You are on page 1of 81

Ce qu'on voit et ce qu'on ne

voit pas, ou L'économie


politique en une leçon (5e
édition) par M. F. Bastiat,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Bastiat, Frédéric (1801-1850). Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit
pas, ou L'économie politique en une leçon (5e édition) par M. F.
Bastiat,.... 1879.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart


des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le
domaine public provenant des collections de la BnF. Leur
réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et
gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment
du maintien de la mention de source.
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait
l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la
revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de
fourniture de service.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de


l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes
publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation


particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur


appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés,
sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable
du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les
bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à
s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de
réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le


producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du
code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica


sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans
un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la
conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions


d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en
matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces
dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par
la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition,


contacter
utilisationcommerciale@bnf.fr.
GE QU'ON VOIT

ET
_
CE QU'ON NE VOIT PAS

ou

L'ÉCONOMIE POLITIQUE EN UNE LEÇON

(
PAR

F. BASTIAT

CIÏÎ0UIÈME ÉDITION

PASIS
LIBRAIRIE GUILLAUMIN ET C'«
RUE RICHELIEU, 14
LIBRAIRIE OUJLLAUMIN ET C*.

XiC «fournal' des Économistes, re\ue mensuelle


de la science économique et de la statistique depuis 1841.
Abonnement annuel : 36 francs.
Collection des principaux Économistes
15 beaux volumes grand jn-8°.
Économistes et publlclstcs contemporains
67 volumes in-8°
Bibliothèque des sciences morales et poil
tlqnes 60 volumes in-18 *-

Annuaire de l'Économie politique et de


la Statistique, depuis 1844 Chaque année, 1 fott
vol.JD-18. — 1878, 7 fr. 50 v
Dictionnaire de l'Économie politique, arec
uneBibliographie par noms d'auteurs et par ordre de
matières % \o\ très-grand m-S° à 2' colonjfts
Prix : SO francs, <
*

Dictionnaire universel, théorique e) pratique du


Commerce et de la Navigation. 2 vol. très-gramf ro-8°
à jt colonnes. Prix : 60 francs. J
ON/TROUVE A LA MÊME LIBRAIRIE
Lis Trotté;» généraux, les Traité*- élémentaires
et les ouvrages de théorie relatifs à l'Économie sociale, ou^
politique ou industrielle;
^ f
fits TraitéM spéciaux, tes Monographies, et un grand
nombre d Écrits sur les diverses questions relatives a p£co\,
KOMIK rounQUE ou SOCIALE)a la STATISTIQUE,aux Fi><AiscES.r
alaPOPULAT10N.au PAVPÉRISMB, à ^'ESCLAVAGE, à l'ÉMIGRX-j
Tiov.au COMMERCE, aux DopAttEs^aax TARIFS, au CALCUL,^
là COMPTABILITÉ, aux CHANGES, au TROIT DES CENS, au DROIT*,
ADM1MSTRATIF, &U DROIT COMMERCIAL, et BU DROIT 1NDCS
tsfru
|
^>|j
^ historique* Tableaux de douanerEù'Ç
tçs Documents i §g|
quêtes, etc.
Saint-Denis — Iiup Cn J AMDERT, 17, rue 4e VmirS&M
OîiVRAGSS POUR APPRENDRE L'ECONOMIE POLITIQUE

Itlanqul Précis élémentaire de 1 Économie politique,


3 édit 1 \o], m 18 Pm;2fr 50
Conreclle-^encull Traité sommaire dÉionomie
politique 1 vol in 18 Pn\ 2 frincs
Ciarnicv (JOSIPH). Premières notions d Économie | oli-
Uque^oeialeouinduetuelle. lvol in 18 Piix 2 fi 50
Otto Clulmer Petit manuel d Économie politique, clc
1 \ol în-lb Prix 1 franc
,
Clierlmliez (A -E ) Simples notions de l'ordre so-
cial, à hKapc de tout le monde I vol gi in-18
Prix 75 centimes
S}111B{W ) Leçons pi ocies«iv es d Economie sociale, m
•luit de I anglais par M Alb DICAMP 1 \ol in-18
Pi ix 1 franc
Daracth ) Les base naturelles de 1 Lconomie so
(H
tiale, légume d'un cours j ubhc lait a L\on 1 Aolf in 18
Prix 2 fr oO

Cadet (FÉLIN) Couis d'Économie politique fait à la


feouélé industrielle de Reims 1 \o! gr. m-8*
Pi ix 3 francs
Coq (PAUL) Cours d Économie industrielle à 1 école
municipale Turgot 1 vol in-S° Prix 4 francs Car-
tonne 4 fr 50
ïtivicr (A J Lnlretiens d un fabricant avec ses ouvriers
sur 1 Économie politique et la Morale 1 très joli \ol
î,r in-18 Prix 3 francs
ï.cyinarle (A.) Tout par le travail, manuel de Monlc
et d Economie politique, 2e edit 1 vol in-18
Prix 3 francs
,
Rozy (IL) Traité élémentaire d'Économie politique.
1 vol \in-18 Prix : 3 francs
CE QU'ON 'VOIT,

CE QU'ON NE VOIT "TAS

ou

L'ÉCONOMIE^ POLITIQUE EN UNE LEÇON

A*. BASTIAT

CINQUIEME 3 DITION

PARIS
LIBRAIRIE GUILLAUMIN ET Cle
RUE HIGHLI tl U, 14

1870
SOMMAIRE

I,
II,
La Vitre cassée.
Le Licenciement ,
,
............ 4
7
III L'Impôt. 11
IV. Théaties, Beaux Ails 15
,
V. Tiavaux publics , 22
VI.
VII. Rcstuctioii
...........
Les întetmédiaircs 25
33
V1H. Les Machines ..,'... , «

38
IX. LeGiédit. ..•.,,..., 45
X.
XL
L'Àlgéne.
,,..,..,,
Épaigue et Luxe.
49
54
XII. Dioit au Tiavail, Dioit au Profit. ... 61

biint Dcni". — Impjimcno Cn I AMBERT, 17» iuedePJiis.


GE QU'ON VOIT

1T

GE QU'ON NE VOIT PAS

Dans la sphèie économique, un acte, une habi-


tude, une institution, une Jm, n'engendrent pas seu-
lement un effet, mais une série d'effets. De ces effets,
le premier seul est immédiat ; il se manileste simul
ianément a\ec sa cause, on le voit. Les autres ne se
déroulent que successivement, on ne les voit pas,'
heureux si on les prévoit !
Entre un mauvais et un bon économiste, voici
toute la différence : l'un s'en lient à l'effet visible;
l'autre tient compte et de l'effet qu'on xoit et de
ceux qu'il faut prévoir.
Mais celte différence est énorme, car il arrive
presque toujours que, lorsque la conséquence immé-
diate est favorable, les conséquences ulteneures
sont funestes, et vice versa. — D'où il suit que le
mauvais économiste poiu&uit un petit bien actuel
qui sera huivi d'un grand mal à venir, tandis que le
vrai économiste pouisuit un giand bien à venir, au
risque d'un petit mal actuel.
Du reste, il en est ainsi en hvgicne, en moule.
Souvent, plus le premiei fiuit d'une habitude est
doux, plus les autres sont amers. Témoin : la dé-
bauche, la paiesse, la piodigalité. Lors donc qu'un
homme, fiappé de l'effet qu'on voit, n'a pas encore
— 4 —
appris à discerner ceux qiCon ne voit pas, il s'aban-
donne à des habitudes funeste", non-seulement par
penchant, mais par calcul;»
Ceci explique l'évolution iatalement douloureuse
de l'humanité, L'i^noiante cnlûiue son berceau;
donc elle se détermine dans ses actes pu leurs pic-
nuèies conséquences, les seules, à son origine,
qu'elle puisse voir. Ce n'est qu'à la longue qu'elle
appicnel à tenir compte des auties, Deux maîlres,
bien divers, lui enseignent celle leçon : l'expérience
et la pié\ovance. L'expérience J égente efficacement
mais Initialement. Elle nous instruit de tous les ef-
fets d'un acte en nous les faisant îessentir, et nous
no pouvons manquer do finir par savoir que le feu
brûle, à force de nous biulei. A ce rude docteur,
j'en voudrais, autant que possible, substituer un
plus doux : la prévoyance. C'est pouiquoi je îecher-
ctierai les conséquences de quelques phénomènes
économiques, opposant à celles qu'on voit celtes
qu'on ne voit pas.
1. lia Vitre cassée.
Avez-vous jamais été témoin de la fureur du bon
bourgeois Jacques Bonhomme, quand son fils ter-
nble est paivenu à casser un carreau de vitre? Si
*\ous avez assisté à ce spectacle, à coup sûr vous au-
rez aussi constaté que tous les assistants, fussent-ils
trente, semblent s'être donné le mot poui oflur au
propriétaire infortuné celte consolation uniforme:
« À quelque chose malheur est bon. De tels acci-
dents font aller Pindustiie. 11 faut que tout le monde
vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cas-
sait jamais de vitres?»
Or, il y a dans cette formule de condoléance toute
ts
— —
une Ihéprio qiûl est bonde siuprondie flagrante
qelicio, dans ce cas lits-simple, attendu que c'est
exactement la même que celle qui, par malheur, ié-
git la plnqarl de nos institutions économiques.
A supposeï qu'il fuile depen«ci six fiancs polir
lépaier le dommage, si l'on veut due que l'accident
taitaimoi six lianes à l'itultHnexilneie, qu'il en-
romane dans la mcsiue de six lianes la susdite in-
dustiie, je l'accorde, je ne conteste en aucune façon :
on idisomic juste, le Mliici va venu, il feia «n
besogne, toucheia six fiants, «e liolteia les mains,
et bénîia dans son coeui l'entant tciuble. C'est ce
qu'on voit.
Mais si, pii voie de déduction, on airive à con-
chue, comme on le fait liop souvent, qu'il est bon
qu'on casse les villes, que cela faituiculei l'aigenl,
qu'il en lésulte un cntouiagemciit pom l'industrie
en généial, je mis oblige de m'êtiiei: Halte-la!
Votre théorie s'anête a ce qu'on voit, elle ne lient
pas compte de ce qu'on ne \o\t pas.
On ne voit jms que, puisque nolie bouigeoîs a dé-
pensé six liants a une chose, il ne pouna plus les
dépensera une aulie. Onnevoit pat que, s'il n'eût
pas eu de xitie à icmplacei, il tût lemplacé, pai
exemple, ses soulieis eculés ou uns un liviede plus
dans sa bibliothèque. Bief, il aitnul lait de «es six
fiancs un emploi quelconque qu'il ne ieia pas.
Faisons donc le compte de I nidiistiie en gêné, al,
La vilie étant cassée, l'indusino vittièic est en-
coutagée dans la mesuie de six lianes, c'est ce qu'on
voiu
Si la vilien'eût pas été cassée, l'industrie coidon-
îvièie, ou toute autie, eût été encouiagco dans la
mesure de six hauts : c'est ce qu'on ne voit pas.
Et si l'on pienait en consideiation ce qu'on ne
voit pas, pircc que c*est un fait négatif, aussi bien
que ce que l'on voit, paice que c'est un fait posilif,
on compiendiait qu'il n'y a aucun intéiêt pour l'in-
dustrie en général, ou pour l'ensemble du travail
national, à ce que des \ilres se cassent ou ne so
cassent pes.
Faisons maintenant le compte de Jacques Bon-
homme :
Dans la première hvpothêse, celle de la vitre cas-
sée, il dépense six francs, et a, ni plus ni moins que
devanl, la jouissance d'une vitre.
Dans la seconde, celle où l'accident ne fût pas ar-
rivé, il aurait dépensé six francs en chaussures, et
aurait eu tout à la fois la jouissance d'une paire de
souliers et celle d'une vitrf.
Or, comme Jacques Bonhomme fait partie de la
société, il laut conclure de là que, considérée dans
son ensemble, et toute balance faite de ses travaux
et de ses jouissances, elle a perdu la valeur de la
vitre cassée.
Par où, en généralisant, nous arrivons à cette
conclusion inattendue : « La société peid la valeur
des objets înu'ilement deliuit*, » — et à cet apho-
iismeqm fera dresser les cheveux sur la tête des
protectionnistes : « Casser, biiseï, dissiper, ce n'est
pas encouiager le travail nalionnal,w ou plutôt briè-
vement : « Destruction n'est paspiolit. »
Que direz-vous, Moniteur industriel, que direz-
vous, adeptes de ce bon M. de Sunt-Chamans, qui
a calculé avec tant de précision ce que l'industrie
gagnerait à l'incendie de Paris, à raison des maisons
qu'il faudrait reconstruire ?
Je suis fâché de déranger ses ingénieux calculs,
d'autant qu'il en a fait passer l'espnt dans notre lé-
gislation. Mais je le prie de les recommenceren fai-
gant entrer en lifine de compte ce qti*<w ne voit pas
à côté de ce qu'on voit.
Il faut que le lecteur s'attache bien à con«latei
qu'il n') a pas seulement deux petsonmges, unis
Dois, dans le petit drame que j'ai soumis a son at-
tention. L'un, Jacques Bonhomme, repié«enle le
consommateur réduit pai la desliuclion à une jouis-
sance au lieu de deux. L'autre, sous la figuie du vi-
luei, nous montie le producietu dont l'accident n-*

courage l'industrie. Le troisième est le coidoniiiei,


ou tout autie industriel, dont le tiava 1 est detou-
ragé d'autant pat la môme cuise C'est ce tioisiôme
personnage qu'on tient loujoiusdtnsl'omlnect qui,
personnifiantes qu'on ne voit pas, est un élément
'nécessaire du problème, C'est lui qui nous fait com-
prends combien il est absuide de voii un piolit
dans une destruction G'est lui qui bientôt nous en-
seignera qu'il n'est pas moins absmde de xon un
profit dans uneiestnction, laquelle n'est api es tout
qu'une destruction paitielle — Aussi, allez au fond
de tous les aiguments qu'on fait valon ensafavem,
vous n'y tiouveiez que la piiaplnase de ce dicton
vulgaire: R Que deviendraient les vilueis, si Von
ne cassait jamais de vitres ! »

II, lie licenciement.


lien est d'un peuple comme d'un homme. Quand
il veut se donner une satisfaction, c'est à lui de voir
si elle vaut ce qu'elle coûte. Poui une nation, la sé-
cunté est le plus grand des biens Si, poui l'acqué •
ur, il faut mettre sui pied cent mille hommes el dé-
penser cent millions, je n'ai lien à due. C'est une
jouissance achetée au prix d'un sacrifice.
_ 8
-
Qu'on ne se méprenne donc pas sur la portée de
ma thèse.
Un lepiésentant propose de licencier cent mille
hommes poui soulager les contnbuables de cent
millions.
Si on se borne à lui îépondie : « Ces cent mille
hommes et ces cent millions sont indispensables à
la sécurité nationale : c'est un sacnhce; mais, sans
ce sacrifice, la Prance serait déchireepai leslacttohs
ou envahie pal Pétianger,» — je n'ai rien à oppo-
ser ici à cet argument, qui peut être vini ou faux en
fait, mais quine rénfeime pas théoriquement d'hé-
résie économique. L'hciésie commence quand on
xeut repiesenter le saciifice lui-même comme un
avantage, p.uce qu'il profile à quelqu'un.
Or, je suis bien trompé, ou l'duteur dé la propo-
sition ne seia.pas plutôt descendu de la tnbune,
qu'un orateur s'y précipitera pour dher
« Licenciei cent mille hommes y pensez-vous?
1

Que \ont-ils devenit ? de quoi xhront-ils ? Sera-ce


de travail? mais ne saxez-xous pas que le travail
manque partout? que toutes les canièies sont en-
coinbiées?Voule£-\ouslesjelei sui la place poury„
augmenter la concuuence et peser sut le taux des
hdldîics ? Au moment où il est si dillicile de gagner
sa pdiivic vie, n'est il pasheureux que l'Etat donne
du pain à cent mille individus ? Gôiisidotez, de plus,
que l'aimée consomme du xin,dcs x éléments, des
aimes, qu'elle lépand ainsi l'activité dans les fabri-
ques, dans les Villes de garnison, et quelle est, en
déhmtixe> la providence de ses iniioinbiables four-
nisseurs. Ne iiémis^-vous pas à l'idée d'anéantir
cet immense mouvement industriel? »
Ce discours, on le xoil, conclut au maintien des
cent mille soldats, abstraction laite des nécessités
— 9 —
du service, et pai des considérations économiques.
Ce sont cesconsideiations seules que j'ai a léfutei
Cent mille hommes coûtant aux conlubuablesccnt
millions vivent et font vivre leuis tournisseuis, au-
tant que cent millions peuvent s'etendie : c'est ce
qu'on voit.
Mais cent millions sortis de la poche des contri-
buables cessent de faire vivre ces contribuables et
leuis fournisseurs, autant que cent millions peuvent
s'etendie: c'est ce qu'on ne voit pas. Calculez, chif-
frez, et dites-moi où est le jiroht pour la masse ?
Quant à mol, je vous du ai où est tepeite, et, pour
simplifie!» au lieu de parlei décent mille hommes
et de cent millions, raisonnons sui un homme et
mille fiants.
Nous voici dans le village de A. Les reci Meurs
font la tournée et y enlèvent un homme. Les per-
cepteurs font leur tournée aussi et j enlèvent mille
fiancs. L'homme et la somme sont tuiispottes à
Metz, l'une destinée à faheviviel'autte pendant un
an sans rien faire. Si vous ne îegaidez que Mclz,ôlil
xousavez cent lois îaison, la tncsuie estliès-awn-
lagcuse] mais si "vos jeux se poitcnt sm Je Village
de A, vous jugeiezaitlieinent, eat, à moins délie
aveugle, vous venez que ce village a peidu un tra-
vailleur et les nulle flancs qui lélnniiciaient son tra-
vail, et l'activilé que, pat Id dépense de ces mille
fiancs, illépandait auloni de lui.
Au ptemter coup cl'oeil, il semble qu'il v, ait cotii-
pensalion. Le phénomène qui se passait an \illage se
passe à Metz, et voilà tout. Mais voici où est la petto.
Au village, un homme bêchait et laltouiait: c'était
un tiavdilleui : à Metz, il lait des tête diotte et des
tôle gauche ï cesl mi soldat» L'digcnl et la cheula-
lioi) sont les mêmes dans les deux cas ; mais, dans
— 10 —
l'un, il y a trois cents journées de travail productif;
dans l'autre, il v a tiois ceiils journées de tiavail
impioduciif, toujbuis dans la supposition qu'une
pailie de l'ainice n'est pas indispensable à la sécu-
rité publique.
,
Maintenant, vienne le licenciement. Vous me si-
gnalez un surcroît de cent milleliavailleurs, lacon-
cunence stimulée et la piession qu'elle exerce sur
le taux des salaires. G'estceque vous vojez.
Mais voici ce que vous ne vojiz juis. Vous ne
"vojtz pas que renvoyr cent nulle soldats, ce n'est
pas anéantir cent millions, c'est les îemetlic aux
contribuables. Vous ne vojez pas que jeter ainsi
cent nulle travailleurs sui le niai (hé, c'est j jeter
du même coup, les cent millions destines à jiajpr
leui travail, que, jvar conséquent, la même mesure
qui augmente {'offre des bras en augmente aussi la
demande; d'où il suit que vohe busse des salaires
est illusoire. Vous ne voj-z pas qu'avant, comme
après le licenciement, il j a dans le pays cent mil-
lions cofres|iondant à cent mille hommes ; que toute
la differniice consiste en ceci: avant, le jiajs livre
les cent millions aux ctiil nulle hommes pour ne lien
faire; api es, il les leui hvic poui tuvaillei. Vous
ne vovez pas, enfin, que loisqu'un coiitnbuable
donne son argent soJt à un soldat en échange de
rien, soit a un travaillent en échange do quelque
chose, toutes les cil constances ulteiieuies de la cir-
culation de cet aigent sont les mêmes dans les deux
cas; seulement, ditis le second cas, le coiitnbuable
reçoit quelque chose, dans le jiicmiel, il ne icçoit
rien. — Résultat' une |ieile sèche pnui la nation.
Le sophisme (pie je combats ici lie lésistepasà
l'épreuve de la ptogiession, qui est la piene de
touche des principes. Si, tout compensé, tous inté-
— H —
rets examinés, ilj a profit national à augmenter
l'armée, pourquoi ne J>as enrôler sous les dtapeaux
toute la population xinle du pajs ?
III. L'Impôt. ^
Ne vous est-il jamais arrivé d'entendre dire :
« L'impôt, c'est le
meilleur placement ; c'est une
rosée fécondante. Vojez combien de lamilles il fait
vivre, et suivez, par la pensée, ses ricochets sur
l'industrie : c'est l'infini, c'est la Vie. » '
Pour combattre cette doctrine, je suis obligé de
reproduire la réfutation précédente. L'économie po-
litique sait bien que ses aiguments ne sont pas assez
diveilissants pour qu'on en puisse dite: Repeltta
placent. Aussi, comme Basile, elle a ai i ange le pio-
verbe à son usage, bien convaincue que dans sa
bouche : Repetita docent,
Les avantages que les fonctionnaires trouvent à
étnarger, c\st ce qu'on voit, Le bien qui en résulte
pour leuis foiunisseuis, c'est ce qu'on voit encore.
Cela crève les jeux du coips.
Mais le désavantage que les contribuables éprou-
vent à se libérer, c'est ce qu'on ne voit pas, et le
dommage qui en résulte pom leuis fournisseurs,
c'est ce qu'on ne 'ùoit pas davantage, bien que cela
dût sauter aux jeux de l'esprit»
Quand un fonctionnaire dépensé à son piofit cent
sous deplvst cela implique qu'un contnbuable dé-
pense à son piofit c<?)it50itf de moins. Mais la dé-
pense du fonctionnaite se voit, paiee qu'elle se fait-î
tandis que celle du coiiinhuable ne se voit pas,
parce que, hélas l on Peinpêche de se fane.
Vous comparez la nation à une teric desséchée et
l'impôt à une pluie féconde. Soil. Mais vo\is devriez
^_ \%
vous demander aussi où sont les souices de celle
pluie, et si ce n'est pas piélisément l'impôt qui
pompe l'humanité du sol et le dessèche.
Vous déviiez vous demander encore s'il est pos-
sible que le sol reçoive autant de celle eau précieuse
pai la pluie qu'il en peid par l'évapoulîon.
Ce qu'il y a de Uès-jiositif, c'est que, quand Jac-
ques Bonhomme compte cent sous au peicepteur, il
ne îeçoit nen en îetoui. Quand, ensuite, un fonc-
tionnane, dépensant ces cent sous, lesiend à Jac-
ques Bonhomme, c'est contre une valeur égale en
blé ou en travail. Le résultat définitif est poui Jac-
ques Bonhomme une perte de cinq fiancs.
Il est très-vrai que souvent, le plus souvent si
l'on xeul, le fonctionnaire îend à Jacques Bonhomme
un service équivalent» En ce cas, il n'y a pas peile
de part m d'autre, il n'y a qu'échange. Aussi, mon ai-
gumenlation ne s'adiesse-t-eile nullement aux fonc-
tions utiles. Je dis ceci : Si vous voUle? créer une
fonction, piouvez son utilité. Démontiez qu'elle vaut
à Jacques Bonhomme, pai les soi vices qu'elle lui
rend, l'équivalent de ce qu'elle lui coûte. Mais, abs-
traction tdite de celte utilité întiinsèque, n'invoquez
pas comme argument l'avnnlage qu'elle conlèio au
fonctionnait e, à sa famille et à ses fournisseurs;
n'alléguez pas qu'elle favorise le travail.
Quand Jacques Bonhomme donne cent sous à un
fonctionnaire conlie un seixice réellement utile,
c'est exactement comme quand il donne cent sons à
un cordonniei contre ulie paire de soulicts. Don-
nant, donnant; pariant, quilles. Mais quand Jacques
Bonhomme livre cent sous à un fonclionnaiie jiour
n'in reccvoii aitcun scivice ou nièmepoui emece-
voil des vexations, c'est comme s'il les livrait à un
voleur. Il ncseit de rien de dite que le fonction-
— 13 —
naire dépensera les cent sous au grand profit du
travail national ,• autant en eût fait le voleur; au-
tant en feiait Jacques Bonhomme, s'il n'eût 1 encon-
tre sur son chemin ni le païasite exlralégal, ni le
parasite légal.
Habiluons-nous donc d ne pas juger des choses
seulement par ce qu'on voit, mais encore par ce
qu'on ne voit ^MS.
L'an passé, j'étais du comité des finances, cai,
sous la Constituante, les mctnbies de l'opposition
n'étaient pas systématiquement exclus de toutes les
commissions ; en cela, la Constituante agissait sa-
gement. Nous avons entendu M. 'lliieis duc: a J'ai
passé ma vie à combattre les hommes du parti légi-
timiste et du parti prêtre. Depuis que le danger com-
mun nous a rapprochés, depuis que je les fiequente,
que je les connais, que nous nous parlons coeur î
coeur, je me suis apeiçu que ce ne sont pas les
monstres que je m'étais liguiés. »
Oui, les déhances s'cxagôient, les haines s'eXal-
tent entre les partis qui ne se mêlent pas ; et si la
majonté laissait pénétrei dans le sein des commis-
sions quelques membi es de la minorité, peut-être
recontiaîti ait-on, de> part et d'autie, que les idées
ne sont pas aussi éloignées et sut tout les intentions
aussi perveises qu'on le suppose.
Quoi qu'il en soit, l'an passé, j'étais du comité
des finances. Chaque fois qu'un de nos collègues
pariait de fixei à Un chiffre modelé le ti alternent du
Erésident de la République, des ministies, des am-
assadeuts, on lui îépoiidait:
« Pour le bieu même du set vice, il faut entourer
ccitaines fonctions d'éclat et de dignité. C'est le
moyen d'y appeler les hommes de tnénle. D'innom-
brables înfoi lunes s'adressent au président de la Ré-
- - 14
publique, et ce seiait le placer dans une position
pénible que de le forcer à toujours refuser. Une cer-
taine représentation dans les salons ministériels et
diplomatiques est un des rouages des gouvernements
constitutionnels, etc., etc. »
Quoique de tels arguments puissent être contro-
versés, ils méritent certainement un sérieux exa-
men. Ils sont fondés sur l'intérêt public, bien mal
apprécié; et, quant à moi, j'en fais plus de cas que
beaucoup de nos Catons, mus par un esprit étioit de
lésinerie ou de jalousie.
Mais ce qui révolte ma conscience d'économiste,
ce qui me fait lougir pour la renommée intellec-
tuelle de mou pays, c'est quand on en Vient (ce à
quoi on ne manque jamais) à cette banalité absurde
et toujours favorablement accueillie :
« D ailleurs, le luxe des grands fonctionnaires
encourage( les arts, l'industrie, le travail. Le chef
de l'Etal et ses ministres ne peuvent donner des fes
tins et des soirées sans faire circuler la vie dans
toutes les veines du corps social. Réduue leurs trai
temeuts, c'est affamer l'industrie parisienne et, par
conlte-coup, l'industrie nationale. »
De grâce, Messieurs, respectez au moins l'arith-
métique, et ne venez pas dire devant l'Assemblée
nationale de France, de peUr qu'à sa honte elle ne
vous approuve, qu'une addition donne une somme
difféiciito, selon qu'on la fait de haut en bas ou de
bas en haut.
Quoi! je vais m'atratigcr avec un terrassier pour
qu'il fasse une rigole dans mon champ, moyennant
cent sous» Au moment de concluie, le percepteur
me pi end mes cent sous et les fait passer au ministre
de l'intérieur; mon maiché est rompu, mais M. le
ikiinislic ajoutera un plat de plus à son dîner, Sur
— lo —
quoi vous osez affirmer que cette dépense officielle
est un suicroît ajouté à l'industrie nationale! Ne
compienez-vous pas qu'il n'y a là qu'un simple dé-
placement de satisfaction et de travail ? Un ministre
à sa table mieux garnie, c'est vrai; mais un agri-
culteui a un champ moins bien desséché, et c'est
tout aussi viai. Un traiteur parisien a gagné cent
sous, je vous l'accorde; mais accordez-moi qu'un
leiidssiei piovincial a manqué de gagnei cinq
francs. Tout ce qu'on peut due, c'est que le plat of-
ficiel et leliaileur satisfait, c'est ce qu'on voit j le
champ noyé et leteuassiei désoeuvré, c'est ce qu'on
ne voit pas,
Bon Dieu 1 que de peine a pionver, en économie
polit'que. que deux et deux fofit quatre, et, si vous
y pal venez, on s'éciie: «C'est si clair, que c'en est
eiuiuveuv.» — Puis on xote comme si vous n'aviez
rien piouvé du tout.

IV. Théâtres, lieaux-Arts


I/F'al doit-il subventionne! les ails?
Il ya celtes beaucoup à dite pour et cotitie.
En laveui du système des subventions, on peut
dire que les ails élargissent, élèvent et poétisent
l'âme d'une nation, qu'ils Panachent à des picoe-
cupalbns maténelles. lui donnent le sentiment du
beau, etïéagissent ainsi favoiabteinenlsut ses mu.»
iiièics, ses coutumes, sesmeeuis et même surdon
industrie. On peut se detnaudei ou en seiaicnl la
musique en Fiance sans le théâtre Italien et le Con-
servatoire; l'ait dramatique sans le Ïhèàtte-Fian-
çais ; la peinluie et la sculpluie sans nos collections
ci 1105 musées. On peut uller plus loin et se de»
— 16 —
mander si, sans la centralisation et par conséquent
la subvention des beaux-arts, ce goût exquis se se-
rait développé, qui est le noble apanage du travail
fiançais et impose ses produits à l'univers entier.
En présence de tels résultats, ne seiait-ce pas une
haute imprudence que de îenoncei à cette modique
cotisation de tous les citoyens qui, en définitive,
îéalise, au milieu de l'Europe, leur supéuorilé et~
leur gloire ?
À ces raisons et à bien d'autics dont je ne conteste
pas la force, on peut en opposer de non moins puis-
santes. Il y a d'abord, pounait-on dire, une question
de justice distnbutive. Le droit du législateur va-
t-il jusqu'à ébrécher le salaire de l'aitisan pour con-
stituer un supplément de profils à l'artiste? M. La-
martine disait: «Si vous supprimez la subvention
d'un théâtre, où vous anèteiez-vous dans celte
voie, et ne seiez-vous pas logiquement entraînés à
*,
supprimer vos facultés, vos musées, vos instituts,
Vos bibliothèques? » On pounait îépondre : Si vous
voulez subventionner tout ce qui est bon et utile,
où vous arrêterez-vous dans cette voie, et ne serez-
xous pas entraînés logiquement à constituer Une
liste civile à l'agriculture, a l'industrie, au com-
merce, à la bienfaisance, à l'instruction? Ensuite,
est-il ceitain que les subventions favorisent le pto-
grès do l'ait? C'est une question qui est loin d'être
lésolue, et nous voyons de nos yeux que les théâtres
qui jnospèient sont ceux qui vivent de loin piopre
vie. Enfin, s'élevatit à des considétâtiolis plus hau-
tes, on peut faiie observer que les besoins et les
désirs naissent les uns des autres et s'élèvent dans
des régions de plus en plus épuiées, à mesuie que
la richesse publique peimet de les satisfaite ; que le
gouvernement n'a point u se mêler de cette coires-
— 17 —
pondance, puisque, dans un état donné de la for-
tune actuelle, il ne saurait stimuler par l'impôt les
industries de luxe sans froissci les industries de né-
cessité, inteivei lissant amst la maiche natuielle de
la civilisation. On peut faire observer que ces dé-
placements artificiels des besoins, des goûts, du
travail et de la population, placent les peuples dans
une situation piccaire et dangeieuse qui n'a plus de
base solide.
YoilàÉ quelques-unes des raisons qu'allèguent les
adversaires de l'intervention de l'Etat en ce qui
concerne l'oidre dans lequel les citoyens cioient
devoir satisfaire leuis besoins et leuis dVsiis, et par
conséquent diriger leur activité. Je suis de ceux,
je l'avoue, qui pensent que le choix, l'impulsion
doivent venii d'en bis, non d'en liant, descitojens,
non du législaleui; et la doclune conliaiiè me
semble condune à l'anéantissement de la libelle et
de la dignité humaine.
Mais, pai une citduclion aussi fausse qu'injuste,
sait-on de quoi ou accuse les économistes ? C'est,
quand nous îepoussoiis la subvention, de lepousser
la chose même qu'il s agit de subventionner, et
d'elle les ennemis do tous les gemes d'activité,
parce que nous voulons que ces activités, d'une
part, soient libics,et, de l'aulie, chei client en elles-
mêmes leur piopieiécompense. Ainsi, demandons-
nous que l'Etat îi'intei vienne pas, pai l'impôt, dans
lesmatièies îeligicuses, nous sommes des athées.
Demandons-nous que l'Etat n'intciVienne pas, par
l'impôt, dans l'éducation, nous haïssons les lumiè-
les. Disons-nous que l'Etat ne doit pis donuci, par
l'impôt, uncxalciu factice au sol, à tel oïdie d'in-
dustrie, nous sommes les elnîemis dé lavpropriëté et
d uiavail. Pensons-noiis que l'Etat ne doit pas
\ l
2
— 18 —
subventionne! les ai listes, nous sommes des bar-
baies qui jugent les ails inutiles.
Je pioleste ici de toutes mes foices contre ces
déductions. Loin que nous entretenions l'absuide
pensée d'anéantir la îehgion, l'éducalion, la pio-
prieté, Je tiavail cl les ails, quand nous demandons
que l'I tal plolégc le hbte développement de tous
ces ordies d activité humaine, sans les soudojer
aux dépens les uns des avilies, nous ciojoiis, au con-
traire, que toutes ces foices vives de la société se
Oôveloppei aient baimonieuseincnt sous l'influence
de la libellé, qu'aucune d'elles ne deviendrait,
comme nous le voyons aujouid'hui, la source de
troubles, d'abus, de tjiaume et dedésoidie.
&os advenues ciment qu'une activité qui n'est
ni soudoyée ni léglementéo est une activité anéan-
tie. Nous crojons le contiane. Leur foi est dans le
législateur, non dans l'humanité. La nôtre est dans
l'humanité, non dans lelegisldlcui.
Ainsi, M. Lanmline disait: «Au nom de ce prin-
cipe, il faut abolir les expositions publiques, qui
font l'honneur et la nehesse de ce jiavi».»
Je réponds à M. Lamailiiie : A volie poml de vue,
ne pas subventionne^ c'est abolir, parce que, par-
tant de cette donnée : que rien n'existe que pai la
volonté de l'Etat, vous en conciliez que rien ne vit
que ce que l'impôt fait vrvre, Mais je îetourne contre
vous l'exemple que vous ave/ choisi, et je vous fais
observei que la plusgiaiule, la plus noble des ex<-
positions celle qui est conçue clrns la pensée la
plus libel aie, la plus univci selle, et je puis même
me servir du mot humanitaire, qui n'est pas ici exa-
géré, c'est l'exposition qui se prépaie a Londres, la
seule dont aucun gouvernement ne se mêle et
qu'aucun impôt ne soudoie.
— 19 -
Retenant aux beaux-tris, on peut, je Je îépèto,
alléguer poui et eonlie le svcteuie des subventions
des raisons puissantes. Le leileur comprend que,
d'après l'objet spécial do cet éci it, je n'ai ni à ex-
poser ces raisons ni à décidei entte elles.
Mils M. Lamaitine a mis en avant un argument
quej'1 ne puis passer sous silence, cai il renliedatis
le coi de tièa-piecis de cette étude économique.
Il a dit :
La question économique, en matière de théâtres', se ré-
sume en tin seul mot: c'est du travail, Peu unpoite h
nature de ce travail : c'est un travail aussi fécond, au^si
productif iine toute autre nalure de travaux dans une na-
tion. Les théâtres, vous le savez ne nourrissent pas moins,
ne salarient pis moins., en Fiance, de quatte-vingt mille
ouvriers de toute nature, peintres, maçons, decoiaieurs,
costumiers, architectes, etc., qui «ont la vie même et le
mouvement de (ilusjeuu quartier de cette capitale, et, a
ce tilio, ils don en t obtenu vos sympathies.
Vos sjmpitlnes? — Tiaduisez : vos subventions.
El plus loin :
Les plaisirs de Pan» sont le liavail et la consommation
des depïilements, el les luxes du riche sont le salaire et
le pain de deux cent nulle ouvrier»de toute e<pe e, vivint
de l'industiie si multiple des tticâties sur la sut face de la
République, et recevant de ces plaisirs nobles, qui illus-
trent la France, l'aliment de leur vie et le nécessaire de
leuis familles et de Uurs enfants C'est d eux que vous
donnerez ces 60,000 francs. (Ties-bien l très bien ! Mar-
que» nombreuses d'approbation.)
Pour moi, je suis forcé de dire : tres-mal! ttes~
mal ! en restreignant, bien entendu, la poi lée de ce
jugement à l'aiguineiit économique dont il est ici
question.
Oui, c'est aux ouvriers de théâtre qu'iront, du
— 20 —
moins enpariie, les 60,000 fiancs dont il s'agit.
Quelques bribes pouiront bien s'égarer en chemin,
Même, si on seiutait la chose de pi es, peut-être dé-
couviirait-on que le gâteau prendia une autre
îoutc; heureux les ouvriers s'il leur leste quelques
miettes ! Mais je veux bien admettre que la subven-
tion entière iia aux peintics, décoiateurs, costu-
mieis, coiffouis, etc, C'est ce qu'on voit.
Mais d'où vient elle? Voila le nt<?)\s de la ques-
tion,
^ tout aussi împoitanl à examuiei que la face.
Où est la souicc de ces 00,000 francs? Et où xraient-
ih si un vote législatif ne les dirigeait d'abord vers
la me de Rivoli et do là vers la uietle Grenelle?
C'est ce qu'on ne voit pas.
Assuiémenl nul n'osera soutenir que le vote légis-
latif a fait ecloie celte somme dans l'urne du scru-
tin ; qu'elle est une puie addition ajoutée a la, ri-
chesse nationale; que, sans ce vole miraculeux,
ces 00,000 fiancs eussent été à jamais invisibles
et impalpables. H faut bien admetlie que tout ce
qu'a pu lane la majorité, c'est de déerder qu'ils se-
î«lient pus quelque paît poui êtic envojés quelque
paît, et qu'ils ne receviaicnt une destination que
paice qu'ils seraient détournés d'une autre.
La chose étant ainsi, il est clan que le contri-
buable qui auia été taxé à un Iranc, n'aura plus ce
fiancàsa disposition. 11 est dan qu'il seia privé
d'une satislaction dans la mesuied'un Iranc, et que
l'ouvnei, quel qu'il soit, qui la lui auiait piocuiée
sou pnve de salaue dans la même mesure.
Ne nous faisons donc pas cette puérile illusion
de croire que le vole du 10 mai ajoute quoi que ce
soit au bien-être et au liavail national. 11 déplace
les jouissances, il déplace les salaires, voilà tout.
Dira-t-on qu'a un genre de satisfaction et5à un
— 21 -
geniede travail il substitue des satisfactions et des
tiavaux plus urgents, plus moraux, plus uisonna-
bles?Jo pounais lullci sur ce teti.nn. Je ponrnîs
dire: En ariaclianl CO,000 fiancs aux contiiini djles,
vous diminue/ les salaiies des labouieuis, l^nas-
sieis, chaipentieis, foigeioiis, cl vous auginenlez
d'aulantles salaiies des chuitcuis, coifleurs, déro-
uleurs et costunueis. Rien ne jiiouve que cette
denuèic classe soit plus intéiessanle que l'aulie.
M. Lamarlitie ne l'allègue pas. Il dit lui-même que
le travail des théalies est aussi fécond, aussi \no-
ductîf (et non plus) que tout autie, ce qui pouirait
encore être conteste, car la meilleuie pieuve que le
second n'est pas aussi fécond que le piemtcr, c'est
que celui-ci est appelé à souelojer celut-lî.
Mais cette comoaiaison entie'la valcui et le mente
intrinsèque des diveises naluies de travaux n'enlie
pas dans mon sujet actuel. Tout ce que j'ai à fane
ici, c'est de inonirci que, si M. Limai Une et les pei-
sonnes qui ont applaudi à son aigumentation ont v u
de l'oeil gauche les salaiies gagnés par les fournis-
seurs des comédiens, ils auiaient dû voii de loeil
dioilles silaues peidus pour les toiunisseuis des
contribuables ; faute de quoi, ils se aonl exposes au
ridicule de pieiuhe un déplacement poui im gain.
S'ils étaient conséquents a leui doctime, ils deman-
deraient des subventions à l'infini; car ce qui est
vrai d'un liane et de 00,000 fiancs, est Mai, dans
des en constances identiques, d'un milliard défiants.
Quand il s'agit d'impôts, Messieuis, prouvez-en
l'utilité pai des taisons tnecs du fond, mais non
point par celte maleiiconlicuse assertion : « Les dé-
penses publiques font vivielaclasse ouviièie. » Elle
a le tort de dissmvulei un lait essentiel, à savoir que
les dépenses publiques se substituent toujours à des
~ 22 —
dépenses privées, et que, par conséquent, elles font
bien vivie un ouvrier au heu d'un autre, mais
n'ajoutent rien au lot do la classe ouvrière prise en
masse. Votre argumentation est fort de mode, mais
elle est trop absurde poui quo la raison n'eu ait pas
raison,
Y. Travaux publics»
Qu'une nation, après s'être assurée qu'une grande
entieprise doit profitei à la communauté, la fasse
exécuter sui le produit d'une cotisation commune,
rien de plus naluiel. Mais la paiience m'échappe,
je l'avoue, qumd j'entends alléguer à l'appui d'une
telle résolution celte bévue économique : « C'est
d'ailteuis le moyen de ciéer du travail pour les ou-
vriers. »
L'Etat ouvre un chemin, bâtit un palais, rediesse
une rue, perce un canal ; par là, il donne du tra-
vail à certains ouviitis, c'est ce qu'on voit; mais il
pi ivc de tiavailceilainsautiesouvrier s,c'etf ce qu'on
ne voit pas.
Voila la route en cours d'exécution. Mille ouvriers
aiment tous les matins, se reliront tous lestoirs,
empoitent leur salaue, cela est certain. Si la route
n'eût pas été décrétée, si les fonds n'eussent pas été
votés, ces braves gens n'eussent rencontré la ni ce
travail ni ce salaire ; cela est certain encore.
Mais est-ce tout? L'opération, dans son ensemble,
n'embrasse-t-elle pas autre chose ? Au moment où
M. Dupin prononce les paroles sacramentelles :
« L'Assemblée a adopte, » les millions descendent-
ils miraculeusement sui un rayon de la lune dans les
coffies de MM. Fould et Bitieau ? Pour que l'évolu-
tion, comme on dit, soit complète, ne faut-il pas
— 23 ~
que l'Etat organise la îecette aussi bien que la dé-
pense? qu'il metle ses peteepleiu s en campagne et
ses contribuables à contribution ?
Etudiez donc la question dans ces deux éléments.
Tout en constatant la destination que l'Etat donne
aux millions votés, ne négligez pas de constatei
aussi la destination que les conlubuibles auiaient
donné.» — et ne peuvent {dus donnci — a ces mêmes
millions. Alois vouscompieiidiez qu'une entreprise
publique est une médaille à deux leveis. Sur l'une
ligure un ouvnei occupé, avec cette devise : Ce
qu'on voit; sui l'autie, un ouvrier inoccupé,* avec
cette devise : Ce qu'on ne voit jyas,
Le sophisme que je combats dans cet écrit est
d'autant plus dangeieux, appliqué aux travaux pu-
blics, qu'il sert àjustiliei les enttepiiscs elles jno-
digalitesles plus lolles. Quand un chemin de fei ou
unpont ont une utilité icelle, il suffit d'invoquei
cette utilité. Mais si on w> le peut, que lail-on ? On
a recours à cette ni>stificalion : «11 faut pioctuer de
l'ouvrage aux ouvi ici s. »
Cela dit, on otdonue de faiie et défaire les ter-
rasses du Cli tinp de mars. Le giand Napoléon, on le
sait, crojail lairc oeuvie plulanthiopique en faisant
creuser et comblei les fosses. Il disait aussi: « Qu'im-
porte le résuhat ? 11 ne faut von que la richesse ré-
pandue paimi les classes laborieuses »
Allons au fond des choses. L'aigent nous fait illu-
sion. Demandei le concoui-, sous foi me d'aigent,
de tous les citoyens à une oeuvie commune, c'esten
réalité leur demandei un concouis en natuie ; car
chacun d'eux se procuie, pai le travail, la somme à
laquelle il est taxé. Oi, que l'on réunisse tous les ci-
tojens pour leur fane exécutei, par pieslation, une
oeuvre utile à tous, cela pourrait se comprendre ;
_- 24 -
leur récompense serait dans les résultats de l'oeuvre
elle-même. Mais qu'après les avoir convoqués, on
les assujettisse à faire des routes où nul ne passera,
des palais que nul n'habitera, et cela sous prétexte
de leur procurer du travail, voilà ce qui sciait ab-
surde, et ils seraient, certes, fondés à objecter : De
ce travail-là, nous n'avons que faire; nous aimons
mieux tiavailler pour notre piopie compte.
Le procédé qui consiste à faiie concoui i^ les ci-
toyens en aigent et non en tiavail ne change rien à
ces résultats généraux. Seulement, pai ce dernier
procédé, la perte se répartirait sur tout le mondo.
Par le premier, ceux que l'Etat occupe échappent
à leui part de perle, en l'ajoutant à celle que leurs
compatriotes ont déjà à subir.
Il y a un article de la Constitution qui porte :
« La société favorise et encourage le développe-
ment du travail... par l'établissement par l'Etat* les
départements et les communes, de travaux publics
propres à employer lesl>ras inoccupés. »
Comme mesure lempoiaire, dans un temps de
crise, pendant un hivei rigoureux, celte intervention
du contribuable peut avon de bons effets. Elle a^it
dans le même sens que les assurances. Elle n'ajoute
rien au travail ni au salaire, mais elle prend du tra-
vail et des salaires sui les temps ordinaires pour en
doter, avec perte, il est vrai, des époques difficiles.
Comme mesure pennanente, générale, systéma-
tique, ce n'est aulie chose qu'une mystification mi-
neuse, une impossibilité, une contradiction qui
montre un peu de travail stimulé qu'on wtf, et cache
beaucoup do travail empêché qu'on ne voit pas.
~ 25 -
VI, lits Intermédiaires.
La société est l'ensemble des soi vices que les
hommes se lendent foi cément ou volonlaiioment
les uns aux autres, c'esl-à-duc des services publics
et des services ijmês.
Les piemieis, imposés et réglementés pai la loi,
qu'il n'est pis toujours aisé de changer quand il le
faudiait, peuvent suivhie longtemps, avec elle, à
leur propie utilité, et consenei encore le nom de
services publics, même quand ils lie sont (dus des
soi vices du tout, même quand ils ne sont plus que
de publiques vexations. Les setonds sontdu domaine
de la volonté, do la responsabilité individuelles.

Chacun en îend et en uçoit ce qu'il veut, ce qu'il
peut, après débat conliadicloue. Us ont toujours
pour eux la présomption d utilité 1 celle, exactement
mesurée par leur valent comparative.
C'est pouiquoi ceux-là sont si souvent fiappés
d'immobilisme, tandis que ceux-ci obéissent à la loi
du progrès.
Peu lant que le développement exagéré des ser-
vices publics, par la dépeiditioli de foices qu'il en-
traîne, tend à constituer au sein de la société un
funeste parasitisme, il est assez singulier que plu-
sieurs sectes modernes, altiibuint ce caiactère aux
services libicsel pnvés, cheichentà liansfonnei les
professions en fonctions.
Ces sectes s'élèvent avec force contre ce qu'elles
nomment les intermédiaires. Elles supprime! tient
volontiers le capitaliste, le banquier, le spéculateur,
l'entrepreneur, le marchand et le négociant, les ac-
cusant de s'intciposer enlie la pioduction et la con-
sommation poui les rançonnei toutes deux, sans
~ 26 —
leur rendio aucune valeur. -- Ou plutôt elles vou-
draient transférer h l'Etat l'oeuvre qu'ils accom-
plissent, cai celte oeuvre ne sain ait être supprimée.
Le sophisme des socialistes sur ce point consiste
à montrer au public ce qu'il paye aux intermé-
diaires en échange de leurs services, et à lui cacher
ce qu'il faudrait payer à l'Etat. C'est toujouis la
lutte entre ce qui Irappe les >enx et ce qui ne se
montre qu'à l'esprit, entre ce qu'on voit et ce qu'on
ne voit pas.
Ce fut surtout en 1847, et à l'occasion de la di-
sette, que les écoles socialistes cherchèrent et léus-
sirent à populariser leur funeste théorie. Elles
sivaient bien que la plus absurde piopagande a
toujours quelques chances aupiès des hommes qui
souffrent • malesuada famés.
Donc, à 1 aide des giands mots : Exploitation de
l'homme par l'homme, spéculation sur la faim, ac-
caparement, elles se muent à dénigrei te'comineice
et à jeter un voile sui ses bienfaits.
« Pourquoi, disaient-elles, laisser aux négociants
le soin de faire venir des subsistances des Etats-
Unis et de la Crimée? Pourquoi l'Etat, les départe-
ments, les communes n'organisent-ils pas un service
d'approvisionnements et des magasins de léseive?
Ils vendraient au prix de revient, et le peuple, le
pauvre peuple, serait affranchi du tribut qu'il paye
au commeice libre, c'est-à-dire égoïste, individua-
liste et anarchiqne. »
Le tribut que le peuple-paje au commeice, c'est
ce qu'on voit. Le tnbut que le peuple payerait à
I Etat ou à ses agents, dans le système socialiste,
c'est ce qu'on ne vùit pas.
En quoi consiste ce pi étendu tribut que le peuple
paye au commerce? En ceci : que deux hommes se
_- 27 ~
rendent réciproquement service, en toute liberté,
sous la pression de la concurrence et à prix débattu.
Quand l'estomac qui a faim est à Paris et que le
blé qui peut le satisfaire est à Odessa, la souffrance
ne peut cesser que le blé ne se rapproche de l'es-
tomac. Il y a trois moyens pour que ce rapproche-
ment s'opère : 1° Les hommes allâmes peuvent
aller eux-mêmes chercher le blé; 2° ils peuvent
s'en remettre à ceux qui font ce métier; 3° ils peu-
vent se cotiser et charger des fonctionnaires pu-
blics de l'opération.
De ces trois moyens, quel est le plus avantageux?
En tout temps, en tout pays, et d'autant plus
qu'ils sont plus libres, plus éclairés, plus expéri-
mentés, les hommes avant volontairement choisi le
second, j'avoue que cela sulfit pour mettre, à mes
veux, la présomption de ce côté. Mon esprit se re-
fuse à admettre que l'humanité en masse se tiompe
sur un point qui la touche de si près.
Examinons cependant.
Que trente-six millions de citojens parient pour
aller cherchei à Odessa le blé dont ils ont besoin,
cela est évidemment inexécutable : le premier
moyen ne vaut rien. Les consommateurs ne pou-
vant agir par eux-mêmes, force leur est d'avoir
recours à des intermédiaires, fonctionnanes ou
négociants.
Remarquons cependant que ce premier moyen
serait le plus naturel. Au fond, c'est à celui qui
a faim d'aller cheicher son blé. C'est une peine qui
le regarde; c'est un service qu'il se doit à lui-
même. Si un autre, à quelque titre que ce soit, lui
rend ce service et prend cette peine pour lui, cet
autre a droit à une compensation. Ce que je dis
ici, c'est pour constater que les services des mter-
— 28 ~
médiaires portent en eux le principe do la rémuné-
ration.
Quoi qu'il en soit, puisqu'il faut îecouiir à ce
3uo les socialistes nomment un parasite, quel est,
u négociant ou du fonctionnai!e, le païasito le
moins exigeant?
Le commerce (je le suppose libre, sans quoi
comment pouirais-je laisonnei?), le commeice,
dis-je, est porté, pai intérêt, à étudier les saisons,
à constater JOUI pai jour l'état des lécoltes, â rece-
xoii désinformations de tous les points du globe, à
prévoir les besoins, à se précautionner d'avance.
Il a des navnes tout prêts, des correspondants
pai tout, et son intérêt immédiat est d'acheter au
meilleur marché possible, d'économiser sur tous
les détails de l'opération, et d'atteindre les plus
grands résultats avec les moindres efforts. Ce lie
sont pas seulement les négociants français, mais
les négociants du monde entiei qui s'occupent de
l'appiovisioiinement de la France pour le joui du
besoin; et si l'jntéiêt les poite invinciblement à
remplir leur tâche aux moindres frais, la concur-
rence qu'ils se font entre eux les poric non moins
invinciblement à faiie piofiter les consommateurs
de toutes les économies réalisées. Le blé arrivé, le
commerce a iniéiêt à le vendieau plus tôt pour
éteindre ses risques, réalise! ses fonds et îecom-
mencer s'il y a heu. Dingo par la comparaison des
prix, il distribue les aliments sui toute la sui face
du pays, en commençant toujours par le point le
plus chei, c'est-à-dire où le besoin se fait le plus
sentir. Il n'est donc jias possible d'imaginer une
organisation mieux calculée dans l'intérêt de ceux
qui ont faim, et la beauté de celte organisation,
inapeiçuo des socialistes, résulte précisément de
~ 29 —
ce qu'elle est libre. — A h vérité, le consomma-
teni est obligé de icmboniser au commerce ses
frais de transport, de transbordement, de maga-
sinage, de commission, etc.; mais dans quel sys-
tème ne faut-il pas que celui qui mange le blé
rembourse les frais qu'il faut faiie pour qu'il soit â
sapoilée? Il y a de plus à payei la îéniunération
du service rendu ; mais, quant a sa quotité, elle est
réduite au minimum possible pai la connuicncoj
et, quant à sa justice, il seiait etiange que les aili-
pans de Paris ne travaillassent pas poui les négo-
ciants de Marseille, quand les négociants de Mar-
seille travaillent pour les artisans de Paris.
Que, selon l'invention socialiste, l'Etat se substi-
tue au commeice, qu'airivcua-l-ilV Je prie qu'on
me signale où scia, poui lo public, l'économie.
Sera-t-elle dans le prix d'achat? Mais qu'on se
ligure les délégués de quarante mille communes
arrivant à Odessa à un joui donné et au joui du
besoin; qu'on se figuie l'eflet sui les prix. Seia-
t-elle dans les frais? Mais faucha-t-il moins de na-
vires, moins de marins, moins de liansboidements,
moins de magasinages, ou sera-t-on dispense de
payer toutes ces choses ? Sera-t-ello dans le profit
des négociants? Mais est-ce que vos délégués et vos
fonctionnaires iront poui nen à Odessa? Est-ce
3u'ils voyageront et travaille!ont sur le pnneipe
e la fraternité? Ne faudra-t-il pas qu'ils vivent?
no faudra-t-il pis que leui temps «oit pavé? Et
cioyez-vous que cela ne dépassera pas nulle lois les
deux ou trois poui cent que gagne le négociant,
taux auquel il est prêt a souscrire?
Et puis songez à la difficulté de lever tant d'im-
pôts, de répartir tant d'aliments. Songez aux injus-
tices, aux abus inséparables d'une telle enliepnse.
— 80 —
Songez à la responsabilité qui pèseiait sur le gou-
vernement.
Les socialistes qui ont inventé ces folies, et qui,
aux jouis de malheur, les soufflent dans l'esprit des
masses, se décernent libéralement le titre A'hommes
avancés, et ce n'est pas sans quelque dangei que
l'usage, ce t\ran des langues, ratifie le mot et le
jugement qu'il implique, Aiancés! ceci suppose que
ces messieurs ont la v ue plus longue que le vulgaire;
que leur seul tort est d'être trop en avant du siècle;
et que, si le temps n'est pas encore venu de suppri-
mer certains services libres, prétendus parasites,
la faute en est au public, qui est en arrière du socia-
lisme. En mon âme et conscience, c'est le contraire
Î[ui est viai, et je ne sais à quel siècle barbare il
auiirait remonter pour trouver, sur ce point, le
niveau des connaissances socialistes.
Les sectaiies modernes opposent sans cesse l'as-
sociation à la société actuelle. Us ne piennent pas
garde que la société, sous un régime libre, est une
association véritable, bien supérieure à toutes celles
qui sortent de leur féconde imagination.
Elucidons ceci par un exemple :
Poui qu'un homme puisse, en se levant, revêtir
un babil, il faut qu'une terre ait été close, délri-
chée, desséchée, labourée, ensemencée d'une cer-
taine sorte de végétaux; il faut que des troupeaux
s'en soient nourris, qu'ils aient donné leur lame,
que celte lame ait été Idée, tissée, teinte et convertie
en drap j que ce drap ait été coupé, cousu, façonné
en vêtement. Et celte série d'opéiations en implique
une foule d'autres; car elle suppose l'emploi d'in-
struments aratoires, de bergenes, d'usines, de
houille, de machines, de voilures, etc.
Si la société n'était pas une association très-
.— ol ---
réelle, celui qui veut \m habit sciait réduit à, tia-
vaillei dans l'isolement, c'esl-à-due à accomplir
lui-même les actes innombrables de cette séné,
depuis le piemier coup de pioche qui le commence
jusqu'au dernier coup d'aiguille qui le termine.
Mais, grâce à la sociabilité, qui vsl le caractère
dislinclil rienolie espèce, ces opeiallons su sont dis-
tribuées enlie une multitude de tiavailleurs, et elles
se subdivisent de plus en plus poui te bien com-
mun, à mesure que, la consommation devenant
plus active, un acte spécial peut alimenter une in-
dustrie nouvelle. Vient ensuite la iépaililion du
produit, qui s'opèie suivant le contingent de valeur
que chacun a apporié à l'oeuvie totale Sj ce n'est
.
pas là de l'association, je demande ce que c'est,
Remarquez qu'aucun des tiavailleurs n'ayant tiré
du néant la niotndie paiticule de matièi'e, ils se
sont bornés à seiendie des services léciproques, à
s'entr'aider dans un bul commun, et que tous peu-
vent êtie considéics, les uns à l'égard des autres,
comme des tnteimëdiaïres. Si, par exemple, dans
letouis de l'opéialion, le transport devient assez
impoitanl poui occupei une ptisonue, le filage une
seconde, le lissage une troisième, pourquoi la
premîeie serait-elle regaidee comme plusjaajasite
que les deux aulies?Ne faut-il pas que le transport
se fasse? Celui qui le fait n'y consacie-t-il pas du
temps et de la peine? n'en epaigne-t-il pas à ses
associés? Ceux-ci font-ils plus aulie chose pour
lui? Ne sont-ils pas tous également soumis poui la
1 émuneration, c'est-à-dire poui le parlage du pro-
duit, à la loi au prias débattu? iN'esl-ce pas, en toule
libellé, pour le bien commun que cette sépaiation
de travaux s'opère et que ces arrangements sont
pris? Qu'avons-nous donc besoin qu'un socialiste,
— 32 -
sous prétexte (l'organisation, vienne despotique-
ment détruite nos arrangements volontaires, ar-
rêter la division du travail, substituer les efforts
isolés aux effoi ts associés et faire reculer la civili-
sation? L'association, telle que je la décris ici, en
est-elle moins association, parce que chacun y entre
et en sort librement, y choisit sa place, juge et sti-
pule pour lui-même, sous sa responsabilité, et y
appoile le lessoit et h garantie de l'mléièt pei-
somiel? Pour qu'elle mente ce nom, est-il ncces-
sano qu'un pi étendu îefoimateur vienne nous
impose! sa loi mule et ^sa volonté et concentrer,
poui ainsi due, l'humanité en lui-même?
PlUs on examine ces écoles avancées, plus on
reste convaincu qu'il n'y a qu'une chose au tond :
l'ignorance se pioclamant infaillible et réclamant
le despotisme au nom de cette infaillibilité.
Que le lecteur veuille bien excuser cette digres-
sion. Elle n'est peul-êtie pas mutile au moment où,
échappées â des îivies saitit-simoiiîens, phalanstè-
îiens et îcaiiens, les déclamations contre lesmter-
médianes envahissent le journalisme et la tribune,
cl menacent sérieusement la hbeité du travail et
desliaiisaciions.

VIE, ESestiictlon.
M. Prohibant (ce n'est pas moi qui l'ai nommé,
c'est M. Châties Dupin, qui depuis.., mais alors..»),
M. Piombant consaciait son temps et ^es capitaux
ii conveilir en fei le tnineui ilotes teires, Comme
la nntuie uvaitété plus ptodigue eiwcis les Belges,
ils donnaient le fer aux Français à meilleur marché
qitcM, Prohibant, ce qui signifie que tous les Fian-
çais, ou la France, pouvaient obtenir une quantité
f»<ï
— OU '

donnée de fer avec moins de travail, en l'achetant


aux honnêtes Flamands. Aussi, guidés par leur 111-
térêt, ils n'y faisaient faute, et tous les jouis on
voyait une multitude de cloutiers, forgerons, char-
rons, mécaniciens, maiechaux fenanls et labou-
reurs, aller par eux-mêmes, ou pai des mteimé-
diaires, se pourvoir en Belgique. Cela déplut loil à
M. Prohibant.
D'abord, l'idée lui vint d'airêter cet abus pai ses
propres forces. C'était bien le moins, puisque lui
seul en souillait. Je prendiai ma caiabine, se dit-
il, je mettrai quatie pistolets à ma ceinture, jegai-
mrai ma giberne, JP ceindiai mi flambeige, et je
me porleiai, ainsi équipé, à la lrontièie. Là, le pie-
miel forgeion, cloutrei, maiéchal, mécanicien ou
senuiiei qui se présente poui lane ses aflaiies et
non les miennes, je le tue poui luioppiciidieà vivre.
Au moment de partir, M» Prohibant lit quelques
réflexions qui tempêtèrent un peu s-on atdeur bel-
liqueuse. 11 se dit: D'aboid, il n'est pas absolu-
ment impossible que les acheteuis de fei, mes com-
patriotes et ennemis, ne piennciit mal la chose,
et qu'au lieu de se laisseï luei, ils ne nie tuent
moi-même. Ensuite, même en faisant mai cher tous
mes domestiques, nous ne pounons gauler tous
les passsges. Enfin le procédé me couteia fort cher,
plus cher que ne vaut le résultat.
M. Prohibant allait tristement se résignera n'être
que libre comme tout le inonde, quand un tlait de
lumière vint îlluminei son ceiveau.
Il se iappelle qu'il Y a à Paris Une grande fabrique
de lois. Qu'est-ce qu'une loi? se dit-il. G'est une
mesute à laquelle, une fois déciétée, bonne ou
mauvaise, chacun est tenu de se conloimer. Pour
l'exécution d'icelte, on organise une foice publique,
3
et pour constituer ladite force "publique, on puise
dans la nation des hommes et de l'argent,
Si donc j'obtenais qu'il sortît de la grande fa-
brique parisienne une toute petite loi portant :
« Le fer belge est prohibé, » j'atteindrais les résul-
tats suivants : le gouvernement ferait remplacer
les quelques valets que je voulais envoyer à la fron-
tière par vingt mille fils de mes forgerons, senu-
rîers, cloutiers, maréchaux, aitisans, mécaniciens
et laboureurs récalcitrants. Puis, pour tenir en
bonne disposition de joieel de santé ces vingt
mille douatneis, il leur dîstribueiaît 2o millions
de francs, pris à ces mêmes forgerons, clouliers,
aitisans et laboitieuis. La gaide en sciait mieux
laite; elle ne me coûterait rien, je île serais pas
exposé à la biutalilé des brocantcuis, je vendiais
le fer à mon prix, et je jouirais de la douce ré-
création de voir notre grand peuple,honteusement
mystifié. Cela lui apprendrait à se proclamer sans
cesse le piécuiseur et le promoteur de toilt pro-
glès en Europe. Oh 1 le trait serait piquant, et vaut
la peine d'elle tenté.
Donc, M. Prohibant se lendit â la fabrique de lois.
— Une autre fois pcut-ètie je idcoiiterai l'histôiie
de ses souides menées ; aujotlïd'hui je ne veux par-
ler que de ses démalcbes ostensibles. — Il ht valoir
aupiès de MM. les iégislateuis cette considération :
te Le fer belge se vend en France à 10 francs,
ce qui me force de vendre le mien au même prix.
J'aimeiais mieux le vendre à 18, et je no le puis
à cause de ce fei belge, que Dieu maudisse. Fibri-
quez une loi qui dise : « Le 1er belge n'enlrcia plu-,
« en Fiance» » Aussitôt j'élève mon prix de b* fiancs,
et voici les conséquences i
« Pour chaque quintal de fer que je livrerai au
— 3o —
public, au lieu de recevoir 10 francs, j'en tou-
cherai 15, je m'enrichuai plus vite; je donne-
rai plus d'étendue à mon exploitation, j'occuperai
plus d'ouvrieis. Mes ouvners et moi ferons plus de
dépense, au grand avantage de nos fouinisseuts à
plusieurs lieues à la ronde. Ceux-ci, avant plus de
débouchés, feront plus de commandes à t'industne,
et de pioche en pioche l'activité gagneia tout le
pays. Cette bienlieuieuse pièce do cent sous que
vous ferez tombei dms mon coffie-foit, comme une
pieire que l'on jette dans un lac, fera lajonnei au
loin un nombie infini de ceicles concentriques. »
Chaimesdece discoins, enchantés d'apprendre
qu'il est aisé d'augmenten letiislativenient la for-
Un^ d'un peuple, les fabricants de loi votèient la
îesUiclion. Que paile-t-on de tiavail et d'écono-
mie? disaient-ils. A quoi bon ces pénibles tnoveiis
d'augmenter la richesse natioinle, puisqu'un décret
y suffit?
Et en effet, la loi eut toutes les conséquences an-
noncées pai M, Piolnbatit: seulement elle en eut
d'auliesaussi ; cai, leudons-lui justice, il n'avait
pas fait un raisonnement faux, mus un laisontie-
nient incomplet. En icclainaiil un privilège, il en
f Viit signalé les effets qu'on voit, laissant dans Pom-
liie ceux qu'on ne voit pas. Il n'avait inonlié que
deux peisonnages, quand il y en a tiois en scène.
C'est à nous de lepaiei ctt oubli involontaire
ou prémédité.
Oui, l'écu détourné ainsi léyslilivemenl vers le
coffie-foit de M, Piohibant, constitue un avantage
pour lui et pour etnx dont il doit encouiagei le
travail. — Et si le déciet avait fait descendic cet
écu de la lune, ces bons effets no sciaient cotitic-
balancés par aucun mauvais effet compensateur
- 36 —
Malheureusement ce n'est pas de la Urne que sort
la mystérieuse pièce de cent sous, mais bien de la
poche d'un forgeron, cloutier, chairon, maréchal,
laboureur, constructeur, en un mot, de Jacques
Bonhomme, qui la donne aujourd'hui sans recevoir
un milligramme de lei de plus que du temps où il
le payait 10 fiancs. Au pienuei coup d'oeil, on doit
s'apeicevoii que ceci change bien la question, car
bien évidemment le profit de M. Prohibant est
compensé pai la pe) te de Jacques Bonhomme, et
tout ce que M. Pioliibant pouiia faire de cet écu
pour l'encouiagement du tiavail national, Jacques
Bonhomme l'eût lait de même. La pierre n'est jetée
sui un point du lac que puce qu'elle a élélégisla-
tiveinenl empêchée d'êtie jetée sur un autre,
Donc ce gu'on ne voit pas compense ce qu'on voit,
et jusqu'ici il teste, poiu lésidu de l'opéiation, une
injustice et, chose déplorable ! ulte injustice perpé-
trée par la loi.
Ce n'est pas tout. J'ai dit qu'on laissait toujours
dans l'omble un tioîsièmepeisonnage. 11 faut que
je le fasse ici paraîlie, afin qu'il nous révèle une
seconde perte de 5 fiancs. Alois nous aurons le
résultat de l'évolution tout eiiltèie.
Jacques Bonhomme est possesseur do 15 francs,
fruit do ses sueurs. Nous sommes encoie au temps
où il est libre. Que fait-il de ses 15 francs? 11 achèle
un article de modes poui 10 lianes, et c'est avec cet
ailicle démodes qu'il paye mu que l'intermédiaire
paye poui lui) le quintal de fer belge. Il reste en-
coie à Jacques Bonhomme 5 lianes. Il ne les jette
pas dans la rivièie, mais{et c'est ce quson ne voit
pas) il tes donne à un industriel quelconque, par
exemple à un hbiaiie, eonlie le Discours sur Vhis-
toire universelle^ do BossUet.
Ainsi, en ce qui concerne le travail national, il
est encouragé dans la mesure de 15 francs, savoir :
10 francs qui vont à l'article Pans;
5 francs qui vont à la hbiaine;
Et quant a Jacques Bonhomme, il obtient, pour
ses 15 francs, deux objets de satistaction, sivoir :
1° Un quintal de fer;
2° Un lîvie.
Survient le décret.
Que devient la condition de Jacques Bonhomme?
Que devient celle du travail nalional ?
Jacques Bonhomme hviatit ses 15 fiancs jusqu'au
deiniei centime à M» Ptolubant, contie un quintal
de fer, n'a plus que la jouissance de ce quintal de
fer. Il perd la jouissance d'un Ihie ou de tout autre
objet équivalent» H peid 5 fiancs. On en convient,
on ne peut pas ne pas en convenir; on ne peut pas
ne pas convenir que,lorsqUe la îestnclioii hausse le
prix des choses, le consommateur peid la diffé-
rence.
Mais, dit-on, le travail national la gagne.
Noli, il ne la gagne pas; car, depuis le décret,il
n'est encouragé que comme il Pétait avant, dans la
mesure de 15 francs.
Seulement, depuis le tlécict, les 15 fiancs de
Jacques Bonhomme vont à la méltilliugie, tandis
au'avant le décret, ils sepailageaieiit entre l'article
e modes et la librairie.
La violence qu'exeice par lui-même M Piohibant
à la fiotiitète ou celle qu'il y fait exeicer pat la loi,
peuvent être jugées fuit différemment au point de
vue moial. Il y a des gens qui pensent que la spo-
liation peid toute son immoialité pouivu qu'elle
soit légale» Quant à moi, je no sautais imaginer
une circonstance plus aggiavante. Quoi qu'il en
— 38 —
soit, ce qui est certain, c'est que les lèsullats éco-
nomiques sont les mêmes.
Tournez la chose comme vous voudiez, mais ayez s

l'oeil sagace, et vous veirez qu'il ne sort non de bon


de la spoliation légale ou illégale, Nous he nions
pas qu'il n'en sorte pour M. Piohibatit ou son indus-
trie, où si Von veut pour le tiavail national, un pro-
fit de h francs; mais nous a ffu nions qu'il en sort
aussi deux pertes, l'une poui Jacques Bonhomme, qui
paje 15 francs ce qu'il auil pour 10; l'autre pour
le travail national, qui neieçoit plus la différence.
Choisissez celle de ces deux peites avec laquelle il
vous plaise de compenser le piofit que nous avouons
L'autren'enconstilueia pas moins \iiie perte sèche,
Moralité: Yiolentei n'est pas pioduiic, c'est dé-
liuire. Ohl si Violenter, c'était pioduire, nolie
Fiance seiait plus riche qu'elle n'est.
VIII. I.C8 Machines,
« Malédiction sih les machines ! Ghaque année
leur puissance piogiessive voue au paupeifsme dos
millions d'ouvnçis, en leui enlevant le tiavail, avec
le tiavail le salaîie, avec le salaire le pain! Malédic»
lion sui les inachnics ! »
Voilà le cri qui s'élève du piéjugé vulgaire, cl
dont l'écho leteulit dans les joui naux,
Mais maudiie les machines, c'est maudire l'esprit
humain !
Ce qui me confond, c'est qu'il puisse se îcncon-
trci un homme qui se sente à l'aise dans une telle
doctrine.
Car eiitili, si elle est vraie, quelle en est la consé-
quence rigouieusc ? C'est qu'il n'y a d'activité, do
bicn-êlie, do richesses, de bonheur possibles quo
— 39

pour les peuples slupides, frappé» d'Immobilisme
mental, à qui Dieu n'a pas fait le don funeste de
penser, d'observer, de combiner, d'inventer, d'ob-
tenir de plus giands résulttts avec de moindres
moyens. Au contran e, les haillons, les huttes igno-
bles, la pauvieté, l'inanition sont l'inévitable par-
tage de toute nation qui cherche et tiouve dans le
1er, le feo, le vent, l'électricité, le magnétisme, les
lois de la chimie et de la mécanique, en un mot
dans les forces de la nature, un supplément à ses
propres foices, et c'est bien le tas de due avec
Rousseau : « Tout homme qui pense est un animal
dépravé. »
Ce n'est pas lotit: si cette doctrine est Vraie,
comme tous les hommes pensent et inventent,
comme loirs, en fait, depuis le prennei jusqu'au
demîei, etîi chaque minute do leui existence, cher-
chent à faire coopéiei les foices nauuelles à faire
plus avec moins, à réduiie ou leur main-d'oeuvie
ou celle qu'ils payent, à itteindie la plus glande
^soinme possible de satisfactions avec la moindre
{jotnmo possible de tiavail, il faut bien en conclure
3lie l'humanité tout cntièie est cntiaînêc veis sa
écadence, piécisémetil pai celle aspiiation intelli-
gente vers le pi ogres qui tourmente chacun do ses
înctnbies»
Dès lois il doit êtie constaté, par la statistique,
3ueles habitants du Lancastie, fuyant celle patne
es machines, vont cheicher du tiavail en Itlande,
où elles sont inconnues, et, par riiistohe, que la
barbarie assombrit les époques de civilisation, et
que la civilisation bulle dans les temps d'ignoiance
et de barbdiie.
Evidemment il y a dans cet amas de conltadic-
lioiis quelque chose qui choque et nous aveitit que
~40~
le problème cache un élément de so'utîon qui n'a
pas été suffisamment dégagé.
Voici tout le mystôie: derrière ce qu'on voit gît
ce qu'on ne voit pas. Je vais essayer de le mettre en
lumière. Ma démonstration ne pourra être qu'une
répétition de la piecédente, cai il s'agit d'un pro-
blème identique.
C'est un penchant naturel aux hommes d'aller,
s'ils n'en sont empêchés parla violence, vers le bon
marché, — c'est-à-diie vers ce qui, à satisfaction
égale, leur épaignedu travail, — que ce bon mar-
ché leui vienne d'un habile producteur étranger ou
d'un habile producteur mécanique.
L'objection théorique qu'on adresse à ce pen-
chant est la même dans les deux cas. Dans l'un
comme dans l'autre, on lui reproche le tiavail qu'en
appaiente il Happe d inertie. Oi, du travail rendu
non mette, mais disponible, c'est précisément ce
qui le détermine,
Et c'est poinquoion lui oppose aussi, dans les
deux cas, le même obstacle, pratique, la violence.
Le législaleiii prohibe la eoneuirenée éltangèie et
inteidit la concuneiice mécanique. — Cai quel
aulie mo^en peut-il exister d'anèter un penchant
naluictà tous les hommes que de leui ôtei la libellé?
Dans beaucoup de pays, il est viai, le législateur
ne frappe qu'une de ces deux concunencesetse
boine à gémir sur l'autre. Cela ne piouve qu'une
chose! c est que, dans ces pays, le législateur est
inconséquent»
Gela ne doit pasnoussutpiendre. Dans une fausse
voie, on est toujours inconséquent, sans quoi on
tuerait l'humanité» Jamais on n'a vu ni on ne verra
Un principe faux poussé jusqu'au bout. J'ai dit ail-
leuis : l'inconséquence est la limite de l'absurdité,
— 41 —
3'aurais pu ajouter : elle en est en même temps la
preuve.
Venons à notre détnoiistialion ; elle ne sera pas
longue.
Jacques Bonhomme avait 2 francs qu'il faisait ga-
gner à deux ouvneis.
Mais voici qu'il imagine un atiangement de coi-
des et de poids qur abrège le travail de moitié.
Donc il obtient la même satisfaction, épargne
1 franc, et congédie un ouvrier»
11 congédie linouviiei ; c'est ce qu'o7i voit.
Et, lie vovant que cela, on dit : « Voilà comment
la rnisèie suit la civilisation, voila coinnieiit la li-
bellé est fatale à l'égalité. L'esprit humain a fait
une conquête, et aussitôt un ouvuer est à jamais
tombé dans le gotiffte du piupéiislne. Il su peut
cependant que Jacques Bonhomme continue à faire
travailler les deux ouvrais, mais il ne leur donnera
plus que dix sous à chacun, cal ils se feiont con-
currence tlitre eux et s'olîiuont aux labais. C'est
ainsi que les riches deviennent toujouis plus riches
et les ptuvres toujouis plus pauvies. Il laut refaite
la société, »
Belle conclusion et digne de l'exorde!
Heuieusetnent, exoideet conclusion, tout cela est
faux, paice que, deinèie la moitié du phénomène
qu'on voit,\\ y a l'autie moitié qu'on ne voit pas.
Oh ne voit pas le fiatic épargné par Jacques Bon-
homme et les effets nêcessaiies de cette épargne
Puisque, par nnte de son invention, Jtu ques Bon-
homme ne dépense pltis qu'un franc en main d'oeiivre
il la puui suite d'une satisfaction détci minée, il lui
reste un aulie liane.
Si donc il y a dans le monde un ouvrier qui offre
ses bras inoccupés, il y a aussi dans le monde un
- - 42
capitaliste qui oflre son franc inoccupé. Ces deux:
éléments se rencontrent et se combinent.
Et il eslclaii comme le jour qu'enlie l'offre et la
demande du travail, entre l'olfie et la demande du
salaire, le îappoit n'est nullement changé.
L'invention et un ouvrier payé avec le premier
franc font maintenant l'oeuvre qu'accomplissaient
aupaiavantdeux ouvriers.
Le second ouvrier, payé avec le second franc,
réalise une oeuvre nouvelle.
Qu'y a-t-il donc de changé dans le monde ? H y
a Une satisfaction nationale de plus, en d'autres
tenues, l'invention est mie complète gratuite, ult
profit giatuit poui l'humanité,
De la forme que j'ai donnée à ma démonstration,
on pourra t'ner celle conséquence :
« C'est le capitaliste qui îecueille tout le fruit des
machines. La classe salariée, si elle n'en souffte que
momentanément, n'en pi otite jamais, puisque,
d'api es vous-même, elles dé})lacent une poiQondu
tiavail national sans le diminuer, il est vrai, mais
aussi sans {'augmenter, »
Il n'cntto pas dans le |>lan de cet opuscule de
lésoudre toutes les objections. Son seul but est do
combattie un piéjugô vulgahe, Uès-dangereux et
très-iépandu. Je voulais couver qu'une machine
nouvelle ne met en disponibilité un certain nombre
de bras qu'en mettant aussi et forcément en dispo-
nibilité la rémunéiation qui les salarie. Ces bias et
celle îêmunéiatioii se combinent pour produire ce
Su'il était impossible de produite avant l'invention ;
'où il suit qu'elle donne pour résultat définitif un
accroissement de satisfaction à travail égal.
Qui recueille cet excédant de salislaclions?
Qui? C'est d'abord le capitaliste, .'inventeur, le
— 43 —
premier qui se sert avec succès de la machine, et
c'est là la récompense de son génie et de son au-
dace. Dans ce cas, ainsi que nous venons de le voit,
il îéalise sui les frais de production une économie,
laquelle, de quelque lilanièie qu'elle soit dépensée
(et elle l'est toujours), occupe juste autant de bias
que la machine en a fait renvoyei.
Mais bientôt la côncuireiice le foi ce à baisser son
prix de vente dans la mesure de cette économie
même.
Et alors ce n'est plus l'mventeiu qui recueille le
bénéfice de l'invention, c'est l'acheteur du pioduit,
le consommatetu, le public, y compris les ouvneis,
en un mot, c'est l'humanité.
Et ce qu'on ne voit pas, c'est que l'épargne, ainsi
procurée à tous les consommateurs, forme un fonds
où le salaire puise un aliment qui remplace celui
que la machine a tni.
Ainsi, en repienant l'exemple ci-dessus, Jacques
Bonhomme obtient un pioduit en dépensant 2 fiancs
en salaires.
Grâce à son invention, la main-d'oeuvre ne lui
coûte plus que 1 fiane.
Tant qu'il vend le produit au même piix, il y a
un ouvrier de moins occupé â faiie ce produit spé-
cial, c'est ce qu'on voit; mais il y a un ouviiei de
plus occupé pai le fianc que Jacques Bonhomme a
épargné : c'est ce qu'on ne voit pas.
Loisque,pailainatcheiidtuieIledesehoses,Jacques
Bonhomme est îédmt à baisseï de 1 liane le prix du
pioduit, alois il ne léalise plus une épaigno; alois
il ne dispose plus de 1 fianc pont coinniaiidei au
tiavail national une pioduclion nouvelle. Mais, à cet
égaid, son acquéieui est mis à sa place, et cet ac-
quêt eut, c'est l'humanité, Quiconque achète le pio-
«- 44 ~
duit paye 1 franc de moins, épargne i franc, cl lient
nécessairement cette épargne au service du fonds
des salaiies: c'est encore ce qu'on ne voit pas.
On a donné do ce problème des machines une
autre solution, fondée sur les faits,
On a dit • La machine réduit les frais de produc-
tion, et fait baisser le prix du produit. La baisse du
produit provoque un accroissement de consomma-
tion, laquelle nécessite un accroissement de produc-
tion, et, en définitive, l'intervention d'autant d'ou-
vriers ou plus, après l'invention, qu'il en fallait
avant, On cite, à l'appui, l'imprimerie, la filature,
la presse, etc.
Cette démonstration n'est pas scientifique,
Il taudiait en concluie que, si la consommation
du pioduit spécial dont il s'agit restait stationnaire
ou a peu près, la machine nuiiait au tiavail,^— Ce
qui n est pas.
Supposons que dans un pays tous les hommes
portent des chapeaux. Si, par une machine, on par-
vient à en réduire le prix de moilié, il ne s'ensuit
pas nécessairement qu'on en consommeia Je double
Drra-l-on, dans ce cas, qu'une portion de trayail
national a été fiappée d'inertie? Oui, d'après la dé-
monstration vulgaue. Non, selon la mienne; car,
alois que dans ce pays on n'achèterait pas un seul
chapeau de plus, le fonds entier des salaires n'en
demeurerait pas moins sauf; ce qui irait de moins à
l'industrie chapehère se trouverait dans l'économie
réalisée par tous les consommateurs, et irait de là
salarier tout le travail que la machine a rendu inu-
tile, et provoquer un développement nouveau de
toutes les industries.
Et c'est ainsi que les choses se passent. J'ai vu
les journaux à 80 francs, ils sont maintenant à 48.
4i>
— —
G'est une économie de 32 francs pour les abonnés.
11 n'est pas ceitain, il n'est pas du moins nécessaire

que les 32 francs continuent à piendre la direction


de l'industrie du journaliste; mars ce qui est ceitain,
ce qui est nécessaire, c'est que, s'ils ne prennent
cette direction, ils en prennent une autie. L'un s'en
S"it pour recevoir plus de journaux, l'autre cour
se mieux nourrir, un troisième pour se mieux xêlir,
un quatrième pour se mieux meubler.
Ainsi les industries sont solidaires. Elles forment
un vaste ensemble dont toutes les parties commu-
niquent par des canaux secrets, Ce qui est écono-
misé sur l'une profite à toutes. Ce qui impoite,
c'est de bien comprendre que jamais, au grand
jamais, les économies n'ont heu aux dépens du tra-
vail et des salaires.
IX. JLe Crédit.
De tous les temps, mais surtout dans les dernières
années, on a songé à universaliser la richesse en
universalisant leciédît,
Je ne crois pas exagérer en disant que, depuis la
révolution de février, les presses parisiennes ont
vomi plus de dix nulle brochuras préconisant cette
solution du problème social.
Cette solution, lielas a pourbase une pure illusion
1

d'optique, si tant est qu'un illusion soit une base.


On commence par confondre le numéraire avec
les produits, puis on confond le papier-monnaie
avec le numéraire, et c'est de ces deux confusions
qu'on prétend dégager une réalité.
11 faut absolument, dans cette question, oublier
l'argent, la monnaie, les billets et les autres instru-
ments au moyen desquels les produits passent de
— 46 ~
main en main, pour no voir que les produits eux-
mêmes, qui sont la véritable matière du prêt,
Car, quand un laboureur emprunte cinquante
francs pour acheter une chai rue, ce n'est pas en réa-
lité cinquante fiancs qu'on lui piête,c'est la charrue.
Et quand un marchand emprunte vingt mille
fiancs pour acheter une maison, ce n'est pas vingt
mille fiancs qu'il doit, c'est la maison.
L'argent n'apparaît là que pour faciliter l'arran-
gement entre plusieurs pallies.
Pierre peut n'être pas disposé à prêter sa charrue,
et Jacques peut l'être à prêter son argent. Que fait
alois Guillaume? 11 empiunte l'argent de Jacques,
et, avec cet argent, il achète la charrue de Pieire.
Mais, en lait, nul n'emprunte de l'argent pour
l'argent lui-même. On emprunte l'argent pour ar-
river aux produits.
Or, dans aucun pays, il ne peut se transmettre
d'une main à l'aulie plus de produits qu'il n'y en a.
Quelle que soit la somme de numéraire et de
papier qui circule, l'ensemble des emprunteurs ne
peut recevoir plus de charrues, de maisons, d'outils,
d'approvisionnements, de matières premières, que
l'ensemble des prêteurs n'en peut fournir.
Car mettons-nous bien dans la tête que tout em-
prunteur suppose un pi êteur, et que tout emprunt
implique un piêt.
Cela posé, quel bien peuvent faire les institutions
de crédit? C'est de faciliter, entre les emprunteurs
et les prêteurs, le moyen de se trouve! et de s'en-
tendre. Mais, ce qu'elles ne peuvent faire, c'est
d'augmenter instantanément la masse dès objets
empruntés et prêtés.
Il le faudrait cependant pour que le but des ré-
formateurs fût atteint, puisqu'ils n'aspirent à rien
— 47 ~
moins qu'à mellio des charrues, des maisons, des
outils, des approvisionnements, des matières pie-
mières entre les mains de tous ceux qui en désirent,
Et poui cela qu'imaginent-ils?
Donner an prêt la garantie de l'Etat.
Approfondissons la mattèie, car il y a là quelque
chose qu'on voit et quelque chose qu'on ne voit pas.
Tâchons de voir les deux choses.
Supposez qu'il n'y ait qu'une charrue dans le
monde et que deux laboureuis y prétendent.
Pierre est possesseui de la seule charme qui soit
disponible en France, Jean et Jacques désirent l'em-
prnntei. Jean, pai sa probité, par ses propriétés, par
sa bonne renommée, oflre des garanties. Oncroit en
lui; il a du oédit, Jacques n'inspire pas de con-
fiance ou en inspire moins. Naturellement, il arrive
que Pierre prête sa chanue à Jean.
Mais voici que, sous l'inspiration socialiste, l'Etat
intervient, et dit à Pierre : Prêtez votte charrue à
Jacques, jexousgaianlisle remboursement, et Cette
garantie vaut mieux que celle de Jean, car il n'a
que lui pour îépondre de lui-même, et moi, je n'ai
jien, il est vrai, mais je dispose de la fortune de
tous les contribuables : c'est avec leuis deniers qu'au
besoin je vous payerai le principal et l'intérêt.
En conséquence, Piene piête sa chai rue à Jac-
ques : C'est ce qu'on voit.
Et les socialistes se frottent les mains, disant :
Voyez comme notre plan a réussi. Giâce à l'inter-
vention de l'Etat, le pauvre Jacques a une charrue.
I! ne sera plus obligé à bêclier la terie: le voilà sur
la îoute de la foi tune. C'est un bien pour lui et un
profit pour lanation prise en masse.
Eh non 1 Messieurs, ce n'est pas un profit pour la
nation, car xoici ce qu'on ne voit pas,
— 48 -
On ne voit pa> que la charrue n'a été à Jacques
que parce qu'elle ira pas été à Jean,
On ne voit pas que, si Jacques laboure au lieu de
bêcher, Jean sera réduit a bêcher au lieu de labourer.
Que, par conséquent, ce qu'on considérait comme
un accroissement de prêt n'est qu'un déplacement
de pi et.
En outre, on ne voit pas que ce déplacement im-
plique deux piofondes injustices.
Injustice envers Jean, qui, après avoir mérité et
conquis le crédit par sa probité et son activité, s'en
voit dépouillé.
Injustice envers les contribuables, exposés à payer
une dette qui ne les regarde pas.
Dira-l-on que le gouvernement offre à Jean les
mêmes facilites qu'à Jacques? Mais puisqu'il n'y a
qu'une chai rue disponible, deux ne peuvent être
piêlees. L'argument revient toujours à dire que,
grâce à l'intervention de l'Etat, il se feia plus d'em-
prunts qu'il ne peut se faire de prêts, car la charrue
représente ici la masse des capitaux disponibles.
J'ai réduit, il est viai, l'opération à son expres-
sion la plus simple; mais éprouvez à la même piene
de touche les institutions gouvernementales de crédit
les plus compliquas, vous vous convaincrez qu'elles
ne peuvent avoir que ce résultat : déplacer le crédit,
lion Yaccroitre. Dans un payset dans un temps donné,
il n'y a qu'une certaine somme de capitaux en dispo-
nibilité, et tous se placent. En garantissant des in-
solvables, l'Etat peut bien augmenter le nombre des
emprunteurs, faire hausser ainsi le taux de l'intérêt
(toujours au préjudree du contribuable) ; mais, ce
qu'il ne peut faire, c'est augmenter le nombie des
piêleur.s et l'importance du total des piêts.
Qu'on ne m'impute pojht, cependant, une con«
— 49 —
clusion dont Dieu me préserve, Je dis que la loi ne
doit point favoriser artificiellement lesempiunls;
mais je ne dis pas qu'elle doive artificiellement les
entraver. S'il se tiouvo dans notio îégimehypothé-
caire ou ailleurs des obstacles à la diffusion et à
l'application du crédit, qu'on les fasse disparaître ;
rien de mieux, lien déplus juste, Mais c'est là, avec
la liberté, tout ce que doivent demander à la loi des
réfoimateuia dignes de ce nom.

.
X. Ii'Algérie. ,

Mais voici quatre orateurs qui se disputent latri-


bune. Ils parlent d'abord tous à la fois, puis l'un
après l'autre. Qu'ont-ils dit ? De foi t belles choses
assuiémeiil sur la puissance et la giaiuleur de la
France, sur la nécessite de semer jiour récoller,
sur le brillant avenir de notre gigantesque colonie; ,
sur l'avantage de déveiseï au loin le tiop-plem de
notre population, etc., etc., magnifiques pièces
d'éloquence toujours ornées de celte pêioiaison :
« Votez cinquante millions (plus ou moins) pour
faire en Algérie des ports et des loules; poui y
transporter des colons, loin bâtn des maisons, leur
défricher des champs. Par la vous aine/, soulagé le
travailleur fiançais, encoiuagé le travail africain,
et fait fructifier le commerce marseillais. C'est tout
profit.»
Oui, cela est vrai, si l'on ne considère lesdits
cinquante millions qu'à partir du moment où l'Etat
les dépense, si l'on regarde où ils vont, non d'où
ils viennent; si l'on tient compte seulement du bien
qu'ils feront en sortant du coffre des percepteurs,
et non du mal qu'on a produit, non plus que du
bien qu'on a empêché, en les y faisant entrer; oui,
4
— so —
îi ce point de vue boiné, tout est profit, La maison
bâtie en Baibaric, c'est ce qu'on voit; le port creusé
en Baibaric, c'est ce qu'on voit ; le tiavail provoqué
en Barbarie, c'est ce qu'on voit ; quelques bras de
moins en Fiance, c'est ce qu'on voit, Un grand
mouvement de marchandises à Marseille, c'est tou-
jours ce qu'on voit.
Mais il y a autre chose qu'on ne voit pas, C'est
que les cinquante millions dépensés par l'Etat ne
peuvent plus l'êtie, comme ils l'autaient été, par le
contribuable. De tout le bien attribué à la dépense
publique exécutée, il faut donc dédune tout le mal
de la dépense privée empêchée; — à moins qu'on
n'aille jusqu'à dire que Jacques Bonhomme n'aurait
rien fait des pièces de cent sous qu'il avait bien
gagnées et que l'impôt lui ravit; asseition absurde,
cai,s'il s'est donné la peine de les gagner, c'est
qu'il espérait avoir la satisfaction, de s'en servir. 11
aurait fait relevei la clôture de son jardin, et ne le
peut plus, c'est cequ'on ne vottpas. Il aurait fait mar-
nei son champ, et ne le peut plus, c'est ce qu'on ne
voit pas, 11 dînait ajouté un étage à sa chaumièic, et
ne le peut plus, c'est ce qu'on ne voit pas. 11 aurait
augmenté son outillage, et ne le peut plus, c'est ce
qu'onnevoit pas. 11 se seiait mieux nomrj, mieux
vêtu, il alliait mieux lait instiuire ses fils, il auiait
auondi la dot de sa lille, cl ne le peut plus, c'est ce
qu'on ne voitfMs. Il se serait mis dans l'association
des secours mutuels et ne le peut plus, c'est ce qu'on
ne voit pas. D'une paît, les jouissances qui lui s.ont
ôtées, et les moyens d'action qu'on a détruits dans
ses mains ; de l'autre, le tiavail du terrassier, du
chaipentier, du foigeron, du lailleui, du maître
tl c^ole d^son village, qu'il eût encouragé, et qui se
tiouvo anéanti, c'est toujours ce qu'on ne ooit pas.
- 51 —
On compte beaucoup sur la prospérité future do
l'Algérie; soit. Mais qu'on compte aussi pour quel-
que chose lemaïasme dont, en attendant, on fiappo
inévitablement la Fiance, On me montre le com-
merce maisoilldis; mais, s'il se Jfait avec le pioduit
de l'impôt, je montreiai toujours un commeice égal
anéanti dans le reste du pajs. On dit : « Voilà un
colon traiispoitéen Baibarie'j c'est un soulagement
pour la population qui reste dans le pays. » Je ré-
ponds; Comment cela se peut-il, si en tianspoiltnl
le colon à Àlgei, on y a liansporté aussi deux ou
trois fois le capital qui l'aurait fait vivre en Fiance 1?
Le seul but que j'ai en vue, c'est de laue com-
prendie au lecteur que, dans toute dépense publi-
que, dernèio le bien apparent il y a un mal plus
difficile àdiscernei. Autant qu'il est en moi, je
voudrais lui faireprendie l'habitude devoir l'un cl
l'aulie et do tenir compte des deux.
Quand une dépense publique est proposée, il faut
l'examiner en elle-même, abstiaction faite du pré-
tendu encouiagement qui en résulte pour le tiavail,
car cet encouiagement est une chimère. Ce que fait
à cet égard la dépense publique, la dépense privée
Peut fait tout de même. Donc l'intérêt du travail
est toujours hors de cause.
Il n'entie pas dans l'objet de cet écrit d'apprécier
le mérite intrinsèque des dépenses publiques appli-
quées à l'Algérie.
Mais je ne puis retenir une observation générale.
C'est que la piésomption est toujours défavorable
1 M.le ministre de la guene a affirmé dernièrement que
chaque individu transporte en Algérie a coûté a l'État 8,000 tr.
Or, il est positif que les malheureux dont il s*ittit auiaient
trtt.bien vécu en Iratite sur un cipital de 4,000 fr Je de-
mande en quoi 1 on soulage la population française, quiud on
lui ôte un homme et les moyens d'existence de d»ux.
-52-
aux dépenses collectives par voie d'impôt, Pour?
quoi ? Le voici :
D'aboid, la justice en souffre toujours quelque
peu. Puisque Jacques Bonhomme avait sué pour ga-
gner sa pièce de cent sous en vue d'une satisfaction,
il est au moins fâcheux que le lise intervienne pour
enlever à Jacques Bonhomme cette satisfaction et la
conféiei à un autre. Ceites, c'est alors au fisc ou à
ceux qui le font agir à donner de bonnes raisons.
Nous avons vu que l'Etat en donne une détestable
3uand il dit ; « Avec les cent sous, je ferai travailler
es ouvriers,» car Jacques Bonhomme (sitôt qu'il
n'aura plus la cataracte) ne manquera pas de ré-
Eondre : « Morbleu ! avec ces cent sous, je les ferai
ien travailler moi- même. »
Celte raison mise de côté, les autres se présentent
dans toute leur nudité, et le débat entre le lise et le
pauvre Jacques s'en trouve foit simplifié. Que l'Etat
lui dise : « Je te prends cent sous pour payer le gen-
darme qui te dispense de veiller a ta propie sûreté ;
-—pour paver lame que tu traverses tous les jours;
— pour indemniser le magistrat qui fait respecter
la propriété et ta liberté; — pejur nourrir le soldat
qui défend nos frontières, » Jacques Bonhomme
payeia sans mot dire, ou je me trompe fort. Mais si
l'Etat lui dit : ce Je te prends les cent sous pour te
3
donner un sou de pi une dans le cas où tu auras
bien cultivé ton champ 5 <— ou pour faire apprendre
à ton fils ce que tu ne veux pas qu'il apprenne;

ou poui que M. le ministre ajoute un cent unième
plat à son diner ; — je te les prends pour bâtir une
chaumière en Algérie, sauf à te prendre cent sous
de plus tous jes ans pour y entretenir un colon, et
autiescent sous pour entretenir un soldat qui garde
le colon, et autres cent sous poui entretenu un gé~
_ KO

néral qui gaide le soldat, et<\, olç„» il me semblo


entendre le pauvre Jacques s'ecrîer : «'Ce îégime
légal ressemble foi t au i égime do la loiêl de Bonds !
>>
Et comme l'Etat prévoit l'objection, que fait-if? Il
b)ouille toutes thoses; il tait apparaître justement
cette raison détestable, qui déviait êtie sdns in-
fluence sur la question ; il paile de l'effet des cent
sous sur le travail : il montre le cuisinier et le
fournisseur du imnistic; il montre un colon, un
soldat, un généial, vivant sur les cinq fiancs; il
montre enfin ce qu'on voit, et »ant que Jacques
Bonhomme n'aura pas appris a mettre en legard
ce qu'on ne voit pas, Jacques Bonhomme sei a dupe.
C'est pourquoi je m'tfloice de le lui enseigner à
giands coups deiéjielititms.
De ce que les tiept uses publiques déplacent le
travail sans Paccioîiie, il en îésiilte contie elles
une seconde et giave présomption, Déplacer le
tiavail, c'est déplace! les iiavaillenrs, c'est trou-
bler les lois natuielles qui piésident à la distribu-
tion de la population sui le teintone. Quand
50 millions sont laissés au contribuable, comme le
contribuable est pai tout, ils alimentent du travail
dans les quarante mille communes de Fiance; ils
agissent dans le sens d'un lien qui letient chacun
sur sa terre natale; ils se partissent sur tous les
travailleurs possibles et sur toutes les industries
imaginables. Que si l'Elit, sou tuant ces 50 millions
aux citoyens, les accumule et les dépense sur un
point donné, il atlne sur ce point une quantité
proportionnelle de tiavail déplacé, un nombre cor-
respondant de travailleurs dépaysés, population
flottante, déclassée, et j'ose diie dangereuse, quand
le fonds est épuise ! — Mais il arnve ceci (et je rentie
par là dans mon sujet) : cette activité fiévreuse, et
- 34

pour ainsi dite soufflée sur un étroit espace, frappe
tous les îcgatds, c'est ce qu'on voit; le peuple ap-
plaudit, s'éniei veille sur la beauté et la facilité du
procédé, en léclame le renouvellement et l'exten-
sion. Ce qu'il ne voit pas, c'est qu'une quantité
égale de travail, probablement plus judicieux, a été
frappée d'inertie dans tout le icslo de la France,

AI, lîuargno et Im\c,


Ce n'est pas seulement en malièio de dépenses
publiques que ce qu'on voit éclipse ce qu'on ne voit
pas. En laissant dans l'ombre la moitié de l'économie
jiolitique, ce phénomène induit a une iatisse morale.
Il poite les nations à considérer comme antagonis-
tes leurs intérêts moraux et leurs intérêts matériels,
Quoi de plus décourageant et do plus triste ?
Voyez :
Il n'y a pas de père de famille oui ne se fasse un
devoir d'enseigner à ses enfants 1 oidre, l'arrange-
ment, l'esput de conseivation, l'économie, la mo-;
délation dans les dépenses.
Il n'y a pas do icligion qui ne tonne contre le
faste et le luxe. C'est fort bien; mais, d'un autre
côté, quoi de plus populaire que ces sentences :
«Thésauiier,c'cstde»sécheiles veines du peuple.»
« Le luxe des grands fait l'aisance des petits. »
« Les prodigues se ruinent, mais ils enrichissent
l'Etat.»
« C'est sur le superflu du riche que germe le pain
du pauvre. »
Voilà, certes, entre l'idée morale et l'idée sociale,
une flagrante contradiction. Que d'esprits éminents,
après avoir constaté le conflit, reposent en paix !
G'est ce que je n'ai jamais pu comprendre ; car il
_ 55 ~
me semble qu'on ne peut rien épiouver de plus dou-
lomcuxqtte d'apeiccvoii deux tendances opposées
dans l'humanité. Quoil elle arrive à la "dégradation
par l'une comme par l'autre extrémité? Économe,
elle tombe dans la misère! piodigue, elle s'abîme
dans la déchéance morale!
Heuieusement que les maximes vulgaires mon-
trent sous un faux jour l'epaigne et le luvc, ne te-
nant compte que do ces conséquences immédiates
qu'on voit, et non des effets ultérieurs qu'on ne voit
ï>as. Essayons derectifiei cette vue incomplète.
Mondor et son frère Ariste, ayant paitagé l'hé-
ritage paternel, ont chacun cinqiîante mille fiancs
de rentes. Mondor piatique la plulanthrophie à la
mode. C'est ce qu'on nomme un bourreau d'argent.
Il renouvelle sou mobilier plusieurs lois pai an,
«change ses équipages tous les mois; on cite les in-
génieux procèdes auxquels il a îecours pom en avoir
plus tôt fini; bief, il Lut pâlir les vivcuis de Balzac
et d'Alexandre Dumas.
y
Aussi il faut entendio le concert d'éloges qui
toujours l'environne! ce Parlez-nous de Mondor!
vive Mondûi! C'est le bienfaiteui de l'ouvriei ; c'est
la providence du peuple. A la venté, il se vautre
dans l'orgie, il éclabousse les passants; sa dignité
et la dignité humaine en souflient quelque peu...
Mais, bah! s'il ne se îend pas utile par lui-même,
il se rend utile par sa fortune. H lait circuler l'ar-
gent : sa cour ne désemplit pas de fournisseurs qui
se retirent toujours satisfaits. Ne dit-on pas que, si
l'or est rond, c'est pour qu'il îoule? »
Ariste a adopté un plan de vie bien différent. S'il
n'est pas un égoïste, il est au moins un individua-
liste, car il raisonne ses dépenses, ne lecherche que
des jouissances modérées et raisonnables, songe à
— 56 —
l'avenir de ses enfants, et, pont lâcher le mot, il
économise.
Et il faut entendre ce que dit de lui le vulgaire :
« A quoi est bon ce mauvais riche, ce fesse-mat-
Ihieu ? Salis doute, il y a quelque chose d'imposant et
de loue liant dans la simplicité de sa vie; il est d'ail-
leius humain, bienlaisanl,généi eux, x\wsi\ calcule.
11 ne mange juis tous ses leveuus. Son hôtel n'est
pas
sans cesse îespleiidissant el touibillonnanL Quelle
reconnaissance s'acquieit-il parmi les tapissieis, les
canossieis, les maquignons et les coiiliseuisl »
Ces jugements, funestes a la moule, sont fondés
sur ce qu'il y a une chose qui fiappe les yetix : la
dépense du piodlguo; et une autre qui s'y'deiobe :
la dépense égale et même supéiieuie de I économe.
Mats les choses ont été si admuableinent aiian-
gées pai le divin mventeui de l'oidie social, qu'en
ceci, comme en tout, l'économie politique et la
monde, loin de se heuilcr, concoidenl, et que la
sagesse d'Arisfe est non-seulementplus digne, mais
encore plus profitable que la Jolie de Mondor*
Et quand je dis plus piolilable, je n'entends pas
dite seulement pi on table a Ariste, ou mémo à la so-
ciété en géneidl,lndis plus piolilable aux ouvriers
actuels, à I industrie du joui,
Pûtii le ptouvei, il sullit de niûtlio sons l'oeil de
l'espiit ces toiiscquences cachées îles «cfions hu-
maine'' que l'oeil du eoips ne voit pas,
Oui, la piûiiigahlé do Momloi a des effets visi-
bles à tons lesiegatds. chacun peut voîi ses ber-
lines, ses landaus, ses pltaélotis, les mignaides poin-
tu i es de ses plafonds, ses riches tapis, l'éclat qui
jaillit de son hôte). Chacun sait que ses pur sang
courent sur le luri, Les dîtieis qu'il donne à l'hôtel
de Paris ai relent la loule sur le bôulevaid» et l'on
— 57 —
se dit : Voilà un brave homme qui, loin de rien ré-
seivei de ses îevenus, ébièche piobabtement son
capital. — C'est ce qu'on voit.
Il n'est pas aussi aisé de voir, au point de vue
de l'intérêt des tiavailleurs, ce que deviennent les
revenus d'Anste. Suivons-les à la trace cependant,
et nous nous assuieiolis que tous, jusqu'à la der-
nière obole, vont laue tiavaillei de-, crvrrers, aussi
cettamement que les îevenus de Mondor. Il n'y a
que celte différence : la folle déptnse de Mondor
est condamnée à décroîtie sans cesse'et à rencon-
trer un tenue néccssaîie, la sage dépense d'Àtiste
ira grossissant d'année en année.
Et, s'il en est ainsi, celles, l'intérêt public se
trouve d'accord avec la moi aie»
Ariste dépense, poui lui et sa maison, vingt mille
francs par an Si cela ne suffisait pas à son bonheur,
il ne méiileiaît pas le nom de sage, Il est touché
des maux qui pèsent sui les classes pauvies; il se
ci oit, en conscience, tenu d'y appui tet quelque
soulagement, et consacre dix mille francs à des actes
de bienfaisance. — Paimi les négociants, les labri-
cants, les agriculteurs, il a des amis momentané-
ment gèiiés. H slnloitne de h tir situation, afin de
leui vetur en aide avec pnidence et efficacité, et
destine à celte oeuvre ericoie dix mille bancs, *~
Enfiii, il n'oublie pas qu'il a desjillesà tlotei, des
lils auxquels il doit assutei lin avenu, et, en con-
séquence, il s'impose le devoir d'épaigiiei et depla-
cei tous les ans dix mille lianes,
Voici ponc l'emploi de ses ie\enusî
....
1» Dépense peisomielle,
2* Bienfaisance
20,000 francs»
; » . . 10,01*0 *-
¥ Epaigiie.
» ^ ,
......
3» Set vices d'amitié,
»
10,000 —
10,000 —
— 58 —
Reprenons chacun de ces chapitres, et nous ver-
rons que pas une seule obole n'échappe au travail
national.
1° Dépense personnelle. Celle-ci, quant aux ou^-
vriers et fournisseurs, a des effets absolument iden-
tiques à une dépense égale faite par Mondor» Cela
est évident de soi; n'en parlons plus.
2° Bienfaisance. Les dix nulle francs consacrés à
cette destination vont également alimenter l'indus-
trie; ils paiviennent au boulanger, au bouclier, au
maiebanrt d'habits et de meubles. Seulement le
pain, la viande, lesxètements neservent pas direc-
tement à Ariste, mais à ceux qu'il s'est substitués»
Or cette simple substitulion d un consommateur à
un auiie n'affecte en rien l'industrie générale.
Qu'Ai isle dépense cent sous ou qu'if prie un mal-
heureux de les dépenser à sa place, c'est tout un.
3o Services d'amitié. L'ami à qui Ariste prête ou
donne dix mille francs ne les îeçoit pas poui les
enfouir; cela répugne à Vllypothèse. Il s en seil
pour payer des ntaichaiidises ou des dettes» Dans le
premier cas, l'industrie est encouragée. Oseta-t-on
dire qu'elle ait plus à gagner à l'achat par Mondor
d'un pur sang de dix mille francs qu'à l'achat par
Ariste ou son ami de dix mille fiancs d'étoffes? Que
si celte somme seil à payei une dette, tout ce qui en
résulte, c'est qu'il appaïaît unttoisièine personnage,
le créancier, qiiitoUcheia les dix mille Iratics, mais
qui cottes les emploiera à quelque chose dans son
commeice, son usine ou son exploitation, C'est un
ïiiteimédiane de plus enlie Airste et les ouvriers,
Les noms propies changent, la dépense leste, et
Peiicouiagemeiit a rindusiric aussi»
4° Epai gne» Restent les dix mille fuiic* épargnés \
^~ et c'est ici qu*au point do vue de l'ciieouiage-
— 59 -
mentaux arts, àl'indiisliie, au travail, aux ouvriers,
Mondor paraît très-supéneui à Ariste, encore que,
sous le rapport moi al, Ansle se montie quelque
peu supéueui à Mondor.
Ce n'est jamais salis un malaise physique, qui va
jusqu'à la souffrance, que je vois l'apparence de
telles contradictions entre les giandes lois de la na-
luie, Si l'humanité était léduite à opter entre deux
paitis dont l'un blesse ses intéiêts et faillie sa con-
science, il ne nous resteuit qu'à désespéiei de son
avenu. Honteusement il n'en est pas ainsi. —Et,
pourvoir Ansle lepiendie sa supériorité économi-
que, aussi bien que sa supériorité moialo, il suifit
de compiendto ce consolant axiome, qui n'en est
pas moins viai pour avoir Une physionomie para-
doxale : Épargner, c'est dépenser.
Quel est le but d'ÀnsIe en économisant dix mille
francs? Est-ce d'enlonîi deux mille pièces de cent
sous dans une cachette do son jaidin? Non celtes,
il entend giossii son capital et son levenu En con-
séquence, cet argent qu'il n'emploie pas à acheter
des satisfactions personnelles, il s'en sert pour ache-
ter des telles, une maison^ des rentes sur l'Etat, des
actions industrielles, ou bien il le place chez un né-
gociant ou un baiiqUîet» Suivez les écus dans toutes
ces hypothèses, et vous vous convaiuciez que, par
l'intermédiaire des vendeuis ou empitmteuis, ils
vont aiiinenlet du travail tout aussi sûieinent que
ri Ariste, à l'exemple de son fièie, les eût échangés
contie des meubles, des bijoux et des chevaux.
Car, lôisque Ariste achète pour dix mille fiancs
de leiresou de lentes, il esl déterminé pal laconsi-
dàalion qu'il n'a pals besoin iledépenseï eeltesommc,
puisque c'est ce dont vous lui faites un grief.
Mais, île même, celui qui lut vend la tene ou la
— 60 -
rente est déterminé par celte considération, qu'il a
besoin de dépenser les dix mille fiancs d'une ma-
nière quelconque.
De telle sorte que la dépense se fait dans tous les
cas, ou par Ariste ou par ceux qui se substituent à lui.
Au point de vue de la classe ouvrière, de l'encou-
ragement au tiavail, il n'y a doue, entre la conduite
d'Ariste et celle de Mondor, qu'une différence. La
dépense de Mondor étant directement accomplie
par lui, et autour de lui, on la voit, Celle d'Ariste,
s'exécutant en partie par des intermédiaires et au
loin, on ne la voit pas. Mais, au fait, et pour qui sait
rattacher les effets aux causes, celle qu'on ne voit
pas est aussi certaine que celle qu'on voit» Ce qui le
prouve, c'est que dans les deux cas les écus circu-
lentt et qu'il n'en reste pas plus dans le coffre-fort
du sage que dans celui du dissipateur.
Il est donc faux de dire que l'êpargric fait un tort
actuel à l'industrie. Sous ce rapport, elle est tout
aussi bienfaisante que le luxe.
Mais combien ne lui est-elle pas supérieure, si la
pensée, au lieu de se renfermer dans l'heure qui fuits
embrasse une longue période 1
Dix ans se sont écoulés. Que sont devenus Mondor
et sa fortune, et sa grande popularité? Tout cela est
évanoui. Mondor est ruiné; loin de lépandre soixante
mil le lunes, tous [es ans, dans le corps social, il lui
est peui-ètre à charge. En tous cas, il ne fait plus
la joie de ses fournisseurs, il ne compte plus comme
Etotnoteur des arts et de l'industrie, il n'est plus
on à rien pour les ouvriers, non plus qtie sa race,
qu'il laisse dans la déltesse.
Au bout des mêmes dix ans, non-seulement Ariste
continue à jelet tous ses îcvcims dans la circulation,
mais il y jette des revenus croissant d'aimée en
— 61 -
année. Il grossit le capital national, c'est-à-dire le
fonds qui alimente le salaire, et comme c'est de
l'importance de ce fonds que dépend la demande
des bras, il contribue à accroître progressivement
la rémunération de la classe ouvrière. Vient-il à
mourir : il laisse des enfants qu'il a mis à même de
le îemplacer dans cette oeuvre de progrès et de ci-
vilisation,
Sous le rapport moral, la supériorité de l'épaigne
sur le luxe est incontestable. 11 est consolant de
penser qu'il en est de même, sous le rapport écono-
mique, pour quiconque, ne s'airêtant pas aux effets
immédiats des phénomènes, sait pousser ses inves-
tigations jusqu'à leurs effets définitifs.
XII» Droit au Vratall, droit att Profit.
« Frères, cotisez-vous pour me fournir de l'ou-
vrage à votre prix. » G'est le droit du travail, le so-
cialisme élémentaire, ou de premier degré.
« Frères, cotisez-vous pour me fournir de Vou-
vrago à mon prix* » C'est là le droit au prolit> le so-
cialisme raffiné, ou de second degré»
L'un et l'autre vivent par ceux de leurs effets
qu'on voits Ils tnoutronl par ceux de leurs effets
qu'on ne voit pas.
Ce qu'on voit, c'est le tiavail et le profit excités par
la cotisation sociale, Ce qu'on ne voit pas» ce sont les
travaux et les profits auxquels donnerait lieu cette
même cotisation, si on la laissait aux contribuables.
En 1848, le droit au tiavail se montre on moment
soits deux laces, Cela suffit pont le ruiner dans l'opi-
nion publique.
L'une de ces faces s'appelait ! Atelier national,
I/autlO ! Quaixmte-mig; centimes.
— 62 —
^es millions allaient tous les jours de la îue de
Rivoli aux ateliers nationaux. C'est le beau côté de
la médaille.
Mais en voici le revers. Pour que des millions
sortent d'une caisse, il faut qu'ils y soient entrée.
C'est pourquoi les oiganisateurs du droit au tiavail
s'adressèrent aux contribuables.
Oi, les paysans disaient: Il faut que je paye 45cen-
titnes.
. Donc, je me priverai d'un vêlement; je ne
marnerai pas mon champ, je ne réparerai pas ma
maison.
Et les ouvricis dès campagnes disaient : Puisque
notre bourgeois se prive dun vêtement, il y aura
moins de Uav ail pour le tailleur. Puisqu'il ne marne
pas son champ, il y aura moins de tiavail pour le
terrassier, Puisqu'il lie fait pas réparer sa maison,
il y aura moins de travail poui le charpentier et le
maçon,
11 fût alors prouvé qu'on ne lire pas d'un sac
deux moutures, et que le travail soldé par le gou-
vernement se fait aux dépens du travail payé par le
contribuable. Ce fut là la mort du dioit au travail,
qui apparut comme une chimère autant que comme
Ulie injustice,
Et cependant, le dioit au profit, qui n'est que
l'exagération du droit au tiavail, vit encore et se
porte à merveille.
N'y a-l-il pas quelque chose de honteux dans lô
îôle que le protectionniste fait jouer à la société?
H lui dit!
Il faut que tu me donnes du travail* et* qui plus
est, duïuvdil luciatif. J'ai sottement choisi une in-
dustrie qui me laisse 10 pour 100 de pet le. Si lu
frappes uiio contribution de vingt francs sur mes
compatriotes, et si lu me la livrer ma perte se «m*
— 63 —
vertira en profit. Or, le profites! un droit; lu me
le dois.
La société qui écoute ce sophiste, qui se çhaige
d'impôts pour le satisfaire, qui ne s'aperçoit pas que
la perte essuyée par une industrie n'en est pas moins
une perle paice qu'on foicc les autres à la combler,
cette société, dis-je, mérite le fardeau qu'on lui in-
Jhge.
Ainsi, on le voit par les nombreux sujets que j'ai
parcouius, ne pas savoir l'économie politique, c'est
se laisseï éblouir pai l'effet immédiat d'un phéno-
mène; la savon, c'est embiasser dans sa pensée et
dans sa prévision l'ensemble des effets,
Je pouirais soumettre ici une foule d'autres ques-
tions à la même épieuve. Mais je recule devant la
_

monotonie d'une déinonslialion toujouis unifoitnc,


et je tei mine en appliquant à l'économie politique
ce que Ghateaubriand dit de l'histoiic:
ce
11 y a, dit-il, deux conséquences en histoire:
l'une immédiate et qui est à l'instant connue, l'autre
éloignée et qu'on n apoiçoit pas d'abord. Ces con-
séquences souvent seconltediseiit ; les unes viennent
de notte comte sagesse, les autres de la sagesse per-
durable. L'événement piovidentiel appâtait apiès
l'événement humain. Dieu se lève deinère les hom-
mes» Niez tant qu'il vous plaila le supiéme conseil,
lie consentez pas à son action, disputez sut les mots,
appelez force des choses ou raison ce que le vulgaîie
appelle Piovidence; mais regardez à la fin d'un lait
accompli, et xous>euez qu'il a toujottis produit le
contiane de ce qu'on en attendait, quand il n'a point
été établi d'aboi d sm (a moi aie et la justice. »
(CIIYÏLAIÏII IAM), JjVwtyim d'oxtlic-tombe,)

nx.
OEUVRES DE F. BASTIAT.

OEUVRES COMPLÈTES.
CORRESPONDANCE et Notice sur l'auteur. 1 vol.
LE LIBRE ÉCHANGE (Articles publies dans), t vol.
COBDEN ET LA LIGUE, ou l'Agitation anglaise pour la
liberté des êclntiges. 1 vol.
SOPHISMES ÉCONOMIQUES ET PAMPHLETS.'2 vol.
HARMONIES ÉCONOMIQUES. I vol.
MÉLANGES (Essais, Ebauches, Correspondance). I vol»
7 vol, in-8<>. Pux: brochés, 35 fr»; demi-reluire, 49 fr»
7 vol rii-18. Prix! brochés, 24 fr, 50; demi-reh, 35 fr,
(Chacun de ces ouvrages se vend séparément,)
OEUVRES CHOISIES.
SOPHISMES ET PAMPHLETS, 2 vol,
HARMONIES ÉCONOMIQUES, 1 vol.
3 vol. iti-18. Prix; brochés, 10 fr. 50; demi-reî., 15 fr.
ÉDITION FORMAT IX-1G.
CE OU ON VOIT ET CE QU'ON NE VOIT PAS...» » 50
8ÛPHISME8. 2 voL...,.., ». 2 »
uRATUlTÉ DU CRÉDIT, t VoL...,....,,,..»... 1 ?5
PAMPHLLTS i PROPRIÉTÉ ET LOI; JUSTICE ET
FRATERNITÉ » 40
CAPITAL ET
..,..,,».,......,
RENTE
— »» » 40
L'ÉTAT ; MAUDIT ARGENT
— » 40
BACCALAURÉAT ET SOCIALISME....
— » GO
»- SPOLIATION ET LOI,......,.»,... * 40
w LA LOI,,,,.,»,..»,,.»., >.
» 50
Sont épuisés; — Prottàïffîisme jt
Communisme} —
jpàr'âî cl Liberté} -ffiçSpmié eispoliation,

Saint-Denis, — IlnpHmfet'IôiUb./IiXvttyf&n ti> ruo Je Paris.


Baudrlllart. Manuel de l'Économie politique 1 vol
in-18. Prix : 4 francs.
Itapct Manuel populaire de Morale et d'Économie po-
litique. 1 \ol in-18 Prix 3 fr 50.
damier (JOSEPH) ïraité d'Économie politique 1 vol
ni-i8, Prix. 7 fr. 50
I»e Hardy de Bcaulleu. Traité élémentaire d'Éco-
nomie politique l vol. 'n-18rfPnx : 4 francs
Say (J.-B.). Traité d'Économie politique 1 vol m-18.
Prix : 4 francs.
t
Cours complet d'Économie politique pratique. 2 vol.

grand rn-8*. Prix : 20 francs.
Bastlat (P.). OEuvres choisies, 3 vol in-18
Prix MO fr. 60.
Blanqui» Histoire de l'Économie pohtique.2vol m-lS.
Prix : 6 francs.
BOBSI. Cours d'Économie politique, fait au Collège de
France, 4* êdlt 4 vol» in-8° Prrx : 30 franco.
Adntn Snilth, Recherches'inr la natuie et les cours
de .la richesse des nations. 3 vol grand in-18.
Prix. 10fr. 50.
Chcrbtillez (A.-E ). Précis de la «science économique
et de ses principales applications 2 vol. in-S°.
Prix : 15 francs.
Mlll (J.-S.). Principes d'Économie politique» 2 vol.
m-8». PrixJ: 16 francs.
Baudrlllart (H,), Dés rapports de la Morale et de
l'Economie politique. 1 fort vol. in-8°. Prix : 7 fr, 50.
Dameth, Introduction a l'étude de l'Économie poli-
tique, cours public professé h Lvon, 2' tdit 1 vol.
m-S». Prix : 7 fr. 50.
IHctloimnlrc de l'Économie politique. 2 vol, gi
rn-8'. Prix : 50 franc.

You might also like