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Fiche

de synthèse

Sujet : Les topos d’escalade : usages et motivations
Questionnement : comment les grimpeurs obtiennent-ils l’information pour pratiquer en extérieur et
pourquoi procèdent-ils ainsi ?

Cette fiche de synthèse résume un mémoire réalisé dans le cadre du « Master économie des organisations
parcours stratégies économiques du sport et du tourisme ». Son but est de rappeler le contexte et les enjeux
qui ont été identifiés, d’expliquer la démarche méthodologique et de rapporter de manière synthétique les
résultats obtenus. Nous n’avons pas concentré notre analyse sur l’offre en raison du manque de temps et
de la difficulté de récolter des données pertinentes. En effet, l’aspect subjectif des déclarations et la
technicité de comprendre toutes les relations informelles entre les acteurs rendent la compréhension de
l’offre délicate. Il serait néanmoins intéressant, lors de futures recherches, de déterminer le poids
économique des recettes des topos d’escalade et la part des bénéfices qui est consacrée à l’équipement
et/ou à l’entretien des secteurs de pratique. Notre réflexion qui concerne la demande avait deux ambitions.
D’une part faire un état des lieux des manières d’obtenir l’informations permettant de pratiquer l’escalade
en extérieur. D’autre part déterminer les moteurs et les freins de ces usages.

Méthodologie
Notre démarche de travail a débuté par une étude bibliographique qui s’est étendue aux « économies
voisines » : la presse, l’édition et l’industrie musicale. Nous définissons comme « économie voisine » les
économies qui ont des similitudes en termes de caractéristiques et de contexte avec le marché des topos
guides d’escalade. Ces derniers peuvent être comparés à certains biens culturels comme les CD ou les vinyles
en raison de leur contenu et de l’émotion qu’il peut susciter lors ce sa création. On se réfère ici aux
témoignages de certains ouvreurs qui considèrent leur travail comme de véritables œuvres d’art. Le CD est
le support d’une œuvre musicale. Le topo est le support d’une œuvre : la voie d’escalade. La presse l’édition
et les topos d’escalade sont des biens d’information. Toutes ces économies partagent un contexte commun,
une évolution induite par une avancée technologique : internet. Grâce aux travaux existants dans les
économies voisines, nous avons isolé des mécanismes et des thèmes d’étude afin de construire un guide
d’entretien pour diriger une enquête (9 entretiens semi-directifs entre 45 minutes et 1H30). Dans un second
temps nous avons diffusé un questionnaire par internet (914 répondants) afin de quantifier les usages et
leurs motivations. Ce dernier a été construit grâce aux résultats de l’enquête qualitative. Il faut noter que
les réponses récoltées sont les témoignages de ce que les personnes pensent faire et non leurs réels usages.
Il se peut qu’inconsciemment, ils ne relatent pas fidèlement leur façon de faire.

Contexte et enjeux


Marché des topos guide d’escalade, flux et relations entre acteurs

Le contexte ainsi que les caractéristiques du marché des topos d’escalade rendent le domaine étudié
complexe avec une diversité d’acteurs, de relations et d’enjeux. A l’écoute des parties prenantes, il
semblerait que les enjeux concernent principalement le financement et la notoriété.
Nous définissons un topo d’escalade comme une entité au support papier ou numérique, contenant de
l’information, à minima technique et parfois contextuelle qui a pour but de faciliter la répétition d’un
itinéraire d’escalade.
Pour comprendre le fonctionnement et les enjeux du marché des topos d’escalade, il faut d’abord
s’intéresser à la nature des voies d’escalade. Les voies sont des biens publics : absence de rivalité et non
exclusivité. Pour preuve, il n’est pas possible d’obliger un acteur à payer pour l’utilisation des voies en raison
de l’absence de propriété. Par ailleurs, leur usage par un acteur ne diminue pas directement la qualité de
celles ci pour d’autres acteurs. En raison de ce statut de bien collectif le financement de l’équipement et/ou
de l’entretien des voies n’est pas direct et à ce titre est sujet à tensions. Les topos d’escalade peuvent dans
certains cas participer à l’équipement et/ou à l’entretien des secteurs de pratique, à l’image par exemple
d’un topo fédéral. Mais ce lien économique n’est ni systématique ni juridique.
En outre l’ouvreur et/ou l’équipeur ne peut pas protéger juridiquement des informations sur une voie dont
il n’a pas la propriété. Dans les pratiques, l’acteur qui réalise un topo, s’il n’est pas l’ouvreur, peut soit
collecter l’information concernant la voie auprès de l’ouvreur, de l’équipeur ou encore réutiliser une
information déjà disponible. Ainsi, tout le monde peut obtenir les informations concernant les voies
d’escalade (parcours, équipement, style d’escalade…) et les proposer dans un ouvrage sans contreparties
financières, à condition de respecter la propriété intellectuelle.
Le topoguide est quant à lui un bien non rival et dont l’exclusivité́ dépend de son support. En effet, le type
de support peut faire varier le degré́ d’exclusivité́ du bien. L’acteur peut ainsi obliger, en tout cas en partie,
les individus à payer pour obtenir l’information. En partie car il existe des comportements de prêt et de
piraterie (diffusions illégales de l’information via des copies papier ou numériques). Internet accentue cette
diffusion sans contres parties financières en facilitant le partage d’informations.
Les topos sont des biens qui contiennent de l’information et qui peuvent être considérés comme des biens
et services de l’information (BSI). Selon Vasselin F (2015)1, les BSI ont des caractéristiques particulières qui
encouragent la gratuité. Leur structure de prix, la valeur qui est révélée par l’utilisation, ainsi que la
possibilité d’être consigné sur un support plus ou moins tangible encourage la gratuité.
Depuis l’avènement des nouvelles technologies la situation s’est complexifiée en raison de l’apparition de
nouveaux acteurs et de la facilité d’échange de l’information. L’histoire ‘internet montre que l’internaute a
eu l’habitude de profiter d’informations et de services de manière gratuite sur le web. Vouloir aller contre
les valeurs fondatrices d’Internet, que sont le partage et la gratuité, génère des comportements de piraterie
qui peuvent être dangereux pour l’économie en menaçant la création de contenu, en court-circuitant son
financement.
Les économies voisines (presse, édition, industrie musicale) ont déjà été transformées par l’utilisation
d’internet. Le monde de la montagne est lui aussi touché et certains acteurs ont déjà entamé cette
restructuration en innovant. La Fédération Française de Randonnée a par exemple mis en place le site
mongr.fr pour faire face à la concurrence du partage digital et collaboratif.
Dans le monde de l’escalade, cette transformation n’a pas encore eu lieu. On observe des tensions entre
certains acteurs (clubs, fédérations, plateforme de partage collaboratif). La reconnaissance des ouvreurs,
ainsi que les profits qui peuvent être générés par la vente de topos semblent être la cause de ces tensions.


1
Vasselin F. (2015), « Les fondements ́économiques de la gratuite des biens et services informationnels.
Financement indirect et investissement en gratuite. » Cahiers de la Maison des Sciences Economiques.

Mais existe-t-il une réelle transformation des manières de s’informer pour aller pratiquer. Délaisse-t-on les
topos traditionnels au profit du numérique ? Et qu’en est-il des freins et des motivations qui interviennent
dans le processus d’obtention de l’information ?

Principaux résultats


Concernant les usages, les deux analyses, qualitative et quantitative sont convergentes. Elles ne révèlent pas
d’arbitrage entre les moyens d’obtenir l’information pour aller grimper en extérieur. En d’autres termes les
informations disponibles en ligne ou encore le bouche à oreille ne sont pas substituables à un topo
traditionnel et inversement. Pour preuve, si cela était le cas, l’ensemble des répondants n (n= 914) serait
partagés entre les différents moyens d’obtenir l’information. On constate l’inverse : par exemple, lorsque
nous additionnons les réponses des différentes modalités pour le critère « souvent », nous obtenons un
nombre de réponses bien supérieur à n qui est de 1787 réponses. L’obtention de l’information se fait donc
via un processus qui regroupe plusieurs sources d’informations. Une autre possibilité est envisageable le
grimpeur n’a pas de moyen de prédilection et il fait son choix en fonction du contexte et du style de pratique.
Le critère économique ne semble pas être déterminant. Certes, il existe des utilisateurs pour qui l’aspect
financier est un frein et nous l’avons identifié lors des entretiens semi-directifs. Les tris croisés montrent
également que l’achat de topos varie selon le revenu de l’individu. En revanche, au vu des résultats au
questionnaire il n’est pas possible de dire que le critère économique est le seul facteur qui détermine le
choix des grimpeurs de l’échantillon. Les usagers qui ont répondu utilisent aussi souvent des informations
gratuites que payantes.

L’aspect éthique est important pour les personnes ayant répondus aux études. Nous avions déjà repéré lors
des entretiens que les grimpeurs interrogés accordaient une importance au financement, à l’entretien des
voies et voulaient remercier le travail de création de topos via leurs usages. A noter, certains répondants
n’étaient pas au courant qu’il pouvait exister un financement indirect des voies d’escalade résultant de la
vente de topos. D’autres faisaient un lien systématique entre topo papier payant et financement indirect qui
ne l’est pas en réalité. Les résultats au questionnaire ont montré que l’éthique a une place très importante
lors de l’achat de topos d’escalade. Ainsi, que ce soit pour récompenser les personnes qui ont fait le topo ou
pour financer indirectement l’équipement, les grimpeurs prennent en compte ce facteur lors de l’achat d’un
topo d’escalade. Environ 3⁄4 du panel est au moins « plutôt d’accord » avec l’affirmation « je veux de cette
façon participer à l’équipement ou au rééquipement ». Cette proportion est sensiblement inferieure pour
remercier les personnes qui ont réalisé le topo, mais nous notons la même dynamique.
Si les topos papier sont utilisés par les usagers et correspondent par ailleurs à leur éthique on peut
légitimement se demander pourquoi ils continuent à utiliser des informations trouvées en ligne.
Sur ce point l’étude quantitative démontre que la gratuité n’est pas la motivation principale, le prix peut être
un frein mais n’est pas une motivation en soi, il faut que le contenu concerné corresponde aux besoins de
l’individu. Le critère le plus important est la complémentarité de l’information. Les participants aux
entretiens semi-directifs avaient déjà noté l’utilité des informations dématérialisées qui permettent d’avoir
des avis, des conseils, des évolutions… A ce jour l’information en ligne n’est donc pas vu comme substituable
et n’est pas complète selon les répondants.


Le dernier champ d’investigation concernait le consentement à payer en ligne. Les résultats obtenus entre
les entretiens et le questionnaire ont été divergents. Les personnes interrogées étaient plutôt réticentes
quand ils s’agissaient de payer pour une information dématérialisée. Nous avions noté l’expression d’une
fatalité́ voire un refus catégorique. Pourtant environ 85 % de l’échantillon interrogé par questionnaire a
répondu être prêt à payer pour du contenu dématérialisé. Encore une fois le prix n’a pas été le plus cité.
Deux critères sont importants pour les répondants quand il s’agit d’acquérir des informations payantes en
ligne : qu’elles soient mises à jour et disponible sans connexion.

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