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167-A-10

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 167-A-10

Gynécologie psychosomatique
S Mimoun

Résumé. – Dans cet article, nous avons voulu donner divers éclairages des aspects psychosomatiques qui
traversent le champ gynécologique. Il ne prétend pas être exhaustif.
Plutôt que de nous focaliser sur la théorie, nous avons préféré donner la parole à la clinique, en particulier
dans les situations chroniques ou répétitives, dans lesquelles l’approche psychosomatique a un intérêt
incontestable.
La sexualité a émaillé différentes parties de l’article, puisque quand la femme a des difficultés sexuelles, elle
s’adresse au spécialiste de la partie génitale qu’est le gynécologue et, si celui-ci est sensibilisé aux
interrelations existant entre la psyché et la sphère gynécologique, il va de fait prendre en compte la sexualité.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : gynécologie psychosomatique, sexualité, chronicité, troubles répétitifs.

Introduction Dans l’interrogatoire, nous tenons compte de ce que nous entendons,


mais aussi ce que nous voyons. Les attitudes, les gestes sont
L’approche psychosomatique en gynécologie n’est pas un idéal importants à noter. Mais c’est souvent la parole qui donne sens à ces
humaniste, mais une réalité, une nécessité pratique, d’autant plus signaux. Pour se développer, la parole de la malade a besoin d’un
essentielle que l’hypertechnicité de la médecine actuelle risque espace et d’un temps. Quand la parole sort, il faut savoir l’entendre,
d’induire une dépersonnalisation du rapport médecin-malade. c’est-à-dire la comprendre, dans son manque et dans ses failles.
Rappelons-nous que la tâche du médecin consiste à guérir le malade Nous avons conscience que tout patient ne souhaite pas toujours,
et non la maladie. ou n’est pas prêt à ce qu’on lui laisse un espace afin qu’il l’occupe
Le champ de la gynécologie psychosomatique est celui de la par sa parole. Il nous paraît important cependant d’être attentif à ce
recherche multidisciplinaire tant sur le plan théorique que clinique. qu’il cherche à exprimer.
En fait, malades et médecins parlent de la maladie et croient se
Qu’est-ce que l’approche comprendre. Mais il s’agit d’un « dialogue de sourds ». Le temps de
la maladie n’a pas été intégré par la malade.
psychosomatique ?
Aussi, lors des premières consultations, pour éviter de rompre la
Il s’agit d’une écoute qui, avec l’examen clinique, peut aider la relation, nous partons du symptôme et nous tournons autour en
patiente à devenir « sujet » de sa demande. « spirale », afin de connaître le vécu de la patiente, son histoire, ses
Par le biais de cette approche, nous pouvons rencontrer des patientes émotions.
qui se plaignent de n’importe quel trouble gynécologique sans Lors de l’examen clinique, il n’est pas rare que le discours change
spécificité, bien que cette approche soit plus particulièrement utile quand on passe du bureau à la salle d’examen.
quand les troubles ont tendance à se « chroniciser », ou quand ils
sont associés à un vécu anxieux et/ou dépressif, à moins que celui-ci TROUBLE FONCTIONNELS
ne soit induit par eux.
Du fait même de sa position de médecin, le gynécologue
La plainte du patient, surtout si elle est répétitive, est une souffrance
psychosomaticien est à la bonne place pour appréhender les malades
corporelle, qui témoigne cependant dans bien des cas, d’un mal-être
qui ont des lésions somatiques chroniques et peut-être plus
existentiel ou relationnel. Et quand un malade « offre » au médecin
spécifiquement encore les malades dits fonctionnels.
la liste de ses symptômes, ils sont « enveloppés » dans sa
subjectivité. Il nous faut en tenir compte. En partant du symptôme mis en avant par la patiente, nous la
laissons parler de ce symptôme et de ce qu’elle perçoit autour de
TEMPS DE LA MALADIE, TEMPS DU MALADE lui. Chemin faisant le temps de la maladie prend un autre sens et un
autre vécu pour elle. Elle comprend mieux nos interventions, elle y
Dans les consultations à sensibilité psychosomatique nous
participe, elle se met moins en dehors de la consultation, en attente
interrogeons, examinons, et nous nous servons des moyens
passive et irresponsable de tout ce qu’on peut lui proposer.
thérapeutiques que la médecine met à notre disposition, comme tout
médecin. Lors de ces rencontres avec la patiente, nous préférons les questions
plus générales qui laissent le champ libre aux associations, qui
laissent un espace et un temps d’élaboration, plutôt que les
questions trop précises réductrices.
Sylvain Mimoun : Gynécologue, psychiatre, responsable de l’« unité de gynécologie psychosomatique »,
service de gynécologie-obstétrique, hôpital Robert Debré (professeur JF Oury), 48, boulevard Sérurier,
Indépendamment de la connaissance de l’effet pharmacologique de
75019 Paris, France. telle ou telle molécule, nous essayons de privilégier les interactions

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mimoun S. Gynécologie psychosomatique. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Gynécologie, 167-A-10, 2003, 8 p.
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entre ce qui est prescrit et le soutien psychothérapique. La grand nombre d’actes chirurgicaux [10]. D’après la méta-analyse
prescription peut n’être faite que de conseils à suivre. d’Howard citée par Dellenbach [15] 40 % des cœlioscopies et 12 % des
Dans les cas organiques chroniques, la prescription médicamenteuse 600 000 hystérectomies annuelles réalisées aux États-Unis sont faites
n’est pas utilisée dans le seul but de supprimer les symptômes, mais pour des douleurs pelviennes chroniques.
aussi et surtout pour mobiliser l’économie psychique de la patiente. La douleur pelvienne peut être associée à des dyspareunies
Nous pouvons la guider en fonction de ce qu’elle nous dit, des effets (douleurs pendant les rapports sexuels) dans 4 à 28 % des cas [33].
bénéfiques ou néfastes qu’elle ressent au cours du déroulement – Recherche des causes médicales
thérapeutique, mais nous ne pourrions pas grand-chose, même avec
On recherchera dans l’arbre diagnostique : une infection génitale
nos médicaments, si nous restions seuls contre la maladie.
chronique accompagnée de séquelles adhérentielles et de
Progressivement alors, elle prend parfois du recul par rapport à ses dysfonctionnement ovarien, une dystrophie ovarienne ou des kystes
symptômes pour devenir un allié thérapeutique contre son trouble. fonctionnels ou organiques de l’ovaire, une endométriose, des
Ce soutien psychothérapique l’aide à dédramatiser la situation, à varices pelviennes, les complications des fibromes en nécrobiose, un
réduire ses angoisses et à se sentir moins débordée par la maladie. cancer génital infecté ou à un stade avancé. Les rétroversions
Le rôle du gynécologue sensible à l’abord psychologique, pourrait utérines sont classiquement décrites, mais elles sont rarement en
être : cause.
– d’éviter les surenchères médicales tant diagnostiques que Le syndrome de Masters et Allen lié à la déchirure obstétricale de la
thérapeutiques, ainsi que le risque iatrogène ; face postérieure du ligament large entraîne des dyspareunies
paroxystiques.
– d’écouter la plainte et de contenir l’angoisse ; Dans la zone pelvienne, il peut y avoir aussi des lésions d’organes
– de pouvoir assurer l’accompagnement psychologique des malades non gynécologiques (douleurs vésicales, digestives, ou
organiques. rhumatologiques).
Pour la femme, ce symptôme a peut-être un autre sens (conscient ou
inconscient), surtout si la douleur persiste depuis plusieurs mois ou
Symptômes et plaintes chroniques plusieurs années [13].

Pour illustrer des aspects pratiques des consultations de gynécologie ¶ Vulvodynies chroniques
psychosomatique, nous allons aborder quelques symptômes et Les vulvodynies sont des douleurs de la vulve, ou de l’entrée du
quelques plaintes chroniques ou répétitives : les douleurs vagin, à type de brûlure, d’irritation, picotement,... pouvant être
pelviennes, vulvaires chroniques, l’infertilité, la contraception et son permanentes, donc même en dehors des rapports sexuels (à la
ambivalence, les cancers du sein, la ménopause et enfin les multiples différence des dyspareunies).
aspects de la plainte sexuelle. Ce symptôme fait souvent évoquer à tort une mycose d’autant que
dans ces cas, les femmes s’automédiquent par des antifongiques
locaux.
DOULEURS GYNÉCOLOGIQUES CHRONIQUES
La zone vulvaire est un lieu d’une sensibilité intense tant pour le
La prise en charge des douleurs gynécologiques chroniques (trouble plaisir que pour la gêne ou la douleur. Quand celle-ci devient
durant depuis plus de 6 mois) est sans doute un des meilleurs obsédante, récalcitrante, la répercussion sur le psychisme est
exemples de la mise en pratique de l’approche psychosomatique. obligatoire et ce, même si des causes organiques existent [4].
Du côté de la femme, la sphère gynécologique se meut dans une Citons très partiellement les causes organiques : il y a les causes
tonalité affective et émotionnelle qui n’abordent pas les causes infectieuses (vulvovaginites mycosiques bactériennes ou parasitaires,
médicales. les causes iatrogènes (toilettes ou irrigations vaginales répétées,
utilisation intempestive de tampons périodiques en dehors des
¶ Importance des causes psychologiques périodes de menstruation, les hypotenseurs et neuroleptiques, les
Quand elle touche la zone génitale, la part relationnelle de l’algie est suites opératoires de lésions vulvovaginales, les causes générales
souvent au premier plan. L’agressivité vis-à-vis du partenaire, le (diabète, dépressions, certaines affections neurologiques)..., les
refus, voire la culpabilité vis-à-vis du plaisir sexuel, sont causes hormonales (avec essentiellement les carences
fréquemment les premières causes apparentes de ces douleurs. œstrogéniques).
Même si l’angoisse n’a pas participé à l’installation de la douleur, il La plupart du temps, quand une femme vient nous consulter, elle
est évident qu’elle est un des facteurs importants du maintien de sa parle de mycose à répétition, d’autres fois, ce sont les signes
chronicité. urinaires qui sont au premier plan : pollakiurie, miction impérieuse,
cystalgie, trouble de la continence... Mais quelquefois, derrière cette
Si une femme n’a pas de lésion organique et qu’elle manifeste son
plainte, on ne retrouve que... le manque de lubrification [41] et un
mal-être par des douleurs physiques, c’est sur ce terrain qu’il sera
manque de désir sexuel.
plus facile de l’accompagner. Et si elle a des lésions organiques, cela
ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir une implication Le pronostic et la conduite à tenir ne sont pas les mêmes si l’examen
psychologique de cette douleur dans son histoire. gynécologique est possible, voire assez facile, ce qui est plutôt de
bon augure, ou si au contraire, le simple contact de la vulve est vécu
E Ferragut distingue deux types de population de patientes [17] :
comme insupportable. Chez certaines femmes, la peur (véritable
– celles ayant des douleurs « centrifuges » (la douleur est destinée à phobie) de la pénétration peut être telle, que même la simple
autrui, à l’environnement, à la famille...) ; évocation imaginaire de celle-ci est intolérable.
– celles dont les douleurs centripètes viennent focaliser la souffrance Par ailleurs, n’oublions pas qu’un certain nombre de frustrations
indicible d’un manque à être. De ce fait elles aident à survivre. sexuelles féminines sont induites par un trouble sexuel masculin
comme l’éjaculation prématurée ou les troubles de l’érection par
Dans un but didactique, nous aborderons successivement les exemple.
pelvialgies, puis les vulvodynies et nous dirons quelques mots de la
prise en charge thérapeutique dans ce contexte spécifique. ¶ Aspects thérapeutiques des douleurs gynécologiques
chroniques
¶ Douleurs pelviennes chroniques
Le rôle du médecin n’est pas d’ « expliquer » à la malade par des
Pour beaucoup d’auteurs, la douleur pelvienne est a priori interprétations simplistes et réductrices, les facteurs psychologiques
considérée comme ayant une origine organique, ce qui induit un qui peuvent interférer avec ce qu’elle ressent.

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Rôle du médecin Psychogénicité et organicité ne s’opposent pas, elles s’engendrent


l’une l’autre.
Le fait de donner quelques explications psychophysiologiques du
phénomène douloureux chronique et du « plan thérapeutique » De nombreux médecins de la reproduction souhaitent une
progressif, quasi « rééducatif » va aider les patientes. coopération avec les « psy » pour que ces derniers puissent
Elles comprennent et acceptent très bien l’idée de l’épine irritative, découvrir l’inconscient des patientes, pour mieux cibler les
de la dyesthésie cutanée, de la névralgie locale ou de l’inflammation, indications et peut-être avoir de meilleurs résultats ? Or on ne peut
mais le plus important à ce moment-là, c’est de leur faire prendre faire une psychanalyse pour supprimer le symptôme « stérilité », ou
conscience que : n’importe quel symptôme. Le travail psychanalytique c’est de
considérer ce symptôme-là comme une question refoulée oubliée,
– ce symptôme peut disparaître ; méconnue...
– que cela se fera lentement et très progressivement au début, Par esprit didactique, nous allons suivre deux directions qui
beaucoup plus rapidement par la suite ; pourraient être complémentaires, en abordant les travaux sur
l’impact du stress, et ceux qui s’appuient sur la psychanalyse.
– mais que cela dépendra aussi de leur envie d’en sortir et de leur
participation active dans le traitement. Les travaux sur le stress parlent plus aux médecins car ils suivent le
Soulignons cependant que, quelquefois, il vaut mieux respecter la même type de raisonnement cohorte, population, témoin..., alors que
douleur quand elle est « un moindre mal » et que sa suppression, si ceux qui s’appuient sur la psychanalyse ne tiennent compte que de
tant est que l’on puisse le faire, fait courir le risque d’une ce qui est dans l’histoire particulière du sujet peut avoir valeur de
décompensation psychologique (angoisse majeure, accès dépressifs référence chez un grand nombre, car comme toujours en
sévères...). psychopathologie, le particulier illustre le général.
« Respecter », ne veut pas dire « absence de soulagement », nous dit Nous n’en sommes plus à l’époque où la psychogénicité n’était
Ferragut [17]. Le but est en fait d’aider le sujet à vivre. Il ne s’agit pas envisagée qu’en l’absence de cause organique décelée. En effet, il
de faire taire la plainte, mais au contraire de la laisser s’exprimer, vaut mieux parler dans ces cas d’infertilité inexpliquée.
s’élaborer, se reformuler autrement. C’est surtout le stress, l’anorexie mentale et les anomalies
d’ovulations qui sont abordés dans les différents travaux. Pour les
Prise en charge thérapeutique causes masculines, la psychogenèse la plus apparente se manifeste
par des difficultés sexuelles empêchant la procréation : éjaculation
En pratique, quand le médecin rencontre des algies chroniques il
prématurée très précoce, ante-portas ou perte de l’érection
devrait se demander s’il souhaite prendre en charge complètement
permanente ou au moment de l’ovulation. La question reste ouverte
cette patiente [35], tant pour les aspects physiologiques organiques
entre l’anxiété (que la partenaire ne soit pas enceinte), l’angoisse de
que psychologiques, ou s’il préfère faire le tri diagnostique et
performance (à l’idée d’être « obligé de réussir » le rapport sexuel),
l’adresser à un confrère.
ou l’ambiguïté du désir d’enfant.
En effet, mettre en place un traitement symptomatique ne suffit pas
le plus souvent. L’information psychophysiologique de ce qui lui Explications psychodynamiques
arrive, la prise en compte émotionnelle aide la patiente à se déloger
d’une position passive. Créac’h, Stoléru et Cornet [12] ont réalisé sans doute une des seules
De nombreuses méthodes thérapeutiques ont été proposées pour études alliant la méthodologie scientifique avec les concepts
lutter contre la douleur. Des méthodes qui vont des analgésiques psychodynamiques de la psychanalyse.
périphériques et morphiniques aux antidépresseurs et aux La difficulté de la prise en compte de la psychanalyse dans
approches dites psychologiques, telles que l’hypnose, la relaxation, l’éclairage des facteurs psychiques de l’infertilité c’est que cette
les thérapies cognitivocomportementales, etc. science de l’esprit se met sur un autre terrain que celui de la
La perception de la douleur chronique peut se diviser en trois parties médecine technicienne.
disait Milton Erickson cité par V Simon [37]. Elle est constituée des « La stérilité a un sens humain qui est à chercher dans l’histoire, dans la
réminiscences des expériences douloureuses passées et par mémoire de chaque femme. » nous dit Guérin [18].
l’expérience présente, amplifiée de la crainte de la douleur future. Le corps du vivant humain n’est pas réductible au corps biologique
Vue sous cet angle, la douleur actuelle ne représenterait donc qu’un (qui est un corps anonyme, standard).
tiers de l’expérience vécue. On pourra se servir de cette réalité-là
Il n’existe pas de structure psychique particulière de la femme
dans l’approche thérapeutique.
stérile, mais néanmoins on rencontre peu de femmes stériles dont le
C’est ainsi que la patiente peut se trouver dans un autre champ dans lien à sa mère est pour elles une présence paisible, lien vivant, serein,
lequel l’objectif n’est plus de supprimer le symptôme coûte que réconcilié.
coûte, mais de se servir de l’ouverture ainsi créée pour sortir du
cercle autoentretenu qui peut se former entre la frustration, Une double condition serait nécessaire à la fertilité féminine, nous
l’angoisse et la douleur. dit cet auteur [18] :
– accepter d’être née de cette mère-là, dont la représentation est plus
ou moins refoulée, oubliée ;
Approche globale en gynécologie – la deuxième condition serait d’être séparée de cette mère-là. N’être
psychosomatique ni elle, ni son enfant. Avoir été son enfant mais ne plus l’être.
Le père aussi a une importance dans la stérilité féminine.
INFERTILITÉ Ce qui féconde la femme, c’est l’idée même de l’existence d’un père.
L’abord de l’infertilité illustre très bien l’approche globale utilisée Mais certaines femmes ont une telle nostalgie du père de leur petite
en gynécologie psychosomatique, approche qui tient compte de enfance qu’elles ne peuvent pas concevoir un enfant avec l’homme
l’enchevêtrement nuancé et répétitif du psychique et du biologique. de leur génération qu’elles ont pourtant choisi [7].
Quelquefois, c’est la fécondité psychique qui fait obstacle à la
¶ Stress fécondité physique. « La fécondité psychique est celle de la femme stérile
Autant quand on observe une obturation tubaire, on peut considérer déjà mère d’un enfant qu’elle n’a pas engendré » [18].
que celle-ci participe à l’infertilité, autant quand il y a une Il peut s’agir par exemple d’une femme qui a élevé son petit frère,
ambivalence du désir d’enfant, il est difficile d’affirmer que c’est après le décès de sa mère, morte en accouchant. Ce frère a valeur
celle-ci qui est à l’origine de la non-survenue de l’enfant. d’enfant pour elle. Il n’y a pas de place pour un autre enfant. Ce

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peut être aussi une femme qui a perdu un petit frère (ou une petite anticonceptionnels d’être la cause d’une mésentente conjugale ou
sœur), mort dans la première enfance et dont elle reste la gardienne d’une insatisfaction sexuelle alors, qu’en réalité, ces difficultés
vigilante dans sa mémoire. précèdent largement leur emploi.
Tous ces éléments nous permettent de souligner l’importance de ¶ Résistances à la contraception
l’interrogatoire biographique et généalogique au cours du bilan
d’infertilité par le (la) gynécologue. Le désir de grossesse et le désir d’enfant ne coïncident pas toujours.
Certaines femmes désirent surtout être enceintes et non pas avoir
Il existe aussi certaines stérilités secondaires dont le fonctionnement un enfant. À l’adolescence, la période de stérilité volontaire qu’elles
psychique semble être le même que lors des stérilités primaires. Il traversent avec la contraception met parfois les jeunes filles dans
s’agit par exemple de femmes qui ont eu une grossesse, sans y une situation de très grande insécurité vis-à-vis de leur virtualité
penser, par surprise et elles ne peuvent avoir une deuxième reproductive [29]. La seule façon d’échapper à cette angoisse peut être
grossesse quand elles le souhaitent. Que la première grossesse ait de faire une grossesse insensée. Insensée parce qu’inacceptable dans
abouti à une interruption volontaire de grossesse (IVG), ou à la la réalité actuelle, qui aboutit à une demande d’interruption. Dans
naissance d’un enfant, cela ne change rien. Elles ont eu une grossesse ce cas, on est souvent surpris d’avoir affaire à des femmes bien
en quelque sorte sans elle, seul le corps a été impliqué. Leur informées de la contraception.
inconscient a été pris « par surprise ». D’autres fois, l’information de ces femmes ne passe pas car ça ne
L’une de ces femmes a pu dire : « mon corps pouvait faire un enfant, leur « parle » pas. Leurs représentations des méthodes
sans moi, pas avec moi » [18]. contraceptives relèvent du champ de l’imaginaire [25].
Médecins et patients sont séduits par l’idée de maîtrise des À l’adolescence, l’apprivoisement des moyens contraceptifs se fera
procréations médicalement assistées (PMA), et on peut le d’autant plus facilement que l’information éducative ne s’appuiera
comprendre vu les progrès accomplis. Mais, souvent, ces moyens pas sur des paroles menaçantes et que les messages seront véhiculés
« collent de trop près » au problème d’infertilité et on risque de ne par le groupe des pairs. C’est un intérêt supplémentaire de la
pas voir une psychopathologie masquée par cet « accrochage » à la divulgation de l’information en groupe [28]. C’est souvent grâce à
fécondation in vitro. Chez certaines de ces femmes qui font un grand cette aide que l’idée d’une double protection (pilule + préservatif),
nombre de tentatives sans succès, une grossesse serait une peut faire son chemin, sans qu’elle soit vécue comme une double
catastrophe. On peut rencontrer cette situation chez des femmes contrainte. Il en est de même pour la contraception d’urgence [34].
dont la mère avait développé une psychose puerpérale ou un autre
¶ Lien à la sexualité
drame obstétrical, voire même chez des femmes dont la mère est
morte en couches. Ces femmes sont habitées par la peur d’une Pour que le recours à un moyen de contraception soit efficace, il faut
catastrophe « identificatoire » à une mère trop en naufrage. Leur accepter le corollaire : avoir des rapports sexuels pour le plaisir.
peur est la peur d’un effondrement qui, en réalité, a déjà eu lieu, Quand la sexualité est satisfaisante, elle est sans histoire, sans plainte
mais elles ont oublié, ou leurs émotions ont été refoulées (elles et sans répercussion sur la contraception. En revanche, quand il y a
peuvent raconter le passé douloureux de leur enfance sans émotion). des dysfonctions sexuelles, celles-ci peuvent retentir sur la prise
Leur infertilité est un moindre mal [6]. Elles souffrent de stérilité, contraceptive et sa tolérance [21].
mais la vie continue, elles tiennent debout. A contrario, combien de femmes ont senti leur désir « s’éteindre »
Mille autres aspects pourraient être abordées dans le champ de la du fait de l’incompréhension par l’homme de leur plaisir à rêver à
psychosomatique et de l’infertilité. Soulignons qu’il y a peu de un enfant malgré la prise contraceptive. Les femmes ont besoin de
consultations qui nous mettent, comme celles-ci, sur le terrain de cet espace fantasmatique qui les autorise à penser à l’enfant (l’enfant
l’éthique et de la religion. Même si les consultations médicales sont imaginaire).
laïques, les personnes qui consultent ne le sont pas toutes. Pour ces
personnes, une écoute et une aide plus spécifiques peuvent être INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
nécessaires. L’approche utilisée se doit de donner la place centrale Malgré les informations sur la contraception, le nombre d’IVG ne
au sujet qui souffre. baisse pas. Parmi les explications de ce phénomène, il y a le désir de
grossesse qui ne correspond pas à un désir de maternité.
Pour certaines femmes, la grossesse est le témoin de leur fertilité,
CONTRACEPTION
voire de leur féminité, en particulier pour les adolescentes, ou quand
Après avoir été vécu comme le symbole même de la liberté et de la il y a peur du vieillissement.
libération de la femme, la contraception est parfois perçue D’autres fois, l’avortement peut n’être qu’un symptôme du conflit
aujourd’hui comme une contrainte. conjugal. Il n’est alors qu’une agression déplacée, la femme en veut
Tout échec en matière de contraception dépend de l’effet de la à son mari pour son inconduite, son absence, son incompréhension...
méthode (variable technologique) et de l’intention de l’utilisateur Il s’agit d’une sorte de vengeance (consciente ou inconsciente) à
(variable psychologique), c’est dire que l’acceptation intime du l’égard du partenaire. Bien que cette vengeance passe par le corps
moyen contraceptif est le garant le plus sûr de son observance et de la patiente.
donc de son efficacité [20]. Même s’il n’est pas nécessaire de se poser Tous ces facteurs conscients et inconscients font que les consultations
mille et une questions face à une femme qui vit bien sa d’IVG peuvent être difficiles. Les soignants parlent d’enfant, alors
contraception, il est souhaitable de repérer et d’aider celles qui que la femme parle parfois de rêve d’enfant. « La tristesse voire les
manifestent des résistances ou un mal-être [24]. La compréhension de pleurs, qui accompagnent les IVG, signent le désespoir de devoir renoncer
leur réaction nous permet souvent de mieux comprendre, de voir au rêve. » [6]
au fort grossissement, ce qui existe a minima chez les autres. Pour Le rôle du médecin est d’être en prise avec la réalité de la patiente.
certaines femmes, la focalisation se portera essentiellement sur Aussi, même s’il perçoit certaines manifestations de l’inconscient, le
l’objet contraceptif (la pilule vécue comme un médicament, le stérilet praticien ne devrait pas mêler ce qui est de l’ordre du fantasme,
comme un corps étranger...), pour d’autres c’est l’ambiguïté du désir avec la réalité concrète. Le risque de déstabilisation et de
de grossesse qui est la source essentielle du mécontentement et de décompensation psychique de la patiente est grand.
la perception d’une contrainte. Au décours de la vie contraceptive, Même s’il n’existe pas de conduite à tenir univoque, on soulignera
il y a aussi des moments de la vie personnelle ou de la vie conjugale qu’il existe des indicateurs du besoin d’une guidance en profondeur.
qui rejettent la sexualité et, par voie de conséquence, qui rejettent la Il importe par exemple que l’ambivalence vis-à-vis de la décision
contraception. d’avorter puisse être exprimée et il est souhaitable d’inclure le
Celle-ci devient le bouc émissaire, en devenant à tort responsable conjoint dans ces consultations afin de repérer les pressions ou le
des conflits existants. Ainsi peut-on accuser les moyens soutien qui peuvent exister.

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Notre expérience clinique nous montre que la plupart du temps, Devant toutes ces manifestations, le médecin peut tenter de fuir,
après l’avortement « réussi » sans complication immédiate, la femme d’espacer les visites, d’éviter le dialogue et les questions
(et le couple) se sentent soulagés et libérés. Tout le conflit était centré embarrassantes, ce qui ne peut que majorer la crainte principale du
sur la grossesse, l’interruption de celle-ci l’a résolu, même si la cancéreux : se sentir abandonné.
femme peut avoir quelques réactions d’angoisse après le réveil ou De nouvelles méthodes psychologiques, qui se veulent
dans les premières semaines après l’IVG. thérapeutiques adjuvantes (à utiliser à côté des traitements
C’est pourquoi quand une femme a une demande d’avortement médicamenteux classiques), ont vu le jour depuis quelques années.
nous pensons que le plus grand secours que le médecin puisse lui Leurs objectifs est d’aider la personne à évoluer pour qu’elle puisse
apporter c’est de lui redonner confiance, afin qu’elle puisse prendre faire face à des situations de vie qui provoquaient auparavant chez
sa décision sans qu’il projette ce qu’il pense. Son rôle est de la elle une véritable détresse.
soutenir quelle que soit l’issue de la grossesse. Spiegel et al [38] ont suivi un groupe de 50 patientes ayant un cancer
C’est par une plus grande prise de conscience en soi et de l’autre, du sein métastasé et dont une partie suivait une thérapie de groupe
que les partenaires sexuels peuvent se laisser aller dans le désir et à raison d’une séance par semaine pendant 1 an. Outre la
non dans sa défiance. diminution des symptômes psychopathologiques (humeur, phobies,
souffrance), on a constaté dans ce second groupe, à 10 ans, une
CANCER DU SEIN survie deux fois plus importante que dans le premier.
La plupart des hypothèses psychosomatiques sur la néoplasie La recherche consistait initialement à quantifier une différence de
tournent autour du stress qui pourrait modifier les défenses qualité de vie et le but atteint avait dépassé toutes les espérances.
immunologiques et produire un cancer. Ainsi, selon Selye, le stress Les explications de cette action peuvent être diverses : intervention
chronique supprime le système immunitaire responsable de la au niveau de la dépression et de la possibilité d’exprimer souffrance
phagocytose et de la destruction des cellules étrangères. et angoisses, mais également et corrélativement, meilleure
Pour certains auteurs [40] les cancers surviendraient après une observance médicale, initiatives de santé et ouverture relationnelle.
déception profonde ou une perte affective, souvent quand le « deuil Quand le pronostic vital n’est plus en jeu, il est utile et souhaitable
n’est pas fait ». Ces « larmes rentrées » étant souvent considérées de pouvoir aborder les questions relatives à la sexualité.
comme l’amorce d’une maladie psychosomatique grave. Ces entretiens sont en général très bien acceptés et parfois même
Pour d’autres auteurs, il est impossible d’affirmer que les facteurs recherchés. Quand la patiente retrouve un intérêt et une activité
de personnalité aient une influence sur l’étiopathogénie des cancers. sexuelle cela indique habituellement qu’elle est prête à retrouver une
Mais, la plupart sont d’accord pour reconnaître que l’évolution de la vie active et à sortir de l’état de « maladie ».
maladie dépend en partie de la personnalité du sujet, de sa
résistance psychique, ainsi que de son désir de lutter ou de sa
MÉNOPAUSE
résignation.
Kiecolt-Glaser et al [23] ont montré que l’activité des cellules T Environ 20 % des femmes qui consultent à la ménopause le font
tueuses, qui jouent un rôle dans la surveillance des cellules malignes d’abord pour des problèmes d’ordre psychologique, avant les autres
en les détruisant, variait en fonction du stress et du manque de troubles y compris les bouffées de chaleur [5]. Montgomery et
soutien social. Studd [30] ont montré qu’un tiers de 118 femmes ont ressenti plus de
périodes dépressives après la ménopause qu’avant.
Dans cette affection, le soutien psychologique est bien sûr essentiel,
la réaction émotionnelle des cancéreux évolue schématiquement en Pour d’autres auteurs [11, 16], ce sont les éléments psychosociaux qui
trois phases [40] : interfèrent beaucoup plus sur le sentiment de bien-être que les
changements endocriniens de la ménopause.
– la confrontation avec le diagnostic. La patiente est anxieuse et elle
Dans d’autres cultures, la femme ménopausée accède à des
se déprime ;
privilèges et ne se plaint pas des symptômes fonctionnels de la
– l’hospitalisation avec le sentiment d’être abandonnée ce qui ménopause. Pourtant, aux yeux des Occidentales, la situation de ces
renforce l’anxiété et la dépression. Pour dépasser celle-ci, la femmes n’est pas enviable pour autant, car malgré l’accession à ces
dénégation apparaît souvent, ou bien la croyance obstinée dans un avantages, elles ne sont plus considérées comme des femmes
miracle technique ; sexuées.
– de retour chez elle, il lui faut s’adapter à une nouvelle image À part les Indiennes Mayas ou les Indiennes Mohaves [14] pour qui
d’elle-même ce qui implique un grand travail de deuil et la ménopause est une phase d’épanouissement personnel, affectif et
d’acceptation souvent difficile à réaliser. sexuel, dans ces autres sociétés, la femme ménopausée accède à un
rôle social, en perdant son pouvoir de « dangerosité » sexuel,
¶ Mammectomie
puisque la sexualité ne doit plus exister. Heureusement ce n’est plus
En cas de mammectomie, la femme se sent profondément atteinte le cas dans nos sociétés. Mais en Occident, c’est la vieillesse qui tend
dans son identité sexuelle,. C’est dire l’importance du rôle à être occultée.
d’accompagnement du médecin ou plutôt de l’équipe soignante afin Les études menée par Sarrel [36] ou Bachman [1] sur des femmes
d’aider ces femmes à réintégrer narcissiquement leur corps. ménopausée ont noté que ces femmes reconnaissaient avoir des
La possibilité d’une chirurgie plastique a dans ce cas une valeur troubles sexuels.
psychologique indéniable. La prothèse mammaire est aujourd’hui Nous-mêmes avons noté que sur 72 femmes ménopausées 55 (76 %)
considérée comme une démarche de plus en plus naturelle. Selon avaient des difficultés sexuelles, dyspareunies, absence de désir et
Guex [19], trois éléments interviennent pour que le vécu de la anorgasmie, alors qu’elles se disaient satisfaites avant la ménopause.
reconstruction soit relativement « bon » :
– l’organisation psychique de la patiente ; ¶ Facteurs psychosociaux
– une bonne qualité de la relation médecin-malade, avec un travail Pour Ballinger [2] la diminution de l’excitation sexuelle est plus en
d’information en profondeur ; relation avec de nombreux facteurs psychiques (difficultés
– le temps nécessaire (propre à chaque femme) pour réorganiser ses relationnelles avec le partenaire, état psychologique...) qu’avec les
défenses psychiques. facteurs hormonaux de la ménopause.

¶ Rôle du soignant ¶ Hormones


Il est essentiel d’accepter que les patientes puissent exprimer leurs Les œstrogènes et les androgènes ont cependant un rôle
émotions de peur, d’angoisse, de dévalorisation, de colère vis-à-vis incontestablement actif sur la sexualité, même si la qualité de celle-ci
de tout ce qui leur arrive depuis que ce diagnostic a été porté. ne dépend pas que des hormones.

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167-A-10 Gynécologie psychosomatique Gynécologie

Prise en charge thérapeutique La plupart de ces femmes ont malgré tout du plaisir, même s’il
À l’âge de la ménopause, comme à d’autres moments de la vie, le n’aboutit pas à l’orgasme. De nombreuses femmes consultent car
médecin peut vouloir se limiter à écouter, informer, dédramatiser, elles n’ont pas d’orgasme au cours du coït. Elles considèrent, à tort,
Un certain nombre de mythes et de fausses croyances peuvent être que leur orgasme clitoridien n’est pas le « vrai » orgasme. Il est
ainsi ajustées. important de souligner que plus de 80 % des femmes ont un
orgasme déclenché par le clitoris. Le projet thérapeutique ici est
Parallèlement à cette écoute, le traitement hormonal substitutif est
d’aider la femme à se servir de ce qu’elle sait déjà, pour obtenir ce
une aide incontestable, s’il n’y a pas de contre-indication médicale
qu’elle souhaite : un orgasme (éventuellement clitoridien) survenant
et si la patiente est d’accord pour ce traitement. Ce soutien
pendant la durée du coït.
médicamenteux est d’autant plus souhaitable que la femme a senti
un changement radical et relativement immédiat de sa fonction
sexuelle à partir de l’installation de sa ménopause. ABSENCE DE DÉSIR

– Traitement hormonal Ces femmes peuvent éventuellement avoir du plaisir si le contact


sexuel a lieu, mais elle n’ont pas l’envie qui les mettrait en demande
Mimoun [27], Nathorst-Böös et al [32], Sarrel [36] ont montré qu’une
de rapport sexuel. Plus de 40 % des femmes interrogées dans l’étude
majorité de femmes se plaignant de difficultés sexuelles ont retrouvé
de Spira déclarent avoir, au moins de temps en temps, une absence
une activité sexuelle accrue après administration de 0,05 à
ou une insuffisance de désir (8 % souvent 33 % parfois).
0,1 mg d’E2. Les doses plus élevées induisant de meilleurs résultats
plus rapidement. À l’origine de ces troubles, on peut trouver des causes organiques,
comme une castration chirurgicale, une hyperprolactinémie, un
En revanche, la plupart des travaux insistent sur le fait que la
relâchement des muscles périvaginaux. Les complications
fréquence de l’orgasme et la montée du désir n’étaient pas
neurologiques ou vasculaires du diabète peuvent aussi être
influencées par les œstrogènes.
responsables de ces difficultés.
Une étude multicentrique en double aveugle [9] a comparé les effets
Mais comme pour tous les troubles décrits précédemment il y a
de la tibolone (2,5 mg/j) à une association de 17b-estradiol (2 mg) et
aussi et surtout des facteurs psychologiques que nous
d’acétate de noréthistérone (1 mg), chez 437 femmes pendant 48
développerons plus loin.
semaines. L’amélioration avec la tibolone a été significativement
plus importante pour la fréquence de l’activité sexuelle, de la
jouissance et de la satisfaction. Cela confirme les résultats DYSPAREUNIES
précédents [31, 32]. Il s’agit de rapports sexuels douloureux ou difficiles : 24 % des
– Traitements locaux femmes interrogées dans l’enquête de Spira se sont plaintes de
l’existence de dyspareunies (5 % souvent et 19 % parfois) [39].
À côté du traitement hormonal de substitution, il ne faut pas oublier
les œstrogènes locaux et les traitements hormonaux tels que le Les dyspareunies sont les troubles sexuels qui ont le plus de causes
polycarbophile par exemple. organiques. Pour les dyspareunies superficielles les causes sont
infectieuses, allergiques, dermatologiques, cicatricielles, après un
Place des psychotropes accouchement ou une intervention chirurgicale, hormonales, comme
après la ménopause par exemple, quand l’atrophie des muqueuses
Bien que les œstrogènes aient un effet inhibiteur de la monoamine
vaginales et vulvaires rend la lubrification plus rare.
oxydase (IMAO)-like, (donc un certain effet antidépresseur) et la
progestérone un effet benzodiazépine-like, (donc un certain effet Les dyspareunies profondes, quant à elles, sont dues aux mêmes
anxiolytique), cela n’est pas suffisant si l’humeur est fortement causes que les douleurs pelviennes (endométriose, infections, utérus
perturbée. rétroversé fixé, kystes, complications de fibromes...).
L’utilisation de psychotropes de manière ponctuelle et transitoire
peut aider à sortir des situations « bloquées ». On s’en sert pour VAGINISME
amorcer un mieux-être et rompre le carcan qui est souvent installé Il s’agit de la contraction réflexe, donc involontaire, des muscles
autour de cette plainte psychoaffective. périvaginaux qui enserrent la partie basse du vagin à chaque
Mais gardons à l’esprit que traiter la ménopause ce n’est pas faire tentative de pénétration, la rendant ainsi impossible.
en sorte que la ménopause se fasse sans histoire, c’est au contraire Anatomiquement les organes génitaux sont parfaitement normaux.
en travailler la temporalité. Ce symptôme est la cause féminine la plus fréquente de « non-
consommation du mariage ». Cela concerne 12 à 17 % des femmes
qui consultent pour une dysfonction sexuelle, selon les sexologues
Sexualité au féminin américaines Hyde et Delamater [22].
Le gynécologue est par définition le spécialiste des organes génitaux Contrairement aux femmes qui se plaignent de frigidité ou de
féminins. Aussi, il n’est pas rare que des femmes osent exprimer dyspareunie, la femme vaginique apprécie le contact sexuel (tant
certaines de leurs difficultés sexuelles directement ou indirectement. qu’il n’y a pas de tentative de pénétration).
En gynécologie psychosomatique, nous considérons que la fonction L’examen gynécologique est ici très important pour éliminer une
sexuelle fait partie intégrante de la gynécologie. C’est pourquoi le exceptionnelle cause organique : hymen scléreux et résistant,
module d’enseignement du diplôme universitaire (DU) de malformations vaginales. Mais cet examen est aussi important pour
gynécologie psychosomatique à la faculté de médecine Lariboisière évaluer la gravité du vaginisme. Le pronostic et la conduite à tenir
- Saint-Louis à Paris intègre très précisément ces données. Les ne sont en effet pas les mêmes, si l’examen gynécologique est
plaintes sexuelles féminines sont multiples, mais les plus fréquentes possible, voire assez facile. Ce qui laisse a priori augurer une
sont au nombre de quatre : l’anorgasmie, les troubles du désir, les résolution assez facile du symptôme, ou si, au contraire, le simple
dyspareunies et le vaginisme que nous allons décrire. À côté de contact de la vulve est vécu psychiquement comme insupportable.
celles-ci il y a les plaintes plus masquées, non formulées, non dites,
comme certaines douleurs pelviennes, ou douleurs vulvaires FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
chroniques que nous avons déjà évoquées. On retrouve fréquemment dans les troubles sexuels primaires :
l’éducation sexuelle, le manque d’expérience, la non-acceptation du
ANORGASMIE partenaire par les parents, ou la famille...
L’anorgasmie est l’absence d’orgasme, cela concerne 32 % (11 % En cas de troubles sexuels secondaires un certain nombre de
souvent 21 % parfois) des femmes interrogées par l’équipe de Spira situations psychologiques peuvent se cacher derrière des troubles
qui a fait l’étude sur les comportements sexuels des Français [39]. physiques ou physiologiques.

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Gynécologie Gynécologie psychosomatique 167-A-10

Voyons quelques exemples : Nous donnerons alors des conseils qui ont pour but d’une part, de
permettre aux patientes d’avancer sur les « rails » de la guérison
– après un accouchement, même si c’est la cicatrice de l’épisiotomie
mais d’autre part, en même temps, nous verrons avec la patiente à
qui est invoquée comme source de la douleur ou de l’absence
quel moment les conseils n’ont plus de portée. L’arrêt sur le blocage
d’intérêt sexuel, le plus souvent c’est l’investissement affectif sur le
rend celui-ci plus apparent encore, ce qui nous permet de l’étudier,
nouveau-né qui est la cause principale ;
l’analyser, le démonter ou le contourner, pour poursuivre l’avancée
– en cas de stérilité, le sentiment d’échec ou le fait de ne pas se thérapeutique. Quelquefois cependant le blocage est trop enraciné.
sentir femme à part entière induit souvent un désintérêt de la Par exemple, il ne s’agit pas de la peur de la pénétration, mais du
sexualité pour des raisons essentiellement psychologiques ; refus de la sexualité, du refus de la féminité, ou du refus et de la
– il en est de même en cas d’hystérectomie ou après la ménopause ; peur de « l’homme », à ce moment-là une prise en charge psycho-
thérapique tenant compte de l’inconscient (avec un autre thérapeute)
– il y a aussi des causes exclusivement psychologiques : la est nécessaire, au moins dans un premier temps avant d’envisager
dépression, la mésentente conjugale, la peur de se laisser aller, la un changement de comportement.
culpabilité à l’idée de ressentir du plaisir, la peur ou la culpabilité
Quelquefois on peut faire appel à l’hypnose éricksonnienne qui aide
de fantasmer, etc ;
à réduire les blocages et les inhibitions et à réagir plus fortement
– enfin, il peut y avoir eu des traumatismes (viol, inceste, victime aux stimuli. L’hypnose est un excellent moyen pour accéder à une
d’exhibitionnisme, etc). relative gestion du fonctionnement du système neurovégétatif, avec
le système sympathique, qui bloque les fibres responsables du
mécanisme du plaisir, et le système parasympathique qui permet au
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
contraire de les relaxer pour les rendre plus aptes à réagir. C’est dire
Notons tout d’abord que souvent quand une femme se plaint de que l’hypnose peut dans ces cas non seulement désinhiber, mais
troubles sexuels, l’évocation est subjective. Quand on parle de aussi aider à réagir plus fortement à la stimulation.
sexualité et que l’on se réfère à l’insuffisance ou à l’absence de En général, la prescription médicamenteuse est de peu de secours
satisfaction, on touche une « zone floue ». Les mots sont insuffisants dans les troubles sexuels féminins, hormis la prescription
pour rendre communicable l’expérience du plaisir. On ne peut se d’œstrogènes ou de tibolone ou plus rarement d’androgènes
servir que d’allusions, d’évocations et de métaphores. (produits sans autorisation de mise sur le marché, pour le moment),
Il n’y a peut-être que pour le vaginisme que l’on peut considérer qui aide parfois la femme en période de ménopause, et la
que le symptôme a été résolu si les rapports avec pénétration prescription d’antidépresseurs chez les femmes dépressives inhibées.
peuvent avoir lieu (ce qui ne veut pas dire que la femme se sente Mais n’oublions pas que la résolution du trouble sexuel féminin
bien et qu’elle se considère elle-même comme guérie). Pour les passe parfois par le traitement de la dysfonction masculine. Même
autres symptômes, dyspareunie, anorgasmie et a fortiori absence de si, chez l’homme aussi, la sexothérapie est très utile, il est assez
désir, l’appréciation des résultats est toujours subjective. souvent fait appel pour lui, aux traitements médicamenteux :
Sur le plan thérapeutique, deux types de direction peuvent être psychotropes retardant l’éjaculation, vasodilatateurs qui facilitent
prises. Chacune de ces directions a des avantages et des limites. l’érection, ou les nouvelles substances qui déclenchent (et permettent
de maintenir) des érections comme le Viagrat, Ixencet, Uprimat,
– La première de ces voies thérapeutiques, que l’on pourrait appeler
Cialist, Levitrat ou même les injections intracaverneuses (petites
psychothérapie de courant psychanalytique, cherche le « pourquoi » de
piqûres dans la verge). Des études avec ces mêmes produits et en
cette situation. L’objectif de cette thérapie est de se découvrir en
particulier avec le Viagrat commencent à voir le jour chez la
fonction de son histoire, d’évacuer et d’alléger les « fardeaux » que
femme [3, 8] avec des résultats prometteurs chez celles qui ont des
l’on traîne derrière soi. De ce fait on pourrait se sentir moins inhibé
troubles de l’excitation, ou une anorgasmie secondaire.
sexuellement. L’ennui c’est que cela demande souvent quelques
années et cela ne répond pas à l’urgence du couple. Nous espérons l’avoir bien montré, tout ce que nous utilisons au
cours des thérapies sexuelles ne doit jamais faire oublier
– La seconde voie thérapeutique évoquée s’appelle sexothérapie. Elle l’environnement affectif et psychologique de la patiente. Même si le
a pour but le « comment faire pour que ça change » plutôt que le trouble sexuel est dû à une cause organique qu’il faut pouvoir
« pourquoi ». L’avantage de cette méthode c’est qu’elle répond aux soigner, rappelons que le sexe est toujours conditionné par le
attentes formulées par la femme qui vient consulter, l’ennui c’est psychisme. N’oublions pas que la sexualité en général, et la sexualité
que quelquefois le blocage est trop profondément enraciné et il ne féminine en particulier, est avant tout une histoire subjective où la
se laissera pas mobiliser par les changements de comportements ou jouissance passe d’abord par la communication affective et
d’attitudes proposés par cette méthode. émotionnelle.
¶ Sexothérapie psychosomatique et psychodynamique
C’est pourquoi nous pensons qu’autant que faire se peut, il est Conclusion
souhaitable au début d’accepter de prendre en compte la résolution
du symptôme, mais en n’ignorant pas les résistances psychologiques Ce large tour d’horizon, nous a permis de voir certaines des mille et une
inconscientes. facettes de la gynécologie. Quand celles-ci sont associées aux
En pratique, cela consiste à se focaliser volontairement sur ce qui se événements de vie de la femme et à l’échange de la perception
passe « ici et maintenant » et repérer ce qui ne va pas ; par exemple psychologique de ce qu’elle traverse, cela rend le métier de gynécologue
la peur de la pénétration chez la femme vaginique, ou l’absence plus passionnant encore, et ce d’autant plus qu’ainsi, on perçoit qu’il
d’orgasme chez la femme qui n’a pas de désir. est réellement intimement lié à la richesse de la vie.

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