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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft


Author(s): Jean Perrot and Youssef Madjidzadeh
Source: Paléorient, Vol. 32, No. 1 (2006), pp. 99-112
Published by: Paleorient and CNRS Editions and CNRS Editions
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41496762
Accessed: 01-12-2018 17:13 UTC

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À TRAVERS L'ORNEMENTATION DES VASES
ET OBJETS EN CHLORITE DE JlROFT

J. PERROT et Y. MADJIDZADEH

Résumé : Cet article fait suite à la description objective du matériel en chlorite de Jiroft, dans Paléorient 31/2 (2005). Après un rappel
des difficultés que rencontre toute tentative d'interprétation, il mentionne brièvement les données environnementales et archéologiques
concernant le plateau iranien dans la première moitié du IIIe millénaire. Le répertoire iconographique de Jiroft fait appel au monde
extérieur , végétal et animal, ainsi qu 'à l 'imaginaire et au fantastique. Parmi les animaux, il s ' intéresse à ceux portant cornes, crocs,
griffes, serres et crochet, armes naturelles que l'homme emprunte symboliquement au monde animal sous forme de personnages hybrides.
Une comparaison rapide entre le répertoire de Jiroft et celui de la glyptique mésopotamienne contemporaine montre de profondes dif-
férences. Jiroft ne connaît ni scènes de chasse ou de guerre, ni scènes de culte, ni aucune figure susceptible d'être interprétée comme
l 'expression d'un concept du divin. La pensée de Jiroft est tournée vers l 'Homme et ses fins ; elle souligne l 'opposition entre forces favo-
rables et néfastes, bonnes ou mauvaises, dans un esprit qui, à la veille des temps historiques, évoque déjà le dualisme de l 'ancienne pen-
sée iranienne.

Abstract : This article is a follow-up of the objective description of chlorite artefacts from Jiroft, published in Paleorient 31,2 (2005).
After recalling how difficult any attempt is at interpretation, it briefly describes the environmental and archaeological data concerning
the Iranian Plateau in the IIIrd millennium ВС. The iconographie repertory of Jiroft includes the outer world, both animal and vegetal,
as well as imaginary and fantastic. Among the animals, it makes use of those that have horns, claws, talons and hooks, natural weapons
that man symbolically borrows from the animal world, and hybrid creatures.
Comparison of the Jiroft repertory with that of the contemporary Mesopotamian glyptic readily shows strong differences. In Jiroft there
are no war or hunting scenes, nor cultic scenes, nor any figure that might be interpreted as expressions of a concept of the divine. The
spirit of Jiroft is geared toward Man and his endeavours. It stresses the opposition between favourable and noxious forces, and, at the
dawn of historical times, already forebodes the dualism of ancient Iranian thought.

Mots Clefs : Jiroft, Chlorite, Iconographie, Iconologie, Hybrides, Jeu, Dualisme.


Key-Words : Jiroft, Chlorite, Iconography, Iconology, Hybrids, Game, Dualism.

Les images ont leur vie propre. Lorsqu'elles voyagentrecherche concernant la spiritualité de l'Orient « pré-histori-
dans l'espace et le temps leur signification peut changer. Les que », nous avons été trop souvent portés à nous satisfaire de
thèmes décoratifs se transmettent mais ils finissent parfois parnotions tirées de la littérature mésopotamienne du IIe, voire du
exprimer une idéologie différente de celle qu'ils ont d'abord Ier millénaire ; c'est-à-dire de notions anachroniques qui faus-
symbolisée. C'est assez dire que toute tentative d'interpréta- sent toute tentative d'interprétation1. Le cas de la « collection
tion ne saurait relever que du scénario. Et encore, ce scénarioMadjidzadeh » est particulièrement embarrassant. Cette col-
devra se limiter à fournir un cadre à l'interprétation. Nous
sommes prisonniers de notre culture et de nos mythes. Dans 1. Sur ce point, voir AMIET, 1995 ; PERROT et MADJIDZADEH, 2005 :
123-152.
le cas présent, la difficulté est plus grande encore. Dans la

Paléorient, vol. 32/1 , p. 99-1 12 © CNRS ÉDITIONS 2006 Manuscrit reçu le 08 juin2006, accepté le 21 juin 2006

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1 00 J. PERROT et Y. MADJIDZADEH

lection a été le recherches en cours à Konar


fruit de Sandal3, le site fouillé le plus
filtrages su
d'ordre proche était, à;75 km
esthétique à l'ouest de Jiroft, leignorons
nous petit Tépé Yahya4 s
que en dehors avec des
du vestiges datés (pour
fait qui la périodeparaît
IVC) du début et avér
première moitié(pourdu
la période IVB) de la fin du millénaire
IIIe IIIe millénaire. Le vaste (
classique). cimetière de Shahdad5, occupé principalement au tournant du
Cet article fait suite à la description objective de ce que IIIe au IIe millénaire est, à 200 km vers le nord, au-delà d'une
nous avons appelé la « collection Madjidzadeh »2. Il aborde le haute chaîne de montagnes. C'est assez dire que nous nous
répertoire de Jiroft et sa symbolique dans le cadre du milieu trouvons ici dans un vacuum archéologique, chronologique et
naturel qui l'a vu naître (milieu qui n'a pas sensiblement culturel que seule la fouille de Konar Sandal pourra éventuel-
changé depuis le Ve millénaire) et en relation avec les rares lement meubler. A l'issue de la quatrième campagne de
données archéologiques déjà acquises concernant le sud du fouilles sur ce site6, à 28 km au sud de Jiroft, la notion déjà
plateau iranien. Il recherche les sources de ce répertoire dans pressentie à Tépé Yahya7 d'une aire culturelle propre à la
le paysage, dans le monde végétal et animal, dans l'architec- région centre - sud8 se précise avec la révélation d'une agglo-
ture et, d'une manière plus générale, dans l'imaginaire, cons- mération couvrant plusieurs centaines d'hectares entourée
cient que toute interprétation des images au delà des d'un large rempart et de vastes cimetières (Mahtoutabad)9. De
apparences est une entreprise hasardeuse. Une rapide étude puissantes constructions (« plate-forme » à degrés à Konar
comparative avec le répertoire de la glyptique mésopota- Sandal Nord, « citadelle » à Konar Sandal Sud) paraissent
mienne - étude qui demande certes à être approfondie - con- avoir été élevées vers le milieu du IIIe millénaire sur les ves-

duit à reconnaître la spécificité de la spiritualité de Jiroft et à tiges d'une occupation antérieure (plusieurs mètres de cou-
préciser sa place dans l'évolution de la pensée orientale à la ches archéologiques10) amorcée dès la fin du IVe millénaire et
veille des temps historiques. caractérisée notamment sur le plan artisanal par la production
des vases et objets en chlorite. La région de Jiroft, alors den-
sément peuplée, semble avoir été à la tête d'un réseau de dis-
tribution qui se serait étendu, avec relais interposés (Tarut et
LES DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES
Failaka dans le golfe Persique), vers l'ouest, jusqu'à la
moyenne vallée de l'Euphrate et, à un degré moindre, vers
Nous sommes à Jiroft, dans la dépression du Jazmourian, l'est, jusqu'à la vallée de l'Indus11. Depuis le IVe millénaire,
dans des conditions géographiques et physiques particulières, Jiroft se trouvait déjà probablement sur la route du lapis-lazuli
à mi-distance de la vallée de l'Euphrate et de la vallée de d'Afghanistan vers le détroit d'Ormuz, les côtes de la pénin-
l'Indus, à 1 000 km de l'une et de l'autre (fig. 1). Avant les sule arabique et celles du continent africain, jusqu'à la vallée
du Nil.

Il n'entre pas dans le cadre de cet article de mobiliser tout


2. Depuis la publication de la « collection Madjidzadeh », la documenta- ce que nous croyons savoir de l'archéologie du plateau irano-
tion s'est enrichie de pièces rassemblées, voire rapatriées, par les autorités
iraniennes. Ce matériel n'apporte rien d'essentiellement nouveau au plan de la
thématique mais il confirme certaines tendances et permet de mieux mesurer
l'évolution du style de Jiroft au cours du IIIe millénaire. 3. MADJIDZADEH, 2003 et com. pers.
La question de l'authenticité de certaines pièces de la collection de Jiroft 4. Lamberg-KARLOVSKY and POTTS, 2001 . Tépé Yahya couvre à peine
a été récemment soulevée par O.W. Muscarella (MUSCARELLA, 2005). On deux hectares dont 500 m2 ont été fouillés. La seule plate-forme à degrés de
peut s'attendre en effet à ce que la contrefaçon entre en scène dès qu'un marché Konar Sandal Nord couvre plus de six hectares.
devient florissant ; Jiroft n'a pas échappé à la règle. Pour l'instant les faussaires 5. HAKEMI, 1997a.
locaux manquent de talent et plus encore d'imagination ; ils n'hésitent pas à 6. PERROT et MADJIDZADEH, 2004.
emprunter des thèmes parfaitement anachroniques à diverses publications 7. KOHL, 2001.
archéologiques. En outre la chlorite noirâtre qu'ils mettent en œuvre n'est pas 8. Caldwell, 1967.
celle des productions anciennes dont la source exacte n'a d'ailleurs pas encore 9. Mahtoutabad s'étend à l'est de Konar Sandal Sud sur plus de 60 hec-
été retrouvée parmi les divers gisements déjà reconnus dans le massif qui tares. Cette partie du cimetière a été entamée récemment par un bras de la
domine au nord-ouest la dépression du Jazmourian. La chlorite se présente rivière (Halil Roud) ; d'autres tombes apparaissent également à l'ouest du tépé
d'ailleurs sous une telle variété dans le même filon que l'analyse pétro- et au nord de Konar Sandal Nord, sans dénomination spécifique pour l'instant.
chimique aura peu de chance d'être déterminante. Le piège pour les faussaires Des éléments d'un puissant rempart, large de 24 m, en brique crue, ont été
est davantage dans le non respect des thèmes ; vases et objets ornés sont des observés au sud de la citadelle.
objets rituels ; ils ont une fonction précise ; de la rigoureuse expression du 10. FOU ACHE et al., 2005.
thème ornemental dépend l'efficacité du rite. 11. BESENVAL, 1997 ; DE CARDI, 1970 ; WHEELER, 1953.

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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft 101

Fig. 1 : La géographie physique de la plaine mésopotamienne, en frappant contraste avec celle du haut-p
important dans la pensée symbolique et religieuse des populations de ces deux régions.

indien au long du IIIe millénaire. On rappellera seulement


activité de haut niveau technique sont destinés à la consom-
l'essentiel des données concernant le milieu techno-économi-
mation locale, comme en témoigne le mobilier des grands
que et le climat socio-culturel dans lequel a pu naître et cimetières,
se et aussi à l'exportation, notamment vers la Méso-
potamie, par la voie terrestre à travers les passes du Zagros,
développer l'iconographie de Jiroft dans le courant du IIIe
millénaire12. Le plateau paraît alors traversé de « routespar » la voie maritime (le golfe Persique) avec relais sur la côte
orientale de la péninsule arabique. On voit mal ce que les plai-
reliant les vallées alluviales de l'Euphrate - Tigre, de l'Oxus
et de l'Indus. Ces routes sont jalonnées de grandes agglomé-nes alluviales pouvaient offrir en retour aux populations du
plateau iranien tout à fait capables de subvenir elles-mêmes à
rations industrieuses (Gorgan, Hissar, Shahr-i Sukhte13, Sha-
leur subsistance14. L'altitude moyenne du plateau (1 300 m)
hdad, Malyan ; voir fig. 1), avec un secteur artisanal
n'est pas très favorable, il est vrai, à la culture des céréales,
développé où s'activent, selon les ressources locales, métal-
mais elles y furent introduites de bonne heure, à travers le
lurgistes et/ou spécialistes du travail des pierres dures semi-
Zagros, ainsi que des animaux domestiques (bœuf, mouton,
précieuses : lapis-lazuli (importé d'Afghanistan), marbre
chèvre). Dans le sud, le palmier dattier est sans doute à la base
veiné, calcédoine, turquoise, albâtre, etc. Les produits de cette

12. On en trouvera une bonne présentation dans HUOT, 2004, voir aussi :
AMIET, 1986 ; DESHAYES, 1969 ; CARTER, 1979 ; CARTER and STOLPER, 14. Il y a traces à Konar Sandal de poissons séchés et de coquillages
1984 ; LAMBERG-KARLOVSKY and POTTS, 2001 ; PORADA, 1965. importés des côtes du Makran (DESSE-BERSET, com. pers. ; DESSE-Berset
13. LAMBERG-KARLOVSKY and TOSI, 1973. and Desse, à paraître).

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de LE MILIEU NATUREL
l'alimentation15. Dans son ens
apparaît au IIIe millénaire comme u
relles moins plus
bien définies ou g
L'aspect le plus positif du problème vient de la connais-
agglomérations s'étalent, largement
sance que nous pouvons avoir du milieu naturel ancien dans
longs murs (comme à Malyan17) sus
la région de Jiroft. Du point de vue du climat, le plateau irano
cas de crise les fractions de la popul
indien devait présenter au IIIe millénaire des conditions très
habitants des villages environnan
proches de celles que nous pouvons observer aujourd'hui. Les
ques résidences plus spacieuses la pr
travaux les plus récents de la paléoclimatologie21 - basés sur
lénaire ne connaît pas de constr
des analyses polliniques des fonds marins et lacustres e
celles-ci n'apparaîtront, semble-t-il
Méditerranée orientale et en Asie du Sud-Ouest - permettent
tié du millénaire (plates-formes à d
de penser que les conditions climatiques n'ont pas varié d
res immenses, aujourd'hui ravagé
manière significative dans l'ensemble de l'Asie du Sud-
nous renseignent guère sur les prat
Ouest, comme de l'hémisphère nord, depuis la fin de 1'« opti
croyances ; le fait toutefois que ces
mum climatique », au Ve millénaire. Les pluies d'été se sont
dehors des agglomérations peut être
alors raréfiées ; de vastes zones du Proche et du Moyen
nir d'une vie nomade18. Le proces
Orient furent abandonnées en même temps que s'effondrait le
l'écriture est engagé en Iran comm
mode de vie pastoral. Sur le plateau irano-indien, la popula-
le début du IIIe millénaire ; en tém
tion s'est rassemblée autour des points d'eau sur le pourtour
sur l'ensemble du plateau des tabl
des grands lacs desséchés du Dasht-e Kavir, Dasht-e Lut, etc.
tes »19. Toutefois l'écriture ne conn
La région connaît dans son ensemble une aridité de plus e
loppement aussi rapide qu'en M
plus marquée vers le sud avec une végétation de steppe semi-
inscriptions connues en « élamite lin
aride et quelques bouquets d'arbres au flanc des montagne
déchiffrées. fait, dans une régio En
les plus humides. Dans ce monde désolé, la dépression du Jaz
ne sommes toujours pas en mesure
mourian où se trouve Jiroft présente un tout autre caractère e
période. Pour ce qui est de la chron
raison de sa formation géologique22. Il s'agit d'une foss
drons provisoirement aux notion
d'origine tectonique, longue de 400 km, orientée NO/SE
milieuet de fin du millénaire. Les
comme les plis du Zagros, et résultant de la subduction de la
mésopotamienne ne sont pas moins
plaque arabique sous la plaque iranienne (fig. 1). A une cot
férentes terminologies en usage (Pr
moyenne de 600 m, cette fosse paraît d'autant plus profonde
que Archaïque, Présargonique) co
qu'elle est entourée de montagnes qui culminent au nor
incertitude. Les dates mêmes de
(Jebel Barez) à plus de 4 400 m. Elles constituent un véritabl
revues à la baisse d'un siècle par les
courte20. château d'eau qui alimente le torrentueux Halil Roud et, dans
la plaine alluviale, des puits artésiens dont les eaux jaillissan-
tes irriguent palmeraies et jardins ; la végétation est de type
sub-tropical. Les pentes basses présentent une couvertur
15. Voir p. 101, n. 30. forestière clairsemée avec pistachiers, amandiers, etc. A cet
16. Les meilleurs exemples seraient (fig. 1), dans le nord, la plaine de avantage considérable de la présence d'une eau abondante et
Gorgan et la région de Tépé Hissar au sud de l'Elbourz, ouverte à l'est vers le
Turkménistan et l'Asie Centrale ; à l'est, le Séistan (avec Shahr-i Sukhte) en
qui n'a son égal que dans les grandes vallées, s'ajoute pour
relation avec le bassin du Hilmand et l'Afghanistan ; à l'ouest, la province du Jiroft la proximité de ressources minières diversifiées : à l'est
Fars avec Tépé Malyan, en relation avec la Susiane et le Luristan. surgit un massif de roches cristallines et volcaniques avec de
17. SUMNER, 1976.
gisements de cuivre ; à l'ouest, s'étend une accumulation de
18. Une population pastorale amenée à se déplacer selon le cycle des sai-
sons enterre ses morts le long de sa route ; elle ramènera plus tard leurs restes roches métamorphiques comportant des filons aurifères et de
vers un cimetière commun au point d'ancrage du groupe. Un bon exemple de gisements de chlorite. Les galets du Halil Roud offrent e
cette coutume peut être observé dans le Negev et la plaine côtière du Levant-
sud vers 4 000 av. J.-C.
19. LE BRUN, 1971 ; LE BRUN et VALLAT, 1989 ; VALLAT, 1980 et
2003. 21. ROSSIGNOL-STRICK, 2003 : 4-17.
20. VALLAT, com. pers. 22. FOU ACHE et al., 2005.

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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft 103

abondance un échantillonnage complet deproduction


la lithologie dutemps, dans la première moitié du IIIe mi
dans le
bassin versant du fleuve. lénaire26. Les vases et objets de Jiroft constituent désorma
une indispensable référence pour un réexamen devenu néce
saire de la question des vases en chlorite dispersés à travers
Moyen-Orient. La phase « classique » du matériel de Jiro
LES INFLUENCES
pourrait se situer dans le second tiers du IIIe millénaire suite
une phase formative encore théorique dans le premier tiers
Si nous pouvons rassembler aujourd'hui quelques infor-
qualité de la production décline avant même le milieu du III
mations concernant le milieu naturel et les conditions de vie
millénaire. De nombreux vases et objets ont été rassemb
et s'il est possible de se faire une idée générale du niveau de depuis la publication du « catalogue Madjidzadeh ». Par
développement technique et économique, nous ne faisons eux quelques pièces intéressent au premier chef l'évolution
qu'entrevoir, à travers les vestiges de l'architecture et les tra- la thématique27.
ces des établissements, ce qu'ont pu être au IIIe millénaire
l'organisation sociale et la vie culturelle des populations de la
région centre-sud du plateau iranien. L'évidence est que, dans
LES PAYSAGES
les premiers siècles, le plateau a connu d'ouest en est un cou-
rant d'influence marqué par la présence des tablettes proto-
élamites. Le foyer de cette influence semble avoir été la pro- L'ornementation fait appel à Jiroft à des symboles don
vince du Fars (Malyan), liée elle-même à la Susiane et au certains ont à l'évidence une signification universelle. Ain
Luristan, qui sont sous l'influence directe de la Mésopotamie. les cônes renversés, emboîtés les uns dans les autres ou im
Dans la seconde moitié du IIIe millénaire, domineront en sens qués en écailles, représentent-ils sans doute des montagne
inverse des courants venus d'Asie Centrale et des marges Ils sont suggestifs en tout cas de l'horizon montagneux
domine la dépression du Jazmourian. Les lignes parall
orientales du plateau irano-indien. Dans les derniers siècles,
cette influence orientale sera contrebalancée par celle deshorizontales, droites ou ondulées28, peuvent traduire de m
intrusions akkadiennes. Tout au long du IIIe millénaire, le pla- une eau stagnante ou en mouvement ; les tourbillons cond
teau a fourni la basse Mésopotamie en matières premièressent à des enroulements et des torsades. Les verticales zig
(bois, pierres23) et en produits de luxe ; une bonne illustrationgantes pourraient représenter des cascades ; elles
de cette relation étant, pour ce qui nous concerne ici, la carteassociées souvent au signe de la montagne ou à un mot
de distribution des vases en chlorite sur les sites des grandes escalier évocateur de la montagne : la haute terrasse étagé
vallées du Tigre et de l'Euphrate (fîg. 1) 24. Autre symbole tiré de l'architecture locale, celui d
« porte ». On a souvent décrit ce motif comme représent
une « hutte » ; sa représentation à Jiroft (fig. 10) ne l
aucune place à l'incertitude. Il s'agit clairement d'une por
ICONOGRAPHIE, MYTHOGRAPHIE,
plusieurs encadrements ; le linteau incurvé est l'expre
MYTHOLOGIE
d'une réalité ; le bois de palmier s'affaisse sous le poid
briques qu'il supporte. On ne saurait trouver meilleur exem
Dans la première partie de cette étude des vases de
et relation
objets entre le réel et l'activité symbolique.
en chlorite de Jiroft, nous avons cherché à décrire de manière
objective l'ornementation25, leur style et la thématique sous-
jacente, à travers les techniques mises en œuvre. Les caractè-
26. Ce que tend à confirmer la découverte au cours de la campagne 20
res distinctifs de cette collection ont permis de mieux situer
2006 sa en chlorite dans les couches antérieures à la construction
d'objets
«citadelle » et datées par le С 14 du milieu du IIIe millénaire.
27. PERROT et MADJIDZADEH, 2005.
23. HAKEMI, 1997b. 28. Elles sont souvent associées dans la glyptique mésopotamienne
24. La présentation en italique des figures et des planchespoissons oulaà des bateaux.
renvoie à
première partie de cette étude dans Paléorient 31/2, 2005. 29. Le motif en escalier se trouve, au début du IIIe millénaire, dan
25. PERROT et MADJIDZADEH, 2005. Pour l'illustration de cet article du
glyptique on niveau IVC de Tépé Yahya où une « montagne en gradins
surmontée
pourra se référer à la première partie de cette étude dans Paléorient 31/2, 2005d'un
: arbuste fleuri (PlTTMAN, 2001 : 231-243). Cette emprein
123-152, ou au catalogue de la collection (MADJIDZADEH, 2003). la seule qui soit complète sur la vingtaine de pièces recueillies.

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1 04 J. PERROT et Y. Madjidzadeh

LE MONDE VÉGÉTAL
matiques, médicinales ou psychotropes, auraient pu faire
l'objet d'une exportation vers les régions basses environnan-
tes. Le thème des bouquetins approchant le « buisson fleuri »
Le monde végétal occupe à Jir
paraît réservé aux grandes coupes cérémonielles. Celles-ci,
pourrait s'expliquer par la luxu
d'une haute qualité esthétique, semblent n'avoir jamais quitté
tation locale, de type subtropic
le pays, de même que les « tables de jeu » et peut-être aussi les
avec ses palmeraies et ses jardin
« sacs à main ». Cette observation paraît mettre fin à la thèse
que s'étage sur les pentes une v
des vases en chlorite « objets de prestige ».
(pistachiers, amandiers, genévr
tier est à la base de la subsistance : il entre aussi dans la cons-

truction des habitations. Son image stylisée, propre au


répertoire de Jiroft, est d'une élégance et d'un réalisme que l'onLE MONDE ANIMAL
ne retrouvera guère dans sa représentation au Moyen-Orient
avant l'époque assyrienne. Du fait de sa reproduction par rejets
Le monde animal domine le répertoire iconographique de
souterrains et du caractère artificiel de sa fécondation30, le pal-
Jiroft. Il est réduit cependant à quelques espèces sauvages qu
mier - dattier a quelque chose de mystérieux qui pourrait lui
se distinguent par leurs cornes, leurs crocs, leurs griffes, leu
avoir ouvert un chemin vers un degré de sacralisation. On note
bec, leurs serres, leurs crochets. Ce sont le zébu et le bouqu
sa présence fréquente sur les « sacs à main » qui paraissent tenir
tin, le lion et le guépard, l'aigle et un petit rapace, le scorpio
une place spécifique dans le mobilier et le rituel funéraire (pl. II
et le serpent. Hier comme aujourd'hui, le grand bovidé a pu
k). Le palmier est souvent associé au lion. Son image pourrait
représenter la force, la puissance ; le bouquetin, l'agilit
relever, comme celles du lion (fig. 7a et b) et du bouquetin,
extrême ; le lion, la souveraineté ; le guépard, la rapidité
d'une tradition totémique, clanique ou tribale.
l'aigle, du haut du ciel, voit tout et frappe comme la foudre.
Le monde végétal est encore représenté par divers types de
ces caractères positifs du point de vue de l'homme, on pour
feuillus dont les branches se répartissent parfois symétrique-
rait opposer celui du petit rapace, charognard, tandis que le
ment de part et d'autre du tronc, « en candélabre » (fig . 4c) ;
scorpion évoque la douleur, la souffrance, et le serpent une
et aussi par des buissons composites porteurs d'étranges
idée de mort.
« fleurs » multilobées dont le parfum semble flatter l'odorat
Le zébu est caricaturé (fig. 6). A l'état sauvage ce bovidé
des bouquetins (fig. 5). On a proposé31 de voir dans ces
vit sous un climat chaud et sec. Nous avons noté33 l'incerti-
« buissons fleuris » l'image recomposée d'une plante spécifi-
tude de son statut à Jiroft et envisagé que l'animal pouvait être
que du haut plateau iranien32 dont les extraits, aux vertus aro-
en cours de domestication. Un rapport existe peut-être entre
l'ampleur de la bosse qu'il porte sur le garrot (et qui témoi-
30. Le palmier dattier qui s'accommode fort bien des sols calcaires gnerait de conditions de vie favorables) et le « flot » qui sort
marneux du fond de la vallée de Jiroft et qui peut supporter des eaux légère-
de son front et ondule au-dessus de son échine, signe de la pré-
ment salées, demande cependant des soins. Le fruit de l'arbre sauvage est de
sence d'une eau abondante dont bénéficierait l'animal sous
pauvre qualité pour l'homme ; il donne une sorte de sirop mais la pulpe doit
être donnée aux animaux. La fécondation se fait manuellement de fleur mâle à
contrôle humain. Le choix du zébu (de préférence au bœuf,
inflorescence femelle, un palmier mâle pour 50 palmiers femelles. Elle se fait
descendant de l'aurochs qui domine dans le bétail local) peut
entre janvier et mars, la récolte en octobre. Les dattes sont très nourrissantes ;
elles sont riches en sucres et en protéines en même temps que source de vita- s'expliquer par l'indépendance encore grande de l'animal et
mines et d'acides gras. Bien entretenu, un palmier peut donner jusqu'à 200 kg le caractère ombrageux dont il témoigne. Il n'hésite pas à
de fruits par an et rester productif pendant 75 ans. Le bois du palmier est souple
planter une corne dans la crinière du lion (fig. 7f) ; attaché, il
mais peut être utilisé dans la construction, notamment pour les portes. Des jar-
dins peuvent s'étendre à l'ombre des palmiers. La culture du palmier impose secoue l'arbre sur lequel son maître est monté (fig. Ile). La
une vie sédentaire mais la structure des sociétés qui en vivent peut différer de place que le zébu tient dans l'imaginaire de Jiroft est encore
celle des sociétés agricoles ordinaires (SPOONER, 1971).
soulignée par la représentation d'un zébu unicorne (pl. IVa et
31. Perrot et Madjidzadeh, 2005.
b).
32. Il pourrait s'agir d'une ombellifère du type Assa foetida encore Cette image peut témoigner d'une influence venue de
exploitée aujourd'hui sur le plateau irano-afghan et recherchée en Inde pour l'Indus, encore que dans cette région, la corne unique est plan-
ses vertus culinaires et aphrodisiaques. Un tel scénario apporterait une explica-
tée sur le front de l'aurochs.
tion à la distribution en basse Mésopotamie des petits vases cylindriques et des
hauts vases tronconiques en chlorite ; ceux-ci auraient servi de conteneurs
standardisés pour les résines et les huiles extraites de cette plante. 33. PERROT et MADJIDZADEH, 2005.

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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft 105

Autre
Nous avons décrit sous le nom vernaculaire de espèce opposée au serpent, l'aigle. Ailes é
« bouque-
pattes
tin » les caprins qui ornent les coupes (fig. 4e et f ;écartées, tendues, il enserre des reptiles (p
fig. 5). La
diversité de forme et de courbure des cornes n'a pas
aucun cas permis
l'aigle ne peut être confondu avec le petit r
ne vise
aux spécialistes consultés de distinguer sûrement lesque des charognes. Ailes repliées, il prête sa
espèces.
emblématique
On notera seulement que ces cornes ne montrent à la forme du tablier des «jeux de
pas la torsion
homonyme qui, chez la chèvre, caractérise laQuant à l'aigle à deux têtes37, son bicéphalisme p
domestication.
l'expression
L'image du bouquetin aux longues cornes annelées graphique de la vision large et pénét
retombant
l'oiseau. Il en
en arrière est ancienne au Moyen-Orient, notamment peut découler aussi d'une tendance natu
Iran
dans le décor de la poterie peinte de la nécropole de Suse
l'artisan vers vers
la symétrie.
4 000 av. J.-C. Elle pourrait être liée ici à quelque
L'aigle réminis-
et le guépard sont opposés au serpent (fig.
cence clanique34, ce qui expliquerait sa présence
l'hommeprivilégiée
portant parure cherche de même à détruire
dans un contexte funéraire sur des coupes apparemment liées
moins à écarter (fig . 12e). Gueule ouverte, le reptil
maisL'association
à un rite de passage vers le monde des ancêtres. ne mord pas. Ses entrelacs par ailleurs offrent
de l'animal, sur ces mêmes coupes, à une plante susceptible
variations dans un esprit que l'on peut considérer d
d'affranchir des frontières sensorielles et de Ses anneaux
permettre le définissent
pas- les cases de plusieurs «j
sage vers le monde invisible renforcerait cette assomption.
serpent En a été qualifié à tort de « dragon ».
de Jiroft
dehors des coupes, le bouquetin n'apparaît que commedont
externes jeune
il est gratifié en font peut-être, au sen
victime du lion (fig. 7d ), sort malheureux qu'il partage
gique, avec
un monstre. Il est sans doute effrayant, mais
un jeune bovin (la distinction se faisant par lagon » entraînerait
forme et le mou- une toute autre signification38.
vement des cornes). Quant au scorpion, dont l'image semble servir sou
Le lion se tient à l'écart de l'homme ; il est impliqué
remplir les dans
vides de la composition (fig. 6b et 7c), i
des scènes de caractère narratif où figure un
enpalmier (ou
files sur un
les petits vases cylindriques dont le cont
rait avoir
feuillu en « candélabre » ; fig. 7). A la représentation duété un baume antidouleur. Le scorpion est
fauve
serpent
est régulièrement associé un thème secondaire : celui ;du
onrapace
le trouve aussi en masse grouillante sur
piquant vers le cadavre du petit bovidé quihauts
gît aux pieds
vases du
tronconiques (pl. Ile).
lion ; l'oiseau est assez familier avec le lion pour aller se poser
sur sa croupe (fig. 7e). L'isolement relatif du fauve, et ce qu'il
paraît représenter symboliquement, pousse à le ranger (avec le
L'HOMME
bouquetin et peut-être même avec le palmier) dans une catégo-
rie de valeur totémique ou pseudo totémique.
La qualité de l'exécution de l'ornementation des vases
L'homme de
est figuré à Jiroft selon le schéma élémentaire
d'un
Jiroft (et le soin extrême apporté à ses dessins humain
par Mme debout
Sedi- ou assis sur les talons (fig. 11 et 12). L
ghe Piran) permet d'établir, grâce encore aux différences
tête detournée vers sa droite ; le corps est de fac
est de profil,
les pectoraux
traitement du pelage, une claire distinction entre le lion saillants,
et un les bras ouverts, avant-bras relevés3
Debout,
fauve non moins prestigieux qui, tout en étant les jambes apparaissent séparées sous une jupe
potentiellement
retenue à
dangereux, est cependant peu agressif : le guépard. la taille par une ceinture. Les pieds, tournés v
L'animal
peut faire l'objet d'un dressage ; il semble avoir
l'extérieur,
été asservi
indiquent
au la direction de la marche ; pointes éc
Moyen-Orient à toutes les époques35. L'homme qui le dompte
36. DUNN-VATURI,
(fig. 12j ) porte une parure protectrice (bracelets, collier et 2004.
37. № 133 du « Catalogue Madjidzadeh » (MADJIDZADEH, 2003).
bandeau frontal) mais il est nonchalamment assis sur les
38. L'image du serpent dans le monde oriental n'est pas automatiquemen
talons ; il ne touche pas l'animal. Par ailleurs, on
négative trouve
; dans le d'une économie agricole il apparaît souvent dans
le contexte
guépard luttant aux côtés de l'homme contre rôle
le serpent.
naturel de protecteur des silos à céréales dont il écarte les rongeurs. On
a souvent fait une divinité chtonienne, un symbole de fertilité ou le signe
chaos. Le dragon est un animal fabuleux avec des griffes, des ailes et une qu
de serpent. Dans le style de l'Ecriture, le dragon c'est le démon.
39. La
34. On notera par ailleurs que le corps de l'animal ne porte, seule celui
comme exception dans la « collection de Jiroft » est celle
de l'homme, aucune incrustation en dehors de celle de l'œil.
l'homme chutant d'un arbre sous le regard d'un compagnon (fig . Ile) et cel
35. Ce pourrait être son image qui sert d'accoudoir audes
siège
« buveurs
sur lequel
» (figest
. lie). L'exécution est gauche mais il y a ici une tentativ
assise la dame de Çatal Höyük. d'exprimer le mouvement.

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1 06 J. Perrot et Y. madjidzadeh

tées, ils pion41 et, dans la catégorie


signifient des «tables de jeu», av
l'immobili
pas de signification particuliè
l'homme - scorpion, un homme - serpent42. La continuité en
accueille, guide, tient
la partie humaine ou
et la partie animale port
de chaque personnage
d'atlante ou fait habituellement au niveau de la ceinture.
d'orant. L'homme aux
Assis s
« à genoux »
pieds comme
griffus porte une jupette plissée. souven
L'homme - taureau
serait dans l'attitude de
(fig. 11/ ), dont on pourrait s'étonner la
qu'il ne porte pr
pas de cor-
posture est généralement l'ex
nes, présente une partie inférieure peu typique dont il est séparé
lité ou d'adoration ; verticales.
par une large ceinture à baguettes ce L'homme
qui
- gué- i
talons, l'homme
pard montre, est
au-dessous de ladans une
taille, les marques circulaires
chalance, de caractéristiques
détente, du pelage de l'animal. Lequ'il
rattachement au g
avec des guépards (fig.
corps humain de la partie inférieure de celui 12j).
du lion se fait de C
porte pas de manière
barbe plus subtile encore par mais une
l'intermédiaire du pelage. Pour
ondulée qui tombe en
l'homme - scorpion, l'animalité s'étend arrière
au thorax.
Lorsqu'il entreprend une
Il n'existe pas de relation significative, semble-t-il, entre ac
reuse l'homme porte
les personnages une
hybrides et leur support ou avec la paru
fonction
un collier à médaillon et un bandeau frontal. En raison de la de celui-ci. L'homme - scorpion est seul cependant à apparaî-
petite taille des vases, ces éléments se trouvent réduits le plus
tre dans l'ornementation des « sacs à main ». Il est seul aussi,
souvent à une seule incrustation ; les manquements à cette
avec l'homme - serpent, à prêter sa forme aux « tables de
règle sont très rares. Les bracelets sont en nombrejeu » pour des raisons déjà indiquées. On pourrait évoquer
variable ; souvent trois ; en un cas (fig. 12e ) le bracelet central
aussi la dangerosité commune du scorpion et du serpent, leur
côté gauche est orné de baguettes transversales. Le colliermême signification négative pour justifier une relation avec
porte un grand médaillon de forme ovale ou losangique (pl. ces
la tables. Celles-ci trouvent leur place en contexte funéraire
et b ) marqué par l'incrustation d'une pierre bleuâtre (tur-
dans le cadre d'activités rituelles liées peut-être à une évoca-
quoise ou lapis) qui a probablement sa propre vertu. Caracté-
tion de la destinée passée ou à venir du défunt43. Le « sac à
ristique de la phase « classique » du style de Jiroft, cette main » semble associé lui aussi aux ultimes rites de passage.
parure protectrice tendra à disparaître au cours de la phase de
déclin ou lorsqu'on s'éloigne du principal centre de produc-
tion. On notera encore que l'homme, lorsqu'il porte la parure
LE RÉPERTOIRE DE JIROFT
censée le protéger, tourne la tête vers sa gauche et non plus
vers sa droite ; les pieds vont dans la même direction à moins
qu'ils n'indiquent l'immobilité40. Le répertoire de Jiroft est plus qu'un catalogue d'éléments
dispersés. Au-delà de la diversité des techniques et des nuan-
ces du style, ce répertoire apparaît comme un ensemble de
LES PERSONNAGES HYBRIDES motifs signifiants, de symboles tirés les uns du réel, les autres
de l'imaginaire, tous éléments analogues formant un tout
cohérent. Les animaux paraissent déjà à eux seuls constituer
Les personnages hybrides constituent la plus forte origina-
lité du répertoire iconographique de Jiroft (fig. 12e41.àCelui-ci
h). Ces est le seul des personnages hybrides à porter des cornes. Les
êtres sont des hommes qui empruntent de cornes
manière recourbées des bouquetins n'apparaissent jamais à Jiroft sur la tête des
symbolique
personnages. Des personnages ailés apparaîtront mais plus tard dans la glyp-
à un animal qui a retenu leur attention, un trait qui leur a paru
tique de la période IVB de Tépé Yahya ainsi que dans la glyptique de Shahdad,
susceptible d'accroître leur propre pouvoir. C'est
dans leainsi quedu IIIe millénaire.
dernier tiers

l'on trouve un homme aux pieds griffus, un homme 42. Ce dernier


- lion, un a été découvert au cours de la campagne 2005-2006 à
Konar Sandal Sud. La technique de cet objet est décadente et sa thématique est
homme - guépard, un homme - taureau, un homme - scor-
confuse. Des « ailerons » (empruntés, semble-t-il, au scorpion dont les pattes
ont souvent été ainsi regroupées) sont attachés gauchement de part et d'autre
40. Cette observation ne s'appuie pour l'instant que sur un nombre
de la partielimité
inférieure du corps. La position de cet objet dans une couche datée
de pièces. On considérera cependant comme suspectes celles montrant
par le C14 un
versper-
2 500 av. J.-C., conforte la notion d'une date haute pour la phase
sonnage passant à droite, tête à gauche (n° 618 et 624 du «Catalogue
classique » dude
style
la de Jiroft.
Galerie Barakat). 43. FINKEL, 1995.

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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft 107

dont le du
comme l'armature de la cosmogonie. La présence motif gravé à la pointe ou à la bouterolle n'est pas tou-
fantasti-
que dans cet ensemble contribue à écarter unjours lisible. On
soupçon ajoutera que les motivations de la glyptique
d'incom-
diffèrent de
plétude qui aurait pu naître du fait que le matériel decelles de l'ornementation des objets ; l'importance
Jiroft,
de l'acteque
réputé provenir de cimetières, n'aurait représenté de sceller passe avant celle de l'image. En Mésopota-
la partie,
mie et en plus
à destination funéraire, d'un répertoire symbolique Susiane, cylindres et cachets ont été datés par leur
large.
style plus rassemblé
Sous cet angle, on peut dire que l'abondant matériel souvent que par leur position stratigraphique, tou-
à Jiroft et à Téhéran depuis la publication de ladifficile
jours « collection
à établir. Les interprétations offertes jusqu'ici de
Madjidzadeh » n'apporte pas d'éléments nouveaux
la glyptiqueen dehors
reflètent plus souvent l'attitude mentale et les pré-
conceptions des chercheurs que les croyances et sentiments des
de signes de dégénérescence technique et stylistique.
propriétaires
S'il est bien complet, le répertoire de Jiroft n'apparaît et des graveurs des sceaux.
pas
Sans entrer
encore cependant comme un système témoignant d'uneici dans une comparaison détaillée du réper-
cons-
toire deest
truction de l'esprit. L'impression qui s'en dégage Jiroft avec celui de la glyptique mésopotamienne45,
à rappro-
on notera
cher de celle que donne au même moment (dans que celle-ci est sensible aussi au milieu naturel et
la première
qu'elle fait largementde
moitié du IIIe millénaire) le processus de développement appel au monde animal. On y trouve,
l'écriture, à mi-chemin des pictogrammes et comme à Jiroft,
des signes bovidés, fauves, rapaces, scorpions et ser-
trans-
crivant la langue. Les images fonctionnent pents,
déjàainsi
icique des thèmes tels que celui des bouquetins asso-
comme
ciés à un
une sorte de langage avec un vocabulaire et avec unemotif végétal ou celui d'un personnage flanqué de
syntaxe
formes
qui procède par juxtapositions, associations animales. Nombre de ces schémas relèvent d'un vieux
et combinaisons
fond iconographique
des divers éléments, en accord ou en opposition. commun à l'ensemble du Moyen-Orient
Elles laissent
depuis le Ve
toutefois du point de vue esthétique un sentiment millénaire. Les différences toutefois sont percep-
d'inachevé.
tiblesladès
La préoccupation première du sculpteur est que l'on rapproche les motifs. Le « taureau » méso-
production
d'objets rituels. Elle est dominée par le soucipotamien n'est pas le zébu mais le descendant domestique de
de la répétition
fidèle d'un modèle, cette fidélité étant seule l'aurochs
garante; le
dezébu, nouvellement introduit sur le plateau ira-
l'effi-
cacité du rite. Le choix des motifs dans le milieu naturel a ses nien est encore à demi sauvage à Jiroft (il n'hésite pas à atta-
racines dans l'observation attentive de la réalité. À côté de quer le lion alors qu'en Mésopotamie on trouve plus souvent
traits archaïques (le schéma du corps humain bras levés), le fauve sur l'échiné d'un bovidé). A côté du lion on distingue
celle-ci est source d'émotions et de sentiments ; le sens esthé- à Jiroft, un guépard dont le comportement est bien différent de
tique s'éveille. Il s'agit encore cependant d'un art qui ne se celui du lion dans ses rapports avec l'homme. La forme
sait ni ne se veut « art » ; même si quelques artisans semblent humaine, dans la glyptique mésopotamienne archaïque, pré-
avoir pris plaisir à leur travail ; par exemple dans l'ornemen- sente une grande variété d'attitudes ; c'est souvent celle d'un
tation des grandes coupes (pl. /). Des maîtres ont stylisé la homme nu ou porteur d'une jupe longue et d'un bandeau fron-
nature et créé des modèles dont la reprise donne à l'ensemble tal. Le « héros dompteur », lorsqu'il apparaît, est montré de
un niveau esthétique relativement élevé. face, barbu et cheveux en boucles. Ce type est inconnu à
Jiroft ; mais surtout, Jiroft ne connaît ni scènes de chasse ou
de guerre, ni représentations de la vie quotidienne46, ni scènes
de présentation ou de soumission d'un personnage à un autre ;
ÉTUDE COMPARATIVE
dans l'ornementation des vases aucune image ne peut être rap-
portée au concept du divin. A ce sujet, on rappellera, avec
Sur l'horizon de la première moitié du IIIe millénaire, le Pierre Amiet47 que « "héros dompteur" ou "maître des ani-
répertoire de Jiroft ne trouve guère d'éléments de comparaisonmaux" n'ont jamais fait l'objet en Mésopotamie d'un culte
en Iran44 ou hors d'Iran en dehors de la glyptique. Celle-ci seautorisant à les considérer comme divins ; leurs héritiers des
réduit souvent en Iran à des empreintes plus ou moins nettes
laissées sur l'argile par des cachets ou des cylindres-sceaux 45. AMIET, 1961.
46. A l'exception peut-être de la scène des « buveurs » (fig . 11c), suscep-
44. Quelques statuettes de belle qualité mais de provenance incertaine tible d'ailleurs d'une autre interprétation que celle des « banquets » ; et de celle
sont attribuées à l'Iran proto-élamite au début du IIIe millénaire (ARUZ and de l'homme chutant d'un arbre secoué par le zébu qu'il a attaché à son pied
WALLERFEDS, 2003 : 46-48). Elles n'ont aucun lien avec les figurines de Jiroft(fig. Пе).
(MADJIDZADEH, 2003 : 150-151) ; MlROSCHEDJI, 1973. 47. AMIET, 1995 : 487, 496 ; PlTTMAN, 2001.

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108 j. PERROT et Y. MADJIDZADEH

temps historiquesvenir de cimetières, jamais


n'ont d'un contexte funéraire,
fait c'est-à-dire
fig que
jours été a priori, leur
dépourvus ornementation serait en relationdivins
d'attributs avec l'idée de la
thématique des mort. Les grandes
objets coupes ornées de de
ornés bouquetins et de « buis-
Jirof
sobre que celle sons la
de fleuris glyptique
» offrent-elles ainsi des tableaux bucoliques pro-
archaïq
qui peut se pres à apaiser l'angoisse
concevoir étant des vivants
donnésurtout si l'image
ladu
durée d'emploi bouquetin
du éveille le souvenir en
matériel d'un monde ancestral que le
question
fois paraissent défunt vaautre
d'un rejoindre. Le motif de la porte est ;
ordre en probable
elles rela-
La glyptique tion avec le passage vers
iranienne de le monde invisible. Ce motif
cette mêm mar-
est connue à Susequerait
etl'ultime
à rite de passage après ceux
Malyan et,des âges de la vie,
près
(période IVC), est marquée
rites d'initiation, àmême
de socialisation et autres. Ce desmotif de
influence la porte se répète souvent sur les
mésopotamienne ; « sacs à main », eux-mêmes
celle-ci v
Suse montre déjà une
suggestifs indiscutable
de déplacements. Ces curieux objets accompagne- o
esprit qui raient le défunt
demeure marqué dans sa survie ; sipar
toutefois la celui
notion de survie
riel de Tépé Yahya
est conforme à la IVC
spiritualité de est
l'époque. Danspeu
ce même con-i
empreinte est texte, les « tables de jeu
complète. », qui instrumentent
Elle représen l'accès à la con-
sés de part et naissance de la destinée,
d'autre d'un posent la question d'un «en
motif au-delà »
e
un élément En dehors
végétal des vases en chlorite le mobilier
diffèrent de des ceux
tombes com-
des niveaux IVB de Tépé
prend des Yahya,
objets dont il est difficile de diredans
s'ils sont les
millénaire et celle, contemporaine,
« appartenances de
» du défunt, qu'il emporte avec lui, ou un
personnage ailé mobilier
et destiné à la vie dansCe
cornu. un autrethème,
monde. c
comme susceptible de
L'iconographie représenter
de Jiroft s'inspire largement et sincère-
introduit sur le plateau iranien
ment du réel au point par
que l'on se demande parfois le
si l'image
n'a pas tout dit. Il est difficile de voir dans la scène de
l'homme chutant d'un arbre au pied duquel il a attaché son

LA SIGNIFICATION APPARENTE zébu (fig. lié) autre chose que l'illustration d'un dicton popu-
laire suggérant, non sans humour, qu'il est dangereux de
grimper dans un arbre au pied duquel on a attaché un animal
L'ornementation d'un vase a pour but de lui donner unTrois figures, celles du bouquetin, du lion et du pal-
furieux.
sens en relation avec son usage, avec sa place dans lemier,rituelsont
; susceptibles, au-delà de leur sens apparent, d'une
elle est supposée accroître l'efficacité du rite. Le rite interprétation
est dirigé particulière. On pourrait envisager, concernant
vers un objectif, il constitue l'action humaine par excellence
le bouquetin, une relation de type totémique. L'animal a cer-
et nous avons quelque chance de remonter par son intermé-
tainement joué un rôle dans un mode de vie plus ancien,
diaire jusqu'à la pensée humaine. Lorsque l'ornementation se
dominante « chasseur » ; on le trouve associé à Jiroft aux rite
limite à la représentation rythmée d'un seul et mêmedeélément
passage vers le monde des ancêtres. Un statut voisin pour
- motif géométrique ou animal en file - on peut penser que celui du lion qui se tient généralement à l'écart de tou
rait être
l'artisan, non dépourvu de sensibilité esthétique, se livre, plus
engagement direct avec les autres espèces (c'est sous les trait
ou moins consciemment, à la recherche d'un effet décoratif.
de l'homme - lion qu'il terrasse les hommes - scorpions dans
Le goût de la symétrie est très ancien ; il est attesté par
unlescombat
pre- mythologique 'fig. 12f). Quant au palmier, associé
miers tailleurs de bifaces en amande. Lorsque le rite vise(et
au lion à sous sa forme de rejet, au bouquetin), il est pa
l'obtention de quelque avantage, visible ou invisible, nous « arbre de vie ». Ces trois symboles témoignen
excellence
touchons avec lui au monde de la magie. Lorsque l'ornemen-
d'une ambiance neutre ou bienveillante. Place est faite à
tation introduit le fantastique, nous abordons le domaine du
l'imaginaire, au fantastique, avec le zébu unicorne et avec
sacré en devenir. Les vases et objets de Jiroft sont réputés
l'aigle pro-
bicéphale ; à l'action avec les personnages hybrides
qui apparaissent hiérarchisés dans le bien comme dans le
48. VALLAT, 1989.
mal ; le scorpion et le serpent symbolisent respectivement la
49. La fouille en cours à Konar Sandal a déjà livré plusieurs centaines
souffrance
d'empreintes dont l'analyse est en cours ; mais ce matériel provient des et la mort. De l'autre côté, favorable, l'homme
contrôle
niveaux supérieurs qui sont d'un âge plus avancé dans le IIIe millénaire. ou accompagne le zébu sans avoir à porter une parure

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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft 109

protectrice ; il juge prudent cependant de laque, au fur lorsqu'il


revêtir et à mesure que s'élargissait l'horizon, au cours
joue avec le guépard, potentiellement dangereux (fig.
des millénaires qui 12j).
ont suivi la sédentarisation51.
Interviennent dans la même opération de dressage l'homme
Pour les -
premiers sédentaires, dix mille ans avant l'Histoire,
taureau et l'homme aux pieds griffus. Contrel'horizon marque les
les serpents, limites d'une pensée qui est à la dimen-
qu'il
sion de de
s'agit de tuer ou du moins d'écarter, l'intervention l'espace occupé.
l'aigle, de La notion d'univers - au sens d'une
l'homme - guépard et de l'homme - lion devient nécessaire.
communauté générale des humains, au-delà des particularismes
locaux - n'existe
Enfin, l'homme - lion seul a la puissance de terrasser des pas encore. L'universalité est une notion qui
hom-
mes - scorpions. Un pas de plus sera franchi, dans laacquise,
sera lentement phaseavec le développement des échanges à
longue
décadente du style de Jiroft, avec l'intervention distanceles
contre et la constitution de réseaux de communica-
ser-
pents d'une figure composite combinant non plus
tion deux
; avec mais
les mouvements migratoires, bien attestés en Orient
par l'archéologie
quatre éléments50 ; les quatre éléments positifs, favorables, à partir
que du VIIe millénaire. Au IVe millénaire,
au l'aigle.
constituent : l'homme, le zébu, le guépard et Moyen-Orient, les hommes ont déjà le sentiment d'apparte-
L'image
est étrange, maladroite, mais la tentative est nir à une vaste communauté.
manifeste. Le per- Pour eux le monde s'étend de la
Méditerranée
sonnage est à double face (plutôt que bicéphale), à la Caspienne
il porte les et à la mer d'Oman, de la vallée du
cornes et les oreilles d'un bovin ; la chevelureNil à celles de l'Euphrate
répandue sur les et de l'Indus. Les facultés cognitives,
épaules. Le corps, au-dessous des pectoraux et des d'analyse,
les capacités bras quide classification, de synthèse et de con-
ceptualisation,
tiennent écartés les serpents, est celui du lion. La queue, se sont affermies ; la logique est devenue plus
rejetée
sur le côté droit du personnage et le pelage rigoureuse
ne laissent; avec
pasle de
sens d'être dans l'univers s'est dévelop-
doute quant à la nature de l'animal ; mais les pée une plus
pattes grande rationalité. A l'agrégat de représentations
inférieures
mentales
sont les pattes de l'aigle qui enserre lui aussi les qui constituaient
serpents et dont la conscience mythique s'est subs-
tituée
les plumes rectrices s'étalent au-dessous en un progressivement
large éventail. Aune architecture de concepts clairs,
abstraits
ce motif, sur le même haut vase tronconique, et théoriques.
sont associés des Les vieilles structures sociales et
mythiques
zébus. On peut voir dans cette image le prototype se sont
d'un désagrégées ; elles ont fait place à de nou-
motif
dont le sens pourra être différent mais dont onvelles
sait structures,
la carrière sociales,
et religieuses et politiques. Nous
entrons dans l'Histoire52.
la place qu'il a occupées dans l'imagerie orientale et occiden-
Sans entrer ici dans
tale. En vérité, nous pouvons projeter des interprétations surune discussion sur la terminologie en
toutes ces images, mais leur sens profond, il faut bien l'admet-un souci de clarté, il serait souhaitable
usage, je pense que, dans
tre, nous échappe et il en sera ainsi tant que de réserver
nous aux temps historiques des mots tels que « religion »
ne pourrons
et « État » ainsi que tout vocabulaire ayant une relation avec les
pas les intégrer dans la culture dont elles procèdent.
notions de religion et d'État. Le passage de la Préhistoire à
l'Histoire n'est pas lié à l'invention d'une technique ; c'est un
long processus de changement qui, en Mésopotamie, s'étale
LA MYTHOLOGIE DE JIROFT ET SA PLACE
dans sa phase ultime sur une dizaine de siècles ; entre la période
DANS L'ÉVOLUTION DE LA SPIRITUALITÉ
dite d'Uruk (3 400-3 100 av. J.-C.) et celle dite d'Akkad

De tout temps, les hommes ont reconnu l'existence autour


51. On prendra ici le mot « mythe » non pas dans le sens de légende ou de
d'eux de forces visibles ou invisibles dépassant les leurs. Leur mais dans celui de « saisie des choses, des êtres et de soi »
récit fabuleux
appréhension du monde extérieur les a conduits à des repré-
(GUSDORF, 1953). La fonction du mythe est d'intégrer l'homme à la nature, de
lui donner le sentiment de sécurité dont il a besoin. Le mythe est la mémoire
sentations mentales, à des figures symboliques, mais en
du groupe, la totalité de ses connaissances, de ses croyances ; une forme de
dehors de toute référence à des « dieux » dans le sens
sagesse que
; un héritage partagé que l'on transmet aux générations qui montent
nous donnons à ce mot. Le concept du divin, comme celui
afin du la cohésion du groupe dans l'action. Le mythe se réalise et se
d'assurer
perpétue par la répétition ; par le rite. Les pratiques rituelles rythment la vie
sacré, s'est forgé progressivement dans la conscience mythi-
quotidienne ; l'existence entière est ritualisée.
52. Le passage à l'Histoire est un long processus. Si on veut le réduire à
50. Encore inédite cette pièce se trouve actuellement auunCentre
moment,de
ce moment ne saurait se situer antérieurement au dernier tiers du
Recherches Archéologiques de Téhéran. La relation de l'hommeIIIe avec le ser-; en Mésopotamie ce pourrait être, au plus tôt, au temps de Sar-
millénaire
pent évolue. L'homme ne tient plus les reptiles : leur corps passe gon
sousd'Akkad
ses bras.(2 200-2 145 av. J.-C.). On se rangerait volontiers à l'avis de
Sur une autre pièce provenant de Tarnt (ZARINS, 1978), l'homme J.-L.
lui-même
Huot quiestpropose comme seuil le tournant du IIIe au IIe millénaire (HUOT,
assis sur les talons. 1990 et 2004).

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lio J. PERROT et Y. MADJIDZADEH

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milieu naturel (la montagne,
27 rue du Cherche-Midi l'eau
ressources locales, minérales75006 Paris
(chlor
France
autres) et animales (zébu) ; un hom
Tél/fax 01 45 48 26 41
désireux aussi de se surpasser, de
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pourrait symboliser le ciel (fig . li
toute distinction entre la physique
où il a reconnu de longue date, dan
54. On suivrait volontiers J. Bottéro lorsqu'il montre la religion sumé-
rienne comme « la face de la civilisation locale tournée vers le surnaturel» ;
53. PERROT et MADJIDZADEH,
elle ne constituerait pas encore un système (BOTTERO,2005
2005 : 48). : 149

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À travers l'ornementation des vases et objets en chlorite de Jiroft 1 1 1

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