous le climat des contrées tempérées
tineurs aiment à déployer leur adresse. de l'Europe, jetons un coup d'œil sur celte dis-
L'emplacement de la pièce d'eau artificielle tribution dans la nature , et sur les causes qui
doit être choisi dans la partie la plus basse du la déterminent , sans l'intervention du travail

terrain, assez loin de l'habitation pour qu'on de l'homme.


n'y soit point indisposé par l'humidité et les La nature a paré la surface du globe d'un
brouillards. Toutefois, on ne doit pas négliger luxe de végétation si riche et si varié qu'il n'y a
de profiter d'une dépression de terrain située à pas de partie du jardin paysager, quelle que soit
mi-côte, lorsqu'il s'en rencontre une de gran- la nature du sol sur lequel on opère, qui ne
deur suffisante, et qu'il y a moyen d'y conduire puisse êt replantée conformément àdesexemples
l'eau sans trop de difficulté; le dégorgeoir de de terrains analogues, pris dans la nature in-
la pièce d'eau donne lieu, dans cette situation, culte. Souvent elle se plaît à couvrir les flancs
à une cascade qui semble tout-à-fail naturelle, des montagnes par des rideaux de forêt s dont
et dont on peut obtenir des effets très pitto- l'œil ne peut sonder la sombre profondeur;
resques. ailleurs, ce sont seulement les sommets, les
Quelle que soit l'étendue d'une pièce d'eau et crêtes des élévations, qu'elle couronne de grou-
sa situation, elle ne sera jamais assez profon- pes d'arbres aux formes hardies et élancées, qui
dément creusée pour présenter aucun danger solidement accrochés aux interstices des ro-
réel dans le cas du naufrage d'une nacelle char- chers défient les efforts de l'ouragan plus loin, ;

gée de promeneurs, ou de la rupture de la glace ce sont des groupes d'arbres, ou des arbres iso-
sous les pieds des patineurs imprudents. Par la lés qui servent comme de décoration à la toile
même raison, ses bords ue présenteront nulle du fond d'un vaste paysage , tandis que sur le
part une pente abrupte ; ils seront creusés à premier plan, des saules et d'autres arbres aux
fond de cuve, la plus grande profondeur au tiges minces et souples, ornent le bord des eaux
centre, de telle sorte qu'un enfant même, venant vives serpentant dans la vallée.
à y tomber par accident, en puisse être facile- La nature prodigue sur les pentes des rochers
ment retiré. le lierre et la clématite ; elle a pour décorer leurs
L'opération du creusement se conduit d'après crevasses les berberis et tous les arbustes si
les mêmes principes que celle du creusement communs dans le midi qui n'ont besoin que de
d'un vallon artificiel, c'est-à-dire par bandes très peu de terre pour végéter. Les pins et l'in-
transversales } pour faciliter le travail, on doit nombrable famille des conifères décorent natu-
toujours commencer par déblayer un espace rellement les hauteurs inaccesibles et les rochers
suffisant pour que les tombereaux puissent tour abruptes au bord des précipices; le platane, le
ner et circuler sans obstacle. bouleau, le sorbier, parent de leur verdure les
Lorsqu'une pièce d'eau d'une grande élendue terrains ingrats et bravent les plus longues sé-
est creusée dans un bon terrain et qu'elle est cheresses. Mais la nature ne fait point de plan-
alimentée par l'eau vive d'un ruisseau couvert tation ; elle ne multiplie les végétaux que par
sur ses deux rives de plantes aquatiques, il ar- leur semence dispersée par toutes sortes de
rive assez souvent que ces plantes s'y multi- causes accidentelles; c'est pour cette raison que
plient avec excès; alors, la surface de Tenu des cantons fort étendus se trouvent occupés
dissimulée sous leur feuillage exubérant, n'ollre par une seule espèce, ou, comme on le dit vul-
plus que l'apparence d'un marais. C'est un in- gairement, par une seule essence d'arbres fores-
convénient sérieux, car il détruit en grande tiers; il se trouve ainsi d'immenses forêts exclu-
du lac artificiel on ne
partie l'effet pittoresque ; sivement composées les unes de chêne, les
peut y remédier qu'en ayant soin de vider le autres de frênes, de hêtres, de charmes, de
lac au moyen des écluses et de le remplir en- bouleaux ou de pins, sans mélange avec des
suite assez souvent pour troubler la végétation arbres appartenant à d'autres espèces. Chacune
des plantes aquatiques, afin qu'elles n'aient pas de ces espèces finit par s'emparer exclusivement
le temps de s'y multiplier. Sur un bassin de peu de tous les terrains particulièrement favorables
d'étendue, un ou deux couples de cygnes qui à sa végétation et par étouffer tous ceux qui
vont avec leur long col chercher au fond de voudraient lui disputer la place. En parcourant
l'eau les jeunes plantes à mesure qu'elles pous- l'intérieur des antiques forêts où la main de
sent, suffisent pour entretenir l'eau constam- l'homme n'a point pénétré, on rencontre çà et
ment nette de plantes sauvages aquatiques. là des espaces où l'essence dominante est rem-
placée par une autre oui forme ordinairement
avec elle le plus agréable contraste. Si l'on
TICCtIDII, T. . — 61
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402 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

examine attentivement ces portions des forêts jardinier aura toujours présent à l'esprit le
naturelles, on voit que le passage d'une espèce double but qu'il doit cherchera atteindre; ce
à une autre ne s'est point opéré brusquement but consiste, d'une part, à donner à chaque es-
et sans transition. On n'y rencontre nulle part pèce d'arbre la plus riche végétation possible,
un espace de forme déterminée oû, par exemple, en lui accordant le sol le plus convenable à sa
les chênes finissent et les hêtres commencent ; nature et d'autre part , à en obtenir l'effet le
,

on trouve d'abord quelques chênes parmi les plus pittoresque en l'associant , autant que sa
hêtres, ou réciproquement; puis un peu plus nature le permet , aux végétaux dont les for-
loin, sans lignes nettement arrêtées, on ne ren- mes offrent avec les siennes le plus d'accord
contre que l'une ou l'autre de ces deux espèces et d'harmonie. Il s'agit de satisfaire à la fois le
d'arbres. C'est ainsi qu'il faut procéder dans la. peintre paysagiste qui doit envisager de loin
plantation des bois et des bosquets qui font par- et d'un seul coup d'oeil l'ensemble de la plan-
tic du jardin paysager. tation, et l'amateur d'horticulture qui, en con-
Il ne faut pas non plus que les limites exté- sidérant de près les plantations , aime à
y
rieures des bois et des bosquets plantés de main trouver la réunion la plus variée d'arbres et
d'homme se présentent sous des formes plus d'arbustes indigènes et exotiques.
nettement arrêtées auc ne l'est, par exemple, la Il importe de considérer surtout, relative-

lisière d'une forêt qui, en approchant de ses li- ment au choix des arbres , l'étendue des mas-
mites, présente à la vue des arbres de plus en sifs; si dans un compartiment de quinze à vingt
plus clair-semés, puis des groupes de moins en mètres de large sur une longueur égale, on
moins nombreux, jusqu'à ce qu'on se trouve entasse un amalgame de vingt ou trente arbres
sur un terrain tout-à-fait découvert, où quel- différents , pris au hasard , sans égard à leur
ques vieux arbres seulement, épars çk et là, force de végétation ni à la taille qu'ils doivent
semblent les sentinelles avancées de la* forêt. 11 atteindre en vieillissant non plus qu'aux for-
,

est essentiel de bien étudier ces exemples que mes et aux nuances diverses ûe leur feuillage,
nous donne la nature*, pour les reproduire dans quel peintre voudrait reproduire un assem-
la composition des jardins paysagers. blage aussi confus , aussi hétérogène et quel
,

effet pourrait-on en attendre dans le jardin


5 II. — Manière de grouper le» arbres et les arlwstaf.
paysager? C'est ce que M. Von Sckell nomme
11 est bien entendu que les principes qu'on avec raison un gâchis d'arbres ; ce n'est pas là
vient d'exposer ne sont applicables qu'aux jar- une plantation raisonnéc. Lorsque l'espace à
dins paysagers où l'espace ne manque pas. Les planter se déploie sur de larges surfaces c'est
,

lignes indécises, les massifs de formes mal ar- alors qu'on peut assortir avec goût les arbres
rêtées, porteraient la confusion dans l'ordon- en formant souvent des massifs d'arbres sem-
nance d un jardin pavsager peu étendu, auquel blables , là où il importe que leur croissance
par conséquent ces données ne sont point ap- ne soit point inégale ; on évitera surtout de
{>licables. Tels sont surtout les bosquets dans disperser dans un bosquet épais quelques ar-
esquels chaque plantation , considérée isolé- bres isolés, différents de ceux de l'essence do-
ment, n'a pas plus de vingt à trente mètres de minante, ce qui produit toujours un effet peu
diamètre. Ces massifs de dimensions bornées agréable. C'est ainsi qu'un érable ou un syco-
qui n'ont pas la prétention de passer pour des more égaré et comme perdu parmi des cen-
bois ou des forêts puisent leur effet pittores-
,
taines de tilleuls ou de marronniers, excite
que dans le mélange des arbres et arbustes de presque un sentiment de pitié par sa végétation
cli de feuillages variés dont on
fié rente taille et languissante et misérable ; on est d'abord tenté
a soin de composer. Dans cette alliance des
les de le déplanter, pour le sauver d'une mort pré-
ressources de l'art avec celles de la nature , il maturée.
ne faut point agir au hasard ; quelques prin- Chaque genre d'arbres a son caractère qui
cipes doivent être observés. lui assigne sa place dans le jardin paysager ; le
Les formes particulières de chaque massif chêne aux formes robustes, à la cime large et
doivent être assez correctes et en même temps aplatie; l'orme au feuillage foncé, aux formes
assez naturelles pour qu'un peintre de paysage, régulières; la tribu nombreuse des peupliers
sans savoir que ces formes sont l'ouvrage de d'Europe et d'Amérique, la famille innombrable
l'art , puisse les admirer en les prenant pour des conifères aux formes hardies et élancées,
des productions de la nature. Le choix des for- ont tous leur genre de beauté et leur destination
mes des arbres et arbustes et de leur feuillage spéciale.
doit être fait de manière à produire l'effet le Les arbres conifères, malgré les ressources
plus pittoresque , principalement par l'harmo- 3u'il» offrent par la vigueur de leur végétation
nie des différentes nuances de verdure ; enfin , ans des terrains et des situations où d'autres
on se gardera bien d'associer dans les mêmes végéteraient à peine, ne doivent être employés
massifs des arbres dont la force de végétation dans les plantations qu'avec ménagementet dis-
serait tellement différente, que les plus vigou- crétion ; leurs masses sombres et leurs formes
reux ne pourraient manquer de tuer les plus presque géométriques, très peu variées si ce
faibles, ce qui donnerait lieu à des vides tou- n'est dans un petit nombre d'espèces, rendent
jours choquants et désagréables à la vue. En leur aspect triste et mélancolique. Les sapins,
dirigeant la plantation d'un jardin paysager, le les plus pittoresques de celte tribu, ne perdent

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TITRE V. JAUD1N PAYSAGER.
la raideur do leurs rameaux à angles droits avec sont ceux dont le feuillage offre le plus d'ana-
le tronc, et ne deviennent réellement pitto- logie; ainsi le robinier (faux acacia), le frêne,
resques, qu'à un âge très avancé; les cèdres le vernis du Japon (ailanthus glandulosa), le
qui seraient aussi fort pittoresques, croissent sorbier, le sumac et les gleditzia, joignant la
avec une lenteur si désespérante, que lorsqu'on variété de taille et de nuance à l'analogie des
en plante il faut avoir en vue l'agrément qu'ils formes, puisque tous sont doués de feuilles pin-
pourront procurer à nos petits fils. C'est le cas nées, composent par leur réunion des groupes
de dire avec La Fontaine : fort harmonieusement assortis. Il en est de même
du cytise (faux ébénier) rapproché du pléléa,
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage.
l'un et l'autre à feuilles trifoliées; le hêtre, le
Ces inconvénients sont nuls quand on plante charme, l'orme et le bouleau vont aussi fort
des arbres appartenant à d'autres familles; la bien à proximité les uns des autres, par la mê-
largeur et la variété de leurs feuilles rend leur me raison. Cette lot d'analogie convient aux
effêt pittoresque tellement supérieur à celui des f'randcs masses, aux vastes plantations que
conifères, que le peintre de paysage, lorsqu'il a 'œil saisit au premier aspect, en embrassant
le choix, ne reproduit jamais de préférence sur d'un regard l'ensemble d'un jardin paysager.
sa toile des arbres de cette dernière famille. Le Le contraste entre les formes est au contraire,
seul avantage réel des arbres conifères consiste par exception, d'un effet irès pittoresque dans
dans la persistance de leur feuillage qui se les situations analogues à celles où la nature se
maintient épais et verdoyant alors que les ar- plaît quelquefois à grouper une grande variété
bres à feuilles caduques sont entièrement dé- d'arbres et d'arbustes divers, dans un très pe-
pouillés. tit espace, comme au fond d'un vallon bien
S'il ne faut pas prodiguer les arbres à feuilles abrite, au pied d'un rocher exposé au sud-
persistantes de la famille des conifères, on peut, ouest, où il semble que les eaux pluviales, les
par compensation, user largement des res- vents et les oiseaux aient apporté de tous cô-
sources que présentent les arbres toujours verîs tés des graines d'arbres et d'arbustes qu'on est
appartenant à d'autres familles; il est vrai que étonné d'y rencontrer ensemble. Telles sont les
sous les climats tempérés et septentrionaux, le données principales qui concernent l'emploi des
nombre de ces arbres capables de résister aux arbres dans la composition des jardins paysa-
hivers est très limité; ceux même qui les sup- gers. Un bel arbre, dans toute la grandeur que
portent passent, comme le laurier, du rang comporte sa nature, est une de ces merveilles
d'arbres a celui d'arbustes (t?otr Arbustes d'or- de la création trop communes pour être admi-
nements, page 330). rées comme elles le méritent.
Les conifères et les autres arbres à feuilles L'arbre considéré en lui-même, dit M.Lou-
«
persistantes font un très bon effet lorsque plan- don, est la plus noble des créatures inanimées;
lés par groupes de cinq, dix ou quinze arbres il réunit tous les genres de beautés, depuis l'ef-

de même espèce, leurs masses sombres ont der- fet imposant de ses masses, jusqu'aux beautés
rière elles pour les faire ressortir les masses d'un de détail de ses feuilles élégantes; c'est l'al-
vert clair d'un bois ou d'un bosquet d'arbres à liance de la majestueuse unité et de la variété
feuilles caduques. illimitée, essence de la beauté relative. »
Les arbres qui s'associent le mieux entre eux La fig. 519 montre comment l'aspect d'une

Fig. .-.19.

construction insignifiante en elle-même , peut qui lui donnent du relief, elle devient de divers
acquérir une valeur pittoresque, lorsque des ar- points d'un jardin paysager un agréable point
bres groupés avec art en font valoir le dessin. de vue.
Le bâtiment représenté n'est qu'une habitation III. — Plantations.
§
de jardinier ou de garde-chasse, d'une grande
simplicité; vue à travers des massifs d'arbres La belle végétation des arbres et leur rapide

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404 HORTICULTURE. LIVRE VIII.

croissance sont des objets tellement importants sentiel, nous pouvons citer celle des auteurs
pour la beauté du jardin paysager que nous anglais, dont la compétence ne peut être contes-
croyons utile d'entrer dans quelques détails sur tée en pareille matière; nous donnerons plus
les soins et les précautions qui peuvent en as- bas le résumé de leurs usages relativement à
surer le succès. Une partie seulement de ce que l'âge des sujets de toute espèce pour la planta-
nous avons dit de la manière de planter les ar- tion des jardins paysagers. Notons à ce sujet
bres fruitiers s'applique aux arbres d'ornement que tous les auteurs anglais qui traitent des
3ui végètent dans des conditions entièrement plantations les considèrent à la fois sous le
ifférentes de celles des arbres fruitiers. point de vue de l'agrément et de l'utilité. Tout
arbre qu'on plante doit en effet être abattu
A. — Jge et force des sujets.
un jour, et jusqu'à ce qu'il le soit, ses for-
La plupart des propriétaires en France croient mes n'en seront pas moins pittoresques par-
gagner du temps en plantant de trèp gros arbres, ce qu'en le plantant on aura eu égard eux cir-
ayant passé plusieurs années dans la pépinière ; constances qui peuvent contribuer à lui don-
il est certain que ces sujets déjà forts peuvent ner le plus de valeor possible à l'époque où il
reprendre dans un bon terrain sous l'empire , devra être abattu .La nature du sol et l'espèce
de conditions particulièrement favorables, et des arbres à planter, sont les deux points prin-
donner de l'ombrage quelques années plus tôt j
cipaux qui déterminent l'âge qu'ils doivent
que des arbres plantés beaucoup plus jeunes. avoir pour être plantés avec le plus de chances
Les promenades de Paris en offrent deux exem- de succès
f>les
frappants, l'un au boulevard Bourdon, le Les arbres résineux, à feuilles persistantes,
ong du grenier de réserve, l'autre au Jardin de la famille des conifères, reprennent mal, ou
du Luxembourg, dans la grande allée de l'Ob- même ne reprennent pas du tout, lorsqu'on les
servatoire. Les tilleuls du boulevard Bourdon, plante à l'âge de plus de 4 ans. Ils peuvent re-
plantés vers 1807, avaient peu profilé lorsqu'en prendre à 4 ans dans un sol passable, bien pré-
1814 ils servirent de piquets aux chevaux des parc par un défoncement donné en été, pourvu
Cosaques bivouaques sur ce boulevard ils eu- , que leur tronc n'ait pas pris trop de grosseur,
rent tous leur ccorcc plus ou moins endomma- car s'il dépasse 0'" 03 ou 0 m ,04 de diamètre,
gée plusieurs périrent ceux qui survécurent,
; ; l'arbre résineux, n'eut-il que trois ans, ne re-
ayant plus ou moins souffert, ne sont pas de- prendra presque jamais.
venus, à peu d'exceptions près, ce que doit être Les arbres conifères âgés de quatre ans et
une plantation de tilleuls dans des conditions hauts seulement de 0, ra 40 à o,»> 50, plantés
ordinaires dans le même espace de temps j ces en même temps que d'autres arbres de même
tilleulsn'ont jamais été taillés. espèce âgés de six à sept ans, hauts de 2 m 50 ,

Les marronniers de l'allée de l'Observatoire à 3 mètres, les dépasseront dans l'espace de


ont été plantés à peu près à la même époque. six à sept ans, et les laisseront loin derrière eux
Nous nous souvenons des propos des oisifs té pour la taille et la grosseur, pendant tout le
moins de cette plantation ; c'était à qui prédi- reste de leur croissance. Les propriétaires qui
rait la mort prochaine de ces arbres qui ne créent des jardins paysagers répugnent en gé-
semblaient pas avoir moins de 1 0 à 12 ans; peut- néral à former leurs massifs d'arbres conifères
être étaient-ils plus âgés, au moment où ils fu- par la voie des semis; ce procédé est cepen-
rent mis en place; leur tête avait été légère- dant à tous égards le plus sûr et le meilleur;
ment éclaircie, mais non taillée. Ils languirent jamais un pin transplanté ne vaudra celui qui
longtemps ; ils n'ont jamais eu le feuillage aussi grandit à la place où son pivot s'est formé sans
développé que ceux du reste du jardin ; ils ont être dérangé. On objecte la perte de temps, et
formé*une multitude de petites branches et peu c'est en effet une raison plausible ;
mais la
de rameaux vigoureux ; néanmoins, ils ont toxu graine d'arbres résineux coûte si peu, qu'il se-
survécu, et dans leur état actuel, ils offrent rait facile, sans accroître la dépense, de com-
une égalité de végétation très remarquable; ils biner les deux procédés, en plantant pour les
n'ont pas atteint des proportions en rapport couvrir immédiatement les terrains ensemencés
avec leur âge; ils montrent déjà une disposi- en arbres conifères, sauf à supprimer plus tard
*
tion évidente à se couronner, et ne semblent pas les arbres languissants de la plantation, quand
destinés à vivre l'âge ordinaire des arbres de ils seraient dépassés par les arbres vigoureux

leur espèce. obtenus de semence.


Nous avons cité ces deux exemples parce Un grand nombre d'espèces résineuses ou
qu'ils nous semblent concluants, le dernier sur- autres donnent , par les semis, du plant l>on •
tout ; l'arbre souffre toujours d'être planté à être mis en place au bout de deux ans. Le mé-
un âge trop avancé; il peut reprendre, et il re- lèze, s'il a reçu les soins convenables en pépi-
prend presque toujours dans des conditions fa- nière, est assez fort pour être planté à cet âge.
vorables de sol et d'exposition il atteint diffi-
; Si le sol de la pépinière est de très bonne au*-
cilement la taille que doivent avoir les arbres Ijté, le plant pourra même être aussi bon a U
de son espèce; il ne vit jamais ni aussi bien, ni fin du second été que s'il avait passé dans I*
aussi longtemps que les arbres plantés plus pépinière ses deux années complètes.
jeunes. Le frêne, l'orme et le sycomore n'ont pas be-
A l'appui de notre opinion sur ce point es- soin de plus d'une année de pépinière, il l«r

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TITRE V. JARDIN PAYSAGER. 405

faut tout au plus deux ans, quand le piant ne vrier peut faire toute l'opération. Pour les ar-
semble pas très vigoureux. bres délicats qui exigent des soins particuliers,
Le hêtre, le chêne et le châtaignier, si leur on prend quelques précautions qui ne doivent
plant a été repiqué à un an dans un sol riche jamais être négligées; telle est surtout celle û>
et profond, et qu'ils aient ensuite passé deux remuer à la bêche la terre déposée sur le bord
ans en pépinière, sont bons à être mis en place. des trous et de la retourner comme du mor-
,

Les principales espèces d'arbres à feuilles ca- tier, avant d'en remplir les trous. Telle est en-
duques sont dans le même cas. core la coutume de plonger les racines des ar-
Plus le sol est riche, plus il donne de chan- bres dans une bouillie liquide formée de bonne
ces de succès aux plantations d'arbres cultivés terre mêlée de bouse de vache délayée dans
en pépinière assez longtemps pour y devenir l'eau.
grands et forts. Nous rappelons ici la recommandation que
nous avons cru devoir faire, contrairement h
B. — Epoque des plantations.
la coutume généralement pratiquée de ne p?s
Les arbres d'ornement se plantent comme remuer le sous-sol lorsqu'il est de nature à re-
lesarbres fruitiers, soit au printemps, soit en tenir l'eau, et de ne défoncer qu'à une profon-
automne. Les plantations de printemps réus- deur bornée à l'épaisseur de la couche à la fois
sissent bien quand le sol est Bon, et que les pénélrable et saine; par le même motif, les An-
sujets sont vigoureux; les plantations d'au- glais sont unanimes pour blâmer les trous aux-
tomne ont plus de chances de succès quand la quels on donne trop de profondeur, pour la
terre est médiocre ou décidément mauvaise, et plantation des arbres d'ornement comme pour
que les sujets n'ont pas une très grande vi- celle des arbres fruitiers.
gueur. Mais la nécessité d'obéir aux circon- Nous devons faire connaître la méthode ex-
stances, décide bien plus souvent qu'une vo- péditive suivie en Écosse pour les grandes plan-
lonté raisonnée, du moment où s'exécute une tations ; partout où le sol est de bonne nature,
plantation ; elle peut être faite entre la lin d'oc- reposant sur un sous-sol qu'il vaut mieux ne
tobre et le commencement d'avril, en choisis- pas entamer , on peut trouver beaucoup d'a-
sant un temps couvert, mais doux et sans vantages à se servir de la méthode écossaise
pluie. Quand les plantations couvrent une pour planter rapidement de grandes surfaces
frande étendue de terrain, elles ne doivent pas dans les jardins paysagers d'une grande éten-
tre faites toutes à la fois sur les parties du due. On donne d aboref à l'ensemble du terrain
terrain de nature diverse; on plante en décem- un défoncement général à 0 m , 40 ou 0™, 50 de
bre ou janvier dans les terrains les plus légers profondeur; on laisse le sol se rasseoir pen-
et les plus secs; on ne plante qu'en février ou dant quelque temps, puis on marque la place
mars dans les terres les plus fortes, sujettes à des* arbres à planter. Alors un ouvrier armé
retenir l'eau nous devons dire cependant que
; d'une bêche flamande à lame très large et bien
les praticiens les plus expérimentés préparent tranchante, donne à la place destinée à chaque
leur terrain en décembre, et plantent les ar- arbre trois coups bien perpendiculaires, qui se
bres d'ornement au printemps; nous sommes croisent comme le représentent les lignes de la
entièrement de leur avis; une plantation d'au- fig. 520, de manière à figurer une étoile, et
tomne peut réussir sans doute et c'est ce qui ,
Fig. 520.
a lieu quelquefois; une plantation de printemps
réussit toujours. Les conifères se plantent avec
avantage quand le printemps est déjà assez
avancé, du 15 au 30 avril il ne faut les laisser
;

hors de terre que le temps indispensable à l'o-


pération ; on risque de perdre tout le plant qui
n'est pas mis en place dans la journée où il a
été arraché. Quand le sol est tressée et sablon- A
neux, le plant conserve très peu de terre à ses
racines ; dans tous les cas, il faut éviter soi-
gneusement d'en détacher la terre qui peut y 3ui pénètrent dans le sol de toute la longueur
adhérer; plus les conilères emportent avec u 1er de bêche. Cela fait, l'ouvrier donne un
elles de leur terre natale attachée à leurs raci- uatrième coup qui coupe à angle droit l'uuc
nes, plus la plantation a de chances de succès. es fentes précédentes, précisément au point

— Diverses manières de planter. où l'arbre doit être planté, en A, fig. 520. Avant
C.
de retirer la bêche de terre , il attire le manche
Deux personnes sont ordinairement em- vers lui, ce qui produit un écartement suflisant
ployées à planter; l'une maintient l'arbre dans pour y introduire les racines du jeune arbre ;
la position qu'il doit avoir, pendant que l'autre mais en m,ênie temps que la terre s'écarte au
comble le trou, et comprime la terre avec le point A, les autres fentes produites par les
pied, autour du collet des racines. L'emploi de coups de bêche croisés s'entr'ouvrent égale-
deux ouvriers est indispensable quand on plante ment; on y introduit les racines du jeune ar-
des sujets ayant hors de terre un mètre ou au- bre; puis on retire la bêche, et les fentes se re-
delà ; pour les arbres plus petits, un seul ou- ferment d'elles-mêmes. On recouvre ensuite le

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HORTICULTURE. LIVRE VIII.

terrain environnant avec des gazons retour- nous ne discutons point ici un fait qu'il nous
nes qui s'opposent à l'action desséchante de suflit de constater; nous y reviendrons. Disons

l'air et maintiennent une fraîcheur favorable à seulement qu'à l'exception des jardins destinés
la reprise des arbres. à réunir les jours de fêles la population d'une
très grande ville, les jardins publics nous sem-
Skction V. — Exemples <!c jardins paysagers blent pouvoir être tout aussi bien et mieux des-
publics d privés sinés dans le style moderne des jardins paysa-
gers que dans I ancien style des jardins fran-
Nous avons en France bien peu de jardins çais, où il ne pouvait entrer que des surfaces
ublics; nous n'en comptons pas un par chef- plates et des lignes droites formant ce que les
P
Itieu ; la plupart de ceux qui ornent nos villes Anglais nomment avec raison des jardins géo-
du second ordre servent en môme temps à réu- métriques (geometrical gardens). Nous citerons
nir les plantes nécessaires à l'élude de la bo- deux belles applications du système pittoresque
tanique ; l'arrangement de ces plantes exclut aux jardins servant de promenades publiques,
toute possibilité de donner à ces jardins le ca- l'une en Angleterre, l'autre en Allemagne.
ractère pittoresque d'un jardin paysager. On Il était naturel que la capitale du pays où le

peut dire que parmi le petit nombre de jardins style paysager a été et est encore le pfus sou-
publics des grandes villes de France, il n'y en vent appliqué à la composition des grands jar-
a pas un qui puisse passer pour une véritable dins, reçût la première application de ce genre
composition du style pittoresque naturel; ce de composition à la décoration d'un jardin pu-
si vie semble être exclu de nos jardins publics ; blic. Le parc Saiut-James fig. 521, n'a pas une

521.

trèsgrande étendue; une vaste pièce d'eau cou- neurs à pied. Les étrangers qui visitent Lon-
vre une grande partie de sa surface; c'est son dres ne peuvent s'empêcher de remarquer que
principal embellissement, le sol en étant peu tout dans les jardins publics est sacrifléàceux
accidenté. Les autres parcs de la capitale sont qui ont des chevaux et des voitures, et qu'on
du même style; celui du Régent (Regent's parkï n'a pris aucune mesure pour qu'il puisse y
a été fort agrandi depuis dix ans; mais une avoir un peu d'air, pour les piétons, les infir-

partie des plantations est trop jeune encore mes et les enfants. Dans le parc du Régent il
pour produire tout son effet ; le parc de Green- n'y a pas une seule allée sablée, pas une place
wich, sur un terrain accidenté, jouit d'une vue ombragée, réservée aux piétons; ils ont à peine
magnifique on y découvre, dit M Loudon, une
-, . pour s'asseoir quelques bancs grossiers sur les
partie seulement des édifices de la ville de Lon- côtés des allées où passent les équipages. De
dres ; car le reste est caché dans une fumée tout ce que ce parc renferme d'agréable, frai»
permanente. Nous nous plaisons à traduire ici gazons, épais ombrages, parterres fleuris, le pu-
les réflexions pleines de sens du même auteur blic est exclu par des barrières et des portes
sur la tenue des jardins publics en Angleterre. fermées. Cependant, au point où la civilisation
- Les jardins de Kensinglon n'appartiennent est parvenue, les riches, les hautes classes de
pas à proprement parler au public; mais comme la société, devraient comprendre que tout, dans
le palais dont ils sont une dépendance a cessé les lieux publics, ne doit pas être sacrifié à leur
depuis longtempsde servir d'habitation au sou- agrément, et qu'il est de leur devoir comme de
verain, le public en jouit par tolérance, sous leur intérêt de songer au bien-être de tontes
certaines restrictions on ne peut y être ad-
; les classes de la société. »
mis en livrée ou sous un costume peu soigné -, Le second exemple que nous donnerons d'ane
on n'y peut entrer avec un paquet. Ces res- très belle application du système pittoresque à
trictions ont pu avoir leur raison autrefois, un jardin public, est le jardin paysager de
mais elles sont indignes du temps où nous vi- Magdebourg (Prusse), déjà assez ancien pour
vons. Le parc Saint-James est le plus ancien que ses arbres, aussi variés que le sol et le cli-
des jardins publics de Londres jusqu'en 1832 -, mat l'ont permis, produisent tout leur effet. Ce
le public était exclu de la plus grande partie jardin est si beau qu'il est toujours respecté,
de ce parc déjà fort limité; depuis cette épo- bien que les barrières, grilles et balustrades
3ue, quelques allées sablées ornées de groupes entre les fleurs et les promeneurs y soient en-
ai bustes exotiques sont livrées aux prome- tièrement inconnues. La ville de Magdebourg

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TITRE V. JARDIN PAYSACER. 407
Fig. 522.

a consacré à son jardin public (fig. 522) une ties du jardin sur le cours majestueux de l'Elbe;
étendue de soixante hectares, environ sept fois le dôme de la grande église de Magdebourg et
celledu Jardin des Plantes do Paris; 30,000 les principaux édifices de cette ville sont pré-
promeneurs y circulent sans encombrement. sentés avec avantage dans les intervalles des
Le but principal de cette composition était massifs ; on a tiré le même parti de tout ce qui
de faire jouir les habitants de Magdebourg dans la contrée environnante pouvait servir de
de l'aspect de la contrée environnante , où la pointde vue. La rivière artificielle C et lespièces
vallée de l'Elbe forme de magnifiques tableaux; d'eau qui communiquent avec elle servent aux
le terrain très accidenté s'y prétait admirable- plaisirs de la promenade en bateau : le port D,
ment ; l'art a su tirer le meilleur parti des réunit un grand nombre de nacelles élégantes à
avantages naturels de la situation. Le jardin la disposition des promeneurs. On peut recon-
paysager de Magdebourg est une composition naître, par l'inspection du plan, le soin, très es-
digne d'être étudiée comme un modèle du sentiel dans un jardin public, que l'artiste a
genre on y rencontre les applications les plus
; pris de disperser la foule, en lui offrant sur
judicieuses de l'emploi des arbres et arbustes le des points opposés divers buts de promenade
long des allées et au bord des eaux, pour en également attrayants.
faire ressortir les lignes avec tous leurs avan- Les plantations du jardin public de Magde-
tages ; pas un massif, pas un groupe d'arbres bourg se distinguent des autres du même genre
ou d'arbustes, pas un arbre isolé, n est là sans par la grande variété des espèces, les unes dis-
une raison qui justifie sa présence là plutôt posées par groupes séparés, les autres en mé-
qu'ailleurs, pour produire un effet toujours cal- langes assortis avec beaucoup de goût et de
culé et toujours naturel; chaque détail se rat- discernement on n'y compte pas moins de 193
;

tache à l'ensemble de ta composition, sans espèces distinctes d'arbres et d'arbustes d'or-


rien perdre de sa valeur individuelle. M. Linné, nement, sans compter les variétés. Ce jardin
auteur de ce beau plan qu'il a su mettre à exé- réunit à peu près tous les arbres et arbustes
cution avec tant <5e bonheur et de talent, n'a d'ornement qui supportent la pleine-terre sous
pas de rivaux en Europe dans l'art difficile de le climat du pays ou il est placé. La croissance
créer des jardins paysagers les auteurs anglais
; et la culture de ceux de ces arbres récemment
eux-mêmes, c'est tout dire, lai rendent ce té- introduits en Europe y peut être étudiée com-
moignage. Les édifices en petit nombre qui or- parativement avec les espèces indigènes, et con-
nent le jardin de Magdebourg sont décorés avec tribuer à faire adopter dans les plantations les
autant de simplicité que de bon goût ; la salle arbres offrant des avantages réels. C'est ainsi
des festins A (fiy. 522) a pour dépendance un jar- qu'un but d'utilité très important peut toujours
din fruitier et potager; un temple B, occupe la être atteint, sans rien ôteraucharme des com-
placed'où la vue domine sur leplus riche paysa- positions de pur agrément, comme doit l'être
un jardin paysager.
F e des massifs habilement ménagés dissimulent
;

aspect pénible des fortifications (car ces mer- Noos ne regardons point comme un malheur
veilles sont sous le canon du roi de Prusse); la vue pour la France la division des propriétés, suite
plonge librement au contraire de toutes les par- inévitable de l'abolition heureusement Irréro-
408 HORTICULTURE. LIVI»K VIII.

cable du droit d'aînesse; il en résulte l'impos- des métairies ; bien peu de propriétaires son-
sibilité presque absolue pour les détenteurs geront à détruire ces utiles créations pour en
actuels ae la propriété, d'enlever d'immenses refairedes parcs Mais, comme nous l'avons dit,
terrains à la production agricole, pour leur sa- on pcut,dans une contrée naturellement pitto-
tisfaction personnelle; les très grands jardins resque, réunir sur un espace d'une étendue limi-
paysagers ne sont plus guère possibles en tée tous les agréments que comportent les jar-
France ; la Bande noire en a fait des fermes et dins paysagers. Lejardindont la flg. 523 donne

[Fig. 523.

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le plan est d'une contenance d'environ six hecta- plus rapprochées du paysage environnant. La
res, y compris le verger et le potager. La même rivière traverse deux pièces d'eau dont l'une
distribution pourrait être appliquée à une me- est parsemée de plusieurs lies; Tîle C est
sure beaucoup moins étendue. La maison d'ha- réunie aux allées par deux ponts rustiques.
bitation A ne fait point face à la grille d'entrée Un belvédère D occupe le point le plus élevé
B on l'aperçoit seulement à travers les arbres,
; de la colline boisée E; les bois qui la terminent
et l'on y arrive par une allée circulaire; la se confondent perspectivement avec ceux qui
grille ne se voit point de l'habitation, afin de ne forment le fond du paysage. Ce plan est ex-
pas rappeler le peu d'étendue du jardin paysa- traitdu traité de la composition des jardins,
ger cl U en reculer perspcclivcmcnt les limites, par M. Audot.
en y joignant pour le coup d'œil les parties les

COUP D'ŒIL

SUR LE JARDINAGE EN EUROPE


Parvenus au terme de la partie didactique tisfaireun caprice sans se préoccuper des pro-
de cet ouvrage, il nous reste à en esquisser la létaires qui viennent expirer de besoin à la
partie descriptive. Que ce mot n'alarme pas le porte de leurs parcs, Loudon consacre plus des
lecteur .nous ne lasserons pas son attention deux tiers de son volumineux ouvrage à met-
en l'appelant sur une interminable série de tre sous les yeux de son public la description
tableaux plus ou moins incapables de donner et les dessins des jardins et des parcs les plus
une juste idée des objets décrits ; c'est au pu- renommés du monde connu c'était pour son
:

blic horticole français que nous nous adres- livre la principale condition de succès. Nous
sons; notre but doit être de satisfaire dans l'imitons en ce point que, comme lui, nous dé-
le cercle de nos attributions ses goûts, ses dé- crivons de préférence tout ce qui, dans le jar-
sirs et ses besoins. Le célèbre horticulteur an- dinage européen, nous semble offrir à la majo-
glais Loudon, écrivant principalement pour rité de nos lecteurs intérêt et utilité.
des lords qu'une dépense d'un ou deux mil- Le jardinage proprement dit, celui qui a
lions ne fait pas reculer dès qu'il s'agit de sa- pour but la production des végétaux utiles à

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COUP D'OEIL SUR LÈ JARDINAGE EN EUROPE. 409

L'homme est né primitivement


. là où de nom- seizième siècle, avait peu de jardins; son sol ma-
breuses populations industrielles offraient à ses récageux, alors presque dépourvu de grandes
produits des débouchés avantageux et certains. villes, semblait peu propre a l'horticulture ; la
L'art d'embellir les sites naturellement pitto- Belgique était au contraire comme un vaste
resques ou de les créer au besoin, a pris nais- jardin plus de deux siècles auparavant ; le goût
sance là où des fortunes colossales mettaient à du jardinage y était général avant même que
la disposition de leurs possesseurs de vastes toutes ses provinces ne se trouvassent réunies
terrains à perdre et des sommes illimitées à sous le sceptre de la puissante maison de
dépenser. La culture spéciale des plantes d'or- Bourgogne. Mais du moment où une grande
nement a dû naître avec le goût des fleurs par- partie de la population riche et éclairée de la
tout où l'opulence manquant, comme en Hol- Belgique, fuyant le joug de l'Espagne et les
lande, d'espace pour créer des parcs, a dû se persécutions religieuses, se fut réfugiée en Hol-
contenter a'une serre et d'un parterre. Le gé- lande avec d'énormes capitaux, les moindres
nie de chaque peuple imprime à chacune de bourgades de ce pays devinrent des villes im-
ces créations diverses un cachet particulier : portantes ; les besoins de toutes ces populations
l'orgueil anglais, la patience hollandaise, l'ac- urbaines, plus nombreuses de beaucoup que les
tiviré belge, le goût français, la paresse espa- populations rurales, et fort en état, grâce au
gnole, ont leur reflet dans les jardins. commerce, de bien payer les travaux du jardi-
L'antiquité n'a rien légué au jardinage des nier, firent prendre au jardinage un très grand
peuples modernes ; les parcs immenses qui cou- développement. Plus tard, tomes les contrées
vraient et affamaient l'Italie du temps des em- de l'ancien et du nouveau continent où les
pereurs ne sont pas connus; à peine les fouilles Hollandais entretenaient des relations de com-
récentes dans les ruines de Pompéî et d'Her- merce, devinrent, ainsi que leurs nombreuses
culanum ont-elles fait entrevoir dans ces der- colonies, tributaires des jardins de la Hol-
niers temps ce que pouvaient être les parterres lande, qui en reçurent une foule de végétaux
joints aux habitations bourgeoises d'une petite exotiques répandus aujourd'hui dans toute
villeromaine sous Vespasien. De longs siècles l'Europe. Il riait naturel que, sous l'empire de
de dévastations avaient passé sur tout cela ces circonstances, la Hollande devint la terre
quand les moines créèrent autour des monas- classique du jardinage. On nomme encore les
tères les premiers jardins. Plus tard, les répu- pois, les choufleurs, les haricots nains, et une
bliques municipales en Italie, en Allemagne, en foule d'autres légumes des variétés les plus re-
Flandre surtout, avec leurs populations com- cherchées, légumes de Hollande, ce pays étant
pactes d'ouvriers, et leurs puissantes fortunes celui de tous où leur culture a été portée au
commerciales, appelèrent autour des grandes plus haut point de perfection. Ces légumes
cités l'industrie du jardinage, et créèrent l'art étaient presque tous venus de Belgique en
des jardins. Nous retrouverons les tracesde cette Hollande. En Belgique de môme quen Hol-
marche liée à la nature des choses, dans notre lande, un sot fertile, un climat constamment
excursion rapide, pour considérer comme à vol humide, des grandes villes les unes sur les au-
d'oiseau les jardins des divers peuples, et en tres, avaient, comme nous l'avons dit, donné
faire connaître les traits essentiels. lieuaux cultures jardinières les plus florissantes,
bien avant l'existence de la Hollande comme
état indépendant.
HOLLANDE et BELGIQUE Considérons dans leur état présent les jar-
dins de ces deux contrées naguère dépendances
Noos ne commençons point par la France ; du grand empire, puis un moment réunies sous
la priorité appartient de droit au pays où l'art le sceptre de la maison de Nassau. Nous fai-
da jardinage est porté à son plus haut degré de sons choix pour donner un coup d'œil aux jar-
perfection. Le jardinage, dont il n'entre pas dins de la Frise et de la Nord-Hollande, par où
dans notre plan de tracer ici l'historique, est doit commencer notre excursion, d'un de ces
un art tout moderne. On connaît la date pré- rares beaux jours de la fin de mai où le soleil
cise de l'envoi en France des premières graines triomphe pendant quelques heures des brouil-
de laitues, vers le commencement du seizième lards constamment assis sur la Hollande pen-
siècle ; nos salades actuelles peuvent être con- dant les trois quarts de l'année. Ici, le climat
sidérées comme la postérité de ces laitues pres- ; est si rude et l'hiver si long, que les habitants
que tous nos légumes un peu recherches ne ne comptent pas au-delà de quarante beaux
sont pas plus anciens; sous Charles IX, le jours par an, constituant à la fois le printemps
chanoine Charron, auteur du livre de la sa- et l'été: c'est ce temps que les jardiniers nom-
gesse, les regardait tous comme des objets de ment les six semaines aux légumes. Après avoir
luxe, hors le chou et la raw, productions gau- admiré l'art infini que mettent les jardiniers à
loises on sait qu'il résumait la sagesse hu-
*,
d'un ciel si austère, nous donnons
maine dans ces deux monosyllahles paix et : un coup d'œil aux belles serres et aux planches
peu ; il avait adopté pour armoiries le navet, parfaitement tenues du jardin botanique de
comme symbole de la frugalité. l'université de Groningue, nous consacrons une
JLa Hollande, avant la grande révolution qui matinée au parc de la résidence royale du Loo,
la constitua en république indépendante, an dont l'ensemble a conservé le style des jardins
oartcviTvai. T. v. — •«
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410 HORTICULTURE.
du dix-septième sièclenous y remarquons ce-
; si victorieusement démontré dans la pratique
pendant des bosquets dans le style moderne, feu notre habile confrère, M. Tripet, les Hol-
dessinés avec beaucoup de goût, deux fort belles landais n'ont d'avantage sur nous, quant aux
fontaines et d'autres ornements de sculpture plantes bulbeuses, que par le climat ; c'est le
et d'architecture, dignes de la demeure d'un voisinage de la mer qui conserve leurs ognons
prince éclairé. Puis nous reprenons le chemin indéfiniment, tandis que sous notre climat mé-
delà Hollande proprement dite, et nous ne nous diterranéen, les mêmes végétaux dégénèrent
arrêtons qu'aux portes d'Amsterdam. Si du en quelques années et veulent être maintenus
haut d'un de ses principaux édifices nous pla- par des rajeunissements continuels qui permet-
nons sur cette ville immense, nous avons peine tent à nos collections de rivaliser avec celles
à croire que ses 300,000 habitants tirent les de Hollande, sauf par la durée.
légumes dont ils absorbent de si énormes quan- Nous rencontrons au bord des canaux et des
tités, de ces tout petits compartiments de ver- rivières des bateaux chargés de cendres de
dure qui l'environnent vers le sud. Descendons houille ; elles viennent de Belgique ; Anvers,
dans un de ces admirables potagers ; nous ne Gand, Bruxelles, et une foule d'autres villes en-
reverrons les mêmes prodiges de production voient en Hollande le superflu de leurs cendres
que dans les marais des environs de Paris. dont une partie seulement est employée par
Mais ici, les peines du jardinier hollandais ne l'horticulture et l'agriculture de la Belgique.
sauraient être comparées à celles du maraîcher Cet amendement très excitant, soigneusement
parisien l'arrosoir est inutile en Hollande où
;
débarrassé des scories à demi vitrifiées aux-
les pluies sont toujours surabondantes. L'en- quelles il est toujours mêlé, est pour les jardi-
grais employé avec profusion dans un sot déjà niers hollandais un moyen puissant d'activer
très riche, est trèschargéde matières animales, la végétation.
car le pays abonde en fourrages de toute es- Les produits forcés sur couches ou dans la
pèce, tandis que les pailles et les autres res- serre sont beaucoup plus abondants, toute
sources pour la litière du bétail y sont généra- proportion gardée, en Hollande qu'en France ;
lement rares; on ne voit pas qu'il en résulte le goût des fleurs y est particulièrement l'objet
d'altération dans laqualitcdes légumes. C'est un d'un luxe fort élégant. Grâce au talent des hor-
exemple que, dans notre sol brûlant, très chargé ticulteurs, elles y sont en abondance et à des
de principes calcaires, nous ne pourrions imi- prix assez modérés en toute saison.
ter ; nos jardins veulent au contraire des fu- Nous arrivons en Belgique par Anvers; les
miers où les matières végétales soient en excès potagers des environs de cette ville nous offrent
et qui laissent un terreau presque tout végétal tous les produits de ceux de Hollande qui sont
auand ils sont arrivés au dernier terme de leur semblables à ceux des nôtres. Nous y remar-
décomposition. Nous ne quittons pas Amster- querons, en outre, de grands carrés de choux
dam sans visiter les serres du jardin botanique, rouées ; leur culture est de tout point semblable
afin d'y saluer de très vieux pieds de caféier, à celle de nos choux pommés. On en mange
conservés dans ces serres depuis 1690; un seul une grande partie crus, à la manière de nos sa-
plant provenant des graines de l'un de ces ca- lades; mais, faute d'huile, on les assaisonne
féiers, fut envoyé d'Amsterdam à Paris en avec du beurre fondu mêle de vinaigre. Comme
1714 ; 12 ans plus tard, en 1726, deux plants, ce mets se mange froid, il faut se hâter de l'a-
provenant des graines de ces caféiers, furent valer avant que le beurre ne se fige ; la salade
envoyés à la Martinique ; tous les caféiers de de chou rouge cru n'est réellement supportable
celte colonie descendent de ces deux plants. que pour les palais qui en ont l'habitude. Nous
En avançant vers le sud, nous verrons près de goûtons à Gand un légume plus généralement
Harlem et de Leyde ces célèbres collections de estimé; c'est la grosse asperge qu on n'obtient
tulipes, de jacinthes, de renoncules et d'ané- nulle part ailleurs aussi belle et d'aussi bonne
mones, dont les plus belles n'appartiennent qualité. Toutefois, ce n'est pas à Gand même
point au commerce ; elles font les délices de u'il manger l'asperge de Gand, à moins
faut
quelques riches amateurs. Félicitons-nous de 'être du pays. Pour les consommateurs fran-
pouvoir sans nous ruiner faire l'acquisition de çais, l'asperge n'a toute sa valeur que quand
ce que le commerce a de plus rare à nous of- elle a passé au moins un jour hors de terre, et
frir'en ce genre; il y a 60 ans, un de ces que son extrémité y est devenue verte ou vio-
ognons qui nous coûtent quelques francs, lette; les Flamands la préfèrent blanche; ils
nous en eût coûté 2 ou 3 mille. Les regis- vont la chercher entre deux terres, avant
tres des recettes publiques de la ville d'Alkmaar qu'elle se soit colorée par l'influence du soleil ;
font foi qu'en l'année 1637, 120 tulipes ont été elle est alors plus tendre, mais elle a moins de
vendues au profit de l'hospice des orphelins saveur. On suit la même méthode dans toutes les
pour la somme de 9,000 florins, environ 20 autres provinces belges.
mille francs, qui en représentaient au moins 40 A Bruxelles, nous ne pouvons oublier de goû-
de la monnaie actuelle, en raison du prix moyen ter les spruyt ou jets de choux, improprement
des denrées ; un seul de ces ognons, nommé le nommés choux de Bruxelles, car les meilleurs
vice-roi, avait été payé 4,203 florins, près croissent aux environs de Malines et de Lou-
de 9,000 francs, qui en vaudraient près de vain. L'ordre, la régularité, l'absence de toutes
20,000 de nos jours. Du reste, comme l'avait mauvaises herbes, et une succession non inter-

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COUP D'OEIL SUR Ll. JARDINAGE F.N LUROPK. 4M
roropae de légumes, distinguent les potagers la fois le discernement vigueur de ceux
et la
flamands, dans lesquels l'arrosoir n'est pas qui l'emploient; elle est large ci longue, propre
beaucoup plus en usage ni plus nécessaire qu'en à donner des labours profonds. Au lieu d'une
Hollande. Néanmoins v chaquejardinason puits surface entièrement plate, elle offre une légère
toujours peu profond, car dans toute la Belgi- courbure vers le milieu de sa longueur (toir
que, l'eau se rencontre à fleur de lerre. Il n'est Instrument de Jardinage). Quelque peu consis-
encore question ici, ni ce norias, ni de mani- tant que soit le sol, quelque poli que soit le fer
velles pour élever l'eau ; l'arrosage proprement de l'instrument par un long service, jamais la
dit est inconnu ; seulement, par un temps très charge soulevée par le jardinier ne retombe
sec, on est quelquefois oblige de mouiller légè- dans la jauge sans avoir été complètement re-
rement le plant pour assurer sa reprise, tandis tournée, ce qui, pour les terres légères, s'ob-
qu'en Hollande, il y a au contraire le plus sou- tient difficilementavec la bêche plate, surtout
vent des précautions à prendre pour l'empê- Ïuand elle est plus étroite du bas que du haut,
cher de pourrir par excès d'humidité. 'est un inconvénient grave; la terre remuée
Plus nous avançons dans la partie de la Bel- sans être retournée laisse constamment à la
gique désignée sous le nom de Pays Wallon, même couche le soin de nourrir les végétaux ;
s'élevant par des pentes de plus en plus pro- un bon bêchage ne doit pas seulement ameublir
noncées jusqu'au plateau des Ardennes, plus la terre, il doit la rajeunir. La manière de bê-
les jardins nous offrent d'analogie avec le jar- cher diffère aussi de la nôtre en deux points
dinage du nord et du centre de la France. Ce qu'il est utile de noter. D'abord, le jardinier
sont à peu près les mêmes légumes, à l'ex- hollandais ou belge n'appuie pas le pied sur le
ception de l'artichaut qui n'y figure que ra- bord de sa bêche pour la faire entrer dans le
rement, quoiqu'il y soit d'excellente qualité. sol; il n'en a jamais besoin, parce que d'une
L'un des points les plus intéressants de cette part, il une terre peu compacte en elle-
travaille
contrée pour le jardinage, c'est la vallée de la même, que de l'autre, celte terre est si sou-
et
Meuse, aux environs de Liège. Les moines du vent et si bien remuée qu'elle n'a pas le temps
moyen-âge l'avaient surnommée, à cause de de durcir. Puis, si nous considérons attentive-
sa prodigieuse fertilité, la vallée bénite (It Val- ment sa manière de bêcher, nous verrons qu'au
Benoii), nom qu'elle a conservé sans altération lieu de soulever de gros blocs de terre d'un
dans le du pays. Outre la population de
patois seul coup, il a soin de ne prendre à la fois
Liège, qui compte au-delà de 60,000 habitants, qu'une tranche d'une épaisseur médiocre qu'il
les jardins de cette vallée doivent encore four- enlève sans effort, et qu'il place dans la jauge,
nir de fruits et de légumes les 12 à 15,000 ou- en la renversant sens dessus dessous. Ce mode
vriers de Yerviers, ville manufacturière dont de labour est très bien adapté au jardinage
ils sont séparés par une distance de 3 myria- dans un sol léger, quoique pour une terre coin -
mètres. Yerviers, admirablement située pour Bacte, il puisse être utile, surtout pour les la-
l'industrie à cause de ses innombrables chutes ours d'hiver, de lever de grosses mottes, qu'on
d'eau, n'est d'ailleurs environnée que de co- livre à l'action des gelées et des dégels. Alors,
teaux arides, entièrement rebelles à la culture le vigoureux coup de talon aidé d'un lourd sa-
jardinière. bot n'est pas de trop pour faciliter le labour.
Il n'existe point en Europe de femmes d'une Mais ce cas excepte, la pelle flamande l'em-
constitution plus vigoureuse et mieux faites porte sur la bêche et le louchet de la France
pour supporter toute espèce de fatigues que les centrale, cl la manière flamande de s'en ser-
jardinières des environs de Liège. On désigne vir sans s'aider du pied pour déplacer plus de
sous le nom de Bolresses, celles de ces femmes terre à la fois est préférable à celle de nos jar-
qui font le commerce des légumes frais. L'é- diniers.
tranger s'étonne de les voir marcher lestement Un volume de descriptions ne suffirait pas

EU sur leur tête, que couvre un feutre à


bords, une charge capable de faire plo\ er
mmo de force ordinaire ; elles vont a Yer-
pour exposer toutes les richesses horticultarates
de la Belgique ; presque toutes ses villes du pre-
mier et du second ordre ont des sociétés de
viers ou à Spa durant la saison des eaux, fai- Flore et des expositions périodiques des plus
sant, ainsi chargées, S à 4 myriamèlres pour rares végétaux.
réaliserun modique bénéfice sur la vente du En 1817, un voyageur anglais visitant la pe-
produit de leurs jardins. Parmi ces produits, tite ville d'Enghien(Hainaut), s'étonna d'y trou-
nous distinguons la belle fraise écarlatede Vir ver réunis dans le jardin de M. Parmentier,
ginie, d une variété trop peu connue en France; alors maire de cette ville, une réunion de plan-
les Botresses ont l'art de balancer sur leur tête tes rares plus complète que ce qu'il y avait
leurs pesants paniers avec tant d'adresse, que alors de mieux en Angleterre ; ce jardin n'a ce-
ces fraises arrivent à Yerviers et à Spa sans pendant guère plus de 60 ares; mais il est pres-
avoir souffert le moindre froissement. que en entier couvert par desserres magnifiques
Les divers instruments de jardinage des Hol- peuplées de plantes du plus grand prix.
landais et des Belges nous ont offert bien peu La seule ville de Gand, centre de l'horticul-
de différence avec ceux dont l'usage nous est ture belge, possède au-delà de 400 serres ap-
familier. La pelle ou bêche flamande mérite Kartenant à des amateurs. Rien n'égale la
cependant notre attention. Sa forme atteste à eauté des serres des jardins publics; nous ad-

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412 HORTICULTURE.
mirons par-dessus tout celles de la Société les jardiniers de ce pays ne sait tirer parti des
d'horticulture de Bruxelles; sans déranger les localités pour placer a l'abri d'un pli de ter-
plantes de lears dressoirs, ce somptueux local rain ou d'un massif d'arbres conifères, quel-
recouvert en vitrages sert à donner des bals que arbre fruitier sensible aux impressions da
ou 1 ,500 personnes circulent sans encombre- froid et au souffle des vents d'ouest si violents
ment» en Belgique. C'est ainsi qu'en regard de divers
La Société d'horticulture de Bruxelles est groupes de rhus cotinus, d'acacia inermis, de
une des plus actives de l'Europe ; disons aussi mélèzes et de sumacs de Virginie , des compar-
qu'elle est une des plus nombreuses et des plus timents de forme élégante reunissent les meil-
riches. C'est en Belgique que les sociétés d'hor- leures espèces de poiriers, pommiers, pruniers,
ticulture ont pris naissance sous le nom de cerisiers et abricotiers en plein-vent. Regardez
confrérie de Sainte- Dorothée. Nous croyons sous ces massifs; le sol y est caché sous des
que la confrérie de Sainte-Dorothee constituée touffes bien entretenues de muguet et de vio-
au moyen-âge à Bruxelles, n'avait pas de pré- lettes de Parme; un recoin peu fréquenté et
cédents ; elle serait donc le modèle et l'origine mal exposé reçoit des buissons de framboisiers;
de toutes les autres. Sous la domination autri- et les meilleures variétés de fraisiers bordent la
chienne, elle comptait au nombre de ses mem- lisière des bosquets. Le jardinier d'une grande
bres des princes, des grands seigneurs, des ma- maison, et nous en connaissons qui sont des
Sistrals et des artistes pêle-mêle avec des jar- hommes fort distingués, ne veut pas que les
iniers de profession qui, formant la majorité, visiteurs aient besoin de passer par le verger
prenaient d'ordinaire dans leurs rangs le doyen f>our admirer et goûter les meilleurs fruits de
ou président de la confrérie. a saison, prétendant que les arbres qui les pro-
Cette société pacifique céda la dernière de duisent, étant mis à leur place, sont d'un effet
toutesaux orages révolutionnaires; ses registres tout aussi pittoresque que les autres dans le
font foi de son existence en 1793; il y a des jardin paysager. Cela n'empêche pas qu'un
noms de confrères reçus en 1794 ; cette date en verger spécial ne soit joint au parc comme ac-
dit beaucoup sur le caractère et les mœurs du cessoire indispensable.
peuple belge. C'est avec le noyau de l'ancienne Les jardins du duc d'Aremberg à Enghien
confrérie de Sainte-Dorothée, dont les membres contiennent une des plus belles orangeries qui
avaient continué à se voir et à s'occuper en- existent, en exceptant celles des palais des sou-
semble d'horticulture, que fut reconstituée en verains ; elle a 55 mètres de long sur 9 mètres
1826 sur de larges bases, la Société d'horticul- de large et renferme de nombreux orangers
ture de Bruxelles. Cette société ne peut que respectables par leur long âge le plus grand
;

continuer à prospérer à la faveur de la paix, nombre dépasse deux siècles ; il y en a qui


sous un prince amateur passionné de l'horti- n'ont pas moins de 300 ans ; enfin quelques-
culture. uns des plus beaux, donnés autrefois par les rois
A Gand, lejardin botanique récemment d'Espagne aux ancêtres du duc actuel, datent
agrandi renferme aussi de 1res belles serres authentiquement de quatre siècles.
qui servent aux fêtes périodiques données tous La culture des arbres fruitiers mérite une
les cinq ans sous le nom de Festival, par la mention particulière. Qui ne serait frappé, dans
société d'horticulture de cette ville. Les Gan- le pays Wallon, à l'aspect de ces vergers im-
tois n'ont point oublié que leur jardin botani- menses qui sous le nom de prairies arborées,
que eut pour fondateur Napoléon, alors pre- couvrent les vallées de la Meuse, de la Sambre,
mier consul ; ce fut lui qui en désigna l'empla- de rOurthe et de leurs affluents? On se croirait
cement, et qui voulut qu'il serv ît en même au centre d'une grande production de cidre ;
temps de promenade publique dont la ville de mais les diverses qualités de bière sont si
Gand était alors dépourvue; cette fondation bonnes et à si bas prix dans toute la Belgique,
remonte à l'année 1797. que le cidre se vendrait difficilement. Tous ces
Dans les parterres, nous retrouvons les mê- pommiers dont le dénombrement donnerait un
mes collections qu'en Hollande; à Bruxelles, à chiffre incroyable, ont une autre destination.
Louvaiu et principalement à Liège, nous ren- L'espèce la plus généralement répandue est une
controns de plus les collections d'œillets d'ama- pomme de belle-fleur, bien digne de son nom
teur, nommes par excellence œillets flamands. par les dimensions de ses corolles pourprées au
Quant aux jardins anglais de toutes dimensions, dehors et d'un blanc de neige à l'intérieur. Le
depuis celui du château de Laken, jusqu'aux plus fruit joint au volume de la pomme de rembour
charmants bosquets en miniature, ils sont ré- les lignes veineuses de la pommede châtaignier;
pandus dans le Brabant et les Flandres avec il est employé de préférence à la préparation
profusion. Les deux rives du canal de Bruxelles d'une sorte de sapa, connu dans toute la Bel-
a Boom, sur une longueur de 3 myriamètres, gique- Wallone sous le nom de sirop de pommes;
n'offrent qu'une succession de parcs et de jar- il s'en fait une consommation prodigieuse. Ce

dins d'agrément. Nous sommes frappés en pé- sirop fait avec le suc épaissi des pommes écra-
nétrant dansces jardins dont, plusieurs sont des- sées auxquelles on ajoute une petite quantité de
sinés avec un goût parfait, d'y retrouver l'em- carottes râpées, se conserve plusieurs années
(ireinte du caractère belge dans l'alliance de sans altération; c'est un aliment agréable et
'agréable et de l'utile ; personne mieux oue fort sain équivalent à notre raisiné, mais pré-

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 41S

é avec infiniment plus de soin et de propre- nous ne trouverons, sur une longueur d'envi-
r Nous sommes convaincus que la pomme de ron 25 myriamèlres de Verviers à Ostende, pas
une ferme, pas une simple chaumière, qui n'ait
belle-fleur wallone, très grosse et très produc-
tive, serait pour nos vergers de Normandie une son jardin d'une propreté coquette, entouré de
excellente acquisition ; elle est moins sujette que haies v ives d'aubépine ou de cornouiller, régu-
toute autre aux attaques des vers et à l'action lièrement taillées en forme de mors à angles
des derniers froids. vifs, à hauteur d'appui. Nous aimerions à voir

Parmi les plantations de pommiers de belle- plus généralement adopté en France ce mode
fleur,il se trouve toujours quelques pommiers de clôture suffisant pour protéger les produits
de court-pendu. Cette pomme plate comme un du jardin, sans empêcher ue communiquer avec
ognonet presque dépourvuede support, possède les voisins, el surtout sans manger un espace
par-dessus toute autre la faculté précieuse de énorme, comme les haies abandonnées à elles-
m? garder un an et mime deux sans se rider et mêmes. Dans les jardins de chaque presbytère,
sans rien perdre de ses qualités recommanda- nous voyons croître à côté des plus beaux fruits
blés. et des meilleurs légumes quelques plantes mé-
Quoique nous soyons trois degrés plus au dicinales d'un usage salutaire, secours souvent
nord que Paris, toutes les variétés d'autres utile que le paysan belge est toujours certain
fruits soit à noyau soit à pépins, ne le cèdent de trouver chez. M. le curé.
guère à celles que Paris tire de ses environs.

.

C'est que partout où un pan de mur bien ex-


'ÏJRANDE-BRETAGNE.
Ïiosé peut recevoir un arbre à fruit, il est uti-
isé; c'est ainsi que Bruxelles, Malincs, Gand,
et même Anvers sont fournies à bas prix de Nous voici sur le sol de la vieille Angleterre,
fruits excellents parmi lesquels nous recom- sur la terre classique des jardins paysagers.
mandons aux amateurs français la poire de ca- Chaque comté nous en offre plusieurs,' grands
lebasse et le beurré d'hiver, connu dans le pays comme trois ou quatre de nos communes de
wallon sous le nom de goulu -morceau. Tout le dimensions moyennes. Les dessinateurs de ces
monde, connaît en France les succès obtenus jardins, taillant en plein drap, ayant à discré-
dans la propagation des arbres fruitiers par tion l'espace et l'argent, ont exécuté de fort
M. Van-Mons à Louvain; les jardins du duc belles choses. Les scènes variées d'une belle
d'Aremberg, à Enghien, sont aussi l'une des nature, la fraîcheur incomparable du feuillage
pépinières de l'Europe les plus renommées pour et des gazons ; le choix et l'assemblage des ar-
la perfection des variétés qu'on y crée fré- bres et arbustes les plus précieux, disposés de
quemment ; il suffit de rappeler le beurré d'A- manière à faire ressortir tous leurs avantages,
remberg, aujourd'hui répandu dans toute la voilà ce qui nous saisit d'abord dans les vastes
France, l'Allemagne et l'Angleterre ; il sort des jardins anglais. Nous admirons le parti que les
pépinières d'Enghien. Le climat et le sol du jardiniers anglais savent tirer des beautés na-
Hainaut font de cette province, mais spéciale- turelles de chaque site, et des moindres ressour-
ment des environs de Tournay, le canton du ces de chaque localité. Dansceslarges et belles
nord de l'Europe où acquièrent le plus
les fruits créations l'emploi de l'art ne laisse rien à dési-
de volume et de saveur; on se souvient qu'en rer, si ce n'est quelquefois quant aux fabriques
1816, la Société d horticulture de Gand mettait répandues avec plus de profusion et surchar-
au concours l'examen de cette question Re- : gées de plus d'ornements qu'un gout sévère ne
chercher pour quelles causes les poires de toute l'exigerait peut-être. En Ecosse et en Irlande,
espèce acquièrent aux environs de Tournay contrées moins favorisées de la nature que la
plus de volume, de couleur et de saveur que fertile Angleterre , on rencontre souvent autour
dans tout le reste des Pays-Bas? Donnons, avant des parcs immenses des grands seigneurs, de
de quitter la Belgique, un souvenir aux reli- f;rands espaces nus et dépouillés la misère est
;

gieux du monastère de Saint-Laurent, à Liège; à tout près du luxe le plus splendide ; à côté
la Belgique leur doit la belle pêche de Saint- d'une serre grande comme tout un village, il
Laurent, soigneusement conservée sur sa terre n'y a pas de village; il y a le plus misérable
natale; ce n'est pas la pêche de Monlrcuil amas de cabanes près desquelles la hutte d'un
sans doute; mais c'est presque aussi bien, el sauvage semblerait un palais. Connaissant la
pour le climat de Liège, c'est un tour de force. délicatesse de leurs maîtres, les jardiniers an-
Les jardins de la Belgique exportent avec avan- glais savent, au milieu des contrées ou règne le
tage sur les marches de Londres de grandes plus affreux paupérisme, ménager les points
quantités de fruits d'une rare beauté; Gand et de vue de manière à dissimuler tout objet pro-
Anvers ont plusieurs grands étahlissements pre à blesser les regards. Si l'œil découvre
dont les produits forcés, ananas, melons, pê- quelque pauvre el sale chaumière, c'est de si
ches, abricots et raisin, sont presque en entier loin que sa laideur disparaît; souvent même
vendus à Londres a des prix contre la modéra- pour la faire contribuer a l'effet pittoresque du
tion desquels les producteurs anglais ne peu- paysage on l'entoure d'arbres exotiques ; rare-
vent soutenir la concurrence. ment on songe à la réparer ou à l'assainir.
En traversant la Belgique de l'est à l'ouest Tout a été dit sur le mérite des jardins pay-
pour passer le détroit et visiter l'Angleterre, sagers de la Grande-Bretagne; c'est là qu il

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414 HORTICULTURE.
faut aller chercher des modèles pour les plus pour plusieurs années les plus propres et les
vastes et les plus parfaites créations en ce gen- meilleures de toute leur exploitation, pour la
re. Il n'y a plus guère en Europe que l'aristo- production des céréales. Nous pourrions citer
cratie russe qui puisse faire aussi bien ou mieux plusieurs fermiers intelligents qui avant d'em-
peut-être, grâce à ses esclaves dont le travail ployer leur fumier à la grande culture, utilisent
ne coûte rien ; c'est ce qu'on verra sans doute sa chaleur pour forcer le long d'un espalier
garni d'un vitrage mobile du raisin, des pê-
Suand le sud de la Russie sera plus fréquenté
e la haute noblesse russe, attirée et retenue cbes, des cerises précoces. Quand la bonne sai-
jusqu'ici dans le nord par le génie maritime de son arrive, que le fruit est noué, et qu'il peut,
Pierre-le- Grand qui n'espérait pas voir la Mer grâce à la protection du châssis, arriver en-
Noire devenir un lac russe. core assez tôt à maturité pour procurer un bé-
Ajoutons pour dernier éloge que peu d'entre néfice très raisonnable, ils enlèvent le fumier
les plus beaux jardins paysagers d Angleterre qui avait jusqu'alors servi à hâter la végétation
se ressemblent ; le voyageur étranger peut en de ces arbres au moyen de sa chaleur artifi-
visiter un grand nombre sans y rencontrer cielle, et ils en disposent pour les cultures de

l'ennui que cause toujours l'uniformité. pommes de terre, de betteraves ou de légumes


Les grands jardins paysagers d'Angleterre de toute sorte, culture qu'il est encore temps
ne sont pas tous des créations spéciales ; plu- de commencer à cette époque.
sieurs ne sont autre ebose que d'anciens jar- Le luxe des serres est ici porté à son plus
dins géométriques restaurés à la moderne, mais haut degré de somptuosité; il suffit de rappe-
conservant dans quelques-unes de leurs parties ler que de simples amateurs expédient vers les
des traces de leur état précédent. Tels sont en points les plus éloignés et les moins explorés
particulier les magnifiques jardins du duc de du globe, de savants naturalistes pour leur rap-
Dcvonshire à Chatsworth, et le parc non moins porter des variétés nouvelles de végétaux exo-
célèbre de Claremont, propriété du roi des Bel- tiques; il y a tel cactus dont on peut évaluer
ges-, ce dernier parc a clé entièrement refait le prix à 30 ou 40 mille francs en calculant

dans le style pittoresque sous les yeux de ce tout ce qoe coûte sa conquête ; car ces expé-
rince, et en grande partie d'après ses dessins, ditions aventureuses ne sont pas toujours heu-
R reuses; on veut du neuf, n'en fût-il plus au
ious citerons encore le jardin public de la ville
de Birmingham, bien qu'il soil déparé par quel- monde.
ques ornements de fort mauvais goût. En Au premier rang des plantes de collection,
Ecosse, le parc de Duddingston d'une étendue dont on ne saurait trouver ailleurs qu'en An-
d'environ cent hectares, est l'un des plus beaux gleterre un aussi grand nombre de beaux échan-
et des mieux ornés il est surtout riche en ar-
; tillons, considérons d'abord celles qui apparlien
bres et arbustes exotiques cultivés en pleine nent à la serre chaude-humide^ dont elles ne
terre ; des soins minutieux ont été pris pour les peuvent jamais sortir ce sont principalement
:

préserver des rigueurs du rude climat d'Ecosse des orchidées, parmi lesquelles se distinguent
auquel ils résistent depuis 1770. les oncidiums. Ce genre, l'un des prodiges du
Sous un autre point de vue, le jardinage appli- règne végétal, approche, en Angleterre, du
que à la production des fruits et des légumes a prix extravagant payé jadis en Hollande pour
reçu de très bonne beure une grande extension certains ognons de tulipes. Nous avons \u en
en* Angleterre et s'est approprié Tun des pre- 1835, à Liège (Belgique), entre les mains de
miers les perfectionnements inventés en premier M. Makoua, amateur aussi distingué qu'habile
lieu en Hollande, terre classique du jardinage horticulteur, trois plantes, qu'il venait de rece-
européen. L'Irlande, arriérée sous tous les rap- voir d'Angleterre, pour le prix exorbitant de
ports à cause de l'oppression qui pèse sur elle, 90 liv. sterl. (2,250 fr.) :l'une de ces trois
n'a qu'un très petit nombre de jardins ceux qui
; plantes, qui fleurirent seulement l'année sui-
entourent les chàleauxdes grands propriétaires vante, était un oncidium papilio; les deux au
anglais maîtres des plus belles terres de l'Ir- très étaient des épidendrées très rares.
lande, ont été créés par des jardiniers envoyés L'Angleterrenousmonlrc réunis, dans un très
d'Angleterre, et dessinés exclusivement dans petit espace, des végétaux dun prix tellement
le goût anglais. Le paysan irlandais est en gé- élevé, qu'une serre de G mètres de long sur 4 de
néral trop malbeureux pour songer à joindre large peut en conte. iir pour plus de 3,000 liv.
un jardin, quel qu'il soit, à sa misérable chau- sterl. 75,000 fr.). Ces plantes justifient l'espèce
mière. En Angleterre et en Ecosse au contraire, de passion dont elles sont l'objet par un grand
toute chaumière a son jardin; les fermes de nombre d'avantages précieux, formes bizarres,
quelque importance ont toujours un très beau couleurs variées, odeur des plus suaves ; mais
jardin bien tenu ;les fermiers placés à portée par compensation, il est impossible d'en jouir
d'une grande ville ne négligent pas, comme le comme des autres plantes. La chaleur humide,
font généralement les nôtres, les avantages de jointe à l'effet enivrant d'un parfum très fort,
leur situation ; ils consacrent toujours un es- quoique agréable, rend dangereux un séjour de
pace considérable a la production en grand des plus d'un quart d'heure dans la serre aux or-
légumes communs, sachant fort bien que les chidées. H semble que, même sous leur climat
parties de leurs terres qui ont servi pendant natal , la nature ne les ait pas destinées aux
une année ou deux à ce genre de culture, sont plaisirs de l'homme : leurs fleurs admirables ne

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COUP D OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 415

décorent que des lieux tellement malsains qu'il grand nombre en pleine terre, où ils résistent
faut, pour les y aller chercher, le courage pas- aux hivers les plus rigoureux, avec la seule
sionné du naturaliste. précaution de les coucher et de les couvrir de
De ces collections précieuses, partage exclu- paille sèche à l'arrière-saison, comme le font
sif des plus riches umateurs, passons a quelques- K)ur les figuiers les jardiniers d'Argenteuil.
unes de celles que toutes les fortunes peuvent ous ne pouvons oublier les collections de frai-
se permettre. Nous visitons, à cet effet, Prcston, ses et celles d'ananas, si chères aux gastrono-
dans le comté de Lancastre. Une Téunion nom- mes. C'est en Angleterre qu'il faut venir pour
breuse, composée en majeure partie de fermiers goûter, en Europe, ce roi des fruits, sinon tel
et de gentilshommes campagnards (country- que dans son pays, du moins aussi parfait qu'il
gcnilemens), circule devant une longue file de est possible de l'obtenir de ce côté de l'Atlanti-
caisses, contenant plusieurs centaines d'arbus- que, et n'en déplaise à nos horticulteurs, supé-
tes épineux, tous appartenant au même genre, rieur à la plupart des fruits du même genre ré-
à la même espèce, a la même variété. Chacun colté en France. Toutes les variétés connues
raisonne sur le plus ou moins de mérite des d'ananas à fruit jaune ou violet sont fréquem-
échantillons exposés ; on discute leurs chances ment rassemblées dans la même serre sur le sol
pour obtenir les prix offerts aux sous-variétés britannique on en mange en toute saison, à
:

nouvelles, prix très dignes d'être disputés, in- des prix proportionnellement bien plus faibles
dépendamment des médailles. En approchant, qu'en France.
nous reconnaissons, non sans surprise, le plus Parcourons rapidement les vergers anglais ;
modeste moins estimé de nos lruits, l'hum-
et le nous n'hésiterons pas à les reconnaître pour les
ble groseille à maquereau. Il n'y a qu'en An- plus beaux et les mieux tenus de l'ancien conti-
gleterre oùsoit possible de s'en donner une
il nent. Pour en voir de semblables, il faudrait
indigestion en en mangeant plusieurs centaines traverser l'Atlantique et visiter les vergers des
dont pas une ne ressemble à l'autre, et gui por- états septentrionaux de l' Union-Américaine :

tent toutes un nom particulier. Les diflérences rien en Europe, dans le même genre, ne peut
sont, à la vérité, imperceptibles
fort légères, leur être comparé. La pomme, sous toutes ses
même pour tout autre que pour un amateur an- variétés, est la reine des vergers anglais : c'est
glais. en effet le fruit qui, sous le climat de la Grande-
Los collections de rosiers sont ici aussi ri- Bretagne, atteint le plus complètement sa ma-
ches qu'en Belgique et en Hollande ; nous de- turité. Les poires, sans avoir en général la sa-
vons un coup d'œil à la rose blanche à cœur veur de nos bonnes espèces, sont nombreuses
couleur de chair, si connue sous le nom de rose et fôrt bonnes. Ce qui place surtout les vergers
d'York, et répandue dans tout le reste de l'Eu- anglais au premier rang de ceux d'Europe, c'est
rope. C'est dans son pays natal qu'il faut lui leur ordre, leur tenue, leur culture, qui ne lais-
voir déployer toute sa beauté partout ailleurs,
; sent rien à désirer. La taille des arbres frui-
quoique fort belle encore, elle dégénère plus ou tiers y est portée au plus haut point de perfec-
moins. Dans les collections anglaises de rosiers, tion;, elle est constamment dirigée vers une
nous cherchons en vain la rose jaune-soufre à abondante production conciliée avec la durée
cent-feuillcs, si riche de floraisondans la France des sujets. Observons qu'en Angleterre, on ga-
centrale. Ici.de même qu'en Belgique, le rosier gne fréquemment des variétés nouvelles sans
jaune double pousse tous les ans des rameaux jamais laisser dégénérer les anciennes, tandis
chargés de nombreux boutons ; mais pas un ne que nos jardiniers, plus par avidité que par né-
s'ouvre régulièrement; tous se fendent sur le gligence, poussant exclusivement à la produc-
côté pour ne donner qu'une «floraison avortée. tion, laissent disparaître nos fruits les plus pré-
L'art des horticulteurs anglais et belges n'a pu, cieux. Il suffit die rappeler la cerise de Mont-
jusqu'à présent, réussir à remédier à cet incon- morency et la prune de Brignolles, qui, à
vénient, dont la cause est probablement la va- Montmorency et à Brignolles, ne sont plus que
peur de charbon de terre, dont l'air est habi- des souvenirs. Nous goûterons ici l'excellente
tuellement mélangé. Nous avons acquis la cer- petite poire de beurré d'Angleterre. Il y a trente
titude qu'elle ne dépend pas d'une piqûre ans à peine, les vergers des départements qui
d'insecte. Dans le nord de la France, jusque approvisionnent en fruit la capitale lui en en-
vers le bassin de la Somme , le rosier jaune voyaient de tout-à-fait semblables à celles-ci ;

double fait également le désespoir des amateurs aujourd'hui pour retrouver la véritable poire
,

jaloux de posséder la reine des fleurs sous tou- d'Angleterre, il faut passer le détroit. En Fran-
tes ses parures. ce, le peu qui se vend encore sous le même nom
Voici encore de belles collections de géra- n'est plus reconnaissable on a trouvé cette
:

niums et de pélargoniums dont les ileurs n'au- poire trop peu productive; elle est presque aban-
raient pas d'égales si elles joignaient une bonne donnée ; c est un fruit perdu si l'on ne se hâte
odeur à leurs autres qualités ; puis d'innombra- de le tirer de nouveau de son pays natal.
bles collectionsde camélias, d'éricas.deliliacées. Les jardins potagers sont nombreux aux en-
Plusieurs amateurs accordent exclusivement virons de Londres; ils portent, comme toutes
leurs soins aux plantes et arbustes de terre de les branches de l'industrie anglaise, un cachet
bruyère rhododendrums
: , azaléas, kalmias, de grandeur qu'ils n'ont dans aucun autre pays;
andromèdes, les uns dans l'orangerie, le plus ce n'est qu'aux environs de Londres, de Liver-

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416 . HORTICULTURE.
pool et des autres grandes villes de l'Angle- les consommateurs à une saveur qui n'a rien
terre, qu'on rencontre des cultures qui, unique- de mauvais en elle-même, que parce que notre
ment pour produire des légumes destinés a la manière de nous nourrir n'admet pas cette
consommation journalière, couvrent des cen- énorme absorption de pâtisserie sucrée, indis-
taines d'hectares, disposent d'un capital de 3 à pensable dans un ménage anglais.
400,000 fr., et occupent plusieurs centaines L'horticulture emploie en Angleterre un
d'ouvriers. Au moment où nous écrivons, un nombre très considérable d'individus de tout
déplacement qui, tôt ou tard doit s'opérer de rang, depuis l'apprenti qui s'élève rarement au-
même partout, sous l'empire des mêmes causes, dessus de la condition de journalier après son
s'effectue en Angleterre les jardiniers, qui cul-
-, apprentissage, jusqu'aux chefs des grands éta-
tivent en grand les légumes communs pour les blissements d'horticulture qui sont ordinaire-
marchés de Londres, vont établir leurs cultures ment des hommes très distingués ayant reçu
à 80 et même 100 kilom. de cette capitale, à l'éducation libérale ta plus étendue. La profes-
portée d une ligne de chemin de fer ils ont, par
; sion de botaniste voyageur à la recherche des
ce moyen, des terres à très bon marché com- plantes nouvelles est encore une de celles qui
parativement à leur valeur autour de Londres, se rattachent à l'horticulture et que l'opinion
et ils composent pour les transports par les lo- entoure d'une grande considération ; presque
comotives à des prix très modérés. Aussi une tous ceux qui occupent des chaires de botani-
baisse très sensible et très profitable au peuple que en Angleterre ont commencé par la profes-
de Londres s'est déjà fait sentir dans ce genre sion de Collecteurs de plantes.
de denrées depuis que ce déplacement est com- Nulle part ailleurs qu'en Angleterre, les pro-
mencé. Il ne restera près de Londres que les priétaires n'ont un goût aussi général pour le
genres de culture dont les produits ont toujours jardinage. Tout acquéreur d'un domaine au-
une valeur élevée et se transportent difficile- quel tient un jardin, dit M. Loudon, soit que
ment, tels que les fraises et les framboises, et ce jardin renferme seulement quelques ares,
aussi ceux qui, comme les ananas, exigent des soit qu'il couvre quinze ou vingt kilomètres de
constructions impropres à tout autre usage. superficie, songe d'abord, en quelque état qu'il
Nous n'avons pas d'idée en France de l'impor- le trouve, à y faire des changements et des
tance de certains établissements anglais d'hor- embellissements, au grand profil du jardinage et
ticulture; nous citerons seulement MM. Lod- des jardiniers. Le même auteur remarque avec
diges, ileuristes et pépiniéristes, dont les opé* raison, que les riches, les hommes d'état, les
rations roulent sur un capital de 600,000 fr. ; puissants du jour, blasés sur toutes les jouis-
il y a quelques années, cette maison fortement I
sances, sur toutes les sensations, ont cependant
compromise , obtint du gouvernement un se- encore du plaisirà s'occuper de leurs jardins.
cours de 250,000 fr., et se releva. Quel est On trouve dans les lettres du prince de Ligne
en France l'établissement d'horticulture qui, le passage suivant qui semble avoir été écrit
menacé dans son existence, aurait seulement la par un lord anglais » Après mes enfants et
:

pensée de s'adresser au gouvernement? . deux ou trois femmes que j'aime ou crois ai-
Un examen détaillé des procèdes de culture mer à la fôlie, mes jardins sont ce qui me fait
suivis dans les jardins potagers et dans les pé- le plus de plaisir au monde-, il y en a peu

Sinières d'Angleterre, ne nous montrerait rien d'aussi beaux. »


e plus parfait que ce qui se pratique en Fran- Beaucoup de jardiniers anglais, parvenus à
ce; les instruments de jardinage sont les nôtres force de talent et d'activité au poste honorable
à bien peu de différence près ; l'art de forcer et lucratif de jardiniers d'un grand domaine,
les fruits et les plantes alimentaires est non pas tombent dans une indolence complète; c'est
précisément plus perfectionné, mais pratiqué pour eux un canonicat, le terme de leur ambi-
beaucoup plus en grand qu'en France, parce tion; ils ont un second chargé d'avoir de l'ac-
.

Sue le nombre des consommateurs des produits tivitépour eux jusqu'à ce qu'il devienne chef
e la culture forcée est très grand en Angleterre ; à son tour; quelques uns seulement ont à cœur
la construction des serres de toute grandeur
y l'honneur de leur profession et travaillent sans
est aussi fort bien entendue, ainsi que celle des relâche à s'y distinguer; ceux-là tiennent le
divers appareils destinés à les chauffer. premier rang parmi ceux qui honorent, en
La seule plante alimentaire cultivée très en Europe, la profession d'horticulteur.
grand pour les marchés des grandes villes d'An- Les appointements d'un jardinier en chef,
gleterre et presque inconnue en France, c'est dans une grande maison, ne sont jamais au-
la rhubarbe. Les côtes succulentes des feuilles dessous de 3,000 fr par an; souvent ils s'élèvent
de la rhubarbe se vendent par petites bottes et au double de cette somme, sans compter la
servent à garnir cette prodigieuse quantité de jouissance d'un logement, et divers autres
tartes que consomment les Anglais; ce mets, avantages. Malgré le prix élevé des denrées et
dont la saveur se rapproche de celui des gro- de tous les objets usuels en Angleterre, l'espoir
seilles à moitié mûres, est un de ceux qu'on ne d'une telle position suffit pour déterminer des
saurait trouver agréables à moins d'y être ha- jeunes gens instruits et intelligents à se consa-
bitué ; les essais tentés pour en introduire l'u- crer à la profession de jardinier. Mais pour
sage en France n'ont pas réussi jusqu'à pré- qu'ils puissent aspirer à un poste semblable et
sent, moins encore par la difficulté d'habituer s'y maintenir, il ne suffit pas qu'ils possèdent

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COUP D'OEIL SUR LE 31kRDINAGE EN EUROPE. 417

toute l'industrie désirable dans leur état, il faut ailleurs, nous ne saurions trouver tant de col-
encore que, par des études continuelles, ils lections de toute sorte de végétaux. Rendons
soient au courant de tous les progrès, de toutes justice aux services que le goût des collections,
les innovations utiles ; il faut qu'ils soient en même quand il dégénère en manie, rend à l'hor-
état de faire face à toutes les difficultés que ticulture ; celui qui concentre sur un seul genre
peuvent faire naître les circonstances. toutes ses ressources, tous ses efforts, qui s'en
Les jardins des résidences royales sont peu occupe avec persévérance, exclusivement et
dignes de l'état avancé de l'horticulture en An- sans distraction, peut mieux que tout autre per-
gleterre; celui de Windsor n'avait pas même fectionner ses procédés, et conquérir des varié-
de serre il y a quelques années les serres à
; tés nouvelles, conquêtes pacifiques dont, grâce
Hamptoncourt sont exclusivement occupées à la presse agricole, toute l'Europe ne tarde pas
par les ananas et la culture forcée de la vigne ; à profiter.
a Kensington, une partie du jardin est encore
cultivée a la charrue, et il n y a pas de serre
FRANCE.
consacrée aux plantes d'ornement. Les jardins
de Kcw, récemment refaits sous la direction
de M. Hoockers,très habilchorticulteur, étaient Nous voici parvenus au jardinage français,
encore naguère dans un état d'abandon déplo- le plus digne pour nous d'un examen appro-
rable; on relève, au moment où nous écrivons, fondi.
les serres qui tombaient en ruines; on semble Si quelque géographe dressait une carte de
prendre peu de soin de rendre ces jardins di- France ou les jardins seulement seraient indi-
gnes de I attention du publie et de remplir leur ués, que d'espaces resteraient vides ! Que de
véritable destination, qui devrait être de mettre épartements où un bon jardin et un bon jar-
sous les yeux du publie des exemples de l'état dinier sont de ces choses dont on a seulement
le plus avancé de l'horticulture dans toutes ses entendu parler sans savoir précisément ce que
branches. Autrefois les jardiniers en chef des ce peut être! Et pourtant la France, elle aussi,
jardins royaux étaient consultés comme des a tenu le sceptre du jardinage : Le Nôtre et La
oracles, et leur opinion faisait loi pour tout ce Quintinie ont été de grands hommes, sans
qui se rattache à leur profession aujourd'hui
;
égaux de leur temps. Sans en reproduire ici
ce sont encore des hommes fort distingués, mais l'historique rappelons-nous seulement ce siècle,
,

leur talent n'a pas lieu de s'exercer, et le moin- où, pendant que la perruque française fai-
dre des jardiniers marchands déploie forcément sait le tour du monde, l'Europe entière, l'An-
plus de connaissances et d'expérience pratique. gleterre en tête, tenait à honneur de copier gau-
Il y a peu de jardins publics en Angleterre; chement nos longues lignes droites, si solennel-
il y aurait même absence complète sans les jar- lement ennuyeuses nos cascades de racailles,
,

dins des universités et ceux des sociétés d'hor- le fatras mythologique de nos statues, les mas-
ticulture, très nombreuses en Angleterre. Ces sifs lugubres de nos ifs, bizarrement façonnés,
sociétés remontent à une époque fort reculée les bordures non moins lugubresde buis nain des-
dans le moyen-Age on suit leur trace jusqu'au
; sinant les compartiments de nos part erres tout es ,

milieu du seizième siècle. Pendant tout le cours chosesqui composaient l'essence des jardins fran-
du dix-septième, elles donnaient des fêtes bril- çaiscommenous en pouvons juger par les gravu-
lantes, accompagnées de représentations dra- res du temps. Cet ensemble, il faut en convenir,
matiques, espèces d'allégories dans le goùl du offrait une certaine harmonie avec les costumes
temps. Aujourd'hui, les plus importantes de ces d'alors tout y semblait calculé pour rendre
:

sociétés sont, pour l'Angleterre, la Société la nature le moins naturelle possible. La mode
royale d'horticulture de Londres, et pour l'E- des jardins paysagers à l'anglaise commençait
cosse la Société calédonienne. à faire fureur auand la révolution éclata. Par-
Toutes ces sociétés ont leurs expositions pé- mi les jardins de ce genre, qui venaient d'être
riodiques des produits de l'horticulture; en ou- créés, bien peu survécurent a 93; le reste eut à
tre, toute personne, possédant un local conve- soutenir les formidables attaques de la bande
nable, peut exposer chez elle des fleurs que noire. Les grands propriétaires ne reprirent
chacun peut venir admirer en payant, bien en- goût aux jardins paysagers qu'à la paix défini-
tendu. Ces spéculations privées, ajoutées aux tive; le plus grand nombre des créations nou-
expositions placées sous le patronage des so- velles de ce genre ne date que de 1 818 et 1819,
ciétés d'horticulture, rendent ces exhibitions alors que le congrès d'Aix-la-Chapelle et l'éva-
tellement multipliées, qu'un voyageur allant cuation complète du sol français par les troupes
en Angleterre, de ville en ville, peut, selon étrangères semblaient présager un long avenir
M. Paxton, en trouver une à visiter pour chaque de sécurité. Considérons de ce point de vue les
jour de Vannée. traits principaux de la physionomie de nos
Un dernier coup d'oeil donné à l'ensemble du parcs.
jardinage, dans la Grande-Bretagne, nous mon- Quelques sombres et majestueuses allées
tre le luxe des jardins porté, chez nos riches d'arbres séculaires, rares débris échappés à la
voisins, à son plus haut degré de splendeur; hache dévastatrice, çà et là un reste de terrasse,
le goût de ce luxe y est généralement répandu une antique charmille, un bassin, dont l'eau ré-
parmi toutes les classes de la nation. Nulle part fléchit jadis le teint fardé, la poudre et les mou-
HUlllClLTV&I. t. v. — fs
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418 H0RTIC1
ches de nos aïeules, quelque pauvre statue hon- foules les jours de fête, s'exerce sans peine à
teuse, le plus souvent veuve de ses doigts et de la faveur des lignes droites et des larges déga-
son nez : c'est tout ce qui rattache la chaîne gements. C'est tout un système à conserver, à
des temps. Mais presque partout, ces souvenirs imiter, partout où des circonstances semblables
manquent, comme les tourelles, les ponts-levis sont réunies ; c'est dans ce sens qu'il faudra
et les voûtes ogivales, manquent à nos modernes opérer, lorsqu'on songera tôt ou tard à doter
châteaux, maisons de plâtre décorées de noms de promenades et de jardins publics nos plus
historiques. Ces vestiges, lorsqu'ils subsistent, grandes cités qui en manquent. Quant aux vil-
sont enchâssés dans les lignes onduieuses, les les du second ordre, celles surtout qui sont na-
massifs d'arbres variés et les gazons bien pei- turellement le rendez-vous des étrangers, là où,
gnés, imités de l'Angleterre : 1 art du jardinier d'une part, le terrain ne manque pas, tandis
paysagiste a su bien souvent en tirer le parti le que de l'autre, on n'a point à se préoccuper de
plus avantageux, soit comme contraste, soit la nécessité de maintenir l'ordre parmi des mas-
comme point de vue. En générai, à l'exception ses plus ou moins turbulentes, on peut, en
des résidences royales et princiercs, où rien créant des promenades nouvelles, les encadrer
n'est épargné, ce qui nous frappe dans une vue dans le paysage , et leur donner le caractère
d'ensemble des parcs et grands jardins français, des jardins paysagers : c'est ainsi qu'Aix-la-
ce sont les marques évidentes d'une pitoyable Chapelle (Prusse rhénane) est entourée d'une
parcimonie. Dans les grandes créations horti- ceinture de bosquets, de gazons et de parterres,
culturalcs, de mémeque dans toutes les créations dessinés avec le meilleur goût; Louvain (Bel-
des arts, l'économie n'atteint qu'au ridicule. Ne gique) a effectué de grands embellissements du
pouvez- vous supporter une dépense? Ne la faites même genre. Peut-éMre est-ce là que doivent
pas. Ayez, au lieu d'un parc mesquin, un bon finir par se réfugier les jardins paysagers, quand
potager, un verger bien planté, un joli parterre la division des fortunes aura fondu ce qui reste
avec ce que votre terrain peut admettre d'ar- de nos grands jardins. Simplicité confortable
bres exotiques, groupés avec simplicité, sans pour les particuliers, luxe grandiose pour le pu-
profusion ni prétention c'est ce que les hom-
: blic, tel nous semble l'avenir prépare aux jar-
mes de goût ne sauraient trop répeter aux pro- dins en France par nos mœurs et nos institu-
priétaires. tions.
Observons d'abord aux alentours de la Reprenons par la frontière du nord la revue
capitale ce nombre presque infini de jardins du jardinage français. Sous le rapport du cli-
paysagers, dits anglais, qui, selon l'expression mat comme sous celui des mœurs, des costumes
de Talma, sentent le renfermé. Là, des nym- et du jardinage, la Belgique va jusqu'à la Som-

f>hcs de terre cuite se mirent dans des lacs de me. Ici, le caprice d'un riche ne peut plus,
a grandeur d'une table à manger; là, un pont comme en Angleterre, dérober à la production
de trois pas de long réunit les deux bords d'une agricole d'immenses espaces de terràin fertile
rivière factice, encadrée dans des rochers de la pour son agrément personnel. Nous trouvons
grosseur d'un pa\ é, incrustés de scories. ramas- peu ou point de grands jardins paysagers dans
sées devant la forge du maréchal ferrant ; tout les départements formés des anciennes provin-
cela choque à la fois le bon goût et le sens com- ces de Flandre et d'Artois. Mais nous y admi-
mun, conséquence naturelle de ce mal éminem- rons le luxe de végétation des jardins légu-
ment français, la vanité. Cette part faite à la miers autour des villes qui sont, comme en
critique, nous rendons hommage aux proprié- Belgique, les unes sur les autres. Les popula-
taires, hélas! bien clair-semés, qui, secondés par tions industrielles de cette partie de la France
le talent de jardiniers habiles, soutiennent en- sont approvisionnées en fruits et en légumes à
core en France la gloire éclipsée de nos vieux des prix modérés, quoique les jardiniers de pro-
parcs, remplacés par des créations plus confor- fession vivent dans une grande aisance. Remar-
mes à la nature. quons le goût des fleurs universellement ré-
Qu'il nous soit permis d'émettre ici un vœu pandu jusque chez le paysan et l'ouvrier de
pour l'avenir. cette partie de la France; presque tous ont un r
L'idéc-mère des anciens jardins français ne Crterre garni de fleurs en toute saison ; tous 0
subsiste plus en application que dans nos pro- connaissent aussi bien que les plus fins ama
i

menades publiques. Les Tuileries et le Luxem- teurs, et savent parfaitement les cultiver quand
bourg sont comme Versailles, Saint-Cloud et la ils peuvent en avoir. Il est vrai que, chez plu-
terrasse de Saint-Germain, de ces lieux où sieurs , ce goût dégénère en une manie quel-
Louis XIV et Louis XV, avec les seigneurs et quefois assez dispendieuse ; mais le temps qu'ils
dames de leur cour, reviendraient se promener passent à soigner leur parterre n'est-il pas
sans y rien trouver qui fût en désaccord avec mieux employé là qu'au cabaret? Et s'ils y dé-
leurs costumes, ou qui choquât les idées du pensent quelque argent, n'ont-ils pas de moins
beau, tel qu'on le concevait de leur vivant. l'ivrognerie avec ses tristes conséquences?
Rien n'est mieux adapté que ces promenades Parvenus au bord de la Somme, nous voyons
aux besoins des nombreuses populations qui 'sans peine que nous sommes chez un autre peu -
viennent y respirer un peu d'air mêlé de beau- pie. Le mauvais état des jardins justifie le re-
coup de poussière ; l'aflluence des promeneurs proche d'insouciance adressé au Picard par un
éloigne l'ennui ; la police , premier besoin des dicton populaire: Picard, ta maison brûle!

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 419

Je m'en moque, j'ai la clef dans ma pocb.e. et si touffus, ses ruisseaux dont un si grand
Un mur de pisé à hauteur d'appui tombant en nombre forme une foule decascades naturelles.
ruines, ou bien une haie qui, n ayant jamais Il semble que l'art du jardinier paysagiste au-

élé taillée, couvre trois ou quatre fois plus d'es- rait ici bien peu de chose à faire pour produire
pace qu'elle n'en devrait raisonnablement oc- les plus délicieux effets mais quoiqu'il ne man-
;

cuper, et n'en livre pas moins passade à la vo- que pas de châteaux et de riches propriétaires,
laille par une quantité de trous qu'on ne cet art n'est point invoqué. Un simple sentier
songe point à boucher, voilà les clôtures du gracieusement dessiné sar le flanc d'une colline
jardin paysan picard ,
quand il a un jardin ; boisée, quelques groupes de ces arbres qui
le plus souvent, il n'en a pas. Quelques choux viennent partout, îles cytises, des robinias, des
et quelques navets croissent comme il plaît à lilas, une cabane rustique au sommet du co-

Dieu dans un coin de champ à côté de sa chau- teau, souvent un point de vue admirable,
mière. Les animaux domestiques en consom- moyennant le léger sacrifice d'un demi-stère
ment la majeure partie; le reste sert à la nour- de Dois, voilà de quoi doubler le charme d'une
riture de la famille; si parfois elle goûte des habitation rurale dans un pays comme les Ar-
légumes de meilleure Qualité, c'est quand une dennes. Mais ces embellissements ne se présen-
affaire l'appelle à la ville voisine dont les envi- tent à l'esprit de personne.
rons offrent des potagers en bon état. Deux Combien l'ensemble de notre territoire serait
points de la Picardie méritent sous ce rapport embelli si chacun pensait à réaliser les effets
une mention spéciale, ce sont les vastes et proportionnés à ses moyens et aux ressources
belles cultures d'asperges des environs de de chaque localité! C'est ce que nous verrons
Montdidier, et les horullons aux portes d'A- dans quelques parties de l'Alsace et de la Lor-
miens. Rleil de mieux tenu que ces derniers raine. La race germanique, plus soigneuse et
jardins dont le nom est également porté par plus laborieuse que la race gallo-romaine, est
ceux qui les cultivent. Comme aux portes de aussi moins insensible aux neaulés de la na-
Paris, les hortillons d'Amiens devraient se ture, plus accessible au sentiment du beau sous
nommer maraîchers, puisque ce sont des ma- tous les rapports. Les deux grandes branches 1

rais desséchés qui depuis des siècles sont le des Vosges en offrent un remarquable exem-
théâtre de leur industrie, favorisée par des ca- ple; sur le revers alsacien, tout est pour ainsi
naux étroits, mais navigables en tout temps, dire bosquet et jardin paysager; la moindre
nui servent à la fois de moyen d'irrigation et chaumière a son jardinet en bon état; sur le

de transport pour les engrais et les produits du revers lorrain, l'on rencontre à peine çà et là
jardinage. Ne nous étonnons pas de l'étendue quelques bosquets pour le riche; des jardins
des hortillons, tout-à-fait hors de proportion pleins d'orties ou de ronces accusent la négli-
avec la consommation des habitants d'Amiens. gence du pauvre. Il faut excepter les environs
Si nous suivons du regard le cours de la Som- des grandes villes, pourvus de beaux potagers,
me, il ne nous montre plus de jardins jusqu'à et en particulier ceux de Nancy, où la culture
son embouchure ; il faut que les hortillons ap- maraîchère est très perfectionnée. Revenons à
J>rovisionnent en légumes Abbcville, Saint- Va- l'Ile-de France :la banlieue de Paris est digne
ery, ainsi que tous les bourgs et villages de de toute notre attention. En approchant de la
cette populeuse vallée. capitale, un fait nous frappe tout d'abord, c'est
Si nous suivons la ligne qui sépare la Pi- cette large ceinture de terrains qui ne sont, à
cardie de la Normandie et de rilc-dc-France, proprement parler, ni ville ni campagne,
et cette dernière province de la Champagne, comme leurs habitants ne sont ni citadins ni
toutes les contrées au nord-est de cette liçne paysans. Hâtons-nous, hélas! avant qu'ils dis-
ont peu de jardins à nous montrer; la moitié paraissent, de donner un coup d'œil de regret
de la Champagne si connue sous le nom de a ces monuments de l'industrie horticole prêts
Pouilleuse, quoique bien changée par d'im- à s'effacer pour faire place à de gigantesques
menses améliorations agricoles n'en est point fortifications. Sous le rapport du goût, ces mai-
encore aux ianiins il y a absence complète.
: sonnettes et leurs parcs en miniature laissent
L'autre moitié, si bien traitée par Ta nature, sans doute beaucoup à désirer, mais l'ensemble,
se ressent encore, après plus de 30 ans, du vu du haut de Montmartre ou des collines de
passage de nos amis les ennemis; de beaux Fontenay-sous-Rois, avait peu de points de
parcs dévastés à cette époque désastreuse comparaison en Europe. Evidemment, tout cela
n'ont point été replantés. De belles prome- s'en va. Le parisien aisé n'ira plus chercher un
nades à l'est des vieux remparts de Reims peu d'ombrage et la paix des champs sous la
semblent poser la limite des jardins vers le bouche du canon. Si nos prévisions sont justes,
nord de cette partie de la France en avançant
; l'industrie fuira de même le régime des places
au nord-est dans les Ardennes, nous n'avons fortes, la population ouvrière suivra :1 herbe

plus rien à visiter de digne de notre examen. croîtra sur nos places comme dans le somp-
Ce ne sont pas les ressources qui manquent, tueux Versailles. Alors, le maraîcher, lui aussi,
c'est le gout. Rien de plus pittoresque en s'en ira, n'ayant plus personne à nourrir.
France que cette jolie chaîne des Ardennes avec Ainsi, vite à nous le Daguerréotype! consta-
ses pentes arrondies, ses belles vallées de la tons pour la génération suivante ce qu'était ce
Meuse et de ses affluents, ses bois si profonds beau jardin de 60 kilomètres de circuit, qui

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4?0 HORTICULTURE.
disparaît enseveli dans les fossés des bastions ture, il taille ses melons avec une prompti-
en construction. tude telle qu'à peine pouvons-nous compren-
Voici d'abord Montreuil avec ses immenses dre comment elle peut se concilier avec l'exacte
espaliers qui, commencés sous Louis XIV, ont précision de la besogne où pas un coup de ser-
envahi de proche en proche les deux tiers des pette n'a été donné sans motif.
communes voisines de Charonne et de Fonte- Pour prendre une idée d'un autre genre de
nay. C'est ici qu'il faut venir pour se former perfection, fruit d'études plus difficiles et plus
une juste idée de la perfection que peut attein- approfondies, visitons à l'intérieur des barriè-
dre l'art de tailler et de conduire les arbres à res, dans le vaste quartier qui sépare le fau-
fruits; c'est encore ici que nous pouvons goû- bourg du Temple du faubourg Saint-Antoine,
ter les plus belles et les meilleures fraises du quelqu'un de ces beaux jardins fleuristes diri-
monde, quoique nous puissions regretter dé ges par des hommes réellement dévoués à la
n'en pas rencontrer au delà de deux ou trois culture des végétaux d'ornement, capables par
variétés généralement cultivées. Le chasselas, leurs connaissances en botanique de raisonner
peu inférieur à celui de Fontainebleau, étale de leur travail et d'étendre les limites de la science.
toutes parts ses grappes dorées; ces trois pro- Nous ne saurions mieux choisir que l'établis-
duits, pêches, fraises et chasselas, donnent sur sement de notre vénérable confrère, M. Fion;
le seul territoire de la petite commune de Mon- entrons dans son orangerie, nous y pouvons
treuil un revenu égal à celui de bien des arron- cueillir des oranges mûres sur ses beaux es-
dissements. Traversons la plaine de Vincennes, paliers en pleine terre sous châssis. Nous pou-
c'est-à-dire ce qui en reste, et parcourons sur vons nous promener dans son jardin d'hiver
les communes de Bercy et Saint-Mandé la belle au milieu des fleurs sous la neige; nous ver-
vallée de Fécamp, la terre classique de la cul- rions peut-être ailleurs mieux sous le rapport
ture maraîchère, aujourd'hui grevée des servi- de l'étendue, mais non sous celui de la perfec-
tudes de l'esplanade -d'une place de guerre. Le tion.
soleil d'un beau jour de printemps nous montre N'oublions pas les divers marchés aux fleurs
cette vallée comme un lac enflammé : c'est le de la capitale; celui du quai Desaix qui fut
reflet du soleil sur les millions de cloches et les longtemps le seul, est encore le mieux appro-
milliers de châssis vitrés sous lesquels croît visionné. C'est là que le pauvre artisan, pour
tout ce que la gastronomie peut désirer de plus 10 ou 15 centimes, garnit de fleurs son humble
parfait en légumes recherchés et en melons. fenêtre; c'est aussi la que descend de son équi-
La connaissance qu'une expérience de plu- page la plus élégante de nos belles dames pour
sieurs siècles a donnée aux jardiniers de la choisir ce que chaque saison offre de plus re-
banlieue du genre spécial de culture le mieux cherché dans le domaine de Flore; les gros
approprié à chaque fraction de leur territoire, sous sont ici reçus avec autant de politesse que
a cantonné tout autour de Paris les fruits et les pièces de 20* fr. Les femmes et les filles des
les légumes ; le chou, l'ognon, le poireau con- jardiniers fleuristes vendent elles-mêmes les
tinuent à couvrir la plaine des Vertus; Fon- produits de leur culture, sans passer, comme
tenay reste célèbre par ses roses, Aubervilliers en Angleterre, par l'intermédiaire des reven-
par ses asperges, les Prés Saint-Gervais par deurs qui rançonnent à la fois le producteur (i
leurs groseilles ; les pépinières de Vitry et l'acheteur définitif. Quelques quartiers ont en-
Villejuif sont toujours renommées pour les core des restes de jardins, objets de convoitise
fruits à noyaux comme celles de Cbàtillon et f»our les architectes et les spéculateurs, à l'af-
Bagnolet pour les fruits à pépins. Qui pour- ût de tout ce qui peut porter une construc-
rait envier à toute cette active population son tion , pour achever d'exclure de la capitale
aisance aujourd'hui bien diminuée et bien com- toute trace de vie végétale hors des promena-
promise? C'est le fruit d'un travail de 14 heu- des et des jardins publics.
res par jour en hiver, et 16 heures en été; et Nous avons déjà parlé de ces jardins juste-
Sel travail ! Il n'y a qu'une habitude contrac- ment enviés par plusieurs capitales. C'est ici
d'enfance qui puisse y résister.
î le lieu de dire un mot du Jardin du Roi, sans
Quelques particularités de la culture maraî- avoir la prétention de le décrire; il y faudrait
chère sont dignes d'intérêt. Voici un vieux plusieurs volumes. Laissons de côté les Ion-
maraîcher que nous trouvons occupé à arra- §ues allées allant de la rivière à l'ancien Musée
cher du plant de choufleur hâtif qu il jette au 'histoire naturelle. Nous ne pouvons que re-
fumier. Ce plant nous semble à nous, jardi- gretter la décadence et la mort probablement
niers vulgaires, très passable, et d'une venue peu éloignée des tilleuls qui les ombragent de
bien suffisante pour justifier son maintien; leurs voûtes déjà bien dégarnies. Donnons
mais il n'en est pas ainsi aux yeux du vieux toute notre attention à cette portion du Jardin
maraîcher ; il n'hesite pas à sacrifier ce qui ne du Roi qui sert d'asile à tant d'animaux divers
vient qu'à moitié bien ; il ne lui faut que des dont chacun est doté d'un enclos d'élégant
produits de toute première qualité ; son indus- treillage avec un logement très confortable. Le
trie manque rarement de les obtenir. En voici soin qu'on a pris d'y réunir, autant que le per-
on autre qui parcourt presque sans s'arrêter le mettaient le sol et le climat, les arbres appar-
bord de ses couches à melons; il fait en cou- tenant au pays natal de chaque famille d'ani-
rant l'opération la plus délicate de cette cul- maux rend la Vallée suisse non moins renia r-
,

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COUP D'OEIL SUR LE J iRDINAGE EN EUROPE. 421

quable sons le rapport de la botanique, qoe et la collectionde dahlias, Tune et l'autre fort
sous celui de la zoologie; chaque animal s'y riches et admirablement cultivées, n'ont au-
trouve entouré de quelques-uns au moins des cune valeur, et ne représentent rien, vues dans
végétaux au milieu desquels il est né, et comme un trop grand éloignement; impossible pour
l'a dit un poète : les promeneurs d'en apprécier le mérite; à
moins qu'ils n'aient pris la précaution de se
CUacao d'eux y respire un parfum de pttrie.
munir dune lunette d'approche. Heureusement
De tous les jardins de la capitale c'est le ces collections précieuses sont sous la direction
Jardin du Roi qui a reçu depuis quelques an- de l'homme le plus obligeant de France, et
nées le plus d'embellissements; les serres nou- nous obtiendrons sans peine l'autorisation de
velles sont à l'extérieur des modèles d'élégance, les voir de près, tout en regrettant d'avoir be-
comme de bonne tenue à l'intérieur. Montons soin de celte autorisation.
au labyrinthe récemment restauré ; saluons en Nous ne pouvons oublier la belle et utile col-
passant la tombe modeste de Daubcnton, et le lection de plants de vignes, réunissant le plus
cèdre du mont Liban, le plus beau de son es- grand nombre des espèces et variétés dignes
pèce en Europe. On ignore à quelle hauteur d'être cultivées, soit pour la cave, soit pour la
cet admirable végétal aurait pu atteindre sans table; nous nous rappelons en voyant I exten-
l'accident qui l'a privé de sa cime ; le cèdre ne sion qu'elle prend par des acquisitions annuel-
s'élève que par sa pousse terminale ; cette pousse les, le nom de Chnptal qui la commença sous
retranchée, il ne croît plus qu'horizontalement. l'empire, par ordre de Napoléon.
Un oiseau très rare s'étant posé sur cette cime L école des arbres fruitiers n'est pas moins
il y a environ 50 ans, un naturaliste qui se digne de notre attention; elle continue digne-
trouvait là par malheur avec son fusil chargé, ment l'œuvre jadis célèbre des Chartreux qui
le visa, l'abattit et blessa mortellement la pousse
, avaient réuni sur ce même sol la plus riene
terminale du cèdre qui dès lors s'arrêta dans collection d'arbres à fruits qui existât en Eu-
sa croissance verticale. Ces vieux végétaux des- rope avant la révolution.
tinés à survivre à tant de générations et d'ins- Nous avons maintenant à parcourir la vaste
titutions humaines sont toujours, aux yeux du et fertile vallée de la Seine, jusqu'à la mer.
jardinier comme du naturaliste, des êtres di- En descendant la vallée de la Seine, nous
gnes de vénération. Combien de fois doit être admirons avant tout au milieu des parcs et des
renouvelé par la mort ce cercle de vieillards jardins les plus variés de style et de dessin, la
2u'on pourrait nommer les habitués du cèdre résidence royale de Neullly, mélange de plu-
u Jardin du Roi? sieurs genres, où domine le goût moderne, une
La petite coupole de bronze qui le termine, pensée d'utilité se fait jour à travers toute cette
est digne du lieu qu'elle décore; tout ce qui création.
l'entoure rappelle un sol consacré à l'étude de Voici Meudon si riche de son encadrement et
la nature. Rendons hommage à la simplicité de ses sites pittoresques, Saint Cloud, pour qui
noble des bâiimens neufs qui contiennent les l'arta beaucoup fait, mais moins que la nature
collections et la bibliothèque; ils concilient les et la magie des souvenirs; un léger détour
besoins des sciences avec l'embellissement du nous conduit au type des jardins français du
jardin ; c'est ici, nous ne pouvons trop le ré- grand siècle nous sommes à Versailles. Rien
;

péter, que le luxe splendide d'une riche archi- n'a été ni changé, ni modifié dans la pensée
tecture est tout-à-fait à sa place rien ne doit
; primitive de cette large création. Les chevaux
être ménagé quand il est question des études de Neptune reniflent toujours la même eau
pub\\ques. Le Jardin du Roi termine digne- bourbeuse ; les tritons crachent dans les mêmes
ment Paris de ce côté ; l'on regrette seulement conques, les ifs étalent tristement les mêmes
qu'il soit si voisin de cet indigne mur d'octroi, angles périodiquement régularisés par le ciseau
dernier acte des fermiers généraux d'odieuse du tondeur; tout est reste à la même place. Le
mémoire; il n'est aussi que trop voisin des for- temps a sa bienfaisante influence
fait sentir au
tifications ; en admettant qu'elles doivent ja- parc de Versailles; ce peuple de statues épar-
mais servir a défendre Paris, les bombes des pillées originairement parmi de jeunes planta-
assiégeants écraseraient arbres, serres, oran- tions dont Louis XIV, même dans sa vieillesse,
gerie, ménagerie, bibliothèque et collections de ne pouvait que pressentir les effets par l'ima-
tout genre ; il y en a qu'on ne referait jamais. gination, se détache aujourd'hui sur des mas-
Laissons, non sans regret, ces lieux si chers sifsd'arbres séculaires ; leur aspect dit un voya-
,

à tout horticulteur, si précieux à tous les amis geur anglais, ferait mourir de joie Le Nostre,
des sciences naturelles, et ne quittons pas Pa- s'ilrevenait au monde pour les voir.
ris sans visiter en détail les jardins de la pépi- C'est ici, le premier dimanche du mois de
nière , aujourd'hui dépendance du Luxem- mai, quand les grandes eaux jouent, quand des
bourg. Si nous n'avons pas l'avantage de con- milliers de promeneurs ne peuvent réussir à
naître le directeur de ce jardin, ou de lui être former nulle part l'apparence d'une foule, qu'il
recommandés, nous ne prendrons qu'une idée est aisé de voir d'un coup d'œil tout l'avantage
imparfaite des richesses horliculturales qu'il de l'ancien style des jardins français comme
renferme, en nous bornant à parcourir les al- lieux de promenade pour les grandes popula-
lées livrées au public. La collection de rosiers tions. Amenez dans les jardins de Versailles

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422 HORTIC
tout lepeuple de Paris, ce million d'individus est en grande partie composée de jardiniers
;
s'y promènera sans confusion, sans encombre- elle contribue pour des quantités notables à
ment; l'évidente facilité de réprimer dans ces l'approvisionnement de Paris en légumes. Ce
masses toute tentative de désordre dans un pa- ne sont pas tout-à-fait les prodiges de ta culture
reil local, suffira pour y maintenir l'ordre et la maraîchère; le terrain n'est pas si cher, la dis-
sécurité. Mais, ce parc immense, créé pour les tance ne permet pas non plus certains produits
plaisirs d'un seul nomme et de ses courtisans, trop délicats; c'est un vaste espace occupé par
est tout-à-fait hors de proportion avec le nom- un jardinage fort bien conduit. Venez ici, gas-
bre de promeneurs que Versailles peut fournir; tronomes qui tenez à savourer dans toute leur
la tristesse et l'ennui vous saisissent en présence fraîcheur les petits pois les plus exquis du mon-
de ces chefs-d'œuvre qui n'ont pas de specta- de connu. Nous pourrions suivre ainsi bien loin
teurs; Versailles n'est supportable qu'avec un encore dans toutes les directions le rayonne-
renfort de 30 ou 40 mille Parisiens. Nous visi- ment du jardinage destiné à combler le gouffre
tons avec intérêt l'orangerie et le potager de toujours ouvert de la consommation de Paris;
Versailles, ce dernier surtout, véritable pota- il est surtout sensible le long des vallées qui

ger-modèle; l'emploi du thermosiphon pour aboutissent à la Seine, notamment sur l'Oise et


chauffer les couches à primeurs y a été essayé sur l'Aisne, son principal affluent.
pour la première fois sur une grande échelle Entrons en Normandie sur toute cette terre
:

avec le plus remarquable succès. Voici le long plantureuse, le jardinage est en honneur, mais
d'un magnifique espalier, les arbres à fruits les c'est le jardinage utile; partout, dans les cinq
mieux conduits de France, sans faire tort à départements de l'antique Neustrie, on fait un
Montreuil. Ne passons pas, sans lui accorder cas particulier de tout ce qui se mange. Aussi,
un coup devant ce jeune abricotier qui
d'œil, les marchés de Rouen, de Caen et des autres
n'a encore porté que quelques fruits; c'est le grandes cités normandes, sont-ils au nombre
seul représentant en France de l'abricot de Sy- des mieux approvisionnés de France en légu-
rie à amande douce, envoyé par l'illustre ama- mes et en fruits, parmi lesquels domine la
teur anglais, M. Barker, de Damas. Saluons en pomme. Nous voyons embarquer à Rouen pour
lui l'aïeul présumé d'une postérité nombreuse, la Russie des caisses de pommes de reinette
destinée à augmenter bientôt par la greffe et emballées comme des oranges, chacune dans
les semis les richesses de nos vergers. La vraie sa feuille de papier ; ce fruit seul est l'objet d'un
destination des jardins potagers joints aux ré- commerce fort étendu. Les vergers normands
sidences royales, c'est de recevoir ainsi, pour offrent la plus grande analogie avec les vergers
les propager, les nouveautés utiles en horti- anglais, ils méritent les mêmes éloges; ce sont
culture. des deux côtés de la Manche le même sol, le
De Versailles, une excursion de quelques même climat, les mêmes espèces, et presque
heures sur la gauche nous mène au parc de les mêmes soins de culture. Noos voudrions
Dampierre ; nous rendons hommage au goût pouvoir étendre l'éloge aux parties du jardina-
parfait de son propriétaire actuel tandis qu'il
;
ge offrant un aspect moins prosaïque, bien que
convoque les premiers d'entre nos artistes pour nous accordions un côté très poétique aux cho-
décorer sa demeure, il rend les jardins dignes ses vraiment utiles. Mais, à notre avis, l'un
des nombreux visiteurs que les chefs-d'œuvre n'exclut pas l'autre. Par exemple, à côté de ces
de nos peintres et de nos sculpteurs les plus cé- légumes parfaits, de ces fruits excellents que
lèbres ne peuvent manquer d'y attirer. Nous donnent en abondance le jardin et le verger de
laissons sur la gauche Rambouillet et Mainte- la Ferme normande, pourquoi n'y aurait-il pas,
non, répétitions de ce que nous avons déjà vu; comme en Flandre, une plate-bande de fleurs,
nous regagnons à Saint-Germain la vallée de la quelque chose qui rappelle un parterre? Il y
Seine. L'aspect de Saint-Germain justifie as- en a, sans doute ; ce n'est pas une absence com-
sez l'ennui qu'il inspirait à Louis XIV. Néan- plète que nous déplorons; mais ici, le gout des
moins, la vue qu'on découvre de sa terrasse ilfurs est rare, c'est une sorte de singularité;
reste toujours digne d'admiration, surtout de- tandis que sur notre frontière du nord, c'est
puis que le paysage est animé par la première celui qui néglige les fleurs qui se singularise.
de nos lignes de chemin de fer. Rouen nous montre de belles promenades
Laissons derrière nous dans le rayon de la sans promeneurs, un beau jardin public fré-
capitale, le Raincy, Saint-Leu, Chantilly, Gros- quente seulement de quelques étudiants, des si-
bois, Ermenonville, lieux enchanteurs si sou- tes enchanteurs pour les étrangers, vus par les
vent chantés, dont les descriptions sont partout habitants avec indifférence; ce sont les symp-
et que tout le monde a visités. Ces parcs sont à tômes d'un peuple tout à son commerce et a son
peu près ce que nous avons de mieux à opposer industrie ; oh ne peut espérer que chez lui le
a l'aristocratique Angleterre ; félicitons la Fran- travail de l'homme s'applique à beaucoup ajou-
ce de les avoir; félicitons-la surtout de n'en pas ter aux beautés naturelles de la contrée; mais
avoir davantage. la nature a tant lait pour elle que le pays tel
Voici devant nous la jolie petite ville de qu'il est, vu des hauteurs qui dominent Rouen,
Manies, Tune des plus gracieuses de toutes représente un vaste jardin.
celles qui se mirent dans Tes eaux de la Seine, L'indifférence des Rouennais pour les char-
au-dessous de Paris. La population de Mantes mes pittoresques de cette belle contrée se révèle

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 423

par l'absence de jardins paysagers; par com- cultures spéciales de choufleurs et d'art i-
pensation, les parterres sont trrs nombreux aux chauts dignes de rivaliser avec ce que la France
environs de Rouen; la culture des plantes de offre de mieux dans le même genre. Les mai-
collection v est particulièrement en honneur; sons de Nantes qui se livrent en grand à la
,

Rouen est la v ille de France qui peut se glori- néparation des conserves alimentaires pour
f
fier des plus belles collections de dahlias; nous es voyages de long cours, tirent de Roscoff
en pouvons iugeren visitant à la lumière éblouis- une grande partie de ces légumes, bien que la
sante de plusieurs centaines de becs de gaz la distance en ligne directe ne soit pas de moins
salle d'exposition dé la Société d'horticulture; de 20 myriamètres. La variété d'artichauts
nous n'y verrons pas moins de lG.dOO 11. de |
cultivée en Bretagne est déjà celle qui se cul-
dahlia, dont 2,400 ont la prétention peut-être ,
tive exclusivement dans nos pro\ in ces du midi ;

un peu exagérée, de constituer des variétés ou ses têtes sont arrondies ses écailles sont collées
;

sous-varietes distinctes. l'une contre l'autre et le plus souvent échan-


Examinons avec un soin particulier, tout gées à leur sommet. En avançant vers le sud,
près de l'embouchure de la Seine les cultures nous ne retrouverons plus nulle part en France
jardinières des environs de Hontleur; voici une l'artichaut à écailles pointues, divergentes en
culture que nous rencontrons pour la première dehors, connus dans le nord de la France sous
melonières de plusieurs hec- le nom (Yartichauts de Laon.
fois^ ce sont des

tares, en pleine terre. Goûtons au hasard un de En dehors de sa ceinture dorée, la Bretagne


ces cantaloups; nous le trouvons peu inférieur n'offre plus que quelques points très clairsemés,
aux produits de la culture savante des maraî- dignes de l'attention de l'horticulteur. Nous
chers parisiens. Nous apprécions ce qu'il faut devons à Brest une visite au Jardin de la ma-
de soin et de travail pour arriver à ce résultat rine. C'est une pensée de bien public qui a
sous ce ciel brumeux, sous ce climat océanique, placé à nos principaux points de communica-
sur cette terre où le fruit de la vigne refuse de tions maritimes ces jardins entretenus aux frais
mûrir. Le prix élevé de toutes les denrées en de l'Etat, à portée de recevoir les végétaux exo-
Angleterre permet aux melons de Hontleur de tiques susceptibles de prendre rang parmi nos
pa
paraître avec avantage sur les marchés de l'au- plantes usuelles, à quelque titre que ce soit,
côlé de la Manche, en dépit des frais de
Ire coté dans un but d'utilité ou d'agrément. Ce sont,
transport et des droits d'entrée qu'ils ont a sup- s'il est permis d'employer celte figure, des hô-

porter. Grâce ace débouché, la culture du me- telleries qui leur donnent l'hospitalité sur la

lon en pleine terre se soutient et même s'étend terre de France. Plusieurs partiront d'ici pour
aux environs de Hontleur, surtout depuis que faire leur tour de France et même d'Europe,
le calicot remplace le verre our les abris in-
j |
avec le temps. Formons des vœux pour que
dispensables au jeune plant de melon dans tous nos ports de mer les jardins de la
Traversons la Normandie en nous dirigeant marine reçoivent les développements dont ils
vers la Bretagne. Quelques beaux parcs, de ont besoin*; le but de l'institution n'est atteint
jolis jardins, de superbes vergers, décorent qu'à moitié si l'espace leur manque, si l'arbre
le pa v sage sans interruption les Mdzurcs,
; ou la plante reconnus susceptibles d'être appro-
vastes enclos renfermant des plantations de priés a nos usages et de se multiplier sur notre
pommiers à cidre ou à couteau, nous rappel- sol ne sortent de ta pépinière en assez grand
lent trait pour trait les prairies arborées de nombre pour assurer le succès et la durée de
la Belgique wallone. Les environ! de Caen et ces pacifiques conquêtes. De Brest, nous pou-
ceux de Baycux ont en outre à nous montrer vons à volonté nous diriger sur Nantes ou sur
de très belles cultures de lleurs de pleine terre ; Rennes par deux routes royales; le long de ces
1rs collections d'anémones, de renoncules, de deux roules, ce qui domine dans le paysage, ce
pensées, d'auricules, de tulipes et de jacinthes, sont les landes, ces vastes déserts, ternies mais
sont plus nombreuses sur ce point de la France incultes, à la honte de la France. On sent bien
que partout ailleurs; un grand nombre de qu'il n'est pas question ici d'horticulture; le
beaux et florissants établissements d'horticul- mot et la chose sont généralement inconnus,
ture attestent le goût généralement répandu surtout en approchant de la côte méridionale
dans ce pays des fleurs et arbustes d'ornement. habitée par la population celtique sans mélange.
Nous ne sortons des mêmes cultures que pour A l'exception des abords de quelques villes
passer de la presqu'île duCotentin dans la pres- comme Quimper, Lorient, Vannes, nous ne
qu'île Armoricaine, l'antique Bretagne, ce pays trouvons littéralement ni fruits ni légumes.
à part, que M. Michellet a si bien caractérisé Oue de fois nous avons vu vendre au poids
en expliquant par l'àpreté du sol cl du climat (20 et 30 c. le kilogr.), sur les marches de La
la rudesse des habitants. Toutefois, ce n'est pas Roche-Bernard i Ponchftteaa et Savenay, des
ce qui nous frappe d'abord; nous abordons la pommes et des poires de la grosseur d'une noix,
Bretagne par son beau côté. provenant d'arbres non greflés Impossible d'y
!

Du fond de la baie de Saint-Malo jusqu'à toucher si l'on n'est pas né Breton. Le paysan
l'extrémité des côtes du nord, c'est ce qu on breton préfère la saveur de ses choux cavaliers
nomme la ceinture dorée de la Bretagne; tout et de ses longues raves à collet violet, nourri-
ce littoral est fertile et bien cultivé c'est pres-
: ture habituelle de son bétail, à celle des légumes
que la Normandie. Remarquons à Roscoff des plus délicats que sa terre fertile et toujours ar-

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42* HORTICULTURE.
rosée produirait pour ainsi dire d'elle-même. les vaches de ses é tables Un beau melon est a
.

En 1837, un paysan du pays dMrmor, de la Nantes une chose inconnue; nous disons un
commune de Penestain, ayant reçu en présent beau; on en mange de fort bons, mais très pe-
quelques plants de choufleurs, les oublia dans tits , de l'espèce connue sous le nom de sucrin

un coin de jardin ; ils y devinreot superbes. vert elle a sur toutes les autres l'avantage de
:

Ayant eu occasion de l'aller voir, il nous les n'exiger presque pas de soins de culture.
montra comme une grande curiosité, il n'en Nantes, ville plus populeuse et non moins
avait jamais vu auparavant; il ne savait s'il commerçante que Rouen, est, sous le rapport
cuire; ils étaient si blancs et si
fallait les faire de l'horticulture, exactement l'inverse de la ca-
appétissants qu'il avait essayé de les manger pitale de la Normandie; l'agréable est ici pré-
crus en salade : ils lui avaient paru détestables. féré à l'utile; les potagers sont médiocres; le
Les restes de la population celtique en Bretagne goût ou, pour mieux dire, la passion des fleurs
s'en tiennent au chou et à la rave, légumes y est générale. Commençons par visiter le
gaulois. marche aux fleurs; ceux* de Paris sont plus
Les environs de Rennes nous montrent des vastes, ils ne sont pas mieux approvisionnes.
jardins bien tenus, mais insuffisants pour l'ap- Autour d'une belle promenade ombragée d'an-
provisionnement de cette ville importante; tiques ormeaux et fermée d'une grille vis-à-vis
de fort loin des fruits et des légumes
elle tire l'élégant édifice de la Bourse, s'étalent sur plu-
facilement transportables. sieurs rangs des fleurs de tout genre; les élé-
Rennes possède une belle promenade et un anles tribus des camélias des pélargoniums
,

Setit nombre d'amateurs zélés de l'horticulture, es eucalyptus, des métrosidéros, des cactus,
i de ce point central nous planions à vol d'oi- des cotylédons, des fuchsias, ont là leurs repré-
seau sur l'Armorique, il ne nous resterait à voir sentants à la portée de toutes les fortunes; les
que les jardins de Guérande, principalement raretés, les nouveautés en horticulture, s'y
consacres aux oignons dont ils fournissent la montrent plus souvent qu'ailleurs; nous n'hési-
moitié de la Bretagne, et de belles collections tons pas à placer le marché Aux fleurs de Nantes
de rosiers dans la petite ville de Châteaubriand. immédiatement après ceux de la capitale. Le
Çà et là nous apparaîtraient, comme des points jardin botanique réclame, après le marchéaux
perdus dans une immensité de déserts entière- fleurs, notre première visite. Nous y rencon-
ment nus, les jardins de quelques châteaux avec trons une collection aussi riche que bien tenue
leurs sombres compartiments de bois, et les de rosiers greffés sur épine, et une autre de vi-
parterres de quelques curés de campagne oui Snes , déjà fort nombreuse , qu'il est à désirer
font les plus louables mais le plus souvent les e voir bientôt se compléter. Mais ce qui frappe
plus inutiles efforts pour prêcher d'exemple à tout d'abord le visiteur venant du nord, c est
leurs ouailles le goût du jardinage. Ce triste ce bel arbre isolé au centre du jardin ; son tronc
ensemble ne finit qu'à Nantes. n'a pas moins de 60 centimètres de diamètre à
Si nous arrivons à Nantes par la route royale 2 mètres au-dessus du sol; sa hauteur totale
de Brest , les landes touchent à ses portes; par est de près de 10 mètres, vingt personnes sont
celle de Rennes, elles n'en sont qu à quelques parfaitement à l'abri sous son épais feuillage ;
kilomètres; des deux cotés, la culture empiète il est impossible de compter ses larges fleurs

d'année en année sur le désert. Un seul des d'un blanc de neige : c'est un magnolia grandi-
abords de cette grande ville présente une série flora. Nous voyons en lui le doyen de son es-
de maisons de campagne et de jardins ; c'est le pèce en France. Une centaine d'arbres sembla-
cours de la rivière a'Erdre, à partir de la petite bles, dont il semble le patriarche, forment à
ville de Nort , lieu de plaisance , rendez- vous droite et à gauche deux allées latérales; on nous
des promeneurs nantais. Un élégant navire à en fait remarquer une douzaine qui ont été
vapeur nous conduit de Nort à Nantes entre transplantés déjà vieux et fort gros ; leur végé-
deux lignes de jardins ; les plus agréables sont tation n'en a point souffert. On a lieu de s'é-
groupés dans le site charmant de La Chapelle- tonner, d'après une expérience si concluante
sur-Érdre. A l'embouchure de cette rivière dans confirmée par une si longue série d'années, de
'
la Loire, nous trouvons les jardins potagers de rencontrer si rarement le magnolia grandiflora
Barbin, que les Nantais montrent avec orgueil : dans les jardins des départements au sud de la
c'est seulement une preuve de la vérité du pro- Loire; il végète avec la plus grande vigueur;
verbe : Dans le royaume des aveugles, les bor- il se prête à toutes les formes que la taille veut

gnes sont rois. La tenue des potagers de Bar- lui donner, avec une facilité surprenante; ses
bin n'a rien de remarquable; leurs produits autres avantages sont assez connus. A la vé-
pèchent sous deux points essentiels qualité
: rité, il croît lentement, surtout durant les pre-
médiocre et quantité insuffisante ; les cent mille mières années, c'est son principal défaut. En le
habitants de cette grande cité manquent sou- faisant alterner avec des arbres à croissance
vent des légumes les plus communs et les plus rapide, il formerait avec le temps de belles ave-
indispensables nous citerons un fait à l'appui
; nues bien ombragées, à l'époque où les peu-
de cette assertion. En 1836, l'établissement pliers et tilleuls seraient bons à supprimer.
agricole de Grand-Jouan réalisa des bénéfices Nantes possède trois belles promenades, le
importants en envoyant à Nantes la majeure cours Saint-Pierre, le cours Henri IV et la
partie des choux plantés originairement pour Tosse; toutes trois sont plantées d'arbres

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 425
dans un état déplorable de vétusté et de dépé- i ment varannet; ceux qui les cultivent portent
rissement; on prévoit le moment, très peu le nom de taranniers; ils jouissent en général
éloigné, où leur ombrage, déjà dégarni, fera d'une heureuse aisance: l'ordre et la propreté
place à une nudité absolue, comme cela ne la plus exquise régnent dans leurs habitations;

peut tarder à arriver aux tilleuls des Tuileries ils ne se font point faute de réserver pour

et du Jardin des Plantes et aux sycomores du leur propre consommation une juste part de ce
Luxembourg. Il eût été facile, en choisissant que leur jardin produit de plus beau etdemeil-
les espèces qui supportent le mieux le voisinage leur. Parmi les produits les plus recherchés de
des vieux arbres, d'obtenir des arbres à moitié leurs vergers, goûtons particulièrement l'al-
venus pour le moment où les anciens auront berge. Cet excellent fruit est resté comme can-
fait leur temps. L'acacia inermis,- qui donne tonné en Touraine; les essais pour le multi-
apres deux ou trois ans de plantation un cm- plier ailleurs n'ont pas été heureux ; souhaitons
brage touffu , est éminemment propre à servir qu'ils soient repris et qu'ils réussissent. L'œil se
ainsi d'arbre transitoire; l'expérience en a été repose avec satisfaction sur les paniers de beaux
faiteavec un plein succès en Belgique, spécia- fruitssymétriquement disposés par les varan-
lement sur la place du Peuple à Louvain. Les niers pour être portés à la ville; ils ont été cueil-
magoolias du jardin botanique de Nantes sont lis avec tant de précaution que le consomma-

une innovation heureuse , bonne à imiter par- teur les recevra aussi frais qui' s'il les détachait
tout où le climat permet de sortir du cercle si lui-même de la branche. Nous pouvons placer
restreint des arbres ordinairement employés dans notre estime la population des varanniers
pour nos promenades. 11 nous faudrait séjour- de Touraine sur la même ligne aue les hortil-
ner longtemps à Nantes pour passer en revue Ions d'Amiens et les maraîchers de Paris ; c'est
toutes ses richesses horticulturales. Parmi ses la même activité laborieuse, la même régularité
établissements particuliers, bornons -nous à de mœurs ; jamais on n'a entendu dire qu'un
mentionner les riches pépinières du faubourg varannier ait comparu devant un tribunal cri-
du Marchix, et la tenue Bruneau qui sert de minel ou correctionnel; rien n'est plus rare
promenade. même que de les voir plaider au civil. Ne dé-
Rcmontons la Loire le panorama de ses ri-
; daignons pas d'entrer dans quelques boutiques
ves nous offre un spectacle unique en Europe, de confiseurs de la ville de Tours. Là , dans la
Jusqu'aux frontières de l'Anjou, l'œil s'arrête saison des fruits, se rassemble l'élite des pro-
encore de distance en distance sur d'antiques duits des vergers de la Touraine. Ces fruits,
manoirs qu'environnent encore des jardins dans sous la main de l'habile artiste en sucre, pren-
l'ancien style français, avec de hautes charmil- nent une grande 'valeur gastronomique c'est :

les et des terrasses en maçonnerie. Dès qu'on leur principal débouché. Pour nous, toute sen-
entre en Anjou, le nombre des anciens châteaux suai né à part, nous ne pouvons regarder que
diminue; ils sont remplacés par d'élégantes mai- i comme une chose utile et louable l'impôt pré-
sonnettes, nombreuses, propres, coquettes, avec levé sur les jouissances du riche au profit du
leur jardin ou tout au moins un parterre devant laborieux jardinier et de l'industrieux confiseur,
la principale entrée. Nous voici a Angers, point Nous continuons à remonter la Loire jusqu'à
central pour l'horticulture française; ce que Orléans, toujours accompagnés, comme le dit
nous avons dit du goût des Nantais pour les M me de Sévigné.des mêmes bosquets à droite et à
fleurs est dépassé par les Angevins, qui ne sont gauche, et des mêmes rossignols. Les parcs et les
pas distraits par les préoccupations du com- châteaux se touchent sans interruption dans
merce maritime. La section d'horticulture de les intervalles des charmantes villes d'Amboise,
la Société d'agriculture d'Angers est une des Blois et Bcaugency ; nous donnons en passant
plus active de France. Nous assistons à une de un coup d'œil a Chenonceaux, Céran, Ménars :

ses séances solennelles ; à voir le nombre et l'im- il faudrait tout citer. Arrêtons nous à Orléans ;

portanec des prix qu'elle distribue, nous pour- avant de passer la Loire, nous jeterons un re-
rions nous croire en Angleterre ; mais la Cran- gard derrière nous sur l'horticulture des con-
de- Bretagne ne nous offrirait ni ce soleil, ni cet trées centrales, entre le bassin de la Seine et
air si transparent, ni ce doux climat, ni cette celui de la Loire.
terre si riante, si gracieusement enchaînée à la Avant de poursuivre nos investigations au
Touraine, le jardin de la France. Saumur ot nord de la Loire, nous avons à voirie château
ane série de châteaux, tous ornés de beaux jar- de la Source et le phénomène si frappant d'un
dins, rattachent l'Anjou à la Touraine. fleuve (le Loiret) sortant de terre assez fort
Le nom de jardin de la France est dignement pour porter bateau immédiatement à sa nais-
porte par la Touraine, pourvu qu'on ne le sorte sance. L'art a su ajouter aux beautés naturel-
pas des trois riches vallées de la Loire, de l'In- les du site les beautés artificielles d'un parc di-
dre et du Cher, au-delà desquelles on trouve- gne d'être visité pour lui-même. La vallée de
rait en Touraine de vastes espaces stériles, la Loire, aux environs d'Orléans, nous montre
peu en harmonie avec sa réputation. Nulle part la singulière alliance du jardinage avec la cul-
en France les légumes et les fruits n'entrent ture de la vigne, alliance que nous ne rencon-
pour une si forte proportion dans l'alimenta- trerons plus en France, si ce n'est dans deux ou
tionde toutes les classes de la société. Les es- trois communes aux portes de Paris. Ici, de
paces immenses consacrés au jardinage se nom- I vastes vignobles sont conduits de façon à laisser
BOiTtcuLTtm». T. V. — 84

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426 HORTICULTURE.
entre les rangées de ceps l'espace nécessaire à rie de parcs et de jardins du meilleur goût.
des cultures d'asperges, source de richesses Revenons sur nos pas, et retournons à la
pour les vignerons. Ces asperges dont nous
,
Loire. Voici Sully, avec, sa terrasse où se pro-
pouvons apprécier l'excellente saveur, ne sont menait l'ami de Henri IV, méditant sur la pros-
pas destinées à la table du riche; elles n'attei- périté publique, à l'ombre d'une charmille sé-
gnent jamais un volume considérable. Leur ar- culaire qui subsiste encore les voyageurs em-
:

rivée sur le marché permet , durant la pleine portent comme des reliques saintes quelques
saison, au peuple de Paris de connaître cet ali- feuilles de cette charmille. faut savoir gre au
Il

ment aussi agréable que salubre, dont il ne goû- propriétaire actuel du parc de Sully de s'être
terait jamais sans cela. Nous avons cherché à appliqué à lui conserver, autant que possible,
savoir si la petite asperge d'Orléans constituait en le restaurant, le style du temps de Henri IV,
une sous- variété ; des graines récoltées dans le et de préférer aux agréments d'un jardin mo-
val Saint-Dent* d'Orléans nous ont donné, par derne la poésie d'un grand souvenir.
la culture aux environs de Paris, de très belles A mesure que nous remontons le fleuve, les
asperges, absolument semblables à la grosse as- parcs et les jardins deviennent plus rares nous ;

perge d'AubervilHers. La nature médiocre du longeons sur la droite la sablonneuse Sologne,


sol et le peu de soin qu'on en prend sont donc non sans remarquer avec satisfaction que si

les seules causes de leur petitesse. cette partie de la France centrale n'en est pas
Laissons au couchant la plaine de la Beauce, encore à l'horticulture, du moins elle s'est dé-
cet océan d'épis, cet inépuisable grenier de la pouillée depuis trente ans de son aspect nu,
capitale traversons, à l'est, la plaine moins
;
stérile et désolé ; les deux tiers du sol ont été
riche, mais plus variée du Gâtinais, où de défrichés la population s'est accrue ; l'œil n'est
;

grands espaces, cultivés par plates-bandes exac- plus attristé par l'aspect monotone d'une plaine
tement comme des jardins, offrent l'aspect du inculte à perte de vue. Rien ne devrait nous at-
plus riant parterre : ce sont des champs de safran ; tirer vers cette plaine; nous la traverserons
nulle part nous ne reverrons en France ce pro- cependant après avoir passé la Loire au pont
duit cultivé avec des soins aussi judicieux et sur de Gien ; nous devons un coup d'œil à un phé-
une aussi grande échelle. Voici la jolie ville de nomène unique en France.
Montargis, avec son canal bordé de jardins ; Faisons une excursion vers la forêt de San»
nous suivons, toujours entre des jardins, la trange ; cette forêt ne ressemble à aucune au-
vallée du Loing et le canal du même nom qui , tre ; elle n'est composée que d'arbres fruitiers.
nous conduisent par Nemours à Fontainebleau, Personne ne peut dire comment ces innom-
ou. suivant l'ancienne orthographe, Fontaine- brables pommiers, poiriers, pruniers, cormiers
Belle-Eau. et cerisiers, se sont emparés de cette vaste éten-
Là, indépendamment de la treille classique due de terrain, comment et depuis quand ils
de Thomery, nous passons en revue les fruits s'y perpétuent de génération en génération.
à couteau les plus délicats, réunis dans des ver- Quoique pas un de ces arbres ne soit greffé,
gers, dont tous les produits sont destinés à l'ap- nous sommes portés à croire, en goûtant leurs
provisionnement de la capitale. Nous voyageons fruits, qu'ils descendent de sujets originaire-
sans interruption de jardins en jardins jusqu'à ment greffés; les prunes et surtout les cerises
Cor bol où nous retrouvons le terrain que nous
, sont très mangeables ; il s'en perd une quantité
avons précédemment exploré ici, une station
: prodigieuse ; la plus petite partie seulement est
est nécessaire. Nous traversons la Seine vis-à- récoltée par les rares habitants des villages voi-
vis du bourg d'Essone nous n'avons sous les
; sins, qui trouvent à les vendre, quoique à bas
yeux aucune des grandes scènes de la nature, prix, a Gien et à Bourges.
ni rochers, ni lacs, ni mer, ni montagnes mais
; Revenons au val de Loire, que nous retrou-
un de ces gracieux paysages où les larges pro- vons au Bec d'Allier ; un convoi de bateaux,
portions d'un sol ondulé, que borne, à l'ouest, arrêté au coulluent de cette rivière, dans la
la forêtde Sénart, couvert partout ailleurs d'un Loire, attire notre attention il est chargé de
;

luxe incomparable de végétation, arrosé par la paniers artistement disposés, d'où s'exhale
Seine majestueuse et la gentille rivière d Esso- une odeur des plus agréâmes : ce sont des car-
ne, forment un ensemble non moins frappant, gaisons de poires et d'abricots.
non moins digne des pinceaux de l'artiste. Depuis longtemps, le prix du terrain, aux en
Entrons dans l'établissement horticole de virons de Paris, est devenu tellement élevé, que
Fromont; nous lui devons bien une journée; les jardiniers ont dû forcément choisir entre
rendons justice au goût parfait oui, dissimulant les diverses cultures les plus lucratives, sous
habilement ses clôtures, a su si bien l'encadrer peine de se ruiner. A part quelques localités
dans le paysage que de quelque côté qu'on privilégiées, comme Montreuil, Charonne et
porte la vue, on peut croire les sites environ- Fontenay sous-Bois, on a renoncé, autour de
nants dos dépendances des jardins de Fromont ; Paris, à la culture de l'abricotier, qui, même
les étrangers, toujours empressés de les visiter, en espalier, donne des produits trop incertains.
ne peuvent qu'y prendre une idée favorable de Quand il faut payer tous les ans un loyer exor-
l'élat de l'horticulture en France. Plus loin, au bitant, on ne peut laisser le sol occupe par des
sud-ouest, les coquettes vallées de l'Essone et abricotiers en plein-vent, qui, sous le climat de
de la Jaine se montrent à nous parées d'une sé- Paris, donnent tout au plus , en moyenne, une

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 427
récolte en trois ans , et restent souvent quatre duire, sous la main d'un bon jardinier, de bons
ou cinq ans sans rien produire. fruits et de beaux légumes.
L'Auvergne et le Bourbonnais, dans leurs val- En quittant le Limousin, les parcs, les ver-
lées bien abritées, ont des vergers d'abricotiers gers et les jardins nous avertissent que nous
qui portent régulièrement tous les ans. Ces val- sommes en Périgord ; plusieurs parcs de l'an-
lées approvisionnent Paris de cet excellent cien style français s'harmonisent avec de vieux
fruit il y a tel abricot qui , avant de paraître
: manoirs seigneuriaux échappés à 93. Nous
sur du riche, n'a pas eu moins de À ou
la table voici en Saintonge, pays plantureux où le pro-
500 kilomètres à faire pour venir se faire man- verbe dit qu'un homme maigre peut se mon-
ger à Paris. Nous voici à Moulins, antique ca- trer pour de l'argent : c'est une curiosité. Ce
pitale du Bourbonnais; nous pouvons nous y qui se rattache a la vie matérielle est ici la
régaler de beau fruit à bon marché. grande affaire de tout le monde ; aussi le jardi-
Un étranger arrivant en diligence à Moulins nage, dans ses rapports avec la gastronomie,
un jour de marché, frappé de la beauté des est-il traité de main de maitre. A la faveur des

poires, des prunes et du chasselas exposés en rapides marées de la Gironde, les jardiniers
vente, donne à une paysanne une pièce de 50 saintongeois peuvent porter à Bordeaux le su-
centimes, et, s'en rapportant à sa bonne foi, il perflu ae leurs denrées ; les Bordelais, gens fort
tend la main, croyant emporter le fruit qu'il entendus dans l'art de bien vivre, font avec
vient d'acheter. La paysanne lui présente une raison un cas particulier des légumes et des
manne d'osier dont un âne aurait eu sa charge, fruits de la Saintonge.
remplie de fruits parfaits qui, rendus à la halle Si nous revenons a Clermont (Puy-de-Dôme)
de Paris, auraient peut-être valu 15 ou 20 fr. notre point de départ, l'est de la France que
L'étranger ne pouvait revenir de sa surprise. nous parcourons a vol d'oiseau nous montre le
Le fruit est délicieux et pour rien dans ce jardinage en honneur dans la Bourgogne, la
bon pays de Bourbonnais ; il ne pourra beau- Bresse ei la Franche-Comté, à l'exception des
coup augmenter de valeur jusqu'à ce que le contrées montagneuses de l'Ain, du Doubs et
superflu de la production ait pris son cours du Jura. La spacieuse et riche vallée de la
vers Paris ; le pays est couvert d'arbres frui- Saône s'ouvre devant nous comme un jardin
tiers ; le sol et le climat rendent chaque an- de plus de 300 kilomètres du nord au sud. Dans
née ce genre de récolle immanquable le bas : la Haute-Saône, les environs de Gray, dans
prix tient à l'abondance de la production. Saône-et-Loire, ceux de Tournus, sont de ces
Mais pour voir des arbres fruitiers a profusion, lieux dont on ne s'éloigne qu'à regret quand
pour goûter des fruits aussi bons qu'en Tou- on les a visités. Les coteaux verdoyants qui
raine avec plus de variété et en plus grande forment un vaste amphithéâtre autour de Tour-
abondance, entrons dans cette belle et vaste nus sont parsemés d une multitude de maisons
contrée qui conserve son antique dénomination de campagne toutes plus gracieuses les unes
de Limagne d'Auvergne. Ici le produit des ar- qpe les autres. Les propriétés y sont trop divi-
bres fruitiers n'est plus comme dans le Bour- sées pour admettre l'existence des grands parcs
bonnais exclusivement réservé pour la con- et des vastes jardins paysagers; iï semble que
sommation locale. Clermont (Puy-de-Dôme) toute la contrée soit un parc immense où les
est une ville de confiseur. Les excellents pro- habitations champêtres sont placées comme
duits de leur industrie gastronomique s'expor- autant de fabriques disposées à dessein par un
tent au loin les jardiniers y trouvent le place-
; homme de goût pour embellir le paysage.
ment assuré de leurs fruits à des prix conve- Hâtons-nous d'arriver à Lyon, la seconde
nables. ville de France. Dans toutes les directions nous
Si de Clermont nous nous dirigeons droit à rencontrons aux approches de Lyon les preu-
l'ouest vers l'Océan, à travers les montagnes ves de l'importance que les Lyonnais accor-
de l'Auvergne, du Rouergue et du
les forêts dent à toutes les branches de l'horticulture. Ici
Quercy, et les du Limousin, nous ne
collines de belles pépinières renferment les collections
trouvons presque pas trace de jardinage avant les plus riches d'arbres fruitiers et d'arbres
d'entrer dans le Périgord et la Saintonge. Une d'ornement ; là, des serres spacieuses fournis-
'
fois sortis de la Limagne, à peine quelques re- sent à l'amateur des végétaux de tous les cli-
coins des vallées de la Corrèze, delà Creuse et mats; plus loin, ce sont des cultures exclusives
des affluents de la Haute- Vienne auront à nous de plantes de pleine terre ; enfin, de vastes po-
montrer ça et là quelques jardins assez mal tagers capables de garnir de légumes en toute
tenus. Limoges, maigre son importance, voit saison à un prix modéré le marché de la grande
rarement sur son marché de beaux fruits et des cité lyonnaise. Un établissement entre tous a
légumes recherchés. On ne rencontre dans la droit a notre première visite ; la culture des
Haute-Vienne qu'un fruit, la châtaigne, et végétaux exotiques s'y joint à celle des ananas,
qu'un légume, le navet ; le proverbe dit en pa- des primeurs de toute espèce et des légumes les
tois que le Limousin demande seulement deux plus délicats; une machine à vapeur élève l'eau
choses à Dieu la castagne et la rabioule. Le
: et la distribue à toutes les parties d'un vaste
sol, il est vrai, se prête peu au jardinage; enclos. Nous pourrions nous croire en Angle-
néanmoins, avec un climat humide et tem- terre chez quelqu'un de ces capitalistes qui ex-
péré, le terrain le plus rebelle peut encore pro- ploitent en grand pour le marché de Londres

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428 HORTICULTURE.
la fabrication des légumes, comme d'autres diniers provençaux, aiment l'eau et le fer. Ea
exploitent la fabrication des tissus. En effet, le effet , la terre* imbibée d'eau, puis soumise
capital engagé dans cette entreprise suffirait, à l'action d'un soleil dévorant, deviendrait
si nous sommes bien informés, pour mettre en comme de la brique, si elle n'était fréquem-
activité une fabrique du premier ordre. ment binée.
Descendons la vallée du Rhône. Les bords L'instrument employé à cet usage se nomme
de ce fleuve, si escarpés et si resserrés qu'en bichard; c'est une houe à deux dents, à man-
bien des endroits ils lut livrent à peine pas- che court ; on emploie aussi des houes de di-
sage, n'offrent quelque peu de jardinage qu aux verses formes et grandeurs, qu'on nomme ici
approches des villes. Vienne, Tournon, Va- tranches. La bêche plate, sous le nom de lichet
lence sont dépourvues de grands jardins. A ou louchet, est aussi en usage, mais seulement
peu de distance de la rive droite du Rhône, les au printemps ou en automne pour les labours
Ëépinières d'Annonay méritent d'être vues, profonds*, toutes les façons a'été se donnent
lès qu'on a dépassé Lyon, on est au milieu des comme les binages, à la franche et au bêchard.
populations méridionales; les vues d'intérêt Le premier jardin potager que nous visi-
dominent trop exclusivement toutes les classes tons en Provence ressemble à tous ceux que
de la société, riches ou pauvres ; il nous faut nous pourrions voir dans la suite ; les piments
dire adieu aux jardins d'agrément proprement ou poivrons, les tomates, l'ail, l'ognon, les
dits. A part un très petit nombre de parcs de choufleurs et les artichauts couvrent presque
grands seigneurs, d'ici à la Méditerranée, plus tout le terrain; peu de fraises, peu de bonnes
de jardins paysagers. De belles maisons de salades ; point d'asperges, excepté aux envi-
campagne, de somptueux châteaux se présen- rons d'Aix (on récolte les asperges sauvages,
tent en foule sur notre passage, soit au bord excellentes il est vrai, mais grosses comme des
du fleuve, soit sur les coteaux voisins de son tuyaux de plumes); point de primeurs, point
lit ; ils ont pour tout jardin une étroite ter- d'ananas, pas un melon supportable ; tel est
rasse ; la vigne, le mûrier, le figuier, l'olivier l'état du jardinage en Provence. Les melons des
ont envahi 1 espace où devrait être le jardin ; ce meilleures espèces, particulièrement les canta-
qui manque par-dessus tout, c'est le goût des loups, ne sont pas recherchés des consomma-
cultures de pur agrément. Une heure de pro- teurs provençaux qui préfèrent généralement
menade dans la pépinière d'Annonay suffit les melons d'éau et les pastèques ; ils ont raison,
paur nous faire pressentir cet état de choses ;
dans ce sens qu'ils ignorent ce que c'est qu'un
un pépiniériste conforme toujours ses cultures bon melon. Ces fruits, en général, tiennent peu
aux demandes habituelles de ses clients la ; de place dans nos jardins ; on leur consacre de
pépinière d'Annonay, en relations suivies avec rands espaces en plein champ, sans en pren-
la plupart des grands propriétaires du midi de re aucun soin ; il en résulte que, maigre leur
la France, ne contient pas en arbres et arbus- bas prix, ils sont encore assez chers puisqu'ils
tes d'ornement de quoi créer un bosquet de 30 ne valent rien, et cela sous un climat ou ils
à 40 ares de superficie. devraient être les meilleurs du monde entier.
Nous entrons par le département deVauclusc Nous avons à voir à Avignon le jardin de
sur le territoire de la la vallée du
Provence -, l'Hôtel des Invalides ; c'est une simple prome-
Rhône s'élargit ; moins rares,
les jardins sont nade ombragée par des platanes et des ormes ;
jardins potagers, bien entendu, car de jardins mais entourée d'un immense berceau de
elle est
d'agrément, il n'en est pas question. Les jardins lauriers l'arbre symbole de la gloire ne sau-
:

potagers occupent une grande partie des ter- rait êtremieux à sa place.
rains susceptibles d'irrigation. Voici pour nous A Carpentras, nous verrons avec un vif in-
quelque chose d'entièrement nouveau; les térêt la pépinière départementale, en regrettant
procédés du jardinage n'ont presque rien de de n'en pas voir en France une par départe-
commun avec ce qui se pratique dans le nord ment. Dans celle de Vaucluse, l'olivier, source
et le centre de la France. D'abord, plus d'arro- de richesse pour la Provence, est l'objet de
soirs on n'aurait jamais fini, s'il fallait entre-
; soins assidus ; on y suit avec persévérance une
tenir par l'arrosage à la main la fraîcheur et série d'essais déjà encourages par le succès,
l'humidité dans les jardins d'un pays où l'on dans le but de remplacer les variétés trop sen-
est souvent cinq mois de suite sans avoir une sibles au froid ou trop peu productives, par
Foutte de pluie, sans voir même un nuage à d'autres plus avantageuses et moins exposées
horizon puis, quand même le travail de l'ar-
; à périr dans les hivers rigoureux. Le long es-
rosage à la main ne serait pas intolérable sous pace de temps que réclament de telles entre-
ce climat, la terre se trouverait trop tassée; on prises les rend impossibles pour un particulier ; .

ne peut pas non plus pailler les plates-bandes ; mais l'état ne meurt pas nos neveux profile-
:

la paille esttrop rare et trop chère. Le jardi- ront un jour de ces conquêtes que nous leur
nage n'est possible en Provence que dans les léguerons à compléter.
terrains naturellement assez frais pour se pas- Plus loin, en descendant vers le littoral, le
ser d'arrosage, ou dans ceux sur lesquels on bourg de Cavaillon, célèbre dans tout le midi
peut faire courir un filet d'eau ; dans tout le de la France par sa population de jardiniers,
midi de la France, les jardins ne s'arrosent nous montre comme Annonay, dans ses vastes
que par imbibition. Les légumes, disent les jar- pépinières, tous les arbres utiles que compor-

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE.
tent ton sol et son climat, et point d'arbres ni l'oranger en pleine terre occupe une si étroite
d'arbustes d'ornement qui ne trouveraient pas lisière sur notre littoral de la Méditerranée,
d'acbetenrs. Tous les méridionaux vantent les c'est que cet arbre délicat exige, indépendam-
melons de Cavaillon ; malgré toute notre bonne ment d'une température douce en hiver, plu-
volonté, nous n'avons jamais pu réussir à les sieurs antres conditions, dont les principales
trouver bons : c'est sans doute affaire de goût ; sont l'eau à discrétion en été, et un abri contre
nous ne saurions avoir raison contre tout le le terrible vent de mistral. Marseille n'est pas
monde. Ces melons ont d'ailleurs un mérite plus au nord qu'Ollioules ; mais les bastides
incontestable, celui de se conserver et de se de Marseille manquent d'eau en été; elles sont
transporter facilement sans s'altérer, de sorte en tout temps balayées par le mistral qui des-
qu'à Lyon, par exemple, on mange des melons sèche tout, brûle tout, et ne permet pas à
de Cavaillon, non-seulement en été, mais même l'oranger de tenir en pleine terre. L'oranger, à
pendant presque tout l'hiver. l'abri du vent, supporte très bien un froid de
Voici Marseille avec sa ceinture de collines plusieurs degrés, sauf le cas assez rare où ce
couronnées par des rochers d'un gris uniforme, froid le surprend en pleine fleur; encore, dans
sans végétation ; ces collines ont jusqu'à mi- ce cas, les branches fleuries sont seules at-
côte plus ou moins de terre végétale : c'est là teintes, l'arbre ne meurt pas. Mais que par un
que tout bon bourgeois de Marseille a sa mai- froid d'un seul degré, l'oranger, fleuri ou non,
son de campagne, sa bastide, dans la langue soit frappé du mistral, il périt. Sans cette par-
du pays. Les bastides innombrables dissémi- ticularité, nous aurions rencontré l'oranger en
nées dans le terroir de Marseille ont toutes pleine terre jusque sous la latitude de Lyon.
leur jardin, grand ou petit ; les plus grands ne Le vallon circulaire de Cujes nous offre les
dépassent guère 25 ou 30 ares de superficie ; Premiers câpriers, dont la culture rentre dans
ceux-là ont de l'eau ; on y cultive des légumes. ; domaine du jardinage elle est nouvelle pour
-,

Les plus petits ont seulement quelques mètres nous; saisissons-la au passage dans une pé-
carres ; deux ou trois ceps de vigne, un figuier, riode de prospérité. Les câpres sont plus que
un mûrier, un olivier garnissent l'étroit espace tout autre produit cultivé sujets à de grandes
attenant à la bastide : c'est assez pour pouvoir variations dans leurs prix ; tantôt ils montent
1

dire : mon jardin.Néanmoins.il y en a tantet tant à un prix exorbitant, et chacun se met à plan-
de ces petits jardinets, de ces petites maison- ter des câpriers-, tantôt ils tombent à quelques
nettes toutes blanches, que l'ensemble forme centimes le kilogramme, elles câpriers sont
on aspect agréable et décore bien le paysage. arrachés, ce qui relève les prix au bout de
Nous entrons dans Marseille le jour de la quelques années. En ce moment, la faveur dont
Saint-Antoine : c'est la foire aux arbres; nous jouit ce produit parait plus durable que par le
y voyons exposés en vente des milliers d'ar- passé. La médecine a constaté et préconise avec
bres fruitiers de toute espèce, d'innombrables raison les câpres comme le plus puissant anti-
lots de mûrier, peu ou point d'arbres et d'ar- scorbutique qu'on puisse donner aux marins
bustes d'ornement, à peine quelques fleurs de Sour maintenir leur santé pendant les voyages
pleine terre : tout est donné à l'utile, rien à l'a- e long cours. Les lieux de production sont
gréable. bornés, les demandes sont fréquentes; nous
Parcourons la partie de la Basse- Provence trouvons beaucoup de jardiniers occupés à
qui longe le littoral de la Méditerranée ; nous planter du câprier; ils en verront dès la pre-
ne sommes presque plus en France ; le paysage mière année les premiers produits ; les planta-
tient de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce en tions seront en plein rapport au bout de trois
certains endroits; on y trouve même quelque- ans, pour continuer à perpétuité, pourvu qu'on
fois un reflet de l'Afrique dont nous sommes à en prenne soin. La culture du câprier, quand le
peine séparés par deux journées de navigation. placement des produits est assuré, offre une
Que de choses à faire en horticulture dans un foule d'avantages; tous les terrains lui con-
tel pays! Malheureusement tout est à faire. viennent ; elle réussit même dans les plus ari-
Prenons un aperçu du peu de jardinage que ce des: puis la récolte qui se prolonge pendant
vaste espace peut avoir à nous montrer de loin plus de deux mois, donne aux femmes et aux
en loin. Entre Marseille et Toulon, voici le enfants une occupation très peu fatigante et
bourg d'Olliooles et son défilé pittoresque do- bien rétribuée; c est aussi un moyen d'utiliser
miné par des rochers que surmonte un antique une partie du vinaigre dont il se perd tous les
monastère des Templiers. Au fond de ces gor- ans, dans le seul département du Var, de quoi
ges si bien abritées, nous saluons les premiers assaisonner pendant cinquante ans toutes les
orangers en pleine terre donnant en abondance salades de France.
des fleurs et des fruits. Ils ont pour compa- Nous verrons difficilement un câprier fleuri,
gnons des figuiers à petit fruit blanc d'excel- à moins que le hasard ne nous en fasse rencon-
lente qualité. Un ruisseau qui ne tarit point en trer quelque pknte sauvage croissant entre tes
été arrose ces plantations assez bien tenues. fentes d'un rocher ou les crevasses d'une ruine ;
Les fruits de toute espèce que devrait produire le produit utile consiste dans les boutons des
cet excellent terrain et qui y seraient parfaits, fleurs non épanouies. Le câprier cultivé ne
ne se font remarquer que par leur absence. montre donc presque jamais sa jolie fleur blan-
Observons en passant que si la culture de che, assez semblable, sauf la couleur, à celle

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430 HORTICULTURE.
du grand hypéricum. On multiplie le câprier camélia serait acquis à l'ornement des jardins
par l'éclat de ses racines. En automne, on re- de tout le midi de la France. Combien de fleurs
tranche les pousses de Tannée, et Ton bulle la charmantes, de fruits précieux, de produits
m
souche-, qui reste l'hiver recouverte de 0 ,25 utiles en tout genre, pourraient sut vre le même
à 0 m ,30 de terre; on la déchausse au prin- chemin ! Il n'y aurait qu'à vouloir pour réaliser
temps. La récolte du câprier exige beaucoup des prodiges avec moins de dépense que n'en
d'habitude et d'attention ; l'épine du câprier est causent les émoluments annuels d'un danseur
peu apparente, mais très aiguë, et sa piqûre de l'Opéra.
est fort douloureuse. Deux platanes et un cyprès devant la porte
De Cujes à Toulon, le pays offre les beautés d'une bastide des environs de Toulon dénotent
naturelles les plus variées. Qu'un amateur pa- la demeure d'un propriétaire opulent ; s'il ne
risien serait heureux, lui qui croit figurer des l'est pas, ses voisins blâment son luxe et sa
rochers avec des morceaux de vieux pavés et prodigalité ; s'il tient à reconquérir leur estime,
les scories de la forge du maréchal, s il avait il doit sacrifier ces arbres qui ne rapportent

au bout de sa propriété ces belles masses de rien.


roches calcaires avec leurs bouquets de chênes De Toulon à Hyères, une vaste plaine se dé-
verts et leurs admirables points de vue! comme roule devant nous; c'est le territoire le plus
il s'empresserait de les rendre partout accessi- fertile de tout le département du Yar; il ne lui
bles en y traçant des sentiers aux gracieux dé- manque que d'être plus judicieusement cultivé.
tours! que de kiosques élégants, de bancs Cette plaine, parfaitement arrosée, couverte
ombragés, de grottes tapissées de jasmin ! Ici, [)
art oui d'un sol riche et profond, comprend
il ne vient à 1 idée de personne qu'on puisse es communes de Lagarde , Lavalette, Solliès,
tirer parti de tout cela ; le genre d'agrément Cuers, Pierrefeu et Hyères; elle devrait être
qui en résulterait ne serait goulé par personne ; d'un bout à l'autre consacrée au jardinage. Le
le sentiment du beau, en fait d'horticulture et peu de légumes qu'on y récolte est de première
de paysage, est totalement étranger aux méri- Qualité; les ognons de Lagarde et les artichauts
dionaux. L'amphithéâtre de rochers qui envi- d'H yères sont connus dans tout le département ;
ronne Toulon au nord , quoique beaucoup Toulon et Marseille offriraient aux produits des
moins étendu que le terroir de Marseille, n'est cultures jardinières un débouché certain ; mais
pas d'un aspect moins agréable ; les bastides l'habitude l'emporte; la vigne et l'olivier ap-
parsemées sur la pente des collines sont, en portés par les Phocéens sont encore en posses-
général, plus élégantes et d'un meilleur style sion exclusive du sol ; on les cultive à peu de
qu'aux environs de Marseille; c'est d'ailleurs, chose près comme 500 ans avant J.-C.
quant a l'horticulture, la même absence de Nous voici à Hyères, vis-à-vis des îles Stœ-
plantes d'ornement, la même monotonie de cul- cades; quelques jardins potagers d'un très
tures, les mêmes lignes droites, les mêmes ter- grand produit, quoique assez mal dirigés, des
rasses en pierres sèches, dont il serait si facile vergers où manquent les meilleures espèces de
de voiler la nudité sous des rideaux de plantes fruits à couteau, des pépinières médiocrement
sarmenteuses à fleurs odorantes. soignées , montrent ce qu'on pourrait faire du
Le jardin de la Marine, à Toulon, renou- reste de cette plaine où l'eau vive circule toute
velle les regrets que nous inspirait' celui de l'année dans une foule de canaux d'irrigation
Brest il est parfaitement tenu, il renferme une
; a travers les compartiments d'un sol de la plus
foule de plantes rares; mais on y étouffe, il n'y grande richesse. Les orangers n'en occupent
a pas de quoi s'y retourner. Quand on songe a qu'une portion bien minime; ils y gèlent quel-
la marche suivie par tous les fruits qui, depuis quefois, en dépit de l'abri que leur prêtent de
les Romains, font les délices des pays tempérés; hautes collines contre le souffle du mistral ;
quand on se représente les générations succes- l'hiver de 1841 a été funeste à plusieurs plan-
sives de pêchers, pruniers, cerisiers, abrico- tations d'orangers ; la richesse de leurs produits
tiers, voyageant de proche en proche des bords devrait pourtant bien engager à les multiplier.
du golfe Persiqueà ceux de la Baltique et de la M. F. , propriétaire d'un verger d'orangers
mer du Nord, comment ne pas gémir en voyant J'un peu moins de 3 hectares, a vendu sur
cette enceinle de moins de ou ares accordée pied sa dernière récolte 22,000 francs; quoi-
comme à regret à cet établissement qui devrait qu'une partie des oranges ait été bientôt après
et pourrait être le point de départ de tant de frappée par la gelée, l'acheteur n'y a point
conquêtes en horticulture? Le camélia, par perdu. On n'a point multiplié ici l'oranger de
exemple, est acquis à l'Italie, comme le rosier la Chine dont la fleur est la meilleure pour la
du Bengale au reste de l'Europe. Naples a com- distillation de l'eau de fleurs d'oranger; à
mence par se l'approprier; il y a porté des peine en rencontrons-nous quelques rares
graines fertiles qui se sont répandues du pied échantillons.
du Vésuve au bord du Pô et de l'Adige. Ces Ne cherchons à Hyères et dans ses environs
graines, récoltées sur des individus nés en ni parcs, ni jardin d'agrément; les riches pro-
Italie, sous une latitude peu différente de celle priétaires de ce canton privilégié pourraient
de Toulon, y donneraient, à n'en pas douter, avoir les plus délicieux bosquets de toute la
des graines également fertiles; ce serait la sou- France } M. F. a des métrosidéros et des mé-
che de toute une génération acclimatée, et le laleucas en pleine terre M. le comte D. de B.
;

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 431

possède. une vingtaine de palmiers aussi beaux, reconnaître à la variété des cultures, à la pro-
aussi vigoureux que s'ils croissaient sur le sol preté des habitations, aux jolis jardins qui les en-
Africain ; ils s'élèvent majestueusement au-des- tourent, que nous ne sommes plus en Provence.
sus d'un vaste carré d'artichauts. En entrant Toutefois, le jardinage, quoique très répandu,
dans la ville, la première promenade que nous est loin d'avoir atteint en Dauphiné une grande
rencontrons nous frappe surtout par l'aspect perfection. Ainsi, par exemple, on mange rare-
oriental des arbres dont elle est ornée : ce sont ment un bon melon à Grenoble , quoique le sol
des palmiers. et le climat soient des plus favorables a ce fruit
A l'est d'Hyèrcs, les terrains en friche l'em- si l'on savait l'y cultiver. La gloire du Dauphi-

portent en étendue sur les terrains cultivés; né en de jardinage est dans ses arbres frui-
fait
{>lus de jardinage , ni pour le produit ni pour
, tiers ; vaste et belle vallée du Grésivaudan
la
'agrément. Il y a lieu de s'étonner que quelques s'offre à nous comme un immense verger, com-
amateurs étrangers n'aient pas songé à créer parable à ce que nous avons vu de mieux en ce
dans les délicieuses vallées du Gapeau, du Pan- genre dans la Touraine et dans la Limagne
sart, de la Maravenne ou de la Bataille, quel- d Auvergne.
ques jardins pavsagers dont le reste de la Deux immenses contrées, le Languedoc et la
l rance ne pourra'it offrir l'égal quant à la va- Guienne, nous restent à explorer. Commen-
riété de la végétation. Le long de tous les çons par le Languedoc; nous y pénétrons par
ruisseaux, l'oléandrc des deux variétés, à le Pont- Saint-Esprit; ce que nous devons
y
fleurs rose et blanche, croît avec profusion et voir en horticulture sera bientôt visité. Nous
fleurit trois mois sans interruption ; le myrte, le pouvons laisser à droite la longue chaîne des
lentisque, l'arbousier couvrent les collines les
; Cévennes ; ses habitants, bien peu favorisés de
cistes à fleurs blanches et violettes, semblables la nature, ont assez de peine à arracher au sol
à de larges églantines, décorent les pentes des de leurs pauvres vallées les produits de pre-
coteaux dès la Un de mars; le genêt d'Espagne mière nécessité; l'horticulture y est inconnue.
parfume l'air de son odeur délicate. Ces plantes, Entrons dans la plaine du Bas- Languedoc ; elle
objet de tant de soins dans les serres des ama- se prolonge à travers les départements du Gard
teurs dans les pays septentrionaux, sont ici la de l'Hérault et de l'Aude, jusqu'au pied des
matière ordinaire dont on fait la litière pour branches les plus avancées des Pyrénées.
le bétail ; ces arbustes servent à chauffer le Les procèdes et les instruments de jardinage,
four. de même que le système d'irrigation, sont sem-
Ne poussons pas plus loin noire exploration blables à ce que nous avons décrit en abordant
de ce côté ; jusqu'à la frontière du royaume de l'horticulture méridionale. Les environs de
Sardaigne, nous n'aurions plus rien à voir que Nîmes, d'Alès, d'Uzès et de quelques villes
de vastes forêts de pins dont les rares clairières moins importantes ont d'assez beaux jardins
sont occupées par de misérables hameaux ; re- en petit nombre; Montpellier n'a que tout juste
plions-nous sur Grasse, cette gracieuse petite l'établissement lxUaniquc indispensable a sa
ville toute peuplée de parfumeurs; l'odeur du célèbre école de médecine.
jasmin et de la tubéreuse nous prend à la gorge Plus loin, dans le Haut-Languedoc, Toulouse
plusieurs kilomètres avant d'y arriver. La cam- a longtemps dédaigné les avantages de sa posi-
pagne de Grasse est un magnifique parterre. tion pour 1 horticulture; nous aimons à signaler
Nous y rencontrons des plantations importantes sur ce point une tendance vers le goût du jar-
d'orangers de la Chine dont le fruit amer se dinage parmi les propriétaires aisés; de beaux
confit avant sa maturité; cette variété est sur- jardins paysagers de création toute récente, et
tout cultivée pour sa fleur plus abondante et mieux encore, deux établissements de pépinié-
d'un parfum plus délicat que celle des autres ristes spécialement consacrés aux arbres et ar-
orangers ; l'eau de fleurs d'oranger est une des bn sirs d'ornement, sont des symptômes évidents
branches principales du commerce de Grasse, de progrès.
où l'industrie active des jardiniers et des par- Au midi, nous ne pouvons trouver à reposer
fumeurs entretient une heureuse aisance. un instant nos regards qu'au pied des Pyrénées
Si toute la Provence ressemblait au canton orientales, dans la plaine voisine de Perpignan,
de Grasse, elle mériterait son antique surnom ; assez semblable à la plaine d'Hyères; le jardi-
ce serait réellement la gueuse parfumée. Hâ- nage y est en progrès; on utilise l'eau vive
tons-nous de jouir du coup d'oeil enchanteur de '
partout où il y a moyen de la conduire, tandis
ces belles cultures et de la prospérité qui en ré- qu'à une époque encore assez récente il s'en
sulte: tout cela menace de disparaître; d'affreux perdait une grande partie. Faisons volte-face;
incendies ont changé en roches arides et nues nous aurons devant nous le bassin de la Ga-
les collines boisées dont les sources arrosaient ronne avec ses nombreux affluents, vaste et
les jardins de Grasse; ces sources, déjà bien fertile contrée , bien plus semblable au centre
amoindries, sont destinées à tarir tout-à-fail et au nord de la France, quant à l'horticulture,
très prochainement, pour peu que les incendies que le reste de nos départements méridionaux.
qui se renouvellent tous les ans achèvent le Parmi de gras pâturages et des champs bien
déboisement des hauteurs voisines. Franchis- cultivés, nous voyons des jardins potagers en
sons une branche latérale des Alpes et péné- rapport avec les besoins de la population , de
trons dans le Dauphiné. Nous pouvons aisément gracieux parterres autour de chaque habitation

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492 HORTICULTURE.
rurale , somptueux châteaux où nous
enfin de pendant le pays de l'Europe oû le goût du jar-
retrouvons avec bonheur les frais ombrages dinage devrait être le plus répandu. Pour les
des jardins paysagers qui nous ramènent jus- riches, la nature accidentée du sol , la richesse
qu'aux portes de Bordeaux. La triste et mono- naturelle du paysage, le besoin d'ombrage, de
tone étendue des landes elles-mêmes, qui tend fraîcheur et de repos, semblent provoquer le
à changer d'aspect grâce aux louables efforts goût des jardins paysagers; pour le peuple, le
des compagnies de défrichement, nous permet besoin d'une nourriture plus végétale qu'ani-
de donner un coup d'oeil d'espérance aux jar- male, sous un climat brûlant, devrait avoir
dins naissants qui bientôt vont se développer donné lieu à une production très abondante de
et s'étendre autour de l'étang de Sainte-Eulalie fruits et de légumes. C'est ce qu'avaient si bien
et du bassin d'Arcachon. Admirons encore, compris les Arabes; ils avaient fait un jardin de
avant de franchir la frontière d'Espagne, la la partie de l'Espagne soumise à leur domina-
propreté, l'ordre et la bonne tenue des jardins tion ; ce qui reste des jardins mauresques à
si productifs de la Biscaye française. Nous re- Grenade n'a pas de point de comparaison dans
marquons entre les mains des jardiniers bas- les jardins créés depuis l'expulsion de la race
ques, outre les divers instruments que nous arabe. Considérons les traits généraux du jar-
avons déjà vus employés dans tout le midi, une dinage espagnol.
fourche a deux dents droites, munie d'un long Une fois qu'on a franchi les Pyrénées, quoi-
manche, instrument d'une haute antiquité. Il S|ue
les Basques espagnols offrent une analogie
sert, avant la saison des pluies, à lever en gros rappante avec les Basques français, sous le rap-
blocs le sol durci par la sécheresse; il vaut port des meurs, du cdstume et du langage, on
mieux pour cet usage que le béchard dont on reconnaît la vérité du proverbe répandu sur
ne peut se servir que dans une situation très toute notre frontière : Les Pyrénées sont bien
courbée ; il fait la même besogne avec une dé- hautes pour se donner la main par-dessus!
Eense de forces beaucoup moindre. Quant à la L'aversion réciproque des Basques espagnols
êche, il serait impossible de s'en servir dans et français les uns pour les autres s'annonce
les circonstances où les Basques emploient la déjà par l'aversion des premiers pour le tra-
fourche; elle ne pourrait entamer la terre. vail. Rien de plus négligé que leurs jardins
;

D'ailleurs, quand même le sol des jardins de la toutefois ils en ont encore quelques-uns; les
Biscaye pourrait être travaillé à la bêche à la Asturies et la Galice n'en sont pas non plus to-
fin de l'été, cette façon lui serait plus nuisible talement dépourvues ; mais si nous pénétrons
qu'utile-, le sol mis à l'arrière saison dans un état au cœur de l'Espagne par la Navarre et les
meuble et bien divisé, puis tassé par les pluies deux Castilles, n'y cherchons pas de jardins.
violentes, se trouverait ensuite, à raison de sa Ces plaines à perte de vue se couvrent à l'ar-
nature compacte, en pire état que s'il n'avait rière-saison d'une verdure uniforme , signe de
pas été labouré du tout. Au contraire, les gros- fécondité, dont la végétation n'est point inter-
ses mottes levées par la fourche des Basques rompue par un hiver peu rigoureux; au prin-
sont, après qu'elles ont subi l'influence de la temps les moutons ont achevé de tout dévorer;
saison pluvieuse, parfaitement disposées pour puis vient la sécheresse; alors le pays passe du
les semis du printemps. Le souvenir tout récent vert au brun. En Castille, du printemps à l'au-
des jardins de la Biscaye française nous rendra tomne, tout est brun, d'un brun uniforme; les
plus frappante, par le contraste, l'aride nudité et chaumières rares et misérables construites en
l'absence d'horticulture sur presque toute la pisé , couvertes en chaume , les vêtements et
surface de la péninsule espagnole. jusqu'au teint des habitants. Ne cherchez pas
Si nous résumons l'impression produite sur de traces de jardinage autour de leurs chau-
nous par cet aperçu de l'état de l'horticulture mières; l'ail et l'oignon crus, leurs mets de
en France, nous 'avons à regretter bien des prédilection, leur sont fournis par des mar-
ressources perdues, bien des moyens négligés chands ambulants qui les apportée* souvent
d'étendre par le jardinage la production des de fort loin; les jardins de la Véga de Valence
denrées nécessaires à la vie , et le cercle des (la huerta de Valencia) en fournissent une

Rlus douces jouissances destinées à l'embellir. partie de l'Espagne.


Néanmoins, sur bien des points, beaucoup de Pour prendre une idée de l'état le plus avancé
bons esprits tournent leurs vues de ce côte; le de dégradation et de dépopulation de ce beau
goût de l'horticulture n'a jamais été plus ré- pays, passons directement enEstramadure. Ob-
pandu ; jamais plus d'efforts n'ont été dirigés servons en passant que cette vaste province
dans ce sens ; bien qu'ils ne soient pas tous aussi jadis très peuplée, contient aujourd'hui si peu
judicieux qu'ils pourraient l'être, l'horticulture de monde que lorsque les cortes se sont occu-
française ne s'en montre pas moins fidèle à sa pées de refondre les divisions administratives
mission de concourir à fertiliser et à embellir de l'Espagne pour donner à leurs provinces des
le sol de la patrie. dimensions analogues à celles de nos départe-
ments, ils n'ont pu établir en Estramadure que
ESPAGNE. deux divisions d'une immense étendue; en en
faisant un plus grand nombre , les préfets et
L'aspect général de la péninsule ibérique a sous-préfets (chefs politiques) n'auraient eu
b'eti peu de jardins à nous montrer. C'est ce- personne à administrer.

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 433

Si nous demandons notre chemin en Estra- encadrant de sombres compartiments de nuis,


madure, on nous répond Vous laisserez trois
: s'accordeut assez avec le souvenir des généra-
despoblados à droite et deux à gauche, et vous tions qui s'y sont promenées en vêtements
traverserez la grande route de Badajoz. Qu'est- sombres et en fraises sales. Il ne faut excepter
ce qu'un despoblado? La place encore visible 3ue la résidence d'Aranjuez; le dessin des jar-
où il y a eu autrefois un village ; la population ins n'est ni plus varié, ni de meilleur goût, et
s'est éteinte, le village est resté là; ses ruines, les objets d'arts dont ils sont décorés avec pro-

à demi cachées sous une végétation sauvage fusion ne sont pas moins médiocres que dans
très vigoureuse, servent de renseignement pour le reste de l'Espagne ; mais il y a là tout au-

arriver au petit nombre de bourgades et de villes tour de frais et délicieux ombrages, des eaux
encore habitées. Où chercher les jardins dans d'une admirable limpidité, et enfin la vallée du
un tel pays? Entrons dans cette sombre fo- Tage, une des plus belles de l'Europe, et qu'il
rêt qui couvre une partie de la contrée. A n'a pas été possible de défigurer.
l'ombre des hautes futaies, nous remarquons L abondance des eaux est aussi le principal
de singulières ondulations de terrain, de forme ornement des jardins immenses, ou plutôt du
régulière ; ce sont les anciens sillons creusés parc de Saint-lldefonse, dont les allées droites,
par la charrue des Arabes il y a bien des siè- décorées à droite et à gauche d'un peuple de
cles ; ces chênes antiques ont eu le temps de statues détestables, n'ont pas moins de 3 à
croître et de mourir de vieillesse, et la trace de 4,000 mètres de long. Toutes les sources du
la charrue arabe n'est point effacée sous leur pied des montagnes voisines ont été amenées à
ombrage séculaire. Des haies de petits chênes Saint-lldefonse pour former une rivière artifi-
verts désignent encore les enclos qui furent des cielle qui, après avoir alimenté une foule do
jardins; c'est le seul souvenir qui montre qu'il y fontaines peu remarquables isolément, mais
rut drs jardins en Estramadure; nous n'en retrou- agréables dans leur ensemble, forme une fort
vonsquelques-uns qu'aux portesde Badajoz. En belle cascade. Les compartiments du parc de
examinant le travail des jardiniers espagnols Saint-lldefonse sont encadrés dans des haies do
non pas seulement ceux de Badajoz, mais ceux de myrtes et de lauriers; on y trouve réunis tous
toute l'Espagne, nous remarquons la longueur les genres de décorations que comportait le
des manches adaptés à tous leurs instruments goût de l'époque à laquelle ce parc a été créé,
de jardinage; il en est pour lesquels cette lon- temples, grottes, labyrinthes, parterres, le tout
gueur est sans inconvénient; mais, par exem- de formes symétriques et géométriques, d'au-
ple, comment sarcler avec quelque soin en se tant plus tristes que ce parc est, comme celui
servant d'un sarcloir dont le manche n'a pas
, de Versailles, constamment veuf de cette foule
moins d'un mètre 60 c? Évidemment le tra- qui, seule, pourrait l'animer s'il était livré au

vail du sarclage veut être fait de très près pour : public et qu'il se trouvât aux portes d'une
être convenablement exécuté. Mais l'Espagnol grande ville.
croirait manquer à sa dignité s'il se baissait Pour passer en revue ce que l'Espagne offre
vers sa terre, si riche et si fertile, pour la cul- de plus digne d'attention en fait de jardins par-
tiver ; aussi est-elle couverte de despoblados, et ticuliers, il faut faire le tour de son littoral, de-
toute l'Espagne ne sera bientôt qu'un despo- puis les côtes de la Catalogne jusqu'au-delà des
blado d'un bout à l'autre, si cela continue. colonnes d'Hercule; les villes maritimes et
Et pourtant l'Espagnol n'est point insensible commerçantes d'Espagne ont seules une bour-
au charme des jardins; tout jardin en terrasse geoisie opulente et éclairée à qui ses relations
au bord d'un cours d'eau quelconque, d'où l'on au dehors ont pu inspirer le goût des choses
découvre une vue agréable, se nomme en espa- d'agrément en même temps que ses richesses
gnol carmen (charme, chose charmante). A lui donnent le moyen de le satisfaire ; quelques
Séville, les bosquets se nomment délices. A part très beaux jardins appartiennent aussi a la no-
la peine qu'il faut prendre pour les cultiver, blesse et aux corporations religieuses, dont les
l'Espagnol trouve les jardins délicieux ; mais il loisirs ne sauraient être mieux employés qu'aux
a trop d'autres choses à faire, entre autres, fu- paisibles travaux de l'horticulture. Voici d'a-
mer et faire la sieste, et aussi la guerre civile. bord Barcelonne avec sa ceinture de jardins
L'Espagnol est en général si mal chez lui, attenant à des maisons de campagne tout-à-fait
dans sa chambre malpropre et nue, qu'il vit le analogues aux bastides de Provence ; elles por-
plus qu'il peut dehors: de là le grand nombre tent ici le nom de torres. Le jardin du La-
de promenades publiques, dont bien peu mé- byrinthe jouit d une juste célébrité, bien que
ritent le nom de jardins ; ce sont tout simple- le dessin en soit symétrique ; mais ses fontaines
ment de longues allées droites, ordinairement et ses statues, exécutées par les meilleurs ar-
plantées d'ormes, comme l'indique leur nom tistes d'Italie, sont de très bon goût ; les plantes
{alamedas, allées d'ormes). Chaque ville, et les arbustes rares, propres au climat de la
grande ou petite, a ordinairement sonalameda. Catalogne, s'y trouvent groupés avec art ; ce
Les grands jardins joints aux résidences jardin, ainsi que deux ou trois autres parmi les-
royales de l'Escurial, de Saint-lldefonse, de auels il faut citer celui des Pères Capucins,
Buen-Retiro, de la Cranja, sont exclusivement onne une idée favorable de l'horticulture es-
dans le goût du dix-septième siècle leurs lon-
; pagnole; c'est dommage que les échantillons
gues lignes droites de terrasses et d'allées d'ifs, en soient si rares. Le jardin des Capucins de
OaXfCVLTCRI. T. V. - 88

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434 HORTICULTURE.
Sarria, près Bareelorrae, est da style paysager; ferme, à Port Sainte-Marie et à Chiclana. Ces
ses bosquets, plantés principalement encyprès jardins fournissent de fruits et de fleurs les
et arbres conifères à feuillage sombre, sont marchés de Cadix la provision du maître ré-
•,

dessinés dans le but d'inspirer le recueillement servée, le jardinier vend le reste à son profit
et d'inviter aux pensées religieuses ; il est fâ- en donnant toutefois une part au propriétaire.
cheux que les bons pères aient jugé à propos En Angleterre, aux environs de Bristol et de
de les peupler de détestables images de saints Liverpool, ce sont aussi les villas des négo-
de plâtre qui font plus d'honneur à leur piété ciants qui approvisionnent en fleurs, fruits et
qu'a leur talent pour la sculpture. légumes les marchés de ces deux grandes villes.
Barcelonnc contient dans son enceinte plu- Un de nos amis, qui visitait récemment l'An-
sieurs beaux jardins l'un des plus beaux tient
; gleterre sous le point de vue de l'horticulture,
à l'hôtel du gouverneur (capitaine général); il s'étonnait de voir ses marchés si bien garnis,
est ouvert au public. bien que les environs manquent presque totale-
Valence et sa plaine renommée dans toute ment de jardins fleuristes et maraîchers; il est
l'Espagne sous le nom de Jardin de Valence ijourtant du plus mauvais ton dans ce pays de
ont aussi de fort beaux jardins à nous montrer; aire vendre au marché le superflu des "pro-
nous y trouvons surtout beaucoup de jardins duits de son jardin ; mais les fortunes v sont
fleuristes, et nous ne sommes pas surpris d'ap- très mobiles, et les banqueroutes très fréquen-
Iwendre qu'à Madrid et dans tout l'intérieur de tes ; il y a beaucoup d'expropriations, beaucoup
'Espagne, quand on veut un bon jardinier, on de villas à vendre ou à louer; durant les len-
le fait venir de Valence. De toutes les fleurs teurs des liquidations, les jardiniers vendent les
qui se cultivent avec succès à Valence, l'œillet produits des jardins qu'ils continuent à soigner
est celui dont la culture est la plus perfec- pour leur compte, et il y en a assez pour ali-
tionnée. Un voyageur anglais assure avoir vu menter en fleurs, fruits et légumes ces deux
à Valence des œillets parfaitement bleus; c'est populeuses. Ce fait caractéristique méri-
villes
dommage qu'il n'en aitpas rapporté la graine consigné dans notre tour horticole.
tait d'être
dans son pays; il a sans doute pris pour bleus Les maisons de campagne de la baie de Cadix
les ardoisés, qui sont pourtant bien éloignés du ont toutes des galeries ou de grands balcons
bleu franc. Nul doute que s'il existait un œillet couverts, dont les montants sont garnis des
réellement bleu dans les jardins de Valence, il plantes ou arbustes les plus rares; on trouve
ne se répandit promptement en Europe; un pa- dans leurs jardins une profusion de cactées, de
reil œillet dans sa nouveauté n'aurait pas de mezembryanthèmes et de plantes bulbeuses du
prix. Cap, cultivées en pleine terre.
Nous retrouverons quelques jardins autour L'intérieur de l'Espagne avait encore à nous
de Malaga, de Carthagene et d'Alicante ; mais montrer les bosquets d'orangers de FAlcazar
nulle part nous ne reverrons cette profusion de de Séville, et les nombreuses villas des fau-
fleurs de pleine terre qui décorent en toute sai- bourgs de cette ville renommée par sa beauté
son les jardins de Valence. entre toutes les villes d'Espagne ; nous n'en
Arrêtons-nous un moment à Gibraltar. Voici verrions plus aujourd'hui que les débris. Peu
l'alameda que les Anglais ont nommé le Paradis s'en est fallu qu'il n'en arrivât autant au jar-
de Gibraltar. L'allée principale n'a pas plus d'un din botanique de Madrid, ce qui eût été d'au-
kilomètre de longueur, mais elle est coupée par tant plus regrettable qu'il n'y en a pas d'autre
des allées transversales plantées en figuiers, en sur le territoire de la monarchie espagnole. Ce
orangers, en acacias-julibrissins, en arbres jardin, fondé d'abord en 1755, à quelque dis-
rares de toute espèce, et bordées de chaque tance de Madrid, fut transporté, en 1788, à la
côté de parterres où les fleurs les plus belles place qu'il occupe actuellement sous les murs
Î|ue comporte le climat, principalement les de la capitale ; une élégante grille de fer le sé-
uchsias, les éricas et les pélargoniums, crois- pare de la belle promenade du Prado. Son éten-
sent en pleine terre. Tout cela sans doute est due est de vingt-huit fanégadas d'Espagne, va-
admirable, surtout par la situation de cette lant environ vingt-deux hectares. Ce jardin est
promenade entre une roche de 500 mètres de public l'après-midi ; c'est le rendez-vous de la
haut et l'une des plus belles baies de la Médi- Bonne compagnie de Madrid ; toute personne
terranée ; toutefois il est triste de penser que décemment vêtue y entre librement. La ma-
ce jardin, l'un des plus délicieux de l'Espagne, tinée est réservée aux personnes qui y vien-
n'appartient point aux Espagnols, et qu'ils ne nent étudier la botanique ; elles doivent avoir
Peuvent s'y promener que sous le canon de des cartes d'entrée délivrées par le professeur
Angleterre. attaché à l'établissement.
A Cadix, où l'espace manque pour les jar- Un singulier usage ne permet pas anx dames
dins, nous visiterons cependant le jardin de d'entrer dans le jardin botanique de Madrid la
l'hôpital, où nous verrons de fort beaux bana- tête couverte de leur mantille qu'elles quittent
niers en pleine terre, chargés de fruits presque si rarement ; elles sont obligées, en y entrant,
aussi bons que dans leur pays natal. de porter leur mantille sur le bras, et de se
La riche bourgeoisie de Cadix aime les fleurs promener la tête découverte.
avec passion; les principaux négociants ont de Toutes les plantes médicinales cultivées au
très belles maisons de campagne sur la terre jardin botanique de Madrid sont distribuées
I

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 43S

gratuitement aux pauvres; l'administration de Hâtons-nous de nous embarquer à Lisbonne


cet établissement distribue aussi gratuitement pour Gènes, afin de prendre un aperçu de l'état
les semences de toute espèce d'arbres, d'ar- de l'horticulture dans la péninsule italique.
bustes et de plantes utiles et d'ornement, et ne
néglige rien pour en propager la culture.
ITALIE
Dans toutes nos explorations de l'Espagne,
nous n'avons rencontré que bien peu de serres
dignes de fixer notre attention les cultures
;
En arrivant à Gènes, même avant de débar-
forcées sont inconnues dans ce pays; on prend quer sur ce port, un des plus beaux du monde,
les produits à l'époque où la nature les envoie, nous sommes frappés de la beauté de cette ma-
bien que sur les plateaux élevés du nord et du gnifique ceinture de jardins dont est entourée
centre de l'Espagne les hivers soieni souvent celte ville, surnommée la superbe, et qui, bien
assez longs pour faire regretter l'absence de quedéchuede son antique splendeur, porte pour-
beaucoup de produits de tout genre qu'il serait tant encore très bien ce beau surnom. Ces jar-
facile de demander à la culture forcée il est
;
dins, vus de près, ne perdent rien de leur char-
vrai que pour la pratiquer avec succès il fau- me ; toute villa est un palais rehaussé de tout le
drait appeler des jardiniers du dehors. luxe des arts; chaque jardin, considéré séparé-

Suand l'Espagne pacifiée sera ce qu'elle peut ment, offre une réunion de marbres admira-
oit être, le goût de l'horticulture ne pourra blement sculptés qui semblent des monuments
manquer d'y multiplier les serres qui pourront bien conserves des bons temps de l'art antique.
contenir les végétaux de tous les pays du Les jardins de Gènes sont ceux de toute l'Eu-
rope qui répondent le mieux à l'idée que nous
Slobe, sans avoir besoin, comme en France et
ans le nord de l'Europe, d'une chaleur artifi- pouvons nous former des jardins de l'antiquité,
cielle entretenue toute l'année. Sous le climat d'après les descriptions parvenues jusqu'à
de Séville et de Gibraltar, une serre froide est n»us; il semble que' ce soit là que la tradition
l'équivalent d'une serre tempérée à Paris; elle s'en soit le mieux conservée.
devient serre chaude pour peu qu'on y fasse En parcourant rapidement le nord de l'Italie

du feu pendant la mauvaise saison. soumis au roi de Sardaigne et à la maison .

d'Autriche, nous remarquons l'état avancé de


PORTUGAL. l'agriculture, les grands établissements d'hor-
ticulture à peine inférieurs à ceux de la Grande-
Notre tournée en Portugal nous montrera Bretagne, le nombre des jardins de toute na-
des jardins bien autrement rares qu'en Es- ture, depuis la villa du grand seigneur jus-
i>agne. On nomme ici auinta ce que les Cata- qu'au modeste jardin du paysan. Tout cet
ans nomment forre.et les Provençaux bastide. ensemble satisfaisant pour le voyageur étran-
Quelques quintas aux environs dé Lisbonne et ger le force de reconnaître un peuple laborieux
d'Oporto ont d'assez beaux jardins; elles ap- et jaloux, comme les Belges et les Hollandais,
partiennent à des négociants la plupart étran- d'accroître son bien-être par le travail, de ren-
§ers ; les autres, sans en excepter les jardins dre son chex *ot, grand ou petit, le meilleur et
es résidences royales, sont mal tenus et déla- le plus agréable possible. Aux environs de

brés ; les finances de ee malheureux pays sont Turin, nous visitons avec intérêt ces immenses
trop obérées, et la civilisation y est trop arriérée pépinières si bien placées là, dans un sol frais,
sous tous les rapports, pour que les jardins riche et profond parfaitement arrosé ; les ar- :

publics ou privés ne se ressentent pas de cette bres utiles, mûriers, orangers, citronniers, et
décadence générale dont le Portugal ne semble toute sorte d'arbres à fruits, y tiennent le pre-
pas près de se relever. mier rang ; néanmoins, il y a place aussi pour
Lisbonne a des serres assez étendues qui les arbres et arbustes d'ornement, et bien que
dépendent de son jardin botanique, mais tout cette production énorme pour un petit royaume
y est négligé. A Coïmbre, ville célèbre par son trouve en partie son débouché dans l'exporta-
université, le jardin botanique était, il y a tion, elle pourrait se soutenir sur un pied déjà
quelques années, totalement abandonné. Lors- respectable, rien qu'à l'aide du marché inté-
qu'on s'est occupé de le remettre en ordre, il rieur. Le goût des fleurs est général en Pié-
s'est trouvé rempli de très beaux arbres et ar- mont les jardins de tout genre y sont très
;

bustes d'Amérique et d'Australie, qui, livrés à multipliés; les parcs dessinés sur les pentes
eux-mêmes pendant nombre d'années, avaient sud et sud-est des Alpes sont d'une rare beauté ;
fini par prendre le dessus et par former de très ils ont, comme les jardins de Gènes, mais dans
beaux bosquets; il a fallu les dégager des un autre genre, le privilège d'une vue magni-
ronces et des broussailles dont ils étaient en- fique dans toutes les directions, et d'un climat
combrés. qui admet une végétation très variée.
Le sol et le climat sont admirables en Por- En Lombardie, le goût des jardins paysa-
tugal ; les jardins, si l'on songeait à en planter, gers est général parmi la riche noblesse de ce
seraient les plus beaux de l'Europe ; mais l'hor- pays ; toutefois, les compositions de ce genre
ticulture est complètement mise en oubli pré- que nous avons à visiter ne nous satisfont pas
cisément là où elle pourrait et devrait être le toutes également. Un grand seigneur des envi-
plus florissante. rons de Milan, dans un parc situé au milieu

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HORTICULTURE.
d'une plaine, & voulu absolument avoir une En France et en Belgique, on estime
tien d'été.
grotte et des rochers, le tout dans de grandes beaucoup cette poire, aussi belle que bonne,
proportions ; il n'a rien trouvé de mieux qu'un qui mûrit de très bonne heure; mais elle ne
échafaudage en charpente recouvert de toile fructifie qu'à l'abri des murs d'espalier. En Ita-
peinte, une décoration d'opéra. « Cela me pro- lie,des vergers entiers sont uniquement plantés
cure l'avantage, disait-il dernièrement à un en poiriers de cette espèce; ces arbres, greffés
voyageur de nos amis, de changer à peu de sur franc, deviennent forts comme des chênes,
frais mes rochers quand j'en suis las :il ne s'a- et poussent avec une incroyable vigueur.
git que d'en faire peindre d'autres. » Dans les potagers, les légumes sont les mê-
Parvenus au bord de l'Adriatique, nous mes que les nôtres. Les brocolis de toutes les
y
trouvons, sur les rives de la Brenta, les tracés nuances sont plus souvent cultives que les chou-
de l'antique splendeur des villas de la noblesse fleurs, dont ils tiennent la place ; nous n'avons
vénitienne. Entrons à Venise. Nous ne devons à signaler qu'une seule plante, qui chez nous
pas nous attendre à rencontrer beaucoup de ne figure pas comme légume sur nos tables :
jardins dans une cité dont le sol est à peine d'un c'est le fenouil doux, dont les côtes et les raci-
ou deux mètres au-dessus du niveau de l'eau nes se consomment en très grande quantité
salée. Nous n'en sommes que plus agréablement dans toute l'Italie.
surpris en y trouvant un grand nombre de très Florence est toujours la ville des fleurs. Il n'y
beaux jardins. L'horticulture fut de tout temps a pourtant pas bien longtemps qu'elle possède
en honneur à Venise ; dès le milieu du qua- quelques établissements d'horticulture , dont le
torzième siècle, les opulents Vénitiens son- premier, si nos souvenirs sont fidèles, fut fondé
geaient à créer au milieu de leurs lagunes de il y a quelques années par un Français cette
:

très beaux jardins qui subsistent encore. Nous anomalie s'explique d'elle-même. Lé goût des
nous étonnons de la vigueur et des dimensions fleurs, en Toscane, est resté longtemps l'apa-
colossales des antiques platanes qui décorent nage exclusif des classes opulentes tout ama- :

plusieurs de ces vieux jardins ; la terre où vi- teur avait son jardin, ses serres et son jardi-
vent ces arbres n'a nulle part au-delà d'un nier, dans la villa, centre de ses domaines; des
mètre de profondeur ; il faut se rappeler que échanges entre voisins, et des achats en Pié-
cette terre a été apportée en bateau du conti- mont, ou même en France et en Angleterre,
nent voisin et que l'eau dont on arrose cette pro- complétaient les collections. Mais bientôt, les
,

fusion de belles fleurs qui nous charment aans inconvénients d'un tel état de choses ont fait
les parterres de Venise vient aussi du conti- sentir le besoin de créer à Florence même un
nent; un pont aqueduc gigantesque, ouvrage* centre de production dont le débouche était
actuellement en construction, doit incessam- assuré d'avance. Les établissements actuelle-
ment apporter à Venise la Belle une rivière ment existants sont en pleine prospérité ; grâce
tout entière. Les deux principaux jardins pu- à eux, le goût des fleurs s'est propagé parmi
blics de Venise datent de 1808; c'est une créa- toutes les classes de la population.
lion de Napoléon; les arbres des bosquets, Remarquons, avant de quitter Florence, les
surtout les ailanthus (vernis du Japon), ont belles pépinières de camélias que possèdent les
acquis dans un intervalle de temps fort court environs de cette ville. Ces pépinières n'appar-
comparé avec la durée de l'existence de ces tiennent point au commerce : de très grands
arbres, des dimensions tellement colossales, seigneurs, de très grandes dames, marquises
qu'on a peine à croire à la date pourtant très ou duchesses, ont pris plaisir à récolter et à se-
certaine de leur plantation. Les jardins publics mer de leurs propres mains des milliers de grai-
de Venise peuvent servir de modèle sous le nes de camélias ; il est des pépinières qui n'en
rapport des sièges, des ombrages et de tout le comptent pas moins de 15,000. Celle du grand-
cornfort dont est susceptible un lieu public de duc régnant, amateur et protecteur éclairé de
promenade ; aussi sont-ils très fréquentés en l'agriculture et de l'horticulture, est une des
toute saison. plus nombreuses. Le camélia est devenu l'arbre
On pense bien que le nombre des espèces de prédilection des horticulteurs italiens. Il sup-
d'arbres qui s'accommodent d'un sous-sol porte bien l'hiver en pleine terre, sous le climat
d'eau salée ne peut être que très borné; on de Florence, dans toutes les situations abritées.
trouve au contraire dans les jardins de Venise De Florence à Rome, nous avons à traverser
la plus riche variété de plantes et d'arbustes la Toscane dans sa partie la plus fertile. Cha-
d'ornement. 3ue grand domaine a des jardins presque tous
De Venise à Florence, nous rencontrons par- u style paysager, et des serres très bien te-
tout de beaux et vastes jardins ; les vergers nues. La culture forcée est ici très en honneur,
réunissent une foule de variétés de fruits incon- et fort habilement pratiquée. On a commencé, il
nus à la France ; d'autres espèces , qui chez y a quatre ou cinq ans , à propager la culture
nous fructifient rarement et difficilement, don- en plein champ de la batatc, qui tend à devenir,
nent ici des fruits tous les ans, et en grande en Toscane l'objet d'une branche importante
,

abondance. Parmi ces derniers, nous remar- de l'agriculture. Cette belle et utile culture au-
quons la poire que les Italiens nomment grac- rait échoué si les nombreux jardiniers des vil-
«o/t, nom qui se reconnaît encore dans le mot les , habitués à gouverner des serres et à plus
français graciole ou gratiole : c'est un bon-chré- forte raison des couches, n'avaient enseigné

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 437

aux métayers à monter des couches pour faire l'intérieur de général de garnir
la ville, l'usage
germer les tubercules des bâtâtes, afin d'en ob- les toits ou terrasses d'une bordure de vases et
tenir, au moment opportun, des milliers de de caisses, où l'on cultive des plantes d'orne-
boutures. Aujourd'hui ce procédé est devenu
, ment, .produit un très bel effet.
familier aux paysans toscans, qui commencent Peu de villes aux environs de Naples ont des
à apprécier la valeur alimentaire de la batate, jardins dans le style paysager ; c'est toujours,
soit pour eux, soit pour leur bétail. comme autour de Gênes et de Rome, l'alliance
Rome et ses environs, avec leurs palais en- de l'architecture et de la sculpture avec l'hor-
tourés de magnifiques jardins, nous rappellent ticulture qui constitue la beauté des grands
les terrasses de Gènes c'est le même style an-
: jardins. Saluons, dans celui de la résidence
tique , le même emploi judicieux des objets royale de Caserta, le doyen des camélias, plan-
d'art du plus grand prix. Remarquons le jardin lés en pleine terre en Europe ; ce n'est plus cet
du duc de Bracciano, qui ne contient pas un humble arbuste, qui, chez nous, passe pour
seul arbre à feuilles caduques tous les végé- ; très grand des qu'il approche des dimensions
taux qui le décorent sont choisis parmi les ar- d'un oranger de taille ordinaire c'est un bel
;

bres et arbustes à feuilles persistantes ; les coni- et grand arbre de plus 8 mètres de haut, large
fères y sont pourtant en minorité; les magno- à proportion, portant a la fois des milliers de
lias, tesrhododendrums, les azalées, les lauriers, fleurs que remplacent plus tard des fruits remplis
les viornes, composent le fond des massifs. de graines fertiles, et pouvant abriter plusieurs
On au souverain pontife actuellement
doit personnes sous son épais feuillage; Quand on
régnant la restauration des jardins du Vatican, voit ce camélia, l'on ne peut plus douter que
qui depuis longtemps étaient presque abandon- ce bel arbre ne soit acquis à l'Italie comme ar-
nés. Des massifs de buis séculaires, peut-être bre de pleine terre.
les plus anciens de l'Europe, donnent a ces jar- Naples devrait être le premier jardin de natu-
"dins un caractère de tristesse et de mélancolie ; ralisation de l'Europe c'est du jardin botani-
:

mais la sombre verdure des buis et d'admira- que de Naples que les végétaux de tout genre
bles chênes verts font parfaitement ressortir de importés des contrées tropicales devaient se ré-
très beaux morceaux de sculpture, presque {>andre dans tout l'Occident. Naples possède à
tous antiques, distribués avec goût les jardins : a vérité un jardin botanique ; ce jardin n'a
du Vatican semblent véritablement romains, point de serres ; il a pour directeur un abbé
mais romains du siècle d'Auguste. plein de zèle et de bonnes intentions, mais
Parmi les fruits les plus communs sur les qui ne sait pas le premier mot de la botanique
marchés de Rome, remarquons les melons de non plus que de l'horticulture.
toute espèce, et surtout les cantaloups, à peine Les jardins de Caserta sont dessinés dans le
meilleurs ici, sur leur sol natal, qu'aux environs goût anglais ; ils sont l'ouvrage d'un jardinier
de Paris. Des échoppes décorées avec une sorte de cette nation envoyé de Londres au roi de
de luxe , ornées de guirlandes de fleurs natu- Naples, Ferdinand IV, par le célèbre botaniste
relles et de rubans fanés, étalent aux yeux des et naturaliste anglais sir Joseph Banks. Ce mal-
amateurs des piles de melons qu'on vend en dé- heureux jardinier, par parenthèse, fut poi-
tail aux passants, au prix le plus modique; ce gnardé, en 1816 , par ses confrères de Naples,
fruit se consomme sur place devant l'étalage
, dont son talent avait excité la jalousie. On ad-
dumarchand,quivousdoit,par-dessuslemarché, mire dans les bosquets qu'il a plantés un choix
un verre d'eau à la glace et l'anecdote du jour. de beaux arbres exotiques, tous de la plus ri-
Tous ces melons sont venus presque sans cul- che végétation.
turc, en plein champ; ils doivent leur qualité Nous quittons Naples pour nous diriger vers
au sol et au climat ; l'horticulture maraîchère, l'Allemagne par la Suisse. Nous n'avons à voir
malgré le débouché que lui offrent les 200,000 en passant que les jardins publics de Bologne,
habitants de Rome, est on ne peut plus négligée peu spacieux, mais bien tenus, et les îles Bor-
autour de cette grande ville. Hâtons -nous de romées, sur le lac Majeur, si souvent décrites,
traverser les pays infestés par la malaria (mau- si souvent figurées, que nous les savions par
vais air) ; ne nous arrêtons pas trop à considé- cœur avant de les voir. Après avoir admire le
rer les sites pittoresques le long de la route, de riche point de vue qu'offrent le lac Majeur et
peur qu'une balle de carabine ne trouble nos ses iles, vus de l'intérieur du nez de la statue
rêveries poétiques en présence de ce pays ad- colossale de saint Charles-Borromée, nous en-
mirable, et hàtons-nous d'arriver à Naples, ce trons en Suisse par la vallée du Tésin.
8ays des anges habité par des démons, comme
it le proverbe italien.

Ici, la nature a tout fait pour l'homme, et


SUISSE , TYROL et ALLEMAGNE.
l'homme continue à faire le moins qu'il peut
pour tirer parti des dons de la nature. Il n'y a Ne nous arrêtons point à passer en revue les
de jardins réellement beaux que ceux des rési- jardins paysagers que nous pourrions trouver en
dences royales et des palais de quelques grands Suisse ; quoique fort agréables et d'un très bon
seigneurs. Le pays autour de Naples devrait style, ils seraient vus avec trop de désavantage
être un jardin : il est à peine cultive ; il est vrai en présence des plus belles scènes de la nature,
que tout y vient presque sans culture. Dans I Quel propriétaire oserait placer une pièce d'eau

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4Z$ HORTICULTURE.
dans son parc à côté da Léman, on une cascade toresque. Nous remarquons dès notre entrée
en vue do Reichenbach? Disons seulement qu'au- dans ses états, le long des grandes routes, des
tour des villes, le jardinage utile est aussi avancé arbres exotiques de toute espèce choisis parmi
qu'en Allemagne, que le goût des fleurs est très ceux qui supportent le climat du pays; ces arbres
général, et qu'on trouve de très beaux jardins se recommandent les uns comme ornement, les
d'agrément dans toutes les situations pittores- autres par leurs usages économiques ; c'est par
ques des rives du Léman et du lac de Con- ses ordres qu'ils ont été plantés afin de mettre
stance. Quelques-unes de ces villas sont visitées, tout le monde à même de juger de leur degré
moins pour elles-mêmes que pour les souvenirs d'utilité et d'agrément. Un pareif système de-
qui s'y rattachent. Les admirateurs de M "" de vrait être adopté et pourrait l'être à bien peu
Staël manquent rarement d'aller au château de de frais dans toute l'Europe ce serait une dé-
;

Coppet, qu'elle a longtemps habité, et qui sans pense publique bien légère et très utile. Nous
cela ne vaudrait guère la peine d'être visité. \ oudrions aussi voir s'étendre à tous les états

Les jardins paysagers sont de même écrasés de l'Europe l'institution des commissions per-
par le paysage naturel dans le Tyrol la Car-
, manentes d'améliorations, chargées par le gou-
niole et le pays de Salzbourg ; il faut entrer vernement bavarois de proposer tous les em-
dans l'Allemagne proprement dite, et s'éloigner bellissements que chaque partie du pays peut
des beautés imposantes prodiguées par la na- recevoir, tels que fontaines, jardins, promena-
ture à ces contrées pittoresques, pour que l'art des ou constructions d'utilité publique; un
du jardinier paysagiste puisse se déployer sans recueil périodique publie les travaux et les rap-
craindre une si écrasante rivalité. ports de ces commissions, qui ont rendu et
Nous regrettons, en quittant la Suisse, le continuent à rendre à l'horticulture bavaroise
soin qu'ont pris les habitants de cet admirable detrès importants services.
pays d'en exploiter les merveilles. Il faut nous Notre première visite est dne au jardin de
enfoncer dans les cantons les plus reculés des Nymphenbourg, à quelques kilomètres de Mu-
montagnes de la Suisse pour jouir à notre aise nich. Ce jardin était dans l'origine un jardin
et sans trouble de l'aspect de la nature sauvage. géométrique, une espèce de petit Versailles,
Sur la route suivie habituellement par les tou- selon la mode du temps où il fut planté. Vers
ristes, nous trouverions partout des sentiers sa- l'époque de la révolution française, il changea
blés avec des garde-fous dans les passades dan- de forme en partie, pour prendre celle d'un jar-
gereux ; partout un loueur de chaises viendrait din paysager. Malheureusement, le sol est tout
tendre la main en nous offrant un siège pour plat à plusieurs myriamètres à la ronde, de
voir commodément un glacier ou un précipice. sorte que l'artiste criargé de dessiner les bos-
Dans le Tyrol, moins fréquenté des étran- quets a été privé de la principale source du pit-
gers, mais non moins pittoresque que la Suisse, toresque, de celle qui résulte d'un terrain acci-
on se souvient encore des visites annuelles du denté à cela près, il a su en tirer tout le parti
;

lord H. qui tous les étés revenait le parcourir possible. Nulle part ailleurs nous ne trouverons
à pied dans tous les sens. Quand ce seigneur y |
une plus riche variété d'arbres et d'arbustes de
vint pour la première fois, c'était avec l'inten- pleine terre; nulle part aussi l'on n'a pris plus
tion d'y acheter une terre et de s'y établir; mais de soin de tout ce qui peut rendre un jardin
jamais il ne put se décider à choisir entre des agréable au promeneur c'est ce luxe dans les
:

milliers de sites tous également pittoresques ; choses publiques, toujours louable là ou tout le
cette incertitude dura plusieurs années, pendant monde est appelé à en profiter.
lesquelles lord H. dépensa des sommes incroya- Le même éloge est dû au jardin public de Mu-
bles pour faire abattre ici un bouquet d'arbres, nich, dessiné exclusivement dans le style pay-
ailleurs une chaumière, ou un pan de rocher ; sager. C'est la plus grande composition de ce
plus loin, il faisait jeter un pont sur un torrent, genre en Allemagne; il n'a pas moins de 20O
ou bien détourner plusieurs ruisseaux pour gros- hectares l'eau en occupe une très grande par-
;

sir une cascade trop peu fournie à son gré, le tie; un beau lac et une jolie rivière servent aux
tout.pour donner à chaque coin de vallée qu'il plaisirs de la promenade sur l'eau. 11 y a dans
avait momentanément en vue pour s'y fixer ce parc des allées de sept à huit kilomètres de
toute sa valeur pittoresque. Après tant de fa- développement; on y retrouve la même diver-
tigues et de dépenses, lord H. se trouva dé- sité de végétation qu'au jardin de Nymphen-
goûté du pittoresque en général et du Tyrol en bourg.
particulier; il revint habiter son hôtel à Londres, On trouve en Bavière un très grand nombre
et se promener dans Hyde-Park. de beaux jardins publics; en outre, les grandes
Si nous voulons prendre une idée de l'état le routes sont pour la plupart de véritables pro-
plus avancé de l'horticulture en Allemagne, menades, avec des bas côtés bien entretenus,
commençons nos explorations par la Bavière ; des lignes d'arbres d'ornement très variés et ,

c'est là que nous verrons les plus beaux jardins de distance en distance, des demi-cercles de ga-
paysagers qui soient en Europe, sans excepter zon ombragés de grands arbres, avec des sièges
ceux de la riche Angleterre. Le souverain ac- commodes pour le repos des voyageurs. Nous
tuel de la Bavière est un des protecteurs les n'oublions pas de rendre justice au soin judi-
plus éclairés du jardinage ; il est surtout ama- cieux qu'on a pris de joindre un jardin spacieux
teur passionné des grands jardins du style pit- et agréable au grand hôpital de Munich, jar-

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COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 439

din exclusivement réservé aux convalescents, solidement fixé dans le sol ; ce chêne était re-
et entretenu avec un luxe de fleurs qui ne sau- couvert de son écorce. Le saule poussa une
rait être mieux à sa place. En France , beau- racine entre le bois et l'écorce pourrie de son
coup de grands hôpitaux, à commencer par étai ; la racine, parvenue à la grosseur du bras,
l'Hôiel-Dieu de Paris, n'ont pas de promenoir fendit l'écorce et descendit jusque dans la terre
où les convalescents puissent prendre l'exercice où elle s'enfonça d'elle-même, rendant ainsi à
dont ils ont si grand besoin. l'arbre un appui naturel qui rend inutile celui
Dans tout le reste de l'Allemagne, deux clas- qu'on lui avait donné.
ses de jardins méritent surtout notre attention Sous le point de vue de la production des
ceux des résidences princières, comme on sait fruits et des légumes, l'Allemagne est au ni-
très multipliées, et ceux des villes où des eaux veau des pays les plus avancés de l'Europe;
minérales attirent un grand concours d'étran- les vergers de l'Allemagne méridionale produi-

gers 5 le style paysager domine dans toutes ces sent en abondance d'excellents fruits; la cul-
compositions. Nous avons parlé des promena- ture forcée, très répandue dans l'Allemagne du
des publiques dont les principales villes d'Alle- nurd, y donne ses produits en toute saison, et
magne sont décorées par les soins de leurs au- à des prix assez modérés. Les jardins potagers
torités municipales; le plus beau de ces jar- sont proportionné* aux besoins de la consom-
dins, dont nous avons donné le plan, fig. 522, mation, et chaque habitation champêtre a sa
est celui de Magdebourg. A Francfort, le plate bande de fleurs. Quelques localités sont
sénat voulant mettre un obstacle de plus à renommées pour la culture de certains légumes;
la fantaisie oui pourrait prendre aux grandes dans les environs d'Ulm (Bavière), les asperges
puissances d'emprisonner dans des fortifica- passent pour être de meilleure qualité que dans
tions les citoyens de cette ville libre, ont fait tout le reste de l'Allemagne ; les amateurs de
jeter les remparts dans les fossés, et convertir cet excellent légume font venir d'Ulm des
le touten jardins dans le goût anglais. C'est graines et même des griffes de ces asperges
une ceinturede bosquets de plusieurs kilomètres pour leurs plantations. C'est une grosse as-
qui entoure la ville ; on n'y saurait entrer d'au- perge violette qui ne diffère pas essentiellement
cun côté sans traverser un jardin. Nous avons de la grosse asperge de Gand.

cité deux exemples de la même sagacité, à Aix- L'Allemagne possède un grand nombre de
la-Chapelle (Prusse-Rhénane) et à Louvain sociétés d'horticulture bien organisées; l'une
(Belgique). des plus célèbres est celle de Frauendorf, qui
En Prusse, les beaux jardins sont les uns sur possède un immense verger planté de toutes
les autres ; le rude climat de la partie septen- sortes d'arbres à fruits ; c est la collection de
trionale de ce royaume y a multiplié les serres ce genre la plus complète de l'Allemagne. La
dans tous les jardins de quelque importance. société d'horticulture de Frauendorf publie
L'horticulture européenne devra le plus beau deux recueils dont l'un hebdomadaire est inti-
jardin d'hiver qu'elle ait possédé jusqu'à ce tulé Gazette des Jardins {Gartcn-Zeitung),
jour, à la libéralité du roi de Prusse, qui con- et l'autre mensuel et spécialement consacre
sacre en ce moment trois millions de sa fortune aux vergers, sous le nom de l'Ami des arbres
privée à faire construire à Berlin une serre co- fruitiers (der Obstbaum Freund). Ces deux re-
lossale où le public se promènera sous la neige cueils sont l'un et l'autre très répandus en Al-
au milieu des arbres et des fleurs de tous les lemagne.
climats, végétant comme dans leur pays natal, Quelques jardins fruitiers, potagers et pay-
en pleine terre. sagers en Allemagne rappellent de grands
Cette serre laissera loin derrière elle celle de souvenirs tels sont, en Saxe, les vergers d'Er-
:

Sch«nbrùnn,résidence impériale prèsdeVienne, furth, déjà célèbres du temps de Charlemagne,


qui passait pour la plus spacieuse de toute et en Prusse les bosquets de Sans-Souci, créés
PAIIemagne. Vienne et les principales villes de par le grand Frédéric.
l'empire d'Autriche ont leurs jardins, les uns La profession de jardinier offre un grand
symétriques, les autres paysagers. En Hongrie, débouché en Allemagne ; ceux oui s'y distin-
le goût symétrique domine encore dans la guent parviennent tous à une honorable ai-
plupart des grands jardins, de même qu'en sance. Les Allemands appliquent à la profession
Pologne et en Russie, sauf quelques rares ex- de jardinier la coutume que quelques profes-
ceptions. sions seulement suivent en France après trois
:

Dans le duché de Bade et dans le Wurtem- ans d'apprentissage, il faut que le jeune jardi-
berg, les pentes des Alpes de Souabe et les as- nier voyage, et il ne peut espérer de se placer
pects pittoresques de ce qui reste de la Forêt- avantageusement s'il n'a fait son tour aAIle-
Noire sont utilisés pour un grand nombre de magne, comme nos tailleurs et nos cordonniers
très beaux parcs. Dans le jardin public de font leur tour de France. Beaucoup de grands
Carlsrûhe, nous ne devons pas manquer de propriétaires, lorsqu'ils ont reconnu dans un
voir un singulier phénomène de végétation , jeune jardinier un degré suffisant d'intelligence
c'est un saule pleureur de fort grande taille, et d'aptitude à s'instruire, le font voyager pen-
planté en 1787 ; un coup de vent le renversa dant deux ou trois ans en Hollande et en An-
en 1816. Une de ses branches fut retranchée; gleterre, dans le but de l'élever à son retour au
l'autre reçut pour l'étayer un tronc de chêne grade de jardinier en chef.

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440 HORTICULTURE.
L'Allemagne a produit un grand nombre de dins d'hiver de Potemkin, qui lui avaient coûté
bons ouvrages sur différentes parties de l'hor- des sommes extravagantes, servir, sous le rè-
ticulture; les écrits de Siekler et ceux de Von gne suivant, de caserne et d'écurie aux soldats
Sckelt sont les plus connus et les plus estimés de Paul 1"; il n'en reste plus que les débris. Ri' n
hors de l'Allemagne ils sont traduits en an-
;
n'est plus commun en Russie que ces ruines mo-
autant dernes de constructions que souvent même leur
Slais, et les horticulteurs anglais en font
c cas que des meilleurs auteurs de leur nation fondateur n'a pas eu le temps d'achever avant
qui se sont occupés d'horticulture. d'être atteint par la disgrâce et l'exil en Sibérie.
Dans le midi de la Russie, il pourrait y avoir
de magnifiques jardins la noblesse sédentaire
;

POLOGNE ET RUSSIE. des provinces méridionales de l'empire russe


est en général trop peu civilisée pour comprendre
Le poème de Delille sur les jardins a rendu les jouissances que peut procurer l'horticulture.
célèbres les parcs attenant aux palais de l'aris- II ne faut pas chercher de jardins autour des
tocratie polonaise, les uns dans le çoût symé- cabanes russes ; l'esclave ne songe guère à em-
trique des anciens jardins français, les au- bellir une terre qui ne peut pas plus lui appar-
tres dans le style pittoresque; cet état de tenir qu'il ne s'appartient loi-même. Ainsi, au
choses a peu changé depuis les descriptions de lieu de faire croître à portée de sa chaumière
l'abbé Delille ; seulement, les troubles civils et sa provision de légumes tels que les admet le
la dévastation qui s'en est suivie ont dispersé climat , le paysan serf se contente de ramasser
la noblesse polonaise , dont les propriétés , en sur les landes les champignons comestibles qu'il
changeant ae maîtres, ont en partie changé conserve en les faisant fermenter, mets repous-
d'aspect : les Russes ne sont pas renommes sant qu'on ne saurait manger ni digérer à
pour la pureté de leur goût, pas plus en jardi- moins d'être russe.
nage qu'en toute autre matière. Les autres bran- On trouve autour des villes quelques pota-
ches de l'horticulture sont du reste, en Pologne, gers et un certain nombre de jardins fleuristes :
au niveau de l'état des connaissances actuelles ils sont cultivés presque tous par des Allemands;
dans les pays voisins. la cerise du nord et quelques espèces de pom-
En Russie, la rudesse du climat donne aux mes sont les fruits oui y mûrissent le mieux.
serres une importance qu'elles n'ont point ail- Parmi les variétés de pommiers cultivés dans
leurs; pendant plus de sept mois de l'année, la ces vergers, nous remarquons celle dont le
promenade au dehors n'est pas tcnable ; les ser- fruit, connu sous le nom de pomme de Moscou,
res, assez spacieuses pour servir de promenade dépasse le volume des plus grosses pommes
d'hiver, ont, sous un tel climat, plus de valeur connues : c'est du reste son seul mérite. Le
que partout ailleurs. peu de valeur réelle de ce fruit monstre est la
Le jardin botanique de Pétersbourg contient seule raison qui l'ait empêché de se propager
des serres d'une longueur immense ; elles for- dans les vergers d'Europe.
ment un parallélogramme coupé par une ligne Dans tout le nord-ouest de la Russie, jusqu'en
intérieure de construct ions semblable à celle dont Livonic et en Courlande, on cultive, sous le
se composent les côtés. Tous ces bâtiments, nom tfarbre aux pois, l'acacia caragana, qui
mis l'un au bout de l'autre , auraient environ réussit assez bien dans les situations abritées.
1 ,200 mètres de longueur totale. L'aspect de Ses graines, écossées vertes, forment un mets
l'ensemble a quelque chose d'imposant par son assez peu agréable, plus propre à la nourriture
étendue. Mais lorsqu'on examine ces serres en du bétail qu'à celle de l'homme, mais qui n'a
détail, et surtout lorsqu'on les compare à celles rien de malfaisant quand on parvient à le di-
des pays plus avancés que la Russie en civili- gérer.
sai ion, on y reconnaît la grossièreté et l'imper- Jusqu'à ces derniers temps, la pomme de
fection , jointes à la prétention qui caractéri-
, terre ne s'est propagée que très difficilement en
sent en général les ouvrages des Russes dans Russie. Encore aujourd'hui les paysans russes
,

tous les genres ainsi, les châssis joignent mal ;


: refusent absolument d'en manger, par suite de
le verre n'est qu'à demi transparent et rempli leur aversion naturelle pour tout ce qui est nou-
de défauts ; le mode de ventilation est défec- veau; « ils prétendent, dit un voyageur anglais,
tueux ; on ne sait couvrir pendant l'hiver et que toute nouveauté mise en avant par leur
ombrager pendant l'été qu'avec des planches maître doit être à l'avantage du maître, et ne
qu'il faut continuellement ôter et remettre, non peut être, par conséquent, qu'à leur préjudice. »
sans casser beaucoup de carreaux de vitre. La Le peu de légumes d'Europe qu'on rencontre
végétation des plantes exotiques, dans de pa- çà et là en Russie a été apporte par les étran-
reilles serres, est ce qu'elle peut être, c'est-à- gers, toujours en grand nombre au service
dire assez misérable ; c'est quelque chose pour russe, et presque seuls en possession du com-
les Russes ; mais en Europe, cela ferait hausser merce des villes.
les épaules. Le houblon est indigène en Russie ; on en
Deruis Pierre-le- Grand, la Russie a vu s'é- mange les pousses au printemps en guise d'as-
lever et disparaître bien des fortunes exorbi- perges, comme cela se pratique en Belgique et
tantes. Pour n'en citer qu'un exemple fameux, dans le nord de la France; c'est un mets aussi
relatif au jardinage, on a vu les magnifiques jar- |
sain qu'agréable.

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COUP D'OEIL SUR LB JARDINAGE EN EUROPE.
Nos arbres d'ornement les moins sensibles au de l'université de Copenhague, sont dirigés par
froid de nos plus rudes hivers gèlent en Russie. des jardiniers du premier mérite c'est déjà le
:

On ne peut avoir à Pétersbourg ni lilas, ni cy- jardinage allemand, d'autant plus digne d élo-
tises, ni syringas, autrement qu'en les traitant ges pour ses efforts et ses succès, qu'il doit lut-
comme plantes d'orangerie ; il faut les cultiver ter contre des conditions de climat plus défavo-
dans des caisses, et les rentrer pendant l'hiver. rables à l'horticulture. En Danemark, nous
On conçoit combien doit être borné le nombre retrouvons en abondance les légumes de Hol-
des arbres et arbustes qui supportent la pleine lande les meilleurs et les plus délicats de tous
,

terre sous un pareil climat. Dans quelques loca- ceux du nord de l'Europe. Les arbres à fruits,
lités très bien abritées, on voit çà et là un poirier cultivés presque tous en espalier,
y donnent,
en espalier rien n'est plus rare que de le voir
: à l'aide de quelques abris momentanés au prin-
fleurir et fructifier. Tous les autres fruits d'Eu- temps, dos fruits très passables. Des serres sont
rope ne viennent à maturité que dans la serre. consacrées à tous les genres de culture forcée.
Nous avons aussi à saluer en Danemark de
nombreuses collections de plantes d'ornement ;
SUÈDE ,
NORWÉGE, DANEMARK. e goût des plantes de collection n'est pas moins
répandu dans ce pays qu'en Angleterre.
Quand même nous n'aurions à voir que le seul Ici se termine notre revue du jardinage eu-
jardin de l'université d'Upsal,en Suède.dans tou- ropéen. Nous pourrions encore en montrer le
te la Péninsule Scandinave, nous ne pourrions rayonnement sur tous les points du globe, par-
nous dispenser de traverser la Baltique, et de vi- tout où la race d'Europe a pris possession du
siter, en terminant notre revue du jardinage eu- sol. Les États-Unis nous montreraient la répé-
ropéen, le théâtre des travaux du premier bota- tition des vergers et des parcs de l'Angleterre ;
niste des temps modernes , du célèbre Linnée, nous pourrions suivre jusqu'à Ceylan l'horti-
dont nous trouvons le souvenir encore vivant à culture anglaise avec ses collections, ses par-
Upsal. Ce jardin botanique, le dernier de l'Eu- terres et ses jardins paysagers. L'Amérique
rope vers lé nord , est tenu avec un soin et un espagnole nous montrerait la répétition des jar-
talent remarquables. Au nord d'Upsal, nous dins géométriques solennellement ennuyeux
trouvons encore de beaux jardins et des ver- de l'Escurial; enfin, pendant l'occupation de
gers productifs près de Drontheim, en Norvège, l'Egypte par les Français, nous pourrions mon-
dans des vallées très abritées nos légumes y : trer nos jeunes états-majors dansant à la clarté
croissent, mais ne durent qu'un moment ; on y des illuminations en verres de couleur sur la
supplée par la culture forcée. terre des Pharaons dans un tivoli improvisé
,

Au nord de Drontheim, nous pouvons saluer, aux dépens des jardins du sérail de Mourad-
près du cap Nord, en Laponie, les derniers Bey, le dernier chef des Mamelucks.
choux et les dernières pommes de terre du con- En résumant nos impressions, la revue du
tinent européen. Nous trouverions encore des jardinage européen nous le montre avec une
traces du jardinage autour des cabanes des tendance remarquable à rentrer dans ses véri-
paysans islandais ; il y en a même beaucoup tables limites , a cesser, même dans les pays
plus au nord que l'Islande, dans les établisse- de haute aristocratie, de dérober à la culture de
ments danois sur la cote du Groenland mais ; vastes espaces pour les jouissances d'un seul,
l'Islande et le Groenland n'appartiennent réelle- à satisfaire pleinement, largement à des prix
ment pas à l'Europe. Quelques beaux jardins raisonnables, le goût de tous pour les végétaux
aux environs de Stockholm méritent que nous d'ornement, et les besoins de tous par la pro-
les visitions, bien que le style symétrique y do- duction des végétaux alimentaires c'est uno
:

mine tous sont ornés de fort belles serres


: bonne voie, c'est celle du véritable progrès.
riches en plantes précieuses de tous les pays, L'horticulture doit y persévérer.
et parfaitement cultivées. L'horticulture française, moins avancée que
Nous donnerons un coup d'œil au jardin bo- celle de beaucoup d'autres pays sous certains
tanique de Christiania avant de passer le Sund rapports, s'avance dans toutes les directions
pour voir les jardins du Danemark. Nous trou- d'un pas si rapide qu'elle voit approcher avec
vons dans ce royaume l'horticulture en progrès. certitude l'instant où la première place ne
Copenhague a vu se former tout récemment sa pourra lui être disputée. Cette place lui appar-
Société d horticulture, qui doit, au moyen d'une tient déjà pour toute la partie utile de l'horti-
souscription promptement remplie, doter cette culture j sous un autre point de vue, nos horti-
ville d'un très beau jardin botanique, qui ser culteurs n'ont pas de rivaux dans l'art si difficile
vira en même temps de promenade. de la multiplication des plantes exotiques, et ils
La botanique et l'horticulture ont été de tout perfectionnent de jour en jour leurs procédés.
temps en honneur en Danemark. Les parcs, Qu'il nous soit permis d'exprimer en termi-
jointsaux châteaux et aux résidences royales, nant l'espoir de concourir, nous aussi, à la
sont dessinés dans le meilleur style les jardins ; marche progressive de cet art qui, comme une
botaniques dont le plus remarquable est celui
, dérivation de l'agriculture, a également pour
de Charloltenbourg, qui sert à l'enseignement objet de fertiliser et d'embellir le sol de la patrie

T. V. — 5«
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CALENDRIER DU JARDINIER
JANVIER. l'assaisonnement le plus général. L'oignon
blanc est préférable aux autres espèces pour
er -— Jardin potager. ces premiers semis.
§ 1 .

Fèves. — Les amateurs de ce légume peu-


Asperges. — En même temps que l'on con- vent semer les premières fèves à l'abri, en
tinue à forcer les asperges pour les vendre pleine terre, dès le milieu de janvier en con-
comme primeurs, on doit songer à préparer sultant moins la date du mois que la tempé-
l'emplacement que doivent occuper au prin- rature. On aura soin de les couvrir en cas de
temps les plantations de nouvelles griffes dont gelée, lorsqu'elles seront sorties de terre. De
on ne recueillera les fruits que dans trois ans, même que les pois de pleine terre, elles gèle-
ou les semis en place dans le même but. Les ront toujours, mais non pas de manière à
fosses doivent être creusées à un mètre de pro- périr, et elles pourront donner leur grain en
fondeur la largeur varie à volonté mais, en
; ; vert douze ou quinze jours avant celles qui
Kincipe, elle ne doit pas dépasser le double de seraient semées à la fin de février, avance qui
space où peut atteindre le bras d'une per- n'est point à dédaigner. Les meilleures espèces
sonne de taille moyenne, agenouillée sur le de fèves pour les semis de janvier sont la fève
bord, afin que, soit pour la plantation, soit plus julienne et la naine hâtive. La fève à longue
tard pour la récolte , il soit toujours facile cosse, beaucoup plus productive, est presque
d'arriver au milieu du futur carre d'asperges aussi précoce que les deux précédentes.
sans être forcé de marcher dessus. Los alterna- Carottes. — La culture de ce légume est tel-
tives de froid, de chaud, de sécheresse et d'hu- lement importante aux environs de Paris, que
midité, sont fort utiles à l'amélioration des tout jardinier lui doit une large place sur ses
terres retirées des fosses, terres qui serviront couches comme en pleine terre, au retour de
ensuite à recouvrir les asperges. Quant au fond la belle saison. Les premières carottes se sè-
de la fosse, il est indifférent qu'il s'améliore ou ment sur couche tiède au commencement de
non, puisque les asperges ne seront jamais en jauvier; il vaut mieux semer trop serré que
cohtact avec lui. trop clair. Nous engageons les jardiniers ama-
Artichauts. — Le mois de janvier peut leur teurs qui habitent les déparlements à se pro-
être funeste si l'on n'a pas soin de leur donner curer de confiance auprès d'un maraîcher, ou
de l'air en les découvrant chaque fois que le dans une des grandes maisons de graineterie
temps le permet il faut surtout se délier des
; de Paris, de la véritable graine de carottes de
pluies abondantes, mêlées de neige fondue, qui l'excellente variété obtenue par la culture,
très souvent, sous le climat de Paris, rempla- provenant dans l'origine de la carotte toupie
cent les gelées dans les mois de décembre et de Hollande. Cette variélé, loin de perdre sa
de janvier. Les pieds d'artichauts trop forte- saveur par la culture forcée, n'est pas moins
ment buttés et trop garnis de litière ne peuvent agréable lorsqu'elle est obtenue sur couche que
alors manquer de pourrir si l'on ne les dégarnit celle qu'on obtient au printemps en pleine
promptement, tout en laissant à leur portée de terre. Si les consommateurs de Paris n'en fai-
quoi les regarnir si le temps se remet au froid. saient pas un cas particulier, ce qui la maintient
Quelques précautions que l'on prenne, une gelée toujours à un prix raisonnable, le temps qu'elle
subite de quelques degrés seulement, succédant met à croître en rendrait la culture forcée peu
à des pluies prolongées, éclaircira toujours les avantageuse; mais on ne doit pas regretter
rangs des artichauts. C'est en janvier qu'il faut sa peine lorsqu'on vend, comme l'an dernier,
vendre ou manger les artichauts serres avant 80 centimes et 1 franc un paquet de carottes
l'hiver avec leur tête à demi formée si l'on at- ; recueilli sur un carré de 0 ,50 de côté, ce qui
tendait plus tard, quoiqu'ils fussent encore donne de 3 fr. 20 c. à 4 fr. par mètre carré.
mangeables, leurs feuilles calicinales se raie- Les carottes doivent être bassinées même avant
raient de brun, et ils ne pourraient plus paraî- la levée de la graine, et maintenues ensuite
tre sur la table autrement que frits. dans un état constant de fraîcheur par des
Oignons. — Lorsque le temps est doux et arrosages souvent répétés. On ne doit pas
qu'il s'est passé quelques jours sans pluie et craindre de renouveler fréquemment les ré-
sans forte gelée, on peut hasarder quelques chauds autour des couches consacrées aux ca-
graines d'oignons en pleine terre, sur les plates- rottes ; elles ne redoutent point la chaleur de
andes les mieux abritées ; ces oignons vien- la couche, pourvu qu'on ne les laisse pas man-
dront de bonne heure et seront bons à être em- quer d'humidité.
ployés à la moitié de leur grosseur, avec les Haricots. — On commence à récolter les ha-
premiers petits pois de pleine terre dont ils sont ricots verts provenant des premiers semis sur

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CALENDRIER DU JARDINIER. 443
couche cette récolte doit se faire avec précau-
;
cincs. Nous ferons relativement à la vigne,
ici,

tion, en se servant de l'ongle da pouce; si l'on une observation basée sur des faits que nous
n'y mettait pas les ménagements nécessaires, avons eu plusieurs fois occasion de vérifier par
la récolte serait presque nulle, car la Heur de nous mêmes. La vigne, quel que soit son âge,
haricot, qui tient fort peu à la tige quand il supporte bien la transplantation durant le
croit en pleine terre, y adhère encore bien temps où sa végétation est suspendue. En voici
moins quand cette plante est élevée sur cou- deux exemples. En 1814, nous trouvant au
ches. On continue les semis pour remplacer les mois de janvier au hameau des Bordes (Seine-
plants épuisés et ne pas éprouver d'interrup- et- Oise), nous vîmes arracher un très beau cep
tion dans les récoltes. de chasselas, fort vieux, adossé à un ancien
Choux et Choux- fleurs. —Le
mois de jan- bâtiment qu'on devait reconstruire au prin-
vier doit être utilise pour réparer, au moyeu temps. Ce cep avait des racines si nombreuses '

des couches, les pertes que la mauvaise saison et si fortes que nous conseillâmes à un fermier
peut avoir fait éprouver au plant de choux et d'essayer de le planter contre le pignon de sa
de choux-fleurs venu en pleine terre, soit en grange, à l'exposition du midi. Des tranchées
pépinière, soit en place. Dans ce cas il faut se profondes d'un mètre furent ouvertes dans
contenter de semer sur couches les espèces hâ- trois direction!, et l'on y disposa les racines de
tives, choux d'York ou cœur de bœuf, et chou- la vigne dans de bonne terre rapportée; la vi-
fleur demi-dur ; mais il se passe souvent plu- gne fut aussitôt taillée fort court. Elle reprit
sieurs années sans qu'on ait besoin de sacrifier avec une merveilleuse facilité; dès la seconde
des couches et des châssis pour cet usage. année elle couvrait un grand pan de mur et
Melons. —Le mois de janvier est la véritable donnait en abondance d'excellent raisin.
époque pour les semis des melons cantalous , En 1832, faisant construire une terrasse de-
les seuls dont on fasse cas actuellement dans la vant une maison de campagne sur un coteau
culture maraîchère des environs de Paris. au pied de la citadelle de Liège (Belgique),
Beaucoup de jardiniers sont encore dans l'usage nous ne voulûmes pas sacrifier un cep de vigne
de semer chaque graine séparément dans un de Frankentai d'une qualité supérieure. Vers
petit pot qu'on enterre dans la couche; quand le milieu de janvier, nous fîmes dépaver et
le plant est assez fait pour être mis en place, creuser le sol pour mettre à nu les racines de
on le plante avec toute la terre du pot, sans la vigne ; elles furent dérangées avec précau-
causer aucun dérangement à la végétation. tion et disposées de manière à ne pas rencontrer
Dans la culture en grand on peut se dispenser les travaux de maçonnerie qui eurent lieu au
de cet embarras il suflira de semer assez clair,
; printemps suivant. La vigne fructifia comme à
à même la couche, et surtout, ce qui est le plus l'ordinaire, sans qu'on remarquât aucun chan-
essentiel.de tenir le terreau dans un état moyen gement, soit dans la qualité, soit dans la quan-
de fraîcheur qui permette d'enlever le plant de tité du raisin ;elle continua de végéter avec la
melon en motte sans difficulté. Replanté à même vigueur. Si l'on rapproche ces faits des
l'instant même et assuré par un léger arrosage, expériences d'un agronome de Saône-et-Loire
il n'en soulfre pas sa croissance n'en est pas
; qui a déterré toutes les racines de plusieurs
essentiellement retardée. ceps en hiver pour les enduire d'une solution
Les défoneemenls et les labours d'hiver dans d'alun, opération oui depuis trois ans n'a pro-
lejardin potager doivent être achevés en jan- duit sur la vigne d autre effet qu'une augmen-
vier ; la pleine terre ne réclame plus sur aucun tation remarquable dans la quantité du raisin,
point la présence du jardinier, tout occupé de sans en altérer la qualité on en conclura que
,

la culture artiGcielle des primeurs sur cou- les plantations d'automne ne sont pas de ri-
ches. Les travaux de ce mois, pour cette cul- gueur pour la vigne, comme le pensent la plu-
ture, sont les mêmes que ceux du mois précé- Iiart des praticiens, et que, lorsque le besoin
dent. 'exige, on peut traiter une vigne, même très
— Jardin vieille,comme un végétal rustique plein de res-
§ II. fruitier.
sources, pouvant reprendre à tout âge, au grand
Le nombre des arbres susceptibles d'être avantage du jardinier, qui, par ce procédé,
taillés augmente à mesure que la saison avance s'assure une récolte abondante et prochaine.
;

le sécateur et la serpette sont en pleine activité; Les moments d'inaction rendus inévitables
cependant il est prudent de ne pas toucher jus- par le mauvais temps doivent être utilisés pour
qu'à la lin de février aux arbres fruitiers à des travaux de prévoyance qui peuvent s'exé-
noyaux, non plus qu'à la vigne. Chez les uns cuter à la maison. Ainsi, l'on pourra s'occuper
comme chez l'autre, il faut laisser les boulons activement de la construction des treillages
à bois ou à fruits devenir plus faciles à distin- destinés à des murs neufs ou récemment garnis
guer, ce qui ne peut manquer d'arriver, puis- de jeunes arbres en espalier. A Paris et aux en-
que l'hiver, quelque rude qu'il soit, ne les em- virous, la profession de trcillageur constitue un
pêche pas de grossir, bien que l'arbre qui les état à part ; mais ailleurs le jardinier doit, au-
porte semble avoir du reste complètement in- tant que possible, tout faire par lui-même.
terrompu sa végétation. Presque tous les arbres Nous ferons connaître, à cette occasion,
à fruits peuvent être plantés en janvier, excepté 3uelques usages locaux qu'il nous semble utile
lorsque la gelée pourrait endommager leurs ra- e répandre, relativement au palissage des ar-

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1

444 CALENDRIER
bres en espalier. Pour commencer par Paris, matière doit être aussi durable et moins dispen-
nous dirons qu'on devrait imiter partout la dieuse que le treillage en cœur de chêne.
coutume des jardiniers de la banlieue, qui, lors- Dans toute la basse Provence, les roseaux
que les murs ne sont point garnis de treillage, qui de tout temps remplacent les lattes pour le
palissent à la loque. Ce terme très expressif plafonnage, doivent avant peu devenir pour
désigne en effet l'emploi d'une immense quan- treillage d'un usage universel ; comme leur prix
tité de loques de drap vendues par les tailleurs. est toujours assez élevé, on les fend dans leur
Pendant les longues soirées d'hiver, on les longueur, par économie, au lieu de les em-
coupe en carrés longs ; pour s'en servir, on en ployer tout entiers. Quelques touffes de cannes
passe un morceau autour de la branche, on de Provence cultivées depuis plusieurs années
réunit les deux bouts, et on les fixe l'un sur autour du réservoir du abyrinthe au Jardin
l'autre par un clou dans la muraille. Les bran- des Plantes, prouvent que cet utile roseau
ches, par ce procédé, ne craignent aucune peut être cultivé avec succès sous le climat de
ccorchure; la laine qui pénètre avec le clou Paris, quoiqu'il n'y parvienne pas à la hauteur
dans l'enduit du mur amortit le coup de mar- qu'il atteint sur les côtes de la Méditerranée,
teau, et empêche le crépissage de se détacher. j

En l'absence du treillage, nous ne connaissons S UI. — Parterre.

de meilleur procédé que celui que nous allons


Les rares beaux jours du mois de janvier
décrire ; mais le palissage à la loque est prati-
permettent encore de rendre une visite au par-
cable partout, tandis que le procédé suivant ne
terre ; on y trouvera en fleur en pleine terre
peut être mis à profit que dans quelques loca-
les deux perce-neige (le leucoïum et le galan-
lités.
îhus) , le tussilage odorant, l'ellébore noir, les
Les jardiniers de tontes les provinces wal- daphnés et la violette que le moindre abri,
lonnes de la Belgique, même dans les jardins comme nous l'avons indiqué, peut forcer à
des châteaux où l'on ne regarde pas à la dé- fleurir tout l'hiver. Le jardinier peut commen-
pense, se servent pour palisser leurs espaliers
cer dans les beaux jours de janvier la taille de
d'un moyen bien moins coûteux que le treillage
ses rosiers de collection ; cette opération a été
a demeure. Dès qu'un arbre a pris sa seconde
si souvent décrite que nous croyons pouvoir
fouille après sa mise en place, on fixe perpen-
nous dispenser d'en reproduire ici les détails ;
diculairement sur l'un de ses côtés, a l'aide
elle n'offre d'ailleurs aucune difficulté sérieuse ;
d'un clou à crochet très recourbé, une baguette il suffit de savoir apprécier à la vue la force
de cornouiller d'une longueur proportionnée
des sujets, force très variable selon les espèces,
aux dimensions de l'arbre. D'autres crochets et de tailler les plus robustes plus longs que
forcent la baguette à décrire une courbe sur la-
les faibles. En général, nous nous sommes tou-
quelle l'espalier est palissé avec des attaches
jours bien trouvé d'une taille courte pour pres-
d'osier fin. A mesure que l'arbre grandit , on que tous les sujets ; c'est un principe admis par
fixe sur le mur de nouveaux demi-cercles de les horticulteurs belges.
baguettes. On peut aussi les placer horizonta- Quant aux rosiers en buisson, ils seront ton-
lement pour la conduite de la vigne et des poi-
dus, sans cérémonie, avec les cisailles qui ser-
riersà angle droit. vent à tondre les haies.
Rien de plus facile et de plus économique
que ce mode de palissage ; si une baguette est S IV. — Jardin paysager.
ou pourrie, on la remplace sans déran-
ger l'arbre en toute saison de l'année, et l'on Le jardin paysager, quoique privé de sa
n'expose pas à l'action destructive de l'atmo- principale parure, méritera pourtant aussi d'ê-
sphère tout un treillage d'un prix très élevé, tre visité, ne fût-ce que pour respirer l'odeur
dont les 9 dixièmes resteront plusieurs années des fleurs du calycanthus précoce (calycanthus
sans emploi, en attendant la croissance des Japonica), odeur analogue à celle de quelques
arbres. mets recherchés, excitant, comme la vanille,
Le cornouiller, bois d'un tissu très dur, ré- la sensation d'une saveur en même temps que

siste indéfiniment aux intempéries des saisons; celle d'un parfum. D'ailleurs, le cognassier du

il dure au moins le double du meilleur treillage


Japon, dans une situation bien abritée, et le
en bois de chêne, sous le climat pluvieux de la magnolia à fleur violette donneront déjà des
Belgique. Des Irais entiers de cornouiller sont espérances de floraison dont l'horticulteur se
cultivés en taillis pour cette destination; on plaît à suivre les développements.

trouve partout à en acheter des bottes de ba- Dans les situations abritées, les araucaria et
les autres arbres exotiques qui passent l'hiver
guettes dépouillées de leur écorce, comme l'o-
sier préparé pour la vannerie. Ces taillis, cou-
en pleine terre moyennant un aori, ont besoin
pés a 5 ans, donnent des pousses parfaitement d être à demi découverts pour profiler des belles
droites et flexibles, qui ont depuis deux jusqu'à
journées, quand la température le permet ; ils
cinq mètres. Quand elles sont anciennement doivent toujours être recouverts avant la nuit.
coupées, il faut les humecter avant de s'en
servir.
§ V. — Orangerie et terre».

Dans nos départements du midi, l'usage des La grande analogie de température des mois
pour treillage devient fréquent ; cette de décembre et de janvier sous notre climat

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DU JARDINIER
rend occupations du jardinier presque sem-
les soin d'aucun abri ; les froids qui ne manque-
blables à ces deux époques de l'année, dans ront pas de se faire sentir plus lard , à moins
l'orangerie et les serres. II aura soin d'entre- qu'ils ne soient d'une rigueur extraordinaire,
mêler aux végétaux dépourvus de fleurs ceux ne pourront en arrêter la végétation.
dont la floraison commence en janvier, des ca- Haricots. —Plusieurs mois se passeront en-
mélias, des strélitzias, des éricas en grand core avant qu'on puisse confier le haricot à la
nombre, et s'il n'en possède pas assez pour la pleine terre; on aura donc soin de renouveler
décoration de sa serre, il y pourra joindre des les semis sur couches à peu près tous les quinze

lilas forcés en pots ou en caisse, et les diverses jours , en donnant aux plantes les soins que
plantes bulbeuses dont on obtient aisément la nous avons indiqués. Le haricot vert de grande
floraison artificielle pendant tout l'hiver. primeur est toujours très recherché en hiver,
principalement pour les riches convalescents
auxquels il offre un mets de très facile diges-
FÉVRIER. tion ; on peut donc près des grandes villes,
,

compter sur un débit avantageux de ce pro-


§ 1
er
. — Jardin polagcr. duit , et continuer à forcer des haricots sur
couches jusqu'au moment où ils auraient à
Pou. —
Les semis de pois en pleine terre soutenir la concurrence des haricots de pleine
dans les premiers jours de février sont une terre.
opération très importante, soit pour le jardinier Oignons. — Les semis des pois et des fèves
marchand voisin d'une grande ville soit pour , en pleine terre sont souvent entravés par la
,

l'amateur jaloux de tirer parti de toutes les res- rigueur du froid. Le proverbe à Paris et dans
sources de son art. Les petits pois risqués jus- les départements voisins dit avec raison : A la
3 D'alors en pleine terre ne promettent que Chandeleur, grande douleur; en effet, les ge-
es produits fort incertains ceux qu'on élève ; lées les plus fortes viennent fréquemment à
sur couches ne reproduisent que fort imparfai- cette époque. Mais quand le 15 février est passé,
tement le goût des pois venus en pleine terre ; laissant derrière lui le nombre de jours de fortes
mais les semis des premiers jours de février, gelées ordinaires sous le climat de Paris, alors
qui portent en jardinage le nom de pois de la on peut se regarder comme hors de l'hiver et
Chandeleur, offrent la perspective d'une récolte ne plus s'attendre qu'à des gelées blanches,
à la fois assurée, abondante et de bonne qua- dont les plus à craindre sont celles de la fin
lité. II est bon d'en activer la végétation avec d'avril ou des premiers jours de mai. C'est donc
des cendres de bois, si l'on peut s en procurer, vers le 15 février qu'on peut raisonnablement
ou même avec de la châtrée, nom qu'on donne commencer à semer en pleine terre l'oignon
aux cendres après que les blanchisseuses en blanc, qui n'est pas destiné à atteindre toute sa
ont fait usage pour couler la lessive. On ne grosseur. Ces semis sont le plus souvent ac-
doit pas craindre de consacrer aux pois de la compagnés d'une petite quantité de laitue. On
Chandeleur toutes les plates- bandes bien expo- choisit de préférence la laitue gotte, qui tourne
sées qui restent libres à cette époque. Bien facilement sans devenir très grosse ; c'est celle
qu'on doive préférer pour ces semis le pois nain de toutes qui nuit le moins aux oignons, parce
de Hollande , qui n'est jamais très productif qu'elle leur abandonne le terrain quand ils sont
néanmoins on ne sera pas dans la nécessité de encore très jeunes; cependant il vaut mieux,
le pincer d'aussi bonne heure que le même pois sous tous les rapports, s'abstenir de ce mélange
élevé sous châssis; il portera donc un plus et cultiver séparément ces deux produits.
grand nombre de fleurs, et les cosses qui les Artichauts. —
Dans la dernière quinzaine de
suivront seront mieux remplies. 11 ne faut pas février les artichauts doivent rester découverts
coucher ces pois, mais au contraire les garnir toute la journée ; on les recouvre seulement le
de rames courtes, qui favorisent leur fructifi- soir, chaque nuit pouvant être accompagnée
cation. Beaucoup d'amateurs préfèrent au pois de gelée blanche. Cette besogne n'a rien a'ef-
nain de Hollande le pois Michaux hâtif; il frayant ; il ne s'agit que d'exposer à l'air ou au
|

s'élève un peu plus haut et donne davantage , soleil le cœur de chaque plante, pour éviter la
mais le nain de Hollande le devance constam- pourriture bien plus a craindre encore que la
ment de plusieurs jours. On n'en continue pas gelée. D'ailleurs, négliger ces soins essentiels
moins les semis de pois sur couches; les pre- en cette saison, c'est perdre toute la peine
miers doivent être alors en pleine récolte. prise précédemment au moment d'en recueillir
Fèves de marais. —
Dans la première quin- les fruits.
zaine de février , on peut effectuer tous les se- Epinards. — Les derniers épinards semés à
mis de fèves de marais en pleine terre , soit en l'arrière-saison ne sont bons à être coupés que
bordure, soit en planches. Les terres relevées vers milieu de l'hiver; on aura soin de les
le
en ados, entre les fosses d'asperges récemment ménager pour la saison la plus rigoureuse de
creusées , conviennent parfaitement à ce lé- l'année. L'épinard possède par-dessus toutes les
?fume ; si ces terres n'étaient pas abondamment autres plantes potagères le singulier privilège
umées quand elles ont été déplacées il fau- , de geler et de dégeler sans en souffrir, quoique,
drait garnir de bon fumier chaque trou destiné sous l'action d'un froid vif, ses feuilles devien-
à recevoir deux ou trois fèves. Elles n'ont be- nent d'un vert noirâtre avec une demi-lrans-

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446 CALENDRIER
parence qui porterait à croire qu'au dégel elles — Jardin
$ II. fruitier.
vont entrer en décomposition. Les maraîchers
des environs* de Paris ont un talent tout parti- du terrain où l'on
Quelle que soit la nature
culier pour faire dégeler dans l'eau froide les plante, mois de février est le terme dé ri -
le

feuilles d'épinards, les laisser ressuyer et leur gueur pour les plantations de toute espèce. Si
rendre l'aspect de la fraîcheur nécessaire pour Ton n'a pas pu, sur un sol trop compacte rete-
en faciliter la vente. Nous avons dit précédem- nant l'humidité, suivre notre conseil en plan-
ment qu'on devait, pendant les chaleurs de Tété, tant de bonne heure, au moins devra-t-on.
préférer à l'épinard la tétragone, qui est moins mettre à profit les premiers beaux jours de fé-
sujette à monter. On doit bien se garder d'ap- vrier pour cette importante opération. Les ar-
pliquer ce précepte à la culture des épinards bres à fruits à noyaux en plein vent, spéciale-
pour Thiver; la tétragone ne résiste pas au ment les cerisiers et les abricotiers, doivent
froid. être enterrés plus profondément que les arbres
Choux spruyt ou de Bruxelles. — On réser- à fruits à pépins leurs racines doivent se trou-
;

vera une bonne provision de ce chou pour la ver d'autant plus avant dans le sol qu'il est de
récolter pendant le mois de février. Plus la ge- plus médiocre qualité. Ces arbres sont bien
lée passe dessus, plus il devient tendre et déli- plus sensibles a l'exposition qu'à la nature
cat; d'ailleurs, la rareté des autres légumes même du terrain; on peut en obtenir des fruits
verts augmente le prix de celui-ci ; sa conser- abondants et d'excellente qualité en les plan-
vation ne cause aucun embarras, il n'y a d'au- tant dans des terrains fort peu fertiles, mais on
tre peine à prendre que celle de cueillir les jets risque de perdre une partie des jeunes sujets
à mesure qu'ils se forment. Le choux spruyt pendant les fortes chaleurs de l'été qui suit leur
ne craint ni la neige ni les fréquents dégels ;
plantation si les racines sontassez rapprochées
mais il faut pour cela qu'il soit parfaitement de la surface de la terre pour éprouver l'action
franc d'espèce, ce qu'on ne peut espérer que des rayons du soleil» Quelques gazons épais
quand la semence vient directement de son sol posés sens dessus dessous sur la terre qui cou-
natal pour peu qu'il commence à dégénérer,
;
vre immédiatement les racines de ces arbres,
il n'est pas plus insensible à la neige que tous et recouverts eux-mêmes de 0 m ,10 de terre,
nos autres choux. sont un excellent préservatif contre l'excès de
Du J5 février au 1" mars, le jardinier dont la sécheresse et de la chaleur.
le terrain a été préparé d'avance par des dé- Février est le mois par excellence pour le
foncements et des labours pendant les mois choix des jeunes branches réservées pour greffes
précédents , ayant fait sa provision de divers ou pour boutures. Les traités de jardinage les
engrais, reprend sa besogne dans le jardin po- plus justement accrédités conseillent de couper
tager et commence à lui donner sa tenue de et de mettre à part ces branches avant l'hiver,
printemps. Les couches usées sont démolies, ou tout au plus tard en décembre: on les con-
elles fournissent du terreau et du fumier à serve, dans ce cas, en les plantant en paquets
demi décomposé pour garnir les plates-bandes; à l'abri, le gros bout en terre. Nous ne pou-
des couches neuves sont construites selon le vons, sur ce point important, être de leur avis ;
besoin. Le commencement de février est pour nous n'avons jamais éprouvé dans la pratique
Paris et les grandes villes une époque essentiel- qu'il y eût le moindre avantage réel a laisser
lement gastronomique; la grande consomma- souffrir tout un hiver les greffes et les boutures
tion des champignons de couche doit engager séparées prématurément des arbres dont elles
les jardiniers a en multiplier la production ; proviennent. Le moment où s'opère la taille
Montrouge, Arcueil et Genlilly en fournissent générale des arbres à fruits et de la vigne, c'c.st-
à cette époque des quantités prodigieuses. Ce a dire la première quinzaine de février, met à
sont ces communes qui envoient aux amateurs la disposition du jardinierun choix de rameaux
. des départements le blanc de champignon le propres à former des greffes et des boutures ;
plus estimé. Si la saison se comporte bien, la les greffes n'attendront pas bien longtemps
lin du mois ramènera sur les carrés du potager pour être employées; les boutures, mises im-
une belle verdure partout où auront levé les médiatement en terre, s'enracineront avec la
premiers semis en pleine terre de cerfeuil, cres- plus grande facilité. Il nous est souvent arrive
son alénois, poireau pour repiquer, et toutes d'en planter ainsi plusieurs milliers a la fois au
sortes de légumes de printemps. C'est le mo- moment même où elles venaient d'être séparées
ment convenable pour mettre en place les pre- de leur arbre, et de n'en pas perdre une seule.
mières laitues romaines dont on a préparé le On ne saurait en dire autant des boutures qui
plant sous cloches, à l'étouffée; on peut en- ont souffert pendant plusieurs mois avant de
tourer les planches de plantations d'ail, d'echa- pouvoir être plantées.
lottes et d'oseille provenant de l'éclat des vieux La lin de lévrier est l'époque la plus favo
pieds. La chicorée sauvage, dont les feuilles rahle pour la formation des grandes plantation:,
cueillies très jeunes fournissent une excellente de groseilliers par boutures qui s'enracinent
salade, doit être à cet effet semée en février: avec la plus grande facilité. C'est aussi à ectie
ces semis doivent se faire aussi serrés que pos époque qu'on peut, avec le plus de chances do
sible, sans quoi la feuille de chicorée devient succès, essayer les boutures de toute espèce
trop dure et trop amère. d'arbres fruitiers, moyen de multiplication ex-
I

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DU JARDINIER. 447
cellent quoique trop neu usité. II faut excepter i quelquefois dans les serres
artificielle multiplie
le mûrier, dont les noutures, sous le climat à cette époque, et qui pourraient y exercer de
de Paris, ne peuvent pas èire mises en terre grands ravages si les végétaux qu'elles renfer-

à l'air libre avant le commencement d'avril, ment n'étaient l'objet d'une surveillance conti-
§ III. — Parterre.
nuelle.

Vers la fin de février,


le jardinier doit avoir
donné au parterre comme au potager sa tenue
de printemps. Ainsi les allées nettoyées, re-
chargées de sable selon le besoin, les plates-
S I
er
. — Jardin potager.

bandes bien labourées et garnies de plantes qui Artichaut». —


On a pu voir dans les travaux
donneront leurs (leurs dans les mois suivants, des mois précédents que le jardinier ne doit
doivent rendre dès celte époque la promenade négliger son carré d'artichauts en aucune sai-
du parterre la plus agréable de la saison. Les son de l'année : c'est au mois de mars que cette
plantes vivaces empaillées pendant l'hiver ne culture exige les soins les plus assidus; l'arti-
pourront être découvertes définitivement, elles chaut redoute bien moins les grands froids,
recevront seulement de l'air pendant les heures dont il est toujours facile de le préserver, que
les plus tempérées de la journée le moment est ; les petitesgelées suivies de dégels, avec des in-
favorable pour mettre en place dans les plates- tervalles de chaleur sèche, très fréquents en
bandes les plantes, soit vivaces. soit annuelles, mars sous le climat de Paris. On connaît sous
comme les campanules, œillets de poète, hé- le nom de hâle de mars cette propriété exces-

liantes vivaces, et une foule d'autres, à qui l'on sivement desséchante que possède l'atmosphère
a dû faire passer l'hiver dans une place bien quand les vents de nord et nord-est soufflent
abritée pour qu'elles fleurissent mieux et plus constamment dans cette saison. Il faut toujours
tôt au printemps. Les œillets de pleine terre se- se tenir en garde contre le hâle de mars, quot-
ront couverts avec soin dès qu'on pourra pré- qu il ne se reproduise pas tous les ans ; il lui
voir le dégel ; c'est, comme nous avons dit, le l arrive assez souvent de détruire une grande
moment critique pour cette jolie Heur, insen- partie des plantations d'artichauts qui appro-
sible du reste au froid sec le plus intense. Les visionnent la capitale. On s'empresse dans ce
semis de fleurs annuelles de pleine terre peu- cas de créer des plantations nouvelles, et l'on
vent se commencer à la fin de février. On com- s'efforce par tous les moyens possibles d'en ac-
mencera à la même époque à découvrir les tiver la végétation pour obtenir une récolte
carrés de jacinthes et de tulipes ; les premiers d'automne ; celle du printemps est perdue , il
montreront déjà leurs boutons avec leurs pre- n'y a pas de remède.
mières feuilles. Le jardinier aura soin démulti- On commence vers le 15 mars à débutter
plier dans le parterre les hépatiques doubles les artichauts, c'est-à-dire à dégarnir la souche
rouges et bleues sans négliger la variété à
, de la terre et du fumier entassés au pied à l'ar-
fleurs simples bleues, dont la nuance d'outre- rière-saison. La litière sèche doit toujours res-
mer est plus fraîche et plus éclatante que celle ter à portée des artichauts pour qu'ils puissent
de la variété double. être couverts et découverts aussi souvent que
Le sol nouvellement retourné des massifs la température pourra l'exiger. Quand le hâle
d'arbres et d'arbustes sera garni de plantations de mars ne semble plus à craindre , on enlève
nombreuses de muguet, dont le parfum pré- avec précaution à chaque souche les œilletons
cieux ajoutera beaucoup, dans la saison de ses superflus , en ne lui laissant que les deux plus
Heurs, à l'agrément de cette partie du jardin. beaux. La plupart des traités de jardinage re-
commandent d'en laisser quatre, et il n'est pas
5 IV. — Orangerie et *err«'*.
douteux que chaque piea ne puisse nourrir
Aux travaux du mois précédent s'ajouteront quatre tiges à fruit, surtout lorsqu'il n'est pas
les soins particuliers que réclament les camé- destiné à durer plus de quatre ans ; mais il n'y
lias, dont plusieurs espèces fleurissent à la fin a aucun avantage réel a accroître la quantité
de février. Il n'y a pas d'inconvénient à porter des produits aux dépens de leur qualité; la
les pots qui les contiennent dans les jardinières somme des bénéfices en est plutôt diminuée
pour la décoration des appartements, où leur qu'augmentée.
feuillage foncé et leurs larges fleurs contras- La France entière se couvrirait d'artichauts
tent avec le vert pâle et la nuance délicate des si l'on employait chaque année tout le plant
lilas dont la fleur a été forcée en serre; il faut que donnent les vieilles souches ; on ne peut
éviter seulement que les chambres où ces plan- donc trop blâmer la négligence des jardiniers
tes sont placées pour le temps de leur floraison qui n'apportent pas la plus scrupuleuse atten-
soient trop fortement chauffées. tion au triage du plant d'artichaut , soit pour
Le nombre des plantes en fleur augmente de la vente , soit pour leur propre usage. Il ne
jour en jour dans la serre ; les arrosages doi-, faut pas craindre d'arroser largement les arti-
vent être plus fréquents pour ces niantes que chauts, soit avant, soit après le retranchement
pour les autres, toutes doivent être débarras- des œilletons ; on doit aussi mouiller abondam-
sées avec une attention minutieuse des feuilles ment deux fois par jour les plantations récen-
mortes ou jaunes et des insectes que la chaleur tes , sans craindre l'effet des gelées sur la terre

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448 CALENDRIER
trop humide. Ces gelées seraient funestes à la indiqué ; elles rejoindront les premières asperge*
plante, même sur le sol le plus sec ; une cou- de pleine terre.
verture lui est indispensable dans tous les cas -, Choux-fleurs. —
De tous les semis de choux
l'humidité ne peut donc que favoriser la végé- fleurs en pleine terre ceux qu'on fait vers le
,

tation. milieu de mars ont le plus de chances de suc-


Les artichauts conservés dans du sable, à la cès. Nous rappelons ici la propriété particulière
cave, avec tous leurs œilletons, ne doivent être au terreau de bouse de vacne sans mélange ,

sortis que par un beau temps, au plus tôt vers d'autres substances, de produire en peu de
la fin de mars ; on les traite comme ceux qui temps du plan de choux-fleurs d'une vigueur
ont passé l'hiver en pleine terre. Il est essentiel remarquable. Il faut semer très clair et mouiller
de les exposer le moins de temps possible à l'air peu à la fois, mais fréquemment.
libre et de conduire la plantation très rapide- L'a tise ou puce de terre attaque souvent les
ment. Les pieds dégarnis, mis en place, fumés choux-fleurs nouvellement levés; elle ronge les
et arrosés sans parcimonie, reprennent en deux cotylédons et en fait périr une grande partie ;
ou trois jours; ils devancent les autres de près le seul remède consiste à arroser avec de l'eau

de trois semaines dans leur fructification. où l'on délaie de la suie de cheminée, encore
Asperges. — Le moment approche où les as- son efficacité n'est-elle pas constante. Les ge-
perges de pleine terre, en bonne exposition, lées tardives peuvent aussi détruire le plant de
vont commencer à végéter pour donner en chou-fleur, lorsqu'elles le surprennent encore
avril leurs pousses les plus précoces il est bon
; faible et trop jeune; les terrains bas et humides
de favoriser cette végétation en donnant aux sont les plus sujets à ces deux fléaux ; on évi-
planches d'asperges une bonne couche de fu- tera en partie les effets du second en abritant
mier à demi consumé ; le fumier de cheval est les semis avec des rames à pois, supportant
le meilleur pour cet usage, à moins que le sol des paillassons. Il n'est pas indifférent d'atten-
ne soit excessivement sec ;-dans ce cas, on pré- dre jusqu'en avril pour semer les choux-fleurs
férera le fumier de vaches, en ayant soin de en pleine terre ; le plant obtenu des semis ainsi
ne pas l'employer sortant de l'écurie, mais à retardés rencontre les grandes chaleurs au mi-
demi décomposé. Dans tous les cas, cette fu- lieu de sa croissance, et souvent, malgré les
mure ne se donnera pas sur le sol sans prépa- arrosages, il borgne en majeure partie. Les
ration ; les planches d asperges recevront aupa- choux-fleurs risqués en pleine terre sur plate-
ravant un uon binage, a 8 ou 10 centimètres bande bien abritée ont besoin de recevoir en
de profondeur. Ce binage s'exécute très bien mars un bon binage; si l'on peut donner en
avec une fourche à trois dents suffisamment même temps à chaque pied une ou deux poi-
rapprochées; il doit, quand le temps le permet, gnées de bon fumier de cheval, on en hâtera
précéder de huit ou dix jours la fumure on : la végétation.
évite ainsi le danger de rencontrer en binant Choux. —
L'épu ïsemen de toutes les réser-
t

les tiges d'asperges les plus avancées. ves de ce légume , longtemps avant le mois de
C'est en automne que quelques praticiens don- mars, rend très avantageuse au jardinier la
nent cette façon aux planches d'asperges ; mais vente des premiers choux à peine formés j il
alors l'effet (fe la fumure est manqué en partie, s'en vend déjà à Paris dès la fin de mars; ce
tandis qu'en l'appliquant en mars, les pluies sont des choux d'York dont le plant a passé
mettent la racine de l'asperge en contact avec le l'hiver, soit sur une vieille couche, soit au pied
suc de l'engrais, précisément au moment où la d'un mur à l'exposition du midi, sur une plate-
végétation des tiges a le plus grand besoin bande fortement fumée; à peine offrent -ils
d'être aidée ; la beauté et l'abondance des pro- quelques feuilles vertes, dures, coriaces et sans
duits ne peuvent manquer de s'en ressentir. saveur.
Les aspergées en pépinière se sèment en Mais avec des binages réitérés, do fumier,
mars, mieux a la fin qu au commencement; il et des arrosages fréquents pendant le hâte (te
faut éviter de les semer trop serrées, quand mars, on pourra vendre à la fin d'avril des
même on aurait l'intention d'en vendre les grif- choux d'York et des choux cœur-de-bœuf, sinon
fes; la nature de ces racines est telle qu'étant Earfaitement pommés, au moins très présentâ-
trop rapprochées leurs ramifications s enche-
, tes. Les choux de Milan surtout ceux de la
,

vêtrent les unes dans les autres, et il est impos- variété nommée Milan-des-Vertus, se sèment
sible de les démêler sans en rompre une partie, durant tout le mois de mars ; iis craignent un
ce qui fait aux asperges un tort irréparable. La peu moins que les semis de choux-fleurs les
graine d'asperge veut être très légèrement re- effets des gelées, mais les ravages de l'allise
couverte ; les sarclages sont plus faciles quand leur sont également funestes. Nous avons indi-
on exécute les semis en rayons, espacés entre !|ué précédemment la meilleure manière d'ef-
eux de 25 centimètres. ectuer ces semis dans des sillons remplis de
Si lorsqu'on donne le premier sarclage on bon fumier. Le chou est de toutes les plantes
trouve des semences restées à découvert sur le , potagères celle dont la végétation est le mieux
sol il est encore temps de les recouvrir de terre;
, assurée de réussir dans toute espèce de terrains,
elles ne tarderont pas à rattraper celles qui au- pourvu qu'elle ait à discrétion l'eau et les en-
ront levé les premières. On peut continuer en grais ; il n'y a guère que les sables siliceux purs
niarsde forcer des asperges,comme nous l'avons où le chou refuse de croître.

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DU JARDINIER. 449

Pois. — l* mois de mars est l'époque criti- sont celles qui se récoltent avant la grande
que pour les pois semés en pleine terre en no- abondance des pois, des choux et des choux-
vembre et en février (pois de Sainte-Catherine fleurs. Dès les premiers jours de mars, à moins
et de la Chandeleur). Leurs produits seront que le temps ne soit décidément à la gelée, on
satisfaisants si les pousses latérales, succédant sème la carotte toupie de Hollande, soit sur
à la première pousse qui gèle inévitablement, vieille couche, soit en pleine terre abondam-
ont assez de force pour résister aux gelées tar- ment fumée, recouverte de 0 m ,06 de bon ter-
dives. On en active la végétation en répandant reau. Il ne faut pas épargner la semence, tant
au pied on peu de cendres de bois qu'on recou- pareeque les insectes en détruisent toujours une
vre par un léger buttage. Les pois semés sur grande partie, que parce qu'elle est très sujette
couches sous châssis commencent à donner à nuiler, c'est-à-dire à fondre et disparaître
leurs premières cosses; malgré le prix élevé sans cause apparente. Si les carottes tardaient
de ces primeurs, elles seraient souvent insuffi- plus de huit jours à se montrer et que le temps
santes pour payer les peines et les avances du fût au sec, il faudrait arroser les semis de ca-
jardinier, s'il ne se hâtait d'utiliser les couches rottes, mais avec précaution, en se servant
pour d'autres cultures moins ingrates. Les pois d'un arrosoir à boule fine pour ne pas trop
,

qu'on sème en mars en pleine terre, à imposi- tasser le terrain.


tion du midi, ont plus de chances de succès Le jardinier a besoin, durant le mois de
lorsqu'on attend jusqu'à la fin du mois, ce mars, de déployer toute son activité*, il n'est
qu'on doit faire surtout quand on a semé suc- presque pas une plante potagère qui ne réclame
cessivement des pois de primeur, depuis no- ses soins pour des semis, repiquages et trans-
vembre jusqu'en février. Les pois semés en plantations. La récolle des radis et des princi •
mars les suivent de près ; ils peuvent encore, pales espèces de laitue-crêpe et gotte est en
s'ils sont bien conduits, arriver sur le marché pleine consommation; il en faut semer et re-
avant la grande abondance de ce légume. On planter tous les huit jours. C'est le moment de
ne perdra pas de vue que, pour ces premières semer l'oiçnon en place et le poireau en pépi-
récoltes, la quantité des produits importe beau- nière; déjà même, à la fin du mois, il y a du
coup moins que leur précocité on aura donc
; poireau bon à être transplanté.
f-rand soin de hâter la fructification en pinçant Une des opérations les plus importantes de
e sommet des tiges dès que chacune d'elles ce mois, dans le jardin potager, consiste dans
aura montré la quatrième fleur ; il y a plus de le choix et la mise en place des porte-graines
bénéfice à vendre un litre de pois 5 fr. qu'à en de toutes espèces de légumes. On évitera avec
vendre deux litres à 1 fr. 50 c. le plus grand soin de placer à portée les unes
Fèves de marais. — Quoique ce légume soit des autres les plantes qui, devant fleurir en
peu recherché, et que sa consommation ne soit même temps, altéreraient réciproquement la
Knais aussi étendue que celle des pois, il est pureté de leurs variétés. Ainsi l'on tiendra les
n d'en être toujours fourni tant qu'elles sont choux fleurs éloignés des choux, et les diverses
de primeur et que leur prix se soutient, car la salades à distance suffisante entre elles ; sans
fève est très productive. Les derniers semis ne cette précaution , leur poussière fécondante
doivent pas dépasser le 10 ou le 15 mars, au (pollen) opérerait des croisements qui feraient
plus tara, quelle que soit la température. On dégénérer les graines et nuiraient à la qualité
sème de préférence en terre forte, humide, bien des produits.
fumée. Les fèves de marais viennent très bien Dans la commune de Champigny (Seine) où
sur les ados qui séparent les fosses d'asperges la culture des porte-graines de plantes potagè-
nouvellement établies; dans ce cas on sème sur res est traitée fort en grand, des navets cultivés
le fumier même ; l'engrais de vache convient côte à côte avec des choux se sont croisés na-
mieux que celui de cheval. turellement; les abeilles allant d'une fleur à
Les fèves semées en février ont besoin d'être l'autre y ont aussi contribué; les graines de
buttées au commencement de mars. Dans les ces plantes croisées, achetées par les marchands
années hâtives les fleurs se montrent dès la fin de graines, puis revendues aux jardiniers, ont
de ce mois; il faut se hâter de pincer les som- inondé la France de navets à moitié choux, et
mités dès que les fleurs du bas de la tige, qui de choux à demi navets. Ce fait, objet de
sont seules productives, sont entièrement épa- plaintes récentes de la part des acheteurs, mé-
nouies. Les fèves de primeur doivent être es- rite d'être signalé à l'attention de tous ceux
m
pacées en tout sens de 0 ,Zb à 0 m ,40. On place qui s'occupent de la culture des porte-graines.
ordinairement deux semences à côté l'une de Le jardinier n'a pas moins de besogne au-
l'autre, à la distance de 0 m, 0. L'expérience a
1 tour des couches ; les laitues crêpes et romai-
démontré qu'en les semant plus rapprochées nes cultivées à l'étouffée , le plant de melons,
on en obtient des produits olus tardifs et moins les premiers concombres, les pois, haricots
abondants. verts et choux-fleurs de grande primeur, sous
Carottes. —Nous avons déjà eu occasion de cloches et châssis, demandent des soins conti-
signaler l'importance de la culture de la ca- nuels. Les débutants que ne guide pas encore
rotte, l'une des plus productives de toutes celles une longue expérience, doivent se méfier des
auiquelles se livrent les maraîchers près de coups de chaleur auxquels les couches sont su-
Paris. Les plus avantageuses pour la vente jettes lorsqu'on leur donne des réchauds trop

Mttcotffraa* T. V. — 87

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450 CALENDRIER
forts en cette saison ; il pourra lenr arriver de donc une très bonne précaution que de placer,
voir jaunir et périr en un jour toutes les plan- dès le 15 mars, la tente de toile au-dessus des
tes drune couche dont ils auraient imprudem- planches de tulipes. Si l'on s'est trompé et que
ment augmenté tout d'un coup la chaleur outre le printemps soit sec, on en est quitte pour tenir
'
mesure. les toiles constamment roulées, jusqu'au mo-
ment de la pleine floraison des tulipes.
§11. — Parterre.
Les collections de lis, de fritillaires, d'au-
La saison la plus rigoureuse de l'hiver ne ricules, exigent en mars des soins du même
laisse jamais le parterre entièrement veuf de (renre. A la fin du mois on peut mettre en place
ses fleurs; des ellébores, des galalhus, des es fgriffes d'anémones et de renoncules. C'est
violettes abritées, d'autant plus précieuses aussi le moment convenable pour renouveler
qu'elles sont plus rares, ont dû continuer la les bordures d'œillets nains , parmi lesquels le
série des floraisons qui ne doit pas être totale- double commun, connu sous le nom de mignar-
ment interrompue. Dès les premiers jours de dise couronnée, se recommande par l'odeur
mars, le jardinier songe à mettre son parterre suave et l'abondance de ses fleurs. Les plantes
en tenue de printemps. Après avoir donné à annuelles semées en été et repiquées en au-
toutes les plates-bandes un bon labour avec une tomne pour passer l'hiver en pépinières, comme
dose convenable d'engrais et de terreau, opéra- les œillets de poète, les grandes campanules et
tion pendant laquelle il dédouble les plantes lychnis croix de Malte, peuvent être mises en
vivaces dont les touffes ont pris trop de déve- place à la fin de mars. On fait en même temps
loppement, comme les vieux pieds de phlox, dans les plates-bandes les premiers semis de
d'aconit, d'hélianthe, d'aster et de campanules plantes annuelles , et sur couche sourde les se-
vivaces, il multiplie autant que possible, dans mis d'aster de Chine, de balsamine de tagète ,

les endroits bien abrités, les plantes à fleurs et des autres plantes qu'on doit successivement
()récocf s au premier rang desquelles se place
, replanter en place dans le parterre.
a modeste hépatique rouge et bleue, plus con- Les arbustes d'ornement de pleine terre,
nue sous le nom d alléluia. transplantés l'année précédente, tels que lilas,
Avant la lin du mois, on doit voir briller de syringas. loniceras, doivent être tenus très
tout leur éclat, dans le parterre, le tussilage à courts ; il vaut mieux se priver d'une floraison
odeur de vanille, le narcisse de Constantinople, toujours maigre , et donner à ces arbustes une
la tulipe duc de Thol, les crocus et la frilillaire vigueur qui assure la beauté des floraisons sui-
impériale ; le parterre revêt alors sa première vantes à perpétuité.
parure de fleurs elle doit se renouveler cons-
; Les arbustes de pleine terre de bruyère n'ont
tamment jusqu'à l'hiver. Les plantes bulbeuses besoin que d'être rechargés, après un bon bi-
de collection promettent déjà leurs fleurs pré- nage , avec de la terre nouvelle ; si l'on avait
cieuses ; les jacinthes qu'on a pu découvrir cru devoir empailler quelques rosages et quel -
dès la fin de février doivent être découvertes, ques andromèdes, on les dégarnira sans incon-
dans tous les cas, durant la première quinzaine vénient dans la dernière semaine de mars.
de mars. davantage,
Si l'on tardait les feuilles,
soulevant la litière, ne seraient vertes qu'à leur
§ III. — Jardin fruitier.

extrémité supérieure; le bas resterait jaune, La palissage des pêchers et abri-


taille et le
étiolé sensible au moindre froid tardif, et la
, cotiers est, dans le jardin fruitier, l'opération
fleur perdrait en partie son éclat et son parfum. principale des travaux de mars ; ces arbres oc-
Les grands amateurs de jacinthes couvrent cupent toujours la place la mieux exposée, le
les planches d'une tente pour en prolonger la long de l'espalier. Il faut saisir le moment où
durée ceux qui ne peuvent faire cette dépense
; la floraison est assez pleine pour diriger la
doivent y suppléer par des piquets auxquels on taille et où cependant la pousse des jeunes
,

fixe des demi-cerceaux pour pouvoir y jeter des Jeux à bois n'est pas encore trop avancée,
paillassonsquand les gibouléesde mars amènent «ans ce dernier cas on détacherait inévitable-
avecelles des grêles funestes aux jacinthes. Dans ment un grand nombre de ces pousses fragiles,
les années ordinaires les boutons se montrent
, et les arbres s'en ressentiraient pendant plu-
dès le 15 mars, et vers la fin du mois les plan- sienrs années.
ches sans être entièrement fleuries, offrent
, Les poiriers en espalier doivent être prêts
déjà le coup d'œil le plus flatteur. On peut en longtemps d'avance; cependant , le jardinier qui
jouir près de six semaines, si l'on en prend les se trouve accidentellement arriéré aura soin
soins convenables. de ne laisser à tailler au mois de mars que les
Les tulipes ne sont qu'en bouton dans le mois poiriers des espèces les moins précoces ; ils au-
de mars ; elles ne doivent commencer à fleurir ront moins à souffrir que les autres d'une taille
tardive qu'il faut toujours éviter autant que
Sue dans le courant de mai. Souvent l'abon-
ance des pluies en mars et avril fait avorter possible.
la floraison, moins encore par la pourriture Le jardinage moderne apprécie mieux (jue
qui gagne une partie des oignons, qu'en raison ne le faisaient les anciens les avantages qu ou
de l'effet pernicieux du séjour prolongé de l'eau peut retirer de la multiplication des arbres frui-
dans l'espèce de cornet formé par Tes feuilles tiers par le moyen des boutures; elles se pré-
autour de la tige et du bouton à fleur. C'est parent en janvier et février, et se conservent

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DU JARDININR. 451

par bottes, dans do saMe frais, pour être mises lesjours de chaleur précoce qui pourront sur-
en place en pépinière daas les mois de mars et venir ; les toiles seront tendues sur les vitrages
d'avril, seloo l'usage le plus généralement suivi. pour éviter l'effet trop vif des coups de soleil.
Nous pensons qu'il vaut mieux, au moins pour
les arbres dont on peut retarder la taille jus- AVRIL.
qu'aux premiers jours de mars mettre immé- ,

diatement en pépinière les boutures, au moment


S I
,f
. — Jardin potager.
même où on les détache de l'arbre. On doit
butter dès le commencement de mars les mères A$perge$. —Le mois d'avril est l'époque la
destinées à la multiplication des coignassiers et plus favorable pour les semis d'aspergrs en
des doucins. place; les plantations faites pendant ce mois
peuvent également réussir. La méthode des se-
S IV. — Jardin paysager. mis d'asperges en place commence à prévaloir
*
dans la pratique sur celle des plantations de
On termine au commencement de mars la griffes toutes formées ; elle est en effet plus sûre
tonte des haies de clôture et celle des arbustes
plus expéditive et moins dispendieuse ; nous en-
servant de limites aux massifs qu'on veut em- trerons à cet égard dans quelques détails.
pêcher de s'emporter du sommet et de se dé- Les préparations à donner au sol étant les
garnir du bas. Il n'y a plus , pour le moment,
mêmes dans les deux cas, nous renvoyons le
d'autre soin à prendre que celui des gazons. Il
lecteur à ce que nous en avons dit page 206.
ne faut pas hésiter à sacrifier en mars , mieux Il est essentiel pour les semis en place de ne
au commencement qu'à la lin, les gazons ap- point entasser en ados, entre les fosses, la terre
pauvris par un trop long hiver, ou infestés de qu'on en a retirée; les jeunes asperges, lors-
mauvaises plantes vivaces. La multiplication
au'elles lèvent, ne sauraient avoir trop d'air et
des mousses sur le sol, entre les touffes de gra- e lumière ce sont les deux éléments essen-
:

minées, est un indice certain qu'un gazon doit tiels de leur végétation. Il est inutile, nous ne
être renouvelé. Dans ce cas on l'enterre par
pouvons trop le répéter, de creuser à une gran-
an bon labour à la bêche, on foule le terrain le de profondeur les fosses d'asperges et d'y en-
plus également possible avec le rouleaude pierre
tasser une énorme épaisseur de fumier, qui, ne
ou de fer, et l'on sème le nouveau gazon après devant jamais être en contact avec les grilfes
avoir donné au sol les amendements que sa na- d'asperges, ne sert absolument à rien. La dé-
ture peut exiger. Les semis ne peuvent , pour
pense excessive qu'entraîne celte erreur, en-
ainsi dire, être trop épais, parce que la semence
core accréditée chez beaucoup de jardiniers, est
devant être à peine recouverte, il est impossible
le principal obstacle qui s'oppose à l'extension
d'empêcher les oiseaux d'en dévorer une grande de la culture de l'asperge dont la production
,

partie.
est toujours au-dessous des besoins de la con-

§ V. — Orangerie et «erres.
sommation, non-seulement autour de Paris,
mais encore près de toutes les villes importan-
Quelque soin que le jardinier ait pu prendre tes. Nous ne craignons pas d'avancer qu'en re-
de ses serres il est impossible que l'hiver ne
, tranchant la moitié de la dépense en fumier et
lui ait pas légué un grand nombre de plantes main-d'œuvre, on peut arriver au même résul-
et d'arbustes malades, surtout si , ne disposant tat. Il est très vrai, comme l'ont observé les au-
que d'un local restreint , il lui a fallu faire su- teurs qui recommandent de placer sous les as-
bir la même température à des plantes qui en perges jusqu'à 70 et 80 centimètres de fumier,
auraient exigé une toute différente. On con- que les racines de cette plante, placée dans des
sacre donc une bâche, ou une bonne couche conditions favorables, peuvent acquérir une
tiède recouverte d'un châssis, à servir d'infir- longueur de 60 à 70 centimètres, ce qui pour-
merie. Dès le milieu de mars on y transporte tant est très rare mais leur croissance a lieu
;

après avoir dépotés les jeunes orangers


les , Eresque horizontalement et non verticalement.
languissants, et en général tous les végétaux * griffe d'asperge, ainsi que nous l'avons dit,
languissants de la serre tempérée ; ils s'y refe- tend constamment à se rapprocher de la surface
ront pendant la belle saison, pourvu qu'on du sol, comme si, s'appuyant sur les extrémités
charge la couche d'assez de terreau mêlée de de ses ramifications, elle se soulevait par un ef-
bonne terre pour que leurs racines s'y étendent fort volontaire.
à l'aise. Ils seront rempotés en automne, étant Pour les semis en place faits dans une terre
redevenus assez forts pour passer l'hiver dans convenable, c'est-à-dire meuble, très douce, un
la serre sans inconvénient. peu sablonneuse et mêlée de. beaucoup de ter-
C'est en mars que les collections de camélias reau, il suffit d'un défoncement à 0 ,66; on
sont dans toute leur beauté il faut durant tout
-,
m
§arnit le fond de la fosse avec 0 ,05 ou 0 m ,0G
ce mois donner à cet arbuste des arrosages e gros sable ou de branchages brisés recou-
verts de 0 m ,25 ou 0 ,30 de bon fumier d'écu-
ID
modérés, et entretenir avec soin la propreté de
son feuillage.
m
rie; nuis on recharge le tout de 0 ,30 de terre
Les autres soins à donner aux plantes de passée à la claie ; c'est sur cette terre qu'on dé-
serre chaude sont les mêmes que pour le mois pose les semences d'asperges espacées exacte-
précédent ; on veillera à modérer le feu durant ment comme le seraient les griffes dans nue

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452 CALENDRIER
plantation. Quelques jardiniers donnent moins que la méthode des maraîchers qui transportent
d'espace à l'asperge commune qu'à la grosse as- leurs plants de choux-fleurs de la couche tiède
perge violette ; nous pensons que Tune et l'autre sur les couches sourdes en plein air, destinées
ont également besoin d'une place suffisante pour à recevoir plus tard les melons d'arrière-saison.
s'étendre à Taise; quoique l'asperge commune Les jardiniers-amateurs qui ne se livrent point
soit plus petite, en lui donnant le même espace à la culture forcée du melon ne peuvent mieux
qu'à la grosse, elle prendra plus de force et ses faire que de suivre cet exemple en transplan-
;

produits seront plus abondants. tant les choux-fleurs sur les couches sourdes,
Quand la graine est de bonne qualité il n'en ils en auront une abondante récolte avant qu'il

faut que trois à chaque place, on les dispose soit temps d'y transplanter ou d'y semer en
en triangle à O™, 10 de distance les unes des au- place les melons élevés d'après la méthode de
tres. Dans le courant du mois de mai on choi- culture naturelle.
sira entre les trois la plus vigoureuse et l'on Choux. —
On continue à semer toutes les
arrachera les deux autres; si l'on tardait da- espèces de choux blancs et de choux de Milan.
vantage, les griffes, se formant très rapidement, Leschouxàjetsouspruytde Bruxelles se sèment
se trouveraient entremêlées, et la griffe conser- vers le 15 avril, selon la méthode que nous
vée aurait beaucoup à souffrir de l'enlèvement avons indiquée. Ils ont plus que tous les autres
des deux autres. Celles qu'on supprime peu- à redouter les attaques de l'attise. Il leur faut
vent se mettre en pépinière elles seront bonnes
; beaucoup d'eau pendant les quinze jours qui
à planter l'année suivante. Quelques centimè- suivent leur sortie de terre ; faute de quoi, ils
tres de terreau répandu à la main, sans rechar- languissent et ne donnent jamais de bons pro-
gement de terre, suffisent pour couvrir la graine duits. Le plant de choux d'York et de choux
d'asperges. cœur de bœuf, tenu l'hiver en pépinière ou élevé
Ce procédé laisse sans emploi une épaisseur sur couches et mis en place le mois précédent,
d'environ 0 m ,35 de terre enlevée de la fosse; réclame durant tout le mois d'avril de fréquents
on peut la répandre sur les, deux planches à arrosages et des binages réitérés. Si dans la
droite et à gauche de la fosse d'asperges ; on dernière quinzaine d'avril le soleil se montre
consacrera ces planches à d'autres cultures, et plusieurs jours de suite, il faut forcer les arro-
l'on y reprendra la terre chaque fois que les as- sages. Ces choux précoces se ferment presque
perges auront besoin d'être rechargées. Nous à vued'œil; ils peuvent être livrés à la con-
conseillons comme excellente dans la pratique, sommation dès qu'ils offrent la moindre appa-
surtout pour la culture de la grosse asperge, la rence de cœur. Nous renouvelons au jardinier-
méthode de séparer chaque planche d'asperges amateur le conseil de garder quelques choux
par des planches employées à une autre cul- d'York jusqu'en juin ; peu de jardiniers con-
ture. On choisira de préférence les légumes naissent la supériorité de saveur de ce chou sur
qui, ne prenant pas au printemps une grande toutes les autres espèces quand on lui a laissé
élévation, ne pourront donner trop d'ombrage former complètement sa pomme peu volumi-
aux asperges. neuse, blanche, tendre et très délicate.
Salades. — L'élévation de la température Carottes. — La carotte-toupie de Hollande
rend déjà dès la fin d'avril les salades de toute partage avec le chou-fleur les couches sourdes
espèce très recherchées des consommateurs; le du maraîcher, en attendant qu'elles soient oc-
jardinier soigneux de ses intérêts aura donc eu cupées par les melons tardifs; souvent même
soin de se munir d'une provision suffisante de on ne doit pas dédaigner de la couvrir d'un
plants de laitue romaine, gotte et rousse, pour châssis pendant les nuits fraîches du mois d'a-
en planter dès les premiers jours d'avril des vril, principalement quand la température a été
planches nombreuses qui, bien gouvernées, contraire à la végétation des pois, que les ca-
commenceront à se débiter à la un du mois. rottes remplacent comme premier légume prin-
Pour ne jamais manquer de plant, il doit semer tanier abondant et à bas prix. Il s'en consomme
tous les quinze jours des mêmes salades sur alors à Paris des quantités incroyables. Quand
plate-bande au midi, ainsi que de la chicorée on a intérêt à rendre leur croissance le plus
irisée dite chicorée d'été. La culture de toutes rapide possible, il faut éciaircir au commence-
sortes de salades n'est avantageuse qu'autant ment d'avril les premiers semis et traiter de
que le jardinier sait en rendre la végétation très même lesautres successivement, sans attendre
rapide et qu'elles cèdent promptement la place que cellesqu'on arrache soient bonnes à autre
à d'autres produits; d'ailleurs, la salade n'est chose qu'à être données aux lapins qui en sont
réellement bonne et tendre qu'autant qu'elle a fort avides. On se guide dans cette opération
été largement arrosée et qu'elle a reçu tous sur la vigueur des feuilles qui correspond assex
les soins que sa culture exige. C'est en avril exactement avec la grosseur de la racine; on
qu'elle récompense le mieux les travaux du réserve, bien entendu, les plus avancées. On
jardinier. peut encore semer deux fois des carottes en
Choux-fleurs. —
Les couches fournissent pleine terre en avril, à dix ou douze jours d'in-
encore du plant de choux-fleurs, qu'on met en tervalle; elles ont à cette époque l'avantage de
place à plusieurs reprises dans le courant du nettoyer parfaitement le terrain en étouffant
mois d'avril, afin que les pommes ne se forment les mauvaises herbes longtemps avant qu'elles
pas toutes à la fois. Rien n'est mieux entendu puissent se reproduire.

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DU JARDINIER. 463
i
Citrouilles. — Les plantes cucurbitacées en sent leur végétation ; on peut encore donner de
général, et les citrouilles en particulier, n'ont la cendre au pied de ceux qui n'en auraient pas
jamais trop de fumier ; il n'y a pas pour elles reçu le mois précédent. Les pois qui montrent
d'engrais trop actif; leur vigueur correspond seulement leQrs fleurs dans la seconde quin-
toujours exactement à l'abondance de la nour- zaine d'avril n'ont pas besoin d'être pincés
riture qu'on leur a fournie. Sous le climat de aussi courts que ceux qui ont fleuri sur cou-
Paris il serait imprudent de les risquer à l'air che ou en pleine terre à la fin de mars. La
libre avant la fln d'avril. L'usage ordinaire est température étant plus chaude et la végétation
d'utiliser, pour obtenir du plant de citrouilles, plus active, on peut leur laisser un plus grand
le reste de chaleur des coucues qui ont nourri nombre de fleurs sans retarder leur fructifica-
pendant l'hiver, soit des primeurs forcées, soit tion ; mais si l'on s'abstenait entièrement de les
d'autre plant de toute espèce. pincer, les tiges s'emporteraient et leurs fleurs
Dans les premiers jours du mois on sème sur seraient stériles.
ces couches les citrouilles à la distance de
m
Haricots. — La culture forcée des haricots
0 ,50, en mettant dans chaque trou deux se- sur couche pour obtenir du haricot vert pen-
mences la pointe dirigée vers le bas ; elles lè- dant la mauvaise saison se continue en avril et
vent promptement. Le plant est bon à être mis donne ses derniers produits en mai. A Paris, le
en place à la fin du mois ou, au plus tard, au prix des haricots verts de primeur se soutient
commencement de mai. plus longtemps que celui des pois, parce qu'on
On se gardera bien de transplanter les ci- ne peut semer les premiers haricots de pleine
trouilles en pleine terre. Elles pourraient terre que dans les derniers jours d'avril, encore
y
croître, y fructifier même ; mais leurs fruits, lé- Êèlent-ils le plus souvent. Le mieux est de se
gers et vides quoique assez volumineux, ne se- orner en avril, comme le font les maraîchers
raient point de vente. Pour les obtenir pleins, de Paris à semer sur couche en pépinière ; si
,

pesants et de bonne qualité, on creuse, à la dis- le temps est défavorable, on laisse languir le
tance de 3 mètres les unes des autres, des ran- haricot en le tenant presque sec et constam-
gées de trous séparés entre eux par un espace ment couvert s'il devient favorable, on active
;

de l^ôO; ces trous doivent avoir environ en un jour ou deux la végétation des haricots
m
0 ,50 de profondeur et 1 mètre de diamètre ; et on les met aussitôt en place. A partir de la
on les remplit de bon fumier recouvert par fin d'avril , les semis de haricots doivent se
0 m ,25 de terreau; l'on y transplante les ci- continuer de quinze jours en quinze jours, en
trouilles levées en motte par un temps couvert. pleine terre jusqu'à 1 automne.
Dans Le il surviendrait du hâle ou de
cas où Les semis de toute espèce de plantes pota-
forts coups de soleil, on plante en terre, près gères sont encore plus fréquents en avril qu'en
de chaque pied de citrouille, deux bouts d'é- mars. On met en place les premiers concom-
chalas qui se croisent à leur extrémité supé- bres élevés sur couche , d'après une méthode
rieure. En cas de besoin, on jette sur ces échalas semblable de tout point à celle que nous avons
un morceau de vieux paillasson cette précau-
; décrite pour les citrouilles ; les trous doivent
tion n'est nécessaire que pendant la première être moins grands et moins profonds, espacés
semaine après la transplantation des citrouilles. seulement a un mètre, dans les lignes qui ne
(Voir fig. 309 et 310.) doivent être séparées entre elles que par un in-
La disposition du sol est la même pour les tervalle de l m ,50. Les premiers semis de cor-
semis en place qui ne doivent jamais précéder nichons se font à la fin d'avril, sur un terrain
le 25 avril. Sans attendre que les citrouilles disposé exactement comme pour replanter les
soient levées ou reprises, on couvre d'un paillis concombres. Les épinards épuises peuvent être
épais les intervalles des rangées , afin que les remplacés avec avantage dès cette époque, par
tiges en s'allongcant ne rampent pas sur la terre des semis de tétragone moins sujette à monter
nue. On réserve toujours pour cette culture la en graines. On sème du 15 au 25 avril les pre-
partie la moins fertile du potager, la citrouille miers navets et les premières betteraves. La
pouvant végéter dans le fumier sans toucher à culture du céleri et clés cardons commence à
fa terre. Les jardiniers utilisent souvent cette prendre place à la suite des premières cultures
propriété de la citrouille en la semant sur des de printemps. L'oignon blanc, déjà fort, doit
tas de fumier mis en réserve ; il suffit que la être avance par de fréquents arrosages, afin
graine trouve au-dessus du tas quelques poi- que, parvenu à peu près à la moitié de sa gros-
gnées de terre où elle puisse germer ; ses ra- seur, il soit en état de paraître sur le marché
cines s'enfoncent ensuite dans le fumier pur et en même temps que les pois, dont il est à Paris
la plante prend un accroissement extraordi- l'assaisonnement le plus ordinaire. La besogne
naire. Dans ce cas, ses fruits deviennent si vo- du jardinier dans le potager est presque aussi
lumineux et si pleins qu'un seul forme la charge urgente en avril qu'en mars; néanmoins, sans
d'une homme vigoureux. les couches, les cloches et les châssis, il y aurait
Pois. —
Les petits pois de grande primeur encore dans le potager bien peu de choses ;
forcés sur couches sous châssis s'épuisent pen- dans certaines années tardives, il n'y aurait
dant le mois d'avril ; les pois semés en pleine même rien du tout. Ce n'est qu'à la fin d'avril
terre ne tardent pas à leur succéder. Des bi- qu'on peut compter, sous le climat de Paris,
nages réitérés et des arrosages modérés favori- I sur la reprise complète-de la végétation.

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454 CALENDRIER

« paysagers sont plus communs que partout ail-


J II. Parterre.
leurs en Europe, il n'y a pas de boulanger qui
Le plas de la besogne a été fait dans le
fort ne joigne a son commerce celui des vers de ia«
parterre pendant le mois précédent; il n'y a rine dont on a soin d'approvisionner les oiseaux
plus en avril qu'à donner aes sarclages et des chanteurs, tant on attache de prix à la pré-
arrosages, et à renouveler les semis de plantes sence de ces hôtes ailés, non moins utiles qu'a-
annuelles. C'est l'époque la plus convenable gréables. Il est bon, pour les empêcher de s'é-
pour sarcler à fond les allées en se servant du carter, de placer dans le plus épais du bosquet,
grattoir, avant de les charger de sable si elles une auge en pierre constamment remplie d'eau
en ont besoin. Cette besogne, exécutée trop tôt, propre ; la facilité de trouver à s'abreuver près
serait à recommencer, parce que la plupart des de leur nid contribue beaucoup à les fixer.
graines de mauvaises herbes de sortent de terre
que pendant le mois d'avril. Lorsqu'elles n'ont § V. — Orangerie et «erre*.

pas été soigneusement détruites avant que le Le feu doit être entièrement supprimé dans
sable ne soit étendu sur les allées, elles font le l'orangerie et dans la serre tempérée ; dès la fin
désespoir du jardinier en reverdissant tous les d'avril , la serre chaude- sèche ne veut être
15 jours; il est alors obligé de sarcler à fond chauffée que pendant la nuit ; la serre chaude-
tout de nouveau, et la dépense du sable se humide doit continuer à l'être constamment,
trouve perdue en majeure partie. mais plus la nuit que le jour. Déjà la tempéra-

f III. — Jardin fruitier.


ture extérieure permet de sortir de la serre les
plantes les moins délicates ; on profite de ce dé-
Il ne doit plus rester à tailler en avril dans le barras pour multiplier de boutures et de mar-
jardin fruitier que quelques pêchers très tar- cottes les végétaux exotiques. On greffe par
difs. L'opération la plus importante de ce mois approche ou de toute aatre manière les plantes
est rébourgeonnement. Pour les arbres très vi- qui en sont susceptibles. Les châssis de la serre
goureux, il n'y aurait pas grand inconvénient tempérée peuvent rester ouverts une partie de
a laisser les bourgeons se développer un mois, la journée dès la fin d'avril ; ceux de l'orangerie
et même deux, avant de les supprimer; mais ne doivent être replacés que le soir.
pour le plus grand nombre, surtout pour les
espaliers, il faut, dès la première quinzaine
MAI
d'avril, choisir entre les bourgeons ceux qui
doivent être conservés, et ôter tous les autres.
§ 1
er . — Parterre.
Le mois d'avril est l'époque la plus convenable
pour la greffe en fente de tous les arbres frui- Le mois de mai où l'amateur des
est celui
tiers à pépins. Les premiers coups de soleil pi- fleursde pleine terre est le plus constamment
quants peuvent être funestes aux semis de et le plus agréablement occupé. Les fleurs
1 année précédente dans la pépinière, si l'on n'a qu'on nomme de collection sont en pleine flo-
soin d'y maintenir une fraîcheur salutaire au raison, principalement les tulipes, jacinthes,
moyen d'arrosages modérés. On se procurera anémones et renoncules.
une récolte abondante de framboises en cour- La floraison des jacinthes est déjà fort avan-
bant les branches au moment où la séve com- cée dans les derniers jours d'avril ; les soins à
mence à monter. leur donner consistent dans l'entretien d'une
humidité modérée et le placement des tuteurs
g IV. — Jardin pajMger.
que lepoids des tiges chargées de fleurs rend
A gazons doivent être fau-
la fin d'avril, les tout-à-tait nécessaire. On ne doit pas non plus
chés le plus près possible de terre, quand même négliger, mais en dehors de la collection, la
un printemps très sec ne leur aurait pas permis jacinthe simple à fleur blanche, celle de toutes
de produire une herbe abondante, parce qu'il qui donne 1 odeur la plus suave. L'abri d'un
importe à sa conservation que les graminées mur au midi convient très bien aux jacinthes,
dont il se compose ne portent pas de semences. tandis que les tulipes veulent la place la plus
Les chenilles commencent à iaire une guerre aérée de tout le jardin. L'usage d'une toile ou
dangereuse aux feuilles naissantes des arbres tendelet placé au-dessus des tulipes pour les
et arbustes d'agrément. Quelle que soit la pa- préserver des pluies violentes ou de fa grêle,
tience do jardinier à rechercher les chenilles, et prolonger leur floraison, leur est encore plus
son travail ne vaut pas celui de quelques fa- nécessairé qu'aux jacinthes ; faute de cette
milles de fauvettes et de rossignols établies à précaution, un orage ne laisse rien dans une
demeure dans les bosquets. Il suffit pour les y planche de tulipes la jacinthe au contraire
;

fixer, de préserver leurs nids des atteintes des peut être abattue par le mauvais temps et se
chats et des enfants, et de placer à leur portée, relever dans tout son éclat. Rien n'est plus
dans une écuellc de bois, une petite provision agréable dans le parterre d'un véritable ama-
de vers de farine dont cet» oiseaux sont très teur que la réunion de deux collections sem-
friands. On sait qu'ils sont purement insectivo- blables à proximité l'une de l'autre, de sorte
res, et qu'ils n'attaquent jamais, ni les produits qu'on puisse jouir en même temps de l'odeur
du verger, ni ceux du potager. agréable des «acinthes et des couleurs variées
En Belgique, où les parcs et les jardins I
des tulipes.

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DU JARDINIER. 455

Les anémones et les renoncules peuvent don- le sommet'; le cône qui en résulte se couvre
ner des jouissances plus prolongées lorsqu'on pendant près de trois mois de fleurs dont les
a soin de ne pas les planter toutes à la fois; nuances contrastent vivement, et dont le feuil-
on peut en planter en mai à deux ou trois re- lagemasque complètement les baguettes.
prises et les avoir en fleur durant tout l'été, A mesure que les plantes annuelles d'orne-
mais le véritable amateur préfère les avoir en ment qui ne se sèment point en place deviennent
planches, toutes ensemble. Les griffes d'ané- bonnes à être replantées, on doit les disposer
mones et de renoncules plantées avant l'hiver dans le parterre selon la variété de leurs formes
exigent quelques soins durant la mauvaise sai- et de leurs dimensions, non pas toutes ensem-
son, mais leur floraison est de beaucoup supé- ble, mais successivement; c'est ainsi qu'on
rieure à celle qu'on obtient en les plantant au peut avoir tout l'été le parterre garni de cam-
printemps ; dans le premier cas elles fleurissent panules, d'oeillets de poète, et d'une foule d'au-
en mai , dans le second elles retardent jus- tres fleurs qui, sans cette précaution, n'y pa-
qu'à juin, et leurs fleurs ne sont jamais aussi raissent, pour ainsi dire, qu'un moment.
belles. Les amateurs qui possèdent une serre peu-
C'est dansle mois de mai qu'il convient de vent à cette époque de l'année enterrer dans
semer renoncules pour obtenir des variétés
les les plates-bandes du parterre les pots où végè-
qui souvent mettent deux ou trois ans à mon- tent plusieurs genres de plantes de collection,
trer leur fleur. .11 y a cependant un moyen de et jouir ainsi tout l'été des pétargoniums, cal-
les obtenir en fleur au bout d'un an, du moins céolaires, cinéraires, verveines, etc., comme si
ce moyen a constamment réussi dans le jardin ces plantes étaient en pleine terre ; cet usage
de M. Bosset, à Liège en Belgique nous en de-
; est généralement pratiqué en Angleterre et en
vons la communication à l'obligeance de cet Belgique.
horticulteur distingué. M. Bosset fait dessécher Les collections de dahlias sont ordinairement
à l'air libre, sous un hangar, de la bouse de en place avant les premiers jours de mai ; cette
vache qu'il réduit en poudre et passe à la claie ; méthode ne serait dangereuse que dans le cas
c'est dans cette poudre légèrement humectée où les tubercules ne seraient pas assez profon-
âu'il sème ses renoncules en terrines. A la fin dément enterrés ; car les gelées de mai, lors-
e l'été, quand les feuilles des jeunes plantes qu'il en survient, ne pénètrent jamais bien
se flétrissent , il laisse dessécher complète- avant dans la terre quant aux tiges, elles sont
;

ment le contenu des terrines et le passe au cri- assez longtemps à se développer pour ne pas
ble fin ; les griffes vierges, comme on les nomme courir grand risque de la part des froids tar-
à cet âge, sont composées de deux lobes fort difs. Mais il n'en est pas de même des pousses
petits,rarement de trois, et de quelques fila- tendres et frêles des dahlias placés d'avance
ments imperceptibles; elles sont replantées une dans la serre pour en hâter la végétation il ne ;
m
à une à 0 m ,05 ou 0 ,06 de distance dans de
, faut, les risquer en pleine terre que quand toute
grandes terrines pleines de bouse de vache du crainte de gelée, même de gclce blanche, est
semis mêlée avec une égale quantité de terre définitivement passée, ce quia lieu pour notre
franche pulvérisée. Les terrines passent l'hiver climat dans la dernière quinzaine de mai.
dans l'orangerie; il faut avoir la précaution
d'arroser modérément et de donner de l'air le 9 II. — Orangerie.
plus souvent possible. Au printemps, les griffes C'est vers le 15 mai que l'orangerie se dé-
sont parfaitement formées et bonnes à être mi- garnit, sans toutefois se vider entièrement;
ses en place ; presque toutes fleurissent en mai ; car elle doit toujours conserver celles d'entre
on peut planter à part les moins vigoureuses : les plantes qui ont souffert pendant la mauvaise
elles fleuriront en automne. saison, et admettre de plus toutes les plantes
Toutes annuelles de pleine terre
les fleurs de serre qui ne se trouveraient pas assez ro-
ont pu être semées dès le mois précédent, soit bustes pour supporter l'air extérieur.
sur couche, soit en place; ces semis peuvent Sous un climat aussi inconstant que le nôtre,
être renouvelés en mai, afin de tenir les plates- il ne peut du reste y avoir d'époque rigoureuse-

bandes constamment garnies. L'on ne peut trop ment déterminée pour l'évacuation des oran-
recommander de renouveler, tant sur la couche geries; il y a toujours moins d'inconvénients à
qu'en pleine terre, les semis des deux plantes diminuer de quelques jours la jouissance des
d'ornement dont les couleurs variées peuvent plantes d'orangerie , comme décoration de nos
décorer le plus longtemps le parterre : ce sont grands jardins , qu'à risciuer de les endomma-
les aster de Chine (reines-marguerites), et les ger, ou même de les perdre.
balsamines. En Belgique, on oniient dans les Après les gelées tardives , ce que les plantes
grands jardins des masses d'un effet très agréa- d'orangerie redoutent le plus c'est la grêle. Il
ble, dont la floraison dure longtemps, en se- ne faut pas songer à en préserver d'une ma-
mant près les uns des autres, des capucines nière absolue les orangers, citronniers, grena-
(tropœlum) , des liserons (convolvulus) et des diers, oléandres, ni même les plus grands d'en-
haricots à grappes. Ces graines sont disposées tre les camélias ; tout ce qu'on peut faire pour
sur un espace circulaire qu'on entoure de ba- eux, c'est de leur réserver une place abritée
gueites de cornouiller très rapprochées l'une !>ar un mur ou un massif d'arbres contre la vio-
de l'autre; un lien d'osier les réunit toutes par ence du vent durant les grands orages, mesure

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458 CALENDRIER
insuffisante que leur emploi comme décoration trèsgrand nombre de végétaux languissants et
rend souvent même impossible. presque étouiïcs les uns par les autres à un
Quant aux plantes de moindres dimensions nombre plus borné de plantes d'une végétation
elles sont ordinairement en trop grand nombre vigoureuse.
pour qu'on puisse les rentrer a l'approche de
chaque orage. Le mieux est donc de garnir $ IV. — Serre ctunde.
l'espace qu'on leur desline de montants en fer Les plantes de la serre chaude-sèche pren-
propres à recevoir au besoin un abri de toile nent rarement l'air autrement que par l'ouver-
ou de paillassons; ces montants, très légers et ture des croisées encore doit-elle se faire avec
:

peints en vert, ne nuisent nullement au coup beaucoup de précautions; les plantes .de la
(l'œil ; c'est une dépense qui ne se renouvelle serre chaude-humide n'en sortent jamais. Nous
pas et qui seule peut prévenir bien des désas- n'avons jamais vu de collection dé ces derniè-
tres. res plantes plus riche et en meilleur état que
Les greffes, boutures et marcottes de plantes celle de M. Jacob Makoy, à Sainte- Véronique,
et d'arbustes d'orangerie sont dans ce mois en près Liège en Belgique ; les épidendrées les plus
pleine activité. Les plus grands arbustes sont rares y végétaient avec la plus étonnante vi-
visités à leur sortie de l'orangerie, et taillés s'il gueur, mais à une température si élevée qu'il
y a lien ; non que le moment soit très favora- était impossible de la supporter plus de cinq
ble, mais parce que, pour les grands orangers, minutes sans suffoquer. Les soins de propreté,
par exemple, l'espace manquait dans l'oran- d'arrosage et de rempotage des plantes y sont
gerie et ne permettait pas de les façonnerai continuels durant tous les mois de Tannée. La
facilement qu'en plein air. Lorsqu'il n'y a pas plus intéressante de toutes les cultures de la
urgence absolue, nous pensons qu'il vaut mieux serre chaude-sèche est celle de la vanille ; cette
différer un peu cette opération quand il n'a Étante, qu'on est parvenu à faire fructifier en
pas été possible de la faire un mois ou six se- urope et dont les produits diffèrent peu de
I inaines plus tôt dans l'orangerie. Il faut se hâ- ceux de son sol natal, a besoin de beaucoup
ter de profiter des premiers jours après l'éva- d'eau dans son jeune âge ; il est à souhaiter
cuation de l'orangerie pour y faire exécuter les que tous ceux qui disposent d'une serre chaude
réparations dont elle peut avoir besoin ; car il contribuent à en propager la culture.
est impossible, quand elle est garnie, qu'un ou- Nous terminerons cet exposé par quelques
vrier quelconque y mette le pied sans y causer considérations sur la culture de l'ananas, dont
du dégât. le succès dépend en grande partie des soins
qu'elle reçoit durant le mois de mai ; on peut
S III. — Serre tempérée. même dire que c'est pour cette plante l'époque
Une grande que nous venons
partie de ce décisive de sa végétation. La grande consom-
de dire au sujet de l'orangerie s'applique à la mation d'ananas qui se fait malgré le prix très
serre tempérée ; à moins que le temps ne soit élevé de ce fruit, le meilleur peut-être de tous
très favorable, il vaut mieux se contenter de ceux que 1a nature prodigue à l'homme, per-
donner toute la journée de l'air à la serre, et met à la production de s'étendre avec des bé-
de transporter dans l'orangerie, où la place ne néfices considérables. La culture de l'ananas
manque pas, les plantes gênées dans la serre dure trois ans ; au mois de mai des deux pre-
par la chaleur trop forte et le défaut d'espace, mières années il faut changer de pot les jeunes
que de les exposer aux nuits froides du mois de plantes dont les racines se trouvent trop à l'é-
mai, souvent même du mois de juin. Le mois troit. L'étonnante vigueur de cette singulière
de mai est la saison par excellence pour la mul- végétation permet d'employer un procédé qui
tiplication des plantes de serre tempérée par tuerait toute autre plante : il consiste à enlever
boutures et marcottes, de même que pour les chaque fois la totalité des racines pour ne lais-
greffes herbacées. ser que le talon , ce qui se nomme rempoter
Les essais de semis des graines exotiques ont à nu. Lorsqu'on a fait passer un été en pleine
plus de chance à cette époque qu'à toute autre, terre aux ananas sous châssis entourés de fu-
parce que les plantes sont moins serrées et que mier chaud fréquemment renouvelé, il est de
l'air circulemieux dans la serre. toute impossibilité de les mettre en pot en con-
Pour les graines fines, qui germent difficile- servant leurs racines oq ne peut pas non plus
;

ment et qui ont besoin d'une humidité constam- les raccourcir, la plante périrait il faut donc,
;

ment entretenue, il est bon de tenir couverte comme on vient de le dire, les supprimer toutes
de paillassons la terre où elles sont semées; et attendre que la plante en ait produit de nou-
cette privation de lumière ne nuit point à la velles dans le pot où on la place. On gagnerait
germination , mais elle ferait périr la jeune une année sur cette culture importante si l'on
plante, quelle qu'elle soit, si l'on ne se hâtait pouvait ménager aux ananas une place à de-
de découvrir les semis, dès que la graine com- meure dans une serre chaude et les y gouver-
mence à lever. ner en pleine terre nous avons vu ce procédé
;

En général, excepté dans les établissements appliqué en grand dans les serres de MM. Van-
publics ou chez les amateurs très riches, c'est deveide, à Yilvorde, près de Bruxelles; les pro-
toujours l'espace qui manque dans l'orangerie duits surpassainnt en beauté et en qualité ceux
comme dans la serre, parce qu'on préfère un des autres serres, et les consommateurs bruxel-

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DU JARDINIER.
lois, principalement les glaciers, savaient très maraîcher est pressé de disposer de son terrain;
bien en faire la différence. mais partout ailleurs, et dans d'autres circon-
stances, nous croyons que tous ces choux pré-
5 V. — Jardin pouger. coces feront plus de profit si l'on attend un peu
Le mois de mai n'a pas souvent, aux envi- plus tard que leur pomme soit bien formée ; elle
rons de Paris, cette douceur de température et devient très serrée et d'un goût excellent, sur-
ce luxe de végétation chantés par les poètes ; tout ceile des choux d'York de raec pure, dont
le jardin potager offre quelquefois en mai une les pommes sont obtuses par le bout, et qui
triste nudité c'est l'époque où, pour tous les montent très difficilement.

;

départements du nord de la Loire, les retours Choux-fleurs. On peut avoir déjà, dans
subits de froids imprévus peuvent causer les le mois de mai, des choux-fleurs à cueillir ; ce
plus grands désastre:» dans les jardins. Le jar- sont des durs et demi-durs, des premiers sur-
dinier prévoyant observera donc avec un soin tout ,} qui passent aisément l'hiver. Toutefois,
assidu les variations de la température ; il ne les jardiniers qui cultivent pour le marché
négligera aucun moyen de protection pour les ne consacrent jamais à cette culture une très
plantes potagères dont la végétation, fort grande étendue de terrain. Il n'y a pas de vé-
avancée à cette époque, peut être détruite, en gétation plus capricieuse que celle de ces pre-
moins d'une heure de temps, par un seul de- miers choux- fleurs, et il arrive très souvent
gré de gelée. qu'après des peines et des soins infinis ils ne
Carotte. — La culture la plus importante de viennent à maturité qu'au moment de la grande
ce mois est celle de la carotte, vulgairement abondance de toute espèce de légumes frais,
nommée toupie de Hollande. Une excellente pois, fèves, haricots verts alors ils ont perdu
;

variété; originaire de Hollande, mais profondé- toute leur valeur, et il est même souvent diffi-
ment modifiée par la culture aux environs de cile de s'en défaire. Mais jardinier amateur,
le
Paris, y occupe un grand espace. Elle doit qui tient à avoir sa table garnie de légumes va-
être, pendant tout le mois de mai, sarclée et riés ne doit pas dédaigner les choux- fleurs de
arrosée, selon le besoin. Lorsqu'on prévoit la printemps, qui sont toujours les plus délicats.
rareté des petits pois, par suite des gelées tar- Les choux-fleurs destinés à donner leur fleur
dives, on sème au printemps une quantité pro- en automne se sèment vers le 15 mai, mieux
digieuse de cette carotte elle devient une com-
;
en ligne qu'à la volée, sur du terreau pur.
pensation salubre et peu dispendieuse à la pau- Lorsqu'on a à sa disposition une étable à va-
vreté de la première récolte des pois verts. ches, on obtient du plant de choux-fleurs très
Etant très sujette à nuiler, on a été forcé de la vigoureux et d'un succès presque certain en
semer très serrée; il devient donc néces- mêlant au terreau une égale quantité de bouse
saire de l'éclaircir, même avant le temps où, de vache récente, et donnant très peu d'eau au
ayant acquis la grosseur du petit doigt, elle jeune plant jusqu'à ce qu'il ait acquis 0 m ,12
peut paraître sur marché. La récolte com-
le à 0 m ,15 de hauteur.
mence d'ordinaire en mai; dans les années tar- Brocolis. — On ne peut les risquer en pleine
dives on ne peut espérer d'en manger que fort terre qu'à la fin de mai, quand il n'y a plus à
avant dans le mois de juin. craindre ni gelées blanches ni nuits trop fraî-
Radis. —Les radis roses et blancs, ainsi que ches, qui leur sont également funestes. Il est
les raves roses et violettes, venus sur couche, toujours prudent de ne pas se presser afin d'ar-
sont épuisés en mai ; les couches ont déjà reçu river après la grande affluence des légumes
une autre destination. C'est le tour des radis de verts. Les brocolis ne craignent par les fortes
pleine terre, dont la culture exige peu de soins ; chaleurs, pourvu que l'eau ne leur manque pas.
souvent, aux bonnes expositions, on a mêlé la L'exposition la plus chaude du jardin potager
graine ae radis à celle de carotte ou d'ognon. leur convient parfaitement.
La prompte végétation du radis devant bientôt Il est bon de faire observer qu'en Angleterre,

laisser le terrain libre on en sème au moins


, sous un climat plus rigoureux que le nôtre, on
une fois dans le courant du mois pour n'en être cultive beaucoup plus de brocolis que de choux-
pas au dépourvu, et l'on réserve ae la première fleurs ; la culture de l'un de ces légumes n'est
récolte les pieds destinés à servir de porte- réellement pas plus difficile que celle de l'autre.
graines. Pétsal ou chou de la Chine. —
Cette plante,
Choux. —
Les seuls choux de cette saison toute nouvelle dans nos potagers, ne se cultive
sont les choux d'York, les pains de sucre et les encore que par tâtonnements ; elle craint peu
cœurs de bœuf. On ne peut se faire une idée les gelées et pourrait être semée à la fin d'avril ;

de la rapidité avec laquelle , en huit ou dix néanmoins, nous croyons qu'elle réussit mieux
jours, leurs feuiHes se développent et couvrent lorsqu'on la sème dans la première quinzaine
tout le terrain; c'est le momeot qu'il faut de mai. Parmi les divers procédés de semis dont
choisir pour les arroser fréquemment et large- nous avons fait l'essai, voici celui qui nous a
ment. Il est rare qu'à Paris on leur laisse offert les meilleurs résultats. Une tranchée de
prendre tout leur accroissement avant de les 18 à 20 centimètres de largeur et d'autant de
porter au marché ; ils viennent à l'époque où profondeur a été ouverte dans une bonne terre
leschoux manquent, et trouvent des acheteurs très fertile et remplie presque jusqu'au bord de
à moitié de leur développement ; d'ailleurs, le fumier court très consommé ; quelques centl-
T. v. — sa
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mètres de terre ont été jetés par-dessus pour avait porté le pollen des giraumons sur les
recevoir la semence répandue très clair à la fleurs femelles des potirons ; il ne s'en trouva
volée, et recouverte avec une égale épaisseur
f>as
un seul qui ne fût déformé et impropre à
de terreau. Les racines de la plante s'y sont a vente, il fallut les donner aux vaches d'an
mieux développées que sur la couche, avantage nourrisseur du voisinage.
important car la disproportion entre les ra-
, Melons. On sème en place toute espèce de
cines presque nulles dans le premier âge, et les melons d'arrière-saison, soit sur couches sour-
feuilles, qui prennent en peu de jours un rapide des, soit, comme les cornichons, dans des trous
accroissement, rend l'opération du repiquage remplis de fumier ; mais dans ce dernier cas
fort délicate et d'un succès incertain. Les pe- nous conseillons de donner aux trous 50 à G0
tsaï semés au commencement de mai, par le centimètres en tous sens, et de les charger de
procédé que nous indiquons, peuvent être mis fumier à 30 centimètres au-dessus du niveau
en place dès la fin du même mois ; plus on les du sol environnant.
replante jeunes et mieux ils profitent. On dresse, pour recevoir les melons élevés
Toutes les espèces de choux de Milan, chou sous châssis, des couches sourdes qu'on recou-
blanc à grosse tête, chou à jets, ou spruyl de vre de 15 centimètres de bon terreau. La lar-
Bruxelles, se sèment dans le mois de mai nous
; geur de ces couches ne doit pas excéder 80
recommandons, d'après notre propre expé- centimètres, pour recevoir un rang de melons,
rience, d'appliquer à toutes les espèces le mode à 80 centimètres l'un de l'autre. Les soins à
de semis indiqué pour le chou de la Chine ; il leur donner pendant ce mois consistent à les
m
n'est ni difficile coûteux, et réussit toujours préserver du contact de l'air au moyen des
parfaitement. cloches, tant qu'ils ne paraissent pas parfaite-
Cornichons et concombres. C'est en mai ment repris il ne faut pas les arroser trop
;

soit à la fin , soit au commencement, selon la abondamment ; ce n'est que dans le mois sui-
température, qu'on sème ces deux légumes qui vant qu'on commence à les tailler.
n'eu font réellement qu'un; car tout cornichon, Epinards ei tétragone. On continue dans le
si on le laissait grandir, deviendrait concombre. mois de mai les semis d'épinards commencés le
On creuse, à 80 centimètres de distance, des mois précédent ; ils se sèment plus ou moins
trous circulaires d'environ 40 centimètres de serrés, selon la vigueur des espèces. Vers la fin
diamètre sur 20 de profondeur; on les remplit de mai, si la température fait prévoir un temps
de fumier à demi consumé, qu'on recouvre de orageux et chaud pour le mois de juin, Il faut
5 ou 6 centimètres de terreau. Quelques prati- préférer à l'épmard la tétragone, aujourd'hui
ciens mêlent de la terre du jardin au fumier assez répandue pour que sa graine soit à la
dont ils remplissent les trous; nous pensons portée de tout le monde. Cette plante offre ab-
que, sans ce mélange, la plante végète plus ra- solument les mêmes conditions de saveur et de
pidement et produit davantage; nous n'avons couleur que l'épinard ; elle a de plus l'avantage
jnmais remarqué que la qualité des produits en de ne pas monter, quelle que soit l'intensité ue
fût altérée d'une manière sensible. la chaleur, tandis que souvent les semis des
Citrouilles ou potirons. Paris consomme meilleures variétés d'épinards sont perdus,
une quantité prodigieuse de ce fruit, auquel la parce qu'ils montent pendant les chaleurs ora-
*
culture maraîchère sait donner un volume geuses, avant d'avoir pu donner une coupe de
énorme. On sème les citrouilles vers le 15 mai, feuilles de quelque valeur.
absolument de la même manière que les cor- Laitues. Les romaines sont en plein rapport
nichons et concombres; seulement on donne durant tout le mois de mai ; il y en a toujours
plus de profondeur et de largeur aux trous. à replanter, à lier et à vendre. Les laitues
Cette plante ne végète que dans le fumier ; on rondes de toutes les variétés commencent aussi
lui réserve pour cette raison la place la moins à produire abondamment et se représentent à
fertiledu jardin potager ; la qualité de la terre, tous les états de végétation. L'on ne peut trop
à laquelle ses racines ne touchent jamais, lui recommander pour ce genre de culture, comme
est tout-à- fait indifférente. Il est bon de placer pour toute espèce de salade, l'excellente cou-
les semences en terre en dirigeaqt le germe vers tume des maraîchers des environs de Paris, qui
le bas, pour ne pas contrarier la germination, jamais ne repiquent une salade en été sans
quelquefois très lente. On ne saurait prendre avoir largement paillé la terre.
trop de précautions pour isoler les espèces ou Chicorées. On cueille encore durant tout ce
variétés qu'on désire conserver pures ; le croi- mois la chicorée qu'on a semée très épaisse
sement s'opère par le pollen , même à grande pour lui faire pousser une multitude de feuilles
distance. Nous avons vu dans un marais, à mo-
très petites et très tendres. C'est aussi le
Saint-Mandé, tout un carré de grosses ci- ment de semer, mais un peu plus clair, la chi-
trouilles dénaturées, produire des fruits bizarres corée qu'on destine à donner en hiver la .sa-
et de nulle valeur, et cela par le seul effet de lade connue sous le nom de barbe de capucin.
trots ou quatre giraumons placés dans un ma- Au commencement de ce mois la chicorée fri-
rais voisin, qu'une simple barrière d'échalas sée est bonne à être replantée en pleine terre ;
séparait de celui qui contenait les citrouilles ; il y en a toujours, comme des romaines, à tous

la distance entre celles-ci et les giraumons les degrés de développement, pendant la durée
n'était pas de moins de 200 mètres. Le vent du mois. Les soins a leur donner consistent

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DU JARDINIER. 459

également à les arroser abondamment et à les une coupe trop prolongée, qui rendrait nulle
lier pour les faire blanchir. celle de l'année suivante. Les semis, soit en
Pois. Les premiers pois, dits de sainte Ca- place, soit destinés a être replantés, doivent
therine , semés en novembre , commencent à être tenus très proprement ; les premiers n'ont
donner leurs fruits ; les seconds, dits de la besoin que de très peu d'eau, pourvu qu'ils
Chandeleur, semés au commencement de fé- soient fréquemment sarclés et binés-," avec les
vrier, rejoignent les autres à quelques jours précautions nécessaires pour ne pas endom-
près. Ceux qui ne sont qu'en fleur dans le mois mager les racines.
de mai doivent être pinces par le haut ; si on Artichauts.— Si la température est sèche,
les laissait s'emporter, ils donneraient si tard les artichauts ont besoin dans ce mois de fré-

que leurs produits offriraient peu de bénéfice. quents arrosages ; on ne peut trop insister sur
Les moins avancés sont ]>ons à être ramésdans ce point qu'il vaudrait mieux ne pas leur don-
le courant du mois ; il est bon de leur rendre la ner d'eau du tout que de leur en donner trop
terre au pied avant de leur donner les rames. peu. C'est au commencement de mai qu'on
Pour n'en pas être au dépourvu, on en sème au sème la graine d'artichaut quand on manque
moins deux fois dans la première et dans la d'oeilletons pour les multiplier; en général, les
seconde quinzaine de mai. variétés d'artichauts les plus estimes étant su-
Haricots. — On risque dès les premiers jours jettes à retourner au chardon, il vaut beau-
de mai quelques haricots en pleine terre i mais coup mieux les multiplier d'oeilletons que de
comme la moindre gelée leur est funeste, il graines. Les semis réussissent mieux en place
vaut mieux ne semer la majeure partie que u'en pépinière; dans les deux cas ils deman-
vers le 15 du mois, et continuer au moins une ent une épaisseur de 8 à 10 centimètres de
fois par mois durant le reste de la saison, pour bon terreau. L'on ne doit pas craindre de bien
avoir toujours des haricots verts jusqu'aux pre- recouvrir la graine ; il faut arracher aussi jeu-
mières gelées. Les maraîchers des environs de nes que possible les pieds qui tournent au char-
Paris ont à cet égard une excellente coutume. don, ce qu'on reconnaît au piquant de leurs
Ils répandent, sur le sommet aplani d'un tas de feuilles ; comme ils sont toujours les plus vi-
fumier long, quelques centimètres de bon ter- goureux, ils tueraient infailliblement les autres.
reau; ils y sèment très serrés des flageolets Les semis peuvent avoir beaucoup d'impor-
hâtifs qu'ils recouvrent de litière sèche. Ces tance après des hivers rigoureux ou les vieux
haricots sont ensuite replantés en ligne en plants ont péri ; les œilletons sont alors si ra-
pleine terre, et ne souffrent point de cette opé- res qu'ils deviennent hors de prix ; nous les
ration qui leur fait gagner huit jours, quelque- avons vus en 1830, après le grand hiver de
fois quinze, quand le temps est favorable, et 1829, valoir 50 et 60 francs le mille. On en
qui, dans tous les cas, n'expose pas les jardi- plante ordinairement 10,000 dans un hectare;
niers à perdre la semence. Si le froid a endom- il y a donc eu beaucoup de bénéfice a semer

magé partiellement les haricots risqués en des artichauts en mai 11330.


f)leine terre, ils ont une réserve pour remplir
Cardons. — Toutes les espèces de cet te plante
es vides sans perte de temps. très voisine des artichauts, se sèment en mai,
Fêtes. — Vers le milieu de mai on pince les mieux à la fin qu'au commencement du mois,
sommités des tiges pour accélérer la fruclifica- soit en place, soit en pépinière. Les semis en
tion quand même le pincement ferait tomber
;
place se font à 80 centimètres de distance ; ils
quelques-unes des fleurs les plus élevées, il n'y demandent peu d'eau dans la première quin-
aurait pas d'inconvénient, parce que ces fleurs zaine après leur sortie de terre.
sont le plus souvent stériles. Les premières fèves Fraisiers.— La fraise des Alpes, dite des
sont bonnes à être récoltées à la fin du mois quatre saisons, qui pourrait, comme le dit
quand elles ont atteint le quart de leur grosseur. M. Noisette, remplacer à elle seule toutes les
On peut couper immédiatement au niveau du sol autres, commence à montrer ses premiers fruits
les tiges de celles qu'on a récoltées ainsi avant vers la fin de mai. Il ne faut l'arroser que sur
maturité, elles repousseront du pied, et donne- un sol parfaitement paillé, surtout pour le plant
ront une seconde récolte en vert à l'automne. dont on attend la première récolte. Dans les
Cependant cette pratique est un objet de cu- temps orageux il faut arroser abondamment les
riosité plutôt que de produit; il est rare que le fraisiers quand les nuées montent et que le
[ardinier n'-ait pas un emploi plus avantageux tonnerre gronde, sans compter sur l'effet des
a Taire de son terrain ; la seconde pousse a rare- pluies d'orages; l'expériedce prouve que ces
ment le temps de donner sa graine avant les pluies, si elles ne trouvent pas la terre suffi-
premières gelées, qui, si elles ne tuent pas la samment mouillée d'avance, sont funestes aux
plante, suffisent pour faire avorter et tomber fraisiers dont elles font jaunir la feuille et
presque toutes les fleurs et rendre la récolte avorter la fructification. Toutes les espèces
nulle. qu'on veut multiplier de semence doivent être
Asperges. — La récolte des asperges se pro- semées dans le courant de ce mois, sur terreau,
longe durant tout le mois de mai et même au- à l'ombre, et repiquées 15 jours ou 3 semaines
delà j la seule précaution à prendre, c'est de ne après qu'elles sont levées. Lorsqu'on veut s'as-
pas endommager en les coupant le collet de la surer pour l'automne une récolte abondante de
racine, et aussi de ne pas fatiguer le plant par fraises des quatre saisons, l'on sacrifie lapre-

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460 CALENDRIER
mièrecn coupant à 5 à 6 centimètres au-dessus pour les replanter ordinairement en bordure ;
il ne faut pas attendre trop tard, de peur que
du sol toute la plante, feuilles et tiges, au mo-
ment de la floraison au commencement de
, les jeunes plantes ne soient trop peu avancées

mai. Cette opération donne un produit encore à l'époque où Ton confit les cornichons au vi-
plus certain quand on l'applique à la fraise des naigre, l'estragon étant le principal assaison-
quatre saisons dépourvue de coulants, connue nement de cette préparation.
sous le nom de buisson de Gaillon. Pourpier. — Ce n est guère que dans les dé-
Ognons. — Les blancs sont déjà bons à être partements au nord de Paris que le pourpier,
cueillis à la fin de mai ils ont alors à peu près
-, étant généralement employé, tient une place
la moitié de leur volume. Cette récolte est d'au- obligée dans tous les jardins. On le sème en
tant plus avantageuse qu'on a eu soin de semer mai, très clair, à toute exposition; le plus sou-
assez serré pour ne rien perdre sur les ognons vent il se ressème de lui-même; ses graines se
destinés à parvenir à toute leur grosseur. conservent l'hiver en terre et lèvent au prin-
Poireau. —
Si les semis n'ont pas été faits temps, elles couvrent promptement le terrain
tous à la fois, il y a en mai du plant de poireau et n exigent pas de grands soins de la part du
à mettre en place. Comme cette plante demande jardinier.
à être cultivée en rangs très serrés, elle étouffe Maïs ou blé de Turquie. — Cette plante de
promptement les herbes nuisibles; néanmoins grande culture ne figurerait point ici sans l'ex-
un ou deux binages dans le mois de mai lui cellence de ses épis cueillis avant maturité et
sont fort utiles. confits au vinaigre de même que les cornichons,
Ciboules, —Pendant tout le courant de mai, auxquels bien des personnes les préfèrent. On
selon la température, on replante la ciboule à peut donc, pour cet usage, consacrer un coin,
15 centimètres de distance, en lignes. Il faut du jardin à semer Quelques poignées de maïs
choisir de préférence, pour cette opération, le de l'espèce naine qu on nomme quaranlain ou
moment ou la terre n est que médiocrement maïs à poulets. N'étant pas destinée à donner
humide. sa graine, cette plante n'a pas besoin d'être
Champignons. —
Il y a dans ce mois peu de semée avant la fin de mai ; ses produits seront
soins à donner aux couches à champignons; plus abondants que si elle était semée plus tôt ;
elles sont en plein rapport. Les jardiniers qui il lui faut beaucoup de fumier.

en font le commerce spécial, et qui approvi- Nous avons mentionné séparément les plan-
sionnent le marché pendant toute Vannée, doi- tes dont la culture semblait exiger quelques in-
vent, durant le mois de mai et le mois suivant, dications spéciales ; nous nous bornerons à com-
travailler leurs fumiers de façon que leurs cou- prendre les autres d'une manière générale dans
ches se succèdent sans interruption dans la ré- l'énoncé des travaux du mois, car nous sommes
colte. Ce travail est admirablement traité dans forcés de nous restreindre dans des limites qu'il
les carrières communes de Montrouge, d'Ar- nous est interdit de dépasser.
cueil et de Gentilly, qui de temps immémorial La végétation, activée par les premières
sont en possession de celte branche de jardinage. chaleurs, favorise le développement des plantes
Patate ou Batate. —
On plante sur une cou- nuisibles aux dépens des plantes utiles; le po-
che de fumier de cheval recouverte de 12 à
, tager a donc besoin dans toutes ses parties de
15 centimètres de bonne terre, des tubercules binages et de sarclages qui ne sauraient être
de bâtâtes en lignes plus ou moins rappro- trop fréquents. On doit surtout recommander
chées, selon leur grosseur. Il ne faudrait pas les binages aux jardiniers qui, par quelque cir-
placer ces tubercules dans le terreau leur vé- ; constance locale, ne peuvent donner autant
gétation ne s'y développerait pas aussi bien; d'eau que certaines plantes en demandent -.elles
les premiers jours de mai sont Vépoquc la plus auront d'autant moins à soulfrir de la séche-
favorable à cette culture. Au bout d une se- resse que le sol où elles végètent aura été remué
maine on voit poindre de jeunes pousses très plus souvent.
nombreuses qu on détache pour les replanter Il est peu de plantes potagères qui ne puis-
une à une à 30 centimètres les unes des autres, sent être semées en mai , indépendamment de
en espaçant les rangées d'environ 1 mètre. La celles dont nous avons exposé le mode de cul-
consommation de la batate s'étend d'année en turc c'est pendant ce mois qu'on réservera
,

année à mesure que son prix diminue; elle dans chaque espèce les porte-graines des plan-
occupe déjà une place importante dans nos po- tes annuelles. Les semis de persil, pimprenelle,
tagers, et elle tend à devenir d'un usage géné- cerfeuil et cresson alénois seront d'autant plus
ral. Il faut la préserver avec soin des gelées, souvent répétés que les chaleurs lesteront mon-
qui lui sont mortelles. ter plus rapidement. Les salsifis, scorsonères
Tomates. —
On met en place vers le 15 et betteraves, qui sont, aux environs des gran-
mai, en bonne exposition, les tomates élevées des villes, cultivés en grand pour l'usage ali-
sur couches; il convient de ne pas se presser mentaire, se sèment dans le courant du mois
quand le temps n'est pas très favorable. Dès de mai.
que la plante monte et fleurit, il est temps de
lui donner des tuteurs, ce qui hâte la maturité
du fruit et en améliore la qualité.
Estragon. —
On éclate les pieds d'estragon

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DU JARDINIER.
de juillet, pour récolter en octobre, sont ordi-
JUIN. nairement stériles ; nous recommandons, même
pour les semis de juin, de ne semer que des
J 1
—er
. Jardin potager
pois hâtifs, sous peine de ne rien récolter. La
cendre hâte beaucoup la croissance des pois,

Pois. Ce légume est le plus productif et mais appliquée en trop grande quantité elfe les
le plus abondant de ceux que fournit le mois de brûle; la meilleure manière de l'employer con-
juin, durant lequel presque tous les produits siste à la répandre, à la main, dans le sillon où
du potager sont livrés successivement à la con- l'on dépose la semence ; deux ou trois centimè-
sommation. C'est au 15 juin que commencent, tres d'épaisseur sont plus que suffisants; la
pour les Hollandais, les six semaines aux pois, cendre se trouve recouverte en même temps
expression consacrée dans leur pays, supérieur que les pois. Les pois semés en juin doivent
à tout autre pour la perfection des jardins po- être rames presque au sortir de terre, huit ou
tagers. dix jours au plus après qu'ils sont levés. Il est
A Paris, le prix des pois écossés descend ra- toujours utile de laisser un espace suffisant
pidement de 3 fr. à 40 c. le litre ; l'avantage pour que l'air circule entre les lignes ; on éco-
est donc à ceux qui peuvent en hâter la végé- nomise ainsi la semence, et les produits n'en
tation. Le prix excessif des pois pour semence sont pas sensiblement diminués.
dans les années qui, comme celle-ci, ont vu Nos lecteurs qui habitent au nord de Paris
périr tous les premiers pois semés soit en no- doivent donc se tenir pour avertis que, s'ils
vembre, soit en février, rend leur culture fort semaient des pois tardifs à la fin de juin et au
ingrate; ainsi, cette année, le mois de juin fera commencement de juillet, comme on le fait
rentrer les jardiniers dans leurs frais, mais sans grand inconvénient aux environs de Paris
presque sans bénéfice. Si cette culture se sou- à bonne exposition, ils s'exposeraient à n'avoir
tient, c'est uniquement parce qu'elle n'a pas pour tout produit que des fleurs.
besoin de fumier et qu'elle peut donner des pro- —
Céleri. Le céleri, par ses propriétés diges-
doits très importants sur un sol fumé trois ans tives trop peu appréciées en France, mérite une
auparavant, où l'on ne retrouve pas trace d'en- mention particulière. En Belgique, où on l'em-
grais. Sans cette particularité le peuple de ploie souvent, soit seul, soit joint au pourpier,
Paris ne verrait pas les pois verts inonder les pour des potages maigres et des plats de légu-
marchés et les rues en juin, juillet et août. mes fort recherchés, il passe pour posséder des
Il faut apporter beaucoup d'attention dans la vertus excitantes analogues à celles de la truffe.
manière de cueillir les pois, pour ne pas en- C'est en juin que l'on commence à pouvoir
dommager les liges et empêcher le développe- faire usage du céleri semé sur couche, sous
ment des gousses, qui se remplissent d'un jour châssis, en février et mars ; on doit en recom-
à l'autre ; ces précautions sont surtout néces- mander l'usage dans la salade, dont il corrige
saires quand les gousses bonnes à être cueillies la crudité , souvent nuisible aux estomacs pa-
sont encore en petit nombre et que les plantes sont resseux. Il faut avoir soin de ménager les se-
couvertes de fleurs. On peut citer comme mo- mis et repiquages de céleri de manière à n'en
dèle la dextérité des femmes employées à ce manquer en aucune saison de l'année.
travail à Marly et aux environs ; elles donnent La meilleure méthode de buttage pour obte-
si peu d'ébranlement à la plante que pas une nir le céleri parfaitement blanc et tendre, c'est
seule fleur n'est perdue. : de laisser assez d'espace entre les rangs pour
On sème des pois dans tout le courant de pouvoir tirer des intervalles la terre dont on le
juin, en donnant la préférence aux espèces tar- recouvre par degré, à trois reprises différentes,
dives ; aux environs de Paris on choisit pour à huit jours de distance mais cette méthode,
;

les semis de la fin de juin le pois de Clamart, Sratiquée dans les jardins bourgeois, ne vau-
le plus tardif de tous. Nous pensons que c'est rait rien pour les maraîchers, parce qu'elle
une erreur, et qu'il y aurait bénéfice, non-seu- fait perdre trop de terrain. La culture du céleri
lement à semer les pois les plus hâtifs, mais en- en fosses est la plus avantageuse; les fosses
core à en accélérer la végétation au moyen de reçoivent trois rangées de plants, qui peuvent
la cendre de bois, seul amendement qui con- y être mis en place dès le mois d'avril. Lors-
vienne en général à toutes les variétés de cette qu'on les juge assez avancés, on les lie et on
plante. leur rend la terre à trois reprises différentes.
L'espèce la plus productive pour les semis Il y a dans ce procédé économie de terrain et
de la fin de juin est celle dont la cosse ne con- de main-d'œuvre.
tient point de parchemin et qu'on nomme pour Le céleri, qu'on trouve à l'état sauvage dans
cette raison pois mange tout, quoique, lorsqu'on les lieux humides et frais du département des
veut Fécosser, le grain en soit aussi bon seul Bouches-du-Rhône, veut un sol riche et beau-
que celui de toute autre espèce. En général, les coup d'eau, à toutes les époques de sa crois-
nuits trop fraîches empêchent la fleur de nouer, sance. Le céleri semé en juin pour la consom-
en sorte que, sans que la plante paraisse avoir mation d'hiver veut être arrosé, même avant
souffert du froid, elle ne rapporte rien, ou pres- d'être levé, lorsque le temps est sec; souvent,
que rien, si les gelées blanches de septembre la sans cette précaution, il ne lèverait pas.
surprennent en fleur. Voilà pourquoi les semis Le céleri-rave, espèce à racine charnue, itn-

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CALENDRIER
portée d'Allemagne depuis quelques années, rivaliserdans lagrande cullure avec la pomme
commence à devenir commun en France. C'est de terre. Elle offrira un avantage considérable
un excellent légume ; il demande encore plus par sa propriété de s'étendre en tout sens , en
d'eau que le céleri commun, mais il n'a pas be- sorte que les pieds doivent être plantés à très
soin d'être botté. grande distance. Nous pensons que pour ense-
Champignons. —Les soins à donner aux mencer une égale étendue de terrain, il faudrait
couches à champignons sont les mêmes pour cinq à six fois moins d'oxalis que de pommes
ce mois que pour le précédent. La récolte est de terre. Mais, avant d'appliquer à l'oxalis cré-
en pleine activité; mais c'est l'époque de l'an- nelée la grande culture , il faudrait parvenir à
née où elle est le moins productive, parce que en étendre la consommation, qui ne parait pas
les prix sont généralement très bas. C'est dans devoir devenir prochainement d'un usage gé-
le mois de juin qu'on peut tenter, avec le plus néral.
de chances de succès, le procédé que donne Artichaut. — Si les plants ont été bien con-
M. Pirolle, comme le devant au hasard. Du fu- duits, ceux de l'année dernière sont, durant le
mier de cheval peu consommé, mais humide, mois de juin, en plein rapport. Pour ne pas
fut oublié dans un souterrain ; il y prit le blanc épuiser les pieds dont on veut prolonger la du-
de lui-même. Ce fumier ayant été disposé en rée, on ne leur laissera qu'une tête h chacun et
1as régulier, sans autre but que de lui faire oc- l'on coupera la tige au niveau du sol sitôt
cuper moins de place, se couvrit spontanément après la récolte. Près des villes, où tout se dé-
de très bons champignons, et continua à en bite, il y a bénéfice à laisser au moins une par-
donner pendant trois mois en aussi grande tie des têtes secondaires, qu'on vend pour man-
abondance qu'aurait pu le faire une couche sa- ger en hors-d'œuvre, à la poivrade ou en friture.
vamment travaillée. Nous avons renouvelé bien Dans ce cas , les pieds qui dégénéreraient doi-

des fuis cette expérience ; elle ne coûte rien en vent être sacrifiés ; on les consacre à fournir
réalité, car si le fumier se refuse à prendre le des œilletons pour les plantations de l'automne
blanc, il n'en a pas moins toute sa valeur, et ou du printemps de l'année suivante.
la main-d'œuvre est presque nulle elle nous a
; On ne peut trop largement arroser l'arti-
réussi presque toujours, mais non pas constam- chaut ; on est bien récompensé par la beauté
ment. C'est toujours en juin, surtout quand la des produits, qui peuvent, par une culture soi-
température de ce mois se trouvait chaude et gnée doubler de valeur.

,

orageuse, que nous avons obtenu le plus de Melons. C'est dans le mois de juin, que
champignons par ce procédé. les melons réclament les soins les plus assidus ;
Pommes de terre. — On donne , en juin , la c'est en même temps le mois où commence pour
seconde façon aux pommes de terre tardives. eux le danger des grands orages accompagnés
Quelques jardiniers commettent l'imprudence de grêle. La fréquence de ces orages aux envi-
Se livrer a la consommation dès les derniers
, rons de Paris a fait préférer, pour cette culture,
jours du mois de juin, des pommes de terre les châssis aux cloches par tous les maraîchers
très hâtives, qui se vendent à un prix très aisés en effet , les châssis résistent beaucoup
-,

élevé. Il serait à désirer que la police des mar- mieux que les cloches à la grêle, dans des cas
chés de Paris s'empressât de prendre des mesu- imprévus. Deux fois en 1838, la grêle, grosse
res à cet égard ; ces pommes de terre, vendues comme des noisettes, est survenue à l'impro-
ainsi avant leur maturité complète, sont nuisi- viste par des coups de vent qui ne laissaient
bles à la santé ; s'il n'en résulte pas d'accidents pas le temps de faire usage des paillassons, pas
plus graves, c'est qu'elles s'emploient ordinai- une seule cloche ne fut épargnée ; les châssis
rement mélangées avec d'autres aliments, ce ne furent que partiellement endommagés. Les
qui en diminue les propriétés pernicieuses. châssis sont aus>i beaucoup plus faciles à cou-
Quand les premiers semis de pommes de terre vrir rapidement à l'approche d'un orage à quoi
;

ont été fortement endommages par les gelées il faut ajouter que les melons obtenus sous
tardives, on peut, dans le courant de juin, mais châssis valent toujours mieux que ceux qu'on
mieux au commencement qu'à la fin de ce mois, obtient sous cloche, par cette seule considéra-
semer une espèce très hâtive, introduite depuis tion que le jardinier craindra de dépenser un
quelques années, sous le nom de Segonxac; elle temps précieux à soulever l'une après l'autre
végète assez rapidement pour qu'on puisse es- des centaines de cloches, tandis qu'il ne regar-
pérer la récolter avant les fortes gelées, en dera pas à un quart d'heure de travail pour sou-
même temps que la vitelotte, pourvu qu'elle lever quelques châssis.
soit placée dans un sol frais et abondamment C'est en juin qu'ont lieu les principales opé-
fumé car ; la pomme de terre Segonzac est, plus rations de la taille des melons. On revient tous
que toute autre, sensible aux effets de la séche- les jours de l'ancien préjugé qui faisait regar-
resse. der cette taille comme une sorte d'arcane, ré-
Oxalis crénelée. — On doit, dans le courant vélé seulement à quelques adeptes. Le Bon
de juin, veiller attentivement sur celle plante, Jardinier a contribué puissamment à faire voir
Four la butter chaque fois que la végétation que la nature n'a pas besoin d'être contrariée
exige. Quand l'horticulture aura forcé cette par une taille minutieuse, aussi fréquemment
plante à fleurir et à porter graine, on en peut que le recommandaient les anciens traités, qui
espérer des tubercules volumineux , dignes de semblaient embrouiller à dessein une chose fort

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DU JARDINIER.
simple en elle-même, comme poor dégoûter elles se nourrissent ; mais si elles rencontrent
les amateurs et les mettre hors d'état de faire sur leur chemin un obstacle qu'elles ne puis-
croître un bon melon sans le secours d'un maî- sent percer, elles périssent. Pour préserver les
tre jardinier. On doit jouir durant tout le mois fraisiers, on défonce le sol à 0 m ,40 ou 0"\50 de
de juin et les trois mois suivants des melons de profondeur, et l'on garnit le fond delà planche
m
d'une couche de 0 ,03 ou (K04 de feuilles sè-
bonnes espèces , pourvu que les semis et repi-
quages soient conduits en conséquence. Nous ches de châtaignier, de platane ou de sycomo-
recommandons aux amateurs qui ne cultivent re ; celles d'orme ou de cnêne seraient insuffi-
pas pour la vente le petit melon sucré vert, de santes. On rejette ensuite la terre et on réta-
la variété nantaise; jamais il ne s'en rencontre blit leplant de fraisiers- qu'on soigne comme à
un mauvais. Ils seraient communs à Paris sans l'ordinaire: il n'est plusquestion de vers-blancs.

la petitesse de leur taille, que la culture n'a pas On conçoit que ce procédé n'est pas praticable
réussi jusqu'à présent à développer, ce qui les en grand, lorsque les produits sont destinés à la
rend peu avantageux pour la vente. Le petit vente; mais il arrive souvent, à la campagne,
melon sucré vert a le mérite d'être à la fois, Îju'dh est forcé d'acheter des fraises, parce que
selon l'époque des semis, le premier et le der- es turcs détruisent les fraisiers dans les jardins
nier; il égale, pour la finesse de la saveur, les particuliers. On peut, par le moyen que nous
meilleurs cantalous, et la plante est beaucoup rappelons, s'assurer une bonne provision d'un
moins délicate. des meilleurs fruits de nos jardins durant les
Fraises. — Les fraisiers exigent, durant le chaleurs de l'été.
mois de juin, des soins multipliés. Lorsqu'ils Les fraises de collection sont épuisées dans le
ont été plantés sur un sol bien nettoyé à l'a- mois de juin, hors celles des quatre saisons, et
vance, <"t que ce sol a été garni d'une quantité quelques caprons tardifs qui peuvent se prolon-
de litière sèche suffisante pour étouffer les grai- ger jusqu'en juillet, aux expositions de Test et du
nes de mauvaises herbes à mesure qu'elles lè- nord. Nous recommandons, tant aux amateurs
vent, il n'y a pas lieu de les sarcler; il faut qu'aux jardiniers, une fraise peu cultivée aux
seulement les arroser sans profusion, mais avec environs de Paris, et cependant bien digne de
discernement, avec l'attention de donner tou- l'être. C'est une variété d'origine anglaise, mais
jours un peu plus d'eau à ceux qui montrent profondément modifiée par nne longue culture
plus de fruits que de fleurs, et un peu moins à dans les provinces wallonnes de la Belgique;
ceux chez qui les fleurs sont en plus grand elle est très rustique et très productive ; son
nombre. fruit est de moyenne grossenr, d'un rouge oran-
Quelques personnes sont dans l'usage, en gé, d'une saveur parfaite, intermédiaire entre
cueillant les fraises, pour s'épargner ensuite la celle de la fraise ananas et celle de la fraise
peine de les éplucher, d'enlever le fruit sans des Alpes. A Liège, où le sol lui convient par-
son pédoncule et de laisser le support attaché ticulièrement, elle donne pendant près de six
à la tige: rien ne fait plus de tort a la fructifi- semaines, avec une abondance réellement pro-
cation des fraisiers. Les jardiniers ont grand digieuse. Son seul défaut, pour les jardiniers,
soin de couper net avec l'ongle du pouce Te pé- c'est de ne produire qu'une fois et d'occuper
doncule au dessous du fruit ; ils savent par ex- inutilement le sol pendant le reste de l'année.
{)érience que sans cette précaution ils perdraient Voici, d'après notre propre expérience, com-
a moitié de leur récolte. ment cet inconvénient peut disparaître. Suppo-
On voit souvent, dans les premiers jours de sons 10 ares de terrain employés à la culture
juin, tous les fraisiers jaunir et languir, malgré /nllonnf après
de la fraise wallonne; anrrc la nWtlto c'u
la récolte, o'oct.n-
les arrosages et les soins ordinaires que récla- dire vers la fin de juin, on en peut arracher
me leur culture; dans ce cas, c'est qu'ils sont neuf, et ce qui restera aura produit, avant l'au-
attaqués à la racine par le turc ou ver-blanc tomne, un si grand nombre de coulants, que
(larve du hanneton). Il n'y a guère d'autre re- vers le 15 septembre on en pourra replanter,
mède que de détruire la planche endommagée, si l'on veut, 20 ares au lieu de 10. En renouve-
de labourer avec soin la terre et d'y rechercher lant la plantation tous les ans, les produits se-
les turcs. Mais comme il est encore temps de ront aussi abondants que si on laissait les plan-
replanter des fraisiers des quatre saisons pour tes achever le cours ordinaire de leur durée,
en jouir à l'automne et que, d'une autre part, qui est de trois ou quatre ans. Aux environs
quelque soin qu'on ait mis à exterminer les vers- de Liège et de Namur, sur les terrains schis-
Mancs, la seconde plantation peut a voir le même teux en pente, très sujets aux éboulements, on
sort que la piemière, nous rappellerons an lec- laisse cette fraise s'étendre librement, sans l'ar-
teur le procédé suivant ; nous l'avons essayé racher ni la rajeunir ; les jeunes plantes étouf-
plusieurs fois, et H a toujours réussi. fent les vieilles, et il n'y, a jamais un centimètre
Le hanneton pénètre en terre aussi avant de terrain à découvert.
que possible pour déposer ses œufs. Quand le On récolte avec profusion, dans le mois de
sol est profond, les larves de hanneton doivent juin, les fèves, les haricots verts, les choux-
donc éclore à une grande distance au-dessops fleurs et toute espèce de salade ; on voit même
de la surface de la terre; leur instinct les porte déjà quelques haricots blancs écossés des espè-
à remonter pour chercher les substances végé- ces hâtives. Les choux manquent sur le mar-
tales, principalement les racines tendres, dont ché ; les premiers sont épuisés, les tardifs n'ont

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464 CALEÏ*

pas encore formé leur pomme ; mais leur ab-


S II. - Jardin fruitier.
sence n'est pas remarquée.
La récolte des jeunes carottes se prolonge Larécolte aes fruits rouges commence ordi-
durant tout le mois de juin et une partie du nairement en juin ; cette année il ne faut pas les
mois suivant, si les semis ont été ménagés en attendre avant juillet, mais c'est une exception.
conséquence. Lorsqu'on se propose d'obtenir en La culture des arbres et arbustes à fruits rou-
automne une récolte de carottes parvenues à ges est d'une telle importance pour la santé pu-
toute leur grosseur, il faut cesser de récolter blique, aux environs des grandes villes, que nous
dès qu'on voit le plant suffisamment éclairci ; croyons utile de donner à cet égard quelques
mais dans la cnlture maraîchère on n'admet pas indications spéciales.
cette méthode. La carotte destinée à la consom- Groseilliers. —
Peu de cultures sont plus
mation d'hiver est cultivée en plein champ; celle avantageuses que celle des groseilliers aux en-
qui paraît sur nos tables comme légume d'été virons de Paris; elle est portée au plus haut
est arrachée avant d'avoir atteint tout son vo- point de perfection par les habitants du village
lume, et le terrain reçoit une autre destination. des Prés Saint- Gervais, qui en font leur princi-
Les asperges donnent encore durant une par- pale occupation. Les groseilliers à grappe y sont
tie du mois de juin; les pousses des griffes les plantés dans des rigoles peu profondes, à la dis-
plus faibles sont les dernières à se montrer ; il tance de l m ,50 en tous sens; ils les bêchent sou-
vaut mieux les ménager que d'en continuer la vent, leur donnent assez fréquemment des en-
récolte; il ne faut pas perdre de vue qu'une grais au pied, et n'y laissent jamais de bran-
planche d'asperges peut prolonger son exis- ches âgées de plus de deux ans. Un terrain de
tence, avec très peu de frais, pendant 25 à 30 83 ares (arpent de Paris, petite mesure), planté
ans en plein rapport, pourvu qu'on ne lui de- en groseilliers, en contient 1,450, dont chacun
mande pas plus qu'elle ne doit raisonnablement donne, année commune, l k ,500 de groseilles,
produire. et dans les bonnes années 2 kilogr. ; au prix
Le mois de juin est la saison convenable moyen de 30 cent., c'est on produit de 650 fr.,
lier les cardons afin de les faire blanchir. pouvant aller jusqu'à 950 fr. ; il est vrai que la
nr a souvent de la perte sur cette plante, dont main-d'œuvre pour cueillir les groseilles en-
f
la consommation n'est pas très étendue ; cette traine des frais considérables.
perte provient de ce que le cardon, parvenu au Vers la (inde juin, quand les groseilles com-
point d'étiolement qui le rend propre aux usa- mencent à mûrir, on réserve pour la récolte
ges de la cuisine, n'y reste pas; il faut néces- d'automne quelques-uns des groseilliers les plus
sairement qu'il soit consommé ou qu'il pour- chargés de fruits; on les recouvre d'une botte
risse si l'on n'en trouve pas le débit; on ne doit de paille retenue en haut et en bas par deux
donc pas lier les cardons tous à la fois. Un liens, et l'on a soin que cette couverture ne soit
moven excellent, quoique peu usité, de les ob- jamais dérangée. Les groseilles se conservent
tenir successivement, c'est de varier l'épaisseur sous cet abri, sans s'altérer ni se rider, jusqu'au
de l'enveloppe ou chemise de paille ou de litière mois de novembre. L'arbuste est assez vigou-
sèche employée pour les faire blanchir ; plus reux pour ne pas souffrir sensiblement de cette
cette couverture est épaisse, plus le cardon blan- clôture, pourvu qu'il n'y soit pas soumis deux
chit promptement. Il est bon de visiter souvent années de suite.
les cardons pour s'assurer de leur état. Framboisiers. —
Le fruit du framboisier, au
L'oseille a larges feuilles, semée au prin- moins égal aux meilleures espèces de fraises,
temps, donne en juin les meilleurs produits le ;
est cependant moins estimé à cause d'un défaut
mode de multiplication par semis est de beau- qui révolte la délicatesse de bien des gens ; il ne
coup préférable à l'éclat des racines; l'oseille peut se conserver que quelques heures après
jeune a toujours moins d'&creté et moins de avoir été cueilli; la moisissure et les vers s'en
propension a monter pendant les chaleurs. emparent presque aussitôt. Le peu de consis-
La récolte de l'ail, très importante dans les tance de ce fruit le rend aussi très difficile à
départements au sud de Paris, doit se faire à la transporter; néanmoins, son goût délicieux et
fin de juin; si la végétation de cette plante se ses propriétés bienfaisantes lui méritent une
trouvait retardée, il faudrait la hâter en nouant place dans tous les jardins. Cette place peut être
les feuilles toutes ensemble ; en tout cas, il est choisie à l'ombre et dans l'endroit où le sol est
bon de les coucher, comme on le fait pour ro- moins fertile; le framboisier peut s'en conten-
gnon, vers le 15 juin. ter; mais de même que toute autre plante, il
C'est vers le milieu de juin que les tiges d'an produit en raison de la nourriture qu'on lui
gél ique son t bonnes à être coupées pour être confites donne, et, quoique bien peu de jardiniers son-
au sucre ; nous recommandons aux amateurs la gent à fumer leurs framboisiers, c'est une at-
culture de cette plante , dont les semences sont tention que nous recommandons aux amateprs,
également favorables aux estomacs débiles; elle surtout a ceux qui ne peuvent disposer que d'un
n exige aucun soin et peut être abandonnée à espace limité pour cette excellente production.
elle-même dans un fossé humide, pourvu qu'elle . On jouit pleinement des framboises dans les

y soit à l'abri des vents du nord et d'est. premiers jours de juin, surtout si l'on a eu soin
d'incliner ou de courber légèrement les pousses
de l'année précédente, dont on attend la fruc-

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DU JARDINIER. 465

Les framboises veulent être cueillies


tiûcation.
au moins une fois tous les jours, durant la sai- § III. — Parterre.

son, si Ton tient à n'en pas laisser perdre. Les fleurs de collection sont passées dès la
Cermert. — On commence à jouir dès les fin du mois précédent, à l'exception desœillels,

tiremiers jours de ce mois des cerises en espa- dont la floraison commence à la fin de juin. Si
ier, et vers la fin du mois de toutes les autres, les œillets n'offrent jamais à la vue cette riche
dans les années ordinaires. Les soins à donner variété de couleurs qui fait tout le prix dos
aux cerisiers, durant le mois de juin se bor-
, tulipes et des renoncules, ils ont par compen-
nent à l'attention apporter à ne point
qu'il faut sation l'élégance des formes et l'odeur la plus
endommager arbres en cueillant le fruit ;
les délicate peut-être de tout le règne végétal. Ou
fort souvent, sur les arbres à haute tige, l'ap- peut, dans tout le courant de ce mois, les mul -
plication imprudente des échelles occasionne tiplier au moyen des marcottes. Lorsqu'on s'a-
aux embranchements des fentes qui donnent i perçoit à la grosseur des boutons que la fleur
lieu à la gomme et peuvent causer plus tard la fera' crever le calice et que les pétales, s'échap-

perte des arbres. pant par cette crevasse, perdront leur symétrie,
Nous rappelons aux amateurs que c'est à eux on pratique de légères incisions longitudinales
surtout qu'il appartient de conserver à l'horti- au point de jonction de chacune des divisions
culture la reine des cerises de France, la belle, du calice; si , malgré ces précautions, la Heur
grosse et excellente cerise de Montmorency. conserve son défaut , elle ne peut plus figurer
Dans sa vallée natale, cette cerise est sur le dans la collection.
point de disparaître; elle est si peu productive Parmi les insectes, l'ennemi le plus à crain-
qu'on n'en a pas renouvelé les antiques planta- dre pour les œillets est le perce-oreille ; le meil-
tions. Les motifs d'intérêt auxquels le jardinier leur préservatif connu consiste à suspendre des
marchand est forcé de céder ne doivent point ergots de veau ou de mouton aux œillets des
arrêter l'amateur, surtout quand il s'agit de ne baguettes qui servent de support aux tiges;
pas laisser périr une des meilleures variétés de chaque soir les perce oreilles ne manquent pas
nos fruits rouges, variété dont la réputation de s'y retirer, et il est facile de les détruire.
est européenne. En dehors des collections d'œillets, on ne
C'est vers le milieu de juin qu'il convient de doit pas négliger l'œillet rouge pur, ou œillet
s'occuper du pincement des bourgeons sur- des distillateurs, le plus odorant de tous, l'œillet
abondants et des branches gourmandes, prin- commun, blanc pur, ou panaché blanc et rose, .

cipalement sur les arbres cultivés en espalier. remarquable par le volume de ses fleurs, et
Quelques auteurs conseillent de commencer enûn l'œillet de Condé, jaune, frangé de rouge.
cette opération dès le mois de mai; nous croyons Toutes ces plantes sont rustiques; elles sup-
cette pratique nuisible aux arbres, excepté dans portent 10 et 12 degrés de froid; nous les
quelques années où le printemps aurait été très avons vu résister parfaitement à 18 degrés
précoce. Réaumur au-dessous de zéro, durant le grand
Les greffes en écosson, à œil poussant, sur hiver de 1829 à 1830, à Liège (Belgique). Ce
toute espèce d'arbres fruitiers, réussissent très qui tue les œillets , ce sont les dégels suivis de
bien dans tout le courant de ce mois. Depuis verglas il est donc utile de tenir toujours la
;

un certain nombre d'années, les greffes d'ar- litière sèche à leur portée pour les couvrir en
bres à fruits au bas de la tige, destinées à être cas de besoin. Il est bien reconnu que la gelée
enterrées, obtiennent une préférence marquée sèche, quelle que soit son intensité, ne leur fait
sur toutes les autres même pour les arbres à
, aucun mal.
haute tige. Après avoir longtemps défendu Les lis de toutes les variétés sont en pleine
d'enterrer les greffes , on a remarque que les fleur durant le mois de juin. Quoique ce genre
greffes enterrées ne tardent point à s enraciner, magnifique ne fasse point collection, les lis
et qu'elles donnent naissance à des sujets qui blancs et jaunes n'en sont pas moins, avec les
ont tous les caractères des pieds francs; à la émérocalles, les martagones et les tigridia, le
vérité on en obtient le fruit beaucoup plus plus bel ornement de nos parterres dans celle
tard, mais les arbres sont plus robustes et du- saison. Le lis de Pensylvanie fort estimé en,

rent plus longtemps. Belgique, est moins commun dans nos jardins,
Les semis de pépins effectués soit au prin- malgré la beauté de sa fleur. Les tigridia n'ont
temps, soit à l'automne de l'année précédente, contre elles que le peu de dorée de leur fleur :
souffrent déjà de la chaleur et de la sécheresse quelques heures suffisent pour les faner; on
au mois de iuin. S'ils n'ont pu être placés à peut cependant en former de beaux massifs,
l'ombre, bu s il est trop difficile de les arroser, toujours garnis de fleurs durant la saison les ;

on peut suppléer en partie en semant en bor- bulbes, étant fort petits, peuvent être plantés
y
dures le long aes plancnes quelques-unes de ces très près les uns des autres, et chaque tige
Etantes qui végètent rapidement et donnent donnant successivement trois ou quatre fleurs,
eaucoup d'ombrage; ainsi, par exemple, des il y en a toujours un assez grand nombre d'é-

soleils semés très serrés en avril peuvent déjà panouies à la fois. Parmi les fleurs simples,
donner aux semis de pépins un abri suffisant nous n'avons rien qui surpasse en beauté la
avant les fortes chaleurs de la fin de juin. corolle mouchetée de cette plante éblouissante.
Quoique les bulbes de tigridia puissent rester
tlOUTrCUI.TCA*. t. v. — 89

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4G3 CALENDÏURfl

en terre tonte l'année, pourvu qu'on les couvre s'il les soigne attentivement la croissance des
,

pendant l'hiver, nous avons toujours trouve jeunes sujets n'en sera pas de beaucoup re-
leur floraison plus belle quand on les traitait tardée.
comme les oignons de tulipe. Dans ce cas, il —
§ V. Serres rhaudes et tempérée*.
ne faut les mettre en terre qu'au printemps,
quand toute crainte de gelée est passée. Les soins que réclament, durant le mois de
Les oignons de tulipes et de jacinthes doivent juin, les serres chaudes et tempérées sont assez
être relevés dès que les feuilles commencent à limités; ce n'est qu'une simple surveillance,
jaunir, à l'exception des oignons de tulipe qu'on plus nécessaire aux orchidées, et surtout aux
destine à servir de porte-graines. épidendrées, qu'à toutes les autres plantes.
L'usage hollandais de laisser ces oignons en Comme en général, une grande va-
elles ont,
tas sur le terrain pendant quelques jours, si le leur, on ne doit pas perdre de vue qu'un coup
temps le permet, avant de les mettre au sec, est de soleil trop vil peut en tuer un grand nom-
excellent en lui-même; il faut seulement veiller bre, soit parce qu'elles végètent à l'ombre dans
les oignons de très près pour prévenir la pour- leur pays natal, soit parce qu'elles n'ont jamais
riture qui pourrait les attaquer. dans la serre une vigueur égale à celle qu'elles
Les renoncules ont donne leur plus belle flo- auraient sous le climat des tropiques. Il faut
raison ; il est cependant possible à ceux qui par
,
donc, autant que les dispositions du local peu-
leurs serais, s'en procurent de grandes quan- vent s'y prêter, placera part ceux des végétaux
tités, de réserver une partie des griffes pour à qui ombre peut être nécessaire, et couvrir
I

planter dans les premiers jours de juin et en I


au besoin la partie de la serre qui les contient,
jouir le mois suivant. Les griffes de renoncules laissant l'air et le soleilaux plantes assez ro-
ont sur les oignons l'avantage de ne pas végéter bustes pour ne pas en souffrir.
quand on ne les met pas en terre, et de se re- Les serres où les plantes vivent toutes en
poser un an sans inconvénient; on peut donc, pleine terre , serres aujourd'hui fort à la mode
sans les détériorer, en retarder la plantation, bous le nom de jardins d'hiver, peuvent à cette
ce que les plantes bulbeuses ne souffrent pas, époque de l'année être dégarnies de tous leurs
parce que (es bulbes, plantés ou non, poussent |
panneaux, la nuit comme le jour, jusqu'aux
et s'épuisent quand leur saison est venue. premières nuits froides du commencement de
On greffe les rosiers dans tout le mois de septembre.
juin, mieux dans la première quinzaine que Les boutures de plantes de serre chaude et
dans la seconde. C'est le moment de la grande tempérée réussissent mieux dans le mois de
jouissance des amateurs sous le climat de Paris. juin que dans tout autre, pourvu qu'on évite de
Les soins à donner aux rosiers en cette saison leur donner trop d'eau et trop d'air; elles ont
se bornent à les débarrasser des insectes nuisi- besoin de la cloche, même dans la serre, et ne
bles et des calices des fleurs passées, excepté doivent la quitter que quand on est certain
celles qu'on réserve pour semences. - qu'elles sont enracinées, soit dans la terre de
bruyère, soit dans tout autre mélange approprié
§ IV. — Orangerie. à leur nature.
Les grands orangers mis en plein air le mois Ananas. —
Les plantes les plus vigoureuses,
précédent poussent durant le mois de juin avec et, ce qui n'est pas à dédaigner, celles dont la
vigueur, et réclament des arrosements modé- croissance est le plus rapide, proviennent, non
rés, mais fréquents. Les soins à donner aux des œilletons assez souvent employés à les re-
plantes d'orangerie pendant leur séjour au de produire, mais des couronnes ou touffes de
hors se bornent à des arrosages , selon le be- feuilles, semblables à un œilleton, placées par
soin, et à une surveillance continuelle pour les la nature au sommet de ce singulier fruit. On
préserver des attaques des insectes. L'oran est revenu de bien des préjugés en horticulture
gerie étant alors presque vide et très aérée, depuis qu'un plus grand nombre de personnes
c'est le moment d'y faire les boutures des plan- éclairées ont trouvé leur bonheur à s'y livrer.
tes qui aiment l'ombre. C'est aussi l'époque la La possibilité, pour quiconque dispose d'un
plus convenable pour les boutures d'oranger; jardin et peut y établir une couche soos châssis,
elles reprennent très facilement en bonne terre d'avoir de très bons ananas, n'est plus l'objet
neuve d'oranger qu'il faut tenir constamment d'un doute, tandis qu'autrefois il ne fallait pas
humide, mais sans excès. Les feuilles détachées y songer, à moins d'avoir à sa disposition, soit
avec leur pétiole entier, et traitées comme des une serre chaude, soit tout au moins une bâ-
boutures, ne tardent pas à s'enraciner et à che construite exprès pour cet usage. Le petit
donner naissance à de jeunes plantes; la tige propriétaire ou le jardinier qui ne possède ni
nouvelle se forme au bas du pétiole, sur sa face un grand local, ni beaucoup d'argent, doit
antérieure. Si ce mode de multiplication est choisir le mois de juin de préférence à tout
peu usité, c'est qu'il est plus lent que les autres autre s'il veut se créer une couche d'ananas.
procédés; cependant l'amateur possédant seu- Aux environs de Paris et des autres grandes
lement quelques orangers ne peut, sans les dé- villes, la consommation des ananas, qui est déjà
parer, leur demander même un petit nombre de considérable en juin, permet de se procurer des
boutures; il peut au contraire retrancher des couronnes d'ananas en grand nombre et à bas
feuilles en grand nombre sans inconvénient, et prix; il suffit pour cela de s'entendre avec les

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DU JARDINIER. «57

glaciers et quelques-uns des principaux restau- qui ne vaut réellement rien du tout, et attendre
rateurs. Les couronnes se gardent un mois et pour avoir des choux pommés les derniers jours
même plus, sansaucune autre précaution que de juin ; à partir de cette époque, il n'en doit
de les tenir au sec; elles se transportent dans plus manquer pendant tout le reste de la saison.
de la mousse, même à de grandes distances, Nous recommandons à tous ceux de nos lec-
et n'en valent que mieux pour la plantation ; teurs qui dirigent de grandes cultures, l'excel-
car, dans tous les cas, il faut, avant de les lente coutume des fermiers de la Beauce pour
planter, laisser cicatriser et sécher le talon; la culture des choux. Dans tous les jardins des
sans quoi il ne pousserait point de racines. On grandes fermes, on dispose à l'avance un vaste
peut donc, durant le mois de juin, s'approvi- carré de ce légume qu'on soigne le mieux pos-
sionner de couronnes et les tenir en état d'être sible, et auquel on se ferait scrupule de toucher
plantées vers la fin du mois. On prépare pour pour la consommation journalière; c'est la pro-
recevoir les pots une couche chaude ordinaire, vision des moissonneurs. L'époque de la plan-
mais la plus chaude possible, en partant de ce tation de ces choux a été calculée pour les faire
principe que les ananas ne peuvent jamais avoir arriver à leur complet développement vers le
trop chaud sur la couche, et qu'au-dessous de 15 juillet, lorsqu'on commence à couper les
25 degrés centigrades ils ne peuvent que lan- seigles, et pour en continuer la récolte pen-
guir. Onprend ordinairement de la tannée dant tout le mois d'août. On croit généralement
neuve pour couveriure de la couche d'ananas. dans la Beauce, et sans doute avec raison, que
Un honiculteur écossais a proposé récemment le chou, le seul médicament usité, dit-on, jadis

d'y substituer avec avantage le son humide, pendant des siècles dans l'ancienne Rome, con-
spécialement le son d'avoine, qui prend effec- tribue puissamment à entretenir les travail-
tivement une chaleur très remarquable ; nous leurs en bonne santé, en dépit des fatigues
craignons que ce moyen, dont nous n'avons pas excessives de la moisson.
fait personnellement l'essai , n'engendre une Dans les derniers jours du mois, ceux qui
muliiiude d'insectes qui parviendraient facile- traitent le chou en grande culture en plein
ment jusqu'aux rat ines des ananas, au moyen champ font leurs semis destinés à être repiqués
de fentes qu'on ne peut se dispenser de laisser en plates-bandes et à l'abri pour passer Hiiver,
nu Tond des pots. et être mis en place au printemps, afin d'arri-
Le succès de l'opération dépend surtout de ver sur le marché en juillet et août quelque-
;

la bonne nature de la terre dont on remplit les fois même ils les repiquent en place, au risque
pots après avoir préalablement garni le fond d'en perdre quelques-uns par les gelées; ce
avec du gravier, à 0 m ,04 ou O^Oâ d'épaisseur. mode de culture, dans lequel l'engrais et la
Nous ne croyons pas qu'il soit indispensable main-d'œuvre sont ménagés avec beaucoup de
de préparer cette terre six mois à l'avance, parcimonie, occupe le terrain toute une année.
selon l'usage des jardiniers ; c'est toujours une Quoique les traités de jardinage préconisent
excellente pratique, à laquelle nous ne pou- cette méthode, nous pensons qu'elle ne doit
vons qu'applaudir; mais nous avons vu des point être à l'usage des jardiniers tant soit peu
ananas végéter parfaitement dans un mélange diligents. Les choux plantés en juillet, et conve-
de terreau, de terre franche et de fumier de nablement soignés, doivent pommer en novem-
cheval mélange opéré seulement huit jours
, bre et décembre, et fournir à la consommation
avant la plantation des ananas; à la vérité, le de tout l'hiver. Les choux qui proviennent des
fumier était très consommé. semis de printemps leur succèdent, et le même
La terre pour les ananas doit être tenue plu- sol, suffisamment fumé, peut, sans inconvé-
tôt trop sèche que trop humide, pourvu que la nient, en donner ainsi deux récoltes dans le
chaleur soit suffisante; il ne faut arroser que cours d'une année.
modérément, et quand on est assuré que les Melons. — Les jardiniers- marchands ont
jeunes plants, soit d'œilletons, soit des cou- déjà livré à la consommation leurs melons de
ronnes, sont enracinés. primeur, fort avantageux pour le maraîcher
parce qu'ils se vendent très cher, mais de beau-
JUILLET. coup inférieurs à ceux qui leur succèdent.
Toute production de la terre a sa saison hors
$ I
,r
, — Jardin potager.
de laquelle on peut l'obtenir artificiellement,
mais toujours moins parfaite que lorsqu'elle n'a
Choux. — C'est dans les premiers jours de point été forcée.
juillet que les jardins commencent à livrer à la Les melons de seconde récolte qui presque
consommation les premiers choux véritables, toujours sont les premiers dans les jardins des
pommés, nourrissants, dignes de figurer sur amateurs, à l'exception de ceux qui entretien-
toutes les tables; c'est aussi l'époque où les nent un jardinier à l'année, n'ont besoin que
villages à l'ouest et au nord de Paris commen- de quelques arrosages durant ce mois. La meil-
cent à fournir les marchés de choux pommés ; leure manière de les mouiller, selon le besoin,
jusqu'alors les maraîchers ont rempli la halle c'est d'arroser en plein midi, mais en courant
de prétendus choux d'York ou choux-pins, à entre les couches, et en élevant l'arrosoir aussi
peine à moitié de leur croissance; le jardinier haut que possible pour imiter l'effet d'une
amateur peut dédaigner ce genre de produit, grosse pluie de courte durée. Le melon près de

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CALENDUIER
donner ses fruits réellement pas besoin
n'a leurs melons, pour ainsi dire au moment de les
d'être arrosé, à moins d'une sécheresse extra- envoyer au marché. La grêle , de grosseur
ordinaire; il ne faut que rafraîchir ses feuilles moyenne, mêlée de beaucoup d'eau, n'a pas
et ses tiges, et les débarrasser de la poussière. dure plus de 3 à 4 minutes, et n'a donné que
Qu'on nous permette une courte digression Ear places. Les pieds des melons grêlés sem-
relativement à la grêle ; c'est le seul ennemi laient après l'orage parfaitement sains ; rien
que craignent les melons en juillet et août. A n'y indiquait la moindre trace de dépérisse-
cette époque, sous le climat de Paris, on enlève ment. Le lendemain toutes les tiges frappées
comme inutiles les cloches et les châssis des portaient une petite tache brune à l'endroit at-
melonnièrcs, et on les serre sous le hangar ; il teint par les grêlons ; quelques jours plus tard
n'est pas de traité de jardinage où cette prati- elles étaient tombées en sphacèle, et il fallait
que ne soit indiquée. Cependant, les orages les retrancher avec le fruit prêt à mûrir sous
sont fréquents dans cette saison ; tout orage peine de perdre la plante tout entière.
peut amener une grêle qui détruit en quelques Si nous avons insisté sur cet objet important,
minutes une récolte longuement préparée. c'est que le mois de juillet est le plus dangereux
Mous pensons donc que quand le moment est sous ce rapport, et que d'ailleurs le remède est
venu de tenir les melons constamment à décou- facile. Les cloches et les châssis pour les me-
vert, parce que les nuits sont chaudes et que lons et quelques plantes susceptibles, la litière
pendant le jour ils ne sauraient avoir trop d'air sèche pour les autres productions moins déli-
et de soleil,il faut disposer les châssis en tas à cates, préviendront tout accident. Il est bien
portée des couches à melons, afin de pouvoir entendu que lorsqu'on craint la grêle on couvre
les couvrir à l'approche de l'orage. Sans doute, de paillassons les cloches et les châssis vitrés.
par cette méthode, les châssis exposés aux al- On fera bien de suivre à cet égard l'usage
ternatives de la chaleur et de l'humidité se dé- des maraîchers de la banlieue qui, par une sage
tériorent, et il ne faut pas chercher d'autre prévoyance, ont toujours un ou plusieurs tas
cause à l'usage de les rentrer à l'abri. On rend de bonne litière sur divers points de leur ter-
le dommage moins sensible en les couvrant de rain, selon son étendue. Le peu de main-d'œu-
dans tous les cas, il ne peut y
paillassons, et vre qu'exigent ces précautions n'est point à
avoir de comparaison entre les deux chances comparer à la chance de perdre toute une ré-
de perte. colle.
Les effets pernicieux de la grêle sont en gé- Fraises. — La fraise des Alpes des quatre
néral mal appréciés. Ce n'est pas sans motif saisons est en plein rapport durant le mois de
que les jardiniers et tous ceux qui travaillent à juillet. Si lasécheresse a nécessité des arrosa-
la terre parlent du venin contenu dans la grêle. ges très fréquents, il est bon de renouveler la
Ce propos peut faire hausser les épaules à l'ob- couche de paille dont le sol doit avoir été re-
servateur inattentif; il est pourtant fondé sur couvert dès If printemps ; on évite par ce moyen
une propriété très réelle de la grêle. Dans les le tassement de la (erre ; les fils, ou coulants,
pays accidentés la grêle s'amoncelle souvent ne trouvant point à s'enraciner, sont plus faci-
en masses considérables au fond des ravins ex- les à enlever ; enfin la plante se trouve placée
(>osés au nord ; elle peut, même durant les cha- dans les meilleures conditions de végétation,
eurs, s'y conserver plusieurs jours sans se fon- chaleur au dehors et fraîcheur à la racine.
dre entièrement; elle prend alors une couleur Lorsqu'une fraisière est frappée de grêle, il faut
terreuse et elle exhale une odeur cadavéreuse la détruire et la remplacer par une autre cul-
très prononcée. Ayant observé ce phénomène ture ; elle ne ferait plus que languir et ne don-
très souvent et avec beaucoup d'attention, celte nerait aucun produit ; c'est dans ce cas un mal
odeur nous a paru provenir d'un dégagement sans remède.
de gaz nilreux, dans des proportions si faibles Oignons.— Les semis d'oignon blanc, destiné
qu'elles échappent à l'analyse chimique, de à être consommé frais , doivent être épuisés
même que les principes d'une foule d'autres dès la fin de juin. Dans les premiers jours de
odeurs ; c'est là ce qui fait dire au paysan que juillet on tord les liges des oignons destinés à
la grêle porte son vtnin. prendre tout leur accroissement pour être con-
C'est donc une grande erreur de croire que servés pendant l'hiver. Comme cette opération
l'action de la grêle est purement mécanique, et serait trop longue pour la culture en grand de
qu'elle se borne à briser ou déchirer les parties ce légume dont la consommation est immense,
tendres des végétaux ; tel est sans doute, lors- on y supplée par le rouleau ; ceux qui man-
qu'elle est très grosse, son principal moyen de quent de cet instrument peuvent le remplacer
destruction ; mais elle nuit encore indépendam- sans grand inconvénient par un tonneau qu'on
ment de son action mécanique, ainsi qu'il est rend suffisamment lourd au moyen de quel-
facile de l'observer lorsqu'elle tombe fine et 3 ues cailloux. On renouvelle au commencement
serrée, au lieu de se montrer en gros fragments. c juillet les semis d'oignon destiné à être em-
L'orage du 2 juin 1840 nous a offert un exem- ployé frais ; il se repique en octobre et peut
8 le frappant de cet effet particulier de la grêle rester sur le sol jusqu'aux fortes gelées.
ans nos melonnières de Saint-Mandé. Ceux de Scorsonères. — Peu de légumes offrent on
nos voisins qui ne les ont pas couvertes en aliment aussi saluhre que les scorsonères et les
temps utile ont perdu une grande partie de salsifis; ces derniers, plus sujets à devenir li-

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DU JARDINIER.
landreux et aussi plus difficiles à conserver, repos durant ce mois, mais aussi c'est l'époque
ont presque partout cédé le terrain aux scorso- de sa moisson.
nères, qui leur sont préférés à juste titre. C'est
en juillet, mieux au commencement qu'à la fin, S U. — Parterre.

après une bonne pluie, qu'on sème les scorso- Le mois de juillet continue à amener la flo-
nères. Dans les jardins de peu d'étendue, on raison des plantes d'ornement de pleine terre,
peut semer en lignes très rapprochées ; on sème delphinium, thalictrum, œnothéra, hélianthes,
a la volée en grande culture. Dans les deux cas et une foule d'autres; la beauté du coup d'oeil
il est bon de semer très serré. La plante étant exige qu'on enlève avec soin les fleurs passées
bisannuelle, on l'éclaircira avant l'hiver, en qui ne sont pas destinées à porter graine ; il en
enlevant les racines déjà bonnes à être consom- est de même des grappes défleuries des lilas et
mées ; elles se conserveront aisément dans du des syringas dont la graine est inutile et dés-
sable frais à l'abri de la gelée. On sait que agréable a la vue on respectera au contraire,
:

cette plante jouit du singulier privilège de ne tantqu'ils voudront tenir, les calicesdéfleurisdes
pas mourir après une première floraison, et de calicanthus, à cause de leur précieuse odeur.
porter graine deux fois de suite la graine qui
; Parmi les plantes de collection, les œillets
provient de la seconde floraison passe pour la seuls sont encore en pleine fleur ; on peut les
meilleure. multiplier de marcottes durant tout le mois de
Poireau. —
La consommation de ce légume, juillet ; les premiers fleuris peuvent déjà donner
objet d'une culture très importante aux envi- des graines bonnes à récolter.
rons des grandes villes, n'est jamais interrom- Quelques horticulteurs sont dans l'usage de
pue ; le poireau provenant des semis de prin- replanter, dès la fin de juillet, les ognons de
temps n'est pas encore épuisé au mois de juillet. jacinthes et de tulipes à peine ressuyés, sans
On renouvelle durant ce mois les semis pour la autre précaution que de les débarrasser des
provision d'hiver ; s'ils ont été faits dans les caïeux; nous croyons aue quelques mois de
firemiers jours de juillet et que la saison ait été repos sont favorables à la belle végétation des
avorable, le poireau est bon à repiquer dès la plantes bulbeuses au printemps suivant, pourvu
fin du mois. Il faut lui donner un peu plus d'es- qu'on les préserve des atteintes de la grande
pace qu'aux repiquages de printemps. Cette chaleur qui les ferait pousser prématurément
riante, étant du petit nombre de celles qui gè- et les épuiserait en pure perte. On fera donc
I
ent très difficilement, passe impunément l'hi- sagement d'attendre jusqu en septembre pour
ver en pleine terre; elle continue môme à vé- planter les bulbes à fleur. Quant aux caïeux,
éter dans la mauvaise saison, à l'exception on peut profiter du reste de là belle saison pour
es froids les plus rigoureux. En lui donnant leur laisser prendre de la force en pépinière; à
les soins convenables dans le premier âge, on l'approche de l'hiver, il faudra les couvrir
peut la conserver aisément jusqu'en février et d'une litière abondante, sans quoi les plus
mars, époque où la vente est la plus avanta- avancés risqueraient de périr.
geuse, tous les autres légumes étant épuisés. Les collections de dahlias, sans être parve-
Les légumes frais de toute espèce, pois, ha- nues à toute leur beauté, donnent déjà quel-
ricots, fèves, artichauts, choux-fleurs, sont en ques belles fleurs. Il est bon de rapprocher les
pleine récolte durant tout le mois de juillet; variétés les plus précoces les unes des autres;
c'est lemoment d'arracher l'ail et les échalot- car ces fleurs éclatantes, dont le feuillage sur-
tes. L'usage de l'ail n'est rien dans nos dépar- abondant n'est guère plus gracieux que celui
tements du nord et du centre, comparé à son de l'humble pomme de terre, ne décorent bien
emploi dans le midi de la France. Là cette un parterre que lorsqu'elles y sont réunies en
plante occupe des champs entiers elle se con-
: grandes masses de couleurs variées.
serve très bien à l'air libre, liée en paquets On met en place, en juillet, les plantes de
peu serrés, qu'on suspend aux solives d'un gre- [>leine-terre qui fleurissent jusqu'à la fin de
nier ou d'un hangar, à l'abri de l'humidité. 'automne, les asters, balsamines, tagètes, éle-
Les premières pommes de terre déjà man- vées sur de vieilles couches usées. Si l'on veut
geables à la fin de juin sont parfaitement mûres rendre leur floraison plus belle, il faut les en-
en juillet. Les jardiniers, assez modérés pour lever avec le plus possible de terreau à la ra-
attendre la maturité parfaite des espèces pré- cine, et ne pas trop tasser la terre au pied en
coces de ce tubercule, y perdent moins qu'on les replantant. On renouvelle les semis en place
ne pourrait le croire; si les premières appor- de plantes annuelles, dont la première floraison
tées au marché se vendent plus cher, chaque est épuisée, les zinnia, belle de nuit, belle de
pied n'en fournit qu'un très petit nombre : il jour; ces plantes donneront encore une belle
y
a presque compensation. Quant au jardinier floraison, pourvu qu'on ne leur ménage ni le
amateur, le soin de sa santé doit lui interdire terreau ni les arrosements. De cette manière le
l'usage prématuré des pommes de terre pré- parterre sera toujours abondamment garni de
coces. fleurs jusqu'aux gelées, ce qui doit être le but
On a, pendant le mois de juillet, des céleris constant des soins do jardinier amateur.
à butter, des chicorées et des scaroles à lier
pour les faire blanchir, des semences de toute $ III. — Jardin fruitier.

espèce à recueillir. Le jardinier n'a guère de Les chaleurs de juillet brûlent souvent les

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CALENDRIER
racines très délicates des pêchers et abricotiers plantes grasses faites le mois précédent ; on
en espaliers; dans ce cas, l'arbre périt quel- préserve des insectes les plantes en pots et
quefois en peu de joors, avec tout son fruit prêt caisses placés en plein air, et on les arrose selon
à être cueilli. Il ne faut donc pas attendre que le besoin. La serre chaude-humide qui contient
les feuilles commencent à se faner pour donner les épidendrées reste seule garnie, et très sou-
de l'eau an pied de ces arbres durant les séche- vent la chaleur extérieure, même en juillet, est
resses trop prolongées ; un peu trop d'eaa ne insuffisante-, un peu de chalaur artificielle est
pouvant leur êtrefort nuisible, on déchaussera indispensable de temps en temps. Malgré les
légèrement le bas du tronc, et l'on mouillera dépenses énormes qu'entraîne ce genre de
largement on peu après le soleil couché, tandis serres, le moment approche peut-être où elles
qu'avec un arrosoir à boule percée de trous deviendront un objet de produit. Les essais
très fins, on humectera le feuillage et les fruits tentés pour la culture de la vanille, essais cou-
qui ne pourront qu'y gagner. ronnés d'un plein succès, pourront, sinon don-
Il est bon de ne pas trop se hâter d'enlever ner de grands bénéfices, du moins couvrir les
les feuilles qui couvrent les pêches, principale- frais, et permettre à un plus grand nombre
ment celles des espèces tardives. Il est temps d'amateurs les jouissances de la culture dispen-
de les eiposer au soleil quand elles approchent dieuse des plantes intertropicales. La vanille
de leur maturité ; si le feuillage leur ote un peu [>arait n'exiger que de l'humidité et une cha-
de couleur, il peut en récompense les préserver eur constante ; il faut soutenir ses tiges grim-
des atteintes de la grêle lorsqu'elle n'est pas pantes, mais sans leur faire éprouver aucune
trop violente. L'on a souvent à regretter après torsion.
un orage d'avoir dégarni trop tôt les pêches
tardives.
AOUT.
Les limaçons et les perce-oreilles sont les
plus dangereux ennemis des abricots et des pê-
$ l". — Jardin potager.
ches, même avant leur parfaite maturité. La
chasse aux limaçons se fait le matin, avant que Cornichons. — Les cornichons, dont la ré-
le soleil n'ait dissipé la rosée, et à toute heure colte a commencé dès le mois précédent , sont
du jour après une pluie abondante ou modérée. encore en pleine récolle dans le mois d'août.
Nous rappelons, pour la destruction des perce- Nous ne parlons, bien entendu, que des corni-
oreilles, remploi des sabots de veau et de mou- chons venus en pleine terre, d'après les procé-
ton, que nous avons déjà conseillé en traitant dés que nous avons indiqués. Quant à ceux qui
de la culture des œillets de collection ; nous ne ont été forcés sur couche sous châssis, et re-
connaissons pas de procédé d'an succès plus piqués au commencement de la belle saison
certain; on trouve le matin les sabots remplis pour être vendus comme primeurs, il y a long-
de ces insectes nuisibles. temps qu'ils sont épuisés.
Quelques praticiens greffent en écusson à œil Les cornichons peuvent être cultivés avec
dormant, dès la fin de juillet, les arbres à fruits grand avantage dans le voisinage de toutes les
en pépinières. Ces greffes réussissent rarement ; villes importantes. Le concombre, dont la cul-
il faut pour y avoir recours qu'on en ait un très ture est la même, n'est cultivé très en grand que
grand nombre à faire à la fois et qu'on soit près des grandes villes du midi de la France;
pressé par le temps dans tous les autres cas,
: ailleurs , et spécialement à Paris, sa consom-
il est préférable de les différer jusqu'après la mation n'est pas fort étendue.
séve du mois d'août ; le succès en est alors Peu de plantes sont aussi productives , et si
assuré. l'on ne tenait pas à la qualité du fruit, ses pro-
Les premières poires mûres, à la fin de juil- duits pourraient être encore plus abondants.
let, sont un produit important pour le jardi- L'usage ordinaire est de pincer les branches
nier-marchand et une grande jouissance pour principales au sixième œil, pour provoquer le
le jardinier- amateur. La meilleure des poires développement des branches latérales, qu'on
précoces, trop peu multipliées dans nos jardins, arrête de la même manière, en supprimant même
est la poire d'épargne ou de cueillette, qu'on tout-à-fait celles qui s'emportent Cette taille n'a
peut avec des soins obtenir parfaitement mûre rien de difficile , la plante n'est point délicate.
a la fin de juillet, non-seulement en espalier, Nous avons va des jardiniers , pour ne pas
mais même en quenouille. Les boulons a fruit prendre la peine de se baisser, raccourcir les
de celte précieuse variété sont assez allongés et jets, à peu près à la longueur voulue, à l'aide
peu adhérents ; on doit donc avoir soin de ne d'une bêche bien tranchante ; leur récolte n'en
pas les endommager en cueillant les fruits. Les paraissait pas sensiblement diminuée. L'essen-
alternatives de bonnes et de mauvaises récoltes tiel c'est que les cornichons et concombres aient
,

n'ont souvent pas d'autre cause que la destruc- reçu au moment de leur mise en place une
tion d'une partie des boutons fertiles dans les quant ité suffisante de bon fumier, et qu'ensuite
années d'abondance. 1 eau ne leur ait pas manqué selon le besoin.

Pendant le mois d'août il faut arroser large-


$ IV. — Orangerie et serre.
ment , sans compter sur les pluies d'orage or-
L'orangerie est à peu près vide; on arrose dinairement fréquentes dans celte saison. L'eau
modérément les boutures de cactus et autres très chargée d'électricité nuit plus qu'elle ne

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DU JARDINIER. 471

sert à la végétation de ces plantes et comme


, paille à ceux qui doivent être consommés les
elles ne sont jamais trop mouillées, peu importe premiers, c'est-à-dire aussitôt que cesse la sai-
qu'elles reçoivent une pluie abondante un son de ce fruit. On en donne un peu moins aux
quart d'heure après qu'elles auront élé arro- autres pour ne pas trop hâter leur maturité.
sées ; elles n'auront point à en souffrir. Les précautions à prendre dans la suite sont
Il faut une certaine dextérité pour cueillir fort simples ; si quelque melon avance trop, on
les cornichons bons à être employ és, sans en- en est quille pour le mêler à ceux des ventes
dommager les tiges. L'espèce la plus robuste journalières, ou pour le manger si l'on n'est
aujourd'hui généralement en faveur dans les {)as jardinier-marchand; on n'aura perdu que
marais de Paris , est celle qu'on nomme vul- a peine de rhabiller. Si l'on prend la précau-
gairement cornichon serpent, dont le fruit af- tion de donner souvent de l'air pendant la jour-
fecterait, si on le laissait grandir et devenir née au local où l'on conserve les melons, et de
concombre, des formes très bizarres, mais qui les garantir exactement des atteintes du froid,
possède sur toutes les autres variétés l'avantage on aura la satisfaction de servir à ses amis ou
de rester longtemps long, mince, tendre et d'un de vendre à un prix très avantageux des me-
très beau vert qualités recherchées dans ce
,
lons aussi bons qu'en pleine saison, dans les
genre de production. mois de décembre et janvier, quelquefois même
Comme il peut arriver que les premiers cor- au delà. Nous connaissons des confrères qui
nichons plantés paraissent les plus francs dans ont vendu des melons conservés par ce simple
leur espèce, et qu'on désire en conserver quel- procédé, en les donnant pour des primeurs for-
ques pieds pour porter graine, leur maturité cées dans une serre; la tige , seul indice de la
arriverait alors vers la fin d'août. Nous rap- conservation , avait été soigneusement retran-
pelons aux amateurs qu'il ne faut pas toucher chée.
aux cornichons qu'on veut laisser venir à graine Fraises. —Les vrais amateurs de fraises , et
avant que les fruits ne tombent en nourriture, même ceux d'entre les jardiniers-marchands
sans quoi la graine ne lèverait pas. 11 faut avoir qui tiennent à la perfection de leurs produits,
soin aussi, pour conserver la pureté de l'espèce, ne gardent point la fraise des quatre saisons au
de ne laisser à chaque pied porte-graine qu'un delà de sa deuxième année. Comme on a eu soin
petit nombre de fruits , proportionné à sa vi- jusqu'alors de détruire les coulants à mesure
gueur. qu'ils se sont développés, on les laisse, dès les
Melons. —Toutes les espèces de melons sont premiers jours du mois, s'étendre à leur aise
en pleine consommation durant le mois d'août, dans les planches qu'on destine à fournir du
et 1 époque des grandes chaleurs est celle où les plant; alors on diminue le paillis, afin que les
classes moyennes de la société dans les villes nœuds des coulants puissent plus aisément
peuvent jouir de cet excellent fruit. Il n'y a prendre racine; un léger binage , qui mêle ce
plus d'autres soins à leur donner que de sur- qui reste de paille avec le dessus du sol, favo-
veiller leur maturité successive, et d'empêcher, rise beaucoup la végétation des coulants, quoi-
au moyen de tuiles ou d'ardoises la partie en
, que cette végétation soit par elle-même si ac-
contact avec la couche de se détériorer. tive que cette précaution soit souvent jugée
Un procédé de conservation très répandu inutile.
dans les départements du midi, permet de jouir On continue à arroser les planches, mais
du melon sans interruption jusqu'à l'époque seulement pour qu'elles ne souffrent pas de la
des grands froids, quelquefois même au delà. sécheresse ; les plantes-mères continuent à don-
Les jardiniers de nos contrées méridionales ne ner leurs fruits, mais avec moins d'abondance,
font usage de ce procédé que vers la fin de et il n'y a aucun inconvénient à en profiter. Il
septembre; mais nous l'indiquons dans les tra- n'est même pas rare de voir dans les coulants
vaux du mois d'août , parce que nous pensons des nœuds qui ne sont pas encore enracinés
qu'eu égard à la différence du climat, Paris et porter des fleurs et des fruits, fort petits à la
lesdépartements au nord de la capitale peuvent vérité, mais tout aussi bons que les autres.
prendre leurs précautions un mois d'avance. Il ne faut pas attendre trop tard pour enlever
On choisit les melons les plus sains, quelle qu'eu et repiquer le jeune plant; vers la fin d'août,
soit l'espèce ,un peu avant leur parfaite matu- si les grandes chaleurs ont cédé, il est temps
ra
rité. On leur laisse 0»,07 à 0 ,08 de tige, à la- de commencer les planches pour l'année sui-
quelle on attache une ou deux poignées de vante; le fraisier a d'autant plus de chances de
paille parfaitement sèche, disposée de manière réussir que le plant a pris plus de force avant
a envelopper le melon de toutes parts. On sus- l'hiver. Si les froids le surprennent dans un
Send le melon soit à une solive de grenier, soit état de végétation languissante, les alterna-
ans un lieu quelconque, où il soit également à tives de gelées et de dégel le soulèvent hors de
l'abri des dernières chaleurs et de l'humidité de terre et en détruisent la majeure partie. Le
Parrière-saison. Lorsque le melon est mis en jeune plant ne doit être ni paillé ni trop abon-
place, on réunit tous les brins de paille à sa par- damment arrosé, pour qu'il ne s'épuise pas à
tic inférieure, et on les rattache de manière à produire des coulants avant l'hiver, ce qui ar-
ce que le melon soit totalement enfermé. quand la terre est très fertile.
rive quelquefois
Comme la consommation doit toujours être Quant aux planches qui ont fourni le plant, on
successive, on a soin de donner un peu plus de leur rend la paille et on tâche d'en tirer le

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472 CALENDRIER
meilleur parti possible jusqu'à l'hiver, époque Il est évident que, si Ton conserve, soit dans
à laquelle il convient de les détruire. la saumure, soit en
passant à l'eau bouil-
les
On pourra commencer également dans les lante, soit enfin par le procédé d' Appert des ,

derniers jours du mois d'août l'arrachage et la haricots verts pris sur la première recolle de
mise en place des jeunes plants de fraisiers de ce légume, ils auront contre eux trois mois, et
collection qui ne sont pas remontants; nous re- trois mois de fortes chaleurs, à supporter de
commandons particulièrement cette méthode plus que ceux qui seraient pris sur la dernière
pour anglaise perfectionnée par la cul-
la fraise récolte. Dans ce but on peut donc semer encore
ture en Belgique, espèce dont nous avons déjà durant la première semaine d'août ; mais alors
eu occasion de faire ressortir les excellentes il ne faut ménager ni le terreau ni les arro-

qualités. C'est la meilleure variété obtenue en sages.


Europe de la fraise écarlate de Virginie. Fèves. —
Les amateurs qui ne craignent pas
Toutes les espèces de fraisiers qui ont, comme de sacrifier une certaine étendue de terrain, au
les caprons et les ananas, des racines volumi- risque de ne rien avoir, et qui ont couché ou
neuses et très longues, supportent sans en souf- coupé leurs fèves de printemps après une pre-
frir le retranchement d'une partie de ces or- mière récolte en vert, peuvent avoir, au moyen
ganes; le plant, dans ce cas, reprend beaucoup d'arrosages et de binages fréquents, de nou-
plus sûrement que si , en s'obstinant à laisser velles pousses de fèves en fleur vers la fin de
aux racines toute leur longueur, on les expo- ce mois. Il conviendra alors de coucher ces
sait à se replier dans le fond du trou fait par le tiges, en les retenant au moyen de lattes atta-
plantoir, inconvénient qu'il faut éviter avec le chées l'une au bout de l'autre, comme cela se
plus grand soin. pratique pour les pois forcés sur couche. Les
On peut différer jusque dans le courant du produits qui pourront venir en septembre ne
mois prochain à éclater, pour se procurer du seront ni très beaux ni fort abondants, excepté
jeune plant, la fraise des quatre saisons sans dans quelques années spécialement favorables ;
coulants, principalement la variété précieuse mais l expérience est curieuse, et l'on est tou-
nommée Buisson de Gaillon. jours certain de manger peu ou beaucoup de
La plupart des variétés remontantes ne dé- jeunes fèves dans une saison où les jardins en
génèrent pas en bon terrain ; il suffira de les fournissent très rarement.
rajeunir de graines tous les huit ou dix ans. Salades. —
Les chaleurs du mois d'août sont
Nous connaissons des cultures très étendues de l'époque à laquelle les salades de toute espèce
fraisiers des quatre saisons qui, depuis plus de sont te plus utiles et le plus recherchées; c'est
vingt ans, conservent toutes leurs qualités sans donc alors surtout que les soins du jardinier
jamais avoir été renouvelés autrement que par doivent tendre à en avoir en plus grande abon-
les coulants. Mais quelques sous-variétés moins dance, et de toutes les variétés. La grosse lai-
persistantes dégénèrent au bout de quatre ans tue anglaise, quoique d'une saveur médiocre et
et ne se reproduisent même pas très bien de qui n'a rien de fort distingué, se recommande
semis, excepté sur le sol où elles ont été primi- pour la consommation de ce mois par le vo-
tivement obtenues. C'est ainsi que la belle fraise lume de ses pommes rondes et serrées, et sur-
bizarre de Montrcuil, sous-variété de la fraise tout par sa propriété de monter très difficile-
des Alpes des quatre saisons, ne supporte pas ment, tandis que les meilleures laitues des au-
plus de deux renouvellements par coulants sans tres variétés montent pendant le mois d'août
revenir à la forme et au volume de la fraise avec une rapidité que le plus habile jardinier
des Alpes ordinaire. Les jardiniers de Montreuil ne peut pas toujours arrêter.
eux-mêmes ne la conserveraient pas s'ils n'al- Toutes les espèces de chicorée, principale-
laient tous les quatre ans acheter du plant à ment l'excellente chicorée frisée fine et blanche
Montlhéry et dans les communes voisines, d'où des environs de Paris, doivent partager avec
cette sous-variété tire son origine. Ainsi les les laitues les soins du jardinier. 11 est déjà
amateurs des départements qui feraient venir temps dans le courant du mois d'août qu il
la fraise de Montreuil, si justement recher- s'occupe de sa provision de salade pour l'hiver.
chée, seraient dans la nécessité, après deux re- 11 sèmera donc pour repiquer en bonne exposi-
nouvellements, de tirer de nouveau leur plant tion des laitues d'hiver, dont les premières
des environs de Paris. formeront leurs pommes avant la mauvaise
Haricots. —
L'abondance des produits que saison, et les autres seront conservées pour
donnent durant ce mois toutes les espèces de pommer dans premiers jours du printemps,
les
haricots n'empêche pas qu'on ne puisse en- avec des soins de culture que nous indiquerons
core en semer dans les premiers jours du mois à leur époque. Mais la véritable salade d'hiver,
d'août. La récolte ne peui avoir lieu qu'en vert ; c'est la scarole, doublement précieuse par sa
elle n'est même jamais très assurée pour des faculté d'arriver à la maturité en automne,
semis aussi tardifs ; néanmoins, si on les place quand les autres salades commencent à s'épui-
à bonne exposition, ils arriveront encore à un ser, et de se conserver sans pourrir pendant
développemeut suffisant , et cette dernière ré- presque tout l'hiver. C'est même une propriété
colte sera surtout précieuse pour être conservée remarquable de cette salade que de ne pas com-
de différentes manières et destinée à la con- muniquer à l'intérieur de ses pommes l'odeur
sommation d'hiver. et le mauvais goût résultant de la pourriture

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DU JARDINIER. 473

de ses feuilles extérieures, lorsqu'elles en sont i cette plante, qui fournit une grande abondance
atteintes accidentellement pendant l'hiver. Le de graines, attirent les oiseaux, et comme les
jardinier devra donc se munir durant le mois graines de soleil sont beaucoup plus nutritives
d'août d'un bon nombre de planches de sca- que celles de laitue, il est rare, tant que les pre-
roles, ainsi que de chicorée frisée, qu'il plan- mières donnent, que les autres soient attaquées.
tera successivement, ayant soin de conserver Les semis des scorsonères peuvent encore se
1a dernière récolte pour prendre place dans la prolonger dans les premiers jours de ce mois;
serre aux légumes. plus tard ils auraient moins de chances de suc-
Nous devons mentionner ici une très bonne cès. On continue à butter le céleri en lui tenant
variété de scarole peu commune en France, le pied toujours frais ; on blanchit les cardons

cultivée en Belgique sous son nom gaulois d'en- comme nous l'avons indiqué dans un article
dive. Moins dure et plus cassante que les va- précédent. Quoique la plupart des auteurs re-
riétés cultivées autour de Paris, elle résiste commandent de renouveler et de rajeunir les
encore plus facilement à toutes les variations bordures aromatiques de thym et de lavande
de température des plus rudes hivers; cuite durant le mois d'août, nous pensons qu'il vaut
dans l'eau et hachée, elle est de beaucoup su- mieux attendre pour cette opération le mois de
périeure à la chicorée cuite qui figure sur nos septembre, durant lequel les pluies seront plus
tables, et l'usage de ce mets pendant l'hiver fréquentes et les autres travaux de jardinage
est très utile à la santé. On ne lie pour les faire moins multipliés.
blanchir qu'une partie des endives; il s'en Si des récoltes terminées laissaient des places
trouve toujours clans les planches un grand vides dans le potager à la fin de ce mois, on
nombre qui se referment d'elles mêmes, et dont peut les garnir de tetragone oud'épinards, dont
les cœurs deviennent parfaitement blancs. la végétation rapide profitera avec avantage du
Artichauts. —Les pieds d'artichaut qui ont reste de la belle saison.
donné leurs pommes les premiers sont épuisés A mesure que les carrés du potager se dégar-
dès le commencement du mois d'août; on doit nissent, on doit en profiter pour la plantation
couper immédiatement les tiges au niveau du des choux, poireaux, chicorée frisée, et pour
sol, en observant seulement de ne pas endom- les semis de persil destiné à la consommation
mager les œilletons qui commencent à se déve- d'hiver.
lopper; car désormais le seul service que ces
plantes puissent rendre consiste à fournir du $ II. — Parterre.

plant oui portera fruit l'année suivante. Ceux Les plantes de collection bulbifères peuvent
dont on attend encore les produits seront arro- se mettre en place dans les derniers jours du
sés largement; ils n'exigent pas dans le mois mois d'août, s'il n'y a plus à craindre de fortes
d'août d'autres soins de culture. chaleurs.
Choux et choux-fleurs. — On hâtera par tous L'usage ordinaire est de renouveler la terre
les moyens possibles la végétation de ceux pour les jacinthes et les tulipes. Si l'on n'en a
qu'on espère récolter à l'arrière-saison. Le que deux planches, on porte sur un bout de la
meilleur moyen que nous connaissions consiste seconde la terre de la première enlevée à 0°, 1
à les déchausser environ quinze jours après leur
m
ou 0 ,16 de profondeur. On égalise bien le
reprise, et à répandre autour du collet de la fond de la fosse, on le garnit de terreau s'il est
racine une bonne poignée de noir de raffinerie nécessaire et l'on aligne les oignons au cor-
,

qu'on recouvre de terre, et dont on favorise deau, en les espaçant selon leur volume.
1 action par des arrosages modérés, mais fré- Plusieurs amateurs, pour ne pas être obligés
quents. Si l'on cultive dans une localité où il de préparer un espace de terrain plus grand
soit trop difficile de se procurer ce genre d'en- que ce qu'il faut pour loger les oignons à îleur,
grais très actif, on aura recours à la colombine placent dans les intervalles les caïeux qui ne
ou à du crottin de mouton pulvérisé et mélangé doivent pas fleurir ; mais il est infiniment pré-
avec du terreau. L'on se trouvera pleinement férable de les placer à part en pépinière pour ,

récompensé de ses soins par l'avantage de rer qu'ils ne nuisent pas à la beauté du coup d'œil
cueillir sur le même sol une double récolte ; car {tendant la floraison do printemps. Les œillets
les choux et les choux-fleurs ainsi traités lais- lamands marcottés dès le mois précédent peu-
seront le terrain libre à une époque où le plant vent être sevrés dès le mois d'août. La meil-
préparé pour l'hiver les remplacera, et fournira leure méthode pour obtenir des marcottes vi-
une récolte de printemps aussi abondante que goureuses sur les sujets précieux consiste à sus-
si ces produits avaient constamment occupe la pendre au tuteur de l'œillet un petit pot à fleur
terre pendant près de dix mois. profond de 0 m ,0â à 0 m ,06 et d'une largeur
La récolte des graines de toute espèce ré- égale. Ces pots, bien cornus de tous les ama-
clame durant le mois d'août l'attention con- teurs d'œillets, sont percés à leur partie infé-
stante du jardinier ; la plus difficile à préserver rieure d'un trou par lequel on introduit la
de la voracité des oiseaux est la graine de lai- branche qu'on veut marcotter sans la déranger
tue, celle de toutes les semences potagères dont de sa position naturelle. Une ou deux très lé-
ils sont le plus avides. Nous avons vu employer gères incisions pratiquées avec un canif très
avec succès, pour parer à cet inconvénient, le coupant au-dessus et au-dessous du nœud de
grand soleil (helianttu). Quelques nieds de I
la tige rendent plus assurée la formation des ra-
lOMlCDLU'H. T. V. — 00
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474 CALENDRIFR
cines. Il ne reste plus qu'à remplir le petit pot le jardin fruitier et dans la pépinière, c'est la
de terre à œillets qu'on tient médiocrement hu- greffe à œil dormant, lorsque le bois sur lequel
mide. Il faut aussi avoir soin de bouclier l'ou- on veut la pratiquer est parfaitement aoûlé.
verture inférieure du pot avec de la terre glaise, Nous ne pouvous entrer ici dans les détailsque
en ne laissant que la place de la tige à marcot- nous avons donnés ailleurs; nous ferons seu-
ter. Quant aux œillets de pleine terre, ils n'exi- lement observer combien l'ancien onguent de
gent pas tant de cérémonie ; après la floraison, 'Saint Fiacre, appliqué à toute espèce de greffes,
on étale tout autour du pied les branches à est inférieur à la composition donnée par Mil-
marcotter qui n'ont pas fleuri, et l'on déchausse ler, et que nous avons déjà reproduite (t?oir

le pied de manière à former un creux circulaire. p. 69).


On incise les nœuds, quoique les œillets rusti- Les fruits à noyaux et à pépins donnent ac-
ques s'enracinent bien sans cette précaution, et tuellement en grande abondance, et le jardi-
1 on recouvre le tout de terre, en laissant seu- nier se livre durant le mois d'août à la plus
lement sortir l'extrémité des branches, dont on agréable de ses occupations, celle de récolter.
a soin de raccourcir les feuilles. Il faut profiter de la nécessité où l'on se trouve

Les grandes plantes de parterre annuelles et durant le mois d'août, d'être constamment au-
bisannuelles sont encore dans tout leur éclat, tour des espaliers pour découvrir les fruits, les
quelles conserveront jusqu'aux premières ge- cueillir, et visiter avec un soin minutieux tou-
lées de la fin de septembre ; il faut veiller avec tes les branches qui pourraient être affectées
soin à la récolte des graines sujettes à s'échap- de gomme, de chancre ou de toute autre ma-
per de leurs enveloppes ou de leur réceptacle, ladie. Toutes les branches de l'espalier peuvent
comme les ancolis, polémoines, les reines-
les paraître en très bonne santé tant qu'elles sont
marguerites, et par-dessus tout les balsamines. couvertes d'un feuillage abondant; puis, à la
Une petite fleur très humble, très modeste et chute des feuilles, on découvre des plaies qu'il
Erécieuse à tous égards, ne doit point être ou- eût fallu arrêter à leur naissance, et auxquelles
liée du jardinier. Le réséda, appelé presque il n'y a plus moyen de porter remède.

seul à corriger dans nos parterres l'odeur peu On doit avoir soin, en récoltant les fruits en
agréable des tagètes ou œillets d'Inde, se res- plein vent dont les arbres sont sujets à la gomme,
sème de lui-même partout où il a été une fois comme l'abricotier et tous les pruniers, dene pas
introduit. L'art de conserver cette plante pen- placer l'échelle sur des branches trop faibles, à
dant tout l'hiver est pratiqué avec une grande l'insertion desquelles il se formerait d'abord des
Perfection en Belgique et dans le nord de la fentes imperceptibles, mais qui pourraient les
rance. Là on peut voir derrière les car- faire périr l'année suivante. La récolte des poi-
reaux d'une double croisée, sur des supports res se continue avec les précautions que nous
de verre, des résédas devenus arbustes, avec avons indiquées pour le mois précédent. On re-
un tronc de la grosseur du pouce et une tête grette de rencontrer trop rarement dans nos
régulière formée d'une douzaine de branches jardins la pomme neige et la pomme framboise,
qui fleurissent jusqu'au printemps. Lorsqu'on excellents fruits communs en Belgique et en
lui a donné celte forme, la plante a acquis une Angleterre, et qui se récoltent pendant tout le
assez grande valeur pour figurer parmi les mois d'août.
plantes rares dont les Belges et les Allemands
des provinces rhénanes se plaisent à décorer $ IV. — Orangerie et serre.

leurs appartements pendant l'hiver. Orangerie. —Les boutures et marcottes de


Toutes les roses dites perpétuelles donnent plantes de serre tempérée, faites les mois pré-
de temps en temps quelques fleurs à peu près cédents dans l'orangerie pour profiler de l'es-
insignifiantes, à l'exception de la rose noisette, pace qui s'y trouvait libre, doivent être enraci-
de la rose Bougainville jaune beurre frais, et nées, si elfes ont reçu les soins convenables.
par- dessus tout de la rose du Bengale, qui méri- Toutes celles qui ont' réussi seront reportées à
tent seules, sous notre climat, le nom de perpé- leur place, de crainte qu'elles ne souffrent de
tuelles. la fraîcheur des nuits des derniers jours du
On doit entretenir ces charmants arbustes mois d'août. Ce mois et le suivant sont l'épo-
par une coupe modérée des fleurs et des bran- que la plus critique pour l'éducation des végé-
ches accessoires; il faut surtout ménager les va- taux étrangers de serre ou d'orangerie; c'est
riétés foncées de rose de Bengale, dont la flo- alors qu'on est exposé à en perdre un plosgrand
raison sera très pauvre au printemps si on leur nombre par une opération qui est cependant
a demandé trop de fleurs durant la saison pré- indispensable, celle du rempotage. Pour les
cédente. grands végétaux d'orangerie, orangers, citron-
On n'oubliera pas dans une place bien abri- niers, grenadiers, oléandres,- il n y a pas un
tée du parterre, de planter en août une planche danger réel, et d'ailleurs, lorsqu'ils ont atteint
de violette de Parme qu'on entretiendra par des une certaine croissance, on peut laisser passer
arrosages modérés, afin d'en obtenir des fleurs bien des années sans renouveler la terre de
tout l'hiver, s'il n'est pas trop rigoureux. leurs caisses; ceux des Tuileries et de Versailles
ne sont changés que tous les huit ou dix ans. II
$ III. - J.mliii fruitier.
y a aussi des familles entières de plantes, comme
La grande affaire de k fia de ce mois, dans
(

l
les pélargoniums et les eucalyptus, dont la vé-

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DU JARDINIER 475

gétation vigoureuse est à l'épreuve de tout; il èneralement les moyens simples et faciles de
s'en perd très peu par le rempotage. Mais pour en préserver. Une petite digression à ce sujet
les plantes délicates, le jardinier ou l'amareur, ne sera pas sans utilité pour un grand nombre
étant obligé de se faire aider par des mains de nos lecteurs.
souvent inhabiles, pour peu que sa collection Les traités de jardinage, pleins de notions
soit nombreuse, est forcé de confier à la ser- du plus haut Intérêt et réellement indispensa*
pette inexpérimentée de ses aides les racines bles sous tous les rapports, ont cependant, lors-
des plantes qu'il s'agit de changer de terre, et Ju'on veut se conformer à la lettre à leurs io~
môme leurs têtes, auxquelles il faut faire des ications, un inconvénient que sans doute bien
retranchements proportionnés à ceux qu'on a des amateurs de jardinage auront senti comme
faits aux racines. Si après cela la terre n'est nous. Leurs auteurs ne supposent jamais qu'on
pa9 suffisamment tassée autour de la motte et puisse vouloir faire de l'horticulture sans con-
qu'il subsiste des vides, la plante souffre beau- sacrer un capital considérable à tout l'attirail
coup et très souvent elle périt. Comme il importe d'une grande entreprise de culture jardinière;
que toutes les plantes changées de pots aient ils sont donc placés, par rapport à l'ama-

poussé de jeunes racines dans leur nouvelle teur dont les moyens sont limités , absolu-
terre avant la mauvaise saison, et qu'on n'a ment au même point de vue où l'auteur du
que de la fin d'août au 15 septembre pour l'o- Cuisinier royal, par exemple, s'est placé par
pération du rempotage, il vaut mieux s'y pren- rapport à une ménagère de la bourgeoisie; il
dre quelques jours plus tôt que de perdre un faut tant d'ustensiles et d'ingrédients pour le
temps favorable. On a discute la question, qui moindre ragoût, qu'elle jette le livre et en re-
ne saurait en être une, de l'avautage qu'il y au- vient à ses procédés ordinaires. De même,
rait à renouveler la terre des plantes de serre l'horticulteur marchand, ou le jardinier du châ-
et d'orangerie au mois de mai, au lieu d'atten- teau d'un grand propriétaire, monté de tous les
dre l'arriere-saison. Sans doute au printemps ustensiles de sa profession, couches, bâches
les plantes se referaient beaucoup plus vite, châssis, orangerie, serre, n'est jamais embar-
mais l'opération serait impraticable, parce que, rassé. L'amateur qui n'a rien de tout cela, sur-
du moment où la végétation d une plante a re- tout s'il demeure loin des grandes villes, y sup-
commencé, on ne peut p.us la déranger, et rien pléera jusqu'à un certain point, presque sans
n'est plus capricieux que la végétation des frais, avec un peu d'industrie.
plantes exotiques cultivées en serre. On ne sau- On place des deux cotés de la planche de ha-
rait jamais quand on pourrait avoir fini, et ricots qu'il s'agit de préserver des rames ayant
cela au moment de l'année où le jardinier a servi pour les pois ; on les incline assez pour
le plus d'occupations diverses. Le rempotage qu'en s'appuyant les unes sur les autres elles
du printemps n'est donc possible que dans les puissent supporter des abris soit paillassons,
,

établissements au compte de l'Etat, où la dé- soit litière sèche, qu'on déplace à volonté.
pense et la main-d'œuvre sont des considéra- Les haricots ainsi garantis des premières ge-
tions secondaires, ou bien encore pour l'ama- lées fleurissent etdonnent une pleine récolte en
teur qui, logeant une vingtaine de plantes ra- vert jusqu'à l'arrivée des grands froids.
bougries sous un appentis vitré, se donne la sa- On peut remplacer les rames à pois par des
tisfaction de dire Ma serre.
: tiges de soleil ou de mais, selon les localités.
Dans ce cas on les incline comme nous l'avons
SEPTEMBRE. dit, eton les rattache à leur sommet à une suite
d'autres tiges semblables posées horizontale-

§ 1". — Jardio potager.


ment au point de rencontre de celles des deux
rangées qui bordent la planche.
Haricots. — Les soins à donner à cette plante Si l'on désire prolonger plus avant dans l'hi-
pendant le mois de septembre consistent à ré- ver la végétation des haricots, on les sème, non
colter successivement les haricots des espèces pas sur couche, mais en rayons fortement fu-
à rames à mesure qu'ils viennent à maturité. més en fumier court. On entoure la plate- bande
Aux environs de Paris et des grandes villes de piquets saillants hors de terre de 30 à 40
on trouve du bénéfice à vendre la majeure par- centimètres d'un côté de la planche, et de 25 à
tie des haricots pour être consommés en grains 35 centimètres de l'autre côté. Lorsque le bois
frais écossés; il n'en reste donc qu'une partie dont on dispose consiste eu rondins un peu
à récolter à l'arrière-saison. Les siliques qu'on gros, il y a économie à les fendre, de sorte que
laisse parvenir à leur parfaite maturité doivent le bout qui n'est point effilé pour être enterré
être recollées avant qu'elles s'ouvrent d'elles- présente une surface demi-circulaire. On en-
mêmes pour laisser échapper les haricots, ce trelace autour de ces piquets des cordons de
qui a lieu fréquemment lorsqu'il survient un paille tordue, ou, si la paille est rare et chère,
coup de soleil un peu vif dans les journées de longues branches de genêt, dont l'effet est
chaudes de septembre. le même. On peut, selon les facilités que cha-
Les semis de haricots destinés à être mangés que localité met à la disposition de l'horticul-
en vert peuvent encore se continuer jusqu'au teur, remplacer la paille ou les genêts par du
15 septembre. On sait combien cette plantées! gros jope, des roseaux, ou toute autre plante
sensible à la moindre gelée; on connaît moins poovaik s'adapter au même usage. L'on a ainsi

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ce que nous nommerons une bâche économi- serais de chicorée, de scarole et d'endive de fa-
que, susceptible de durer quatre ans. On la çon à pouvoir en planter tous les cinq à six
couvre avec tout aussi peu de dépense. Il s'a- jours dans le courant de ce mois. Comme ces
git d'y ajuster un cadre en lattes ou en treilla- salades ne sauraient atteindre un volume con-
m
sidérable, on les espacera à 0 ,25 en tout sens;
ge, ou simplement en petites perches de sapin
jointes ensemble, ayant précisément la force une couverture de paillassons ou même de li-
suffisante pour porter un paillasson. Les hari- tière sèche suffira pour les garantir des çelées.
cots parfaitement abrités, recevant Pair et le A moins de froids excessifs et prématurés, ces
soleil chaque fois que le temps le permet, pré- salades végéteront tout l'hiver, et l'on en pourra
servés de la pluie quand elle est trop abondante, cueillir de la fin de décembre à la fin de mars.
résistent et fructifient jusque fort avant dans Quelque rude que soit l'hiver on peut espérer,
l'hiver, tout aussi bien que sous des châssis vi- en y mettant les soins nécessaires, d'en conser-
trés posés sur couches. ver au moins les trois quarts. Leurs produits,
Ceux qui ne craignent pas un peu plus de principalement destinés à être mangés cuits,
peine et de dépense peuvent faire leurs châssis offriront à l'amateur un mets agréable et très
en treillage bien droit, avec un nombre de tra- salubre pendant l'hiver, et au jardinier mar-
verses suffisant pour pouvoir les garnir de pa- chand placé près d'une grande ville un bénéfice
pier huilé. Us peuvent compter dans ce cas sur d'autant plus opportun qu'il vient dans une
presque tous les produits qu'on obtient sous les saison où celui qui n'est pas assez riche pour se
châssis vitrés ^ car il y a moins de différence livrer à la culture coûteuse des primeurs a peu
qu'on ne peut le supposer, à moins d'en avoir de chose à porter au marché, et peu de recet-
fait l'épreuve, entre l'effet du verre et celui du tes à réaliser jusqu'au retour de la belle saison.
papier huilé quant à la végétation, tandis qu'il La mâche ou doucette, dont le vrai nom est
y a dans les prix une énorme différence. valèrianellt, se sème en septembre et même
Sous notre climat inconstant le jardinier ne dans les premiers jours d'octobre cette salade
;

doit jamais se laisser surprendre il vaut mieux


; ne gèle pas, et l'hiver n'arrête point sa végéta-
placer et déplacer vingt fois les abris sans né- tion. Elle n'est pas sans mérite, quoiqu'elle pa-
cessité que de perdre, faute d'un peu de pré- raisse rarement sur la table du riche ; mêlée à
voyance, une recolle de haricots toute venue. la betterave ou à la pomme de terre cuite, elle
Salades. —Le commencement du mois de forme une excellente salade à très bon marché;
septembre est l'époque la plus convenable pour le jardinier marchand ne doit donc pas en dé-
les semis de laitue, dite de la passion ; celte daigner la culture.
salade n'exige que peu de soins, soit qu'on se —
lin dis. La fin des grandes chaleurs per-
propose de conserver le plant pour le mettre en met de recommencer en septembre la culture
place au mois de mars, soit qu'on possède des du radis un moment interrompue; car si l'on
plates-bandes bien exposées au midi pour la re- avait continué à en semer en juillet et août, il
planter dès qu'elle a acquis la grosseur néces- serait devenu creux et dur, à moins de soins
saire, et lui laisser passer ainsi l'hiver afin d'en minutieux qu'un produit de si peu d'impor
obtenir les pommes de bonne heure. Cette der- tance ne mérite pas. A partir du premier sep-
nière méthode est de beaucoup la meilleure tembre on sème de semaine en semaine, sur
pour la culture en pleine terre. Si l'on dispose plate-bande garnie de terreau, du petit radis
d'un bon nombre de couches avec leurs cloches rose qui lève et grossit avec une promptitude
et leurs châssis, on repiquera sur ces couches incrovable au moyen de quelques arrosages. Si
le plant de laitue en novembre et décembre pour le mois de septembre est cliaud et sec, il ne faut
en jouir tout l'hiver. Il est bien entendu que pas attendre pour récolter ces radis qu'ils dé-
dans ce cas les semis auront été faits succes- passent la grosseur du bout du doigt; sans quoi
sivement dans le courant du mois de sep- ils deviendraient creux, insipides et de nulle
tembre. valeur. Les petites raves longues, roses et vio-
La chicorée, la scarole et l'endive plantées lettes, aujourd'hui généralement négligées aux
à la findu mois dernier ont à craindre les ge- environs de Paris par un caprice de la mode,
lées de la fin de septembre on les en préser-
; quoiqu'elles soient pour le moins aussi bonnes
vera au moyen de paillassons jetés le soir sur que les radis, se sèment et s'obtiennent en sep-
les planches et relires le matin dès que le soleil tembre exactement de la même manière que les
a dissipé la gelée blanche. La végétation de ces radis.
plantes peut ainsi se prolonger assez pour Choux cl choux- fleurs. — Les choux d'York
qu'elles profilent des derniers beaux jours as- cœur de bœuf, et le chou-fleur demi-dur, peu-
sez fréquents en octobre sous le climat de Pa- vent encore être semés successivement dans le
ris ; elles arrivent ainsi à toute leur grosseur courant de septembre au moyen des abris que
avant la saison des fortes gelées. nous avons indiqués pour les haricots, tant
C'est un des premiers devoirs du jardinier de ceux qu'on réservera pour mettre en place au
se tenir.constamment pourvu de plant de toute printemps que ceux qu on pourra planter à de-
espèce prêt à être mis en place en temps con- meure en octobre dans les bâches économiques;
venable; c'est une des marques auxquelles se ils ne rivaliseront pas de précocité avec les
reconnaît un homme capable et attentif a sa produits forcés sur couche, mais ils gagneront
besogne. 11 doit spécialement avoir calculé ses une avance notable sur les produits de pleine

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DU JARDINIER. 477

terre, et n'auront rien à craindre de l'hiver


ils mais en général on en jouit durant
les autres,
le plus rigoureux. tout le mois de septembre et une partie du
Persil. —C'est au commencement de sep- mois suivant. On doit assurer avec de forts
tembre qu'on sème clair et en bonne exposi- tuteurs les tiges cassantes des dahlias contre
tion le persil destiné à fournir ses feuilles en les vents quelquefois très violents de l'équi-
hiver. Ces semis doivent être fails sur plates- noxe d'automne.
baodes abondamment fumées ; il est même utile On soigne par des arrosages fréquents les
de répandre en outre par-dessus un peu de fu- campanules, les œillets de poète et autres plan-
mier très consommé. On n'attendra pas, si le tes de pleine terre qu'on doit repiquer en oc-
temps est sec, que le persil soit levé pour l'ar- tobre pour obtenir leur floraison de bonne
roser modérément, car sa graine reste souvent heure au printemps. Dans les derniers jours
très longtemps en terre sans cette précaution. de septembre on éclate les pieds de violette de
On la garantira du froid tout l'hiver, soit avec Parme , des quatre saisons , pour replanter,
de la litière sèche, soit avec des paillassons. soit en bordure, soit en plates-bandes, si l'on
Cette branche inaperçue de l'industrie maraî- désire en avoir les fleurs tout l'hiver. 11 faut à
chère donne des bénéfices très satisfaisants tous cet effet garnir le tour de la planche d'un bour-
les hivers, et quelquefois hors de proportion
m
relet de paille haut de 0 ,07 à 0»,08 ; on
y
avec toute autre culture d'hiver dans les envi- plante en outre à l'intérieur, entre les lignes
rons de Paris. Durant l'hiver de 1839 à 1840, de violettes, quelques lignes de petits piquets
le persil s'est vendu à la halle de Paris jusqu'à Kour soutenir les paillassons et ne pas froisser
15 et 20 francs la manne contenant de 3 a 4 î jeune plant. On couvre et l'on découvre se-
kilogrammes. Quoique ce soit une année excep- lon le besoin, et Ton a des violettes en abon-
tionnelle, la culture du persil en hiver autour dance, depuis la fin de septembre jusqu'à l'é-
de Paris est toujours assez lucrative pour payer poque de leur floraison naturelle, à la fin de
largement le jardinier des frais et des soins mars. Près des grandes villes, cette culture,
qu'elle réclame. facile et peu dispendieuse, peut être d'un grand
Le jardinier-maraîcher commence à respirer produit. Dans la saison des bals il se fait à
vers la fin de septembre ; le plus fort de la be- Paris une énorme consommation de bouquets
sogne d'été est terminé; il peut laisser reposer de violettes.
ses arrosoirs. Récolter ses graines de toute
sorte, conserver dans leurs cosses les pois et $ III. — JarJin fruitier. s

les haricots destinés à servir de semences, et L'importante opération de la greffe se pro-


dans leurs enveloppes les graines d'oignon ou longe durant le mois de septembre pour les su-
de poireau, veiller à la dessiccation et à la par- jets dont on pouvait craindre que la séve n'eût
faite conservation des autres graines, ainsi trop de vigueur dans le mois d'août.
qu'à celle des bulbes de toute espèce emmaga- Les pêchers ont besoin d'une exacte surveil-
sinées pour l'hiver, récolter et vendre les pro- lance si l'on veut maintenir autant que pos-
duits préparés par les travaux des mois précé- sibleun juste équilibre dans la végétation de
dents, telles sont ses principales occupations. toutes les branches, et préparer par des soins
Dans toutes les localités ou la température judicieux la production des années suivantes.
le permet, le jardinier fera bien de cultiver La récolte des pêches d'automne, que beau-
quelques pieds de coloquinte, courge-cou- coup de personnes trouvent préférables aux
goude, courge-massue, et d'autres plantes du pêches hâtives, se continue durant tout le mois
même genre ; leurs fruits lui serviront de bottes de septembre. Il faut bien se garder d'endom-
pour conserver ses graines potagères. Non- mager ces beaux fruits, les plus précieux de la
seulement ces fruits, séchés, vidés et convena- saison, en les froissant trop fortement pour les
blement fermés avec des bouchons de liège, cueillir; ceux qui ne se détachent pas au pre-
sont supérieurs aux sacs pour préserver les mier effort doivent être laissés sur la branche,
graines du contact de l'atmosphère, mais ils quand même leur odeur et leur couleur sem-
ont en outre l'avantage de repousser, par l'a- bleraient annoncer une maturité complète.
mertume qui leur est propre, la dent des sou- Les pêches d'automne sont couvertes d'un
ris, rats et autres rongeurs qui se hasardent duvet plus abondant que celui des autres es-
bien rarement à les attaquer. pèces; on enlève ce duvet avec une brosse
douce, ce qui rend le fruit beaucoup plus beau

$ Iî. Parterre.
pour la vente. En faisant cette opération, il
Le mois de septembre voit les dernières faut se placer dans un courant d'air qui puisse
splendeurs du parterre. A la fin de ce mois, le emporter ce duvet dangereux à respirer.
jardinier en faisant sa ronde matinale trouve Les dernières prunes de plein- vent, quelques
les tagètes, les balsamines et d'autres plantes pommes précoees, le chasselas blanc et rouge,
délicates saisies par la gelée au milieu de leur et toutes les espèces de poires, fournissent à la
floraison ; il n'y a plus moyen de les remplacer. consommation du mois de septembre.
Les dahlias sont parmi les fleurs de collec- La récolte des poires , sur les arbres taillés
tion les derniers à soutenir l'honneur du par- en pyramide auxquels on a laissé prendre
,

terre. Les premières gelées blanches n'olïen- une trop grande élévation, offre souvent beau-
sent que quelques variétés plus sensibles que coup de difficultés et occasionne des pertes

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CALENDRIER
considérables, les plus beaux fruits, placés sur |
quantité de terre réellement nécessaire à cha-
les branches supérieures, ne pouvant manquer que végétal pour se développer à l'aise, et con-
de s'écraser en tombant. On voyait encore, il y tribuer par une belle et complète floraison à
a deux ans, au Jardin des plantes, à Paris, des l'ornement de la serre.
poiriers taillés en pyramide qui n'avaient pas Les plantes de serre chaude, du moins celles
moins de 20 à 25 mètres d'élévation ; comment qu'il a été possible de laisser quelque temps en
irait-on chercher les poires au sommet de ces plein air, doivent être rentrées dès les premiers
arbres? jours de septembre; nous ne saurions approu-
Le jardinier qui aurait dans son verger quel- ver l'usage indiqué dans plusieurs traités de les
ques-uns de ces mâts de navire se servira de l'é- rentrer à l'époque fixe et invariable du 15 sep-
chelle double pour cueillir les fruits à la main tembre. Ces plantes, ayant presque toutes une
aussi haut qu'il lui sera possible d'atteindre, et assez grande valeur, ne doivent jamais être
il tâchera d'enlever les autres au moyen d'un aventurées ; on pourra du reste enlever mo-
entonnoir ajusté au bout d'une perche ; mais, mentanément les panneaux de la serre s'il sur-
quelle que soit son adresse, il ne pourra éviter vient quelques beaux jours dont les plantes
d'en perdre beaucoup. puissent profiter. Il faut toujours les traiter
La récolte du raisin de table est une des comme des malades qu'une imprudence peut
{ilus importantes du mois de septembre. Ce faire périr, et pour qui l'on ne se repentira
ruit a pour ennemis les insectes, les oiseaux jamais d'un excès de précaution.
et même les rats, lorsque les treilles en espa- Yers la fin du mois on profite de quelques
lier sont établies sur de vieux mars dans le belles journées pour visiter, nettoyer et tenir
voisinage des habitations. en bon état les plantes d'orangerie, spéciale-
Les filets destinés à couvrir les treilles en ment les pélargoniums et les camélias formant
espalier sont d'un grand secours contre les in- collection, car une fois rentrés dans l'orange-
sectes et les oiseaux , surtout pour les espèces rie ils sont beaucoup plus difficiles à soigner.
tardives dont on doit attendre longtemps la Lorsqu'on lave les feuilles des camélias, il faut
maturité; mais ils occasionnent une dépense éviter avec le plus grand soin de détacher les
qui ne peut être supportée que par les amateurs bourgeons qui adhèrent très peu à la plante;
riches, parce qu'elle est hors de proportion une fois tombés ils ne repoussent plus et l'on ,

avec la valeur des produits que les filets doi- peut perdre ainsi la pousse et la floraison de
vent garantir. On emploie avec succès les sacs toute une année.
en crin ; ils ont le même inconvénient que les
filets, ils sont d'un prix trop élevé. Les sacs en
OCTOBRE.
papier, beaucoup plus économiques en appa-
rence, ne le sont pas en réalité; ils ne remplis-
sent pas leur but, car ils ne peuvent résister ni
S I
er . — Jardin potager.

à la pluie ni même au bec des oiseaux. Artichauts. —


La première quinzaine d'oc-
Il est à sou ha ter qu'on adopte généralement,
i tobre est l'époque la plus convenable, sous le
pour la conservation du raisin sur les treilles, climat de Paris, pour arracher les pieds d'arti-
les sacs très économiques faits de calicot gros- chauts dont on a obtenu deux récoltes ; en les
sier et à bas prix , enduit d'une solution de conservant davantage ils ne pourraient que dé-
Somme élastique dans l'essence de térében- générer. On détache de la souche principale
line. Cette étoffe, préparée d'avance et conve- les œilletons bien formés; ils servent à établir
nablement séchée, ne conserve aucune odeur des plantations nouvelles. Ces plantations doi-
et ne communique au chasselas aucun goût vent se faire avec abondance de bon fumier, en
désagréable. Les sacs ainsi préparés sont plus espaçant les pieds à un mètre en tous sens ; il
durables que ceux de crin leur prix est si mi-
; faut tes mouiller fréquemment pendant les pre-
nime que la dépense qu'il faut faire pour un miers jours qui suivent leur plantation; si le
cent de sacs de crin permet d'avoir quatre cents temps est favorable, quand même ils auraient
sacs de calicot enduit de gomme élastique. été mis en terre sans racines, mais avec un ta-
lon sain et vigoureux, leur reprise est assurée.
§ IV. — Orangerie et serre.
Il est nécessaire qu'elle soit complète avant les
L'opération délicate du rempotage se ter- fortes gelées, non pas pour les rendre capables
mine dans la première quinzaine de septembre. de résister au froid, car il est facile de les en
Nous croyons devoir répéter ici l'avis que nous préserver, mais bien pour qu'ils survivent aux
avons donné ailleurs aux amateurs de végé- moyens employés afin de les en garantir.
taux exotiques : ayez plutôt un moindre nombre L'artichaut offre au jardinier- marchand un
de belles plantes, d'une végétation vigoureuse, avantage sur beaucoup d'autres légumes; il ne
qu'une confusion de plantes languissantes et donne ses produits que successivement, même
chétives qui n'auront pour ainsi dire ni fleurs dans une plantation faite toute à la fois, ce qui
ni verdure à vous offrir en récompense de vos épargne au jardinier l'embarras de planter à
soins. Ainsi, en changeant de pots les plantes plusieurs reprises, et lui évite en outre pour la
d'orangerie et de serre tempérée, on consultera vente les difficultés résultant d'un trop grand
moins Ta nécessité de loger un nombre déter encombrement d'un même produit. Cet avan-
miné de pots dans un espace donné que la tage deviendrait à l'arrière-saison un grave in-

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DU JAI DIN1EU. 479

convénient, si les procédés de conservation des ches beaucoup plus faibles se rattachent à celle
artichauts pour la vente d'hiver n'étaient aussi du milieu, et se plantent, convenablement in-
simples que faciles. En effet, les gelées de la fin clinées, aux quatre coins du carré. Quelques lat-
d'octobre sont funestes au* artichauts arriérés tes, des brins de treillage défectueux, des rames
qui commencent seulement alors à former leurs à haricots hors de service, servent à remplir les
têtes, ce qui arrive souvent à ceux dont la plan- intervalles sur les quatre faces de la pyramide
tation a été un peu tardive au printemps, ou et figurent la charpente excessivement légère
3ui n'ont pas reçu assez d'eau en été. Ce pro- d'une sorte de toit sur lequel on attache de
uit ayant à cette époque une valeur impor- vieux paillassons. L'espace ainsi recouvert se
tante, le jardinier doit songer à ne pas le laisser dessèche promptement, quelque temps qu'il
perdre. On a proposé, dans différents traités fasse, et comme on ne doit s'en servir qu'à la
de jardinage, de couvrir les (êtes au moyen de fin du mois, le sol en est à cette époque parfai-
cloches de verre soutenues par trois ou quatre tement sain.
baguettes fichées en terre, ou même simplement Alors on entoure les quatre côtés du carré
avec un panier d'osier brun, supporté de la avec de bonne litière sèche, à la hauteur de
in
même façon; ce procédé est excellent pour 0 .50, et l'on peut commencer à y introduire
l'amateur qui veut conserver quelques douzaines les légumes à conserver. S'il s'agit d'artichauts,
d'artichauts jusqu'à l'époque des grands froids ; on creuse à la bêche un sillon parallèle à l'un
mais dès qu'il s'agit d'en garantir des centaines, des bonis, on y pose les plantes, puis on re-
il ne faut plus
y penser. couvre leur pied en creusant le second sillon,
Le plus simple estde couper le plus tard pos- et ainsi de suite.
sible en octobre la tige au niveau du sol, sans Il va sans dire qu'on a ménagé une ouver-

retrancher les têtes accessoires qui peuvent s'y ture au midi, et que deux sentiers en croix ont
trouver. Les pieds d'artichauts ainsi détachés été tracés dans l'espace couvert pour pouvoir
de la souche sont portés dans la serre aux lé- y circuler. Cette serre économique pour les
gumes, ou simplement sous un hangar à l'abri légumes peut contenir vingt cinq artichauts
du nord, dans une cave exempte d'humidité, par mètre carré, en leur donnant à chacun
ou tout autre local convenable qu'on peut avoir un carré de 0 m ,20 de côté, ce qui suffit à
à sa disposition. On les enterre à la profondeur des artichauts de grosseur ordinaire. L'espace
de 0"\08 à 0"\10 dans du sable frais, en ayant couvert contenant 100 mètres carrés, on peut,
soin qu'ils ne soient pas trop pressés les uns même en retranchant la place exigée pour
contre les autres et qu'ils se trouvent autant la circulation, y mettre à l'abri 2,000 arti-
que possible dans leur position naturelle, c'est chauts, lesquels seront facilement vendus en
à-dire selon la ligne verticale. Dans cet état les hiver de 20 à 25 centimes la pièce $ c'est une
artichauts peuvent se conserver frais et verts valeur totale de 400 à 500 francs, prix double
pendant plusieurs mois; ils peuvent même con- de celui que l'on en aurait pu obtenir dans la
tinuera grossir sans toutefois acquérir le volume pleine saison. On est donc largement indemnisé
que leur eût fait atteindre, dans la saison favo- de ses frais et de la perte du terrain, qui d'ail-
rable, leur végétation en pleine terre. Ils n'en leurs est libre dès le milieu de l'hiver et peut
ont pas moins une \aleur considérable dans les être utilisé pour y établir des couches.
mois de novembre, décembre et janvier, épo- Durant les grands froids, quand les vents du
que à laquelle la rigueur de la saison doit les nord et de l'est soufflent avec violence, il faut
rendre précieux, même au jardinier amateur. doubler la couverture de paillassons dans la
Si ce mode très simple de conservation n'est direction du vent. La gelée la plus intense at-
pas plus généralement usité aux environs de teint difhVilrn ent les légumes ainsi protégés,
Paris, c'est que les jardiniers, grevés de loyers qu'on peut d'ailleurs garantir par une couver-
exorbitants et de frais énormes de toute espèce, ture immédiate, si l'on croit qu'elle soit néces-
ne pouvant se soutenir que par le produit des saire nous en avons fait l'épreuve à Liège, en
;

ventes journalières, sont toujours pressés de Belgique, durant le rude hiver de 1829-1830,
vendre. Le défaut de local est aussi très souvent par un froid qui dura neuf semaines et se sou-
un obstacle à la conservation des légumes frais tint à vingt degrés centigrades pendant quatorze
on hiver, dans une proportion un peu large. jours ; il est vrai que nous n'avions pas ménagé
Cet obstacle n'est pas insurmontable ; nous don- la litière et les paillassons, et que la réserve,
nons, d'après notre propre expérience, un pro- comme nous l'avions nommée, ne fut pas ou-
cédé qui nous a constamment réussi pratiqué
; verte tant que dura la plus grande rigueur du
*vec intelligence, il n'entraîne pas des frais bien froid.
considérables. Si nous avonsinsisté sur ce procédé, c'est
On choisit dès les premiers beaux jours d'oc- qu'il est à laportée de tout le monde , et que
tobre un espace carré de II) mètres en tout des travaux les plus essentiels du mois
c'est l'un
sens ; au point d'intersection des diagonales de d'octobre, à notre avis; il s'applique à la con-
ces carrés on plante une forte perche, de la servation des choux pommés, des salades, des
grosseur du bras, effilée et charbonnée à sa choux fleurs mêgne, pour lesquels l'espace man-
partie inférieure; on la fixe solidement dans le que souvent dans les bâtiments d'exploitation.
sol. Il suffit qu'elle s'élève au-dessus de sa sur- Plusieurs jardiniers y suppléent par des fosses
face à la hauteur de 2 m ,50. Quatre autres per- recouvertes de litières sèches ; ce moyen réussit

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480 CALENDRIER
quelquefois, mais dans leshivers humides, espace vide, ce qui la ferait rapidement languir
comme ils le sont fréquemment sous le climat et périr, quelque charge de terre qu'on puisse
de Paris, la pourriture se met souvent dans ces lui donner par-dessus. D'ailleurs il est contraire
fosses et l'on en est à regretter des produits au mode de végétation de l'asperge que les
qu'on aurait pu vendre un prix quelconque au rayons de sa griffe occupent une position ho-
moment où ils ont été récoltés. rizontale si on la leur impose de force, plu-
;

Aux environs de Paris, on emploie pour la sieurs s'éclatent près du collet et meurent; au
conservation des choux un procédé beaucoup détriment de la plante.
plus simple; on arrache tout bonnement les La seconde observation, non moins essen-
choux, et on les laisse à la même place, la racine tielle, c'est de ne pas entasser une masse énorme
en l'air Ce moyenne réussit guère que pour les d'engrais sous la griffe de l'asperge, engrais qui
choux de Milan qui ne gèlent pas; comme ils ne lui profite nullement, car les racines n'y pé-
redoutent uniquement la neige introduite entre nètrent qu'à une profondeur médiocre; la plante
leurs feuilles, et convertie en eau, puis en cherche évidemment et constamment à remon-
glace, par les alternatives de dégel et de gelée, ter etnon à s'enfoncer dans le sol. C'est un
une position renversée peut les en préserver. préjugé de l'ancien jardinage; on ne peut, en
Mais ce moyen a le grand inconvénient d'en- s'y conformant, que supporter une dépense
combrer le terrain, qu'il est impossible de tra- complètement inutile.
vailler avant l'enlèvement des choux. Nous donnerons ici un avis aux jardiniers
Asperges. — Les carrés d'asperges, oubliés amateurs dont les ressources sont bornées.
depuis longtemps du jardinier, doivent être, à Lorsque leur terrain offre assez d'étendue,
la fin d'octobre, l'objet de soins destinés à as- qu'ils en consacrent un demi-arpent de Paris
surer la récolte du printemps suivant. Ces soins (17 à 18 ares) à la culture des asperges; ce pro-
consistent à couper les tiges au niveau du sol, duit, sans une grande dépense de temps ni
sans oublier de récolter la graine des pieds les d'argent, leur rapportera, pendant douze à
plus vigoureux, et à donner un léger labour, en quinze ans, de 300 à 400 francs par an. Que de
se gardant bien d'offenser les griffes qui, dans fois l'amateur peu fortuné n'a-t-il pas occasion
les plantations un peu anciennes, peuvent se daos le cours d'une année de manquer de quel-
trouver à cette époque très rapprochées de la ques centaines de francs pour ses fleurs ou ses
surface du sol. On les rechargera de quelques arbres favoris! Qu'il ne craigne pas la concur-
centimètres de bonne terre; on attendra la fin rence ; les asperges sont toujours trop chères et
du mois suivant pour y ajouter une légère cou • trop peu abondantes; Paris en reçoit des envi-
verture de bon fumier. Si, comme le pratiquent rons d'Orléans (Loiret) pour des sommes consi-
beaucoup de jardiniers, on appliquait le fumier dérables; un cultivateur des environsde Mont-
immédiatement, et qu'ensuite le temps se main- didier (Somme), n'ayant pour débouché que les
tintpendant un mois doux et pluvieux, une villes de son département, en entretient S à
partie des griffes pourrait s'épuiser à pousser 10 hectares; il ne lui en reste jamais, et il en
en pure perte des jets de nulle valeur. lire un énorme revenu.
Les grandes plantations d'asperges se font On vend en octobre les griffes obtenues pour
en octobre; quoique ce procédé tende mainte- plantations, soit de semis, soit par l'arrachage
nant à être universellement remplacé par le se- des griffes épuisées dont on détache les rejetons;
rais en place, qui lui est préférable à tous égards, les premières sont infiniment préférables aux
cependant plusieurs jardiniers, pressés de jouir, secondes. Les semis d'asperges destinés à la
pouvant facilement acheter du plant d'asperges vente, quoiqu'ils occupent le terrain deux ans
de deux ans, qui rapportera deux ans plus tard, desuite, peuvent être d un grand rapport, quand
sont encore dans l'usage de planter au lieu de le débit en est assuré. Nous avons vu en 1837
semer ; c'est pour eux que nous indiquons la les religieux trappistes de laMeilleraie, en Bre-
plantation des asperges parmi les travaux du tagne, les plus habiles jardiniers que nous ayons
mois d'octobre. jamais connus, vendre, à raison de cinq cen-
On peut consulter l'excellent article de times les deux griffes , des milliers de plants
M. Chaillon. jardinier des environs de Nanci, d'asperges obtenus de semis; nous avons cal-
sur la culture en grand de l'asperge comestible culé par approximation qu'ils n'avaient pu re-
(voir Journal d'agriculture, t. I, p. 253). tirer moins de 1 ,800 francs de 50 ares de terrain
Nous avons donné dans les travaux du mois consacré à ces semis ; il y avait des acheteurs
d'avril la meilleure manière d'opérer les semis pour le double de ce qu'ils avaient à vendre. Il
d'asperges en place. est vrai que tous leurs produits, admirablement
Quant à la plantation, nous insisterons ici sur soignés, étaient d'une qualité réellement supé-
deux particularités essentielles. Après avoir rieure.
marqué la place de chaque griffe on doit y dé- Fraises. — Le procédé que nous avons indi-
poser, en monceau conique, une poignée de 3ué le mois précédent, pour obtenir des fleurs
terreau sans cette précaution, la griffe d'as-
; e violette pendant l'hiver, s'applique sans au-
perge, qui tend naturellement à s'appuyer sur cun changement à la fraise des quatre saisons.
l°s extrémités obtuses de ses rayons pour se 11 est possible d'en prolonger ainsi la fructifi-

soulever et se rapprocher du niveau du sol, cation jusqu'en décembre. A la vérité, ces der-
n'aurait sous son plateau central rien qu'un nières fraises, toujours fort acides, n'ont près-

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DU JARDINIER. 481

que ni couleur, ni odeur, ni saveur agréable; pas on ne placera pas les pommes de
les gelées
mais enfin ce sont des fraises; avec de Don vin terre dans la fosse; mais pour n'être pas pris
et force sucre en poudre elles peuvent être au dépourvu, on la tiendra toute prête dès la
mangeables. Si l'on dispose de quelques châssis fin d'octobre.
vitrés ou simplement recouverts de papier huilé, La besogne du jardinier dans le potager di-
qu'on puisse poser sur les planches de fraisiers minue de jour en jour à mesure que l'hiver ap-
dès le 15 octobre, leurs produits seront un peu proche. Les plants récemment mis en place ou
moins défectueux. en pépinière pour le printemps suivant récla-
En fait, à partir de la fin d'octobre, il n'y a ment ses soins principaux. Les derniers hari-
de bonnes fraises que celles qu'on force dans cots et (es salades d'hiver, qu'il faut couvrir et
des serres convenablement chauffées on con-
; découvrir à propos, prennent encore une partie
çoit que ces fraises sont exclusivement à l'usage de son temps. Les derniers céleris doivent être
de quelques personnes opulentes dont les serres buttés à cette époque, puis transportés à l'abri
spacieuses offrent beaucoup de local disponible; pour être consommés successivement tout l'hi-
car, pour obtenir une ration présentable de ver; leur conservation n'offre rien de difficile.
fraises forcées dans des pots dont chacun con- On peut rentrer avant qu'ils soient complète-
tientun donnant une ou deux fraises
fraisier ment blanchis ceux qu'on destine à être gardés
mûres à la fois, il faut des régiments de petits le plus longtemps; ils blanchissent très bien
pots qui tiennent une place énorme. La culture dans la cave, pourvu qu'on leur garnisse le
de la fraise en hiver, objet de fantaisie très re- pied de sable frais et qu'on les tienne dans l'obs-
cherché des riches Anglais qui possèdent des curité.
serres de dimensions colossales, est peu usitée La fin d'octobre est le moment convenable
en France, même près de Paris; ses produits, pour démolir les vieilles couches qui ont fait
d'un prix trop élevé, trouveraient peu d'ache- leur effet et dont la chaleur est épuisée. Le ter-
teurs. reau qu'on en retire est très utile pour garnir
Pommes de terre. —
Lorsqu'on dispose d'un les plates-bandes exposées au midi ; on en ré-
local suffisantpour mettre à l'abri la provision serve une partie pour les semis de printemps.
de pommes de terre, on doit l'arracher en oc- La portion du fumier des couches qui n'est pas
tobre, non point à époque fixe, mais quand les totalement consommée sert à couvrir le sol dans
fanes en se flétrissant annoncent l'entière ma- les intervalles des plantations de salades d'hi-
turité des tubercules. Si l'on manque de local et ver, de choux et de choux-fleurs; les pluies ne
qu'on soit obligé de recourir à un autre moyen tardent pas à entraîner dans le sol toutes les
de conservation, il faut laisser les pommes de parties grasses de ce fumier; il ne reste sur la
terre en place le plus longtemps possible, tant terre que les débris de paille non décomposées ;
que les gelées rigoureuses ne paraissent pas à ils forment un excellent paillis très favorable à
craindre. II est bien entendu que nous ne par- la conservation et à la végétation de ces plantes
Ions que des espèces jardinières, la vitte-
ici pendant l'hiver.
jaune de Hollande, et quelques autres
lotle, la
le reste appartient à la grande culture.
;
$ II. — Jardiu fruitier.

Divers traités de jardinage, les plus répandus Quelques pêches arriérées, d'autant plus pré-
et les plus estimés, indiquent comme procédé cieuses qu'elles sont devenues plus rares, peu-
Ïiour garantir les pommes de terre des effets du vent avoir été ménagées par le jardinier atten-
roid, de placer sur le sol qui les renferme, dès tif, pour figurer encore dans les desserts du
les premiers jours d'octobre, des châssis vitrés mois d'octobre. Les meilleures espèces de raisin
recouverts de litière ou de paillassons le sol,
; arrivent seulement alors à leur complète ma-
disent-ils, se dessèche complètement et rend les turité les soins que nous avons recommandés
;

tubercules inaccessibles à la gelée. C'est encore dans les travaux du mois dernier pour conser-
un de ces moyens, bons en eux-mêmes, mais ver les raisins sur pied le plus longtemps pos-
hors de la portée de la plupart des horticul- sible, s'appliquent surtout aux espèces tardives.
teurs. Si la provision des pommes de terre est Les oiseaux et les insectes sont principalement
seulement de quelques hectolitres, il faut bien avides de l'excellent raisin noir de Frankental,
des châssis pour les recouvrir ; en supposant très répandu en Belgique, où il mûrit très bien
qu'on eût des châssis de trop, on leur trouvera dans les provinces wallonnes, et moins com-
toujours un emploi plus profitable que celui de mun en France, malgré sa saveur délicate, le
protéger des pommes de terre. volume de ses grappes et ses excellentes qua-
A défaut d'une cave ou d'un hangar suffi- lités.
samment à l'abri du froid et de l'humidité, une On commence à s'occuper en octobre de la
fosse de 2m, 50 à 3 mètres de profondeur, garnie conservation des raisins pendant l'hiver. Tous
de paillassons au fond et sur les côtés, recou- les procédés employés à cet effet doivent avoir
verte de paille sèche et d'un monticule de terre pour but deux objets distincts prévenir la moi-
:

battue en forme de toit, pour l'écoulement des sissure et la putréfaction, empêcher l'évapora-
eaux pluviales, est ce qui convient le mieux tion du suc des raisins de manière à les main-
pour la conservation des pommes de terre c'est ; tenir dans un état le plus rapproché possible
le procédé le moins coûteux et le moins embar- de celui où ils étaient au moment de la ven-
rassant. Aussi longtemps qu'on ne craindra dange.
UORTICPITCM. T. T.—
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482 CALENDRIER
Nous ne dirons usage si commun de
rien de nombreuses variétés d'asters vivaces à hautes
suspendre le chasselas à des (ils, dans une à petites fleurs très nombreuses, les unes
tiges,
chambre bien aérée; si l'on attend plus tard blanches, les autres blanches et roses, des bor-
que le mois de novembre pour consommer ces dures de giroflées de Mahon et surtout des
,

en supposant qu'ils ne soient pas pour-


raisins, touffes multipliées de réséda, forment, avec les
plus qu'une peau ou plutôt un
ris, ils n'offriront rosiers de Bengale toujours en fleurs jusqu'au
parchemin coriace renfermant les pépins, dé- cœur de l'hiver, le fond de la décoration du
pourvu de pulpe et de saveur; mieux aurait parterre pendant le mois d'octobre.
valu assurément consommer ces raisins au mo- * Chacune de ces fleurs succombe à son tour

ment de la récolte que de les faire figurer au sous les coups de la gelée ; il en reste bien peu
dessert dans un si piteux état. au premier novembre. Le jardinier coupe au
Toutes les espèces de raisin cueillies bien niveau du sol les tiges des plantes dépouillées
mûres par un temps sec, débarrassées des grains de fleurs; il prolonge autant que possible, par
gâtés et des insectes avec un soin scrupuleux, des soins assidus, l'existence de celles qui sur-
se maintiendront pendant plusieurs mois pres- vivent.
que à l'état frais, si on les suspend à des ficelles Une seule fleur de collection rivalise en oc-
tendues d'étage en étage dans des futailles ; on tobre avec les dahlias et leur succède en no-
tamisera par-dessus, sans aucun tassement, vembre, quelle que soit la température : c'est la
soit du son, soit de la cendre de bois ; on re- chrysanthème.dont on ne connaissait en France
couvrira le tout d'un couvercle en bois, pour qu'une seule espèce il y a cinquante ans, et qui,
éviter l'introduction de l'air. Chaque fois qu'on grâce à une culture bien dirigée, se reproduit
enlèvera une rangée de grappes, on fera des- aujourd'hui sous presque toutes les nuances.
cendre le couvercle au niveau de la couche de Elle y joint l'avantage d'une odeur douce et
cendre ou de son qui recouvre la rangée sui- suave, approchant de celle de la lavande. La
vante. Ce procédé n'exige qu'un peu de soin ;
chrysanthème offre la singularité de ne pouvoir
quant a la dépense, elle est presque nulle la ; fleurir que quand les gelées ont arrêté la flo-
rendre, le son et les futailles conservent toute raison de la plupart des autres végétaux d'or-
leur valeur primitive après avoir servi à cet nement ; les essais tentés pour la forcer à fleurir
usage. Les jardiniers marchands peuvent trou- plus tôt ont été jusqu'à présent infructueux.
ver un grand avantage dans l'emploi de ce pro- Il est certain que cela ôte à la chrysanthème

cédé car le raisin, non pas flétri et ridé, mais


; une grande partie de sa valeur comme plante
frais et sain , vendu en cet état en janvier et d'ornement de pleine terre, quoiqu'elle soit ex-
février, offre des bénéfices hors de comparai- trêmement rustique; il est peu agréable de se
son avec ceux de la vente de cet excellent fruit promener dans le parterre durant les mauvais
au moment de sa plus grande abondance, jours de novembre et décembre, pour y admi-
Quant aux fruits d'hiver à pépins, pommes rer des fleurs d'ailleurs d'une beauté incontes-
et poires de toute espèce, nous n'avons vu nulle table. Il faut, pour remédier en partie à cet in-
part, et nous n'avons jamais expérimente par convénient tenir les chrysanthèmes en pois
,

nous-mêmes de mode de conservation compa- dans un coin écarté du jardin, jusqu'au mo-
rable aux boîtes portatives de M. de Dombasle 1
. ment où les boutons des fleurs commencent à
Ces boites réunissent à toutes les meilleures se montrer; ces plantes, ayant beaucoup de
conditions pour la garde des fruits l'avan- racines et végétant avec une grande vigueur,
tage d'une économie de local qui devrait enco- ne veulent pas être gênées dans les pots ; elles
re, à mérite égal, les faire préférer à tout autre ont besoin d'une terre très substantielle. On
procédé, spécialement aux fruitiers à dressoirs, enterre ces pots dans les plates-bandes du par-
qui laissent les fruits exposés à la dent des sou- terre vers le 15 octobre; ils y viennent fort à
ris et à l'action de l'atmosphère. propos pour remplir des vides nombreux. Quand
Nous recommandons aux daines, mais sans la saison devient rigoureuse, on rentre les
espoir d'en être écoutés, de faire figurer dans chrysanthèmes dans l'orangerie, dont elles
leurs desserts chaque espèce de fruits à mesure font l'ornement, jusque fort avant dans l'hiver.
que sa maturité lui a fait acquérir toutes les Les chrysanthèmes veulent beaucoup d'eau;
Qualités qui lui sont propres. Nous n'osons nous elles ne redoutent que l'excès de la chaleur,
atter de contribuer à détruire l'usage peu ra- qui n'est jamais à craindre à l'époque de leur
tionnel de garder toujours le fruit le plus long- floraison.
temps possible, et de ne manger que celui qui
commence à s'altérer. Or, comme aucun fruit § IV. — Orangerie et serre.

n'est éternel tous arrivent à leur tour à ce


, La prudence oblige souvent le jardinier à de-
point fatal. Nous pourrions citer des maisons vancer l'époque du 15 octobre, ordinairement
opulentes où, en vertu de ce système, on n'a fixée pour rentrer les orangers, grenadiers,
jamais servi sur la table que des fruits gâtés. oléandres, et tous les grands arbustes d'oran-
gerie. Si des pluies froides les fatiguent avant
S HI. — Parterre.
celte époque , on ne doit pas les laisser plus
Les dahlias, quelques hélianthes vivaces, de longtemps en plein air ; on risquerait de les en-
dommager tous, et même de perdre les moins
(i) Journal d'Agriculture pratique > t. U, p. 36 1. vigoureux.

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Dt' JARDINIER. m
Le transport des grands végétaux d'oran- encore plus abondamment que les autres, et à
gerie est une opération toujours délicate, qui la troisième ou quatrième pousse on les force
blesse plus ou moins le chevelu des racines par en place ou sur couche. Dans ce système de
les secousses inévitables qu'il leur fait suppor- culture il faut toujours qu'une seule récolte cou-
ter. Un bon labour dans les caisses, suivi d'un vre les frais de trois années au moins, avant
arrosage modéré, suffit d'ordinaire pour établir de donner aucun bénéfice réel; il est vrai que
l'équilibre; cet arrosage doit être le dernier. cette récolte se vend à des prix toujours très
Dans les hivers excessivement doux, quand la élevés, et quelquefois incroyables.
température extérieure permet d'aérer fréquem- Si l'on choisit pour les forcer des asperges
ment l'orangerie, un second arrosage peut être d'une végétation très vigoureuse, qu'on ne les
jugé nécessaire au milieu de la mauvaise sai- force jamais qu'en place et qu'on modère la ré-
son; dans toute autre circonstance il serait colte, on peut espérer qu'après un an ou deux
non -seulement inutile, mais nuisible, aux de repos la planche d'asperges se rétablira, et
plantes d'orangerie. si obtenu les produits d'hiver les
l'on n'a pas
Dans la serre on sera également sobre d'ar- plus abondants possibles, on en sera bien dé-
rosements pendant l'hiver; on se gardera sur- dommagé par la conservation des asperges.
tout de donner la moindre goutte d'eàu aux C'est donc cette méthode que nous considérons
cactus et elles ne
à toutes les plantes grasses : comme préférable à toute autre pour forcer
dans leur saison. Il ne faut pas
fleuriraient pas l'asperge en hiver.
perdre de vue que ces plantes dans leur pays , Mais il peut arriver que, par quelque cir-
natal, supportent des sécheresses bien plus pro- constance particulière, on n'ait aucun intérêt
longées, pendant lesquelles elles vivent uni- à ménager les griffes d'asperges; alors il faut
quement aux dépens de l'atmosphère. forcer sur couche la plus chaude possible, et
On préparera, par des soins attentifs, la flo- s'y prendre dès le milieu de novembre. Nous
raison d'hiver des végétaux de serre chaude et pouvons citer un exemple remarquable d'une
tempérée, floraison dont les premiers symptô- telle circonstance.
mes s'annoncent déjà chez beaucoup de plantes Il y a environ douze ans, un maraîcher du

dès la fin d'octobre. Les vitres sont tenues voisinage vint nous demander conseil; il avait
constamment nettes et claires. Les cyclamens, commis la sottise de planter en asperges un peu
lachénalia, thunbergia, et autres plantes de plus d'un hectare de terrain vers la fin de son
petites dimensions qui périraient étouffées et
,
bail, comptant sur une promesse de renouvel-
fleuriraient inaperçues parmi les grands végé- lement que le propriétaire, parfait honnête
taux, seront placées sur les dressoirs disposés homme, avait sans doute l'intention de réaliser.
le long du vitrage. Dès le milieu d'octobre la Avec la négligence en affaires, commune chez
fraîcheur des nuits exige que les paillassons tous ceux qui travaillent plus des bras que de
soient établis à demeure sur les châssis supé- la tète, le jardinier remit de jour en jour à faire
rieurs de la serre ; on les y tient roules le jour signer son nouveau bail ; le propriétaire mou-
et déroulés la nuit, selon le besoin, en obser- rut sur ces entrefaites. Les asperges de notre
vant qu'il n'y a pas d'inconvénient à les éten- confrère prenaient quatre ans; il venait de
dre sans nécessité, et qu'il y a danger à négli- fiorter à la halle leur premier produit, quand
ger celte précaution un seul jour où la tempé- e fils, moins délicat que son père, refusa net
rature extérieure l'exige. de réaliser la promesse d'un nouveau bail,
comptant bien profiter des asperges qui de-
vaient, pendant douze à quinze ans, lui assurer
NOVEMBRE.
une grande augmentation de revenu.
$ I
er . — Jardin potager.
Après avoir examiné le bail, qui avait encore
un an à courir, nous conseillâmes à notre con-
Asperges. —On commence à la fin de no- frère de faire la dépense de forcer en hiver
vembre a s'occuper de forcer l'asperge pour en toutes ses asperges, et de les détruire en en
obtenir les produits au milieu de l'hiver; on tirant tout le parti possible. Comme il avait eu
continue successivement, afin de prolonger la sage précaution de faire dressera son entrée
jusqu'au printemps cette récolte artificielle. en jouissance un état des lieux où il n'était pas
Deux procédés sont principalement en usage : question d'asperges, il pouvait agir sans crainte.
le premier consiste a transporter sur couche fallutdes avances considérables en fumiers
Il lui
chaude sous châssis des griffes d'asperges dans et main-d'œuvre; mais, tout calcul fail, il eut
toute leur vigueur ; par Te second on établit un un bénéfice net de 4,500 fr., l'hiver s'étant
•réchaud de bon fumier, sous châssis, sur la trouvé long et rigoureux ; les asperges furent
planche d'asperges en pleine terre. Tous deux entièrement détruites.
réussissent également bien; ils ont seulement Cette fois du moins un propriétaire cupide
l'un et l'autre l'inconvénient grave de détruire ne profita pas des sueurs et des avances d'un
la majeure partie des griffes forcées. Les jar- cultivateur laborieux.
diniers des environs de Paris appliquent ces Artichauts. — Il ne faut se hâter de butter
deux méthodes indifféremment, mais a des as- lesartichauts en novembre que quand il y a
perges élevées dans ce but, sans autre destina- menace évidente de froids prématurés on doit ;

tion. On les fume dan» les premières années surtout éviter, non-seulement de laisser la

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CALENDRIER
moindre parcelle de terre s'introduire sur la de novembre. Ceux qui se trouveront à ce der-
feuille centrale de l'artichaut, mais même d'en nier état de végétation passeront dans la serre
laisser pénétrer dans l'intervalle des grosses aux légumes; ils seront levés en motte autant
feuilles. On coupe les plus grandes, mais sans que possible, ou du moins avec toutes leurs ra-
toucher à celles du centre, et Ton rassemble la cines, et garnis au pied de sable frais. On ro-
terre autour du pied, en choisissant autant que gnera seulement les feuilles principales; du
possible un temps sec pour cette opération. Il reste on leur appliquera de point en point le
faut tout aussitôt apporter sur le terrain la li- mode de conservation que nous avons indiqué
tière ou les feuilles nécessaires pour couvrir les pour les artichauts dont la tête est à demi for-
artichauts en cas de gelée; car, dans cette sai- mée en octobre. De même que ces derniers ils
son, on doit la craindre d'un moment à l'autre. grossiront, sans toutefois devenir jamais très
C'est une règle essentielle de culture pour cette volumineux, et ils pourront être vendus en hi-
plante de ne jamais regarder sa couverture ver aussi cher que les plus beaux peuvent se
comme posée à demeure ; on en perdra toujours vendre en été. Ce sera une ressource précieuse
infailliblement un grand nombre si Ton n'a pas pour la provision d'hiver du jardinier amateur.
la précaution de les découvrir dès que le temps Quant aux choux-fleurs parvenus en novem-
le permet, sauf à replacer la couverture quand bre à leur volume ordinaire, on coupera leur
la température l'exige. Un moyen beaucoup tige le plus près possible du sol, on lui laissera
plus simple , bien connu des cultivateurs des seulement les grosses côtes de ses feuilles, et
environs de Paris, consiste à transporter le pied l'on disposera les choux fleurs sur des tablettes
d'artichaut tout entier dans une cave avec ses dans un local sain et sec, sans être trop chaud ;
racines garnies de terre, qu'on place tout aus- ils pourront s'y conserver six semaines environ,
(

sitôt dans du sable frais; on n'a plus besoin de ce qui les conduira sur le marché vers la fin de
s'embarrasser de ces plantes jusqu'au prin- décembre, époque où la vente en est très avan-
temps. Remis en place en avril, les artichauts tageuse. Ils pourraient conserver plus long-
ainsi conservés forment leur tête trois semaines temps leur apparence de fraîcheur ; mais étant
au moins avant ceux qui ont passé l'hiver en flétris intérieurement, ils ne donneraient plus
pleine terre, quoiqu'ils semblent à moitié morts en cuisant qu'un paquet de filaments coriaces;
quand on les sort de la cave ou de la serre aux et le jardinier se compromettrait s'il les liv rait
légumes. Mais cet excellent procédé est inap- en cet état à la consommation.
plicable dans la grande culture; que faire des Il ne faut pas songer à leur appliquer le mode
10,000 pieds d'artichauts d'un seul hectare, de conservation qui convient à ceux dont la
surtout quand on a des plantations de cinq ou végétation est moins avancée ; la pourriture les
six hectares à conserver? Il faut donc s'en détruirait à coup sûr.
tenir au premier moyen, qui donne beaucoup Chou spruyl ou chou de Bruxelles. Co —
de besogne au cultivateur soigneux pendant chou, variété précieuse du chou de Milan, se
tout l'hiver. Quant à la seconde méthode elle dislingue de tous les autres choux par la nature
convient parfaitement à la petite culture: on des jets, qui se montrent aux aisselles de ses
peut, à défaut d'autre emplacement, utiliser feuilles. Tous les choux sont susceptibles, lors-
pour cet objet la réserve économique décrite qu'ils montent, de produire des pousses axillai-
par nous dans les travaux du mois d'octobre. res mais le spruytest le seul en qui ces pousses
;

Il est bien entendu que nous parlons unique- prennent d'elles-mêmes la forme d'une pomme
ment ici des pieds d'artichauts qui ont porté de choux de Milan en miniature. Cette variété,
fruit etdont on attend une seconde récolte pour propre au sol de la Belgique, n'est point per-
l'année suivante, et non pas de ceux dont on sistante; elle dégénère non-seulement sous le
veut conserver les têtes, comme nous l'avons climat de Paris, mais même dans les départe-
recommandé pour le mois précédent. ments bien plus voisins de la frontière belge.
Cette précaution de mettre à couvert quel- Il est donc uécessaire d'en renouveler la se-
ques centaines de pieds d'artichauts, quand on mence, en la tirant des environs de Bruxelles
craint un hiver trop long ou trop humide, est ou de Louvain; du reste la culture du spruyt
excellente en elle-même dans la grande culture. n'exige aucun soin particulier; tout ce que
En 1830, presque tous les artichauts ayant péri nous avons dit du semis et de la transplanta-
à la suite d'un hiver désastrueux, les pieds con- tion des autres choux s'applique à celui-ci. Il
servés à l'abri, fournissant chacun une douzaine continue à végéter, quelle que soit la rigueur
d'œilletons, servirent à repeupler les planta- du froid ; on peut le planter plus rapproché que
tions, conjointement avec les semis, et donnè- les choux pommés; on jouira tout hiver de ses
l

rent dans la même année un produit d'autant pommes axillaires, le meilleur de tous les lé-
plus cher qu'il était plus rare. gumes frais qu'on puisse avoir dans cette saison
Choux fleurs. — Lorsque ce légume com- de l'année. Pour en prolonger la récolte on
mence à former sa pomme, il a besoin d'être plantera tard, de façon à ce que les premiers
garanti contre les gelées sérieuses. Il est bon produits se montrent seulement vers le 15 no-
de calculer toujours la plantation de quelques vembre; alors on peut espérer qu'ils continue-
planches de choux Heurs de manière à en avoir ront jusqu'au printemps.
la moitié prête à être cueillie et la moitié à peu Chicorée, barbe de capucin. —
Paris fait en
près de la grosseur du poing au commencement hiver une énorme consommation de cette clù-

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DU JARDINIER. m
corée, dont les feuilles étiolées, blanches, ten- les rangs de cercles la récolte se fait commo-
;

dres, conservant seulement une légère amer- dément, sans rien déranger.
tume qui n'a rien de désagréable, se vendent à Pois. — Les jardiniers qui tiennent à obte-
très bon marché durant toute la saison où il nir des pois de primeur, au risque de perdre
n'y a presque pas d'autre salade; elle s'allie leur peine, commencent dès la (in de novembre
foflbien à la mâche et à la betterave coite. Les à semer du pois Michaa hâtif en pleine terre,
maraîchers des environs de Paris, principale- sur plate-bande exposée au midi. Ils doivent
ment ceux de Montreuil, les mieux placés pour être ramés très jeunes, non qu'ils en aient es-
ce genre de culture, arrachent en novembre les sentiellement besoin, car ils ne s'élèvent jamais
racines de chicorée sauvage semée assez serrée bien haut, mais pour qu'on puisse les couvrir
en terre médiocre; ils suppriment toutes les et les découvrir avec plus de facilité. Malgré
du cœur, opération minu-
feuilles à l'exception toutes les précautions qu'on peut prendre, il est
beaucoup d'habitude; puis ils
tieuse qui exige certain que les pois semés en pleine terre en
forment des bottes de ces racines d'environ novembre sont toujours fort aventurés. Il n'en
0"',20 de diamètre; ils les placent debout, ran- est pas de même de ceux qu'on sème sur couche
gées l'une près de l'autre, enterrées dans des à la même époque ; leur récolte est plus as-
couches de fumier chaud; ces couches sont surée.
établies dans des caves ou dans de vastes car- Il ne faut pas perdre de vue que le pois,
rières abandonnées, où elles occupent un espace quelle qu'en soit l'espèce, est une plante qui
considérable, à l'abri de la lumière et du contact n'aime pas le fumier. En semant des pois sur
de l'air extérieur. Ce procédé serait excessive- couches, la terre qui recouvre l'engrais doit
ment coûteux pour d'autres que ceux qui l'em- toujours être assez épaisse pour que dans aucun
ploient ; mais le fumier qui a donné cette récolte cas les racines de la plante ne se trouvent en
sert ensuite, soit aux couches à champignons, contact avec le fumier ; si cela arrivait, le pois
soit à d'autres cultures forcées; quant à la nain cesserait d'être nain ; il pousserait des tiges
main-d'œuvre nous regardons peu à notre
, ! \igoureuses, de larges feuilles, et ne donnerait
peine, surtout dans la saison où la besogne n'est I
ni fleurs ni fruits. Le fumier n'est pour les pois
pas très pressante. Produire le plus rapidement î qu'un simple réchaud, encore ne doit-il donner
possible, et obtenir, même avec beaucoup de qu'une chaleur modérée.
frais et de peine, des récoltes multipliées, au La culture du pois de primeur forcé sur
lieu de récoltes uniques venues lentement avec couches n'est réellement avantageuse que
peu de soins et de dépenses, tel est le principe in- quand on peut lui donner une grande exten-
variable de notre culture maraîchère, dont nous sion; chaque plante doit être pincée quand elle
sommes fiers ajuste titre, car il n'en existe point montre 3 ou 4 fleurs ; chaque fleur est suivie
ailleurs de plus perfectionnée. Une longue ex- d'une cosse qui donne de 3 à 4 pois : il en faut
périence, celle de nos pères ajoutée à la nôtre, beaucoup de pieds pour donner un litre de
nous a appris que, tout calcul fait, notre mé- pois écossés. Le jardinier qui force les pri-
thode est encore la plus avantageuse mais elle
; meurs en grand peutseul y trouver son compte;
tient à notre position à portée de ce gouffre de il ne regarde dans ce produit que la rapidité
Paris où tout s absorbe, sans que jamais le ma- de sa croissance; en six semaines, s'il est bien
raîcher ait à craindre de ne pas vendre ses conduit, le pois donne son grain et cède la
produits. place à d'autres cultures; il se vend alors très
Quant aux jardiniers placés dans d'autres cher, au poids, par petites portions ; les plus
circonstances, ils étendront simplement les ra- productifs sont toujours ceux qui proviennent
cines de chicorée dans une position horizon- des semis faits sur couche en novembre. Le
tale, par lits recouverts de terre légèrement jardinier amateur ne doit pas songer à essayer
humide, en laissant passer seulement de quel- cette culture s'il ne peut y consacrer un nombre
ques centimètres le collet dégarni de ses feuilles; suffisant de couches pendant les mois de no-
les pousses nouvelles ne tarderont pas à se vembre et décembre.
montrer; on en pourra faire deux ou trois Le jardin potager commence en novembre à
coupes pendant l'hiver, pourvu qu'on les pré- revêtir sa tenue d'hiver ; il n'est pourtant pas
serve avec soin du contact de l'air extérieur et encore dépouillé de verdure; le poireau, le
de la lumière. C'est ainsi qu'on procède à bord céleri, la chicorée, la scarole et la laitue d'hi-
des navires pour avoir, dans les longues tra- ver couvrent encore une partie du terrain. Le
versées , un peu de salade à distribuer aux poireau passe l'hiver en terre sans craindre les
équipages les caisses pleines de terre et de ra-
; gelées ; il doit y en avoir en novembre de bons
cines de chicorée sont placées à fond de cale. a être cueillis; cette récolte, toujours très pro-
Lorsqu'on n'a qu'un très petit emplacement ductive, est une ressource que le jardinier doit
à consacrer à ce produit, et qu'il ne s'agit que s'être ménagé pour le temps où il aura pea
de pourvoir à la consommation d'une fnmille, d'antres légumes à porter au marché. Ses loi-
on se sert de cercles de tonneau sur lesquels sirs augmentent de jour en jour ; il en profite
on dispose les racines de telle sorte que tous [>our réparer son matériel, renouveler ses pail-
les collets soient
posés sur le cercle et toutes assons, et travailler le fumier pour les coa-
en dedans. On empile à hauteur
les racines ches destinées aux cultures forcées pendant
d'homme les couches de racines et de terre et l'hiver. Ces cultures, s'il est en état d en faire

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486 CALENDRIER
les avances, l'occuperont presque autant que seulement peut planter sans crainte, pourvu
celles de pleine terre en été ; toutefois, c'est en qu'il ait stipulé qu'en fin de bail on lui tiendra
novembre et décembre qo'il pent prendre le compte de la valeur qu'auront, à sa sortie, les
plus de repos. Êlantations faites à ses frais, risques et périls.
des stipulations de ce genre
$ II. — Jardin fruitier.
!o Angleterre

sont très en usage ; elles augmentent également


La récolte des fruits est terminée en novem- la fortune des propriétaires et celles des fer-
bre ; le fruitier doit être dans son plus grand miers. Il en est qui, après vingt ou vingt-cinq
état de richesse par l'abondance et la variété ans de jouissance, ont droit à un capitalégal à
des fruits. Quelques noix gardées dans leur plusieurs années de leur fermage ; le proprié-
brou se maintiendront encore à l'état frais ; les taire, de son côté,
y gagne assez par l'accroisse-
châtaignes en retard, conservées dans leur en- ment de valeur de son domaine, sans aucune
veloppe épineuse , achèveront d'y atteindre avance de sa part.
leur parfaite maturité. Dans nos contrées mé- La plantation des arbres fruitiers, la seule
ridionales, les marrons et les olives termine- qui doive nous occuper ici, présente des avan-
ront le cours annuel des récoltes, plus variées tages en général trop peu appréciés; nous en-

Sue celle de nos climats; partout il sera temps trerons à ce sujet dans quelques détails.
e s'occuper, non plus des produits de la sai- Nous supposerons un hectare de terrain
son écoulée, mais de ceux de Tannée suivante. consacré à une plantation formée en partie
Deux opérations essentielles, la taille et la de pommiers nains, dits de naradis, et en
plantation, appellent en novembre le jardinier partie de pruniers de mirabelle et de reine-
près de ses arbres^ fruit. On ne peut encore claude, greffés sur épine noire. Un espace de
tailler qu'un petit nombre de vieux sujets parmi deux mètres en tous sens, en terrain bien fumé,
les arbres à fruit à pépins épuisés par de longs leur suffit et au-delà; on a donc sur un hectare
services il importe que leur bois superllu soit
; 50 rangées de 50 arbres chacune, soit 2,500
supprimé immédiatement. Les sujets plus jeunes pieds darbres. Si le jardinier les greffe lui-
et plus vigoureux peuvent attendre; on a pour même, il aura moins de dépense à faire, mais
les tailler tout le temps qui s'écoule entre la plus de temps à attendre les produits; s'il
chute des feuilles et les derniers jours de février, prend les sujets tout greffés en pépinière, il
sauf les jours de gelée rigoureuse. les paiera de 25 à 35 c. la pièce, en moyenne
Les plantations se font avec grand avantage 30 c, ou. pour 2,500 pieds d'arbres, 750 fr.
à la fin de novembre, de préférence à toute En y ajoutant les frais de transport, de fumier
autre époque. Les traités de jardinage conseil- et de plantation, ils peuvent lui revenir, mis
lent de ne jamais replanter un jeune arbre à la en place, à 1,000 fr.
place d'un ancien, mort de vieillesse ou par Dès la seconde année les paradis montre-
accident ou tout au moins de laisser reposer le ront leur fruit; dès la troisième fleur ils se-
terrain en le consacrant pendant plusieurs an- ront en rapport; s'il sont tous d'espèces de
nées à d'autres cultures. Pour nous qui savons choix, ils pourront produire chacun 40 cen-
par expérience combien l'œil est attristé par times par an, les bonnes années compensant
la vue des \ ides nombreux dans une plantation les mauvaises. Un paradis de reinette de Ca-
d'arbres à fruit, nous dirons qu'il n'y a aucun nada, par exemple , peut facilement porter
inconvénient à remplir immédiatement ces huit pommes à 10 centimes, lorsqu'on les vend
vides, pourvu qu'où renouvelle la terre des- en hiver, soit 80 centimes; le chiffre de 40
tinée au jeune arbre, et qu'on lui creuse un centimes fait donc une large part au chapitre
trou plus grand qu'il ne le serait en d'autres des frais et des accidents; c'est un produit de
circonstances, proportionnellement à son es- mille francs par an pendant 8 ou 9 ans. A la
pèce et à la taille qu'il doit, acquérir. Ce chan- fin du bail, il faut que les arbres soient en bien
gement de sol n'est impraticable que quand mauvais état pour qu'à l'estimation ils ne re-
toute une plantation meurt à la fois, soit de présentent pas le double de ce qu'ils ont coûté
vieillesse, soit par suite d'un froid ou d'une a planter, soit 2,000 francs ; le propriétaire, à
sécheresse extraordinaires; alors la dépense qui celte plantation en plein rapport offrira un
deviendrait excessive, et il faut choisir un accroissement immédiat de revenu , paiera
autre emplacement pour une nouvelle planta- volontiers cette somme, et y gagnera, soit
tion. Mais s'il s'agit de quelques pieds d'arbres qu'il vende son terrain, soit qu'il le loue à un
à remplacer, on ne doit point être arrêté par autre, soit qu'il l'exploite par lui-même. Le
la nécessité de remuer quelques brouettées de locataire suffisamment indemnisé, pourra re-
bonne terre. commencer ailleurs la même opération sur
Nous saisirons cette occasion de donner au deux hectares, sans y mettre de son argent.
lecteur notre opiDion relativement à la ques- Nous n'avons pas besoin d'insister sur la
tion si controversée des plantations sur le ter- facilité du placement des fruits en hiver à
rain d'autrui ; les esprits les plus judicieux ont Paris; les fruits de choix sont toujours trop
toujours conseillé aux locataires de s'en abste- peu abondants sur le marché.
nir nous sommes d'un avis différent, et nous
; On aura soin, en choisissant les arbres à
ne craignons pas de le motiver. Voir Journ. d Jgricuhure pratique
( I ) , t. II, p. 534,
Le jardinier muni d'un bail de douze ans el I. IV, p. ioo.

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DU JARDINIER. 487

fruit dam de marquer sur l'é-


la pépinière, le mois de novembre verra commencer la flo-
corce le côté du nord, afin de les orienter en raison d'hiver. Tout le monde ne peut pas
les plantant comme ils Tétaient sur leur sol avoir une serre, ni même une orangerie, mais
natal.La plantation à la fin de novembre, sans bien des gens peuvent se permettre une jar-
dépasser le milieu de décembre, peut faire ga- dinière, joli meuble en bois vernis par-dessus
gner une année sur la mise à fruit des arbres son écorce, avec un vase en zinc destiné à re-
nains. cevoir des fleurs vivantes pour la décoration
Quoique la plantation des autres arbres à des appartements. Chaque année la mode des
fruits puisse être différée, nous pensons que, jardinières fait des progrès à Paris; beau-
pour et pommiers, spécialement
les poiriers coup de jardiniers trouvent du bénéfice à
quand ils doivent être taillés en quenouille ou forcer dans la serre tempérée des bulbes de
pyramide, la dernière quinzaine de novembre jacinthes, de tulipes et d'amaryllis, pour entre-
et la première de décembre sont l'époque la tenir les jardinières garnies de fleurs pendant
plus favorable. toute la mauvaise saison.
Parmi les personnes opulentes, l'usage s'est
$ III. — Parterre.
établi à Paris de ne plus donner un bal, une
On y vient encore, durant les derniers beaux soirée, une réunion, en hiver, sans une profu-
jours connus dans toute la France sous le nom sion de Heurs rares, soit cueillies, soit vivan-
d'été de Saint-Martin, chercher les derniers tes; il faut des caisses d'arbustes sur l'escalier
asters, les chrysanthèmes alors en pleine fleur, et dans le vestibule ; il faut des bouquets écla-

les derniers brins de réséda, et quelques roses tants et parfumés pour masquer l'odeur des
du Bengale. mets sur la table du festin; toutes les dames
Le jardinier, après avoir recépé les rosiers joignent un bouquet à l'inévitable éventail.
du Bengale et recouvert de feuilles les sou- C'est pour les jardiniers-fleuristes l'occasion
ches les plus délicates, dédoublé les pieds trop d'un bénéfice qu'ils ne doivent pas négliger ;
vigoureux de phlox , d'héliantes et d'autres mais la réalisation d'un gain passager ne doit
plantes vivaces, arraché pour les rentrer dans pas les porter à risquer de déplacer par un
l'orangerie les tubercules des dahlias, dit adieu temps trop rigoureux des arbustes délicats,
Sour longtemps au parterre qui n'a plus besoin objets de soins et d'avances depuis nombre
e sa présence. Il n'y reviendra plus que de d'années, le prix élevé des Heurs cueillies ne
loin en loin pour tailler les rosiers greffés sur doit pas leur taire mutiler des plantes qui ont
églantier, soigner ses violettes perpétuelles, et ensuite bien de la peine à se refaire après
visiter quelques rares fleurs d'hiver en pleine une coupe inconsidérée de leurs rameaux char-
terre, comme les perce-neige et les hellébores, gés de fleurs.
jusqu'à ce que le printemps revienne, avec son Quant au jardinier amateur, nous n'avons
cortège de fleurs, le rappeler à la partie la plus pas besoin de lui adresser une telle recom-
agréable de ses travaux. mandation; il n'est jamais trop porté à dégar-
Les planches de violettes plantées au mois nir son orangerie ou sa serre pour offrir des
d'août doivent être entourées d'un bourrelet de bouquets qui seront flétris au bout d'une heure.
paille et recouvertes de paillassons pendant la En Belgique, le salon, situé au rez-de-chaus-
nuit seulement des piquets, plantés de distance
; sée, est souvent de plain-pied avec l'orangerie ;
en distance dans la plate-bande, supportent ces les jours de réunion, on place dans l'orangerie
paillassons et les empêchent de froisser les un tapis et des sièges ; les dames viennent s'y
violettes. délasser, au milieu des fleurs, des fatigues du
bal. On a soin de n'y laisser que les plantes
$ IV. — Orangerie et serre.
assez robustes pour ne pas trop souffrir de la
L'hiver est la saison de Tannée où l'orange- chaleur et du mauvais air produits par les lu-
rie et la serre exigent la présence la plus assi- mières et une nombreuse assemblée. C'est un
due du jardinier. Dans l'orangerie il aura bien moyen simple et naturel pour les amateurs de
rarement l'occasion d'allumer du feu en no- se faire honneur de leurs plus belles plantes aux
vembre ; il n'aura même recours plus tard à yeux de leurs amis.
la chaleur artificielle que pendant les froids les
plus vifs. Pour décorer et parfumer en même
DÉCEMBRE.
temps l'orangerie, il y tiendra quelques rosiers
de Bengale en caisse, des résédas et des hélio-
tropes; mais ces derniers réussiront mieux
$ I
er . — Jardin potager.

dans la serre tempérée pour donner leurs fleurs Choux. — Le chou, dont plusieurs espèces
en hiver. Les camélias dont on possède main- n'ont acquis toutes leurs qualités qu'après avoir
tenant un si grand nombre de belles variétés, ressenti les effets d'une gelée modérée, ne craint
ont une orangerie à part chez les jardiniers que la neige, surtout lorsqu'après avoir sé-
marchands et chez les riches amateurs; la pré- journé longtemps sur le sol, elle fond, non pas
caution d'humecter souvent leur beau feuillage toute à la fois, mais par une suite de dégels et
contribue beaucoup à les entretenir dans un de gelées ; il arrive alors que Teau provenant
état de vigoureuse végétation pendant l'hiver. de la neige fondue s'insinue entre toutes les
Dans la serre tempérée et la serre chaude, feuilles des pommes de chou, à l'exception de

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488 CALENDRIER
celles qui en occupent le centre ; cette eau, con- que se maintenir en hiver sans prendre un
,

vertie deux ou trois fois de suite en glace, agit grand accroissement. Mais il doit être l'objet
i)lus éncrgiquement sur le chou que n'aurait
pu de soins continuels, à cause de sa facilité à s'é-
e faire un froid sec de dix ou douze degrés, tioler lorsqu'on le tient trop longtemps privé
température qui n'altère pas le chou d'une ma- d'air et de lumière. II faut donc naviguer entre
nière sensible. Il doit se trouver en décembre, deux écueils, la gelée et l'étiolement ; le second
dans le potager, des carrés de choux à deux est le plus à craindre. Souvent une demi-heure
états différents :les premiers ont leur pomme d'exposition à l'air libre, au moment le plus
tout-à-fait formée, ils sont prêts à être livrés à doux d'une journée froide suffit pour conserver
la consommation', et c'est parmi eux qu'on a le plant de chou-fleur. Dans tous les cas, il faut
pris ceux qui ont été mis à l'abri pour les be- le surveiller continuellement et s'en munir en
soins journaliers ou pour en prolonger l'exis- quantité plus grande que le besoin, afin que,
tence; ils appartiennent, sous le climalde Paris, même après l'hiver le plus défavorable, il en
aux trois espèces connues sous le nom de chou reste encore assez pour qu'on n'en soit pas au
blanc ou d Alsace, chou de Milan frisé, et dépourvu.
Milan des Vertus, tes autres dont l'hiver n'inter- Salades. — Nous nous sommes dispensés, en
rompt pas la végétation seulement ralentie ,
indiquant les travaux des mois d'octobre et de
sont à demi formés; ils doivent arriver des pre- novembre, de donner dans tous ses détails l'im-
miers sur le marché au printemps, et n'ont pas portante culture du plant de romaine sous clo-
en décembre et janvier des pommes plus gros- ches pour être en partie forcé en hiver comme
ses que le poing. primeur, en partie mis en place en pleine terre,
Les choux entièrement pommés doivent être, depuis février jusqu'en avril c'est qu'il ne
;

dès les premiers jours qui suivent le dégel, reste rien à apprendre sur ce sujet quand on a
portés au marché, après avoir passé un jour ou lu le travail aussi complet que possible de
deux, suspendus par la racine, la tête en bas, M. Poiteau sur la culture maraîchère de la ro-
sous un hangar ou dans un autre lieu abrité; maine; nous ne pouvons qu'y renvoyer nos
ils sont encore excellents , pourvu qu'on les lecteurs; c'est un ancien maraîcher qui raconte
mange immédiatement; mais s'ils attendaient ce qu'il a fait et ce qu'il a vu on ne saurait
;

huit jours, ils entreraient en décomposition. choisir de guide plus sûr et plus fidèle.
Les choux à demi pommés sont à peu près C'est une propriété bien remarquable, chez
perdus; on doit seulement cueillir les plus certains végétaux appropriés à nos usages, que
avancés ils trouveront des acheteursdans cette
; celle de croître sans le contact de l'air, ce qu'on
saison où le chou est généralement recherché ; nomme en terme technique à l'étouffée, et cela
ceux qui ne pourront être vendus périront sans s'étioler ni paraître souffrir ae la priva-
presque tous sur place; il n'y a pas de remède; tion d'air. Ainsi, la romaine verte, ordinaire-
on aura soin, dans ce cas, d'élever sur couche ment consacrée de préférence à toute autre à
une quantité de plant proportionnée à ce qui la culture forcée en hiver, reste verte quoique
devra être remplacé pour regarnir les carrés au depuis le moment où la semence a été mise en
printemps. Ces pertes causées par la neige sont terre jusqu'à celui de la vente elle ait été con-
rares, et elles n'entrent point dans les calculs stamment tenue sous cloches, sauf le temps très
ordinaires de la grande culture pour l'approvi- court employé au repiquage ; cette même ro-
sionnement de Paris. Ceux qui ont une assez maine, par une sorte d énergie de végétation
parfaite connaissance du temps pour prévoir qui lui est propre , s'accoutume très bien à la
en automne un hiver abondant en neige s'abs- pleine terre et au grand air en sortant de des-
tiennent de planter en pleine terre, et réservent sous la cloche, et acquiert au printemps ce vo-
tout leur terrain pour pouvoir planter au prin- lume et cette saveur qui en font une de nos
temps. Dans la petite culture, un peu de litière, meilleures salades.
de vieux paillassons, ou toute autre couverture La laitue crêpe veut également être élevée à
appliquée au moment où la neige commence à l'étouffée; elle se repique au nombre de trois ou
tomber, parent facilement à ces pertes, souveut cinq pieds sous chaque cloche, selon le volume
inévitables pour les cultures plus étendues. qu'on la croit susceptible d'atteindre; elle y
Choux- fleurs. —Le plant repiqué sur plate- forme de petites pommes fort tendres qui n'ont
bande bien fumée et exposée au midi a tout guère d'autre mérite, car elles n'ont pas grande
autant de chances que celui qu'on renique sur saveur; mais elles viennent en plein hiver et
couches, pour bien passer l'hiver, si I on prend donnent en abondance depuis décembre jus-
les précautions que nous avons indiquées pré- qu'en février ; elles sont d'ailleurs beaucoup plus
cédemment. Néanmoins, comme cette culture communes et moins chères que les romaines
est d'un très bon rapport, et qu'on ne peut pas forcées, ce qui en rend le débit toujours facile.
toujours disposer d'un emplacement convena- Il ne faut pas dédaigner la laitue crêpe qu'on
ble en pleine terre, les jardiniers sont dans sème tous les quinze jours en hiver et qu'on
l'usage d'élever toujours une bonne provision mange en salade même avant qu'elle ait acquis
de plant de choux fleurs sur couches, sous la grosseur qui la rendrait propre à servir de
châssis. Ce plant n'exige pas un grand espace; plant; c'est une salade beaucoup moins chère
il se repique très rapproché presque sans in-

convénient, parce qu'il ne fait pour ainsi dire (!) Journal d'Agriculture pratique,*. III, p. «7.

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DU JARDINIER. 489

et au moins égale à la petite laitue crêpe à cette culture les soins qu'elle exige, nous n'a_
pommée. vons pas observe un retard sensible dans la ré
Pois. — Lorsque l'hiver s'annonce comme coite des haricots semés en place. Il est bon de
devant être doux, on prolonge jusque dans les les coucher de la même manière que les pois, un
premiers jours de décembre les semis de pois peu avant l'époque de leur floraison.
en pleine terre au pied des murs, à l'exposition Persil. — Le mois de décembre est le mo-
du midi; tous ces pois sont désignés par les ment critiquepour cette culture, qui, comme
jardiniers sous le nom de pois de sainte Ca- nous l'avons dit, procure en hiver plus de bé-
therine, quoique la température engage souvent néfices que le public étranger au jardinage ne
à les semer avant ou après le 25 novembre. peut se le figurer ; les charcutiers et les restau-
Ceux qu'on a semés le mois précédent ne de- rateurs ne peuvent se passer de cet assaisonne-
vanceront guère en résultat les semis de dé- ment; il leur en faut a tout prix. Les planches
cembre et n ont pas beaucoup plus de chances de persil semées en octobre doivent être en
de succès. De quelque façon qu on s'y prenne plein rapport en décembre; on aura le plus
la gelée les atteindra nécessairement; seule- grand soin de leur ôter ou de leur donner la li-
ment, si elle n'est pas violente, la tige princi- tière, afin que le persil ne jaunisse pas; on
pale périra seule; la racine et son collet résis- évitera de cueillir les feuilles trop peu déve-
teront ; deux pousses latérales se développeront loppées, ce qui nuirait à la pousse des autres ;
et leurs produits pourront devancer de quelques enfin on soignera ce produit comme l'un des
jours seulement les pois dits de la Chandeleur, meilleursde la saison dans les environs de Paris.
semés au commencement de février il est vrai
: Fraises. — Nous avons exprimé notre sen-
que ces quelques jours ont une grande impor- timent sur la culture des fraises forcées en hi-
tance sur le marché de Paris, ou nous voyons ver; il y a cependant une circonstance où les
souvent les pois se vendre cinq francs le litre frais peuvent en être tellement diminués que
le lundi et soixante-quinze centimes le samedi les produits, bien que très faibles, valent en-
de la même semaine. Ceux qu'on a semés sur core la peine d'être récoltés : c'est lorsqu'on
couche sous châssis vers le quinze novembre cultive en grand les ananas dans des bûches
doivent être assez avancés en décembre pour assez spacieuses pour qu'on puisse établir tout
avoir besoin d'être couchés, ce qui se t'ait au autour des pots de fraisier sur des dressoirs.
moyen de lattes ou de boots de vieux treillages On fait choix dans ce cas du buisson de Gail-
qu'on appuie sur le milieu de la longueur des lon ; on le met en pot dès le mois de novembre;
tiges. L'extrémité supérieure de la plante ne on le rentre en décembre dans la bâche, où il
tarde pas à se relever ; l'opération du couchage donne jusqu'au printemps des fruits mangea-
hâte le développement des fleurs ; il faut alors bles, quoique peu colorés.
saisir le moment favorable pour supprimer le Melons. — On peut commencer en décembre
sommet des tiges, afin de forcer les premières à semer sur couche les premiers melons qu'on
à nouer, sans quoi elles pourraient fort bien se rr piquera en place le mois suivant néanmoins ;

trouver stériles; c'est ce qu'on nomme pincer l'état de la saison doit être pris en grande con-
les pois. Du moment où les pois montrent leurs sidération pour régler l'époque de ces semis;
fleurs, il faut éviter de les mouiller trop abon- si l'on craint que, malgré tout l'art du jardi-
damment. nier, le plant soit exposé à fondre ou à languir,
Haricots. — Les derniers semés en pleine il vaut mieux retarder les semis jusqu'en jan-

terre, convenablement abrités, ainsi que nous vier.


l'avons dit dans un précédent article, donnent Les légumes de pleine lerre ont presque tous
encore en décembre et ne cessent de fournir disparu peu à peu dans le courant du mois pré-
du haricot vert qu'au moment où le froid prend cèdent ; ceux qui restent n'ont plus besoin des
subitement une grande intensité. Quoique les soins du jardinier, à l'exception des salades
traités de jardinage, d'accord en cela avec la d'hiver, qu'il doit couvrir et découvrir selon
pratique la plus générale , conseillent de ne la température. Le défoneement des terrains
commencer que vers le 15 janvier les semis de qui ne sont plus occupés est le travail de pleine
haricots sur couche sous châssis pour primeur terre le plus essentiel durant le mois de dé-
d'hiver, nous avons souvent seme de cette ma- cembre ; mais c'est autour des courbes que le
nière dès le 25 décembre du haricot nain de jardinier doit trouver ses principales occupa-
Hollande, et il a constamment gagné plusieurs tions ; réchauffer les premières construites, en
jours sur les semis faits au 15 janvier. A moins établir de nouvelles, veiller à la prospérité
3ue le froid ne soit très rigoureux, on donnera d'une végétation contraire à la marche ordi-
e l'air, au moins pendant quelques heures, vers naire de la nature, récolter déjà quelques pro-
le milieu du jour, aux couches semées en ha- duits, des radis, des salades, tout cela ne le
ricots. Quelques jardiniers ont cru remarquer laisse pas dans l'oisiveté; il n'y a poor lui de
une plus grande abondance de produits et quel- repos absolu que durant les jours de pluie, où
ques jours de précocité de plus dans les haricots l'entrée du potager lui est interdite.
nains de Hollande semés sur couches et repiqués
fort jeunes sur une autre couche plus chaude $ IL — Jardin fruitier.

que la première. Pour nous, en renouvelant Les plantations et la taille des arbres à fruits
assez souvent les réchauds et donnant du reste sont, comme dans le mois précédent, les deux
n«TICULTU*K. T» v * "DifUize
490 CALENDRIER DU JARDINIER.
opérations principales du jardinier dans cette monceau telle qu'elle est, la retourner plusieurs
partie de son domaine. S'il y a joint une pépi- pendant l'hiver, et la passer seulement au
fois
nière, il sera alors en pleine moisson. On ne printemps, an moment de s'en servir.
f>eut trop recommander aux acheteurs de se — Orangerie,
lâter quand ils ont à faire des acquisitions im- $ IV,

portantes dans les pépinières si le sol destiné


; Les plantes et arbustes d'orangerie sont bien
aux plantations est compacte et qu'il convienne moins sensibles que ceux de serre chaude ou
d'y retarder la mise en place des jeunes arbres, tempérée aux variations de température, ce
cela n'empêche pas de les choisir d'avance, qui, indépendamment de leur plus grande rus-
sauf à ne les enlever qu'au moment favorable. ticité, tient surtout à ce que leur végétation est
Il arrive trop souvent que, faute de s'y être pris engourdie et comme suspendue pendant l'hi-
à temps, ayant d'ailleurs les trous préparés, et ver. L'influence de l'air extérieur leur sera donc
ne voulant pas perdre une année, on se con- favorable, soit que le soleil fasse monter le
tente d'arbres de second choix qui ne donnent thermomètre à 8 ou 10 degrés, soit que le
que des résultats inégaux et peu productifs. brouillard le fasse descendre a 3 ou 4 au-dessus
de zéro. De tels changements seraient au con-
$ III. — Parterre. traire funestes aux plantes de serre.
n'y a pour moment
rien à faire dans le
Il le
parterre; mais le jardin paysager, dont le par- § V. — Scrret.

terre fait ordinairement partie, offre déjà une Le soin principal du jardinier doit être d'en-
besogne d'un grand intérêt pour ses beautés tretenir la plus grande égalité possible de tem-
[>ittoresques au printemps suivant. On élague pérature dans les serres et dans la bâche aux
es arbres qui en ont besoin ; on recèpe ceux ananas. S'il peut chauffer à la vapeur tout son
qui doivent être formés en buisson; on regarnit local,il ne craindra ni la fumée, ni la dégrada-

tion dos fourneaux, qui les met quelquefois


Ear des plantations les vides laissés par les ar-
ecs ou arbustes qui n'ont pas réussi. hors de service au moment où ils sont le plus
C'est aussi le moment d'empailler les plantes nécessaires. Le chauffage à la vapeur évitera
et arbustes de terre de bruyère, andromèdes, surtout le grave inconvénient d'avoir dans la
a7.aléas,kalmias,qui redoutent les longs hivers. serre une différence de 5 ou 6 degrés, et même
Quant aux rhododendrons, depuis que nous plus, entre l'air du centre et celui qui touche
les avous vus en Belgique résister à des hivers aux vitrages.
vraiment ruaset, nous les regardons comme Après l'égalité de température, l'objet le plus
aussi bien acclimatés que les lilas et les rosiers. important des soins du jardinier doit être la
En 829, le jardin d un de nos amis, grand
1 distribution de l'eau aux plantes exotiques. Il
amateur d'horticulture, à la Boverie près ,
faut, pour ainsi dire, s'en rapporter sur ce
Liège, fut inondé à deux reprises, avant les ge- point aux plantes elles-mêmes; il est de prin-
lées et après le dégel ce jardin resta dix-huit
; cipe que tant qu'elles ne végètent pas, il ne
,

jours recouvert de 2 mètres d'eau à une très leur faut que de fréquents binages au pied ;
basse température. Le propriétaire regardait l'eau ne leur devient nécessaire que quand leur
bien toutes ses plantes de bruyère comme per- végétation se met en activité.
dues; il se trompait; toutes fleurirent au prin- Dans la serre chaude et dans la bâche aux
temps comme elles eussent fleuri à la suite ananas, on entretiendra la température la plus
d'un hiver ordinaire; à l'exception d'une ou élevée possible. On ne pénétrera pas sans pré-
deux andromèdes, aucune ne paraissait avoir caution dans la serre aux orchidées, dont une
souffert. Ce l'ait montre assez qu'on peut traiter partie montrera ses fleurs à cette époque; le
les plantes de bruyère avec des soins moins jardinier soigneux de sa santé comme rie celle
minutieux que ceux qu'on leur donne ordinai- de ses plantes aura soin que la serre chaude
rement sous le climat de Paris. soit préservée par une double porte de l'intro-
La terre de bruyère doit être amassée et mise duction de l'air extérieur: il se munira de vê-
en tas à Pair libre au commencement de dé- tements chauds au sortir de cette serre où il est
cembre. Nous pensons qu'on a tort de la passer impossible de travailler quelque temps sans
immédiatement à la claie comme le font quel- mettre habit bas.
ques jardiniers; il vaut mieux la laisser en

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CALENDRIER DU FORESTIER
Les Allemands, toujours méthodiques dans somme égale de travail. Les époques de la cul-
dans leurs occu-
l'application de leurs idées et ture forestière étant déterminées d'avance, les
pations, ont imaginé de distribuer d'une ma- ouvriers feront coïncider leurs travaux agri-
nière périodique et régulière, les travaux fo- coles ou industriels, de la manière la plus con-
restiers qui doivent Être exécutés dans chacun venable à leurs intérêts, avec les travaux fores-
des mois de l'année. tiers qui seront à leur portée.
En France, la même division n'est pas tou- Il est d'autant plus important d'introduire un

jours praticable; d'abord en raison de la diffé- bon ordre dans la culture forestière, qu'elle
rence du climat, ensuite à cause de la diversité doit prendre un développement proportionné à
qui existe entre les méthodes usuelles de traiter nos besoins croissants de bois de toute espèce,
les forêts dans chacune des régions de notre développement qui s'accroîtra encore par le
sol,méthodes qu'il est extrêmement difficile de bon marché du travail résultant, non d'une
ramener à l'unité. baisse des salaires, mais d'une pratique plus
D'ailleurs les travaux de semis, de planta- habile.
tions, d'exploitation par coupes de réensemen- Nous sommes arrivés à une époque où l'on
cement naturel, n'ayant pas encore pris en sent la nécessité d'opérer des repeuplements,
France une grande extension, rien n'est plus des nettoiements, des semis, des plantations et
variable que notre mode d'opérer. des remplacements d'essences inférieures par de
Il est donc bien di Hicile de présenier quelque meilleures espèces. On commence à exécuter
chose de positif qui soit parfaitement adapté à ces travaux dans une partie de la France, et
nos besoins lorsqu'on veut former un calendrier leur bonne distribution doit être précédée né-
français de culture forestière. cessairement de la connaissance des époques
Cependant, c'est précisément parce qu'il n'y les plus convenables pour les exécuter.
a em ore rien d'uniforme dans la pratique qu'il C'est dans cette vue que nous indiquons la
convient de faire des efforts pour y introduire répartition suivante, dans laquelle nous avons
de l'ordre dès à présent l'ordre est un genre
; eu en vue de réaliser le plus promptement pos-
de division du travail qui le rend moins dis- sible l'idée d'une périodicité qui assurera le
pendieux, d'une exécution meilleure et plus fa- succès de la culture forestière. ,

cile; chaque ouvrage est fait précisément en


son temps et avec la moindre dépense de forces JANVIER.
possible; chaque ouvrier habitué à un travail
qui revient uniformément, l'exécute mieux ; il Dans les parties montagneuses de notre sol
y a épargne de peine, de temps et d'argent; et dans nos contrées septentrionales, les exploi-
perfectionnement et réussite. tations des coupes sont interrompues; les grands
Tant d'avantages méritent que l'on établisse froids endommageraient les souches. Cepen-
parmi nous quelque chose de semblable à cet dant on s'occupe du transport des bois coupés;
ordre admirable que suivent les Allemands dans on profite des gelées dans les endroits maréca-
leur culture forestière, à laquelle ils se livrent geux et des neiges dans les montagnes pour
, ,

sans efforts, sans écarts, avec une persévé- opérer plus facilement la traite que dans les
rance et une attention soutenues et avec un autres saisons.
succès toujours croissant. Nous remarqnerons que l'on n'établit pas
Il est un fait reconnu généralement, c'est généralement assez d'ordre dans la distribution
que dans certains travaux l'ouvrier français des diverses parties de la coupe entre les bû-
exécute, dans un temps donné, moins d'ou- cherons; que l'on pourrait favoriser les trans-
vrage que l'ouvrier allemand ; ce n'est pas que ports et le débit en rangeant les bois abattus et
l'ouvrier français soit moins laborieux ou moins façonnés de manière à laisser toujours des pas-
intelligent, c'est qu'ilapporte moins de régula- sages praticables.
rité, moins d'ordre dans son ouvrage; les dis- Si de fortes gelées et la neige ne font pas
tractions, les mouvements faux et inutiles, la obstacle aux travaux de labour, soit à la houe,
mauvaise qualité des outils, le défaut d'arran- soit à
la pioche, soit à la charrue, on peut en
gement, une dépense inutile de forces employées exécuter dans ce mois.
d'une manière irrégulière et souvent en sens C'est aussi Pépoque la plus convenable pour
opposé ; tout cela opère une sorte de disconti- opérer des nettoiements dans les taillis, surtout
nuité dans le travail et une grande perte de si les ouvriers sont occupés aux travaux de

temps. l'agriculture dans les autres saisons.


L'introduction de la méthode aura donc pour Dans les régions méridionales, on peut par le
masse de l'ouvrage avec une
effet d'accroître la même motif s'occuper presque continuellement
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492 CALENDRIER
des travaux préliminaires des semis et planta- Lorsque les semis forestiers se font avec un
tions. mélange d'orge ou d'avoine, l'opération s'exé-
Nous devons remarquer qu'une cessation cute dans la dernière quinzaine de mars, après
absolue du travail préparatoire des semis et que le sol a été labouré plusieurs fois.
plantations dans le cours de ce mois serait sou- On passe ordinairement un rouleau sur le
vent préférable à des ouvrages exécutés diffi- terrain après le semis et le hersage, surtout
cilement et avec des interruptions fréquentes ;
dans les terres qui se gonflent après les gelées
les ouvriers doivent employer ce temps à leurs ou les pluies.
occupations sédentaires, pour se livrer avec La récolte des céréales viendra en déduction
plus de suite aux travaux lorestiers lorsque les des frais de semis qui se réduisent souvent à
jours deviennent plus longs et les intempéries très peu de chose, et qui sont même compensés
plus supportables. quelquefois par le produit net de celte récolte.
On a soin de ne pas labourer à la charrue
FÉVRIER. les terrains situés en coteaux on les divise en
;

bandes alternées, larges d'environ 1 mètre,


Comme en moyenne, moins
les froids sont, lesquelles sont disposées de manière que les
rigoureux dans le mois de février que dans le eaux n'entraînent ni les graines ni les terres;
mois de janvier, le travail prend du dévelop- l'une de ces bandes est cultivée à la pioche, tan-
pement les bûcherons travaillent sans relâche
; dis que le sol de la bande voisine reste inculte.
a l'abattage des taillis et des arbres lorsque le Les plantations sont, en général, préférables
sol n'est pas couvert de neige. aux semis lorsque l'on peut se procurer du
On veille, comme on a dû le faire depuis la plant à bon marché. C'est par ce motif que
récolle, à la conservation des graines, en ayant l'établissement d'une pépinière doit être consi-
principalement le soin de les préserver à la fois dèrecomme indispensable lorsqu'on possède
de la sécheresse et du contact de l'humidité. une On trouve toujours un espace con-
forêt.
On peut commencer les plantations qui n'ont venable pour l'établir, dans la forêt même ou
pu être exécutées en automne. dans son voisinage immédiat. On épargne les
Les labours dans 1rs terres qui se gonflent ne frais et les inconvénients du transport des plants.
doivent être faits qu'à la profondeur de 0 m ,03 Si le sol n'est pas d'assez bonne qualité, on
ou 0"',04, parce que la radicule ayant une fois l'amende par des mélanges de terres; cette opé-
atteint le sol non remué, se consolide de ma- ration ne peut devenir dispendieuse, car l'éten-
nière que le dégel ne peut enlever le jeune plant. due d'une pépinière, considérée uniquement
Les travaux d'émondage, d'élagage se pour- comme accessoire d'une forêt , est ordinaire-
suivent. ment suffisante si elle est d'un millième de
On prépare l'écorcement du chêne dans cer- l'étendue de cette forêt.
• laines contrées en coupant les brins de taillis La condition la plus importante du succès
de manière à laisser une partie de l'ecorce ad- d'une plantation consiste à n'avoir que des
hérente à la souche; les avantages qui en ré- plants garnis, autant que possible, des racines
sultent sont d'abréger la durée du travail de entières et de leur chevelu; on est dispensé
l'exploitation définitive et de disposer la souche d'étèler les liges.
à pousser des rejetons aussitôt que la sève se Les plantations de boutures de peupliers, de
met en mouvement. saules, de marsaulx s'exécutent dans ce mois ;
Lorsque le mois de février est pluvieux, le on doit préférer les boutures aux plançons par
sol des lorèts situées dans les plaines basses est plusieurs raisons connues des planteurs.
ordinairement inondé. C'est à celle époque que On récèpe les plantations en observant de
les gardes doivent observer le cours des eaux ménager la souche, de ne couper ni trop haut
ei le marquer par des jalons, afin de tracer ni trop bas, et de repiquer du plant dans les
plus lard les fossés de dessèchement dans la places qui ne sont nas suffisamment garnies.
direction convenable pour procurer l'assainis- On lait ouvrir des fosses de dessèchement
sement. dans les endroits où ils sont nécessaires, si ce
Les travaux préliminaires de la carbonisation travail est praticable. Nous ferons observer à
commencent à la fin de février ; on scie le bois ce sujet que les travaux d'assainissement ne se
qui doit être mis en charbon, de manière à le faisant ordinairement que dans les coupes en
réduire en bûches de 0 m ,65 à 0™,80 de lon- exploitation, les eaux s'arrêtent dans les coupes
gueur. voisines, et qu'il serait bien préférable d'établir
dans la forêt entière un système complet d'écou-
MARS. lement des eaux qui serait mis à exécution
dans le cours de deux ou trois années.
C'est ordinairement l'époque du développe- On achève la récolte des cônes de pins et de
ment d'une grande activité dans les travaux. mélèzes.
Les gelées d'hiver n'étant plus à craindre,
l'abattage se poursuit avec activité dans les AVRIL.
coupes.
On donne les derniers labours aux terrains C'est dans ce mois que doivent se terminer
qui doivent êlre ensemencés. la plupart des grands travaux forestiers.

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DU FORESTIER. 493

les nettoiements des s'achèvent ; cette


taillis de mélèzes dans places vagues des bois
les
opération doit êire surveillée avec le plus grand feuillus; ces essences remplaceront les épines
soin. Le meilleur mode consiste à faire couper et les arbustes inutiles. Le taillis donnera l'om-
le bois par des bûcherons payés à la journée, brage nécessaire aux semis ; on exécutera cette
et à le faire mettre en f;:pois par des ouvriers opération immédiatement après l'achèvement
pavés à la tâche; on doit faire, autant que pos- des nettoiements et éclaircies.
sible, arracher les épines. Les semis naturels Le mois de mai est l'époque de récorcement
ne tardent pas à paraître et à se développer au du chêne, du bouleau, de l'aulne et du tilleul ;
bout de quelques années pour repeupler la fo- tous les brins de taillis et les arbres qui ne peu-
ret de bonnes essences. vent donner de Péeorce ont dû être abattus
Il est eoustaté que le produit d'un taillis qui avant le 15 avril. L'écorcement ne doit avoir
a été éclairci excède d'un quart, à l'âge de 26 lieu que lorsque l'arbre ou le brin de taillis est
ans, le produit d'un taillis qui a été abandonné abattu.
à lui-même. »
Une méthode déplorable subsiste encore dans
On peut ne terminer cette opération qu'à la quelques forêts du midi ; le chêne vert est
lin d'avril. ecorcésur pied au commencement de mai, et
L'abattage des taillis cesse ordinairement on ne le coupe que dans le cours de l'hiver sui-
avant le 15 avril, excepté dans les parties où vant. On ne peut trop s'empresser d'abolir en-
récorcement doit être pratique. tièrement cet usage.
On procède à l'extraction des graines d'es- L'abattage des arbres a dû être terminéavant
sences résineuses dont on a conservé les cônes le 15 mai; il faut éviter, autant que possible,
pendant l'hiver. Cette extraction peut se faire d'arracher les chênes, car les vieilles souches
en exposant les cônes au soleil ou en les plaçant poussent des rejetons lorsqu'elles sont placées
dans un lieu échauffé; si la graine ne s'échappe dans des circonstances favorables.
pas toute d'elle-même, on Irappe légèrement les On récolte la résine dans les forêts de pins,
cônes pour la faire sortir. de sapins et de mélèzes.
Les semis de ces essences commencent à la On continue les sarclages et binages. Les
fin d'avril mais on achève les plantations et
, semis d'arbres résineux devront être légère-
les semis des bois feuillus. ment couverts de branches feuillées, de feuilles
Excepté dans les terres siliceuses assez com- mortes ou de paille, s'ils n'ont pas d'autre abri
pactes, les semis d'arbres résineux ont besoin contre l'ardeur du soleil.
d'abri ; c'est par cette raison que dans les terres
légères les plantations sont préférables aux se- JUIN.
mis. Quant aux semis de pépinières, il est facile
de les couvrir de branches d'arbres verts ou de Les travaux du charbonnier se poursuivent
feuillages. avec activité.
On commence le binage des semis qui ont Plusieurs méthodes nouvelles de carbonisa-
été faits dans l'automne. tion ont été essayées; mais l'ancien mode a
Le cultivateur forestier doit apprendre à dis- prévalu, parce qu'il occasionne peu de frais et
cerner le mode qui convient le mieux pour les qu'il serait très difficile dans la plupart des
boisements, suivant l'exposition du sol, suivant coupes de se servir d'appareils dont le trans-
le climat et aussi d'après les besoins de la lo- port serait pénible et trop coûteux.
calité. Mais cette ancienne méthode est susceptible
ne perdra pas de vue qu'une condition es-
Il de perfectionnements tels que la quantité de
sentielle de la réussite consiste à tenir le terrain charbon produite par le même volume de bois
couvert, autant que. possible, pour prévenir pourrait être augmenté d'un cinquième au
l'évaporation de l'humidité. moins.
Les opérations d'écobuage s'achèvent dans Le salaire des charbonniers est réglé ordi-
le cours du mois d'avril, en prenant toutes les nairement sur la quantité de bois qui est car-
précautions qu'elles exigent. bonisée on sur la quantité de charbon qu'ils
La traite et vidange des coupes doit être ter- fabriquent.
minée avant le 15 avril; mais si les marchands Dans le dernier cas, ils ont intérêt à rendre
n'ont pu vendre tous leurs bois, le restant est le plus grand volume possible; mais souvent
dépose sur le bord des chemins ou dans des ils négligent les soins nécessaires pour donner
clairières, vers les extrémités de la coupe. un charbon de bonne qualité.
Dans l'un et l'autre mode de travail, l'ouvrier
confectionne la plus grande quantité possible;
il surveille à la fois un trop grand nombre de

Les charbonniers dressent les fourneaux pour fourneaux } il accélère la cuisson. Or, il est re-
la carbonisation des bois. connu que lorsqu'elle est lente et qu'on lui
Oncontinue les semis et les plantations d'ar- donne tous les soins nécessaires, le charbon
bres résineux, et on termine ces travaux vers est beaucoup plus abondant et de meilleure
la fin de mai. qualité que si l'on eût suivi la méthode ordi-
Lorsque la culture forestière sera plus avan- naire.
cée, on sèmera des graines de pins, dVpicéas et Il conviendrait donc de payer les charbon-

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CALENDRIFR
niers à la journée et non d'après la quantité de turage, on redouble de surveillance pour éviter
travail ; le salaire pourrait être augmenté de que les bestiaux ne s'écartent des parties re-
moitié, avec un assez grand bénéfice pour le connues défensables pour brouter les jeunes
fabricant de charbon, car le prix d'un stère de taillis.

charbon est ordinairement de 18 francs et les Lorsqu'il croît beaucoup d'herbe dans les
frais de carbonisation n'excèdent pas 90 cen- dernières coupes, on permet aux habitants du
times. Le volume de charbon est ordinairement voisinage de la couper ou de l'arracher,
de 27 à 30 p. 100 du volume du bois carbonisé ; moyennant un prix déterminé ; cette opération
on peui le porter à 35 p. 100. doit être surveillée avec le plus grand soin.
Un doit avoir soin que les bûches soient On fait remuer la surface du sol, soit au râ-
coupées à la scie, que celles qui sont courbes teau, soit à la pioche, pour favoriser les ense-
soient sciées en deux, de manière que l'empilage mencements naturels de bouleau et d'orme dans
soit régulier et ne présente que des intervalles les lieux déjà peuplés de ces essences, mais non
à peu pris égaux ; que dans la combustion la suffisamment garnis.
chaleur soit répartie le mieux possible dans
toute l'étendue du fourneau: par celte raison, AOUT.
les petits fourneaux sont les meilleurs.
On répare les chemins de traite et d'exploi- Les travaux forestiers ont peu d'activité
tation. dans le cours de ce mois ; cependant on pour-
On continue les labours et binages. rait occuper les bûcherons qui ont façonné les
On écobue les terrains destinés a l'ensemen- bois, fagots et bourrées, etc., à préparer le sol
cement et qui sont chargés d'herbes touffues, des clairières qui doivent être ensemencées
de bruyères ou de genêts. dans le cours de l'automne ; à labourer ou pio-
On s'occupe de la destruction des insectes cher le terrain, et à ouvrir les trous pour re-
nuisibles dans les pépinières. cevoir les plants.
Les ramilles des coupes doivent être enlevées On termine les travaux d'écobuage.
ou mises en fagots et bourrées dans la première On continue le sarclage dans les pépinières
quinzaine de juin. et la destruction des chenilles et autres insectes
nuisibles.
JUILLET. Les bois doivent être en grande partie fa-
çonnés dans les coupes ; on a soin que les stères
On donne dernier binage aux semis des
le de bois de chauffage et les fagots ne soient pas
années précédentes. deposés sur les souches.
On laboure les terrains qui doivent être en- On récolte à la fin d'août la graine de bou-
semencés en automne. leau.
Ces labours se font, soit à la charrue, soit à La carbonisation s'opère avec activité; une
la pioche, suivant l'étendue, la nature et l'ex- grande vigilance est nécessaire pour éviter les
position du sol. incendies qui résultenl du contact des four-
Les propriétairesou leurs agents procèdent neaux avec l'herbe qui croît sur le sol et qui est
an martelage ou au balivage de leurs coupes. ordinairement desséchée dans cette saison.
A celte époque, les bois feuillus sont d'un plus Le moyen le plus prompt et le plus sûr pour
difiieile accès qu'ils ne
le seraient après la chute arrêter cës incendies, c'esl de former à une cer-
de la feuillemais il est plus facile de juger si
; taine distance des espèces de tranchées de 4 à
les arbres sont en plein état de croissance ou 5 mètres de largeur, dans lesquelles on enlève
s'ils dépérissent lorsqu'on les examine en été, à la pioche toule l'herbe qui garnit le sol.
si Ton attendait qu'ils fussent entièrement
Sue
épouillés de leur feuillage. SEPTEMBRE.
On fait mesurer la grosseur et évaluer la
hauteur des arbres réservés et des arbres dési- Dans les contrées où les feuilles d'arbres for-
gnés pour être abattus ceux-ci sont marqués
;
ment une partie de la nourriture des moutons
au flanc et les autres au pied. durant le cours de l'hiver, on enlève cette
Pour mettre dans celte opération le meilleur feuille dès le commencement de septembre ;

ordre possible, on fait numéroier à l'ocre, sur l'opération s'exécute de la manière suivante :

l'écorce, tous les arbres de réserve qui ont un On coupe rameaux des branches les plus
les
^

mètre de circonférence et au-dessus, et on les basses dans les taillis; on les met en petits fa-
j

inscrit sur un registre préparé à cet effet. gots du poids de 4 à S kilogrammes, que l'on
On procède au récolement des coupes dont enlève immédiatement et que l'on fait ensuite
la traite et vidange est terminée. Cette opéra- sécher au soleil avant de les entasser dans un
tion a pour but de compter les arbres de reserve lieu couvert. Le feuillage que les animaux pré-
et les baliveaux, et d'en vérifier l'identité; de fèrent est celui de frêne, de charme et de chêne.
reconnaître si l'exploitation a été bien l'aile, s'il La chasse est ouverte dans le cours de ce
n'en est résulté aucun dommage, et si les tra- mois.
vaux d'assainissement et de clôture ont été bien Les conditions des ventes des coupes sont
exécutés. rédigées ; on a soin de désigner clairement la
Dans les forêts soumises à l'exercice du pâ- situation et l'étendue de chaque coupe, d'en in-

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DU FORESTIER. 49â

diquer de désigner le nombre et


les limites, tion n'a lieu que lorsque la réussité est cons-
l'essence des arbres de réserve et des bali- tatée ou lorsqnc les entrepreneurs ont remplacé
veaux ; de fixer le mode d'exploitation, de traite les plants manquants par d'autres plants qui
et vidange, le prix et les époques des paiements, ont réussi. Dans beaucoup de contrées, on
cl du stipuler les sûretés convenables. trouve des planteurs habiles, et l'on obtient
L'époque du commencement des abattages ainsi une plantation aux moindres frais possi-
peut sans inconvénient être lixé au 15 sep- bles.
tembre. Le mois d'octobre estmeilleure saison pour
la
On fait la récolte des graines de bouleau et les semis de bois feuillus; les graines récem-
de sapins. ment récoltées sont toujours meilleures que
On commence à planter les arbres résineux, celles qui ont été conservées pendant toute la
à l'exception des mélèzes. durée de l'hiver.
Les travaux de préparation du sol conti- Les labours du terrain à ensemencer doivent
nuent pour les semis. être, en général, peu profonds; on évite ainsi
C'est la saison de la chasse aux oiseaux. On des frais, et on assure la réussite des semis.
doit la dérendre ou la restreindre autant que Chasse. —
La chasse est ouverte ; on doit
possible par les motifs que tout le monde con- veiller au braconnage, surtout lorsqu'il s'exerce
naît. en tendant des collets ou lacets, abus qui dé-
Dans les forêts de quelques régions méridio- truirait presque complètement le gibier.
nales, on coupe les broussailles, les genêts, les
buis; une partie de ce bois est destinée au NOVEMBRE.
chauffage; mais le buis est employé avec plas
de prolit à servir d'amendement dans les plants Les travaux de l'agriculture étant terminés,
d'olivier, après qu'il a subi les préparations le prix de la main-d'œuvre baisse et un plus ,

convenables. grand nombre d'ouvriers peuvent être employés


dans les forêts.
OCTOBRE C'est l'époque la plus favorable pour entre-
prendre les nettoiements des taillis et la con-
Le mois d'octobre est l'épooue de la récolte fection des fossés de clôture.
du gland et d'autres graines de bois à feuilles Les fossés d'assainissement devront être net-
caduques. toyés si le niveau des eaux est assez bas pour
Si I on permet l'enlèvement des glands, on a que cette opération puisse être exécutée sans
soin d'en réserver une bonne parae pour en- trop de difficultés.
semencer le sol on peut favoriser l'ensemen-
', On ouvre aussi les nouveaux fossés qui pa-
cement naturel en faisant piocher le terrain à raissent utiles. ( Voir Février et Mars.)
la surface dans les clairières de la forêt. On On continue la récolte des graines d'arbres
permet ordinairement l'enlèvement de la faine, résineux; on achève la récolte des semences
mais il faut en réserver une partie pour que le de bois feuillus, des châtaignes, du gland, de
sol puisse se réensemencer naturellement. la faine; on a soin de favoriser le réensemen-
Lorsqu'on met des porcs dans les coupes dé- cement naturel, en laissant sur le sol une par-
fendables, il est important de régler le mode et lie des graines et en remuant la surface du ter-
la durée du pacage; ces animaux doivent être rain, soit à la pioche, soit avec un fort râteau
conduits, autant que possible, de manière à ne en fer.
pas repasser plusieurs fois sur les endroits qu'ils On peut semer ces graines lorsque le terrain
ont déjà parcourus , car ils arracheraient les est préparé, mais après les avoir exposées à
glands qu ils auraient enfouis, et par là le re- l'air dans un lieu abrité.
peuplement ne pourrait s'effectuer. Les semis seront exécutés avec un soin mi-
La glandée et l'enlèvement des graines sont nutieux dans les pépinières, ce qui sera facile
interdits dans les coupes qui doivent être pro- puisque l'on opère toujours sur un petit espace ;
chainement exploitées. on couvrira de feuilles mortes tous ceux pour
Les semis s'opèrent dans les pépinières. On lesquels on craint les rigueurs de l'hiver.
ouvre des rigoles d'assainissement dans toutes C'est ordinairement dans le cours de ce mois
les parties du sol où l'on craint que les eaux ne que s'exécute la plus grande partie des abat-
séjournent. tages dans les coupes, la surveillance la plus
;

On s'occupe sans relâche des plantations de assidue est nécessaire pour que ce travail soit
bois feuillus. bien fait.
Le mode le plus sûr et le moins dispendieux On aura soin que les bûcherons soient pour-
consiste à passer un marché avec des entre- vus d'outils bien tranchants ; qu'ils rétepent
preneurs habitués à ces sortes de travaux ; ou proprement les jeunes plants de semis qui crois-
peut leur permettre de semer une fois du blé sent dans les taillis; que les souches soient
dans les terrains situés en plaine, pour en faire taillées de manière qu'il n'en périsse d'autres
la récolte à leur profit. Aussitôt que cette se- que celles qui sont absolument usées.
maine est faite, ils plantent les sujets forestiers Le taillis sera coupé aussi bas que possible,
qu'on leur fournit ou qu'ils se procurent à leurs mais de manière que les souches ne soient pas
frais; le paiement intégral des frais de planta- I

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496 CALENDRIER DU FORESTIER.
Quant aux hois résineux, ils seront coupés exécution y est encore bien imparfaite dans un
aussi basque possible ou même ent re deux terres. grand nombre de localités. Les ouvriers se ser-
On cesse ia fabrication du charbon. vent de mauvais instruments et coupent sou-
On élague les jeunes bois de pins on coupe ; vent les souches de manière à les enlever, ce
les plants les plus faibles pour donner un es- qui dégarnit le sol; il est donc essentiel de
pace suffisant aux planls restants on coupe les
; prescrire la conservation des souches et d'em-
branches inférieures de ceux-ci, le plus près pêcher qu'elles ne soient éclatées ou ècuissèes.
possible de la tige. Celte opération est produc- L'inobservation de ce soin est une cause active
tive, et on peut y soumettre les plants qui ont du dépérissement des forêts où il est négligé.
atteint 0 m ,80 à 0«\90 de hauteur. Il est des essences, comme le chêne vert

(yeuse), qui craignent les gelées d'hiver après


DÉCEMBRE. l'exploitation, dans les forêts des montages ;
on doit prévenir cet accident en couvrant les
Onachève les semis et plantations, si la ge- souches de terre après l'abattage.
lée n'y met obstacle ordinairement ces travaux
; Dans les forêts soumises soit au pâturage,
ne peuvent être fails avec succès au mois de soit à l'enlèvement du bois mort ou à tout autre
décembre que dans les contrées méridionales. droit d'usage, on fait un examen attentif pour
On continue de curer les anciens fossés et reconnaître si l'exercice de ces droits n'entraîne
d'en ouvrir de nouveaux. Le prix de ces travaux aucun dégât. A la lin de l'année on réunit les
se paie au mètre courant, lorsqu'on a lixé les actes et documents, tels que les déclarations de
dimensions de l'ouvi âge et le tr.ode d'exécution. défensabilité, les tableaux de martelage et ré-
On répare les chemins en déposant des cail- colement, les ventes des coupes, les menus
loux ou des pierres cassées dans les ornières, marchés, les états de recettes et de produits
pour préparer les voies d'extraction des pro- divers et autres pièces relatives au service de
duits de ia coupe. l'année, et Ton reconnaît si rien n'a été négligé
L'abattage des taillis cesse aussitôt que le sol dans l'administratipn de la forêt.
est couvert de neige ou que la gelée est trop
ISOIBOT,
forte; mais cette opération continue ordinaire-
Ingénieur forestier, à Dijon.
ment dans les contrées méridionales, et son

CALENDRIER DU MAGNANIER
JANVIER. plus générale consiste à étendre le fumier entre
les arbres sur toute la superficie du sol, puisa
Avant d'entrer en matière nous devons faire l'enterrer par un labour profond. L'autre mé-
one observation générale qui servira à guider le thode consiste à placer les engrais dans une
lecteur dans ses recherches. Le travail que nous fosse circulaire, assez éloignée du tronc de l'ar-
entreprenons est destiné à toutes les localités bre, pour ne découvrir que les plus jeunes ra-
où l'on s'occupe de l'industrie de la soie : il cines, les seules qui puissent profiter des bien-
doit donc pouvoir s'appliquer en même temps faits de la fumure ; car c'est par ses extrémités
au midi, au centre et au nord de la France. Les surtout que l'arbre se nourrit et se développe,
diiïérences importantes qui existent dans le sol et c'est précisément pour cela qu'il est la
et le climat de ces points éloignés, ne nous ont plupart du temps inutile de mettre de l'engrais
pas permis d'indiquer d'une manière précise l'é- sur les anciennes racines trop voisines du tronc.
poque ou tels ou tels travaux devaient être exé- En général, il suffit de fumer les mûriers tout
cutes. Ce sera au lecteur a modifier nos conseils lesquatre ans, quand du reste les plantations sont
suivant les exigences de la localité. Nous avons convenablement entretenues par des façons.
tâché de nous tenir dans des limites moyen- Il faut toujours employer du fumier très dé-

nes, représentant à peu près le climat du centre. composé , et le mêler en outre à la terre. Le
Le premier mois de l'année est en général un moindre contact du fumier en fermentation
des plus stériles pour les travaux séricicoles, à avec les racines du mûrier suffit pour y déve-
cause des pluies et des gelées. Cependant le lopper des maladies quelquefois mortelles.
cultivateur laborieux pourra souvent mettre à On laboure les mûriers, ou à la main ou à
profit cette saison rigoureuse, en s' occupant du la charrue. Le travail exécuté à la main est
labour et de la fumure de ses mûriers. toujours plus parfait, parce qu'il est plus intel-
On transporte de préférence le fumier dans ligent mais comme il est beaucoup plus coû-
;

les plantations, lorsque la gelée durcit la terre. teux que celui fait à la charrue, on doit en gé-
11 y a deux manières de fumer. La première et la néral donner la préférence à ce dernier, pourvu

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CALENDRIER DU MAGNANIER. 497

toutefoisqae les arbres soient distants delO mè- ainsi des arbres dont toutes les parties sont dans
tres au moins les uns des autres. On doit épar- une heureuse harmonie, et au centre desquels
gner une bande en terre d'un mètre environ au- lumière ont un
l'air et la libre accès.
tour du mûrier cette bande se cultive à la main.
;
11 faut pratiquer la taille immédiatement au-
Le magnanier, doit pendant ce mois comme dessus d'un œil pour ne pas laisser, comme
,

pendant tout l'hiver, exposer de temps en cela se fait quelquefois, une certaine portion de
temps ses graines de vers à soie à l'air extérieur, bois qui meurt forme des chicots.
et
etau froid même autant que possible. La section doit être légèrement inclinée pour
faciliter l'écoulement de la pluie ou de la rosée.
FÉVRIER. On n'est pas d'accord sur le nombre d'yeux
qu'il convient de laisser aux branches qu'on
On continue pendant ce mois à exécuter taille. Il est réellement impossible de dire rien
ceux des travaux que Ton n'a pas pu achever de précis à cet égard car tout dépend de la
,

dans le mois précédent, c'est-à-dire les fumures variété de mûriers, du plus ou moins de fécon-
et les labours. On commence à préparer la dité du d'une foule d'autres circonstan-
sol, et
terre dans laquelle on veut au printemps faire ces que le cultivateur seul peut apprécier. Mais
des semis de graines demùriers. Il faut, dans ce nous dirons cependant que nous préférons en
but, que le sol soit défoncé à 0 ", 60 au moins, Sénéral conserver un petit nombre d'yeux, afin
et qu'il soit surtout bien ameubli et divisé. e ne pas donner à nos rameaux une longueur
On peut généralement commencer la taille inutile. Comme c'est des yeux supérieurs seu-
des arbres vers la fin de février. On choisit de lement que doivent partir chaque année les
préférence les plus belles journées. branches nouvelles dont le sujet s'enrichit,
Le succès et la durée des plantations dépen- toute la partie inférieure de ces mêmes bran-
dent le plus souvent de la bonne ou mauvaise ches resterait nécessairement nue et stérile; si
taille des mûriers. C'est, nous le répétons, sur on laissait pousser tous les boutons d'un ra-
cetle opération qne repose non-seulement l'es- meau, les yeux supérieurs profileraient beau-
poirde la récolte prochaine, mais l'avenir même coup moins, et l'arbre n'offrirait bientôt qu'un
el l'existence des arbres. On ne saurait donc y buisson épineux. On conçoit donc combien il
apporter trotJ de soins et de surveillance. peut y avoir d'inconvénients à conserver des
Il existe deux époques où l'on taille les mû- scions trop allongés, qui ne donnent pas plus
riers, l'hiver, et l'été après la cueillette des feuil- de feuilles, et étendent l'arbre en peu d'années
les. au-delà des limites raisonnables.
La
taille d'hiver, que nous croyons préféra- La taille qui conserve de 3 à 6 yeux nous
ble en ce qu'elle fatigue moins les arbres, parait, en résumé, celle que l'on doit préférer.
entraîne naturellement le sacrifice de la récolte Lorsqu'il s'agit de tailler un jeune sujet et
de l'année. Mais on est presque toujours dé- de lui donner la première direction, il convient,
dommagé, au printemps suivant, par une pro- en général, de l'établir sur deux branches seu-
duction de feuilles deux fois plus abondante. lement, c'est-à-dire de conserver deux rameaux
Dans ce système, on taille donc le mûrier une opposés, afin de ne pas former au centre de
année, et on le cueille l'année d'après. On épuise l'arbre, par une plus grande réunion de bran-
ainsi beaucoup moins ses plantations, et l'on ches unies, une espèce de cuvette où l'eau sé-
obtient à peu près, d'aussi lortes récoltes. journe, corrompt le bois et donne naissance à
Mous ne pourrons entrer ici dans les détails des chancres et a des plaies souvent incurables.
pratiques de la taille, une pareille opération se Le meilleur instrument pour la taille est la
démontre surtout la serpette à la main. Nous nous serpette. Le sécateur est dangereux , parce
bornerons à quelques avis généraux, qui pour- qu'il comprime le bois et peut faire périr 1 œil.
ront également s'appliquer aux tailles prati- Le magnanier doit exercer une continuelle
quées à d'autres époques de l'année. surveillance sur les graines de vers à soie.
Le tailleur de mûriers doit surtout avoir en
vue d'établir le plus parfait équilibre entre tou- MARS.
tes tes parties du sujet ; il faut que les branches
soient non-seulement placées autant que possible A mesure qu'on s'éloigne de la saison la plus
à la même distance, mais il faut surtout qu'elles rigoureuse pour entrer dans le printemps, les
soient toutes soumises à une inclinaison égale. travaux se multiplient et exigent un surcroît
C'est là un des points les plus importants. C'est d'activité de la part du cultivateur.
moins en raison de leur grosseur que de leur Ce mois-ci est particulièrement consacré aux
direction, que la séve se répand dans les ra- plantations. On ne doit donc pas laisser passer
meaux avec plus ou moins d'abondance. Laissez un seul beau jour sans le mettre à profit.
mégarde au centre d'un arbre une faible Nous supposons que les trous, ou le défon-
Kranche verticale, et bientôt, grâce à sa posi- cement partiel, ont été faits à l'automne précé-
tion seule, cette branche attirera à elle toute la dent car il convient toujours de laisser le plus
;

sève, et l'emportera sur toutes les autres. Ainsi longtemps possible la terre dans laquelle on
on doit donc d'abord extraire sans pitié tous veut planter, exposée à toutes les influences
lesrameaux intérieurs, et conserver les bran- atmosphériques, surtout aux gelées de l'hiver.
ches qui s'inclinent à l'extérieur. On obtient Quelle que soit la nature du mûrier qu'on
OMiconvas. t. v. — es
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CALENDRIER
plante, ilcertaines conditions générales
est qu'il puisse avoir lasève nécessaire pour son
qu'il est nécessaire d'observer. développement futur, sans faire craindre un
On doit d'abord sacriûer impitoyablement épanouissement spontané et trop prompt. Le
tontes les petites racines formant le chevelu ; bouton choisi doit conserver sa couleur brune
ilfaut retrancher avec le même soin les racines ordinaire; il doit cependant être légèrement
plus grosses qui ont été un peu endommagées, gonflé.
ou qui ne paraissent pas bien portantes. Les scions une fois coupés, on les couche ho-
On ne doit pas s'inquiéter de celte suppres- rizontalement dans du sable ou de la terre par-
sion extrême ; car elle est nécessaire. C'est sur- faitement desséchée et placée sous un hangar, à
tout par de nouvelles racines que l'arbre va re- bon abri. L'humidité nuit à la conservation de
prendre et se développer. Le pivot se retran- ces rameaux, on doit donc l'éviter avec le plus
che en général ; à moins toutefois qu'il ne s'a- grand soin.
Sisse d'établir un mûrier à haute li^e, dans un Comme l'époque où l'on coupe les scions à
e ces sols profonds et généreux ou la racine grefTe et à bouture coïncide parfaitement avec
verticale peut descendre à plus d'un mètre sans celle de la taille des mûriers, il est facile de
obstacle. Mais comme, par malheur, ces cas sont faire un choix des meilleurs rameaux et de les
rares, il vaut mieux couper le pivot et s'occuper mettre en réserve, comme nous venons de le dire.
seulement de l'avenir des racines horizontales Lorsque quelques sécheresses prématurées
dont mûrier est abondamment pourvu.
le sont venues en mars durcir la terre, il convient
En général, au moment de planter, on a soin de donner un premier binage pour détruire les
de faire subir aux branches la même opération mauvaises herbes, et pour ouvrir le sol aux in-
S'aux racines. En les ravalant, on doit suivre fluences bienfaisantes du soleil de printemps.
indications données pour la taille. Cette façon se fait, suivant le mode de plan-
La première chose à quand on plante,
faire tation, ôu à la main, ou avec un instrument
c'est de remplir à moitié fond de la tranchée
le extirpateur.
avec la meilleure terre, celle de la couche su- La taille des mûriers se continue avec acti-
périeure; c'est elle qui doit entourer les racines. vité, si elle n'a pu être achevée en février.
Les trous étant ainsi comblés jusqu'à la hau- On doit donner les mêmes soins aux graines
teur où le sujet doit rester, on le place avec de vers à soie.
soin ; on étend horizontalement et dans la di-
rection la plus convenable les racines qu'on lui AVRIL.
a laissées. Puis, quand le sujet est bien établi,
on achève de combler le trou avec la terre de La doit toujours être terminée en avril,
taille
la couche inférieure (il va sans dire que dans car la sève alors monte avec vigueur, et cette
la préparation première du terrain, on a mis saison réclame d'autres travaux.
ces deux couches à part). Il faut se garder de Quand les boutons des arbres commencent à
tirer l'arbre à soi parue petites secousses, comme se développer vers le milieu ou la fin de ce
cela se pratique pour faire descendre la terre mois, il faut redoubler d'activité pour accom-
entre les racines. Cette habitude est très vicieu- plir en même temps trois opérations impor-
se, car dans cet effort on dérange la position tantes, la greffe, le bouturage et l'ébourgeon-
naturelle que les racines doivent occuper, et nement. On sort au fur et à mesure des besoins
on les rend plus ou moins verticales. Pour dé- les scions qu'on a coupés et mis en réserve dans
terminer la parfaite adhérence de la terre avec le mois précédent , et on commence à greffer
les racines , on doit se borner à fouler le sol en choisissant les journées les plus belles. Les
avec les pieds. greffes en écusson et en flûte sont celles qui se
Il n'importe pas seulement de choisir pour pratiquent le plus pour le mûrier; tout dépend de
la plantation les plus belles journées de mars; f'exercice et Je l'habileté du greffeur dans l'une
il faut aussi
que le terrain soit le plus sec pos- de ces méthodes. Le point principal est que
sible. vaudrait souvent mieux remettre à
Il l'œil soit sain et bien conservé, et qu'il adhère
l'année suivante des plantations qu'on serait parfaitement au sujet qu'on greffe.
forcé de faire dans une terre humide; car c'est Nous dirons, au surplus, en ce qui concerne
là une condition détestable. Part de la greffe, que c'est pour ainsi dire une
Nous voici à l'époque où l'on s'occupe de lever branche spéciale ae notre industrie, qui re-
des scions pour faire des greffes ou des boutures. garde particulièrement le pépiniériste de pro-
La réussite des greffes dépend la plupart du fession, et que le cultivateur de mûriers ferait,
temps de l'état des boutons. Il faut une grande en général, mieux de lui abandonner; car
habitude pour distinguer le moment précis où rien ne retarde l'établissement des plantations
il convient de faire comme le parti qu'ont pris quelques proprié-
cette précieuse récolte.
Voilà l'observation fondamentale qui peut taires de semer et de greffer eux-mêmes leurs
servir de guide. mûriers. Peu instruits dans la pratique de la
Pour que le bouton à greffe ou à bouture greffe, ils manquent souvent plusieurs saisons
soitbon a prendre, il faut qu'il commence seu- de suite, et finissent par perdre beaucoup de
lement à ressentir l'effet de la sèv e ascendante; temps et d'argent. Nous pensons donc qu'il ne
mais qu'il n'ait pas cependant en lui-même faut pas se mêler de greffer si l'on n'a une ex-
assez de vie pour éclore, il faut en un
mot périence pratique de cette opération.

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DU MAGNANIER. 499

Iln'en est pas de même pour rébourgeonne- afin de la répandre plus également. On la re-
ment, que tout le monde doit pratiquer avec couvre d'environ 0 m ,03à0«>,04 de bonne terre.
d'autant plus d'empressement qu'on fait ainsi Il est indispensable de donner aux mûriers

la plus grande et la plus utile économie sur des en avril la façon que l'on n'aura pas pu exécu-
travaux futurs. ter en mars. Ce devra être un binage, destiné
On cherche, en effet, en ébourgeonnant à à détruire toutes les mauvaises herbes et à
détruire dans le germe pour ainsi dire , une
,
ameublir le terrain.
foule de branches inutiles que, plus tard, on Bien que dans un grand nombre de localités
aurait été obligé de couper. les travaux de la magnanerie commencent à la
Celte opération se pratique surtout sur les fin d'avril, nous avons préféré n'en parler
arbres nouvellement taillés, sur ceux récem- qu'en mai, qui se irouvera complètement rem-
ment plantés que l'on forme, et sur les jeunes pli par les soins de l'éducation des vers.
mûriers greffés. Pendant toute la durée du mois d'avril, le
Quant à ceux dont on doit récolter la feuille magnanier doit surveiller ses graines avec une
dans la même année, on ne doit pas songer à les plus grande vigilance. Car à l'approche du prin-
ébourgeonner, si ce n'est au pied seulement. temps, le germe travaille et les moindres cha-
Dès le premier mouvement de la sève, on leurs pourraient le faire éclore avant ta feuille
voit poindre de tous côtés sur les sujets des du mûrier. Il faut l'exposer à l'air pendant les
bourgeons inutiles et parasites il faut aussitôt
; matinées fraîches et la conserver le reste du
les détruire en passant le pouce dessus et par temps dans l'endroit le plus froid possible.
ce seul moyen. Peu de temps après, on doit re-
commencer une visite sévère, et supprimer en- MAI.
core tous les boutons superflus. On ne s'arrête
enfin qu'au moment ou le bourgeon trop dé- Quand les premiers bourgeons en s'allongeant
veloppe exigerait l'emploi de la serpette. ne permettent plus d'ébourgeonner , comme
On retire d'immenses avantages de cette mé- nous l'avons dit, toutes les greffes doivent être
thode : d'abord on dirige ainsi les arbres à son terminées, et le cultivateur n'a plus à songer
gré; on évite d'être forcé, plus tard, de couper qu'à la récolte des feuilles et aux soins de l é-
et de retrancher une multitude de branches ducation des vers.
inutiles, et l'on fait profiter les scions que l'on Le moment où l'on doit mettre la graine à
conserve de toute la sève qui se serait vaine- l'éclosionest déterminé par la végétation des ar-
ment perdue dans d'autres rameaux. Par ré- bres. Il faut que les vers et les rameaux naissent
bourgeonnement bien fait on réduit la taille à et croissent ensemble, et qu'ils soient ainsi tou-
fort peu de chose, et l'on simplifie au plus haut jours du même
âge. C'est là une observation
degré la direction des arbres. fondamentale à laquelle on ne saurait trop avoir
C'est en général dans le commencement
, , égard. Pourobtenircette heureuse simultanéité,
d'avril que l'on met les boutures en terre ou il faut mettre les graines à l'incubation dès que

que couchages le bouturage s'opère


l'on fait les ; les premiers bourgeons vont s'épanouir. Car les
ainsi on place dans un sol bien préparé et
: vers n'éclosent en général que le huitième jour,
amendé les boutures de mûriers multicaules intervalle pendant lequel les rameaux commen-
ou de toute autre variété qui se perpétue
, cent à se développer.
facilement par cette méthode. Les premiers soins du magnanier doivent
La bouture, conservée comme nous l'avons être d'aérer quelque temps à l'avance, et de bien
m
dit, doit avoir à peu près O ,lô et être garnie Eurifier les locaux où il compte élever des vers,
de trois ou quatre yeux ; il faut avoir soin d'in- .es fumigations produites par la combustion
cliner un peu la bouture en terre, et de ne ja- du soufre, le lavage à la chaux des murs et du
mais la mettre dans une position tout- à-lait mobilier sont, dans beaucoup de cas, des pré-
verticale, car on croit avoir remarqué qu'une cautions qu'il est bon de prendre.
légère inclinaison facilite la reprise. Quand le local est bien préparé, et que la
Le couchage s'opère comme le provignage. végétation a donné le signal, le magnanier se
On recourbe une branche jusqu'à une fosse voi- met à l'œuvre, et il prépare ses graines pour
sine, où on l'étend, et on la recouvre ensuite de les mettre à l'éclosion. Ces graines, au choix
terre. Cette méthode n'est réellement fructueuse desquelles on ne saurait apporter trop de soins,
que pour le multicaule ou le mûrier Lhou. ont dû être conservées sur la toile même où les
C'est ordinairement dans la première quin- papillons les ont déposées; car il ne convient
zaine d'avril que l'on fait les semis de graines pas de les en détacher plus tôt, afin d'éviter
de mûrier. Tout dépend, au reste, de la tempé- une agglomération toujours nuisible.
rature ; mais plus tôt il est possible d'exécuter Quelques éducateurs font éclore leurs graines
ce travail, et mieux cela vaut. sur la toile même, après avoir eu seulement la
La terre a dû être préparée longtemps d'a- précaution de tremper cette toile dans l'eau,
vance, comme nous l'avons dit. Plus elle est afin de la nettoyer. Cette méthode est certai-
divisée et profonde, plus le semis sera fait en ne! non t préférable à toute autre, d'abord parce
bonnes conditions. On sème de plusieurs ma- que les œufs se trouvant isolés, sont tous ex-
nières. La plus usitée consiste à mêler la graine posés à la même température, et ensuite parce
de mûrier a du sable ou de la terre bien fine, que la larve sort plus aisément de la coque,

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600 CALENDRIER
lorsque celle-ci est fixée et ne peut êtrt entraî- qui sont déjà réveillés; car c'est ainsi que
née par les efforts de l'insecte. 1 on a coutume de désigner ceux qui, après
L autre
procédé, et le plus généralement mis avoir dépouillé leur ancienne enveloppe, sor-
en usage consiste à détacher d'abord la graine de
, tent de cet engourdissement, que longtemps on
.dessus la toile. Pour cela il suffit de la tremper a regarde à tort comme un sommeil.
dans de l'eau à 20 degrés environ, jusqu'à ce que La plupart des vers changent quatre fois de
la gomme qui fixe la graine se trouve dissoute. peau quelques uns n'accomplissent que trois
;

On enlève avec soin celte graine à l'aide d'un mues, mais c'est l'exception On doit a chaque
couteau de bois, et on la fait sécher à l'air exté- nouvelle mue suivre exactement la même mar-
rieur le plus rapidement possible. Aussitôt qu'elle che, en tendant toujours, et par tous les moyens
est sèche, on la place dans des boîtes dont les possibles, à maintenir la plus parfaite égalité
couvercles sont a jour, et on la met, comme on dans chaque division.
le ferait, au reste, si elle fût restée sur toile, ou Après le premier âge, c'est-à-dire dans l'in-
dans une chambre à éelosion , ou dans un ap- tervalle de la première à la deuxième mue,
pareil quelconque où l'on puisse facilement ob- on doit donner des repas un peu moins fré-
tenir la température nécessaire. quents, et couper la feuille moins menue.
Quel que soit le moyen que
l'on emploie pour On ne peut guère se servir du filet pendant
faire éclore les graines,lesdeux points auxquels les deux premiers âges, à moins toutefois qu'on
il que tous les œufs soient
faut s'attacher, c'est en ait de très légers à petites mailles; il est
soumis à la même chaleur, et que cette chaleur du reste supertlu de déliter les vers avant la
puisse être graduée à volonté et augmenter peu à première mue; et il suffit de faire cette opéra-
peu. L'air doit être humide et souvent renouvelé. tion une seule fois pendant le deuxième âge,
On commence généralement l'incubation à soit au moyen de petits filets, soit avec des ra-
16 ou 17 degrés; puis on élève chaque jour la meaux de mûrier.
température d'un degré, jusqu'à Péclosion. Mais à partir du troisième âge, l'usage du
Si les premières larves qui naissent sont en filetdevient indispensable, car le moment est
très petit nombre, on les sacrifie; car il est venu où il faut entretenir la plus extrême pro-
nécessaire d'avoir des vers parfaitement égaux, preté dans la chambrée, et ne jamais y laisser
c'est-à-dire nés ensemble, et marchant jusqu'au accumuler la litière.
bout du même pas C'est là une des plus importan-
. On se sert de filets de fil ou de papier. Les
tes conditionsdu succès. L'éducateurrecueillera filetsen fil, d'un achat plus coûteux, sont peut-
donc seulement deux éclosions, représentant être en définitive plus économiques que ceux en
chacune les naissances d'un jour; et si, par papier, parce qu'ils durent plus longtemps que
malheur, le principe de l'inégalité se manifes- ces derniers. Que chacun consulte donc l'état
tant dès le début faisait éclore successivement de sa bourse, mais d'une façon ou d'une autre,
les graines pendant plus de deux jours, il de- qu'on se procure dos filets; car c'est un usten-
vra cependant, autant que possible, ne conser- dont nul magnanier ne peut se passer.
sile
ver, que les deux éclosions les plus importantes ; A mesure que les vers avancent en âge, on
c'est dans la prévision d'un accident de ce diminue le nombre des repas, de telle manière,
genre, qu'il convient toujours de mettre à l'in- toutefois, que vers la fin, ce nombre ne soit ja-
cubation plus de graines qu'on n'en veut con- mais moindre de 6 ou 8. L'espace qu'occupent
server, afin de pouvoir sacrifier sans hésitation les vers augmente de jour en jour: on les dé-
tous les retardataires. double au moyen des filets, en plaçant sur une
Plus une graine est de bonne race et bien même claie deux filets ployés en deux ; la claie
faite, plus les naissances sont simultanées. se trouve ainsi partagée. Au reste, quand on
Les vers une fois éclos, on doit abaisser et a l'habitude de se servir de filets, on peut,
maintenir la température à 20 ou 21 degrés. Les par ce moyen, éclaircir les vers à volonté.
deux divisions sont soigneusement tenues à Du moment où les vers commencent à rem-
part jusqu'à la fin. plir une grande partie de la magnanerie, on
La feuille, pendant ce premier âge, doit être doit, autant que possible, renouveler l'air fré-
coupée très menue, afin qu'on puissela répandre quemment, tout en maintenant une tempéra-
plus également sur les vers ; mais comme dans ture égale dans toute la magnanerie. On rem-
cet état de division elle se dessèche et se flétrit plit ce but d'une manière plus complète, quand
plus vite, il convient de multiplier les repas, on dispose d'un local pourvu d'un bon appa-
en ayant soin de les donner plus légers. reil de ventilation. Mais comme un semblable
Le troisième ou quatrième jour, les vers se établissement, bien que fort simple et peu coû-
disposent à faire leur première mue. C'est alors teux quand il est bien fait, ne convient cepen-
rll faut redoubler de zèle et de soin pour en- dant ni à toutes les positions, ni à toutes les
mir les retardataires , en leur distribuant fortunes; nous dirons aux petits propriétaires,
des repas de plus en plus nombreux et légers. aux métayers surtout, qu'ils peuvent sans nul
En généraf, on ne cesse de leur donner des doute accroître beaucoup le succès de leurs
feuilles que lorsque l'on en voit
quelques-uns éducations, en ne laissant jamais de litière
Soi ont change de peau. On s'arrête alors afin s'accumuler dans leurs chambrées, et en faisant
e ne pas s'exposer au danger
d'inégaliser ses bon usage des soupiraux, des portes, des fenê-
ers, en offrant de la nourriture à ceux tres, et des cheminées, oà, dans les moments

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DU MAGNANIER. m
de touffe et d'orage, ils entretiendront con- pourvu toutefois que l'on ait assez de feuilles
stamment des feux clairs. Chacun doit com- de mûrier; car l'alimentation ou le nombre des
prendre qu'un air pur est nécessaire aux vers repas doit toujours être en rapport avec la cha-
asoieainsi qu'à tous les êtresanlmés, et que l'im- leur, l'un guide l'autre et lui sert de règle.
mense agglomération de tant d'individus dans Sous une température moyenne de 20 à 22
un étroit espace, rend encore plus indispensa- degrés , l'éducation dure à peu près 28 à 30
ble une ventilation réelle, de quelque façon jours; si donc nous supposons qu'elle ait com-
qu'on la produise. mencé au premier mai, ce serait seulement dans
On se sert, en général, de la feuille de mûrier le mois suivant que nous devrions parler du
sauvage pour nourrir les vers dans le commen- décoconnage et de Pélouffage ; mais la plupart
cement. Cette feuille, très légère et très sub- du temps les éducations sont terminées bien
stantielle à la fois, est meilleure que toute au- avant la fin de ce mois, nous parlerons donc
tre pour les premiers âges. Plus tard on est tout de suite de ces dernières opérations qui
obligé d'employer la feuille du mûrier greffé, complètent les travaux du magnanier, en lui
parce que celle du sauvageon est trop longue et permettant de se défaire de la récolte.
trop coûteuse à cueillir. Mais le magnanier doit Le décoconnage s'opère dès que tous les vers
avoir soin de ne pas faire passer brusquement se sont métamorphosés en chrysalides.
les vers d'une espèce de feuilles à l'autre, il En enlevant les cocons de la bruyère, il faut
doit les y habituer peu à peu et avec ménage- mettre à part les cocons très faibles, afin qu'à
ment. Viiouffage ils ne puissent tacher les autres ens'é-
Pendant toute la durée de l'éducation, on crasanr. C'est du reste dans les ventes une condi-
peut couper les feuilles, c'est-à-dire réduire la tion que l'acheteur ne manque jamais d'exiger.
dimension des rameaux, qui ont quelquefois Avant de vendre et d'étouffer ses cocons,
jusqu'à ()'"60 de longueur. En donnant quel- l'éducateur doit mettre à part ceux dont il veut
ques coups de tranchant à intervalles réguliers obtenir de la graine. Ce choix est de la plus
on obtient des rameaux plus courts, et qu'il est haute importance. Nous ne saurions donc trop
plus facile de distribuer également aux vers. insister pour qu'il soit confié aux mains les
Cette opération doit varier suivant l'âge des plus habiles et les plus vigilantes. C'est en pré-
insectes, et en proportion de leur grosseur. parant les éléments de ses récoltes prochaines,
Nous allons supposer maintenant, que grâce que le magnanier doit avoir en vue l'amélio-
aux bons soins ae l'éducateur, les vers sont ration et Fepuration continuelles de la race. Il
heureusement parvenus à leur maturité; c'est devra donc choisir de préférence les cocons les
le moment où le magnanier doit redoubler de mieux faits, et dont le tissu est le plus fin, tous
zèle; car, bien que sur le point de posséder la ceux enfin qui, par leur forme et leur nuance
récolte, la; moindre négligence peu faire éva- semblables, témoignent d'une origine commune.
nouir ses plus beaux rêves. Nous n'avonv rien dit jusqu'ici de la récolte
Dès que les premiers vers commencent à de la feuille. C'est là un point important que
sortir des claies, et que l'œil vigilant du ma- nous ne pouvons omettre. Le magnanier doit
gnanier a reconnu les symptômes avant-cou- apporter le plus grand soin à ce que la feuille
reurs du dernier travail , il doit se hâter de soit toujours de bonne qualité, et qu'elle n'ait
rassembler tous ses moyens pour encabaner le pas été mouillée par la pluie et encore moins
plus rapidement possible. Il importe que cette par la rosée L'éducateur devra de plus se pour-
.

opération soit faite au dernier moment seule- voir toujours de feuilles à peu près 24 heures à
ment, pour ne pas intercepter la circulation de l'avance, afinde n'être jamais prisau dépourvu.
l'air longtemps d'avance, et qu'elle soit accora Le cultivateur de mûrier, qu'il soit ou non
plie avec rapidité, aûn d'éviter la perte d'un magnanier, ne saurait trop surveiller la cueil-
grand nombre de vers, qui, faute d'un point lette de ses feuilles.
d'appui et d'un asile, meurent misérablement Cette opération est déjà, par elle-même, fort
en tombant des claies. cruelle pour l'arbre. Il faut donc que le cueil-
II existe un grand nombre de systèmes d'en- leur évite avec scrupule de détruire ou de bles-
cabanaye. Un des plus ingénieux est celui de ser les sous-yeux, espoir de la récolte future ;
M. A [pli. Davril. Les meilleurs, au reste, sont de briser les branches, ou d'enlever des lanières
ceux qui, au mérite d'une rapide exécution, d'écorce, en tirant maladroitement la feuille de
joignent l'avantage d'offrir aux versunemontée haut en bas.
facile et un grand nombre de points d'appui La feuille se récolte dès que la rosée a dis-
pour construire leurs cocons. paru, et on la conserve dans des locaux frais,
Quand les vers ont commencé à filer, on doit en ayant soin de la retourner fréquemment.
éviter tout ébranlement, toute secousse dans On ne doit jamais couper les branches pour
l'intérieur de la chambrée, afin de ne pas in- les dépouiller après. Cette méthode très funeste
terrompre le travail. La ventilation est plus pour les arbres qu'on mutile la plupart du temps
que jamais nécessaire, et doit être entretenue en aveugle, nuit aussi à la qualité des feuilles,
jusqu'à ce que les cocons soient finis. Il faut qui se flétrissent rapidement, pour peu qu'on
donc veiller aussi à la propreté de l'atelier. néglige de les détacher aussitôt de la branche.
Vers les derniers jours, fa température doit Pendant tout ce mois, on doit surveiller les
r
êtrt plus élevée qu au milieu de l'éducation jeunes semis de mûrier en les sarclant et en les

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3o2 CALENDRIER
protégeant au moyen de paillassons, contre les Les toiles garnies de graines doivent être
ardeurs du soleil. Il est nécessaire de les arro- placées dans des boîtes où elles soient bien à
ser de temps en temps. l'aise. L'air doit être fréquemment renouvelé.
Aussitôt que les mûriers ont été récoltés, il Il faut de plus, et c'est là la condition princi-

convient de leur donner une façon, pour net- pale, que la température ne s'élève pas au-
toyer h terre, et pour rendre plus meuble le dessus de 8 ou 9 degrés, car plus de chaleur
sol que les cueilleurs de feuilles ont foulé. développerait prématurément l'embrvon.
L'œuvre du magnanier accomplie, la longue
JUIN. série des travaux du filateur commence.
Il doit d'abord s'occuper de l'étouffage dea

Quand l'éducateur a choisi les cocons desti- chrysalides ; cette opération réclame d'autant
nés à produire la graine, il doit les mettre soi- plus de soins, que c'est elle qui assure aux co-
gneusement à part, dans une chambre où la cons une conservation plus ou moins longue,
température se maintienne la plus égale pos- et plus ou moins parfaite.
sible. Il faut en général une quinzaine de jours Il existe plusieurs méthodes pour tuer les
aux chrysalides pour se changer en papillons. chrysalides. La vapeur est l'agent le plus gé-
Le magnanier, dans cet intervalle, prépare les néralement employé. On l'introduit dans un
toiles ou les graines seront pondues if doit en
; coffre à tiroirs rempli de cocons et herméti-
avoir un assez grand nombre pour ne pas être quement fermé. Quelques minutes suffisent
forcé de laisser les premières graines pondues pour l'étouffage ; mais par ce procédé les co-
dans le même local pendant plusieurs" jours, cons sortent de l'appareil tout trempés et tel-
jusqu'à ce que la ponte soit finie. Il arrive en lement ramollis qu'il faut les ex poser longtemps
effet ordinairement que l'éclosion des papil- à l'air pour les ramener à leur état naturel.
lons dure une semaine et même plus. Parmi les autres systèmes employés, nous
On a lieu de s'étonner qu'à la suite d'une recommanderons d'une manière particulière
éducation, où l'égalité la plus parfaite a régné celui qu'on a mis en usage aux bergeries de
parmi les vers, la dernière métamorphose Sénart, et qui consiste à faire passer, a travers
seule s'accomplisse aussi peu régulièrement des couches minces de cocons, de l'air chaud
cela tient sans doute à quelque cause que l'on et sec. Il faut un peu plus de temps que si Ton
n'a pas suffisamment étudiée. employait la vapeur, mais l'immense avantage
Dès que les premiers papillons sont sortis, que l'on retire de cette méthode, c'est que les
on les classe suivant leur sexe, et on les ac- cocons sortent de l'appareil sans s'être ramol-
couple. Au bout de vingt-quatre heures on sé- lis, et que par conséquent les faibles et les fon-

pare le mâle de la femelle, et on place celle-ci dus, s'il s'en trouve (et il s'en trouve toujours),
sur la toile ; quant au mâle on le jette, à moins n'ont pas pu salir et gâter les autres par leur
cependant que la proportion plus considérable contact. La conservation de la chrysalide est
des femelles ne force l'éducateur à se servir aussi plus parfaite, et les cocons étouffés de
plusieurs fois des mêmes mâles. Il faut environ cette manière sont moins sujets dans la suite à
un kilogramme de cocons pour produire 60 à 80 être attaqués par les mites, petits vers qui nais-
grammes de graines. sent du sein delà chrysalide en corruption, et
En choisissant les papillons, il faut rejeter qui, perçant bientôt l'emeloppe du cocon elle-
sans pitié tous ceux qui ne sont pas bien com- même, en rendent la filature impossible. Les
formes ou qui ne semblent pas vigoureux. cocons enfin se dévident mieux, et leurs brins
On doit entretenir une obscurité assez pro- se cassent moins souvent que s'ils avaient été
fonde dans la pièce où se font les accouplements. passés à la vapeur, dont l'action trop vive
Chaque toile ne doit recevoir que les femelles dissout la partie gommo -résineuse de la soie,
nées dans le même jour. Au furet à mesure que et en rend le tirage plus difficile.
ces diverses toiles se garnissent de graines, on Dès que les chrysalides sont étouffées, le fi-
se hâte de les mettre en un lieu plus froid, lateur s occupe du triage et de la classification
afin de les préserver de l'influence, même pas- de ses cocons. C'est un travail auquel il doit
sagère, des chaleurs de l'été. donner tous ses soins; car il importe beaucoup
Une fois que le magnanier a fait sa graine, d'assortir chaque nature de cocons, afin de fa-
qu'il a mis en ordre sa magnanerie, et vendu voriser la besogne de la filature, et d'obtenir
ses cocons, il ne lui reste plus guère de travail des soins parfaitement homogènes.
jusqu'à la saison suivante. Il se borne à sur- Ce serait ici le moment de décrire le travail
veiller la conservation de sa graine, en qui re- de la filature; mais un tel sujet entraînerait à
pose tout l'espoir de sa prochaine récolte. des développements beaucoup trop considéra-
C'est dans des caves qu'on conserve en gé- bles; nous nous bornerons donc à un petit
néral les œufs de vers à soie. L'usage d'une gla- nombre de recommandations générales.
cière commune, où chaque magnanier du même L'art de la filature consiste en deux points
canton viendrait déposer sa graine, rendrait principaux : le maintien constant de la gros-
un immense service a beaucoup de localités du seur du brin de soie qu'on veut obtenir, et (a
midi, où la conservation de la semence est tou- Krfaite adhérence entre eux des différents
jours diflicile, et qui ont souvent à déplorer dei uts ou fils dont chaque brin se compose.
eclosions spontanées et trop hâtives. Quand la soie est régulière et qu'elle est biea
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DU MAC NANlfcR. 803

croisée, c'est-à-dire que les différents fils dont Le magnanier borne ses soins à la surveil-
elle est formée se sont bien soudes, elle réunit lance de sa graine.
les deux qualités les plus essentielles. Si nous Le cultivateur s'occupe, de l'ébourgeonne-
ajoutons à cela une grande élasticité du brin, menl de ses arbres, s'il les a taillés après la
qui est due surtout à la qualité du cocon et un cueillette. 11 observe à cet égard ce que nous
peu aussi à la température de l'eau dans la- avons dit pour l'ébourgeonnement que l'on
quelle on file, nous aurons à peu près dit tout pratique au printemps.
ce qui constitue une soie parfaite. La nuance, On pendant ce mois, dans l'es-
greffe aussi
Ion importante quant au prix, ne signifie rien pérance de gagner ainsi une année, en profi-
quant au mérite intrinsèque de la soie. tant des dernières ressources qu'offre la sai-
Il existe un nombre considérable de métiers I
son. Mais on ne doit tenter alors cette opéra-
ou tours différents. Les meilleurs, à notre avis, tion qu'avec la plus grande reserve, car elle
sont les plus simples et ceux qui peuvent se est loin d'offrir à cette époque autant de chan-
réparer le plus vivement. La véritable machine ces de succès qu'au printemps.
d'où tout dépend, c'est la fileuse. Tout lui est Il en est de ces greffes tardives, comme de
subordonné, et elle influe si bien sur les résul- la taille après la cueillette ; dans l'un et l'autre
tats par la plus ou moins grande habileté, que cas, la sève n'est souvent pas assez généreuse,
telle bonne fileuse obtiendra de meilleure soie ni la bellesaison assez, longue, pouraoûteret
avec des cocons médiocres et un tour imparfait, mûrir suffisamment le bois des jeunes bran-
qu'une mauvaise avec d'excellents cocons et le ches, et elles périssent quelquefois toutes à
tour le plus perfectionné. l'automne, victimes des premières gelées. On
C'est d'elle encore que dépend l'économie de doit donner aux pourettes les mêmes soins que
la soie, source unique, souvent, delà perte ou dans les mois précédents.
du gain du lîlateur. En général, c'est pendant ce mois que l'on
Les chrysalides et tous les résidus des bas- récolle la graine de mûrier. On doit attendre
sines étant des engrais très puissants, on doit pour cela que la maturité soit parfaite, et que
les recueillir le plus grand soin.
avec les baies tombent d'elles-mêmes. On choisit les
Des que les plantations de mûrier ont été variétés les plus belles et les plus pures.
récoltées, le cultivateur doit se hâter d'v entrer Quand on a recueilli les baies, on les laisse
la serpette en main, soit pour les tailler, soit légèrement fermenter, puis on les lave, jus-
pour réparer les dégâts commis par les cueil- qu'à ce que la graine paraisse bien nettoyée.
leurs de feuilles. Nous avons déjà dit que la On la fait séchera l'ombre, et on la conserve
taille d'hiver était celle à laquelle on devait à l'abri de l'humidité. La graine de mûrier
donner la préférence, nous dirons aujourd'hui n'est bonne que pendant un an.
à ceux qui tiennent toujours à tailler après la
récolte, qu'ils ne sauraient du moins trop tôt AOUT.
se mettre à la besogne, car il faut profiter de
tout le reste de la saison et de la sève. On doit En général, continue encore pen-
la filature
donc autant que possible, dans cet ordre d'idées, dant ce mois entier. Le lîlateur, au surplus,
tailler les mûriers dès qu'ils auront été cueillis, n'est arrêté dans ses travaux que lorsque sa
en suivant au reste toutes les indications que provision de cocons est terminée; car on peut
nous avons données pour la taille d'hiver. filer en toute saison, en ayant seulement soin
Quant à la poureltc et au mûrier mullicaule, de prendre certaines précautions contre l'in-
on doit toujours les couper après la cueillette. lluencede l'humidité sur la soie, comme le font
Si, suivant notre conseil, le cultivateur a quelques filateursdu midi, qui travaillent pen-
raillé en février ou mars une partie de ses mû- dant la plus grande partie de l'année.
tiers, il n'aura d'autre peine à prendre que de Lorsque l'on a le dessein de faire des plan-
retrancher soigneusement toutes les branches tations à l'automne, il est bien de s'y prendre
cassées ou endommagées par les cueilleurs. longtemps à l'avance, et dans ce mois-ci même,
Si l'on n'a pas eu le temps de donner un bi- pour préparer le terrain.
nage en mai il est convenable de le faire en
,

juin, afin de maintenir toujours la terre meuble SEPTEMBRE.


et exempte de mauvaises herbes.
Dèslesprenhersjoursdecemois, il fauléclair- Il y a peu de travaux à faire dans ce mois.
cir les jeunes semis, de manière à espacer con* La filature des cocons est généralement ter-
venablement chaque pourette. On continue à minée, et les soins du cultivateur se bornent
les sarcler, à les arroser, et à les garantir de la à peu près à une seule façon ou binage, qu'il
trop grande ardeur des rayons du soleil. donne à ses mûriers, pour feur rendre plus pro-
fitables, en ameublissant la terre, les dernières
faveurs de la belle saison.
JllLI.KT.
On doit se hâter d'achever la préparation du
terrain pour les plantations d'automne.
Les travaux de la filature se continuent avec On le lait de plusieurs manières, comme nous
une activité d'autan) plus grande, qu'il importe l'avons déjà dit à l'occasion des plantations du
de mettre à profil les longs jours. printemps. ISous n'avons donc pas à y revenir;

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104 CALENDRIER DU MAGNAIS 1ER.
nous ferons seulement observer qu'il est im- blent annoncer un hiver rigoureux. Rien d'ail-
portant de surveiller la manière dont ce tra- leurs ne prépare et n'ameublit mieux la terre
vail s'exécute, afin que toute la bonne terre que l'action de la gelée.
soitmise à part, ou que le défoncement ait bien
toute la profondeur convenable. DÉCEMBRE.
On continue de donner aux jeunes plants
de mûriers les mêmes soins que dans les mois On continue à s'occuper de la préparation
précédents. •
du sol pour les plantations du printemps, autant
Les jeunes sujets nés du bouturage ou du que le permet la saison. On peut commencer
couchage doivent aussi, comme pendant toute aussi vers la fin de ce mois a transporter les
la saison, être soigneusement binés et cultivés. fumiers dans les mûraies.
Le magnanier continue, comme pendant L'année séricicole, comme on le voit, offre
tout le reste de la saison, à surveiller sa graine, bien des phases diverses, et le travail se trouve
et à l'exposer à Pair de temps en temps. fort inégalement réparti. A des mois pleins de
labeur, et où l'activité même est souvent au-
OCTOBRE. dessous de la tâche, succèdent tout à coup de
• longs moments d'un repos presque absolu.
La finde ce mois demande presque toujours C'est peut-être là un des charmes de cette in-
à être bien employée. dustrie, qui, par la variété des occupations
Aussitôt, en effet, que la séve refoulée par
, au'elie procure, n'engendre jamais ni ennui ni
les premiers froids, abandonne les rameaux, et égoût.
3ue la feuille jaunit et tombe, il faut se hâter D'ailleurs, les mots eux-mêmes que nous
e faire une seconde cueillette afin de ménager avons dû indiquer comme les plus pauvres en
une aussi précieuse nourriture à ses vaches, à travaux séricicoles peuvent cependant être
ses moutons ou à ses chevaux. Mais cette ré- utilement employés par le cultivateur de mû-
colte, nous le répétons, ne doit être faite que riers, le magnanier, ou lefilateur. N'a-tonpai
lorsque la sève a entièrement abandonné la toujours à s occuper de la bonne direction de
branche du mûrier; exécutée plus tôt, elle au- ses mûriers? L'observateur ne trouvera-t il
rait des conséquences funestes , car la sève ne pas sans cesse au milieu de ses plantations mille
manqueraitpas de développer les sous-yeux, ce sujets d'études intéressantes?
qui détruirait l'espoir de la saison future. Le magnanier songe tantôt à construire quel-
C'est aussi le moment d'entreprendre les que atelier nouveau, tantôt à perfectionner ceux
plantations d'automne, car il faut les faire dès au'il possède il veille à la bonne conservation
;

que la sève est rentrée dans le repos, et avant e tout son matériel et de ses graines. L'hiver
cependant que la gelée ne s'empare du sol. venu, il peut donner une occupation utile à ses
Les plantations d'automne, auxquelles nous ouvrières en employant leurs longues veilléesà
préférons en général celles faites au printemps, la confection des filets, et il prépare ainsi pour
réclament les mêmes soins et les mêmes précau- la saison suivante un de ses plus puissants auxi-
tionsque ces dernières. On doit les surveiller liaires. Enfin, pendant la plus grande partie de
d'autant plus qu'elles ont à affronter toutes les l'année, le filateur a de nombreux et importants
chances d'un hiver souvent froid et humide. travaux qui commencent à l'achat des cocons
et se terminent par
la vente des soies grèges.
NOVEMBRE. Nous avons dû passer sous silence un grand
nombred'observations semblables parce qu'elles
Il est assez rare que l'automne se prolonge n'appartiennent à aucun mois en particulier,
de manière à ce que les travaux indiqués pour et qu'elles n'offrent aucune base régulière.
le mois précédent soient renvoyés à celui-ci. Nous ne les signalons ici que pour prouver
C'est en tout cas une fort heureuse circonstance, que tous les travaux de l'industrie séricicole ne
car plus la durée des beaux jours et des cha- sont pas et ne pouvaient être compris dans le
leurs est longue, plus le bois du mûrier mûrit cadre que nous devions remplir.
et mieux il soutient ensuite le froid de l'hiver. Nous n'avons pas voulu enseigner, mais seu-
Quand on le peut, il est bien de commencer lement venir en aide à la mémoire de ceux qui
dans ce mois à préparer le sol dans lequel on savent.
compte planter des mûriers au printemps sui- Emile Beauvais.
vant; si surtout quelques froids précoces sem-
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